La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle les questions sur les dispositifs mis en place pour le maintien dans l'emploi lors de la crise sanitaire.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Au cours de la crise sanitaire, notamment lors des confinements qui ont été décrétés sur notre territoire, la majorité des entreprises ont dû établir précipitamment des modalités de télétravail et nombre de travailleurs ont dû s'adapter à l'obligation qui leur était faite, dans des conditions parfois difficiles. Selon l'INSEE, lors du premier confinement en 2020, 34 % des personnes occupant un emploi ont télétravaillé, alors qu'elles n'étaient que 3 % en 2017 ; en outre, 80 % des cadres ont travaillé à domicile pendant le premier confinement, ce qui témoigne d'un phénomène massif pour les professions qui ont pu s'en saisir.
Bon nombre d'entreprises ont donc dû s'adapter et inciter leurs salariés à effectuer leur activité en télétravail, alors que ni les unes ni les autres n'étaient renseignés sur les modalités spécifiques de cette manière de travailler et sur son encadrement par la loi. De surcroît, certaines entreprises ont été confrontées à des problèmes d'équipements ou à une couverture de réseau insatisfaisante au domicile de leurs salariés. Enfin, lorsqu'il a été rendu obligatoire à temps plein, le télétravail a pu causer des difficultés psychiques voire des violences intrafamiliales.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous informer des diverses dispositions prises par le Gouvernement afin d'accompagner les entreprises et les travailleurs pour qu'ils puissent s'adapter à cette modalité inédite d'exercice professionnel ? Comment les partenaires sociaux ont-ils été associés à la réussite de son développement ? Enfin, quels enseignements majeurs peut-on tirer du déploiement du télétravail à grande échelle en période de crise ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Vous l'avez dit, télétravail a été le mot d'ordre qui a permis de s'adapter à la période de crise sanitaire. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, Élisabeth Borne, a dès le début de la crise entretenu un dialogue régulier avec les organisations syndicales, patronales et salariales. Le télétravail a été un levier pour lutter contre les risques de contamination : il a permis d'éviter la circulation du virus au sein des entreprises mais aussi à leurs abords et dans les transports en commun. Quelques chiffres peuvent éclairer ce phénomène : selon l'Institut Pasteur, le télétravail a réduit de 30 % les risques de transmission. Il a été adopté dans plusieurs secteurs d'activité depuis plusieurs mois ; là où les salariés en ont exprimé le besoin, ils ne se rendent sur leur lieu de travail qu'un jour par semaine, ce qui témoigne de la qualité du dialogue engagé au cours de la crise.
Depuis le 9 juin, alors que le contexte sanitaire s'améliore, des marges de manœuvre ont été redonnées aux entreprises. Elles doivent désormais fixer une jauge en concertation avec leurs salariés, dans le cadre d'un dialogue riche ; telle est la philosophie du collectif gouvernemental. Elles doivent ainsi définir un nombre minimum de jours de présence par semaine et permettre un retour progressif sur les lieux de travail. En effet, vous l'avez dit, le télétravail a aussi pu générer des situations de stress, d'anxiété ou d'isolement. D'ailleurs, au milieu du mois d'avril, 47 % des salariés déclaraient se sentir isolés et 34 % d'entre eux estimaient que le télétravail augmentait leur stress. Le retour sur site implique évidemment que l'organisation du travail soit adaptée aux exigences de sécurité au sein des locaux des entreprises, mais aussi qu'elle tienne compte du vécu des télétravailleurs.
La crise sanitaire a fait entrer le télétravail dans le quotidien des travailleurs et je crois que c'est une avancée pérenne. Cela implique que tous les employeurs et leurs salariés tirent les enseignements de cette expérience. Si la situation sanitaire le permet, les entreprises et les branches professionnelles seront invitées par la ministre du travail à définir au 1er septembre le cadre applicable en matière de télétravail, en s'appuyant sur l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 26 novembre dernier. Pour Élisabeth Borne, il est essentiel d'accompagner le recours au télétravail en fonction de la taille de l'entreprise et des besoins des salariés.
Depuis un an, la crise sanitaire a déstabilisé la vie des étudiants et des jeunes entrant dans la vie active. Ils ont été confrontés à une détresse psychologique mais aussi financière. La précarité étudiante a été décuplée, comme en témoigne la fréquentation grandissante des banques alimentaires. Ce constat montre que notre jeunesse a perdu ses repères, du fait de la disparition des emplois étudiants, de la difficulté à laquelle ils font face pour entrer sur le marché de l'emploi et du laborieux parcours qui est exigé d'eux pour décrocher une alternance ou un stage de fin d'études.
Je salue les dispositifs mis en place par le Gouvernement pour favoriser l'embauche des jeunes. Ces mesures portent leurs fruits et le soutien apporté par le Gouvernement a été total, notamment grâce aux primes à l'embauche de jeunes pour les entreprises ou à la prise en charge d'une partie des coûts de stage et d'alternance.
Néanmoins, pour les primo-entrants sur le marché du travail, le risque de connaître le chômage, la précarité ou d'autres difficultés reste considérable. Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : comment éviter aux jeunes diplômés d'être tenus à l'écart du marché du travail, sachant que l'expérience est le principal critère d'embauche ? Quelles sont leurs perspectives en matière d'employabilité ?
Je sais à quel point vous êtes engagé auprès des jeunes, en particulier dans cette période de crise sanitaire. Votre question a plus particulièrement trait aux jeunes actifs, ceux qui entrent sur le marché du travail. Ils ont été la priorité – ils le sont toujours – de toute l'équipe gouvernementale et la ministre du travail a porté sur eux un regard très attentif, en déployant notamment le plan « 1 jeune, 1 solution ». Nous avons en outre facilité de manière très concrète leur entrée sur le marché du travail en leur allouant plus de 1,1 milliard d'euros sous forme de primes exceptionnelles – c'est un exemple, le chiffre est global mais il recouvre des situations très personnelles et très particulières.
Le nombre d'embauches a été équivalent à celui qui prévalait avant la crise, ce qui illustre bien la réussite des réponses que nous avons apportées. À titre de comparaison, la dégradation de l'emploi avait été quatre fois plus importante lors de la crise de 2008-2009, alors que celle que nous venons de vivre a été d'une ampleur historique.
Pour répondre à la précarité financière des jeunes, que vous avez évoquée, nous avons également sécurisé leur situation en attribuant par exemple des aides financières aux diplômés ex-boursiers, mais aussi en développant un accompagnement très personnalisé – je sais à quel point le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est attaché à l'accompagnement humain – qui a pris plusieurs formes : un accompagnement dédié a par exemple été institué au sein de Pôle emploi mais aussi de l'APEC – association pour l'emploi des cadres –, qui a déployé le dispositif « Objectif premier emploi » pour les jeunes diplômés.
Enfin, nous faisons le nécessaire pour rendre les offres d'emploi, les jobs d'été et les stages plus accessibles. Vous parliez de l'expérience, monsieur le député ; dans une période où les liens sociaux et humains ont été restreints, il faut s'attacher à la favoriser. C'est dans ce but que sur le site gouvernemental du plan « 1 jeune, 1 solution », nous avons rassemblé plus de 265 000 offres d'emploi proposées par les employeurs privés ; ce sont autant de possibilités pour acquérir de l'expérience. Pour répondre à la demande des étudiants, nous avons également complété ce site dynamique en y ajoutant plus de 20 000 offres de stage et plus de 50 000 jobs d'été susceptibles de répondre aux besoins actuels – de nouvelles offres sont déposées chaque jour.
Lorsque la crise du covid-19 a pris de l'ampleur, le Gouvernement a engagé des mesures indispensables pour garantir la mise en œuvre rapide et étendue des différents dispositifs d'aide aux entreprises et aux salariés et ainsi les aider à affronter les répercussions des restrictions d'activité économique qui leur ont été imposées. Les mesures de maintien dans l'emploi comptent parmi les principaux outils auxquels la France a eu recours pour atténuer les effets de la crise sur le marché du travail et sur le plan social.
La France a autorisé les entreprises à considérer la crise sanitaire comme un cas de force majeure, ce qui leur a permis de recourir au dispositif d'activité partielle. Sa durée maximale, qui devait initialement être de six mois, a été étendue à douze mois. Tous les salariés sous contrat y ont été éligibles ; ils ont perçu 70 % de leur salaire brut de la part de leur employeur et ces sommes ont été finalement prises en charge par l'État.
Comme l'a annoncé le Président de la République, les secteurs protégés qui ont été fermés administrativement – hôtellerie, restauration mais aussi événementiel – continueront à bénéficier jusqu'à la fin du mois de juin d'une prise en charge à 100 % de l'activité partielle.
Madame la secrétaire d'État, il me paraît indispensable de continuer à accompagner les secteurs en difficulté pendant toute la durée de la crise et de tenir compte de la situation particulière des entreprises qui auront le plus de mal à redémarrer. À partir du 1er juillet, vous commencerez à réduire la prise en charge de l'activité partielle de ces secteurs pour arriver à un reste à charge de 15 %, tout en maintenant la rémunération à hauteur de 84 % du salaire brut. Vous envisagez d'atteindre un nouveau palier au mois d'août tout en maintenant la rémunération des salariés, l'objectif étant de rejoindre les règles de l'activité partielle de droit commun à partir de la rentrée de septembre prochain.
Ces évolutions doivent inciter les entreprises qui en ont besoin à se saisir de l'activité partielle de longue durée, qui permet à une entreprise de protéger durablement ses emplois tout en renforçant les compétences de ses salariés. Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous faire évoluer les dispositions existantes afin d'accompagner au mieux la reprise économique ?
Vous avez raison : l'activité partielle et l'activité partielle de longue durée (APLD) ont permis de construire un bouclier antilicenciement et donc de protéger à la fois les emplois et les travailleurs. Grâce à l'engagement de la ministre du travail et de l'ensemble du Gouvernement, ce dispositif aura mobilisé près de 40 milliards d'euros. En avril dernier, 2,7 millions de salariés étaient encore concernés par l'activité partielle et ainsi protégés ; au plus haut de la crise, ils étaient près de 9 millions dans ce cas. On peut donc bien parler d'un « bouclier ».
Vos questions, monsieur le député, ont trait à la suite, c'est-à-dire aux évolutions que doit connaître le dispositif. Maintenant que les restrictions sanitaires sont peu à peu levées, les mesures d'accompagnement doivent être adaptées en prenant en considération les réalités spécifiques de chaque secteur. Nous sommes très attentifs à ne pas les retirer trop vite, afin de permettre une adaptation étape par étape. Ainsi, les entreprises qui demeurent fermées comme les discothèques, auxquelles je sais que le groupe Dem est particulièrement attaché, continueront à bénéficier de l'activité partielle : tant qu'elles resteront dans cette situation, elles pourront profiter d'une prise en charge à 100 % par l'État.
Pour les autres secteurs – je pense évidemment aux restaurants, aux bars, aux hôtels, aux musées ou aux salles de sport –, nous sortirons progressivement de ces dispositifs d'aide d'urgence en créant des formes d'accompagnement humain adaptées. Chacun fera l'objet d'un soutien adapté à ses spécificités. C'est pourquoi – la ministre du travail y tient particulièrement – j'invite les entreprises à anticiper une baisse durable de leurs activités et à se saisir du dispositif d'activité partielle de longue durée, qui leur permettra de protéger leurs emplois et leurs salariés avec un reste à charge de 15 %, pour une durée pouvant aller jusqu'à deux ans.
C'est dans la durée que nous souhaitons protéger les emplois et les salariés dans l'ensemble des territoires, par exemple dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration – en tant que député de Vendée, je sais que vous y êtes particulièrement attaché. Concrètement, ce dispositif pourra être utilisé par n'importe quel bar ou restaurant de votre territoire. À ce jour, 13 500 accords concernant plus de 800 000 salariés ont déjà été signés.
Le Gouvernement a considérablement accru les moyens accordés aux dispositifs d'insertion par l'activité économique. En effet, leur pertinence a été démontrée : ils permettent de lutter contre la précarité et de favoriser la réinsertion ou l'insertion professionnelle de nos concitoyens éloignés de l'emploi. De fait, en 2021, c'est un budget de 1,1 milliard d'euros qui a été alloué à l'insertion par l'activité économique, soit une augmentation de 15,3 % du nombre de postes financés.
Afin de préserver les ressources des salariés en insertion durant le premier confinement, le Gouvernement avait créé un régime très protecteur et la durée de parcours avait été allongée de six mois. Concernant la solvabilisation des structures affectées par la crise sanitaire, un plan de soutien sectoriel a été instauré. Un dispositif d'urgence destiné aux structures d'insertion par l'activité économique et aux entreprises adaptées a également été mis en place sous la forme d'une subvention forfaitaire ; il est doté de 300 millions d'euros qui doivent permettre de couvrir les pertes d'exploitation. S'y ajoutent un financement ainsi que des appels à projets d'investissement ou de développement des structures.
En outre, dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », 200 millions d'euros au bénéfice de 35 000 jeunes et 30 000 aides au poste supplémentaires sont accordés à ces structures pour créer des emplois dans des secteurs d'avenir ou de transformation sociale.
Madame la secrétaire d'État, comment les structures d'insertion par l'activité économique se sont-elles emparées de ces mesures de soutien ? Par ailleurs, au terme du premier semestre de l'année en cours, pouvez-vous faire état de leur capacité à atteindre les objectifs fixés en matière de parcours financés ? Enfin, le Gouvernement a-t-il connaissance de structures d'insertion par l'activité économique qui seraient en grande difficulté ? Le cas échéant, des mesures d'aide individuelle pourront-elles être déployées localement, afin d'éviter la disparition de ces acteurs indispensables sur le territoire ?
Le modèle humain que vous prônez est au cœur de l'insertion par l'activité économique, secteur dans lequel nous avons investi 220 millions d'euros en 2020, en réponse à la crise. Quelque 4 200 structures, soit plus de 90 % des entreprises d'insertion par l'activité, ont pu bénéficier de cette aide, ce qui leur a permis de faire face à des pertes d'exploitation ou à des surcoûts liés à la crise – nécessité de se réorganiser ou d'acheter des matériels de protection.
Grâce à ces crédits, nous avons aussi pu enclencher en 2020 une dynamique de développement inédite – objectif poursuivi par Élisabeth Borne et par Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion – car c'est une priorité du Gouvernement. Nous avons lancé un appel à projets dans le domaine de l'insertion économique inclusive, qui devrait prendre corps en 2021 et conduire à la création de plus de 34 000 emplois. Le budget de ce plan de relance pour l'inclusion a été augmenté de 100 millions d'euros pour atteindre 320 millions d'euros.
En 2021, nous allons prolonger cette dynamique qui correspond à notre modèle : une insertion sociale et économique pour tous. Nous voudrions que 60 000 personnes supplémentaires bénéficient d'une insertion par l'action économique, pour atteindre un total de plus de 200 000 personnes d'ici à 2021. Tels sont nos axes prioritaires : l'inclusion par l'emploi et l'inclusion pour tous.
La crise sanitaire et ses restrictions consubstantielles ont exacerbé les défis et inégalités existant dans tous les domaines, affectant particulièrement les publics vulnérables tels que les personnes en situation de handicap. Pour elles, la crise a eu des conséquences dramatiques, notamment un risque plus élevé d'infection au covid-19 et la perturbation et la diminution des services essentiels dédiés. Or ces conséquences pourraient devenir durables, selon l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne qui, après avoir dressé un état des lieux alarmant, exhorte les États membres à renforcer leurs actions en faveur de ce public plus fragile.
Dans le cadre du plan France relance, le Gouvernement avait mis en place une aide à l'embauche de 4 000 euros visant à soutenir l'emploi des personnes en situation de handicap. Le 28 mai dernier, vous avez annoncé la prolongation de l'aide jusqu'au 31 décembre 2021. Le groupe Agir ensemble s'en réjouit car nous sommes convaincus que la construction d'une société plus inclusive et respectueuse des droits des minorités passera nécessairement par l'intégration au marché du travail, formidable facteur de cohésion sociale.
Cependant, malgré ces efforts, force est de constater que la situation de ce public s'est considérablement aggravée, incitant les gouvernements à mettre en place de nouvelles mesures. Pouvez-vous nous renseigner sur les mesures complémentaires que votre ministère prendra pour tenter de répondre aux difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap ?
De plus, en raison d'une perte de leur chiffre d'affaires d'environ 30 %, beaucoup d'établissements et services d'aide par le travail se trouvent en difficulté pour assurer la pérennisation de leurs emplois. En début d'année, Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, avait lancé une concertation avec les parties prenantes du secteur, afin de tenter de répondre aux enjeux structurels de modernisation attendus par ces établissements. Avez-vous des informations sur l'avancée et les résultats de cette concertation ? Les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) représentent plus de 150 000 travailleurs handicapés exerçant une activité professionnelle, dont la préservation des conditions de travail doit être assurée pour répondre aux nouveaux défis du handicap.
Votre vision de l'économie inclusive est sensible aux difficultés de chacun et prône un accompagnement correspondant à la promesse de la République et au modèle social qui vous est cher. Au sein du Gouvernement, Élisabeth Borne, Sophie Cluzel et moi-même avons pour mission d'accompagner les entreprises adaptées, qui créent de vraies possibilités d'insertion économique des jeunes, ce chemin permettant une cohésion sociale renforcée car chacun peut trouver sa place.
En réponse à la crise, nous avons pris des mesures pour protéger ces entreprises adaptées et leur permettre de conserver leurs effectifs. Dans un deuxième temps, cette aide vise à les aider à se transformer et à soutenir une dynamique de création d'emplois. Dès août 2020, plus de 100 millions d'euros ont été accordés à ces entreprises adaptées qui apportent de vraies solutions dans nos territoires, permettant à chaque citoyen d'y être pleinement acteur de sa vie.
Les deux tiers des crédits ont été affectés au développement des projets mais aussi à des réformes plus structurelles destinées à permettre à ces entreprises de se projeter dans l'après-crise. Plus de 1 200 initiatives locales ont déjà été conventionnées : les solutions viennent aussi des territoires, ce qui vous tient à cœur, je le sais, monsieur le député. Il faut s'appuyer sur l'expertise de ces écosystèmes qui vont permettre de créer plus de 11 500 emplois d'ici à 2022. Ces initiatives s'intègrent dans une dynamique nationale, impliquant une concertation avec la ministre du travail au sujet de la création de filières et de la relocalisation d'activités liées à des secteurs tels que le textile, le numérique ou l'automobile.
L'après-crise est en vue. Ce sera le moment de faire le bilan et de fixer des objectifs de développement des entreprises adaptées. Le service public de l'emploi se mobilise pour faciliter le recrutement des candidats, assurer un accompagnement humain et la visibilité des entreprises adaptées qui offrent une vraie réponse dans nos territoires.
Alors que la crise sanitaire a profondément fragilisé les territoires déjà très éloignés de l'emploi, la création d'entreprise est plutôt dynamique dans les 1 514 quartiers prioritaires de la ville, dits QPV : le taux de création se situe à 2,2 % de la population active, contre 1,7 % en moyenne en France. Il faut cependant ajouter que le taux de chômage y est deux fois plus élevé que la moyenne nationale, et qu'environ 44 % des habitants vivent au-dessous du seuil de propreté. Dans ces conditions, devenir indépendant est moins un choix qu'une nécessité, celle de créer son propre emploi pour échapper au chômage. En fait, nombre de jeunes sont désarmés, et la crise sanitaire a fortement aggravé la crise sociale.
En réponse, vous avez établi un dispositif d'emplois francs, qui consiste à attribuer une prime exceptionnelle à l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans, pour un contrat signé entre le 15 octobre 2020 et mai 2021. Notre groupe est bien sûr favorable à ce dispositif incitatif qui peut permettre à de nombreux jeunes d'accéder à l'emploi. Cependant, nous pensons que des réformes structurelles doivent être lancées pour tenter d'enrayer la spirale du chômage et de la pauvreté dans ces quartiers.
Quelles réformes de long terme préconiseriez-vous pour pallier les conséquences néfastes de la crise sanitaire sur l'emploi dans les QPV ? Notre groupe se réjouit du lancement de la nouvelle phase d'expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » dans les dix territoires sélectionnés, destiné à l'embauche de chômeurs éloignés de l'emploi depuis au moins douze mois. Lors des débats en commission puis en séance, nous avions très majoritairement soutenu cet outil modeste mais efficace en direction des plus fragiles, sous-tendu par le principe légitime que personne n'est inemployable.
Le Gouvernement est conscient des défis majeurs auxquels sont confrontées les populations vivant dans les QPV, quartiers pourtant riches d'une jeunesse dynamique qui ne demande qu'à pleinement s'épanouir. Ces quartiers se caractérisent par un taux de chômage de 2,5 % supérieur à la moyenne nationale, et par la jeunesse de leurs habitants : les moins de 25 ans représentent 39,1 % de la population, soit dix points de plus que sur le reste du territoire. Nous devons être à la hauteur de cette jeunesse.
Alors que les habitants des quartiers prioritaires de la ville représentent environ 8 % de la population de notre pays, ils sont 40 % des bénéficiaires de l'appel à projets « 100 % inclusion » dont nous venons de parler. Quasiment 20 % des jeunes ont intégré le dispositif « garantie jeunes » pour bénéficier d'un accompagnement humain nécessaire et ne pas être condamnés à un choix qui ne serait pas le leur. Quelque 17 % d'entre eux se sont engagés dans un parcours emploi compétences jeunes (PEC), presque 17 % dans un parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), et 12 % dans des associations intermédiaires.
Ces quelques chiffres illustrent l'importance de la mobilisation du Gouvernement – en particulier les équipes d'Élisabeth Borne, celles de Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville, et les miennes – en faveur de ces territoires. Nous allons intensifier les efforts envers leurs habitants, notamment en renforçant les agences de Pôle emploi dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Il s'agit de favoriser l'accès au réseau et de donner aux habitants plus de chance de choisir leur parcours, notamment grâce à la dynamique crée par les cités de l'emploi. Pour ce faire, la ministre du travail recrute plus de 500 conseillers supplémentaires dans plus de soixante-six agences de Pôle emploi qui concernent presque 35 % des personnes en situation de chômage.
Ces renforts permettront d'intensifier l'accompagnement humain de quelque 100 000 demandeurs d'emploi. Ils permettront aussi de développer des actions hors des murs, d'aller à la rencontre des populations, notamment les personnes les plus fragiles, afin de s'appuyer sur la richesse et la dynamique de nos territoires. Avec Nadia Hai, nous déployons soixante cités de l'emploi supplémentaires dans les QPV, afin de labelliser les dynamiques et montrer toutes les belles créations de nos quartiers populaires.
Nous sommes censés interroger le Gouvernement sur les dispositifs qu'il a mis en place en faveur du maintien dans l'emploi pendant la crise. Ma première question sera toute simple : alors que l'État aura rarement mis autant d'argent sans contrainte dans les entreprises au cours de son histoire, qu'avez-vous fait pour éviter les licenciements massifs qui ont lieu même au sein d'entreprises qui continuent à faire des bénéfices ?
Une carte de France vient d'être publiée, localisant les centaines de plans sociaux en cours dans ce pays. Nombre d'entre eux, je le répète, ne sont pas motivés par des raisons économiques. Comment justifiez-vous que de grandes entreprises du CAC40 comme Renault ou Air France aient pu supprimer 5 000 ou 7 000 postes tout en étant soutenus par nos impôts ?
Comment expliquer – et surtout comment accepter – que vous n'ayez pas mis en place de règles aussi simples et nécessaires que le conditionnement du versement d'aides publiques ? Il aurait été simple d'interdire toute aide à des entreprises qui distribuent des dividendes, ou d'interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits et reçoivent des aides publiques.
Rappelons quelques situations de ce type. Le propriétaire américain du sous-traitant de l'automobile et l'aéronautique PPG – anciennement Le Joint français – vient de décider d'externaliser la production de cette entreprise pourtant bénéficiaire, ce qui se traduit par un plan social. Mon propos vaut pour les donneurs d'ordres. Des salariés d'Alvance Aluminium Wheels manifestent actuellement devant l'Assemblée nationale contre la fermeture de leur entreprise qui emploie 280 salariés à Châteauroux, dans l'Indre, dans une région complètement déshéritée. Nombre de sous-traitants de l'automobile – il y en a aussi à La Souterraine et ailleurs – voient baisser les commandes car Peugeot et Renault préfèrent acheter leurs pièces – en l'occurrence des jantes en aluminium – ailleurs en Europe ou de l'autre côté de la Méditerranée. Chacun conviendra pourtant que l'on aura toujours besoin d'aluminium dans ce pays.
Comment accepter cette désertification industrielle au moment même où vous mettez tellement d'argent dans l'économie ? Qu'attendez-vous pour aller voir Renault et Peugeot et leur dire que les milliards d'euros donnés resteront sur la table, à condition que ces entreprises ne ferment pas ? Allez expliquer cela aux salariés qui sont en colère. Pour ma part, je les comprends : c'est insupportable ! Quand le Gouvernement va-t-il agir pour éviter ce genre de scandale : des boîtes font des bénéfices avec nos impôts, ferment des usines alors même qu'elles reçoivent des aides publiques ?
Rappelons tout d'abord qu'en cette période de crise sanitaire, l'État a été plus protecteur que jamais au cours de son histoire : près de 9 millions de salariés ont été en situation d'activité partielle – il s'agissait bien de protéger les emplois, les travailleurs et leur famille, les territoires.
La réindustrialisation est la priorité de l'équipe gouvernementale, qui se traduit notamment par la mobilisation de mes collègues Élisabeth Borne et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie, par les mesures prises pour que chaque salarié puisse se former et bénéficier d'un accompagnement humain sur son territoire.
Nous ne pourrons jamais nous satisfaire de situations qui crispent et laissent des cicatrices sur des territoires. Les membres de l'équipe gouvernementale – en particulier Agnès Pannier-Runacher, Élisabeth Borne, Brigitte Klinkert et moi-même – ont pour objectif de protéger ces familles, ces parcours et ces travailleurs. Nous avons engagé un dialogue renforcé en imposant des conditions, notamment en matière d'activité partielle de longue durée. Des conditions doivent être exigées dans le cadre d'un dialogue social riche et nécessaire : l'engagement à ne pas licencier ou à renforcer la formation, par exemple, pendant une durée de deux ans. Voilà, monsieur le député, l'action du Gouvernement pour protéger ces emplois et ces familles.
Tout ça me semble un peu décalé, madame la secrétaire d'État ! La question n'est pas celle de l'activité partielle de longue durée. J'étais par exemple en contact avec quelqu'un du ministère, quelqu'un de très charmant d'ailleurs, concernant PPG, qui m'a expliqué que tout serait fait pour que le plan social soit le plus humain possible, alors que le problème est de savoir comment conserver les emplois d'entreprises qui produisent ce dont nous avons réellement besoin en France. Malgré ces besoins, les emplois sont envoyés ailleurs parce que soit les donneurs d'ordres comme Renault ou Peugeot, soit les propriétaires, après avoir empoché des aides de l'État, vont faire des bénéfices dans des pays où le travail est moins cher. On ne peut plus accepter cela ; il faut changer de logiciel.
Il ne faut plus donner d'argent à des entreprises sans conditions. La première d'entre elles consiste à empêcher les licenciements boursiers. Les entreprises ne peuvent pas recevoir l'argent des contribuables et opérer, en même temps, des licenciements boursiers ; ça me semble logique, et ça l'est encore plus dans la période actuelle.
Une deuxième condition est liée aux deux années de baisse de la production nationale : on pourra faire ce qu'on voudra, il faudra bien finalement savoir qui paie. Et ça peut être soit le capital, soit le travail. Vous avez manifestement décidé que ce serait de nouveau le travail – c'est la réforme des retraites, celle de l'assurance chômage… Nous disons, au contraire, qu'il faut aller chercher, d'une manière ou d'une autre, l'argent qui continue de s'accumuler – on sait que les dividendes des entreprises du CAC40 ont augmenté de 22 % l'an dernier alors que nous traversons une crise économique majeure – pour rétribuer le travail.
Cela passe par la réduction du temps de travail, la fin des licenciements économiques, une garantie d'emploi, l'embauche pour la transition écologique… Nous y arriverons en mettant l'argent dans le travail et en arrêtant de penser que plus on favorisera les capitaux plus on favorisera l'emploi – c'est la théorie du ruissellement –, car on constate que ce n'est pas vrai. Le résultat, c'est Alvance Aluminium Wheels. J'aurais parlé d'eux plusieurs fois, mais je vous assure que leur colère n'est pas partisane. Allez les voir, chers collègues, ils sont devant l'Assemblée ! C'est insupportable de voir des gens qui vous disent : « On est en train de crever ! » C'est notre industrie qui est en train de crever ; il faut les protéger.
Je comprends que vous posez la question de la contrepartie. Elle doit évidemment être adaptée à la situation de l'entreprise. Je peux vous assurer, même s'il ne s'agit pas directement de mon portefeuille, que la ministre du travail, le ministre de l'économie et la ministre déléguée chargée de l'insertion suivent avec la plus grande vigilance les aides versées par France relance.
Il faut par exemple communiquer les informations relatives aux aides de l'État au comité social et économique (CSE). Je crois à la qualité du dialogue social en même temps qu'à la nécessité de conserver notre industrie. Je viens moi-même d'un territoire sur lequel des industries sont implantées : à chaque fois que nous perdons une seule d'entre elles, nous perdons aussi tout l'écosystème des sous-traitants. C'est la raison pour laquelle notre mobilisation est totale.
Lorsque je parle d'activité partielle de longue durée, monsieur le député, ce n'est qu'un exemple de la conditionnalité des aides. Un dialogue renforcé est en effet nécessaire afin de protéger les entreprises à condition qu'elles s'engagent. C'est le cap que nous avons choisi. Nous voulons préserver l'industrie, donc les emplois sur notre territoire, et cela se traduit sous diverses formes. J'entends la colère que vous exprimez – elle est perceptible au seul son de votre voix – mais l'équipe gouvernementale est mobilisée pour protéger ces emplois, ces travailleurs et les territoires concernés.
En 2020, la France comptait un 1,6 million de jeunes qui n'occupaient pas un emploi et ne suivaient pas d'études ou de formation, soit 130 000 de plus qu'en 2019. Ce chiffre particulièrement inquiétant a relancé le débat sur l'instauration d'un revenu minimum pour les jeunes.
Ces derniers, de 18 à 25 ans, sont plus fréquemment recrutés en contrats courts, soit précisément les emplois qui ont été le plus détruits pendant la crise – environ 700 000 d'entre eux avaient disparu au premier trimestre de 2020. Nous pouvons saluer les efforts du Gouvernement, notamment en faveur de l'apprentissage – je pense en particulier à l'aide exceptionnelle pour l'embauche d'alternants.
L'activité partielle a également été fortement utilisée, cependant les évolutions pour 2021 pourraient être précisées, notamment concernant la saison touristique qui approche et l'accès à ce dispositif des collaborateurs saisonniers parmi lesquels les jeunes sont surreprésentés.
Je m'interroge également sur votre projet d'universalisation de la garantie jeunes qui permet d'accompagner les 16-25 ans en grande précarité. Seulement 200 000 jeunes devraient en bénéficier en 2021 : comment expliquez-vous que le nombre de bénéficiaires potentiels soit si faible ? Combien de demandes de garantie jeunes avez-vous enregistré à ce jour et que feriez-vous si un beaucoup plus grand nombre de jeunes éligibles demandaient à avoir accès au dispositif ? En l'état, il coûte moins cher que l'ouverture du RSA aux 18-25 ans, mais on ne peut pas vraiment parler d'universalisation quand une partie de la jeunesse n'est pas concernée.
Enfin, le rapporteur général de la commission des finances, Laurent Saint-Martin, propose d'expérimenter un revenu d'urgence pour les jeunes. Quelle est la position du Gouvernement sur ce projet ?
Notre priorité, tous ministères confondus, a été d'accompagner les jeunes durant la période de la crise sanitaire. Je peux vous dire à quel point la mobilisation concernant la garantie jeunes a été forte dès le début la crise. Au lendemain de mon entrée dans l'équipe gouvernementale, avec Élisabeth Borne, nous avons demandé au Conseil d'orientation des politiques de la jeunesse un rapport sur les évolutions de la garantie jeunes. C'est à la suite de ces travaux que nous nous sommes orientés vers l'objectif d'une garantie universelle en nous appuyant sur les organisations de jeunesse et que nous avons doublé, grâce au plan de relance et à la mobilisation budgétaire, le nombre de garanties jeunes disponibles, en la faisant évoluer.
Concrètement, monsieur le député, le plan « 1 jeune, 1 solution » permet d'apporter une solution à plus de 1,1 million de jeunes. Cela se traduit par de l'emploi, de l'apprentissage, de la garantie jeunes, pour certains d'entre eux, mais aussi des formations spécifiques. Nous avons un cap, un seul horizon : l'insertion économique, l'emploi. C'est la meilleure manière de lutter contre la pauvreté ; c'est la meilleure manière de lutter contre la paupérisation de toute une jeunesse.
C'est pour cela que nous avons répondu à différents niveaux. Pour les jeunes étudiants, il y a eu la réouverture de l'étude des dossiers pour l'obtention des bourses, parce que certaines familles n'étaient plus en mesure d'aider les enfants. Il y a eu l'augmentation de la rémunération du stage professionnel, souhaitée par la ministre du travail, afin qu'il n'y ait plus de concurrence entre les dispositifs et les formations. Nous n'apportons pas une réponse unique à notre jeunesse, car cette dernière est diverse. Chaque situation mérite un accompagnement spécifique et la jeunesse a surtout besoin qu'on lui donne les moyens de s'en sortir à long terme.
Entre 16 et 25 ans, un jeune a d'abord besoin d'une solution financière pour échapper à la précarité – la garantie jeunes correspond à cette attente –, mais il a aussi besoin de l'accompagnement humain qui lui permettra de s'en sortir et de construire la vie qu'il souhaite. Je pense évidemment à la formation, aux études, à l'emploi, aux jobs d'été, aux stages. Il doit bien sûr construire cet avenir sans avoir à se demander s'il va pouvoir manger à la fin de la journée.
La question du dispositif européen déployé en faveur des travailleurs victimes de la crise est rarement abordée. Nous tentons au cours de ce débat d'évaluer ce qui a déjà été mis en œuvre par l'État mais, pour être complet, cet exercice doit nous pousser à traiter des insuffisances dont certaines sont manifestement européennes.
Face à la crise, l'Union européenne a très vite voulu muscler son aide aux victimes de la covid-19. Ce soutien s'est notamment traduit par une augmentation du budget du FEAM, le fonds européen d'ajustement à la mondialisation : 1,3 milliard d'euros ont été débloqués. Le périmètre du FEAM a été étendu pour inclure les salariés victimes d'un licenciement lié à la pandémie. Le fonds s'est retrouvé sous les feux de l'actualité lorsqu'il a fallu aider les salariés de KLM.
Cependant, en France, les effets du FEAM sont limités, car, comme beaucoup de fonds européens, celui-là reste peu connu du grand public. Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous pallier ce manque de notoriété et rendre ce fonds plus réactif et plus visible pour les travailleurs français ? En 2020, la Cour des comptes pointait déjà l'opportunité manquée pour les entreprises françaises car le fonds a été peu mobilisé face à la crise. En comparaison, on sait que l'Espagne a opté pour une approche par filières avec des dossiers montés à l'échelon local, stratégie qui bénéficie beaucoup aux PME.
Quelles sont les mesures prises pour saisir cette opportunité européenne afin de sauver l'emploi en période de crise ? Pourquoi ne pas développer une approche prenant en compte les filières et les territoires afin d'en faire profiter les salariés des PME ?
S'agissant des fonds européens, des communications sont aujourd'hui en cours, qui s'appuient sur les services des DIRECCTE – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation. Sitôt le constat dressé, la ministre du travail a immédiatement réagi et une réponse a été apportée. Les informations arrivent donc désormais dans l'ensemble des territoires, en particulier pour accompagner les PME et les TPE.
Une partie du plan de relance qui nous a permis de protéger des emplois et donc les travailleurs, qui nous a permis de doubler le nombre de garanties jeunes ou celui des dispositifs d'insertion ou de formation est financée par l'Union européenne. Il faut remettre cet élément en perspective : sur les 100 milliards du plan de relance, 40 milliards proviennent de fonds européens.
Il y a quelques semaines, je me trouvais à Bruxelles au conseil européen des ministres de la jeunesse : la garantie jeunes européenne est en cours de construction. Elle permettra à chaque jeune, au sein de ce beau projet politique, de bénéficier d'un accompagnement et d'une aide financière pour lui permettre de trouver son chemin, de se construire et de ne plus vivre cette fragilité, cette fêlure qui aggrave les difficultés. Cela permettra aussi de réduire les inégalités d'accès à l'insertion économique ou sociale en considérant chaque jeune comme une chance, comme une richesse, en lui donnant les moyens d'avancer.
Je veux aussi évoquer, concernant la mobilité au sein de l'Union, le doublement des budgets du programme Erasmus +, le rôle du corps européen de solidarité, ou les 100 000 missions supplémentaires de service civique qui permettent à des jeunes qui ne sont pas étudiants de vivre à l'étranger. L'Europe peut ainsi être une chance pour chaque jeune, en particulier grâce à la mobilisation de l'Union européenne. Les jeunes bénéficieront aussi du service civique « Europe » annoncé il y a quelques semaines par Clément Beaune, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Depuis le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a déployé plusieurs dispositifs visant à soutenir financièrement les entreprises : activité partielle pour un montant de 27 milliards d'euros en 2020, fonds de solidarité pour un montant de 17 milliards d'euros, prêts garantis aux entreprises.
Si ces aides publiques étaient justifiées au regard du choc économique entraîné par l'arrêt brutal de certaines activités, elles n'ont pas été accompagnées d'exigences en matière de préservation de l'emploi. Le déploiement des PGE – prêts garantis par l'État – auprès des grands groupes témoigne de l'absurdité de cette politique qui consiste à déverser des milliards d'euros sans exiger de contreparties sociales. Ainsi, malgré des aides publiques massives, depuis plusieurs mois, les plans sociaux se multiplient.
Renault qui a touché 5 milliards d'euros de PGE a présenté, dès mai 2020, un plan d'économies prévoyant 4 600 suppressions de postes en France et 15 000 dans le monde. De même, Air France qui a perçu 7 milliards d'euros de soutien financier de la part de la puissance publique prévoit la suppression de 7 500 postes d'ici à 2022. Le groupe Accor qui a perçu 500 millions d'euros de prêts par l'État a fait savoir mi-janvier qu'il envisageait de supprimer 1 900 emplois en Europe, dont 770 en France. Dernier exemple entre beaucoup d'autres : le groupe Galeries Lafayette a présenté un plan de départs volontaires à la fin de l'année 2020.
Dès le début de la crise, nous avions exigé que les aides publiques soient conditionnées socialement et écologiquement, et que leur utilisation soit contrôlée. Les chiffres de suppression d'emplois que je viens d'évoquer nous donnent raison. Il faut que ces pratiques indécentes cessent car elles alimentent une forme d'impunité. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a le devoir d'agir. Quelles actions met-il en œuvre pour faire cesser ces abus ?
Je sais à quel point vous êtes engagé sur la question de la conditionnalité sociale, économique et territoriale des aides versées aux entreprises. Je crois que nous partageons un point d'accord : il fallait être à la hauteur de la situation, et protéger d'abord les travailleurs, c'est-à-dire les femmes et les hommes, sans tomber dans l'iniquité, mais en nous concentrant sur eux en priorité.
Le temps est désormais venu d'aller plus loin, d'assurer l'égalité salariale, de protéger les plus fragiles des entreprises, d'encourager le dialogue social et de conditionner les aides. C'est pourquoi la ministre du travail entend mobiliser, entre autres dispositifs, l'activité partielle de longue durée, en l'assortissant de conditionnalités et en incitant les entreprises à rendre publiques les aides perçues en les communiquant aux CSE. Nous croyons en effet au dialogue social au sein des entreprises – comme vous, me semble-t-il.
Évidemment, nous ne nous habituerons jamais à ce que des emplois disparaissent ou à ce que des salariés soient mis en difficulté. La priorité absolue est bien la sauvegarde des emplois. Les entreprises ont certes été aidées de manière inégale en fonction de leur situation, mais l'objectif est toujours resté le même : protéger un maximum de salariés. Depuis quinze mois, l'activité économique de la France a chuté de près de 10 % et nous avons perdu – c'est déjà beaucoup trop – plus de 240 000 emplois privés. Par comparaison, plus de 480 000 emplois avaient été détruits lors de la crise de 2008-2009.
La protection des emplois doit se poursuivre. Il faut maintenant y adjoindre les composantes sociales et environnementales auxquelles nous sommes attachés et que, je le crois, chacun ici, quel que soit le banc sur lequel il siège, défend comme autant d'éléments de notre modèle social.
Les PGE ne donnent pas lieu à des versements de dividendes, monsieur le député. Qu'il s'agisse de Renault ou d'Accor, l'objectif est évidemment de sauver des emplois grâce aux négociations en cours sur l'activité partielle de longue durée : c'est la priorité des équipes concernées. Je sais la ministre du travail pleinement mobilisée et engagée personnellement sur ces dossiers.
La crise sanitaire a montré le caractère utile et précieux du travail des personnes œuvrant dans les domaines sanitaire et médico-social. Cependant, de graves problèmes de recrutement se posent : de nombreux postes, ayant perdu leur attractivité du fait des différences de salaires avec des emplois ayant bénéficié du Ségur de la santé, restent non pourvus.
Je retiendrai deux exemples issus de rencontres récentes au cœur de la circonscription du Puy-de-Dôme que je représente. Le premier est celui du service de soins infirmiers à domicile d'Ambert, qui exerce sous statut associatif privé non lucratif. Ses aides-soignantes et infirmières ne bénéficieront qu'au 1er octobre 2021 de l'avenant 43 à la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, et continueront à subir un différentiel de salaire important avec leurs collègues exerçant dans des établissements hospitaliers. En outre, pour la structure support, la compensation de la prise en charge de cette revalorisation ne sera que partielle. J'insiste sur le fait que la couverture des soins à domicile est gravement menacée, ce qui aura des conséquences profondes pour la prise en charge du grand âge.
Le deuxième exemple concerne les métiers sociaux et médico-sociaux exercés au sein du foyer d'adultes annexé à l'ESAT à Cunlhat. Cet établissement public autonome n'ayant pas encore bénéficié de la revalorisation mensuelle accordée dans le cadre du Ségur de la santé, le ressenti du personnel est celui d'une absence de considération, malgré son engagement sans faille durant la crise sanitaire. Dans cet établissement, c'est à la fois le maintien de l'emploi et le recrutement qui sont gravement menacés.
Non seulement cette situation crée une inégalité entre établissements relevant de la fonction publique hospitalière, mais elle clive au sein même des structures : les accords issus du Ségur de la santé ne concernent pas tous les professionnels des secteurs social et médico-social, ce qui crée des distorsions entre des personnes – comme les accompagnants éducatifs et sociaux (AES) et les moniteurs éducateurs – qui interviennent pourtant dans les mêmes unités.
Quelles sont les actions prises par le Gouvernement pour répondre à ces problèmes ?
M. Pierre Dharréville applaudit.
Le ministre des solidarités et de la santé est pleinement mobilisé pour soutenir l'ensemble des soignants, des aides-soignants et de toutes les femmes et les hommes qui nous ont permis de surmonter la crise en s'engageant au-delà de ce que leurs fonctions exigeaient et continuant à mobiliser leur énergie, même quand ils pensaient l'avoir épuisée. Je sais que vous partagez cette préoccupation.
Nous nous mobilisons pour assurer l'attractivité de ces emplois, et la rémunération est effectivement une vraie question. En la matière, nous adaptons notre méthode de travail aux situations – vous avez évoqué celle de votre territoire –, pour recréer de l'attrait, améliorer la qualité du travail et accompagner les parcours de formation au sein du secteur médico-social. La ministre déléguée Brigitte Bourguignon et moi-même avons énormément travaillé pour susciter l'envie de travailler dans un des plus beaux secteurs d'activité du monde : celui de l'humain et de l'accompagnement des plus jeunes comme des plus anciens de nos concitoyens.
Aucun soignant ne sera oublié, puisque chacun bénéficiera d'une revalorisation salariale, au plus tard au 1er janvier 2022. Dans le cadre des accords du Ségur de la santé, un complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros nets par mois a été octroyé à 1,5 million de professionnels des établissements de santé et des EHPAD au 1er décembre 2020, pour un montant de 6,5 milliards d'euros.
Vous vous interrogez sur l'action du Gouvernement ; il s'est engagé à examiner la situation des personnels, qu'ils exercent dans des établissements sociaux ou médico-sociaux. Une mission en ce sens a été confiée à Michel Laforcade, qui a travaillé avec les organisations syndicales et les fédérations d'employeurs. Plusieurs accords ont été signés. Je ne les énumérerai pas – car je suis sûre que vous les connaissez, étant particulièrement engagé sur cette question –, mais tous les soignants des établissements sanitaires, sociaux, et médico-sociaux financés par l'assurance maladie bénéficieront, au plus tard au 1er janvier 2022, de cette revalorisation salariale, qui constitue la reconnaissance de leur engagement sans faille auprès de nos concitoyens. Nous le leur devons.
Nous nous sommes employés, au cours des douze derniers mois, à protéger tous les Français sans relâche pour faire face à la crise sanitaire. L'accompagnement des jeunes, l'investissement dans les compétences, ainsi que le soutien et le développement de l'inclusion économique et de l'insertion professionnelle ont fait partie de nos priorités. Dès les premières semaines de confinement, en mars 2020, les jeunes ont été les plus durement touchés par la crise économique et sociale. Chacun de nous a pu le constater dans sa circonscription : des entreprises ne pouvaient plus recruter et des secteurs entiers étaient à l'arrêt, privant les jeunes arrivant sur le marché du travail de solution.
Nous avons immédiatement pris l'engagement de protéger la jeune génération et son avenir. Ainsi, dans le cadre du plan France relance, le plan « 1 jeune, 1 solution » a été déployé afin de garantir une solution – un emploi, une mission ou une formation – à chaque jeune.
Ce choix d'aider fortement les entreprises à embaucher des jeunes, nous souhaitons l'intégrer durablement dans notre politique de l'emploi. Récemment élargi, le dispositif de la garantie jeunes, devenue universelle, a fait ses preuves en permettant aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté de s'insérer et de trouver un emploi. Vous avez annoncé récemment débloquer 2 milliards d'euros pour soutenir 1 million de jeunes à travers une allocation de soutien de 500 euros par mois, versée en lien avec le conseiller de la mission locale, dont le rôle est essentiel. Pour une durée de dix-huit mois, cette allocation permettra aux jeunes qui en bénéficieront de chercher un emploi sans devoir gérer en priorité l'urgence financière.
Pour 2021, les besoins prévisionnels de main-d'œuvre représentent 2,7 millions de projets de recrutement, soit 30 000 de plus qu'en 2019. Nous constatons un effet significatif de l'aide à l'embauche des jeunes (AEJ), qui a permis une hausse de 2,6 points du taux d'emploi en CDI ou en CDD de plus de trois mois parmi les jeunes âgés de 22 à 25 ans. Dans le même temps, au cours des troisième et quatrième trimestres 2020, 60 000 emplois, dont 90 % en CDI, ont été directement créés grâce à l'AEJ.
Pouvez-vous préciser plus finement ces résultats et les suites que vous comptez donner à ces aides pour continuer à soutenir la jeunesse avec des dispositifs adaptés et flexibles dans la durée ?
L'Assemblée nationale et le Sénat ont effectivement permis au Gouvernement de déployer les aides auxquelles vous faites référence, en lui accordant sa confiance dans la mise en œuvre du plan « 1 jeune, 1 solution », qui a atteint un niveau historique. Plus de 9 milliards d'euros ont ainsi été investis en faveur la jeunesse, parce qu'elle est notre priorité et qu'il fallait l'accompagner pour l'aider à faire face aux conséquences de la crise.
Mais parce que la jeunesse de France est diverse, on doit lui apporter des réponses à son image. Pour une partie d'entre elle, qui avait besoin d'une aide financière pour ne pas rester dans une situation de précarité, cette réponse a pris la forme, vous l'avez souligné, de la garantie jeunes. Mais elle réside aussi dans l'accompagnement humain – parce que nous portons un regard juste et humain sur chaque jeune. Or, si l'on veut aider un jeune de façon globale, on doit lui fournir un accompagnement en matière de logement et d'accès à la santé, ou encore lutter contre le non-recours aux droits. Tout cela suppose l'investissement et la mobilisation des missions locales. La ministre du travail a d'ailleurs renforcé leurs moyens humains, en allouant 120 millions d'euros supplémentaires à ces structures qui accompagnent les jeunes.
Au-delà de la garantie jeunes, notre cap a toujours été le même : l'horizon, pour chaque jeune de France, c'est l'insertion sociale et économique. Pour ce faire, plusieurs actions sont prises. Vous avez évoqué les 60 000 emplois créés grâce à l'aide à l'embauche des jeunes, qui permet à ces derniers d'accéder plus rapidement au marché du travail.
Nous avons également battu des records en matière de développement de l'apprentissage. Ce succès est, en réalité, le fruit du travail engagé dès 2017 avec les réformes de la formation professionnelle et de l'apprentissage, qui ont permis de faire évoluer le regard que la société pose sur l'apprentissage. Cette confiance rétablie, à laquelle s'ajoute, rappelons-le, le versement d'une aide de 5 000 ou de 8 000 euros pour chaque contrat signé, a aidé 550 000 apprentis à trouver un contrat et a permis de protéger les jeunes qui font le choix de cette voie d'excellence pour entrer sur le marché du travail. Au-delà, nous accompagnons la formation de chaque jeune et l'insertion de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi.
Je pourrais poursuivre pendant des heures, tant la jeunesse, dont nous faisons notre priorité, est au cœur de l'activité quotidienne de tous les ministères.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'associe à cette question ma collègue Christine Cloarec-Le Nabour, qui ne peut être présente aujourd'hui.
La crise sanitaire a touché très durement l'activité économique du pays, s'agissant tant des entreprises que de l'emploi des Français. Les aides massives en faveur de l'activité partielle déployées par le Gouvernement et la majorité ont assurément été salutaires. Il était de notre responsabilité de protéger l'emploi de nos concitoyens et de préserver les compétences au sein des entreprises malgré la crise, dont l'ampleur dépasse de loin celle de 2008.
La transformation du dispositif d'activité partiel a doté la France du système le plus protecteur d'Europe : au pic de la crise, une personne en emploi sur quatre a bénéficié du dispositif, qui leur a permis de toucher 84 % de leur salaire net pendant plus d'une année. Nombre d'employeurs ont d'ailleurs complété ces rémunérations pour les porter à 100 %.
Tout ceci permet actuellement une reprise dynamique. J'en discutais encore il y a quelques minutes avec un chef d'entreprise sur le quai de la gare : nombre d'entreprises peinent à recruter. Quinze postes sont ainsi ouverts dans un centre commercial à Bain-de-Bretagne, dix sont à pourvoir dans l'entreprise Périn & Cie de Redon et cinq autres sont vacants dans un restaurant.
Nous avons aussi su être attentifs aux besoins des entreprises et des salariés en cette sortie de crise. C'est pourquoi la réduction des aides sera progressive et adaptée aux besoins de chacun. Les entreprises qui peinent à redémarrer bénéficieront d'aides supplémentaires. Le soutien se poursuivra à travers l'activité partielle de longue durée : cette mesure prévue dans le cadre du plan de relance protégera encore 800 000 salariés pour une durée pouvant atteindre vingt-quatre mois.
Les saisonniers et les salariés en contrats courts étaient les premières victimes de la crise. Nous avons déjà pu mesurer les résultats remarquables obtenus dans ces domaines particulièrement vulnérables, comme celui des stations de montagne. L'ouverture de l'activité partielle aux travailleurs saisonniers a permis d'éviter l'effondrement des embauches : 85 % des saisonniers travaillant sur les remontées mécaniques ont retrouvé leur emploi cette année malgré la fermeture pendant l'hiver dernier. Des sommes considérables ont été mobilisées, des mesures de protection ont été prises et le tsunami de défaillances d'entreprises et de licenciements semble avoir été évité.
Pouvez-vous dresser un bilan de ces quinze mois de crise et préciser les incidences de cette mobilisation inédite de l'État en faveur de l'emploi ?
Vous avez raison : la priorité des priorités était de protéger les hommes et les femmes qui travaillent et leurs familles. Face à la crise sanitaire, le Gouvernement et la majorité ont fait un choix : protéger la vie, les emplois, les familles. C'est pourquoi, en 2020, plus de 27 milliards d'euros ont permis, à travers le soutien à l'activité partielle et les négociations en cours pour instaurer des mécanismes d'activité partielle de longue durée, de protéger les familles et de sauvegarder leur quotidien. Il faut le rappeler ! Ces dépenses atteindront à nouveau plus de 10 milliards d'euros en 2021, soit un total de 37 milliards d'euros d'investissements protecteurs – car c'est ainsi que nous les concevons. Notre vision de la société est en effet celle d'un attachement aux hommes et aux femmes qui la composent.
Après avoir assuré cette protection, notre devoir est désormais d'accompagner les acteurs, avec bon sens et en adoptant un regard adapté à chaque particularité territoriale. Je sais, monsieur le député, que Mme Cloarec-Le Nabour et vous-mêmes être attachés au fait d'apporter des réponses spécifiques aux secteurs du littoral, de l'hôtellerie, de la restauration, ou encore de la montagne. Le Gouvernement partage cette volonté d'analyser chaque difficulté pour y répondre.
C'est pourquoi les aides évolueront de façon progressive et qu'il n'y aura pas de sortie sèche des dispositifs de crise. Notre action ne s'impose pas de façon anonyme ou sans discussion, bien au contraire : elle est parfaitement adaptée à chaque secteur, avec une priorité forte accordée à la jeunesse.
La ministre du travail appelle d'ailleurs à une mobilisation générale pour pourvoir les emplois vacants. Ce phénomène concerne par exemple 90 000 emplois dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), alors même que des situations de chômage persistent ou que nombre de jeunes ne trouvent pas de job d'été ou d'emploi saisonnier. Il importe donc de transmettre ces offres à Pôle emploi, afin d'accélérer les embauches.
Nous mettons en avant le site 1jeune1solution.gouv.fr, porte d'entrée unique qui s'adaptera sans cesse pour proposer des solutions en matière d'accompagnement humain et d'emploi, notamment en créant un lien avec les métiers d'avenir, ceux qui recrutent, afin que le réseau ne soit plus un facteur d'accroissement des inégalités. Chaque jeune mérite de trouver sa place et son chemin, c'est la mobilisation de tous qui nous permettra d'atteindre cet objectif.
Depuis le début de notre mandat, nous nourrissons une grande ambition pour notre jeunesse en investissant de façon inédite dans des parcours d'accompagnement de qualité adaptés à chaque jeune pour l'aider à entrer pleinement dans la vie active. Notre projet est de les accompagner tous vers la réussite.
Cela passe aussi par la démultiplication des parcours d'insertion pour les plus vulnérables d'entre eux, par le développement de la formation qualifiante, par la réforme de l'apprentissage pour financer l'alternance qui offre d'excellents résultats en matière d'insertion professionnelle.
Cet élan aurait pu être stoppé net par la crise sanitaire mais nous nous sommes résolument refusés à ce que notre jeunesse reste à la porte du monde professionnel. Ainsi, malgré la crise, il est à souligner que l'insertion des jeunes reste bonne, grâce à votre volontarisme, à travers le plan « 1 jeune, 1 solution », largement salué, et grâce auquel, par exemple, l'apprentissage – vous en avez parlé à l'instant – a encore connu une année record en 2020 avec plus de 516 000 apprentis.
L'une des mesures prises consiste notamment à prolonger de trois à six mois après le début de leur formation la période pendant laquelle les apprentis peuvent trouver une entreprise d'accueil. Cette période de six mois étant récemment arrivée à son terme, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure les nouveaux apprentis de 2020, d'une part, ont pu trouver un employeur et, d'autre part, pourront obtenir leur diplôme dans d'aussi bonnes conditions que si le contexte avait été plus normal ?
Aujourd'hui l'activité reprend. Comme j'ai pu le constater dans ma circonscription girondine, les entreprises, dans de nombreux secteurs, tels que le bâtiment ou la restauration, peinent à recruter des apprentis. Nous devons donc continuer à favoriser les entrées en apprentissage, notamment pour les niveaux infra-bac et bac.
Cela m'amène à ma seconde question : quelles sont vos pistes pour continuer à développer l'apprentissage dans ces métiers en tension et donner envie aux jeunes de rejoindre ces secteurs d'activité ?
Je sais que, depuis le début de ce mandat, vous êtes particulièrement engagée sur la question de l'apprentissage, notamment des jeunes, car vous estimez, comme nous, que c'est la voie de l'excellence, le chemin de la formation par un tiers, et même un art français, comme le Président de la République aime à le dire.
L'apprentissage nous permet non seulement de conserver des emplois dans nos territoires mais aussi et surtout d'accompagner chaque jeune de façon beaucoup plus humaine. Il offre en effet à chacun la possibilité de construire son parcours, étape par étape, et d'acquérir une expérience qui permet de s'adapter, d'intégrer une entreprise et de grandir avec elle.
Grâce aux fruits des réformes votées par la majorité et mises en œuvre par le Gouvernement depuis 2017, le secteur de l'apprentissage a pu traverser cette crise sans être percuté, ce qui était absolument fondamental.
Aux questions très précises que vous m'avez posées je veux à présent apporter des réponses chiffrées. Ce sont 80 % des CFA, les centres de formation d'apprentis, qui proposent aux jeunes de suivre des études supérieures. Avec la ministre du travail, nous avons fait preuve de pragmatisme, l'objectif étant d'accompagner les jeunes et les CFA pour permettre cette adaptation et créer une passerelle entre les emplois du territoire et les envies des jeunes.
Plusieurs actions ont été menées à cet effet : des opérations de job dating, la refonte du portail de l'apprentissage, le déploiement de cartographies présentant l'offre de formation en lien avec les organismes, mais également l'accélération du versement des aides à l'apprentissage, soit 8 000 euros pour le recrutement d'un majeur. Cette dernière mesure, qui fait partie du plan « 1 jeune, 1 solution » est très concrète car elle a permis de lever les freins des entreprises. Elle sera bien sûr prolongée jusqu'au 31 décembre.
Nous continuerons de développer l'apprentissage en nous appuyant sur les grands enjeux de notre temps – je pense notamment aux événements sportifs – mais nous travaillons également à le rendre beaucoup plus attractif en facilitant la mobilité internationale, en particulier européenne. Cette promesse républicaine, qui, je le sais, vous tient à cœur, est valable pour tous.
Une pandémie comme celle du coronavirus a obligé les gouvernements, les élus et les habitants à s'adapter très rapidement et à adopter des mesures d'urgence pour y faire face à tous les niveaux. Une telle crise est également un moyen de repenser nos systèmes et modes de fonctionnement, afin d'être mieux préparés pour d'éventuels chocs futurs.
C'est d'autant plus vrai pour les territoires ruraux, qui ont notamment servi de refuge aux citadins et qui connaissent actuellement un nouvel essor, les habitants y ayant trouvé un mode de vie plus sain et plus naturel. Si l'on considère le long terme, la pandémie pourrait modifier les modèles de production et de consommation, les habitudes de travail à distance et les formes de mobilité, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles perspectives de croissance durable dans les régions rurales. Le réexamen de la mondialisation des chaînes de production pourrait également offrir de nouveaux horizons dans certaines zones.
Cependant les entreprises et les habitants sont soumis à différentes pressions, dont celles apparues avec la pandémie et les mesures de confinement. La crise a eu et aura des effets sur l'économie et le bien-être des régions rurales à court comme à moyen ou long terme.
Le rapport de mon collègue Barrot propose d'ailleurs d'accorder une attention particulière à vingt et une zones d'emploi où se superposent les fragilités antérieures et postérieures à la crise du covid-19, comme en Moselle où je suis élue. Je peux en témoigner, les élus et acteurs économiques mosellans ont fait preuve d'une grande adaptabilité, et n'ont cessé d'innover pour le bien-être des habitants. Mais ils ne peuvent agir tout seuls.
Aussi la ruralité doit-elle à mon sens devenir l'une des grandes priorités stratégiques de la France. Cela passe en premier lieu par la redynamisation des bassins d'emploi, le désenclavement de ces territoires et la revitalisation des commerces. Nos territoires ruraux seront de formidables réservoirs d'avenir si l'on parvient à valoriser leurs richesses.
Madame la secrétaire d'État, quel bilan tirez-vous de cette crise concernant la ruralité ? Comment accompagner ces territoires, et donc leurs habitants, qui souffrent d'un réel problème structurel en matière de maintien et surtout de développement de l'emploi ?
Madame la députée, j'ai eu la chance d'effectuer un déplacement dans votre territoire en votre présence. À cette occasion, j'ai vu à quel point l'écosystème que vous faites vivre s'appuie sur les richesses de votre territoire pour apporter des réponses.
C'est grâce à la volonté du Président de la République – il est utile de le rappeler – qu'il existe aujourd'hui un secrétariat d'État chargé de la ruralité, car c'est une priorité. Plusieurs comités interministériels aux ruralités se sont tenus afin d'explorer toutes les richesses de ces territoires mais aussi d'examiner toutes leurs difficultés et de les lever les unes après les autres.
Certains projets me tiennent particulièrement à cœur, ainsi qu'à mon collègue Joël Giraud. Je pense au volontariat territorial en administration, le VTA, rendu possible également grâce à Élisabeth Borne. Il consiste à accueillir dans les territoires ruraux des jeunes diplômés qui viennent apporter une expertise ou une expérience dont on ne dispose pas forcément sur place à ce moment-là. Or je suis sûre – et vous serez d'accord avec moi, madame la députée – que lorsque l'on a goûté à la qualité de vie de nos territoires ruraux, on ne les quitte plus.
Au-delà de ce dispositif, d'une durée de douze à dix-huit mois, notre accompagnement de la revitalisation sociale de certains territoires passe également par un travail au niveau des infrastructures – je sais à quel point mes collègues Cédric O et Jacqueline Gourault sont mobilisés sur ces questions.
Je pense notamment au développement des maisons France services, à la nécessité de fournir des informations mais aussi d'offrir une connexion de qualité. Le recours récent au télétravail a montré que l'accès à internet était limité sur certains territoires. Or le cap fixé par le Premier ministre sur ce point est clair : il faut lutter contre les zones blanches car c'est l'une des conditions nécessaires au développement économique des territoires ruraux.
Par ailleurs, la signature de contrats de relance et de transition environnementale a vocation, entre autres, à accélérer le développement des tiers lieux, défendu par Mme Gourault.
J'ai souhaité donner plusieurs exemples afin d'illustrer la mobilisation de tout le collectif gouvernemental, chacun dans son domaine, du ministre de l'éducation nationale, avec les mesures de protection et d'accompagnement dans les écoles, à la ministre de la cohésion des territoires, avec le développement des infrastructures, en passant par le secrétaire d'État chargé de la ruralité, avec les mesures visant à attirer de nouveaux talents et de nouvelles familles dans les territoires ruraux pour que ces derniers conservent leur dynamisme.
Elle est un peu plus technique mais tout aussi importante. Nous le savons tous, face à la crise, le Gouvernement a déployé un plan de relance réellement inédit de plus de 100 milliards d'euros – un montant qui augmentera sans doute encore dans peu de temps – afin de maintenir l'écosystème des entreprises françaises et l'emploi des salariés. Parmi ces dispositifs se trouve l'activité partielle de longue durée, l'APLD.
Entrée en vigueur le 1er août dernier, l'APLD est dédiée aux entreprises saines, mais faisant face, du fait de leurs activités, à un trou d'air de plusieurs mois. Portant sur une activité partielle d'une durée de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, sur une période de trente-six mois maximum, cet accord permet de définir un diagnostic économique, la liste des salariés éligibles ou encore les engagements de l'employeur en termes d'emploi ou de formation, le tout en échange d'une prise en charge partielle des rémunérations par l'État et par l'UNEDIC.
Mais malgré un accord établi sur mesure avec les partenaires sociaux pour répondre aux besoins de certaines branches et éviter des pertes de revenu des salariés, l'APLD semble souffrir de la concurrence de l'accord d'activité partielle de droit commun, l'APDC, beaucoup plus connu des chefs d'entreprise.
Plus de quarante accords de branche – dans l'industrie, le commerce de gros ou encore la maroquinerie – ont été conclus, représentant 700 000 salariés, mais seuls 150 000 d'entre eux ont fait l'objet d'une demande d'indemnisation pour le mois de janvier, contre plus de 2 millions dans le cas de l'activité partielle de droit commun.
Trois causes pourraient expliquer ce décalage : un formalisme trop poussé, entraînant la réticence des entrepreneurs ; le manque d'incitations financières à privilégier l'APLD plutôt que l'APDC ; enfin, le fait que l'APDC rende possibles des demandes individualisées, par salarié, contrairement au droit commun, qui offre moins de souplesse aux employeurs.
Madame la secrétaire d'État, comment entendez-vous faire pour que les entreprises qui ont signé des accords d'activité partielle de longue durée y recourent davantage qu'à l'activité partielle de droit commun ? Cette question est très technique mais importante pour nos entrepreneurs.
Votre question étant en effet très technique, vous me permettrez de vous apporter une réponse de même nature.
L'essor de l'APLD a été promu par la ministre du travail parce que c'est un dispositif qui permet d'apporter des réponses spécifiques à chaque secteur.
Toutefois, certaines entreprises et certaines branches doivent poursuivre des négociations. On dénombre cinquante-huit accords de branche, dont quarante-huit étendus, une dizaine d'autres branches étant en cours de négociation. Plus de 8 millions de salariés sont couverts par ces accords de branche.
Au niveau des entreprises, on compte environ 8 000 accords collectifs, qui touchent presque 630 000 salariés. Des documents unilatéraux, concernant quelque 180 000 salariés, ont également été signés.
Tant que les mesures les plus favorables seront appliquées dans le cadre de l'activité partielle, elles profiteront aux entreprises ayant mis en place une APLD. C'est essentiel car cela correspond à l'approche sociale et protectrice que nous souhaitons encourager et qui est conforme à la volonté d'Élisabeth Borne. Cela signifie qu'un reste à charge spécifique est prévu, que la période de baisse d'activité due au confinement est neutralisée, mais aussi que les mesures d'engagement de maintien dans l'emploi et dans la formation restent pleinement applicables.
D'autre part, la prise en charge sera plus avantageuse à terme. Je partage donc votre interrogation et votre inquiétude, madame la députée. Le recours à l'activité partielle dans le droit commun doit en effet rester inscrit dans le cadre d'un dialogue social constructif.
S'agissant d'une APLD, pour le salarié, la rémunération doit s'élever à 84 % du salaire net au lieu de 72 % dans le droit commun ; pour l'employeur, le reste à charge est de 15 %, contre 40 % dans le droit commun ; le plancher est fixé 8,11 euros au lieu de 7,30 euros dans le droit commun.
Enfin, il est juridiquement impossible de prévoir la possibilité pour les saisonniers d'être placés en APLD mais, avec ce dispositif, notre objectif est de préserver les emplois de manière permanente et d'éviter les licenciements et non d'instituer un nouveau régime de prise en charge des salariés d'une catégorie d'emplois.
L'essentiel, c'est que nous avons la volonté d'accompagner chaque secteur en examinant chaque situation de façon spécifique. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est mobilisée sur cette question au quotidien, pour chaque territoire.
L'ordre du jour appelle les questions sur le financement de la recherche vaccinale contre le covid-19.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à M. Gérard Leseul.
À ce jour, la France est le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU à avoir échoué à développer un vaccin anti-covid. Il faut prendre ce fait très au sérieux, car il montre quelles sont nos capacités en matière d'innovation thérapeutique – en plus des déconvenues que nous avons connues sur les masques et sur les tests. En effet, 2020 n'a pas été un accident de parcours : il y a bien un problème structurel dont souffre aujourd'hui l'innovation thérapeutique en France, sachant que nous sommes passés de leader européen dans l'industrie pharmaceutique à la quatrième place en une quinzaine d'années.
Le lundi 7 juin dernier, lors d'un débat sur Public Sénat, le secrétaire d'État chargé de la transition numérique, Cédric O, a dénoncé un sur-contrôle sur le développement des biotechnologies qui aurait été causé par un dévoiement du principe de précaution en principe d'inaction. Ce serait l'explication du retard français dans la stratégie vaccinale. Il a notamment visé les essais cliniques, qui seraient régis par un cadre beaucoup trop contraignant. Je me suis penché sur cette hypothèse et je profite de cette séance de questions pour vous interroger, madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. D'où vient cette explication du secrétaire d'État ? Est-elle fondée et dans quelle mesure concerne-t-elle spécifiquement les essais cliniques ? Car pour moi, le principe de précaution n'est pas un principe d'inaction, mais un principe d'action visant d'abord à empêcher une prise de décision qui s'avérerait destructrice d'un point de vue physique, mais également éthique. Il faut relativiser la fuite des essais cliniques hors de France : si les chiffres demeurent très élevés, il faut noter que même dans des pays comme la Grande-Bretagne et l'Allemagne, la moitié des start-up ont effectué des essais cliniques à l'étranger. Une étude de l'institut de hautes études internationales et du développement de Genève a compilé les investissements réalisés par les pays et par les organismes pour financer la recherche vaccinale contre la covid-19 : les deux plus gros contributeurs, et de loin, sont les États-Unis et l'Allemagne.
Dès lors, j'aimerais connaître la position du Gouvernement sur le financement de la recherche vaccinale contre la covid-19 en France. Envisagez-vous de rattraper ce retard flagrant en termes de financement ?
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Vous posez tout d'abord la question du principe de précaution. C'est évidemment un principe essentiel et vous savez que la France, à plusieurs reprises, a pu éviter un certain nombre de drames en l'appliquant. Mais, vous l'avez rappelé, le principe de précaution ne doit pas pour autant être synonyme de principe d'inaction. C'est pourquoi, dès le début de la pandémie, plusieurs dispositifs ont été mis en place, à commencer par ce qu'on a appelé un fast track, qui a permis de financer de manière extrêmement rapide l'ensemble des projets de recherche vaccinale, notamment les essais cliniques. Nous avions la chance d'avoir déjà le dispositif REACTing, mis en place pour répondre aux problématiques liées à Ebola, ce qui nous a permis d'être parmi les premiers contributeurs aux plateformes d'essais cliniques nécessaires pour tester l'ensemble des vaccins – un processus toujours en cours, puisqu'il y a encore des recrutements de volontaires. Dans le premier essai européen auquel la France a participé, notre pays a été le premier à inclure plusieurs centaines de malades. Il est vrai que nous nous sommes heurtés à une difficulté : les réglementations et les législations variant selon les différents pays européens, nos partenaires ont dû adapter les leurs et ont eu plus ou moins de mal à nous rejoindre, malgré leur engagement de participer à un essai clinique massif au niveau de l'Europe.
Tout cela pour conclure, monsieur le député, que les financements ont bien entendu été au rendez-vous et qu'en ce qui concerne les plateformes d'essais vaccinaux, nous avons non seulement été parmi les premiers, mais sommes encore en capacité d'accueillir de nouveaux essais cliniques.
Ma question porte sur la mise au point des vaccins, sur leur production et sur leur accès en France et en Europe, toutes choses dont la mission d'information sur la coordination sanitaire en Europe de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a actuellement à connaître. La France et l'Union européenne ont pris du retard dans le financement de la recherche médicale et des sciences de la vie en comparaison, par exemple, du Royaume-Uni ou des États-Unis. De plus, les niveaux d'investissement sont très différents d'un État à l'autre au sein de l'Union : les crédits publics de recherche et développement pour la santé – hors crédit d'impôt recherche – auraient globalement diminué de 28 % entre 2011 et 2018 alors qu'ils ont augmenté de 16 % au Royaume-Uni et de 11 % en Allemagne, selon des données de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – reprises dans des notes du Conseil d'analyse économique. Parallèlement, des études suggèrent que des financements ne sont pas utilisés dans des recherches ayant pourtant les meilleurs standards internationaux.
La France et l'ensemble de l'Union européenne ont aussi pris du retard dans l'accès de la population aux vaccins contre le covid du fait de la longueur des procédures d'autorisation. Ainsi, le vaccin Pfizer a été autorisé mi-décembre aux États-Unis, soit trois semaines avant l'Union européenne, quoique celle-ci soit alors la région du monde la plus touchée ; il en a été de même pour le vaccin Moderna. Après l'autorisation dans l'Union européenne, certains pays, dont la France, ont ajouté une procédure de validation nationale – mais chaque mois compte !
Ma question est triple : quels moyens envisagés pour la recherche et qui ne soient pas seulement du rattrapage, mais aussi quelle procédure commune aux différents États européens pour s'assurer de la sécurité et de l'efficacité des vaccins à venir et, enfin, quelle stratégie pour que les productions les plus utiles aux soins se fassent, sinon toutes en France ou dans l'Union, du moins suivant des règles capables d'en assurer la sécurité et la réciprocité en termes d'investissements et d'approvisionnements ?
Les procédures d'autorisation d'utilisation de médicaments ou de vaccins sont, vous le savez, des procédures nationales. Mais nous avons bien sûr bénéficié d'une analyse commune de l'ensemble des pays de l'Union européenne en matière de sécurité sanitaire au regard du ratio bénéfice-risque pour les différents vaccins mis sur le marché. Certains pays ont choisi d'aller plus vite et donc de ne pas réaliser autant de contrôles que dans l'Union européenne, mais les autorités françaises, dans la foulée des autorisations européennes, en ont validé l'utilisation.
Là où je vous rejoins, et nous en avons longuement débattu, c'est sur le constat d'un manque chronique de financement de la recherche en France. Il date des années 2000, au moment où notre pays, dans le cadre du processus de Lisbonne, s'était engagé à financer sa recherche à hauteur de 3 % du produit intérieur brut – 1 % de financements publics et 2 % de financements privés. Et c'est tout l'objet de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, qui permet d'injecter 25 milliards d'euros dans les programmes de recherche sur les dix prochaines années, ce qui signifie que le budget de la recherche aura augmenté de 5 milliards d'euros dans dix ans, dont 1 milliard d'euros consacrés à la recherche en biologie et biomédicale en santé. Le Gouvernement a aussi, au travers des programmes d'investissements d'avenir et du plan de relance, injecté plusieurs milliards d'euros supplémentaires dans les deux ans et les cinq ans à venir pour s'inscrire dans une logique de rattrapage.
Quant à la possibilité de défendre notre souveraineté, c'est-à-dire de produire nous-mêmes les médicaments, je vous annonce que la semaine dernière, le ministre de la santé, la ministre déléguée chargée de l'industrie et moi-même avons signé un avenant au contrat stratégique de la filière des industries et technologies de santé pour pouvoir favoriser, activer et amplifier la relocalisation de la production en France.
Qu'il semblait loin, le temps de la vaccination jennérienne ou celui de Pasteur, ce temps où la vaccination était réellement une affaire de vie ou de mort. Mais le confinement international et les morts par millions ont à nouveau imposé l'urgence du vaccin. Pourtant, tout en figurant en tête des puissances économiques mondiales, nous avons été incapables de tenir la tête de cette course mondiale aux vaccins. Pourquoi s'en étonner, quand nous investissons 87 fois moins que l'Allemagne et 125 fois moins que les États-Unis dans la recherche fondamentale en vaccination ? Cela explique sans doute les résultats constatés dans le cas de l'épisode covid. Aboutir à un vaccin est habituellement le fruit d'un long processus. Or dans cette pandémie, la créativité scientifique encouragée, il faut le souligner, par des financements colossaux, a permis de réaliser une prouesse biotechnologique sans précédent. Et c'est sans doute là que le bât blesse pour la France alors qu'en Allemagne, le choix a été fait de soutenir massivement un très large spectre de recherches, de technologies et d'équipes pour se donner toutes les chances de réussir. Le gouvernement allemand a soutenu neuf programmes de recherche ; aux États-Unis, huit entreprises ont été sélectionnées pour un programme ambitieux visant à faciliter et à accélérer le développement d'un vaccin, et ce à hauteur de 10 milliards de dollars, l'entreprise Moderna bénéficiant à elle seule de 2,5 milliards de dollars. J'aurais également pu évoquer la Grande-Bretagne, qui a lancé une stratégie de coopération entre toutes les organisations concernées – agences de santé et institutions universitaires – et à qui l'on doit l'identification de plus de 45 % du total du génome de ce coronavirus à travers ses différents variants. En creux, ces résultats absolument impressionnants dessinent les contours du fiasco scientifique français, empêtrés que nous sommes dans des instances et comités sans pilotage ni coordination, et focalisés pendant un temps sur un débat ubuesque sur l'hydroxychloroquine. Pour votre information, sachez que le dimanche 22 mars 2020, le mot « chloroquine » a été prononcé 250 fois sur BFM TV !
Ma question est donc simple : quel bilan allez-vous tirer de cet épisode afin de tenter de corriger ce qui peut l'être en veillant au respect des institutions et à leur bonne coordination ? Car quand chacun se considère comme premier épidémiologiste de France, nous sommes malheureusement tous perdants.
Vous avez rappelé l'incroyable prouesse scientifique et technologique qui a permis de développer en un temps record les vaccins contre la covid-19. C'est un véritable succès des biotechnologies et un véritable exploit. Cela a été rendu possible parce que, dès avant la crise sanitaire, de très nombreux pays – dont la France, je tiens à le rappeler – travaillaient sur la question des plateformes vaccinales pour généraliser les processus de vaccination prévus pour d'autres types de pathologies et qui ont pu être adaptés à la covid-19. L'essor, en particulier, de la technologie des vaccins ARN résulte de plus de vingt ans de recherches sur les ARN messagers pour pouvoir les stabiliser, ces vaccins étant développés à visée curative pour, notamment, l'immunothérapie des cancers. Une formidable mobilisation des compagnies pharmaceutiques, soutenue en particulier par le programme Warp Speed américain, a permis de paralléliser les étapes de développement.
Le choix français s'est porté sur l'utilisation de la plateforme dite rougeole, c'est-à-dire sur l'utilisation du vaccin dérivé du virus de la rougeole pour préparer celui contre la covid. Tout laissait penser que cette plateforme pourrait fournir un très bon vaccin, l'intérêt étant aussi que son déploiement dans le monde entier aurait été facilité par son mode de production aisé. Malheureusement, et c'est le lot de la recherche, les phases des essais précliniques n'ont pas débouché sur un succès. Ce n'est pas pour autant que la recherche vaccinale en France ne produit pas ses effets : nous avons encore d'autres vaccins en cours de production, notamment contre des variants qui pourraient échapper aux vaccins actuels, ou encore pour la revaccination ou à destination des pays africains. Comme vous le voyez, toute la recherche vaccinale continue à être mobilisée. Ce n'est pas parce que, comme souvent en recherche, des choix ne se concrétisent pas que l'on doit jeter l'opprobre sur l'ensemble de la recherche française.
Le rapport 2021 de France Biotech pointe du doigt un manque de champions nationaux dans le domaine, freinés qu'ils sont par une difficulté à attirer des équipes expérimentées et pluridisciplinaires : « Le savoir-faire et la capacité à exécuter doivent être renforcés à tous les niveaux dans l'écosystème : réussir un passage à l'échelle implique une équipe expérimentée et internationalement reconnue sur chacun des postes-clefs, un accompagnement par des investisseurs spécialisés, une expertise au sein des régulateurs et des évaluateurs, et une culture de mobilité et d'adaptabilité pour répondre aux enjeux qui évoluent au cours de la vie de la Health Tech. »
Une récente audition de l'OPECST – Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – a fait remonter un manque de personnel formé aux questions pointues des biotechniques. Il existe quelques formations excellentes, mais les professionnels qui en sortent sont trop peu nombreux par rapport aux besoins du pays pour constituer une filière compétitive. De plus, la fragmentation entre le monde de l'entreprise, les pôles d'enseignement et de santé des centres hospitaliers universitaires (CHU), les maisons de médecine, etc., ne favorise pas la montée en compétences et l'innovation. À ces facteurs structurels s'ajoutent des éléments conjoncturels qui ont pu expliquer le retard français. Sur cent vingt-deux entreprises de la Health Tech interrogées en 2020 par France Biotech, vingt-trois avaient engagé une activité de recherche contre le covid-19. Parmi ces vingt-trois entreprises, dix rencontrent aujourd'hui des difficultés financières ou en matière de trésorerie, mais aussi des problèmes d'ordre clinique ou logistique comme l'accessibilité des sites, des animaleries fermées, etc.
Tous les acteurs de la filière – industriels, chercheurs, entrepreneurs, administration et patients – partagent un même constat. Sans financement adéquat, sans écosystème réunissant industries et universités, l'innovation française s'éteint avant de se développer. En somme, pour sécuriser sa croissance, nous avons besoin d'un équivalent de la BARDA – Biomedical Advanced Research and Development Authority –, l'agence américaine qui finance et accompagne la recherche biomédicale. Il est prévu de créer, d'ici la fin 2023, une autorité pour la réaction aux urgences sanitaires, Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA), sur le modèle de la BARDA. Quand et comment comptez-vous participer à la création de cette agence européenne ? Comment la France pourra-t-elle contribuer efficacement à la HERA tout en conservant son autonomie et son indépendance ?
Je ne peux que partager votre constat. En effet, dans ces domaines de recherche, la France manque d'attractivité et d'agilité, mais la loi de programmation de la recherche est là pour y remédier. Le monde académique reste très étanche et travaille peu avec les entreprises de biotechnologies, start-up ou grands groupes industriels. Le processus qui avait été entamé par la loi Allègre, poursuivi par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE, est encore amplifié dans cette loi de programmation.
L'Europe a constaté, en effet, qu'il lui manquait un équivalent de la BARDA. C'est ainsi qu'a été pensée cette nouvelle structure en cours d'installation, qui s'appellera HERA. Elle nous permettra de mieux nous préparer à la survenue des crises sanitaires, quelles qu'elles soient : biologiques, chimiques ou radiologiques. Ni la France ni l'Europe n'étaient dotées d'un tel outil. Le principe est celui de l'association entre le financement de la recherche et développement (R&D), les contrats d'achat public et des contre-mesures visant à compenser les risques inhérents à la R&D. En effet, celle-ci demande des investissements colossaux, et les entreprises qui les font ont besoin du filet de secours des États.
Ce dispositif a été expérimenté en France dans le cadre de la crise sanitaire, grâce au programme d'investissements d'avenir (PIA), et amplifié grâce à des programmes européens. La présidente de Santé publique France a été nommée par le ministère des solidarités et de la santé au sein du groupe de haut niveau qui prépare la fameuse agence européenne. Nous sommes mobilisés, notamment avec l'ANRS Maladies infectieuses émergentes, pour la préparation des partenariats de recherche, implantés en amont, qui pourront alimenter toute la chaîne. Mais il faut veiller à ce qu'aucun maillon ne soit manquant. Malheureusement, c'est encore le cas aujourd'hui, mais la loi de programmation de la recherche permettra de pallier ce problème.
Le groupe pharmaceutique Sanofi France est en train de développer son vaccin qui, depuis peu, est passé en phase 3, celle des essais cliniques à grande échelle. Néanmoins, la recherche vaccinale doit se poursuivre à long terme, et elle se poursuivra. Le pays de Pasteur a encore un rôle à jouer dans ce domaine sur le devant de la scène internationale. La plateforme CovIReivac, lancée en octobre 2020 et coordonnée par l'INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale – et F-CRIN – French Clinical Research Infrastructure Network –, permettra sans nul doute à la France d'être un acteur majeur de la recherche sur le covid-19. En effet, cette plateforme, en lien avec trente-deux CHU et un réseau de onze laboratoires d'immunologie, est la traduction d'une véritable volonté d'exigence quant à l'impératif de poursuivre les recherches vaccinales sur cette maladie.
De nombreuses questions demeurent sans réponse : la durée de la protection, l'efficacité moyenne des vaccinations, la qualité de la réponse immunitaire, la nécessité de la troisième dose ou encore d'un rappel régulier. À cet égard, les recherches sur la cohorte COMPARE (communauté de patients pour la recherche) et les essais « Cov-Compare » représentent un programme ambitieux, qui témoigne de l'excellence et du perfectionnisme français en matière de recherche vaccinale.
Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur ce programme, ses ambitions et sa portée internationale ? Il semble avoir une importance cruciale pour faire de la France un acteur majeur de la recherche mondiale sur les vaccins contre le covid-19. Comment est-il financé et quel avenir le Gouvernement compte-t-il assurer à ce financement ?
Vous l'avez dit, pour accélérer le développement des vaccins, la plateforme CovIReivac, qui a été lancée en octobre, permet aux volontaires de s'inscrire en ligne pour participer aux essais cliniques vaccinaux en France. Il s'agit d'essais sur des vaccins qui ont été conçus en France ou ailleurs ; nous participons ainsi à l'effort européen et mondial. Aujourd'hui, plus de 30 000 volontaires s'y sont inscrits, et nous pouvons tous les remercier. Pilotée par l'INSERM, cette plateforme accueille les essais industriels pour des candidats vaccins et représente le nœud français du projet européen VACCELERATE, financé par la Commission européenne.
Actuellement, trois essais sont en phase 3 : le vaccin Janssen, le candidat CureVac et le vaccin de Sanofi que vous avez évoqué. Il y a également des essais en phase 2, à promotion académique. En effet, il faut que les résultats de cette phase soient concluants pour que nous nous lancions dans la phase 3. Ces essais cliniques nous permettront de savoir si une revaccination périodique est nécessaire, comment répondent au vaccin les personnes primo-infectées et celles qui n'ont jamais été malades. Ces études comparatives nous permettent également d'analyser les effets secondaires avec ou sans infection préalable.
Le relais est assuré dans le cadre de la stratégie « maladies infectieuses émergentes » du PIA4, à laquelle nous avons choisi de consacrer plus de 80 millions d'euros, une stratégie déployée et financée au niveau européen.
Aucun des nombreux vaccins mis au point jusqu'à présent n'est issu de la recherche française. Ni l'Institut Pasteur, ni le laboratoire Sanofi n'ont vu leurs recherches aboutir. Sanofi entame juste ses essais de phase 3, ce qui signifie que dans le meilleur des cas, son vaccin sera lancé près d'un an après la distribution des premiers produits. La France ne manque pourtant pas de culture scientifique ni d'esprits brillants. Ce dont elle manque manifestement, c'est de financements et d'investissements importants à long terme, indispensables à la recherche. Nous avons tous en tête les propos du directeur général de Sanofi qui avait expliqué qu'une fois homologué, son vaccin serait distribué en premier lieu aux États-Unis car ceux-ci avaient largement financé la recherche. La recherche française souffre d'un sous-financement chronique et d'une précarisation des équipes, et la loi de programmation de la recherche votée cette année n'y répondra qu'imparfaitement. Comment expliquer qu'on soit passé à côté de la technique d'ARN messager, qui a pourtant dix ans ? En réalité, la France a raté le virage des biotechnologies.
Comment – question fondamentale – redresser la barre et rattraper le retard accumulé ? Quels financements nouveaux accorder à la recherche ? Comment améliorer les synergies entre les entreprises de biotechnologie françaises et européennes, et les laboratoires français ?
J'ai brièvement expliqué l'aventure, ou la mésaventure, du vaccin développé par l'Institut Pasteur et l'industriel MSD-Merck. Cela fait partie des aléas de la recherche. N'oublions pas que, normalement, la mise au point d'un vaccin prend plusieurs années – on est, en général, plus proche des dix ans que d'un an. La société Sanofi Pasteur a choisi de développer un vaccin à protéine recombinante, dit sous-unitaire. Les essais de phase 3 ont démarré, mais la purification de cette protéine est difficile. Les problèmes de qualité sont fréquents dans la production des vaccins. Il est important de saluer l'entrée en phase 3 de ce vaccin qui sera plus simple à distribuer partout dans le monde que bien de ses concurrents.
Avant la crise sanitaire, la France n'avait pas lancé de recherches sur la technologie ARN appliquée à la vaccination, mais des équipes travaillaient sur ces technologies à visée thérapeutique contre le cancer. Cela illustre parfaitement le fait qu'il est difficile de prédire quels seront les médicaments et les technologies à succès. Nous avons choisi de réinvestir massivement dans la recherche au travers du plan de relance, du PIA et de la loi de programmation de la recherche. Contrairement à ce que vous dites, cette loi redonnera de l'attractivité aux carrières scientifiques en France. Il n'est par exemple pas négligeable d'avoir largement augmenté le niveau de recrutement des jeunes docteurs.
Le projet de vaccin de Sanofi à ARN messager avance également. Certes, on peut considérer qu'il est en retard, mais il permettra à Sanofi de s'approprier cette nouvelle technologie et d'anticiper. Ce qui est important, dans les échecs, c'est notre capacité à apprendre.
Vous le savez, les besoins de vaccins des pays du sud constituent un problème immédiat et essentiel. C'est un enjeu de solidarité, mais aussi d'efficacité et de santé publique. Or l'OMS – Organisation mondiale de la santé – nous avertit : près de 90 % des pays africains manqueront l'objectif mondial de vacciner un dixième de leur population d'ici septembre s'ils ne reçoivent pas d'urgence au moins 225 millions de vaccins. Je sais la France et l'Union européenne très impliquées dans le dispositif COVAX – COVID-19 Vaccines Global Access –, mais je sais aussi que jusqu'à présent, l'objectif fixé n'est pas atteint, d'où le récent engagement des pays du G7 à donner un milliard de doses supplémentaires, même si un flou entoure cette annonce qui est aussi, on le sait, une riposte à la Chine.
Quelle est la stratégie de la France et de l'Europe dans le temps long ? Nous connaissons le débat entre les partisans de la levée des brevets et ceux qui la refusent au nom de la protection de l'innovation. Il me paraît nécessaire de clarifier la position de la France, d'autant que le Parlement européen, en désaccord avec la Commission, s'est prononcé jeudi pour une levée temporaire des brevets afin de développer la production.
Madame la ministre, quelle est votre stratégie pour soutenir la recherche et la production vaccinale à long terme, et comment comptez-vous honorer la promesse du Président de la République, Emmanuel Macron, de faire du vaccin un bien public mondial ?
Cette question était au centre des discussions que le Président de la République a menées avec ses homologues du G7 à Carbis Bay ce week-end. Pour la France, la priorité est de faire du vaccin un bien public mondial, ce qui implique de le rendre accessible à tous. C'est le sens de notre soutien à l'initiative COVAX. Des dons de doses ont été au cœur des annonces. Ce mouvement a été, vous l'avez rappelé, engagé par la France qui a appelé, dès novembre 2020, à participer à cette réflexion et, dès février, à partager les doses.
Je profite de votre question pour préciser notre position sur la levée des brevets sur les vaccins. Une juste rémunération de l'innovation est essentielle pour nos sociétés et pour la pérennité de nos efforts de recherche, en particulier en matière de santé. Mais la question de la propriété intellectuelle peut et doit être posée car il ne doit y avoir aucun obstacle à la production et à la distribution universelle des vaccins, dans le cadre de la pandémie actuelle comme, potentiellement, de celles à venir.
L'urgence est de travailler concrètement à mettre en œuvre les dérogations déjà prévues dans le cadre juridique, car méfions-nous des effets d'annonce : les États-Unis disent soutenir la levée des brevets sur les vaccins sans présenter aucune proposition concrète sur la façon dont nous pourrions y parvenir. Vous le savez, si nous nous engagions dans ces discussions, il y en aurait pour plusieurs années. Nous travaillons donc de manière très concrète sur le don de doses et sur des projets d'usines de vaccins en Afrique pour permettre directement la production de ces vaccins. Nous échangeons avec plusieurs laboratoires de manière qu'ils s'engagent avec nous pour cette production en Afrique et nous appelons nos partenaires qui, comme les États-Unis, fabriquent des vaccins ou leurs composants à ne pas imposer de restrictions injustifiées aux exportations de ces produits.
Concernant le financement de la recherche vaccinale, la question qui devrait tous nous préoccuper ici est la suivante : pourquoi la France n'a-t-elle pas été capable de financer et de produire un vaccin contre le covid-19 ? Qu'est-ce que cela dit de l'état de la recherche dans notre pays, de notre système de financement, et surtout du désengagement progressif mais dramatique de l'État vis-à-vis de la recherche publique et de la recherche fondamentale ?
Comment peut-on continuer à financer de grands groupes privés, qui n'en ont pas besoin, via le crédit d'impôt recherche (CIR), sans rien en attendre en retour ? Car ce sont bien eux qui en profitent le plus : la moitié du CIR est accaparée par cinquante grands groupes, ceux qui en profitent, alors que 80 % des créations d'emplois dans la recherche et développement se font dans des entreprises de moins de 500 salariés. Ce sont eux qui en profitent alors que, selon l'Institut des politiques publiques (IPP), aucun élément ne laisse penser que le CIR est adapté pour développer l'innovation, et que le récent rapport de France Stratégie confirme que c'est une formule inefficace.
Bien sûr, ce sont notamment les profiteurs de crise comme Sanofi qui en jouissent. Ce groupe a cumulé 1 milliard d'euros d'argent public en dix ans via le CIR ; ce groupe qui aura sans scrupules, en 2020, à la fois augmenté son bénéfice net de 340 %, augmenté son dividende et bénéficié de la baisse d'impôts et n'aura pas été capable de produire un vaccin ; ce groupe qui, surtout, pendant qu'il touchait tout cet argent, n'a pas hésité à fermer un centre de recherche de plus et à licencier des centaines de personnes rien que dans la recherche.
Comment peut-on laisser faire ça, surtout après les enseignements de la crise du covid ? Comment peut-on laisser ces grands groupes réaliser de tels profits avec des aides sans contrepartie sociale, sans rien faire pour qu'ils cessent de privilégier leurs petits profits plutôt que la santé publique ? Qu'aurions-nous pu faire si tout cet argent, ces milliards d'euros avaient plutôt, comme les chercheurs l'exigent depuis plusieurs décennies, bénéficié à leur recherche et à leur recherche fondamentale ?
Le danger des maladies infectieuses, nous l'avons vécu ces derniers mois, est venu bouleverser nos quotidiens, mais c'est aussi un danger auquel nous devons nous préparer. Nous devons donc – la France, l'Europe – investir massivement pour reconstruire notre souveraineté sanitaire. Nous avons choisi de le faire, d'ores et déjà, en accompagnant nos grandes entreprises, mais aussi nos start-up, de manière à nous permettre de produire des doses en France – 20 millions de doses par mois seront produites sur notre territoire – et à continuer à accompagner les start-up issues des laboratoires, ce qu'on appelle les spin-off.
Je crois qu'il est très important de pouvoir continuer à le faire. Comme je le disais tout à l'heure, c'est une question d'écosystème et, en fait, de continuité dans la chaîne entre la recherche académique, l'émergence d'innovations, des innovations de rupture, la capacité de notre pays et de l'Europe à investir pour soutenir cette émergence et à passer ensuite au niveau de la production.
Je sais que le débat sur le CIR est quasi permanent. Il faut le savoir, un budget de la recherche, en France comme dans les autres pays, c'est toujours deux tiers d'investissement privé et un tiers d'investissement public. Le fait que nous augmentions enfin, après vingt ans de promesses, l'investissement public à hauteur de 1 % du PIB va nous permettre d'atteindre les 3 %, justement parce que nous sommes capables d'avoir cet effet de levier et de faire en sorte que nos entreprises investissent beaucoup plus massivement dans la recherche et le développement en parallèle de l'investissement consenti par l'État. Je crois essentiel de travailler surtout sur la continuité de la chaîne de l'innovation avec les petites et les grandes entreprises.
Tout ça, c'est un peu du bla-bla parce que, pendant ce temps, Sanofi est passé de onze centres de recherche à trois en quelques années, avec des milliards d'argent reçu pour l'investissement et la recherche publique.
La deuxième question qui se pose est celle de la levée des brevets. J'ai entendu mon collègue Castellani en parler, mais je vais tout de même poser ma question.
En juin 2020, le Président de la République expliquait qu'il était absolument pour la levée des brevets. En février 2021, une proposition a été présentée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) par l'Inde et l'Afrique du Sud, proposition à laquelle la France s'est opposée. Ensuite, M. Biden a dit qu'il y était favorable et, surtout, le Parlement européen a voté majoritairement pour la levée des brevets. Le Président de la République nous a alors expliqué que l'important était le fait de pouvoir donner des doses, et pas forcément la levée des brevets.
Nous sommes un peu inquiets devant ces volte-face sur une question qui nous semble fondamentale parce que, vous le savez, d'après les études de COVAX, au mieux 10 % des populations des pays pauvres pourront être vaccinées d'ici fin 2021. Nous avons là un terrible danger, celui qu'une grande partie de la population mondiale n'ait pas accès aux vaccins.
La solution, quoi qu'on en dise, est que cela échappe au marché, c'est-à-dire que nous puissions être décideurs. Et pour être décideurs, il faut lever ces brevets qui appartiennent aujourd'hui aux grands groupes de laboratoires pharmaceutiques – qui, eux aussi, ont souvent bénéficié des aides de l'État.
Nous avons entendu au G7 le Président de la République expliquer qu'il souhaitait travailler à une version modifiée de la demande initiale de l'Inde et de l'Afrique du Sud, travailler avec l'OMS, l'OMC, nos partenaires, qu'il espérait que cela permette un accord lors de ce G7. Sauf que ses volte-face nous laissent dubitatifs sur ce travail. Ces modifications ne vont-elles pas vider la requête initiale de sa substance, par exemple ? Nous n'avons eu aucune information fiable et concrète. J'aimerais donc que vous nous en donniez, car il est absolument fondamental que nous finissions par y parvenir.
Le Président de la République l'a rappelé très clairement, nous sommes favorables, sur le principe, à la levée des contraintes de la propriété intellectuelle pour permettre la production de vaccins partout dans le monde, notamment en Afrique. Mais il y a aussi un principe de réalité.
L'objectif est que nous puissions vacciner un maximum de personnes dans le monde, parce que c'est notre intérêt à tous et que plus on tarde à vacciner, plus des variants peuvent émerger et plus la pandémie peut malheureusement reprendre. C'est donc un devoir moral, un devoir de solidarité de le faire à l'égard des pays à revenu intermédiaire et des pays les plus pauvres. Mais pensez-vous vraiment, monsieur Coquerel, qu'il suffit de dire qu'il n'y a plus de propriété intellectuelle pour que des usines émergent en Afrique et soient capables de produire des vaccins avec des technologies aussi complexes que les vaccins à ARN messager ou les vaccins à adénovirus ?
Nous privilégions donc d'abord le don de doses ; je crois que c'est très important que nous puissions le faire très rapidement, et c'est pour cela que nous nous sommes engagés au G7 sur plus d'un milliard de doses supplémentaires d'ici à la fin de l'année 2022.
La deuxième chose, c'est de permettre de produire plus dans les usines qui existent déjà et d'accompagner l'implantation, comme je le disais tout à l'heure, d'usines en Afrique. Ce sont les acteurs industriels qui doivent nous accompagner pour produire davantage de vaccins.
La troisième chose, c'est effectivement d'aider tous les pays qui le peuvent à produire ces vaccins dans le temps le plus réduit possible. Si nous réglions les problèmes de propriété intellectuelle avant, il y aurait deux à trois ans de négociations avant que nous soyons capables de le faire, comme je l'ai rappelé tout à l'heure. Le Président des États-Unis a fait part de sa volonté, mais nous attendons toujours de travailler sur les accords qui permettront la levée de cette propriété intellectuelle.
Voilà les trois axes sur lesquels nous travaillons. Ils sont bien au nombre de trois, il y a bien la question des brevets qui se pose, mais l'urgence est de pouvoir distribuer des doses partout dans le monde.
Le constat est amer. À la différence des États-Unis avec les vaccins de Moderna et de Johnson & Johnson, à la différence de l'alliance États-Unis-Allemagne avec Pfizer-BioNTech, à la différence de la Chine avec Sinovac, à la différence de l'alliance Royaume-Uni-Suède avec AstraZeneca, et même à la différence de la Russie avec Sputnik V, la recherche biomédicale française, tant dans le secteur académique que dans l'industrie, n'a pas été en mesure de répondre à la situation d'urgence créée par la pandémie de covid-19.
Cet échec est à mettre sur le compte de plusieurs facteurs : baisse des financements publics en matière de recherche fondamentale, délégation au secteur industriel de la recherche pharmaceutique, absence de conditionnalités aux aides publiques versées aux laboratoires par le biais du CIR.
L'affaiblissement de la France en matière de recherche médicale appelle à une intervention massive de la puissance publique, garante d'une souveraineté sanitaire retrouvée. Cela implique évidemment d'augmenter significativement les financements publics dédiés à la recherche fondamentale réalisée par les organismes publics comme le CNRS – Centre national de la recherche scientifique – ou l'INSERM. Cela suppose parallèlement de construire les outils publics permettant la maîtrise publique de la chaîne de production en matière de vaccins et de traitements.
Notre groupe porte depuis plusieurs années l'idée d'un pôle public du médicament à l'échelle nationale et européenne, capable d'intervenir à la fois sur la recherche biomédicale et la production de traitements qui permettrait de ne plus être placé sous la dépendance des grands laboratoires pharmaceutiques en cas de pandémie et de pénuries. Nous avons encore en France des chercheurs de qualité et des savoir-faire industriels. Notre proposition pourrait être le moyen de mettre à profit toutes ces compétences.
Ma question est donc simple : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour retrouver une maîtrise publique dans le domaine de la recherche et de la production de traitements ?
Vous avez raison, il y a un besoin massif de réinvestir dans la recherche en France et nous avons eu l'occasion d'en débattre pendant des heures. C'est la raison pour laquelle la loi de programmation de la recherche, le programme d'investissements d'avenir et France relance, qui s'étalent respectivement sur dix, cinq et deux ans, vont nous permettre dès l'année prochaine de réinvestir massivement dans la recherche française.
Il faut revaloriser les salaires, redonner de l'attractivité, redonner de la liberté et de la souplesse, remettre des moyens dans les laboratoires, remettre des moyens dans les filières d'avenir. Il faut mettre des moyens sur l'ensemble de la recherche parce que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il est très difficile de savoir à l'avance quel type de connaissances permettra de générer un jour un vaccin. Vous le savez, c'est une priorité majeure de ce gouvernement et c'est l'une de mes priorités.
Dans le domaine de la santé, vous avez raison, nous avons identifié deux domaines clés dans lesquels nous avons besoin de réinvestir massivement, deux écosystèmes d'excellence où nous avons déjà tous les atouts pour réussir.
C'est d'abord la santé numérique, qui est probablement l'une des grandes questions de demain. Il nous faut bien sûr répondre à la crise d'aujourd'hui, mais aussi regarder l'avenir. C'est ainsi que le projet Paris Santé Campus voulu par le Président de la République permettra un accompagnement et un investissement massifs.
Ce sont ensuite les biothérapies : thérapies cellulaires, thérapies géniques…, la production aussi, pour faire de la France le lieu en Europe où seront réinventées et de nouveau produites les thérapies de demain. J'ai signé la semaine dernière le contrat stratégique de filière des industries de santé qui permettra de faire de la France ce leader européen en matière de bioproduction et de biothérapie.
Enfin, comme vous l'avez dit, il ne suffit pas de faire de la recherche, il faut également être capable de produire. C'est pourquoi le Gouvernement va mobiliser plus de 460 millions d'euros par le biais de Bpifrance pour soutenir toutes les entreprises afin qu'elles relocalisent les traitements existants ou qu'elles développent de nouvelles filières de thérapies innovantes.
Les Big Pharma ont touché beaucoup d'aides publiques, y compris dans notre pays – je pense au CIR, mais pas seulement –, et l'on peut s'interroger sur l'efficacité des crédits qui ont été ainsi alloués, un peu à l'aveugle, sans vérifier leur efficacité. L'exemple de Sanofi a été évoqué, avec 300 postes de chercheurs supprimés dans notre pays cette année, mais cela fait suite à des suppressions antérieures dans le domaine de la recherche, et pas simplement de la production.
Nous sommes dans un système où ces grandes entreprises se sont parfois déchargées de leurs responsabilités et de leurs risques sur des entreprises dites start-up, ce qui correspond à une financiarisation de la recherche plutôt inquiétante du point de vue des enjeux auxquels nous devons faire face. Peut-on s'en remettre à cette chaîne telle qu'elle est organisée ?
Je souligne également la nécessité d'investir massivement dans le secteur public. Les chiffres ont été donnés tout à l'heure : un retard important a été pris au cours des dernières années en raison du sous-financement de la recherche publique. J'en veux pour preuve le cas de Bruno Canard, chercheur à l'université Aix-Marseille, qui travaillait sur les virus à ARN, dont font partie les coronavirus, et dont les recherches n'ont pu aboutir faute de pouvoir être approfondies. En 2014, le CNRS avait alerté – en vain – le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la nécessité de renforcer la recherche dans ce domaine.
Aujourd'hui, un réinvestissement massif dans la recherche fondamentale est indispensable, à des fins d'anticipation, dans le cadre de programmes de long terme. Quelles sont vos intentions en la matière ? Quels leviers pourraient être actionnés pour favoriser la recherche en biologie et en santé en associant toute la chaîne de la recherche et du médicament ? Nous ne pouvons plus nous contenter de financements sur appels à projets : nous devons revoir la politique de recherche en santé. Une impulsion publique serait sans doute utile pour lancer une nouvelle dynamique, par exemple sur les vaccins à ARN messager, qui pourraient faire l'objet d'un dispositif public particulier, ou sur les biotechnologies, dont vous venez de parler, pour lesquelles les outils existants mériteraient d'être mobilisés avec plus de force.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Je partage une grande partie de vos propos, monsieur Dharréville, à commencer par l'idée selon laquelle la France doit réinvestir massivement dans la recherche. Nous devons toutefois garder à l'esprit qu'il est impossible de savoir a priori quel sujet sera crucial à l'avenir. C'est la raison pour laquelle il importe de soutenir massivement l'ensemble des domaines de la recherche académique. Tel est précisément l'objectif de la loi de programmation de la recherche.
Ce texte vise un second objectif : définir les grandes priorités, en lien avec le programme d'investissements d'avenir, notamment pour la recherche en santé – comme nous l'avons fait avec le programme prioritaire de recherche antibiorésistance ou avec l'initiative sur les maladies infectieuses émergentes. De même, avec le programme PREZODE, il s'agit de réfléchir à l'impact de l'activité humaine sur les zones naturelles et sauvages et à son rôle éventuel dans les zoonoses. Ces programmes de recherche seront développés pendant une période de dix ans à partir de cette année. C'est ainsi que nous pourrons retrouver notre capacité à rayonner à l'échelle internationale dans le domaine des thérapies, des biothérapies et des vaccins. Ces programmes de recherche fixent des objectifs à atteindre, mais en aucun cas les moyens pour les atteindre, ceux-ci relevant de la responsabilité des chercheurs. Seuls les chercheurs savent quelles pistes doivent être explorées et quelles solutions sont porteuses d'innovation.
Quant à l'État, son rôle doit être d'accompagner les laboratoires académiques qui le souhaitent dans la création de spin-off destinées à tester et valider leurs concepts. Nous financerons ces spin-off grâce aux dispositifs de soutien à l'innovation, en particulier les concours i-Lab et i-PhD. Une fois que ces spin-off auront « dérisqué », nous demanderons aux entreprises de prendre leurs responsabilités et de faire le dernier pas en investissant dans la recherche et développement. C'est en maintenant cette chaîne, plus exactement en la recréant, que nous pourrons de nouveau rivaliser avec les meilleurs au monde – car nos chercheurs font partie des meilleurs au monde.
Mon collègue Jean-Louis Touraine et moi-même venons tout juste d'achever, en tant que rapporteurs de la commission des affaires sociales, le rapport de la mission d'information sur le médicament, présidée par Pierre Dharréville, qui sera publié le 23 juin prochain. Sans dévoiler nos conclusions – que vous lirez certainement avec attention, madame la ministre –, je souhaite partager avec vous un constat et une inquiétude.
Le constat, tout d'abord. En matière de recherche vaccinale, les Européens ont fait un choix différent des Américains. L'agence américaine, la BARDA, a directement investi plus de 10 milliards de dollars dans le développement de sept vaccins prometteurs. Ainsi, Moderna a bénéficié d'un contrat sans contrepartie couvrant 100 % des coûts de R&D et d'un contrat d'achat de 100 millions de doses pour un montant de 1,5 milliard de dollars, soit au total près de 2,5 milliards de dollars. La France et l'Europe, on le sait, ne disposent ni d'un cadre juridique, ni de capacités financières suffisantes pour soutenir une telle recherche. L'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif aux aides d'État, permet tout au plus à un État d'assumer 80 % du coût d'une recherche initiale, ce qui est déjà beaucoup, chacun en convient ; c'est néanmoins insuffisant pour faire face à une crise sanitaire telle que celle de la covid-19. De toute évidence, l'échelle nationale n'est plus adaptée pour répondre aux défis de la recherche actuelle, et surtout aux défis de demain. L'Union européenne s'est donc mobilisée et a démontré sa réactivité avec le programme Horizon Europe et le projet de création d'une autorité de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire, l'agence HERA.
J'en viens à ma question, madame la ministre, et, à travers elle, à mon inquiétude. Comment envisagez-vous la mise en place de l'agence HERA et son articulation avec les très nombreux organismes – je dirais même les très, très, très nombreux organismes – déjà existants en France ? La création de cette agence n'offre-t-elle pas une opportunité pour réorganiser le système de financement et de fonctionnement de la recherche en France ?
Une nouvelle structure européenne est en effet en cours de création. Elle permettra à l'Europe d'être mieux préparée aux crises sanitaires, qu'elles soient d'origine naturelle ou non, et fonctionnera comme la BARDA, créée il y a plus de vingt ans et dont l'intervention permet des financements massifs, comme vous l'avez rappelé. Il était très important pour la France et l'Europe de se doter à leur tour d'un tel outil afin de se préparer à de nouvelles crises sanitaires. La crise de la covid-19 a montré combien il nous avait manqué.
Pendant la crise sanitaire, il nous a fallu travailler dans l'urgence et des contrats d'achat de vaccins contre la covid-19 ont été signés en avance de phase, sans preuve de leur efficacité, puisqu'ils étaient encore en cours de développement. L'Europe a soutenu la R&D des entreprises concernées et ouvert la voie à de nouvelles modalités de couplage entre le financement de la R&D et les achats publics. Mais tout ceci a été fait sans une structure forte de coordination. La création d'une telle instance représente donc un enjeu important. Elle inclura un volet national à travers la création de la nouvelle agence de recherche sur les maladies infectieuses émergentes, qui jouera un rôle de coordination pour l'ensemble de la recherche française. Devons-nous pour autant placer tous les travaux de recherche sous le pilotage d'une seule université ou d'un seul organisme de recherche ? Ce serait selon moi une erreur, l'émergence de la connaissance reposant par principe sur le bouillonnement. En revanche, pouvoir disposer à tout moment d'une vision globale des travaux en cours dans les laboratoires et des savoirs mobilisables en cas de crise nous semble indispensable. Tel sera l'objectif de la nouvelle agence nationale et de la nouvelle agence européenne.
Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, nous allons également tenter d'avancer sur la question de la santé, bien que l'entreprise soit difficile. Il s'agit, vous le savez, d'une prérogative strictement nationale, et les contraintes législatives propres à chaque pays compliquent souvent le travail au niveau européen.
En France, en Europe et dans le monde, la campagne de vaccination contre la covid-19 bat son plein. Nous souhaitons tous qu'elle profite également aux pays pauvres. Plus de 2 milliards de personnes ont reçu au moins une dose de vaccin depuis décembre 2020, c'est-à-dire environ 30 % de la population mondiale. Après des mois éprouvants pour les soignants, nos concitoyens et notre économie, cette dynamique apporte enfin l'espoir d'une victoire contre la covid-19 : victoire par la science, victoire par la recherche, victoire aussi pour le progrès, grâce à des innovations majeures telles que le vaccin à ARN messager. Cette technologie de rupture n'est pas le fruit du hasard. Cinq décennies de recherche, entamées dans les années 1970, ont été nécessaires afin qu'elle puisse, pour la première fois en 2020, dans des conditions records, très inédites, être mise sur le marché par le groupe américano-allemand Pfizer-BioNTech et l'entreprise de biotechnologie américaine Moderna.
Dans cette course effrénée à laquelle les États et les grandes entreprises du secteur pharmaceutique se sont livrés pour endiguer la pandémie, la France a pris sa place. Pour ne prendre qu'un exemple, l'Institut Pasteur a été le premier organisme en Europe à séquencer intégralement le génome de la covid-19, séquençage sans lequel la mise en œuvre de certains candidats vaccins n'aurait pas été possible. Force est de constater, cependant, que la France n'a pas réussi à transformer l'essai. Vous avez avancé plusieurs raisons, madame la ministre, en répondant aux questions précédentes : manque de temps, manque de moyens, mais aussi manque de coordination entre les différents acteurs de la recherche. Néanmoins, le candidat au vaccin qu'est Sanofi a obtenu des résultats concluants à l'occasion des essais de phase 2, ce qui laisse entrevoir l'espoir d'une production française d'ici à la fin de l'année 2021. Il faut s'en réjouir, mais aussi en tirer les leçons pour l'avenir – ce que vous faites, madame la ministre. Comment la France, pays de Pasteur, peut-elle, dans les années à venir, retrouver son rang et son leadership dans la course mondiale à la recherche vaccinale ?
La recherche vaccinale compte en réalité de nombreux atouts en France. Au-delà de ses succès historiques, le continuum de la recherche française, depuis l'amont jusqu'à l'innovation, est absolument essentiel et nous devons le renforcer par le biais des organismes, des universités, des chercheurs, jeunes et moins jeunes, qui auront demain le désir d'essaimer leurs travaux au sein de sociétés de biotechnologie, mais aussi par le biais d'entreprises qui se classent parmi les dix premières au niveau international dans le secteur des vaccins pour l'homme et des vaccins vétérinaires. Les forces de la recherche académique, qui interviennent en amont, se trouvent dans des structures spécialisées, telles que l'Institut Pasteur, ou plus générales, telles que l'INSERM, le CNRS ou des structures universitaires. La France a conservé des centres experts en microbiologie et en immunologie et des sites de recherche clinique spécialisés dans les maladies infectieuses, qui ont commencé à travailler ensemble. Nous allons d'ailleurs conserver cette structuration, qui nous permet de faire travailler ensemble les sites de recherche clinique.
Nous possédons plusieurs spécialités en France, qu'il s'agisse des maladies tropicales dites négligées, de l'expertise sur les vaccins, que nous partageons avec plusieurs pays, ou des clusters constitués autour de l'Institut Pasteur, de l'Institut Necker enfants malades, du CIRI –Centre international de recherche en infectiologie –, de l'institut de recherche technologique BIOASTER et de Lyonbiopôle. Je pourrais citer également l'Immunopôle de Marseille ou les sites de Tours, Bordeaux et Toulouse – ils sont trop nombreux pour que je puisse tous les énumérer. Il est important de structurer ces sites en lien avec les pôles de compétitivité afin de renforcer la continuité entre la recherche et l'innovation. À cet égard, les acteurs français ont démontré une grande réactivité dans les différentes plateformes vaccinales et en matière de vectorologie, pour délivrer les antigènes. Grâce à nos réseaux historiques et actuels, nous avons des bases solides pour reconstruire une véritable souveraineté dans la recherche vaccinale en France.
En tant que rapporteur spécial du budget de la recherche, j'ai souhaité, à l'occasion du Printemps de l'évaluation, qui s'achève actuellement, que la France s'implique davantage dans les organisations internationales mises en œuvre pour faire face au défi des maladies infectieuses émergentes. C'est notamment le cas de la coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies, créée à l'occasion du Forum économique mondial de Davos en 2017, qui travaille au développement de vaccins contre les maladies infectieuses émergentes, dont les coronavirus.
Cette coalition a, dès le début de la pandémie, joué un rôle moteur dans l'accélération des projets de recherche contre la covid-19. Elle a ainsi apporté, dès janvier 2020, un soutien financier à la plateforme de production d'ARN messagers développée conjointement par Moderna et par l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses des États-Unis. En quelques mois à peine, cette plateforme a permis d'aboutir à la mise au point d'un vaccin fiable, aujourd'hui distribué dans trente-sept pays.
La Commission européenne et de nombreux États de l'Union européenne, parmi lesquels l'Allemagne, l'Italie, la Belgique ou encore les Pays-Bas, contribuent financièrement à cette organisation internationale. Or il semble que la place de la France y demeure insuffisante.
L'Institut Pasteur a certes bénéficié, en mars 2020, d'un financement de 4,3 millions d'euros pour son candidat vaccin, mais comment la France pourrait-elle renforcer sa contribution à de telles structures de coopération internationale ? Quel rôle entend-t-elle jouer à l'échelle européenne s'agissant notamment du programme-cadre de recherche et d'innovation Horizon Europe pour la recherche sur les maladies infectieuses émergentes, ou de l'incubateur du nouveau plan européen de préparation en matière de biodéfense contre les variants du coronavirus, dit « incubateur HERA » ?
La CEPI – Coalition for epidemic preparedness innovations – est une association de droit norvégien, lancée à Davos en 2017 pour accélérer le développement de vaccins contre les maladies infectieuses émergentes. Dès le mois de février 2017, le président Hollande est intervenu à la conférence scientifique de la CEPI, organisée à Paris avec l'INSERM, pour marquer le soutien de la France à cette organisation. Faute de moyens disponibles, aucune subvention directe n'a malheureusement été envisagée à l'époque, ni plus tard, malgré de nombreuses sollicitations pour rejoindre officiellement cette organisation et pour la financer.
La question s'est à nouveau posée en 2020, dans le cadre de la crise du covid-19, dans la mesure où la CEPI soutient la recherche vaccinale, comme cela a été le cas pour les projets de l'Institut Pasteur sur le chikungunya, le MERS-CoV et la fièvre de Lassa, tout comme le développement d'un vaccin à partir du vaccin contre la rougeole. De très nombreux pays ont répondu financièrement à l'appel de la CEPI, qui demandait en urgence un fonds de soutien à la R&D vaccinale.
Le 19 mars 2020, la CEPI a ainsi obtenu des financements des gouvernements allemand, finlandais, norvégien, suédois, danois et britannique, suivis par de nombreux autres gouvernements. La Commission européenne a aussi participé à son financement de manière significative, notamment en faveur de la plateforme dite ACT-A de coopération dans la lutte contre la covid-19, que la France a soutenue à hauteur de 500 millions d'euros, venant en sus des 1,2 milliards d'euros déployés par l'AFD – Agence française de développement – pour soutenir le développement des systèmes hospitaliers et le déploiement des différentes thérapies, puis des vaccins, notamment en Afrique, avec la mise en place d'une surveillance épidémiologique et un soutien aux réseaux – fondations, ONG, organisations de recherche– pour lutter contre la covid, en lien avec les organismes de recherche français.
Non seulement la France a soutenu le projet ACT-A, mais elle a aussi apporté une aide directe aux pays africains, le choix ayant été fait de soutenir en priorité l'initiative GAVI – Alliance du vaccin –, ainsi que la plateforme COVAX.
J'ai eu le plaisir de visiter récemment le laboratoire Delpharm, situé dans ma circonscription, au biopôle Lyon-Gerland, mondialement reconnu dans le secteur des biotechnologies et de la pharmaceutique. Delpharm produit à Lyon un certain nombre de médicaments, et a récemment remporté, avec son partenaire BioSpeedia, l'appel à projets « Résilience » du volet industrie du plan de relance.
Grâce au soutien de l'État, ce laboratoire sera amené à produire des millions de tests antigéniques et d'autotests. C'est une vraie fierté de disposer de tests covid-19 intégralement « made in France », puisqu'ils sont produits à Lyon et conçus à Saint-Étienne. J'associe d'ailleurs à cette question mes collègues de la Loire Jean-Michel Mis et Julien Borowczyk.
Nous avons là un parfait exemple de la réussite de notre stratégie de relocalisation industrielle dans le secteur de la santé dans notre pays. À l'heure de la relance voulue par le Président de la République et le Gouvernement, nous nous devons de faire appel à la production française et européenne en permettant à nos biotechs d'anticiper la demande de l'État pour être en capacité d'honorer l'afflux de commandes – non seulement en matière de tests antigéniques, mais également en matière d'autotests, dispositifs qui consistent en un prélèvement nasal que chacun peut effectuer lui-même à la maison.
Avec la réouverture des espaces collectifs, ceux-ci sont appelés à devenir un outil de dépistage du quotidien, venant compléter notre arsenal de lutte contre la covid-19. Les ministères de la santé, de l'éducation nationale, de l'intérieur et de l'enseignement supérieur ont d'ores et déjà lancé des commandes. Néanmoins, leur niveau n'est pas suffisamment précis pour nos industriels, qui manquent de la visibilité qui leur permettrait de préparer au mieux leur chaîne de production, pour pouvoir se positionner dans le cadre des futurs appels à projets de l'État.
En l'absence de cette visibilité, le risque est très grand de voir des industriels asiatiques, coréens, chinois ou autres, remporter les marchés français. Madame la ministre, le Gouvernement peut-il préciser le niveau des commandes d'autotests qu'il sera conduit à passer dans les prochains mois ?
Vous avez raison de le rappeler, car cela n'est pas toujours suffisamment salué : la France a l'un des systèmes de dépistage les plus performants au monde, avec plusieurs millions de tests gratuits effectués chaque semaine, ce qui permet à leurs bénéficiaires de vérifier en permanence s'ils sont ou non infectés par la covid. C'est également grâce à ce dispositif que l'assurance maladie peut mettre en place tout le système de « contact tracing ».
Les autotests sont aussi très importants et sont des compléments dans la stratégie de dépistage, mais ils ne sauraient se substituer aux tests PCR, car ils ne permettent pas le « contact tracing ». Ils sont distribués en officine depuis le 12 avril dernier, en vente libre pour les particuliers, et permettent à chacun de se rassurer ; leur utilisation est un peu plus agréable que le prélèvement nasopharyngé nécessaire pour les tests PCR.
Le Gouvernement a également décidé de mettre ces autotests gratuitement à disposition dans les écoles, dans les universités et pour ceux de nos concitoyens qui sont les plus éloignés du système de santé. Bien que les tests soient gratuits, il est en effet difficile pour certaines personnes de franchir le pas et d'aller se faire tester ; c'est pourquoi ces autotests sont distribués.
L'État a d'ores et déjà acheté plus de 5 millions d'autotests, et nous verrons quel usage nos compatriotes vont en faire. Il est donc difficile de prévoir combien d'entre eux seront utilisés. En tout état de cause, qu'il s'agisse de la stratégie de l'éducation nationale ou de celle de l'enseignement supérieur, nous avons demandé aux universités – pour ce qui concerne mon ministère – leurs prévisions de commandes, puisqu'elles peuvent s'approvisionner dans le cadre des marchés publics classiques. Lorsque nous connaîtrons le volume d'autotests nécessaires pour la rentrée, nous ne manquerons pas de le communiquer aux producteurs.
Le Président de la République a annoncé, mercredi 2 juin, que les adolescents âgés de 12 à 18 ans auraient accès à la vaccination contre la covid-19 à partir de demain. L'ouverture de la vaccination à cette frange de la population n'est pas anodine et soulève de nombreuses questions. Quels moyens peut-on mettre en place afin d'accompagner au mieux les jeunes dans la vaccination ?
Alors que les adolescents ont subi de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire – isolement social, difficultés scolaires, détresse psychologique, manque de perspectives –, l'ouverture à la vaccination les remettra sur le devant de la scène en les associant pleinement à la stratégie de lutte contre l'épidémie, pour éviter les fermetures de classes à la rentrée et protéger les plus vulnérables d'entre nous.
En outre, la problématique des jeunes n'est pas la même que celle des populations plus âgées, car elle implique une balance bénéfice-risque différente de celle des adultes. Il serait dès lors pertinent d'envisager un accompagnement spécifique pour ces jeunes face au choix de la vaccination, afin de leur offrir la possibilité de consentir ou non à se faire vacciner de la manière la plus éclairée et libre possible. De même, un suivi de pharmacovigilance spécifique aux adolescents peut-il être mis en place ?
Concernant les modalités techniques de la campagne vaccinale pour les adolescents, pouvez-vous nous confirmer que seul le vaccin Pfizer est pour l'instant homologué et que la campagne se déroulera en centre de vaccination, comme pour le reste de la population ?
Cette accélération du calendrier vaccinal pose aussi la question de l'ouverture de la vaccination, dans un deuxième temps, aux jeunes enfants. Cette question est cruciale dans la lutte contre la covid-19, puisque cette population représente un foyer de contamination important, surtout dans la perspective de la prochaine rentrée scolaire. Alors que l'objectif est d'atteindre une immunité collective comprise entre 80 % et 85 % pour réussir à contrer la propagation du virus, est-il envisagé de vacciner la population des jeunes enfants ?
Depuis le 28 mai dernier, l'autorisation de mise sur le marché du vaccin Pfizer – et uniquement de celui-ci – permet la vaccination des jeunes âgés de 12 à 15 ans. Un avis favorable avait déjà été donné pour les adolescents âgés de 16 et 17 ans, notamment ceux atteints de pathologies à haut risque. À partir du 15 juin, la vaccination sera effectivement ouverte aux adolescents.
Comme dans tous les pays qui nous entourent, cette vaccination s'est imposée. Cette population a été très touchée dans son quotidien et dans ses aspirations par la crise sanitaire ; elle a besoin de retrouver un horizon et une sociabilité, et cela doit impérativement se faire dans des conditions de sécurité maximales.
Il est également très important de préparer la rentrée scolaire la plus normale possible dès maintenant, car il faut que les jeunes et les adolescents puissent être vaccinés pour atteindre l'immunité collective. Ils le seront dans un cadre juridique classique, avec l'accord des parents et après une information claire des adolescents. La préparation de la doctrine de communication sur la vaccination des adolescents est en cours : recueil de l'autorisation parentale, recueil du consentement, plan d'information et de communication.
L'Agence européenne des médicaments a donné l'autorisation de mise sur le marché du vaccin Pfizer pour ce type de vaccination. Moderna devrait prochainement déposer une demande analogue, de manière à ce que ce vaccin puisse également bénéficier aux jeunes âgés de 12 à 15 ans ; les résultats de cette demande devraient être connus dans le courant du mois de de juillet.
Mon ministère suit ces questions en lien avec le ministère de l'éducation nationale et avec celui de la santé, pour préparer au mieux la rentrée scolaire et la rentrée universitaire de septembre, y compris en pensant des dispositifs adaptés de vaccination en milieu scolaire ou universitaire.
Je souhaite obtenir des précisions sur la question, déjà largement évoquée, de la levée des brevets : vers quoi nous dirigeons-nous précisément ? Le sujet a été discuté entre les grandes puissances mondiales, sans pouvoir aboutir, alors que la levée des brevets représente un changement éthique nécessaire pour une lutte à la hauteur de la pandémie actuelle et de celles à venir.
Par ailleurs, l'ONU et ses partenaires ont lancé l'initiative COVAX, pilier vaccinal du dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte contre la covid-19.
Au travers des partenariats réunissant COVAX, GAVI, l'OMS, l'UNICEF – Fonds des Nations Unies pour l'enfance – et la CEPI, une mobilisation unique s'est organisée autour des vaccins.
Dans cette approche globale et mondialisée de la lutte contre les pandémies, dans quelle mesure la France influe-t-elle sur la mise en œuvre du programme COVAX ? Quelle est sa place dans cette plateforme internationale, à laquelle elle participe, forte de ses valeurs républicaines que sont l'égalité et la fraternité ? Comment conjugue-t-elle cet engagement avec le temps long de nos organisations et de nos programmes de recherche ?
Nous le savons et devons l'avoir à l'esprit, si nous conservons une approche égoïste, excluant de fait les pays pauvres ou en cours de développement de la vaccination, nous échouerons dans notre lutte contre la covid-19 et contre les pandémies qui suivront. Nous ne pouvons gagner que dans le partage et l'entraide, car les virus ne connaissent pas les frontières. Quelle idée de la coopération défendons-nous dans la mise en œuvre du programme COVAX ?
La France a été parmi les premiers pays à demander la mise en place de cette action de solidarité que constitue COVAX, et nous avons été les premiers à faire don à COVAX de doses de vaccins acquises sur nos propres fonds.
Un engagement initial de 500 000 doses a été pris, puis le Président de la République s'est engagé à partager au moins 30 millions de doses des différents vaccins d'ici la fin de l'année. Par ailleurs, les pays du G7 ont fait la promesse de distribuer plus d'un milliard de doses supplémentaires d'ici la fin 2022.
La question de la propriété intellectuelle peut et doit être posée, car il ne doit y avoir aucun obstacle à la production et à la distribution universelle des vaccins contre cette pandémie, comme contre toutes les pandémies.
L'urgence est cependant de travailler concrètement à la mise en œuvre des dérogations qui sont déjà juridiquement prévues par l'OMC dans le cadre des accords sur les ADPIC – aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce – et de négocier pour clarifier et rendre plus efficaces ces dérogations. Pour cela, nous devons nous appuyer sur l'OMC, l'OMS et les organisations à l'expertise éprouvée, comme le Medicines Patent Pool.
L'Union européenne a fait des propositions concrètes en ce sens, et nous les soutenons évidemment. Une fois de plus, nous attendons néanmoins la proposition concrète des États-Unis sur la manière de supprimer la propriété intellectuelle. Nous savons que cela peut prendre plusieurs années, et nos objectifs prioritaires doivent donc être de fabriquer des doses pour pouvoir en distribuer, tout en travaillant d'ores et déjà dans le cadre juridique existant pour accélérer la possibilité d'implanter directement des usines de production dans les pays concernés.
Notre schéma de pensée a été bouleversé, et nous comprenons enfin que le coût de l'anticipation et de la prévention sera toujours inférieur au coût de la réparation, qui s'élève désormais à plusieurs milliards.
Ce virus est une zoonose émergente comme Ebola, le SRAS – syndrome respiratoire aigu sévère – ou la grippe aviaire. D'après l'Organisation mondiale de la santé, 60 % des maladies infectieuses humaines sont zoonotiques, l'animal jouant le rôle de transmetteur de l'agent pathogène affectant la santé humaine.
En détruisant l'habitat de l'animal, nous accélérons ces contaminations. Nous devons comprendre et agir pour que nos activités soient moins destructrices de l'habitat naturel de la faune et de la flore, avec qui nous vivons sur cette terre. Nous devons améliorer nos connaissances et approfondir les recherches dans le domaine des arboviroses et des zoonoses, en constante augmentation.
Comment la recherche vaccinale prend-elle en compte cette question des zoonoses ? comment s'articule-t-elle avec les travaux sur la déforestation et l'effondrement de la biodiversité ? Dans la perspective « Un monde, une santé » – One World, One Health – défendue par l'OMS, comment la France se prépare-t-elle aux futures crises sanitaires ? Quels secteurs de la recherche privilégie-t-elle, et avec quels moyens pour mettre en œuvre une approche holistique ?
En matière de recherche vaccinale, la question des zoonoses ou des arboviroses constitue un très vaste champ. Ces virus transmis par des arthropodes, comme les moustiques ou les tiques, comprennent plusieurs familles : la dengue, le virus Zika, les virus à encéphalite comme le virus du Nil occidental, ou encore les virus à fièvre hémorragique comme le Crimée-Congo. Tous ont un taux de mortalité très important, et les efforts sont constants pour produire des vaccins – lorsque ceux-ci existent déjà, comme c'est heureusement le cas pour la fièvre jaune ou la dengue.
De très nombreux projets de recherche sont par ailleurs en cours de développement, soit dans des laboratoires de recherche, soit dans des entreprises de biotechnologie, soit encore dans l'industrie pharmaceutique, pour continuer à développer et à produire des vaccins contre ces virus.
Afin d'accélérer la recherche et de nous protéger des futures épidémies et pandémies, le Gouvernement a décidé de soutenir un programme prioritaire consacré aux maladies infectieuses émergentes et, plus globalement, aux menaces naturelles, biologiques, chimiques ou radiologiques. Cette stratégie globale sera pilotée par l'INSERM et sa nouvelle agence, l'ANRS-maladies infectieuses émergentes, et le soutien au développement des programmes vaccinaux fera partie de ses priorités.
Au-delà de cela, nous devons être conscients que dans la logique de la santé globale One World, One Health, nous ne devons pas nous contenter d'investir dans les vaccins, mais anticiper les éventuelles crises sanitaires à venir en nous efforçant de prévenir les mécanismes de l'émergence.
Pour cela, nous avons mis en place un autre programme prioritaire de recherche qui, lui, s'intéressera à la prévention des zoonoses et notamment à l'impact que peut avoir l'activité humaine non seulement sur les milieux naturels et sauvages, mais aussi dans le domaine de l'élevage et de l'agriculture, de manière à pouvoir réagir très rapidement en cas de survenue d'une nouvelle crise sanitaire, voire à être capables de l'éviter.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Débat sur l'évaluation de l'impact des mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire sur la santé et l'espérance de vie des Français.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra