La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement no 936 à l'article 4.
Je commencerai par une remarque que je voulais faire cet après-midi, mais j'en ai été empêchée par la levée de séance. Elle me sera certainement reprochée, mais qu'importe ! Vous me connaissez, je ne supporte pas les injustices. Si quelqu'un est opposé aux idées de notre collègue Emmanuelle Ménard, c'est bien moi ; et si quelqu'un vote régulièrement contre les amendements de Mme Ménard, c'est encore moi. À la fin de la séance précédente, madame la rapporteure, vous avez dit à Mme Ménard qu'elle n'avait qu'à créer un groupe. Je serais la première à m'y opposer, mais sachez que le temps législatif programmé l'oblige à rester dans l'hémicycle sans parler, pour éviter que ses amendements ne tombent.
Je serais la première à ne pas apprécier cette situation. Je trouve donc injuste la remarque que vous avez faite à Mme Ménard, madame la rapporteure.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et EDS.
J'en viens à l'amendement no 936 . Le projet de loi laisse subsister, en droit, des difficultés d'établissement de la filiation, à l'égard de leurs enfants, pour les personnes ayant modifié leur sexe à l'état civil. Quand des personnes ont eu un enfant sans intervention médicale ou via une assistance médicale à la procréation – AMP – sans tiers donneur, le régime de droit commun doit s'appliquer pour établir la filiation.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Vous êtes une grande défenderesse de vos collègues, madame Fiat ! Je n'ai pas dit que Mme Ménard n'avait qu'à créer un groupe, mais que c'était une option ouverte – cela s'est tellement vu, ces derniers mois, que c'était une boutade à l'endroit de tous les groupes politiques de l'hémicycle.
Mme Ménard aura noté que, même si elle n'a plus le temps de défendre ses amendements, je prends le temps de répondre aux amendements qui lui importent.
Nous sommes donc loin du mépris, bien au contraire.
Par l'amendement no 936 , vous tentez, une fois de plus, de réformer globalement le droit de la filiation, alors que ce n'est pas l'objet de ce projet de loi relatif à la bioéthique : nous tirons ici les conséquences de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. En outre, cet amendement n'est pas opportun sur le plan technique, puisqu'il introduirait des dispositions relatives à l'établissement de la filiation dans un article qui concerne les modes de preuve et de contestation de la filiation. Avis défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'établissement de la filiation par les personnes transgenres n'est pas une question de bioéthique, mais d'état des personnes. Cette interrogation pertinente me permet de préciser ma pensée. Je sais la primauté de la Constitution sur la loi, et je sais la primauté de la loi sur la jurisprudence. Or une affaire relative au sujet qui vous occupe est pendante devant la Cour de cassation. Elle a été plaidée, et la décision sera rendue prochainement. Au vu de cette décision, vous saurez s'il convient ou non de légiférer. Voilà ce que j'ai voulu expliquer tout à l'heure, et que vous n'avez pas souhaité entendre. Avis défavorable.
Sur l'amendement no 508 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thibault Bazin.
Monsieur le garde des sceaux, j'étais un peu perdu, tout à l'heure, face à vos collègues du Gouvernement qui, siégeant au banc, n'apportaient pas de réponse juridique à l'une de mes préoccupations. Je vous livre donc ma question. Prenons une personne qui n'a pas encore changé de sexe à l'état civil – elle est encore une femme – et qui accède à l'AMP. Elle en a le droit. Au cours de sa grossesse, elle devient un homme trans devant l'état civil. Que se passe-t-il à l'accouchement ? Est-ce un homme-mère, ou un homme qui accouche ? Qu'en est-il de la filiation dans cette situation précise, monsieur le garde des sceaux ?
Protestations sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 936 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 508 .
Je reviens à la charge une dernière fois, madame la rapporteure. Cet amendement de repli vise à étendre le droit actuel relatif à l'établissement de la filiation aux seuls couples de femmes mariées, en cas d'AMP : ces couples pourraient simplement exprimer leur consentement au don devant un notaire, comme le prévoit l'article 311-20 du code civil.
Vous persistez dans votre volonté de changer le champ de la filiation en général, madame Battistel, afin d'y accueillir toutes les familles, notamment homoparentales. Je peux partager votre argument dans le fond, mais pas dans la forme. Avec cet amendement, vous restreignez le champ de votre requête à celui de l'article 311-20 du code civil, relatif aux couples hétérosexuels qui recourent à une AMP avec tiers donneur, dont vous voulez étendre l'application aux couples de femmes mariées. Or on ne peut pas créer une présomption de co-maternité dans les couples de femmes comme on le fait d'une présomption de paternité dans les couples hétérosexuels mariés. En outre, cela introduirait une rupture d'égalité avec les couples de femmes non mariées, puisqu'il n'y a pas de présomption de co-maternité dans le reste du code civil.
Nous ne sommes pas dans une grande réforme du droit de la filiation, qui nous conduirait à réfléchir des heures à ce qu'il est possible de faire ou non, sans nuire à la cohérence du titre VII du code civil.
Dans le présent texte, nous sommes tenus de circonscrire nos dispositions : nous devons nous contenter d'encadrer les conséquences de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes avec la reconnaissance conjointe anticipée. C'est déjà beaucoup. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la rapporteure a tout dit, et je ne saurais mieux faire. Défavorable.
N'étant pas juriste, j'écoute, car j'ai besoin d'apprendre. Nul ici n'a de réponse à toutes les questions. Comme beaucoup de députés, mon collègue Thibault Bazin a énormément travaillé sur ce texte. Les questions qu'il pose peuvent paraître surréalistes aux Français qui nous écoutent, mais elles découlent directement de ce projet de loi de bioéthique. Nous sommes tellement interpellés par ce qui est en train de se passer que nous avons tous des interrogations. Le cas que vient d'évoquer M. Bazin concerne peut-être un, deux ou trois couples, voire des dizaines – je l'ignore – , mais si vous, monsieur le garde des sceaux, n'êtes pas capable d'y répondre dans l'hémicycle, que répondrons-nous, en tant que représentants de la nation, à tous ceux qui nous ont fait confiance pour essayer de voter les dispositions les plus humaines et les plus respectueuses ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Blandine Brocard et Liliana Tanguy applaudissent également.
Depuis des jours, je ressens un malaise car je constate que des questions sont évacuées.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cela semble vous faire rire, monsieur le garde des sceaux ! Pas moi ! Pouvez-vous au moins écouter notre question ?
Monsieur le garde des sceaux, je vous parle très gentiment et très respectueusement. Je vous fais part des doutes et des douleurs que nous ressentons face à des questionnements plus que perturbants. Je n'ai pas pris la parole depuis des jours, mais je suis pourtant dans l'hémicycle ! Je vous demande simplement de nous répondre. Nous révélons des angles morts, des ombres dans ce texte qui engage non seulement la génération à venir…
Si vous voulez parler, madame Krimi, prenez le micro !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Alors, je vais conclure. Comme nous sommes en temps législatif programmé, vous pouvez me laisser terminer.
Nous sommes bien en temps programmé, et mon groupe me donne la parole : je la prends.
J'aimerais juste comprendre. Ce texte engage non seulement la génération à venir, mais aussi toutes celles qui lui succéderont, et qui accumuleront les perturbations. Dans un siècle, que seront ces enfants ? Je ne parle pas uniquement de ceux qui vivront dans vingt ans, et qui auront été conçus, créés voire construits – un mot incroyable, proprement surréaliste, que vous employez pour des enfants ! – , mais également de la deuxième, de la troisième, de la quatrième génération… Nous parlons ici de circonstances conflictuelles – puisqu'il est question de transsexuels – , de difficultés humaines, de personnes qui vivent des situations extraordinaires, qu'aucun d'entre nous ne vivra. Nous sommes censés être des juristes et écrire la loi. Monsieur le garde des sceaux, cessez de rire face à la question pertinente que vous pose M. Bazin !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame Kuster, mon ami et vice-président Marc Le Fur peut vous dire combien je suis opposé, à titre personnel, au dispositif du temps législatif programmé, depuis sa création. J'ai toujours été contre.
Vous aviez raison, madame Kuster, je devais vous laisser la parole. Je vous en donne acte. Cela étant, je crois être le plus ancien député dans cet hémicycle…
Sourires.
Dans ce cas, je retire ma remarque.
Dans tous les gouvernements, les ministres – y compris lorsqu'ils appartiennent à une formation politique qui vous est proche, madame Kuster – choisissent les moments où ils répondent aux parlementaires. Ce n'est donc pas une audace de la part de M. le garde des sceaux, c'est la règle, et cette règle s'impose à chacun d'entre nous.
C'est grave ! C'est surréaliste ! Cela fait des jours que je vous écoute, j'ai bien le droit de demander une réponse !
Madame Kuster, vous avez en effet passé beaucoup de temps dans l'hémicycle, mais si vous aviez passé l'après-midi avec nous, vous sauriez que nous avons déjà abordé cette question…
… à travers les amendements que Mme Laurence Vanceunebrock, d'une part, et le groupe La France insoumise, d'autre part, par la voix de Mme Obono, ont défendus juste avant la levée de séance.
Vous étiez d'ailleurs présent, monsieur Bazin. J'entends que cette question vous travaille et que vous continuiez à la poser, mais vous connaissez la réponse, puisqu'elle a déjà été apportée !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous n'êtes pas d'accord entre vous : vous donnez des réponses différentes !
Nous avons conscience qu'il existe des situations complexes. Je vous ai fait part d'un cas, à Montpellier, …
… qui est en cours d'examen par les magistrats. Ce n'est pas dans ce texte que nous allons en tirer les conclusions, puisqu'il traite de la procréation médicalement assistée, la PMA. En revanche, nous pouvons reconnaître, parce que cela relève aussi de notre responsabilité, qu'il n'existe pas aujourd'hui dans notre droit suffisamment de réponses concernant les questions relatives aux transgenres et à la reproduction.
Il convient néanmoins de veiller à ne pas confondre transsexuels et transgenres : ce n'est pas la même chose.
Si, dans la prise de parole précédente, la confusion a été faite : on a parlé de transsexuel.
Nul besoin de hurler, monsieur ! Je ne suis pas agressive, je dis juste qu'il ne faut pas confondre transgenre, transsexuel et les qualités de reproduction.
Chers collègues, chacun a la possibilité de s'exprimer : ce n'est pas parce que le temps législatif programmé s'applique sur ce texte que je vais vous interrompre lorsque vous avez la parole – en l'occurrence, seule Mme la rapporteure l'a.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Dommage que vous n'ayez pas dit la même chose quand je m'exprimais, monsieur le président !
Je vous redis ce que j'ai dit cet après-midi, juste avant la levée de séance : dans notre droit actuel, il existe des angles morts concernant certaines de ces situations. J'ai notamment en tête le cas – qui, je pense, correspond à celui évoqué par Mme Vanceunebrock – d'un couple homme-femme qui concevrait un enfant, que ce soit ou non dans le cadre d'une AMP, d'ailleurs, et dont l'homme deviendrait femme avant le terme de la grossesse en souhaitant être inscrit aussi en tant que mère. Ce sont des questions qui commencent à se poser dans la société civile, mais auxquelles ce texte n'a pas vocation à répondre, puisqu'il traite uniquement de la PMA.
C'est donc que le texte est défaillant : il est grave de ne pas pouvoir apporter de réponse à ces questions !
Monsieur Bazin, j'aime vos questions.
J'ai indiqué tout à l'heure que, même si je ne vous connaissais pas, je vous accordais le bénéfice de la bonne foi – il est vrai qu'en droit français, la mauvaise foi ne se présume jamais. Je tiens maintenant à saluer, devant l'ensemble de la représentation nationale, votre imagination, qui est d'une particulière fertilité.
Je vais vous dire deux choses. La première, c'est que la question que vous posez n'a strictement rien à voir avec le présent projet de loi. La deuxième, c'est qu'il faut quand même réussir à imaginer qu'un juge puisse décider qu'une femme enceinte devienne un homme !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 9
Contre 46
L'amendement no 508 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 510 , sur lequel je suis saisi, par le groupe Socialistes et apparentés, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement.
Nous proposons de mettre en place une procédure permettant de simplifier et sécuriser la filiation pour les couples de femmes ayant eu recours à la PMA avant l'entrée en vigueur de la future loi. Il s'agit d'étendre la procédure d'établissement de la filiation par reconnaissance aux couples de même sexe, dans le seul cas où ils auraient eu recours à une assistance médicale à la procréation en France ou à l'étranger. La présentation d'un consentement a posteriori au don serait bien évidemment nécessaire pour enregistrer la reconnaissance de l'enfant par la femme à l'égard de laquelle la filiation n'est pas d'ores et déjà établie. Une telle mesure permettrait de sécuriser la filiation des enfants qui n'ont pas pu être adoptés par leur seconde mère, soit parce que le couple n'est pas marié, soit parce qu'il s'est séparé avant la loi de 2013 ou avant que l'adoption ne soit prononcée. Il s'agit certes de cas particuliers, mais ces familles n'ont actuellement aucun moyen de faire reconnaître leur filiation.
Je partage l'objectif des auteurs de l'amendement, au point que nous avons adopté une disposition similaire en commission : pour les couples de femmes qui auraient eu recours à une PMA antérieurement à la promulgation de la loi, donc probablement à l'étranger, nous avons ouvert la possibilité d'établir une reconnaissance conjointe rétroactive. Le dispositif que vous proposez ne peut en effet pas fonctionner, dans la mesure où il est fait mention d'un « consentement au don » ; or, à l'étranger, on n'exige pas nécessairement un tel consentement. Ce qui nous importe plutôt, c'est la reconnaissance conjointe rétroactive, qui permettra de sceller les deux mères à l'origine du projet parental. Cette disposition a été adoptée lors de l'examen du texte par la commission spéciale. J'en suis d'ailleurs très heureuse, et je tiens à remercier la chancellerie de l'avoir acceptée et les collègues de l'avoir votée. Votre amendement me semble donc superfétatoire : je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
Même avis.
Je vais faire confiance à Mme la rapporteure. L'enjeu est très important pour un certain nombre de familles, mais, puisqu'elle me dit que l'amendement est satisfait, je le retire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 510 est retiré.
Auparavant, je voudrais revenir sur la notion d'angle mort qu'a utilisée la rapporteure. Vous êtes en train d'inventer un droit de la filiation avec des cas qui ne sont pas prévus.
Vous rendez-vous compte de la responsabilité que vous prenez par rapport à la filiation, qui est le socle de notre société ? Il est vrai que vous n'avez pas une haute idée de la famille.
Vives protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Prenez la parole pour défendre la famille, chers collègues ! Pour notre part, nous pensons qu'il s'agit de la cellule de base de la société, que la société se construit après la famille, et qu'il ne faut pas fragiliser celle-ci.
Vous êtes en train de dire qu'on établit le droit de la filiation avec des angles morts. Comment allez-vous combler ces angles morts, monsieur le garde des sceaux ? Allez-vous déposer, dans les semaines à venir, un projet de loi visant à répondre à ces interrogations ? Nous aurions besoin de le savoir, parce que nous nous trouvons là au coeur du sujet.
Je vous invite, chère collègue, à prendre le micro si vous voulez vous exprimer. Pour ma part, je suis favorable au débat.
Nous défendons une certaine conception de la famille, et j'ai envie de me confronter à vos idées. Je le répète, la famille est la cellule de base de la société : nous ne pouvons pas la fragiliser.
Vous venez de dire que l'on est en train d'établir, d'inventer – je reprends vos termes – un nouveau droit de la filiation, et qu'il y a des angles morts dedans. Cela signifie que certaines situations ne sont pas prévues. Pourquoi cela ? Parce que vous êtes empêtrés dans vos contradictions : l'introduction de la notion de genre dans notre droit, …
… la négation de l'altérité sexuelle, la négation de la réalité corporelle, tout cela aboutit à des impasses.
Monsieur le garde des sceaux, nous sommes prêts à croire à votre bonne volonté. Vous êtes sans aucun doute quelqu'un de pragmatique. Il va falloir nous apporter des réponses ! Sachant que le rapporteur a improvisé un amendement une heure trente avant qu'on en discute, sans que le Conseil d'État ait pu nous apporter des éléments d'expertise sur un sujet aussi important, on aurait vraiment besoin de retrouver un peu de pragmatisme.
Revenons à un droit de la filiation solide : c'est tout ce que ce que nous demandons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1206 .
Le droit français en vigueur prévoit une filiation fondée sur la réalité biologique. Si nous changeons de système juridique – c'est ce que vous souhaitez faire – , comment pouvez-vous nous garantir que, dans un second temps, on ne mettra pas en place ipso facto la gestation pour autrui, la GPA, puisque le principe d'égalité devra s'appliquer pour les couples d'hommes ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1495 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Je vais parler très lentement, monsieur Breton, pour que vous puissiez bien entendre chacun des mots que je prononce.
Jamais je n'ai dit que nous étions en train d'établir une filiation avec des angles morts. Ce que j'ai dit, et ce que je pense, c'est que le droit actuel comporte des angles morts, du fait de la réalité plurielle de la famille en France. Je ne dis donc pas que nous créons des angles morts, je dis au contraire que nous faisons tomber des murs, que nous apportons des solutions à des situations problématiques.
Ce soir, en tirant les conclusions de l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, nous comblons l'un de ces angles morts en donnant la double filiation aux enfants issus de couples de femmes ayant réalisé une PMA. C'est un progrès, dont nous sommes fiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous le faisons avec beaucoup de sérieux et de gravité, sans aller au-delà des limites du texte. Vous avez pu constater que s'exprimaient ici des sensibilités plurielles, et que certains voudraient que l'on aille plus loin. Nous ne le faisons pas parce que nous respectons la sensibilité de chacun, la gravité de ces situations, l'équilibre du code civil et celui du droit de la filiation. Nous avons pris un engagement auprès des Français pendant la campagne présidentielle, celui de remédier à une situation depuis trop longtemps problématique dans notre pays, avec des familles méprisées ; nous avons dit que nous ouvririons à toutes les femmes la possibilité d'accéder à la PMA et que nous en tirerions toutes les conclusions, notamment en matière de reconnaissance et d'intégration dans la société. C'est ce que nous faisons, et nous le faisons jusqu'au bout, sans trahir personne. Nous tenons notre promesse, sans aller plus loin.
Ne me prêtez plus des propos que je n'ai pas tenus, monsieur Breton. Je suis fière de ce que nous faisons ce soir : nous abattons des murs, nous comblons des angles morts, et c'est une bonne chose.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'ai dit tout à l'heure – on m'a reproché cette liberté de ton, et je reconnais qu'elle n'était pas tout à fait adéquate : « l'ancien code civil, c'est papa-maman ». Comme on a poussé des cris d'orfraie, je vais le dire autrement, de façon peut-être plus « ministérielle ».
La famille du code napoléonien n'est plus la famille d'aujourd'hui. Personne ici n'a le monopole de la famille.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et EDS.
Ces amendements me semblent contraires à la volonté du Gouvernement, qui est d'offrir de nouveaux droits aux couples de femmes et aux femmes non mariées, tout en permettant, par un dispositif protecteur, d'établir la filiation de manière concomitante à l'égard des deux mères.
Quant à la GPA, c'est une ligne rouge que le Gouvernement n'entend pas franchir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je ne suis pas Mme Taubira !
Je comprends notre opposition. Notre société connaît des mutations profondes – le monde politique aussi, comme nous l'avons vu il y a trois ans. La famille voit émerger de nouvelles réalités. Chaque année, 2 000 à 3 000 femmes passent une de nos frontières, la frontière belge pour 85 % d'entre elles, parce qu'elles ont un désir d'enfant. Derrière ce désir qui les meut, il y a une souffrance. En France, 25 % des familles sont monoparentales.
J'ai eu l'occasion de les voir, de les soigner : dans ces familles, il y a de l'amour.
Le don est de nature biologique, mais la filiation est de nature juridique. La parentalité réside dans le soin, dans l'attention, dans la sécurité de l'enfant, comme l'a dit Adrien Taquet. Nous ne pouvons pas aller à l'encontre des avancées sociétales.
Je vous souhaite simplement d'entendre ces familles. Je conçois que vous ressentiez finalement une certaine souffrance.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Allez de l'avant ! Ouvrez les yeux sur ces réalités ! C'est tout ce que je vous souhaite.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est très intéressant : vous nous dites que la paternité et la maternité ne doivent pas être accueillies mais créées, construites. Vous avez la prétention de vouloir tout maîtriser. Par conséquent, vous pouvez redéfinir la paternité et la maternité.
Nous, nous pensons que la parenté, paternelle ou maternelle, est quelque chose que l'on accueille. Cette conception ne se prête pas au bricolage. La vôtre n'étant fondée que sur la volonté individuelle, elle autorise toutes les configurations, notamment de la part de ceux qui visent à déconstruire, à détruire, la famille telle qu'elle est objectivement, dans sa réalité corporelle.
Cela ne veut rien dire !
Votre logique est celle de la toute-puissance de l'individu ; ce n'est pas la nôtre. Il faut simplement le constater. Je respecte le choix de nos collègues qui sont cohérents, qui vont jusqu'au bout de leurs convictions, comme Jean-Louis Touraine, Guillaume Chiche ou Laurence Vanceunebrock : ils ont du moins une vision structurée. Mais vous qui êtes dans l'entre-deux, votre position est intenable ! Lorsqu'on vous dit qu'en matière de coparentalité, de GPA, tout est déjà écrit, vous protestez que ce n'est pas le cas. C'est pourtant le cas, car votre conception de la famille, de la personne humaine, n'est pas ancrée dans leur réalité corporelle. À partir de là, tout est balayé et vous vous retrouvez face à des angles morts.
Je reviens sur cette notion d'angle mort : il n'en existerait pas dans notre droit si l'on n'y avait pas introduit le genre, à travers le changement de sexe à l'état civil. Telle est la question : allons-nous enfin revenir à des réalités objectives ? Nous respectons les sentiments individuels, personnels, intimes, mais le droit repose sur ce qui est objectif ; il ne peut être édifié sur les sentiments. Vous faites une loi d'amour : c'est subjectif. Vous dites que chacun est homme ou femme selon qu'il se sent homme ou femme : c'est de la subjectivité pure.
Dès lors, nous ne pouvons plus dialoguer, car nous n'avons plus le droit pour langage commun. Nos conceptions diffèrent, dont acte ; mais, encore une fois, la nôtre s'inscrit dans une réalité corporelle qui permet au moins de fonder l'échange sur une objectivité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Le ministre des solidarités et de la santé, M. Véran, a déclaré à l'ouverture de nos débats que la famille n'était « pas une entité figée ». Monsieur Breton, cher collègue, vous savez que je vous estime. S'agissant de ce texte, la liberté de vote est indispensable, afin que chacun puisse agir en accord avec ses convictions. Prenez donc garde que vos propos blessants ne fassent croire à la représentation nationale, à nos concitoyens qui nous regardent, que vous seuls auriez une haute idée de la famille, alors que nous, en face, serions les détracteurs de cette même idée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il faut revenir à la raison : dans ce pays, dans cette société, il existe des familles diversifiées, diverses. Non, la famille n'est pas une entité figée.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je respecte vos convictions, mais permettez à la majorité à laquelle j'appartiens, à ceux de nos collègues qui ont une autre vision que vous de la filiation et de la famille, de s'exprimer sans se sentir blessés, sans que vous les culpabilisiez. Ce qui va se passer, c'est que l'on ne retiendra que vos propos, le fait que vous seuls auriez une haute idée de la famille. Le garde des sceaux vous l'a répété : personne n'a le monopole de la famille.
Sur ce texte, chacun respectera le choix des autres, car nous obéissons tous aux convictions que nous défendons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je respecte votre éthique de conviction. En revanche, je n'admets pas que vous vous prétendiez seuls dépositaires de certaines valeurs, dont la valeur famille. Pas du tout ! Nous avons aussi à débattre ici d'une autre éthique, l'éthique de responsabilité. Les familles ont changé : comme l'a dit M. le garde des sceaux, elles ne sont plus ce qu'elles étaient il y a plus de deux siècles, à l'époque napoléonienne. La société a évolué. Nous devons prendre nos responsabilités au regard de cette évolution et faire évoluer le droit pour l'adapter à des situations nouvelles, pour reconnaître la filiation, le désir et le projet de fonder une famille, y compris de la part de couples de femmes. Je sais que cela vous choque, …
… parce que c'est votre conviction et que vous prétendez légiférer au nom de cet ordre.
Je vous invite à considérer non seulement l'ordre naturel et votre éthique de conviction, mais aussi une éthique de responsabilité, que nous devons conjuguer avec la précédente pour élaborer une législation progressiste et ne pas laisser subsister d'impasses familiales.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le problème, dans ce débat, c'est que vous confondez le droit de la famille et le droit de la filiation – même vous, monsieur le garde des sceaux. Le droit de la filiation n'est plus le même que dans le code civil napoléonien : en fonction de l'évolution de la société, il a déjà fait l'objet d'adaptations, évidemment !
Lorsque nous nous reprochons mutuellement de prétendre au « monopole de la famille », ce n'est pas à raison. Nous avons tort de nous invectiver au sujet de ces questions. En revanche, nous devrions bien nous demander si, réellement, le droit de la filiation est adaptable à toutes les situations que la société, en évoluant, pourrait faire surgir demain. Nos collègues vous le disent : nous risquons de rencontrer un problème à un moment donné. Prenons un exemple qui n'est pas directement lié aux amendements : lorsque plus de deux personnes revendiqueront le droit de faire famille, nous saurons, à la limite, le traiter sur le plan du droit de la famille. Sur le plan du droit de la filiation, j'en suis désolé, mais nous ne le saurons pas. C'est cela, le fond du problème.
Ne nous enfermez pas dans un modèle suranné, rétrograde, de la famille et de la relation entre l'enfant et ses parents. La question n'est pas là. En ce qui me concerne, du moins, je raisonne assez froidement…
… de ce que doit être le droit de la filiation pour répondre à l'intérêt de l'enfant. Agnès Thill et moi-même sommes guidés depuis le début par ce fil rouge.
M. le garde des sceaux a raison : nul ici n'a le monopole de la famille. Mais nul ici n'a non plus le monopole des victimes. Vous blessez autant de gens que vous nous accusez d'en blesser.
Monsieur Mbaye, vous déclarez calmement qu'« il faut revenir à la raison ». La raison serait donc de votre côté, et les torts du nôtre ?
Nous entendons de tels propos à longueur de temps. « Il faut revenir à la raison », car nous n'avons pas de raison ; nous sommes des cloches, nous sommes bêtes !
Vous blessez autant que vous prétendez être blessés. Ce monopole de la souffrance, cette victimisation, devient vraiment pénible. Vous blessez également, et vous ne vous en rendez même pas compte !
« Nos vies commencent à finir le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui comptent », disait Martin Luther King. Souffrez donc que nous puissions défendre la famille depuis ce côté de l'hémicycle, et que nous en soyons fiers.
M. Marc Le Fur applaudit.
Monsieur le garde des sceaux, vous dites, en nous montrant du doigt, que nous n'avons pas le monopole de la famille. Ce soir, je suis triste, car il me semble que vous détenez le monopole de l'approximation.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame Thill, je vous le dis de manière très républicaine : ce qui blesse des gens, ce qui heurte des convictions, n'est pas tant notre projet de loi que la démocratie même.
Mme Agnès Thill proteste.
Cet engagement de campagne du Président de la République était connu de tous ; même s'il a suscité de grandes déclarations au sujet de son examen « en catimini », ce texte est loin d'être une surprise. Nous en parlons depuis trois ans !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I.
Si j'ai bien compris, les inquiétudes exprimées par M. Brindeau portent sur des perspectives de pluriparentalité, de parentalité d'un trouple, que vous avez évoquées à plusieurs reprises ces derniers jours. Dans notre code civil, la filiation est bilinéaire : vous ne pouvez avoir plus de deux parents.
N'ayez donc aucune crainte : ce principe subsiste. Un enfant n'aura pas plus de deux parents – un papa et une maman, deux mamans, ou une maman.
Concernant l'intérêt de l'enfant, la distinction entre droit de la famille et droit de la filiation, je suis d'accord avec vous : il ne doit pas y avoir de confusion entre la parentalité et le fait d'établir une filiation entre l'enfant et ceux qui ont causé sa venue au monde, qui l'ont engendré. Si l'on faisait intervenir l'intérêt de l'enfant pour déterminer qui mérite de bénéficier de cette filiation, nous commencerions à porter des jugements de valeurs sur les procréations charnelles, ce qui serait assez inquiétant. Ce chemin n'est pas le bon : il faut le quitter.
Enfin, vous nous faites la leçon en matière de construction, déconstruction et reconstruction du droit de la filiation. Regardez l'histoire de ce droit depuis 2 000 ans ! À Rome, la filiation était strictement volontaire : l'homme choisissait l'un de ses enfants, celui auquel il voulait léguer ses biens, et ne reconnaissait pas les autres. Au Moyen Âge, on en revient à la filiation par le mariage et à la filiation biologique car l'Église crée des registres où les mariages et les naissances sont consignés. Plus tard, il y a eu concurrence entre ces registres et ceux de l'État. À la Révolution, plus de vraisemblance biologique, plus de filiation naturelle : la filiation redevient volontaire. Le code Napoléon a encore évolué sur différents points. Aujourd'hui, en matière de filiation, il existe différentes possibilités, dont une qui est commune. En 2 000 ans, il s'est donc passé beaucoup de choses : c'est normal, comme il est normal que les choses évoluent encore.
Il y a des bases qui restent solides, et que vous connaissez ; il y a cet ajout, également solide, cette intégration que nous opérons. Nous ne voulons mettre personne mal à l'aise. Nous n'ôterons pas le moindre droit aux familles existantes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, EDS et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Le nouveau monde est assez imprévisible : nous ne savons pas trop où nous irons. S'agissant des hommes transgenres qui n'ont pas encore changé de sexe à l'état civil, vous renoncez à assurer une filiation sérieuse, vous en remettant à l'appréciation des juges. Bon ! Mais vous me donnez ainsi l'impression que vous n'êtes pas prêts à établir une filiation solide qui protégerait les futurs enfants.
De fait, vous élargissez l'accès à l'AMP tout en supprimant certaines limites qui la rendaient éthique. Nous devons appréhender tous les cas possibles, car les enfants nés de ces situations poseront de nouvelles questions – c'est une réalité, et la réalité est importante en droit. Ce sont bien les enfants que le code civil doit protéger.
J'ai une nouvelle question relative à l'alinéa 16, monsieur le garde des sceaux.
Dans le cas d'une femme seule auquel arriverait un accident de la vie laissant l'enfant orphelin, l'enfant issu d'un tiers donneur, devenu majeur, pourrait accéder à l'identité du donneur, et le rencontrer peut-être. Celui-ci peut ne pas avoir d'enfant. S'ils sont d'accord, qu'est-ce qui pourrait les empêcher d'établir un lien de filiation ?
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est un festival !
La parole est à Mme Liliana Tanguy, pour soutenir l'amendement no 1272 .
Il vise à supprimer l'interdiction posée par les alinéas 16 et 17 qui est contraire aux engagements internationaux de la France et risque d'engager, tôt ou tard, la responsabilité de l'État français. En effet, la convention internationale des droits de l'enfant stipule, à l'article 7, que tout enfant a « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ». Le texte ne vise pas les adultes qui ont eu l'intention d'être ses parents, mais ses parents, terme qui désigne en premier lieu ses parents biologiques.
De manière plus précise, la Cour européenne des droits de l'homme inclut, dans le droit au respect de la vie privée, celui de connaître ses origines et de les voir reconnues ; le respect de la vie privée comprend non seulement le droit de chacun à connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation. Dans l'arrêt Mandet du 14 janvier 2016, la Cour va jusqu'à affirmer que l'intérêt supérieur de l'enfant est avant tout de connaître la vérité sur ses origines et qu'il se trouve dans l'établissement de sa filiation réelle.
Les revendications actuelles de nombreux jeunes issus de dons de sperme portent sur la levée de l'anonymat ; ces jeunes ne manqueront pas de mettre en jeu la responsabilité de l'État en raison de l'impossibilité de faire établir une filiation paternelle, surtout lorsqu'ils seront nés d'une PMA réalisée au profit d'une femme seule ou d'un couple de femmes, et qu'ils n'auront par conséquent pas une telle filiation.
L'intention d'être parent ne confère aucun droit sur un enfant. Il serait peu compréhensible de donner une telle portée à la volonté unilatérale d'une femme au point de supprimer toute possibilité, pour l'enfant, d'exercer une action en recherche de paternité, alors que, depuis son introduction en 1912, le législateur n'a cessé de faciliter l'exercice de cette action, qui a le double mérite de protéger l'enfant et de responsabiliser le géniteur. Je le répète, il n'y a aucune raison de donner une telle portée à la volonté unilatérale d'un adulte. Lorsqu'un homme reconnaît un enfant qu'il n'a pas engendré, il se déclare comme père d'intention, mais l'enfant dispose de la possibilité de contester cette paternité.
En Allemagne, la personne issue du don a le droit de contester sa filiation légale pour rechercher sa filiation biologique. Une telle possibilité respecte les droits des personnes issues du don. Le droit de rechercher sa filiation biologique ne constitue en rien une obligation, et la loi ne doit pas fermer ce droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
L'amendement no 1497 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements identiques ?
Qu'avez-vous dans les mains ? la Bible ?
Sourires.
Dans le droit actuel, l'article 311-20 du code civil – celui qui suit directement l'article 311-19 que vous voulez supprimer, et qui interdit la filiation entre le donneur et l'enfant – dispose : « Le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet. » Cela signifie que l'interdiction de filiation entre le donneur – ou la donneuse – et l'enfant existe déjà, sauf dans l'hypothèse où l'enfant ne serait pas issu d'une AMP, mais d'un adultère ; le cas où l'enfant serait le fruit d'une aventure charnelle, et non de la procréation médicalement assistée, est le seul dans lequel il est envisageable de contester la filiation et de mener une action en recherche ou en établissement de la paternité. C'est exactement la situation de l'arrêt Mandet que vous avez cité : il s'agissait d'une PMA contestée par un autre homme, qui disait être l'amant de madame et pensait être le père de l'enfant. L'affaire n'a rien à voir avec le texte, puisqu'elle correspond au seul cas de contestation prévu, lequel est conservé dans le projet de loi – nous faisons un copier-coller en changeant les numéros des articles, mais c'est la même chose….
Quant au fond de votre question, nous y répondons depuis trois jours : le donneur ou la donneuse n'est jamais le parent de l'enfant, mais celui ou celle qui délivre un patrimoine génétique, et éventuellement un récit identitaire génétique.
Nous avons eu de longs débats sur l'article 3 pour permettre à l'enfant de prendre connaissance de ses origines personnelles, mais nous distinguons parfaitement le fait de transmettre un patrimoine génétique de celui de s'engager une vie durant – que l'enfant soit mineur ou majeur, car on est encore père ou mère quand l'enfant est adulte – auprès de l'être humain que nous avons fait venir au monde. Avis défavorable.
Ces amendements posent la question de la définition de la paternité. La paternité, personne ne l'a mieux définie que Marcel Pagnol. Quand Marius rentre chez lui et veut récupérer l'enfant, prénommé César, qui porte le nom de Panisse, il est interpellé par son père, qui se prénomme César également. Ce dernier lui dit : « Ce que tu voulais, c'était ton plaisir. La vie, ne dis pas que tu la lui as donnée. Il te l'a prise : ce n'est pas pareil. »
L'impossibilité d'établir une filiation avec le donneur existe depuis 1994 ; c'est la conséquence même de l'idée de don. Donner des gamètes, c'est donner du matériel biologique, ce n'est pas faire un enfant.
« Mais non ! » sur les bancs du groupe LR.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous ai posé une question concrète et sérieuse, monsieur le garde des sceaux !
J'ai été très sérieux dans ma réponse !
Je n'ai pas ri, j'ai pleuré.
Pagnol est un très grand écrivain, et un écrivain régionaliste, ce qui me va bien. Il est l'un des rares écrivains qui privilégie les bons sentiments, …
Et le bon sens !
… et il est beaucoup plus difficile de connaître le succès en écrivant sur des bons sentiments qu'en décrivant des sentiments abjects ou peu recommandables. Mais, monsieur le garde des sceaux, le sujet n'est pas Pagnol ; le sujet, c'est l'enfant.
J'ai beaucoup apprécié le propos de Mme Tanguy, car il reflète notre conception de la famille, que certains partagent, je crois, ailleurs que sur nos bancs. Pour nous, la priorité de la famille, c'est l'enfant ; pour d'autres, cela peut être le choix de l'adulte, le désir de l'adulte…
Des lubies !
La dialectique entre ces deux priorités traverse les débats des législateurs et des juristes depuis le code Napoléon, si ce n'est avant ; elle est assez saine, à condition d'aboutir à un résultat équilibré. Or nous considérons que nous sommes en train de sortir de cet équilibre.
Pourquoi considérons-nous que l'enfant est la priorité ? Parce qu'il est l'objet de la famille, parce qu'il est l'avenir…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Sourires.
Toujours est-il que, dans le souci de l'intérêt de l'enfant, nous considérons que les valeurs de stabilité et d'altérité sont essentielles au devenir d'un être non-autonome, dont l'éducation a pour objet de le rendre autonome. L'autre aspect existe, mais tout cela doit s'équilibrer.
Cet équilibre a des conséquences sur la recherche de paternité. C'est pourquoi nous ne pouvons pas être d'accord avec vous, monsieur le garde des sceaux : il est légitime qu'un enfant soit à la recherche de ses origines. Nous en avons déjà débattu, et vous savez que j'ai apprécié l'intervention de Mme la rapporteure à cette occasion. C'est essentiel, c'est légitime ; le droit européen et le droit international nous y invitent. Je ne comprends pas pourquoi vous tenez des propos qui nient complètement la recherche des origines, laquelle nous paraît essentielle, alors qu'il m'avait semblé que le texte contenait quelques esquisses en ce sens.
Madame Ménard, je me suis déjà aperçu que vous aviez une certaine capacité à détourner notre règlement.
Vous aurez constaté qu'en dépit de nos différences politiques, je vous ai toujours respectée, et je n'ai jamais souhaité vous priver de parole.
Néanmoins, nous sommes en temps législatif programme. N'utilisez pas les rappels au règlement pour bénéficier d'un temps de parole indu, ou je vous interromprai.
Rappel au règlement
Je vous donne donc la parole, madame Ménard, pour un rappel au règlement.
Sourires.
Je vous remercie de me laisser la parole.
Mon rappel est fondé sur l'article 49 du règlement. Vous aurez remarqué que, sur les cinq amendements que je n'ai pas pu défendre, je n'ai pas obtenu une seule réponse. Or il me semble que, concernant l'intérêt supérieur de l'enfant, cette série d'amendements était intéressante…
Jusqu'à présent, madame Ménard, vous restiez dans les limites du rappel au règlement…
Et j'y suis toujours : il me semble opportun qu'à ce stade de la discussion, M. le garde des sceaux ou Mme la rapporteure m'apporte une réponse.
Article 4
Sourires.
Monsieur le garde des sceaux, la légèreté de vos réponses m'inquiète. Pagnol disait aussi qu'il est permis de mentir aux enfants lorsque c'est pour leur bien.
Non, ce n'est pas cela !
Cette phrase figure aussi dans l'oeuvre de Pagnol. S'il vous inspire pour fonder notre futur droit de la filiation, je m'inquiète.
Je vous pose à nouveau ma question car, hélas, vous avez pris l'habitude de ne pas nous répondre alors que nous avons besoin d'être rassurés quant au sort des enfants qui naîtront demain. Admettons que la mère célibataire d'un enfant né par AMP avec tiers donneur décède : qu'est-ce qui empêcherait le tiers donneur, qui a pu ne pas avoir d'enfant, d'établir un lien de filiation avec cet enfant, à ses 18 ans ?
L'amendement no 1166 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 1165 , 36 , 174 , 868 et 1498 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 36 , 174 , 868 et 1498 sont identiques.
L'amendement no 1165 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 36 .
Lors d'une suspension de séance, je vous raconterai comment le temps législatif programmé est arrivé dans notre hémicycle.
Sourires.
Il s'agit d'un amendement de cohérence visant à garantir la solidité du droit de la filiation.
L'écriture de Pagnol est d'abord une exaltation de la paternité, de la gloire de son père. Rappelez-vous cet enfant qui, assis au fond de la classe, écoute l'instituteur qui n'est autre que son père, cet enfant qui vit l'humiliation de son père à la chasse, par un ami de celui-ci, comme un véritable drame. Puisque nous évoquons Pagnol, allons au bout de son oeuvre admirable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Même avis. Je précise à M. Le Fur que le partenaire de chasse du père de Marcel Pagnol n'est pas l'un de ses amis, mais l'oncle de l'enfant, et qu'il porte deux prénoms, Jules et Thomas. Du reste, personne n'est humilié dans cette affaire.
J'ai pris cet exemple littéraire pour rappeler ce qu'est la paternité. Vous poussez des cris d'orfraie mais mes propos n'étaient en rien désobligeants. Pardonnez-moi, monsieur Bazin, mais vous mettez votre imagination au service d'hypothèses totalement improbables. Je vous réponds sur le ton littéraire pour essayer de me montrer sympathique à votre égard mais vous le prenez mal. C'est assez curieux mais c'est ainsi.
Quant à la citation de Pagnol que vous avez évoquée, elle est à peu près celle-ci : « La vie est difficile et il est inutile de le dire aux enfants. » Les enfants, toujours les enfants…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cette hypothèse improbable, pour reprendre vos propos, découle de l'ouverture de la PMA aux femmes seules. Comment pouvez-vous garantir que, demain, aucune femme seule ne succombera à un accident de la vie ? Je ne le souhaite pour aucune, mais comment pouvez-vous l'assurer ?
L'amendement no 1165 n'est pas adopté.
Puisque nous évoquons Pagnol, je saluerai Augustine, la maman du petit Marcel, qui occupe une large place dans Le Château de ma mère.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et EDS.
Par cet amendement, nous souhaitons nous assurer que le consentement au don puisse être recueilli par un juge. En effet, un acte notarié représenterait un coût supplémentaire pour les couples, ce que nous souhaitons éviter pour préserver l'égalité d'accès à ce droit.
Par ailleurs, si l'ancienne garde des sceaux se refusait à toucher à la loi de programmation et de réforme pour la justice, fraîchement votée, le Premier ministre Jean Castex a affirmé, lors de la déclaration de politique générale, vouloir créer des juges de proximité. Puisque l'exécutif se préoccupe de questions liées à la justice, saisissons l'occasion pour modifier d'autres dispositions législatives afin que le consentement au don puisse être recueilli devant un juge.
L'amendement no 1499 de M. Marc Le Fur est également défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Vous l'avez rappelé, madame Fiat, la loi de programmation et de réforme pour la justice prévoit de transférer du juge au notaire le soin de recueillir le consentement. Par ailleurs, nous vous avons maintes fois expliqué les dispositions relatives à la prise en charge de l'acte. Avis défavorable à tous les amendements.
Même avis.
Pourtant, si je ne m'abuse, le Gouvernement a été remanié ! Nous avons un nouveau Premier ministre et un nouveau garde des sceaux.
Mme Emmanuelle Ménard et M. Maxime Minot applaudissent.
J'ai bien compris que Édouard Philippe et Nicole Belloubet ne voulaient pas revoir la loi de programmation et de réforme pour la justice, mais Jean Castex a tenu des propos différents lors de sa déclaration de politique générale. Monsieur le garde des sceaux, n'êtes-vous pas d'accord avec mon amendement ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Relisez mon amendement, monsieur le garde des sceaux : il ne fait que reprendre votre idée.
Vous ne pouvez pas réfuter votre propre idée, tout de même ! Je sais bien que le groupe majoritaire s'appelle La République en marche, mais ce n'est pas une raison pour marcher sur la tête !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
C'est votre idée, monsieur le garde des sceaux, et aussi celle que nous a exposée Jean Castex, ici même, à cette tribune. Vous pouvez nous raconter toutes les histoires que vous voudrez mais cela ne prend plus !
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
Nous avons un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement parce que nous empruntons un nouveau chemin,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
Nous maintenons les décisions inscrites dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, en particulier celle de confier aux notaires la mission de recueillir le consentement, dans l'intérêt des familles. Je réitère donc mon avis défavorable.
Nous avons transféré, dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, cette prérogative aux notaires et exonéré les familles des frais de 250 euros, à qui cette démarche ne coûte plus rien.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et EDS.
Très précisément, le coût s'élève à 76 euros.
L'amendement no 934 n'est pas adopté.
Monsieur Hetzel, soyez original pour soutenir l'amendement no 793 ! Trouvez un autre argument !
Sourires.
Qu'en est-il de l'amendement no 1500 , monsieur Le Fur ? Je sais que vous saurez faire preuve d'originalité !
Sourires.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Totalement défavorable.
Au risque de vous paraître banal, défendu en raison du temps législatif programmé.
Les amendements nos 871 de M. Thibault Bazin et 1502 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
On ne peut pas confondre le masque et le bâillon. Avis défavorable.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 509 .
Le projet de loi prévoit pour les couples de femmes l'établissement d'une reconnaissance conjointe devant notaire qui doit être remise à l'officier d'état civil, lequel l'indique dans l'acte de naissance de l'enfant. Dans un souci d'égalité, nous proposons que la même mention du consentement à une assistance médicale par intervention d'un tiers donneur soit indiquée dans l'acte de naissance pour les couples hétérosexuels ou la femme non mariée. C'est la condition nécessaire pour garantir à l'enfant le droit d'accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur.
J'ai bien relu votre amendement pour être certaine de le comprendre. Soit vous considérez qu'en plus de la reconnaissance conjointe anticipée, il faut recueillir le consentement, ce qui est superfétatoire. Soit vous réservez cette disposition aux couples hétérosexuels et aux femmes seules, ce qui ne répond pas à notre volonté politique car nous avons déjà déclaré que nous ne modifierions pas les droits actuels des familles. Je vous invite à retirer votre amendement ; sinon, j'y serai défavorable.
Défavorable.
Nous souhaitions aller au bout du raisonnement que vous aviez tenu et qui ne nous convenait pas. Je reconnais le caractère provocateur de cet amendement, que je retire suite à vos explications.
Mme Monique Limon applaudit.
L'amendement no 509 est retiré.
Les amendements identiques no 873 de M. Thibault Bazin et no 1152 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Défendu car nous manquons de temps, mais nous espérons obtenir des réponses !
L'amendement no 1164 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements nos 876 de M. Thibault Bazin et 1061 de M. Julien Aubert sont défendus.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1273 , 751 , 797 , 1506 , 752 , 798 , 1507 et 875 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 751 , 797 et 1506 sont identiques, ainsi que les amendements nos 752 , 798 et 1507 .
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 1273 .
L'amendement no 1273 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 875 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1509 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous avez le temps de nous les apporter, pendant que M. Touraine cherche son amendement.
Cet amendement propose d'étendre le dispositif prévu à l'article 4 à tous les couples recourant à une AMP avec tiers donneur, dans l'esprit des recommandations du rapport de la mission d'information sur la révision des lois relatives à la bioéthique.
Le dispositif proposé est simple et universel. Il s'agit d'avoir une seule modalité d'établissement du lien de filiation pour tous ceux qui recourent à une AMP avec tiers donneur. Il permettra ainsi de sécuriser pleinement la filiation de l'enfant à l'égard de ses deux parents, quelle que soit l'orientation sexuelle ou le statut matrimonial de ceux-ci. C'est donc un mécanisme qui permet d'éviter toute discrimination envers les enfants des couples de femmes et des couples de sexes différents. On peut d'ailleurs noter que le Conseil d'État avait souligné qu'une option de cet ordre serait à même de garantir au mieux les droits des enfants, ce à quoi nous sommes prioritairement attachés.
L'amendement s'inscrit ainsi pleinement dans l'état d'esprit du texte, dans une logique de responsabilité et de valorisation du projet commun du couple.
Défavorable aux deux amendements identiques.
Pour répondre à M. Touraine et aux autres parlementaires qui sont favorables à l'extension de la reconnaissance conjointe anticipée à tous les couples, …
Il faut également répondre à l'opposition ! Respectez le débat démocratique !
… je vous rappelle que j'y suis profondément défavorable parce que, si nous le faisions, nous déplacerions la distinction actuelle entre la RCA pour les couples de femmes et le consentement au don au sein des familles hétéroparentales sur une opposition entre une filiation spécifique à la PMA et celle figurant dans le reste du titre VII du code civil, qui ne prévoit pas de co– maternité. Si je me projette dans le long terme, les conséquences possibles d'une telle disposition dans vingt, trente ou cinquante ans ne me rassurent pas. La seule distinction légitime qui peut survivre dans le texte aujourd'hui est celle que nous avons choisie : tant que la co– maternité ne figurera pas dans le reste du code civil, nous sommes tenus de prévoir cette reconnaissance conjointe anticipée pour les couples de femmes seulement. Demande de retrait, ou avis défavorable à l'amendement no 1131 .
Ainsi que sur les amendements précédents, pour lesquels nous n'avons toujours pas obtenu de réponse !
Cela fait trois ans que vous avez les réponses !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je suis totalement défavorable aux amendements de Mme Annie Genevard et de MM. Thibault Bazin, Xavier Breton et Patrick Hetzel : vous savez que le Gouvernement est opposé à l'établissement de la filiation par l'adoption pour la femme qui n'a pas accouché. Je ne sais pas comment il faut vous le dire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Touraine, le Gouvernement s'est engagé à ce que l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes, qui constitue une avancée majeure, ne modifie en rien le droit applicable aux couples hétérosexuels. En première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat ont approuvé cette orientation. Votre amendement modifie les règles applicables aux couples hétérosexuels, pour les aligner sur les règles prévues pour les couples de femmes. Il n'y a aucune nécessité de remettre en cause les règles appliquées aux couples hétérosexuels. C'est pourquoi je vous demande de retirer l'amendement, sinon, avis défavorable.
L'amendement no 1131 n'est pas adopté.
L'amendement no 1153 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2126 , 877 , 878 , 753 , 799 et 1510 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 753 , 799 et 1510 sont identiques.
L'amendement no 2126 de Mme Annie Genevard est défendu.
Les amendements nos 877 et 878 de M. Thibault Bazin sont également défendus.
Les amendements identiques nos 753 de M. Xavier Breton, 799 de M. Patrick Hetzel et 1510 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Défavorable, les réponses ayant déjà été données : l'adoption est inadaptée au projet parental commun des deux femmes.
L'amendement no 1511 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'établissement de la filiation par l'adoption : avis défavorable.
Nous ne savons toujours pas pourquoi ! Quels sont vos arguments juridiques ?
Je les ai déjà exprimés à de nombreuses reprises !
Monsieur le ministre, j'ai le plus grand respect pour vous. Je peux vous assurer que je faisais partie de ceux qui vous admiraient. Il se trouve que j'ai assisté à l'une de vos plaidoiries, visant à défendre un de nos anciens collègues devant la 17e chambre correctionnelle : il avait été accusé pour les propos qu'il avait tenus à l'encontre d'un juge. Vous aviez été remarquable.
Autant dire que nous attendons beaucoup de vous ! Vous devez nous répondre. Les exigences du règlement font que nous n'avons pas la possibilité de développer nos arguments, tenus que nous sommes par le temps législatif programmé. Vous n'êtes pas soumis aux mêmes contraintes, puisque vous pouvez parler aussi longtemps que vous le voulez. Usez de cette faculté pour nous répondre et répondre, à travers les parlementaires que nous sommes, à une partie de l'opinion qui s'interroge.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et EDS.
Vous devez démontrer que vous vous intéressez au Parlement, parce que, derrière le Parlement, il y a le peuple de France.
Je me rappelle que, lorsque Emmanuel Macron, alors ministre, a défendu la loi qui porte son nom, nous avions affaire à un passionné. Il allait au-delà de la réponse. Il provoquait lui-même des questions et y répondait. J'attends cela de vous, monsieur le garde des sceaux. À cette condition, nous progresserons tous.
Ne voyez dans mes propos aucune attaque : c'est parce que je mets la barre très haut à votre égard que je souhaite que vous nous donniez le maximum de vous-même.
D'abord, depuis La Fontaine, chacun sait que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ensuite, il ne vous a pas échappé que le Président de la République, Emmanuel Macron, c'est Emmanuel Macron : lui c'est lui, et moi, c'est moi.
Enfin, je vous ai dit vingt fois mais vous ne voulez pas entendre – peut-être est-ce la loi du genre – …
… que nous étions contre l'adoption pour une raison simple : c'est qu'il s'agit d'une démarche plus lourde et plus longue. Le temps de la réaliser est celui de l'insécurité juridique.
Je vous l'ai dit vingt fois, messieurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1511 n'est pas adopté.
L'amendement no 2266 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 754 , 800 , 1512 , 358 et 880 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 754 , 800 et 1512 sont identiques, ainsi que les amendements nos 358 et 880 .
Les amendements identiques nos 754 de M. Xavier Breton, 800 de M. Patrick Hetzel et 1512 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 358 .
En deux mots, et c'est une femme qui va le dire : il vise à réintégrer le mot « l'homme ». Nous ne nous résolvons pas à la disparition non seulement du mot mais, si j'ose dire, de la chose.
Rires et applaudissements sur tous les bancs.
Je vous remercie, madame Genevard, de faire l'unanimité dans l'hémicycle.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 880 .
Monsieur le garde des sceaux, la proposition du Sénat sur l'adoption est très solide, puisque le tribunal n'aurait qu'un seul mois pour rendre son jugement, contre six dans les autres procédures d'adoption. Les conditions habituelles ne sont donc pas prévues dans le cas spécifique de l'AMP.
J'ai l'impression qu'après la nuit précédente, qui fut celle de la bioéthique, nous vivons aujourd'hui la nuit de la filiation. À part Pagnol, on n'a à nous opposer aucun argument juridique et nous ne recevons aucune réponse à nos questions, pourtant très concrètes, sur l'intérêt de l'enfant, par rapport aux cas qui se produiront.
Cet amendement met en lumière, comme je l'ai démontré en commission spéciale, le fait que vous faites disparaître le mot « homme » puisque vous voulez abroger les articles 311-19 et 311-20 de la section 3 du chapitre Ier du titre VII relatif à la filiation, où il apparaît. Dans la nouvelle rédaction, il a totalement disparu. Nous vous proposons de le rétablir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous avons déjà largement débattu du sujet en commission spéciale : nous allons recommencer.
« Oui ! » sur les bancs du groupe LR.
Vous savez qu'à l'alinéa 29 de l'article, nous avons écrit : « Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant. » Et le texte poursuit, à l'alinéa 30 : « En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. » La chose n'a donc pas tant disparu que cela !
Globaliser afin de ne pas rendre la loi trop verbeuse me semble être une bonne chose. Remplacer « celui » par « l'homme » allonge un peu la phrase, et le terme de paternité figure à l'alinéa suivant : ne vous inquiétez donc pas.
Je comprends que ce sujet vous offre des occasions de rhétorique, mais votre proposition alourdirait le texte. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Le Fur, madame Genevard, je vais essayer de vous répondre avec passion, comme à la belle époque de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris : …
Sourires.
J'en suis ravi, mais j'avais perdu ! J'ai gagné après, mais vous n'étiez plus là…
Je suis favorable à votre amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I, ainsi que parmi les députés non inscrits.
Tout arrive !
Je vous remercie, monsieur le président, je serai brève.
Monsieur le garde des sceaux, nous vous avons bien entendu nous répondre cinquante fois qu'à votre sens, l'adoption plaçait l'enfant dans une situation d'insécurité. Et nous avons bien compris que nous le dire vous fait vraiment suer, tout comme votre nouveau métier !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Mais nous le dire, c'est nous respecter.
Nous sommes en démocratie, et nous avons donc le droit d'être en désaccord avec votre point de vue : nous pensons que ce n'est pas l'adoption qui place l'enfant en situation d'insécurité, mais la reconnaissance.
J'ai entendu l'avis favorable donné par M. le ministre à l'amendement no 880 .
Personnellement, je ne vois pas dans cet amendement qu'une simple question de sémantique. L'exposé des motifs indique que la nouvelle rédaction « n'est qu'une étape de plus dans la destruction que vous opérez du modèle familial, puisque ce projet de loi conduit à faire des enfants sans pères ».
Je suis profondément opposé au contenu de l'amendement et à son exposé des motifs, pour la simple et bonne raison qu'aujourd'hui, des couples lesbiens recourent déjà à la PMA, en partant à l'étranger. Demain, ils le feront en France. Je n'ose pas imaginer que l'on puisse considérer – comme le fait cet amendement – que ces femmes ne représentent pas des familles à part entière, ou qu'elles concourent à la destruction du modèle familial français : en France, on ne hiérarchise pas les différents modèles de famille.
Je m'inscris donc en faux contre cette idée, et je voterai contre l'amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
Monsieur le ministre, comme plusieurs amendements sont en discussion commune, et afin que tout soit parfaitement clair, pouvez-vous nous préciser à quel amendement vous êtes favorable ?
Sourires
Je suis favorable aux deux groupes d'amendements identiques, monsieur le président.
Ce n'est pas possible, ils sont en discussion commune : vous ne pouvez être favorable qu'à l'une ou à l'autre série.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Dans l'édition 2020 du code civil – donc avant que la loi soit modifiée – l'avant-dernier alinéa de l'article 311-20, qui existe déjà et que vous souhaitez modifier, est ainsi rédigé : « Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation [… ] ».
Le texte du projet de loi est donc un copier-coller du droit existant, il n'y a aucune disparition ! Il s'agit du droit actuel, et nous le conservons : vous ne pouvez donc pas prétendre que nous opérons une réécriture qui provoque une disparition ! Vous êtes simplement en train de rendre la loi verbeuse : choisissez vos combats.
Mme Monique Limon applaudit.
Je précise simplement que je suis favorable aux amendements visant à modifier l'article 342-13 du code civil.
Je tiens simplement à rassurer M. Chiche. Au-delà du caractère purement rédactionnel de l'exposé des motifs, l'amendement est une façon de rétablir un équilibre : nous voulons remettre l'homme au coeur du débat.
Madame la rapporteure, n'exagérons rien : ajouter un mot ne me semble ni alourdir, ni rendre verbeuse la loi.
Comme j'adhère à l'exposé sommaire de l'amendement de notre collègue Bazin, je retire mon amendement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Les amendements identiques nos 898 de M. Patrick Hetzel et 933 de M. Xavier Breton sont défendus.
L'amendement no 879 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à modifier les alinéas 43 à 45 du texte. Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu…
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est important pour le législateur, car ces alinéas sèment le trouble ! En effet, ils tendent à aider les femmes à faire reconnaître un acte qui, jusqu'à maintenant, était interdit dans notre pays.
Comment peut-on s'assurer que la femme qui n'a pas accouché est bien, depuis l'AMP réalisée à l'étranger, le parent ? Cette disposition ne pourrait-elle pas – par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité, par exemple – devenir le cheval de Troie de la GPA ?
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 1390 .
Vous évoquez les alinéas auxquels je me suis référée tout à l'heure dans ma réponse à Mme Battistel : ils prévoient le dispositif, adopté en commission, visant à permettre l'établissement de la filiation des PMA réalisées antérieurement au projet de loi.
Les juristes analyseront le dispositif et je dois être totalement transparente avec vous : la reconnaissance conjointe rétroactive, qui devra – comme pour la reconnaissance conjointe anticipée – être signée devant le notaire puis présentée ensuite à l'officier d'état civil…
… fonctionnera pour les couples de femmes ayant réalisé une PMA à l'étranger antérieurement au texte et qui sont toujours d'accord pour que la double filiation soit établie.
En revanche, un cas n'est pas résolu, et je pense que c'est celui que vous soulevez…
Conciliabules sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Bazin, vous ne pouvez pas poser des questions toute la soirée, puis vous chamailler et blaguer avec vos petits camarades pendant que je vous réponds !
Sourires. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Les cas non résolus à ce jour correspondent à une hypothèse extrêmement sensible – je salue d'ailleurs, si elles nous regardent, les familles concernées, qui avaient suivi nos débats en première lecture. Cette hypothèse est celle de femmes ayant réalisé une PMA à l'étranger antérieurement au texte, dont le couple se serait délité et ne s'entendrait plus, la gestatrice – considérée comme la mère biologique jusqu'à ce jour – , refusant alors de signer la reconnaissance conjointe rétroactive avec son ex-compagne, elle aussi mère de l'enfant. Là, il existe une difficulté.
Exactement : en cas de conflit, ces alinéas ne permettront pas de résoudre le problème, auquel il va nous falloir trouver d'autres solutions. Des amendements ont été déposés en ce sens, dont nous allons bientôt débattre : je vous indiquerai alors ma position.
Je défends exactement la même position. Défavorable.
Sur l'amendement no 411 , je suis saisi par le groupe Écologie démocratie solidarité d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, nos 603 , 604 et 411 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock pour soutenir les amendements nos 603 et 604 .
Depuis le début de nos travaux, j'ai rappelé la nécessité de sécuriser la filiation de toutes les familles concernées par l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. En commission spéciale comme dans cet hémicycle, j'ai porté la voix des familles déjà existantes pour vous demander que leur soit offerte la même protection qu'aux familles qui se construiront après le vote du texte. Le principe de la filiation dite tardive a été adopté en commission, et je remercie d'ailleurs Mme la rapporteure de m'avoir entendue, ainsi que les familles concernées.
Cependant, pour tenir compte concrètement de la réalité vécue par ces familles qui se sont construites, pour certaines, il y a déjà plusieurs années, nous devons organiser la filiation tardive pour les parents qui ne sont plus en couple, ou lorsque la femme qui a accouché est malheureusement décédée.
À cette fin, l'amendement no 604 propose de distinguer deux méthodes de reconnaissance de la filiation, dont les effets seront évidemment identiques : lorsque c'est possible, le couple reconnaît conjointement l'enfant devant le notaire ; dans le cas contraire, c'est le juge qui décide de reconnaître la filiation de la mère n'ayant pas accouché, selon les conditions de la possession d'état. Une procédure judiciaire est parfois estimée très lourde et éprouvante, mais présente l'avantage que l'accès au juge est gratuit et égal dans l'ensemble du territoire. Le contrôle opéré par le juge en matière de reconnaissance de la possession d'état étant très encadré, la procédure permet donc d'offrir à toutes les femmes qui, jusqu'ici, ont été écartées de la vie de leur enfant par la mère ayant accouché, la reconnaissance qu'elles attendent depuis parfois plusieurs années.
De nombreuses mamans m'ont ainsi fait part, tout comme à Mme la rapporteure, des situations dramatiques qu'elles subissent, lorsque la mère reconnue par l'État décide de les éloigner de leur enfant. Il s'agit de réparer ces situations grâce à une décision judiciaire fondée sur la réalité du projet parental initial, laquelle est prouvée par un faisceau d'indices contrôlés par le juge. Il lui appartiendra de constater l'implication de la mère d'intention dans la vie de l'enfant et la réalité de son rôle de parent. Enfin, la décision permettra l'inscription de la filiation sur l'acte de naissance de l'enfant.
Quant à l'amendement no 603 , il vise, lorsque cela est possible, à permettre au couple d'effectuer une reconnaissance conjointe. Si cela n'est pas possible, la mère sociale se rend seule chez le notaire pour faire une déclaration de reconnaissance. La mère qui a accouché, ou à défaut le détenteur de l'autorité parentale, est informée de l'existence de cette déclaration et des modalités de sa contestation devant le juge. En cas de contestation, le juge décide de reconnaître ou non la filiation à l'égard de la mère n'ayant pas accouché, selon les conditions de la possession d'état. Le juge contrôle alors que le parent d'intention et l'enfant se sont comportés comme tels dans la réalité, que le parent d'intention a pourvu matériellement à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ou encore que la société, la famille, les administrations reconnaissent l'enfant comme celui du ou des parents d'intention.
Ce dispositif permet de distinguer clairement la situation des couples encore unis de celle des couples séparés tout en rapprochant autant que possible les procédures. Ainsi, dans de nombreuses familles, si les deux mamans ne sont plus en couple, il est possible, comme le prévoit la rédaction actuelle du texte, qu'elles s'entendent et qu'elles réalisent ensemble une procédure de reconnaissance de filiation au profit de la mère n'ayant pas accouché. La mère ayant accouché, même en étant séparée de la mère d'intention, n'a aucun intérêt à contester cette filiation légitime et permet ainsi la reconnaissance du statut tant attendu.
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l'amendement no 411 .
L'amendement no 411 poursuit le même objectif que les amendements présentés par notre collègue Laurence Vanceunebrock. Il permet d'établir un lien de filiation entre les parents et les enfants nés d'une PMA avant la promulgation de la présente loi. Il n'est pas habituel de prendre des dispositions rétroactives mais il en va, dans ce cas, de la sécurisation juridique des enfants déjà nés d'une PMA. De nombreuses femmes ont recours à cette pratique, chaque année, à l'étranger ou de façon artisanale. Il serait inimaginable qu'à la faveur de ce projet de loi, nous ne fassions pas bénéficier les enfants déjà nés d'une PMA des dispositions que nous prévoyons pour le futur. Je constate que, concernant l'accès aux origines, la représentation nationale a accepté de prévoir une forme de rétroactivité, avec la possibilité de recontacter des donneurs ayant réalisé un don dans l'ancien cadre légal. Je pense que nous pouvons au moins faire bénéficier les enfants déjà nés d'une PMA de la même logique rétroactive.
Madame Vanceunebrock, monsieur Chiche, vous savez que ce sujet me tient à coeur. J'avais moi-même déposé des amendements en première lecture, fondés sur un autre dispositif – une possession d'état légèrement tirée par les cheveux – , qui n'était pas suffisamment satisfaisant. Ces amendements n'ont donc pas été adoptés. En commission spéciale, je vous ai indiqué vouloir réfléchir avec vous à l'hypothèse d'une reconnaissance judiciaire de l'antériorité de la situation afin qu'en cas de conflit, la filiation de la deuxième maman, celle qui n'est pas gestatrice, puisse être établie. À mon grand regret, nous n'avons pas encore trouvé avec les services de la chancellerie de rédaction satisfaisante qui garantirait la constitutionnalité de cette disposition, dans l'hypothèse où elle serait votée.
Néanmoins, je tiens absolument à trouver une solution. Je sais les drames que représentent les séparations d'enfants d'avec leur mère, voire les séparations de fratries. De telles situations existent en France : des enfants d'une même fratrie sont séparés et ne peuvent pas se voir, d'autres sont empêchés de voir l'une de leurs mamans, en raison d'histoires de couple. Il peut arriver dans toutes les familles, y compris hétéroparentales, que les couples se déchirent, mais en tant qu'adultes, nous ne devons théoriquement jamais en faire peser la responsabilité sur les enfants et les priver de l'un de leurs parents. C'est une situation à laquelle il faut trouver une issue.
Je pense que vos deux amendements, madame Vanceunebrock, soulèvent une difficulté : à partir de la reconnaissance chez le notaire, vous proposez d'informer le procureur, mais il n'est pas prévu de vérification par le juge ou le procureur de la matérialité d'un projet parental antérieur. Il n'est pas vérifié que ce projet a bien existé. C'est la raison pour laquelle ce dispositif ne me semble pas suffisamment satisfaisant.
Monsieur Chiche, il en va de même pour votre amendement, car la disposition innovante et audacieuse que vous proposez, la reconnaissance judiciairement établie voire forcée, n'existe pas à ce jour dans le code civil. Un tel dispositif serait tout à fait novateur. C'est la raison pour laquelle je m'interroge et pose la question au garde des sceaux, en réservant mon avis personnel en fonction de sa réponse : ne faudrait-il pas prendre encore un peu de temps pour continuer à travailler sur ce dispositif ?
Nous savons qu'une proposition de loi très intéressante a été déposée par madame Limon, que je tiens à remercier très sincèrement pour son travail dense et fourni à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et EDS.
Cette proposition de loi, centrée sur l'adoption, sera étudiée par l'Assemblée dans les prochains mois. Je ne dis surtout pas qu'il faudrait passer par l'adoption pour les couples et les familles dont nous parlons – au contraire – mais je pense que d'ici à l'adoption du présent texte, nous pourrions travailler dans le cadre de la proposition de loi de Mme Limon et trouver une rédaction satisfaisante. Si nous adoptions ce soir l'un de vos amendements – dont je répète que je partage l'intention sur le fond et pourrais me battre pour la défendre – , alors que leur écriture n'est pas consolidée, ma seule crainte serait que ces dispositions soient censurées par le Conseil constitutionnel, ce qui décevrait les familles concernées. Pour ne pas les décevoir, pouvons-nous prévoir le temps nécessaire, si le garde s'y engage fermement…
… pour résoudre ce problème et faire « tomber les murs » ? Je laisse la parole à M. le garde des sceaux.
Monsieur le président, c'est bien le garde des sceaux qui va s'exprimer et non pas le garde champêtre comme je l'ai entendu à l'instant dans la bouche de M. Bazin.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Il est non seulement imaginatif mais aussi plein d'humour ce qui, à cette heure-ci, peut nous réjouir.
La question que vous posez, madame Vanceunebrock, est très importante. Au fond, monsieur le député Chiche, vous soulevez la même question en proposant une procédure judiciaire pour imposer l'établissement de la filiation. Or en réalité, cette filiation s'établira soit contre l'avis de la femme qui a accouché, soit contre l'avis de l'autre femme. Cela soulève une vraie difficulté car il s'agirait d'une modification rétroactive de la loi en matière d'état des personnes. On peut envisager une loi rétroactive à la condition, naturellement, qu'elle confère de nouveaux droits. Mais il est plus compliqué – et même impossible, me semble-t-il – d'envisager une loi rétroactive visant à remettre en cause des droits déjà acquis. Bien sûr, je ne veux pas éluder cette question. J'ai le sentiment – et c'est celui du Gouvernement – que les amendements que vous proposez ne concernent pas directement la loi relative à la bioéthique mais pourraient être étudiés en profondeur dans le cadre de la proposition de loi de madame Limon visant à réformer l'adoption.
Je propose le retrait des amendements nos 603 et 604 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable. Quant à l'amendement de M. le député Chiche, qui vise au fond le même objectif, j'émets un avis défavorable.
Pardonnez-moi monsieur le garde des sceaux, je voudrais être certaine que nous nous comprenons bien. Vous engagez-vous personnellement à travailler sur la résolution de ces problèmes de filiation complexes et non résolus à ce jour, dans le cadre de la proposition de loi de Mme Limon, autrement que par l'adoption mais bien par une forme de reconnaissance dont nous trouverons d'ici là les modalités pour qu'elle réponde aux conditions constitutionnelles ?
C'est un engagement de ma part, oui.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et EDS.
Monsieur le garde des sceaux, j'entends l'engagement que vous avez pris à travailler sur le sujet. Tout travail en la matière est le bienvenu pour permettre de sécuriser des situations de détresse. Madame la rapporteure, vous avez été très claire dans vos propos : la réalité aujourd'hui, ce sont des fratries séparées, des personnes séparées de leur enfant en raison de l'absence de lien de filiation entre la mère dite d'intention et l'enfant. De telles situations peuvent aussi survenir lorsque la mère qui a porté l'enfant décède alors que la filiation de sa conjointe avec l'enfant n'est pas encore établie. Ces situations existent.
Les dispositions que je vous propose d'adopter ne sont pas destinées à être inscrites dans le marbre. Il s'agit de dispositions transitoires qui prendraient effet lors de la promulgation de la loi et seraient opérantes pendant cinq ans. Elles résoudraient ainsi à court terme, de façon quasi immédiate, les problèmes des enfants et des familles et feraient cesser leur souffrance. S'il existe un risque de censure par le Conseil constitutionnel, je pense qu'il mérite d'être pris pour les enfants nés d'une AMP qui ne peuvent pas bénéficier actuellement d'une pleine sécurité juridique.
Je vous encourage vivement à adopter ces dispositions transitoires, quitte à y revenir dans les prochains mois, une fois que les services de la chancellerie ou bien vous-même, monsieur le ministre, aurez trouvé un dispositif plus adéquat. Peut-être même cela arrivera-t-il lors de la deuxième lecture du texte par le Sénat, ou lors d'une lecture définitive à l'Assemblée ? Dans ce cas, j'aurai grand plaisir à voter en faveur d'une disposition différente que vous nous proposeriez. Je crois néanmoins qu'il est important d'apporter une réponse à toutes ces familles et à ces enfants vivants, nés d'une PMA et exposés à des tragédies de la vie par absence de dispositions législatives et juridiques.
Je crois pouvoir aujourd'hui m'engager. Vous m'avez déjà entendue : ce qui m'anime, c'est uniquement l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans le cas dont nous discutons, il nous faut effectivement trouver une solution pour que les enfants concernés puissent rencontrer, voir, vivre avec, échanger et aimer les deux mères avec lesquelles ils ont démarré leur vie. La proposition de loi sur l'adoption devrait être inscrite à l'ordre du jour au cours du dernier trimestre de l'année. Je m'engage à travailler avec vous, monsieur le ministre, avec vos services, ainsi qu'avec Mme la rapporteure et avec l'auteure des amendements, Mme Vanceunebrock, afin que nous puissions trouver une solution et inscrivions cette disposition, cet engagement, dans la proposition de loi dont j'ai reçu la confirmation qu'elle sera étudiée au dernier trimestre de cette année. C'est important pour ces enfants : ils doivent avoir les mêmes droits que tous les enfants, et nous ferons tout pour y parvenir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je ne voudrais pas avoir l'air de m'immiscer dans un débat interne à la majorité mais je m'étonne : M. le garde des sceaux indique que la question soulevée par l'amendement de notre collègue Guillaume Chiche pourrait être réglée dans le cadre de la proposition de loi réformant l'adoption. Or j'avais compris pour ma part que tous les amendements déposés par Guillaume Chiche visaient précisément à éviter la procédure d'adoption dans ces cas. Je ne comprends donc pas pourquoi vous seriez satisfait, monsieur Chiche, que cette question soit renvoyée à celle de l'adoption. Mais il s'agit visiblement d'un débat interne à la majorité !
L'adoption de la loi instaurant le mariage pour tous en 2013 était une belle avancée, mais ce texte imposait aux couples de femmes de se marier pour adopter leurs propres enfants. C'était inacceptable. De plus, certaines familles déjà composées avant la loi susmentionnée n'ont pas encore de solution pour établir correctement leur filiation. Mais si vous me confirmez, monsieur le ministre, qu'une solution va être trouvée avec Monique Limon par le biais de l'adoption pour les couples de femmes qui ne s'entendent plus, pourquoi pas ? Reste cependant la possibilité d'une simple déclaration – devant un juge ou un notaire selon le dispositif que vous choisirez – pour ces femmes quand elles ont continué à maintenir des liens même après leur séparation, et j'aimerais que vous me confirmiez aussi que ce sera le cas car il s'agit de deux dispositifs différents.
Monsieur Brindeau, vous n'êtes pas l'arbitre des élégances au sein de notre majorité.
Et puis, à la faveur des très nombreux amendements déposés par l'opposition, je crois que la rapporteure et le ministre ont eu l'occasion à d'innombrables reprises de répéter à quel point nous sommes attachés au fait que la mère qui n'a pas accouché n'a pas besoin de passer par l'adoption pour l'établissement d'un lien de filiation. Je crois que vous avez compris – à moins que vous ne le vouliez pas – l'esprit dans lequel nous travaillons.
Mme la rapporteure applaudit.
Monsieur Chiche, vous avez raison d'évoquer l'intérêt majeur de l'enfant car nous l'avons toutes et tous à l'esprit bien sûr. Mais je préfère un texte qui soit inattaquable juridiquement. C'est la raison pour laquelle je confirme, madame Vanceunebrock, mon engagement à accomplir ce travail pour que la question soit réglée une fois pour toutes dans la sécurité juridique.
En janvier je n'étais pas là ! Cela vous a sans doute échappé !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je comprends qu'en tant que garde des sceaux, vous souhaitiez d'autant plus un texte juridiquement inattaquable. Comme membre de la représentation nationale, je privilégie le fait d'apporter une réponse aux familles dont les enfants demeurent dans l'insécurité juridique. C'est pourquoi je reprends les deux amendements de ma collègue Vanceunebrock pour les soumettre au vote, monsieur le président.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 13
Contre 76
L'amendement no 411 n'est pas adopté.
Je demande une suspension de séance de dix minutes, monsieur le président.
C'est pour se mettre en ordre de marche avec la majorité ! Mais même une suspension de trente minutes n'y suffirait pas !
Même une demande de suspension prête à polémique ?
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
La séance est reprise.
Chers collègues, nous lèverons la séance à minuit.
Je souhaite toutefois que nous terminions l'examen de l'article 4. Chacun est donc invité à faire en sorte qu'il puisse en être ainsi.
Je suis saisi de trois amendements, nos 756 , 802 et 801 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 756 et 802 sont identiques.
Les amendements identiques nos 756 de M. Xavier Breton et 802 de M. Patrick Hetzel sont défendus.
L'amendement no 801 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 757 de M. Xavier Breton, 803 de M. Patrick Hetzel et 1520 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement no 1154 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1155 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2280 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock, pour soutenir l'amendement no 2154 .
Dans la même logique que les amendements défendus précédemment à propos de la filiation tardive, il vise à offrir, en cas de séparation du couple, une solution à la mère n'ayant pas accouché.
Je m'interroge cependant sur la disposition adoptée en commission spéciale, qui pourrait, selon l'interprétation qui en est faite, apporter une réponse à la majorité des femmes auxquelles je fais référence. Ainsi, dans la rédaction adoptée, il est inscrit qu'un couple de femme ayant eu recours à une AMP à l'étranger avant la publication du texte peut faire une reconnaissance conjointe devant le notaire.
Puisqu'il est ici question du projet initial et qu'il s'agit de retracer l'histoire de la famille, pouvez-vous confirmer, madame la rapporteure, que la notion de « couple », dans cet article, inclut aussi bien les femmes qui étaient en couple et le sont toujours que celles qui l'étaient mais ne le sont plus ? Le terme pourrait englober, selon moi, les deux situations : ce qui importe, c'est le caractère conjoint de la démarche, c'est-à-dire le fait que les deux femmes se rendent ensemble devant le notaire – peu importe si elles sont toujours en couple, divorcées, pacsées, remariées ou autre. On parle ainsi bien du couple qui existait lors du recours à l'AMP, sans qu'il soit nécessaire que les deux femmes forment toujours un couple au moment de la promulgation de la loi.
Cette question est essentielle pour toutes les mères qui ont conçu un enfant – pour certaines il y a très longtemps – puis se sont séparées et ont refait leur vie, tout en étant restées en bons termes avec leur ex-compagne. Les difficultés d'interprétation pouvant entraîner des confusions aux effets désastreux, je souhaite qu'on y réponde dès aujourd'hui.
Une telle précision répondrait en grande partie à la demande exprimée dans mon amendement.
Sur l'article 4, je suis saisi par les groupes Les Républicains, La République en marche et UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Je confirme que le couple auquel il est fait référence dans le texte est celui qui existe au moment de la concrétisation du projet parental, et non lorsqu'intervient la reconnaissance conjointe rétroactive. Les femmes peuvent avoir cessé de vivre ensemble et même s'être séparées : ce qui compte, c'est qu'elles formaient à l'époque un couple ayant fondé un projet parental.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je m'engage à nouveau sur ce point, comme je l'ai fait il y a quelques instants. Demande de retrait ; à défaut, rejet de l'amendement.
Je vais vous faire confiance, monsieur le garde des sceaux, et retirer l'amendement.
L'amendement no 2208 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 62
Contre 15
L'article 4, amendé, est adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra