La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la troisième partie du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 812 à l'article 16.
Nous en venons donc à l'amendement no 812 , sur lequel je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement.
Il s'agit, là encore, de préciser les missions de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. J'ai indiqué ce matin que la création de cette nouvelle branche de la sécurité sociale devait être accompagnée d'une ambition politique forte, garantissant à chacun un droit universel à l'autonomie, ce qui nécessite à tout le moins un niveau élevé de couverture sociale et l'existence d'un grand service public décentralisé de l'autonomie.
Dans ce domaine, il existe déjà un certain nombre d'acteurs et de structures publics, dont les principales missions seraient la prévention, l'octroi des prestations, l'information des assurés, le service en lui-même. Nous souhaitons mettre ce dossier sur la table, car les enjeux qui y sont liés suscitent des offensives privées : nous voulons sortir le droit à l'autonomie des griffes du marché. Il faut que l'instauration de cette branche, dont nous avons dit ce que nous pensions par ailleurs, serve au moins à cela – à nous permettre d'avancer vers la création d'un véritable service public et de répondre aux attentes en matière de droit à l'autonomie.
La parole est à Mme Caroline Janvier, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'autonomie et le secteur médico-social, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Cet amendement a fait l'objet d'un débat en commission. Sur le fond, on ne peut, une fois encore, qu'approuver votre ambition d'une politique forte en matière d'autonomie. Cela étant, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, et ce que nous définissons dans le cadre du présent PLFSS, laissent encore des étapes à franchir : ce sera notamment l'objet du futur projet de loi sur le grand âge et l'autonomie. La configuration opérationnelle de cette branche, en particulier au niveau local, n'est pas encore tout à fait arrêtée.
Dans son rapport, Laurent Vachey indiquait un certain nombre de pistes ; il nous proposait entre autres un arbitrage au sujet de l'implication des départements et des services déconcentrés, en l'occurrence les ARS, les agences régionales de santé. À ce stade, votre amendement est donc prématuré, car des discussions doivent être engagées avec ces acteurs qui apportent un soutien en cas de perte d'autonomie. Par ailleurs, la notion de « service public décentralisé », trop précise, ne nous permettrait pas d'inclure les services déconcentrés ni les ARS. La rédaction de l'alinéa 5 de l'article 16 est plus englobante, puisqu'elle assigne à la CNSA la mission de piloter et de coordonner l'ensemble des acteurs participant à la mise en oeuvre des politiques de soutien à l'autonomie. Par conséquent, avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'ajouterai seulement aux propos de la rapporteure que nous ne pourrions créer un service public décentralisé, qui se substituerait aux départements, sans concertation avec ces derniers. Je suis donc obligée d'émettre un avis défavorable.
Pour nous, la question est de savoir s'il y a, au coeur de ce qui est en train de se chercher, de se construire, une ambition propre au service public. Telle que vous l'avez paraphrasée, madame la rapporteure, la rédaction de l'alinéa 5 ne contient pas cette précision. « L'ensemble des acteurs », aujourd'hui, recouvre un champ très large. Nous sommes très attachés à l'idée qu'un service public puissant doit être au coeur de ce défi : c'est la raison d'être de notre proposition.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 10
Contre 47
L'amendement no 812 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2149 .
Il a trait à l'organisation de cette cinquième branche chargée de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Nous prenons acte de sa gestion par la CNSA ; quant à son unité, elle est souhaitable et nécessaire, afin de mieux structurer les diverses interventions publiques. Cette branche permettra d'offrir une meilleure qualité de service aux Français confrontés au cinquième risque : la perte d'autonomie.
Il importe toutefois, pour respecter les priorités financières, de pouvoir suivre les fonds dédiés d'une part aux personnes en situation de handicap, d'autre part aux personnes âgées. Le rapport Vachey le préconise : il faut une présentation globale, mais aussi une présentation différenciée des fonds, selon le public auquel ils sont consacrés. Cette logique transparaît dans la construction de l'ONDAM, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, qui distingue financièrement les établissements accueillant des personnes âgées de ceux qui accueillent des personnes en situation de handicap. Il est donc nécessaire de garantir que cette approche à la fois unitaire et segmentée soit assurée par la CNSA.
À travers cet amendement, je perçois la crainte à la fois des personnes âgées et des personnes handicapées que les fonds dont ils doivent bénéficier ne soient utilisés en faveur de l'autre public pris en charge par la branche autonomie. À cet égard, je peux vous rassurer.
Vous l'avez dit : l'ONDAM distingue bien les dépenses consacrées aux personnes âgées de celles qui sont dédiées aux personnes en situation de handicap. De la même façon, au sein des comptes de la CNSA, vous pourrez retrouver les concours destinés par exemple à l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, ou à la PCH, la prestation de compensation du handicap. L'annexe 10 de ce PLFSS rassemble d'ailleurs des éléments susceptibles de nous éclairer, nous, parlementaires, et de nous permettre de mieux suivre l'emploi des fonds. Dans la partie présentant l'ensemble des dépenses relatives au soutien à l'autonomie, vous trouverez les concours respectifs de la sécurité sociale, de l'État et des collectivités territoriales, qu'il s'agisse de prestations ou du financement des établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou handicapées. Votre demande est donc satisfaite. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, pour donner l'avis du Gouvernement.
Madame Tamarelle-Verhaeghe, je comprends tout à fait votre interrogation et votre souhait de pouvoir flécher, identifier, les fonds destinés à cette politique publique. C'est déjà le cas dans la construction actuelle ; ce sera le cas dans celle qui lui succédera. De plus, comme l'a dit Mme la rapporteure, cette annexe 10 nous donnera une lisibilité globale en la matière.
Nous consacrons plus de 51 milliards d'euros aux personnes handicapées, et beaucoup aussi aux personnes âgées, car cette politique publique est en fait transversale, répandue partout au sein du Gouvernement. Cela peut également répondre aux inquiétudes de certains députés. Nous sommes en train de travailler à cette société inclusive où chacun prend sa part de la dépense afin de préserver l'autonomie des personnes concernées et de leur offrir un accès plein et entier à la société. Sa construction même suppose déjà cette lisibilité, ainsi que l'existence de lieux où nous pouvons édifier une politique en commun avec les personnes âgées ou handicapées. Je pense par exemple à l'amélioration de l'habitat inclusif ou à celle des aides techniques. Notre volonté est de concilier prévention, soutien à l'autonomie et lisibilité. La segmentation des comptes n'est pas nécessaire pour conserver cette dernière. Je suis défavorable à votre amendement, car nous disposons de tous les outils nécessaires pour assurer correctement le suivi de notre politique publique.
Le sujet est important : il existe un problème de lisibilité. Les comptes présentent différentes sections, différentes recettes, différentes hypothèses de rendement, différentes hypothèses d'affectation ; dans tout cela, nous avons du mal à voir quels financements vous prévoyez de sanctuariser au cas où les seuils d'affectation des recettes seraient trop faibles.
Très concrètement, dans la situation actuelle, les départements sont en première ligne : ce sont eux qui versent l'APA et la PCH. L'État compense les besoins – pas totalement. Notre pays va connaître un vieillissement de sa population, et par conséquent un fort accroissement de ces besoins de financement de la perte d'autonomie. Encore une fois, on a donc un vrai problème de lisibilité : les intentions affichées ne s'accompagnent pas des moyens nécessaires.
Cet amendement vise à savoir ce qui est placé sur l'APA et ce qui est placé sur la PCH, afin que nous, membres du Parlement, puissions contrôler efficacement l'utilisation de ces fonds. C'est pourquoi son adoption serait essentielle.
Pour ma part, je ne porterai aucun jugement sur le volume des moyens ; si je l'ai bien compris, ce n'est pas du tout l'objet de l'amendement de Mme Tamarelle-Verhaeghe, que je soutiens par ailleurs.
En revanche, j'y vois un parallèle avec le projet de création de maisons de l'autonomie, malgré la réticence du monde du handicap, qui craint une fongibilité des moyens. Nous avons le devoir d'établir que cette cinquième branche comprendra bien une partie dédiée au grand âge et une partie dédiée aux personnes en situation de handicap. Il faut nous astreindre à faire preuve de clarté sur ce point, dès le départ, si nous voulons que la création de cette cinquième branche soit acceptée par tous.
Je souscris aux propos de Mme Firmin Le Bodo. Ma demande est celle d'un engagement de transparence que prendrait le Gouvernement vis-à-vis de l'ensemble des Français, mais aussi, plus particulièrement, vis-à-vis des parlementaires. Si certaines données figurent dans une annexe, pourquoi ne pas les faire figurer dans les comptes ? Il faut que les choses soient très claires, très transparentes, pour mettre en évidence cette volonté de bâtir un dispositif lisible, équitable et sûr. Tel est l'objet de cet amendement, qui ne coûte rien, et ne vise à rien d'autre qu'à clarifier nos comptes.
L'amendement no 2149 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1113 .
Il vise à substituer à l'expression « l'équité et l'efficience » l'expression « l'égalité de traitement, l'équité, notamment territoriale, et la qualité ». En effet, le mot « efficience » me pose problème. L'efficience mesure la consommation de ressources engagée pour obtenir des résultats, la performance, ou encore le rendement. Utilisée en matière de productivité, elle permet de définir un seuil de rentabilité ou d'apprécier une technique de production, par exemple sur les marchés financiers. J'aimerais donc que vous m'indiquiez, madame la rapporteure, madame la ministre déléguée, ce que vous entendez par la notion d'efficience de l'accompagnement.
Nous avons eu l'occasion d'échanger au sujet de cet amendement en commission. Comme je l'avais alors indiqué, je préfère la notion d'équité à celle d'égalité, car l'équité tient compte de la situation et des besoins spécifiques de la personne en situation de perte d'autonomie. Des prestations comme l'AEEH – allocation d'éducation de l'enfant handicapé – ou la PCH, par exemple, nécessitent la réalisation d'un diagnostic approfondi pour que la réponse soit la plus adaptée possible.
Quant à la notion d'efficience, elle renvoie aux propos de M. Dharréville au sujet de l'équilibre budgétaire. Il relève bien des missions d'une caisse nationale de sécurité sociale d'assurer cet équilibre et l'efficience des ressources : il s'agit de viser la meilleure adéquation des moyens avec les effets recherchés, dans l'objectif d'atteindre le meilleur niveau de protection sociale et d'apporter la réponse la plus adaptée aux besoins. Je réitère donc l'avis défavorable que j'avais émis en commission.
Quant à la notion de qualité, nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement, lorsque nous examinerons un amendement de M. Dharréville.
Madame Dubié, lorsque nous employons le mot « efficience », ce n'est pas en termes économiques ou cyniques. Au contraire, l'efficience – pour nous, en tout cas – consiste à utiliser l'argent du contribuable de la meilleure manière qui soit, toujours avec le souci de la qualité des services rendus aux personnes âgées et handicapées. Tel est le sens de ce mot ; n'y voyez, en aucune manière, une façon de rogner des moyens ou de rendre plus difficile encore la tâche de ceux qui travaillent au service de ces personnes. Avis défavorable.
Vous noterez, madame la rapporteure, que mon amendement mentionne à la fois les mots « égalité de traitement » et « équité », qui sont effectivement deux choses différentes.
Par ailleurs, madame la ministre déléguée, l'efficience est un terme budgétaire. Lorsque je lis les mots « efficience de l'accompagnement », ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment cet accompagnement permettra à la personne en situation de dépendance ou de perte d'autonomie de retrouver de l'autonomie, par exemple. Voilà ce que doit être l'efficience, …
… et non pas une notion budgétaire renvoyant aux moyens engagés. Les mots ont un sens ! Encore une fois, le texte a une dimension exclusivement budgétaire, qui oublie la personne.
Ce n'est vraiment pas le cas !
Je retrouve le fil des débats que nous avons entamés en commission. Jeanine Dubié souhaite préciser le texte à cet endroit précis, et je rejoins l'avis qu'elle vient d'exprimer. On voit bien que le texte se base sur les orientations du rapport Vachey et sur les deux objectifs qu'il fixe pour la branche, l'équité et la simplification – qui avaient peut-être été donnés à l'avance à son auteur. Je persiste à dire que ces objectifs sont très en deçà des objectifs qui devraient être assignés à cette branche.
À la notion d'équité, sur laquelle je reviendrai peut-être dans quelques instants, je préfère moi aussi la notion d'égalité de traitement, telle qu'elle a été évoquée par Jeanine Dubié. Bien sûr, il faut tenir compte de situations différentes – mais l'égalité n'induit pas que l'on n'en tienne pas compte. Le but est d'assurer une égalité de traitement face à des situations comparables. Il me semble que la proposition qui nous est faite est intéressante et que nous devrions l'étudier sérieusement.
Cet amendement propose que l'on substitue aux mots « l'équité et l'efficience » les mots « l'égalité de traitement, l'équité, notamment territoriales, et la qualité ». Qu'avez-vous à redouter, madame la ministre déléguée, de l'amendement de Mme Dubié ? Qu'avons-nous à redouter de la précision des mots et de la substitution du mot « qualité » au mot « efficience » ? On vise bien, justement, la qualité de l'accompagnement ! Comment allez-vous mesurer son efficience ? Avec un histogramme de répartition en fonction des différents EHPAD présents dans le territoire ? Mais la territorialisation n'existe pas et l'on sait très bien que l'accompagnement individualisé est la clé de la réussite du système ! Je ne comprends pas pourquoi le mot « efficience », qui relève habituellement de la stratégie économique, se retrouve dans ce texte au sujet de l'humain. Il me semble que le mot « qualité » suffirait à qualifier l'accompagnement qui doit être apporté, tout simplement.
Mme Jeanine Dubié applaudit.
L'amendement no 1113 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 816 .
D'après ce qui nous a été indiqué par Jeanine Dubié en commission la semaine dernière, l'objectif d'équité constitue un recul par rapport au principe édicté jusqu'ici dans les textes, celui d'égalité. Ainsi, il introduit une sorte de zone grise. La notion d'équité implique en effet que des situations comparables peuvent faire l'objet d'un traitement différent. Pour ma part, je préfère que l'on conserve l'objectif et l'ambition d'égalité, qui n'est pas la même chose que l'équité. Ce n'est d'ailleurs par un hasard si le principe d'égalité figure au fronton de la République. Nous ne devons pas en rabattre, mais au contraire affirmer que l'objectif que nous poursuivons est l'égalité des droits, qui tient compte, naturellement, des situations différentes existant en matière d'autonomie. Si nous n'affichons pas cet objectif, nous subirons un recul. L'équité, comme vous le soulignez vous-mêmes, madame la rapporteure, madame la ministre déléguée, renvoie à une acception plus territoriale que personnelle. Or ces deux notions ne sont ni du même registre ni de la même nature.
L'amendement no 816 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je propose que ma collègue Monique Iborra défende cet amendement, qui a été adopté par la commission à son initiative et à celle du groupe La République en marche.
J'ai déjà abordé ce sujet ce matin. Il est évident que la notion d'équité est au coeur même du projet que nous portons, en raison de la prégnance des inégalités notamment territoriales. Ce sont essentiellement ces inégalités que dénoncent tous les acteurs, professionnels comme personnes bénéficiant des soins. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons insister sur ce point, qui sera au coeur du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie que nous soutiendrons.
Mme Jacqueline Dubois applaudit.
La diversité territoriale dans laquelle s'inscrivent les politiques de l'autonomie est avant tout géographique, démographique et socio-économique, s'agissant de l'accès aux services et aux équipements notamment sanitaires et médico-sociaux. Parler des territoires, c'est faire le constat de grandes diversités qui tiennent aussi bien à des héritages historiques qu'à des disparités de moyens et à des orientations politiques locales dans une organisation décentralisée. Globalement, la décentralisation a constitué un facteur de réduction, dans la durée, des inégalités dans les territoires, et les départements ont investi dans le social et réalisé des efforts pour développer des réponses locales. Dans la même logique, le présent amendement a pour objet de préciser que l'équité garantie par la CNSA est une équité territoriale, pour que la caisse puisse prendre en compte les spécificités des territoires.
Favorable.
Je considère pour ma part que la formulation proposée renforce l'ambiguïté du texte. On comprend que l'adjonction de l'expression « notamment territoriale » renvoie à l'existence de réalités différentes selon les politiques choisies par les départements, qui est un fait. Mais le mot « notamment » sous-entend que l'équité pourrait s'appliquer à un autre domaine et ne pas être cantonnée à la question territoriale. Je continue donc de m'interroger sur ce que nous recherchons, au bout du compte.
Je constate que ces amendements identiques reprennent une partie du mien, pour définir l'équité « notamment territoriale ». Mais vous oubliez le terme d'égalité, qui renvoie au droit : tous les hommes naissent libres et égaux en droit. L'équité, quant à elle, renvoie à l'environnement. Il est normal qu'un traitement équitable soit différencié pour prendre en compte l'environnement de la personne. La réponse, en termes de services, peut être différente en raison de la distance, du climat, de la géographie ou des difficultés de déplacement. C'est en ce sens que la notion d'équité « notamment territoriale », que vous employez, est en réalité consubstantielle au terme d'égalité, sans lequel on oublie le droit de la personne.
Égalité, équité, décentralisation, déconcentration : nous avons un débat sémantique, sans doute parce que les contours des intentions de la réforme n'ont pas été suffisamment bien définis, ce qui pose la question de la méthode. Adopter le principe d'une cinquième branche dans la loi du 7 août 2020 puis l'aborder sous différents angles au travers du PLFSS, sans l'envisager dans sa globalité, en attendant une loi relative au grand âge et à l'autonomie dont on ne connaît pas à ce jour les contours exacts : voilà peut-être ce qui pose problème. Je ne fais pas de procès d'intention au Gouvernement quant aux mots qu'il utilise pour désigner ses objectifs, mais s'il avait été plus patient et avait attendu que le projet de loi soit mieux défini après avoir fait l'objet d'un débat entre nous, il aurait évité, je crois, une partie de ces débats sémantiques qui ne font qu'entretenir une ambiguïté préjudiciable au traitement de ce sujet.
Le principal, me semble-t-il, c'est que nous ayons créé cette branche. J'ai d'ailleurs senti chez M. Dharréville une certaine fébrilité – uniquement parlementaire, et non virale !– , pour ne pas dire une certaine inquiétude. Si nous déployons cette branche, c'est parce que nous souhaitons profondément garantir l'équité entre les uns et les autres. Quant au choix du terme d'équité à la place de celui d'égalité, laissez-moi l'illustrer avec le cas d'une personne qui souffrirait d'un problème de mobilité et d'autonomie. L'égalité, dans ce cas, consiste à donner à chacun la même aide technique. L'équité consiste à donner à la personne concernée l'aide technique qui lui permettra d'arriver au degré d'autonomie souhaité. Il me semble que c'est une différence importante.
C'est ce que nous souhaitons, et c'est l'assurance du meilleur pour chacun. En effet, on ne peut pas se contenter de l'égalité : l'équité est également nécessaire. Nous proposons, au travers de cet amendement, de préciser que nous visons l'équité territoriale car nous savons malheureusement qu'elle n'est pas une réalité dans certains départements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le président, allons-nous voter deux fois à chaque amendement ?
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 964 .
Je m'étonne un peu du déroulement de nos travaux. Je ne suis pas sûr de m'y retrouver !
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 964 fait suite à la discussion que j'ai eue en commission avec Mme la rapporteure au sujet du terme « efficience ». Selon moi, il renvoie plutôt à une logique de performance et de rendement, raison pour laquelle je le trouve un peu inapproprié.
Vous m'aviez suggéré, plutôt que de le supprimer pour le remplacer par le terme de « qualité », d'ajouter cette dernière notion. J'ai convenu que cela pouvait être utile, car le mot « qualité » permet d'afficher l'ambition de progrès social au même niveau que l'efficience, un terme sur lequel je continue d'être un peu circonspect. Quoi qu'il en soit, ajouter le terme de « qualité » permettra d'afficher un objectif intéressant.
Nous avons effectivement débattu de cette question en commission. Je vous remercie d'avoir retravaillé votre amendement, qui permet d'enrichir le texte en y introduisant la notion de qualité. Avis favorable.
Je vous remercie moi aussi d'avoir apporté ce petit changement à la rédaction de votre amendement. Apprécier la qualité ne relève pas des missions de la CNSA, mais bien de celles de la Haute Autorité de santé. Pour autant, compte tenu de la teneur des débats depuis ce matin, et pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur le fait que nous partageons la même ambition, j'émettrai un avis de sagesse.
Je constate que la position de la rapporteure a évolué. Tout à l'heure, lorsque j'ai évoqué le mot « qualité », elle ne voulait pas en entendre parler ; or elle propose maintenant d'adopter l'amendement de notre ami Pierre Dharréville. J'en suis ravi. Grâce à l'adoption de l'amendement no 971 de la commission des affaires sociales, l'approche territoriale est désormais elle aussi mentionnée : très bien ! Il ne reste plus qu'une notion encore oubliée, et qui ne recouvre pas exactement la même chose : celle d'égalité de traitement, qui figurait dans l'amendement de Mme Dubié.
Après ce débat, nous aurons avancé, collectivement. Il faut reconnaître que les mots ont un sens, et je suis heureux de constater que vous l'avez compris. Madame la ministre déléguée, au moment où vous fondez cette nouvelle branche, il est important que nous nous donnions les meilleurs moyens d'atteindre nos objectifs. Seulement, si vous oubliez la notion d'égalité de traitement, il y aura un petit trou dans la raquette.
J'avais déjà soutenu l'amendement de M. Dharréville en commission, je le soutiendrai volontiers à nouveau. Même s'il convient d'éviter les lois bavardes, je pense qu'il est important d'inscrire cet objectif dans la loi, d'autant que nous le partageons tous.
L'amendement no 964 est adopté.
Rires.
La parole est à Mme Stéphanie Atger, pour soutenir l'amendement no 550 .
Dans le cadre de nos débats sur l'article 16, je tenais à défendre un amendement spécifique relatif aux violences subies par les personnes âgées dépendantes.
En effet, la CNSA, qui gérera à partir du 1er janvier 2021 la nouvelle branche de la sécurité sociale consacrée à l'autonomie, se voit confier de nouvelles missions, notamment dans les champs de l'animation, de la coordination et de l'information.
Sur demande conjointe du ministre des solidarités et de la santé et de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, une commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance a été installée le 19 mars 2018 au sein du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, le HCFEA. Cette commission pourra s'agréger à la CNSA, afin de compléter ses nouvelles attributions et de lui donner les moyens d'accomplir pleinement sa mission d'accompagnement des personnes âgées.
La maltraitance, qu'elle soit psychologique, physique ou financière, est une réalité pour de nombreuses personnes âgées dépendantes, mais aussi pour les personnes souffrant d'un handicap. En 2019, la plateforme 3977 a reçu 25 000 appels ; le dispositif national a documenté plus de 4 200 situations de maltraitance, qui ont donné lieu à 28 000 interventions d'accompagnement et à 6 000 actions individuelles.
Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent pleinement de cette question, à laquelle pourra être intégrée la formation des personnels en lien avec les personnes dépendantes.
Je ne peux évidemment que vous rejoindre sur le sujet de la promotion de la bientraitance et de la lutte contre la maltraitance, que je vous remercie, d'ailleurs, de défendre au sein de l'hémicycle.
Néanmoins, il ne me semble pas opportun de confier une mission aussi précise à la CNSA – par exemple, au travers de la notion de charte que vous proposez. En effet, il existe déjà une commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, dont le cadre est d'ailleurs plus large, puisqu'elle travaille également sur le sujet de l'enfance maltraitée. Il me semble inopportun que ces missions soient confiées à des instances différentes. Cela pourrait amoindrir l'efficacité de cette politique publique, que nous devons évidemment promouvoir encore davantage. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Nous partageons tous les objectifs de la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, que vous avez évoquée, et dont nous voulons d'ailleurs renforcer les moyens. C'est une instance que nous avons voulue indépendante, et je pense qu'elle doit le rester car sa mission ne fait pas partie de celles de la CNSA – cela serait quelque peu réducteur. Avec mon cabinet et la Défenseure des droits, nous réfléchissons à l'instauration, à terme, d'autres systèmes sur lesquels nous pourrons nous appuyer, notamment pour gérer les cas de maltraitance.
Compte tenu des éléments qui m'ont été apportés, je retire mon amendement.
L'amendement no 550 est retiré.
Cet amendement de notre collègue Marie-Christine Dalloz vise à préciser que la CNSA « assure un rôle d'accompagnement et d'appui aux maisons départementales de l'autonomie [… ] ainsi qu'un rôle d'évaluation de leur contribution à la politique de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées ».
Les missions de la CNSA vont être resserrées et rationalisées. Il est donc proposé que la Caisse gère la totalité des dépenses actuellement dans son périmètre : l'objectif global de dépenses, les concours versés aux départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, mais également l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, qui dépend actuellement de la branche famille. Cela illustre bien la redéfinition du périmètre la CNSA à laquelle vous vous employez, madame la ministre déléguée.
Dans ce cadre, nous souhaitons qu'il soit bien précisé que le rôle de la Caisse est également d'accompagner, d'appuyer et d'évaluer les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH – autant de missions qui ne sont pas clairement identifiées dans la liste des nouvelles tâches qui lui sont confiées. Nous savons l'importance de ces maisons départementales ; on en entend souvent parler, car elles instruisent les dossiers et sont en contact direct avec les familles. Mais nous constatons aussi les difficultés qu'elles peuvent rencontrer, comme les retards de gestion. Je pense donc qu'il est important que le rôle de la CNSA et son lien avec les maisons départementales soient clairement précisés.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 818 .
Nous avons été saisis de ce sujet par le collectif Handicaps car, dans l'alinéa 5, seul le rôle d'animation et de coordination de la CNSA auprès des acteurs de la politique de l'autonomie a été mentionné. Le présent amendement vise donc à préciser explicitement le rôle de la Caisse en matière d'accompagnement et d'appui aux maisons départementales de l'autonomie, les MDA.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1022 .
Nous souhaitons compléter l'alinéa 5 en précisant que, dans le cadre de la nouvelle branche relative à l'autonomie, les missions de la CNSA comprennent l'accompagnement, l'appui et l'évaluation des maisons départementales de l'autonomie. C'est déjà le cas aujourd'hui, et il semblerait qu'il s'agisse d'un oubli dans la liste des missions qui ont été reprises.
L'amendement no 2620 de M. Joël Aviragnet est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements identiques ?
À ce stade, il me semble prématuré de confier ce rôle à la CNSA. En effet, le débat n'est pas encore tranché, même si le rapport de Laurent Vachey propose de généraliser les MDA. J'en profite pour faire remarquer que l'exposé sommaire et le dispositif de ces amendements ne mentionnent pas les mêmes instances – le premier fait référence aux MDPH alors que le second mentionne les MDA.
En réalité, c'est avec les départements que le débat doit être engagé sur la façon dont nous allons continuer à travailler avec les MDPH – le présent budget, qui prévoit des concours financiers spécifiques à ces instances, continue de les soutenir – , mais également sur l'éventuelle généralisation des MDA.
Aujourd'hui, il me semble à la fois inopportun et prématuré de trancher ces sujets dans un article du PLFSS.
Je pense que vous savez tous, ici, l'importance d'améliorer le service rendu par les maisons départementales des personnes handicapées. Depuis trois ans, nous suivons une feuille de route colossale. Le 15 octobre dernier, l'ensemble des résultats du baromètre des MDPH ont été publiés. Nous avons réalisé un investissement massif de 25 millions d'euros pour permettre à chaque département de monter en qualification en matière de systèmes d'information.
Mme Jacqueline Dubois et M. Thibault Bazin applaudissent.
Je vais rappeler tout ce qui a été dit. Nous avons pour objectif de garantir des délais équitables dans le traitement, l'évaluation et la réponse aux demandes d'octroi de certains droits à vie. Avec la feuille de route MDPH 2022, nous travaillons également aux MDPH du futur, qui prendront en compte l'ensemble des besoins des personnes et leur apporteront une réponse plus équitable sur tout le territoire ; si quelques-unes fonctionnent déjà sous la forme de MDA, vos amendements me semblent aujourd'hui prématurés. Je vous demande donc de les retirer.
Si nous vous proposons d'apporter des précisions, c'est justement pour avancer avec vous sur l'organisation de la cinquième branche. Dans cet article, nous travaillons sur sa gouvernance. Or, au fur et à mesure des réponses – notamment celles de la rapporteure, dont je salue néanmoins le travail – , je m'inquiète. Vous dites qu'il faudra discuter de ces sujets avec les conseils départementaux. Certes ! Nous y sommes tout à fait favorables, mais nous débattons ici d'une loi de financement de la sécurité sociale, pas d'une loi de principe !
Nous devons donc définir le fonctionnement et le financement de ce cinquième risque. Plusieurs d'entre nous connaissent bien les conseils départementaux. Que va-t-il se passer ? Ils organiseront un débat d'orientation budgétaire en novembre et voteront leur budget en décembre. Il est donc nécessaire de savoir – et vous le savez bien, madame la ministre déléguée, madame la secrétaire d'État – ce qui sera pris en charge et les conséquences budgétaires que cela entraînera. La communication nationale a clamé que la branche autonomie était créée et qu'il était possible de répondre aux attentes, mais celles-ci sont fortes et très concrètes : quelles seront les prestations prises en charge dans le cadre de la perte d'autonomie ?
Un élément de la contractualisation avec les départements m'inquiète : la prise en charge dans le cadre de la branche autonomie sera-t-elle universelle, comme pour la politique familiale, qui est la même dans mon département de Meurthe-et-Moselle et en Seine-Saint-Denis ? C'est important, car les attentes sont fortes et il ne faudrait pas accentuer, demain, les iniquités territoriales.
Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, les MDA n'ont pas encore contractualisé dans tous les départements : il est donc prématuré de parler de ces structures. Pour l'instant, dans la majorité des départements, l'action doit être menée autour des MDPH. Comme l'a rappelé Mme la secrétaire d'État, ces instances ont bénéficié d'une enveloppe de 25 millions d'euros et ont fait l'objet de la publication d'un baromètre intéressant que je vous invite, mes chers collègues, à consulter, car il vous permettra d'accompagner les MDPH de vos départements dans leur recherche d'efficience et de rapidité, notamment pour répondre aux demandes d'octroi de droits à vie.
Je le répète, il est aujourd'hui prématuré de parler des maisons de l'autonomie car, dans bien des départements, elles ne sont pas encore une réalité.
Je veux juste préciser à Mme la rapporteure que mon amendement no 1022 fait bien référence aux maisons départementales de l'autonomie mentionnées à l'article L. 149-4 du code de l'action sociale et des familles – dans l'exposé sommaire, je mentionne d'ailleurs bien les maisons de l'autonomie. À un moment donné, il nous faudra bien supprimer la barrière d'âge qui fait la différence entre la personne âgée et la personne handicapée, car l'autonomie recouvre l'ensemble des prestations que l'on accorde à un citoyen quand il se trouve en situation d'incapacité.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 2364 .
Je propose une modification de l'alinéa 6 de l'article 16 afin d'apporter une réponse proportionnée en fonction des besoins des territoires. Il m'apparaît en effet important que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie tienne compte de l'intégralité des besoins de prise en charge des personnes en situation de dépendance et de handicap.
Votre amendement me semble satisfait par la rédaction actuelle de l'article 16, qui mentionne bien le territoire national, dont les territoires ultramarins font évidemment partie. Je vous invite par conséquent à le retirer ; à défaut, avis défavorable.
La CNSA prenant déjà en compte les spécificités des outre-mer, votre demande me paraît satisfaite. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2364 est retiré.
Monsieur le président, je vous propose de donner la parole à M. Dharréville, dont l'amendement no 908 est identique à celui de la commission.
La parole est donc à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 908 .
Cet amendement adopté en commission est fondé sur un constat, celui que les personnes en perte d'autonomie comme leurs proches aidants se trouvent souvent démunis face à la complexité des démarches administratives. La création d'un service numérique n'apparaît pas suffisante pour répondre à l'enjeu de l'accès à l'information et aux droits. La dématérialisation des démarches administratives, que nous avons évoquée il y a quelques heures, risque au contraire de renforcer les inégalités d'accès aux droits sociaux – et, pour certaines personnes, de constituer une barrière infranchissable.
L'accès à l'information et aux droits en matière d'autonomie nécessite de manière complémentaire la mise en place d'un guichet unique, comme le recommande le rapport Libault de mars 2019. Ce guichet unique pourrait être déployé dans chaque département en aménageant les dispositifs actuels, dont je salue le travail, et en s'appuyant sur eux, ainsi que sur le modèle des maisons départementales des personnes handicapées. Ce guichet unique aurait vocation à fournir une offre globale de services et de prestations : information, orientation, aide aux démarches administratives. L'idée de cet amendement est de ne pas en rester à une proposition uniquement numérique.
Sans attendre la loi sur le grand âge et l'autonomie, la CNSA doit dès maintenant contribuer à l'information, notamment en créant ces fameux services numériques. Sur ce point, nous devons certes faire en sorte que la loi ne soit pas trop bavarde, mais la formulation actuelle de l'alinéa 7 laisse craindre que cette mission se résume aux seuls services numériques, ce qui n'est pas souhaitable quand on connaît le manque de lisibilité de la politique d'autonomie dans les territoires. C'est pourquoi l'amendement no 2029 vise à préciser qu'il faut faciliter les démarches administratives et le suivi des parcours par un « accueil unique » au niveau des départements.
Je pense que nous partageons tous la même ambition. Nous avons tous constaté que, si tout le monde devrait pouvoir accéder à l'information dans de bonnes conditions, ce n'est pas encore le cas, tant s'en faut. Nous travaillons à la mise en place d'un système répondant aux exigences exprimées par ces amendements, mais nous n'y sommes pas encore, dans la mesure où les retours qui nous parviennent au sujet des MDA, par exemple, ne sont pas tout à fait probants.
Dans le cadre de la préparation du Laroque de l'autonomie, nous avons demandé à M. Dominique Libault de nous rendre un rapport sur ces guichets uniques, que nous préférons appeler « maisons de l'autonomie », mais qui rendront les mêmes services. Il est évidemment hors de question qu'il ne s'agisse que d'un service numérique : les MDA, que j'ai eu l'occasion d'observer, offrent des services beaucoup plus larges et fonctionnent très bien.
Je salue le travail réalisé depuis trois ans par Sophie Cluzel sur les MDPH. Nous travaillons à la mise au point d'un parcours d'autonomie que nous voulons universel et transversal, ce qui passera obligatoirement par la loi, mais il semble un peu prématuré de vouloir prendre une décision sur ce point dès aujourd'hui. C'est pourquoi je me vois contrainte d'émettre un avis défavorable sur ces amendements.
Actuellement, l'alinéa 7 est ainsi rédigé : « De contribuer à l'information des personnes âgées, des personnes handicapées et de leurs proches aidants, notamment en créant des services numériques permettant de faciliter leurs démarches administratives et le suivi personnalisé de leurs parcours. » Comme on le voit, l'accent est mis sur le numérique, appelé à jouer un rôle prépondérant. Or l'information des personnes âgées ou handicapées ne peut se réduire à un simple accompagnement numérique – j'ai parfaitement conscience que ce n'est pas votre vision des choses, madame la ministre déléguée – , mais nécessite aussi un accompagnement humain.
Au cours des travaux que j'ai menés en tant que rapporteur dans le cadre de la mission flash sur les aidants familiaux, qui a fait l'objet d'une communication devant la commission des affaires sociales, toutes les associations que nous avons rencontrées ont souligné à quel point il est difficile de faire valoir ses droits et d'affronter les difficultés quand on n'est pas accompagné.
Franchement, la rédaction actuelle de l'alinéa 7 n'est pas adaptée à la situation. Si celle que nous vous proposons ne vous convient pas, nous sommes disposés à la revoir avec vous, mais on ne peut en rester à une rédaction laissant penser que l'accompagnement se fera principalement par voie numérique.
Il me semble important de rappeler que les maisons de l'autonomie ont été créées par une loi de 2015, c'est-à-dire il y a plus de cinq ans. Ces établissements ont pour objet la mise en commun des missions d'accueil, d'information, de conseil, d'orientation et, le cas échéant, d'instruction des demandes, etc. Ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est hâter la mise en place des maisons de l'autonomie, qui devraient déjà fonctionner depuis longtemps.
J'abonde dans le sens de mon collègue Pierre Dharréville. Je peux entendre l'argument de Mme la ministre déléguée sur le fait qu'il serait prématuré de prendre de grandes décisions sur le parcours d'autonomie, mais nous ne devons pas perdre de vue que les personnes dont nous parlons sont en grande difficulté et ont besoin d'un véritable accompagnement humain : on ne peut leur imposer de se trouver confrontées à un service uniquement numérique, où il n'y aurait personne pour les écouter exprimer leurs besoins et faire en sorte d'y répondre.
Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.
La séance est reprise.
Sur les amendements identiques nos 972 et 908 , je suis saisi de deux sous-amendements du Gouvernement, nos 2740 et 2741.
Le sous-amendement no 2740 tend à remplacer le mot « ou » par le mot « et ».
Le sous-amendement no 2741 tend à substituer les mots « de guichets uniques » aux mots « d'un guichet unique », étant entendu que le pluriel exprime la multiplicité de ces guichets sur le territoire mais que chaque usager aura bien accès à un seul guichet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 2183 .
Mon amendement tombe à point nommé lorsqu'il est question de favoriser les guichets uniques. Il vise en effet à conforter les missions territoriales de la CNSA, en particulier pour assurer la permanence des soins. Dans les maisons de services au public ou les espaces France Services, par exemple, la CNSA devrait assurer une permanence d'accès aux droits au moyen d'un guichet unique.
Défavorable. Cet amendement est déjà satisfait par ceux que nous venons d'adopter.
L'amendement no 2183 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Nous en venons à l'amendement no 1875 , sur lequel je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement.
Par cet amendement, qui me tient à coeur, nous demandons que la CNSA ait pour rôle de concevoir des mesures permettant la mise en place d'un ratio minimal d'encadrement dans les EHPAD. Mes chers collègues, je vous ai déjà dit ici à plusieurs reprises que les aides-soignants sont plus sujets aux troubles musculo-squelettiques que les ouvriers du BTP. C'est dire la difficulté du métier et si leur charge physique est importante au quotidien ! Cependant, ils ne subissent pas qu'une charge physique : il y a aussi la charge mentale, car il leur faut passer d'une chambre à l'autre à toute allure pour déplacer des corps souvent meurtris, sans même avoir le temps d'engager une conversation, et côtoyer la mort au quotidien, la douleur et l'extrême solitude.
Nos EHPAD sont actuellement en grande difficulté de recrutement, faute de candidates à ces postes difficiles. Il faut impérativement que nous relevions le ratio de soignants au chevet des résidents en EHPAD si nous voulons sortir cette institution de l'horreur dans laquelle elle est plongée actuellement.
Je vous invite donc tous à voter cet amendement – à l'unanimité, s'il vous plaît. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait pour le rapport Iborra-Fiat, dans lequel nous proposions un ratio. Actuellement, le ratio de soignants en EHPAD ne permet pas d'assurer aux résidents une toilette quotidienne intégrale, la prévention des escarres ou un habillage soucieux de leur image corporelle. Relever le ratio de soignants en EHPAD est le rôle de la CNSA, figure désormais tutélaire de la nouvelle branche autonomie. Je vous remercie de votre confiance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Pierre Dharréville applaudit également.
Madame Fiat, je connais votre engagement sur ce sujet. Le rapport que vous avez rédigé avec Mme Iborra rappelait que le taux d'encadrement était finalement l'indicateur central, notamment pour ce qui concerne la bientraitance. Quand on parle de taux d'encadrement, se pose immédiatement la question des moyens. Depuis la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, le Gouvernement a engagé un processus de convergence tarifaire des EHPAD : un travail est donc en cours en ce sens. Par ailleurs, ce PLFSS permet d'engager 250 millions d'euros supplémentaires pour augmenter le nombre de soignants auprès des résidents en EHPAD, ce qui correspond à la création, dès l'année prochaine, de 5 100 équivalents temps plein. Encore une fois, le futur projet de loi sur le grand âge et l'autonomie permettra de poursuivre cet effort. À ce stade, donc, avis défavorable.
« Oh non ! » sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Madame Fiat, force est de constater votre implication très importante et très sincère sur cette question. Nous partageons tous le désir d'augmenter l'encadrement dans les EHPAD, mais je ne voudrais pas vous laisser dire que nous n'avons rien fait à propos d'une thématique que la précédente ministre des solidarités et de la santé avait elle aussi à coeur de défendre. D'abord, nous avons consacré 720 millions d'euros à la convergence tarifaire, ce qui n'est pas neutre. Ensuite, la trajectoire que nous allons voter dans le cadre de ce PLFSS prévoit 300 millions d'euros supplémentaires pour l'amélioration du taux d'encadrement, ce qui permettra, comme le disait Mme la rapporteure, de créer 5 100 équivalents temps plein. C'est un effort que nous n'avons pas fait depuis très longtemps et qui mérite d'être souligné. Enfin, les revalorisations salariales que nous évoquons avec le Ségur de la santé ne sont pas neutres non plus, d'abord pour favoriser l'attractivité de ces établissements, et donc aussi le recrutement. Tout cela va dans le même sens.
Nous partageons, croyez-le, votre ambition et connaissons parfaitement les difficultés que traversent actuellement les EHPAD et l'aide à domicile. C'est pourquoi nous insistons particulièrement sur les revalorisations salariales décidées dans le cadre du Ségur de la santé, ainsi que sur les moyens que nous consacrerons aux EHPAD en 2021, qui ne sont vraiment pas neutres.
Je tiens à dire l'étonnement du groupe Socialistes et apparentés. Ma question est simple : qui cela dérange-t-il de fixer ce ratio d'équité au bénéfice des personnes les plus fragiles ? Vous affirmez votre bonne volonté et vous citez des mesures qui ne sont pas sans intérêt, mais quelle gêne éprouvez-vous à propos de ce ratio d'équité ? Il est question ici de personnes qui font l'un des boulots les plus difficiles sur terre, pour les personnes les plus fragiles.
Dans ce PLFSS, nous créons tout de même plus de 5 000 équivalents temps plein !
Avec toutes les distorsions de concurrence, les différences territoriales et les différences de statuts, ce n'est pas la convergence tarifaire qui vous permettra, à elle seule, de faire la République des égaux. Madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, je vous le demande à nouveau : qui cela peut-il gêner, au fond, d'instaurer un ratio d'équité, de faire ce progrès minimum demandé aujourd'hui par notre collègue Caroline Fiat ?
Pour que tout le monde comprenne bien, je préciserai que mon amendement vise à compléter l'alinéa 8 par la phrase suivante : « À ce titre, elle conçoit les mesures à mettre en oeuvre pour l'instauration d'un ratio minimal d'encadrement des résidents par le personnel soignant en établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes. »
Mes chers collègues, nous avons parlé d'égalité et d'équité. Je vous invite tous à appuyer sur le bouton « pour » afin d'inscrire dans le marbre de la loi que la CNSA, figure tutélaire de la cinquième branche, aura pour mission d'élaborer les mesures nécessaires à la mise en place de ce ratio minimal – une disposition attendue par tous les soignants et que nous réclamons depuis trois ans. Si vous le faites, je pourrai annoncer à mes collègues, qui vivent une situation particulièrement difficile en pleine crise sanitaire, que c'est enfin chose faite. Vraiment, cela ne mange pas de pain. Je ne vais pas implorer votre pitié mais, s'il vous plaît, adoptez cette disposition !
Souvenez-vous, madame Fiat : lorsque nous avons rendu notre rapport, tout le monde, y compris les plus hautes instances, contestait nos conclusions. On nous répondait qu'il n'y avait pas besoin de personnels supplémentaires dans les EHPAD. Aujourd'hui, il y a eu une avancée : plus personne ne remet en cause ces besoins. Seulement, les effectifs supplémentaires accordés ne suffisent pas, tant le delta était important. Dans les EHPAD, il y a un problème d'effectifs mais, surtout, de recrutement. Les postes sont difficiles à pourvoir.
Des progrès incontestables ont été accomplis mais, en toute honnêteté, je ne pense pas que ce soit à la CNSA de décider d'un effectif minimum.
Cela ne relève pas de la loi !
Ce ratio, madame Fiat, c'est nous deux qui l'avons proposé. Il doit faire l'objet d'une très large consultation avec les professionnels eux-mêmes.
Nous devons rester très vigilants s'agissant de l'insuffisance des effectifs et, dans la loi, aller beaucoup plus loin que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.
Je souscris aux propos de Mme Iborra. Il existe un problème d'encadrement, mais aussi de recrutement et de formation. Les métiers des EHPAD ne sont absolument pas attractifs, …
… ce qui n'est pas sans conséquences sur les soins prodigués aux résidents. Chacun d'entre nous a sans doute un parent dans ce genre d'établissement, et nous savons combien la situation est compliquée. Nous avons un travail à faire sur la formation…
… afin de rendre ces métiers attractifs et tournés vers la bienveillance.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 28
Contre 52
L'amendement no 1875 n'est pas adopté.
Le diable se cache parfois dans les détails, et nous pourrions le retrouver dans l'alinéa 9 de l'article 16 puisque celui-ci rétablit une limite aux affectations des recettes de la CNSA au financement de l'APA. Au vu des évolutions démographiques, cette limitation est incompréhensible. Elle est en outre incohérente avec la structure d'ensemble du budget de la caisse. Nous proposons donc de supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour soutenir l'amendement no 1993 .
Comme la Constitution le permet, il paraît nécessaire de prendre en considération les différentes situations des collectivités d'outre-mer, qui n'entrent pas dans le même schéma que la France hexagonale, afin d'y répondre le plus justement. Cet amendement d'appel, qui vise à compléter l'alinéa 9, invite donc le législateur et le Gouvernement à tenir compte des spécificités ultramarines.
Défavorable.
On en revient toujours à la même logique. Notre collègue propose un amendement visant à inscrire dans le marbre de la loi qu'une attention particulière devra être portée à la situation spécifique d'un territoire ; la seule réponse qu'elle obtient, de la part de la commission et du Gouvernement, est « défavorable », sans aucune explication, alors que nous avons parcouru 8 000 kilomètres pour venir vous présenter ces propositions.
J'ajouterai donc que nous étendons à Mayotte, au 1er janvier 2021, l'AAH-2 – l'allocation aux adultes handicapés versée au titre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale. Nous avons déjà une réponse personnalisée pour ce territoire.
L'amendement no 1993 n'est pas adopté.
La commission a adopté un amendement de Mme Benin. Je lui laisserai donc le soin de présenter le sien.
La parole est donc à Mme Justine Benin, pour soutenir l'amendement no 989 .
Il vise à réaffirmer l'importance d'une meilleure valorisation des métiers et des carrières des professionnels de la dépendance, du handicap et du soutien à l'autonomie.
Les difficultés du secteur à recruter durablement des personnels dans certaines professions ainsi que le travail d'accompagnement mis en lumière durant la crise du covid-19 nous rappellent à juste titre la nécessité de mieux rémunérer ces métiers, de valoriser davantage les carrières et d'améliorer les conditions de travail. C'est un des objectifs poursuivis par la création de la cinquième branche et par ce PLFSS. Il nous semble important d'inscrire cette ambition dans les missions de la CNSA afin que la Caisse soit, sur ces questions, un acteur de premier plan, alliant engagement proactif et compétence.
Il nous paraît important de préciser que la CNSA doit contribuer à renforcer « l'attractivité » de ces métiers, formulation plus large que la simple mention de « l'amélioration des conditions de travail ».
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir le sous-amendement no 2724 .
Nous savons tous que l'enjeu le plus important du futur projet de loi sur le grand âge et l'autonomie porte sur les métiers. Et il y a une exigence sur laquelle nous nous rejoignons tous : accroître leur attractivité. Le débat que nous avons eu tout à l'heure sur l'amendement de Caroline Fiat renvoie bien à cela : nous pouvons toujours définir un ratio d'encadrement, mais s'il n'y a personne pour exercer ces métiers, c'est qu'il y a un souci. Il nous semble donc important d'évoquer, dans cet article 16, l'attractivité des métiers, sans oublier la formation et la professionnalisation qui vont avec. Ce sont autant de missions que nous devons confier à la CNSA.
Ces sous-amendements cosignés par mon collègue marcheur Bruno Bonnell sont issus de notre rapport d'information sur les « métiers du lien ». Il ne s'agit pas de provoquer le nécessaire bouleversement qu'appelle la situation de ces professions, mais de faire des premiers pas en faveur de ces femmes et ces hommes – de ces femmes, surtout – sur qui « notre pays, aujourd'hui, tient tout entier » et que « nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », pour reprendre les mots utilisés par le Président de la République.
Le sous-amendement no 2705 vise à instaurer, pour les aides à domicile, une heure de discussion collective hebdomadaire entre professionnels. Aujourd'hui, les auxiliaires de vie sociale travaillent chacune dans leur coin. Elles s'occupent de personnes âgées, parfois en fin de vie, sont exposées à des conflits et vivent des situations extrêmement difficiles. Il paraît donc important et nécessaire de leur donner une heure pour échanger sur leurs difficultés avec leurs collègues, leur hiérarchie et éventuellement des intervenants extérieurs. Nous avons des retours positifs sur ce genre de groupe. À Dieppe, par exemple, des auxiliaires de vie sociale nous ont dit : « Ce groupe de parole, pour rien au monde je ne le louperais ; même quand on est en vacances, on y va. » C'est un sas de décompression nécessaire pour éviter que chacune ne soit seule avec son téléphone portable.
Le sous-amendement no 2706 tend à mettre en place un congé de deuil. Lorsque les aides à domicile s'occupent pendant trois, quatre, cinq voire dix ans de la même personne âgée, la disparation de cette dernière est évidemment un choc, un traumatisme pour elles. Or, aujourd'hui, il leur est impossible d'assister aux funérailles sans puiser dans leurs jours de congés. Ce serait une simple mesure d'humanité que de leur attribuer une demi-journée pour se rendre aux obsèques.
Oui, mais on m'a dit que ce n'était pas au bon endroit. Je les mets donc ailleurs !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
On nous dit que c'est la CNSA qui va guider le métier d'auxiliaire de vie ; je tente donc de poser des principes à l'article 16, qui lui est consacré, d'autant que je refuse que l'attractivité soit le critère dominant, car ce choix reflète une vision économiste de ces métiers. Qu'on se demande plutôt comment ces femmes – et demain, nous l'espérons, ces hommes – vont pouvoir occuper des emplois dignes et en vivre dignement.
Nous savons que le métier d'auxiliaire de vie sociale est le plus accidentogène des métiers, avant ceux du bâtiment, maçonnerie comprise. Le sous-amendement no 2707 vise donc à instituer des audits du domicile des bénéficiaires. Ces habitats privés sont le lieu de travail des aides à domicile ; or, bien souvent, l'emplacement de la gazinière ou du lit, la présence d'un chien et d'autres choses encore ne les rendent pas facilement praticables. Il s'agit d'établir un audit en amont pour sécuriser les interventions des aides à domicile. Il faut éviter qu'elles finissent toutes ou presque par être déclarées inaptes, les épaules usées, les talons usés, les genoux usés, les hanches usées.
De même, pendant la crise du covid-19, les auxiliaires de vie sociale ont continué de travailler sans masque, sans gel, sans blouse et sans surblouse, et sans que le caractère prioritaire de leur profession soit reconnu, raison pour laquelle ces équipements leur ont été refusés tant par les pharmacies que par les préfectures et les ARS. Or elles doivent selon nous avoir accès aux équipements de protection sanitaire.
L'une des clés du métier, c'est la formation. Notre collègue Bruno Bonnell et moi pensons que cette profession doit rester ouverte et accepter ceux qui souhaitent l'essayer, vérifier si elle leur plaît, s'ils sont ou non faits pour elle. En revanche, dès la première année de métier, il doit y avoir une qualification et un suivi, sous forme de tutorat par exemple, et une formation permettant de doter l'intéressé de toutes les compétences d'une véritable auxiliaire de vie sociale – dès la première année, encore une fois. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui ; c'est pourquoi nous souhaitons par le sous-amendement no 2709 prévoir dans la loi que des efforts sont déployés en matière de formation.
Enfin, le sous-amendement no 2720 incite les associations à adopter une organisation du travail en tournée. Les auxiliaires de vie sociale travaillent souvent tôt le matin : elles vont ouvrir les volets et servir le petit-déjeuner puis lever la personne. Elles ont parfois le temps de prendre un déjeuner le midi avant de revenir le soir pour fermer les volets ; autrement dit, l'amplitude horaire est énorme.
Les services d'aide à domicile – les SAD – ont résolu ce problème en organisant le travail en tournée, avec une équipe du matin et une équipe de l'après-midi. Pour avoir interrogé plusieurs organismes, je pense qu'il s'agit là d'une évolution possible du métier qui permettrait de préserver l'autonomie de la personne âgée sans lui imposer de se lever à telle ou telle heure le matin.
Toutes les questions que nous soulevons sont au coeur de la fuite permanente des auxiliaires de vie sociale. Interrogées sur les motifs qui les incitent à quitter le métier – qu'elles quittent massivement, souvent à peine y sont-elles entrées – , 35 % d'entre elles citent l'insuffisance de la rémunération, 23 % l'organisation du temps de travail, 15 % le temps partiel subi – qui reprend les deux motifs précédents – et d'autres encore la pénibilité physique et psychique. Voilà les enjeux à relever !
Que toutes ces données soient inscrites dans l'article relatif à la CNSA serait au moins une première base, à défaut d'être un aboutissement. Je rappelle que ces sous-amendements sont conjointement déposés par Bruno Bonnell et moi-même.
Même avis. Je regrette, monsieur Ruffin, mais vos sous-amendements ne sont toujours pas au bon endroit.
C'est à l'article 25 qu'il conviendrait de les proposer.
Cela signifie-t-il, madame la ministre déléguée, que vous reprendrez ces sous-amendements à l'article 25 ?
Je vous connais et je connais votre habileté, monsieur le député. Nous avons déjà émis hier un avis défavorable à ces propositions pour les mêmes raisons. La rédaction de l'article 25 sera plus précise.
Sommes-nous bien en train de définir les priorités devant figurer dans les statuts de la CNSA ? Puisque c'est là qu'il convient de poser certains principes concernant le métier des auxiliaires de vie sociale, je trouve un peu facile le fait de balayer nos propositions en nous renvoyant à l'article 25, d'autant plus que nous ignorons même si nous parviendrons jusqu'à cet article !
Peut-être, mais c'est vous qui organisez le temps de travail dans cette assemblée ! C'est vous qui inscrivez des projets tous azimuts à l'ordre du jour !
Il va de soi que je ne retire pas mes sous-amendements. Je constate cependant que la rapporteure fait le tri comme si nous étions en commission : comme par hasard, ce sont toujours nos amendements qui sont écartés ! Ce sont pourtant des amendements de principe, des amendements simples sans millions ni milliards ! Il ne s'agit que de petites choses : le congé de deuil pour des auxiliaires de vie sociale qui suivent un bénéficiaire ! Cette simple mesure d'humanité est refusée ? Où qu'on la présente, elle nous sera refusée !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 2431 , ayant reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, est retiré.
L'amendement no 2006 de Mme Justine Benin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Je prends la parole avec un esprit d'escalier pour dire que je suis choqué que dans la série de sous-amendements que nous venons d'examiner, le seul que vous ayez retenu concerne l'attractivité. Autrement dit, vous ne retenez que le sous-amendement qui fait de l'économicisme. En revanche, vous rejetez ceux qui définissent la notion de dignité – en termes de conditions de travail, d'horaires et ainsi de suite. De ces sujets, nous ne pouvons pas parler ! Mais au contraire, même quand il s'agit des auxiliaires de vie sociale et de la vieillesse, par exemple, c'est le prisme de l'économie qui s'impose !
L'amendement no 2006 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1023 .
Cet amendement vise à créer une nouvelle recette pour financer ce nouveau risque et cette nouvelle branche, en instituant une nouvelle contribution affectée à la CNSA. En l'état, le texte ne prévoit aucun financement nouveau à destination de cette branche, en dépit de l'affectation d'une fraction de 0,15 point de CSG à partir de 2024 – une décision déjà prise en août. Rappelons que cela ne représentera que 2,3 milliards d'euros alors que le rapport Libault évalue à 6,5 milliards le besoin de financement pour améliorer la prise en charge de la perte d'autonomie à l'horizon 2024.
C'est pourquoi nous proposons d'instaurer une contribution de 1 % sur les successions et donations dont l'actif net dépasse 150 000 euros. Ce mode de financement présente l'avantage de l'universalité et permet de soulager la contribution de chaque personne en perte d'autonomie et de ses proches sans pour autant peser sur les revenus d'activité ni constituer un effort important. Quoi qu'il en soit, c'est une piste à explorer.
Avis défavorable, comme à tous les amendements dont l'objet est d'instaurer un mécanisme visant à assurer un financement de la cinquième branche. La question du financement est centrale – il faudra 8 ou 9 milliards d'euros en 2030 – et il faudra l'aborder, mais dans un cadre de concertation précis et en négociant avec les partenaires sociaux et les collectivités. Cette question ne saurait être résolue par amendement aujourd'hui.
Même avis.
Votre réponse, madame la rapporteure, ne fait qu'accroître notre inquiétude.
Nous posons depuis tout à l'heure la question du financement de cette branche. Or aucune solution n'est apportée pour augmenter les ressources afin d'améliorer la prise en charge et les plans d'aide, et de permettre un meilleur accompagnement, à domicile comme en établissement, selon l'état d'incapacité des personnes. C'est pourquoi, selon moi, ce texte passe à côté du sujet essentiel : que va-t-il améliorer dans la vie quotidienne des gens ?
L'amendement no 1023 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 1177 .
Pour ne pas répéter mal ce que Mme Dubié vient de dire, je formulerai des propositions pour faire face aux enjeux. Nous avons essayé tout à l'heure de fixer des ambitions et, fort logiquement, nous proposons des moyens pour les réaliser.
Cet amendement vise ainsi à mobiliser la solidarité des ménages les plus aisés pour financer la politique en faveur de l'autonomie. Selon nous, en effet, il est nécessaire de créer une nouvelle ressource pour financer la cinquième branche, alors même que le rapport Libault évalue à 6,5 milliards les besoins de financement en 2024 – nous en sommes très loin.
L'encours des produits d'assurance-vie s'établissait à plus de 1 800 milliards d'euros au début 2020 ; même une faible mobilisation de ces réserves permettrait d'obtenir un rendement intéressant de l'ordre de 2 milliards. C'est pourquoi l'amendement prévoit un prélèvement exceptionnel de 0,5 % sur ces encours. Pour ne pas pénaliser les ménages de la classe moyenne, ce prélèvement serait limité aux personnes physiques ayant des encours d'assurance-vie supérieurs ou égaux à 150 000 euros. Voilà une possibilité de se donner les moyens de faire face et d'augmenter les ressources finançant à la fois la prise en charge médicale et les services d'aide.
Défavorable également.
Permettez-moi de me joindre aux questions et aux propositions de Mme Dubié et de M. Dharréville. La question qui se pose à nous est la suivante : qui va payer la crise ? Elle se pose dans les mêmes termes en ce qui concerne la préparation de l'avenir. En matière sociale, la crise est un ultimatum. Allons-nous profiter de l'occasion pour instaurer de la justice dans la prise en considération des métiers du soin et dans le financement de ces services publics essentiels à tous ?
Pour l'instant, vous avez fait le choix d'augmenter les impôts de tout le monde en transférant la dette sociale à la CADES. J'ai l'impression que vous ne tirez aucune leçon structurelle de cette crise majeure. Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, je voterai en faveur de la proposition de Pierre Dharréville.
J'ajouterai deux éléments au débat. Tout d'abord, différentes études montrent que les mesures prises dans les PLF et dans les PLFSS de ces dernières années ont eu pour effet d'accroître le patrimoine des plus fortunés, en particulier les plus fortunés d'entre eux. Il faut y apporter des corrections ; nous en proposons une par cet amendement.
Ensuite, j'aimerais connaître les pistes de financement sur lesquelles vous travaillez puisque vous refusez d'explorer celles que nous vous proposons. Quant à celles du rapport Vachey, si certaines semblent intéressantes, la plupart m'inquiètent au plus haut point. Il y a en tout cas de quoi nourrir un véritable débat et nous permettre de commencer à réfléchir sur les perspectives de financement. Je souhaite vous entendre sur le sujet : quelles sont ces perspectives ? Si on ne sait ni quelles ambitions cette caisse devra financer ni sur quelle base elle pourra le faire, on ne sait finalement pas grand-chose de cette affaire.
Or il y a là une piste qui me semble aussi juste qu'intéressante et j'aimerais connaître votre sentiment là-dessus.
L'amendement no 1177 n'est pas adopté.
Cet amendement du groupe La République en marche vise à compléter les mesures du PLFSS prévoyant 1,5 milliard d'euros d'aide à l'investissement immobilier dans les EHPAD, qui doivent absolument être rénovés, nous le savons.
Il s'agit de conditionner ces financements à la prise en compte de la future transition démographique. L'allongement de la durée de vie, qui est en soi une bonne nouvelle, s'accompagne en effet d'une augmentation significative du nombre de personnes souffrant de troubles cognitifs. On le sait, les entrées en institution sont dues principalement à l'existence de tels troubles, qui font que la personne n'est plus en sécurité à son domicile.
Il nous semble donc primordial de permettre à ces établissements d'adapter leurs bâtiments aux nouvelles pathologies qui accompagneront la future transition démographique. Il faut une vision prospective en matière d'adaptation des locaux afin d'assurer la sécurité des personnes hébergées par ces structures et améliorer les conditions de travail des soignants. Actuellement, ces établissements ne sont pas en mesure d'accueillir des personnes inscrites sur leurs listes d'attente en raison des problèmes de sécurité qui sont précisément ceux qui rendent difficile leur maintien à domicile. De ce fait ces personnes doivent parfois être placées dans un établissement sanitaire en attendant qu'un EHPAD les reçoive.
C'est pourquoi cette somme de 1,5 milliard d'euros doit vraiment servir à adapter les EHPAD, conformément à cette vision prospective, pendant les cinq années à venir.
Même avis.
J'entends le point de vue développé par notre collègue et le groupe majoritaire mais je m'interroge sur la signification des mots « transition démographique » : de quoi s'agit-il ? J'avoue ne pas comprendre totalement le rapport entre cette notion et ce que vous avez évoqué. Qu'il faille adapter les bâtiments aux troubles du comportement entraînant une perte d'autonomie, soit, mais, j'y insiste, je m'interroge sur les termes de « transition démographique ».
Surtout parlons très concrètement : les ARS ne veulent pas que les aides à l'investissement se traduisent par une augmentation du prix de journée. Or nous savons très bien que la nécessité d'amortir ces subventions augmente mécaniquement ce prix. La réalité du terrain c'est qu'on est actuellement en train de négocier l'adaptation des établissements à ce que vous appelez la transition démographique. Pour ces derniers, l'augmentation du prix du journée doit se traduire par une augmentation des effectifs. Il est incontestable en effet, Caroline Fiat l'a rappelé, que nos EHPAD manquent de personnels. Il faut donc concilier de telles augmentations d'effectifs avec ces aides à l'investissement qui entraînent des prix de journée plus élevés mais que la perspective de ce que vous appelez la transition démographique rend nécessaire. Il faut rapidement donner des instructions aux ARS de changer de discours sur ce point.
Je ne comprends pas davantage que M. Bazin, même si je partage la volonté de Mme Dufeu d'adapter ces établissements à l'aggravation des troubles se traduisant par une perte d'autonomie. Comment voulez-vous dans ces conditions assurer un service de qualité à effectifs constants ? On ne peut pas adapter les locaux sans renforcer les effectifs, c'est le B-A-BA. C'est méconnaître les réalités du secteur que de faire l'impasse sur la question des effectifs : l'un ne va pas sans l'autre.
Cela nous renvoie à la proposition de Caroline Fiat. Alors que vous refusez d'augmenter les effectifs des EHPAD, vous nous dites maintenant souhaiter accompagner l'adaptation de ces établissements à ces nouvelles pathologies. C'est complètement incohérent.
Sachez, madame la ministre déléguée, qu'au Danemark et aux Pays-Bas, où nous nous sommes rendus dans le cadre de notre mission sur les EHPAD, on ne peut pas bâtir de nouveaux locaux sans que leur agencement soit validé par les soignants eux-mêmes. Cela peut paraître un détail mais, du coup, ces bâtiments sont aux normes. Nous pourrions nous inspirer de cet exemple en France, où c'est à nous soignants de nous adapter aux desiderata des architectes et où nous nous retrouvons à devoir travailler dans des locaux qui ne sont pas adaptés aux résidents. Vous nous dites qu'il faut prendre en compte l'explosion prévisible des troubles cognitifs mais ce serait bien aussi de se rappeler que nos résidents sont souvent en fauteuil roulant et que les salles de bain de nos EHPAD ne sont pas conçues pour qu'on y pousse un fauteuil roulant ! Ce n'est pas grave, nous continuerons à avoir mal au dos sans que cela n'inquiète personne.
Deux milliards d'investissements !
Je ne peux pas accepter ce raccourci. Il n'est pas question pour nous d'opposer aide à l'investissement et accompagnement humain, réconfort quotidien. Ce PLFSS n'est qu'un début et l'examen du projet de loi sur le grand âge et l'autonomie sera bien évidemment l'occasion d'examiner le problème des effectifs, lié à l'attractivité des métiers et à la revalorisation des carrières : on ne peut pas tout faire d'un coup.
Or l'amendement porte sur l'aide à l'investissement, laquelle est bien réelle, dont nous voulons nous assurer qu'elle sera bien utile dans la perspective de la future transition démographique.
Il est urgent, cher collègue qui me demandez ce qu'est la transition démographique, que vous vous documentiez parce que nous sommes là au coeur du sujet. C'est précisément pour cela que nous sommes invités à voter la création d'une branche autonomie. Cette transition démographique n'est pas un scoop et nous nous y préparons – notre majorité en tout cas s'y prépare. Il est de notre responsabilité d'affiner ces aides à l'investissement afin de les rendre parfaitement idoines aux besoins futurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
Mais l'adaptation que vous proposez ne va pas sans augmentation des effectifs !
L'amendement no 2653 est adopté.
Cet amendement vise à ce que les départements soient informés de la part de chaque acteur dans le financement de la création de places d'hébergement pour personnes handicapées. Dans ma circonscription du Nord, on constate un exode de ces personnes vers les établissements belges. Le gouvernement français s'est engagé à ouvrir des places supplémentaires mais, à ce jour, les départements ne disposent pas d'éléments chiffrés sur la répartition de ce financement entre les différents acteurs. Les départements ont besoin de connaître la part qu'il leur revient de financer afin de ne pas mettre à mal leurs autres compétences.
Défavorable : cet amendement étant satisfait par l'annexe 10 du PLFSS, qui décrit bien les concours du département et le niveau de participation de chacun des acteurs.
Défavorable également, l'amendement étant déjà satisfait. Vous trouverez dans le rapport une réponse à votre question.
Même si je ne suis pas aussi intelligent que notre collègue Dufeu, je voulais simplement évoquer une réalité de terrain. Je veux bien essayer de me documenter sur la transition démographique mais j'aimerais d'abord que vous m'expliquiez comment la distinguer de la transition écologique quand il s'agit d'adapter des bâtiments. Surtout, je le répète, une aide à l'investissement suppose un amortissement, et celui-ci augmente de facto le prix de journée. Il va bien falloir préciser quelle sera dans cette augmentation la part liée aux augmentations des effectifs soignants. Je suis désolé d'être aussi technique !
Il n'empêche que vous n'avez pas voulu me répondre sur ce sujet très concret. On ne peut pas travailler sur la question des EHPAD sans connaître la part respective des effectifs et de l'aide à l'investissement dans l'augmentation du prix de journée.
L'amendement no 2543 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement no 2719 .
Nous avons eu tout à l'heure un débat sur le rôle majeur des départements dans la politique de l'autonomie. Vous le savez, la CNSA verse des concours aux départements afin de couvrir une partie du coût de l'APA, et de la PCH.
Le présent amendement a pour objet d'augmenter les recettes affectées à ces concours pour tenir compte des dernières remontées des départements sur les dépenses de 2019 et des crédits votés par le conseil de la CNSA au titre des concours pour 2020. Il s'agit de continuer à soutenir fortement les conseils départementaux en 2021. Au total, cela représente une augmentation de 120 millions d'euros des dépenses de la CNSA visant à contribuer aux dépenses d'APA et de PCH.
L'amendement no 2719 , accepté par la commission, est adopté.
L'amendement no 2681 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 822 .
Il s'agit toujours de doter le dispositif de financements suffisants. Hors mesures issues du Ségur de la santé, les dépenses en faveur de l'autonomie progressent seulement de 1 milliard d'euros dans ce PLFSS. Outre ses recettes historiques, la branche sera bénéficiaire d'une fraction de CSG de 1,9 %, jusqu'à présent affectée à l'assurance maladie, pour un montant de 28 milliards d'euros. Ce n'est qu'à compter de 2024 que cette branche bénéficierait de financements supplémentaires correspondant à la recette de CSG en provenance de la CADES, pour un montant de 2,3 milliards d'euros. Il en résulte que cette branche sera financée à 90 % par la CSG, c'est-à-dire par les salariés et les retraités, les employeurs ne contribuant qu'à hauteur de 6 % au soutien à l'autonomie par le biais de la contribution de solidarité pour l'autonomie, la CSA.
Par cet amendement, il est donc proposé de faire contribuer plus fortement les employeurs au financement de l'autonomie en relevant le niveau de la CSA de 0,3 à 0,6 %. Le rendement de la CSA passerait ainsi à 4,2 milliards d'euros par an.
L'amendement no 822 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2359 .
Il vise à appliquer à la CASA le même dispositif d'atténuation de franchissement des seuils d'assujettissement que celui de la CSG.
L'amendement no 2359 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 2648 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à créer une contribution de 1 % assise sur les revenus des capitaux mobiliers, destinée à financer la cinquième branche de la sécurité sociale. Vous avez beau vous gargariser de créer une cinquième branche, elle reste une coquille vide tant qu'elle n'est pas financée. Vous me répondrez que des milliards y sont affectés, mais ils ne sont jamais que redéployés. Il faudra donc bien trouver des financements quelque part ! Pour cela, il faut faire un choix politique, et aller chercher de l'argent là où il y en a. Quand il s'agit d'exonérer les actions gratuites, vous y allez ! Je ne reviendrai pas sur le prélèvement forfaitaire unique, la flat tax, ni sur l'impôt de solidarité sur la fortune…
Si, ça a à voir, monsieur Maillard : c'est un choix politique. Assumez vos choix ! Il ne s'agit ici ni de questions techniques ni de négociations à mener avec les départements – nous savons pertinemment que ces derniers sont en difficulté. Je le répète, il faudra bien trouver des financements là où il y a de l'argent.
Même avis.
Vous avez annoncé un peu vite que mon amendement était défendu, monsieur le président, or j'aimerais le présenter. Il va dans le sens de celui de Joël Aviragnet. Nous proposons d'affecter à la branche autonomie une recette supplémentaire : une contribution de solidarité des actionnaires assise sur les dividendes distribués. Ce serait parfaitement possible, y compris dans la période actuelle, puisque certaines entreprises continuent à verser des dividendes, même lorsqu'elles touchent des aides publiques. Pour faire face à un enjeu qui nécessite des moyens, il serait de bonne politique de mettre à contribution les actionnaires, et pas uniquement les salariés. Cette proposition nous semble tout à fait d'actualité.
Quand, sur les bancs de gauche, nous vous proposons des financements, cela ne vous plaît pas. Pourtant, il faudra bien financer la cinquième branche ! Souvenez-vous : le Président de la République lui-même a expliqué à une aide-soignante, en la regardant droit dans les yeux, qu'il n'y avait pas d'argent magique. Nous sommes conscients qu'il n'y a pas d'argent magique ; nos collègues socialistes et communistes vous proposent justement de trouver de l'argent. On ne peut pas, dans le même temps, dire au personnel soignant qu'il n'y a pas d'argent magique, et refuser des solutions pour faire entrer de l'argent ! Un peu de cohérence !
Alors que nous avons passé deux heures à définir un outil devant financer l'autonomie, et alors que nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nos propositions de financement sont renvoyées au projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie… Cela me choque quelque peu. Il aurait dû se passer le contraire.
Mon amendement vise à créer une contribution assise sur les droits de succession et de donation, dès le premier euro. Elle aurait le mérite d'être universelle et de taxer tout le monde de la même façon. Selon France Stratégie, elle permettrait de dégager 3 milliards par an.
Par cet amendement, nous proposons de créer une contribution assise sur les droits de succession et de donation. Là encore, nous vous suggérons des moyens de financer la cinquième branche : ayez le courage de les adopter et d'aller chercher l'argent là où il est ! Il est certainement préférable d'exonérer un peu moins le grand capital, et d'aider un peu plus les personnes en grande difficulté.
Je suis d'accord, mais les successions, ce n'est pas le grand capital !
Il concerne l'AEEH, prestation de la branche famille destinée à toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé – un complément pouvant être accordé lorsque les enfants sont atteints d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ; son montant varie selon l'importance des dépenses engagées ou la permanence de l'aide nécessaire. L'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – , chargée d'une mission visant à faire évoluer cette prestation, a remis son rapport. Un travail devrait être mené pour avancer dans ce domaine.
Par ailleurs, le rapport de M. Vachey sur la branche autonomie, dont nous contestons largement les propositions, préconise le transfert de l'AEEH vers la branche autonomie : selon lui, cela simplifierait les démarches des familles, en poursuivant le rapprochement entre cette allocation et la prestation de compensation du handicap, la PCH. Or l'AEEH est une allocation familiale qui répond à la situation des familles, tout comme l'allocation de soutien familial répond à la situation de parent isolé. Des compléments à l'AEEH relèvent de besoins de compensation, quand d'autres permettent à un parent de réduire ou de cesser son activité professionnelle pour s'occuper de son enfant. Certains éléments pourraient donc être transférés vers la branche autonomie pour créer une véritable « PCH enfant ». Néanmoins, cela ne pourrait être décidé qu'après les concertations qui doivent faire suite au rapport de l'IGAS.
Cette série d'amendements identique vise donc à supprimer les alinéas organisant le transfert de l'AEEH, afin que la décision soit repoussée au terme des concertations qui aboutiront à l'intégration totale ou partielle de cette allocation, dans le cadre de l'ordonnance prévue par le III de l'article. Nous demandons également au Gouvernement d'entamer des concertations sur le sujet, sans imposer sa propre décision.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 495 .
Il s'agit presque d'un amendement d'appel, qui invite le Gouvernement à préciser les conséquences de l'intégration de l'AEEH dans la cinquième branche – celle-ci étant dédiée au grand âge certes, mais aussi à l'autonomie, et par conséquent au handicap. L'allocation aux adultes handicapés suivra-t-elle le mouvement ? Le monde du handicap se pose la question.
Pour rappel, l'AEEH est à la fois une allocation familiale et une allocation de compensation du handicap. Cette dualité, qui fait sa complexité, a incité le Gouvernement à l'intégrer à la cinquième branche. À titre personnel, je n'y suis pas opposée. Toutefois, une concertation en amont aurait été souhaitable, et aurait contribué à une meilleure acceptation de cette décision. La création d'une PCH enfant, telle que la préconise le rapport de l'IGAS, constituerait également un grand progrès. L'ensemble du champ du handicap basculera-t-il dans la cinquième branche ? Cet amendement vous permettra d'apporter des éclairages à ce sujet, madame la secrétaire d'État.
Nous abordons ici un aspect du PLFSS qui nous pose problème. Les alinéas 89 et 90 de l'article 16 sont loin d'être anodins. Vous procédez à un tour de passe-passe budgétaire : vous déshabillez Pierre – ou Adrien – pour habiller Paul. Nous pouvons comprendre cette manipulation budgétaire, qui donne du corps à la branche autonomie – 1,2 milliard étant puisés, à son profit, dans la branche famille – , mais une certaine incohérence demeure. Les prestations familiales visent à compenser les dépenses liées à la situation de handicap d'un enfant et les pertes de salaire subies par les parents qui doivent réduire leur activité professionnelle. Dès lors, pourquoi l'ensemble des dépenses liées au handicap, et qui relèvent du champ des prestations familiales, ne sont-elles pas prises en charge par la branche autonomie ? Citons le complément de libre choix du mode de garde, qui est majoré pour les parents d'enfants en situation de handicap, ou encore le bonus inclusion handicap, versé aux établissements d'accueil du jeune enfant, les EAJE.
Au-delà de cette incohérence, il se pose une question de fond : cette mesure ne risque-t-elle pas de faire sortir le handicap de la dimension familiale ? Pourquoi écarter les parents d'enfants handicapés d'une politique familiale globale ? Les prestations familiales garantissent aux familles une équité de traitement dans l'ensemble du territoire. Si, demain, les MDPH et les MDA étaient chargées de ces dossiers, nous risquerions de voir s'installer un traitement à géométrie variable. Il en résulterait des fractures sociales que nous pouvons redouter.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 821 .
Le rapport de Laurent Vachey préconisait le transfert de l'AEEH vers la branche autonomie. Ce transfert est prévu par l'article 16, au motif, selon le dossier de presse, que cela permettra de « simplifier les démarches des familles en poursuivant le rapprochement entre cette allocation et la prestation de compensation du handicap ». Une telle mesure mérite une concertation approfondie avec les acteurs concernés, notamment en ce qui concerne le rapprochement de l'AEEH et de la PCH.
L'AEEH constitue une allocation familiale correspondant à une situation de la famille, au même titre que les allocations destinées aux familles nombreuses ou aux parents isolés. Par conséquent, il est cohérent de la maintenir dans les prestations familiales.
Le transfert que vous proposez est symptomatique des incohérences et de la confusion provoquées par votre décision récente concernant l'assurance maladie et la branche famille. Pour l'instant, cette confusion peine à être dissipée, et la cohérence du dispositif reste à trouver.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 1340 .
Le rapport Vachey préconise le transfert de l'AEEH vers la branche autonomie. Le périmètre d'application de cette mesure pose toutefois question : quels éléments relèveront de la branche famille, et quels éléments relèveront de la branche autonomie ? Quelle sera la politique familiale, et comment seront gérés les enfants en situation de handicap ? L'évolution de l'AEEH part d'une bonne intention, mais son contour reste flou.
Par ailleurs, un récent rapport de l'IGAS formule des propositions que les associations ne partagent pas. Il est donc nécessaire d'engager une réflexion sur l'évolution de l'AEEH et sur son rapprochement avec la prestation de compensation du handicap, en concertation avec les associations concernées. En attendant, nous souhaitons supprimer la reprise de l'AEEH par la nouvelle branche autonomie, rejoignant ainsi la position des association familiales et des associations intervenant dans le champ du handicap. Je le répète, nous avons besoin d'une vraie concertation.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1816 .
Par cet amendement, qui nous est proposé par APF France handicap, nous manifestons notre désaccord avec l'intégration de l'AEEH dans la branche autonomie. En effet, l'AEEH est une allocation familiale qui correspond à une situation de la famille. Comme le préconise APF Handicap, nous proposons de supprimer les alinéas 89 et 90 de l'article 16.
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 1888 .
Madame la secrétaire d'État, vous ne pouvez pas ignorer que les alinéas 89 et 90 de l'article 16 nous posent un vrai problème, et cela quel que soit le banc sur lequel nous siégeons. La concertation n'a en effet pas eu lieu et, par-delà tous les arguments de fond qui vous ont été donnés, il y a, j'y insiste, une vraie difficulté. Nous sommes ici au coeur de ce qui est sensible et de ce qui est humain ; aussi le minimum aurait-il été d'entamer un dialogue avec les associations familiales et celles qui interviennent dans le champ du handicap. Car ce type de mesure, quand bien même elle serait fondée, ne peut être le fait du prince. Elle nécessite un peu de temps, un peu, je le répète, de concertation. Pourquoi vous précipiter ainsi ? Il faudrait procéder avec davantage de respect vis-à-vis des familles et des associations qui les représentent.
Madame la secrétaire d'État, vous n'êtes pas interpellée ici par un seul groupe mais bien par des députés de la plupart des bancs de l'Assemblée ; leurs mots peuvent varier, mais leur message est le même.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2032 .
Il s'agit de proposer, à ce stade, de supprimer la reprise de l'AEEH par la branche autonomie. J'insiste : à ce stade, parce qu'il faut d'abord, comme cela a été clairement dit, engager une réflexion sur les périmètres respectifs de l'AEEH et de la PCH.
De nombreuses possibilités existent. On voit bien que l'AEEH recouvre parfois le champ de ce qui pourrait être une PCH enfant. Procéder à cette première étape paraît donc nécessaire avant de transférer l'AEEH à la branche autonomie. En l'état, cela a été dit, elle constitue une allocation familiale, qui répond à une situation de famille, ce qui n'est pas le cas de la PCH. Alors que nous voulons simplifier les choses, il serait dommage de manquer l'objectif en continuant à fractionner les dispositifs.
Je vous demande donc de prendre le temps de la réflexion, et de persévérer dans la démarche de clarification que nous souhaitons tous pour cette cinquième branche.
Sans revenir sur les arguments de fond, amplement détaillés par nos collègues, je ferai une proposition. Puisque la majorité souhaite – je la comprends – qu'en ces matières se dégage le consensus le plus large possible, pourquoi n'accepteriez-vous pas ces amendements de suppression ? Vous laisseriez ainsi le temps à la concertation d'avoir lieu, pendant la navette parlementaire, notamment avec les associations qui nous ont alertés dans nos territoires. Il vous sera toujours loisible d'y revenir ensuite, soit au Sénat, soit en seconde lecture à l'Assemblée, si, une fois la concertation terminée, ces dispositions s'avéraient pertinentes – ce dont nous doutons.
Si nous devions passer outre une proposition très largement partagée, sur tous les bancs de l'opposition, nous passerions sans doute à côté d'une occasion de consensus ; je vous le dis sans animosité, parce que je crois que la concertation est nécessaire et que nous la souhaitons tous.
Ces très nombreux amendements témoignent d'une inquiétude qui a été relayée par les associations ; mais je crois qu'il y a un malentendu.
En effet, le projet de loi n'évoque pas une fusion de l'AEEH et de la PCH enfant, mais bien un transfert de la branche famille vers la nouvelle branche autonomie, pour que la CNSA puisse, avec l'ensemble des parties prenantes, travailler à la façon dont nous pourrions résoudre la complexité créée par le droit d'option proposé aux familles. Il est actuellement proposé aux familles qui ont un enfant handicapé de se voir verser soit l'AEEH, soit la PCH ; or ces deux prestations sont très différentes, à la fois s'agissant de leur mode de calcul – l'une est forfaitaire, tandis que l'autre est très personnalisée – , des délais de traitement – neuf mois pour la PCH, contre trois mois et demi pour l'AEEH – et de leur incidence en matière de fiscalité – dans le cas de la PCH, le dédommagement versé à un aidant est pris en compte dans l'assiette de calcul de prestations comme le RSA.
Pour l'usager, donc pour les parents – c'est leur intérêt qui doit principalement nous guider – , le droit d'option est une source de difficulté, d'autant qu'il n'est pas exercé et accompagné de la même façon dans tous les territoires. Nous vous proposons non pas de fusionner les deux prestations, mais bien de permettre à la CNSA de travailler avec les familles et les associations pour mettre fin à la complexité liée au droit d'option. Avis défavorable.
Merci, madame la rapporteure, d'avoir été très claire quant à nos intentions. Je peux entendre les arguments présentés, et j'ai bien entendu les associations à ce sujet ; nous avons consulté le conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, et nous n'avons pas agi sans concertation.
Je rappelle qu'aujourd'hui, pour les familles, le droit d'option n'en est pas un ; que le rapport de M. Daniel Lenoir ne nous a pas permis de trancher ; enfin, que nous allons fortement approfondir nos travaux de concertation. Le versement de l'AEEH par la cinquième branche va justement nous permettre de relancer ces travaux.
En tout état de cause, et je tiens vraiment à rassurer les députés sur ce point, c'est l'enjeu de ce rapprochement ; il ne s'agit pas d'une fusion, mais bien d'une remise à plat du dispositif. Nous voulons ouvrir plus largement l'éligibilité à la PCH enfant ; c'est un vrai problème car elle a été calquée, en 2005, sur la PCH adulte, et elle ne correspond pas aux besoins éducatifs. C'est un enjeu majeur : nous allons travailler pour améliorer le forfait éducatif de la PCH, mais aussi pour ouvrir des possibles concernant le handicap psychique et d'autres handicaps qui sont pour le moment mal compris, mal perçus et mal servis par la PCH.
Dès le début du mois de décembre, dans le cadre du comité que nous devions créer après la promulgation de la loi du 6 mars 2020 visant à améliorer l'accès à la PCH, nous nous pencherons à la fois sur les évolutions des modes de transport des personnes handicapées, comme nous nous étions engagés à le faire, et sur les adaptations du droit à la compensation du handicap répondant aux spécificités des besoins des enfants. Nous le ferons avec les associations et avec la CNSA.
Je tiens donc à vous rassurer : il s'agit de clarifier le système afin de mieux accompagner cette compensation indispensable en la distinguant bien de l'AEEH et en créant un vrai droit d'option – net et précis – , pour les familles. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.
Je vous ai écoutée, madame la rapporteure, quand vous dites qu'il y a encore du travail pour caler les choses ; je vous ai également écoutée, madame la secrétaire d'État… Mais alors, si tout va dans le bon sens, je ne comprends pas pourquoi les associations, quand nous les auditionnons, nous font part de leur mécontentement. Nous sommes là aussi pour écouter leurs inquiétudes et les relayer, et il semblerait que jusqu'à présent elles n'aient pas été rassurées quant à ce que vous voulez mettre en place. Il faut donc que vous précisiez votre projet – et ça irait mieux en l'écrivant.
Je me demande si nous sommes prêts ; si la concertation n'a pas été suffisante, il est important de retravailler le projet – c'est le sens de ces amendements ; retravaillons-le et, quand nous serons prêts et quand tout le monde sera emballé par l'idée et la manière de la mettre en oeuvre, nous pourrons faire basculer l'allocation de la branche famille vers la branche autonomie.
Madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, je comprends très bien ce que vous avez voulu nous dire… et qui apporte de l'eau à notre moulin. Les négociations ne sont pas achevées, et les associations que nous avons reçues – j'imagine que vous avez reçu les mêmes – sont inquiètes, du fait même que, comme vous le dites vous-mêmes, le travail est en cours. Or comment peut-on figer dans la loi un travail en cours ? Il y a là tout de même un petit problème.
C'est d'ailleurs dommage car, à titre personnel, je pense qu'il faudra faire ce que vous proposez. Mais ne le faisons pas « contre », faisons-le « avec » ! On voit bien que la question réside dans la nature même de l'AEEH, dont la composition est double ; pourquoi ne laisserions-nous pas sa partie liée à la famille dans la branche famille, pour n'intégrer dans la cinquième branche que ce qui relève de la compensation du handicap ? Faisons-le avec les acteurs concernés ; ce sera vraiment plus confortable pour tout le monde.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 36
Contre 65
La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l'amendement no 1639 .
Au moment où nous débattons sur le périmètre et le financement de la cinquième branche, Mayotte attend toujours de bénéficier des première, deuxième, troisième et quatrième branches. Voilà quarante ans que nous nous battons pour avoir accès à ces prestations, sans grand succès. Cette situation s'explique probablement par le fait que Mayotte, qui est française depuis 1841, a été intégrée tardivement dans le groupe des départements.
Mais, chers collègues, à Mayotte nous avons aussi des familles françaises, des enfants, des handicapés et des personnes de grand âge. Nous souhaitons que la nouvelle branche créée puisse s'appliquer à ce jeune département ; puisqu'il est beaucoup question d'équité et de justice – il s'agit là des deux à la fois – , il faut tout mettre en oeuvre pour que Mayotte y ait accès. C'est pourquoi j'espère que sur l'ensemble des travées, nous voterons le présent amendement.
Votre amendement est satisfait, ce qui ne signifie pas pour autant que l'avis du Gouvernement soit défavorable. Nous examinerons ultérieurement un amendement du Gouvernement visant à autoriser ce que vous proposez à partir de dispositions législatives prises par voie d'ordonnance. Il s'agit de faire évoluer le régime général de sécurité sociale de Mayotte, notamment pour y instaurer la branche autonomie. Nous allons donc bien dans le même sens que vous. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.
Je salue cette initiative ; en même temps, je souhaite que nous y soyons pleinement associés. Les ordonnances que nous connaissons, à Mayotte, sont le plus souvent celles délivrées par le médecin…
Sourires.
Quant aux ordonnances prises par le Gouvernement et qui auraient dû nous concerner, elles nous ont toujours exclus. S'il s'agit de prendre des ordonnances qui, désormais, nous intègrent au système de santé, nous y sommes très favorables, mais à condition que nous puissions participer à leur rédaction.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, acquiesce.
Sous bénéfice de ces observations et de l'engagement que le Gouvernement voudra bien me donner que nous serons associés, je retire l'amendement.
L'amendement no 1639 est retiré.
La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour soutenir l'amendement no 2075 .
Par cet amendement, je me fais le porte-parole des acteurs du grand âge et des familles de la Martinique. Selon les projections actuelles, elle sera en 2050 le département le plus vieux de France ; en vingt ans, c'est une transition spectaculaire qui a eu lieu puisqu'à l'orée des années 2000, c'était le département le plus jeune de France. Dans très peu de temps, en effet, une bonne partie de la population sera âgée de plus de 60 ans. Avant cette échéance, les personnes âgées sont un sujet de préoccupation majeur.
La création d'une branche autonomie au sein du régime général de sécurité sociale nous apparaît comme une évolution pertinente – le vieillissement et le handicap méritent des discussions dédiées – , mais il faut savoir se donner les moyens de ses ambitions.
En l'état, le CNSA paraît être l'organe pertinent pour prendre en charge cette branche, mais il faut intervenir au plus près des territoires. Si le texte semble aller dans cette direction, il n'offre malheureusement pas toutes les garanties et les données claires et précises concernant l'articulation locale de la branche autonomie.
Plus tôt dans l'année, j'ai proposé le lancement d'un plan exceptionnel d'accompagnement de ce phénomène d'accélération du vieillissement de la population en Martinique, comportant la création d'une maison de l'autonomie, chargée de toutes les missions relatives au grand âge.
Il faut davantage de décentralisation et un maillage fort entre les différents acteurs du médical, du social et du médico-social, car c'est au plus près du terrain que nous devons travailler. Nous faisons confiance à la CNSA pour encadrer et codiriger la branche autonomie, mais nous estimons que l'échelon local doit être prépondérant.
Nous demandons donc la remise d'un rapport sur l'éventuelle création d'une maison de l'autonomie de la Martinique, et sur les conditions dans lesquelles celle-ci pourrait voir le jour.
La commission a donné un avis défavorable mais je comprends votre engagement sur ce sujet. Je vais laisser la ministre déléguée vous répondre.
J'étais quasiment prête à émettre un avis favorable car je partage vos préoccupations, mais votre proposition revient pratiquement à demander au Gouvernement de faire un rapport sur une collectivité territoriale, ce qui est quand même un peu gênant. C'est pourquoi, je préfère vous proposer de travailler ensemble sur ce problème qui est commun à plusieurs départements d'outre-mer – il serait difficile de traiter le vôtre comme un cas particulier. Nous allons trouver un moyen d'y travailler, si vous le voulez bien, avec la CNSA.
Si je parle du territoire que je connais le mieux, c'est-à-dire de la Martinique, nous savons très bien que d'autres sont concernés par le vieillissement de leur population. Reste que j'accepte votre proposition de travail en commun et je suis évidemment à votre disposition pour y participer. La population de la Martinique et des autres territoires d'outre-mer sauront apprécier ce geste. Je retire l'amendement.
L'amendement no 2075 est retiré.
L'article 16, amendé, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 827 , portant article additionnel après l'article 16.
Cet amendement prévoit d'exonérer les établissements publics de santé et les EHPAD publics de la taxe sur les salaires, comme cela se fait déjà pour l'État et les collectivités territoriales.
De quoi s'agit-il ? En tant qu'employeurs, les hôpitaux publics sont assujettis à la taxe sur les salaires, qui représente une charge supplémentaire de 10 à 12 % des dépenses de personnel, soit environ 4,25 % de l'ensemble des ressources hospitalières. Cette taxe est profondément injuste, improductive et plus inadaptée que jamais dans les circonstances actuelles. Comment justifier cet impôt qui ponctionne la masse salariale des personnels hospitaliers alors que les collectivités territoriales et les administrations publiques sont, elles, exonérées de la taxe sur les salaires ?
À un moment où les personnels hospitaliers réclament de nouveaux moyens financiers et humains d'ampleur, cette mesure permettrait de redéployer 4 milliards d'euros dans l'activité hospitalière dès 2021, notamment pour financer des réouvertures de lits, des embauches et des revalorisations salariales supplémentaires dans tous les services.
Cet amendement paraît donc être une mesure d'urgence et une bouffée d'air nécessaire pour nos hôpitaux et EHPAD qui font face à l'épidémie. C'est également une revendication de longue date d'un certain nombre d'organisations syndicales.
Comme nous en débattons de façon régulière, je vais vous répéter ce que j'ai dit en commission : les EHPAD publics paient une taxe sur les salaires parce qu'ils ne sont pas astreints à payer la TVA ; or si nous adoptions votre amendement, cela ferait autant de ressources en moins pour la sécurité sociale et donc pour ces EHPAD publics. Avis défavorable.
Même avis.
Votre premier argument consiste à me dire qu'il faut conserver une forme de concurrence non faussée entre les établissements publics et les autres. Dans la situation actuelle, nous ne pouvons pas nous payer le luxe de faire ce type de choix. Nous devons libérer les hôpitaux publics et EHPAD de cette taxe injustifiable, dont la suppression permettrait de dégager des marges notamment pour les hôpitaux qui en ont actuellement besoin. Je maintiens l'amendement.
L'amendement no 827 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à harmoniser les allégements de cotisations sociales entre les EHPAD des secteurs privé et public, et donc de compenser, pour les EHPAD du secteur public et les unités de soins de longue durée – USLD – , la réduction pérenne de cotisations sociales dont bénéficient les seuls EHPAD des secteurs privé, commercial et non lucratif.
Depuis 2019, les établissements et services médico-sociaux associatifs et commerciaux bénéficient d'un abattement de charge pérenne de 8 % de la masse salariale. Les établissements sociaux et médico-sociaux du secteur public sont pour leur part exclus de ce dispositif, ce qui se traduit pour eux par une surcharge d'environ 400 millions d'euros par an. Nous cherchons donc à rétablir un peu d'égalité.
Cela étant, j'indique à notre collègue Dharréville que les établissements privés à but non lucratif sont soumis à la taxe sur les salaires car ils ne sont pas assujettis à l'impôt sur les sociétés. C'est ce qui fait la différence.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 1119 .
Pour compléter les propos de notre collègue Jeanine Dubié, je précise que les EHPAD publics sont intégralement agréés à l'aide sociale, ce qui signifie qu'ils accueillent aussi des personnes âgées à faibles ressources. Leurs tarifs mensuels d'hébergement sont en moyenne de 500 euros inférieurs à ceux du secteur commercial mais aussi du secteur associatif. Voilà pourquoi nous proposons cette compensation.
L'amendement no 1316 de Mme Valérie Six est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Mon avis défavorable repose sur le même raisonnement que celui que j'ai tenu pour m'opposer à l'amendement de M. Dharréville : l'adoption de ces amendements entraînerait une réduction des ressources et donc moins de financements. En outre, j'indique que cette suppression de six points des cotisations d'assurance maladie vient remplacer le crédit d'impôt pour la compétitivité, le CICE, dont les EHPAD publics ne bénéficiaient pas puisqu'ils ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés.
Même avis.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés soutiendront ces amendements qui nous invitent à une réflexion plus large sur ce qui doit relever du marché et ce qui doit lui être soustrait. Le département des Landes, depuis longtemps déjà, a fait un choix politique : avoir des établissements à but non lucratif. Cette réflexion devrait être prolongée, notamment dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi sur la dépendance.
Comme notre collègue Boris Vallaud, je pense qu'il faudrait faire échapper certains biens et services tout à fait essentiels – en l'occurrence, la santé – aux logiques de marché et de rentabilité financière. Je souscris également aux propos de Jeanine Dubié.
J'aimerais aussi revenir un instant sur votre argument de tout à l'heure, madame la rapporteure, selon lequel exonérer les établissements publics de santé et les EHPAD publics de la taxe sur les salaires entraînerait un manque à gagner pour la sécurité sociale. Il ne vous aura pas échappé que nous avons formulé plusieurs propositions de nature à le compenser, en allant chercher l'argent ailleurs que dans les hôpitaux, ce qui serait plutôt une bonne chose en cette période.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 596 .
Il tend à clarifier la définition du « domicile à usage privatif », qui n'apparaît pas dans le droit de la sécurité sociale, ce qui a conduit certaines Unions de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales – URSSAF – à rejeter les demandes d'exonération d'autres catégories d'établissements tels que les foyers d'hébergement pour personnes handicapées ou les foyers de vie, au motif qu'il ne s'agirait pas strictement d'un domicile privatif. De nombreux établissements éligibles, non médicalisés, et financés non par la sécurité sociale mais par les départements, se trouvent ainsi exclus du champ d'application de l'exonération de charges.
Soulignons que cette notion de « domicile à usage privatif » est devenue d'autant plus obsolète qu'il est expressément prévu par l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale que les activités financées par des organismes de sécurité sociale sont exclues du dispositif d'exonération.
Nous voulons donc clarifier les critères d'éligibilité des établissements pouvant bénéficier de l'exonération, en supprimant la notion de « domicile à usage privatif », qui est trop floue pour les URSSAF, pour se concentrer sur la nature des tâches effectuées.
Vous soulevez un problème très concret et assez technique, sur lequel je ne vais pas pouvoir, dès à présent, vous donner des réponses très précises. Après discussion et expertise, il semble que la modification de cette notion pourrait entraîner des effets de bord dont nous n'avons pas la pleine mesure aujourd'hui. Il faudra engager une réflexion sur le sujet, notamment lors de l'examen du texte sur le grand âge et l'autonomie. À ce stade, je vous propose de le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends ces besoins de clarification car il y a même parfois des divergences d'interprétation. Nous allons engager un travail d'analyse, afin de résoudre cette difficulté le plus rapidement possible. Sachez que nous allons y travailler parce que je partage votre constat, mais je ne pense pas que soit à travers la loi de financement de sécurité sociale que nous pourrons apporter une réponse.
Merci, madame la ministre déléguée. Je vais retirer cet amendement en ayant pris acte de votre engagement à clarifier cette notion trop floue qui, pour le coup, conduit à des inégalités de traitement, ce qui n'est pas concevable pour ces structures et établissements médico-sociaux.
L'amendement no 596 est retiré.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 598 .
Il soulève un autre problème : le formalisme excessif des justificatifs à produire pour bénéficier des exonérations de charge par les établissements à but non lucratif hébergeant des publics fragiles, qui limite fortement le bénéfice des exonérations prévues à l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, et ce, de manière contraire à l'esprit du législateur.
Si un employeur à but non lucratif est éligible, que les activités réalisées sont éligibles et que tous les bénéficiaires sont éligibles, il n'est pas opportun ni nécessaire de justifier avec une précision abusive les heures de travail de ces agents.
L'objet de cet amendement est donc de ne pas soumettre les établissements à but non lucratif à des règles de preuve inutiles, adaptées au secteur lucratif et dont la production confine à l'impossible.
Même avis.
À défaut d'un engagement du Gouvernement à travailler sur ce sujet, qui est tout aussi important et du même acabit que le précédent, je maintiens l'amendement.
Je vous réponds encore une fois, madame Firmin Le Bodo, mais il y a aussi une question de confiance entre partenaires… Il est toujours souhaitable, certes, de simplifier les procédures administratives, mais il paraît difficile d'abandonner totalement la production de justificatifs par les personnes en situation de dépendance. Ces documents jouent en effet un rôle important dans le processus d'attribution des dispositifs. Reste que nous allons travailler avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – afin de dématérialiser les procédures autant que possible et, si vous le souhaitez, vous serez associée à cette réflexion.
Oui, monsieur le président. Je précise toutefois que son objet n'est pas de supprimer les justificatifs, mais d'éviter qu'ils soient demandés de manière abusive.
L'amendement no 598 est retiré.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 2413 .
La mutualité sociale agricole – MSA – étant organisée en guichet unique, elle réaffirme sa volonté de prendre en charge, en lien étroit avec la CNSA, la gestion de la cinquième branche pour ses ressortissants agricoles et les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA.
Du fait du vieillissement de la population qu'elle couvre, plus important que dans les autres régimes, la MSA est depuis de nombreuses années impliquée dans le champ de la dépendance et de la préservation de l'autonomie des personnes âgées. L'intégration de la cinquième branche au sein de son guichet unique confirmerait cet engagement et permettrait d'assurer un suivi fin, personnalisé et simplifié des ressortissants agricoles et des bénéficiaires de l'ASPA.
Il s'agit ici de confier la gouvernance de la nouvelle branche de la sécurité sociale à la CNSA, qui pourrait elle-même confier par convention la réalisation d'opérations aux organismes des régimes obligatoires de sécurité sociale et proposerait de mobiliser son service clientèle à cet effet.
Vous souhaitez vous assurer que les ressortissants agricoles seront bien couverts par la cinquième branche. J'ai moi-même posé la question au directeur de la sécurité sociale, qui nous a rassurés sur la vocation universelle de cette branche. Nous avons également évoqué ensemble les actions de la MSA en matière de prévention et de soutien de l'autonomie, notamment la gestion des maisons d'accueil et de résidence pour l'autonomie, les MARPA. Reste qu'il est souhaitable de préciser les relations entre la CNSA et la MSA, au moyen, par exemple, de la signature d'une convention.
Je vous invite à retirer l'amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement est satisfait : avis défavorable.
L'amendement no 2413 n'est pas adopté.
Il s'agit de deux amendements d'Annie Chapelier.
L'amendement no 1415 vise à supprimer les recouvrements sur les successions des bénéficiaires de l'ASPA. Celle-ci est un avantage non contributif accordé, sur demande, aux personnes disposant de faibles ressources et âgées d'au moins 65 ans ou inaptes au travail. L'ASPA est l'expression de la solidarité nationale, selon laquelle toute personne résidant de manière stable et régulière sur le territoire national doit disposer de ressources minimales. Néanmoins, le mécanisme de l'ASPA prévoit une contrepartie, le recouvrement sur succession, qui explique le choix de certaines personnes de ne pas recourir à cette aide.
L'amendement no 1416 , de repli, vise à ne pas tenir compte de la valeur de la résidence principale du bénéficiaire de l'ASPA pour le recours sur succession. Il est plus particulièrement destiné aux retraités agricoles, qui touchent de petites pensions. Les biens immobiliers des bénéficiaires sont pris en compte dans le calcul de l'actif net. Dans le secteur agricole, ces biens peuvent représenter une valeur importante, souvent supérieure au seuil fixé par décret. C'est pourquoi le capital d'exploitation agricole, ainsi que les bâtiments qui en sont indissociables, ne sont plus pris en compte. Cependant, dans le cas où les retraités agricoles ont transmis ou vendu leur patrimoine agricole, ils restent très souvent propriétaires de leur logement principal. La valeur du bien entraîne un recouvrement sur la succession.
Annie Chapelier a déjà présenté ces amendements lors des deux précédents PLFSS. Il y a deux ans, ils ont été rejetés au motif que la réforme des retraites allait instaurer un montant de retraite minimum pour les agriculteurs.
L'année dernière, c'est la perspective d'examiner la proposition de loi d'André Chassaigne visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer qui a motivé l'avis défavorable. Or nous ne voyons toujours pas la couleur, aujourd'hui, d'une prise en considération de notre proposition.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.
Le premier amendement que vous avez présenté, madame Bagarry, revient à chaque PLFSS. Je rappelle que l'ASPA est une allocation universelle. Vous souhaitez supprimer la récupération de l'ASPA sur le montant des successions, mais le droit se base sur l'obligation de la solidarité familiale. En outre, cette récupération constitue la contrepartie de l'allocation. En ce qui concerne les familles les plus modestes, elles ne sont pas concernées par le dispositif puisque les sommes versées au titre de l'ASPA sont récupérables sur l'actif net de la succession uniquement s'il dépasse 39 000 euros en métropole et 100 000 euros dans les départements d'outre-mer. Je vous invite à retirer l'amendement no 1415 ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Quant à l'amendement no 1416 , il vise à ne pas tenir compte de la valeur de la résidence principale pour le minimum vieillesse au moment de la récupération de la succession. Je comprends votre intention mais, pour les mêmes raisons que précédemment, je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
J'en profite pour rappeler que la majorité a fait un geste fort en revalorisant l'ASPA de 100 euros pour les personnes âgées les plus modestes. Cette allocation s'élève désormais à 903 euros par mois pour une personne seule.
Au moment d'examiner l'article 17, je me félicite du retrait du mécanisme de sauvegarde ciblant les médicaments innovants anticancéreux : il constituait un dispositif incohérent et inutilement pénalisant.
Je me ferai également l'écho auprès de vous, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, de l'appel à l'aide, du cri d'alerte, de deux jeunes mamans de ma circonscription – Anaïs, 32 ans, et Cyrielle, 33 ans – , qui luttent contre un cancer du sein dit triple négatif, de nature plus agressive que les autres puisqu'il se caractérise par l'absence de récepteurs hormonaux. Ces jeunes femmes rencontrent des difficultés pour accéder à des médicaments anticancéreux innovants. Or il en existe actuellement en Allemagne.
Une course contre la montre s'est engagée pour sauver ces femmes, qui sont jeunes. Vous me répondrez sans doute que des essais sont en cours en France, mais leur évaluation doit être accélérée, car le combat de ces deux femmes contre la maladie ne peut attendre les avancées de la recherche en France. Leur appel doit être entendu : il faut faciliter l'accès des femmes, si elles le souhaitent, aux traitements innovants proposés en Allemagne. Ces traitements sont coûteux, il est vrai : ils doivent donc faire l'objet d'un accord du médecin-conseil national ou de la CPAM sous la forme d'un formulaire S2 de droit aux soins programmés.
En ce mois d'octobre rose, nous ne pouvons pas ne pas entendre l'appel de ces femmes. Nous devons les aider. Je vous remettrai tout à l'heure une lettre qu'elles vous ont écrite, monsieur le secrétaire d'État. Si des traitements existent à côté de chez nous, donnons-leur la chance de pouvoir être sauvées !
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 57 , qui tend à supprimer l'article.
Son exposé des motifs précise que l'article 17 propose « un avantage aux entreprises, en contrepartie de leurs négociations avec le Comité économique des produits de santé lors des plans de baisse de prix, via une réduction de la contribution à laquelle elles sont soumises au titre de la clause de sauvegarde ».
Si le Gouvernement semble adorer perdre de l'argent, dans l'espoir d'un éventuel ruissellement qui n'arrivera vraisemblablement pas, nous pensons que cette méthode ne sera pas suivie d'effet. En réalité, les laboratoires ont une structure financière et sociale d'entreprises néolibérales classiques : leur objectif est de dégager du profit. Le fait que les entreprises du médicament aient une activité d'intérêt général ne les motive pas à changer de braquet, alors même que la crise que nous traversons a révélé l'impasse de leur modèle. C'est donc, selon nous, à l'État de trouver des outils qui permettraient de maintenir les médicaments à des prix convenables. Ainsi, cet article nous paraissant tout à fait naïf, nous proposons de le supprimer.
L'article 17 fixe les montants à partir desquels se déclenchent les clauses de sauvegarde, un mécanisme qui a précisément pour but d'assurer la régulation et la baisse des prix. Votre amendement va dans le sens inverse de ce que vous souhaitez, madame Fiat. Je vous invite donc à le retirer, sinon l'avis sera défavorable.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je pense également que cet amendement va à l'inverse des principes que vous défendez, madame la députée. Avis défavorable.
Il semble, monsieur le secrétaire d'État, que nous avons atteint les limites du système de régulation par le prix. Comme l'a expliqué tout à l'heure avec beaucoup d'humanité notre collègue Thibault Bazin, des femmes attendent aujourd'hui des traitements innovants, accessibles en Allemagne et non en France, sans doute parce que les prix proposés outre-Rhin pour l'achat des molécules innovantes sont beaucoup plus attractifs pour les laboratoires pharmaceutiques.
Les laboratoires pharmaceutiques ne sont certes pas des entreprises philanthropiques, mais l'État ne doit pas s'exonérer de toute responsabilité. Depuis dix ans, on impose 1 milliard d'euros par an d'économies aux laboratoires pharmaceutiques : comment s'étonner que le Doliprane soit désormais produit en Asie du Sud-Est ? Certes, un effort a été consenti dans le PLFSS pour 2021, à hauteur non pas de 1 milliard d'euros mais de 600 millions d'euros, ce qui marque déjà un progrès.
Il faut améliorer les procédures d'autorisations temporaires d'utilisation – ATU – et les procédures d'autorisations des produits innovants, ainsi que l'accès aux molécules innovantes. Le PLFSS pour 2020 leur consacrait quinze pages, mais la ministre des solidarités et de la santé d'alors n'a pas été capable de nous les présenter et de nous les expliquer tant elles étaient confuses et rédigées dans un langage administratif abscons.
À ce jour, en France, entre le moment où un médicament fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché – AMM – et celui où le Comité économique des produits de santé – CEPS – fixe son prix, il s'écoule près de cinq cents jours ! Or une directive européenne nous impose un délai de cent quatre-vingts jours et l'Allemagne parvient à le restreindre à quatre-vingt-dix jours. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles les patientes évoquées par Thibault Bazin ont du souci à se faire si elles veulent bénéficier d'un traitement innovant dans notre pays. L'Allemagne est aujourd'hui beaucoup plus performante que la France.
Toute la difficulté avec cet article est que nous n'avons pas d'autre solution que de proposer sa suppression. Au début de l'année, j'ai défendu la création d'un pôle public du médicament, mais ma proposition a été vidée de son contenu. Les pénuries de certains médicaments ont été aggravées par la crise de la covid-19, mais les petites mesures que vous présentez ne permettront pas d'y remédier.
Vous ne nous proposez rien. Vous appliquez une logique libérale inefficace. Et voilà que, par cet article, vous entendez instaurer des mécanismes d'incitation financière pour que les entreprises négocient avec le CEPS lors de la fixation des prix.
Je vais retirer l'amendement, mais je vous mets en garde car, je le répète votre proposition est très naïve. Ce que nous voulons, ce sont des médicaments pour nos patients, pour nos concitoyens. Nous avons bien vu les conséquences de votre politique depuis le début de la crise du covid-19, avec notamment des services de réanimation qui ont failli se retrouver en panne de curare, ce qui n'a fait rire personne – et certainement pas moi qui étais en première ligne.
L'amendement no 57 est retiré.
L'amendement no 2360 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 2178 .
Il vise à donner une dimension conventionnelle au dispositif prévu par l'article 17 en renvoyant aux négociations conventionnelles conclues entre le CEPS et les syndicats représentatifs des entreprises la définition du barème visant à mesurer l'avantage à consentir.
Cette mesure permettra de mieux s'adapter aux plans de baisses de prix et au profil des entreprises concernées et de moduler avantageusement les avantages en fonction des avenants effectivement signés par le CEPS.
Je m'étonne d'ailleurs de la volonté de sortir du dispositif conventionnel actuel alors même qu'il est entièrement à la main du Comité et qu'il a montré son efficacité puisqu'en 2019, l'objectif de baisse des prix a été dépassé pour la troisième année consécutive.
Nous avons déjà débattu de cette question en commission. Un accord-cadre ne me semble pas le meilleur outil pour fixer les barèmes des clauses de sauvegarde. Il est donc préférable qu'ils le soient par arrêté des ministres chargés de la santé, qui doivent rendre des comptes devant le Parlement chaque année lors de l'examen du PLFSS. L'avis reste donc défavorable.
L'amendement no 2178 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 1072 .
Il porte sur le montant Z qui détermine le déclenchement de la clause de sauvegarde pour les dispositifs médicaux inscrits sur la liste en sus. Le dispositif mis en place à l'occasion de la LFSS pour 2020 ne prévoit pas de mécanisme permettant une graduation du niveau de la contribution en fonction de plusieurs seuils de dépassement du montant Z. Or on sait bien que, dans le domaine des dispositifs médicaux, le tissu économique est constitué en majorité de PME, de TPE et d'ETI, les entreprises de taille intermédiaire. Le présent amendement vise donc à prendre cette réalité en considération en instaurant une progressivité de la contribution.
Ce débat ayant déjà eu lieu en commission, je rappellerai simplement que la clause de sauvegarde, en réalité, n'a pas vocation à se déclencher. Son existence vise à inciter les entreprises à contrôler leur production et ainsi à maîtriser les dépenses d'assurance-maladie liées au remboursement des dispositifs médicaux. L'instauration d'un barème réduirait l'effet incitatif recherché par le mécanisme de sauvegarde. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 1072 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 2141 .
Il s'agit d'un amendement d'appel en faveur d'une politique de réimplantation de l'activité en France. En effet, comme l'a dit notre collègue Jean-Carles Grelier, on demande depuis plusieurs années au secteur du médicament, qui représentait il y a quelque temps 15 % des dépenses de santé, de réaliser 50 % des économies attendues, soit environ 1 milliard d'euros. Certes, cette année lui est plus favorable puisqu'on ne lui demande que 600 millions. Néanmoins nous avons vu les conséquences d'une telle mesure : d'une part, les entreprises ne s'implantent plus en France ; de l'autre, nous connaissons de grosses difficultés d'approvisionnement, certains produits étant en rupture de stock – une situation qui s'explique, entre autres facteurs, par la baisse du prix des médicaments. Il est donc nécessaire d'adopter une programmation pluriannuelle des objectifs de dépenses demandées chaque année en PLFSS aux secteurs du médicament et du dispositif médical.
Dans le cadre du Ségur de la santé, Olivier Véran a missionné le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, le HCAAM, pour qu'il propose, début septembre, des pistes de réforme de l'ONDAM, lequel nécessite d'être rénové et adapté à une politique de santé pluriannuelle et de long terme. Sur ce point, je vous rejoins.
Ces pistes de réflexion doivent enrichir la régulation actuelle d'approches plus structurelles, plus systémiques et fondées sur des stratégies pluriannuelles, afin que la politique de santé prenne en considération non seulement le facteur budgétaire – auquel correspond l'ONDAM – , mais aussi les dimensions médicales et économiques. Le ministre Olivier Véran a en particulier demandé au HCAAM d'interroger la pertinence du découpage, du périmètre et de la temporalité de l'ONDAM. Les modalités de construction de celui-ci seront également analysées et évaluées. Enfin l'articulation avec le pilotage du solde des établissements de santé devra être repensée.
Dans ce cadre, la question de la régulation des dépenses de médicaments et des dispositifs médicaux sera bien évidemment étudiée. Olivier Véran a demandé au HCAAM d'associer à cette démarche les acteurs territoriaux mais aussi les acteurs du système de santé. Des propositions, attendues en avril 2021, nourriront le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et seront donc débattues au sein de l'hémicycle.
Ainsi convient-il selon nous de laisser au HCAAM le temps de mener à bien cette mission et de faire remonter ses propositions avant de se prononcer sur les modifications à opérer en priorité. Pour l'ensemble de ces raisons, et alors que nous poursuivons les mêmes objectifs – mais peut-être avec des moyens différents – je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, je suis confus mais vous ne répondez pas exactement à la question posée. Je vous donne un exemple très concret : en France, 1 800 patients sont atteints d'hémophilie sévère. Une molécule pour soigner définitivement cette maladie est quasiment prête. Elle représente un espoir de vie absolument considérable pour les personnes atteintes, mais son coût est évalué à 1 million d'euros pièce. Près de 2 milliards seront donc nécessaires pour en faire bénéficier tous les patients hémophiles. Or non seulement ces derniers verraient ainsi leur vie totalement transformée, mais l'assurance maladie pourrait réaliser des économies gigantesques grâce à cette thérapie génique qui rendrait inutiles les soins aujourd'hui prodigués aux malades.
Comment voulez-vous inclure demain, dans un ONDAM qui n'est qu'un instrument de régulation tarifaire, les 2 milliards d'euros nécessaires à un tel traitement ? Et je ne cite que l'hémophilie, alors que je pourrais aussi évoquer différents traitements du cancer. Ainsi, s'agissant des deux femmes évoquées par Thibault Bazin et dont le traitement contre le cancer dépend d'un accord sur une molécule innovante, vous répondez indirectement qu'elles n'ont qu'à attendre que le HCAAM se prononce… C'est presque indécent, monsieur le secrétaire d'État !
Je n'ai jamais dit cela ! Franchement…
L'amendement no 2141 n'est pas adopté.
L'article 17, amendé, est adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1214 .
Cet amendement extrêmement important porte sur un combat né il y a près de dix ans, en 2011, grâce à l'association Phyto-victimes présidée par Paul François. Je veux ici rendre hommage au courage et à la persévérance de cet homme et saluer, à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation rendu hier, sa victoire en justice obtenue in fine face à la firme Monsanto.
M. Boris Vallaud applaudit.
L'association Phyto-victimes a réuni des milliers d'agriculteurs, et plus largement de travailleurs de la terre, victimes des mésusages de la phytopharmacie, à une époque où, en raison d'une certaine désinvolture de l'État et des firmes, leur sécurité n'a pu être assurée – elle ne l'a été que tardivement.
Je mentionnerai encore deux autres années, 1994 tout d'abord, celle de la remise au Premier ministre de mon rapport « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible », 2013 ensuite, celle de la publication du rapport de l'INSERM, « Pesticides, effets sur la santé » – dont une réactualisation est en cours d'élaboration – , une expertise collective qui évoque les dangers induits par ces produits, notamment les risques liés aux mélanges de molécules.
Je rends hommage à nos collègues socialistes du Sénat, où notre long travail a commencé en 2018. Ils avaient alors obtenu, par un vote à l'unanimité, la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de la phytopharmacie.
Nous avons poursuivi ce combat à l'Assemblée en faisant une proposition finalement adoptée dans le PLFSS au terme d'un débat vif et néanmoins respectueux avec Agnès Buzyn. Cette nuit-là, nous nous étions mis d'accord avec elle sur l'engagement d'un processus. La création d'un fonds, qui relève de la branche habituelle AT-MP, accidents du travail - maladies professionnelles, est aujourd'hui acquise.
Alimenté par une taxe sur les produits phytopharmaceutiques, ce fonds permet d'indemniser une certaine catégorie de victimes : les agriculteurs. Grâce à notre combat législatif, nous avons réussi à intégrer parmi les bénéficiaires de cette indemnisation les enfants victimes in utero de l'exposition aux pesticides et toutes les catégories de personnes – par exemple les aidants familiaux – qui n'étaient pas couvertes antérieurement parce qu'elles ne souscrivent pas au régime d'assurance obligatoire.
Le chemin est encore long car certaines catégories ne sont pas prises en considération. Il faut surtout aboutir à l'instauration d'un dispositif qui ne relève pas uniquement de la logique AT-MP afin d'inclure des pathologies et des observations épidémiologiques qui ne sont pas couvertes habituellement ou sont trop longues à faire reconnaître.
Il nous faut enfin obtenir 100 % de réparation pour les victimes. À l'instar de l'amiante, nous devons considérer que ce problème relève d'une responsabilité collective et qu'il appartient à l'État, à la Mutualité sociale agricole mais aussi aux fermes phytopharmaceutiques de contribuer à une juste réparation. Nous devons nous battre pour que les travailleurs de la terre obtiennent justice. Puisque Agnès Buzyn avait parlé de l'engagement d'un processus, celui-ci ne doit pas s'arrêter. Ce que nous avons obtenu l'an dernier est significatif mais insuffisant.
Par cet amendement, je vous propose d'augmenter la taxe qui est au coeur du dispositif de pharmacovigilance, en la faisant passer à 5 % du chiffre d'affaires des entreprises, et de permettre ainsi une réparation intégrale du préjudice des victimes et l'extension de l'accès à cette indemnisation.
Je veux tout d'abord saluer le travail et l'engagement de longue date de M. Potier sur ce dossier, grâce auxquels nous avons pu en effet avancer, à plusieurs reprises, notamment l'an dernier dans le cadre de la LFSS.
Cependant l'amendement présent pose un problème de calendrier mais aussi de fond et de droit.
Tout d'abord, il me paraît prématuré de considérer que le calibrage du fonds, tel que nous l'avions prévu l'an dernier, est insuffisant dans la mesure où il n'est pas encore opérationnel en l'absence d'un décret qui devrait être publié sous peu – peut-être d'ici à la fin du mois.
Sur le fond, il convient de mettre en perspective ces différentes avancées. Votre proposition de loi, que nous avions examinée en commission en janvier 2019, prévoyait un plafond de 1,5 %. Nous l'avions finalement fixé à 3,5 % dans la LFSS l'an dernier. Le Gouvernement a d'ailleurs choisi de rehausser le taux à 0,9 % en 2020, ce qui devait couvrir les dépenses d'environ 14 millions d'euros engagées cette année-là avant une montée en charge progressive – pour atteindre environ 50 millions – que devrait permettre de couvrir un plafond à 3,5 %. L'augmentation du plafond, d'emblée, à 5 % paraît donc sinon excessive du moins prématurée.
Enfin, sur un plan plus juridique, et pour répondre le plus rigoureusement possible, on ne peut taxer une entreprise sur les ventes à l'étranger de produits phytopharmaceutiques pour financer un dispositif d'indemnisation français. Cette exclusion n'est donc pas un cadeau fait à quiconque mais une précision destinée à assurer la compatibilité du dispositif avec le droit européen.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
Monsieur Potier, permettez-moi de saluer à mon tour votre engagement dans ce combat.
Vous avez conclu votre intervention en indiquant que vous proposiez d'augmenter le taux de la taxe. C'est en réalité le plafond que vous proposez d'augmenter. Or, comme l'a bien expliqué le rapporteur général, dans le cadre de la mise en place du dispositif, le plafond de la taxe avait déjà été relevé de 0,3 % à 3,5 % du chiffre d'affaires. Ce pourcentage a été défini en fonction des besoins et des dépenses prévisionnels, estimés à moyen terme à 53 millions d'euros. Or le plafond tel qu'il a été fixé, permet de couvrir à hauteur de 57 millions, ce qui est donc largement suffisant.
Et le taux de la taxe est fixé par le pouvoir réglementaire parce que cela permet de l'ajuster plus aisément en fonction de l'évolution des dépenses. Il a ainsi été relevé, le rapporteur général l'a rappelé, de 0,2 % à 0,9 % le 27 février dernier de manière à couvrir les dépenses prévisionnelles du fonds en 2020. On voit bien que les sommes perçues sont à ce stade suffisantes. Il n'y a donc pas nécessité d'augmenter le plafond. C'est pourquoi l'avis est défavorable.
Je tiens tout d'abord à dire à quel point je suis scandalisé qu'il faille attendre cette discussion du PLFSS pour 2021 pour se rendre compte que les décrets d'application de la loi de financement précédente n'ont pas tous été publiés ! C'est stupéfiant !
Au bout de dix ans de bataille, la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques est votée à l'unanimité au Sénat, acceptée par la ministre de la santé d'alors et, un an après, on constate que le décret n'est toujours pas paru.
Je confirme évidemment que c'est le plafond que je propose de rehausser et non le taux lui-même. J'ai en tête des chiffres issus d'un rapport que la ministre avait contesté, mais qui avait été tout de même rendu par l'Inspection générale des affaires sociales, Bercy et le CGAER – le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux – , et qui estimait entre 430 millions d'euros à 950 millions d'euros le montant de la réparation des dommages causés aux victimes. Vous évoquez une cinquantaine de millions et n'en avez inscrit que 14 millions… Nous sommes loin du compte. La hausse du taux qui a déjà été décidée – et qui attend encore la publication d'un décret d'application – n'est donc qu'une première mesure pour indemniser des personnes qui souffrent dans leur chair aujourd'hui.
Avant de défendre l'amendement suivant, permettez, monsieur le secrétaire d'État, que je dénonce encore une fois l'absence de décret d'application sur un sujet aussi sensible et qui nous avait réunis de façon transpartisane.
L'amendement no 1214 n'est pas adopté.
Je répondrai sur l'amendement suivant.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1213 .
Il est une variante du précédent, pas un repli. Vous m'avez répondu par avance, monsieur le rapporteur général, qu'il n'était constitutionnellement pas possible d'élargir l'assiette de la taxe aux produits phytosanitaires exportés, mais il n'en demeure pas moins que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, selon ses propres dires, n'est pas un collecteur d'impôts – je vous renvoie à une question écrite sur le sujet qui n'a jamais eu de réponse – , son directeur lui-même l'ayant rappelé par écrit à votre ministère. Les firmes peuvent dès lors assez facilement, par le jeu des sociétaires et des entités, masquer une partie de la taxe qu'elles devraient verser.
Je connais bien le sujet puisque c'est un amendement que j'ai défendu pendant la précédente législature qui a permis le retrait de certaines molécules du marché au vu d'études épidémiologiques ayant constaté, contrairement aux conclusions des études prévisionnelles, un effet sur la santé des opérateurs ou sur l'environnement. La phytopharmacovigilance s'applique après l'autorisation de mise sur le marché par l'ANSES et, malgré toutes les précautions prises par l'agence, on peut alors faire le constat qu'il apparaît parfois des choses différentes dans la vraie vie et qu'il faut retirer des molécules – c'est entre autres le cas de celles composant un herbicide utilisé sur la mâche, notamment en Loire-Atlantique. La phytopharmacovigilance, ça fonctionne et c'est nécessaire pour que les victimes de maladies extrêmement graves, conséquences d'expositions aux pesticides, obtiennent réparation, car la situation actuelle est absolument dramatique.
Mon amendement appelle le Gouvernement à utiliser la voie de la taxation sur le chiffre d'affaires à l'instar de la méthode Le Maire…
… pour les GAFA : on ne taxe pas alors les bidons de pesticides mais le chiffre d'affaires, et par là même aussi les produits exportés. Cette solution est possible, vous ne pouvez pas le nier, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'État, puisqu'elle est mise en oeuvre, même trop petitement, pour les GAFA.
Je pense qu'il faut franchement reconnaître un double échec aujourd'hui : l'absence de décret d'application et un mécanisme de collecte fiscale pour le moins inopérant. Il faut déjà l'admettre avant d'essayer d'élaborer des solutions, et je serai alors totalement à votre disposition pour y parvenir.
M. Boris Vallaud applaudit.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent. La publication du décret a pu être retardée en raison de la crise sanitaire à laquelle notre pays a dû faire face –
Exclamations sur les bancs du groupe SOC
On pourrait aussi bien arrêter de délibérer tant que la crise sanitaire est là !
Pour ce qui est du suivi des textes réglementaires, je peux vous assurer que dans ma nouvelle fonction de rapporteur général, je serai vigilant, comme je l'ai été pour les autres textes dont j'ai été le rapporteur depuis le début de mon mandat, à ce que la totalité des mesures nécessaires à l'application de ce que notre assemblée a voté dans l'hémicycle se concrétisent dans la vie réelle.
Pour les mêmes raisons de fond que celles rappelées par le rapporteur général, l'avis sera défavorable. Pour répondre à votre interpellation, monsieur Potier, et sans aucune velléité de polémiquer, je vous assure qu'il n'y a pas de scandale. Je concède qu'il y a eu quelque retard du fait de la gestion de la crise du covid, mais je peux vous dire ici même que le décret sera pris dans les tout prochains jours.
L'amendement no 1213 n'est pas adopté.
S'il y a bien un secteur d'activité dont on n'a pas parlé depuis le début de la crise du covid, alors qu'il est évoqué lors de chaque PLFSS depuis le début de la législature, c'est bien celui des grossistes-répartiteurs. Ils ont transporté plus de 700 millions de masques, livrent tous les jours plus de 6 millions de boîtes de médicaments à plus de 20 000 officines, emploient plus de 12 000 personnes, et ce sont eux qui permettent le maillage serré du territoire en pharmacies.
Mon collègue Paul Christophe et moi-même avons déjà plusieurs fois signalé la situation économiquement dramatique des grossistes-répartiteurs. Ce secteur, comme celui de la chaîne du médicament, est en grave crise, ce qui va se traduire par des plans sociaux, mais aussi par une diminution des livraisons. Or les premières officines touchées seront bien celles situées en zone rurale, qui risquent de disparaître à leur tour.
Quelques chiffres pour bien montrer à quel point la taxe qu'ils supportent remet en cause leur existence : en 2019, leur résultat d'exploitation avant ce prélèvement était de 115 millions d'euros, et on leur demande maintenant de verser 180 millions d'euros ! Quel impôt est plus confiscatoire que celui-ci ? Comment pourrait-on faire supporter à n'importe quel secteur une telle charge fiscale ? De ce fait, les grossistes-répartiteurs ont été déficitaires à hauteur de 65 millions d'euros en 2019. Il est d'urgent d'agir pour les sauver. L'amendement propose donc une diminution de cette taxe, une mesure d'urgence avant des réformes structurelles qui ont été promises depuis 2017. M. le ministre Olivier Véran, lorsqu'il était rapporteur général du PLFSS, avait d'ailleurs dit…
Je vous remercie, madame la députée.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 543 .
La crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 a percuté l'organisation du système de soins français avec une violence inédite. La chaîne d'approvisionnement des médicaments, dont les entreprises de la répartition pharmaceutique sont la cheville ouvrière, a été mise à rude épreuve. Le secteur de la répartition, mis en première ligne, a montré une mobilisation sans précédent pour répondre à l'ensemble des demandes des pouvoirs publics.
Comme vient de le dire ma collègue, le chiffre d'affaires de ces entreprises est soumis à une contribution sur les ventes en gros destinée à alimenter les recettes de l'assurance maladie ; celle-ci est composée de trois parts dont la première, qui correspond à un taux de 1,75 % du chiffre d'affaires hors taxe, est nocive pour l'économie du secteur. L'amendement propose donc de baisser à 1,4 % le taux de la contribution sur les ventes en gros afin d'en réduire le montant de 40 millions d'euros. Cela permettra à ces entreprises, qui représentent 12 000 emplois en France, de relever la tête. Nous devons en effet empêcher que ne s'effondre le secteur de la répartition et l'ensemble de la chaîne du médicament avec lui, en attendant une refonte plus globale de la structure de cette taxe, pour laquelle il serait précieux que le Gouvernement s'engage sur un calendrier et sur une méthode.
L'an dernier, comme il y a deux ans, comme il y a trois ans, nous, Les Républicains, évoquions déjà ce problème. Et depuis, rien. Je rappelle qu'en 2017, le secteur des grossistes-répartiteurs a subi 23 millions d'euros de pertes, puis 46 millions en 2018 et 65 millions en 2019. En 2020, la situation va continuer à se dégrader. Ces entreprises pourraient disparaître, alors qu'elles accomplissent une mission de service public, la distribution de produits sanitaires sur l'ensemble du territoire français. Leur rémunération, réglementée, n'est pas à la hauteur compte tenu des coûts qu'elles doivent supporter.
« Des discussions ont lieu », allez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'État. Elles nous ont en effet été promises à chaque PLFSS, et encore l'an dernier, aboutissant à un groupe de travail interministériel qui a mis sur la table trois propositions : la création d'un forfait pour les produits froids, la révision à la hausse du plafond de rémunération et… la baisse de la contribution sur les ventes en gros. Mais les discussions avec les pouvoirs publics sont confrontées aujourd'hui à un blocage, dû notamment à la question de cette contribution, alors que celle-ci a un effet immédiat sur l'ampleur des pertes.
Aussi cet amendement vise-t-il seulement à ramener le taux de contribution sur les ventes en gros de 1,75 % à 1,40 %, soit un allègement de 40 millions d'euros pour un secteur qui a subi 65 millions de pertes en 2019. Il est temps d'agir car les paroles ne suffisent plus.
Comme mes collègues, je constate que, depuis plusieurs années, le système de rémunération des entreprises de la répartition pharmaceutique n'est plus adapté à l'évolution du marché. La taxation spécifique imposée pénalise lourdement ce secteur d'activité où les marges unitaires sont faibles, la crise sanitaire ayant encore aggravé cette situation. Déjà, l'année dernière, cette problématique avait été au coeur du débat lors de l'examen du PLFSS, ce qui avait conduit les pouvoirs publics à se concerter avec les entreprises du secteur. Les discussions ont notamment permis d'adapter les règles de rémunération pour faire face à la crise du covid, mais elles n'ont pu aboutir à une refonte globale du système de la répartition, les propositions des représentants de la profession étant pour le moment restées lettre morte.
Aujourd'hui, la situation économique du secteur atteint un point critique. Cet amendement vise donc à réduire à 1,4 % le taux de la contribution sur les ventes en gros des médicaments.
Je souligne que ces acteurs de proximité de notre système de santé ont su répondre aux sollicitations des pouvoirs publics lorsque la crise sanitaire a percuté l'organisation du système de santé. La chaîne d'approvisionnement des médicaments, du laboratoire à l'officine, a montré une nouvelle fois l'importance cruciale de la mission qu'elle assume au service de nos concitoyens.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 1349 .
La crise du covid a démontré toute la fragilité de l'organisation du système de soins français. Chaque année, 180 officines ferment dans tout le pays et, de ce fait, de nombreuses entreprises du secteur de la répartition du médicament ont dû mettre en place des plans de sauvegarde de l'emploi. Cela pose un vrai problème d'aménagement du territoire car, une fois encore, les territoires ruraux sont les plus fortement pénalisés. Pour éviter d'aggraver la désertification médicale, nous devons donc rapidement passer des paroles aux actes.
Cet amendement vise donc à diminuer la taxation sur les ventes en gros de 1,75 % à 1,40 %.
Rappelons que lors de la crise sanitaire, le secteur de la répartition a fait preuve d'une mobilisation sans précédent, au service des pouvoirs publics – pour la distribution de masques – ou de certaines collectivités – les grossistes-répartiteurs ont ainsi apporté des kits gratuits aux professionnels de santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 2602 .
Je ne vais pas à mon tour rappeler les difficultés rencontrées par les professionnels de la répartition pharmaceutique, mais c'est bien pour y répondre que mon amendement vise à réduire à 1,4 % le taux de contribution sur les ventes en gros afin de dégager 40 millions d'euros, permettant ainsi à un secteur dans lequel 12 000 emplois sont en jeu de relever la tête et d'éviter que ne s'effondre avec lui l'ensemble de la chaîne du médicament.
L'amendement no 2634 de M. Boris Vallaud est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Nous avons évoqué ce point en commission la semaine dernière. Chacun ici a bien conscience du rôle essentiel que jouent les répartiteurs au quotidien, et plus encore dans la période compliquée que nous traversons. Les débats des années précédentes ont montré l'importance de la question. Des engagements ont été pris à plusieurs reprises, notamment l'année dernière, pour progresser en la matière.
Deux enjeux doivent être distingués : les effets conjoncturels liés à la crise qui se font ressentir cette année, et auxquels le ministre Véran a apporté une réponse en allouant une enveloppe de 30 millions d'euros aux grossistes-répartiteurs ; et une réforme plus structurelle sur laquelle les travaux ont semble-t-il pris du retard malgré les engagements qui avaient été pris.
Pourtant, je ne suis pas certain que la réponse réside dans une modification du taux de la taxe à laquelle vous faites référence. D'autres mécanismes me paraissent pouvoir être adoptés, notamment par voie réglementaire. Je laisserai le secrétaire d'État présenter de manière plus complète les mesures envisagées.
Vous avez raison : chaque année, depuis trois ans, l'activité des répartiteurs et la question du taux de la contribution sur les ventes en gros font l'objet de débats auxquels participent de nombreux députés. L'aide apportée par ces acteurs pendant la crise liée à l'épidémie de covid-19 a été fondamentale : comme vous l'avez rappelé, ils ont joué un rôle essentiel.
Vous avez tort, en revanche, d'affirmer que le Gouvernement n'a rien fait ou ne fait rien. Permettez-moi de rappeler que les missions relatives aux masques ont donné lieu à des frais importants, que nous avons décidé de couvrir par une augmentation des indemnités, lesquelles ont été portées à 1,75 euro par boîte de cinquante masques, et qu'une indemnité hebdomadaire de 15 000 euros est versée aux répartiteurs au titre de leur mission de livraison de médicaments entre hôpitaux et officines. Enfin, comme le rapporteur l'a souligné, afin de compenser la baisse d'activité qu'ils subissent alors que leurs coûts restent fixes, une aide d'urgence de 30 millions d'euros leur a été accordée, sous la forme d'une revalorisation des marges, par un arrêté publié le 14 septembre dernier.
Cette revalorisation s'appliquera dès le dernier trimestre 2020 et sera pérennisée pour les années à venir. En cela, cette enveloppe de 30 millions d'euros constitue, au-delà de son caractère d'urgence, une première réponse aux difficultés structurelles que rencontre le secteur – et que le Gouvernement n'ignore pas, puisque, outre cette mesure, nous étudions différentes pistes pour rendre la marge de ces acteurs moins sensible à l'évolution des prix des médicaments, notamment grâce à la création d'une rémunération forfaitaire pour certaines missions importantes.
À l'inverse, la mesure que vous proposez viendrait perturber les travaux en cours, alors que nous avons rencontré il y a peu la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique et qu'une nouvelle réunion est prévue en novembre.
Par ailleurs, la réduction de taux proposée aurait pour effet d'affecter les ressources de l'assurance maladie sans constituer, nous semble-t-il, une solution pérenne aux difficultés du secteur, dès lors qu'elle bénéficiera autant à la vente directe qu'aux grossistes-répartiteurs.
Pour l'ensemble de ces raisons, j'émettrai un avis défavorable si les amendements ne sont pas retirés.
Je crains que vous ne répondiez pas vraiment à la question, monsieur le secrétaire d'État : nous ne faisions pas référence aux aides conjoncturelles, lesquelles sont absolument indispensables à un secteur qui contribue à la gestion de la crise sanitaire, mais aux mesures structurelles que les grossistes-répartiteurs réclament depuis plusieurs années. Imaginez : chaque fois qu'un répartiteur pharmaceutique achemine une boîte de médicaments dans une pharmacie d'officine, il perd de l'argent ! Il en perd sur les princeps, mais encore davantage sur les médicaments génériques, qui sont vendus beaucoup moins cher. Or, depuis des années, on incite – à juste titre, sans doute – les pharmaciens d'officine à dispenser davantage de génériques. C'est l'ensemble du système de la répartition pharmaceutique qui se trouve ainsi dans un goulet d'étranglement.
Ce secteur représente 12 000 emplois non délocalisables – ce qui, par les temps qui courent, pèse très lourd ! Il est aussi la condition sine qua non de la survie des pharmacies d'officine. Or 180 à 200 pharmacies ferment chaque année en France, alors même que les élus des territoires ruraux siégeant sur tous les bancs de cette Assemblée savent qu'elles constituent parfois la dernière présence médicale ou paramédicale dans un territoire. Au-delà de la question de la cotisation imposée aux répartiteurs pharmaceutique, c'est donc l'ensemble du système de la dispensation du médicament qui pourrait être remis en cause.
Enfin, votre collègue Olivier Dussopt a fait adopter hier un amendement qui n'avait pas été examiné par la commission des affaires sociales et qui visait à allouer 2,4 milliards d'euros supplémentaires à l'hôpital public – alors de grâce, ne nous faites croire que 40 millions d'euros seraient absolument impossibles à financer !
Vous ne répondez pas à la question qui vous est posée, monsieur le secrétaire d'État : 30 millions moins 30 millions, cela donne zéro ! L'effort fourni par l'État pour accompagner les répartiteurs à hauteur de 30 millions d'euros ne fait que compenser les frais de livraison des 700 millions de masques pendant la crise. La taxation dont nous parlons est injuste, car elle porte sur une assiette non pertinente – le chiffre d'affaires. Je maintiens par ailleurs qu'elle est invraisemblable : comment peut-on prélever 180 millions d'euros de taxe alors que le résultat des répartiteurs n'est que de 115 millions d'euros ? Enfin, cette taxation est irréaliste : qui pourrait supporter une taxe aussi confiscatoire ?
Nous avons déjà perdu suffisamment de temps : voilà trois ans qu'on nous demande de retirer nos amendements au prétexte qu'une réforme structurelle serait en cours d'élaboration. Les grossistes-répartiteurs sont désormais au pied du mur – j'insiste sur ce point – et il est urgent d'agir. Je ne retirerai donc pas mon amendement cette année, car chacun doit prendre ses responsabilités. Or, pour le coup, notre responsabilité nous impose bien de voter en faveur de ces amendements : sans cela, il n'y aura bientôt plus de grossistes ni de pharmacies.
Je crains que vous n'écoutiez pas bien les réponses que je vous fais, monsieur Grelier, et que notre discussion tourne au dialogue de sourds. Le financement forfaitaire, qui fait l'objet des discussions en cours avec la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, est un moyen de sortir du goulet d'étranglement que vous évoquez.
Mais non ! Écoutez Mme Firmin Le Bodo : 30 millions moins 30 millions, cela donne zéro !
Les 30 millions d'euros qui ont été alloués de façon pérenne ne constituent pas seulement une mesure conjoncturelle et d'urgence, mais aussi une mesure de long terme, qui permettra de remédier aux difficultés structurelles du secteur en augmentant les marges des grossistes-répartiteurs. Pour cette raison, je réitère mon avis défavorable, tout en vous demandant de tenir compte, dans vos interventions, des réponses que j'apporte à vos questions.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement no 579 .
Il vise à rééquilibrer les règles du jeu qui s'appliquent, dans les territoires d'outre-mer, entre les grossistes-répartiteurs – qui doivent s'acquitter de missions de service public – et les laboratoires qui procèdent à la vente directe de médicaments. Comme vous le savez, un taux de contribution de 20 % s'applique actuellement à la troisième part de l'assiette de la contribution sur la vente en gros. Rappelons, cependant, que la marge de gros n'est pas la même dans l'Hexagone et en outre-mer : le taux de marge moyen réalisé dans les départements d'outre-mer est plus de cinq fois supérieur à celui de la métropole, tout simplement parce que son calcul intègre les frais d'acheminement et l'octroi de mer, en plus des coûts liés aux obligations de service public.
Le taux de contribution de 20 % n'a donc pas d'effet désincitatif sur la vente directe de médicaments. C'est pourquoi je propose, par cet amendement, que le taux appliqué aux départements d'outre-mer soit fixé à un niveau cinq fois supérieur à celui qui s'applique en métropole, soit un peu plus de 110 %.
Je conviens parfaitement que la situation des outre-mer est particulière, les grossistes-répartiteurs étant soumis à des contraintes supplémentaires, liées par exemple à l'acheminement des marchandises. Il est normal que leur rémunération tienne compte des différences objectives qui existent entre leur situation et celle des entreprises exerçant dans l'Hexagone.
Il nous semble néanmoins que le taux proposé se heurte à plusieurs difficultés. Il est notamment supérieur à 100 %, ce qui le rend à l'évidence confiscatoire. Avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, il est défavorable.
L'amendement no 579 n'est pas adopté.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a instauré un mécanisme dit de clause de sauvegarde pour réguler la dynamique des dépenses de dispositifs médicaux. Toutefois, dans sa configuration actuelle, il envoie un signal négatif aux opérateurs économiques du secteur de la santé en rendant la France moins attractive en matière d'investissement et de mise sur le marché des technologies de santé.
L'amendement vise donc à aménager ce mécanisme en excluant de son périmètre, pour une période de trois ans, les produits contribuant à l'innovation médicale et organisationnelle qui est au coeur de la transformation du système de santé.
L'amendement no 909 de Mme Agnès Firmin Le Bodo est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Par définition, le mécanisme de clause de sauvegarde s'applique de manière collective. Il semble donc contraire à son principe même d'y créer des dérogations. Avis défavorable.
Les entreprises doivent pouvoir provisionner le montant de la clause de sauvegarde d'une année sur l'autre. Il s'agit là d'un principe de prévisibilité indispensable aux acteurs économiques, notamment aux PME.
Cet amendement vise donc à transmettre aux entreprises une trajectoire des dépenses au 1er juillet de l'année en cours, afin de leur permettre d'anticiper le déclenchement de la clause et de provisionner les montants nécessaires. Il s'agit également de les inciter à conclure des conventions avec le CEPS.
La parole est à M. Julien Borowczyk, pour soutenir l'amendement no 2341 .
Il repose sur la même argumentation : le secteur du dispositif médical, qui représente 28 milliards d'euros, est principalement composé de PME. L'innovation y joue une part importante. Or, pour avoir la garantie d'accéder à l'innovation, les entreprises doivent provisionner le montant de la clause de sauvegarde. Il est donc important de leur donner cette visibilité.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir le sous-amendement no 2733 du Gouvernement.
Par ces amendements, vous souhaitez créer une obligation de transmission d'information aux entreprises afin qu'elles puissent prévoir le déclenchement de la clause de sauvegarde à mi-année. Le Gouvernement est favorable aux mesures garantissant une meilleure visibilité aux entreprises, et une transmission d'information sur la trajectoire en cours d'année y participe évidemment.
En revanche, pour des raisons techniques mais bien réelles, les données concernées ne sont pas disponibles à la date que vous souhaitez retenir : en raison du temps de collecte et de remontée des éléments dans les différents systèmes d'information de l'assurance maladie, les données d'un mois donné ne sont disponibles que deux ou trois mois plus tard. Les données du premier semestre ne sont ainsi pas disponibles en juillet, mais au 1er septembre.
Le sous-amendement vise donc à remplacer la date du 1er juillet mentionnée dans les amendements par celle du 1er septembre.
La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l'amendement no 2204 .
Nous avons, les uns et les autres, rencontré des entreprises qui nous ont alertés sur cette question. C'est pourquoi la volonté de faire respecter le principe de prévisibilité, qui est essentiel pour les acteurs économiques, nous a conduits à déposer cet amendement.
J'ai entendu vos remarques, monsieur le secrétaire d'État. Toujours est-il que nous affirmons très clairement l'importance de ce principe et que la trajectoire des dépenses au 1er juillet de l'année en cours constituerait un indicateur véritablement significatif, dont la transmission serait dans l'intérêt des entreprises.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune et sur le sous-amendement ?
Avis défavorable. Les amendements proposent que l'assurance maladie communique, à mi-année, le montant remboursé au titre des dispositifs médicaux inscrits sur la liste en sus afin que les acteurs économiques puissent prévoir le déclenchement de la clause de sauvegarde. Or l'intérêt de la clause de sauvegarde est d'inciter au conventionnement, incitation individuelle qui serait mise à mal si les entreprises avaient une parfaite visibilité de l'évolution de la dépense : elles ajusteraient peut-être leur comportement, mais n'engageraient pas pour autant de négociations avec le CEPS.
Par ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué en commission, on pourrait voir se manifester des effets pervers : si, au bout de six mois, la dépense de remboursement de l'assurance maladie se révèle faible, le signal envoyé pourrait provoquer l'accélération rapide de l'activité du secteur et le déclenchement, non souhaitable pour les entreprises, de la clause. La valeur ajoutée d'une telle mesure paraît donc peu perceptible.
Je comprends bien le sous-amendement du Gouvernement aux amendements identiques, qui vise à apporter une solution technique, mais j'en reste à l'avis défavorable exprimée par la commission.
Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques à condition qu'ils soient sous-amendés. Il est défavorable à l'amendement no 2204 .
Le sous-amendement du Gouvernement à nos amendements me paraît intéressant. Il permet en tout cas de faire un premier pas.
Le sous-amendement no 2733 est adopté.
Certains médicaments dérivés du sang sont exclus de l'assiette de la contribution sur le chiffre d'affaires versée par les entreprises pharmaceutiques au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie. Pas tous, cependant : une grande partie de ceux disponibles sur le marché français, pourtant tout aussi essentiels à la couverture des besoins des patients, ne bénéficient pas de cette exonération.
Afin de mettre un terme à ce qu'il faut bien appeler une discrimination et de faire en sorte que l'approvisionnement se stabilise en France, l'amendement vise à exonérer l'ensemble des médicaments dérivés du sang.
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l'amendement no 1760 .
Cet amendement a été élaboré avec PPTA – Plasma Protein Therapeutics Association – , une association internationale regroupant des industriels du plasma. Afin de protéger l'intérêt des malades, il tend à augmenter le nombre de produits concernés par l'exonération aujourd'hui applicables à certains médicaments dérivés du sang.
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 2698 .
Il vise à réparer une inégalité de traitement entre les entreprises qui produisent des médicaments dérivés du sang. Si l'autorisation de mise sur le marché est donnée en France par l'ANSM, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les médicaments dérivés du sang bénéficient, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, d'une exonération de la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie. En revanche, ils n'en bénéficient pas s'ils sont autorisés par l'EMA, l'Agence européenne des médicaments. Or l'ANSM et l'EMA réalisent exactement les mêmes tests scientifiques de validation. Si, pour une fois, on pouvait ne pas montrer l'Europe du doigt comme un élément bloquant mais la désigner comme un élément facilitant, et si l'on pouvait traiter de la même manière sur le territoire national les entreprises dont les médicaments ont été habilités par l'autorité européenne et par l'autorité française, ce serait sûrement une belle avancée.
Mme Sereine Mauborgne applaudit.
Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques ?
Il est également défavorable, mais permettez-moi de donner quelques éléments d'explication. Évidemment je rejoins l'analyse des trois orateurs concernant l'intérêt du patient et les difficultés d'approvisionnement en médicaments dérivés du sang, difficultés que notre pays connaît depuis quelques années.
Il s'agit d'un marché en forte tension du fait de la croissance de la demande mondiale et nationale. Dans ce contexte, pour garantir l'accès à l'arsenal thérapeutique le plus large possible, la France fait appel à des médicaments dérivés du sang disposant d'autorisations de mise sur le marché, octroyées à d'autres fractionneurs, y compris ceux ayant recours à des dons rémunérés, soit lorsque la demande a été déposée en procédure centralisée, soit dans le cadre d'autorisations de mise sur le marché national dérogatoires. Cependant, il nous semble que toute mesure visant à modifier les dispositions législatives actuelles concernant les médicaments dérivés du sang ne peut s'entendre que dans le cadre d'une vraie réflexion stratégique et concertée plus globale avec l'ensemble des acteurs de la filière sang et plasma. Ce serait en effet toucher au modèle français éthique du don du sang, qui revêt un caractère très sensible, vous le savez, pour les associations de donneurs, fournisseurs de la matière première, tout comme pour les associations de malades. Cela explique que nous nous opposions aux amendements.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 948 .
Il est relatif au financement des CPP, les comités de protection des personnes, qui sont les comités d'éthique de la recherche. En France, lorsqu'un laboratoire prépare un projet de recherche ou un essai thérapeutique, il doit le soumettre à l'un des quarante CPP du pays. J'avais déposé, au mois d'avril 2018, une proposition de loi, adoptée depuis, relative à l'expertise des CPP afin de fluidifier le processus et d'éviter de devoir attendre six mois avant qu'un projet soit accepté.
Le travail des CPP repose cependant toujours sur un secrétariat souvent assuré par les centres hospitaliers universitaires, et les comités ne sont pas financés. En 2018, j'avais interrogé les laboratoires qui s'étaient montrés favorables à l'idée de financer en partie le fonctionnement des CPP à condition que les processus de validation soient fluidifiés.
L'amendement vise à majorer de 0,01 % le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques afin de pouvoir financer les CPP.
Avis favorable. Cet amendement s'inscrit dans la lignée des travaux du groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés, dont des vôtres, monsieur Isaac-Sibille, et des initiatives que vous avez soutenues.
Il est très favorable.
L'amendement no 948 est adopté.
L'amendement no 119 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ces dernières années, de nombreuses innovations thérapeutiques ont vu le jour. C'est une bonne nouvelle, un bénéfice pour les patients dont les chances de guérison augmentent dès lors qu'ils y ont accès très rapidement.
M. Bazin n'est pas à l'instant dans l'hémicycle, mais je rejoins ses propos sur la nécessité que le système français d'ATU permette une utilisation rapide des innovations. Cependant, le coût et l'impact de ces dernières sur nos dépenses de médicaments sont considérables et doivent nous conduire à exercer la plus grande vigilance, car ils pèseront à moyen terme sur la soutenabilité de notre système de santé.
Je pense aux biothérapies, nouveaux traitements immunologiques fondés sur les cellules CAR-T – Chimeric Antigen Receptor-T. Ces traitements anticancéreux en pleine expansion proposent de véritables perspectives pour l'avenir. Ils transformeront considérablement les pratiques médicales à moyen terme dans la lutte contre les cancers. Toutefois, à ce jour, ils sont uniquement utilisés en France par des laboratoires privés, grâce à des autorisations temporaires d'utilisation, et le coût unitaire de la dose s'élève à plus de 300 000 euros par injection.
Cet exemple doit nous interpeller sur l'avenir et la soutenabilité de nos dépenses de santé lorsque l'on sait que l'EFS, l'Établissement français du sang, peut fabriquer ces mêmes traitements CAR-T pour un montant dix fois inférieur.
Aussi proposons-nous qu'un rapport, élaboré conjointement par Bercy et le ministère de la santé, soit remis au Parlement afin d'évaluer l'effet du développement des biothérapies sur les dépenses de médicaments.
L'amendement no 2654 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Le financement de la branche autonomie, objet du présent article, est un enjeu considérable tant les attentes sont nombreuses. Vous choisissez d'incorporer dans cette branche des dépenses qui sont certes légitimes et attendues, mais vous renvoyez toutes les mesures pour l'autonomie au projet de loi ad hoc qui sera examiné au premier semestre 2021. Nous ne pouvons nous satisfaire de voir que la création de la cinquième branche, qui a suscité tant d'espoir, n'apporte pour l'heure aucune réponse aux personnes concernées.
En outre, les dépenses affectées à cette nouvelle branche sont financées par la dette, ce qui interroge sur la pérennité des mesures proposées.
Il vous faut trouver des milliards ; nous les avons. Le groupe UDI et indépendants vous propose de suivre les recommandations du récent rapport de la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, dont notre collègue Pascal Brindeau était le rapporteur, et du non moins récent rapport de la Cour des comptes sur le même sujet. Si le coût annuel de la fraude pour la sécurité sociale est par nature difficile à chiffrer, il représente au moins plusieurs milliards d'euros.
Nous aurions voulu vous parler plus longuement de la lutte contre la fraude et vous présenter nos propositions, mais nous ne pourrons pas en débattre car l'ensemble de nos amendements sur ce sujet ont été déclarés irrecevables, bien souvent sur des fondements juridiques très contestables. Nous avons écrit au président de l'Assemblée nationale sur ce point, et nous espérons avoir rapidement des éclaircissements concernant cette atteinte massive à notre droit d'amendement.
Mon collègue Patrick Hetzel, qui a beaucoup travaillé avec Pascal Brindeau, m'a demandé de m'exprimer sur le sujet qui vient d'être évoqué. Il est vraiment regrettable que des dispositions sur lesquelles la commission des affaires sociales avait trouvé un accord aient ainsi disparu. Nous aurions pourtant pu faire avancer la lutte contre la fraude aux prestations sociales, un dossier qui a fait l'objet d'un gros travail de fond et sur lequel nous sommes attendus par nos concitoyens. J'espère que le Gouvernement profitera du travail parlementaire de qualité qui a été réalisé pour reprendre la lutte.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 2727 rectifié .
Il tire les conséquences de l'avancement, dans le cadre du Ségur de la santé, de l'application, au 1er décembre 2020, de la deuxième tranche de revalorisation salariale, prévue initialement pour mars 2021. Ce changement de calendrier crée une charge nouvelle de 150 millions d'euros pour la branche autonomie au titre des revalorisations dont bénéficieront les EHPAD.
Dans le cadre de la création de la cinquième branche, vous avez fait le choix de financer toutes les dépenses de la CNSA en faveur des établissements et services médico-sociaux, y compris les mesures nouvelles décidées dans le cadre du Ségur de la santé, en leur affectant une fraction de la contribution sociale généralisée.
Cette affectation se fait par transfert depuis la CNAM. Par cohérence, la fraction transférée de la CNAM à la fraction de CSG affectée à la CNSA est ainsi majorée dans l'amendement à hauteur de 150 millions d'euros, ce qui correspond à l'affectation de 0,01 point supplémentaire de CSG sur l'ensemble de ses assiettes à l'exception de celle sur les jeux.
L'amendement procède également à une coordination entre l'article 18 du PLFSS et l'article 3 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie. En effet, cette dernière a affecté 0,15 point de CSG sur l'ensemble des assiettes de CSG, hormis celle sur les jeux, à la CNSA à partir du 1er janvier 2024. Le 1,91 point de CSG que l'article 18 prévoit de transférer à la CNSA dès 2021 s'ajoutera donc, en 2024, au 0,15 point prévu dans la loi du 7 août 2020, ce qui représentera un taux global de 2,06 %. J'espère avoir été clair.
La commission n'a pas examiné cet amendement mais à titre personnel j'y suis très favorable.
L'amendement no 2727 rectifié est adopté ; en conséquence, l'amendement no 257 tombe.
L'article 18, amendé, est adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 842 .
Nous abordons dans une série d'amendements la disposition qui a remplacé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, et qui constitue, par son montant, la plus grosse niche sociale : 22 milliards d'euros d'allégements de cotisations patronales en 2020. Nous proposons ici de le supprimer progressivement, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est une gabegie pour les comptes publics, puisque ces 22 milliards s'ajoutent aux 40 milliards du CICE doublés en 2019. En cumulant le crédit d'impôt et l'allègement patronal, ce sont 142 milliards d'euros qui ont ainsi été accordés aux entreprises au cours du quinquennat, sans contrepartie et avec des effets pour le moins discutables.
Le bénéfice de ce dispositif n'est en effet pas conditionné à des créations d'emplois, à des investissements écologiques, à des augmentations de salaires ou à des investissements dans la recherche ou la formation. Il y a fort à parier qu'il a plutôt servi à rémunérer les dividendes des actionnaires dans les grands groupes. Ce gaspillage d'argent public n'a pourtant pas eu d'effet significatif sur l'emploi, sinon très modeste : le dernier rapport du comité de suivi du CICE, qui date de septembre 2020, évoque au mieux 100 000 emplois créés ou sauvegardés pour 90 milliards d'euros versés. Il est temps de mettre fin à ce gâchis.
Avis défavorable. Nous avons eu le débat en commission. Cela conduirait à augmenter de 20 milliards d'euros les cotisations sur les entreprises, ce qui, dans le contexte actuel, ne me semble pas opportun.
L'amendement no 842 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise, dans les entreprises dont la taille est égale ou supérieure au seuil européen de l'entreprise moyenne, à conditionner le bénéfice des allégements de cotisation patronale issus du CICE à des obligations en matière sociale, environnementale et fiscale : remise d'un rapport annuel faisant état de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, interdiction de délocaliser des activités à l'étranger, égalité salariale entre les femmes et les hommes. Le non-respect d'au moins une de ces trois obligations entraînerait le remboursement de l'avantage perçu.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 844 .
La manière dont vous défendez le maintien du statu quo, monsieur le rapporteur général, laisse entendre que, n'était la crise, vous remettriez cet allègement en question. Est-ce bien votre état d'esprit ? Sinon, il faut trouver d'autres arguments ! Par ailleurs, en affirmant que la suppression du dispositif aurait pour effet d'accroître les charges des entreprises, vous inversez le raisonnement. En réalité, vous avez tellement fait de cadeaux aux entreprises que nous sommes aujourd'hui en difficulté.
Le présent amendement est un amendement de repli : il convient au minimum d'instaurer un « malus » sur l'allègement CICE afin de sanctionner les entreprises dont les pratiques ne sont pas vertueuses en matière d'environnement, d'emploi, de salaires ou d'investissement.
Eu égard aux sommes engagées au titre de l'allègement CICE, il convient, d'une façon ou d'une autre, de poser des conditions à son bénéfice. C'est ce que nous proposons avec ce nouvel amendement de repli qui invite à le réserver aux seules entreprises qui ne distribuent pas en dividendes une partie substantielle de leurs bénéfices. Nous avons vu pendant la crise que des entreprises touchant les aides liées à l'activité partielle continuaient à verser des dividendes. Je ne comprends pas que vous puissiez accepter de telles pratiques dans la situation que nous connaissons.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 2291 .
Avec cet amendement, nous proposons de supprimer l'allègement de cotisations patronales « CICE » aux entreprises qui accordent un montant excessif de dividendes. Ainsi, les allégements de cotisations seraient proportionnels aux bénéfices non redistribués sous cette forme et profiteraient davantage à l'emploi qu'aux actionnaires.
Avis défavorable. Ces amendements conduiraient à exclure certaines entreprises du bénéfice des allégements au motif de leurs choix d'investissement. Ils n'auraient pour effet que de diminuer l'attractivité de la France en matière d'investissements internationaux, à un moment où nous en avons diablement besoin.
Même avis.
Je suis choqué par le mot « choix d'investissement », appliqué au fait de verser des dividendes. Quand on verse des dividendes, on rémunère les actionnaires au détriment de tout le reste. Si vous voulez rendre vertueuse la création de richesses, ce n'est pas dans les dividendes qu'elles doivent aller.
Ces amendements sont une façon de limiter le mésusage que l'entreprise peut faire du cadeau dont elle a bénéficié. Elle peut choisir d'améliorer sa trésorerie, d'investir – ce qui est plutôt bon pour l'emploi – , d'augmenter les salaires ou de distribuer des dividendes, mais ce dernier choix est le plus mauvais. Il faut la dissuader d'opter pour un comportement qui ne favorise pas la création d'emplois. Que le versement de dividendes soit au minimum limité, c'est la moindre des choses dans une période aussi exceptionnelle.
Trouver de nouvelles recettes pour la sécurité sociale est pour nous une préoccupation constante – pas seulement pour nous, d'ailleurs, puisque des amendements proches de celui-ci avaient été déposés l'an dernier par la majorité et le rapporteur général Olivier Véran.
L'allégement de cotisations patronales pour les salaires jusqu'à 3,5 SMIC, institué dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité pendant le quinquennat Hollande, entraîne la perte de 8 milliards d'euros de recettes pour la branche famille, compensés par l'État. D'une façon générale, le coût des niches sociales a doublé depuis 2013, passant de 33 à 66 milliards d'euros. Est-ce que vous mesurez l'effet que cela peut avoir sur notre situation financière, à l'heure où nous devons dégager de nouvelles recettes pour la sécurité sociale et les hôpitaux ?
Un rapport de janvier 2019 du Conseil d'analyse économique, organisme rattaché au Premier ministre, juge le dispositif adopté dans le cadre du pacte de responsabilité peu efficace en matière de créations d'emplois et de compétitivité-coût. Il préconise donc de réserver son bénéfice aux seuls bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC. Le rapport Vachey de septembre 2020 sur la branche autonomie préconise d'ailleurs la même mesure pour financer la perte d'autonomie. C'est ce que propose notre amendement.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1149 .
Dans le même esprit, il prévoit de limiter le champ d'application de l'allègement de cotisations patronales familiales aux salaires inférieurs à 2 SMIC, comme le prévoit le rapport Vachey.
De grâce, évitez de prétendre qu'une telle mesure aurait pour effet de réduire l'investissement des entreprises : vous avez eu recours au même argument lors de la suppression l'ISF dont on voit, trois ans plus tard, qu'elle n'a fait que renforcer l'épargne !
Cet amendement de repli prévoit de limiter le champ d'application de l'allègement de cotisations patronales familiales aux salaires ne dépassant pas 2,5 fois le SMIC.
Comme démontré par le Conseil d'analyse économique dans une note de janvier 2019 intitulée « Baisse de charges : stop ou encore ? », ce dispositif, qui s'applique aux rémunérations jusqu'à 3,5 fois le SMIC, est inefficace en matière de créations d'emplois et de compétitivité. Il est également coûteux pour les finances sociales, avec une perte de recettes de 8 milliards d'euros pour la branche famille. Les auteurs de ce rapport recommandent de limiter cette exonération aux bas salaires.
Cette proposition figure également dans le rapport Vachey de septembre 2020 relatif à la branche autonomie, où l'on évalue à 1,1 milliard d'euros la somme qui pourrait être réaffectée au financement de la branche grâce à la réduction de cette exonération.
Mes collègues ont récapitulé les dispositifs existants en matière d'exonérations de cotisations : jusqu'à 1,6 SMIC dans le cadre du CICE, jusqu'à 2,5 SMIC dans celui du premier volet du pacte de responsabilité et de solidarité, et jusqu'à 3,5 SMIC dans le deuxième volet. C'est ce dernier dispositif, soit un allègement de 1,8 point des cotisations famille, que nous vous proposons de supprimer. Son objectif était de favoriser la compétitivité et la création d'entreprise. Or, comme cela vient d'être souligné, au moins deux rapports nous disent qu'au-delà de 1,6 SMIC – et a fortiori de 2,5 SMIC – , ces deux objectifs ne sont pas atteints : les entreprises n'ont pas renforcé leur compétitivité ni recruté de nouveaux salariés.
La seule réduction de 1,8 point des cotisations famille représente 3 milliards de pertes de recettes. Je vous propose donc un premier amendement destiné à récupérer immédiatement cette somme en limitant à 2,5 SMIC le niveau des exonérations. Au-delà, en effet, les salaires sont plus compétitifs, on recherche une main-d'oeuvre plus qualifiée, plus rare sur le marché.
Les ressources ainsi procurées pourraient utilement être redéployées vers d'autres dépenses, comme la branche dépendance que nous venons de créer.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 2195 .
Plusieurs rapports – la note du Conseil d'analyse économique, le rapport des députés Sacha Houlié et Pierre Person, celui réalisé par Boris Vallaud dans le cadre de la mission d'évaluation et du contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, le rapport Vachey – font la proposition reprise dans ces amendements. C'est une mesure de bon sens.
Sourires.
Alors que dans l'amendement no 2034 , il s'agit de couper toutes les exonérations de cotisations au-delà de 2,5 SMIC – un gain de 3 milliards d'euros, à affecter aux nouveaux droits et aux nouvelles dépenses, qui serait très utile à la sécurité sociale – , l'amendement no 2035 se fixe un objectif un peu plus modeste en proposant une coupe dégressive. Au-delà de 2,5 SMIC, on ferait éteindre progressivement le dispositif pour éviter l'effet ciseaux.
Ce serait justifié. En effet, on peut le regretter, mais ces exonérations de cotisations – c'est noté dans tous les rapports sur lesquels nous nous appuyons, dont celui que nous avons rédigé avec Pierre Person et pour lequel nous avons auditionné de très nombreuses personnes, des entreprises, Rexecode, France Stratégie, des universitaires… – ne produisent pas les effets pour lesquels elles ont été instaurées.
Je vous recommande naturellement la version la plus ambitieuse, et à défaut, la version plus modeste qui rapporterait quand même 1 milliard d'euros.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune ?
On reste dans la lignée des amendements précédents, même si le gain escompté varie selon le niveau où l'on choisit de plafonner les exonérations, entre 1,6 et 2,5 SMIC. Il s'agit tout de même d'un montant de 2, voire 3 milliards d'euros.
Là encore, pour les mêmes raisons que précédemment, ce n'est vraiment pas l'année pour augmenter le montant des cotisations qui pèsent sur les entreprises. Je précise au passage, monsieur Dharréville, que mon illustre prédécesseur n'avait pas déposé un amendement similaire l'année dernière.
Tous ces amendements ont été discutés en commission ; qu'ils proposent une sortie sèche ou en biseau des exonérations, ils ont tous recueilli un avis défavorable.
Sur amendement no 2035 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
Avis défavorable.
Ces différents amendements qui oscillent entre 1,6 et 3,5 SMIC font en effet suite aux travaux de 2019 que vous avez évoqués – travaux qui rappellent que les mesures de baisse du coût du travail ont des effets sur l'emploi d'autant plus importants qu'elles portent sur les rémunérations proches du SMIC. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait le choix de renforcer, au 1er janvier 2019, les allégements généraux au niveau du SMIC et ainsi de favoriser les entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre.
Nous avons aussi choisi, et nous l'assumons, de maintenir les dispositifs d'allègement de cotisations sur les rémunérations plus élevées, qui permettent de restaurer les marges des entreprises ; leur suppression aurait pour effet de renchérir le coût du travail, avec des conséquences délétères sur l'emploi dans le contexte économique actuel.
Pour ces raisons, revenir sur ces dispositifs ne nous paraît pas pertinent, malgré leur coût qui se situe entre 700 millions et 4 milliards d'euros.
Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires durant la période actuelle.
Au terme de cet échange, je souhaite repréciser que l'objet de la sécurité sociale est de garantir des droits – les cotisations sont faites pour cela – et non de faire face à des aléas économiques, une action qui relève des politiques économiques de l'État. Les arguments que vous utilisez ne sont donc pas dans la bonne case.
Nous avons besoin de réfléchir à la façon dont nous garantissons ces droits, y compris dans cette période de crise. Nous avons la capacité de le faire, à condition de s'appuyer sur des financements pérennes. Il faudrait pousser le débat plus loin, d'autant que de plus en plus de voix critiquent les dispositifs d'exonération de charges, dénonçant leur manque d'efficacité et leur propension à compromettre notre capacité à agir.
Pendant que nous débattions du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Premier ministre a annoncé que la situation sanitaire de notre pays s'aggravait et que c'était cinquante-quatre départements qui allaient désormais être placés sous couvre-feu. Ce soir, des entreprises et des entrepreneurs sont donc inquiets pour leur devenir. Le Gouvernement s'est engagé à les aider et à les soutenir, comme il le fait depuis le début de la crise ; mais l'idée même que l'Assemblée nationale, sur proposition d'un député de la majorité, puisse ce soir augmenter les cotisations, constitue un très mauvais signal envoyé aux entreprises de France…
Approbation sur les bancs du groupe LR
… et à tous les salariés ! Pour une fois, nous soutiendrons donc le rapporteur général et le Gouvernement. Nous ne laisserons pas la bande de Poitiers tirer la majorité vers sa gauche !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Sylvain Maillard. J'autorise encore quelques prises de parole car le débat est intéressant !
Sourires.
Le groupe de La République en marche votera bien entendu contre ces amendements. J'entends ce qu'ont dit nos collègues, mais il faut bien comprendre les enjeux. On se bat pour relocaliser les industries en France, mais pourquoi sont-elles parties, il y a quelques années, notamment en Allemagne ? Parce que les taux de cotisations patronales y sont de vingt points inférieurs à la France. Vient un moment où il faut faire un choix !
Nous avons retrouvé de la compétitivité, nous baissons les impôts de production, nous faisons en sorte que les entreprises produisent dans notre pays.
De plus, les salaires situés entre 2,5 et 3,5 SMIC concernent précisément les cadres de l'industrie, payés un peu plus que le SMIC. Ce que nous voulons, c'est mieux rémunérer les salariés et non, comme l'a dit notre collègue Grelier, rendre plus compliquée la vie des entrepreneurs qui se battent contre la crise, qui sont inquiets pour la suite.
À l'heure actuelle, plusieurs secteurs sont à terre : l'événementiel – précisément concerné par les salaires allant de 2,5 à 3,5 SMIC – , l'hôtellerie, le spectacle, le tourisme. Et vous voulez leur ajouter des charges, augmenter leurs cotisations ? Est-ce là le signal que vous voulez leur envoyer ? Ce n'est pas possible !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe LR et Dem et sur certains bancs du groupe LaREM.
Je ne peux pas souscrire à ce qui vient d'être dit par notre collègue Maillard et par nos collègues Les Républicains, pour au moins trois raisons.
D'abord, nos collègues Les Républicains auraient été avisés de voter les annulations de cotisations pour toutes les entreprises des secteurs les plus touchés par la crise. Ils auraient également dû voter pour le fonds de solidarité et les prêts garantis par l'État – PGE – , que nous vous avions proposés dans chaque projet de loi de finances rectificative et qui représentent de véritables mesures de soutien aux entreprises qui souffrent des effets de la crise liée au covid-19.
Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir en cette matière.
Je suis désolé, Sylvain Maillard, cher collègue, ce ne sont pas les salariés payés 3,5 SMIC qui souffrent aujourd'hui de la crise, mais ceux qui ont les salaires les plus faibles.
Pour les entreprises qui les emploient, dans le cadre du plan de relance, nous avons adopté une mesure qui surpasse largement les exonérations de cotisations : 20 milliards d'allègement des impôts de production. Dans le rapport que nous avons rédigé avec Pierre Person, nous soulignons que ce sont ces impôts qui sont à l'origine des départs des entreprises et de l'absence de développement des PME en France. C'est pourquoi la seule façon de relancer la compétitivité des entreprises et l'emploi, c'est la réduction des impôts de production et non les exonérations de cotisations sur les plus hauts salaires.
Dernier élément : nous sommes là pour évaluer les politiques publiques. Les dispositions introduites en 2015 doivent être évaluées par le Parlement : si elles fonctionnent, on les conserve ; si elles ne fonctionnent pas, on les supprime. C'est le rôle du Parlement et c'est la raison pour laquelle je ne vous propose pas de défaire tout l'édifice : il faut garder le CICE et le premier volet du pacte de responsabilité et de solidarité, mais le deuxième volet – les exonérations de cotisations sur les plus hauts salaires – , qui ne produit pas d'effets tout en étant dispendieux et coûteux pour les finances publiques, oui, je vous propose de le supprimer.
Mme Amélia Lakrafi et MM. Joël Aviragnet, Mustapha Laabid et Pierre Person applaudissent.
Puisque le président nous a incités à poursuivre le débat, je voudrais remarquer que nous sommes bien sûr au coeur d'une crise qui n'a donné à voir qu'une part d'elle-même, le pire, en matière économique et sociale, étant sans doute devant nous. Mais nous devrions en tirer des leçons structurelles pour l'avenir, notamment en matière de partage de la valeur ajoutée.
D'abord, s'agissant du coût du travail industriel, la France a pendant longtemps été plus compétitive que l'Allemagne, et elle l'est même redevenue il y a quelques années.
Ensuite, la deuxième chose qu'il faut considérer dans le partage de la valeur ajoutée, c'est la part de la distribution des dividendes. Là, il y a une singularité française : les entreprises du CAC40, ces deux dernières années, ont été les championnes du monde dans ce domaine.
Cela ne représente que quarante entreprises sur des millions que compte la France !
Quand on regarde, du point de vue macroéconomique, comment cette valeur se répartit par niveau de salaire, on s'aperçoit que depuis dix ans, les 10 % des salaires les plus bas ont vu leur rémunération augmenter de 2 % quand les 10 % des salaires les plus élevés l'ont vue augmenter de 6 % et le centile supérieur, de 12 % – je ne parle même pas du 0,1 % supérieur ! Un calcul très simple montre qu'en baissant un tout petit peu les très hautes rémunérations, vous augmentez substantiellement les basses rémunérations ; c'est ce que les entreprises comme Danone ont fait depuis plusieurs années, rétablissant un équilibre.
Il faut mener une réflexion plus large, regarder ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et introduire de la justice. Il faut faire payer aux multinationales les impôts qu'elles ne paient pas…
… et qu'elles font payer aux PME et aux ETI. Il faut se poser la question des écarts de rémunération : existe-t-il un patron qui vaille 300 fois le premier de ses salariés ?
Vous semblez en accord avec toutes ces propositions ; j'aurais aimé vous voir soutenir les amendements que nous avions proposés sur ce sujet avec Dominique Potier, mais vous ne l'avez jamais fait. Ce soir, nous l'avons compris, vous ne nous soutiendrez pas non plus, mais pour l'avenir, nous vous prenons au mot : il faut introduire un peu plus de justice dans ce système qui dysfonctionne de façon dramatique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Monsieur Houlié, nous avons eu la même discussion l'année dernière et je vous ai alors répondu à peu près la même chose que ce que M. Maillard a si brillamment formulé : on ne peut pas demander à nos entreprises de lâcher les salaires des agents de maîtrise de l'industrie, notamment au cours de cette crise. En effet, entre l'année dernière et cette année, est intervenu un événement majeur : une crise économique, sociale et sanitaire. Cette crise touche les fleurons de notre industrie – l'aéronautique et l'automobile – , qui sont également concernés par les allégements de cotisations. Demain, il faudra protéger non seulement les emplois des ouvriers, mais aussi ceux des agents de maîtrise et des ingénieurs, qui contribuent à faire de notre industrie un fleuron européen dont nous pouvons être fiers.
Je voudrais dire également que les aides pour la relocalisation des industries, comprises dans le plan de relance à 100 milliards d'euros que le Gouvernement lance actuellement, trouvent déjà des preneurs et attirent de nouveaux projets.
C'est aussi grâce aux allègements généraux de cotisations sur les salaires intermédiaires que ces entreprises viennent en France.
Autant, l'année dernière, je pouvais être sensible aux arguments défendus par les auteurs des amendements, autant cette année, on ne peut pas reprendre d'une main ce qu'on donne de l'autre. Cela me paraît un non-sens total. On ne peut pas, d'un côté, consacrer autant d'argent à la relance, et de l'autre côté, pénaliser les entreprises.
Rappel au règlement
Sans vouloir perturber le scrutin, je me fonde sur l'article 48 alinéa 1 pour me faire le porte-parole de la plupart des collègues : nous avons besoin d'être éclairés sur l'organisation de nos débats. Il nous reste plus de 900 amendements à examiner ; comment allons-nous nous organiser dans les heures qui viennent ?
Après l'article 18
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 21
Contre 62
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 24
Contre 60
L'amendement no 2035 n'est pas adopté.
Pour répondre à la question de M. Grelier, qui est parfaitement légitime, nous avons progressé cet après-midi à un rythme assez lent. Lorsque nous reprendrons nos débats, je serai obligé de me montrer très exigeant. Il faut avancer : je ne veux pas laisser une journée impossible à mes collègues qui présideront les séances de demain ! Ce soir, nous irons donc le plus vite possible ; je demanderai à chacun d'être concis et de prendre de bonnes résolutions.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra