La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement no 414 à l'article 3.
Rappel au règlement
Je me fonde sur l'article 58 du règlement, qui renvoie à l'article 49 ayant trait à l'organisation de nos travaux. En ce début d'après-midi, je voudrais rappeler solennellement plusieurs choses. Tout d'abord, la rapporteure a indiqué hier soir que le groupe Les Républicains avait accepté la procédure du temps programmé. C'est faux : cette décision a certes été prise en conférence des présidents, mais sans l'accord de notre groupe. Nous y étions depuis le début opposés, pour une raison simple : il n'y a pas, vous l'aurez noté, de positions de groupe sur ce texte – et nous ne sommes pas les seuls à le faire remarquer. Si l'on veut permettre la libre expression dans le débat de tous les députés, il est paradoxal d'attribuer un temps de parole aux seuls groupes.
À cela s'ajoute un autre problème : même opposés au principe du temps programmé, nous avons, dès le début de l'examen du texte dans l'hémicycle, usé de notre temps de parole avec parcimonie ; nous nous apercevons pourtant qu'il devient de plus en plus difficile de défendre correctement nos différents points de vue. Nous en appelons solennellement à la sagesse de la présidence de l'Assemblée pour faire en sorte que le temps programmé soit modifié, car nous ne pouvons pas continuer à légiférer dans ces conditions. Les sujets dont nous débattons nécessitent des explications détaillées : nous ne parlons pas de chiffres ou de taux de TVA, mais de sujets éthiques qui méritent de la considération et des arguments développés. Il nous faut travailler dans la sérénité, et les conditions pour cela ne sont pas réunies.
Enfin, la manière dont un vote a été décompté la semaine dernière ne contribue pas non plus à la sérénité des débats. Tout cela laisse à penser à certains de nos concitoyens que la majorité avance à marche forcée, sans laisser la place au débat et en cherchant à museler l'opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
En raison du temps programmé, je me borne à dire que l'amendement est défendu !
L'amendement no 960 est également défendu.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, pour donner l'avis de la commission.
Les amendements proposés ont pour objet de préciser que les informations recueillies ne sont destinées qu'à l'enfant, mais le texte le prévoit déjà. La précision étant inutile, je demande le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 2505 .
Comme nous l'avons noté hier, en matière de données médicales, les avancées introduites par M. Berta et les propositions de l'article 9 du projet de loi semblent suffire ; demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement no 2505 est retiré.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2551 .
Le présent amendement reprend en partie la rédaction de l'avant-projet de loi, qui permettait au tiers donneur de s'opposer au recueil d'informations relatives à sa situation familiale et professionnelle et à son pays de naissance. Dans une logique de respect du droit à la vie privée et familiale du tiers donneur, il offrirait à celui-ci la possibilité de refuser de donner des informations qui pourraient dévoiler plus aisément son identité.
Les données en question peuvent s'avérer utiles à l'enfant issu d'une insémination artificielle avec donneur – IAD – devenu majeur, et le texte prévoit expressément de les mettre à sa disposition. Je vous propose donc de retirer l'amendement, qui réduirait à néant ces dispositions du projet de loi ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2551 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bérangère Couillard, pour soutenir l'amendement no 1610 .
Cet amendement vise à rendre possible, à la demande, la transmission aux parents de données non identifiantes sur le donneur. Si les parents le souhaitent, il semble nécessaire de leur offrir la possibilité de disposer d'informations telles que les antécédents médicaux que le donneur a déclarés au moment du don, sans remettre en cause le principe de l'anonymat. Il s'agit d'informations importantes pour les parents, qui seront de toute façon connues par l'enfant issu du don à sa majorité. Afin d'éviter d'orienter le choix du donneur par les parents selon ces critères, l'amendement propose que les informations puissent être remises aux parents seulement à compter de la conception de l'enfant.
L'amendement renvoie à une idée intéressante qui avait été exposée en commission : les difficultés de certaines familles, notamment hétéroparentales, à révéler le mode de conception de l'enfant s'expliquent par le fait qu'à l'issue du parcours de PMA, les parents ne disposent d'aucune information sur le donneur et ne savent pas quoi raconter à leur enfant. En audition, on nous a plusieurs fois suggéré que si les parents étaient détenteurs d'une partie des informations, ils auraient un bout d'histoire à raconter à leur enfant, et il serait probablement beaucoup plus simple pour eux de lui expliquer son mode de conception. Les parents ayant effectué un parcours de PMA nous ont également confié vouloir intégrer ce récit à ce qui va se tisser dans l'imaginaire de leur enfant. Je comprends leur demande, mais dans quelles conditions cela devrait-il être fait ? Le médecin révélerait-il ces informations automatiquement ? Quel encadrement faut-il prévoir pour ne pas porter atteinte au principe de l'anonymat, dont nous avons longuement débattu ? Certes, proposer d'y avoir accès après la conception représente une première garantie puisque cela rend impossible le choix du donneur ; mais est-ce suffisant ? Je laisse Mme la ministre répondre.
La commission, dans le cadre de l'article 88 du règlement, a donné un avis défavorable à l'amendement. À titre personnel, je comprends votre proposition et suis favorable au cheminement permettant aux parents qui recourent à la PMA de répondre aux questions que l'enfant posera par la suite. Je m'en remettrai donc, pour ma part, à la sagesse de l'Assemblée.
Madame Couillard, je comprends le besoin de récit, mais nous avons clairement fixé une limite : le strict respect de l'anonymat du donneur pour les parents. L'esprit de la loi est de permettre l'accès aux origines pour les enfants issus du don, mais en maintenant absolument l'anonymat du donneur vis-à-vis du receveur, et inversement. Par conséquent, nous ne pouvons accepter cet amendement. Je vous propose de le retirer, sinon j'y serai défavorable.
Je suis bien ennuyée : j'entends évidemment vos craintes, mais l'amendement y répond parfaitement. Ainsi, comme l'a souligné Mme la rapporteure, les parents ne pourraient avoir accès aux informations qu'à compter de la conception de l'enfant ; l'amendement ne cherche en aucun cas à remettre en cause le principe de l'anonymat, évidemment indispensable. Ma proposition ne vise pas à permettre aux parents de proposer à l'enfant un récit, mais à s'assurer qu'ils sont au courant de potentiels problèmes médicaux pour être en mesure d'aider l'enfant. Les données non identifiantes permettent précisément à l'enfant devenu adulte de connaître les antécédents médicaux du donneur. Si l'on décide de ne les révéler qu'à partir de 18 ans, alors même que l'enfant peut souffrir de pathologies réelles, c'est sous prétexte de ne pas lever l'anonymat ; mais ce n'est pas du tout ce que je propose. Je souhaite simplement porter les éventuels problèmes médicaux à la connaissance des parents pour qu'ils puissent prendre les bonnes décisions. Je maintiens donc l'amendement.
Je ne sais pas si nous aurons la sagesse ou la folie de voter cet amendement, mais si on le vote, il serait bon d'enlever le « s » au mot « donneurs » à la fin du texte, qui me semble fautif ; je ne veux pas laisser aux sénateurs la joie de corriger les députés !
Sourires
Madame la députée, je comprends mieux votre proposition. Sur le plan médical, les choses sont réglées en amont du don, grâce au questionnaire de plusieurs pages – plus fouillé que pour une assurance habitation ! – que doivent remplir les donneurs. Portant sur les données médicales, personnelles et familiales, il garantit l'absence de pathologies connues pouvant présenter des risques pour l'enfant. Si le donneur développe une pathologie par la suite, il a moyen de donner les informations au CECOS – centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains – qui peut les transmettre aux familles. La question des problèmes médicaux est donc réglée ; un article de la loi introduit d'ailleurs l'obligation d'informer le CECOS – qui transmet l'information à l'enfant par le biais de la commission – de toute pathologie d'ordre génétique.
La transmission des données non identifiantes, au-delà des problèmes médicaux, pourrait entraîner une déception des parents par rapport au récit qui concerne l'enfant. Aussi ne souhaitons-nous vraiment pas que les parents intègrent le donneur dans le récit familial. Il revient en effet au seul enfant, s'il le souhaite et uniquement s'il le souhaite, après sa majorité, d'accéder à ces données. Nous ne voulons pas qu'elles soient accessibles aux parents car, encore une fois, elles pourraient provoquer chez eux une déception.
C'était vraiment la question médicale qui m'importait – il n'est pas question à mes yeux d'intégrer le donneur dans le récit familial. Mme la ministre m'ayant rassurée, je retire mon amendement.
L'amendement no 1610 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, pour soutenir l'amendement no 2090 .
Par cet amendement, les personnes conçues par assistance médicale à la procréation pourront indiquer à la commission ad hoc leur volonté de pouvoir être contactées par les personnes issues du même donneur, appelées « siblings » ou « demi-génétiques ». Elles n'interféreront pas dans la vie des autres enfants issus du don, puisqu'elles indiqueront seulement souhaiter être contactées si une autre personne se manifeste et fait part du même souhait. Le désir d'accéder aux origines pouvant se trouver brisé à l'annonce du décès du donneur, il s'agit parfois du denier recours pour accéder à ses origines.
Il n'est aucunement question de créer des fratries, tout comme l'accès aux origines par le biais du donneur n'a pas vocation à créer une relation père-enfant entre ces deux personnes. De plus, cette information permettrait d'éviter les risques de consanguinité, notamment pour des personnes nées dans la même région et qui y grandissent sans savoir que d'autres personnes sont nées du même donneur.
Enfin, nous devons tenir compte de l'utilisation croissante des tests récréatifs, même s'ils sont interdits, qui impliquent des rencontres non encadrées entre ces personnes. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre la prochaine révision des lois de bioéthique pour encadrer des situations qui existent déjà et qui se développent.
M. Raphaël Gérard applaudit.
Vaste sujet, ici aussi, longuement examiné au cours des auditions et des travaux en commission. Celle-ci a déjà émis un avis défavorable à votre proposition : nous sommes en effet en train de consacrer un droit à l'information sur le donneur pour les enfants issus d'IAD et devenus majeurs, donc un droit à l'information sur le récit génétique de leur ascendance.
Pour ce qui est de la mise en relation d'enfants issus d'un même don, nous ne souhaitons pas nous écarter de la ligne que nous avons fixée et qui n'est pas celle du projet de loi initial. Nous sommes favorables à un droit à l'information et non à un droit à la mise en relation. Par ailleurs, pour ce qui est de la communication de l'information horizontale, si je puis dire, nous ne sommes objectivement pas prêts. Vous avez évoqué les moyens qui permettent d'accéder de façon détournée à ces informations. Des rencontres entre demi-génétiques se sont très bien passées, et il ne faut pas que cela devienne un sujet d'affolement en France.
Reste que, d'un point de vue législatif, nous ne sommes pas prêts à consacrer tout d'un coup. La commission nouvellement créée va entamer ses travaux en établissant le registre des donneurs, la manière de récupérer les informations, de les transmettre… Je ne souhaite pas qu'avec l'instauration de la possibilité de la mise en relation horizontale, nous brouillions le message par lequel nous demandons aux Français concernés de ne pas craindre de parler à leurs enfants – étant entendu que le récit concernant le donneur est indépendant de la relation familiale. Nous ne sommes donc pas prêts collectivement, je le répète, même si individuellement, nombreux sont ceux qui le sont. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
La rapporteure a répondu en grande partie sur le fait que nous ne souhaitons pas favoriser des mises en relation entre personnes issues d'un même don. Mais vous vous interrogez également sur le risque de consanguinité. Cette question est parfaitement réglée par les textes en vigueur, puisque des enfants nés d'un don peuvent à tout moment saisir les CECOS où leurs parents ont bénéficié d'un don pour demander si les personnes avec lesquelles ils souhaitent s'unir et qui seraient également issues d'un don ont un lien de consanguinité avec eux. Les CECOS ont l'obligation de répondre, puisque la consanguinité est un risque médical avéré – il est hors de question de laisser ces enfants dans l'incertitude. Il n'y a donc aucune difficulté, aujourd'hui, à interroger les CECOS qui, je le répète, ont le devoir de répondre sur un risque encouru par deux personnes qui veulent s'unir.
Ensuite, le registre qui va être constitué par l'Agence de la biomédecine centralisera tous les dons effectués en France. Il sera donc encore plus simple d'accéder à l'information. Aussi le problème de la consanguinité est-il déjà réglé.
Pour ces raisons, je souhaite que vous retiriez votre amendement, sinon j'émettrai un avis défavorable.
Plusieurs des amendements que je vais défendre poursuivent le même objectif que celui-ci. J'entends bien vos arguments, madame la ministre, madame la rapporteure, mais je tiens à réitérer des inquiétudes, que j'ai déjà exprimées en commission, sur le rôle que nous sommes en train d'attribuer au donneur. Vos arguments sont parfaitement recevables, mais il existe déjà des associations ; des enfants issus de dons, une fois adultes, ont recours à ces tests récréatifs et envoient des données particulièrement sensibles à des sociétés américaines, données dont nous ne savons pas très bien ce qu'elles font. Si nous n'autorisons pas nous-mêmes ces tests récréatifs, au moins faut-il encadrer ce type de pratiques. Surtout, dès lors que les enfants issus d'un don vont pouvoir rencontrer leur donneur, celui-ci sera la seule personne capable de répondre à la question de savoir s'il connaît d'autres enfants issus de son don. Par conséquent, notre volonté de ne pas prendre position aujourd'hui renvoie la responsabilité au donneur, ce qui ne me semble pas correspondre à l'esprit de la gratuité du don, et encore moins à l'esprit selon lequel nous entendons ici permettre l'accès aux origines. Nous enfoncer la tête dans le sable ne changera en rien des pratiques qu'il nous faudrait plutôt encadrer.
Les personnes que Mme la rapporteure a évoquées et qui sont prêtes à une mise en relation avec les personnes issues du même don qu'elles se sont rassemblées au sein d'associations qui réclament ce droit. C'est pourquoi je maintiens mon amendement.
L'amendement no 2090 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2549 .
Je sollicite à nouveau votre attention en faveur des donneurs – j'allais dire votre empathie. Je m'appuie sur des observations réalisées par les CECOS et sur les demandes formulées par des donneurs. Il s'agit ici des naissances advenues à la suite d'un don. Serait-il possible – en conservant bien sûr l'anonymat – que les donneurs soient informés du nombre de naissances issues de leur don ? Savoir que leur don a bénéficié à des couples serait pour eux une satisfaction et leur permettrait en outre d'anticiper d'éventuelles demandes de contacts de la part des enfants nés de leur don.
J'entends bien toutes les questions nouvelles que vous soulevez tous ; elles ont déjà été formulées pendant les auditions et l'examen du texte en commission. J'y réfléchis. La commission ne s'est pas estimée assez mûre pour donner un avis favorable à votre proposition, madame Tamarelle-Verhaeghe. C'est aussi mon cas. Le texte consacre déjà un droit nouveau et nous pouvons en être fiers ; nous devons en dessiner les contours les plus clairs possibles. Si la définition de ce droit nouveau reste floue, on ne saura pas quels peuvent en être les effets directs et indirects. Or, ici, nous ne maîtrisons pas les incidences par ricochet que pourrait avoir votre proposition, qui risque en particulier d'introduire une confusion sur la notion de famille. Avis défavorable.
Nous ne souhaitons pas mettre sur le même plan les enfants nés d'un don, à qui on ouvre un droit nouveau parce que nous considérons qu'ils n'ont rien demandé et parce qu'ils ont affaire à ce récit et ce vécu, à qui nous proposons, pour ceux qui le souhaitent, d'accéder à leurs origines, et un donneur dont la démarche est altruiste et qui aura par avance consenti à ce que l'enfant ou les enfants issus de son don aient accès à ses origines. Ce dernier s'engage à donner sans savoir s'il va donner naissance à un, deux ou dix enfants ou à aucun. Nous ne voulons pas ouvrir de nouveau droit pour le donneur. Il n'y a pas de droit inversé. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Il ne s'agit pas de mettre l'enfant issu d'un don et le donneur sur un pied d'égalité. L'enfant aura le droit de connaître les données non identifiantes du donneur, ce qui va très loin, alors que nous proposons que le donneur puisse connaître l'efficacité de son don et savoir qu'il pourra être interpellé, ce qui n'est pas rien.
J'entends bien l'argumentation de la rapporteure et de la ministre selon laquelle il ne s'agit pas de mettre sur le même plan le donneur, dont la démarche est altruiste, et l'enfant issu d'un don qui, par nature, n'a pas demandé quoi que ce soit mais à qui on offre aujourd'hui le droit de savoir d'où il vient. Seulement, ce droit peut faire grief, malgré tout, parce que la situation du donneur, vingt ans après, et donc la conception même qu'il a du don, peut avoir évolué. Il y a, vous en conviendrez, un très fort déséquilibre entre la situation du donneur et celle de l'enfant, qui peut avoir accès à ses origines mais sans qu'aucune garantie soit offerte au donneur. Ce dernier saura désormais pertinemment qu'un enfant issu de son don pourra rechercher son identité.
Il faudrait par conséquent – cela reviendrait à prendre une précaution – qu'il puisse savoir si des enfants sont nés de son don et combien, pour anticiper une situation – y compris dans son propre contexte familial. Il serait ainsi mieux préparé à appréhender le fait que son don puisse déboucher sur une recherche d'identité et une demande de contact.
Je suis surprise que mon amendement no 2119 ne soit pas discuté en même temps que celui dont nous débattons, car ils sont quasiment identiques – le dérouleur de séance indique qu'il sera appelé ultérieurement. Mon amendement vise à ce que le donneur soit « informé, s'il en effectue la demande auprès de la commission définie à l'article L. 2143-7, du nombre d'enfants issus de son don ».
Cette proposition est issue de ce qui nous a été dit lors des auditions de demandes de donneurs qui ne savent pas si leur don a permis la naissance d'au moins un enfant.
Monsieur le président, peut-on considérer que je présente mon amendement immédiatement, quitte à ne pas m'exprimer ultérieurement ?
Madame Battistel, les amendements sont examinés dans l'ordre dans lequel leurs auteurs ont choisi de les placer dans le texte. Vous avez souhaité, par votre amendement no 2119 , compléter l'alinéa 20 de l'article 3 alors que l'amendement no 2549 vise à insérer un nouvel alinéa après l'alinéa 18 : cela explique que ces deux amendements ne soient pas appelés simultanément. Le vôtre sera appelé à sa place, mais rien n'interdit de l'évoquer à ce stade, ce que vous venez de faire.
La parole est à Mme la rapporteure.
En vous écoutant, je me dis que la demande qui a pu être formulée par certains donneurs correspond à ce dont nous parlions hier. Je vous disais que cela n'était pas inscrit dans le texte, que la société avait longtemps oublié de le faire, mais qu'il fallait remercier les donneurs.
Leurs dons ont permis à des enfants de venir au monde dans des familles et des foyers aimants. Peut-être est-ce parce que cela était tabou, peut-être est-ce parce qu'il y avait une culture du secret autour de la PMA, mais le donneur ne savait pas si des enfants étaient issus de son don, s'ils étaient heureux ou malheureux, s'ils avaient besoin d'informations ou non.
Il y a eu pendant quelques décennies en France une espèce de cacophonie générale, quelque chose de brouillon. Ce projet de loi vient clarifier la situation. La loi l'a fait progressivement, en commençant par limiter le nombre d'enfants qui peuvent être issus d'un même donneur. En France, aujourd'hui, un même donneur ne peut pas être à l'origine de la naissance de plus de dix enfants. Désormais, il sera possible de poser des questions sur des données non identifiantes ou identifiantes. La PMA n'est plus un tabou en France. En commission, nous avons supprimé les conditions du code civil qui garantissent le secret, et je pense que le fait de lever le tabou sur ce mode de conception permettra aussi de le lever pour les donneurs, et donc de les remercier dans un contexte plus serein.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit Mme la ministre : non seulement on ne peut pas accorder aux donneurs des droits équivalents, mais il n'y a pas de responsabilités équivalentes. Quand vous faites un don altruiste, c'est bien évidemment pour que des enfants viennent au monde dans des foyers. Mais ne trouveriez-vous pas pour le moins déplacé que l'on envoie un faire-part au donneur lorsque naît un enfant issu de son don ? Je ne sais pas quel autre mécanisme vous imaginez, mais cela me semble impossible. Dans de tels cas, on pourrait parler d'amalgames.
Pour les éviter, nous sommes en train de lever un tabou et de clarifier la situation pour tout le monde : les donneurs en France seront informés – je ne doute pas que le ministère de la santé mènera de grandes campagnes de sensibilisation. Ils sauront que des enfants nés de dons à partir de l'entrée en vigueur de la loi pourront avoir accès, à leur majorité, à des données non identifiantes ou identifiantes. Dans ce cadre-là, peut-être les donneurs répondront-ils un jour à d'autres questions. Je maintiens mon avis.
L'amendement no 2549 n'est pas adopté.
Je redoute le sort qui sera réservé à cet amendement que j'estime important. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la question du secret. Certains enfants sont issus de PMA avec tiers donneurs, et ils ne le savent pas ; ils ne le sauront peut-être jamais. J'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise chose.
Certains sont informés, parfois même très tôt. Si le projet de loi est adopté, ils pourront accéder à leurs origines. D'autres qui ne savent rien ont des doutes, cela arrive, et souhaitent obtenir une confirmation en raison de la souffrance que suscitent ces doutes.
L'amendement vise à permettre à des majeurs ayant un doute d'interroger l'Agence de la biomédecine afin qu'elle confirme ou non l'existence d'une copie du consentement au don. Une telle disposition serait de nature à régler des situations parfois extrêmement douloureuses que vivent des enfants qui ne sont ni dans le secret, ni dans la vérité.
Ces amendements en discussion commune montrent à quel point le sujet est transpartisan. À droite comme à gauche de l'hémicycle, nous partageons le même objectif de rapprocher les enfants conçus par don de leur donneur si ce dernier souhaite entrer en contact avec eux. Cela facilitera de facto l'accès à l'origine des enfants nés par AMP, dans une démarche volontariste, constructive et graduelle.
Il n'y a aujourd'hui aucune raison de limiter l'accès aux origines des enfants nés par AMP lorsque le donneur souhaite de son plein gré lever la confidentialité. Bien au contraire, je pense que le législateur doit encourager et aider les enfants nés par AMP à retrouver leurs origines lorsque le donneur il y a consenti. Cette démarche peut constituer une étape importante du développement de ces enfants. Mon amendement, qui me semble être de bon sens, vise à compléter l'alinéa 19 en ce sens.
On peut être placé au centre de l'hémicycle et partager les réflexions de collègues qui se trouvent sur d'autres bancs.
Sourires sur plusieurs bancs.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Avec mon infini respect pour tous les députés issus de tous les bancs de notre hémicycle, et pour mon corapporteur, M. Hervé Saulignac, j'avoue que je ne comprends pas bien l'intérêt de la disposition proposée. Le consentement au don est un acte notarial entre les parents qui vont entamer la procédure d'AMP. Il les engage et crée entre eux un système de responsabilité, dont nous parlerons plus tard dans la nuit, s'agissant de la reconnaissance à venir de cet enfant.
Ce consentement n'a pas de conséquences sur les informations ou sur les données non identifiantes ou identifiantes du donneur. Je ne vois pas pourquoi l'Agence de la biomédecine, qui tiendra un registre d'informations sur les données relatives aux donneurs, devrait devenir un registre des actes notariés consentis par les parents. Je demande le retrait des amendements. À défaut, mon avis sera défavorable.
J'ai du mal à comprendre le fond de ces amendements. A priori, si un enfant est né d'un don d'embryons, c'est que le couple qui ne souhaitait pas les utiliser a donné son accord pour un don. L'accord pour le don d'embryons est dans le dossier du couple qui ne souhaite plus utiliser ses embryons, que conserve le CECOS concerné. Si l'enfant est né, c'est que cet accord a été donné. Je ne vois pas ce qu'apporte un document supplémentaire sur lequel il serait écrit : « je suis d'accord pour donner mes embryons. » Peut-être ai-je mal compris la pensée des auteurs des amendements ?
Je pense en effet qu'il y a lieu d'apporter des précisions. Nous évoquons les enfants tenus dans le secret sur leur conception qui sont nés de couples hétérosexuels et issus d'une PMA avec tiers donneur. Je l'ai dit, ce secret peut être bien gardé durant toute la vie de ces enfants – je ne sais pas si c'est bien ou pas. Dans d'autres cas, les enfants connaîtront la vérité sur leur conception et pourront, si le texte est adopté, accéder à leurs origines. Dans d'autres cas encore, ils resteront dans le doute. Mon amendement vise à ce que ces enfants-là, une fois majeurs, puissent interroger l'Agence de la biomédecine, qui conserverait des copies du consentement au don, pour savoir s'ils sont issus d'un don. Il me semble important de ne pas laisser certains enfants dans le doute.
Je comprends mieux. Cela dit, je ne vois pas l'intérêt pour l'Agence de la biomédecine de conserver ces papiers. Il y aura un registre et une commission que tout enfant né en France pourra interroger. La commission aura accès au registre. Il n'est donc pas nécessaire de conserver des papiers supplémentaires.
L'amendement no 1763 est retiré.
Je comprends qu'il puisse y avoir des confusions, puisqu'il s'agit d'un système nouveau. L'Agence de la biomédecine répondra par l'intermédiaire de la commission à tout le monde, sans exception. Un jeune majeur français n'aura pas besoin du consentement au don pour justifier le fait qu'il est issu d'une PMA et qu'il veut accéder à des données non identifiantes ou identifiantes.
Dans un premier temps, le majeur écrira à la commission en produisant sa pièce d'identité afin de savoir s'il est issu d'une AMP. Après avoir fait une recherche dans ses registres, soit la commission l'informera qu'il n'est pas issu d'une AMP – dans ce cas, ce sera « circulez, il n'y a rien à voir » – , soit elle confirmera qu'il est issu d'une AMP.
Dans ce dernier cas, dans un second temps, le jeune majeur aura le choix de demander des données non identifiantes, des données identifiantes, les deux ou rien du tout. En tout cas, tout le monde aura une réponse.
L'amendement no 2003 est retiré.
L'amendement no 1039 n'est pas adopté.
Nous en arrivons à l'amendement no 2322 .
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
Il s'agit d'un amendement qui vise uniquement à garantir la sécurité des données conservées par l'Agence de la biomédecine. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un véritable problème dans notre pays s'agissant de la gestion des données numériques, car nous ne savons pas où elles sont stockées, sur quel serveur, ni de quelle juridiction relève ce dernier.
Cette situation crée une vulnérabilité, tant pour les personnes, dont les données peuvent être piratées, que, plus largement, pour l'ensemble du pays. De plus, nous parlons en l'espèce de données génétiques, qui ont une valeur marchande et dont la divulgation peut créer des fragilités. L'amendement vise simplement à s'assurer que l'ensemble des données conservées par l'Agence de la biomédecine le soient sur des serveurs français en France.
Monsieur Lachaud, je comprends votre souci et le soin avec lequel vous souhaitez que soit garantie la protection des données de santé, mais une réponse est déjà apportée aux questions que vous posez par les grands principes que nous avons adoptés – je pense en particulier au RGPD, le règlement général sur la protection des données.
Le principe selon lequel les données privées doivent être conservées en France et celui selon lequel elles ne sont absolument pas commercialisables sont déjà d'ordre public. Les données non identifiantes et identifiantes détenues par l'Agence de la biomédecine resteront évidemment en France, et uniquement en France, et il ne leur sera jamais attribué de valeur commerciale. Cela relève de notre ordre public le plus élémentaire.
Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, l'avis de la commission sera défavorable.
Je veux rassurer M. Lachaud : nous partageons tous ses préoccupations. En la matière, les directives définies dans le cadre de la politique de sécurité des systèmes d'information de l'État sont très claires. Elles sont issues d'une circulaire du 17 juillet 2014 signée par le Premier ministre qui indique que : « L'hébergement des données sensibles de l'administration sur le territoire national est obligatoire, sauf accord du haut fonctionnaire de défense et de sécurité, et dérogation dûment motivée et précisée dans la décision d'homologation ».
Nul besoin de vous préciser que l'Agence de la biomédecine applique scrupuleusement cette directive, compte tenu des données ultrasensibles qu'elle est amenée à traiter dans le cadre de l'ensemble de ses missions. Aujourd'hui, toutes les données recueillies dans le cadre du prélèvement de la greffe d'organes et de tissus, du registre France greffe de moelle et du registre national des refus de dons d'organes sont hébergées au siège de l'Agence à Saint-Denis et sur son site de repli, à Lognes. Le nouveau traitement sera réalisé dans les mêmes conditions, vous pouvez en être totalement assuré. Compte tenu de ces éléments, parce que l'amendement est satisfait, j'y suis défavorable.
Je connais bien la directive à laquelle vous vous référez, madame la ministre, mais s'assurer que les données sont conservées en France n'est malheureusement pas suffisant.
Nous connaissons la puissance de l'extraterritorialité du droit américain. N'importe quel serveur d'une entité américaine ou en lien avec les États-Unis entre dans le cadre de la législation de ce pays et doit répondre à l'injonction des autorités américaines de leur fournir la totalité de ses données.
Voilà pourquoi l'amendement précise : « sur un serveur français situé en France ».
Si l'Agence de la biomédecine conserve l'ensemble de ses données sur un serveur interne, précisons-le dans la loi afin de rendre cette garantie pérenne.
Je tiens à dire que je partage entièrement les propos de Mme la ministre.
Je comprends votre inquiétude, monsieur Lachaud, mais nous parlons d'une agence d'État et de données de santé. Et, précisément, nous sommes en France et non aux États-Unis. Nous devons donc raison garder. Jamais les données relatives à l'ordre public et à la santé ne seront vendues à des Américains, pas même en raison d'une extraterritorialité. Évitons de semer la peur inutilement.
J'ai fait partie de la mission d'information sur la cyberdéfense avec M. Lachaud et je voudrais dire, pour aller dans son sens, que la protection des données constitue un véritable défi pour la France.
Nul ne peut affirmer que nous maîtrisons la situation aujourd'hui dans ce domaine.
J'ai bien entendu la réponse rassurante de Mme la ministre, mais il me semble préférable de le préciser dans le texte, car des risques de marchandisation du vivant existent.
Et puisque cette précision permettrait de nous rassurer, je vous invite à soutenir l'amendement.
Les explications fournies par Mme la ministre et par Mme la rapporteure sont évidemment de nature à rassurer, mais l'intention de M. Lachaud, avec cet amendement, est de graver dans le marbre la disposition.
S'agissant de données plus que sensibles – je ne sais, d'ailleurs, comment il faudrait les qualifier – , le principe de précaution, que l'on invoque parfois dans cet hémicycle de manière abusive, mériterait de s'appliquer pleinement et totalement.
Et même si les pratiques sont de nature à nous rassurer, notre responsabilité à l'égard des citoyens français est de les inscrire dans la loi. C'est ce que demande M. Lachaud.
J'ai soulevé à plusieurs reprises la question de la sécurité des données de santé en commission : ce sont des données ultra-sensibles, personnelles, qui mettent en jeu les libertés individuelles, mais aussi des données collectives, qui méritent à ce titre une attention toute particulière.
J'ai entendu les réponses de la rapporteure et de la ministre, et loin de moi l'idée de leur faire un procès d'intention, mais il me semble que nous devons, en écrivant la loi, prendre toutes les précautions.
Je suis donc favorable à l'inscription de cette précision dans le projet de loi, bien que cela ne suffise sans doute pas à satisfaire toutes nos exigences. D'autres problèmes pourraient en effet surgir, sur la question des logiciels et de leur propriété notamment, question que nous devrions examiner. Notre pays, comme d'autres d'ailleurs, a pris du retard dans sa capacité publique à produire ses propres outils pour faire face aux enjeux quotidiens de la protection des données.
Pour les raisons que je viens d'expliquer, je soutiendrai l'amendement. La question qu'il soulève mériterait cependant de faire l'objet d'une réflexion beaucoup plus large au sein de notre assemblée.
Il est évidemment légitime que le sujet du cloud souverain s'invite dans ce débat, mais j'ai lu votre amendement, monsieur Lachaud, et je ne sais pas ce qu'est « un serveur français ».
Repose-t-il sur du software français, des systèmes d'exploitation français, des microprocesseurs français ? Désignez-vous, sous ce vocable, un serveur de stockage ou un serveur de communication ?
Adopter l'amendement conduirait à rendre bien plus compliqué un système que nous avons déjà grandement obscurci avec la transposition de directives européennes concernant les archives nationales.
Une note de la Commission nationale de l'informatique et des libertés intitulée « Point CNIL. Les données génétiques » porte précisément sur le sujet qui nous occupe.
La CNIL alerte sur de possibles risques, à terme, de marchandisation des données génétiques. Elle s'inquiète pour les données personnelles et s'interroge sur les possibles agissements d'entreprises privées, souvent d'origine nord-américaine, comme l'a souligné M. Lachaud.
C'est un vrai sujet, que vous ne pouvez balayer d'un revers de main. En tant que législateurs, notre rôle est d'être des lanceurs d'alerte. Nous appelons donc de nouveau le Gouvernement à la vigilance. Car, manifestement, toutes les précautions ne sont pas prises.
Une fois encore, c'est du moins-disant éthique que l'on nous propose !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Sans vouloir faire de procès d'intention aux Américains, permettez-moi de dire que je partage les inquiétudes qui ont été exprimées, notamment par M. Bothorel, sur la question de la souveraineté numérique.
En juillet 2018, les autorités de Singapour ont annoncé que 1,5 million de leurs données avaient été « crackées » et se trouvaient dans la nature. Le dossier médical du premier ministre lui-même avait été révélé au grand jour et était accessible à tous sur internet.
La souveraineté numérique constitue donc un véritable enjeu, qui dépasse sans doute la question dont nous débattons aujourd'hui, mais qui la concerne pleinement.
Nous ne pourrons pas garantir à l'avenir notre sécurité numérique, puisqu'elle peut être contournée par des « crackers ».
Pour nous, le principal enjeu à l'avenir sera de mettre en place une chaîne technique et technologique complète.
La mission d'information sur la cyberdéfense que vous avez conduite, mon cher collègue, et à laquelle j'ai participé, a conclu que la France devait a minima être capable de conserver ses données sur son sol. Tel était le sens des différentes recommandations du rapport de la mission d'information, rapport qui a été approuvé – ses membres ici présents s'en souviennent.
Nous formons donc le voeu, en même temps que nous en faisons la recommandation à la représentation nationale, que notre pays s'oriente vers une souveraineté numérique qui nous permettra de conserver nos données sur le territoire français.
M. Bruno Fuchs et M. Bastien Lachaud applaudissent.
Nous devons faire les choses dans l'ordre, mes chers collègues. Nous sommes tous soucieux de la souveraineté numérique et l'enjeu de la protection des données est essentiel en cette période.
Il se trouve, en outre, que les données dont nous discutons sont particulièrement sensibles. Nous devons donc éviter qu'elles puissent faire demain l'objet de potentielles commercialisations.
Étant donné le large accord qui semble exister sur cette question au sein de notre hémicycle, la première des questions que nous devons nous poser est celle de savoir si nous prenons un risque potentiel en n'adoptant pas cet amendement. À cette question, même nos collègues de la majorité pourraient peut-être répondre oui.
Quant à l'interpellation de M. Bothorel sur la faisabilité d'un serveur français situé en France, je ne suis pas spécialiste des questions informatiques et numériques, mais n'importe quel amateur de jeux vidéo sait que des serveurs français hébergés en France sur du matériel français, cela existe !
Donc, oui, nous pouvons le faire.
Et si vous êtes convaincus comme nous qu'il existe un risque potentiel, alors soutenez cet amendement et fixons-nous un objectif politique. Ne prenons pas le risque !
Refuser de soutenir l'amendement serait accepter de ne pas avoir de garantie sur la protection des données.
C'est précisément ce que cherche à éviter l'amendement déposé par mon collègue, M. Lachaud.
Je comprends l'inquiétude qui s'exprime, mais ce qu'a dit M. Bothorel est tout à fait exact : un « serveur français » est en réalité une notion très floue, qui n'a pas de réalité concrète.
L'amendement de M. Lachaud n'est pas suffisamment étayé techniquement.
N'entrons pas dans une discussion trop technique. « Un serveur français situé en France », c'est un serveur de droit français en France.
L'important, c'est le droit. Il faut savoir à quelle législation va obéir l'entreprise qui possède le serveur.
Je n'ai pas pris l'exemple des Américains par anti-américanisme primaire. C'est un fait : aujourd'hui, une loi américaine contraint n'importe quelle entreprise américaine, même basée à l'étranger, à fournir les informations entreposées sur ses serveurs.
Dès lors, un serveur Amazon à Marseille est soumis au droit américain. Ce n'est pas un serveur français, mais un serveur américain situé en France !
M. Adrien Quatennens applaudit.
Le texte va conduire à créer des bases de données avec des informations qui relèvent du plus intime de chaque individu.
Lorsque l'on voit les guerres commerciales qui ont commencé aux États-Unis et en France, on comprend que ces informations auront une valeur considérable.
Chez Sony et Facebook, il est très facile de « cracker » 1,5 million de comptes. Les données génétiques françaises constitueront, à n'en pas douter, une cible pour de nombreuses entreprises qui chercheront à y avoir accès.
Il n'y a donc pas de risque à faire figurer dans la loi que ces données doivent être conservées « sur un serveur français situé en France ».
Où est donc le problème ?
Pourquoi ne pas le préciser dans le texte, puisque nous souhaitons que la conservation de ces données soit la plus sécurisée possible ?
Je ne vois pas pourquoi l'on s'opposerait à cet amendement, qui est de bon sens.
La vraie question est de savoir si nous allons déléguer la conservation de ces données à des serveurs américains.
Voulons-nous vraiment mettre des données aussi sensibles en dehors du champ de la souveraineté nationale ? N'est-il pas préférable de garantir qu'elles soient conservées sur un serveur français situé en France ?
Il n'y a, dans notre position, aucun procès d'intention. Nous souhaitons simplement que le législateur affirme son intention, apparemment largement partagée.
Des craintes de nature technique ont été exprimées quant à la rédaction de l'amendement. Rassurez-vous : le texte sera discuté au Sénat, puis à nouveau à l'Assemblée nationale. S'il s'avérait que cette disposition mérite d'être précisée et ajustée, il serait toujours temps de le faire. Pour l'heure, affirmons notre volonté législative. Cela me paraît nécessaire.
Il n'y a, en effet, aucun procès d'intention de notre part. Cet amendement ne sous-entend pas que le Gouvernement veut vendre les données aux Américains !
Mais, nous le savons, certaines données publiques de l'État français sont hébergées sur des serveurs américains.
C'est le cas des données de l'éducation nationale, comme nous l'avons appris il y a deux ans. Cela existe !
D'après l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, l'ANSSI, nous ne sommes pas au niveau des enjeux aujourd'hui en France. Ce n'est faire injure à personne que de le dire !
Dès lors qu'on le sait, il faut agir, et nous avons l'occasion de le faire avec ce projet de loi, pour des données ultra-sensibles, comme Mme la rapporteure l'a elle-même souligné.
Nous avons la possibilité de réaffirmer la volonté du législateur de garantir la souveraineté de ces données. Où est donc le problème ?
M. Adrien Quatennens applaudit
Je comprends mal les réticences exprimées par certains députés de la majorité au sujet de cet amendement, qui est d'abord et avant tout un amendement de principe.
Il vise à réaffirmer ce que nous souhaitons et ce que nous ne souhaitons pas, pour garantir la souveraineté de la France en matière de données génétiques, c'est-à-dire de données extrêmement sensibles, comme chacun l'a rappelé.
Alors, de deux choses l'une : ou bien il n'est techniquement pas possible de conserver les données sur un serveur français situé en France, ce qui signifie qu'aucune souveraineté n'existe plus en matière de données informatiques et numériques – je n'en crois rien ; ou bien nous nous donnons les moyens de garantir que ces données de compatriotes français ne feront pas l'objet demain de commercialisation avec d'autres pays en adoptant cet amendement, éventuellement dans une nouvelle rédaction – mais là n'est sans doute pas l'essentiel.
Si nous voulons des choix maîtrisés et des garanties de sécurité, nous devons faire en sorte de maîtriser aussi la conservation des données et les serveurs où celles-ci sont stockées. Tel est bien le sens de l'amendement. Il me paraît donc important que la disposition qu'il propose soit inscrite dans le projet de loi, pour que nous soyons vigilants sur ce point. Car une loi de bioéthique à la française suppose que nous contrôlions aussi cet aspect selon notre législation et notre volonté propres. Je soutiendrai donc l'amendement.
Aux termes de l'alinéa 19, l'Agence de la biomédecine doit garantir la sécurité, l'intégrité et la confidentialité des données. La sécurité des données fait donc bien partie de ses missions.
J'ai entendu les vives inquiétudes qui se sont exprimées, mais, pour moi, cette formulation implique que les données ne sortent pas du territoire.
Ne nous égarons pas. Si une commission ad hoc a été instituée et si la mission de conservation des données a été confiée à l'Agence de la biomédecine plutôt qu'à des sociétés privées françaises, c'est bien pour garantir la protection de l'intégrité des données et leur maîtrise par l'État.
En revanche, il n'appartient pas au domaine législatif d'organiser cette maîtrise, mais au domaine réglementaire.
Ce qui relève du domaine législatif, c'est, comme vient de le dire Mme Brunet, de garantir en principe la préservation de l'intégrité des données.
Par ailleurs, je ne pensais pas entrer dans ces considérations, mais s'il faut faire un peu de droit des sociétés, allons-y : monsieur Lachaud, si votre but est vraiment celui que vous affichez, …
… pourquoi vous borner à mentionner « un serveur français situé en France » ? Cela ne protège pas de grand-chose. Et si les données sont détenues par une société étrangère, mais stockées sur un serveur français situé en France ? Par une société américaine, ou par une société française dont la holding a des parts américaines, russes et chinoises ?
Mais si, physiquement, le serveur est en France, cela change tout ! Voyez les serveurs de l'armée !
Pardonnez-moi, mais l'amendement n'est pas complet et ne permet donc pas d'atteindre le but que vous prétendez viser.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous l'avez admis vous-même tout à l'heure, monsieur Lachaud : vous vous êtes désavoué en parlant des sociétés américaines situées en France et néanmoins contraintes de transmettre à l'étranger les informations dont elles disposent. Un serveur français détenu en France par une société américaine y serait tout aussi contraint. Je suis désolée, mais votre amendement n'a pas de sens. Sa teneur réelle contredit l'objectif que vous prétendez lui assigner.
Vous faites de la sophistique, madame la rapporteure ! Et vous ne répondez pas sur le fond !
Ce qui est important, c'est ce qui est dit plus loin au même alinéa : l'intégrité des données est garantie par l'État, sa protection est organisée par l'État ; c'est la raison pour laquelle l'Agence de la biomédecine, et elle seule, pourra les conserver.
Je maintiens donc très fermement mon avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la rapporteure, j'ai le regret de vous dire que vous ne m'avez pas convaincu. Vous soutenez que ce que demande l'amendement n'est pas du domaine de la loi ; cela devrait pourtant être le cas. Je suis attaché à la force de la loi ; or, ici, il s'agit de données éminemment personnelles ; personne n'en disconviendra. L'alinéa 19 énonce les missions de l'Agence de la biomédecine à cet égard ; eh bien, l'amendement lui donne les moyens de les exercer et impose une exigence de résultat.
Le Parlement – c'est un point sur lequel nous divergeons peut-être – doit être associé à cette exigence. Laissons-le jouer son rôle : faire en sorte que nous nous donnions les moyens de garantir la protection de données dont nul ne contestera qu'elles ne sauraient être commercialisables sous quelque forme que ce soit. Vous avez pris l'exemple des États-Unis – et d'autres pays du monde ; on sait assez ce qu'il est advenu d'autres données intrinsèquement liées à la santé des personnes et commercialisables pour éviter d'aller dans cette direction. Il y va de la protection de la personne.
Je comprends les propos de Mme la rapporteure : les cas de figure qu'elle a évoqués conduisent à s'interroger. À l'heure de la société numérique et s'agissant d'un grand nombre de données sensibles, voire ultrasensibles, non seulement dans le domaine de la bioéthique mais aussi, par exemple, en matière militaire, notre pays ne devrait-il pas se doter d'une société nationale chargée de gérer les données numériques et relevant entièrement de l'État ? Ainsi, nul intervenant extérieur à notre République n'aurait le droit de posséder et d'exploiter ces données. Il serait conforme à l'esprit de l'amendement de le compléter par un appel à créer semblable service public des données.
Si la rapporteure n'a pas une confiance aveugle en notre collègue Lachaud, ce que je peux comprendre,
Sourires
je l'invite à se reporter à l'excellent rapport que le Premier ministre a commandé à Raphaël Gauvain, député de la majorité. Celui-ci y détaille les risques auxquels la législation américaine, notamment ce que l'on appelle le Cloud Act, expose toutes sortes de données pourtant stockées en France, et il préconise que nous nous en protégions par une initiative législative.
Je trouve vraiment dommage que nous rations l'occasion de le faire que nous fournit l'amendement de M. Lachaud. Aux termes de celui-ci, les données seraient hébergées non seulement en France, mais par une société de droit français, qui n'obéirait donc pas aux injonctions de la loi américaine. Nous gagnerions ainsi du temps en ajoutant simplement au texte le mot « français », qui, après tout, n'est pas un gros mot.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'ai écouté attentivement les arguments que Mme la rapporteure a opposés à M. Lachaud. Comme souvent, il convient de distinguer le fond de l'amendement de sa forme : si je peux admettre que sa forme ne soit pas entièrement satisfaisante, cela ne doit pas servir de prétexte pour en balayer d'un revers de main la grande pertinence quant au fond.
Si nous sous-estimons la vitesse à laquelle, dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, les malfaisants de tous poils sont capables d'oeuvrer pour porter atteinte à des données hypersensibles, alors nous sommes complètement à côté de la plaque !
Imaginons qu'un jour nous soyons victimes, en France, d'une atteinte de ces données, d'une fuite ou que sais-je encore, ce que je ne souhaite évidemment pas : on regarderait assez curieusement ceux qui, en 2019, auraient voté une nouvelle loi de bioéthique sans s'y montrer suffisamment prudents à cet égard.
J'aimerais que tout le monde ait bien ceci en tête, même si nous y viendrons ultérieurement : s'il est prévu que l'article 3 soit mis en oeuvre en trois temps, et si la deuxième de ces étapes prend environ dix-huit mois, c'est précisément parce que l'on passe par la CNIL pour constituer la commission ainsi que le registre déposé auprès de l'Agence de la biomédecine, et parce que c'est elle qui va garantir les méthodes de conservation des données préservées.
Avant que vous ne votiez, je veux appeler votre attention sur le fait qu'en adoptant l'amendement en l'état – c'est-à-dire, monsieur Saulignac, sous une forme qui n'a rien à voir avec l'idée de fond – , vous permettriez à une société américaine, russe ou chinoise de venir s'installer en France, en utilisant un serveur français, pour conserver des données médicales personnelles de citoyens français.
Cela m'inquiéterait beaucoup. Voilà pourquoi, à la lumière du droit des sociétés, je vous déconseille formellement de le voter.
Exclamations sur divers bancs.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 38
Contre 49
L'amendement no 2322 n'est pas adopté.
L'amendement no 1471 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1054 .
Il vise à inscrire explicitement dans le projet de loi la forme que prendra la base de données nouvellement créée à l'article 3, et à encadrer la création de cette base. Il s'agit plus précisément de centraliser les données déjà en possession des centres d'AMP au sein d'une unique base de données gérée par l'Agence de la biomédecine.
D'abord, cette centralisation offrirait une vision historique et transversale des données, ce qui permettrait d'éviter la consanguinité ou le don d'un même donneur dans plusieurs centres. Ensuite, elle faciliterait les contacts pour les donneurs comme pour les enfants nés d'un don avant la nouvelle loi, ainsi que le recueil des données médicales.
Pendant les auditions, j'étais très gênée lorsqu'il était question de l'appariement. A priori illégal, car l'on n'est pas censé opérer une sélection génétique, celui-ci a néanmoins été pratiqué jusqu'à présent, notamment en raison de la culture du secret qui régnait en matière d'AMP : l'enfant devait avoir des caractéristiques physiques l'apparentant au père pour ne pas perturber l'unité familiale. Dès lors que nous écartons désormais la culture du secret et tout tabou concernant l'AMP, les pratiques d'appariement, encore moins justifiées qu'auparavant, ne doivent pas être renforcées par le biais du registre de l'Agence de la biomédecine. Ce serait contraire à l'objectif du texte.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Je me suis certainement mal exprimée : il ne s'agit pas du tout d'appariement, mais de disposer d'une vision historique en centralisant l'ensemble des informations qui seront de toute façon récupérées par l'Agence de la biomédecine, de manière à s'assurer, par exemple, que le nombre maximal d'enfants issus d'un même donneur n'est pas dépassé, ou de mettre les renseignements à la disposition des enfants nés d'un don avant le présent projet de loi – bref, de fluidifier l'information.
C'est pourtant ce que dit votre amendement : le médecin qui souhaite proposer un appariement approprié s'adresse à l'Agence de la biomédecine.
C'est la première fois depuis le début de l'examen du texte, mais je n'avais pas le bon amendement sous les yeux… Veuillez m'excuser, ma chère collègue : je parlais par anticipation de l'amendement no 1249 .
Quant à votre amendement no 1054 , qui propose la constitution d'un registre des donneurs, il est satisfait par le texte puisque celui-ci prévoit la création d'un tel registre, détenu par l'Agence de la biomédecine.
L'avis de la commission est donc défavorable.
En effet, l'alinéa 19 tend à créer une base de données, mais il n'est indiqué nulle part que l'on récupérera les données de manière à constituer un historique permettant de faciliter la communication et les contacts.
Ce texte instaure un registre recensant les caractéristiques non identifiantes et identifiantes des donneurs, car nous avons besoin de conserver des données très particulières pour l'accès des enfants à leurs origines et il s'agit de sécuriser la possibilité dans dix-huit ans et plus de récupérer ces données. Pour tous les enfants nés d'un don avant ledit registre, donc avant la bascule du régime à l'ancienne, dans lequel l'accord des donneurs à l'accès de l'enfant à ces données n'était pas prévu, vers le nouveau régime où leur consentement est obligatoire, il n'y a pas nécessité de prévoir un tel accès. Les enfants nés à ce jour d'un don n'auront pas accès à des informations sur leurs origines, puisque le texte que nous examinons ne sera pas rétroactif. Mais je rappelle que les CECOS conservent toutes les données dont ils disposent sur les donneurs et sur les couples receveurs, au cas où, par exemple, ils seraient interrogés sur un risque de consanguinité. Vous proposez, madame la députée, de faire remonter toutes les informations des CECOS, y compris celles d'avant cette future loi, vers le nouveau registre. Je n'en vois pas l'utilité, puisqu'elles figurent déjà dans le rapport d'activité et dans le rapport médical et scientifique de l'Agence de la biomédecine et qu'à ce titre, celle-ci récupère et centralise les données des CECOS. Il n'y a pas de raison que ces données antérieures entrent dans la nouvelle base de données, qui ne concernera que les nouveaux donneurs du nouveau régime. Je confirme l'avis défavorable sur cet amendement qui alourdirait totalement et inutilement la base de données.
L'amendement no 1054 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1249 .
Cet amendement de notre collègue Sylvia Pinel est ainsi rédigé : « Le médecin qui souhaite accéder aux données non identifiantes des donneurs et aux informations sur la conservation des gamètes ou des embryons dans le but de proposer à une personne ayant recours à une assistance médicale à la procréation un appariement approprié s'adresse à l'Agence de la biomédecine qui lui transmet des données non identifiantes et le lieu de conservation des gamètes ou des embryons. » On sait que l'appariement s'effectue en fonction de certaines caractéristiques biologiques ou morphologiques, et l'amendement vise à le faciliter pour les personnes ayant recours à une AMP avec don. Dès lors qu'un fichier national des donneurs va être constitué sous l'égide de l'Agence de la biomédecine en vue de permettre l'accès aux origines, son existence devrait aussi pouvoir aider les médecins à orienter leurs patients ou à transférer des gamètes pour faciliter l'appariement.
J'ai répondu précédemment par erreur sur cet amendement… Avis défavorable, comme sur les autres amendements sur l'appariement. Je souligne le point qui est évoqué dans son exposé sommaire, à savoir la difficulté que peuvent rencontrer des membres de groupes ethniques minoritaires à obtenir satisfaction. Cette situation vient du fait qu'il y a moins de dons au sein de ces groupes et que l'on a cherché systématiquement à faire des appariements fondés sur l'apparence. Dès lors que l'on abandonne la logique de l'appariement lié à des caractéristiques physiques, ces personnes ne seront plus sur une liste d'attente plus longue que les autres. Je préfère une AMP sans appariements forcés et automatiques, et qui permette à tout un chacun d'avancer dans son projet parental.
Madame la rapporteure, cet amendement, que j'ai cosigné, ne propose pas un appariement forcé : vous avez bien compris qu'il concerne quelques minorités ethniques au sein desquelles, d'ailleurs, l'appariement se pratique déjà.
Or ces demandeurs peuvent s'adresser à un centre où il n'y aura pas de donneur compatible. Par conséquent, l'élargissement de leur recherche à l'ensemble des centres au travers de l'Agence de la biomédecine nous semble un moyen de raccourcir des délais encore plus longs pour eux, en particulier dans les centres où il y a peu de donneurs. Ce serait plutôt un gage d'efficacité et d'efficience du texte qu'un obstacle. Entendez cet argument.
L'amendement no 1249 n'est pas adopté.
Sourires.
Il s'agit encore de la question de l'accès au consentement au don en plus de l'accès aux données non identifiantes et identifiantes. Je pense que nous y avons déjà répondu. Avis défavorable.
L'amendement no 1717 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 961 .
Il est proposé de compléter l'alinéa 20 par la phrase suivante : « Si cette personne est un majeur protégé, elle effectue elle-même sa demande. » Cette précision permettrait de prendre en compte le cas des majeurs protégés.
Je comprends l'objectif poursuivi, mais le cas des majeurs protégés est déjà prévu dans le texte. Cette précision n'est pas utile. Demande de retrait.
L'amendement no 961 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1766 , 994 rectifié et 2010 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 994 rectifié et 2010 rectifié sont identiques.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 1766 .
Comme on l'a déjà évoqué, il est proposé de donner la possibilité aux parents d'avoir accès aux données non identifiantes du donneur. Cet amendement répond à une demande des parents que nous avons auditionnés.
Les amendements nos 994 rectifié de Mme Bérengère Poletti et 2010 rectifié de M. Bruno Fuchs sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai déjà expliqué tout à l'heure : j'entends à titre personnel cette proposition intéressante, mais je pense que nous ne sommes pas prêts collectivement, puisque la commission les a rejetés. À défaut de retrait, l'avis serait donc défavorable.
L'amendement no 1766 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 994 rectifié et 2010 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement no 1189 .
Après l'alinéa 20, il est proposé d'insérer un nouvel alinéa prévoyant que les données relatives aux tiers donneurs, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons, d'ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 2142-1, sont conservées par eux pour une durée limitée et adéquate qui ne peut être inférieure à quatre-vingts ans. Cet amendement est important à mes yeux, parce qu'on ne sait pas précisément quelles ont été les pratiques dans les CECOS, si les dossiers ont été gardés vingt ans, trente ans ou quarante ans… Or si on veut correctement appliquer le VII. – B et le VII. – C de l'article 3, c'est-à-dire permettre aux tiers donneurs dont les gamètes ont été utilisés avant la présente loi ou aux enfants qui en sont issus de se faire connaître auprès de la commission, il est impératif que les données recueillies dans les CECOS soient conservées pour une durée qui ne peut être inférieure à quatre-vingts ans.
Cet amendement reflète ce qui s'est passé au cours des auditions, où nous avons été mal à l'aise en entendant la réponse des représentants de la Fédération des CECOS quand nous les avons interrogés sur la conservation des données. Il est clair que le dispositif du texte de loi, dans sa rédaction actuelle, concerne essentiellement les enfants à venir et qu'aucune collecte automatique des données des donneurs antérieurs des CECOS vers l'Agence de la biomédecine n'est prévue. Mais la question se pose. L'amendement vise, me semble-t-il, à obliger les CECOS à transférer leurs informations sur ces donneurs à l'Agence de la biomédecine, cette dernière devant les préserver durant la même durée que ce qui est prévu pour les données postérieures à l'entrée en vigueur de la loi. La commission avait émis un avis défavorable en raison de la disparité des informations détenues par les CECOS. Mais il est vrai que, depuis, nous avons avancé sur la possibilité pour les donneurs de l'ancien système de se manifester auprès de la nouvelle commission pour permettre l'accès à leurs données non identifiantes, voire à leur identité. Et comme il s'agirait ici uniquement du transfert de données déjà détenues par les CECOS sans pour autant, soyons bien d'accord là-dessus, que cela n'entraîne l'automaticité de leur fourniture à tout enfant issu d'une IAD, j'émets à titre personnel un avis favorable.
Cet amendement ne me semble pas nécessaire, puisque mon ministère va proposer à tous les donneurs de l'ancien régime de se faire connaître auprès de la commission d'accès aux données sans passer automatiquement par les CECOS. Mais je comprends les préoccupations ainsi exprimées puisque, en vertu de la loi régissant les registres médicaux, lesdites données sont conservées quarante ans et non quatre-vingts ans. Je vous propose, madame la députée, de le retirer et que nous travaillions pendant la navette parlementaire à une rédaction plus conforme à ce que vous souhaitez.
L'amendement no 1189 est retiré.
Les donneurs et les donneuses ont globalement exprimé le désir de savoir si leur acte altruiste avait permis d'aider des couples, si leur don avait eu une utilité. C'est pourquoi cet amendement propose de leur donner la possibilité de connaître le nombre de naissances que leur don a permis, ainsi que le sexe et l'année de naissance des enfants éventuels. Il ne s'agirait bien sûr pas d'informations sur l'identité des enfants. C'est tout à fait important pour eux. J'ajoute que cette demande est relayée par la Fédération française des CECOS, qui considère tout à fait légitime ce transfert d'informations.
Mme la rapporteure ayant dit tout à l'heure qu'elle allait dans un sens qu'indique l'amendement, j'espère qu'elle a encore progressé et je le maintiens.
J'ai trouvé que cette demande de la Fédération française des CECOS était tout à fait légitime. En effet, on est en train de demander au donneur de consentir à la révélation de son identité, mais ce serait à la fois illogique et d'une grande brutalité de l'informer à l'improviste de la demande du jeune concerné.
Il serait donc normal de permettre au donneur de se préparer, en sachant si ses dons ont été utilisés. Il s'agit là d'un élément de réciprocité : d'un côté, on permet aux enfants nés d'une AMP d'avoir accès à leurs origines ; de l'autre, on prépare le donneur à recevoir ces demandes.
La parole est à Mme Bérangère Couillard, pour soutenir l'amendement no 1611 .
Il est très semblable à celui de M. Touraine. Il ne s'agit pas, encore une fois, de créer du lien entre le donneur et l'enfant issu de ce don. Il me semblerait toutefois assez fou qu'un donneur ne soit pas même informé du nombre d'enfants nés de son don. J'entends bien qu'il y a un maximum de huit enfants par don, nous en avons discuté en commission. Mais si un premier enfant fait une recherche, le donneur va nécessairement se demander combien d'autres sont susceptibles de venir jusqu'à lui : un, six, huit ?
Peu importe. La question est de savoir si le donneur se voit ou non délivrer cette information. Nous ne voulons pas créer du lien, mais simplement nous assurer que le donneur sache combien d'enfants devenus adultes pourraient demander la levée de l'anonymat. Cela me semble un minimum.
Je serai bref, en raison du temps programmé mais également parce que mes collègues ont parfaitement exposé ces amendements. Il me semble effectivement logique que le donneur puisse connaître le nombre d'enfants nés de son don. Cela n'enlèverait rien à personne et constituerait une avancée pour tous les donneurs.
L'amendement no 1000 rectifié de Mme Bérengère Poletti est défendu.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 2119 .
J'ai défendu le même amendement tout à l'heure, et après la réponse de Mme la rapporteur, je voudrais apporter une précision : il ne s'agit nullement de demander que le donneur reçoive un faire-part à chaque naissance ! Tel n'est ni le sens ni l'objet de cet amendement. Nous souhaitons simplement que le donneur puisse être informé du nombre d'enfants ayant pu naître de son don, et ceci à l'arrêt de l'utilisation de ce dernier, c'est-à-dire à la fin du processus, lorsque le don ne sera plus utilisé. Cette proposition est d'ailleurs reçue de manière plutôt favorable par les CECOS.
L'amendement no 2005 de M. Bruno Fuchs est défendu.
Avant de vous donner la parole pour donner l'avis de la commission, madame la rapporteure, je souligne simplement que nous avons effectivement déjà eu ce débat, à propos de l'alinéa 18. Il aurait semblé pertinent d'associer les deux.
Je ne suis pas en charge de l'organisation des débats, monsieur le président !
Vous n'y êtes pour rien, c'était une remarque générale. Il ne faut pas vous sentir visée, madame la rapporteure !
Nullement, monsieur le président, et je m'associe même à votre remarque puisque, pour ma part, cela m'impose de répéter les mêmes arguments. Le bon côté des choses, c'est que cela nous permet de réfléchir plusieurs fois aux mêmes sujets...
J'ai voulu me reporter, de façon peut-être naïve, vous me le pardonnerez, à la définition du mot « don ». Il se définit de deux façons : « l'action d'abandonner gratuitement à quelqu'un la propriété ou la jouissance de quelque chose », et « ce qu'on abandonne à quelqu'un sans rien recevoir de lui en retour ».
À travers vos amendements, vous ouvrez un autre champ de débat. J'entends la demande consistant à savoir combien d'enfants seront issus du don. Pourquoi, néanmoins, le donneur aurait-il droit à cette information ? Le don ne procède-t-il pas, justement, de cette altérité désintéressée et gratuite, qui n'entraîne pas d'obligation de résultat ni de suivi et laisse à chaque enfant issu d'une IAD la liberté de se manifester ou non à sa majorité ?
Je ne sais pas si l'on doit aujourd'hui affirmer qu'un don, censé être parfaitement désintéressé, doit donner lieu à des informations quant à son résultat.
Cela me gêne quelque peu. Le don en lui-même se limite à des gamètes – qu'ils soient masculins ou féminins – et à des gènes. Par la suite en revanche, dès lors que, dans une logique d'obligation de résultat, on informe une personne sur l'efficacité de son don, on parle d'êtres humains, de personnes douées d'une individualité propre.
Le présent texte se concentre avant tout sur la singularité de ces individus, leur humanité, leurs besoins, leur construction. Il affirme également que l'acte du donneur est un geste responsable, généreux, gratuit et désintéressé. J'insiste sur ce caractère désintéressé du don, qui impose au donneur d'accepter d'abandonner le savoir, la maîtrise sur l'issue de ce don – qui laisse place ensuite à l'histoire de chaque famille.
J'émets donc, très humblement, une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
L'argumentaire de Mme la rapporteure est très fort, et plus conceptuel que le mien.
Lorsqu'on rédige un texte de loi, comme je l'ai fait avec l'ensemble du Gouvernement dans le cas présent, on songe toujours à ses conséquences, comme vous le faites de votre côté. Alors tirons le fil : si l'on annonçait au donneur de gamètes le nombre d'enfants nés de son don, rien ne l'empêcherait de prévenir ses propres enfants. Eux-mêmes pourraient ne pas comprendre sa démarche, imaginer qu'ils ont des demi-frères ou des demi-soeurs et commencer à les rechercher.
Tout cela me paraît très loin de l'esprit du projet de loi. Au-delà de ce qu'a dit Mme la rapporteure, je pense que nous nous exposerions à une dérive. Par ce texte, nous ne nous inscrivons pas dans une démarche de réciprocité. Nous n'ouvrons pas de nouveaux droits, ni pour le donneur ni pour les couples receveurs : nous veillons simplement à prendre en compte la souffrance individuelle des enfants nés du don, qui n'ont rien demandé et doivent pouvoir se construire. C'est à cette nécessité que nous répondons. Nous ne souhaitons pas ouvrir de nouveaux droits aux donneurs ni aux receveurs, qui doivent rester dans l'anonymat et dans le don désintéressé.
J'entends vos arguments, qui se tenaient parfaitement avant que nous introduisions la possibilité de lever l'anonymat du don. Cette levée étant rendue possible, le donneur pourra potentiellement recevoir une demande de la personne issue de son don, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Cela change la donne : le donneur, sans prétendre obtenir un « retour » tel que vous l'avez évoqué, madame la rapporteur, peut souhaiter savoir à quoi s'attendre dans le futur, et notamment s'il est susceptible de recevoir une, deux, trois demandes, ou aucune.
Notre vision a évolué du fait même du projet de loi : nous n'aurions pas formulé cette demande par le passé. Dès lors que l'orientation donnée au texte permettra à des jeunes issus d'un don d'adresser une demande au donneur, ce dernier peut vouloir s'y préparer en amont.
Je remercie Mme la rapporteure pour cette très belle explication, que je partage, sur le sens du don. Il n'est toutefois pas question ici d'un quelconque intérêt du donneur, ni d'une réciprocité avec le jeune qui demandera l'accès à son origine. Il s'agit simplement de faire montre d'égard pour le donneur qui, vingt ou vingt-cinq ans après son don, alors que sa situation personnelle aura largement évolué, va probablement être pour le moins brusqué, déstabilisé par le courrier, l'appel ou le mail qu'il va recevoir.
Peut-être pourrions-nous préciser par sous-amendement que le donneur serait informé dix-huit ans après son don. Cela laisse une large période pendant laquelle il ne se soucierait de rien, après quoi il serait prévenu de la possibilité qu'un jeune demande accès à son origine. En tout état de cause, il ne me semble pas possible de laisser un donneur dans l'incertitude totale durant vingt ou trente ans, puis de faire brutalement entrer dans sa vie un jeune, avec sa personnalité et ses demandes et qui n'en restera certainement pas là.
Mme la rapporteure s'est elle-même qualifiée de naïve, et je pense que c'est son jeune âge qui lui a dicté ce terme. En vérité, il n'existe pas de psychiatre ou de psychanalyste pour prétendre qu'il existerait un don sans contre-don. Le contre-don n'est pas une rétribution, un avantage quelconque, un retour sur investissement : ce n'est rien d'autre que de la considération, attendue par la personne effectuant un geste altruiste. Or cette considération ne peut pas s'exercer si ce geste reste perdu dans un océan d'incertitude, sans que son auteur sache ce qu'il en advient.
La correction, l'égard, pour reprendre le mot de M. Fuchs, que l'on doit à quelqu'un qui aide des personnes en difficulté, c'est simplement de l'informer. Je propose d'ailleurs de ne communiquer cette information qu'aux tiers donneurs qui la demandent : ce n'est pas une obligation.
Tous les commentateurs l'ont souligné : nous ne sommes plus dans la configuration d'antan. Tous les pays qui nous ont précédés ont bien remarqué que le profil des donneurs change dès lors que l'on donne l'accès aux origines. Jusqu'à maintenant, le donneur ne voulait avoir aucun contact ultérieur, ne rien savoir de ce qu'il advenait de son don. Demain, il saura que, parmi les enfants nés de ce don, certains le contacteront dès l'âge de 18 ans. Dans cette nouvelle configuration, il voudra être tenu informé. Ce désir me semble totalement légitime et nous manquerions d'égard et de respect en refusant d'y répondre. On s'exonère d'ailleurs trop souvent, dans notre droit, de la considération due à celui qui donne en ne demandant rien en retour, si ce n'est une information.
Je ne suis pas toujours d'accord avec M. Touraine, mais en l'occurrence, je partage totalement son propos. Je ne crois pas que l'on puisse placer sur un pied d'égalité le don de gamètes et le don dont vous avez rappelé la définition, madame la rapporteure, c'est-à-dire un don matériel. Même pour un don de sang, qui peut sauver une vie, le donneur ne demandera pas spontanément des informations quant à son utilisation. C'est très différent.
Jean-Louis Touraine a parlé de considération ; je parlerai d'anticipation. Contrairement à la législation actuelle, qui garantit l'anonymat total du don, le présent texte représente une double peine pour l'altruisme du donneur.
Le donneur se trouve contraint une première fois lorsqu'il se voit expliquer que son identité pourrait être révélée à la personne née de son don – première contrainte qui pourra d'ailleurs avoir une incidence, on le sait, sur le nombre de donneurs en France.
Il subit ensuite la double peine puisqu'on lui interdit d'avoir accès à une information très simple, et pour le coup non identifiante, qui consiste à savoir si son don a donné naissance à zéro, un ou dix – plus un – enfants maximum. Cela pourrait pourtant lui permettre de se préparer lui-même et de préparer sa famille – qui ne sait peut-être pas que, vingt ans auparavant, il a fait un don de gamètes – au moment où la sonnette de la maison pourrait retentir et où quelqu'un pourrait venir, non pas pour lui demander des comptes mais pour rechercher une relation à laquelle ni lui ni sa famille ne sont prêts.
Ce sont donc là des amendements de bon sens. Il ne s'agit pas de mettre divers concepts sur un plan d'égalité en termes de droits, mais de témoigner, selon le mot employé à très juste titre par M. Touraine, un minimum de considération au donneur.
Nous sommes ici sur une ligne de crête entre plusieurs de nos principes éthiques. Si on lève l'anonymat, c'est pour les enfants. Si ce n'était pour eux, on ne le ferait pas, car cette démarche remet en question le principe de gratuité du don, dans lequel on n'attend rien en retour. C'est le cas lorsqu'on donne du sang sans savoir à qui il servira : c'est un don gratuit, altruiste et sans contrepartie, dont on espère simplement qu'il permettra de sauver des vies.
Il ne faut pas ouvrir la voie à l'idée que, demain, lorsqu'on donnera ses gamètes, on pourra peut-être attendre quelque chose en retour. Or c'est le chemin que font prendre ces amendements. Nous sommes vraiment sur une ligne de crête, et c'est la question des origines biologiques qui apparaît.
Je le demande une fois encore : qu'en est-il, en termes de filiation, de l'enfant né d'un seul parent ? On voit bien qu'un donneur qui aurait souhaité avoir des enfants mais à qui la vie ne l'a pas permis pourrait, vingt ans plus tard, avoir de grandes attentes. Il faut donc pouvoir poser des garde-fous.
Je le répète : lever l'anonymat du donneur ne se justifie que par l'intérêt de l'enfant. Restons-en là. Soyons guidés par l'intérêt de l'enfant et ne remettons pas totalement en cause la gratuité du don.
Don en nature, personnes naturellement issues de ce don : voilà ce dont nous parlons. Oui, le don doit rester gratuit, altruiste et anonyme. Si chaque donneur peut avoir le bonheur de participer à ce qu'une famille aimante accueille un enfant en son sein, le fait de lui révéler que son don a permis cette transformation naturelle au sein d'une nouvelle famille aimante n'est pas une contrepartie : il ne s'agit que de donner du sens à ce don et de susciter de nouveaux donneurs.
En proposant cet amendement, je n'ai aucunement l'intention de rémunérer les dons de quelque manière que ce soit, mais je pense défendre une démarche altruiste et naturelle : chaque donneur est en droit de savoir ce qu'il est advenu de son don. Du reste, je le rappelle, les professionnels et les associations ont défendu le sens de cet amendement
Je ne suis pas certain que ce débat aille au fond de la question. Sans revenir sur les arguments employés par M. Bazin, je tiens à dire deux choses.
Tout d'abord, il n'y aura pas de contrainte ou de double peine car, dès lors que la loi sera promulguée, le donneur connaîtra les règles.
Par ailleurs, je ne sais pas comment je réagirais dans la situation d'un donneur qui voudrait savoir combien d'enfants il a contribué à concevoir et qui se verrait répondre qu'il n'y en a eu aucun, ou que ses gamètes n'ont pas été utilisés. La question se poserait en termes d'utilité et ne serait pas sans générer de la frustration : pourquoi d'autres gamètes, et pas les miens ? Cela créerait des situations compliquées, ce qui ne me semble pas correspondre à l'esprit du texte. En effet, comme l'a dit M. Bazin, c'est d'abord l'enfant qu'il faut prendre en compte, et c'est dans cette direction qu'il faut aller.
Sourires
mais je suis plutôt en désaccord avec ce qui vient d'être dit. Il me semble que notre débat découle assez naturellement de celui qui a eu lieu hier et qu'un tel questionnement est inévitable. Mais peut-être nous sommes-nous mal compris.
Les échanges auxquels nous venons d'assister ont été riches. Je tiens d'abord à souligner qu'il n'y a pas de levée de l'anonymat, …
… car celui-ci demeure entre le donneur et le receveur : il n'est question que de consacrer la possibilité d'un accès aux origines, au bénéfice de l'enfant devenu majeur.
Ont été évoqués trois points, à propos desquels je tiens à répondre. De fait, si vous avez été aussi nombreux à déposer ces amendements, c'est que la question est récurrente.
Premier argument : puisque la loi permettra désormais aux enfants devenus majeurs de solliciter des informations, il faut prévenir le donneur qu'il est susceptible d'être contacté. Mais le donneur ne recevra pas du jour au lendemain un coup de fil d'un enfant devenu majeur qui aurait demandé son numéro de téléphone ! Il y aura une commission ad hoc, instituée précisément pour jouer ce rôle de précaution, de prévenance vis-à-vis du donneur. Si un donneur a trois enfants issus d'AMP qui, devenus majeurs, sollicitent de connaître son identité, la commission l'avertira. Si donc telle est votre inquiétude, ne vous inquiétez pas : le donneur sera prévenu. Et comme l'a souligné M. Eliaou, il sera informé dès l'origine, dès le moment du don, de cette éventualité. Il n'y aura pas de surprise.
J'entends, ensuite, l'argument fondé sur la considération due au donneur et sur la notion de don et de contre-don, soulignées par M. Touraine, mais je ne suis pas certaine que le contre-don doive provenir d'une réciprocité avec l'enfant. Peut-être en effet la société doit-elle réfléchir, dans son ensemble, aux moyens de valoriser le don consenti par le donneur, accueilli par l'État puis retransmis, peut-être doit-il y avoir en la matière des distinctions et faut-il organiser le contre-don ; mais je ne pense pas qu'il faille le faire porter sur les enfants issus du don. Cette idée d'un droit réciproque ne me semble pas conforme à l'esprit du texte.
Pour ce qui est, enfin, du désir qu'aurait le donneur de connaître le nombre d'enfants qu'il a pu contribuer à procréer, évoqué notamment par Mme Battistel et M. Touraine, j'insiste : le don ne doit pas être lié au désir de recevoir quoi que ce soit en retour, surtout de la part de la tierce personne issue de ce don. Cela risquerait de dévoyer la logique du texte et il convient d'être très prudent à cet égard. Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.
La levée de l'anonymat ayant été évoquée plusieurs fois, je répète, même si certains me l'ont déjà entendu dire, qu'il n'y a aucune levée de l'anonymat et que le code de la santé publique ne sera pas modifié sur ce point. Il dispose, en son article L. 1211-5, que « Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. » Cela restera en l'état.
L'article 3 que nous examinons porte sur l'accès aux origines des enfants majeurs issus du don : même si de nombreux orateurs ont employé le terme de « levée de l'anonymat » et si le CCNE – Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé – a remis en cause l'anonymat du don dans son rapport, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Le droit en vigueur n'est pas modifié sur ce point, et l'objet de l'article 3 est tout autre. Je tenais à le rappeler pour nous assurer que nous sommes bien en phase.
Je répète qu'il n'est question dans ces amendements que d'indiquer le nombre d'enfants nés, sans donner, bien entendu, aucune identité. L'anonymat reste donc parfaitement préservé. Ce n'est que plus tard, après ses 18 ans, que l'enfant pourra, s'il le souhaite, entrer en contact avec le donneur.
S'agissant du principe du don, je partage l'idée que le don de gamètes n'est pas comparable aux autres. Toutefois il faut savoir que, dans le cadre des principes généraux du don en France, qui est notamment anonyme et gratuit, lorsqu'il y a don d'organes, lorsqu'une famille consent à ce que des organes soient prélevés après un décès, elle est informée du devenir de ces organes et de l'état de santé du receveur. C'est beaucoup plus que ce que demandent nos amendements : la famille reçoit des informations médicales précises sur l'état de santé du receveur dans les semaines qui suivent l'intervention.
De même, lorsqu'il y a don de moelle osseuse, dans des cas de leucémie par exemple, domaine que connaît très bien Mme la ministre, le donneur est évidemment informé car, sans connaître l'identité du malade, il sait pour quel type de malade il a été sollicité. Les donneurs potentiels sont inscrits sur des fichiers recensant des centaines de milliers de noms à travers le monde, et on vient un jour les chercher parce qu'un malade a besoin de leurs cellules de moelle osseuse.
De la même manière, dans le cas de certains dons de produits sanguins que je ne détaillerai pas davantage car nous ne serions qu'un tout petit nombre ici à pouvoir en débattre, certaines conditions très particulières d'appariement entre le donneur et le receveur doivent être remplies : on indique alors au donneur où, quand et comment sera utilisé le don qu'il a fait.
C'est là une règle générale du système qui prévaut dans notre pays, marqué pourtant par la sacralisation de la gratuité et de l'anonymat, que de reconnaître que le donneur a besoin de recevoir un minimum d'informations, différentes selon les cas, les organes ou les cellules concernés. Or ce qui est demandé ici est le minimum : il ne s'agit que du nombre d'enfants conçus.
Madame la ministre, je ne peux pas vous laisser dire que nous n'aurions pas compris ce qu'il en est de la « levée de l'anonymat ». Nous avons bien compris le contenu de ce texte et, même si nous n'avons peut-être pas trouvé le mot juste pour désigner cette situation, toujours est-il que le fait de révéler, à un moment ou un autre, l'identité du donneur à l'enfant lorsque celui-ci le demandera correspond tout de même à une levée de l'anonymat, au moins entre ces deux personnes, le donneur et receveur. Que cela soit dit.
Cela ne remet pas en cause le fait que, dans son équilibre général, le texte maintient bien l'anonymat du donneur ; mais il y aura bel et bien, à des moments particuliers, une potentialité de levée de l'anonymat puisque l'article 3 permet à l'enfant, devenu grand, de demander à recevoir des informations ou à rencontrer le donneur. L'objectif de ces amendements est de permettre au donneur de savoir si son don a contribué à la naissance d'enfants.
Je voudrais apporter une précision, puisque, monsieur le président, vous n'aviez pas vu que je levais la main avant le vote. Madame Battistel, vous m'avez interpellée sur un sujet qui revient souvent dans les débats, donc je vous réponds.
En droit français, le principe de l'anonymat du don s'établit entre le donneur et le receveur. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur, comme l'énonce l'article 16-8 du code civil. C'est cela, le principe de l'anonymat du don, et il n'est pas modifié : le donneur et le receveur restent toujours anonymes. Si l'enfant a accès à des informations à sa majorité, c'est parce que lui-même n'est pas receveur mais issu du don.
À mon sens, permettre au donneur d'avoir accès à des informations est une erreur. J'espère qu'elle sera corrigée ultérieurement, car c'est de nature à porter atteinte au principe d'anonymat du don. Lui-même n'est pas censé obtenir des informations.
Il s'agit de donner la possibilité à une personne conçue par don d'indiquer à la commission prévue à cet effet qu'elle souhaite que son identité soit communiquée aux personnes nées grâce au même géniteur. Il ne s'agit pas du tout de reconstituer des fratries ni d'organiser de quelconques mises en relation, mais, et c'est très différent, de faire en sorte qu'une personne puisse signaler à la commission qu'elle souhaite que son identité soit transmise à d'autres.
Lors d'une discussion sur ce thème il y a quelques instants, il a été dit que les CECOS étaient là pour répondre à ces questions. Mais seulement après les 18 ans de l'enfant, âge à partir duquel il pourra les contacter pour obtenir des informations sur son géniteur ! Or un adolescent peut, un peu avant 18 ans, être tenté par des aventures amoureuses et se poser des questions sur une potentielle consanguinité avec ses partenaires. Il est donc très important qu'il puisse, avant même ses 18 ans, informer la commission qu'il souhaite que les personnes qui le désirent puissent savoir qu'elles ont le même géniteur que lui. Ce partage d'informations éviterait des situations embarrassantes. Mais encore une fois, cela s'adresse uniquement aux personnes qui le souhaitent, ce n'est pas imposé.
Monsieur Touraine, je connais votre combat total, presque radical, sur cette question que vous abordez dans toutes ses dimensions, ce que je trouve très honorable. Mais cela ne correspond au choix fait dans ce texte, qui est bien de consacrer le droit, pour les enfants devenus majeurs, d'accéder à une partie des informations sur leur ascendance génétique – les aïeux – mais pas sur les « demi-génétiques », terme que je préfère à l'expression « demi-frère ou demi-soeur génétique », susceptible d'entraîner une confusion. Ce texte n'a pas vocation à recréer des pseudo-familles génétiques. Il faut être très prudent sur cette question.
Il ne revient pas à l'État d'organiser une mise en relation, une mise en connaissance. Que cela arrive dans la vie quotidienne, par d'autres biais, cela ne me gêne pas – je crois que de telles rencontres se sont déjà produites et se sont bien passées, tant mieux. Mais que nous, législateur, instaurions une obligation positive de les organiser, à la charge de l'État, cela ne me semble pas raisonnable.
Tel n'est pas l'objectif poursuivi par une PMA. Lorsqu'on entre dans une démarche d'AMP, on a un projet parental, on veut faire venir un enfant au monde, le faire grandir, lui donner de l'autonomie et des bases solides afin qu'il devienne un adulte responsable qui fait ses choix.
Devenu majeur, cet adulte responsable qui fait ses choix pourra, s'il a besoin pour se construire d'informations sur son ascendance génétique, poser des questions. Mais il ne faut pas confier à l'État l'obligation de mettre en relation un individu avec des personnes qui ne font pas partie de l'histoire de sa venue au monde. Le récit des origines, ce n'est pas le récit des parallélismes. L'article 3 porte sur le droit d'accès aux origines, or les demi-génétiques ne font pas partie du récit des origines. Il faut faire attention à ne pas se perdre dans ce débat, au risque de se tromper. L'étape fondamentale que nous franchissons collectivement, ici, en 2019 et dont nous serons fiers consiste à consacrer le droit d'accès à des informations relatives à ses origines personnelles. Il ne faut pas s'en écarter. Avis défavorable.
J'entends depuis les débats en commission des citations réitérées d'articles du code. Ce sont des arguments juridiques, vous pouvez le concéder. Moi, je vous parle du réel. Bien sûr, vous pouvez faire la démonstration que formellement, sur le plan du droit, vous n'avez pas levé l'anonymat. Cela étant dit, lorsque vous révélez l'identité d'un donneur à l'enfant concerné, l'anonymat me semble d'une certaine façon levé ! On pourrait en discuter encore pendant des heures, constatons simplement notre désaccord sur ce point. Reste que la décision prise dans l'article 3 est très claire, et que vous l'assumez : ne nous y trompons pas, nous parlons donc bien de la même chose.
La présente discussion autour de l'amendement de M. Touraine découle de la décision prise hier et de ce qui figure dans cet article 3. Je n'étais pas favorable à cette disposition, vous le savez, et je ne le suis pas non plus à celle-ci. Elles concourent à institutionnaliser un nouveau type de relation entre le donneur, sa famille et les enfants issus du don, ce qui nous conduit sur un terrain de nature à susciter des interrogations – que j'ai essayé de soulever hier, sans doute maladroitement.
Pour établir une distinction, vous avez employé le mot « demi-génétique », que je peux éventuellement reprendre à mon compte. En tout état de cause, les relations entre ces individus ne relevant pas de la fratrie, leur lien ne peut pas être de nature incestueuse. Des problèmes d'ordre génétique peuvent se poser, mais c'est autre chose. Bref, il me semble qu'en s'enferrant dans cette direction, on ne ferait qu'ajouter des problèmes. Mais ces questionnements résultent directement des orientations prises par le texte et ne s'éteindront pas une fois la loi votée.
Il faut être clair quant aux intentions de ce projet de loi. Celui-ci permet de donner à des femmes seules ou à des couples de femmes l'accès à la technique médicale de la PMA. Il permet aussi aux enfants nés d'une PMA, au sein de couples hétérosexuels, homosexuels ou de familles monoparentales, d'avoir accès à leurs origines.
Ce projet de loi ne vise en aucun cas à créer des fratries qui seraient factices. Ce n'est pas parce que deux personnes sont issues du même donneur qu'elles créeront ensemble une famille, qu'elle deviendront frères ou soeurs. Cela reviendrait à s'opposer à la manière dont, grâce à ce projet de loi, on consacre le projet parental d'une femme seule, d'un couple de femmes ou d'un couple hétérosexuel, qui ont besoin d'avoir accès à une technique médicale pour constituer leur famille. J'invite donc à une grande prudence concernant ce type d'amendement.
Il ne s'agit pas de donner un droit à une relation entre l'enfant né du don et le donneur, ni à une relation entre les enfants nés d'un même donneur – qui ne font pas famille. Les seules familles qui existeront si ce projet de loi est adopté, ce sont bien celles dont les parents ont choisi d'avoir recours à la PMA pour avoir un enfant. Avec ces amendements, on donne l'impression d'ouvrir un droit à la relation et de créer de nouvelles fratries, ce qui n'est vraiment pas l'objectif de ce projet de loi. Pour ces raisons, je ne voterai pas en faveur de ces amendements.
Je trouves ces amendements assez graves. Nous avons souhaité consacrer un nouveau droit individuel pour des enfants qui, aujourd'hui, ont un blanc dans leur récit et sont en demande d'information. Toutes les auditions que j'ai faites avec des enfants nés du don me conduisent à penser qu'une fois ce droit ouvert, tous ne l'activeront pas. Ce qui compte, c'est de savoir qu'on peut le faire. Parmi ceux qui l'activeront, beaucoup se limiteront peut-être aux données non identifiantes parce qu'en réalité, ils n'ont pas besoin d'en savoir plus.
Je reviens sur une idée évoquée tout à l'heure : le fantasme qu'un enfant viendrait frapper à la porte d'un donneur potentiel. Je rappelle d'abord qu'une commission accompagne les demandes, composée de psychologues, de magistrats. En aucun cas, un enfant ne frappera à la porte de qui que ce soit !
Mais ce qui est encore pire avec ces amendements, c'est qu'en les adoptant on ne consacrerait pas seulement ce droit individuel : on forcerait tous les enfants qui ne veulent pas savoir, parce qu'ils s'en fichent, parce qu'ils sont remarquablement bien construits, parce qu'ils considèrent que la façon dont ils ont été élevés par leurs parents les a rendus suffisamment solides, à être informés de l'existence d'autres enfants nés grâce au même donneur, voire à être mis en contact avec eux. L'effraction est énorme ! Ces enfants n'ont rien demandé. Ils sont issus d'un don, et pourraient se retrouver mis en relation avec d'autres enfants qui, eux, ressentent je ne sais quel besoin de reconstruction à l'intérieur de leur récit personnel. Ce serait aller beaucoup trop loin dans la loi, et je suis fondamentalement défavorable à ces amendements.
Madame la ministre, permettez-moi d'intervenir dans le débat, déjà bien ouvert, sur l'accès aux origines. Je demande aussi la bienveillance de mes collègues députés. Je veux porter la voix d'enfants qu'on n'a pas entendus jusqu'à présent.
Je me félicite, comme la plupart d'entre vous, du fait que ce texte permette des avancées majeures en matière d'accès aux origines des enfants issus d'une PMA. Je comprends qu'il ne puisse englober tous les sujets, mais néanmoins permettez-moi de porter la voix des enfants nés sous X, au nom du même principe que celui que vous avez décrit : l'idée que la connaissance de ses origines est essentielle à la construction de l'individu.
N'ayant pas eu la possibilité de défendre mes amendements, puisqu'ils ont été rejetés, je me permets d'intervenir à ce moment du débat parce que la demande des enfants nés sous X est tout aussi légitime. L'accouchement sous X est un système archaïque, qui n'existe plus en Europe que dans la France et le Luxembourg.
S'il faut bien entendu toujours préserver l'intérêt de la femme qui vient accoucher, souvent dans des conditions très difficiles, je vous demande, madame la ministre, au nom du même principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, si le Gouvernement compte ouvrir le débat relatif à la levée de l'anonymat en cas d'accouchement dans le secret, en préservant les droits de la femme qui accouche mais en garantissant l'intérêt supérieur de l'enfant qui naît. Il s'agit de l'accès aux origines valable pour tous les enfants.
Il y a beaucoup de choses, dans cet amendement ! Je sais, madame Pouzyreff, que l'accouchement dans le secret, le sort des enfants qui en sont issus et l'adoption sont des sujets importants, éminemment sensibles pour vous et probablement pour d'autres collègues dans l'hémicycle, voire pour ceux qui assistent au débat depuis les galeries ou à l'extérieur.
Mais ces sujets ne doivent surtout pas être confondus avec la situation des enfants conçus par insémination avec donneur ou des parents qui font une démarche d'AMP. Il n'y a de parallélisme, ni dans les conditions de venue au monde, ni dans les conditions de parentalité, ni dans les questions que peuvent se poser ces enfants. Le seul point commun, c'est la question de l'accès aux origines.
Le Conseil constitutionnel a déjà statué sur l'intérêt vital que peut présenter, pour un enfant né d'un accouchement dans le secret, la possibilité d'avoir accès à une partie de ses origines. Le Conseil national d'accès aux origines personnelles – CNAOP – répond à leurs demandes toutes les fois où cela est possible, sans enfreindre pour autant le droit au respect de la vie privée, ni le droit au secret de la mère qui a choisi d'accoucher dans le secret.
La France a ainsi trouvé, en la matière, un équilibre assez exemplaire. Une mission d'information sur ce sujet est conduite par Mme la députée Monique Limon, qui est ici. J'espère que vous travaillez déjà de concert. Je pense que cette mission d'information aboutira à des propositions, et que la préparation de son rapport vous permettra de de défendre vos causes.
La question qui nous préoccupe aujourd'hui est distincte : c'est celle de la consécration d'un droit d'accès aux origines personnelles pour un enfant issu d'IAD. Il s'agit vraiment d'un récit génétique, non de celui des circonstances de vie qui ont amené à un choix. Ce n'est pas la même chose.
Dans le cadre de ce récit génétique, la ministre l'a dit et je le répète, on consacre le droit à une information sur l'ascendance génétique, non sur des frères et soeurs supposés génétiques, dits demi-génétiques. Vous voyez, d'ailleurs, que la confusion de terminologies que cela entraîne n'est pas bonne : c'est le signe que nous ne sommes pas mûrs sur le sujet et qu'il faut être prudents.
J'invite donc de nouveau mes collègues à retirer leurs amendements, qui ne sont pas ici à leur place. Peut-être ces sujets pourront-ils être discutés dans l'avenir, mais nous sommes ici sur le point de franchir une étape importante, celle de la consécration d'un droit, et il serait délétère, voire dangereux, de brouiller les messages autour de ce droit. Restons-en au droit d'accès aux origines personnelles vis-à-vis de son ascendant génétique, point barre.
Il est important que nous levions tout quiproquo et toute ambiguïté. Nous souhaitons tous ici, Gouvernement et députés réunis, que rien ne soit imposé à aucun de ces enfants, et que toutes leurs libertés soient absolument respectées. Nous souhaitons tous ne pas favoriser la création de pseudo-fratries ou de pseudo-familles. C'est très éloigné de nos orientations. Là-dessus, nous sommes tous solidaires.
Simplement, nous avons observé que les démarches entreprises par ces enfants nés d'un tiers donneur – demandes de tests génétiques, puis analyses de généalogie afin de retrouver leurs géniteurs – avaient pour cause première le fait qu'ils avaient rencontré une compagne, une jeune fille elle-même née d'un tiers donneur, dans la même ville, et qu'ils voulaient s'assurer qu'ils n'étaient pas consanguins.
Nous sommes tous d'accord pour vouloir décourager ces recherches artisanales – sauvages, pour ainsi dire – d'éléments génétiques. Il vaudra beaucoup mieux que, demain, la commission dédiée puisse répondre à ces enfants. Nous proposons simplement que les enfants qui le souhaitent puissent autoriser la commission à communiquer à d'autres enfants nés du don, s'ils le désirent, leur origine et l'identité de leurs géniteurs, évitant ainsi la consanguinité.
L'objectif, nous le partageons tous : éviter la consanguinité. Le moyen, nous le partageons tous aussi : le faire sans créer de pseudo-familles ou de pseudo-fratries, en laissant simplement ceux qui le désirent obtenir une information.
Je voudrais répondre à Jean-Louis Touraine. Si c'est la recherche de consanguinité qui motive cet amendement, je rappelle qu'elle est déjà non seulement possible, mais souhaitable, et que les CECOS sont tenus de transmettre les informations pertinentes : il est évident que des enfants nés d'un don et qui seraient susceptibles de se marier ou de faire des enfants ensemble sont fondés à demander au CECOS dépositaire des gamètes dont ils sont issus si l'autre personne avec qui ils sont en couple est issue du même don. Les CECOS doivent obligatoirement leur répondre.
Je le répète donc pour tous ceux qui m'entendent dans les associations d'enfants nés du don : aujourd'hui, la loi non seulement permet mais oblige les CECOS à répondre aux recherches de consanguinité. Nous souhaitons évidemment éviter toute consanguinité et la loi le prévoit déjà. Il n'y a aucun doute. Le registre qui sera créé pour les futurs donneurs et enfants issus du don facilitera encore cette démarche : ce sera un registre unique, au sein de l'Agence de la biomédecine.
Bref, si vous voulez simplement permettre aux couples de vérifier qu'ils ne sont pas consanguins, c'est déjà parfaitement fait par la loi. Il n'y a pas lieu de permettre la mise en relation, ou l'information sur d'autres enfants nés du don. Chaque situation individuelle permet d'interroger les CECOS.
Quant à l'accouchement sous X, il est vrai qu'on pourrait imaginer une analogie du point de vue de la construction des enfants. La loi sur l'accouchement sous X a cherché un équilibre qui visait notamment à éviter l'abandon d'enfants devant les maternités, voire le risque d'infanticide. C'est pour préserver l'intérêt supérieur de l'enfant à la vie qu'elle a été pensée de cette façon : pour répondre à la volonté des mères qui accouchent sous X de ne pas être recontactées. La situation, même si elle peut paraître analogue, avait donc des ressorts initiaux tout à fait différents. Nous ne souhaitons pas revenir sur cette disposition et prendre de nouveau un risque d'abandon d'enfants sur les marches d'une maternité ou, pire encore, comme on l'a malheureusement vu parfois, dans des poubelles.
Je veux moi aussi réagir sur cette question de l'accouchement sous X. On peut naturellement être sensible aux demandes et aux interrogations des enfants concernés, mais il faut garantir aux femmes qui le souhaitent le droit à l'accouchement sous X, d'autant que, comme Mme la ministre vient de le dire, c'est aussi une manière de protéger l'intérêt des enfants.
Je souligne par ailleurs que lorsqu'une femme décide d'accoucher sous ce régime, aucune pièce d'identité ne lui est demandée, aucune enquête ne peut être menée. On lui donne le choix, si elle le désire, de laisser certaines informations pour l'enfant. Des dispositions ont donc été prises pour encadrer ces cas de figure, dont on sait qu'ils résultent bien souvent de souffrances profondes. Il faut donc respecter ce droit et ne pas le mettre en cause.
Même si je ne l'ai pas dit explicitement hier, je craignais que l'institution d'un droit d'accès aux origines nous conduise à remettre en cause l'accouchement sous X. Notre position est, au contraire, qu'il faut préserver cette possibilité pour les femmes. Cela faisait partie de nos réserves sur le présent débat. Je ne veux pas alimenter un débat récurrent sur le sujet, mais nous pouvons mesurer, au fil de notre discussion, l'ampleur des questions ouvertes par les arguments que nous employons et par les décisions que nous prenons.
Je serai brève, puisque Mme la ministre a répondu à Mme Pouzyreff. Au vu des demandes exprimées par les enfants devenus adultes, voire par ces mères que l'on appelle les mères de l'ombre, la mission d'information sur l'adoption réfléchit, avec le CNAOP, à l'amélioration de l'accompagnement des enfants et des parents dans leur recherche des origines. Mais cela ne donnera évidemment lieu à aucune intrusion ni à aucune systématisation de cette recherche. Elle sera toujours conduite au cas par cas, en fonction de l'enfant devenu adulte et de la mère qui a accouché.
Mme Catherine Fabre applaudit.
L'amendement no 2133 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1056 .
Il vise à aller plus loin dans l'accès aux origines. Je souhaite en effet créer une exception aux règles d'accès aux données non identifiantes pour les jeunes de moins de 18 ans, sous condition.
Les adolescents peuvent en effet ressentir un besoin très fort d'accéder à ces données non identifiantes pour se construire. Cet amendement leur permettrait d'avoir accès à ces données non identifiantes, sous réserve de l'accord écrit de leurs parents, qui serait transmis à la commission.
L'amendement vise aussi à éviter toute rupture d'égalité dans l'accès aux origines, puisqu'une mesure identique est inscrite dans le droit actuel concernant la recherche des origines après un accouchement sous X.
Je comprends votre question, madame Brunet, nous nous l'étions posée collectivement en commission. Au début, j'étais même tentée de fixer l'âge limite à 16 ans, compte tenu des situations qui nous avaient été présentées.
À la réflexion, il paraît bon de fixer un même âge pour tout le monde, dans un souci d'équité. Dix-huit ans, c'est la majorité, un âge où l'on est censé s'être construit et être capable de recevoir certaines informations et de prendre des décisions pour soi-même, de façon émancipée. C'est tout l'objectif de la majorité.
D'autre part, si la possibilité de déroger à la limite d'âge pour accéder aux données non identifiantes ou identifiantes devait être soumise à l'accord des parents, cela se ferait sans doute intelligemment dans de nombreux cas, mais on ne peut exclure qu'un parent instrumentalise son enfant et autorise la dérogation pour un motif malsain, pour satisfaire une curiosité personnelle par exemple.
Pour les différentes raisons que je viens d'énoncer, l'absence de mécanisme de contrôle et de vérification, le besoin d'harmonisation de l'âge requis et la nécessité de s'assurer que l'enfant est seul décisionnaire – et dépositaire – je vous demande de retirer l'amendement. À défaut, j'y serai défavorable.
L'amendement no 1056 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
Mes chers collègues, nous en sommes à la moitié de la séance : je vous propose une pause. La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l'amendement no 1042 .
Cet amendement vise à préciser que la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur, qui sera placée auprès du ministre chargé de la santé, devra être indépendante.
Je dois reconnaître, monsieur Minot, que je ne vois pas l'utilité d'apposer le qualificatif « indépendante » à cette commission, celle-ci étant placée auprès du ministre de la santé, tandis que sa composition assure, sinon son indépendance, du moins une impartialité indispensable au bon examen des demandes formulées par les enfants. Les missions de cette commission étant clairement établies, l'équilibre me paraît assuré : aussi, je vous propose de retirer votre amendement.
Nous avons choisi, monsieur le député, de placer cette commission auprès du ministre en charge de la santé. N'ayant pas de décision à prendre autre que d'évaluer la recevabilité des demandes, selon des critères administratifs objectifs, la commission n'a en effet pas lieu d'être une autorité indépendante. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut avis défavorable.
Au vu des arguments présentés par Mme la rapporteure et Mme la ministre, je retire cet amendement.
L'amendement no 1042 est retiré.
L'amendement no 2304 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à redéfinir publiquement les missions de cette commission. Ainsi, elle ne peut « faire droit » aux demandes d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur, mais peut en revanche « statuer sur » ces dernières.
Votre amendement, monsieur Fuchs, me surprend, car lors des longs débats consacrés à ce sujet en commission, les demandes visaient au contraire à clarifier les missions de la commission de manière à bien « faire droit », comme le dispose l'alinéa 23 de l'article 3, aux demandes des enfants qui seront émises dans dix-huit ou vingt ans, selon le délai de mise en place de la commission. Il me paraît ainsi très important de conserver en l'état cette rédaction, élaborée de concert avec le Gouvernement. Aussi je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Comme je l'ai dit pour l'amendement précédent, la commission aura à rendre ses décisions selon des critères objectifs, aussi l'actuelle rédaction de l'alinéa 23 de l'article 3 me paraît-elle plus appropriée que celle que vous proposez. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
L'amendement no 2004 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, pour soutenir l'amendement no 2091 .
L'amendement no 2091 est retiré.
L'amendement no 1718 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement no 2449 .
Je reprends, madame la ministre, une discussion commencée en commission. Nous avons clarifié les missions de la commission ad hoc qui doit faire droit aux demandes d'accès aux données non identifiantes ou identifiantes du donneur en consultant l'Agence de la biomédecine.
Cette commission sera notamment chargée « de recueillir et d'enregistrer l'accord des tiers donneurs qui n'étaient pas soumis aux dispositions » que nous nous apprêtons à instaurer « au moment de leur don pour autoriser l'accès à leurs données non identifiantes et à leur identité ainsi que la transmission de ces données à l'Agence de la biomédecine ». Au travers de mon amendement, je propose de préciser que ce recueil et cet enregistrement peuvent avoir lieu à la demande d'une personne née d'une insémination avec donneur avant l'adoption de ce projet de loi.
À l'avenir, les règles seront claires : les donneurs seront informés au moment de leur don, les parents seront informés au moment de l'AMP, tandis que les enfants auront tous la possibilité d'interroger l'Agence de la biomédecine à partir de leur majorité et, s'ils le souhaitent, d'obtenir l'accès aux données non identifiantes ou identifiantes du donneur. Or, et il s'agit d'une question délicate, les enfants conçus par une IAD et aujourd'hui majeurs – certains ont mon âge ou l'âge moyen des membres de cette assemblée – ne pourront bénéficier de ce droit nouveau alors même qu'ils éprouvent les mêmes besoins, notamment de récit identitaire.
Je me souviens et respecte infiniment le voeu, que vous exprimiez en commission, de ne pas faire effraction dans l'intimité du donneur auquel s'appliquaient les règles des précédents régimes – car il y en eut plusieurs : nous avons en effet connu plusieurs étapes, l'année 1994 constituant un tournant dans la mesure où le principe d'anonymat du don vis-à-vis de l'enfant a été formellement consacré par le législateur. Les règles s'appliquant aux enfants nés avant 1994 étant imprécises, il paraît encore plus délicat de n'apporter aucune réponse à leurs interrogations.
Le respect de l'intimité du donneur, voeu on ne peut plus raisonnable et louable, peut être assuré en ne le contactant qu'à la demande d'un enfant né d'une IAD, en excluant de procéder par courrier comme certains le proposaient, car celui-ci pourrait être intercepté par un tiers, et en évitant également de rendre automatique le rappel des anciens donneurs. Nous pourrions en revanche reprendre le fonctionnement du Conseil national d'accès aux origines personnelles, qui permet, dans des conditions nettement plus douloureuses, de détresse, de solliciter, discrètement et dans le respect de l'intimité de la vie privée, la mère ayant accouché anonymement, afin que cette dernière puisse, si elle le souhaite, révéler certaines informations à l'enfant qui en a fait la demande.
Si nous avons été capables de le faire pour des femmes ayant accouché dans le secret et donc dans de terribles conditions, il doit en aller de même s'agissant des donneurs, qui n'ont pas agi dans des situations de détresse, et tout en respectant leur choix : qu'il soit bien clair qu'ils auront la possibilité de refuser de communiquer leurs informations personnelles. De cette manière, il nous serait possible, même en cas de refus du donneur, de dire qu'on a essayé, d'apporter une réponse aux enfants déjà majeurs issus d'une IAD, lesquels ont peut-être eux-mêmes des enfants porteurs des mêmes interrogations. Ouvrons cette faculté de répondre aux demandes d'enfants nés au cours des quarante dernières années.
Mme Agnès Thill applaudit
Votre amendement, madame la rapporteure, vise à répondre au souhait légitime d'accès aux origines que manifestent certains enfants nés du don sous l'ancien régime, puisque la législation actuelle ne consacre pas le droit d'accès aux informations.
Les discussions ont montré qu'il était compliqué de recontacter systématiquement les donneurs antérieurs. La loi n'étant pas rétroactive, nous nous placerions en porte-à-faux avec le contrat moral passé avec ceux qui ont donné leurs gamètes sous un régime spécifique de non-consentement pour l'accès aux origines.
Vous contournez cette difficulté en proposant d'agir au cas par cas. Lors d'une demande spécifique, formulée par un enfant issu d'un don auprès de la commission d'accès aux données, celle-ci contacterait le CECOS, qui à son tour se mettrait directement en relation avec le donneur pour lui demander son accord.
Plus de 30 000 enfants sont nés de dons depuis les années 1990. J'essaye de connaître le chiffre exact ; il se situe entre 30 000 et 50 000 enfants. Sommes-nous capables de prendre ces demandes en considération ? Vous évoquez des cas individuels, mais si la totalité des enfants concernés, ou la moitié seulement, entament une telle démarche, il sera difficile de faire face ; or les demandes ne peuvent être traitées différemment.
L'amendement contourne la règle de non-rétroactivité de la loi ; j'émets un avis défavorable, car je ne vois pas comment nous pourrions fixer une limite à quelques cas ou quelques milliers de cas : nous pourrions faire face à des dizaines de milliers de demandes.
Peut-être mes explications n'étaient-elles pas claires. Vous avez raison, la limite sera matérielle ; lorsqu'il ne sera pas possible de répondre, ce ne sera pas fait. Je ne suis pas certaine que tous les enfants issus d'une IAD souhaitent spontanément accéder à des informations sur leurs origines. Cependant, le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme ont affirmé qu'une telle démarche relevait d'un intérêt vital ; la France risque d'être condamnée dans des affaires pendantes sur le sujet, précisément parce qu'elle n'offre pas à ces enfants le niveau minimum d'information qui est celui du CNAOP.
Je ne conçois pas de dire à plusieurs générations qu'elles sont sacrifiées parce que le législateur précédent n'y a pas pensé.
Les lois ne peuvent être rétroactives car leur changement permanent menacerait la stabilité de l'État de droit. Toutefois, il est admis de revenir en arrière pour un motif impérieux d'intérêt général. Je ne cherche pas à contourner le régime antérieur, mais l'automaticité. Vous avez raison, entamer une recherche systématique d'identité n'est pas souhaitable et mettrait les CECOS en difficulté.
Ce sera à vous d'apprécier si les donneurs doivent être contactés par les CECOS ou par la commission, cette dernière paraissant plus indiquée. Les enfants issus de dons aujourd'hui majeurs sont en mesure d'entendre que les réponses ne seront ni garanties, ni données immédiatement. Toutefois, l'État peut faire en sorte de répondre aussi souvent que possible, en prenant les demandes en considération à mesure de leur dépôt, c'est-à-dire en faisant « de la dentelle ». Un tel compromis apporterait une réponse et éviterait des générations sacrifiées.
Sur l'amendement no 2249 , je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
La véritable limite n'est pas matérielle : elle est posée par l'engagement pris auprès des donneurs qu'ils ne seraient pas recontactés, qu'en aucun cas leur don n'impliquait de devoir renouer un contact avec des médecins ou un CECOS, ni a fortiori avec des enfants nés du don.
En revanche, nous avons voulu que la demande puisse recevoir une réponse. Nous avons choisi non de partir de la demande des enfants, mais d'organiser une vaste campagne d'information à l'attention du grand public, pour proposer à tous ceux qui ont fait des dons dans les CECOS avant la présente loi de se faire connaître, s'ils sont d'accord, afin de permettre un accès aux origines.
J'ai été amenée à participer à plusieurs émissions radiophoniques : les donneurs se manifestent ! Beaucoup appellent ces émissions pour affirmer leur soutien à la loi et donner leur accord à la transmission des données. Ils pourront contacter la commission et se faire connaître auprès de l'Agence de la biomédecine, de sorte que les enfants qui le souhaitent puissent les interroger.
Objectivement, compte tenu de l'engagement que nous avions pris auprès des donneurs, il ne nous paraît pas justifié de procéder dans l'autre sens, c'est-à-dire en les recontactant individuellement pour faire suite à des demandes individuelles de recherches. La loi est l'occasion de parler de la possibilité pour les donneurs de se déclarer auprès de la commission ; faites-le savoir lorsque vous donnez des interviews sur le texte.
Je suis très favorable à cet amendement. J'en avais déposé un identique qui a été retoqué sur le fondement de l'article 40.
L'État a une responsabilité vis-à-vis des enfants nés avant ce texte. Nous ne pouvons pas continuer à les renvoyer vers des plateformes américaines pour retrouver leur donneur, en ignorant les souffrances de certains.
L'amendement prend pour point de départ la demande spécifique d'une personne majeure, motivée par un besoin impératif, qui souhaite que l'on contacte son donneur pour lui demander s'il consent à transmettre ses données non identifiantes ou son identité. Le donneur est donc respecté. Il n'est d'ailleurs pas dans une situation comparable à celle d'une femme ayant accouché sous X.
Celle-ci ne voulait pas, au moment de la naissance, entendre parler de l'enfant. Le donneur a fait don par générosité : a priori, il est plutôt à l'écoute de l'enfant. De plus, on lui demande son avis.
Il n'est pas possible de répondre par un argument matériel aux enfants conçus avant ce texte. Il faut être à leur écoute, d'autant que s'ils ne parviennent pas à avoir accès aux informations sur leur donneur, ils recourront à des plateformes américaines.
Je suis très favorable à l'amendement, dans lequel la demande émane d'une personne majeure que l'Agence de la biomédecine doit aider à obtenir le consentement du donneur.
Le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé permet au donneur de l'ancienne législation d'accepter que son identité ou ses données non identifiantes soient communiquées si l'enfant issu du don le demande à l'Agence de la biomédecine.
L'amendement tel qu'il est rédigé ne crée pas littéralement une obligation pour le donneur de consentir à la levée de son anonymat, mais elle le soumet à une pression en le sollicitant. C'est un renversement total de l'esprit dans lequel est rédigé le texte, en cohérence avec les discussions en commission spéciale.
La loi ne peut pas être rétroactive. Ce serait rompre le contrat moral passé entre le donneur et la société, qui stipulait l'anonymat total.
Vous ne pouvez pas arguer que le législateur précédent avait « oublié » le droit des enfants à connaître leurs origines : il l'avait refusé, après des débats qui ont été tranchés en ce sens.
Ouvrir ce droit pour des enfants à naître de dons futurs, y compris après des discussions qui ont soulevé des difficultés notables, est une chose ; mais revenir sur l'état antérieur du droit n'est pas souhaitable et serait même dangereux.
Je partage la volonté de Mme la rapporteure de permettre l'accès aux origines pour les enfants nés antérieurement à ce texte. Néanmoins, je ne voterai pas l'amendement car un contrat moral a été passé entre l'État et le donneur et il garantit son anonymat.
Si j'imagine la vie quotidienne d'un donneur, je vois mal comment il pourrait ne pas se sentir chamboulé de recevoir une nouvelle sollicitation alors qu'au moment de son don, par exemple il y a une dizaine d'années, on lui a garanti qu'il ne serait pas recontacté.
Il faut inciter les donneurs à se faire connaître et à donner accès à des informations, dans la mesure où ils le souhaitent. Mais les contacter directement serait trop intrusif.
Je soutiens l'amendement. J'en avais déposé un presque identique, mais qui a été retoqué. Je n'ai pas l'impression ce faisant de casser le contrat moral passé avec les donneurs. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, n'importe comment. Ils ne seront évidemment pas contactés directement par les enfants, mais par la commission ou d'autres personnes, en tous les cas des professionnels du dialogue ; de plus, ils pourront ne pas donner suite.
Les donneurs que j'ai rencontrés affirment souvent qu'ils sont prêts à dire un peu d'eux à ces enfants devenus adultes.
Si les démarches sont effectuées posément, correctement et professionnellement, on ne casse pas le contrat moral ; au regard de l'intérêt de ces enfants devenus adultes pour qui l'accès aux origines est parfois tellement important, je ne vois pas comment on pourrait le leur refuser.
Nous avons bien compris, madame la rapporteure, le sens de votre amendement et votre souci républicain d'assurer un traitement équitable, que nous partageons tous.
Pour autant, il était inscrit dans la loi que le don de gamètes s'effectuait sous le sceau de l'anonymat. Les donneurs auront demain la possibilité de se faire connaître, sur leur initiative ; il ne serait ni judicieux ni sage de leur appliquer la règle que ce texte institue. Oui, il en résulte une situation d'inégalité, mais c'est ainsi. Le groupe Libertés et territoires ne votera pas l'amendement.
À titre personnel, je voterai l'amendement, car nous ne devons pas figer les choses en nous cantonnant à des possibilités dont nous ne savons pas comment elles se développeront. Conservons les dispositions du contrat de base, mais permettons aussi qu'elles évoluent, comme le fait toute chose. Puisque la vie est une adaptation permanente, nous devons prévoir une ouverture. C'est ce à quoi tend l'amendement.
L'alinéa 26 permet déjà à d'anciens donneurs qui le souhaiteraient de contacter la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur pour accepter la levée de l'anonymat, afin qu'un l'enfant né de leur don puisse accéder à ses origines. L'ouverture existe donc. Elle est consacrée par le texte : un ancien donneur peut contacter la commission et accepter que l'enfant ait accès aux données identifiantes et non identifiantes.
Distinguons cependant la démarche volontaire du donneur – avec lequel on a effectivement passé un contrat moral – et celle qui consisterait à le solliciter de manière intrusive. Dans ce cas, d'ailleurs, comment le joindra-t-on ? Par courrier ? Mais par qui celui-ci sera-t-il ouvert ? Par sa femme ? Par son enfant ? Par sa famille ? Ou l'appellera-t-on au téléphone ?
Les dispositions visant à permettre aux enfants nés d'un don d'accéder à leurs origines représentent une réelle avancée. Elles constituent une réparation. C'est pourquoi le ministère mènera une campagne en direction des anciens donneurs – Mme la ministre va peut-être le confirmer, car il est important pour nous de l'entendre à nouveau. Les anciens donneurs seront donc informés de l'existence de cette possibilité.
Une telle démarche nous semble préférable à toute intrusion dans la vie du donneur auquel on avait garanti que rien ne viendrait briser son anonymat.
C'est la raison pour laquelle je considère que nous devons nous en tenir au texte du projet de loi. Je ne voterai donc pas l'amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'ignore si l'amendement apporte une réponse appropriée, mais nous devrions avancer sur cette question. Il devrait être possible de retrouver à tout le moins des données non identifiantes sur un donneur, d'autant que celui-ci n'est parfois plus en vie lorsque l'enfant accède à la majorité.
Autant de raisons pour lesquelles je voterai l'amendement, afin qu'on accorde plus d'attention aux enfants nés d'un don et qui ne trouveraient pas de réponse à la question de leurs origines.
Je souhaite apporter certaines réponses à mes collègues.
Madame Bergé, je vais dissiper tout de suite vos inquiétudes. Le donneur ne recevra pas de courrier, comme nous l'avons indiqué précédemment.
Je vous rappelle les termes de l'amendement.
Celui-ci vise simplement à ajouter, dans la continuité de la phrase « de recueillir et d'enregistrer l'accord des tiers donneurs », les mots : « , à la demande d'une personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ». Il ne précise aucunement les modalités pratiques de cette disposition, afin de laisser au pouvoir réglementaire, au ministère ou à ladite commission, la liberté de s'organiser de la façon la plus juste possible.
Je répète qu'il ne s'agit pas d'envoyer un courrier et encore moins de lancer une injonction ou de téléphoner. Conforme aux dispositions de l'article 40 de la Constitution, l'amendement tend à établir un principe – celui de répondre à une demande – et laisse au ministère toute liberté d'organiser la manière de le faire.
Nous consacrons actuellement un droit nouveau. Des années d'écoute des personnes issues d'un don ont montré que la connaissance d'une partie de ses origines constitue pour chacun un intérêt vital, principe consacré par la jurisprudence constitutionnelle, européenne et internationale. J'ajoute que nous souhaitons non obliger les donneurs à lever l'anonymat, mais leur laisser le choix d'exprimer un accord ou un refus – que, le cas échéant, les enfants issus d'insémination artificielle avec don de sperme seront tenus de respecter. C'est parce que nous ne forcerons aucun donneur que nous respectons le contrat moral qui a été passé.
Je crains cependant, si l'on s'en tient à une campagne de sensibilisation, que certains anciens donneurs n'y prêtent pas attention, voire souhaitent se manifester mais oublient de le faire sous la pression du quotidien, dont chacun de nous connaît les effets. Dans ce cas, il y aura quelques occasions manquées, non pas 3 000, certes, mais peut-être une centaine, ou du moins plusieurs dizaines. De toute façon, les demandes ne seront pas massives dès demain. Elles arriveront peu à peu.
Je répète enfin que l'amendement laisse une importante marge de manoeuvre au pouvoir réglementaire. Si le CNAOP arrive à faire aboutir des demandes en respectant les dispositions relatives à un accouchement sous le secret, nous devrions pouvoir en faire aboutir d'autres, relatives à l'identité d'un donneur, en respectant les intérêts de celui-ci et ceux de l'enfant. Ne contraignons personne. N'obligeons pas le donneur à accepter systématiquement la divulgation d'informations le concernant et ne condamnons pas l'enfant à ne jamais rien savoir de ses origines.
J'apporte une précision technique : aux termes du droit actuel, des recherches peuvent déjà s'effectuer grâce à des tests ADN dit « récréatifs », procédure qui n'est malheureusement pas encadrée et qui ne garantit pas que la mise en relation s'effectuera dans les meilleures conditions.
Pour mener la campagne d'information, nous disposerons de nombreux moyens permettant d'amener la population masculine ou féminine d'un certain âge, susceptible d'avoir effectué un don, à se faire connaître de la commission. Outre la caisse de résonance que constitue le projet de loi, nous utiliserons la base de données de l'assurance maladie. Nous nous y engageons, en pariant sur la volonté des donneurs.
Je vous mets cependant en garde contre le risque de voter une disposition rétroactive, qui sèmerait le doute dans l'esprit de tous ceux qui songent à effectuer un don. Si nous nous autorisons à revenir sur un engagement mentionné dans une loi de bioéthique, quelle fiabilité ceux-ci accorderont-ils aux dispositions que nous votons sur l'accès aux données non identifiantes ou l'absence de lien obligatoire entre le donneur et le receveur ? Je crains que l'adoption de l'amendement ne décourage leur bonne volonté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 17
Contre 58
L'amendement no 2449 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 1587 .
Une des missions de la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur sera d'informer et d'accompagner les personnes conçues par don ainsi que les tiers donneurs. L'amendement tend à ce qu'elle puisse aussi informer et accompagner les parents des personnes conçues par don.
Ces parents n'accéderont pas aux données. Ils ne seront pas impliqués dans la révélation à l'enfant de l'identité du donneur. Mais leur présence paraît opportune quand il faudra parler à l'enfant de l'existence du géniteur – sans préciser de qui il s'agit – ou l'accompagner pendant la longue période qui sépare l'enfance de l'adolescence, afin qu'il soit prêt, à dix-huit ans, à se tourner vers la commission et, le cas échéant, à solliciter des informations.
L'accompagnement souhaité permettra aussi aux parents qui ont de la peine à trouver les mots opportuns d'être aidés par des psychologues ou d'autres personnes à même de les conseiller sur les échanges qu'ils peuvent avoir avec leurs enfants.
Demande de retrait, sinon avis défavorable. Je souhaite comme vous que les parents soient accompagnés, mais ce n'est pas le rôle de la commission, qui doit mettre en rapport les enfants issus de dons parvenus à la majorité et les donneurs.
L'amendement no 1587 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marie Fiévet, pour soutenir l'amendement no 1757 .
Par cet amendement, nous vous proposons de créer un outil de mise en relation et de communication anonyme qui permettrait, à titre expérimental, d'éviter les prises de contact sauvages qui se font actuellement en recourant aux tests ADN dits récréatifs et les retrouvailles qu'ils permettent.
Nous cherchons à encadrer les rencontres et à établir un contact entre les seules personnes intéressées en créant une plateforme numérique qui facilitera la prise de contact. Cette plateforme présentera l'utilité de laisser aux deux interlocuteurs le choix d'arrêter l'échange virtuel ou de le poursuivre et de se rencontrer réellement. Elle permettra aussi aux donneurs souhaitant rester anonymes de transmettre des informations, par exemple sur leur état de santé, tout en expliquant leur décision de ne pas révéler leur identité.
Vous proposez d'aller au-delà du droit que nous souhaitons consacrer – un droit à l'information et non à la mise en relation. C'est pourquoi je vous suggère de retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement formule plusieurs propositions, dont celle d'informer le donneur quand une personne née du don demande à connaître son identité. L'alinéa 27 de l'article 3 dispose qu'un des rôles de la commission est « d'informer et d'accompagner les demandeurs et les tiers donneurs » quand la demande sera formulée, sachant que nous ne souhaitons en aucun cas obliger à une rencontre.
L'information du donneur en cas de demande d'accès à des données identifiantes étant déjà prévue, l'amendement me semble satisfait.
Je vous suggère de le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1757 est retiré.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2450 .
L'amendement no 2450 est retiré.
Les amendements identiques nos 418 de M. Patrick Hetzel et 830 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous, non, mais certains députés sur les bancs de votre groupe l'ont déjà fait.
Sourires
Ces amendements tendent à remplacer les mots « magistrat de l'ordre judiciaire » par les mots « magistrat du siège de la cour de cassation ». Cette proposition a déjà été discutée en commission spéciale. Si l'objectif – garantir la présence des plus hauts magistrats parmi les membres de la commission – est louable, la précision n'est pas nécessaire. En effet, les magistrats choisis pour cette commission seront forcément excellents ; je ne doute pas des intentions du ministère. Je demande donc le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Les amendements nos 417 de M. Patrick Hetzel et 828 de M. Le Fur, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements tendent à remplacer le juge administratif par un membre du Conseil d'État. Le raisonnement est le même que pour les amendements précédents, qui concernaient les magistrats de l'ordre judiciaire. N'ayez aucun doute : qu'il s'agisse de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire, les meilleurs magistrats siégeront dans cette commission. Ils seront parfaitement compétents, experts sur ces sujets, sensibles à ces questions. La précision n'est donc pas utile. Il faut laisser au pouvoir réglementaire la marge de manoeuvre nécessaire ; il choisira les personnes les plus adéquates. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement no 832 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est nécessaire que la commission soit composée de spécialistes de la psychiatrie, de la psychologie ou de la psychanalyse, car elle a notamment pour but d'accompagner et d'aider les personnes ayant recours à une AMP et les donneurs. Ces derniers pourront bénéficier de l'écoute de professionnels, ce qui fait partie de la mission confiée à la commission.
Ces amendements tendent à introduire dans le texte des précisions sur les compétences recherchées au sein de la commission. Il faudrait deux médecins au moins, ou des spécialistes de la psychiatrie, psychologie ou psychanalyse.
Cette commission statuera dans dix-huit ou vingt ans. Qui sait où en sera alors la psychanalyse ? Peut-être aura-t-elle été remplacée par les neurosciences affectives ? J'ai lu d'excellents articles sur cette nouvelle discipline très en vogue, qui donne lieu à de nombreuses recherches. Dans vingt ans, les experts de cette discipline seront peut-être les plus pertinents…
Mon propos est simple : il faut laisser au pouvoir réglementaire le soin de nommer les personnes les plus adéquates au moment de la constitution de la commission. Il faut aussi lui laisser la possibilité d'adapter la composition de la commission au fil du temps s'il apparaît que d'autres types de compétences sont nécessaires. Je vous demande de retirer ces amendements. Sinon, avis défavorable.
L'amendement no 774 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1474 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
J'aurais pu me contenter de donner un avis défavorable. Pour éviter que les députés non inscrits ne se sentent défavorisés par le dispositif du temps législatif programmé, je vais présenter l'amendement. Il tend à substituer aux six représentants prévus dans la commission deux représentants d'associations de sensibilités différentes. Cette modification ne semble pas utile. En effet, prévoir six associations permet déjà de garantir qu'une palette très large de sensibilités sera représentée. Les auditions que nous avons conduites ont rendu évident que chaque association défendait ses propres vues. Les sensibilités seront forcément différentes.
Par ailleurs, l'amendement ferait passer le nombre d'associations représentées de six à deux. Ce serait dommage pour une commission supposée intégrer l'ensemble des membres de la société civile. Pour ces raisons, je demande le retrait ; sinon, avis défavorable.
L'amendement no 1474 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 833 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à inclure deux représentants de l'Union nationale des associations familiales – UNAF.
Cette proposition ne me semble guère cohérente avec les demandes précédentes touchant à l'indépendance de la commission. Gardons de la souplesse. Il vaut mieux que les associations pertinentes soient choisies au moment opportun. Il serait dommage de discriminer dans la loi certaines associations au profit d'autres. Ce n'est pas le but de cette assemblée. Je demande le retrait ; sinon, avis défavorable.
Je veux bien que toutes les associations possibles et imaginables soient représentées – c'est après tout une question de liberté. Toutefois, il faut savoir que l'UNAF est reconnue d'utilité publique. La loi lui confie la défense des familles et de l'enfant.
Représenter les familles dans leur diversité est une vocation très particulière. L'UNAF n'est pas une simple association de statut loi 1901 tirée d'on ne sait quel chapeau et a été, je le répète, reconnue d'utilité publique pour son rôle très spécifique. Mme la ministre pourra peut-être apporter des précisions sur ce point.
Il va de soi que l'UNAF est une association indispensable sur ces questions. Le problème est que vous cherchez à inscrire dans la loi une composition très précise de cette commission, alors que celle-ci a vocation à siéger pendant des dizaines d'années, et qu'elle ne répondra pas avant vingt ans aux questions d'enfants qui naîtront au mieux dans deux ans -– même si, à plus court terme, elle pourra aussi, dès la promulgation de la loi, instruire les dossiers des donneurs qui se seront fait connaître. En tous cas, fixer dans la loi ce que sera la composition de la commission dans dix, quinze ou vingt ans nous embarrasserait plus qu'autre chose. Laissons le pouvoir réglementaire décider de la composition de la commission, en sachant qu'elle devra comprendre six représentants d'associations.
Il est évident que l'UNAF participera à cette commission. Mais si l'on commence à le préciser, il faudra faire de même pour d'autres.
Mais l'UNAF a un rôle particulier, reconnu depuis 1946 ! Elle est importante !
Elle est importante, comme le sont les magistrats ou les psychologues. Nous nous accordons sur le fait que cette commission doit être plurielle et représentative. Nous ne souhaitons pas, en revanche, inscrire trop précisément dans la loi la composition de la commission. Avis défavorable.
Le prononcé fait foi, madame la ministre. Nous prenons acte du fait qu'il est évident pour vous que l'UNAF participera à cette commission et que vous reconnaissez son importance. Cela lui confère une légitimité pour occuper cette place.
Que de tout cela il soit dressé procès-verbal – comme l'on dit dans d'autres enceintes. Mme la ministre vient de s'engager, comme je le note avec satisfaction.
Cela étant, inscrire qu'une association comme l'UNAF doit participer à la commission ne revient nullement à obérer l'avenir. Je rappelle que cette association, comme les UDAF – unions départementales des associations familiales – , a été reconnue d'utilité publique dès le lendemain de la guerre. Ces structures existent depuis soixante-dix ou soixante-quinze ans – excusez du peu. Pour ces raisons, inscrire leur présence dans la loi n'obère pas les dix ou vingt ans qui viennent. Nous ne serons sans doute plus dans cet hémicycle que l'UNAF accomplira encore les missions qui lui ont été confiées, et qui sont gravées dans le marbre de la loi.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement no 1192 .
L'amendement tend à étendre à l'identité des personnes conçues par don l'obligation de confidentialité auxquels sont soumis les membres de la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur.
Je remercie Mme Bannier. Par cet amendement, elle nous permet de rappeler que la commission a voté en faveur de la confidentialité de l'identité du tiers donneur. Mme Bannier a raison, cette obligation de confidentialité doit valoir des deux côtés. Si le tiers donneur prend connaissance de l'identité d'un des enfants issu de son don – à la demande de celui-ci – , il faut que l'identité de cet enfant reste confidentielle. Cela me semble une bonne proposition. Avis favorable.
L'amendement apporte une sécurité supplémentaire. J'y suis favorable.
L'amendement no 1192 est adopté.
L'amendement no 2318 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 2209 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 783 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marie Fiévet, pour soutenir l'amendement no 1687 .
L'amendement no 1687 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 2248 .
Cet amendement vise à faire référence non pas au don d'embryon, mais au consentement à l'accueil de l'embryon.
Le soin et la précision que vous apportez à l'écriture des textes, madame la députée, se retrouvent dans la plupart de vos amendements. En l'occurrence, toutefois, je vous rassure : bien que cet amendement soit présenté comme rédactionnel, la précision n'est pas utile, les échanges que nous avons eus sur ce sujet en commission n'ayant pas évolué depuis. Demande de retrait ou avis défavorable.
Cet amendement est pourtant cohérent avec ce que l'Assemblée a adopté précédemment !
Autant nous étions favorables à vos précédents amendements qui visaient, s'agissant des embryons, à supprimer le terme « renoncer » au motif qu'il avait une connotation péjorative et qu'il fallait lui préférer le terme « accueillir », autant cet amendement est différent : vous souhaitez éviter l'emploi de l'expression « don d'embryon », qui ne comporte aucun aspect péjoratif, mais ne désigne que ce dont il s'agit en fait. Cet amendement n'est donc pas équivalent à vos amendements précédents ; demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Je vous objecterai l'arrêt « Parrillo contre Italie » de la Cour européenne des droits de l'homme – CEDH – du 27 août 2015 selon lequel « les embryons humains ne sauraient être réduits à des « biens » ». C'est pourquoi l'on ne parle pas de « don d'embryon ». Vous savez bien que le vocabulaire s'appliquant à l'embryon évite soigneusement sa réification. On parle certes de don d'organe, mais pas de don d'embryon.
En effet, la question est importante : la logique à l'oeuvre est celle d'une réification de l'embryon – chose qu'il serait possible de se donner au motif qu'il nous appartiendrait. Selon moi, le statut de l'embryon suscite une interrogation. Il est sans doute bien davantage que l'amas de cellules auquel vous venez malencontreusement de le réduire, madame la ministre.
Aucun problème ne se pose concernant le don de gamètes, qui sont des produits du corps. L'embryon, en revanche, a un statut qui pose encore une fois de nombreuses interrogations auxquelles nous n'avons pas de réponse définitive. Il me semble toutefois choquant de le réduire à un produit appartenant à une personne ou à un couple et pouvant être donné. La formule retenue dans d'autres amendements conserve naturellement toute sa pertinence à cet alinéa.
Suspension et reprise de la séance
À la demande de M. Chiche, la séance est suspendue pour deux minutes, qui seront décomptées du temps de parole du groupe LaREM.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.
Je connais votre souci d'exactitude, madame Genevard. Dans l'arrêt « Parrillo contre Italie » que vous invoquez, la Cour européenne des droits de l'homme indique qu'il n'existe pas de consensus européen sur le statut de l'embryon et qu'elle respecte la marge de manoeuvre dont dispose chaque État pour le définir. Or, la loi italienne n'établit pas la même définition que la loi française. Elle prévoit notamment que les femmes, si elles n'utilisent pas leurs embryons dans le cadre d'une fécondation in vitro, sont obligées de les donner à la recherche scientifique, tandis que la loi française leur offre la possibilité de les détruire, de les donner à la recherche ou de les donner à autrui. C'est pourquoi la CEDH a jugé que l'Italie ne respectait pas le statut qu'elle avait elle-même donné à l'embryon, puisqu'elle forçait les femmes à donner les embryons non utilisés à la science. Il n'y a donc aucun parallélisme des formes avec le droit français. D'une part, la CEDH respecterait selon moi le statut de l'embryon établi dans le droit français, comme l'indique l'arrêt en question. D'autre part, en France, les femmes ont le choix. Vous ne pouvez donc pas utiliser cet arrêt comme argument.
J'entends vos propos, madame la rapporteure, mais vous ne pouvez pas évacuer ainsi l'argument de fond sur lequel repose notre position : l'embryon ne saurait être réifié. De surcroît, vous avez admis à deux reprises la proposition que j'ai faite de substituer à la notion de don celle d'accueil de l'embryon ; vous ne pouvez donc pas, en l'espèce, la refuser pour des motifs contraires ! Il y va de votre cohérence.
Cette discussion est à la fois importante et intéressante, et je comprends votre attachement au sens des mots. Nous avons d'ailleurs été très sensibles à votre amendement, madame Genevard. Votre argument précédent portait sur le caractère péjoratif du renoncement. Nous avions donc jugé qu'il était plus joli, ou disons plus favorable…
… d'employer l'expression de consentement à l'accueil d'embryons, qui permettait également de clarifier le code de la santé publique, qu'il s'agisse des receveurs ou des donneurs. Pour ce qui concerne les receveurs, il me paraît tout à fait légitime de parler de consentement à l'accueil. S'agissant des donneurs, en revanche, nous préférons conserver le mot « don », comme nous le proposons dans le texte, parce que le don relève d'un régime juridique particulier qui s'applique notamment aux gamètes et qui repose sur la gratuité, l'anonymat ou encore la non-marchandisation du corps. En supprimant le mot « don » pour ne conserver que la notion de consentement à l'accueil, on empêcherait l'application à l'embryon du régime juridique des lois de bioéthique relatif au don. C'est pourquoi nous ne sommes pas favorables à cet amendement, alors que nous l'étions aux précédents.
En plaçant l'embryon sous le régime du don, madame la ministre, vous ouvrez la voie à un échange matérialisable. Nos principes sont différents et dépassent le seul article 16 du code civil. Votre argument – c'est là l'essentiel – ne fait nullement obstacle aux principes d'indisponibilité du corps humain et de dignité. Ce sont ces éléments que nous voulons mettre en avant parce qu'au fond, quels que soient nos points de vue sur le statut de l'embryon – qui n'est d'ailleurs pas fixé dans le droit français – , l'embryon, par sa vocation finale, le cas échéant, à devenir un être humain, n'est pas qu'un ensemble de cellules et ne peut donc pas faire l'objet d'un don comme un autre. Vous l'avez d'ailleurs indiqué : le don d'embryon n'est pas équivalent à celui de sang, de moelle ou autres. C'est le principe d'indisponibilité et de dignité qui doit brocher l'ensemble du texte, nous semble-t-il.
Madame la ministre, vous dites que le don d'embryon s'inscrit dans la même logique que le don de sang, d'organes ou de gamètes : non ! Ces derniers sont des produits du corps, ce que n'est pas l'embryon. L'embryon est issu du corps, mais il n'en est pas qu'un produit. Ce n'est pas une chose ! Or on ne peut donner que des choses, on ne peut pas donner des personnes.
L'embryon est-il une personne ? Comme Mme la rapporteure l'a dit, il n'y a ni dans notre pays ni en Europe de consensus sur cette question, qui taraude l'humanité depuis des siècles et des siècles et qui continuera à le faire. Mais vous ne pouvez pas vous appuyer sur les principes du don, puisque celui-ci ne concerne que les produits du corps, ce que n'est pas l'embryon.
Je ne souhaite pas relancer le débat, mais je pense sincèrement que cet amendement dégrade la sécurité de l'accueil de l'embryon. Si nous l'adoptions, la rédaction deviendrait : « Dans le cas d'un don de gamètes ou du consentement à l'accueil d'embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l'assistance médicale à la procréation ». Les embryons ne seraient plus protégés par le régime juridique du don, et l'on pourrait imaginer que certains deviennent payants.
Cela me gêne d'ouvrir cette porte. Je souhaite donc que nous en restions au mot « don », malgré les limites que vous soulignez.
Nous comprenons les obstacles juridiques, mais nous essayons d'accorder le texte à notre conception de l'embryon. De la même façon, on ne parle pas de la destruction des embryons, mais de la fin de leur conservation. Le choix des mots n'est pas une question de joliesse de l'expression : à nos yeux, le vocabulaire doit être précis et adéquat lorsqu'il s'agit de qualifier l'embryon.
J'entends donc les obstacles juridiques, notamment sur la législation du don, mais on ne peut pas se réfugier derrière cet argument pour évacuer la question de fond, la seule qui vaille.
Votre amendement modifie l'article 16-8-1 que le projet de loi introduit dans le code civil : il ne s'agit pas du code de la santé publique, ni du processus médical de la PMA. Ce nouvel article, qui précise le régime d'anonymat, se situe juste après le principe général de l'anonymat du don et se lit ainsi : « Dans le cas d'un don de gamètes ou d'embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l'assistance médicale à la procréation. Le principe d'anonymat du don ne fait pas obstacle à l'accès (... ) ». Il précise l'articulation du principe d'anonymat avec l'accès aux origines d'un enfant majeur, issu d'une IAD.
Il serait fou de créer incidemment un régime nouveau pour l'embryon dans le code civil, alors que l'on traite du principe d'anonymat et de son rapport avec l'enfant dans le cadre de l'accès aux origines ! Vous commettez une erreur, car votre proposition n'est pas nécessaire. Et si vous souhaitez avoir ce débat, il ne doit surtout pas porter sur cette partie du code civil. Ici, nous devons rester sur le régime de l'anonymat dans le cadre du don.
L'amendement no 2248 n'est pas adopté.
Cet amendement de précision propose, à l'alinéa 48, de substituer aux mots « l'enfant majeur né », les mots « la personne majeure née ». En effet, « enfant » et « majeur » ne vont pas bien ensemble !
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement no 2320 .
M. Bazin apporte une précision utile, qu'il avait annoncée en commission pour la séance publique et que j'ai reprise dans un amendement identique. Avis évidemment favorable.
Les amendements identiques nos 97 de M. Xavier Breton et 963 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements ayant incidemment pour effet, en supprimant la fin d'un petit alinéa, de supprimer l'accès à la PMA pour les femmes seules, l'avis est évidemment défavorable.
Rires.
Il s'agit de supprimer les alinéas 52 et 53, qui prévoient notamment qu'« il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l'accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant (…) ». Cela représente environ 12 000 embryons humains disponibles pour le don. Il y a là un problème éthique majeur, d'où notre souhait de supprimer ces deux alinéas, notamment le second.
Les amendements nos 965 de M. Marc Le Fur, 1575 de Mme Emmanuelle Ménard et 612 de M. Philippe Gosselin sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous entamons la discussion sur la conservation du stock de gamètes. Le texte prévoit trois phases : on sauvegarde le stock actuel pour continuer à effectuer des PMA, dans le même temps on constitue un nouveau stock, puis, lorsque celui-ci sera suffisant, on basculera sur le nouveau régime. Cette solution, plus complexe à réaliser mais plus courageuse et plus juste, permettra de répondre à l'ensemble des demandes. Il ne faudrait pas menacer l'objectif du texte en conservant à tout prix le stock actuel sans en constituer un nouveau, seul à même de faire entrer en vigueur le nouveau régime. L'avis est donc défavorable.
Comme par hasard, c'est un stock de gamètes que vous avez évoqué, madame la rapporteure. Or, soyons clairs : le stock d'embryons sera supprimé. Je repose la question : êtes-vous bien favorable à la suppression du stock existant d'environ 12 000 embryons ?
Je sais que ce sujet vous est cher, monsieur Breton, comme à la plupart d'entre vous.
Aujourd'hui, parmi les couples ayant amorcé une démarche d'AMP avec fécondation in vitro à partir d'embryons congelés, 64 % ont choisi la destruction des embryons fabriqués, 23 % les ont proposés à la recherche et 13 % les ont orientés vers le don pour l'accueil. La destruction d'embryons est déjà une réalité ! Nous souhaitons simplement ne plus conserver les embryons préservés dans le cadre de l'ancien régime du don, de la même façon que nous ne conservons pas les gamètes. Il n'y a pas de différence avec ce qui est fait aujourd'hui pour répondre au choix du couple parental.
Avec ces chiffres, vous nous montrez, madame la ministre, que le consentement au don est déjà minoritaire. Peu de couples acceptent que leur embryon soit accueilli par un autre couple.
Vous avez refusé un amendement qui prévoyait de laisser au donneur le choix de qui accueillerait l'embryon, un couple ou une femme seule. Je vous prédis qu'en l'absence d'information, les donneurs consentant à l'accueil de leur embryon seront encore moins nombreux : en effet, certains d'entre eux refuseront le don s'ils ne peuvent pas choisir entre un couple hétérosexuel, un couple de femmes ou une femme seule pour l'accueil de l'embryon.
Je comprends bien votre embarras : Mme la rapporteure nous parle du stock de gamètes alors qu'il s'agit également du stock d'embryons, Mme la ministre ne répond que sur notre insistance… Vous nous dites que les parents décident déjà de détruire les embryons. Mais là, il s'agit d'une décision du législateur ! On lit à l'alinéa 53 qu'« il est mis fin à la conservation des embryons » : 12 000 embryons vont disparaître, voilà ce que cela veut dire ! Que le législateur prenne cette décision pose un problème éthique majeur.
J'ai entendu, madame la ministre, madame la rapporteure, vos explications visant à légitimer la fin de la conservation de 12 000 embryons. Madame la ministre, en commission, vous aviez utilisé un autre argument pour justifier cette mesure : vous aviez affirmé que la gestion de deux régimes juridiques distincts était anxiogène pour les personnels des CECOS. Reprendriez-vous cette explication ? Avez-vous sollicité les personnels des CECOS pour savoir s'ils trouvaient plus anxiogène de gérer deux régimes juridiques différents ou de mettre fin à la conservation de 12 000 embryons ?
Cette série d'amendements portant sur deux alinéas, on ne discute pas de tout en détail. Madame la ministre, faites-vous une différence, sur le plan éthique, entre les gamètes et les embryons ? Si tel est le cas, comment se traduit-elle dans le traitement du stock ?
Par ailleurs, des parents ayant eu recours à l'AMP ont consenti à ce que leurs embryons surnuméraires soient reçus par un autre couple : que fait-on de ce consentement libre et éclairé, puisque la destination des embryons est modifiée ? Ce n'est pas de la fin d'un projet parental qu'il s'agit, mais de l'irrespect, par le législateur, d'un consentement émis par des personnes. Ne faudrait-il pas faire différemment, notamment pour les embryons, que je distingue des gamètes ?
Madame Ménard, mes propos furent effectivement assez imprécis en commission : nous avions prévu d'utiliser tous les gamètes et tous les embryons congelés issus de l'ancien régime d'interdiction d'accès aux origines pendant une période déterminée, le temps d'augmenter le stock de gamètes provenant de donneurs ayant accepté l'accès aux origines. Une fois constitué le stock permettant la naissance d'enfants bénéficiant du nouveau régime d'accès aux origines, nous préférons supprimer le stock de gamètes ou d'embryons congelés sous l'ancien régime juridique.
Il y aura une période au cours de laquelle l'un des deux stocks sera en décroissance, car il sera utilisé, pendant que l'autre montera en puissance. La bascule, en matière de régime juridique des dons de gamètes ou d'embryons, aura lieu à une date fixée par décret, une fois le nouveau stock constitué.
Il y aura donc bien une période de croisement, mais ensuite, nous ne souhaitons pas conserver des gamètes et des embryons qui ne seront plus jamais utilisés car la loi, en matière d'accès aux origines, aura changé.
Mon choix de vocabulaire, en commission, n'était pas le bon et vous avez eu raison de le faire observer, madame Ménard. Voilà ce que je voulais dire : nous nous trouverons en présence de deux stocks distincts, l'un en décroissance, l'autre en croissance, pour une durée qui devrait aller de six mois à un an et demi – nous verrons. Une bascule de l'un à l'autre aura lieu ; elle sera décidée par décret et donnera acte de la fin du stock relevant de l'ancien régime juridique, qui n'aura plus jamais vocation à être utilisé.
Nous avons le sentiment que le stock de gamètes, d'ici là, aura été largement épuisé. Tel ne sera probablement pas le cas du stock d'embryons, dont nous savons que très peu de couples demandent l'accueil, de même que, vous avez raison sur ce point, madame Genevard, peu de couples consentent à les donner.
Ainsi, le don ou l'accueil d'embryons ne sont pas choisis par une majorité de couples, qu'il s'agisse des couples donneurs ou des couples receveurs. Dont acte : le système ne fonctionne pas.
Chaque année, on dénombre une vingtaine de naissances issues d'embryons donnés par un couple à un autre couple consentant. Nous prenons acte de cette difficulté.
Enfin, monsieur Bazin, vous m'interrogez sur la façon dont nous prenons en considération les embryons surnuméraires. La loi dit qu'il faut tâcher d'en réduire le nombre autant que possible.
Une remarque, madame la ministre, sur les mots que vous utilisez. Vous utilisez le mot « stock » : c'est bien un vocabulaire tendant à assimiler l'embryon à une chose, à un produit. Je ne dis pas que telle est votre conception, je dis que ce mot est dévalorisant pour l'embryon.
L'amendement no 612 n'est pas adopté.
L'amendement no 2339 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1206 .
Madame la ministre, s'agissant de la distinction entre le sort des gamètes et celui des embryons, vous répondez qu'il faut, à l'avenir, réduire autant que possible le nombre d'embryons surnuméraires. Très bien ! Nous sommes toutefois dans l'embarras face au stock – pour reprendre votre terme – d'embryons existants, non pas ceux qui sont destinés à la recherche ou à la destruction, mais ceux qui sont destinés à être accueillis. Il faut faire preuve à leur égard, dans le présent texte, d'une considération spécifique et ne pas les mélanger avec les autres, au moins symboliquement.
Avis défavorable. J'ai oublié de rappeler tout à l'heure, s'agissant de la destruction des embryons surnuméraires, que le Conseil d'État, dans son avis sur le présent projet de loi, indique qu'en tout état de cause il aurait été mis fin à leur conservation en l'absence d'implantation.
En effet, l'article L. 2141-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction actuelle, dispose qu'« il est mis fin à la conservation des embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans ». Ainsi, la loi prévoit déjà la fin de leur conservation. En tout état de cause, ces embryons auraient été soumis à destruction.
Madame la ministre, j'imagine que vous vouliez dire qu'ils auraient été soumis à la fin de leur conservation !
J'ai une remarque. Vous venez d'indiquer que la réduction de la production d'embryons surnuméraires est prévue par la loi. Toutefois, vous ne lui donnez pas le même sens que celui que nous lui donnons.
Nous souhaitions inscrire dans la loi des dispositions donnant la priorité, pour la réduction de la production d'embryons surnuméraires, à d'autres techniques, notamment la congélation des ovocytes.
Madame la ministre, vous n'avez pas souhaité que de telles dispositions soient inscrites dans la loi, au motif qu'il fallait faire confiance aux équipes professionnelles pour privilégier cette technique. Toutefois, vous venez d'arguer de la loi en vigueur, s'agissant de la diminution du nombre d'embryons surnuméraires, pour justifier la fin de leur conservation. Vous voyez que nous ne donnons pas le même sens aux mots qui seront inscrits dans la future loi.
L'amendement no 1206 n'est pas adopté.
Il vise à substituer, à l'alinéa 53, le mot « vingt-cinquième » au mot « treizième ». Il est impératif d'anticiper une éventuelle pénurie de gamètes, annoncée par plusieurs professionnels travaillant d'ores et déjà en flux tendu. Nous proposons donc de porter les délais prévus par le texte de treize à vingt-cinq mois.
Cher collègue, je tiens à vous rassurer : les dispositions prévues par le Gouvernement prévoient la conservation du stock de gamètes existant pendant le temps nécessaire à la constitution du nouveau. Elles permettront de disposer d'un stock suffisant, dans le délai imparti, pour basculer vers le nouveau régime.
Nous ne pensons pas qu'il est nécessaire d'aller au-delà. C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
L'amendement no 1028 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'aimerais revenir sur la question du consentement au don d'embryons. J'ai bien compris qu'il est mis fin aux soins conservatoires des embryons si leur durée de conservation excède cinq ans. Toutefois, les parents ayant suivi une procédure d'AMP ont donné leur consentement avec discernement. Ils ont indiqué, s'agissant des embryons surnuméraires, qu'ils préféraient qu'il ne soit pas mis fin à leur conservation ni qu'ils soient destinés à la recherche, mais qu'ils soient potentiellement accueillis par un autre couple.
Ils ont réfléchi à ce consentement. Par respect, il convient de prévoir de les recontacter.
J'ai visité plusieurs centres où sont conservés des gamètes autoconservés pour des raisons médicales, des gamètes destinés au don et des embryons surnuméraires. Leur situation est très simple : très peu de bonbonnes renferment des embryons surnuméraires, la plupart renferment des gamètes autoconservés.
Il serait donc assez simple de prévoir un traitement différencié des embryons, au moins le temps de vérifier la position des parents, ou à tout le moins de les informer.
Compte tenu des arguments que j'ai avancés précédemment et de ceux de Mme la ministre, j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 1207 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2342 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement no 1118 .
Il vise à compléter l'alinéa 55, afin que les tiers donneurs puissent manifester auprès de la commission qu'ils donnent leur accord à la transmission de données non identifiantes complémentaires aux personnes majeures nées de leur don.
Pourquoi un tel ajout ? On peut imaginer le cas d'une personne majeure, conçue par don, souhaitant accéder aux données non identifiantes du donneur mais pas forcément à son identité. Il serait dommage pour elle que les données non identifiantes d'ores et déjà détenues soient lacunaires – qu'elles ne concernent, par exemple, que la couleur des yeux ou des cheveux du donneur.
Il serait donc bon que les tiers donneurs ayant donné leurs gamètes avant l'adoption de la nouvelle loi puissent compléter leur dossier par des données non identifiantes complémentaires, en sus de celles qui sont énumérées aux alinéas 11 à 17 du présent article.
Les données non identifiantes du donneur sont énumérées dans la loi. Il s'agit de son âge, de son état général au moment du don, de ses caractéristiques physiques, de sa situation familiale et professionnelle, de son pays de naissance et des motivations de son don. Cet ensemble est assez complet.
En outre, nous avons adopté, hier ou cet après-midi, des dispositions prévoyant l'actualisation des données non identifiantes si le donneur le souhaite. L'amendement me semble donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
Il s'agit ici des tiers donneurs dont les gamètes ou les embryons seront utilisés jusqu'à la date prévue par la loi. Il s'agit donc bien de tiers donneurs ayant donné avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Il y a là un véritable problème. Il est possible que certains dossiers comportent des données non identifiantes très lacunaires. L'adoption du présent amendement permettrait d'y ajouter des données non identifiantes complémentaires.
Par souci de cohérence, l'un de mes amendements ayant été rejeté, je ne peux émettre un avis favorable, chère collègue. Cette assemblée n'a rien voulu faire s'agissant du régime auquel sont soumis les donneurs ayant donné leurs gamètes avant l'adoption du présent texte.
L'amendement no 1118 n'est pas adopté.
L'amendement no 2344 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 968 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement no 2451 .
Il a pour objet de conforter la possibilité, pour les donneurs relevant du régime ancien, de transférer leurs gamètes ou les embryons qui en sont issus, en cours de conservation, dans le stock de gamètes et d'embryons nouvellement constitué, dont le régime d'accès aux origines prévoit la transmission de données non identifiantes ou identifiantes.
Cet amendement est très intéressant puisqu'il permet aux anciens donneurs de transférer leurs gamètes ou leurs embryons en cours de conservation vers le nouveau stock de gamètes et d'embryons, en donnant leur accord pour l'accès aux origines.
Nous sommes très favorables à cet amendement qui organise un dispositif juridiquement solide pour les anciens donneurs, et à leur initiative.
L'amendement no 2451 est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 2331 .
Il s'agit d'un amendement du groupe La République en marche. Nous avons voté, en commission, pour demander au Gouvernement d'établir un rapport sur les conséquences des nouvelles dispositions sur le nombre de dons. Il paraît pertinent que ce rapport traite également de leurs conséquences sur l'évolution des profils des donneurs.
Monsieur Touraine, pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par ce terme de « profil », qui veut à la fois tout dire et rien dire ? Y aura-t-il des sélections, des caractéristiques particulières qui seront recherchées ? Cela m'inquiète un peu…
Sourires.
Les pays qui nous ont précédés dans cette évolution – la Suède d'abord, et bien d'autres depuis – ont vu le profil des donneurs se modifier : ce ne sont pas les mêmes donneurs, selon que l'on sait que l'on ne sera pas identifiable par les enfants qui naîtront, ou que ces enfants pourront, au contraire, à leur majorité, accéder à son identité. Le type de donneur est différent – pas radicalement différent, car tous les donneurs agissent par altruisme, mais les nouveaux donneurs devront s'inscrire dans une nouvelle philosophie : vingt ans après ce don, ils pourront être contactés.
Il est important, dans un simple souci d'évaluation, de savoir quelles sont les personnes qui peuvent être ciblées par des campagnes sollicitant des dons. L'Agence de la biomédecine, qui sera chargée de ces campagnes…
Quand on demande des dons d'organes, des dons de sang, est-ce du marketing ? Oh, peut-être, après tout. Mais il me semble que la démarche qui permet de savoir à qui on peut demander des dons de sang, de moelle osseuse, de certains dérivés… peut s'appliquer ici.
CQFD, merci, monsieur Touraine ! Vous vous montrez cohérent avec les positions que vous avez adoptées à l'article 1er, et cela vous honore. Mais quand j'entends parler de sélection, franchement, cela me hérisse, comme quand j'entends parler d'attentes du donneur. En échange d'un don, on n'attend rien, y compris vingt ans plus tard !
Et, mes collègues en parleront, vous évoquez aussi des ethnies. Vous êtes en train de rechercher des besoins. Cela m'inquiète énormément.
Enfin, il y a une confusion : les gamètes, c'est profondément identifiant. Il y a une responsabilité du donneur, surtout dans le cadre que vous instaurez. Je suis profondément inquiet de ce que vous venez de dire, et des conséquences de vos choix pour la société française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Dans la même ligne, et pour aller un peu plus loin que ce qu'a dit Thibault Bazin, je veux dire que je suis abasourdi de ce que je viens d'entendre : abasourdi que l'on puisse cibler des profils de donneurs plutôt que d'autres, abasourdi que vous dévoiliez certaines intentions masquées. Vous dites qu'il pourrait y avoir des manques pour certaines minorités ethniques. Eh bien quoi, s'il y a trop peu de donneurs, faudra-t-il demain les inciter ? Les dédommager, les rémunérer ? C'est là un pas de plus vers la marchandisation du corps humain, vers la sélection des gamètes, c'est-à-dire vers un projet eugéniste et, vous avez assumé ce terme, marketing.
Nous avons eu raison de vous poser cette question, monsieur Touraine ; votre franchise vous honore et nous désespère à la fois.
Vous nous dites que s'il devenait évident que les gamètes de certaines minorités ethniques manquaient, il faudrait alors réaliser des campagnes de communication ciblées pour combler ce manque. Quelle conception vous faites-vous de tout cela ! Nous nous inscrivons violemment en faux contre cette approche profondément communautariste. Faudra-t-il adapter les politiques en fonction de manques de gamètes de type nord-africain, d'Afrique noire, caucasien ? Pour nous, ces considérations n'ont pas de sens, elles n'ont pas leur place dans ce débat, et je trouve tout cela extrêmement choquant.
Sur l'article 3, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Xavier Breton.
Il faut reconnaître que Jean-Louis Touraine est cohérent. Ce qui m'inquiète, c'est l'avis favorable du Gouvernement. Ce que nous voyons là, c'est une conception de la personne humaine qui amène la fusion de deux grands monstres : le marché d'une part, et l'État d'autre part. Nous allons voir naître un supermarché, un hypermarché de la procréation : on va mener des études, dresser des profils, comme pour une publicité, pour savoir comment axer nos campagnes. Et l'on voit bien les pressions, les intérêts financiers qui sont derrière. Quant à l'État, allié du marché, il devra faire les campagnes, il scrutera les citoyens, il les incitera… Rappelez-vous cet amendement que vous avez voté, disposant que les parents « sont incités » : mais jusqu'où peut aller l'incitation ? Jusqu'au totalitarisme de l'État ! Voilà ce que vous êtes en train de faire.
Que le Gouvernement ne se contente pas de dire qu'il comprend l'intention, qui est d'améliorer le processus, qu'il ne demande pas le retrait de l'amendement, qu'il envisage de l'inscrire dans la loi… Mais où va-t-on ! Vous êtes en train de franchir des lignes rouges qui amèneront des intrusions nouvelles, celles du marché, des intérêts, du fric, celle aussi de la puissance tutélaire de l'État, dans le domaine de la bioéthique où notre pays avait su rester une exception dont nous pouvions être fiers. Mais les citoyens vont se révolter, et vous diront, une nouvelle fois, de les laisser tranquilles !
J'aimerais qu'après les débats si raisonnables que nous avons eus jusqu'à cette fin d'article 3, nous restions raisonnables tous ensemble.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous exprimez très bien vos inquiétudes. Mais rassurez-vous.
Sur l'article 1er, vous disiez qu'il n'y avait pas assez d'études. Pas assez d'études d'impact, pas assez de recherches… Ce qui est proposé ici, c'est qu'un rapport d'évaluation comporte une étude du profil des donneurs. Qu'y a-t-il là d'extraordinaire ?
Nous saurons ainsi les conséquences de la nouvelle législation sur le profil et le nombre des donneurs. Il n'y a là vraiment rien de dramatique, et il est inutile d'en rajouter sur des considérations à caractère ethnique.
Cet amendement, qui enrichit un rapport demandé au Gouvernement, peut, je crois, être étudié de manière sereine.
Les esprits s'échauffent à propos d'un amendement qui nous paraissait assez naturel : dès lors que nous changeons la législation sur le don, et que cette modification entraînera des conséquences, comme dans tous les autres pays qui ont suivi le même chemin, le législateur souhaitait, je crois, demander au Gouvernement d'inclure dans le rapport qu'il rendra une étude de l'évolution du profil des donneurs.
Quand je parle de profil, ce que je comprends, comme ministre chargée de ces sujets, ce sont ces questions : les donneurs sont-ils nullipares, primipares, ou bien avaient-ils déjà des enfants ? Sont-ils issus plutôt de familles nombreuses, ou au contraire de familles qui comptaient un ou deux enfants ? Les donneurs sont-ils souvent concernés par les questions d'infertilité, parce que celle-ci frappe leurs amis ou leur famille ? Voilà les renseignements que nous allons donner. Ils sont, si vous me permettez l'expression, « non identifiants » eu égard aux craintes que vous avez exprimées !
Ce sont des choses que nous demandons déjà. Nous connaissons les profils des donneurs qui se sont rendus dans les CECOS, et nous allons les comparer avec les profils des nouveaux donneurs. Il n'y a aucune donnée nouvelle ! C'est sur ces critères que j'ai cité – nullipares ou pas, issus d'une famille nombreuse ou pas, concernés directement par l'infertilité ou pas… – que nous établirons nos comparaisons.
Encore une fois, il n'y aura rien de nouveau, rien de plus que ce qui figure déjà dans le rapport de l'Agence de la biomédecine.
Pour toute activité médicale, de quelque nature qu'elle soit, on peut se contenter de résultats relativement médiocres, ou en tout cas qui ne progressent pas. C'est ce qui se passe quand on ne réalise pas d'évaluation, et alors on reste toujours au même niveau. Si, au contraire, on désire s'améliorer, il faut réaliser une évaluation et des études. C'est vrai pour toute activité médicale, je le redis, que ce soit les transplantations cardiaques ou toute autre innovation, et celle-ci ne déroge pas à la règle.
Jusqu'à maintenant, des évaluations ont été réalisées, mais comme M. Jourdain faisait de la prose. Elles nous ont par exemple permis de nous rendre compte que la restriction du don à ceux qui avaient déjà procréé n'était pas justifiée. Mais tout cela n'a pas été étudié de façon très rigoureuse.
Aujourd'hui, nous proposons d'appliquer la règle générale de toute activité médicale à la procréation médicalement assistée, qui est bien une activité médicale. Vous ne pouvez pas demander à l'ensemble de ces équipes de se contenter de résultats qui ne progressent pas, alors que telle ou telle insuffisance pourrait être détectée et corrigée grâce à ces rapports d'évaluation.
Cette activité, comme toute autre, doit faire l'objet d'une évaluation. Il s'agit d'une nécessité, d'une pratique parfaitement anodine et largement généralisée qu'il n'est pas opportun de diaboliser.
Nul, dans cette majorité, et Jean-Louis Touraine moins que tout autre, n'adhère à une conception ethnicisante des pratiques ou des modèles.
Si vous voulez. C'est un faux procès que vous faites. Pour comprendre l'évolution des pratiques, il faut bien disposer d'évaluations, et pour évaluer, il faut bien faire des études, donc des rapports. C'est dans cette optique que l'amendement est proposé, et nous le soutiendrons.
Je vois que M. Touraine rétropédale ! Madame la ministre, puis-je savoir ce que vous inspirent les propos initiaux de M. Touraine, que je trouve particulièrement choquants ? J'aimerais une réponse précise.
Comme je l'ai déjà dit, nous n'allons rechercher, dans le profil des donneurs, rien d'autre que des informations déjà recueillies : nombre d'enfants antérieurs, famille ayant ou non rencontré des problèmes d'infertilité, etc. Et je rappelle que les questions portant sur des caractéristiques ethniques sont totalement interdites dans tout recueil d'informations en matière de santé. C'est interdit pas la loi. La question ne se pose donc pas.
L'amendement no 2331 est adopté.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement no 1573 .
J'espère que cet amendement fera moins polémique ! Au regard du titre et de la finalité du chapitre II, « Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d'assistance médicale à la procréation », il me paraît important d'indiquer que le rapport s'arrêtera sur la mesure de l'efficacité des modalités d'accès aux données non identifiantes et à l'identité des tiers donneurs. On peut évidemment se pencher sur le nombre et le profil des donneurs, mais il est également important de mesurer l'efficacité d'accès à leur identité et aux données non identifiantes.
Madame Bannier, j'avais l'intention de donner un avis favorable, mais en y réfléchissant, je me dis que c'est dans dix-huit ans que les enfants issus d'IAD pourront avoir accès aux informations identifiantes et non identifiantes des donneurs. Du coup, je vous propose d'aborder cette question dans une prochaine loi de bioéthique et de laisser le temps à ce rapport de dresser un premier bilan centré sur les donneurs.
Ce ne sera pas dans dix-huit ans, car le B. et le C. du VII – alinéas 55 et 56 – évoquent les tiers donneurs qui ont donné des embryons ou des gamètes avant l'entrée en vigueur de la loi. C'est là que peuvent se situer les problèmes, les dossiers étant parfois lacunaires ou incomplets. Il est donc important de préciser que le rapport s'arrêtera sur ce point.
Je comprends mieux votre proposition. Vous visez les donneurs de l'ancien régime qui auront accepté que les enfants accèdent à leurs origines et qui, de ce fait, seront soumis au nouveau régime immédiatement après la promulgation de la loi. Vous voulez que le rapport mentionne leur nombre et l'efficacité de la démarche de la commission par exemple. Madame la rapporteure, je pense que nous pouvons accepter l'amendement. Avis favorable.
Madame la rapporteure, la commission donne-t-elle également un avis favorable ?
L'amendement no 1573 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 57
Contre 16
L'article 3, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra