La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Rappel au règlement
Sur le fondement de l'article 56, monsieur le président. Je me dois de souligner qu'il y a un vrai problème pour le bon déroulement de nos travaux. En effet, depuis la conclusion de la discussion générale, cela fait plus de vingt heures que nous siégeons et, alors que le Gouvernement s'exprime en général à hauteur de 10 % quand il présente un projet de loi, il s'est jusqu'ici exprimé moins d'une heure, soit moins de 5 % du temps déjà écoulé… Il fuit ce débat, c'est un vrai problème. Nous n'avons pas un débat apaisé parce que le Gouvernement ne veut absolument pas s'expliquer. Je le répète : il s'est exprimé moins de 5 % du temps alors que c'est habituellement plus de 10 %.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai vérifié, mon cher collègue, le Gouvernement est normalement à plus de 10 %, y compris en deuxième lecture !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dont acte, je découvre ces statistiques que je n'avais pas. Vous souhaitez que le Gouvernement s'exprime davantage, mais il faut aussi que les débats avancent. Merci pour ce rappel au règlement.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 581 .
Simplement défendu, évidemment, en raison du temps législatif programmé, mais notre groupe souhaiterait que le Gouvernement réponde à ce que proposent nos amendements, sachant que lui n'a pas les mêmes contraintes que nous… Des contraintes qui nous ont été imposées de manière inique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
Cette série d'amendements a reçu un avis défavorable en commission spéciale. En effet, ils sont satisfaits par l'article L. 2141-11 du code de la santé publique, qui organise déjà les conditions de conservation des ovocytes pour des raisons médicales. Le dispositif proposé dans cet article a un autre objet, à savoir la lutte contre les conséquences de l'infertilité éventuelle, y compris en l'absence de pathologie.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Défavorable puisque l'information des personnes qui s'engagent dans le parcours d'autoconservation de gamètes leur aura déjà été fournie. Il n'est donc pas nécessaire d'en prévoir de supplémentaires.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Défavorable. Je tiens à rappeler qu'il est déjà prévu que l'équipe clinicobiologique comporte des experts en psychologie. Toute complexification excessive du dispositif le rendrait beaucoup trop rigide et particulièrement dissuasif.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1201 .
La parole est à M. Jean-Louis Touraine pour soutenir son amendement no 2193 et donner, en tant que rapporteur, l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements identiques.
La commission a émis un avis défavorable mais, personnellement, je comprends les motivations des auteurs des quatre amendements identiques aux miens. Je m'en remets donc, pour ce qui me concerne, à la sagesse de l'Assemblée.
On voudrait écouter le secrétaire d'État car la sagesse du rapporteur nous inquiète !
Sourires.
Messieurs les députés, …
… vous proposez de supprimer la possibilité d'une autoconservation ovocytaire à l'occasion d'une ponction réalisée pendant une procédure d'AMP – assistance médicale à la procréation. Les diverses raisons qui le justifieraient ne font pas l'unanimité au sein du Gouvernement mais, pour des raisons déjà exposées lors de l'examen de l'article 1er, l'avis est favorable à la suppression de l'alinéa 12.
L'amendement no 662 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 719 .
Cet amendement a pour objectif de rétablir une égalité entre l'ensemble des établissements susceptibles de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes en incluant dans le dispositif les centres privés à but lucratif. Ces derniers ont actuellement des agréments délivrés par les agences régionales de santé lorsqu'ils pratiquent des actes liés à la PMA – procréation médicalement assistée – , y compris l'utilisation des gamètes, et ils réalisent plus de 60 % des fécondations in vitro sous prescription médicale.
Je rappelle qu'ils appliquent des tarifs conventionnés, donc sans dépassement d'honoraires. Aujourd'hui, il y a une rupture d'égalité sur le territoire parce que le maillage des centres de PMA est inégalement réparti, ce qui a bien sûr des conséquences importantes pour les couples, d'autant plus qu'en fonction des capacités financières, nombre de PMA sont réalisées à l'étranger alors que les exigences ne sont pas les mêmes qu'en France. Cela fait évidemment courir des risques aux femmes, alors même que les centres privés à but lucratif pourraient les accueillir dans de très bonnes conditions.
J'ai rencontré différents chefs de service de centres PMA, du public comme du privé, à but lucratif ou non, et que ce soit la polyclinique de l'Atlantique ou le CHU de ma circonscription, tous me demandent la possibilité pour l'ensemble des centres privés de procéder à l'autoconservation des gamètes, ce qu'ont corroboré les auditions en commission spéciale. Je vous demande, mes chers collègues, de bien prendre en compte les remontées du terrain quand vous allez voter.
Je comprends tout à fait votre intention de combler les carences dans certaines parties du territoire. L'extension du prélèvement, du recueil et de la conservation des gamètes aux établissements privés à but lucratif dotés d'une mission de service public permettrait en effet d'améliorer les choses. Cependant, ma chère collègue, vous comprenez que l'objectif n'est pas d'organiser une concurrence entre les établissements.
J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire d'en prévoir de nouveaux là où il en existe déjà. Aussi, je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui aux termes duquel l'autorisation, pour un établissement, de procéder à ces techniques ne sera donnée que dans les zones où, de l'avis des directeurs d'ARS, les femmes rencontrent de vraies difficultés pour accéder à ce service. Si vous en êtes d'accord, partageons le message suivant : ne pas exclure les établissements privés, y compris à but lucratif, mais sous le contrôle des ARS et en s'assurant qu'il s'agit bien de l'exercice d'une mission de service public, c'est-à-dire sans dépassement d'honoraires.
Je m'inscris dans les pas du rapporteur. Si la mesure permettant l'autoconservation des gamètes est proposée par le Gouvernement, il n'a jamais été question de mener des campagnes en ce sens. Notre pays n'est pas confronté à un déficit d'offre et il n'y a donc nul besoin d'augmenter le nombre d'établissements autorisés, d'autant plus que cela pourrait créer une concurrence inopportune. Le Gouvernement ne souhaite pas, par conséquent, généraliser l'accès des établissements privés à but lucratif à cette nouvelle activité.
Pour autant, j'entends bien, madame la députée, que l'absence d'établissement public ou privé à but non lucratif, notamment dans certains territoires ultramarins, peut empêcher l'accès des femmes à l'autoconservation. Il y a donc une réelle inégalité d'accès en fonction des territoires, ce qui n'est pas acceptable. Cela pourra être réglé en fonction d'autorisations délivrées à titre exceptionnel et non systématique pour des établissements privés à but lucratif – il s'agira notamment d'éviter les logiques de concurrence potentielle dénoncées par le rapporteur. C'est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement au profit des amendements identiques nos 2171 déposé à titre personnel par M. le rapporteur et 2196 de M. Raphaël Gérard, qui feront tous deux l'objet d'un sous-amendement de Mme Vanceunbrock.
Les centres à but lucratif qui pratiquent l'autoconservation dans le cadre d'une prescription médicale sont soumis à un agrément de l'ARS. Ils font l'objet d'une surveillance qui prémunit contre les risques de dérive.
Le déficit d'offre sur le territoire métropolitain contraint les couples à attendre cinq ans avant de pouvoir pratiquer une PMA. En l'absence de prescription médicale, ceux-ci doivent se rendre à l'étranger pour obtenir l'autoconservation des gamètes.
Il ne s'agit pas d'introduire de la concurrence, mais d'éviter un déplacement à l'étranger et de donner la possibilité à tous les couples d'assurer la conservation des gamètes. Conformément à la demande du rapporteur en commission, l'amendement précise que les établissements sont dotés d'une mission de service public. Je maintiens donc mon amendement.
Cet amendement témoigne d'une confusion profonde.
Les centres privés effectuent déjà la conservation de gamètes, en cas de PMA, au sein du couple. Le cas visé par l'amendement est différent : il s'agit d'une autoconservation de précaution, sans raison médicale. Si les centres privés sont autorisés à effectuer une telle opération, l'incitation à y recourir n'en sera que plus forte – ne soyons pas dupes.
L'amendement à venir du rapporteur, identique à un autre de M. Gérard, ne me satisfait pas non plus. La conservation de gamètes, surtout dans un contexte de pénurie, ne peut pas être opérée par des centres à but lucratif.
L'amendement no 719 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jacques Marilossian, pour soutenir l'amendement no 970 .
L'amendement, qui vise à supprimer les mots : « lorsqu'ils y ont été autorisés » à l'alinéa 14, est le fruit d'une réflexion avec de nombreux médecins des Hauts-de-Seine. Plusieurs d'entre eux m'ont en effet alerté sur le fait que certains de leurs patients, notamment ceux atteints de pathologies graves telles que le cancer, ne peuvent pas déposer des gamètes dans un établissement à but non lucratif situé près de chez eux dès lors que celui-ci ne bénéficie pas d'une autorisation spéciale délivrée par la Haute Autorité de santé.
Une telle contrainte est lourde pour les patients qui doivent alors chercher un autre établissement disposant de ladite autorisation qui peut se trouver à l'autre bout du département.
Cela représente à la fois une complication administrative anormale mais aussi une source d'anxiété supplémentaire pour les patients – je pense notamment à ceux qui doivent subir une chimiothérapie. Il faut se mettre à leur place, c'est très compliqué.
Cette difficulté n'est certainement pas spécifique aux Hauts-de-Seine ; elle concerne tous les départements de métropole et d'outre-mer.
Par cet amendement je propose donc de supprimer l'autorisation afin de permettre le dépôt des gamètes dans tous les établissements privés non lucratifs.
Je comprends votre souci. Néanmoins, le directeur de l'ARS accorde l'autorisation en se fondant sur deux critères : le besoin de proximité dans le territoire mais aussi la qualité de l'établissement – l'expertise, les équipements – afin de s'assurer que les actes seront effectués dans des conditions optimales. On ne peut pas retirer impunément l'obligation d'autorisation, sinon à risquer de dégrader la qualité.
Je vous propose d'adopter plutôt la solution prévue par mon amendement, consistant à autoriser des établissements privés à but lucratif à pratiquer les actes, établissements qui resteront sous le contrôle de l'ARS et dans lesquels les dépassements d'honoraires seront proscrits afin de garantir un service rendu identique. Je demande donc le retrait de votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
J'entends la nécessité d'assurer un maillage territorial permettant aux couples d'accéder aux techniques sans difficultés. Pour autant, comme l'a indiqué le rapporteur, il convient d'assurer aux femmes un environnement de qualité, ce que permet la procédure d'autorisation.
Je demande donc le retrait au profit de l'amendement no 2171 ; à défaut avis défavorable.
L'amendement no 970 est retiré.
L'amendement tend à imposer que les gamètes soient conservés dans un établissement situé en France.
La logique du texte aboutira à la création d'un marché de la procréation, qui suscite des appétits financiers importants. Il importe donc d'éviter le tourisme procréatif entre les pays.
C'est la raison pour laquelle l'amendement prévoit de restreindre la conservation des gamètes au territoire national et, ainsi, de limiter les mouvements internationaux et le business qui les accompagne.
Ces amendements sont tellement essentiels qu'ils sont déjà satisfaits. La loi française prévoit déjà, en effet, que les prélèvements et les produits conservés doivent rester dans les laboratoires français équipés à cet effet.
Les prélèvements ne peuvent pas être extraits, à la demande de la personne, de ces laboratoires, à moins de disposer d'une autorisation, qui est très rarement accordée, et uniquement après s'être assuré que les conditions éthiques de l'opération respectent strictement la législation française.
Vous pouvez donc être rassurés. Je partage votre inquiétude récurrente quant au risque de dérive commerciale ou de marchandisation. La France est certainement l'un des pays au monde qui se protège le plus contre une telle dérive. Des pays voisins y sont déjà confrontés, donc vous avez raison de vous en préoccuper mais, je le répète, la loi y répond déjà. Les législateurs qui nous ont précédés en matière de bioéthique ont pris la précaution d'interdire le transfert des produits conservés vers des pays dans lesquels les règles éthiques sont moins rigoureuses que chez nous.
Je souscris entièrement aux propos du rapporteur.
Dans le cas particulier du déménagement à l'étranger, le transfert de gamètes peut être autorisé mais il est soumis à des conditions très strictes, prévues par l'article L. 2141-11-1 du code de la santé publique. Une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine est ainsi requise.
Avis défavorable.
Quel texte de notre législation impose la conservation en France ? Alors que des pays voisins connaissent des dérives marchandes scandaleuses, pouvez-vous nous assurer que la libre circulation dans l'espace européen ne s'applique pas aux produits dont nous parlons ?
Mais non !
Les agences régionales de santé sont chargées de faire respecter les dispositions du code de la santé publique. Les règles applicables aux gamètes et aux autres produits du corps humain sont codifiées. Le transfert de ceux-ci à la demande des personnes n'est pas autorisé. Il peut l'être à titre exceptionnel, après une analyse…
… permettant de vérifier que les lieux où les produits seront utilisés respectent les règles qui s'appliquent en France. C'est donc là une garantie. Vous voudriez ceinture et bretelles, je le sais bien, mais nous disposons déjà des deux.
Aux termes de l'article L. 2141-11-1 précité, « l'importation et l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine ».
Le transfert à l'étranger est donc soumis à un régime d'autorisation, certes, mais le principe est donc bien de permettre un tel transfert. Nous souhaitons, à l'inverse, le rendre impossible, pour ne l'admettre que dans des cas exceptionnels et tout à fait justifiés, tels que le déménagement.
Le régime actuel donne la possibilité d'effectuer le transfert. Or, si le texte devait par malheur être adopté, il en résulterait des pressions de plus en plus fortes en faveur du développement du business de la procréation.
L'Agence de la biomédecine et les agences régionales de santé sont soumises à la loi française. Elles ne peuvent pas donner une autorisation qui s'y soustrairait.
Il est heureux que l'autorisation puisse être accordée dans certains cas : elle permet à des personnes qui ont déménagé en Belgique, en Allemagne, ou au Royaume-Uni de poursuivre leur vie. Dans ces cas-là, on s'est assuré que l'utilisation des produits obéirait aux conditions strictes de la loi et de l'éthique françaises.
L'amendement vise à apporter une solution au problème déjà évoqué des inégalités territoriales, qui privent les femmes, dans certains territoires de la métropole et plus encore en outre-mer, d'un accès aisé au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes.
Ce problème nous préoccupe tous, et plusieurs amendements ont déjà tenté d'y répondre. Le mien vise à étendre aux établissements privés à but lucratif la possibilité de pratiquer une telle activité lorsque la carence a été constatée par les ARS. Cette possibilité ne serait octroyée qu'en l'absence d'établissement public ou privé à but non lucratif. Elle concerne des zones circonscrites, moins urbaines, dans lesquelles des carences doivent être comblées – les régions parisienne, lyonnaise et marseillaise, par exemple, ne sont pas visées compte tenu de la présence d'établissements publics.
En commission spéciale, l'amendement avait été repoussé. J'ai donc réfléchi à une solution susceptible de répondre à l'argumentation qui m'avait été opposée.
Cette solution consiste à garantir que la pratique des établissements privés à but lucratif ne diffère pas ce celle qui prévaut dans les établissements publics – en particulier, qu'ils n'appliquent ni coûts supplémentaires ni dépassements d'honoraires : en définitive, l'établissement privé rendrait une mission de service public. Je vous invite donc à adopter le sous-amendement de Mme Vanceunebrock, qui complète cet amendement ayant recueilli un avis défavorable de la commission spéciale : cela permettrait de répondre à l'ensemble des préoccupations exprimées.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock, pour soutenir l'amendement no 2196 .
Il a été rédigé par Raphaël Gérard, pour qui j'ai une pensée toute particulière. Nous le défendons collectivement, avec plusieurs de mes collègues membres de la délégation aux outre-mer.
Le projet de loi prévoit que seuls les établissements de santé publics et les établissements ou organismes privés à but non lucratifs peuvent pratiquer des activités de prélèvement, de recueil et de conservation des gamètes. Or cette disposition est de nature à priver les couples et les femmes vivant dans les outre-mer de l'accès à la PMA. En effet, il n'existe de CECOS – centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain – qu'à La Réunion, et les difficultés des CHU aux Antilles et en Guyane rendent peu probable l'ouverture à moyen terme de CECOS dans ces territoires. La question de l'égal accès à cette pratique médicale pour l'ensemble des citoyens est donc majeure et il est primordial de pallier les lacunes actuelles.
Par ailleurs, les associations font état des difficultés rencontrées par les afro-descendants pour accéder à la PMA en raison des pratiques relatives à l'appariement des caractéristiques physiques, le nombre de donneurs afro-descendants étant actuellement très faible.
L'amendement vise donc à autoriser, dans les départements où les activités cliniques et biologiques d'AMP relatives aux gamètes en vue de don ne sont pas déjà assurées par un établissement de santé public ou privé à but non lucratif, les établissements de santé à but lucratif à pratiquer ces activités. Cette ouverture resterait très encadrée, puisque l'autorisation serait contrôlée par le directeur général de l'ARS et serait accordée selon le besoin constaté à l'échelle locale.
Vous avez déposé, chère collègue, un sous-amendement aux amendements identiques précédemment défendus. Dans la mesure où un député ne peut pas sous-amender son propre amendement, je vous suggère, si vous souhaitez défendre le sous-amendement, de retirer votre amendement.
L'amendement no 2196 est retiré.
Vous avez à nouveau la parole, Mme Vanceunebrock, pour soutenir le sous-amendement no 2289 .
L'ouverture au secteur privé à but lucratif de l'activité de prélèvement des gamètes voués à l'autoconservation intervient en cas de carence de l'offre du service public, mais elle ne doit pas conduire à des inégalités d'accès pour les candidats à l'autoconservation. Il est donc nécessaire de prévoir que les établissements ainsi autorisés et les médecins qui y exercent appliquent les tarifs opposables pour les prestations prises en charge par l'assurance maladie, s'agissant en particulier des actes de prélèvement.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement restant en discussion et sur le sous-amendement ?
Le sous-amendement n'a pas été examiné par la commission spéciale, même si j'y suis très favorable à titre personnel. S'agissant de l'amendement lui-même, la commission avait émis un avis défavorable, mais il a depuis été modifié. M. le secrétaire d'État pourra en revanche se prononcer sur l'amendement sous-amendé.
Je tiens d'abord à réaffirmer que le Gouvernement est hostile à une ouverture généralisée de l'activité de prélèvement de gamètes aux établissements privés à but lucratif, pour les raisons que j'ai exposées précédemment, notamment lorsqu'une offre publique existe.
Pour autant, comme cela a été évoqué à l'instant, certains territoires, en particulier les outre-mer, se caractérisent par une absence d'offre qui rend difficile, voire impossible, l'accès à l'autoconservation des gamètes pour certaines femmes et pour certains couples de femmes. Face à cette inégalité territoriale subie par certains de nos concitoyens en outre-mer, l'amendement du rapporteur permet d'offrir, de façon ciblée, cette possibilité aux femmes concernées, moyennant un encadrement pour éviter les dépassements d'honoraires, comme le propose Mme Vanceunebrock à travers son sous-amendement.
Dans ces conditions – des autorisations réservées aux départements où un déficit d'offre est constaté, dans le respect de règles strictes et avec un encadrement des dépassements d'honoraires – , le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement ayant été sous-amendé, la commission spéciale n'a pas pu se prononcer sur sa nouvelle rédaction. Sa position consistait à réserver cette activité au secteur public. Je ne peux pas me prononcer au nom de la commission mais, à titre personnel et à la lumière des explications apportées par M. le secrétaire d'État, j'estime qu'on peut éventuellement considérer que, dans les territoires où ce service n'est pas rendu à la population, l'ouverture de cette activité au secteur privé peut être envisagée. Je tiens toutefois à souligner que la crainte d'une dérive vers la marchandisation est réelle et que nous devons nous en préserver.
Il faut donc vraiment que les choses soient extrêmement bien encadrées pour que nous ne tombions pas dans cette dérive.
Cette question a fait l'objet de débats nourris en commission spéciale, dont les membres ont majoritairement exprimé une opposition forte à ce que le secteur privé à but lucratif puisse se charger de ce type d'actes.
Je ne suis pas présidente ni vice-présidente de la commission spéciale, mais, pour en être membre depuis un an, je peux dire que, lors de nos différents débats, c'est toujours cette position qui est ressortie. Je m'étonne d'ailleurs que le Gouvernement, qui, depuis le début de l'examen du texte en deuxième lecture, tient fermement à en conserver la première mouture, explique aujourd'hui qu'il faudrait, par pragmatisme – puisque c'est un terme que la majorité affectionne – , accepter une telle modification.
Pour ma part, je vois dans ce pragmatisme un renoncement devant les inégalités territoriales, lesquelles sont malheureusement très prégnantes dans le secteur de la santé. J'entends dire que, parce que le recueil et le prélèvement de gamètes par des établissements publics seraient impossibles dans certains territoires, nous devrions autoriser le secteur privé à but lucratif à opérer dans ce domaine. Vous prévoyez bien sûr des encadrements – encore heureux ! – , mais il me semble absolument inacceptable que, face à ces inégalités, nous renoncions, en tant que puissance publique, à affirmer avec force la volonté républicaine d'égalité d'accès aux soins assurés par le service public. Voilà le message que nous devrions entendre de la part des représentants du peuple et du Gouvernement !
Je ne puis me résoudre à ce que, sous couvert de pragmatisme, nous acceptions ce renoncement. S'il y a bien entendu des départements dans lesquels aucune offre de service publique n'existe – l'amendement vise les cas dans lesquels « aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n'assure cette activité » – , il en est d'autres où cette offre existe, mais peine à répondre à une demande extrêmement forte. Vous venez comme moi des Hauts-de-Seine, monsieur le secrétaire d'État : vous savez que les files d'attente pour être pris en charge par le secteur public y sont extrêmement longues.
Nous n'avons d'ailleurs pas suffisamment saisi l'occasion, au cours de l'examen du projet de loi, de faire état de la réalité du secteur public en matière de procréation et de traitement de l'infertilité. L'accès à ces soins demande des mois et des mois d'attente, ce qui, pour une femme de 41 ans, qui ne peut pas attendre un ou deux ans supplémentaires, constitue un réel problème. Nous nous apprêtons à ouvrir la PMA à toutes les femmes, mais il faudra également nous assurer de l'effectivité de cette mesure. Comment le ferons-nous ? En garantissant un service public fort, qui veillera à son application.
Je vois l'amendement proposé comme un renoncement, auquel je ne puis me résoudre.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La grandeur de la France réside dans celle de son service public. Depuis trois ans, il apparaît que le système de soins français, pourtant très bon, doit être repensé. Nous défendons la stratégie « ma santé 2022 » à travers la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, que nous avons complétée par le Ségur de la santé. Il est de notre responsabilité d'assurer l'accès aux soins aux Français, qu'ils habitent dans l'hexagone ou en outre-mer.
À mon sens, prétendre encadrer le don de gamètes tout en y adossant le terme « lucratif » n'est pas acceptable. Si je viens du monde libéral, j'ai toujours travaillé avec le secteur public – j'ai grandi à travers lui et je sais ce que je lui dois. Je suis de l'école laïque et républicaine.
Notre volonté sincère, en tant que législateurs, est de développer l'activité des centres d'accueil des personnes souhaitant conserver leurs gamètes, mais ces derniers doivent rester publics et à but non lucratif. Tel est l'esprit de la loi : y renoncer constituerait un glissement éthique.
La finalité de l'amendement consiste à proposer une solution médicale en l'absence d'alternative. Mais cette absence d'offre publique, il nous revient de la résoudre ! Nous sommes le législateur, nous représentons la France et la nation.
N'acceptons pas ce glissement en faveur des établissements à but lucratif, même si je reconnais la qualité du service privé. J'en appelle à vos consciences : les termes « lucratif » et « don » sont antinomiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
J'entends dans les propos qui viennent d'être tenus une peur très forte du secteur privé. Rappelons-nous pourtant qu'on l'a sollicité, il y a quelques mois, pour ouvrir des lits pendant l'épidémie.
N'opposons pas les établissements publics et privés : ils sont complémentaires et nous devons pouvoir compter également sur le secteur privé. On explique qu'il n'y aurait pas de pénurie d'offre publique en métropole. Mais des délais de deux, voire cinq ans d'attente, qui imposent à des Français de se rendre à l'étranger pour accéder à l'autoconservation de leurs gamètes sont-ils acceptables ? Ne devrions-nous pas conserver ces compétences sur le territoire français et prendre en charge ces personnes, en ouvrant cette activité à de nouveaux centres afin que notre société accepte mieux cette démarche ?
Vous évoquez des craintes vis-à-vis des établissements privés. Il faut pourtant garder à l'esprit qu'ils pratiquent déjà des actes relatifs au don de gamètes, sur prescription médicale. Ils doivent pour ce faire obtenir un agrément de l'ARS, qui peut leur être retiré au moindre doute. Je m'étonne donc de la peur qui s'exprime et de votre refus de laisser le secteur privé participer à absorber la demande, car le secteur public seul ne peut pas tout. Les responsables des établissements publics demandent d'ailleurs que le secteur privé soit associé à leur action.
Nos lois de bioéthique disposent que les organismes à but non lucratif ont le monopole de la collecte, de la conservation et de l'attribution des éléments du corps humain – sans quoi nous ouvririons la voie, à l'avenir, à des demandes portant sur d'autres types de tissus ou d'éléments du corps humain, avec les dérives incitatives que chacun connaît.
En adoptant cet amendement, vous franchiriez à nouveau une ligne rouge vers la marchandisation du corps humain. Or, en matière de bioéthique, on l'a vu : les dérogations sont des portes ouvertes vers la généralisation.
Mme Buzyn s'y était opposée, évoquant même la nécessité d'instaurer des garde-fous. Là encore, vous prenez le risque d'empirer le projet.
Le sujet dont nous parlons est très grave. Nous pouvons entendre les désirs et les besoins des uns et des autres. Cependant, nous avons aussi eu des échanges avec les CECOS. Or, sur de telles questions, il me semble très important de pouvoir prendre en considération la parole des professionnels qui travaillent déjà dans ce champ et disposent d'une expertise. Actuellement, les besoins en matière de conservation de gamètes sont couverts et ils pourront l'être encore davantage à travers des collaborations.
L'ouverture au secteur privé de cette activité comporte un risque majeur car, à un moment ou à un autre, cela donnera lieu à une lutte économique. À quelle échéance ? Je ne peux pas vous le dire. Mais cela se produira forcément car les enjeux financiers sont très importants s'agissant de la PMA.
D'autre part, nous ouvrons, avec ce projet de loi, la possibilité, pour de nombreux couples, de prétendre à la PMA. Face à l'accroissement de la demande qui en découlera, l'offre devra être garantie par le service public. Nous défendons tous ici l'idée qu'il y va de sa responsabilité. Le rôle du secteur privé n'est pas de pallier les carences du secteur public.
Je vous demande vraiment d'être plus que vigilants quant au risque que nous prendrions en ouvrant cette activité au privé, donc en favorisant la marchandisation. Cela n'est pas bénin, quand bien même on s'appuie sur des établissements tels que les ARS. Il est certain que, à moyen ou à long terme, nous serons confrontés aux problèmes qui se posent déjà dans d'autres pays.
Je comprends tout à fait les propos tenus par Mme Faucillon et M. Delatte concernant le rôle de la République, et en particulier du service public qui doit être rendu à toutes les femmes qui auront bientôt à accès à la PMA.
Cependant, alors que nous avons déjà pris un retard colossal sur ce projet de loi, les Françaises d'outre-mer doivent-elles encore attendre des années avant de pouvoir bénéficier d'une PMA à cause de la lourdeur et de la lenteur administratives ? Je m'interroge. Je suis tout à fait d'accord – comme chacun ici, je pense – avec Mme Faucillon et avec M. Delatte pour dire qu'il revient au service public de proposer cette activité. Le problème, c'est que dans certains territoires, notamment d'outre-mer, aucun service public n'est apte à répondre à la demande des femmes. Dès lors, que faisons-nous ?
Le marché de l'AMP représente des milliards d'euros dans le monde : c'est ce que dénonce Olivia Sarton dans un petit livre dont je vous recommande la lecture. Monsieur le rapporteur, vous nous dites qu'en France ce problème n'existe pas car notre dispositif éthique nous protège de l'apparition d'un tel marché.
Mais savez-vous, mesdames et messieurs les députés, que les 5 et 6 septembre prochains, à l'espace Champerret, chez nous, en France, se tient un événement national sur l'infertilité intitulé « Désir d'enfant » ? Le site internet qui en assure la promotion annonce une conférence proposée par une banque de gamètes, une autre par le World center of baby, le Centre mondial du bébé, qui n'est autre qu'une usine ukrainienne de mères porteuses.
J'avais déposé un amendement à l'article 1er pour empêcher ces graves entorses à notre modèle éthique et rappeler nos principes essentiels : l'AMP ne peut être organisée comme un commerce ; le don et l'utilisation du corps et de ses produits ne peuvent donner lieu à rémunération ; la vente d'embryons, fût-ce sur catalogue et en état futur d'achèvement, est interdite et pénalement sanctionnée. Vous avez retoqué mon amendement, le déclarant irrecevable, ce qui est incompréhensible.
J'ai écrit au garde des sceaux au sujet de cette manifestation et je n'ai reçu aucune réponse ! Cela concerne pourtant la GPA, qui est interdite en France !
Depuis le début de ce débat, nous ne cessons de dénoncer différentes dérives liées à la logique libérale-libertaire de ce projet de loi. Certaines dispositions du texte vont au bout de cette logique, d'autres dénotent quelques hésitations, lesquelles ne sont cependant que passagères. Il existe un vrai risque de dérive à partir du moment où le désir insistant des familles – que l'on peut comprendre – donne lieu à des offres, donc à un marché, à de l'argent, à du business. Et dès lors que des sommes d'argent considérables sont en jeu, des lobbies apparaissent. Ceux-ci s'expriment ici à visage découvert, comme on le voit parfaitement ce matin.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Maxime Minot proteste également.
Oui, je le redis très clairement : des lobbies s'expriment ici, à visage totalement découvert.
Nous posons des questions, nous faisons part de certains risques. Mme Genevard a évoqué un événement très dangereux. Le tolérerons-nous ? L'interdirons-nous ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
Sur bien des sujets, le débat opposant le public et le privé pourrait nous sembler plutôt obsolète dans une économie ouverte, il faut bien le reconnaître. Cependant, dans le cadre d'une discussion portant sur des lois relatives à la bioéthique, sur la procréation médicalement assistée, il prend une tournure très singulière. Nous voyons bien que l'AMP constitue un véritable marché.
Tous nos débats démontrent le risque élevé, pour ne pas dire avéré, de marchandisation des corps. Croyez-vous vraiment que vous pourrez endiguer le marché, stopper à nos frontières des multinationales, des entreprises étrangères qui n'ont que faire des frontières administratives et des États, préférant emprunter bien d'autres canaux, notamment grâce à internet ? Croyez-vous vraiment que nous pourrons lutter contre ce phénomène ? Ce n'est pas sérieux. Une expression en anglais résume tout cela : « Business as usual ». Le commerce, comme d'habitude : c'est bien à cette conclusion que nous mène votre projet.
M. Xavier Breton et M. Marc Le Fur applaudissent.
Je tiens à saluer l'avancée proposée par l'amendement du rapporteur Touraine et par le sous-amendement de notre collègue Vanceunebrock, que je soutiendrai l'un et l'autre.
Quand on examine la typologie des établissements médicaux sur le territoire national, on s'aperçoit qu'il existe non seulement des établissements publics et des établissements privés à but non lucratif, mais aussi des établissements privés à but lucratif, lesquels sont conventionnés, effectuent des interventions médicales et chirurgicales et prescrivent des traitements, bref, participent de manière pleine et entière à l'offre de soins. Or je n'ai jamais entendu de vos bouches, les mots de « lobbies », de « business » ou encore de « techniques d'approche agressive » à leur propos. Je suis donc particulièrement étonné de cette levée de boucliers concernant des établissements qui proposent déjà la conservation de gamètes et contribuent, pour une large part, au parcours de l'aide médicale à la procréation pour les couples hétérosexuels.
Je vous appelle enfin, chers collègues, non pas à la raison mais à une certaine retenue dans les termes employés, notamment lorsque vous pointez du doigt ce que vous nommez des lobbies…
… ou des forces commerciales obscures. Même s'il n'y a pas de mauvaise intention de votre part, sachez que, derrière ces mots, il y a des personnes qui souffrent. Et surtout – même si je ne dis pas que vous l'employez avec cette intention – ce vocabulaire renvoie à l'homophobie qui se déploie dans notre pays.
Mme Laurence Vanceunebrock applaudit. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cher Thibault Bazin, je ne vous accuse absolument pas d'une quelconque dérive homophobe. En revanche, quand j'entends parler de « lobbies » ou, comme hier soir, du 1 % qui aurait imposé sa volonté pour que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour de nos travaux, ou encore de minorités qui n'auraient pas de légitimité, j'estime que tous ces propos nourrissent l'homophobie dans notre pays.
Le devoir de la représentation nationale est de combattre l'homophobie, y compris lorsqu'elle se manifeste par l'emploi de certains vocables, aussi bien hors de ces murs que dans l'enceinte de l'hémicycle. En prononçant ces mots, j'ai une pensée pour particulière pour David et son conjoint, victimes d'une agression homophobe en bande qui s'est déroulée le 21 juillet dans le XIe arrondissement de la capitale. S'il vous plaît, chers collègues, faites donc preuve d'un peu de retenue lorsque vous choisissez vos mots.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous avoue être un peu surprise par ce débat un tout petit peu caricatural à propos du privé en France. Nous parlons d'établissements dans lesquels des soins sont pratiqués de façon régulière, par des médecins qui ont prêté le même serment que les autres. Je ne comprends pas comment vous pouvez oser les accuser de céder à une dérive commerciale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'admets que vous nourrissiez des inquiétudes concernant ce qui peut se produire hors de nos frontières, mais nous parlons ici de la situation en France. Tous les médecins, dans notre pays, partagent une même éthique, qu'ils exercent dans le privé ou dans le public. Il n'est pas possible de remettre cela en cause.
Il me semble que cet amendement et ce sous-amendement proposent des avancées, que le champ est restreint, bordé et que nous aboutissons à un compromis qui permet de recourir au privé au cas où, dans un département, aucun établissement public ou privé non lucratif ne pourrait assurer ce service. Il ne s'agit que de cela. Vous savez tout de même qu'en France – c'est en tout cas ce que je constate dans mon département – les établissements privés absorbent en général environ 40 % des soins que le public ne peut assumer. Heureusement qu'ils sont là, par exemple dans des situations de crise.
Je ne m'écarte pas du sujet puisque nous parlons de départements dans lesquels cette activité ne pourrait être assurée par un établissement public ou privé non lucratif.
L'AMP est possible dans les établissements privés. La question dont nous parlons, c'est celle de la conservation !
Dans la mesure où nous nous situons strictement dans ce champ, il ne s'agit pas d'un élargissement global. Pour ma part, je voterai l'amendement et le sous-amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il n'est absolument pas question, en tout cas à mes yeux, de remettre en cause le rôle du secteur privé – dont ma collègue Dubost a très bien parlé – , ni la compétence des médecins qui y exercent et ont prêté serment. Personne ici ne souhaite remettre cela en cause.
Un débat oppose toutes celles et tous ceux qui, ayant voté l'article 1er, souhaitent sincèrement que toutes les femmes aient accès à la PMA et qui, en votant l'article 2, souhaitent aussi qu'elles aient accès à l'autoconservation des ovocytes. La question qui se pose est celle de la manière dont on garantit cet accès égal sur tout le territoire. Deux points de vue se confrontent : pour certains collègues, si le service public n'est pas en mesure de répondre à la demande dans certains départements, l'ouverture au privé, y compris à but lucratif, est nécessaire. D'autres, comme Mme Faucillon ou M. Delatte, que je rejoins, s'interrogent : comment, dès lors que nous procédons à cette ouverture au privé, pouvons-nous garantir que demain, nous donnerons au secteur public les moyens de répondre à la demande – car c'est bien à lui d'y répondre ?
Je crois fermement à la PMA pour toutes. Je veux que l'équité territoriale soit assurée, que toutes les femmes de notre pays y aient accès dans les mêmes conditions. Or, à partir du moment où, dans certains territoires, elles devraient forcément passer par le privé à but lucratif, cet égal accès est, de fait, rompu. Je crains qu'en ayant recours à l'argument du pragmatisme immédiat, nous ne remettions demain en question l'égal accès de toutes les femmes à cette pratique. C'est la raison pour laquelle, par prudence et justement parce que je crois au texte que nous votons et à sa cohérence, je ne souhaite pas que cette activité soit élargie au privé à but lucratif. Je voterai donc contre l'amendement et le sous-amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce qui m'horrifie, ce sont les propos calomnieux tenus par nos collègues du groupe Les Républicains, selon lesquels un prétendu lobby LGBT tiendrait de fait la barre du Gouvernement. Si tel était le cas, je puis vous assurer que ce texte irait bien plus loin – comme le montre du reste le rejet régulier d'un certain nombre d'amendements.
Je déplore par ailleurs votre homophobie et votre rejet des femmes de couleur – puisque vous voulez leur interdire l'accès à la PMA.
Il ne s'agit pas de la PMA, ici, mais de l'autoconservation des gamètes !
Il ne s'agit pas de juger des qualités, des compétences d'un secteur ou de l'autre. Il est d'ailleurs possible, aujourd'hui, que le recueil des gamètes se fasse et dans le secteur public et dans le secteur privé non lucratif. Le débat ne porte pas, en fait, sur l'opposition entre privé et public mais, c'est une petite différence, sur l'opposition entre le caractère non lucratif et le caractère lucratif du secteur privé. L'amendement et le sous-amendement visent à autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à prélever, recueillir et conserver les gamètes, dès lors qu'un établissement public ou un établissement privé à but non lucratif ne pourrait le faire.
On voit bien qu'on met là le doigt dans l'engrenage consistant à confier au secteur privé à but lucratif, dans certains territoires – ainsi que l'a relevé notre collègue Delatte – , des missions, des actes relatifs à la procréation. C'est un glissement éthique considérable, peut-être pas aux yeux de tous mais aux nôtres, un glissement qui risque d'entraîner d'autres autorisations de ce type, donc une dérégulation. Nous connaissons tous ce phénomène au terme duquel, dans certaines villes – et c'est particulièrement le cas dans mon département des Hauts-de-Seine – , de très nombreux centres municipaux de santé, qui étaient des lieux pour toutes et pour tous, se sont vidés parce que s'installaient alentour des spécialistes. Ces centres municipaux sont ensuite devenus des sortes de dispensaires où ne se rendaient plus que les plus pauvres d'entre les plus pauvres, ces établissements se vidant de leurs médecins. Puis, comme par magie, le centre municipal en question finit par fermer puisque les gens vont ailleurs. Et, in fine, s'installe, 200 mètres plus loin, un très beau centre médical où sont pratiqués des dépassements d'honoraires et où, donc, ces mêmes gens très pauvres ne peuvent se rendre. Quant à ceux qui sont moins pauvres, ils doivent, pour fréquenter ce nouveau centre, rogner sur leur pouvoir d'achat.
Aussi l'idée selon laquelle nous serions attachés au secteur public par seule idéologie ne tient-elle pas. Cet attachement est dû au fait que le service public permet que s'appliquent les lois de la République. Or les lois de la République ont vocation à assurer l'égalité, la liberté et la fraternité. Et ce principe peut être mis en danger par ces glissements qui peuvent être très rapides.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe REM.
Nous sommes encore en pleine crise du covid-19. On a appelé les établissements privés à soutenir les établissements publics. À cette fin, on a demandé aux établissements privés la déprogrammation de certaines interventions chirurgicales et on a déploré, cela a été mon cas, l'insuffisance, dans ces mêmes établissements, du nombre de lits de réanimation. Allons-nous continuer encore longtemps cette guerre entre les uns et les autres ?
De quoi s'agit-il ? Et là, c'est le praticien qui s'exprime. Dans mon département, il faut faire cent kilomètres pour bénéficier d'une PMA pour cause d'infertilité. D'autres n'ont que vingt kilomètres à parcourir. Où est la justice ? La dérogation envisagée par l'amendement de Jean-Louis Touraine est à la main du directeur de l'ARS. Vous savez comment fonctionne les ARS ? Du jour au lendemain elle peut faire sauter l'agrément donné à un établissement. Quand c'est le cas, le remboursement est-il à la clé ? Jamais. Donc, franchement, quel message faisons-nous passer ?
Définissons un maillage du territoire intelligent, imposons des contraintes aux centres que l'on habilite en leur signifiant : vous devez être capables d'accueillir tel ou tel type de patients à tel moment. On peut faire figurer une telle clause dans un cahier des charges.
Ayons par ailleurs une pensée pour la France ultramarine. Certains se sont-ils penchés sur le maillage de leur territoire ? Avez-vous examiné l'injustice de la situation actuelle ? Franchement, il me semble que l'amendement encadre plutôt bien les choses. Arrêtons cette guerre entre le public et le privé qui a d'autant moins de sens que nous étions tous à applaudir, chaque jour à vingt heures, ceux qui ont lutté pour préserver la vie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.
Le débat est intéressant mais je regrette vraiment les propos de nos collègues Chiche et Vanceunebrock. Nous discutons de la place respective des secteurs public, privé non lucratif et privé lucratif et, voyant que la marche que vous avez engagée vers le business de la procréation se heurte à des résistances, vous sortez l'argument de l'homophobie et utilisez ainsi la tactique classique de l'intimidation et de la victimisation.
Assentiment sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes en train de parler de la conservation de gamètes concernant les couples de femmes, les femmes seules et les couples hommes-femmes. À aucun moment nous n'avons évoqué la sexualité des gens, à aucun moment n'a été tenu un seul propos homophobe dans l'hémicycle. Je regrette donc ces techniques qui visent à museler le débat. Nous continuerons à nous exprimer, ne vous en déplaise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
… j'y ai passé trente années de ma vie. Mais il n'est pas toujours performant et il ne délivre pas toujours des services sur l'ensemble du territoire ni la même qualité de service partout. Je comprends les risques de dérive et les craintes mais, à un moment donné, on peut aussi travailler à la complémentarité du public et du privé, et ce d'autant plus que nous allons ouvrir la PMA à toutes les femmes.
Vous avez évoqué les files d'attente. Mais comment fera-t-on demain alors qu'elles risquent d'être plus longues encore ? Ce n'est pas parce qu'on propose une offre de service complémentaire qu'on fait tout et n'importe quoi, loin de là.
Je voterai l'amendement et le sous-amendement, que je trouve particulièrement intéressants parce que, de la même manière, nous avons fait prévaloir la complémentarité du service public et du secteur privé dans le domaine de l'emploi. En effet, en 1993, on ne pouvait pas du tout faire face au nombre de sollicitations. Cette complémentarité avait alors suscité les mêmes craintes qu'aujourd'hui – or il n'y a pas eu de dérives. Le tout est de bien encadrer ce que nous ferons avec les établissements du secteur privé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Avec l'amendement et le sous-amendement, nous parvenons à un bon équilibre. Comme nous y invite notre collègue Vigier, cessons de nous battre entre partisans du public et partisans du privé, cela n'a aucun sens. L'ensemble des couples doivent avoir accès à ces techniques et la question n'est pas de savoir si le secteur qui les propose a un but lucratif ou non lucratif. Ce qu'il faut, c'est que le tarif opposable soit celui de la sécurité sociale. Arrêtons avec les dogmes, soyons pratiques pour les couples qui en ont besoin. Arrêtons donc cette guerre : cela ne sert à rien d'opposer les uns aux autres.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Le grand nombre d'interventions montre que nous débattons ici d'un sujet de fond, d'un sujet grave.
Nous sommes tous conscients de l'attente des couples et de l'attente des femmes qui pourront bénéficier de cette nouvelle offre. J'entends bien ce que dit Mme Vanceunebrock : nous n'allons pas attendre trente ans que les choses se fassent. Mais pour une question comme celle-ci, précisément, il faut prendre un peu de temps. Jusqu'à présent, la PMA était pratiquée par le secteur public et par le secteur privé non lucratif. Il ne s'agit donc pas d'opposer le public et le privé. Il faut cesser avec ça. Il s'agit ici de bien mettre en évidence ce qui ne saurait jamais relever du secteur lucratif. Quand bien même on parle d'encadrement, nous franchissons ici une étape. Les CECOS sont prêts et les négociations entamées avec le Gouvernement ont été interrompues à cause de l'épidémie de covid-19.
Malgré l'attente que nous comprenons tous, il y a une réflexion à mener de façon intense avec ceux qui connaissent les enjeux de la conservation de gamètes, laquelle touche à l'éthique. Je vous en prie : prenons le temps ; donnons au service public les moyens d'assurer sa mission, comme il le fait déjà. Je ne reviendrai pas sur le fait que les CECOS nous alertent sur la multiplicité des centres – qui n'est pas forcément un bien en soi car la qualité de l'offre ne dépend pas nécessairement de leur dispersion. Mais, j'y insiste, donnons au service public et au secteur privé non lucratif les moyens de répondre à la demande. Il suffit de les accompagner et de vouloir aller au bout de ce que nous avons voté précédemment.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Le présent débat ne concerne plus vraiment l'éthique, mais l'offre de soins et le système de santé. Ce dernier repose sur un principe d'équilibre, de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé. Il se trouve que, ici et là, il peut y avoir carence de l'offre. Or nous disposons d'une autorité d'État qui régule l'offre et veille à l'équilibre : les ARS, lesquelles délivrent les autorisations relatives aux pratiques et aux équipements sanitaires. Il s'agit ici d'assurer, pour tous et pour toutes, un accès égal à la PMA et, pour cela, de trouver un équilibre qui passe par la délivrance d'autorisations temporaires et dérogatoires.
M. Breton déplore qu'on ait employé le mot d'homophobie. Je déplore à mon tour les mots de Marc Le Fur, qui désigne certains d'entre nous comme des lobbyistes. Nous ne sommes ici que des députés défendant l'intérêt général.
Sous-entendre que plusieurs d'entre nous seraient la voix des lobbyistes, c'est offensant voire calomnieux, et cela mériterait un rappel au règlement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.
Contrairement à ce que vient de dire M. Martin, il s'agit d'un débat à caractère éthique. Il y a bien une dimension éthique à notre échange sur la conception que nous avons du service public et du secteur privé. Il n'est pas question de les opposer de manière frontale mais de rappeler et de reconnaître que leur périmètre et leurs objectifs sont différents. Le secteur privé, lucratif ou non lucratif, n'a pas les mêmes principes, les mêmes enjeux que le secteur public, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins de tous et toutes dans l'ensemble du territoire. La République veut que tous les citoyens et toutes les citoyennes aient accès à des droits, et c'est pour cela qu'on a créé le service public. Sinon, nous serions dans une société où l'entreprise privée fournirait l'essentiel des services ; c'est une autre conception de l'organisation sociale. Or, toutes et tous, nous tenons au modèle français.
Une question éthique se pose s'agissant du secteur privé lucratif : faut-il que le recueil et la conservation de gamètes fassent l'objet d'une concurrence sur le marché et de compétitions à des fins de rendement ? Il s'agit là en effet de la logique même du secteur privé marchand, et nous ne pouvons en vouloir à ses acteurs dès lors que leur objectif est, par nature, la maximalisation du profit – les choses sont différentes pour le secteur privé non lucratif et nous avons déposé des amendements pour lui assurer un traitement spécifique.
Nous pensons, pour notre part, qu'il faut extraire du secteur privé lucratif, le plus grand nombre possible de biens et de services, en particulier ceux pour lesquels se posent des questions éthiques fondamentales, à l'instar du sujet qui nous préoccupe.
Au-delà de ce qu'a très bien expliqué Elsa Faucillon, nous ne devons pas entrer dans la logique à la fois globale et idéologique qui a consisté à soustraire de plus en plus de domaines au secteur public pour les attribuer au secteur privé. Nous sommes toujours opposés à ce choix idéologique, et nous le sommes tout particulièrement dans le débat actuel. Il ne faut pas adopter cette logique de privatisation des procédures relatives à la manipulation des gamètes et du vivant. C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à l'amendement, même sous-amendé.
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Rappel au règlement
Sur le fondement de son article 65. Même s'il s'agit sans doute d'une erreur, aucun des groupes politiques de notre assemblée n'a demandé de scrutin public sur le vote de l'amendement no 2171 . Notre débat montre l'importance du sujet, et parce que nous avons affaire à un enjeu essentiel, il est nécessaire que ceux que nous représentons, le peuple de France, sachent quel a été le vote de chacun d'entre nous.
Les dix groupes politiques – peut-être onze ou douze demain – n'ont pas sollicité de scrutin public, ce qui est peut-être, nous l'assumons, une erreur. En revanche, monsieur le président, vous avez la faculté de décider un scrutin public en vertu de l'article 65 du règlement selon lequel « le vote par scrutin public est de droit sur décision du président ou sur demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond [… ] ».
Approbations sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.
Il me semblerait logique que vous agissiez en ce sens sur un sujet qui comporte des enjeux éthiques, mais aussi de véritables enjeux financiers – qu'on le veuille ou non, c'est une évidence.
Je maintiens ce que j'ai dit et, étant donné les enjeux et l'importance d'un débat qui se révèle riche et intéressant, …
… l'une des autorités en mesure de décider, aux termes de notre règlement, d'un scrutin public pourrait ici le faire. Cela vous simplifierait d'ailleurs les choses, monsieur le président, car je crains que la comptabilisation des voix ne soit pas évidente.
Monsieur Le Fur, merci d'avoir souligné la richesse de nos débats. Il n'y a pas eu de demande de scrutin public, en effet.
Je pourrais déroger aux décisions de la Conférence des présidents. Vous avez signalé que ce serait plus simple pour moi, mais je cède rarement à la simplicité, donc je vais respecter le règlement et nous en resterons là.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Article 2
Monsieur Le Fur, vous évoquez à nouveau les lobbies. Je reviens, à ce sujet, aux propos de notre collègue Breton que mes remarques et celles de Mme Vanceunebrock ont froissé.
Sourires.
Quand on emploie certains termes comme « délire » ou « fantasme » pour parler d'identité de genre ou d'orientation sexuelle ; quand vous parlez « d'envies passagères » et que vous ne cessez d'expliquer qu'il faut en rester à une filiation « vraisemblable », comme s'il existait des filiations invraisemblables ; quand des institutions ont pu écrire, comme nos débats permettent de le révéler s'agissant du CCNE – comité consultatif national d'éthique – , les mots « préférences sexuelles », comme si on choisissait son orientation sexuelle ; quand des associations, parfois même jusque dans l'enceinte de l'Assemblée nationale lorsqu'elles sont auditionnées – je pense en particulier à la Manif pour tous – , comparent des enfants nés de PMA à des légumes OGM, peut-être n'avez-vous pas l'impression de nourrir une sorte d'homophobie latente, mais il s'agit bien de mots qui font le lit de l'homophobie en France.
Mme Agnès Thill s'exclame.
Madame Thill, vous êtes bien placée pour le savoir : vous pointez carrément du doigt des lobbies LGBT à l'Assemblée nationale !
Tout cela a des conséquences lorsqu'il y a passage aux actes. Je parle d'actes de violence visant une partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Monsieur Breton, personne ne se « victimise » : quand on est victime d'une agression, on est tout simplement une victime, et on a le droit à la protection de la République, protection que nous devons garantir par la loi.
Le débat porte aussi sur l'effectivité des droits que nous votons. Nous pouvons toujours nous en tenir à des dogmes, qui prennent parfois la forme d'un despotisme idéologique, mais quel sens cela a-t-il si, au quotidien, nos concitoyens n'ont pas accès aux droits que nous leur octroyons ?
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC, GDR et FI.
L'éthique consiste aussi à permettre à tous d'avoir accès aux droits inscrits dans la loi.
Incroyable ! Avec un tel raisonnement, vous supprimez la liberté et l'égalité !
L'éthique consiste aussi à s'interroger sur le maillage territorial pour l'application d'un droit, à vérifier qu'il s'applique en toute sécurité…
Le respect du cahier des charges permettra d'accorder des autorisations ; à défaut, elles pourront être retirées. C'est le quotidien de l'offre de soins, des soignants, des hôpitaux et de l'ensemble des acteurs du système de santé français. Cela fait sa richesse et c'est son honneur…
J'ai du mal à admettre que l'on puisse mettre en cause des députés convaincus de leurs positions et sincères dans leur action sous prétexte qu'ils seraient sous l'emprise de tel ou tel lobby. Il est scandaleux et honteux d'entendre de tel propos dans notre assemblée.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Je suis heureux que M. Hammouche soit revenu au sujet qui nous occupe, à savoir sur l'amendement de M. Touraine et le sous-amendement dont il fait l'objet. Cet amendement garantit toute l'éthique nécessaire à la conservation des gamètes.
« Non ! » sur les bancs du groupe LR.
Par ailleurs, madame Obono, je ne puis laisser dire dans notre enceinte que le secteur de santé privé n'est pas éthique – c'est ce que l'on comprend quand on vous écoute, et il est impensable de tenir de tels propos ici !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Rappel au règlement
J'ai été directement mise en cause. Vous remarquerez que je ne dis rien. Être traitée d'homophobe dans l'hémicycle, alors que l'on ne dit rien, c'est tout de même un peu fort. Par ailleurs, on doit pouvoir être contre le projet de loi sans se faire traiter systématiquement d'homophobe. Personne ici n'est homophobe.
Mme Jacqueline Dubois et M. Marc Le Fur applaudissent.
Comment ça, « Si ! » ? Je vous invite à ne pas accuser d'un délit ou d'un crime ceux qui n'en ont pas commis. L'homophobie est un crime et un délit. Imputez publiquement à quelqu'un un délit pour lequel il n'a jamais été condamné, c'est porter atteinte à son honneur et à sa considération au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881.
M. Mounir Mahjoubi s'exclame.
Cela n'est pas possible ! Je ne peux pas continuer à être traitée d'homophobe, alors que je ne le suis pas !
Je n'ai jamais été condamnée à quoi que ce soit. Je n'ai jamais tenu aucun propos de ce…
Mme Thill continue de parler mais vous lui avez coupé le micro, monsieur le président !
Sourires.
Madame Thill, nous avons bien compris le sens de vos propos. J'ai essayé de vous dire que, dans le cadre d'un rappel au règlement, il fallait s'en tenir aux considérations relatives au règlement.
Brouhaha.
Article 2
Monsieur Millienne, sommes-nous contre le secteur privé lucratif ? Oui ! Cela fait trois ans que je le répète dans l'hémicycle ; vous devez le savoir. Depuis trois ans, je dénonce le fait que l'on se fasse de l'argent sur de l'être humain, le fait que les EHPAD privés lucratifs puissent gagner de l'argent et en distribuer à leurs actionnaires pour maltraiter des personnes âgées. C'est donc très librement que je puis refuser la même logique s'agissant de la PMA. Je suis parfaitement claire en la matière.
En matière de santé, de soin, et d'éthique médicale, je considère qu'on ne devrait pas viser le profit. Monsieur Millienne, les députés du groupe La France insoumise considèrent-ils qu'il n'est pas éthique de gagner de l'argent sur le soin ? La réponse est oui ! Et nous en sommes très fiers.
J'ai du mal à comprendre les collègues qui justifient l'intervention du secteur lucratif par le fait que le secteur public ne pourrait pas suivre. Si vous êtes à ce point fatalistes, j'ai une bonne nouvelle pour y remédier : votez nos amendements au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale,
Sourires
donnez les moyens au service public de supprimer les files d'attente, donnons les moyens à l'outre-mer de pratiquer les PMA, bref, votez nos amendements, c'est la solution !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Sourires sur divers bancs.
Il faut savoir gré à Mme Fiat d'avoir replacé le débat sur le sujet visé par l'amendement.
Je viens d'un territoire dont la priorité est l'accès aux soins. Bien que très attachée au service public, au sein duquel j'ai passé près de vingt ans de ma vie professionnelle, je suis pleinement rassurée par la rédaction de l'amendement, aux termes de laquelle le recours au secteur privé à but lucratif ne sera possible que « si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n'assure cette activité dans un département ».
M. Éric Bothorel applaudit.
Il faut avant tout assurer l'égalité d'accès aux soins et en finir avec les anciennes guerres intestines entre privé et public. Nous avons besoin de tout le monde, et il est essentiel d'assurer l'accès aux soins de toutes les femmes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame Bannier, vous avez raison : il faut s'occuper des territoires qui ne sont pas couverts par le service public ; la République doit être au rendez-vous. Prenons donc les bonnes dispositions pour que le service public y soit présent. C'est la seule véritable solution !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Caroline Fiat applaudit également.
C'est toute la médecine qui est éthique, pas seulement celle qui touche à la procréation. Il n'y a pas lieu, en cette matière, d'isoler une éthique particulière : l'éthique s'applique à l'ensemble des activités médicales.
S'agissant de notre système de santé en général, on demande souvent de combler le fossé entre le secteur hospitalier et la médecine libérale. M. Vigier a eu raison de rappeler que c'est la complémentarité entre les deux qui sauve la France dans les situations difficiles. On vient d'en avoir l'exemple : à l'acmé de la crise sanitaire que nous avons traversée, ni le secteur public ni le secteur privé n'ont pu, à eux seuls, gérer l'afflux des patients : ce sont les deux ensemble qui l'ont fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Je parle des cas, auxquels j'ai contribué, où des malades initialement accueillis à l'hôpital ont été transférés dans des lits de réanimation des établissements privés.
Mêmes mouvements.
Je n'accepte pas que certains malades soient privés de chances d'être soignés parce que, par idéologie, on les destine à un seul type d'établissement.
On parle de la conservation d'éléments du corps humain, sans raison médicale !
De fait, des hôpitaux publics ont reçu des médicaments provenant de cliniques, et inversement, des équipements, y compris des masques, ont été transférés de certains hôpitaux vers des services de réanimation du privé. Pour l'instant, qu'on le veuille ou non, nous n'avons pas la possibilité, dans notre pays, de supprimer par idéologie l'un ou l'autre des systèmes. De larges parts du territoire souffrent de carences dans l'accès aux soins : utilisons au moins les infrastructures qui existent !
M. Delatte a jugé utile de convoquer sa pratique personnelle. Fort de la mienne, je puis vous assurer que vous ne trouverez pas de plus ardent défenseur du secteur public que moi. Je suis président de la Fédération hospitalière de France pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, et vice-président au niveau national. J'ai travaillé près de cinquante ans dans l'hôpital public : personne ne pourra donc mettre en cause mon engagement à 200 % en sa faveur.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cependant – et peut-être parce que je travaille uniquement dans l'hôpital public et que je n'ai jamais eu la moindre activité libérale – j'écoute mes collègues et confrères, gynécologues obstétriciens des hôpitaux publics : peinant déjà à assurer l'accueil des femmes habitant à proximité, ils ne sont pas en capacité d'assurer le service pour les malades qui viennent des autres départements, dépourvus de structures d'accueil ; c'est impossible.
J'entends la vision idyllique – optimiste, mais utopique – qui consiste à dire : il n'y a qu'à créer partout des établissements publics pour assurer l'autoconservation des ovocytes.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Mais tous ceux qui connaissent cette activité savent qu'un établissement de conservation des ovocytes ne peut pas exister seul ; il doit être adossé…
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.
Ne m'interrompez pas, s'il vous plaît. Je vous ai écoutés patiemment et longuement. Il est important de faire la synthèse des arguments, et chacun se déterminera. Il n'est pas possible, compte tenu de l'organisation des hôpitaux publics français, de développer simplement un secteur public chargé de l'autoconservation des ovocytes : cette activité doit être adossée à des hôpitaux publics dont on ne peut pas multiplier le nombre à foison.
Prenez l'exemple de départements non couverts, par exemple ruraux, ou de territoires d'outre-mer tels que la Guyane qui, comme nous le rappelle l'Agence de la biomédecine, ne dispose d'aucune structure autorisée à pratiquer l'AMP, l'autoconservation des ovocytes et les autres activités dont nous parlons. Faut-il donc demander aux Guyanaises d'aller au Brésil, où les conditions éthiques sont beaucoup moins strictes et la marchandisation marche à plein ? Madame Genevard, monsieur Gosselin, si vous souhaitez que les Français n'aillent pas acheter ces services à l'étranger, favorisez-en la création en France, dans des services français, sous le contrôle des agences publiques françaises.
Le pragmatisme n'est pas un gros mot. Il est nécessaire de tenir compte du fait que des parts notables de notre territoire métropolitain et ultramarin n'offrent pas les services concernés aux femmes. Pouvons-nous accepter de maintenir cette inégalité ?
Pouvons-nous priver les femmes de l'accès à ces soins ? La seule solution, compte tenu de l'organisation du système des hôpitaux publics – qui n'iront jamais créer un petit centre public, en Guyane ou ailleurs, pour pratiquer l'autoconservation des ovocytes – , consiste à…
… demander aux agences régionales de santé, qui dépendent du ministère des solidarités et de la santé, de confier cette activité à des établissements privés qu'elles contrôleront de façon rigoureuse pour vérifier l'absence de dépassement d'honoraires. Les établissements privés exerceront en l'occurrence une mission de service public : l'autoconservation des ovocytes s'y pratiquera exactement de la même façon que dans un hôpital public, sans marchandisation ni achat d'aucune sorte. Dans ces conditions, je pense que nous devrions écouter nos concitoyennes qui, pour l'instant, sont écartées de l'accès à cette pratique.
Les faits que j'ai mentionnés sont corroborés par l'Agence de la biomédecine et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français qui, tous, s'accordent à dire qu'ils ne seront pas en mesure d'assurer le service si nous n'acceptons pas de confier cette mission de service public aux établissements privés.
Je voudrais également rappeler, à la suite de Mme Dubost, qu'il est un peu injurieux pour les médecins français de suggérer que certains d'entre eux seraient respectueux de l'éthique médicale alors que d'autres ne le seraient pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe LaREM et MODEM.
Nous ne parlons pas des médecins, mais des actionnaires des établissements privés !
Nous n'avons rien contre la médecine libérale ! En l'occurrence, on parle de la conservation des ovocytes !
Ce sont eux qui voient les patientes et c'est à eux que nous demanderons de ne pas pratiquer de dépassement d'honoraires s'agissant de l'autoconservation des ovocytes.
Je veux saluer la richesse des débats et vous en remercier. L'ensemble des arguments pour et contre ces dispositions ont été exprimés.
Je regrette uniquement que ces débats riches et intéressants aient été entachés par des propos indignes. Les mots ont un sens ; monsieur Le Fur, je ne vous ferai pas l'injure de penser que vous les avez utilisés innocemment.
Je salue également la richesse de la procédure parlementaire. C'est elle, monsieur Bazin, qui impose de cheminer. Le Gouvernement chemine également.
J'entends bien que vous regrettez Agnès Buzyn, nous avons tous constaté l'idylle naissante entre vous au cours de la première lecture.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Depuis, cependant, nous disposons d'une cartographie fine du territoire, qui nous a permis d'identifier des zones blanches dans lesquelles nos concitoyennes n'ont pas accès aux centres d'autoconservation des ovocytes.
Dommage que Mme Bergé n'ait pas été nommée au Gouvernement ; elle aurait été meilleure que vous !
L'amendement proposé par le rapporteur vise uniquement à compenser une carence.
En politique, cela fait des années qu'on commence par faire une dérogation, puis on généralise.
Il s'agira d'activités nouvelles, donc attendons de voir où et dans quelle mesure le public y recourra : nous verrons alors si carences il y a. Ce sera le rôle des agences régionales de santé de les constater et, le cas échéant, de délivrer une autorisation – ou de la retirer s'il le faut. Comme le disait bien M. Isaac-Sibille, pour éviter toute logique commerciale et concurrentielle, il faut interdire le dépassement d'honoraires ; c'est tout le sens du sous-amendement déposé par Laurence Vanceunebrock.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
Finalement, il n'est pas question de pragmatisme, mais d'égalité d'accès aux soins.
Monsieur Dharréville, madame Obono, notre État est construit de telle façon que certains acteurs privés, encadrés par des règles strictes, …
… contribuent à la poursuite de missions de service public.
C'est le cas pour beaucoup de secteurs, dans un cadre bien défini. Il s'agit de permettre à l'ensemble des femmes et des couples de femmes d'accéder à cette pratique. Il n'y a qu'en Corse, en Guyane, à Mayotte et en Martinique qu'il n'existe pas aujourd'hui de centre public – ou privé à but non lucratif – adapté.
L'idée, avec cet amendement, est d'offrir à chacune de nos concitoyennes la possibilité d'accéder à ces pratiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Chers collègues, il y a eu beaucoup de prises de parole, chacun a pu prendre sa décision en son âme et conscience. Nous sommes largement éclairés. Après le rappel au règlement, nous passerons donc au vote.
Je voudrais faire un rappel au règlement pour fait personnel. Monsieur le ministre, tout à l'heure, quand M. Bazin s'est exprimé, ce qui était en jeu, c'était la conservation des gamètes.
Protestations sur les bancs du groupe MODEM.
… et par voie de conséquence de marchandisation, on ne peut pas reprocher à M. Bazin de faire référence à Mme Buzyn, qui avait affirmé qu'il s'agissait d'un garde-fou. Il est anormal de critiquer M. Bazin pour avoir rappelé la position du Gouvernement.
Mêmes mouvements.
Pour faciliter le décompte et assurer la clarté du vote, je mettrai aux voix l'amendement et le sous-amendement par assis et levé.
Le sous-amendement no 2289 , mis aux voix par assis et levé, est adopté.
L'amendement no 2171 , sous-amendé, mis aux voix par assis et levé, est adopté.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Rappel au règlement
Sur le fondement de l'article 84 de notre règlement. Le Premier ministre s'est exprimé on ne peut plus clairement, disant son attachement à la version issue de la première lecture de nos débats. Il y a ici une rupture alors qu'un contrat a été passé. Je pensais que le Premier ministre avait une certaine autorité à l'égard de son Gouvernement. Or, non seulement cet amendement a été adopté, mais il l'a été avec l'aval d'un membre du Gouvernement. On est dans une logique de…
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Tout d'abord, monsieur Le Fur, en tant que président de séance, je n'entends pas laisser prospérer le dénigrement nos travaux parlementaires.
Laissez-moi parler. À trois reprises, j'ai entendu dire que nous étions inféodés aux lobbies, …
… et citer des chiffres faux – une erreur de 75 % – concernant les interventions du ministre. Voici la répartition des temps de parole : une heure quarante-quatre pour les ministres ; deux heures vingt pour la commission, dix heures vingt pour l'ensemble des groupes.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'ai aussi entendu dire que le TLP ne nous permettait pas de nous exprimer. Je vous rappelle, monsieur Le Fur, à vous qui avez une très bonne mémoire, que le débat sur la bioéthique qui s'est déroulé en 2011, lorsque vous apparteniez à la majorité, prévoyait trente heures de temps de parole pour les groupes, en première lecture.
Mêmes mouvements.
En effet, et c'est sous la présidence de Nicolas Sarkozy que le TLP a été mis en place !
Je n'entends donc pas laisser dénigrer des débats parlementaires qui sont riches et réels, durant lesquels chacun peut pleinement s'exprimer. Je tenais à faire ce rappel.
Mêmes mouvements.
Article 2
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 1266 .
Nous voulons appeler l'attention sur le sort réservé aux gamètes autoconservés en vue d'une future insémination. Que fait-on de ceux qui ne seront pas utilisés ? Nous proposons qu'ils soient donnés à la recherche si la personne en décide ainsi, ou qu'ils soient détruits pour éviter toute autre utilisation.
Avis défavorable pour deux raisons.
Premièrement, pourquoi devrions-nous restreindre les possibilités de consentement et de choix de la femme qui réalise une autoconservation ? Si elle veut les donner plus tard, elle est libre de le faire.
Deuxièmement, la période de deux ans que vous suggérez est bien courte pour mettre fin à la conservation puisque dans de nombreuses circonstances, ne serait-ce que lorsque les personnes déménagent, on peut mettre plusieurs mois à obtenir le contact avec elles pour savoir si elles veulent ou non prolonger cette conservation.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 1266 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 1842 .
Vous avez encore au moins trois heures de temps de parole, n'hésitez pas à l'utiliser.
Avis défavorable. Il est infiniment trop restrictif d'indiquer que la recherche doit avoir une finalité thérapeutique car elle ne doit pas être finalisée d'une façon aussi étroite que cela. Son but est d'abord la connaissance d'où peuvent dériver des modalités thérapeutiques.
Il serait extrêmement négatif de se restreindre à une recherche finalisée sur l'embryon, même si chacun d'entre nous souhaite évidemment qu'elle conduise à des bénéfices thérapeutiques.
L'amendement no 1472 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Faisant suite à un échange avec la Fédération française des CECOS en première lecture, le présent amendement a pour objet de faire passer de dix à cinq ans la durée de l'autoconservation hors indication médicale.
Comme le rappelle la Fédération, les personnes qui vont demander une conservation de gamètes hors indication médicale vont le faire de manière volontaire et motivée, probablement en fonction des âges, tel que préconisé par le Conseil d'État.
Aussi, la conservation sera-t-elle à la charge financière des personnes concernées, lesquelles seront sollicitées tous les ans pour préciser si elles veulent conserver ou non ces gamètes. En cas de non-réponse pendant cinq, la Fédération estime qu'il n'est pas nécessaire de continuer à préserver des gamètes qui ne répondent pas à une demande explicite de la part des personnes à l'origine de cette conservation. Il n'y a pas de raison de conserver durant des années des gamètes qui n'ont pas lieu de l'être.
L'amendement no 1841 de M. Philippe Gosselin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable : raccourcir la période de conservation des gamètes serait très préjudiciable aux personnes elles-mêmes qui, en cas de délai trop court, pourraient regretter cette perte. À un moment où nous sommes confrontés à une pénurie de gamètes, il serait en outre un peu surréaliste et contre-productif de s'en priver délibérément en les conservant le moins longtemps possible.
Sans faire de procès d'intention à quiconque, je suis peiné de voir que ceux qui sont contre l'AMP pour toutes cherchent des moyens détournés de limiter son usage : ici en organisant la pénurie des gamètes, là en l'interdisant de fait sur de grandes parties du territoire.
Il y aurait ainsi moins de gamètes disponibles – ce qui est votre objectif – , mais ce n'est pas une façon digne de résoudre le problème. On peut respecter votre opposition à l'AMP pour toutes, mais vouloir priver la moitié des femmes françaises d'un accès à ces solutions n'est pas une façon honorable d'agir car cela créerait une injustice inacceptable.
L'amendement no 854 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1517 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur le président, vous ne m'avez pas vue lorsque vous avez appelé mon amendement no 1773 !
J'avais appelé votre amendement mais, en l'absence de réaction de votre part, l'avais considéré non défendu.
Vous avez donc la parole pour soutenir cet amendement no 1773 .
La réussite des procédures d'AMP est largement corrélée à l'âge des gamètes des patients concernés au moment de leur réalisation. Ces procédures sont actuellement prises en charge jusqu'à 43 ans quand il s'agit d'une femme et jusqu'à 59 ans quand il s'agit d'un homme.
Il paraît logique de conserver ces limites hautes pour la réutilisation des gamètes prélevés. Le présent amendement vise à différencier les intervalles d'accès et de remboursement à l'autoconservation de gamètes.
Cette mesure a pour but de permettre, à titre expérimental pour une durée de trois ans, à l'ensemble des femmes majeures de moins de 40 ans et à l'ensemble des hommes majeurs de moins de 50 ans de pouvoir conserver leurs gamètes à leur propre bénéfice.
En effet, s'il n'est pas souhaitable que la société supporte les frais de procédures réalisées inutilement par crainte d'une infertilité ultérieure, il est incontestable que celles-ci auront de bien meilleurs taux de réussite avec des gamètes prélevés plus jeunes. À partir de ce fait médical, peut-on refuser qu'une femme qui en fait la demande puisse conserver ses ovocytes à son bénéfice ultérieur si elle en assume le coût ?
J'entends votre argumentation, mais une telle mesure serait malencontreuse car elle induirait une inégalité liée à la différence de ressources : certaines femmes seraient plus favorisées que d'autres, ce qui irait à l'encontre l'esprit de ce texte dont le but est d'offrir des droits égaux à toutes les femmes.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 1773 n'est pas adopté.
Sourires.
Non, ce n'est pas tout à fait cela ! M. Bazin est taquin : il a l'habitude d'appeler « rédactionnels » des amendements qui sont d'une autre nature. Je demanderais plutôt un retrait de cet amendement parce que, en réalité, il est satisfait.
Défavorable.
L'amendement est satisfait mais l'êtes-vous vous-même, monsieur Bazin ?
C'est vous qui le dites, que mon amendement est satisfait ! Je le maintiens.
L'amendement no 855 n'est pas adopté.
Les amendements nos 1516 de Mme Agnès Thill et 1267 de Mme Blandine Brocard sont défendus.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 1268 .
Nous proposons d'en revenir à la version adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale : l'interdiction d'importer ou d'exporter de gamètes à titre commercial.
Il était précisé que « l'importation et l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain » ne pouvaient « être effectuées à titre commercial », ce qui n'est plus le cas dans la nouvelle rédaction du projet de loi : l'importation et l'exportation de gamètes seraient désormais possibles à titre commercial, dès lors que la finalité n'est pas commerciale en elle-même mais qu'elle concerne un parcours de PMA.
La formulation actuelle pourrait donc autoriser l'importation de gamètes achetés à l'étranger, ce qui est contraire à l'article 16-1 du code civil, lequel dispose, je me permets de vous le rappeler, que « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ».
Aussi convient-il de rétablir le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM et sur de nombreux bancs du groupe LR.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Madame Brocard, nous partageons tous, je pense, vos préoccupations, mais il semble qu'il y ait une incompréhension sur les intentions réelles de la commission spéciale en deuxième lecture. Nous sommes évidemment inquiets des possibles dérives de certaines pratiques vers la marchandisation du corps humain.
Toutefois, je rappelle que le cadre juridique actuel offre déjà une protection contre cette menace puisqu'il interdit l'importation de gamètes sur le territoire national à l'initiative d'entreprises commerciales.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous semblez dire – une clarification s'impose car j'aimerais être certain que nous sommes d'accord sur ce point – , seuls les gamètes et les tissus germinaux recueillis et destinés à être utilisés conformément aux principes relatifs à l'assistance médicale à la procréation et inscrits dans le code civil peuvent faire l'objet d'une autorisation d'importation et d'exportation délivrée par l'Agence de la biomédecine, conformément à l'article article L. 2141-11-1 du code de la santé publique. En outre, le code pénal prohibe les importations de gamètes non autorisées ou non conformes à l'autorisation. Ces déplacements doivent de surcroît intervenir dans le respect des principes éthiques inscrits aux articles 16 et 16-8 du code civil.
La rédaction de l'article 2 adoptée par la commission spéciale en deuxième lecture paraît donc plus appropriée que celle du texte initial, à laquelle vous souhaitez revenir. Elle exclut clairement toute finalité commerciale pour l'importation et l'exportation de gamètes et répond par conséquent à votre préoccupation, largement partagée sur ces bancs.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi l'avis sera défavorable.
L'amendement no 1268 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC et UDI-I ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 2199 .
Il concerne un sujet dont nous avons discuté tout à l'heure puisqu'il vise à autoriser, de façon dérogatoire et sur recommandation de l'ARS, des établissements privés à conduire des activités cliniques et biologiques d'AMP dans des zones où elles ne sont proposées par aucun établissement, afin de garantir l'égalité d'accès à cette pratique sur tout le territoire national.
Nos collègues qui sont opposés au principe de l'AMP pour toutes n'hésitent pas à tenter d'atteindre une partie de leur objectif en voulant priver les habitants de certains territoires de l'accès à cette pratique.
Ils peuvent certes défendre leurs arguments en séance et présenter des amendements, mais nous ne pouvons pas accepter que certains départements de métropole ou d'outre-mer soient privés de tout accès à l'AMP.
Une organisation territoriale égalitaire est indispensable : tel est le sens de cet amendement, que je défends à titre personnel mais sur lequel la commission spéciale a émis un avis défavorable.
Quand on lit les amendements du rapporteur, on voit toutes les dérives possibles !
Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le rapporteur ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Vous souhaitez ouvrir les activités cliniques et biologiques relatives au don de gamètes au secteur privé à but lucratif lorsqu'aucun établissement public ou privé non lucratif n'assure cette activité. Le modèle français réserve aux établissements publics de santé et aux organismes à but non lucratif le monopole de la collecte, de la conservation et de l'attribution des gamètes destinés au don. L'exclusion du secteur privé à but lucratif concerne également les cellules, les tissus et les organes du corps humain. La gratuité du don et la non-commercialisation d'éléments du corps sont des valeurs éthiques fondamentales – nous l'avons assez répété dans l'hémicycle. Les opérations d'AMP en vue de don sont en outre pointues et ne justifient pas nécessairement un maillage départemental, contrairement à ce que vous proposez dans votre amendement, au risque de diluer les compétences.
Nous le voyons une fois encore, monsieur le rapporteur de la majorité : vous êtes dans une logique d'ouverture au secteur privé et de marchandisation du corps humain. Vous mettez là à mal un principe très fort du droit français : la gratuité du don. Cet amendement illustre parfaitement votre volonté de voir, à terme, se développer la marchandisation d'éléments du corps humain. C'est précisément la raison pour laquelle nous combattons le texte. Contrairement à ce que certains peuvent dire, vous êtes bien le rapporteur de la majorité !
L'amendement no 2199 n'est pas adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
La recherche sur les causes de l'infertilité, sujet qui fait l'objet de nombreux débats, doit être une priorité nationale. Tel est le sens de l'amendement.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 1840 .
La recherche sur les causes de l'infertilité doit en effet devenir une priorité nationale. Il est fort regrettable, au moment où l'on parle de la procréation pour toutes, que cette question ne soit pas au centre de nos préoccupations.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 1269 .
Il s'inscrit dans la continuité des précédents. Le projet de loi prévoit la création d'un plan d'action pour lutter contre l'infertilité intégrant la prévention de l'infertilité et la formation à la compréhension de la fertilité humaine. Je crois qu'il importe de privilégier la recherche fondamentale sur les causes de l'infertilité et ses remèdes, pour ne pas que l'on croie que l'AMP permettrait de pallier toutes les difficultés liées à l'infertilité. C'est en amont que l'on peut véritablement lutter contre l'infertilité.
Si je comprends bien – et cela me surprend – , leurs signataires demandent que l'on fasse davantage de recherche sur l'embryon humain !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
La commission est défavorable à ces amendements. J'exhorte leurs auteurs à se reporter à l'amendement transpartisan déposé à l'initiative de la présidente de la commission spéciale. Il répond bien mieux à leurs préoccupations concernant la fertilité et les moyens de la prévenir que les initiatives ponctuelles.
En outre, il existe déjà une recherche sur les causes de la fertilité. L'important est de coordonner l'ensemble des actions menées dans ce domaine, y compris en matière d'information des jeunes générations.
L'objectif d'améliorer la connaissance et l'information sur les causes de l'infertilité est, je pense, unanimement partagé dans l'hémicycle. Par ses différentes dispositions, en particulier l'article 2 bis, adopté en première lecture et réintroduit en commission, le projet de loi répond à cette préoccupation.
S'agissant de la recherche fondamentale sur les causes de l'infertilité, je compléterai les propos du rapporteur en soulignant qu'elle est déjà très active. La recherche publique sur les troubles de la fertilité, leur cause et leur traitement est principalement réalisée à l'INSERM – l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – , dans les universités et dans les CHU. Les équipes qui s'y consacrent couvrent l'ensemble des champs de la thématique « reproduction et troubles de la fertilité humaine ».
Quant à la recherche clinique sur cette thématique, au cours des cinq dernières années, le ministère chargé de la santé a financé vingt et un projets, dotés d'une enveloppe de 10 millions d'euros.
J'ajoute qu'un amendement transpartisan adopté en commission spéciale répond à la volonté exprimée dans ces amendements de mieux connaître l'infertilité et d'améliorer l'information de nos concitoyens. J'invite donc leurs auteurs à les retirer, faute de quoi l'avis sera défavorable.
Ce que vous venez de dire est proprement scandaleux, monsieur le rapporteur, et vous le savez ! Vous êtes pris en flagrant délit de mensonge ! Prétendre que nous sommes favorables au développement des recherches sur l'embryon quand nous parlons de lutte contre l'infertilité est franchement scandaleux ! Étant médecin, vous savez donc pertinemment que vos propos sont faux ! C'est sciemment que vous mentez devant l'Assemblée nationale, à seule fin de provoquer l'opposition ! Une fois encore, vous démontrez que vous n'abordez pas du tout ce débat dans des dispositions apaisées ! Vous mentez éhontément, vous mettez de l'huile sur le feu ! C'est scandaleux !
L'amendement no 1269 n'est pas adopté.
L'amendement no 665 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 49 du règlement, relatif à l'organisation de la discussion des textes soumis à l'Assemblée.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire hier : depuis mardi à vingt-deux heures, les députés non inscrits n'ont plus de temps de parole pour défendre leurs amendements. Mais cela ne signifie pas pour autant que le rapporteur et les membres du Gouvernement ne peuvent pas leur répondre. Or, depuis mardi à vingt-deux heures, je n'ai reçu aucune réponse à mes amendements de la part d'un membre du Gouvernement !
Par ailleurs, monsieur le président, je vous entends régulièrement dire que tous les députés peuvent s'exprimer dans cet hémicycle. Ce n'est pas vrai, et je le dis solennellement : les députés non inscrits, depuis mardi à vingt-deux heures, ne peuvent plus s'exprimer dans l'hémicycle !
Article 2 bis
Il y a neuf mois, le Gouvernement nous a promis des mesures pour lutter contre l'infertilité. L'article 2 bis est dès lors inutile. Ma question est simple : qu'avez-vous fait depuis neuf mois ? Seraient-ce, comme d'habitude, de belles paroles et aucun acte ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1235 .
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Défendu ! Toutefois, nous aimerions bien avoir une réponse à la question que vient de poser M. Bazin.
On ne vous entend pas si vous ne parlez pas dans le micro, chers collègues. Prenez le micro, faites de vraies phrases, exprimez-vous !
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 1839 .
Je vous en prie, chers collègues, pas de débat hors micro. Quand vous parlez hors micro, personne ne vous entend et nous ne pouvons pas bénéficier de la qualité de vos interventions !
Mais il y a le compte rendu de la séance, qui fait un travail remarquable en relevant nos interventions !
Si vous avez des idées à exprimer, je vous invite à le faire devant le micro. Vous avez largement le temps : exprimez-vous !
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Il est défavorable. Si nous visons tous le même objectif – améliorer les connaissances dans le domaine de l'infertilité – , les moyens que vous proposez ne sont pas opportuns. On peut, bien sûr, de façon incantatoire, dire qu'il faut « mettre au point de réelles thérapies de restauration de la fertilité », de même qu'on voudrait tous qu'il fasse toujours beau, que tout le monde soit heureux et que tout aille bien. Toutefois, pour que la recherche débouche sur des découvertes, il faut faire confiance aux chercheurs. Vous savez ce que c'est, monsieur Hetzel, vous qui avez obtenu quelques prix, il y a quelques décennies… Dans ce domaine comme dans d'autres, la recherche n'est pas aux ordres de la représentation nationale : il faut lui donner des moyens ainsi que des raisons d'avoir confiance.
Cela a été très bien rappelé, il existe en France de nombreuses structures de recherche dédiées à ces thèmes : il faut les encourager et les soutenir, mais ce n'est pas en créant des usines à gaz supplémentaires…
… que l'on aboutira au résultat voulu. Je vous exhorte donc à encourager la recherche existante, sans vouloir lui assigner des fins trop étroites. Il est rare, en effet, qu'une découverte corresponde exactement à l'objet initial du projet de recherche. Il faut donc accepter cette relative liberté des chercheurs. Je le répète, nous partageons votre souhait que les connaissances progressent, car la thérapie ne viendra qu'en second temps, en conséquence de ce progrès.
Vous avez tout à l'heure, sinon trouvé insultant, du moins mal compris mon propos…
Non ! Si l'on veut que la recherche progresse, il ne faut pas l'encadrer à l'excès, au point de la contraindre. Quand j'ai parlé de la recherche sur l'embryon, ce n'était pas par provocation mais parce que, parmi les causes majeures d'infertilité, figurent des anomalies plus que fréquentes du développement initial de l'embryon. Une grande partie des embryons initialement formés, voire la majorité d'entre eux, n'ont aucune chance d'atteindre le stade du foetus, encore d'aboutir à une naissance. Si l'on ne comprend pas pourquoi, on n'améliorera pas efficacement les résultats des fécondations in vitro ni la compréhension des causes de l'infertilité et des fausses couches spontanées précoces.
Nous voulons les mêmes fins, mais vous vous interdisez certains des moyens qui permettent d'y parvenir. N'y voyez nulle provocation de ma part : je respecte votre point de vue, mais il faut accorder, me semble-t-il, une certaine liberté à la recherche pour avancer et accumuler les connaissances qui nous permettront de développer des thérapies appropriées.
Il sera aussi défavorable. Monsieur Gosselin, je vous entends, mais vous, vous ne m'écoutez pas.
M. Philippe Gosselin joint le geste à la parole.
J'ai indiqué précédemment qu'en matière de recherche clinique, le ministère chargé de la santé avait financé, ces dernières années, vingt et un projets, pour 10 millions d'euros, sans compter toutes les recherches en cours à l'INSERM.
Une brève incise concernant le temps législatif programmé, objet d'un running gag…
Je ne parle pas pour vous, madame Ménard, mais à l'intention des membres du groupe Les Républicains : c'est sous leur majorité, du temps de la présidence de Nicolas Sarkozy, qu'a été instauré le temps législatif programmé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne dites pas que le TLP n'a pas de sens pour la loi de bioéthique : vous avez vous-même appliqué ce système à un débat de bioéthique lorsque vous étiez majoritaires !
En Alsace, ils ne sont pas contents de votre attitude, monsieur le président !
Sur l'amendement no 405 à venir, je suis saisi par le groupe Écologie démocratie solidarité d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l'amendement no 405 .
Je propose qu'une information et une sensibilisation sur les questions liées à la fertilité et aux causes d'infertilité soient obligatoirement dispensées dans les collèges et les lycées au moins trois fois par an. Nous avons échangé à ce sujet à maintes reprises. Les causes d'infertilité restent méconnues, et cela contribue à conduire certaines personnes à recourir à la procréation médicalement assistée pour faire aboutir leur projet parental. Nous devrions donc donner le plus tôt possible des informations sur ces causes, qu'elles soient médicales ou liées à l'âge, afin que chacun soit éclairé au moment de former un tel projet.
Je partage entièrement l'intention de M. Chiche. Son amendement a reçu un avis défavorable de la commission spéciale ; personnellement, j'aurais plutôt un avis de sagesse.
L'amendement est en partie satisfait par la rédaction de l'article issue de l'amendement transpartisan dont Mme Firmin Le Bodo était la première signataire. La difficulté réside moins dans la loi que dans son application : le code de l'éducation comporte diverses mesures en ce sens, relevant du domaine sanitaire ou apparentées, mais leur concrétisation fait parfois défaut. Il nous faudrait donc travailler ensemble à atteindre les objectifs déjà fixés par les textes plutôt que d'ajouter, comme dans un inventaire à la Prévert, des listes de formation à dispenser.
Je suis moi-même inquiet que, dans certains établissements scolaires, les jeunes générations ne soient pas suffisamment formées, mais je doute qu'un texte de loi puisse résoudre cette difficulté. Œuvrons plutôt avec le ministère de l'éducation nationale, par des textes réglementaires, pour chercher à atteindre des objectifs que le Parlement, je le répète, a régulièrement assignés en la matière.
Nous partageons évidemment la préoccupation des auteurs de l'amendement, mais celui-ci nous semble satisfait par la rédaction de l'article 2 bis que vous avez conçue en commission spéciale, sous l'autorité de sa présidente : les ministres chargés de l'éducation nationale et de la recherche seront cosignataires de l'arrêté relatif aux mesures nationales d'organisation visées ; ils seront donc bien associés à la démarche, qui relève de leur compétence.
Par ailleurs, il n'appartient pas à la loi d'énumérer très précisément toutes les actions d'information et de sensibilisation qui pourraient être conduites dans les lycées et les autres établissements scolaires : laissons ce soin au pouvoir réglementaire, ce qui est prévu par le texte.
Pour être sûr d'être efficace, il convient de donner la priorité à certains sujets ; de fait, nos actions spécifiques auprès des plus jeunes visent surtout à éviter les grossesses non désirées ou à prévenir les IST – les infections sexuellement transmissibles – , en particulier chez les mineurs.
Enfin, une information sur la procréation humaine, incluant la question de l'infertilité, est déjà prévue dans le cadre pédagogique : elle est inscrite au programme de sciences de la vie et de la terre de la classe de seconde.
En tout état de cause, soyez convaincus que le Gouvernement est mobilisé pour mieux informer au sujet des facteurs de risque d'infertilité, ce qui, outre les deux ministères déjà cités, pourra être fait en lien avec l'assurance maladie.
Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 12
Contre 56
L'amendement no 405 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 1217 de Mme Agnès Thill, 1647 de M. Marc Le Fur, 2046 de Mme Isabelle Valentin et 2113 de Mme Josette Corneloup sont défendus.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1777 .
L'Agence de la biomédecine fait face chaque année à un manque de dons, ce qui témoigne d'une méconnaissance par nos citoyens des problèmes de fertilité. Il est indispensable de les informer de ces enjeux dès le plus jeune âge, comme notre collègue Chiche vient de nous le rappeler. Le cadre du SNU, le service national universel, me semble particulièrement adapté pour cela. Mon amendement vise donc à ce que les jeunes puissent être sensibilisés, lors de leur volontariat, à l'évolution de la fertilité en fonction de l'âge et à la question du don de gamètes.
Les participants au SNU auront été destinataires d'une formation au cours de leur parcours éducatif, peu avant leur volontariat ; il paraît peu opportun de la doublonner ainsi. Pour cette raison, et même s'il n'est pas exclu que le message puisse être répété tout au long de leur vie, le SNU n'est peut-être pas le cadre le plus approprié à ce type d'information.
Je demande le retrait, faute de quoi l'avis sera défavorable, à des fins d'efficacité et au nom de la nécessaire hiérarchisation des priorités que j'ai précédemment invoquée. Si le SNU est un moment favorable à la diffusion de messages de santé publique, nous donnons la primauté à ceux qui concernent les IST et la prévention des grossesses précoces non désirées, que vous vous accorderez à considérer comme d'importantes priorités.
Je tiens beaucoup à cet amendement. Quand on est enfant ou adolescent, on ne se préoccupe presque jamais de la fertilité. C'est seulement quand on devient un jeune adulte que l'on commence à se projeter dans l'avenir en tant que futur parent. S'il est important de recevoir une éducation dans ce domaine en primaire, au collège puis au lycée, la véritable prise de conscience ne se fait que plus tard, une fois qu'on a gagné en maturité.
L'amendement no 1777 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement no 563 .
Il tend à ajouter, à la première phrase de l'article L. 312-16 du code de l'éducation, après le mot : « sexualité », les mots : « et à la fertilité féminine et masculine ». Au moment où l'on lance un plan national de lutte contre l'infertilité, pourquoi ne pas profiter de l'environnement scolaire pour apporter aux enfants une éducation sexuelle, que ne donnent pas toutes les familles, sur les causes de l'infertilité et les dégâts que celle-ci peut occasionner ? Nous savons que l'infertilité progresse, malheureusement, pour des raisons sociétales ou environnementales. Or il n'est pas de meilleur vecteur d'information que l'éducation. Tout commence et tout se fait à l'école. Il faut tendre la main à ceux qui n'ont pas la chance de profiter d'un bon environnement familial et leur permettre d'accéder à une information. L'adoption de l'amendement ne créera pas une révolution, mais nous savons combien, dans le code de l'éducation, nous avons progressé sur ces sujets depuis quelques années. Dans l'intérêt des enfants, faisons un pas supplémentaire.
Nous partageons votre ambition, que satisfont déjà en partie le plan national de lutte contre l'infertilité et l'objectif d'une éducation du public au sens large, y compris dans l'éducation nationale. Je vous suggère donc de retirer l'amendement, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
J'ajoute que notre mission à tous est de concrétiser certaines dispositions. Dans le cadre du plan national de lutte contre l'infertilité comme dans nos amendements, nous formulons des intentions aussi nécessaires que louables et bénéfiques pour tous les jeunes, tandis que nous passons trop peu de temps à nous assurer de leur réalisation. Mieux vaudrait réfléchir aux moyens – par la voie réglementaire ou dans le cadre de l'éducation nationale – d'évaluer nos actions pour savoir où et comment se produisent des défaillances. Je n'entre pas dans le détail, mais, vous le savez comme moi, monsieur Vigier, la faible capacité d'écoute de certains jeunes, quand on aborde tel ou tel sujet en cours de SVT – sciences de la vie et de la terre – ou dans d'autres disciplines, amène parfois les enseignants à limiter les informations dispensées, aussi importante soient-elles. Réfléchissons-y, identifions les obstacles à surmonter puis trouvons des solutions. Je nous exhorte donc à cet effort pratique.
Dans la lignée des propos du rapporteur et de ma réponse précédente à M. Chiche, je réaffirme que notre priorité, en matière de santé publique, est d'informer les enfants des risques de grossesse précoce non désirée et de la prévention des IST. Cela ne signifie évidemment pas que la question de l'infertilité n'ait pas d'importance, d'où le plan national auquel nous travaillons.
Quoi qu'il en soit, M. le rapporteur a raison : nous avons, sur ces sujets, une responsabilité individuelle autant que collective. Il nous appartient à tous d'y sensibiliser ceux qui nous entourent.
Je vous demande donc à mon tour de retirer l'amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, ce n'est pas parce que les choses sont difficiles qu'il faut renoncer.
Et ce n'est pas parce qu'un auditoire n'est pas prêt à accueillir une information qu'il ne faut pas la lui apporter. On ne rend pas service à la République si l'on baisse pavillon, ce qui est une manière de reconnaître qu'on est entravé dans la formidable mission que constitue l'éducation, rempart absolu contre l'ignorance. Je sais que vous en êtes convaincu.
Le sujet est délicat. J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'aller dans des écoles pour l'aborder. J'ai constaté une grande attention et une réelle écoute. Reste que certains enseignants s'avouent parfois démunis face à ces sujets. Si ceux-ci sont mentionnés dans le code de l'éducation, on leur donnera la possibilité de créer – car cela sera facultatif – des modules de formation. En reculant sur ces questions, on abaisse la République ; en avançant, on la renforce.
L'amendement no 563 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 1859 .
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement no 680 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.
L'article 3 met un terme à des décennies de secret organisé par la loi. Il reconnaît enfin à tout enfant né d'une PMA avec tiers donneur un droit d'accès, à sa majorité, aux données non identifiantes du donneur ainsi qu'à son identité. La Cour européenne des droits de l'homme a tranché en ce sens dès 2002 : « Le droit de connaître son ascendance se trouve dans le champ d'application de la notion de "vie privée", qui englobe des aspects importants de l'identité personnelle dont l'identité des géniteurs fait partie. » Oui, accéder à ses origines personnelles est un droit, et nous le consacrons enfin !
Durant des années, les scientifiques, les responsables politiques et les juristes se sont querellés, pour ne pas dire écharpés, à son sujet, sans jamais tenir compte de la parole des enfants nés grâce à un don de gamètes. Parmi ces deniers, les plus âgés ont désormais une quarantaine d'années et sont souvent parents eux-mêmes. En les écoutant, nous délaissons les grands débats pour affronter cette réalité.
Il est naturel de vouloir connaître son ascendance génétique, ne serait-ce que pour des raisons médicales et psychologiques. Tous les pédopsychiatres recommandent aux parents concernés d'expliquer à l'enfant, dès qu'il est capable de discernement, son mode de conception, afin de l'aider à se construire. On pourrait même souhaiter qu'il puisse, comme c'est le cas en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, accéder aux informations non identifiantes du donneur à partir de ses 16 ans. Je présenterai un amendement en ce sens.
Toute loi de bioéthique repose sur un équilibre. Dans cet article, nous en avons trouvé un, me semble-t-il, conciliant les droits de l'enfant né grâce à un don de gamètes et ceux du donneur.
À ceux qui objecteront que lever l'anonymat du don de gamètes accélérera la chute du nombre de donneurs, je répondrai que rien de tel ne s'est produit chez nos voisins européens qui l'ont fait, au contraire. En assurant le recueil du consentement du donneur et en lui permettant de savoir combien d'enfants sont nés grâce à son don, nous valorisons cet acte solidaire.
Il faut comprendre et respecter la quête personnelle de ces femmes et de ces hommes nés d'une PMA avec tiers donneur, qui se posent un certain nombre de questions. Au demeurant, elle anime en partie tout un chacun, quel que soit le mode de conception dont il est issu, et comporte inévitablement une part d'inaccessible.
Pour ma part, j'estime que les dispositions de l'article 3 portent atteinte à la philosophie du don de gamètes. Anonymat, gratuité, volontariat : tels sont ses socles fondamentaux dans notre pays, grâce auxquels il ne fonde aucune dette.
J'ai entendu de la pirouette rhétorique selon laquelle, le don étant réalisé entre le donneur et le receveur, et l'enfant qui en est issu étant extrait de cette relation, on ne lèverait pas l'anonymat en lui permettant d'accéder à l'identité du donneur, car c'est à l'enfant qu'on s'adresse et non au receveur. Il y a là, me semble-t-il, une forme d'argutie juridique qui ne résiste pas à l'analyse. Il faut assumer les choses telles qu'elles sont : il y a bien, de fait, levée de l'anonymat du don !
Je fais également observer que les dispositions de l'article 3 introduisent un lien entre le tiers donneur et l'enfant, et, ce faisant, mettent en avant la dimension biologique de la procréation, en l'occurrence de l'assistance médicale à la procréation, ce qui contredit a posteriori le projet parental, un peu comme si les parents n'y suffisaient pas.
Je note également qu'elles ont servi d'argument au cours de notre débat, hier soir par exemple, pour justifier le recours à la ROPA – la réception d'ovocytes de la partenaire. Cela relève de la logique de biologisation de la parentalité, qui, selon moi, ne saurait être une ligne directrice des choix bioéthiques que nous devons faire dans le présent projet de loi.
Enfin, je veux interroger la notion des origines, du rapport à l'identité. En l'espèce, l'origine de l'individu réside pour partie dans la République, qui permet et organise de tels modes de procréation. Elle réside aussi dans la beauté du don. Nous proposerons d'ailleurs, par un amendement, de donner de l'importance à ce geste, en donnant à l'enfant la possibilité d'accéder aux informations que le donneur jugerait utile de lui transmettre par écrit pour lui expliquer sa signification.
Telles sont les raisons qui nous amènent, avec plusieurs de mes collègues, à nourrir de sérieux doutes sur le bien-fondé de l'article 3, sans parler du développement de l'enfant et de l'attente suscitée par la perspective de dévoilement de l'identité du donneur à sa majorité.
L'article 3 me semble oublier les familles, notamment les conjoints. Le droit en vigueur prévoit que, si le donneur vit en couple, son conjoint ou sa conjointe doit également donner son accord au déclenchement de la procédure de don. Vous voulez supprimer l'accord du conjoint. Imaginez, dans la perspective de la levée de l'anonymat du donneur à la majorité de l'enfant, les conséquences d'une telle évolution sur son couple ! Vous prenez le risque de fragiliser la paix des ménages – sans parler des autres enfants du donneur, s'il a la chance d'en avoir eu d'autres par la suite. Il faut absolument rétablir le consentement exprès du conjoint au don de gamètes.
En guise de propos liminaire, je remercie M. Bazin d'avoir rappelé l'élargissement du périmètre du secrétariat d'État dont j'ai la charge, résultant de mon souhait de réunir dans le même intitulé l'enfance et les familles – chacun aura noté le pluriel, qui vise à reconnaître la diversité, la richesse et la réalité des familles de France.
Nous avons rassemblé l'enfance et les familles au sein du même intitulé, car il est temps, dans notre pays, de cesser d'opposer l'enfant et les parents, de réconcilier enfin l'intérêt supérieur de l'enfant et l'intérêt des parents.
Comment peut-on y parvenir ? En appliquant aux dynamiques familiales en cours le prisme de la transparence absolue. Tel est le sens de l'article 3 : permettre aux enfants nés d'un don d'accéder à leur origine. Monsieur Dharréville, nous y reviendrons, mais j'indique d'ores et déjà qu'il importe en effet, pour eux, de savoir qu'ils peuvent avoir accès à une part de leur récit personnel, de leur histoire, et d'y avoir effectivement accès.
Nous avons maintenant l'occasion d'en débattre en examinant les amendements, monsieur Bazin.
L'amendement no 766 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Il vise à supprimer l'accès du médecin aux informations médicales non identifiantes. La commission émet évidemment un avis défavorable car, en cas de nécessité médicale, cela empêcherait de détecter une anomalie génétique grave.
Il est défavorable, pour la même raison.
L'amendement no 766 n'est pas adopté.
L'amendement no 1536 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je viens d'évoquer les considérations sur lesquelles se fonde notre réflexion.
J'ajoute que l'article 3 fragiliserait singulièrement la cohérence de la philosophie qui sous-tend ce texte et pourrait avoir des conséquences imprévues.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué tout à l'heure la construction de l'enfant. Il va de soi que mon propos – je ne doute pas que vous l'ayez compris – ne consistait pas à préconiser que l'on nie et que l'on cache la façon dont l'enfant a été conçu. Je n'en crains pas moins que les dispositions que vous proposez ne nourrissent des illusions dans certains cas. C'est une réalité que vous devez regarder en face. Mais là n'est pas l'argument principal qui m'amène à nourrir de fortes réserves à leur égard.
L'amendement no 2034 de Mme Nadia Ramassamy est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Monsieur Dharréville, l'examen de ces amendements m'offre l'occasion de répondre aux propos que vous avez tenus en intervenant sur l'article.
Vous avez affirmé que les dispositions de l'article 3 portent atteinte à la philosophie du don. Il me semble, bien au contraire, que nous la complétons.
Surtout, nous levons le secret, le tabou des origines, et faisons disparaître la gêne que la société faisait peser sur les parents et les enfants dans les familles où une conception avec tiers donneur a eu lieu. Nous voulons ouvrir une nouvelle ère, où ces familles seront libérées du poids du secret et pleinement assumées, ce qui leur permettra de se construire dignement, du point de vue de la relation entre les parents et l'enfant comme du point de vue de l'identité de l'enfant.
Celui-ci, pour se construire dignement dans son identité, a précisément besoin de connaître les informations non identifiantes du donneur et, si la question se pose pour lui à sa majorité, son identité.
Lorsque vous dites que créer un lien entre le donneur et l'enfant percuterait la filiation, renforcerait l'aspect biologique, rendrait insuffisants les parents auteurs du projet parental, vous employez, je crois, des mots que je trouve assez choquants et blessants pour ces familles.
Reconnaître le réel, introduire la biologie dans le récit de la vie de l'enfant, c'est loin de créer une faiblesse ou une insuffisance : c'est au contraire donner une force, car assumer le réel, c'est toujours une force. Précisément parce qu'il n'y a pas de confusion entre le donneur ou la donneuse et le père ou la mère, parce qu'il n'y a, pour le donneur, ni filiation, ni rôle parental, ni obligation relationnelle – nous y débattrons à l'article 4 – , bref, parce qu'il n'y a pas de confusion, la philosophie du don, dans le projet de loi, est au contraire celle d'un don assumé jusqu'au bout, tant par le donneur que par les familles, à savoir les parents et l'enfant.
L'avis est défavorable.
Ces deux amendements visent à revenir sur ce que nous considérons comme une avancée majeure de ce projet de loi : l'accès à leurs origines des personnes nées d'un don.
Vous avancez d'abord que cette disposition contreviendrait à un principe éthique fondamental : l'anonymat du don. L'anonymat du don d'éléments et produits du corps humain est effectivement l'un des grands principes qui structurent notre cadre bioéthique. Pour mener à bien votre démonstration, vous reléguez ce principe au rang d'argument rhétorique, mais j'insiste sur le fait que l'anonymat du don concerne un donneur et un receveur. Or l'enfant né d'un don de gamètes est un tiers, tant à l'égard du premier que du second, c'est un fait. La possibilité d'accès aux origines ne contrevient donc en rien au principe d'anonymat du don.
Nous prévoyons par ailleurs de compléter le cadre actuel de l'AMP avec tiers donneur en accordant l'accès à des informations relatives au donneur, y compris à son identité, aux seules personnes conçues par un don anonyme qui le souhaiteront après leur majorité. Il n'est très clairement pas question de permettre au donneur ou au receveur de connaître leurs identités respectives, que ce soit au moment du don ou plus tard.
De plus, contrairement à ce que vous avez prétendu, cette ouverture ne menace en rien la famille fondée sur une filiation juridique et sociale. Un donneur n'est pas un parent – ce n'est pas comme cela qu'il se vit et ce n'est pas ce que nous organisons – , mais bien une pièce de l'identité de l'enfant.
Vous avez certainement rencontré, les uns et les autres, notamment vous, monsieur Dharréville, des enfants nés du don d'un tiers et devenus grands, qui expliquent à quel point la quête de leurs origines a façonné leur identité : c'est une pièce manquante. Vous avez probablement rencontré Arthur Kermalvezen et sa femme Audrey, et lu Le Fils, ouvrage dans lequel il raconte sa quête : il avait toujours ressenti, au fond de lui-même, qu'il y avait quelque chose, et comment il a pu très facilement, grâce au développement de la technique, identifier ce donneur.
C'est cela que nous souhaitons organiser, pour le bien des enfants.
Vous avez raison sur un point : il peut y avoir des déceptions. Nous ne rendrons pas possible un droit à la rencontre, mais seulement un droit à connaître l'identité du donneur : aucune obligation ne pèsera sur lui. Pour éviter les déceptions, il faut organiser tout cela, dédramatiser ; il faut pouvoir en parler, en toute transparence, entre les parents et l'enfant, dès que celui-ci est capable d'entendre l'histoire de sa conception.
Voilà ce que cet article veut rendre possible dans les dynamiques familiales. Nous y sommes très attachés, et sommes donc très défavorables aux suppressions de mots que ces amendements contiennent.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Nos logiques divergent. C'est une question sensible, complexe, et que je pense, madame la rapporteure, avoir abordée avec ma propre sensibilité et de manière très respectueuse. Ne jouons pas avec cela. Je ne pense pas non plus qu'il y ait d'indignité dans la situation actuelle, je le dis en particulier à l'intention des personnes concernées. C'est un débat que nous avons depuis la première lecture et qui continue. Ce sont, je le répète, des questions qui se posent à chacun, en fonction de sa construction psychique, nous le savons tous. Nous allons prendre une décision, après quoi elle s'appliquera.
Rires.
Monsieur Bazin, prenez donc un micro, pensez aux nombreuses personnes qui regardent nos débats en direct : ils ne vous entendent pas quand vous parlez hors micro, et ne peuvent saisir la substantifique moelle de vos propos, ce qui est dommage !
M. Bazin nous dit qu'il s'agit d'un amendement de cohérence avec le projet du groupe Les Républicains : …
… je précise qu'il vise à exclure la femme non mariée de la possibilité de recevoir un embryon, ce qui est à rebours de la cohérence de notre propre projet. L'avis est donc extrêmement défavorable. Nous avons voté hier l'accès à la PMA pour toutes les femmes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 857 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l'amendement no 406 .
Il vise à supprimer l'obligation de recueillir l'accord du conjoint de la personne effectuant un don de gamète. C'est un amendement de cohérence : seul le donneur doit consentir car il est maître de son corps et des produits de son corps ; un tiers n'a pas à intervenir. C'est là pour moi un principe éthique fondamental. De quel droit pourrais-je refuser à ma conjointe, qui l'aurait décidé par altruisme, de donner des ovocytes, produits de son corps ? Comme vous l'avez très bien rappelé, madame la rapporteure, ce projet de loi n'induit aucune confusion entre, d'une part, le donneur ou la donneuse, et, d'autre part, un père ou une mère. Dès lors, la personne qui souhaite donner doit pouvoir le faire de manière éclairée et parfaitement indépendante. Je tiens à rappeler que notre législation est la seule en Europe à imposer ce double consentement, dont je demande la suppression.
Je tiens à ce que les choses soient claires pour ceux qui écouteront nos débats ou liront le compte rendu.
Sur le fond, je suis plutôt d'accord avec vous, monsieur Chiche. Néanmoins, sur la forme, vous avez mal lu le texte : l'alinéa 9 ne concerne pas le consentement du conjoint pour un don de gamètes, mais le don d'un embryon par un couple, cas dans lequel les deux membres du couple sont concernés et doivent évidemment donner leur accord.
Dans la mesure où vous vous trompez sur la forme, je vous suggère de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement no 406 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ils visent à supprimer le consentement exprès du donneur en cas de demande d'accès à son identité ainsi que la subordination du don au consentement du donneur à donner son identité. Ces amendements vont à rebours de la réforme que nous proposons. Il ne sera plus possible, lorsque le texte aura été adopté, de refuser l'accès à leurs origines personnelles aux enfants issus d'une AMP avec tiers donneur. Nous créons un droit nouveau, en prenant en considération l'intérêt de l'enfant, qui a besoin de construire son identité et son récit personnel, mais aussi les nouveaux modèles de familles et le développement des tests génétiques. Vous ne serez donc pas surpris que je demande le retrait de ces amendements, faute de quoi l'avis sera défavorable.
La parole est à Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, pour soutenir l'amendement no 1212 .
Vous me voyez émue de prendre la parole pour défendre le dernier amendement que j'ai défendu en mon nom.
Mmes et MM. les membres des groupes LaREM, MODEM, SOC, GDR, EDS et Agir ens se lèvent et applaudissent.
Sourires.
Je n'oublierai jamais non seulement ce projet de loi de bioéthique, mais plus largement les heures passées dans cet hémicycle et dans cette grande maison qu'est l'Assemblée nationale. Merci à tous.
Le projet de loi fixe le droit d'accéder aux origines à la majorité de l'enfant, ce qui est pertinent pour prévenir les conflits intrafamiliaux entre enfants et parents encore détenteurs de l'autorité parentale. Il demeure cependant un vide juridique pour les mineurs émancipés nés après une PMA : lorsque l'autorité parentale cesse à 16 ans, après une autorisation du juge des tutelles, il apparaît cohérent que le mineur ainsi émancipé puisse accéder dès cet âge à ses origines, pour mieux se construire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il n'est pas d'usage d'applaudir depuis le perchoir, mais je me joins bien sûr aux applaudissements de mes collègues.
Il n'est pas d'usage que l'on applaudisse au perchoir, mais je me joins bien sûr à l'hommage de mes collègues.
Quel est l'avis de la commission ?
Je souhaite d'abord saluer le travail réalisé par la députée Emmanuelle Fontaine-Domeizel dans notre groupe, sur ce texte comme sur d'autres. Elle a effectué un travail remarquable et fait preuve d'un engagement de tous les jours, de convictions chevillées à l'âme et aussi d'un état d'esprit admirable pendant la crise du covid-19. Je rappelle qu'elle fait partie de la réserve sanitaire et qu'elle s'est constamment rendue sur le terrain pour aider son prochain. J'ai eu grand plaisir à siéger à ses côtés sur les bancs de cette assemblée. Qu'elle sache qu'elle restera toujours dans notre esprit.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
… permettez-moi, ma chère collègue, de vous expliquer ce qui me gêne.
Étant donné qu'un enfant issu d'une AMP obtient, à sa majorité, l'accès aux données non identifiantes et identifiantes du donneur, je comprends que l'on puisse estimer logique qu'une personne reconnue comme mineur émancipé dispose du même droit, car ce statut revient à devenir majeur plus tôt.
Sauf que le droit civil dispose qu'un mineur émancipé n'a accès qu'à certains actes qu'un majeur est en droit d'effectuer. Nous avons discuté de la possible ouverture de l'accès aux données non identifiantes et identifiantes dès l'âge de 15 ou 16 ans, comme cela se pratique dans certains États européens, mais nous avons estimé que retenir l'âge de 18 ans était un choix plus équilibré. Pour que la personne puisse accueillir les informations qui lui seront délivrées dans de bonnes conditions, cet âge offre en effet davantage de garanties, s'agissant aussi bien de la construction psychologique et de la solidité de la jeune personne que des relations intrafamiliales.
J'ajoute que les situations des mineurs émancipés sont très différentes les unes des autres et que l'accès à une majorité anticipée intervient parfois dans un contexte de bouleversements terribles. Nous préférons donc laisser à la personne le temps d'atteindre ses 18 ans pour pouvoir, comme toutes les personnes issues d'une AMP, recevoir ces informations dans les meilleures conditions possible.
Je demande donc le retrait de votre amendement, ce qui vous donnera une nouvelle occasion de prendre la parole !
Sourires.
Je veux à mon tour saluer, madame Fontaine-Domeizel, votre engagement sans faille, notamment en matière de lutte contre les discriminations, plus particulièrement de handicap, sujet sur lequel vous avez été très investie au cours des dernières années et je souhaitais vous en remercier très sincèrement ; j'ai été ravi que nous menions ce combat ensemble et je ne doute pas que nous en aurons d'autres à mener, soyez-en assurée.
Sur le fond, la tâche ingrate me revient également de vous demander de retirer votre amendement, pour les mêmes raisons que celles évoquées par Mme la rapporteure, qui sont étayées. De 16 à 18 ans, nous le savons pour être tous passés par là, c'est une période charnière de la vie où la construction de l'identité est une question assez prégnante pour la plupart des personnes. Il nous semble donc un peu prématuré d'ouvrir aux enfants issus d'une AMP l'accès à leurs origines dès l'âge de 16 ans. Pour tous les enfants, nous préférons conserver l'âge de la majorité.
Avant d'éventuellement adopter votre proposition, attendons la prochaine, ou plutôt les prochaines lois de bioéthique, afin de laisser du temps à l'application des dispositions et pour que nous disposions du recul nécessaire sur la manière dont les enfants appréhendent l'accès aux données non identifiantes et identifiantes.
On m'a déjà demandé de me retirer de l'Assemblée, et voilà qu'on me demande maintenant de retirer mon amendement !
Rires.
Mais, puisque vous avez évoqué la réserve sanitaire, soyez assurés que je ne m'en retire pas : je pars la semaine prochaine en Guyane !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, Agir ens, EDS et FI.
L'amendement no 1212 est retiré.
Je ne suis pas favorable au choix de l'âge de la majorité. Mon amendement vise à ne pas différencier les modalités d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur, à ne pas imposer un âge pour accéder à ces informations. Il s'agit d'accorder aux personnes nées d'une PMA l'accès à l'identité du donneur et non aux seules données non identifiantes. Le principe d'accès aux origines doit être garanti pour tout enfant, qu'il soit né ou non d'un don. Il s'agit de considérer l'accès aux origines comme un droit universel pour l'ensemble des personnes nées de don, sans quoi l'on crée une réelle inégalité entre les enfants, organisée avant même leur naissance.
S'il est légitime de reconnaître à tout individu né d'une PMA le droit de ne pas souhaiter accéder aux informations concernant ses origines, il convient toutefois de ne pas le priver de ce droit. Même si cette disposition conduit à une diminution des dons de gamètes, le droit de l'enfant doit primer sur le droit à l'enfant. Ne pas lever l'anonymat total des donneurs remplirait l'objectif de rassurer les receveurs, qu'il s'agisse de couples ou de femmes seules, tout comme les donneurs eux-mêmes. Les contrats qu'ils signeraient l'emporteraient sur les préoccupations identitaires de l'enfant conçu. Les droits de cet enfant resteraient ainsi subordonnés à la volonté des adultes.
Les enfants nés d'une PMA oseraient-ils demander plus et les mêmes droits que les autres enfants ? La réponse qui leur serait faite serait toujours la même et culpabilisante : « Vous êtes en vie grâce à la PMA, votre seul droit est d'en être reconnaissant et de nous en remercier. »
Au chapitre Ier du titre Ier, consacré à la PMA pour tous, le projet de loi relatif à la bioéthique accroît le nombre de situations dans lesquelles les droits de l'enfant seront objectivement violés. Puis, au chapitre II, il console les enfants nés d'une PMA en leur disant qu'ils auront peut-être accès à l'identité de leur père à leurs 18 ans.
Certains connaîtront cet homme, d'autres non, sans aucune égalité entre les enfants. Je veux, une fois encore, dire qu'on ne pense pas ici à l'enfant qui ne peut avoir accès à ces informations.
Par ailleurs, l'alinéa 10 de l'article 3 méprise la quête des enfants pour leurs origines jusqu'à leurs 18 ans, sachant qu'à leur majorité, celle-ci dépendra du bon vouloir d'un tiers. C'est contraire à toutes les conventions internationales relatives aux droits de l'enfant, lesquels sont fondés sur la dignité humaine et non sur la volonté d'un tiers.
Cet amendement vise donc à supprimer le critère de majorité pour l'accès aux données identifiantes et non identifiantes du donneur.
J'avais entendu les réponses de l'ancienne ministre de la santé en première lecture ainsi que les réserves que vous émettez aujourd'hui. Toutefois, dans la continuité de ce qui a été dit par certains collègues et eu égard à mon souci constant de faire de l'intérêt de l'enfant une priorité, il serait utile, voire souhaitable – et nous pourrons y revenir dans le futur – , qu'un jeune de 16 ans né d'une AMP puisse accéder aux données non identifiantes du donneur – à l'image de ce qui se fait aux Pays-Bas et en Allemagne – , notamment dans le cas où il irait consulter seul un médecin sur des questions intimes. Je ne reprendrai pas mon propos introductif à l'article 3, mais je suis intimement persuadée, vous l'avez compris, que pouvoir obtenir ces informations à l'âge de 16 ans serait structurant pour la construction psychologique de la personne et pourrait procurer d'importantes informations médicales.
J'entends votre proposition, madame Provendier ; j'ai moi-même beaucoup hésité. Comme je le rappelais à Emmanuelle Fontaine-Domeizel, nous en avons longuement discuté en première lecture puis en commission en deuxième lecture. La question se pose d'autant plus que d'autres États européens ont envisagé les choses différemment. Il se trouve que ce texte, avec l'ouverture, en France, du droit d'accès à ses origines personnelles, constitue déjà un bouleversement culturel. Les propos prononcés sur d'autres bancs de l'hémicycle nous en apportent d'ailleurs la preuve : ce bouleversement peut en heurter certains ou les interroger… Cette levée du tabou, du secret, sur les origines constituant un grand changement culturel, nous préférons réserver l'accès à ces informations aux personnes majeures, d'autant, comme le disait M. le secrétaire d'État, que cela nous semble préférable pour la construction psychologique et identitaire des enfants. À l'adolescence, on peut être traversé par un grand nombre de choses, aussi laissons les enfants nés d'AMP atteindre leurs 18 ans avant de leur permettre de compléter leur récit personnel.
En revanche, je retiens votre proposition d'envisager à nouveau cette possibilité dans l'avenir. Lors des prochaines révisions des lois de bioéthiques, avec un peu de recul sur ce droit d'accès aux origines personnelles, peut-être disposerons-nous de retours d'expérience des premières personnes qui auront eu accès à leurs origines personnelles et qui nous diront alors comment les choses se sont déroulées et si elles auraient eu besoin de ces informations plus tôt.
En définitive, nous procédons à une construction par étapes et nous nous apprêtons à lancer un premier changement culturel. J'estime qu'il nous faut le défendre haut et fort, dignement, car il est bénéfique pour l'ensemble des familles concernées et des enfants devenus majeurs. C'est pourquoi il convient de ne pas nous précipiter dans l'adoption des mesures, afin de ne pas déstabiliser cette construction majeure qu'est la levée du tabou sur les origines. Je demande donc le retrait de l'amendement no 562 ; à défaut l'avis serait défavorable.
Madame Thill, je tiens à dire que vous n'avez pas du tout utilisé les mêmes arguments que Mme Provendier. Votre rhétorique me peine pour les familles comme pour les donneurs. Du reste, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais vous n'envisagez que des donneurs masculins, en opérant une pseudo-référence au père. Mais n'y a-t-il pas, en France, des femmes qui donnent leurs ovocytes ? Il existe bien des donneuses de gamètes ! Arrêtez de stigmatiser les hommes en considérant ceux qui donnent comme des pères. Nous en reparlerons lors de l'examen de l'article 4, le donneur n'est pas le père de l'enfant, en aucune manière.
Ce mode de filiation est prohibé depuis 1994 et le restera durablement. Il faut en finir avec cette confusion. Chaque fois que vous l'entretenez, que vous la pointez du doigt, vous faites du mal à ces familles, vous faites du mal à ces enfants ! Vous n'en avez pas le droit !
Par ailleurs, nous l'avons déjà beaucoup évoqué, il n'y a évidemment pas d'opposition entre le droit de l'enfant et le droit à l'enfant. Il s'agit encore d'une ineptie qui n'a pas lieu d'être. L'enfant n'est pas un objet, mais un sujet de droit ; il faut donc cesser d'introduire ces confusions. Et, le donneur n'étant pas le père, il est évident que nous n'allons pas donner accès à ses informations identifiantes et non identifiantes sans condition d'âge. Sur l'amendement no 695 , l'avis est très défavorable.
Mme Monique Limon applaudit.
Madame Provendier, je vous répondrai ce que j'ai déjà dit précédemment. Nous considérons l'âge de la majorité comme une garantie que l'intéressé possédera la maturité nécessaire pour appréhender toutes les conséquences des informations auxquelles il pourra avoir accès.
Cependant, pour la clarté des débats, il est nécessaire de préciser que ces exigences ne font pas obstacle à ce que l'enfant connaisse l'histoire de sa conception tout au long de sa minorité, au travers du récit que pourront lui en avoir fait ses parents ; voilà le sens des dispositions que nous nous apprêtons à adopter. Je le répète, notre volonté est de dédramatiser, de dépassionner, de déculpabiliser ces processus, pour qu'une discussion plus naturelle et plus apaisée puisse avoir lieu entre les parents et l'enfant.
J'ajoute une deuxième précision importante : à tout âge, en cas de besoin sanitaire, la loi autorise d'ores et déjà le médecin à obtenir un certain nombre de données, dans l'intérêt du mineur.
Je suis d'accord avec vous et Mme la rapporteure pour considérer important de prendre acte pour l'avenir : à ce titre, votre amendement peut faire office d'amendement d'appel pour les députés qui vous succéderont. Toutefois, à ce stade, il ne nous semble opportun de retenir votre proposition : attendons d'avoir un peu de recul. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Je remercie la rapporteure et le secrétaire d'État pour leurs explications détaillées. Je salue ce texte qui permet aux jeunes adultes nés d'une AMP d'accéder aux informations relatives à leurs origines. Je transforme donc mon amendement en amendement d'appel et je le retire.
L'amendement no 562 est retiré.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 49.
Nous venons d'avoir la parfaite illustration du fait que les députés non inscrits ne sont rien dans cet hémicycle. Nous avons une discussion commune composée de trois amendements, des réponses sont données à Mme Provendier et à Mme Thill, et mon amendement est complètement ignoré. Il est pourtant très bien : …
Monsieur le président, j'aimerais que l'on fasse droit aux amendements déposés par les députés non inscrits. Nous sommes présents dans l'hémicycle pour qu'ils soient examinés, pour qu'ils ne soient pas déclarés « non soutenus ». La moindre des choses, me semble-t-il, serait d'obtenir une réponse.
Mme Agnès Thill applaudit.
Ce serait très sympathique et faire preuve d'un minimum d'égard aux non inscrits, députés au même titre que les autres et élus comme les autres. Votre attitude est parfaitement méprisante à notre égard !
Elle a raison, monsieur le président ! Il faudrait que le MODEM respecte les non inscrits ! Il fut un temps où ses députés l'étaient eux-mêmes !
Je comprends votre frustration, mais soyez certaine qu'il n'y a aucun mépris à votre égard ; c'est simplement l'effet de l'application du règlement. Et la rapporteure et le secrétaire d'État peuvent s'exprimer à l'envi sur chacun des amendements présentés.
Article 3
Il s'appuie sur les recommandations du Conseil d'État et celles de la professeure Nathalie Rives, présidente de la Fédération française des CECOS. Il tend à modifier l'article 3 pour prendre en compte les droits du donneur en lui permettant d'exprimer son consentement à l'accès à son identité non pas au moment du don, mais au moment où l'enfant, devenu majeur, en formule la demande.
Mme la rapporteure a parlé du tabou de l'origine. Mais, le tabou, ce n'est pas de connaître l'identité du donneur, c'est de ne pas donner à l'enfant d'informations sur sa conception. Qu'y a-t-il derrière le mot « origine » ? Qu'est-ce que l'origine ? Est-ce mon identité génétique ? N'est-ce pas plutôt la volonté, l'engagement, le projet des parents d'avoir un enfant ? Je rejoins à cet égard nos collègues du groupe GDR : le projet de loi présente en effet une contradiction, car, insistant en même temps sur le fait que l'enfant est celui des parents qui en ont eu le projet et sur la nécessité de divulguer l'identité du donneur, il peut prêter à confusion sur le mode de filiation.
Par ailleurs, on le sait, le dispositif présente un risque majeur : entraîner la baisse du nombre de dons. À cela, certains répondent que, passé un certain délai, les donneurs reviennent encore plus nombreux qu'auparavant. Mais, comme l'expliquent les CECOS, cet argument repose principalement sur l'expérience des pays anglo-saxons, où le recueil des dons de gamètes par des banques privées suit des règles très différentes. Je vous invite donc à bien étudier la question.
Enfin, il faut mieux prendre en compte le droit à la vie privée du donneur.
Quand une personne qui a donné à 20 ans et qui en a désormais 38 apprend qu'un enfant issu de son don demande à connaître son identité, beaucoup de choses ont pu se passer dans sa vie entre-temps.
Il faut y réfléchir.
Enfin, attendre la majorité de l'enfant demandeur pour donner son consentement, c'est aussi permettre une décision plus éclairée. Quoi qu'on en dise, celle-ci peut avoir des conséquences, y compris pour le jeune qui, quelle que soit la bienveillance de ses parents, peut, comme tout le monde, à un moment ou à un autre de son parcours, se poser des questions, éprouver le besoin de rechercher un parent.
Il faut vraiment prendre en compte les droits du donneur, et je vous mets en garde contre le risque de renforcer considérablement la filiation biologique.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 2127 .
Madame Tamarelle-Verhaeghe, je m'inscris en faux contre vos arguments. Ce qui me gêne énormément, c'est que vous voulez déresponsabiliser l'adulte, qui a pourtant consenti à donner dans des conditions pourtant extrêmement claires. Nous avons abordé cette question dans la discussion générale et nous avons eu un petit échange à ce sujet avec M. Le Fur. Je suis très attachée à l'éthique de la responsabilité. Le fait de donner, quand bien même il s'agit d'un geste gratuit, désintéressé et anonyme, engage la responsabilité à l'endroit de la société et des receveurs. L'enfant qui sera issu de ce don n'a absolument rien demandé. Tout le monde a une responsabilité envers lui : l'État, qui organise l'AMP ; les parents, qui s'engagent dans le projet parental ; le donneur, qui s'engage dans le don, selon des conditions déterminées par la société. Déresponsabiliser l'un des acteurs, il me semble que c'est les déresponsabiliser tous.
Qui serions-nous si nous placions des enfants face à des gens à qui l'on aurait dit qu'ils avaient le droit de changer d'avis en cours de route, que ce n'était pas très grave, que ce n'était pas de leur responsabilité. Cela me paraît impossible !
En outre, si nous décidions de nous engager dans cette voie – ce que je ne souhaite pas – , nous créerions une rupture d'égalité entre les enfants issus d'AMP devenus majeurs, car certains d'entre eux pourraient avoir accès aux données non identifiantes et d'autres non, ce qui serait terrible ! L'État est là pour poser les conditions de la responsabilité. Or elles sont très claires pour le donneur : le consentement à transmettre les données non identifiantes et identifiantes sera recueilli au moment du don.
La commission est donc défavorable à ces amendements visant à instaurer un double consentement qui pourrait déresponsabiliser l'ensemble des acteurs vis-à-vis de l'enfant.
C'est en effet dès le départ que le donneur exprime son consentement éclairé, dont il connaît toutes les conséquences qu'il aura dix-huit ans plus tard. Au moment où l'enfant issu de l'AMP devient majeur, le donneur n'est donc pas pris par surprise.
Il est vrai qu'on a constaté, dans plusieurs pays, une baisse du nombre de dons. Mais, passé un premier moment, les dons reprennent. Le profil des donneurs évolue aussi, mais cela n'a jamais entraîné, à l'étranger, la pénurie que vous laissez entendre.
D'un point de vue collectif, votre proposition pose en effet un problème d'égalité considérable, puisqu'elle revient à organiser une rupture d'égalité entre les enfants. Mais plaçons-nous à un niveau individuel. Lors des précédents débats, vous avez beaucoup parlé de l'intérêt de l'enfant – et je vous en remercie, même si nous n'arrivions pas forcément aux mêmes conclusions. Eh bien, du point de vue de l'enfant, c'est un supplice chinois qu'on organise là ! On va d'abord lui répéter que, quand il aura 18 ans, il pourra avoir accès à ses origines, connaître ce récit important pour la construction d'une identité, mais qu'il ne le pourra peut-être pas. L'enfant va donc se développer, grandir, à 18 ans il va prendre l'initiative d'avoir accès à ses origines, parce qu'il en ressent le besoin, et on va lui claquer la porte au nez : alors qu'il aura espéré pendant des années pouvoir disposer de cette pièce manquante dans son récit, on la lui refusera !
D'un point de vue collectif au regard de l'égalité, d'un point de vue individuel au regard du développement et de l'épanouissement de l'enfant, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Nous traitons là de sujets lourds de conséquences, tant pour la société que pour les enfants issus de tiers donneurs et pour les donneurs. Bien que, je le rappelle, nous soyons très attachés au principe d'anonymat du don, nous pourrions nous demander dans quelle mesure il est possible d'y déroger pour prendre en compte le mal-être que connaissent les enfants issus de tiers donneurs et qui, plus de vingt après leur naissance, éprouvent le besoin d'accéder à leurs origines, comme nous avons pu le constater lors des auditions.
Nous sommes là dans un questionnement éthique entre deux biens. Lequel des deux faire primer ? Doit-on faire primer la vulnérabilité de l'enfant dans sa construction ? Oui, il faut que chacun assume sa responsabilité, mais n'y a-t-il pas une certaine incohérence dans ce projet de loi entre l'article 3, qui répond d'une certaine manière à cette demande des enfants, et l'article 1er, qui éloigne le lien biologique ?
J'ai beaucoup apprécié les propos de notre rapporteure. Le don de gamètes, pour un homme comme pour une femme, engage énormément, bien plus que le don de sang ou d'un organe, car ces gamètes vont être déterminants pour la personnalité de l'être qui en sera issu, et même si le donneur ne rencontre jamais celui que, d'une manière ou d'une autre, il a généré.
Je suis également sensible au fait qu'on mette enfin en avant les droits de l'enfant ! Certes, les droits du donneur existent aussi, mais ceux de l'enfant sont déterminants. À 16 ans, à 18 ans, à 25 ans, à 40 ans, la recherche des origines peut être un sujet de préoccupation majeur pour un individu, une obsession.
Mme la rapporteure acquiesce.
Si, à cette recherche légitime, on oppose simplement un coffre-fort fermé par une quelconque administration, on ne pourra pas tenir longtemps. De ce point de vue, je vous trouve encore bien timides, chers collègues de la majorité. Pour ma part, j'étais favorable aux amendements qui viennent d'être défendus, y compris à celui qui a été retiré, en faveur duquel nous aurions pourtant fort bien pu voter.
La recherche des origines est légitime. Il n'y a pas de raison, sauf exception, de s'y opposer. D'ailleurs, la technique nous rattrapera car, qu'ils soient autorisés ou non, les tests génétiques sont pratiqués et permettront à chacun d'accéder à ces informations. Le secret de famille peut être légitime, mais le secret de famille garanti par l'État ne l'est pas : nous n'avons pas le droit de nous opposer à une demande quelconque quant à l'origine des uns et des autres. Sachons évoluer un peu, arrêtons de nous crisper sur les droits de l'adulte, pensons aussi aux droits de l'enfant, car, à 30, 40 ou 45 ans, on reste l'enfant qu'on a été.
Mme la rapporteure applaudit.
Madame la rapporteure, j'ai bien compris votre argumentation. Néanmoins, quand vous parlez de la responsabilité du donneur, quelle portée reconnaissez-vous à cette notion ? On est toujours responsable vis-à-vis de quelqu'un. Quelle responsabilité peut-on avoir vis-à-vis de l'enfant pour lequel on a été donneur ? Je crains que ce dispositif ne comporte une fragilité juridique car le droit international confère à l'enfant, à un moment ou à un autre, non seulement le droit de connaître son ascendance, mais aussi celui de faire établir sa filiation. Ne risquons-nous pas, un jour, de faire face à des contentieux dans ce domaine ? Voilà pourquoi j'aimerais que vous précisiez la portée de cette responsabilité.
J'ai bien entendu vos réponses, madame la rapporteure et monsieur le secrétaire d'État, mais mon amendement n'implique aucune déresponsabilisation. Il concerne les droits des donneurs, c'est-à-dire une vraie question. Et je ne suis pas la seule à les défendre : c'est certes mon amendement, mais sachez qu'il reprend la proposition du Conseil d'État, qu'il s'appuie donc sur des arguments et une évaluation juridiques.
Vous parlez de l'importance et de la nécessité de connaître son identité. Mais les données non identifiantes fournissent déjà des éléments importants à propos de l'origine génétique. Faut-il connaître la personne du donneur elle-même ? Avec vos propositions, une relation pourrait s'établir avec celle-ci, ce qui pose beaucoup de questions.
Comparons avec les dons d'organe : ils sont absolument anonymes. C'est même contrevenir à la loi que de chercher à connaître le donneur. Cette interdiction est justifiée par le risque de dépendance, d'établissement d'un lien dans lequel le receveur se sentirait redevable – cela pour un simple organe, alors à plus forte raison pour des gamètes.
Vous dites qu'il n'y pas de souci, que communiquer l'identité du donneur ne revient pas à établir une filiation. Mais il ne suffit pas de nier la filiation pour que rien ne se passe. Il me semble que le droit du donneur doit être pris en considération.
Je regrette que, alors que nombre de mes amendements émanent d'échanges avec la présidente de la Fédération française des CECOS, la professeure Nathalie Rives, les représentants de ces organismes n'aient jamais été entendus.
Enfin, on entend systématiquement dire qu'il n'y a aucun problème dans les pays anglo-saxons. Je vous invite à aller voir comment s'y passent les dons : il faut passer par des banques à but lucratif pour accéder aux gamètes, lesquelles sont interdites en France, heureusement. Allez vérifier : le système, là-bas, au dire des représentants des CECOS, est assez controversé.
Je salue tout d'abord M. Le Fur pour son intervention, d'une grande qualité.
Et mon intervention, vous ne la saluez pas ? J'ai pourtant de belles qualités, moi aussi !
Sourires.
Je vous répondrai plus tard, monsieur Bazin.
Monsieur Brindeau, vous m'interrogez sur la notion de responsabilité. Elle n'est pas juridique à strictement parler, mais éthique. Le geste du don implique, me semble-t-il, une éthique de la responsabilité, parce qu'il engage, il a des conséquences. En l'occurrence, le donneur, par son geste, prend une responsabilité : il permettra à la personne majeure issue de ce don d'accéder aux données non identifiantes et identifiantes. Au moment où l'on donne, il convient d'être conscient de cette conséquence, parmi d'autres. Un jour peut-être, un être vivant majeur aura besoin d'éléments de son récit génétique, pour construire son récit identitaire et non son récit familial – ce sont deux choses différentes.
Vous vous inquiétez d'une contradiction avec le droit international. Mais il n'y aura aucune confusion des genres puisque la filiation des enfants concernés sera déjà établie et que la filiation avec le donneur restera proscrite. Elle l'est déjà à l'article 311-19 du code civil ; nous comptons maintenir cette disposition, et ne modifier que les garanties du secret. De ce point de vue, il n'y a donc aucun risque.
Madame Tamarelle-Verhaeghe, parce qu'une certaine confusion subsiste, laissez-moi relire l'article 16-8 du code civil, relatif à l'anonymat du don : « Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut pas connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur. En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l'identification de ceux-ci. » Les principes éthiques en vigueur sont donc clairs : l'anonymat du don est absolu entre donneur et receveur. Or, dans le débat qui nous intéresse, le receveur n'est pas l'enfant, mais ses parents. L'enfant est issu du don, il en est une conséquence, mais il n'en est pas le dépositaire. Pourquoi alors lui faire porter les conséquences du choix d'adultes ?
Ainsi, nous maintenons le principe général de l'anonymat du don, et la levée partielle de l'anonymat s'effectue au bénéfice de l'enfant devenu personne majeure, qui n'est pas receveur et pas responsable du geste des adultes qui, eux, ont choisi en toute responsabilité.
L'amendement no 808 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1412 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2262 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il a pour objectif de centrer la focale sur le consentement du conjoint du donneur, qui doit être pris en compte. Comme notre collègue Le Fur l'indiquait à l'instant, les enfants ont le droit de connaître leurs origines à un moment ou l'autre, et il est essentiel de traiter cette question en amont, sans quoi l'on s'achemine vers d'importantes difficultés. Si le Gouvernement compte s'opposer à ces amendements, nous aimerions vraiment savoir pourquoi.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai posé la question tout à l'heure, mais vous n'y avez pas répondu.
J'allais le faire !
Tant mieux ! Il faut absolument que le conjoint du donneur puisse exprimer son consentement parce que, dix-huit ans après le don, quand l'anonymat sera levé, ses conséquences pourront faire irruption dans le foyer et briser la paix du ménage.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 1860 .
Un don de gamète n'est pas un don altruiste anonyme, loin de là, il n'est pas sans conséquence pour les familles, loin de là. Il apparaît donc essentiel que le conjoint soit lui aussi placé au coeur du dispositif.
L'amendement no 1270 de Mme Blandine Brocard est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Nous voici au coeur des questions soulevées par M. Bazin dans son intervention sur l'article 3. Vous réclamez, par ces amendements, le consentement exprès du conjoint du donneur au moment du don. Je réitérerai mon avis défavorable, parce qu'ils nous placent au coeur de la confusion que vous répéterez à l'article 4, je pense. Ce que le donneur donne, ce n'est pas une histoire amoureuse, relationnelle ou familiale, mais une histoire strictement génétique, liée à ses gamètes. Par conséquent, il n'y a pas lieu de demander la permission de son conjoint. Celui-ci n'a rien à faire dans ce don, qui ne participe pas d'une histoire familiale, mais d'un récit génétique. Parce que cette confusion doit être définitivement dissipée pour l'avenir, pour le bien des donneurs, des familles qui vont advenir et des enfants, mon avis est défavorable.
Monsieur Bazin, en 2011 – vous n'étiez pas alors élu ici, je crois, mais M. Hetzel l'était – ,…
… le législateur a supprimé la notion de don de couple à couple. Si l'on maintient l'accord du conjoint, on prive en réalité le donneur de la liberté de maintenir son don, mais aussi du droit, actuellement en vigueur, de révoquer son consentement pour les gamètes qui n'ont pas encore été utilisés. Vos propositions aboutiraient ainsi à une restriction des droits du donneur, alors que vous prétendez les défendre.
Par ailleurs, l'interrogation sur le maintien du consentement du conjoint est renforcée par l'évolution de la société et de la stabilité des couples. Il nous semble nécessaire d'y adapter le don de gamète. Je rappelle que la législation française était la seule en Europe à imposer le recueil du consentement de l'autre membre du couple pour un don de gamète. Si nous adaptons notre droit pour limiter le consentement exprès au seul donneur, cela n'empêche pas, dans la logique de transparence qui anime l'article 3 et au bénéfice de toutes les composantes de la famille, que des discussions aient lieu à ce propos entre le donneur et son conjoint – qui ne le sera peut-être plus dix-huit ans plus tard, accessoirement.
C'est vrai.
Sourires.
Vous avez parfaitement raison !
En tout cas, pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements.
Hier, lors des débats sur la PMA post-mortem, nos amis du groupe Les Républicains arguaient que celle-ci ne devait pas être autorisée, à cause de la pression, de la charge qu'elle ajouterait. Or c'est précisément ce que vous préconisez ici en demandant de subordonner le don des gamètes au consentement exprès du conjoint !
Si ! Vous faites peser indirectement une pression supplémentaire sur le conjoint du donneur.
Admettons que l'on rétablisse l'obligation d'obtenir le consentement du conjoint. En cas de révocation du don de gamète par le donneur, le conjoint qui aura donné son consentement au don devra-t-il aussi le révoquer ?
Bonne question !
Il faut savoir laisser une certaine autonomie aux donneurs et responsabiliser les gens. La rapporteure l'a dit, le don de gamètes est un acte personnel et altruiste, mais ce n'est rien d'autre qu'un don génétique. N'ajoutons pas une forme de pression indirecte au don de gamètes. Je voterai contre ces amendements ; il faut nous en tenir au libre don de gamètes.
Nous aurons l'occasion de revenir sur la discussion quand nous examinerons l'article 4.
Notre droit positif contient déjà un élément très fort : la possibilité de lancer une procédure de reconnaissance en paternité. Cela montre bien que le législateur reconnaît déjà la possibilité d'accéder à ses origines. Vous nous dites de ne pas nous inquiéter, que tout cela n'a rien à voir parce que cela relève uniquement du biologique, mais cela va en réalité beaucoup plus loin. Contrairement à ce que vous prétendez, vous ne pourrez pas empêcher les enfants de vouloir accéder à leurs origines, à un moment ou à un autre.
Si le conjoint du tiers donneur est encore présent dix-huit ans plus tard, s'il n'est pas au courant du don de gamètes et si la personne qui en est issue se présente au domicile du donneur après avoir obtenu son identité, quels seront les effets sur le couple ? La question profonde, qui engage notre responsabilité en tant que législateurs, est la suivante : va-t-on, peut-on, créer du mal-être dans vingt ans ?
M. Bazin est reparti dans la série des scénarios !
On transmettra l'identité et les données non identifiantes, mais pas de coordonnées ni de numéro de téléphone ; on ne crée donc pas de droit à la relation. L'éthique de la responsabilité du donneur, je viens de le dire, implique qu'il lui appartient de gérer son couple, s'il a un conjoint : c'est à lui de décider de partager ou non cette information et de réagir comme il le souhaite au moment que vous évoquez, de façon responsable vis-à-vis de son partenaire comme de l'enfant qui aurait des questions à lui poser. Mais nous en sommes loin…
Monsieur Hetzel, je suis navrée mais vous faites erreur. Le code civil de 2020 – donc dans sa version non encore modifiée – prévoit, dans son article 311-19, conformément à la loi de 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation. » C'est très clair, il n'y a pas de confusion possible : l'établissement d'un lien de filiation est prohibé depuis plusieurs décennies. En tout état de cause, il n'y aura pas de filiation entre le donneur et l'enfant.
Vous négligez la jurisprudence, vous faites comme s'il n'y en avait pas !
L'amendement no 1270 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra