La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Rappel au règlement
Ce rappel au titre de l'article 58, alinéa 2 est fondé sur l'article 48, alinéa 11 du règlement, lequel permet au Gouvernement, dans des circonstances exceptionnelles, de changer l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.
Ce matin, le Gouvernement n'a pas demandé le report de l'examen du texte réhabilitant les néonicotinoïdes. La France affronte une pandémie ; la France affronte le terrorisme islamiste ; le plan Vigipirate est porté au niveau « urgence attentat ». Il est honteux que, dans des circonstances où nous avons besoin d'unité nationale, l'on continue discrètement, comme si de rien n'était, le débat sur la réhabilitation des néonicotinoïdes.
« Pas d'excès ! » sur les bancs du groupe LaREM.
L'unité nationale, c'est l'unité nationale ; ce n'est pas, par cynisme, s'attaquer dans le même temps à l'écologie et remettre en cause une loi qui constitue une avancée pour la protection de la biodiversité.
Chacun aura noté, madame Batho, que votre intervention portait plus sur le fond du texte que sur une méconnaissance du règlement.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Je suis heureux que nous puissions nous réunir aujourd'hui, dans un contexte particulièrement difficile, pour achever la discussion de ce projet de loi. Nous l'avons dit et répété, le texte n'oppose en rien l'écologie et l'économie. Il est au contraire la garantie que la sortie des NNI ne laissera pas la filière de la betterave sucrière dans l'ornière. Ce texte est la preuve qu'écologie peut rimer avec pragmatisme et avancées agroécologiques.
L'impasse dans laquelle se trouve la filière de la betterave sucrière, du fait des ravages de la jaunisse et d'un manque passé de logique législative, exigeait une action forte et courageuse. Le Gouvernement l'a faite. Je salue l'engagement et le courage de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui n'a ménagé ni son temps ni son énergie.
Le texte proposé initialement par le Gouvernement présentait de nombreuses garanties. Il proposait la possibilité de déroger à l'interdiction des néonicotinoïdes – NNI – , dans des conditions strictement encadrées au niveau français et européen. Cette possibilité était également limitée dans le temps jusqu'au 1er juillet 2023, durée nécessaire pour qu'aboutissent des travaux scientifiques entamés de longue date. L'Assemblée nationale et le Sénat ont renforcé ces garanties.
L'Assemblée nationale a explicitement limité, à l'article 2, le champ d'application du texte aux seules semences de betteraves sucrières ; en outre, elle a décidé en commission et amélioré en séance la création d'un conseil de surveillance aux prérogatives larges et à la composition équilibrée comprenant des parlementaires. Ce conseil aura pour mission de rendre un avis sur les arrêtés de dérogation et d'assurer le suivi effectif des travaux de recherche en matière de remplacement des néonicotinoïdes. Je salue le Sénat, dont les travaux se sont inscrits dans le même esprit constructif, et je tiens en particulier à remercier la rapporteure et présidente de la commission des affaires économiques, Mme Sophie Primas, pour la qualité de nos échanges tout au long de l'examen du texte.
Le Sénat a avancé la date d'entrée en vigueur du projet de loi au plus tard au 15 décembre prochain et s'est assuré que les avis du conseil de surveillance seraient rendus dans un délai arrêté par décret. Il a également ajouté deux articles additionnels. Le premier, qui prévoyait la remise d'une étude d'impact en amont de la suppression de tout produit phytopharmaceutique, répondait à une préoccupation légitime mais posait des difficultés opérationnelles ; le Sénat est donc convenu en commission mixte paritaire qu'il était préférable de le supprimer. Le deuxième article rappelle explicitement dans le code rural une faculté prévue par le droit européen : le ministre de l'agriculture peut, dans certains cas bien précis et en l'absence de mesures européennes, suspendre les importations de denrées alimentaires ne respectant pas les normes européennes si elles posent des problèmes pour la santé ou pour l'environnement, notamment en raison de l'usage de pesticides interdits. Je salue cet article, qui semble un excellent signal envoyé à l'Union européenne.
La commission mixte paritaire, dont les travaux ont été menés hier en un temps record, a permis d'adopter six modifications mineures au texte adopté par le Sénat. Outre la suppression de l'article 3, que j'ai rappelée, nous avons décidé d'alléger et d'améliorer la composition du conseil de surveillance pour éviter d'en faire un comité pléthorique, nécessairement inefficace. Dans cet esprit, nous avons estimé préférable de ne mentionner dans la loi que la présence des acteurs concernés par les problématiques des néonicotinoïdes au stade de la culture, et non celle des acteurs concernés par le produit fini. Dans la même logique, l'arrêté de dérogation sera, comme le prévoyait le texte initial, cosigné par les seuls ministères de l'agriculture et de l'environnement. La rédaction adoptée a également précisé, après de longues discussions, le mode de désignation des parlementaires qui siégeront au conseil de surveillance ; ils seront nommés par les présidents des deux assemblées, et non par les présidents des commissions.
En conclusion, je souhaiterais redire ma conviction que ce texte difficile, mais nécessaire, exigeait un véritable courage politique. L'écologie du « plus vert que vert chez moi, et tant pis pour les autres » ne sera jamais le leitmotiv de cette assemblée. Je tiens donc à saluer les parlementaires de tous les bancs qui ont cherché, sans caricature et sans dogmatisme, à concilier l'impératif de santé alimentaire et celui de la protection de l'environnement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je suis de nouveau devant vous pour défendre la pérennisation et l'accompagnement, pendant la transition, de la filière de la betterave sucrière française. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, mon engagement en faveur de la transition agroécologique est résolu et centré sur l'objectif d'une agriculture pleinement ancrée dans son environnement. Toutefois, nous sommes actuellement dans une impasse. Il faut apporter une réponse à la situation exceptionnelle de la filière de la betterave sucrière, laquelle emploie près de 46 000 personnes dans notre pays.
Je le dis clairement, comme je n'ai cessé de le faire tout au long de ces débats : il s'agit non d'opposer économie et écologie, mais de poser une question de souveraineté. Souhaitons-nous faire la transition agroécologique, qui est absolument nécessaire, avec la filière de la betterave sucrière française, ou acceptons-nous sa disparition ? Là est le sujet. Si jamais la filière disparaissait, notre consommation de sucre ne baisserait pas et des importations viendraient se substituer à la production nationale. Oui, la filière de la betterave sucrière est en danger ; la faute en est à ce puceron dont nous ne connaissons encore que peu de chose. Les premières récoltes réalisées depuis la première lecture du texte par l'Assemblée nationale ont confirmé nos craintes en montrant que les parcelles sont parfois très lourdement touchées.
Quelle que soit notre couleur politique, nous sommes tous favorables à l'arrêt des néonicotinoïdes. Oui, nous sommes tous favorables à la transition agroécologique, que les agriculteurs sont d'ailleurs les premiers à souhaiter. Mais, je le dis clairement et fermement, cette transition ne consiste pas à tuer une filière française pour imposer ensuite du sucre venu de pays souvent moins-disants que le nôtre sur le plan environnemental. Ce texte n'est en rien un renoncement, c'est un texte de souveraineté pour mener la transition agroécologique avec la filière française.
Plus précisément, le projet de loi vise à rétablir – au maximum jusqu'en 2023 – la possibilité de recourir, comme le font déjà beaucoup d'États membres, à l'article 53 du règlement européen concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, lequel permet de solliciter des dérogations si la situation le nécessite. Je répète que l'article 53 n'offre au pouvoir exécutif la possibilité de solliciter une dérogation qu'à condition qu'il soit impossible de recourir à « d'autres moyens raisonnables ».
Le projet de loi s'inscrit dans un plan plus global dont nous avons déjà longuement discuté. Je tiens à vous remercier pour la qualité de ces débats de fond, car les nombreux arguments échangés ont permis de faire progresser plusieurs éléments. Le plan inclut la mobilisation de 7 millions d'euros supplémentaires pour un programme de recherche publique et privée visant à accélérer l'identification de solutions de remplacement efficaces et à permettre leur utilisation en conditions réelles. Ces solutions n'existent pas encore à l'échelle de la production ; elles naîtront très probablement d'un mélange de solutions agronomiques, de mesures de biosécurité et de recherche sur les semences. Le plan contient par ailleurs plusieurs engagements pris dans le cadre d'un plan de prévention dont nous avons également discuté en séance.
Ce plan global, qui devra être appliqué avec force et détermination, nécessitera un fort suivi collégial incluant la représentation nationale. Telle est la mission dévolue au conseil de surveillance proposé par l'Assemblée nationale lors des travaux en commission par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et la commission des affaires économiques. Le conseil de surveillance, qui inclura des parlementaires, devra veiller à la mise en oeuvre du plan afin que 100 % des usages de néonicotinoïdes trouvent un remplacement le plus rapidement possible.
Mesdames et messieurs les députés, par amendement, lors de l'adoption du texte à l'Assemblée nationale, vous avez inscrit le terme de betterave sucrière, non seulement dans le titre, mais aussi dans le corps du projet de loi. J'avais à l'époque émis un avis de sagesse, car je souhaitais approfondir les implications juridiques de cette mention : en effet, le choix de limiter les dérogations à la betterave sucrière pouvait soulever des difficultés au regard du principe d'égalité cher au Conseil constitutionnel. Je peux dire désormais, après avoir multiplié les travaux juridiques avec mes services et ceux du Gouvernement, que des arguments solides justifient la différence de traitement instituée au profit de la filière de la betterave sucrière.
D'abord, comparativement à d'autres cultures, l'utilisation de semences enrobées de néonicotinoïdes pour la betterave sucrière a un effet plus limité sur les pollinisateurs.
Je dis « plus limité », je ne dis pas qu'il n'existe pas – je ne parle que relativement aux autres cultures.
Ensuite et surtout, l'impact économique de l'interdiction des néonicotinoïdes est particulièrement grave pour la filière de la betterave sucrière. En effet, c'est l'une des singularités de cette filière que d'être dépendante en aval des sucreries, lesquelles dépendent en retour de la quantité de betteraves arrivant à leurs portes.
Il suffirait que pendant une ou deux saisons, les planteurs renoncent à planter pour que le stock de betteraves sucrières s'effondre et que les sucreries soient condamnées à fermer, causant l'arrêt de l'ensemble de la filière. En effet, il n'est tout simplement pas envisageable d'importer des betteraves sucrières pour faire tourner ces usines.
En cas d'interdiction des néonicotinoïdes, en l'absence de solution alternative raisonnable à ceux-ci dans cette filière particulière, les pertes de rendement seraient très importantes et pousseraient justement les planteurs à renoncer à cette culture, conduisant au cercle infernal que je viens de décrire.
Ce projet de loi a fait l'objet de nombreux échanges, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Je vous remercie pour la qualité de nos travaux tout au long des dernières semaines.
Les sénateurs ont adopté ce projet de loi mardi, avec trois modifications qui l'ont rendu plus opérationnel. Le rapporteur les a déjà évoquées. Il s'agit de l'élargissement du conseil de surveillance à l'Institut de l'agriculture et de l'alimentation biologiques – ITAB – , de l'encadrement du délai dont dispose le conseil de surveillance pour rendre son avis, et de l'avancée de la date d'entrée en vigueur au 15 décembre.
La commission mixte paritaire s'est réunie hier. Je salue vivement ses travaux, qui ont bénéficié de l'implication de nombreux parlementaires : M. Roland Lescure, Mme Sophie Primat, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Claire O'Petit et plusieurs autres d'entre vous. Cette implication a permis de conclure rapidement, en un temps record même, les travaux sur ce texte, et de concilier les positions des deux assemblées, pour proposer des évolutions qui clarifient encore ses modalités d'application.
Je souscris ainsi aux précisions concernant la composition du conseil de surveillance – en la rendant plus explicite, elles permettront de sécuriser les nominations.
Je prends également acte de l'ajout d'un article rappelant que les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation ont la faculté de « prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l'introduction, l'importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles », dans le respect du règlement européen.
C'est évidemment un texte difficile, important, sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Encore une fois, il ne vise nullement à opposer économie et écologie.
C'est un texte de souveraineté. Nous choisissons la transition agroécologique, dès lors que celle-ci intègre la filière française. Ainsi, aujourd'hui et demain, nos concitoyens pourront vivre dans un pays où l'on produit du sucre français et où l'on cultive des betteraves sucrières. Nous continuerons à avancer sur cette question ô combien importante pour nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
J'ai reçu de Mme Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Sur cette motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Dominique Potier.
Que l'on perde ou non une bataille politique, il faut, chaque fois que c'est possible, continuer à se battre pour les changements culturels. C'est ce que le groupe Socialistes et apparentés a fait dans la civilité, le respect, sans excès, partant du principe que nos interlocuteurs étaient sincères. Nous avons été, à gauche, force de proposition, en entrant dans le fond du sujet, sans préjugés, en étudiant les données du problème d'un point de vue scientifique et économique.
Même si cette motion de rejet préalable n'était malheureusement pas adoptée, j'aurai l'occasion de présenter notre plan B – B comme betterave – , lequel prévoit une solution alternative prenant en considération à la fois les enjeux sociaux, économiques, commerciaux, scientifiques et techniques – parce qu'il y en a une, contrairement à ce qu'indique la fameuse formule attribuée à Margaret Thatcher.
Trouver une solution alternative suppose de faire un effort, et surtout de refuser la bonne conscience dont certains, au sein de la majorité et du Gouvernement, semblent se parer.
Sans accuser personne, je voudrais rétablir quelques vérités.
La première concerne le rapport entre le Parlement et l'exécutif. Monsieur le ministre, je reviens sur un point que je vous avais signalé ; vous aviez annoncé que vous en tiendriez compte, que vous en feriez une affaire personnelle, en tant que ministre de l'agriculture et des agriculteurs.
Nous avons débattu ici même, lors d'une niche parlementaire socialiste, d'une proposition de loi adoptée par le Sénat, portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. L'examen de cette proposition, qui instaurait le fonds d'indemnisation des phyto-victimes, une véritable innovation, au même titre que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en son temps, n'avait pu s'achever, faute de temps.
Toutefois, à l'époque, Agnès Buzyn avait accepté d'engager un processus, en reprenant presque exactement nos propositions dans un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides. En décembre 2019, le texte était adopté.
Or, la semaine dernière, alors que je comptais proposer qu'on augmente les crédits de ce fonds dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, j'ai appris avec stupeur que le décret portant création du fonds n'était toujours pas publié.
J'espère, monsieur le ministre, que vous trouverez le temps de publier ce décret, avec votre collègue le ministre des solidarités et de la santé, certes très occupé. Ce serait la marque de votre respect non seulement pour le Parlement, unanimement favorable à cette mesure, mais aussi et surtout pour les victimes – dont vous connaissez le nombre et la situation – qui attendent réparation des préjudices causés par le mésusage des pesticides.
Nous avons le sentiment que vous avez fait preuve du même mépris du Parlement lors de l'examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit EGALIM. C'est le sens du recours que j'ai déposé devant le Conseil d'État, avec le soutien du groupe Socialistes et apparentés, sur l'ordonnance no 2019-361, qui concerne les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques – CEPP.
Le dispositif avait été adopté aux termes d'une proposition de loi de février 2017, dont j'étais rapporteur, élaborée en concertation avec le ministre de l'agriculture de l'époque, Stéphane Le Foll : la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Mais notre vote a été bafoué : plusieurs fois, lors de l'examen du projet de loi EGALIM, les membres du Gouvernement nous ont assuré qu'ils maintiendraient ces certificats, alors qu'ils y renonçaient de fait. Ladite ordonnance n'est pas encore purgée de mon recours, qui vise à dénoncer un excès de pouvoir du Gouvernement.
Sur ces enjeux, comme sur tant d'autres, quand le Parlement n'est pas respecté, quand les avancées obtenues grâce au travail patient des oppositions et de la majorité ne sont pas appliquées, ou sont bafouées par des lois postérieures et des règlements, c'est une atteinte à ce qui nous rassemble et qui est plus précieux que jamais : la démocratie, la République.
Je n'évoque pas ces sujets en tant que paysan converti à l'agriculture bio avant qu'elle ne soit à la mode, il y a près d'un quart de siècle, mais dans la continuité de mon travail parlementaire.
Il m'a conduit, en 2014, à soutenir des amendements sur le biocontrôle, poursuivant la dynamique lancée par mon collègue Antoine Herth sous la législature précédente. La même année, et j'en suis très fier, j'ai permis la création d'un dispositif de phytopharmacovigilance, piloté par l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – , qui permet, une fois les produits autorisés, de contrôler leur toxicité et d'étudier leur retrait en cas de dégâts épidémiologique ou environnemental non prévus dans les études préalables. En 2014, j'ai également remis au Premier ministre le rapport « Pesticides et agroécologie : les champs du possible ».
En février 2017, j'ai déposé la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, qui instaurait les CEPP et engageait une réforme foncière. La même année, à la demande de Nicolas Hulot et Stéphane Travert, alors ministres, j'ai participé à l'animation des états généraux de l'alimentation.
Toutes ces actions politiques dessinent une continuité ; elles convergent et montent en puissance. Au-delà des systèmes partisans, elles construisent une solution de prévention, pour sortir de la dépendance excessive – que vous avez vous-même dénoncée ce matin, monsieur le ministre – à la phytopharmacie dans les techniques de production agricole.
Il me semble qu'une rupture a eu lieu à partir des mois de novembre ou de décembre 2017 : la politique de prévention a été abandonnée. Même dans la majorité, les députés les plus informés admettent que le plan Écophyto – autrement dit l'instrument dont s'est dotée la France, conformément aux directives européennes, pour maîtriser l'usage des produits phytopharmaceutiques – est en panne.
Ayons l'honnêteté de regarder la chronologie. En 2016, lorsque nous avons adopté la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui interdit l'usage des néonicotinoïdes sur les 28 millions d'hectares de surface agricole utile en France – usage que vous voulez aujourd'hui rétablir sur les 400 000 hectares de betteraves sucrières – , nous avions quatre ans pour agir.
Je suis à l'aise pour en parler, parce que je n'avais pas voté le calendrier proposé par Barbara Pompili, alors secrétaire d'État chargée de la biodiversité, qui prévoyait selon moi une interdiction trop rapide. J'avais voté pour une solution alternative, défendue par le ministre de l'agriculture de l'époque, Stéphane Le Foll, qui ménageait une transition plus douce vers le même objectif, celui d'une interdiction totale en 2020.
Pendant ces quatre années, qu'avez-vous fait ? Quels crédits ont été consacrés à la préparation de cette interdiction ? Bien sûr, le ministre en a dressé la liste, mais ils ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, nous le savons bien.
Ni la profession ni l'État n'ont été au rendez-vous. Je n'aurai pas la cruauté de vous demander de produire le bilan des réunions techniques organisées à l'initiative du ministère avec l'Institut national de la recherche agronomique – INRA – et les autres instituts concernés, pour traiter de la betterave sucrière, question déjà identifiée en 2016.
Où sont les justificatifs, les procès-verbaux des réunions organisées par les ministres successifs pour aborder ce point nodal, très sensible ? Il n'y en a aucun, ou quasiment, et je le regrette profondément.
Ni sur la betterave sucrière, ni sur aucune autre question, vous n'avez appliqué la politique de prévention. Vous n'avez pas utilisé un de ses principaux instruments, les fermes DEPHY – démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires – dont je discutais aujourd'hui avec le président de l'APCA – l'assemblée permanente des chambres d'agriculture. Il n'a, dit-il, pas les moindres moyens pour déployer cette politique ; il faudrait des crédits supplémentaires que nous demandons année après année.
Vous n'avez pas utilisé non plus le levier formidable de progrès B to B – business to business – des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, qui associent les filières et les territoires.
Ces dispositifs ont été oubliés et nous avons raté des occasions historiques. J'en donnerai pour seule preuve la culture du colza.
Savez-vous que nous pouvons atteindre un huitième de l'objectif de réduire de 50 % les NODU – nombre de doses unités – , visé par le plan Écophyto II, simplement en mélangeant les variétés – ce qui permet de lutter contre des prédateurs comme les méligèthes et la grosse altise – et en utilisant des plantes compagnes, qui apportent en outre quarante unités d'azote, se substituant à autant d'engrais minéraux ? Grâce à de telles mesures, on divise par 1,5 l'indice de fréquence de traitement – IFT. Ainsi, pour le colza, de simples pratiques agronomiques permettent d'atteindre un huitième de nos objectifs !
De même, une politique de prévention, d'innovation – pas seulement en matière de molécules, mais aussi d'écologie chimique – aurait été possible pour la betterave sucrière, si nous avions travaillé à partir de 2016.
Vous demandez aujourd'hui un délai de trois ans, parce qu'en quatre ans, vous n'avez pas pris vos responsabilités et n'avez pas établi de plan de prévention. Cela nous aurait pourtant évité non seulement l'impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui – puisque la réintroduction des néonicotinoïdes constitue un danger pour la biodiversité, à cause notamment des phénomènes de rémanence – , mais aussi un discrédit pour la parole publique.
Prenons nos responsabilités ; c'est le sens de cette motion de rejet préalable. Nous pouvions faire autrement, et l'État, la profession et la filière sont responsables de la situation.
Nous proposons comme solution alternative un plan de partage de la valeur et des innovations ; ces mesures seraient déployées en trois ans et leur coût peut être compensé.
Surtout, avec cette motion de rejet préalable je souhaite vous alerter et, avec vous, tous nos concitoyens sur le coût de l'incurie publique : l'absence de prévention se paie dix fois plus cher à l'arrivée, parce qu'il y va de la santé des hommes et de celle de la terre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.
Puisque nous avons déjà beaucoup discuté de ces questions, je serai bref.
J'ai pris l'engagement de publier le décret portant création du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides très rapidement. Ce sera le cas.
Je ne laisserai personne sous-entendre que l'État, ou l'administration de mon ministère ne respecte pas la volonté du législateur. Nous sommes parfois trop lents – j'accepte cette critique, mais tout le ministère est évidemment républicain et s'aligne sur les lois adoptées par le Parlement.
Je défends ce principe républicain, comme tous les membres de la fonction publique, dont j'ai fait partie.
Ensuite, je ne peux pas laisser dire que rien n'a été fait. Vous le disiez vous-même en 2016, la recherche agronomique prend du temps. Toute la question est désormais de savoir comment aller plus vite. C'est ce que va nous permettre ce plan d'action de 7 millions d'euros, somme plus conséquente que tout ce qui avait été mis sur la table jusqu'à présent, ce qui ne veut pas dire, j'y insiste, que certains se seraient assis sur les décisions et n'auraient pas cherché à trouver des solutions.
Nous évoquerons les fermes DEPHY dans le cadre de la discussion budgétaire. Elles sont dotées de 13 millions d'euros et le véritable enjeu réside selon moi dans la généralisation de ce qui a pu être expérimenté à leur niveau.
Pour reprendre les propos de Frédéric Descrozaille, on aurait sans doute pu faire mieux et trouver une solution, mais est-ce parce que nous n'avons pas de solution que l'on ne doit pas tendre la main à une filière à terre ? Mieux vaut au contraire assumer nos responsabilités face à cet état de fait, en améliorant ce qui peut l'être et en maintenant la pression là où il le faut, sans toutefois renoncer au principe de transition agroécologique de la filière.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. le rapporteur applaudit également.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Stéphane Travert.
On pourrait polémiquer à l'envi, multiplier, comme le font certains, les phrases sentencieuses et définitives, mais ce n'est pas le moment, ce n'est pas dans l'air du temps. Fidèle au style qui me caractérise, je préfère essayer de trouver les compromis durables qui permettront d'avancer pour tirer la filière de l'ornière dans laquelle elle se trouve.
Les députés de La République en marche ne voteront pas la motion de rejet préalable car, malgré les interrogations qui ont pu naître au sein du groupe, nous considérons que des solutions ont été trouvées et que des engagements clairs ont été pris, et pas uniquement depuis quelques semaines – je me refuse également à entendre que rien n'aurait été fait depuis quatre ans, sachant qu'au moment des débats sur la loi de 2016, les mises en garde n'avaient pas manqué : la suppression des néonicotinoïdes pouvait conduire certaines filières dans des impasses, ce qui s'est avéré pour les betteraves sucrières.
Le Gouvernement a donc proposé des mesures que nous avons adoptées en première lecture et qui ont été validées par la CMP. Je me réjouis de l'accord ainsi trouvé avec les sénateurs qui fournit à la seule filière de la betterave sucrière une solution très encadrée, qui va lui permettre d'engager les travaux de transition nécessaires pour l'avenir.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que cette CMP aille à son terme, ce qu'attend toute la filière pour se mettre rapidement au travail avec les instituts techniques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Certains des textes que nous examinons dans cette Assemblée ont vocation à inscrire dans la loi un certain nombre de grands principes, ainsi la loi sur l'interdiction des néonicotinoïdes ; d'autres, à l'inverse, se focalisent sur une infinité de cas particuliers, au point de ressembler à des inventaires à la Prévert. Je me souviens d'un texte récent qui mentionnait aussi bien le miel que la clairette de Die…
Or l'équilibre se trouve à mi-chemin. Les grands principes doivent pouvoir être mis en pratique. C'est tout l'objet de ce projet de loi qui entend répondre aux difficultés insurmontables rencontrées par les betteraviers pour qui l'interdiction des néonicotinoïdes a sans doute été trop prématurée.
Il témoigne donc du sens des responsabilités du Gouvernement et de celui de nos deux assemblées qui ont travaillé sur le projet de loi. Notre groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue le travail de la CMP et s'opposera donc à cette motion de rejet préalable.
Pour autant, au milieu des voix dissonantes, nous appelons votre attention sur certains points. Tout d'abord, trois ans, c'est très court, il va donc falloir agir très vite et ne pas laisser croire à la filière qu'elle pourra, à la fin de ce délai, réclamer une nouvelle dérogation.
Ensuite, il me semble qu'au-delà de la filière betterave, la vraie question est plutôt celle des pollinisateurs et des abeilles, et de la pauvreté écologique de nos plaines céréalières. J'espère que la future PAC – politique agricole commune – nous permettra de lui apporter quelques réponses.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je crois, monsieur Potier, que vous souhaitez nous donner une explication de vote sur votre propre motion de rejet…
Sourires.
Ce qui arrive à la filière betteravière n'est pas une fatalité ; c'était prévisible et, en vérité, les responsabilités sont à la fois publiques et privées. Je tenais à le dire, ce qui n'empêche pas aujourd'hui d'accompagner la filière et de trouver des solutions.
Je récuse ensuite l'idée qu'il n'y ait pas d'alternative. Nous démontrerons que d'autres voies existent, qui passent par un partage de valeurs et le financement des pertes.
Enfin, vous créez un conseil de surveillance, alors même qu'en 2017, vous avez décidé de mettre à l'écart les parlementaires qui participaient au conseil de surveillance du plan Écophyto, lequel ne s'est d'ailleurs quasiment pas réuni depuis cette date. À quoi bon créer des comités par molécule et par culture, alors même que le dispositif de pilotage global de la prévention et des solutions agronomiques a été abandonné par votre majorité ? C'est un problème de gouvernance, tout aussi important que le reste.
Je m'étonne de la tonalité de cette prétendue motion de rejet. Il s'agissait davantage d'un tour d'horizon des travaux de l'Assemblée nationale sur la mise en oeuvre de la directive européenne sur les produits phytopharmaceutiques, qui prévoit que chaque État membre présente un plan pour réduire sa dépendance aux pesticides. Elle prévoit également qu'en cas d'urgence sanitaire, les États membres peuvent décider de dérogations, ce qui est exactement le sujet du projet de loi.
La situation devrait donc vous satisfaire, monsieur Potier, vous qui êtes très attentif à l'articulation entre nos textes et les textes européens. Nous rétablissons ici une possibilité de dérogation mais a minima, uniquement pour les betteraves sucrières.
De même, vous êtes, comme moi, attaché à la biodiversité et à l'agroécologie, et vous savez que, pour qu'elles progressent et que l'agriculture fasse sa transition écologique, nous avons besoin de toutes les énergies, sur le terrain, dans les fermes et dans les centres d'études techniques agricoles – CETA.
Or le rejet de ce texte serait vécu comme une mesure punitive par les 25 000 agriculteurs engagés dans la filière betteraves. Permettez-moi de terminer sur une pique : je m'étonne qu'un membre du groupe socialiste soit sourd à ces 25 000 agriculteurs et aux 41 000 salariés de la filière.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Agir ens et Dem.
L'urgence de la situation me conduit à m'opposer à la motion de rejet préalable. Cela étant, je ne vous suis pas, monsieur le ministre, sur la voie que vous avez choisie pour autoriser les agriculteurs à réutiliser des néonicotinoïdes dans les trois prochaines années.
J'aurais préféré que le Parlement puisse vous autoriser à signer un arrêté, une première fois, une deuxième fois, voire une troisième. En effet, c'est à nous, députés, qu'il appartiendra, dans nos circonscriptions, de rendre des comptes non seulement aux agriculteurs mais également à tous les protecteurs de l'environnement et, plus particulièrement, aux apiculteurs.
L'interdiction des néonicotinoïdes a été prise voilà quatre ans et, si nous voulons faire évoluer les pratiques, le Parlement doit vous mettre la pression, monsieur le ministre, et la mettre surtout à l'industrie de la betterave et notamment à l'Institut technique de la betterave – ITB. Je n'en veux ni aux producteurs ni aux agriculteurs qui organiseront la filière dans les conditions qu'on leur demande ou qui se tourneront vers d'autres cultures, mais notre responsabilité est de vous mettre la pression.
Nous avons pris note de vos arguments en défense de cette loi régressive, qui réintroduit les néonicotinoïdes dans la culture de la betterave : vous craignez des destructions d'emploi et un effondrement de la filière, vous savez sans doute raison ; vous redoutez l'utilisation de substituts plus nocifs que les néonics, vous avez sans doute raison ; vous estimez que l'impact sur les pollinisateurs serait limité, ce n'est pas certain ; vous avancez que l'interdiction de plantations attractives pour les abeilles à proximité de ces champs suffirait à limiter l'impact sur ces dernières, ce n'est pas certain non plus.
Au sein du groupe Libertés et territoires, des députés partagent des inquiétudes. Pour ma part, comme la majorité du groupe, j'estime que les risques liés à l'utilisation de ces substances sont trop importants et justifient que nous maintenions une interdiction totale ; la protection des pollinisateurs et des abeilles doit en effet être absolue.
Nous redoutons qu'avec cette exception, on ouvre la boîte de Pandore d'où surgiront d'autres dérogations analogues – certaines filières en ont déjà fait la demande.
La loi d'août 2016 a inscrit le principe de non-régression en tête du code de l'environnement, nous engageant ce faisant dans une dynamique de progrès.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes progressiste en matière d'environnement mais, avec ce projet de loi, ce n'est pas le cas.
La France va perdre sa place de leader dans le match de l'écologie de terrain. Or, élu dans une circonscription située en Médoc, je souhaite que nous restions leader sur ces sujets. C'est pourquoi je préférerais – mais ce n'est pas permis par la Constitution – que ce type de mesures fasse l'objet de lois de région plutôt que de polluer le Parlement.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe Libertés et territoires votera la motion de rejet préalable.
En 2017, les quotas de production de sucre et le prix minimal réglementaire de la betterave ont été abandonnés. Cela a notamment eu pour conséquence l'explosion de la production des grands pays sucriers et l'effondrement des cours mondiaux.
Pour sauver la filière, la solution réside principalement dans le retour aux quotas, la mise en place de prix planchers et la sortie des logiques de surproduction, certainement pas dans la réintroduction des pesticides, sous prétexte de la présence d'un puceron.
Nous savons toutes et tous que les néonicotinoïdes n'entraînent rien de moins que la pollution des sols et des eaux, et les études scientifiques ont démontré leur responsabilité dans l'immense hécatombe de toutes sortes d'être vivants.
L'utilisation de semences enrobées ne règle en rien le problème. En effet, seuls 2 à 20 % de la matière active sont réellement absorbés par la plante ; les 80 % restants se répandent tranquillement dans l'environnement et sont responsables d'une pollution insidieuse, puisque invisible, et extrêmement destructrice.
Nous avons largement démontré ces faits lors des débats, et personne ici ne peut les ignorer.
Lundi soir, le Sénat avait rejeté l'article 1er de ce texte,
Protestation du rapporteur et du président de la commission mixte paritaire
avant, malheureusement, de revoter à la demande du Gouvernement, preuve que la réintroduction de semences et de pesticides pollueurs et tueurs de biodiversité ne va pas de soi.
En 2016, l'actuelle ministre de la transition écologique était en pointe dans la dénonciation de la dangerosité des néonicotinoïdes ; en 2020, elle était bizarrement absente de l'ensemble des débats sur le sujet.
C'est volontairement que le secteur ne s'est pas préparé à cultiver sans néonicotinoïdes : les députés n'ont pas à couvrir ce choix délibéré, accompagné d'un chantage insupportable que l'on peut rapidement résumer par « soit vous autorisez les pesticides, soit la filière disparaît et avec elle des milliers d'emplois ».
Je considère, en pleine conscience, que, dans l'intérêt général pour lequel nous avons été élu, nous devons toutes et tous voter la motion de rejet de notre collègue.
Applaudissement sur les bancs du groupe FI. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Je vais essayer de vous expliquer les raisons pour lesquelles notre groupe votera la motion de rejet préalable pour censurer ce texte.
Dans l'appréciation de ce projet de loi, nous pouvons tous faire preuve d'humilité. Des certitudes sont affichées, mais nous savons très bien ce qui se passe. Nous-mêmes, en votant contre ce texte, nous connaissons la réalité qu'affrontent les producteurs dans les territoires. Depuis l'an dernier, 5 000 hectares de culture de betterave sucrière ont disparu dans le département de Jean-Paul Dufrègne et dans le mien, parce que Cristal Union a abandonné les producteurs ; fort heureusement, la coopérative Limagrain a pris le relais pour essayer d'autres cultures que la betterave sucrière.
Nous connaissons les difficultés des producteurs et nous ne nions pas l'existence d'un véritable problème économique. Des députés de notre groupe côtoient, dans leur département, des producteurs confrontés à ces difficultés. Pour autant, même si ce n'est pas facile, nous choisissons de nous opposer à ce texte, parce que nous pensons que certaines de ses dispositions portent de graves coups à l'environnement.
Le projet de loi a une dimension extrêmement symbolique, car il répond à une réelle urgence économique et à une grande souffrance sociale chez les producteurs par un retour sur des avancées environnementales. En outre, il ne prend pas en compte les véritables problèmes : avez-vous analysé la stratégie des trois grands groupes sucriers, Tereos, Cristal Union et l'allemand Südzucker ? Nous sommes-nous posé la question de l'impact économique, territoire par territoire, en fonction des pratiques et des pertes de rendement constatées ? Le déploiement d'outils et de moyens de compensation économique a-t-il été étudié, afin d'éviter cette dérive catastrophique pour l'environnement ? J'aurai l'occasion d'y revenir, avec humilité encore une fois, dans la discussion générale. Vous comprenez les raisons de notre vote favorable à la motion de rejet préalable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 28
Contre 98
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Nous en venons à la discussion générale. Le temps de parole est de cinq minutes pour chaque orateur.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau.
La commission mixte paritaire s'est réunie hier matin pour trouver un accord sur la version du texte relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Celle-ci a été conclusive, ce dont nous pouvons nous féliciter. Cela témoigne du consensus des parlementaires sur l'importance que revêtent ce projet de loi et cette dérogation pour la filière betteravière sucrière. Cela montre l'importance d'agir pour sauver la filière et de prendre des mesures pour la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire nationale.
Le choix que nous avions fait dans cet hémicycle le 7 octobre dernier sur l'autorisation de dérogations répondait à deux impératifs : la préservation de notre souveraineté alimentaire, la transition agroécologique nécessaire et impérative.
Non, il ne s'agit pas d'une réintroduction des néonicotinoïdes ! Pour rappel, 90 % des usages préalables resteront interdits. Non, il ne s'agit pas non plus d'une porte ouverte vers davantage de dérogations, puisque le texte les circonscrit aux seules betteraves sucrières.
L'esprit du texte que nous avions défendu ici il y a quelques semaines a été préservé, ce dont nous pouvons nous réjouir. Comme dans la version votée par l'Assemblée, les dérogations d'utilisation de produits phytopharmaceutiques ne seront possibles que sur décision commune des ministères de l'agriculture et de la transition écologique. Le comité d'évaluation des avancées de la filière a, lui aussi, été conservé. Comme nous l'avons voté ici, la dérogation sera circonscrite à la seule betterave sucrière, sans aucune autre dérogation possible, et limitée dans le temps, jusqu'en 2023. Seul l'enrobage des semences sera possible, à l'exclusion de toute pulvérisation. Le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs seront temporairement interdits après l'emploi de ces semences.
Ces derniers jours, nous avons entendu des propos minimisant l'impact de la jaunisse sur les cultures betteravières et prenant avec légèreté la perte des exploitants. Qui peut se réjouir, ou du moins s'estimer « rassuré », de la perte de « seulement 10 % à 20 % » des rendements ? Comment pouvons-nous décider de rester immobiles face à la détresse d'une filière ? Ce que nous ne produirons plus, nous l'importerons ! Est-ce vraiment cela que nous voulons ?
Au moment où la France se reconfine, la préservation de nos richesses et de nos champions nationaux est essentielle. Au 20 octobre dernier, à titre d'exemple et selon les chiffres issus du délégué interministériel de la filière betterave-sucre-alcool, certaines pertes pouvaient atteindre de 70 % à 80 %. J'entends déjà les voix de ceux qui contesteraient ces chiffres : certes, la situation n'est pas homogène dans l'ensemble du territoire, mais devons-nous prendre la question du côté du « moins grave » ? À titre d'exemple, en Seine-et-Marne, l'écart de production la moyenne des cinq dernières années et 2020 traduit une perte de 62 % pour les parcelles non irriguées et de 37 % pour les parcelles irriguées.
Afin de préserver nos producteurs des pays extérieurs à l'Union européenne et des normes qui y sont applicables, la commission mixte paritaire a conservé l'article proposé par le Sénat habilitant le pouvoir exécutif à suspendre ou à fixer des conditions particulières à l'introduction, l'importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou de produits agricoles contenant des substances interdites sur notre sol. Cet article se situe dans la droite ligne de ce que j'avais fait voter, en tant que rapporteur, à l'article 44 de la loi du 30 octobre 2018 dite ÉGALIM. Cet article interdit l'importation, la circulation et la vente des produits qui ne respectent pas nos normes de production. Nos concitoyens, qui sont aussi des consommateurs, ont des exigences nouvelles vis-à-vis des agriculteurs et des produits qu'ils souhaitent consommer.
Les agriculteurs utilisent les produits phytosanitaires non par plaisir, mais pour protéger leurs productions, dont le coût doit leur permettre de faire face à la concurrence. Si l'on impose de nouvelles normes aux agriculteurs, il ne peut y avoir de concurrence libre et non faussée sans interdiction de la commercialisation de produits qui ne respectent pas scrupuleusement ces normes. C'est d'ailleurs ce que nous allons proposer prochainement dans une proposition de résolution européenne, travaillée au sein de la majorité et avec des députes du groupe Les Républicains, notamment Julien Dive et Fabrice Brun. Il faut que l'article 44 s'applique réellement au niveau européen et devienne la règle incontournable de l'ensemble de nos négociations commerciales internationales, grâce aux contrôles très stricts qui seront mis en place. Cette garantie est essentielle pour les agriculteurs. Il faut harmoniser nos normes de production à l'échelle européenne : le récent accord que vous avez obtenu, monsieur le ministre, dans la négociation de la politique agricole commune s'inscrit tout à fait dans cette exigence.
C'est pour assurer la nécessaire préservation de notre souveraineté agricole et alimentaire, et pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique sans en rester au stade de l'incantation qui ne mène nulle part, que le groupe La République en marche votera ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous nous apprêtons à nous prononcer sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, grâce au succès de la commission mixte paritaire, qui a abouti à un accord entre les deux chambres. J'en profite pour remercier mon collègue Julien Dive pour son remarquable travail sur le sujet.
Certes, les concessions sont toujours trop nombreuses et trop importantes pour celui qui en fait, mais j'estime que cet accord est bon, car il est raisonnable et exigeant.
Raisonnable, car il rappelle à tous que, pour assurer une transition agroécologique, il ne faut pas oublier le mot « transition ». Aujourd'hui, les surfaces betteravières françaises ne représentent que 2 % des surfaces agricoles cultivées, ce qui implique que le projet de loi ne signera pas le retour général des néonicotinoïdes dans notre pays. C'est un fait. Que ce soit clair, nous sommes tous ici d'accord pour mettre fin à l'utilisation des NNI. Nous avons entendu cette demande forte des Français.
Toutefois, mettre fin du jour au lendemain à l'utilisation d'un produit dont tout un pan de la filière betteravière dépend me semble dangereux. Les agriculteurs, qui en ont fait l'amère expérience cette année à la suite de la décision politique prise en 2016, le savent. L'écologie de défiance, qui vise à tout interdire sans se soucier des répercussions directes dans les territoires, n'est pas celle que le groupe Les Républicains entend défendre. Nous lui préférons l'écologie de la confiance avec les professionnels concernés. Cela est nécessaire, car le traumatisme de la jaunisse ne doit pas conduire nos agriculteurs à cesser cette culture.
Oui, la perte de rendement n'est pas homogène dans le territoire français. Elle se situe entre 15 % et 20 % si l'on inclut les zones non touchées et atteint jusqu'à 60 % dans certains territoires franciliens, tant dans les parcelles conventionnelles que dans les parcelles biologiques. Le risque est grand, car plus de 45 000 emplois directs, hors planteurs, sont menacés. Je pense à la sucrerie indépendante Ouvré de Souppes-sur-Loing, à celle de Nangis et à tant d'autres en France. Ne pas entendre la détresse actuelle du monde paysan reviendrait à signer l'un des plus grands plans sociaux de l'agriculture.
Ne nous y trompons pas : accuser les agriculteurs, déjà en grande difficulté économique et sociale, de détruire sciemment la biodiversité, n'est en rien reconnaître le monde agricole. Parce que leur métier est également leur passion, les agriculteurs sont les premiers concernés par la préservation de la biodiversité dans les territoires. Malheureusement, le temps politique passe plus vite que celui dont disposent les professionnels pour préparer les sols et récolter leur dû : je le déplore. J'avais eu l'occasion de le dire durant les débats : ceux qui nous nourrissent sont en train de mourir.
Monsieur le ministre, je profite de cette tribune pour vous alerter sur les risques sociaux auxquels feront face les agriculteurs dans les prochains mois. L'omerta autour du milieu agricole reste trop importante lorsqu'il s'agit de faire face aux difficultés de trésorerie. Nous devons être vigilants afin de déceler rapidement les situations qui pourraient devenir dramatiques.
Face à l'agribashing permanent, la solution trouvée dans le projet de loi montre l'exigence à laquelle la représentation nationale soumet la filière. En effet, il n'est pas question de lui donner un blanc-seing : la transition s'achèvera en 2023.
Nous attendons une accélération puissante et déterminée de la recherche et du développement d'alternatives, de manière à offrir à la filière betteravière des armes pour mener sa transition. Tout doit être fait pour éviter que nous n'importions du sucre produit on ne sait où et sans respect des normes environnementales que l'on demande aux agriculteurs français de respecter. La pression est aujourd'hui sur les épaules des semenciers : il ne tient qu'à eux et à eux seuls d'accentuer leurs efforts pour maintenir la filière sucrière française parmi les plus performantes d'Europe.
Exigeant, le projet de loi instaure un conseil de surveillance, chargé de donner un avis sur les possibles dérogations. Celles-ci seront effectives au plus tard en décembre, pour laisser le temps aux industriels de produire les semences nécessaires aux semis de masse. Elles seront accordées sous conditions strictes et dans un délai court. Vous pouvez compter sur notre vigilance : nous suivrons attentivement les avancées à ce sujet.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.
M. le rapporteur et M. le président de la CMP applaudissent.
À mon tour, je tiens à saluer le travail important qui a été accompli, malgré les délais très contraints dont nous disposions, pour enrichir le projet de loi et trouver un accord avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire. Je me félicite que l'Assemblée et le Sénat se soient rapidement accordés sur un texte commun, preuve, s'il en fallait une, que le sujet rapproche plus qu'il n'oppose.
Au vu de l'urgence, les divergences partisanes ont été dépassées. C'est un bon signe pour l'agriculture, même si – je le répète – personne ici n'est favorable aux néonicotinoïdes. Nous sommes tous sensibles à l'effondrement des colonies d'abeilles, ainsi qu'aux effets désastreux de ces produits sur l'eau, les sols et la santé humaine. Mais j'aurais souhaité que nous soyons également tous sensibles au risque de disparition de la filière betteravière, à la situation d'impasse dans laquelle se trouvent les betteraviers en raison d'une décision politique qu'ils n'ont pas prise et au risque de substitution du sucre français par du sucre produit à l'étranger dans des conditions environnementales et sanitaires moins-disantes.
C'est pour ces raisons précises que nous demandons de prolonger pour trois ans une dérogation, permise par le droit européen et qui a récemment pris fin pour la France. C'est le choix le plus responsable dans la situation actuelle : parce que cette décision est assortie de garanties visant à limiter au maximum son impact sur la biodiversité, parce que nous considérons que substituer à du sucre produit en France du sucre produit en Europe avec des produits plus toxiques est un non-sens écologique, parce qu'on pourra ainsi mettre fin à une pratique encore plus catastrophique pour la biodiversité, l'utilisation des pyréthrinoïdes, ces insecticides qui détruisent tous les insectes présents au moment de la pulvérisation – notamment les coccinelles.
Mes chers collègues, je sais que vous préféreriez en rester à l'interdiction décidée en 2016. Mais réjouissons-nous d'ores et déjà que notre pays ait interdit 95 % des usages des néonicotinoïdes en quatre ans, ce qu'aucun autre pays européen n'a fait !
M. Frédéric Descrozaille et M. Éric Alauzet applaudissent.
Réjouissons-nous du rôle pionner de la France en la matière depuis 2016 ! D'autant que, comme nous ne cessons de le rappeler depuis plusieurs semaines, il ne s'agit que d'une solution de court terme. À long terme, nous demandons au Gouvernement de valoriser, partout où c'est possible, l'agroécologie. Le véritable problème est la pauvreté écologique des plaines céréalières. À certaines périodes de l'année, les abeilles sauvages et domestiques n'ont plus de nourriture, car les cultures ne sont pas assez diversifiées. Pour les abeilles domestiques, cela va encore grâce aux transhumances, mais imaginez pour les abeilles sauvages !
Ce à quoi nous devons travailler avec le Gouvernement, quel que soit le groupe auquel nous appartenions, c'est à définir des solutions pour alimenter les abeilles, car en les alimentant, on alimente de nombreux autres insectes et on restaure toute la biodiversité. Le groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés propose depuis toujours l'implantation de haies bocagères et de bandes enherbées : ce sont des réservoirs de biodiversité, notamment de prédateurs de pucerons, mais également de fleurs variées pour les abeilles. Il y a bien d'autres solutions, comme un soutien renforcé à la filière apicole.
Sur l'ensemble de ces sujets, nous avons une fenêtre d'opportunité avec la réforme en cours de la PAC. À ce titre, je vous remercie, monsieur le ministre, pour les travaux que vous avez effectués au sein de l'Union européenne. Nous avançons sur la dimension environnementale de l'agriculture, et c'est à vous qu'on le doit. Il faut travailler sur la diversité des campagnes, sur la diversité des ressources mellifères pour les abeilles, sur la valorisation de la biodiversité, d'autant que lorsqu'une abeille n'a rien à manger, elle est beaucoup plus sensible aux traitements et aux parasites.
Voyons donc ces trois années supplémentaires comme trois années pour faire évoluer les pratiques d'une filière entière, mais également comme l'occasion d'engager les agriculteurs dans de nouveaux types de cultures.
Vous l'aurez compris, le groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés votera le projet de loi, parce que nous refusons l'opposition caricaturale entre gentils défenseurs de l'environnement et méchants agriculteurs pollueurs, parce que nous essayons depuis toujours de favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle et parce que nous sommes favorables à l'évolution des pratiques agricoles, qui, chers collègues de l'opposition, est plus à l'oeuvre que vous ne le pensez !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ce matin, nous avons entamé les débats en soulignant que cette journée particulière demandait un peu de profondeur et de hauteur de vue. J'avoue être un peu blessé par des oppositions binaires entre écologie et production, écologie et économie. Nous pourrions éviter ce genre de procès, particulièrement aujourd'hui.
Cher Antoine Herth, nous venons de la même région ; nous avons usé nos fonds de culotte sur les bancs du même lycée agricole. Comment pouvez-vous imaginer une seconde que je ne sois pas habité, autant que vous, par le sort des 25 000 planteurs de betteraves et des 15 000 ouvriers du transport et des industries sucrières ? Comment pouvez-vous l'imaginer, monsieur le président de la CMP ? Ne rabaissons pas le débat politique s'il vous plaît : nous n'en sommes pas là. M. Bruno Millienne l'a dit, il n'y a pas les bons et les méchants : il y a des voies différentes.
Permettez que dans le respect de chacun des travailleurs de la terre, dans le respect de notre intérêt commun – notre capital vie qu'est la biodiversité – , nous ayons un débat au lieu de nous lancer des anathèmes. Écoutons ce que les uns et les autres ont à se dire.
Écoutez-moi, pendant les trois minutes que j'ai pour vous convaincre ; écoutez-moi vous dire qu'il existe un plan B pour la betterave, lequel ne passe pas par la réintroduction des néonicotinoïdes. C'est l'occasion d'une transition vers des mentions valorisantes sur le plan commercial, qui nous distinguent dans le marché mondial du sucre. Cela peut être l'occasion d'organiser cette filière selon trois niveaux de solidarité : une solidarité horizontale d'abord, grâce à la création d'une organisation de producteurs – il n'en n'existe pas aujourd'hui – dans les principales régions productrices, avec une contribution volontaire obligatoire – CVO – et la mobilisation du FNGRA – Fonds national de gestion des risques en agriculture – et du FMSE – Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental. Sans entrer dans les détails, nous avions toutes les mécaniques nécessaires et tout le loisir d'organiser une solidarité horizontale entre les producteurs, qui ne souffrent pas tous de la même manière ni au même moment.
Nous avions surtout l'opportunité extraordinaire de recréer une solidarité verticale dans la filière. Faut-il rappeler les chiffres ? L'industrie agroalimentaire est la grande bénéficiaire de l'effondrement des cours du sucre après le mouvement de libéralisation. Prenons un seul exemple, celui des sodas ; les industriels du secteur ont acheté leur sucre quand le prix de la betterave est passé de 40 à 20 euros par tonne et celui du sucre de 600 à 300 euros par tonne. Sur 2 millions de tonnes, cela représente un gain de 600 millions d'euros.
En en récupérant simplement la moitié, pendant un, deux ou trois ans, grâce à une taxe exceptionnelle, nous aurions eu de quoi financer les pertes estimées à 100 millions pour les producteurs, 100 millions pour l'industrie agroalimentaire et autant pour l'ensemble des parties prenantes. Nous avions estimé à 300 millions les pertes dans les années noires ; nous pouvions les financer uniquement avec la moitié de la plus-value de l'industrie agroalimentaire.
Lorsqu'on dit cela, est-ce qu'on méprise les travailleurs de la terre et l'économie de la filière ? Monsieur le ministre, allez-vous plaider pour que le sucre soit inscrit dans la réforme de l'organisation commune des marchés, qui nous permet de nous protéger des vents mauvais du libéralisme mondial et du moins-disant ? Admettez-vous qu'avec 300 millions issus d'une taxe exceptionnelle dans la filière, une CVO, une organisation de producteurs et une réforme de l'OCM – organisation commune du marché – , nous avons largement les moyens d'engager la réforme agroécologique que nous connaissons et que nous partageons ?
C'est la passion qui parle. Si nous avions le temps, nous pourrions parler d'écologie chimique, de génie végétal, d'aphicides de nouvelle génération, etc. Nous pourrions parler surtout de mosaïques paysagères, bref, de tous les instruments systémiques qui permettent à la betterave, comme à d'autres cultures, d'entrer dans le XXIe siècle et sur les marchés du futur, et de faire prospérer les valeurs et les normes sociales et environnementales de la France et de l'Europe.
Il y avait un plan B, nous y avons travaillé. Vous ne pouvez pas le mépriser et l'écarter d'un revers de main.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
C'est dans un contexte très particulier que nous achevons l'examen de ce texte, issu de l'accord trouvé par la commission mixte paritaire. Il permettra d'autoriser des dérogations à l'usage des néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières.
Face aux très nombreux courriels qui ont envahi nos messageries, contenant trop de contre-vérités, je veux redire les choses clairement : oui, ce texte réautorise l'utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semence pour la betterave sucrière durant les trois prochaines années. Oui, les néonicotinoïdes ne seront réautorisés que pour la betterave sucrière.
Pas sur le maïs ni les arbres fruitiers, mais uniquement pour la culture de la betterave sucrière et uniquement en enrobage de semence. Nous nous en félicitons.
Non, nous ne mettons absolument pas en danger la santé des consommateurs : il est absolument faux que le sucre alimentaire contiendrait des néonicotinoïdes ! Non, le sacrifice de notre filière sucrière n'amènera pas les Français à cesser de consommer du sucre. Et non, en permettant cette dérogation, ni les parlementaires ni le ministre ne deviennent des tueurs en série d'abeilles et d'insectes pollinisateurs. Au reste, aucun d'entre nous ne remet en cause la dangerosité des néonicotinoïdes pour la biodiversité.
C'est d'ailleurs bien pour cela que la dérogation ne concerne qu'une seule filière, celle d'une plante non mellifère. Mais pour les députés du groupe Agir ensemble, une chose est claire : notre rôle ne consistera jamais à mettre une filière économique, quelle qu'elle soit, dans une impasse technique ; il devra toujours être de fixer des limites, tout en instaurant l'accompagnement nécessaire. Et c'est exactement ce que nous faisons ici : nous donnons une solution à court terme pour répondre à l'impasse technique dans laquelle se trouvent les betteraviers, avec des engagements réciproques forts.
Et puis, soyons honnêtes, quelles seraient les conséquences du maintien de l'interdiction des néonicotinoïdes pour la betterave sucrière ? Une propagation du virus de la jaunisse dans les champs, des planteurs qui se tournent vers une autre production, une chute vertigineuse de production. Tout simplement, nous laisserions le marché mondial du sucre à d'autres producteurs. Lesquels ? Nos voisins européens, qui maintiennent cette dérogation pour la betterave, ou pire, l'Inde ou l'Amérique du Sud. Ai-je besoin d'expliquer combien leurs méthodes de production et leur utilisation des produits phytosanitaires sont totalement déraisonnables et nettement plus néfastes pour l'environnement et la planète ? On ne peut pas faire de l'écologie et de la préservation de la biodiversité en étant aveugle à ce qui se passe dans le monde !
Quelles seraient les autres conséquences ? La fermeture des sucreries, la disparition de milliers d'emplois dans les territoires ruraux, une chute brutale de production de biocarburants, la mise en péril de la filière luzerne pourtant si bénéfique à l'environnement et à la biodiversité. L'impact environnemental serait finalement bien plus néfaste ! Nous devons mener les combats pour l'écologie et la préservation de la biodiversité et de la ressource en eau de façon intelligente. Mais surtout, ces combats, nous devons les mener avec les agriculteurs et certainement pas contre eux.
Je le constate chaque jour dans mon département de la Marne : les agriculteurs innovent et s'engagent pour améliorer leurs pratiques et préserver la biodiversité.
Sans biodiversité, il n'y a plus d'agriculture. Or celle-ci est bien une solution aux défis climatiques, environnementaux, énergétiques et alimentaires qui émergent. Preuve en est, les agriculteurs tiennent et nous permettent de tenir face à la crise majeure que nous traversons ; nous leur devons tant.
Avant de conclure, je tiens à saluer le travail du rapporteur ainsi que celui de la CMP, qui a permis d'aboutir à une définition précise et claire du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche, et du développement d'alternatives aux néonicotinoïdes. Grâce à ce conseil, nous bénéficierons d'un suivi et d'une évaluation trimestriels de la situation, et connaîtrons l'état d'avancement du plan de prévention proposé par la filière concernée.
Je vous remercie à nouveau, monsieur le ministre, d'avoir pris des décisions courageuses pour les betteraviers. Avec ce texte, la filière peut préparer l'avenir et reprendre espoir, en envisageant plus sereinement l'avenir et en préparant les semis pour le prochain printemps. Le groupe Agir ensemble s'en félicite et votera majoritairement ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, vous avez trouvé à l'Assemblée une majorité pour voter la disposition que vous proposez, permettant au Gouvernement de déroger pour trois ans à l'interdiction d'utiliser les néonicotinoïdes ; vous avez aussi trouvé cette majorité au Sénat, de manière assez aisée. C'est ce qui explique qu'en commission mixte paritaire, députés et sénateurs soient arrivés à un accord.
Je confesse humblement vous faire confiance, monsieur le ministre, comme vous le savez. J'apprécie votre compétence ; vous êtes à votre place au ministère de l'agriculture.
Il n'y a pas d'un côté les défenseurs de l'environnement et de l'autre ceux qui seraient insensibles à la question. Cependant, que voulez-vous, avec les années je me range parmi les députés qui ont quelques principes.
Comme je l'ai exprimé dans mon explication de vote sur la motion de rejet déposée par M. Potier au nom du groupe Socialistes et apparentés, je suis gêné par la méthode. J'ai été échaudé par le dossier du glyphosate. Notre cher Président de la République, qui fait ce qu'il peut, a décrété qu'en 2021, le glyphosate serait fini. Je l'ai soutenu, et j'ai soutenu le ministre de l'agriculture et de l'alimentation de l'époque, Stéphane Travert, dans le projet d'emprunter le chemin qui devait mener à l'interdiction de l'utilisation du glyphosate en 2021.
C'est très difficile et ça ne se décrète pas comme ça, d'un claquement de doigts. Malgré tout, sur le terrain, c'est nous qui devons rendre compte de nos votes. Vous demandez aux députés et aux sénateurs d'autoriser le Gouvernement à déroger à l'interdiction par voie d'arrêté. Je comprends que l'industrie de la betterave sucrière et les agriculteurs se trouvent dans une impasse. Cependant, j'aurais souhaité que la décision revienne aux parlementaires.
Après avoir pris connaissance, via le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, des différents travaux réalisés par l'institut technique de la betterave, par les industriels et par les professionnels de la filière en général, nous aurions décidé chaque année, en 2020, en 2021, peut-être en 2022 et si nécessaire en 2023, d'autoriser à déroger un an de plus à l'interdiction de faire usage de ces produits. En effet, reconnaissons-le, ils sont nocifs, même s'il s'agit de graines enrobées, et même si la betterave ne fleurit que tous les deux ans.
Pourquoi fais-je état de ces interrogations ? Certaines objections n'ont pas été levées, en particulier concernant la rémanence, c'est-à-dire la persistance de résidus de néonicotinoïdes dans le sol, susceptibles d'affecter les cultures postérieures aux betteraves sucrières, et la persistance de traces dans les eaux souterraines. Lorsqu'on est sensible à l'environnement, ce qui est le cas de 99,99 % des députés qui sont ici, on pense naturellement à l'apiculture, qui offre un indicateur de bonne santé de la biodiversité. Je fais référence aux abeilles domestiques, parce qu'on prête moins attention aux abeilles sauvages, qui sont solitaires. Les apiculteurs élèvent des abeilles pour produire du miel ; ils nous expliquent que les néonicotinoïdes sont 7 000 fois plus dangereux que le DDT – dichlorodiphényltrichloroéthane – , que chaque année la mortalité des abeilles atteint 30 % et que la production de miel a été divisée par deux en vingt-cinq ans.
Le miel proposé aux consommateurs français est importé à 80 %, d'Asie et d'Europe de l'est.
Il y a trois ou quatre semaines, je l'ai qualifié d'un mot pas très joli dans l'hémicycle, pour insister sur sa mauvaise qualité – je continue de le penser.
On constate une mortalité de 300 000 ruches par an. Monsieur le ministre, parce que vous êtes ingénieur agronome, que vous êtes quelqu'un d'intelligent, nous vous faisons confiance : je souhaite que vous travailliez aussi sur la filière apicole pour élaborer un plan vigoureux de soutien aux apiculteurs – il y a urgence.
Cet après-midi, nous sommes deux représentants du groupe UDI et indépendants. Je voterai contre le texte, mais je crois savoir que le député Grégory Labille votera à vos côtés pour autoriser le Gouvernement à déroger à l'interdiction. Il est nouveau, il pense que c'est bien que les députés soutiennent le Gouvernement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. le ministre sourit.
Treize ans d'expérience parlementaire me conduisent à penser qu'il faut être plus exigeant que cela avec le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Il va être difficile de faire aussi bien que monsieur Benoît !
Je suis fils d'apiculteur : la déontologue de cette institution dira peut-être que je suis en conflit d'intérêts sur le sujet. J'aime les abeilles et ce qu'elles produisent ; dans ma famille, nous prenons soin des abeilles. Tout est dit, je pourrais m'arrêter là et repartir dans ma circonscription du Médoc, mais j'ai trop de respect pour nos débats démocratiques et pour la biodiversité pour en rester là.
Je ne comprends pas que notre assemblée propose de revenir sur une avancée majeure du précédent quinquennat, je dirais même sur un des progrès fondamentaux de ces cinq dernières années en matière d'agroécologie.
La non-régression est un principe juridique, inscrit en tête du code de l'environnement. En réintroduisant l'autorisation d'utilisation des néonicotinoïdes, et donc des produits phytopharmaceutiques, le Gouvernement viole ce principe. Du point de vue du législateur, ce n'est pas acceptable.
Finalement, de quoi nous est-il demandé de débattre ? Sans aucun doute, du vivant. Qu'est-ce que le vivant ? Qu'est-ce que la vie ? Nous décidons de la protéger ou bien de la détruire, mais pourquoi ferions-nous cela ? Il est établi par plus de 1 000 études scientifiques que les néonicotinoïdes empoisonnent durablement ; il est prouvé qu'ils sont présents dans les eaux de ruissellement et qu'ils polluent nos nappes phréatiques ; il est démontré qu'ils ont des conséquences graves sur la faune, en multipliant par six la mortalité des colonies d'abeilles, en décimant les populations de pollinisateurs et en étant nuisibles aux oiseaux granivores. Mes chers collègues, je n'ai aucun doute que voter pour la réintroduction, c'est voter contre le vivant.
Qu'est-ce que le vivant ? C'est vous, c'est moi, vos parents, vos enfants, vos petits-enfants, c'est l'air que nous respirons – même si c'est parfois difficile avec un masque – , l'eau que nous buvons, la nourriture que nous mangeons. Vous voteriez donc contre votre famille, ou contre vous-mêmes.
En 2016, lors de l'examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, interdisant l'usage des néonicotinoïdes, à l'époque secrétaire d'État chargée de la biodiversité, Barbara Pompili, avait bien dit que « la biodiversité est essentielle non seulement à notre qualité de vie, mais désormais, tout simplement, à la survie même de l'humanité. » Je crois qu'elle avait raison : sa phrase sonne toujours très juste. J'imagine qu'aujourd'hui elle ne se sentirait pas trahie que nous la citions ici.
Ensuite se pose la question de savoir pourquoi, en responsabilité, prendre de telles décisions dont les conséquences, nous le savons, seront nuisibles au vivant, et pour longtemps. J'ai entendu vos arguments : la filière sucrière serait acculée par l'importance des pertes et de nombreux emplois seraient en jeu. Je ne minimise ni les difficultés, ni les enjeux pour la filière. J'en ai discuté avec certains collègues. La coopérative Tereos estime que les rendements de ses coopérateurs ont diminué de 12 % par rapport à la campagne de 2019-2020. Nous sommes bien loin des 50 % à 70 % avancés par le Gouvernement pour justifier la réintroduction des néonicotinoïdes.
Je trouve également que vous avez écarté un peu trop rapidement la solution de l'indemnisation des agriculteurs. Nous en avons déjà parlé : des fonds existent, qui pourraient soutenir la filière en attendant que la recherche trouve des produits de substitution. C'est aussi la proposition défendue par notre ancien ministre Nicolas Hulot. Réautoriser les néonicotinoïdes ne protégera pas les agriculteurs ; leur garantir une rémunération décente me semble bien plus important. Ce fut le combat de Stéphane Travert, ici présent, quand il était ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Et puis, disons-le franchement : l'imbroglio autour du glyphosate comme il a été dit précédemment, ne laisse pas un bon souvenir. Son interdiction a été inscrite dans la loi, puis levée, repoussée à dix ans, puis trois. Finalement, aucun texte n'est contraignant quant à l'arrêt de l'utilisation de cet herbicide.
Dans ce contexte empirique, qui peut imaginer que la réintroduction des néonicotinoïdes ne constitue une dérogation que pour une filière ? Pas grand monde, puisque d'autres filières se pressent pour bénéficier elles aussi de dérogations – elles arrivent, elles sont là, elles sont aux portes.
Enfin, et à mon sens c'est très grave, vous nous présentez un texte dont l'article 2 risque fort la censure du Conseil constitutionnel, puisqu'il contient une dérogation pour une filière et crée donc une rupture d'égalité vis-à-vis des autres filières. Si cet article, du fait de son inconstitutionnalité, venait à disparaître, les candidats n'auront plus même besoin de se bousculer au portillon, il leur suffira de remercier l'ensemble des défenseurs de ce texte d'avoir réintroduit les néonicotinoïdes pour tous.
Je n'aime pas opposer écologie et économie selon les termes du rapporteur. Néanmoins, il faut bien considérer que si nous votons ce texte, cela fera un point pour la finance, et zéro pointé pour le vivant.
Chers collègues, une majorité du groupe Libertés et territoires, convaincue de la nécessité de s'engager vers des pratiques respectueuses de l'environnement, ne votera pas le projet de loi.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Nous savions, vous saviez, ils savaient – comme pour l'amiante. Les dangers de l'amiante ont été découverts dès 1927, mais c'est seulement en 1997 que l'amiante a été interdite en France, soit soixante-dix années après. On peut encore en trouver dans les écoles et dans des logements. L'amiante est responsable chaque année de 3 000 à 4 000 maladies professionnelles, 100 000 personnes en meurent chaque année dans le monde, entre 50 000 et 100 000 morts seront attribués à l'amiante en France d'ici à 2025.
Nous savions, vous saviez, ils savaient, mais ils ont donné aux entreprises des permis de tuer – comme pour le chlordécone. Celui-ci a été interdit aux États-Unis pour sa dangerosité, dès 1976. Autorisé en France en 1972, il a été utilisé jusqu'en 1992. Aux Antilles, une dérogation a permis qu'on s'en serve jusqu'en 1993. Résultat, en Guadeloupe 90 % des habitants sont contaminés au chlordécone, les sols et les eaux sont empoisonnés pour 700 ans, dans les Antilles, le taux de cancer de la prostate est le plus élevé au monde.
Nous savions, vous saviez, ils savaient, mais ils ont donné aux entreprises des permis de tuer – comme pour le glyphosate. L'exposition au glyphosate augmente le risque de cancer de 40 %. Paul François, agriculteur empoisonné, vient de gagner définitivement son procès contre Monsanto, au terme d'une lutte qui a duré des années.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Emmanuel Macron avait promis qu'il interdirait le glyphosate trois ans après son arrivée à l'Élysée. Nous avions déposé des amendements pour l'interdire : refusés. Vous n'avez toujours pas interdit le glyphosate. Nous savons, vous savez, mais vous donnez aux entreprises des permis de tuer.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Pour les néonicotinoïdes, même rengaine. En 2016 déjà, Barbara Pompili savait, elle connaissait parfaitement les dangers de ces pesticides sur la biodiversité, sur la qualité des sols, de l'eau, sur la santé humaine et le développement des cerveaux des jeunes enfants. Nous savons, et vous savez, la rémanence de ces pesticides dans le sol, dans les nappes phréatiques, leur dispersion sur toutes les cultures, y compris sur les plantes et la flore sauvages. Nous savons, et vous savez, que 80 % des insectes européens ont disparu en trente ans et que nos pratiques agro-industrielles sont la première cause de ce déclin.
Nous savons, et vous savez, …
… que les colonies d'abeilles ont été décimées – elles ont diminué de 37 % dans l'Union européenne en quelques années – et que des résistances aux néonicotinoïdes se développent de plus en plus.
Nous savons, et vous savez, …
… que 85 % de nos cultures sont en danger sans pollinisateurs, et avec elles toute notre souveraineté alimentaire.
Nous savons, et vous savez, …
… que cette réautorisation ne réglera pas le problème, que tout a commencé en 2017, au moment de la fin des quotas sucriers dans l'Union européenne – le cours du sucre a alors chuté de 50 %. Ce pesticide n'empêchera donc en rien la fermeture des sucreries, mais signifiera le pire pour les apiculteurs.
Comme Barbara Pompili l'affirmait il y a quatre ans, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Oui, vous connaissez les conséquences de l'adoption d'un tel projet de loi, mais vous le soutenez bec et ongles. Durant son examen, vous n'avez eu de cesse d'insulter l'opposition, de la repeindre en irresponsable, de nous faire endosser votre inconscience face aux enjeux qu'une telle réautorisation recouvre.
Nous l'affirmons solennellement, si ce texte était voté, nous ferons un signalement à la Haute Cour de justice pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
En effet, voter pour ce texte, c'est voter pour l'empoisonnement généralisé de la population et de nos écosystèmes. Depuis des années, nous sommes témoins des mêmes drames, l'amiante, le glyphosate, le chlordécone, et maintenant les néonicotinoïdes. Les mêmes raisons sont invoquées : plus de croissance, plus de bénéfices, plus de marge. Cette idéologie tue ; il faut mettre un terme à la menace que le capitalisme fait peser sur nos vies. Nous savons, et vous savez, que nous comptons 400 000 cancers par an. Combien de cancers vous faudra-t-il pour interdire ces pesticides, combien de drames humains ?
Avec ce projet de loi, non seulement vous jouez avec nos vies, mais vous donnez un sursis à un modèle agricole mortifère, qui nous mène au désastre.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
La crise du covid-19 a révélé au grand jour les dangers de la globalisation alimentaire et la dépendance accrue de notre agriculture au marché mondial. Un agriculteur se suicide chaque jour…
Et voilà !
… et un quart des fermes risquent de disparaître dans les cinq années à venir. Pourtant, les solutions alternatives existent. Il suffit d'une volonté politique pour décider d'une bifurcation de notre modèle agricole.
M. le rapporteur et M. Bruno Millienne protestent.
Nous pourrions créer 300 000 emplois dans l'agriculture paysanne et écologique. Nous devons revaloriser le métier de paysan, qui ne se limite pas à des machines ou à l'utilisation de pesticides.
Imposons un moratoire sur l'artificialisation des sols. Limitons les marges de la grande distribution qui se gave au détriment des petits paysans. Arrêtons les accords de libre-échange à tout-va. Bref, garantissons notre souveraineté agricole et alimentaire, quoi qu'il en coûte, y compris si nous devons sortir des traités européens.
Il y a des alternatives, nous le savons, vous le savez. Mais comme pour l'amiante, le chlordécone, le glyphosate, vous préférez donner aux entreprises des permis de tuer en autorisant les néonicotinoïdes.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne.
La CMP n'a rien changé sur le fond ; seul l'article 4 vient timidement pointer du doigt l'absolue nécessité de mettre fin aux concurrences déloyales et aux déséquilibres dans les conditions environnementales et sanitaires de production, et rappeler au bon souvenir de certains le contenu de l'article 44 de la loi ÉGALIM.
Notre opposition à ce texte s'appuie certes sur l'impact environnemental et sanitaire des néonicotinoïdes, mais aussi sur la véritable omerta qui règne sur la situation économique de la filière sucrière. Sur le plan environnemental, la nocivité des néonicotinoïdes pour l'environnement, les pollinisateurs, les insectes auxiliaires et la vie du sol est prouvée. Des centaines d'études scientifiques convergent et rien ne permet de les remettre sérieusement en cause – d'ailleurs, vous ne le faites pas vous-même, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Delphine Batho applaudit également.
Mais en matière d'écotoxicité de ces produits, les nouvelles connaissances sont encore plus alarmantes qu'hier : je vous invite à lire l'excellent article de Stéphane Foucart paru hier dans le journal Le Monde : il révèle les inquiétants résultats d'une étude à paraître en janvier dans la revue scientifique Agriculture, Ecosystems & Environment – Agriculture, écosystèmes et environnement – conduite sur la base de prélèvements de 180 échantillons de sol en France.
L'imidaclopride, principal néonicotinoïde utilisé dont nous parlons aujourd'hui, se retrouve dans l'immense majorité des sols, et pas seulement sur des parcelles cultivées conventionnelles, mais aussi sur des prairies, des haies, et même des parcelles proches cultivées en agriculture biologique. Ces chercheurs précisent : « les taux d'imidaclopride que l'on retrouve dans les vers de terre sont faramineux », et ajoutent : « les concentrations retrouvées sont spectaculaires ». Cela remet en cause la position de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui considérait l'imidaclopride comme à faible risque de bio-accumulation. Ces chercheurs ajoutent que le niveau d'exposition des vers de terre, mais aussi des autres organismes essentiels à la bonne santé du sol, entraîne fréquemment « un risque de toxicité chronique élevé ». Ils jugent la situation « très inquiétante, non seulement pour les lombrics eux-mêmes, mais pour l'intégrité des chaînes alimentaires et la santé environnementale en général ». Ils ajoutent que « pour certains oiseaux qui se nourrissent presque exclusivement de vers de terre à certaines périodes de l'année, les concentrations d'imidaclopride que nous retrouvons laissent suspecter des effets quasi létaux ».
Mme Delphine Batho applaudit.
Dispersion, bio-accumulation, toxicité chronique, contamination croisée par plusieurs molécules : voilà des connaissances toujours plus alarmantes. Et nous devrions les occulter ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Delphine Batho applaudit également.
Dans ces conditions, pensez-vous raisonnable, monsieur le ministre, de justifier votre empressement à réautoriser ces produits par l'unique argument de l'économie générale de la filière sucrière ? J'ajoute que les missions du conseil de surveillance se limiteraient à la recherche sur les alternatives agronomiques. C'est d'un conseil de surveillance de la politique stratégique et financière des trois grands groupes sucriers – Tereos, Cristal Union et l'allemand Südzucker – que nous avons besoin, car nous aurions aimé disposer, comme législateur, d'une évaluation objective de la situation économique de ces acteurs – de leur endettement, de leur stratégie, de leur volonté de maintenir l'emploi et soutenir la rémunération des producteurs.
Nous aurions aimé la transparence sur les choix qui ont conduit ces deux dernières années à la suppression de quatre des vingt-cinq sucreries implantées sur le territoire national. Nous aurions aimé pouvoir discuter ici de l'impact économique précis, territoire par territoire et en fonction des pratiques, des pertes de rendement observées.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI – Mme Delphine Batho applaudit également.
Nous aurions aimé discuter des outils et des moyens de compensation économique par les prix payés aux producteurs pour maintenir les surfaces cultivées. Nous aurions aimé connaître le montant des profits réalisés par l'industrie agroalimentaire en profitant de la baisse du prix du sucre. Nous aurions aimé débattre d'un régime public de gestion des risques et des aléas pour les producteurs, comme nous le proposons. Nous aurions aimé débattre de l'opportunité de restaurer une régulation européenne des volumes de production.
Nous aurions aimé tout cela, mais de ces problématiques structurelles qui sont pourtant le coeur du sujet, vous ne parlez pas. Je vous le redis en toute franchise, monsieur le ministre : il n'y a pas pire signal écologique et sanitaire que celui que vous allez donner aujourd'hui. Il n'y a pas de pire politique économique que celle qui ne veut pas affronter les vrais problèmes rencontrés par la filière sucrière.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Delphine Batho et M. Philippe Naillet applaudissent également.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 103
Contre 45
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits relatifs à l'agriculture, à l'alimentation, à la forêt et aux affaires rurales (no 3399, annexes 4 et 5 ; no 3100, tome III) , s'arrêtant à l'amendement no 1450 .
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1450 .
Le débat a été largement ouvert, ce matin, sur les centres de la propriété forestière ; il a été amorcé sur la question de l'Office national des forêts – ONF. Le constat est très largement partagé : pour résoudre les défis qu'affronte la filière économique du bois, confrontée à des distorsions de concurrence du fait de la mondialisation, pour reconstituer le capital biodiversité qu'est la forêt française, pour tant d'autres raisons, nous avons besoin de planification, de recherche, d'innovation, de coopération. Un outil a été créé pour cela : l'Office national des forêts.
Celui-ci peut et doit, je le pense profondément, se réformer pour essayer d'être plus efficient dans ses missions. Mais il est certain que cette réforme ne peut pas passer par son affaiblissement, ni par la perspective d'une vente à la découpe d'un domaine public forestier, ni par celle d'un renoncement intellectuel de l'État. Il nous faut un ONF puissant pour organiser, à l'heure de l'anthropocène, la place de l'arbre dans la société, la place de la forêt sur notre territoire, et la place du bois dans notre économie.
La parole est à Mme Anne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Je défendrai ici mon amendement no 1665 , qui est dans le même état d'esprit. Je précise d'emblée que je suis défavorable aux amendements nos 1450 , 1708 et 1703 , qui portent tous sur l'ONF.
Évoquer les agents de l'ONF, c'est avant tout évoquer nos territoires, notre terrain. J'ai moi-même été chargée par le Gouvernement d'une mission sur l'adaptation des forêts au changement climatique ; j'ai donc rencontré nos agents de l'ONF en Haute-Marne, dans les Vosges, dans les Landes de Gascogne ou encore dans ma région, les Hauts-de-France. Ces techniciens forestiers territoriaux, ces responsables d'unités territoriales sont extrêmement dévoués à la cause de la forêt, de la préservation de l'environnement, de l'accueil du public et bien sûr de la production de bois. Alors qu'ils sont les premiers à intervenir dans les forêts communales et domaniales affectées par le changement climatique, par les crises sanitaires qui touchent l'épicéa, le frêne et tant d'autres dont nous avons parlé ce matin, nous devons nous assurer qu'ils sont à même de gérer l'accroissement inédit d'activité auquel ils vont devoir faire face.
Monsieur le ministre, vous vous êtes extraordinairement mobilisé sur ce sujet, que nous avons, pour la première fois depuis longtemps je crois, longuement évoqué ce matin. Vous êtes le premier à proposer un vrai plan Marshall pour la forêt et le bois, avec des moyens inédits, notamment sur l'amont forestier, avec 200 millions d'euros investis.
Mais pour le mettre en oeuvre, il y a besoin d'humains. Il y a dix ans, dans la forêt qui m'est chère, celle de Mormal, les effectifs étaient presque deux fois supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui. Je ne suis pas là pour dire si l'évolution au cours de la décennie est appropriée ou non ; mais je vous dis qu'en cette fin d'année 2020, et lorsque l'on connaît les défis que l'ONF doit relever, il me semble opportun de supprimer la diminution de quatre-vingt-quinze équivalents temps plein qui nous est proposée dans le projet de loi de finances.
Par ailleurs, la convention citoyenne pour le climat a été touchée par les grandes qualités de la forêt et du bois, comme outil et comme matériau capable de stocker du carbone. Ils nous ont demandé la pérennisation de l'ONF, et même l'augmentation des effectifs.
Défendre l'ONF, ce n'est pas qu'une affaire de forestiers ; les transformateurs du bois, au premier chef les scieurs, ont besoin d'un ONF fort. Alors que celui-ci gère 25 % des forêts, 40 % du bois total est mis sur le marché et 92 % de ce volume est transformé par nos industriels du bois en France. S'il vous fallait un dernier argument pour ressentir le lien crucial entre la santé de nos forêts, nos forestiers publics et la filière bois, sachez que 70 % de la contractualisation en bois de France est réalisée avec l'ONF ; et lorsqu'un scieur veut investir dans son outil de production, ce que nous souhaitons et que nous avons défendu ce matin avec M. le ministre, il est bien vu par sa banque de présenter un bilan avec 50 % de bois contractualisé. L'ONF est donc le partenaire numéro 1 de notre filière bois, qui a besoin d'être relancée pour créer deux fois plus d'emplois pour atteindre le niveau de l'Allemagne en la matière.
C'est pourquoi, en cette première lecture, je vous invite tous à soutenir mon amendement no 1665 , qui tend à annuler la suppression de quatre-vingt-quinze postes au sein de l'ONF. Je respecte hautement l'engagement du ministre, tenu par la solidarité gouvernementale et une gestion sérieuse des comptes publics, et je connais ses contraintes ; mais par ce vote nous enverrions au Gouvernement, à tous ceux qui s'occupent de nos finances, un signal : nous sommes touchés, concernés, par ces suppressions de postes. À mon sens, les économies réalisées, c'est une paille dans le budget de la nation – 3,7 millions d'euros.
Monsieur le ministre, permettez-moi simplement et humblement, en tant que députée, avec ceux qui voteront cet amendement, de mettre le pied dans la porte et d'ouvrir le dialogue en vue peut-être d'une deuxième lecture.
Sur l'amendement no 1703 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement no 1665 , je suis saisi par le groupe La France insoumise et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'émettrai le même avis sur les quatre amendements qui concernent l'ONF : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'ONF, nous en sommes tous d'accord, est un bien très précieux pour notre pays ; il affronte des défis nombreux, des défis humains, des défis de sens de sa mission, des défis de moyens d'exécution. Madame la rapporteure spéciale, je vous remercie d'avoir insisté sur l'augmentation des moyens versés par l'ONF dans ce budget. Le plan de relance, de façon absolument inédite, met un accent très fort sur la forêt, avec 150 millions d'euros pour le repeuplement et 22 millions pour la technologie LiDAR – light detection and ranging – , que l'ONF appelle de ses voeux, comme toute la profession.
Au-delà de ces mesures, la question des moyens humains suscite, je l'entends, de nombreuses interpellations de votre part. Nous avons évoqué ce matin la décision relative au plafond d'emplois, je n'y reviens pas. La difficulté, c'est que le contrat d'objectifs et de performance de l'ONF est en cours de discussion et que c'est ce COP, élaboré bien évidemment avec les organisations syndicales, qui doit donner la visibilité sur les moyens pour la période de 2021 à 2025. C'est dans ce cadre que l'ensemble des enjeux que vous avez évoqués doivent être pris en considération.
Je réaffirme avec force que la France a une immense chance de disposer d'un opérateur tel que l'ONF, avec son savoir-faire, ses agents, son expertise. Le ministre que je suis apporte un immense soutien à l'ensemble de la profession.
L'amendement no 1450 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 1708 .
Une fois n'est pas coutume, je souscris tout à fait aux propos que vient de tenir la rapporteure spéciale, et je souligne à mon tour l'importance de l'ONF. Monsieur le ministre, vous ne répondez toujours pas à la question posée : comment est-il possible de mener une politique forestière ambitieuse sans les moyens humains correspondants, sans le savoir-faire et l'expertise des hommes et des femmes qui travaillent en forêt ?
L'ONF a perdu un poste sur deux depuis les années 1960, et il serait irresponsable de poursuivre cette saignée dans les effectifs. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoyait la suppression de 175 ETP ; or ce sont 365 ETP qui ont été supprimés. La question de la capacité d'agir de l'ONF est posée.
Je vous donne un seul indicateur, à mon avis significatif, au moment où, plus que jamais, nous devons observer la forêt et avons besoin de l'expertise, très fine, de ces agents de l'État. Aujourd'hui, chaque agent a la charge de 1 700 hectares en moyenne, contre 800 hectares il y a vingt ans. Selon les départements, ce chiffre varie de 900 à 4 000 hectares par agent.
Rendez-vous compte de ce que cela implique, très concrètement, pour la connaissance des agents, pour l'observation de la forêt, pour le développement des îlots d'expérimentation, pour la lutte contre le dépérissement ou les scolytes, bref, pour tous les enjeux que nous avons évoqués concernant la forêt.
Il y a aujourd'hui une souffrance énorme à l'ONF. Cessons de raboter les effectifs. Nous avons besoin, au contraire, d'un service public forestier nettement plus fort qu'il ne l'est aujourd'hui. Il faut absolument revenir, au minimum, sur la suppression de 95 ETP prévue dans le projet de loi de finances.
La rapporteure spéciale l'a indiqué, la convention citoyenne pour le climat a demandé un renforcement du service public forestier. Mme Pompili, ministre de la transition écologique, s'est rendue, pour sa première visite, dans la forêt domaniale de Fontainebleau. Il faut désormais prendre une décision qui montre aux agents de l'ONF que l'on reconnaît leur travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
La commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable sur l'amendement.
La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président. J'avais accepté de ne pas intervenir ce matin pour pouvoir le faire cet après-midi.
La crise que nous traversons a montré que l'absence de moyens humains conduit à la catastrophe. Nous le constatons pour les brigades sanitaires et pour l'hôpital. Certes, les moyens humains ne suffisent pas, nous le savons ; il y a aussi la question des moyens matériels et de la conduite du changement. Nous avons souvent parlé de confiance, mais encore faut-il avoir les moyens de la construire.
En l'espèce, l'ONF doit pouvoir faire de la prévention et du contrôle. Or cela se fait non pas avec des mots et des discours, ou par l'opération du Saint-Esprit, mais avec des moyens humains, sur le terrain. Il convient d'affecter à l'ONF les moyens qui lui permettront d'atteindre les objectifs fixés de manière concrète, non pas de manière théorique et hors sol. Le groupe Libertés et territoires insiste donc lui aussi sur l'importance des amendements présentés en ce sens.
J'insiste à mon tour sur la nécessité de renforcer les moyens de l'ONF. Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre, l'ONF s'affaiblit année après année, d'ailleurs pas seulement depuis 2017 : en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les crédits consacrés à la forêt, j'ai pointé chaque année, pendant cinq ans, l'amenuisement des moyens de l'ONF, qui est très grave.
Ceux qui habitent dans des zones forestières savent à quel point les agents de l'ONF sont utiles pour la gestion de nos forêts domaniales et sectionales. Mettons un terme à la suppression continue des postes. On en voit le résultat : une maison forestière sur deux est désormais vide ; il n'y a plus la même proximité.
Il est indispensable d'avoir une vision à long terme de la gestion forestière. Si l'on persiste dans l'obsession pour la rentabilité, le court terme, la performance immédiate, on portera un coup terrible à la forêt et à ce qu'elle représente pour notre territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe SOC.
L'amendement no 1708 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1703 .
Il s'inscrit dans la continuité du précédent ; c'est également un amendement de ma collègue Panot. Je tiens d'ailleurs à la féliciter pour son travail, dans lequel se reconnaît bien évidemment l'ensemble de notre groupe.
Il y a les mots – les belles paroles concernant la défense de la forêt, les engagements pris devant la convention citoyenne pour le climat – et il y a les faits. Je le répète, la convention citoyenne pour le climat a jugé impératif de pérenniser l'existence de l'ONF et d'en augmenter les effectifs, préconisations avec lesquelles le Président de la République s'est dit totalement en accord. De même, Mme Cattelot a estimé dans son rapport qu'il fallait « un budget et des effectifs consolidés » pour l'ONF ; c'est sa recommandation no 10.
Or, après toutes ces paroles, vous nous proposez de supprimer 95 ETP à l'ONF, sachant que 335 ETP ont été supprimés au cours des dernières années. Notre proposition est claire : il s'agit de créer les conditions pour le recrutement de 160 ETP.
Afin de respecter les conditions de la recevabilité financière des amendements fixées par l'article 40 de la Constitution, nous proposons de transférer 6,3 millions d'euros d'un programme à un autre. Il s'agit de créer concrètement les conditions permettant de préserver l'ONF.
Je précise que cette demande correspond aux revendications de l'intersyndicale publicprivé des personnels de l'ONF. Écoutons ces personnels, écoutons la forêt, défendons-la.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable sur l'amendement.
La parole est à M. Stéphane Viry.
Au travers de ces différents amendements, monsieur le ministre, tous les territoires s'adressent à vous. Vous l'avez bien senti, il y a une convergence de vues entre des députés qui siègent sur différents bancs de l'hémicycle…
… pour défendre le patrimoine forestier. Pour cela, admettez-le, il faut des hommes et des moyens. Il est temps de poser les termes du problème dans cette discussion budgétaire, qui traite précisément des crédits et des moyens.
À travers le rapport de Mme Cattelot, qui est une pierre apportée à un édifice que nous devons construire, on sent bien que nous abordons un virage positif pour la question forestière dans notre pays. On sent que nous pouvons tous, de façon convergente, nourrir une nouvelle ambition pour nos forêts.
Nous sommes globalement d'accord pour reconnaître que la forêt va contribuer aux transitions, notamment à la réduction de l'empreinte carbone. La forêt va produire le bois dont nous avons besoin pour la filière, tant pour sa partie amont que pour sa partie aval. Le coeur du réacteur, c'est notre patrimoine forestier. Or il est malmené, par les attaques d'insectes – les scolytes – , par le réchauffement climatique, par la sécheresse. Notre forêt est en très grande difficulté. Pour pouvoir la sauver, je l'ai dit, il faut des hommes et des moyens. C'est la condition sine qua non, monsieur le ministre.
Les communes forestières travaillent en très bonne intelligence avec l'ONF. Les forestiers privés reconnaissent les qualités de l'ONF, dont les agents sont amoureux de leur métier. Il vous revient d'apprécier s'il faut retenir plutôt l'amendement de Mme Panot ou celui de Mme Cattelot. Pour notre part, nous soutenons la démarche qui a été engagée et nous voterons l'amendement de Mme Cattelot. Nous considérons qu'il faut donner un signal positif à l'occasion de cette discussion budgétaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, LT, FI et GDR.
Je veux sortir de ce débat, un peu trop « noir ou blanc » à mon goût. L'ONF traverse effectivement une très grave crise, mais le problème ne se résume pas au manque de personnel, même si c'est un élément de l'équation. Depuis plus d'une dizaine d'années, le climat social y est très dégradé. En début d'année, un nouveau directeur général, sur la nomination duquel nous nous sommes prononcés, a pris ses fonctions.
Nous avons voté 200 millions de crédits supplémentaires en faveur de la forêt, dont une partie reviendra, par définition, à l'ONF, auquel les missions correspondantes seront confiées. Je n'ai pas mémoire d'une autre mesure de cette ampleur ! Et il me paraît très réducteur d'opposer un aspect du débat à un autre.
J'appelle l'attention sur les difficultés de l'ONF. Si l'on creuse un peu, on se rend compte que l'ONF est dans une phase de questionnement sur ses missions. Celles-ci ont évolué : nous sommes passés d'un ONF qui devait produire du bois à un ONF qui doit travailler sur la biodiversité et sur le stockage du carbone, en menant un dialogue avec les collectivités – qui n'est pas aussi bon que vient de le dire M. Viry. Il faut développer ces missions et privilégier une autre approche de la gestion du personnel.
À titre personnel, je ne voterai pas cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 20
Contre 84
L'amendement no 1703 n'est pas adopté.
L'amendement no 1665 a été défendu par Mme la rapporteure spéciale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
J'en demande le retrait.
Je réagis aux propos du collègue Turquois. Avec les effectifs dont il dispose actuellement, l'ONF n'est pas en mesure d'exercer ses missions, pourtant inscrites dans la loi. Nous devons assumer que la forêt n'est pas seulement un gisement de bois, même si, bien évidemment, il y a une valorisation du bois. J'ai d'ailleurs beaucoup travaillé sur la question de l'écoconstruction, et nous avons des progrès considérables à réaliser en matière de construction en bois, terre, paille. Par ailleurs, lorsqu'on utilise du bois d'oeuvre, on continue à stocker du carbone, ce qui est intéressant du point de vue du bilan carbone.
En tout cas, si nous ne garantissons pas le nombre d'agents nécessaire, nous n'aurons pas une forêt multifonctionnelle, compte tenu de l'expertise que cela requiert. Auparavant, les agents emmenaient des classes dans la forêt pour montrer aux enfants ce qui s'y passe. Désormais, ils n'ont plus le temps de le faire.
Les enjeux sont nombreux : l'accueil du public, la question de la biodiversité, le défi immense que représentent les maladies – c'est la même chose dans l'agriculture : si vous élevez 5 000 porcs dans un bâtiment exigu, les maladies se propagent nécessairement – , la diversification des forêts, leur vieillissement, le choix des essences, l'implantation des îlots d'expérimentation. Nous avons impérativement besoin de tout cela !
Nous devons décider la sylviculture que nous voulons, l'avenir que nous souhaitons pour les forêts françaises. Si nous voulons que les forêts soient un bien commun, objectif énoncé à plusieurs reprises par le Gouvernement, et que je partage, alors il faut un service public forestier fort.
On nous dit que les problèmes dont souffrent de nombreux secteurs, comme celui de l'hôpital, seraient, en réalité, liés à leur mode de management, à leur gestion. Mais c'est faux ! Il faut bien un nombre suffisant de personnes pour les faire fonctionner. Si tel était le cas à l'ONF, les agents forestiers s'occuperaient de secteurs plus petits et pourraient mieux connaître et accompagner la forêt. Nous sortirions d'une approche où, pour des raisons budgétaires, nous réduisons sans cesse leurs effectifs, alors qu'à l'heure de l'urgence écologique les enjeux sont immenses.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera l'amendement de notre collègue Anne-Laure Cattelot. Je veux saluer le travail qu'elle a fourni : si, comme elle, nous avions rencontré les acteurs concernés, en particulier les agents de l'ONF, je suis persuadé que nous serions tous parvenus aux mêmes conclusions et que nous aurions tous proposé de conserver en l'état les moyens de l'Office.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – M. Jean-Charles Larsonneur applaudit également.
Beaucoup a été dit sur l'importance de l'ONF. L'objet de cet amendement n'est pas d'en renforcer les moyens, mais d'arrêter de les affaiblir.
Une bonne gestion forestière exige de l'expertise ; les agents de l'ONF la possèdent et c'est une chose précieuse. Cette expertise s'acquiert avec le temps. On ne peut confier une parcelle de forêt à n'importe qui en pensant qu'il saura immédiatement tout faire.
La forêt est vivante. Si vous l'aimez comme vous l'affirmez – et je sais que vous êtes sincères – , cessez de lui couper des branches ou des racines. Nous avons besoin de forêts bien gérées, où les arbres sont coupés au moment opportun et non sous la pression d'une rentabilité de court terme, laquelle incite parfois à couper des chênes de 80 ans au lieu d'attendre qu'ils aient atteint 100 ou 120 ans.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Chacun ici s'accorde à reconnaître qu'Anne-Laure Cattelot a réalisé un excellent travail sur la filière bois. Il nous permet d'anticiper un certain nombre de défis auxquels le secteur et l'ONF devront faire face au cours des mois et des années à venir.
Cela étant, les enjeux relatifs à l'ONF ne se résument pas à une question d'effectifs.
À cet égard, les arguments évoqués tout à l'heure par Nicolas Turquois sont tout à fait recevables. Il convient de rappeler la grave crise qu'a connue l'Office en matière de dialogue social.
J'insisterai également sur les engagements pris par M. le ministre dans le cadre du plan de relance : 200 millions d'euros seront dédiés au reboisement des forêts, au fonds de dotation pour protéger les forêts, au soutien des filières du bois et des semences et plants, ainsi qu'au développement, par l'IGN – Institut national de l'information géographique et forestière – , de la couverture du territoire par la technologie LIDAR. Et à ces fonds s'ajoute la hausse, dont nous discutons actuellement dans le cadre du PLF pour 2021, des crédits relatifs à la politique forestière, …
… qui tient compte du contrat d'objectifs et de performance de l'ONF.
Nous répondons donc, en quelque sorte, à l'exigence faire travailler l'ONF dans un meilleur esprit. Et nous nous donnons les moyens de développer les politiques que nous souhaitons mener. Sur cet amendement, nous suivrons donc l'avis de M. le ministre.
Je tiens également à saluer l'excellent rapport d'Anne-Laure Cattelot. Pour avoir partagé avec elle pendant plus de deux ans la fonction de rapporteur spécial de la commission des finances sur les questions relatives aux transports, je connais son sérieux.
À cet égard, je suis surpris de la réponse de M. le ministre. En effet, dans la publication interne de son organisme, le président du syndicat de sylviculture du Sud-Ouest a écrit : « Nous ne pouvons que nous féliciter de la qualité des échanges avec la députée Cattelot et espérons vivement que son rapport reprendra les constats partagés. » Voilà qui est excellent : le Gouvernement envoie la députée Cattelot sur le terrain, qui défend ensuite bec et ongles ses préconisations, mais elle n'est pas suivie !
Ce matin, lorsqu'elle a demandé davantage de crédits pour la recherche forestière, elle n'a pas non plus été suivie.
Non, mais arrêtez avec ça !
Je n'entrerai pas dans une bataille de chiffres s'agissant des ETP, mais l'ONF est en souffrance en la matière : il est passé de 15 000 agents dans les années 1980 à 7 700 aujourd'hui. L'amendement se contente de demander le maintien en l'état de ses effectifs. Ce n'est pas la mer à boire !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 52
Contre 45
L'amendement no 1665 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1451 .
Il vise à créer un fonds de transition agroécologique qui serait confié au monde coopératif – la proposition émane du syndicat Coop de France.
Le monde coopératif représente 40 % du secteur de l'agroalimentaire. C'est plus d'un paysan sur deux qui a désormais décidé de rejoindre le mouvement de l'économie sociale, qui fonctionne selon le principe « un homme, une voix ». L'outil coopératif constitue un élément de puissance pour nos territoires, que l'on pourrait qualifier de civique ou moral. Et s'il demeure évidemment perfectible et inachevé, cet outil est également pour nous un atout fondamental dans l'économie de demain, dans la transition écologique et dans nos relations internationales.
Ainsi, alors qu'il subit de plein fouet les crises alimentaires et agricoles et connaît des pertes de chiffre d'affaires et des tensions avec le reste du secteur agroalimentaire, le mouvement coopératif se fait fort d'être un artisan de la transition agroécologique. La création d'un fonds dont il assumerait le pilotage et destiné à réaliser cette transition m'apparaît donc comme une excellente idée et un levier bien plus efficace que n'importe quel autre dispositif.
La parole est à M. Hervé Pellois, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons suffisamment parlé ce matin des crédits exceptionnels dont l'agriculture va bénéficier cette année dans le cadre du plan de relance. Près de 250 millions d'euros seront ainsi consacrés à la transition agroécologique, soit bien plus que les 150 millions prévus par l'amendement. Celui-ci est donc pleinement satisfait. Avis défavorable.
J'aurai le même avis, monsieur le président.
Je suis frappé par l'absence manifeste, dans ces débats et sur les réseaux sociaux, d'un juste milieu. Par exemple, votre collègue Simian, avant de quitter l'hémicycle, vient de prétendre que le Gouvernement s'était opposé ce matin à tout investissement en faveur de la forêt. Mais, de mémoire de parlementaire, y a-t-il eu, depuis vingt-cinq ou trente ans, un ministre de l'agriculture qui se soit battu pour qu'il soit investi autant d'argent – 200 millions d'euros – dans la forêt française ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je fais cette remarque car à la suite du rejet, ce matin, des amendements de M. Potier, des fondations et des ONG ont tweeté que le Gouvernement et la majorité présidentielle refusaient toute aide aux collectivités pour la restauration collective. Ce n'est pas vous que je vise, monsieur Potier, mais les agissements de certaines organisations sur les réseaux, …
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
… ou ceux de députés comme vous, monsieur Corbière, qui n'accepteront jamais de reconnaître le travail déjà accompli. Je vous le dis sincèrement, ce n'est pas ma conception de la démocratie !
En matière d'aide alimentaire, quel gouvernement a déjà alloué 50 millions d'euros aux cantines, 80 millions d'euros aux projets alimentaires territoriaux, 30 millions d'euros de soutien aux épiceries solidaires, en complément de tout ce que fait le ministère des solidarités et de la santé dans ce domaine ?
Et pourtant nous nous retrouvons encore et toujours face à des personnes qui, comme vous, vocifèrent…
… et prétendent que tout cela est insuffisant, quand ils ne nous accusent pas, comme certains sur les réseaux sociaux, d'abandonner le secteur ! Ce n'est pas digne ! Reconnaissons ce qui est fait et cessons de nous vilipender les uns les autres !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous, nous perdons tous les jours, et nous ne faisons pas tant d'histoires !
L'amendement no 1451 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 1707 .
Et vous verrez, monsieur Corbière, que votre collègue appréciera de pouvoir s'exprimer dans le calme.
L'amendement vise à interpeller le Gouvernement sur un sujet qu'il connaît bien et que nous jugeons très grave, celui de la pollution liée aux engrais phosphatés et azotés. En septembre 2015, en dépit de nombreuses alertes, la France a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect de la directive sur les nitrates, lesquels proviennent à 70 % de l'épandage de lisier et de l'utilisation massive d'engrais azotés par les agriculteurs.
Si cette situation est connue, elle n'en demeure pas moins alarmante. En raison du faible bouclage du cycle du phosphore et de sa dispersion dans le milieu aquatique, elle provoque son eutrophisation, avec le développement des algues vertes et des cyanobactéries, c'est-à-dire ces algues bleues parfois létales pour les animaux et dangereuses pour l'homme. De plus, l'exploitation du phosphore, ressource essentiellement minière, pose un grave problème.
Il s'agit d'une source majeure de pollution des nappes phréatiques et de l'ensemble des cours d'eau de France ; 70 % du territoire national est désormais concerné. Il convient donc, au nom du principe du pollueur-payeur, d'instaurer une taxe sur les engrais phosphatés et azotés destinés aux exploitants agricoles. Notre proposition est réaliste compte tenu des données disponibles : grâce aux travaux de techniciens qui réalisent consciencieusement des études des sols, nous connaissons précisément les quantités d'azote et de phosphore qui s'y trouvent. Il nous paraît urgent de nous attaquer à cette pollution.
Je ne crois pas que vous soyez dans le vrai lorsque vous dites que les pouvoirs publics ne font rien contre l'utilisation excessive d'engrais. J'estime également, quoi que vous en pensiez, que les agriculteurs font le nécessaire pour limiter leur consommation en ce domaine. Les MAEC – mesures agroenvironnementales et climatiques – , les aides à l'agriculture biologique et le soutien à l'achat de matériel innovant sont autant d'éléments qui concourent à rendre l'épandage d'engrais plus conforme au respect de l'environnement.
En revanche, votre suggestion d'instaurer une taxe sur les engrais azotés et phosphatés mériterait effectivement un véritable débat. Le moment n'est pas opportun pour le tenir, mais peut-être pourra-t-il avoir lieu lorsque viendra en discussion le projet de loi destiné à traduire les travaux de la convention citoyenne sur le climat ?
Dans cette attente, l'avis est défavorable.
Défavorable.
Je n'ai pas dit que rien n'était fait contre ces pollutions, monsieur le rapporteur spécial, mais que leur niveau, absolument catastrophique, exigeait que l'on en fasse beaucoup plus. Je me suis récemment rendue dans le Marais poitevin, où on m'a raconté qu'une vache était mystérieusement morte pour avoir bu de l'eau que l'on suspecte fortement d'être polluée par des cyanobactéries.
L'enjeu est donc très important et pour en avoir parlé avec des collègues Républicains, je peux vous affirmer que La France insoumise n'est pas le seul groupe à se préoccuper de cette question.
J'ajoute, monsieur le rapporteur spécial – je m'adresse à vous, car vous êtes le seul à m'avoir répondu – , que des pays nous ont précédés dans la voie que je propose. Nous déposons pareil amendement depuis maintenant plusieurs années et on nous répond toujours que ce n'est pas le moment d'instaurer une taxe sur les engrais phosphatés et azotés. Or elle existe déjà au Danemark et aux Pays-Bas, où elle s'élève respectivement à 70 et 35 centimes d'euro par kilogramme. Il est donc possible de la créer en France. Nous en avons impérativement besoin si nous voulons protéger nos ressources en eau, dont la pérennité, comme vous le savez, est fortement menacée.
Il nous faut cette protection s'appuyant sur le principe, figurant dans notre droit, du pollueur-payeur.
L'amendement no 1707 n'est pas adopté.
Nous avons évoqué ce matin les risques sanitaires et écologiques liés aux néonicotinoïdes. Nous devons accélérer la recherche et favoriser l'innovation si nous voulons permettre aux agriculteurs de réussir la transition vers un nouveau mode de production. Or ce sera très difficile sans crédits supplémentaires. C'est pourquoi l'amendement tend à augmenter les crédits du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ».
L'ACTA – Association de coordination technique agricole – , l'APCA – Assemblée permanente des chambres d'agriculture – et l'INRAE – Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement – sont tournées vers ces questions, auxquelles une part importante de notre recherche est donc déjà consacrée. Avis défavorable.
L'amendement no 1696 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il faut accélérer la recherche pour pouvoir tourner le dos aux phytosanitaires. Vous dites que les crédits existent, monsieur le rapporteur spécial ; c'est vrai, mais chacun peut admettre qu'ils sont insuffisants.
L'amendement no 424 de mon collègue Julien Dive propose de mobiliser 10 millions d'euros supplémentaires – une somme bien faible au regard du budget de l'État – pour permettre à nos fermes d'adopter de nouveaux modèles de production. Monsieur le rapporteur spécial, monsieur le ministre, montrez votre volonté de favoriser concrètement et de manière pragmatique la transition écologique !
Le glyphosate n'est pas le seul produit phytosanitaire qui nous pose problème, mais c'est certainement le plus médiatique – raison pour laquelle il est évoqué dans l'exposé sommaire. Des montants importants sont consacrés, dans le cadre du plan de relance, au fonds avenir bio, aux volets de soutien à notre agriculture que sont notamment les MAEC et les aides aux agriculteurs bio, et à la réduction de l'usage des produits phytosanitaires. J'émets donc un avis défavorable.
Le sujet est très important. Dans les prochains jours ou les prochaines semaines – selon les contraintes liées à la crise que nous traversons – , la ministre de la transition écologique et moi-même ferons le point sur le glyphosate en indiquant ce qu'il reste à faire pour trouver des solutions alternatives là où elles s'avèrent nécessaires. Comme vous l'avez vu, l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, a déjà publié de nouvelles autorisations de mise sur le marché permettant de réduire significativement l'usage du glyphosate et, lorsque des solutions alternatives techniques et économiques existent, de cesser l'utilisation de ce produit.
Une des conclusions du débat qui nous a encore occupés au début de cet après-midi, c'est que nous devons mettre encore plus l'accent sur la recherche. Je vais justement annoncer la mobilisation de 7 ou 8 millions d'euros supplémentaires pour la recherche sur le glyphosate, …
… ce qui est précisément ce que réclame l'amendement no 425 .
Le problème que pose ce dernier est qu'il tend à prendre l'argent sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », tandis que je me propose de redéployer les crédits consacrés à certains programmes de recherche qui dépendent non seulement du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, mais aussi de celui de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Je demande donc le retrait des deux amendements et reste bien évidemment à votre disposition pour préciser les dispositions que j'entends prendre pour soutenir la recherche sur le glyphosate.
J'en référerai à M. Dive, auteur principal de cet amendement dont je ne suis que cosignataire. Mais nous sommes dans une enceinte démocratique et je crois en votre parole, monsieur le ministre. Le cas échéant, nous reviendrons en deuxième lecture sur la nécessaire accélération de la recherche et sur les moyens d'aider les agriculteurs à passer, à faible coût, d'un modèle de production à l'autre. Mais dans l'immédiat, je retire les deux amendements.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1250 et 1459 .
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 1250 .
Je laisse M. Potier présenter sa proposition, qui a été acceptée en commission.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1459 .
J'ai déjà longuement évoqué le plan Écophyto, dont chacun admet qu'il est en panne. Il ne s'agit pas ici de faire le procès de quiconque, mais de savoir si, compte tenu des épisodes que nous avons connus à propos des néonicotinoïdes et du glyphosate, nous n'avons pas besoin d'adopter en la matière un dispositif plus puissant. Je crains en effet que, si notre recours au Conseil d'État n'aboutit pas, le levier des CEPP, les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, ne soit abandonné, ce que je regretterais profondément.
Parmi la douzaine de mesures dont tout le monde s'accorde à dire qu'elles permettraient de résoudre les problèmes actuels figure le dispositif des fermes DEPHY – Démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires – , véritable laboratoire vivant de l'expérimentation. De fait, lorsque j'étais responsable du plan Écophyto, je ne pouvais pas faire un déplacement sans que quelqu'un me parle d'une ferme DEPHY dont la pratique allait beaucoup plus loin que ce que je décrivais. Ce dispositif permet donc véritablement un changement par le bas, au sein même des fermes, dans des écosystèmes différents. Nous avions porté de 2 000 à 3 000 le nombre de fermes concernées et notre rêve était alors de faire de l'APCA, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, le vecteur d'un développement permettant d'atteindre les 30 000 fermes. Avec un coefficient sept correspondant à celui des années 1960, on pouvait imaginer entraîner ainsi 200 000 agriculteurs vers l'agro-écologie.
C'est ce nous vous proposons d'amorcer avec cet amendement, au coût budgétaire modeste, qui a été adopté en commission des finances. J'espère, monsieur le ministre, que vous soutiendrez ce qui constituerait un signe en faveur du renforcement du plan Écophyto.
Comme je l'exprimais ce matin, je crois profondément au dispositif DEPHY, qui ne concerne d'ailleurs pas tant la recherche que sa vulgarisation. Une des grandes difficultés auxquelles sont confrontées les politiques publiques est en effet de parvenir à diffuser des éléments issus de la recherche.
Le plan Écophyto se voit déjà affecter 13 millions d'euros. Mais vous disposez de toutes les données et pouvez juger de l'opportunité de transférer des crédits d'un programme vers un autre. Si la représentation nationale, à l'instar de la commission des finances, estime utile de consacrer 450 000 euros au financement de ce projet précis, je m'en remettrai à sa sagesse.
La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je précise que la commission des affaires économiques, l'année dernière, avait donné un avis favorable à l'adoption d'un amendement similaire de M. Potier.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 57
Contre 2
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1449 .
Merci pour votre soutien, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs.
Monsieur le ministre, lors de l'examen des crédits de la mission « Plan de relance », nous n'avions pas pu débattre en votre présence des problèmes posés par l'usage de l'eau en agriculture.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés est une mise en garde – adressée à nous tous, car il ne s'agit pas de donner des leçons. Si nous ne voulons pas connaître à nouveau les mêmes affres que pour les énergies renouvelables, c'est-à-dire des querelles, des recours en justice, le mépris des réalités du monde agricole, voire de l'agri-bashing, il faut établir un dialogue.
Je peux en témoigner pour avoir réalisé, en période de sécheresse, une tournée des communes : les maires, le monde paysan, tous les citoyens sont sensibles à ce problème. À propos des réserves collinaires, les habitants de ma circonscription m'ont dit, cet été, qu'ils n'y comprenaient plus rien : est-ce bien ? Est-ce mal ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce qu'on mette de la science et de la raison dans les discussions relatives aux cycles de l'eau ? Est-il possible d'engager sur ce sujet un débat démocratique de qualité afin de permettre aux territoires de prendre, en conscience, des décisions qui nous réconcilient au lieu de nous opposer ? Le propos n'est pas qu'un lobby gagne contre l'autre. Comme vous, je déteste les caricatures et tous les excès dans la vie publique. Sur cette question sensible qui prend de plus en plus d'importance, ne recommençons pas les mêmes débats que sur les pesticides ou les énergies renouvelables : efforçons-nous de mener des politiques territoriales et citoyennes qui nous réconcilient.
Nous avons déjà discuté un peu de ces sujets ce matin. La loi ASAP, ou loi d'accélération et de simplification de l'action publique, donnera, nous l'espérons, quelques facilités dans ce domaine. Je suis certes favorable à ce que nous travaillions sur ces questions, mais je ne vois guère l'intérêt de débloquer 100 000 euros de crédits comme le propose l'amendement. Je vous invite donc à le retirer.
Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à partager cette préoccupation. Je fais partie de ceux qui considèrent que, jusqu'à preuve du contraire, l'agriculture a besoin d'eau. Aux prêcheurs qui tentent de nous faire croire qu'elle pourrait s'en passer, je réponds que je ne demande qu'à voir, mais je doute du résultat.
M. Michel Lauzzana applaudit.
Cela étant, nous devons améliorer la gestion de l'eau. Notre pays a été pionnier en la matière – je pense à la Société du canal de Provence, à la Compagnie Bas-Rhône Languedoc et à tous les aménagements déjà réalisés dans ce domaine. Cependant, le changement climatique voit ses effets s'accentuer sans que les infrastructures ne suivent. Et au moment précis où les retenues d'eau auraient dû être créées en plus grand nombre, le débat sociétal est devenu plus compliqué.
J'ai pu voir les immenses difficultés que connaît le Puy-de-Dôme, où je me suis rendu avec le président Chassaigne – la plaine de la Limagne n'avait pas connu de sécheresse aussi grave depuis des décennies. Pour y répondre, je suis un farouche défenseur de la création de nouvelles retenues, individuelles ou collectives.
Mais il faut procéder avec méthode, et cela commence par une indispensable concertation. Les conflits d'usage de l'eau sont vieux comme le monde, ils sont nés lorsque l'homme est devenu sédentaire. C'est dire combien il est compliqué de les résoudre et qu'il faut les affronter avec beaucoup de sérénité. C'est l'objectif des dispositifs tels que les projets de territoire pour la gestion de l'eau, les PTGE.
S'il faut de la concertation, il ne faut pas non plus qu'elle dure trop longtemps, sinon on n'arrive pas à atterrir. De ce point de vue, je salue les avancées de la loi ASAP.
Enfin – et je le dis là aussi avec beaucoup de sérénité – l'honneur du débat politique est de reconnaître qu'une fois la concertation achevée, il faut avancer. Je vois, dans les Deux-Sèvres par exemple, des leaders politiques manifester contre des projets qui ont fait l'objet de toutes les concertations possibles et que tout le monde a signés, à part quelques-uns, qui de toutes les manières n'auraient jamais été d'accord et alors que ces projets sont conformes à toutes les réglementations en vigueur. Que certains préfèrent tenir des propos d'estrade plutôt que d'obtenir des avancées positives via la concertation et la simplification, cela me désole.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
On a encore le droit de manifester dans ce pays ! Sous le feu des LBD, il est vrai…
L'amendement no 1449 est retiré.
Avant de donner la parole à monsieur Potier pour soutenir l'amendement no 1456 , je vous indique, mes chers collègues, que nous sommes loin d'en avoir fini avec cette mission et que l'Assemblée aura encore à examiner aujourd'hui les crédits des missions « Défense » et « Anciens combattants, Mémoire et liens avec la nation ». Je vous invite évidemment à présenter tous vos amendements et à les défendre autant que vous le souhaitez, dans le respect de notre règlement mais en faisant preuve de concision …
… afin que nous puissions examiner avec le même sérieux et la même rigueur tous les crédits dont nous avons à débattre aujourd'hui.
Monsieur Potier, vous avez la parole.
Je défendrai cet amendement d'appel avec concision, monsieur le président, même s'il s'agit d'un sujet qui me passionne et sur lequel je pourrais parler pendant des heures : la question de la méthanisation.
Son intérêt ne fait pas débat en tant qu'élément du mix énergétique et du fait de sa complémentarité avec l'élevage et la polyculture-élevage. Ce qui est en cause ici, c'est une certaine dérive qui fait que depuis quelques années cette technologie est découplée de l'élevage, quand elle ne lui nuit pas. Les témoignages en ce sens se multiplient tant dans l'ouest que dans l'est de la France, que ce soit des éleveurs qui expriment leurs inquiétudes ou des agriculteurs qui posent la question de la qualité agronomique des digestats et craignent que ce qui se passe en Allemagne se produise dans nos territoires. Hier encore, le directeur de l'agence de l'eau appelait mon attention sur la remontée du taux de nitrate qu'on observait partout où ces méthaniseurs étaient mal implantés et mal gérés.
On assiste également à une dérive tarifaire. Quant au contrôle de l'État – je vous ai écrit à ce sujet, ainsi qu'à votre collègue Barbara Pompili – , il est soit inexistant, soit totalement inopérant, complètement à côté des réalités.
Il y a donc une bonne et une mauvaise méthanisation. Il est aussi urgent de favoriser la bonne méthanisation, adossée à l'élevage, qui contribue au mix énergétique et renforce la polyculture-élevage que de mettre fin à la mauvaise, qui détruit les marchés comme le sol, à court et à long terme, à rebours de la conciliation de l'économie et de l'écologie que, j'en suis persuadé, vous appelez de vos voeux comme nous le faisons tous.
Oui ou non, le ministère de l'agriculture et celui de la transition écologique sont-ils capables de résister aux très nombreux lobbies – je pense à GRDF, à qui la loi impose des objectifs en la matière et qui les atteint parfois à n'importe quel prix – et de faire preuve d'un bon sens paysan dans la mise en oeuvre d'une vraie méthanisation ?
Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites, monsieur Potier mais je vous demande quand même de retirer cet amendement.
J'irai dans le sens du rapporteur. Une question au Gouvernement m'avait donné l'occasion de répondre sur ce sujet. Il faut d'abord dire que la méthanisation, c'est bien à maints égards et qu'elle ne doit pas encourir l'opprobre du fait de certaines dérives. Elle présente un grand intérêt pour beaucoup de territoires et beaucoup d'agriculteurs.
Beaucoup plus de projets de méthanisation ont été lancés qu'on ne l'espérait il y a encore quelques années et il faut soutenir cette dynamique. Mais comme en tout, il faut savoir trouver le bon équilibre : on peut ainsi se demander s'il est justifié de cultiver du maïs intégralement destiné à des méthaniseurs.
C'est la raison pour laquelle l'usage de cette technique est solidement encadré et c'est dans ce sens qu'il nous faut avancer. Oui à la méthanisation, mais dans les limites que nous devons lui assigner. De ce point de vue, le rapport que votre collègue Jean-Luc Fugit a consacré au rôle de l'agriculture dans la production d'énergie apporte des éléments de réponse et je suis tout à fait pour que nous y travaillions.
Sourires.
L'amendement no 1456 est retiré.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1445 .
Cet amendement, monsieur le ministre, est l'occasion d'une interpellation que je n'ai pas pu faire dans le cadre de l'examen des crédits du plan de relance – même si j'étais là lundi jusque tard dans la nuit – , faute d'avoir un interlocuteur qui puisse me répondre à propos du plan « Protéines végétales ». C'est donc là encore un amendement d'appel.
Je vous invite à lire les conclusions du rapport absolument remarquable de l'IDDRI et de I4CE que je vous ai fait transmettre dans la perspective de ce débat. Il confirme l'utilité du doublement des surfaces de cultures qui est votre objectif dans le cadre du plan « Protéines végétales », auquel le plan de relance consacre un budget de 100 millions d'euros. C'est une première étape ; il y en aura d'autres dans le cadre de la PAC. On peut imaginer également un renforcement de ces cultures via un recouplage ou encore dans le cadre des écosystèmes.
Ce que nous dit ce rapport c'est qu'il ne suffit pas de lancer une politique de soutien des protéines végétales : il faut aussi veiller à sa mise en oeuvre via le développement de variétés adaptées à la diversité des sols. Il faut absolument veiller à l'intégration de ces cultures dans les écosystèmes ; les labellisations « agriculture biologique » et « haute valeur environnementale » pourraient jouer un rôle important de ce point de vue. Il faut des écosystèmes locaux qui permettent la territorialisation. Il faut enfin promouvoir la consommation de protéines végétales, tant pour la santé de la terre que pour celle des hommes.
Le déploiement de ces cultures doit se faire en coopération avec la filière, plutôt vertueuse en la matière, avec les territoires et la pluralité des acteurs, notamment les ONVAR, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale, qui pourraient jouer un rôle très important dans ce domaine.
Je vous remercie d'avoir ouvert cette discussion, même si nous allons peut-être devoir la refermer. En tant qu'agronome, je suis bien évidemment favorable moi aussi à cette diversification des cultures, voire à leur mélange. Il y a de nombreuses techniques que nous avons perdues au cours des dernières décennies et qu'il nous faut réinventer. Je suis donc d'accord pour en discuter mais défavorable à cet amendement, eu égard aux sommes importantes déjà mises sur la table pour les deux prochaines années.
Oui, mille fois oui pour le soutien au plan « Protéines végétales ». Vous connaissez mon engagement sur ce sujet : une publication récente du secteur parle même de croisade pour qualifier l'action de mon ministère et de moi-même pour promouvoir ces cultures. Sans entrer dans le détail, je rappelle que le plan de relance y consacre 100 millions d'euros, qui s'ajoutent aux aides couplées à des accroissements de surfaces que nous avons réussi à obtenir dans le cadre de la PAC.
Si j'y suis tant attaché, c'est que c'est une question de souveraineté. Depuis cinquante ans, nous importons des protéines végétales américaines et sud-américaines : cela ne peut pas durer.
J'en profite pour répondre à une question que vous n'avez pas directement posée : étant donné leur importance, les coopératives d'utilisation de matériel agricole, CUMA, seront éligibles aux divers dispositifs prévus par le plan de relance.
L'amendement concerne en effet tous les outils territoriaux tels que les CUMA qui favorisent la diversification des cultures. De ce point de vue le plan « Protéines végétales » jouera un rôle important.
J'appelle également votre attention sur la question des méteils et des systèmes de tri des méteils qui constituent une voie d'avenir très importante. Ils ne peuvent être que territorialisés et s'appuyer sur des groupements locaux.
L'amendement no 1445 est retiré.
Il y a quelques années, j'avais lancé à Amiens, avec les Goodyear, Frédéric Lordon et compagnie une manifestation qui s'appelait « Le Réveil des betteraves », dont la mascotte était une betterave géante appelée Çasuffix : c'est dire mon attachement à cette plante.
L'origine de cette culture ne semblant pas avoir été évoquée aux cours des longues heures de débat auquel elle a donné lieu, je me permets un petit rappel historique. Sous Napoléon, la France était privée, du fait du blocus britannique, de café, de coton et surtout de sucre. Les agronomes vont alors proposer à Napoléon de lancer la culture de cette plante dont on tirait un peu de sucre au Moyen Âge. C'est ainsi qu'est née, chez moi en Picardie, une industrie sucrière sans esclaves. C'est la preuve que la contrainte peut être créatrice, pour l'agriculture comme pour l'écriture.
Je suis convaincu que la contrainte de ne pas utiliser les néonicotinoïdes se révélera aussi créatrice : l'homme inventera, imaginera des solutions de substitution mais il faut s'en donner les moyens. Voilà pourquoi je réclame par cet amendement d'appel un plan de filière pour l'industrie betteravière, plutôt qu'un dumping environnemental.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
J'aurai également un avis défavorable. Je suis très content de ce rappel des origines de la betterave et du rôle de Napoléon en la matière, que je connaissais. Vous n'avez pas participé à une seule minute du débat sur la betterave et le recommencer maintenant ne serait pas totalement respectueux de tous les députés qui eux étaient présents…
… et qui ont beaucoup travaillé pour faire avancer les choses dans ce domaine, au lieu de se contenter de profiter d'un micro pour invoquer Napoléon et les bienfaits de la contrainte, …
… jetant ainsi une nouvelle fois le discrédit sur les travaux de cette assemblée que vous ne respectez aucunement par de telles interventions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement, monsieur Ruffin ?
Pour fait personnel, monsieur le président.
C'est en effet mon droit de présenter un amendement sur ce projet de budget. Je ne vois pas en quoi il est nécessaire d'attaquer un parlementaire qui exerce son droit d'amendement.
Venez bosser quand les autres bossent !
Allez donc voir, monsieur le ministre, à combien de réunions de commission j'ai assisté ce mois-ci avant de faire des comparaisons!
Allez voir à combien de séances j'ai assisté ce mois-ci ! Comptez le nombre de mes interventions ! Ce n'est vraiment pas un argument à m'opposer…
… au lieu de me répondre sur le fond quand je vous interroge sur le plan de soutien à l'industrie betteravière. Il y a des ministres avec lesquels ça s'est très bien passé mais vous, depuis le début, vous nous attaquez sur la dignité et toutes ces sortes de choses. Je ne vois pas l'intérêt de faire dériver notre débat, qui est un débat de fond sur le modèle agricole que nous voulons, vers des prises à partie personnelles.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il est pris bonne note de votre rappel au règlement, monsieur Ruffin. Il est pris bonne note aussi du fait que vous êtes attaché à ce que les interventions des uns et des autres se fassent dans le respect des uns et des autres. C'est toujours bon à rappeler.
Autre argument en faveur de cet amendement, le cours du sucre a chuté de 50 % en 2017, ce qui s'est traduit par une perte de 500 euros à l'hectare pour les producteurs de betterave, et ce n'était pas la faute des pucerons, qui ont bon dos dans cette affaire : c'était de la faute de Bruxelles, qui a décidé de mettre fin aux quotas et d'aligner les prix sur le marché mondial, provoquant une crise de surproduction et une baisse brutale des prix. Depuis, quatre usines sucrières ont fermé en France.
Deux ans plus tôt, Bruxelles avait supprimé les quotas laitiers et la même cause avait produit les mêmes effets : surproduction, baisse des prix, casse des éleveurs. Qu'importe ! Par dogmatisme, les commissaires européens ont recommencé la même folie pour la betterave. Comment les dirigeants français ont-ils réagi ? Ils n'ont pas bougé, par soumission aux dogmes de la concurrence, du libre-échange et de la mondialisation.
C'est pourquoi nous vous demandons par cet amendement d'introduire de la régulation et de garantir les revenus des agriculteurs betteraviers.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 16
Contre 47
L'amendement no 1698 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1697 .
La production de betteraves sucrière a chuté de 15 % en moyenne, voire de 50 % par endroits : tels sont les dégâts que causent les pucerons suite à un hiver doux dû au réchauffement climatique. Ces pertes sont d'autant plus dramatiques pour les betteraviers français que leurs voisins et concurrents n'en souffrent pas : la Belgique, la République tchèque, la Slovaquie, l'Autriche, la Pologne et d'autres – neuf pays européens en tout – ont déjà autorisé le retour des néonicotinoïdes. C'est un dumping environnemental qui place l'agriculture française et son industrie dans une situation de concurrence déloyale.
Comment réagissent les dirigeants français face à ce fléau naturel, monsieur le ministre, et face au fléau économique de la fin des quotas à Bruxelles et à l'alignement sur les cours mondiaux ? Ils s'alignent par le bas et permettent qu'ici aussi, ces pesticides reviennent dans les champs quoique leur nocivité soit connue et reconnue. Alors que l'Europe a déjà perdu 80 % de ses insectes, que les abeilles disparaissent silencieusement et que nous assistons chaque jour à la destruction accélérée du vivant, on ne saurait accepter ce recul. Quel monde laissons-nous à nos enfants ?
Aussi, je souhaite que le Gouvernement et le Président de la République bataillent à Bruxelles pour rétablir une égalité de traitement en mettant fin aux dérogations et aux néonicotinoïdes partout sur le continent, et pour revenir à une régulation reposant sur des quotas et des prix minimum. Mais dans l'urgence, avant cette bataille à Bruxelles et les victoires que vous emporterez parce que vous agirez – je l'espère – avec fermeté, il faut sans attendre que les agriculteurs français soient intégralement et immédiatement dédommagés des pertes subies par la jaunisse de la betterave ; tel est l'objet de cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous êtes plus à même que moi de défendre les betteraviers, monsieur Ruffin. Je précise que la section dédiée aux betteraves sucrières du Fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, le FMSE, n'a jamais consacré un centime à la mise en place d'une garantie en cas de difficultés. Avis défavorable.
Même avis.
Oui, je veux présenter la vision que nous défendons pour l'agriculture en général et pour le secteur de la betterave en particulier. Elle se résume en un mot : régulation. Des règles, des règles, des règles. Des règles qui ont existé pendant des décennies. Des règles qui s'appellent quotas de production, quotas d'importation, coefficients multiplicateurs, prix-plancher.
Ces règles ont été défaites une à une pour laisser le secteur dans la main invisible du marché…
… qui a broyé quatre usines sucrières et qui pourrait bien broyer l'agriculture française. Faute de réagir en instaurant une exception agricole sur le modèle de l'exception culturelle, on ne s'en sortira pas et on ne sortira pas l'agriculture française de la machine à laver de la mondialisation, qui va l'essorer !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 14
Contre 55
L'amendement no 1697 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 1568 .
Nous proposons d'encourager les structures collectives telles que les CUMA par une majoration de 20 % des aides qui leur sont octroyées par rapport aux entreprises individuelles. C'est lors des auditions de la fédération nationale des CUMA et la Coopération agricole que nous y avons été incités.
Ce dispositif présente bien des avantages : il encourage la mutualisation des investissements, réduit la participation de l'État qui doit financer moins de matériel, bénéficie à un plus grand nombre d'agriculteurs et favorise des objectifs de transition écologique.
Je comprends l'objectif de cet amendement et, comme je le disais tout à l'heure, les CUMA sont très importantes. Je demande néanmoins son retrait car nous avons déjà prévu dans le plan de relance une majoration de dix points des aides auxquelles les CUMA pourraient prétendre.
Ne pourrait-on pas élever cette majoration à 20 %, monsieur le ministre ?
Sourires.
L'amendement no 1568 est retiré.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1455 .
J'avoue avoir été tenté de reprendre le précédent amendement, qui était excellent, mais nous reviendrons sur les structures collectives.
J'en viens à l'amendement no 1455 : s'il n'y en avait qu'un seul à adopter, ce serait celui-ci, qui porte sur la construction des prix – une proposition qui rassemble de nombreux députés par-delà les partis qu'ils représentent. Le déséquilibre de la structure commerciale actuelle entre la concentration de l'industrie agro-alimentaire et de la distribution d'une part et, de l'autre, le monde de la production ne peut plus durer. Les lois Sapin II et EGALIM avaient pour but d'établir non seulement des organisations de producteurs mais aussi des associations rassemblant ces organisations. Tout cela n'a pas été suivi d'une mise en oeuvre suffisante sur le terrain, monsieur le ministre, notamment parce que le dilemme impliquant l'équation coopérative n'est pas encore réglé, quoiqu'il ne soit pas insoluble.
Il y a une autre raison : l'État n'a pas joué son rôle. Vous pouvez vous engager, comme vous le faites dans le plan de relance, à soutenir la formation et l'accompagnement des appellations d'origine protégée et, en sus, à ce que des aides européennes par filière soient adossées à l'adhésion à une AOP. Ce mécanisme a déjà fait ses preuves, par exemple dans le secteur ovin, et serait très puissant.
D'autre part, nous demandons avec Éric Andrieu et d'autres députés européens que les AOP soient habilitées à gérer des volumes pour construire des prix. Lorsqu'on ne maîtrise pas les volumes, on ne construit pas les prix. Cette révolution des AOP peut avoir lieu sous votre impulsion. Elle ne coûte pas très cher : 1 million d'euros pour structurer et promouvoir cet effort. Voilà le signe que nous attendons de vous, monsieur le ministre !
Il est satisfait : 4 millions d'euros sont déjà prévus en faveur de l'aide à la professionnalisation.
Je fais miens les propos du rapporteur spécial mais je partage en tous points votre avis, monsieur Potier : la mère des batailles reste le prix. Or le prix est une question de rapport de force, lequel implique la question de la taille et, par conséquent, celle de l'organisation. C'est une vue d'ensemble que nous devons adopter : il faut accroître la contractualisation, encore insuffisante – je pense au label rouge, par exemple – mais aussi renforcer la transparence. Encore une fois, mes trois maîtres-mots sont la confiance, l'exigence et la transparence. Il faut passer de la question du prix à celle de la transparence des marges et, ainsi, entrer dans le rapport de force. Troisième volet, enfin : la structuration des filières. Comme l'indiquait le rapporteur spécial, nous avons prévu dans le plan de relance une ligne de 4 millions d'euros pour accélérer l'organisation des filières – laquelle ne dépend naturellement pas que des financements, même s'ils sont nécessaires. Ce montant étant déjà prévu, votre amendement, monsieur Potier, est en quelque sorte quatre fois satisfait.
Sourires.
L'amendement no 1455 est retiré.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 1701 .
L'entretien et l'enrichissement des forêts françaises forment une composante stratégique de la nécessaire planification écologique à l'échelle nationale, mais il en va de même des forêts dans le monde entier, en particulier les forêts primaires ; évitons que les efforts de préservation que nous devons déployer en France ne soient annulés par des déforestations ailleurs.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, le comité scientifique et technique « Forêt » a remis un rapport à la secrétaire d'État à la biodiversité le 17 septembre 2020, dans lequel il propose un mécanisme permettant de réduire le risque d'importation de soja issu de la conversion d'écosystèmes et de la déforestation, en renforçant la transparence et la responsabilité des acteurs tout au long de la chaîne de transformation du soja.
Afin que les déclarations et le rapport soient suivis d'effet et que ce mécanisme soit mis en oeuvre, il faut recruter un opérateur extérieur ou renforcer l'équipe d'agents du ministère de la transition écologique. C'est à cette fin et pour des raisons de recevabilité financière au titre de l'article 40 que le présent amendement vise à transférer 1 million d'euros de l'action 21 à un nouveau programme intitulé « Mécanisme de gestion des risques liés aux importations de soja ». Je précise que cet amendement a été inspiré par l'association Canopée.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Plus que de personnel, nous avons surtout besoin de davantage de cultures protéiques en France pour éviter d'avoir à acheter des protéines à l'étranger. C'est l'objet du plan de soutien en cours de déploiement. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. Je salue votre travail sur le sujet, madame Taurine, et nous partageons le même objectif. Depuis cinquante ans, le système est organisé sur la base de l'importation de soja. Un rapport commandé à un groupe d'experts sur le Mercosur a même établi des corrélations entre les pratiques agricoles, dont la culture du soja, et la déforestation. Ce rapport, que nous avons rendu public, me permet de réaffirmer l'opposition du Gouvernement à l'accord de libre-échange avec le Mercosur.
Face à cette situation, que faut-il faire ? Il faut restaurer notre souveraineté et développer la culture de protéines, tant pour la consommation animale que pour l'alimentation humaine – on sait par exemple que certaines légumineuses font défaut dans le panier nutritionnel proposé aux enfants. C'est ainsi que nous réussirons. Nous avons pour ce faire alloué 100 millions d'euros au plan protéines dans le cadre du plan de relance que vous avez adopté dans la nuit de lundi à mardi.
Nous sommes tout à fait d'accord : il faut un plan pour éviter d'importer mais en attendant, nous continuons d'importer. Le but de cet amendement consiste à imposer la transparence et la responsabilité des acteurs ainsi que des contrôles – en somme, en attendant que le plan protéines porte ses fruits avec la relocalisation des productions de protéines végétales, la question du soja reste grave. Dans le Cerrado, un écosystème unique au monde qui abrite 5 % de la biodiversité mondiale, 88 millions d'hectares de végétation naturelle – soit 49 % du total – ont déjà disparu !
Importation ne doit pas rimer avec déforestation. En attendant, donc, cet amendement de bon sens est à adopter d'urgence pour s'assurer que les importations de soja ne provoquent pas la déforestation que l'on observe dans certaines régions de Bolivie ou d'ailleurs, avec ses conséquences sur la biodiversité, sur le carbone et sur le dérèglement climatique en général, mais aussi avec de profondes conséquences sociales car la déforestation force les communautés paysannes et indigènes à un exode rural qui les appauvrit fortement et leur impose des conditions de vie très dures.
Encore une fois, il faut adopter cet amendement élaboré en lien avec Canopée, une association très sérieuse, car il répond à l'urgence du moment en attendant la mise en place du plan de relocalisation.
L'amendement no 1701 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 1699 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je précise, chers collègues, que notre rythme actuel ne nous permettra pas d'achever l'examen des crédits de cette mission dans les délais fixés par la conférence des présidents et que sans un effort de concision de votre part, il faudra vous préparer à revenir dans plusieurs jours – voire semaines – pour conclure ce débat.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1699 .
Voici un amendement qui devrait faire consensus et même l'unanimité puisqu'il vise à faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État – ce qui fera du bien dans ce moment difficile pour la nation. Il s'agit de faire respecter la loi, toute la loi, rien que la loi.
Il concerne la ferme des mille vaches.
Il y a un an, la cour administrative de Douai a confirmé que l'exploitation devait abaisser son cheptel à 500 vaches – comme le prévoyait, d'ailleurs, l'arrêté initial d'autorisation de la ferme – et que de fortes sanctions financières seraient exigées tant qu'elle ne le ferait pas. Cette décision n'a toujours pas été appliquée. Et d'après un article de Reporterre, la préfecture de la Somme, qui devrait faire appliquer la décision, indique attendre les instructions du ministère. Or les instructions du ministère conduisent plutôt à ne rien faire ! Le manque à gagner pour l'État est de 500 000 euros.
Il est nécessaire que la loi soit respectée. À cette fin et en raison des règles de recevabilité, le présent amendement dote de 500 000 euros un nouveau programme intitulé « Respect des règles en matière d'élevage » par le transfert de 500 000 euros de l'action 01 « Moyens de l'administration centrale » du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ». Nous appelons néanmoins le Gouvernement à lever le gage, à faire respecter la loi et à récupérer son manque à gagner, qui se chiffre entre 500 000 et 1 million d'euros.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous touchons là aux limites d'un amendement de crédit : je ne sais pas trop que vous répondre. Au vu de la situation actuelle et compte tenu de la façon dont nous devons examiner nos amendements aujourd'hui, avis défavorable.
Défavorable.
C'est absolument incroyable ! On ne demande que l'application d'une décision de justice, ce qui permettrait, en outre, de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État ; or, loin de nous répondre sur le fond, on n'évoque que la forme, en nous indiquant que l'amendement n'est pas déposé au bon endroit, alors qu'il a pourtant été jugé recevable ! Le ministre, interrogé sur ce dossier, ne se prononce pas, alors que nous sommes dans un cas manifeste de deux poids, deux mesures !
Lorsque la Confédération paysanne eut démonté trois boulons de cette même ferme des « mille vaches », elle avait été condamnée à verser 100 000 euros, et elle les a payés, alors qu'elle avait joué là le rôle de lanceur d'alerte ! Pourquoi le Gouvernement fait-il aujourd'hui preuve d'inertie et de clémence ?
Pour l'anecdote, l'ancien directeur de la ferme des mille vaches est parti travailler dans une ferme bio, en Normandie me semble-t-il. Je trouve que ce revirement est bon signe et gage d'optimisme : il indique le sens de l'avenir. Ce qui n'indique pas le sens de l'avenir, en revanche, c'est le choix du Gouvernement de ne pas faire appliquer la loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 8
Contre 50
L'amendement no 1699 n'est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 1494 .
Mais dans quel monde sommes-nous, que le président d'un groupe d'opposition – celui du groupe communiste, qui plus est – , doive jouer les petites mains du ministre de l'agriculture ? Je m'attendais à ce que les Travert, Moreau, Turquois, Pellois montent au créneau, s'agissant de la suppression, dans le budget de cette année, de 234 équivalents temps plein au ministère de l'agriculture et de l'alimentation !
Vous devinez la colère du ministre, qui voit ses moyens en personnels amputés : 123 postes vont notamment être supprimés dans les DRAAF – directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt – , les DDT – directions départementales des territoires – , et d'autres services déconcentrés de l'État, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner. D'autant plus qu'en quatre ans – je mords un peu sur le mandat précédent – , pas moins de 970 équivalents temps plein ont été supprimés au ministère chargé de l'agriculture.
Pourtant, nous sommes dans une phase de transition vers l'agroécologie. Une nouvelle PAC va s'appliquer, qui nécessitera un accompagnement, l'élaboration de plans stratégiques nationaux et un suivi beaucoup plus important que ces dernières années, pour prendre en compte les évolutions environnementales, notamment dans les pratiques agronomiques. Certes, soixante postes sont transférés vers des services régionaux, ce que l'on peut comprendre.
L'amendement vise donc à rendre service à notre ministre en rétablissant les 234 postes qui lui sont supprimés dans le budget pour 2021. Je pense qu'il fera l'objet d'une belle unanimité.
Mme Bénédicte Taurine applaudit.
Le Gouvernement a établi une stratégie pluriannuelle : libre à chacun d'être en accord avec elle ou de la critiquer. Nous avons préféré cibler les amendements sur certains opérateurs. Les services centraux et déconcentrés, tout comme les opérateurs, du reste, n'ont pas été pris par surprise. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis, mais je voudrais remercier le président Chassaigne pour la solidarité du bloc communiste avec mon ministère. Cela me touche beaucoup.
Je le maintiens, évidemment ! Je ne vais pas laisser le ministre dans cette situation catastrophique !
L'amendement no 1494 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1700 .
Pour que nos agriculteurs vivent bien, la clé, ce sont les prix, les prix, les prix ! Ils étaient d'ailleurs au coeur des états généraux de l'alimentation.
Or, en analysant les données officielles relatives, entre autres, au lait de consommation, à la viande bovine et aux filets de poulet, UFC-Que choisir a montré que la promesse sur les prix n'a pas été tenue. Prenons l'exemple du lait UHT : selon UFC-Que choisir, depuis 2017, le prix du lait UHT payé à l'éleveur a diminué de 5 %, tandis que la marge des distributeurs a, elle, augmenté de 8 %. Si bien que les consommateurs payent maintenant le lait 4 % plus cher, alors que les éleveurs sont moins bien rémunérés.
Les données de FranceAgriMer disent la même chose : pour toutes les productions – gros bovins, lait de vache standard, lait de chèvre standard, agneau – , le prix de vente était inférieur au coût de production. Pour plusieurs productions, il a même baissé depuis le discours de Rungis et les états généraux de l'alimentation ! C'est un échec.
Dans son rapport de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, mon collègue Thierry Benoit expliquait que, si les nouveaux dispositifs de la loi EGALIM – loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – allaient certes dans le bon sens – ce dont je doute, à titre personnel – , ils n'étaient pas suffisants.
Or cet échec se vérifie non seulement dans les prix, mais aussi dans les processus de décision. Lorsque je demande aux agriculteurs de ma circonscription ce que la loi EGALIM a changé pour eux, ils me répondent : rien.
Mme Stéphanie Atger proteste.
On peut toujours dire que ce sont des petits producteurs, qu'ils sont occupés par leur travail, qu'ils n'ont pas le temps de mettre le nez dans leurs papiers. Mais il se trouve que, lors du sommet de l'élevage, à Clermont-Ferrand, j'ai rencontré les représentants de la filière de la Limousine, de la Holstein, du mouton vendéen et du mouton charollais : eux non plus ne constatent pas de changement. Rien n'a donc changé, ni dans les prix, ni dans les processus de décision.
C'est pour cette raison qu'entre autres mesures à prendre, nous proposons de renforcer le rôle de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le ministre a indiqué tout à l'heure qu'il préfère renforcer la formation des opérateurs, des agriculteurs, qui doivent négocier les prix avec la grande distribution. Je pense, moi aussi, qu'il faut leur laisser la parole et la possibilité de s'organiser. Avis défavorable.
Défavorable également. Je tiens à prendre quelques instants pour saluer le travail de la majorité sur la question des prix. Vous n'utilisez pas la même méthode que M. Ruffin, qui vient m'interpeller une nouvelle fois sur tous ces sujets, …
… mais vous travaillez énormément et, depuis les états généraux de l'alimentation – EGA – organisés par Stéphane Travert, alors ministre de l'agriculture et de l'alimentation, vous vous battez tous les jours, sur le terrain, pour améliorer la question des prix.
Monsieur Ruffin, vous avez évoqué le sommet de l'élevage, mais, cette année, il n'a pas eu lieu ! En revanche, avec le président André Chassaigne et le député Jean-Baptiste Moreau, nous avons réunis les producteurs de jeunes bovins et de broutards. Nous avons tenté d'inscrire tout le monde dans la même dynamique, afin d'améliorer les prix. Et ce n'était pas il y a un an et demi, c'était il y a tout juste quelques semaines – le président Chassaigne pourra le confirmer.
La majorité présidentielle et d'autres, comme le président Chassaigne, se battent pour les prix, car c'est la mère des batailles. Ils font le boulot sur le terrain, sans bénéficier ensuite de l'effet d'estrade : je les salue et les en remercie. La bataille est dure, mais on ne lâchera rien, car le prix, je le répète, c'est la mère des batailles !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce qui nous sépare, c'est que vous croyez au marché, rien qu'au marché et que vous donnez tout au marché. Vous venez de dire, monsieur le rapporteur spécial, que vous alliez former les opérateurs, c'est-à-dire, sans doute, les agriculteurs, à négocier avec l'industrie agroalimentaire et la grande distribution. Mais en quoi cela changera-t-il le rapport de force, qui est aujourd'hui complètement déséquilibré au détriment des petits agriculteurs ?
Si, face au marché, à cette main invisible qui les écrase, à ce déséquilibre qui favorise les forts face aux faibles, tout ce que vous avez à proposer, c'est de former ces derniers, sans que l'État vienne imposer des règles et des lois, il est évident que les petits resteront écrasés.
Ce qui nous sépare, c'est votre croyance dans le marché dans tous les domaines – nous l'avons bien vu dans la crise sanitaire que nous traversons depuis le printemps : le marché, tout le marché, rien que le marché, même s'il s'étend jusqu'au Canada, au Mexique, peut-être bientôt au MERCOSUR. Pendant que nous parlons de relocalisation, des accords continuent d'être signés pour étendre un peu plus la puissance du marché.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Monsieur le ministre, nous ne referons pas ici les débats sur l'alimentation. Je ne sais pas combien vous en avez rencontrés, mais les agriculteurs ne sont absolument pas satisfaits des effets de la loi EGALIM,
M. François Ruffin applaudit
car ils ne sont pas ceux escomptés : la question n'est plus tant celle des prix que celle des coûts. Il faudrait peut-être revoir vos arguments.
MM. Charles de la Verpillière et François Ruffin applaudissent.
Madame Blin, monsieur Ruffin, on peut évidemment refaire les débats !
Pas ce soir ! Mais j'invite toutes celles et tous ceux qui voudraient refaire le débat à participer à toutes les instances où il se tient tous les jours, depuis des mois !
Les agriculteurs, je les rencontre tous les jours ; le député Jean-Baptiste Moreau, qui voulait prendre la parole, les rencontre lui aussi tous les jours. Oui, nous nous battons tous les jours.
De loin, monsieur Ruffin, de loin.
Que propose votre amendement, monsieur Ruffin ? De mettre 10 millions d'euros dans un observatoire ! Si je vous avais attendu pour cela, l'affaire aurait été belle ! Vous croyez vraiment que cela changerait quelque chose ? Non. En revanche, avec Serge Papin, nous avons relancé l'atelier 5 des EGA, pour retrouver la dynamique initiale lancée par Stéphane Travert : trois ou quatre réunions se sont déjà tenues. Nous sommes d'une exigence totale s'agissant de l'application de la loi EGALIM. J'ai présenté en conseil des ministres l'ensemble des résultats, les règlements et les sanctions qui doivent être appliqués.
Comment faire pour aller plus loin ? Je l'ai dit ce matin à la tribune : il faut passer de la guerre des prix à la transparence des marges. Voilà comment on entre dans le rapport de force ! Alors on peut relancer le débat sur les EGA cet après-midi, j'y suis tout à fait disposé, je me bats tous les jours sur ce sujet ; …
… mais, s'il vous plaît, arrêtez les propos d'estrade !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
L'amendement no 1700 n'est pas adopté.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 78, pour fait personnel. On sait parfaitement comment fonctionne cette assemblée : les députés d'opposition déposent des amendements d'appel, les sommes qu'ils peuvent y faire figurer sont minimes.
Quoi qu'il en soit, Serge Papin, auditionné pendant les états généraux de l'alimentation, avait déclaré qu'il fallait garantir des minimums et fixer des prix planchers. Tant que vous ne les instaurerez pas pour lutter contre la main invisible du marché, les prix seront écrasés.
Monsieur Ruffin, le fait personnel figure à l'article 58, et non à l'article 78, du règlement. Cela vous permettra, à l'avenir, de faire des rappels au règlement fondés sur les bonnes dispositions.
Je vais aller à l'essentiel. Ils tendent à créer des postes supplémentaires, respectivement au sein des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt – c'est l'objet de l'amendement no 1744 – , et au sein des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, et des directions départementales de la protection des populations – c'est l'objet de l'amendement no 1745 .
Ces postes supplémentaires permettraient de renforcer le contrôle de la qualité des dons alimentaires faits aux associations d'aide alimentaire par la grande et moyenne distribution, ainsi que par les entreprises agroalimentaires et certaines grandes structures de la restauration collective,.
En effet, si l'obligation pour la grande et la moyenne distribution de contracter une convention de dons avec des associations est inscrite dans la loi de 2016, l'élargissement de cette mesure à des secteurs supplémentaires, adopté dans la loi EGALIM, a permis une augmentation quantitative des dons, dont, toutefois, la qualité fait souvent défaut.
À l'heure où la précarité alimentaire connaît une hausse inédite dans notre pays, il est nécessaire de renforcer les contrôles, afin de pouvoir garantir aux associations des dons alimentaires de bonne qualité. Pour ce faire, l'objectif de ces amendements est d'augmenter les moyens humains du ministère chargé de l'agriculture et de l'alimentation et du ministère chargé de l'économie, des finances et de la relance.
Je prends la parole au nom de Michel Lauzzana, rapporteur spécial, contraint de s'absenter.
Vous mettez en avant la difficulté d'obtenir un certain niveau de qualité en matière d'aide alimentaire et de lutte contre la précarité. Ce n'est pourtant pas antinomique : il faut absolument que l'aide alimentaire soit de qualité – c'est déjà le cas. Quant aux moyens que vous souhaitez employer à créer des équivalents temps plein, vos amendements sont satisfaits par l'accroissement des crédits de la mission, de l'ordre de 6 %, qui permet justement d'accroître l'activité de contrôle de la qualité des dons alimentaires. Je demande le retrait des deux amendements ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. Je vous renvoie également au décret du 20 octobre 2020 – il vient donc de paraître – , qui établit le cadre de ce contrôle, ce qui était la première avancée nécessaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 1669 .
Cet amendement vise à sauver les vingt-trois postes qui doivent être supprimés au sein de FranceAgriMer, compte tenu de l'implication de celui-ci dans le plan de relance : cet établissement va devoir, en effet, distribuer plus de la moitié des sommes prévues par ce plan en matière de transition agricole. Pour faire face à ses besoins, il serait bienvenu que l'année s'écoule sans réduction des effectifs.
Il ne sera pas favorable, pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Bien sûr, il est pleinement tenu compte du rôle de FranceAgriMer dans la gestion du plan de relance, et je veille à ce que notre organisation nous donne les moyens de nos ambitions. Avis défavorable, donc.
L'amendement no 1669 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre, parmi les conclusions de notre commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs figurait la nécessité de passer des relations commerciales centrées sur la guerre des prix, et donc orientées vers la confrontation, à des relations de coopération. Dans cette perspective, le médiateur des relations commerciales agricoles joue un rôle déterminant.
Par conséquent, cet amendement propose d'accroître de 440 000 euros les moyens dont dispose ce médiateur. Nous avons eu la même discussion l'année dernière ; la proposition avait été adoptée à l'unanimité dans le cadre des conclusions de la commission d'enquête.
L'an dernier, le ministre de l'époque s'était engagé à affecter au médiateur un ou deux ETP faisant fonction de chargés de mission. Je laisse donc à M. le ministre le soin de nous expliquer ce qui s'est passé depuis.
Tout d'abord, nous avons nommé une médiatrice déléguée, ce qui répond en partie à votre demande. Ensuite, dans le cadre des schémas d'emploi que j'ai évoqués, nous avons décidé de ne pas toucher à la médiation : c'était indispensable. Enfin, le médiateur vient de me remettre des suggestions d'amélioration, que je vous communiquerai avec grand plaisir : elles concernent surtout l'action de la médiation. Il s'agit d'un retour sur son expérience des dernières négociations commerciales, qui se sont terminées en avril, et des nouvelles, qui commencent tout juste.
L'amendement no 792 est retiré.
Il s'agit d'un amendement d'appel visant, une fois de plus, à appeler l'attention du Gouvernement sur l'incertitude qui entoure actuellement le budget du POSEI, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité. Le maintien des crédits pour la période 2021-2027 n'a toujours pas été officialisé : les agriculteurs des régions ultrapériphériques – RUP – pourraient se trouver pénalisés de 25 millions d'euros, ce qui menacerait de destruction nombre de filières agricoles ultramarines, dont certaines se structurent depuis plusieurs décennies. Des milliers d'emplois seraient remis en cause. Notre souveraineté et notre sécurité alimentaires, qui font partie de nos objectifs, connaîtraient un recul.
En vue d'assurer la recevabilité financière de cet amendement au titre de l'article 40 de la Constitution, les 25 millions, destinés à l'action 21 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés » du programme 149, seraient prélevés sur l'action 04 « Moyens communs » du programme 215. Toutefois, afin de ne pas amoindrir ce dernier, il serait évidemment souhaitable, dans la perspective de l'adoption de cet amendement, que le Gouvernement lève le gage.
L'amendement no 1110 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Monsieur Naillet, je soutiens l'appel que vous adressez à M. le ministre, afin qu'il défende au mieux ce dossier à Bruxelles. En revanche, votre proposition me laisse sceptique : ce n'est pas seulement un amendement d'appel, c'est aussi un amendement budgétaire. À ce titre, avis défavorable.
Sur ce sujet important, j'ai eu l'occasion de m'exprimer devant l'Assemblée lors des questions au Gouvernement. Soyez assuré de mon entière mobilisation, ainsi que de celle de Sébastien Lecornu, de Clément Beaune et du Président de la République.
Aujourd'hui, le compte n'y est pas. L'enjeu n'est pas vraiment financier : pour la France, si ma mémoire est bonne, la baisse du POSEI représenterait environ 11 millions par an. La question n'est donc pas de financer le POSEI en prenant sur le budget national de la PAC, la politique agricole commune : elle consiste en ce que la France, de même que d'autres pays européens, souhaite que le POSEI continue d'être identifié comme un programme de solidarité de l'Union européenne avec les territoires d'outre-mer. C'est sur ce point que nous n'avons pas encore obtenu gain de cause.
Nous multiplions les démarches auprès de la Commission européenne ; le Président de la République lui-même s'investit beaucoup. Les discussions se poursuivent. Le POSEI est indispensable à nos territoires ultramarins : comptez sur nous pour continuer à nous mobiliser en sa faveur. La semaine prochaine, d'ailleurs, se réunit un comité interministériel consacré aux défis agricoles outre-mer : ce sera une bonne occasion de le rappeler.
Lors de sa visite à La Réunion, en octobre 2019, le Président de la République avait annoncé que le fonds CIOM – Comité interministériel des outre-mer – s'élèverait à 45 millions d'euros. Lors du confinement instauré dans le cadre de la crise sanitaire, les filières ultramarines de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ont prouvé leur capacité à se mobiliser face au fort ralentissement du fret aérien et maritime et aux risques de pénurie, grâce au processus de structuration que certaines d'entre elles ont entamé depuis plusieurs décennies. Leur mobilisation a démontré une fois de plus qu'elles jouent un rôle fondamental, indispensable pour la sécurité alimentaire de nos compatriotes d'outre-mer, mais également que le fonds CIOM doit disposer au strict minimum de 45 millions d'euros. En raison d'un défaut d'anticipation budgétaire lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2020, le Gouvernement avait alors rencontré des difficultés concernant l'obtention des crédits nécessaires.
La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ne prévoit que 43 millions pour le fonds CIOM en 2021. Or il est prévisible que sa mission de sécurité alimentaire, la poursuite du développement de la filière agricole et le soutien aux acteurs concernés nécessiteront au moins 45 millions. Afin d'éviter à ce nouveau gouvernement d'affronter les mêmes problèmes que celui de cette époque, et aux agriculteurs et aux élus de s'inquiéter, cet amendement vise à pourvoir le fonds CIOM de 45 millions d'euros. Sa recevabilité financière serait assurée par le prélèvement sur l'action 04 du programme 215 des 2 millions supplémentaires affectés à l'action 21 du programme 149. Pour que les crédits du programme 215 n'en soient pas diminués, il serait souhaitable, dans la perspective de l'adoption de cet amendement, que le Gouvernement lève le gage.
Cet amendement de Justine Benin vise à accroître, comme l'a souligné Philippe Naillet, l'autonomie alimentaire des territoires ultramarins en portant le fonds CIOM à 45 millions, comme s'y était engagé le Président de la République lors de son dernier déplacement à La Réunion.
Du budget 2020 au budget 2021, nous sommes passés de 40 millions à 43 millions, pour l'instant. Je laisse le ministre nous dire pourquoi nous n'atteignons pas les 45 millions. La commission n'ayant pas examiné cet amendement, je considère que chacun reste libre de son vote.
En 2020, nous avons même abouti, je crois, à 46,3 millions, dont 43 millions de base, complétés par des crédits du ministère des outre-mer. Cette année, je m'engage à ce que le fonds CIOM reçoive bien 45 millions in fine : les 2 millions manquants seront le fruit de redéploiements. Il est nécessaire d'atteindre ces 45 millions, qui correspondent à l'engagement pris par le Président de la République. Nous tiendrons cet engagement, je vous le promets. Par conséquent, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à Mme Stéphanie Atger, pour soutenir l'amendement no 1181 .
Cet amendement de Raphaël Gérard propose de flécher 2 millions d'euros prélevés sur les crédits du ministère de l'agriculture et de l'alimentation vers le fonds d'action pour la stratégie agricole et l'agrotransformation en outre-mer.
Le 25 octobre 2019, lors de son déplacement à La Réunion, le Président de la République s'est engagé à ce que le fonds d'aide à la diversification des filières agricoles ultramarines soit revalorisé à hauteur de 45 millions d'euros à partir de 2020, notamment pour tenir compte des contraintes structurelles liées à l'éloignement et à l'insularité. Or, au cours des précédents exercices budgétaires, le montant de ce fonds n'a pas été revalorisé, demeurant à hauteur de 40 millions. Le 7 juin, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a annoncé le lancement d'une procédure de notification d'une enveloppe complémentaire de 5 millions de fonds nationaux, avec une revalorisation à hauteur de 3 millions financée par le ministère des outre-mer.
Cet amendement vise donc à mettre un terme aux incertitudes concernant les 2 millions d'euros supplémentaires provenant des crédits des autres ministères compétents, Annick Girardin ayant expliqué en novembre 2019, lors de son audition par la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation était « à la manoeuvre ».
La commission n'a pu examiner cet amendement, mais nous avons entendu M. le ministre : je demande son retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons. J'ai pris un engagement, et le ministère est en effet « à la manoeuvre ».
L'amendement no 1181 est retiré.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement no 1694 .
Cet amendement vise à modifier les autorisations d'engagement et crédits de paiement pour 1 million d'euros. L'apparition à La Réunion de la bactrocera dorsalis, la mouche orientale des fruits, met en danger de nombreuses cultures, puisqu'il a été recensé 500 végétaux au sein desquels elle peut se reproduire. L'an dernier, cet insecte invasif d'origine asiatique a ainsi affecté la production de mangues. Sa prolifération a des conséquences très importantes tant sur le volume produit que sur l'exportation, puisque celle-ci a été interdite afin d'éviter la colonisation de l'Europe et en particulier de la France.
Afin d'assurer la recevabilité financière de cet amendement au titre de l'article 40 de la Constitution, le million d'euros destiné à l'action 01 du programme 206 serait prélevé sur l'action 04 du programme 215. Pour ne pas diminuer celui-ci, il serait souhaitable que le Gouvernement lève le gage dans la perspective de l'adoption de cet amendement.
De nouveau, je m'exprime au nom du rapporteur spécial Michel Lauzzana. Vous demandez 1 million d'euros supplémentaire, monsieur Naillet, en vue de lutter contre cette mouche des fruits qui fait des ravages sur l'île de La Réunion, sous surveillance depuis 2007. Un certain nombre d'actions et de recherches ont été conduites par le CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, notamment des piégeages de mouches. N'en sachant pas davantage sur le fond, je laisse la parole au ministre, d'autant que la commission n'a pas examiné cet amendement.
Je souscris aux propos de la rapporteure spéciale. Ce sujet doit être considéré dans le cadre plus large de la lutte contre les épidémies sanitaires et zootechniques.
Cette mouche présente une difficulté supplémentaire : étant déjà très répandue, elle nécessite des techniques zootechniques de lutte différentes des autres, qui ne visent qu'à limiter la propagation. La diffusion déjà très large de cette mouche appelle l'utilisation de dispositifs que je pourrais qualifier de droit commun. Je suis disposé à aborder de nouveau le sujet avec vous ultérieurement mais, d'ici là, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 1694 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1454 et 1446 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Sur l'amendement no 1454 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir les amendements.
L'amendement no 1454 est l'un de ceux auxquels nous tenons le plus. Je serais néanmoins assez bref. Ces deux amendements concernent un sujet que nous connaissons tous, celui de la maîtrise du foncier. Nous sommes heureux, monsieur le ministre, d'avoir engagé de façon transpartisane avec vous, sur la base des rapports parlementaires, des travaux des syndicats, des collectivités et des organisations non gouvernementales, l'esquisse de la première étape d'une loi de régulation foncière répondant aux enjeux du XXIe siècle. Je ne détaillerai pas l'ensemble de ces enjeux ici ; les principaux concernent la protection des sols, la valeur ajoutée et la politique d'installation, sachant qu'un actif sur deux cessera son activité dans les dix ans à venir. Sans régulation foncière, il ne pourra pas y avoir de politique d'installation. Or, sans installation et sans renouvellement des générations, il n'y aura pas d'agroécologie.
Le premier des deux amendements souligne que le contrôle des structures constitue un point nodal. La profession, au sens traditionnel du terme, a réaffirmé la primauté de ce contrôle comme moyen, pour elle, de régulation. Elle souffre non seulement de directives liées à la loi, que nous proposerons de renforcer le moment venu, mais manque aussi de fonctionnaires tels qu'il en existait auparavant : connaissant le territoire, capables de discerner ce qui est bon de ce qui ne l'est pas et de déterminer les politiques à mener. Il n'y a pas que des robots et des commissions : des fonctionnaires préparant les dossiers et sachant être habiles sont aussi nécessaires – comme leurs collègues délégataires de service public des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, qui réalisent un excellent travail. Il faut donc que l'État se réarme. Nous proposons de prévoir un emploi ETP par département. C'est peu, mais il s'agirait d'un signal très favorable. Pour 100 départements, cela représente 5 millions d'euros. Nous avons demandé un vote par scrutin public sur cet amendement car votre réponse est très attendue.
Quant à l'amendement no 1446 , je vais le retirer. Il visait la création d'un livret Vert comme instrument financier d'accompagnement des politiques d'installation et de portage du foncier dans des modes associatifs, publics comme privés, innovants. Ce sujet pourra néanmoins être traité plus tard. L'urgence est aujourd'hui d'améliorer le contrôle des structures par la loi et par les moyens humains. Je m'arrêterai là, mais il y aurait encore beaucoup à dire.
L'amendement no 1446 est retiré.
Le temps ne vous le permettrait pas car vous avez déjà consacré plus de deux minutes à un amendement que vous souhaitiez présenter de façon concise !
Sourires.
Nous connaissons tous l'appétence de M. Potier pour les sujets de l'installation et de la gestion des terres, qui sont essentiels. Des initiatives seront probablement prises par les chambres d'agriculture dans le cadre des contrats d'objectifs et de performance, pour conforter leurs techniciens ou leurs ingénieurs sur ces sujets. Tout ne peut pas venir du ministère. Avis défavorable.
Il est également défavorable à l'amendement, mais le député Potier connaît ma position sur la protection des sols. Comme je l'indiquais ce matin, il y a en réalité trois sujets : la protection, la valorisation et la transmission, la protection recouvrant bien sûr la question de l'artificialisation des sols. J'ai énormément débattu avec certains d'entre vous lorsque j'étais chargé du logement. Souvenez-vous notamment des critiques qui m'étaient faites, lorsque je proposais de réorienter l'investissement locatif du pavillon neuf vers l'ancien en centre-ville, ou lorsque nous proposions des moratoires sur le développement de la grande distribution en périphérie au détriment du centre-ville. Mes convictions n'ont pas changé, je pense toujours qu'il faut mieux protéger les sols.
L'amendement propose de ponctionner les moyens transversaux, notamment ceux des agents du ministère, pour les dédier au contrôle des structures. Il faut évidemment avancer sur le sujet du foncier agricole, mais je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel dont je vous demande le retrait. À défaut, avis défavorable.
Les deux voies principales de la dérive actuelle du foncier sont le phénomène sociétaire et le travail à façon, ou bien délégué de façon intégrale. Si nous n'agissons pas au cours des prochains mois, monsieur le ministre, nous serons coresponsables d'un désastre écologique, économique et social. Le mouvement est exponentiel ; tous les jours des scandales éclatent. Dans le Grand Est, les hectares absorbés par le phénomène sociétaire sont aujourd'hui plus nombreux que ceux régulés par la SAFER, si bien que certains marchés ne sont pas régulés. Sur le simple plan républicain, c'est absolument scandaleux. Il faut agir vite. C'est peut-être après la prochaine présidentielle qu'un grand projet de loi relatif au foncier pourra être débattu, mais il faut apporter des premières réponses, comme le propose cet amendement.
À titre personnel, je m'abstiendrai car je ne mesure pas le nombre d'ETP qui seraient nécessaires, mais j'aimerais souligner l'intérêt de cet amendement d'appel. Pour réussir la transformation écologique que nous appelons de nos voeux, il est urgent, comme l'indique mon collègue Dominique Potier, de se préoccuper de la question du foncier. Les fermes de 1 000 ou de 2 000 hectares, comme on en voit aujourd'hui, ne mettront pas en place l'agroécologie que nous souhaitons tous. Il est donc urgent d'agir, dans les mois qui viennent, sur la régulation foncière.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 10
Contre 51
L'amendement no 1454 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », modifiés, sont adoptés.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement no 1687 portant article additionnel avant l'article 53.
Nous demandons au Gouvernement la remise d'un rapport avant le 31 mars 2021 sur l'incidence de la colonisation d'une partie de la filière par les scolytes sur la commercialisation du bois.
C'est un sujet dont nous avons parlé toute la matinée. Vos collègues signataires seraient sans doute entièrement satisfaits, madame Blin : plus qu'un rapport, ce sont 16 millions d'euros qui ont été consacrés en 2020 au traitement des scolytes dans les activités de transport et d'exploitation. Le ministre a par ailleurs annoncé ce matin avoir obtenu 200 millions d'euros supplémentaires. À défaut du retrait de l'amendement, avis défavorable.
L'amendement no 1687 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 292 est retiré.
L'amendement no 1675 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandra Boëlle, pour soutenir l'amendement no 1728 .
Cet amendement de ma collègue Josiane Corneloup demande au Gouvernement la remise d'un rapport évaluant le dispositif de la dotation jeunes agriculteurs, qui fixe le seuil de revenu maximal à trois fois le montant du SMIC. Compte tenu des difficultés récurrentes auxquelles font face les jeunes agriculteurs, il semblerait plus pertinent de maintenir les aides acquises au cours des cinq premières années et de ne prendre en compte les résultats d'exploitation correspondants que pour l'éligibilité aux demandes futures. Cet amendement est également de nature à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs. C'est un défi majeur des prochaines années, la majorité de nos agriculteurs étant âgés de plus de 55 ans. La priorité doit être d'offrir toutes les possibilités aux jeunes agriculteurs pour qu'ils ne soient pas pénalisés.
Les seuils que vous évoquez ont été pris en compte lors de la réforme de l'abattement des bénéfices des jeunes agriculteurs il y a deux ans : il a été plafonné à 75 % contre 50 % pour les plus hauts revenus, et élargi pour les revenus inférieurs à trois SMIC. On ne va pas changer les règles tous les ans : à défaut du retrait de l'amendement, avis défavorable.
L'amendement no 1728 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Serre, pour soutenir l'amendement no 828 .
Le présent amendement demande la réalisation d'un rapport annuel sur la gestion du fonds de structuration Avenir bio, afin de justifier le soutien gouvernemental.
L'amendement no 828 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1458 .
Nous étions parvenus à adopter, dans le projet de loi EGALIM, avec le soutien du ministre Stéphane Travert et de nos collègues, un amendement redéfinissant l'agriculture de groupe. En effet, celle-ci n'a pas été définie juridiquement depuis sa création dans les années 1960, lorsqu'Edgard Pisani était ministre de l'agriculture, alors qu'étaient réalisées les réformes foncières et que se développaient les CUMA – coopératives d'utilisation de matériel agricole – et les GAEC – groupements agricoles d'exploitation en commun. Nous avions trouvé, avec tout le mouvement associatif, notamment les CUMA, une définition satisfaisante permettant l'instauration de politiques fiscales ou réglementaires ad hoc. Vous devez faire de l'agriculture de groupe un levier de reconquête de la valeur ajoutée sur les territoires, des politiques d'installation et du dialogue entre les villes et les campagnes et avec nos concitoyens – bref, une arme pour les politiques publiques que nous soutenons ensemble ici.
Le présent amendement n'est pas un amendement d'appel. Une politique publique d'appui à l'agriculture de groupe de la part du ministère serait un excellent investissement, dans une période où l'individualisme et la concurrence stérile ne peuvent pas être des réponses aux buts que nous poursuivons ensemble.
M. Potier connaît mon attachement à l'agriculture de groupe. Sensible à ses arguments, j'émets un avis favorable à titre personnel et je laisse mes collègues s'exprimer s'ils le souhaitent.
Le sujet de l'agriculture de groupe est très complexe ; il n'en existe même pas de définition à l'heure actuelle, et vous proposez justement d'y travailler. Je pense, moi aussi, qu'il s'agit de l'un des sujets sur lesquels nous devons avancer. Je ne suis pas particulièrement adepte des rapports, car je ne crois pas que cela soit par ce biais que l'on avance rapidement. Je reconnais néanmoins qu'il faut travailler sur le sujet de l'agriculture de groupe. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, mais nous avons aussi un nombre considérable de sujets à traiter dans les dix-huit prochains mois, qu'il nous faudra hiérarchiser. Je le précise, car lorsque les agents des services du ministère travaillent sur un rapport, ils ne se consacrent pas à d'autres sujets.
Je vous demanderai donc le retrait de l'amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Je retire cet amendement ; l'appel a été lancé. Si un véhicule législatif du même ordre que la loi relative à l'économie sociale et solidaire devait être discuté, j'aimerais qu'à cette occasion on n'oublie pas ce sujet et que vous nous aidiez à le défendre pour qu'il aboutisse ; je ne demande pas de texte spécifique.
L'amendement no 1458 est retiré.
J'appelle les crédits de la mission « Développement agricole et rural », inscrits à l'état D.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1468 et 1580 .
Sur ces deux amendements identiques, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1468
Je serai bref, car M. Pellois défendra le second amendement identique. Nous sommes dans l'incompréhension totale devant la baisse des crédits alloués au compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » – CASDAR – , alors que nous en avons plus que jamais besoin. Nous ne comprenons pas la diminution que prévoit ce PLF, alors que nous devons réarmer le développement agricole. Filières et territoires doivent avoir les moyens de leur développement. C'est un point de vue largement partagé et nous gagnerions à adopter ces amendements identiques dans le cadre de ce débat parlementaire.
La parole est à M . le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 1580 .
Nous ne comprenons pas cette diminution de crédits, qui n'était pas attendue. Elle atteint, je crois, près de 12 % par rapport à la recette effective de 2019, alors que le PIB est annoncé en baisse de 10 % à 11 % et que cette contraction sera sans doute nettement moindre dans l'agriculture. En effet, l'activité agricole s'est maintenue et les chiffres d'affaires des exploitations ne sont pas tous mauvais. Nous ne comprenons donc pas. Pour reprendre les propos du ministre ce matin, je dirais que ce n'est pas le budget qui doit gérer la politique, mais l'inverse. Ce n'est pas depuis Bercy que ces problèmes doivent être envisagés, mais depuis le ministère de l'agriculture et l'Assemblée nationale.
Le CASDAR suscite de nombreuses interrogations. J'ai obtenu de vous présenter un budget où la rebudgétisation de ce compte d'affectation spéciale n'est pas à l'ordre du jour – je le précise car il faut toujours indiquer d'où l'on part et, en l'occurrence, je m'en félicite. Le CASDAR vient effectuer un prélèvement sur le chiffre d'affaires de l'exercice de l'année N - 1. Ainsi, quand on passe de 136 millions d'euros à 126 millions d'euros, cela signifie qu'on sera probablement en dessous de 126 millions d'euros pour les prélèvements de cette année.
Le principe de sincérité budgétaire devrait nous conduire à diminuer ce plafond, mais cela entraînerait une difficulté pour l'année suivante, où le rehaussement du CASDAR constituerait une dépense nouvelle. La bonne gestion consiste à faire passer le niveau du CASDAR de 136 millions d'euros à 126 millions d'euros, comme nous le proposons.
Enfin, il y a dans ces amendements un point que je ne suis pas certain de comprendre : ils prévoient un transfert entre deux programmes au sein même du CASDAR, c'est-à-dire à l'intérieur de l'enveloppe des 126 millions d'euros, ce qui ne me semble pas correspondre à la finalité que vous poursuivez. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Je précise que l'adoption de ces amendements ne saurait bien évidemment nous satisfaire si nous n'obtenons pas en même temps un engagement du ministre sur le report des excédents de l'année dernière sur cette année, conformément à ce que prévoit l'article 21 de la LOLF.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 18
Contre 47
L'amendement no 1714 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 654 de M. Fabrice Brun et 1014 de Mme Marie-Christine Dalloz sont défendus.
L'amendement no 1715 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement porte sur la filière du lin-fibre, et non sur celle du lin oléagineux, qui va bénéficier du plan protéines végétales qui fait lui-même partie du plan France relance. Nous proposons d'augmenter les autorisations d'engagement ainsi que les crédits de paiement du programme 776 de 4 millions d'euros afin d'intensifier la recherche et le développement de techniques de production de lin-fibre plus rentables, responsables et durables, conduites par l'institut technique agricole Arvalis.
La France est le premier producteur mondial de fibre de lin, traditionnellement utilisée pour la confection textile. Cependant, d'autres usages de cette fibre ont fait leur apparition : elle peut ainsi remplacer la fibre de carbone ou la fibre de verre. Le lin-fibre est l'un des fleurons du Calvados, du Nord, de la Seine-Maritime – mon département – , de l'Eure, de la Somme, et de bien d'autres territoires.
Si la culture du lin-fibre s'étend régulièrement, avec un doublement des surfaces cultivées depuis 2011, la filière doit faire face à des difficultés croissantes. La crise du covid-19 a fait chuter les exportations de 80 %. Le changement climatique affecte de plus en plus durement la qualité des récoltes, tandis que les consommateurs se montrent toujours plus exigeants sur le plan environnemental.
Il est non seulement nécessaire de préserver, de pérenniser et de développer cette filière d'excellence, reconnue dans le monde entier, mais aussi d'agir dès maintenant pour réduire autant que possible l'utilisation d'intrants dans les cultures de lin-fibre, afin que cette filière n'en vienne pas à se trouver dans la même impasse que d'autres, avec des agriculteurs n'ayant aucune solution pour remplacer les produits phytosanitaires face au stress climatique des plantes et au développement d'organismes nuisibles favorisé par le réchauffement climatique.
Les liniculteurs ont engagé des programmes de recherche et développement visant à limiter le recours aux produits phytosanitaires en s'adaptant au dérèglement climatique grâce aux plans COMBILIN – combinaison de leviers pour une production intégrée de lin fibre – et BREEDFLAX – mise au point d'outils pour une adaptation aux évolutions climatiques. Ces programmes menés par Arvalis fonctionnent au ralenti, faute de ressources financières suffisantes. Pour les mener à bien, 1,2 million d'euros supplémentaires sont nécessaires chaque année pendant cinq ans. Cet amendement entend donc soutenir les enjeux de la recherche et développement pour la production de lin-fibre.
Monsieur Batut, je connais votre engagement en faveur d'une filière qui m'est chère également en tant que députée du Nord. Cette filière durable, qui trouve aujourd'hui, au-delà de l'industrie textile, des débouchés dans des industries technologiques de pointe, est largement soutenue sur ces bancs, notamment depuis la journée de soutien organisée en sa faveur l'été dernier, qui a vu se rassembler nombre de nos collègues autour du président Richard Ferrand.
S'il est toujours difficile de mobiliser des moyens financiers en soutien à telle ou telle production, le lin est un produit de l'excellence française et l'un des fleurons de nos exportations : c'est pourquoi j'émets un avis de sagesse au nom de la commission des finances, en précisant que je suis favorable à titre personnel à cet amendement.
Je ne suis pas favorable au transfert de crédits d'un programme à un autre que cet amendement propose d'effectuer. Pour moi, la question essentielle est celle de la programmation au sein du CASDAR, qui relève de ma compétence et de celle de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, s'agissant notamment de la recherche agronomique. Nous n'avons pas orienté de fonds sur le lin depuis des années – il le faudrait dans le cadre de la nouvelle programmation. La programmation nationale qui va arriver à son terme l'année prochaine doit nous inciter à nous emparer de ce dossier dès maintenant, afin que se mette en place un programme de recherche portant sur cette culture, à l'instar de ce qui va également se faire pour la betterave et le glyphosate.
Je suis d'accord avec vous pour y voir une priorité, je salue votre volonté de faire avancer les choses et je m'engage à ce que nous nous mettions autour d'une table pour voir comment le dossier du lin pourrait bénéficier d'un soutien dans le cadre du CASDAR. Dans l'immédiat, je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 1638 est retiré.
Les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » sont adoptés.
Nous examinons maintenant plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 58.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1237 et 1464 , sur lesquels je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 1237 de M. Pellois, rapporteur spécial au nom la commission des finances, est défendu.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1464 .
Cet amendement réaffirme le besoin d'un développement s'appuyant sur des collectifs qui pensent sur un mode systémique. Monsieur le ministre, vous avez mis beaucoup d'argent dans l'évolution des technologies destinées à réduire les impacts des intrants. Nous serons très attentifs à l'utilisation de ces crédits, parce que nous plaidons au contraire pour que des moyens humains, collectifs et systémiques, qui nous paraissent beaucoup plus efficients, soient déployés sur le territoire.
Je suis défavorable à ces amendements identiques qui consistent en une énième demande de rapport : le sujet sur lequel ils portent relève tout à fait du contrôle du Parlement sur l'utilisation des crédits – en l'occurrence, ceux du plan de relance. J'encourage évidemment la représentation nationale à faire usage de sa faculté de contrôle.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 26
Contre 41
Compte tenu des engagements pris par le ministre sur mon précédent amendement, je retire celui-ci.
L'amendement no 1639 est retiré.
Nous avons terminé l'examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la défense (no 3399, annexes 13 et 14 ; no 3403, tome IV ; no 3465, tomes II à VII) et aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens avec la nation (no 3399, annexe 7 ; no 3465, tome I).
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Cette année, la mission « Défense » verra ses crédits progresser de 1,7 milliard d'euros. Pour la troisième année consécutive, la loi de finances initiale est donc strictement conforme à la loi de programmation militaire – LPM. C'est évidemment une très bonne nouvelle.
L'examen des budgets réalisés donne également satisfaction. Certes, le financement des opérations extérieures – OPEX – pose encore question, mais dans des proportions bien moindres que par le passé. Nul ne saurait nier l'importance de l'effort accompli pour remettre les armées à niveau. Le budget semble solidement lancé sur des rails, tandis que la révision de la LPM, prévue en 2021, pourrait n'être qu'une formalité.
Tous ces éléments positifs devraient nous permettre d'aborder l'avenir avec confiance. Je crois pourtant que nous entrons dans une période de grande difficulté – telle est la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons. Certes, tout s'est bien passé jusqu'à présent, mais tout indique cependant que les choses pourraient se compliquer rapidement. À cet égard, je voudrais exprimer deux sujets d'inquiétude majeurs : l'un est budgétaire, l'autre concerne notre base industrielle et technologique de défense – BITD.
Sur le plan budgétaire, la LPM franchira une nouvelle marche de 1,7 milliard d'euros en 2022, puis trois marches successives de 3 milliards les années suivantes. Chacun sait qu'une telle évolution était déjà très ambitieuse dans le contexte économique dans lequel elle a été conçue – c'est dire à quel point elle risque d'être irréaliste dans le contexte post-crise sanitaire. Alors que, dans les mois à venir, les priorités sociales et économiques, mais aussi régaliennes, seront plus vives que jamais, le discours appelant au strict respect de la LPM sera-t-il suffisant ? Je dirais même, sera-t-il audible ? Je n'ose envisager la situation lorsque, tôt ou tard, nous repasserons sous la contrainte d'une certaine rigueur budgétaire.
En ce qui concerne le BITD, j'ai bien noté le travail accompli par la Direction générale de l'armement – DGA – pour mieux accompagner les petites et moyennes entreprises pendant la crise. Je veux néanmoins souligner l'extrême fragilité de notre tissu industriel : près de 25 % des entreprises concernées étaient déjà dans le rouge depuis deux ans, preuve que leurs difficultés sont non pas simplement conjoncturelles, mais bien structurelles. Il est certes bienvenu de leur apporter un soutien momentané, mais cela ne répond pas aux facteurs structurels. Une difficulté vitale demeure : la réticence des banques à s'engager derrière ces entreprises, tant pour des raisons de réputation que par crainte de représailles américaines ; pour l'heure, ce problème reste sans solution. De même, la montée en puissance de Definvest – fonds d'investissement dédié aux entreprises stratégiques de la défense – est une bonne initiative, mais les sommes qui lui sont allouées ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux. Le cas de Photonis vient de le rappeler, parmi de nombreux autres exemples.
Levons toute ambiguïté : mon intention n'est pas de vous tenir pour responsable de cette situation, madame la ministre, ni de jouer les Cassandre, mais de vous demander quelle sera votre attitude et quelles seront vos priorités pour affronter ces terribles défis qui sont devant nous.
Vous me permettrez, de mon côté, de vous soumettre trois suggestions. La première concerne la communication de votre ministère. Il est légitime – et compréhensible – de vouloir mettre en valeur le redressement en cours. Je pense toutefois qu'il n'est plus opportun d'y procéder dans le contexte actuel, car cela accrédite, dans l'opinion, l'idée fausse que le ministère des armées n'exige plus d'efforts. D'où ma deuxième réflexion : quoi qu'il arrive, le ministère des armées n'échappera pas à un difficile débat sur son budget. Il a tout intérêt à l'ouvrir lui-même, plutôt que de se le laisser imposer par ceux qui veulent réduire ses moyens. Dans cet esprit, tout ce qui vient souligner des carences ou des manques est utile et doit être considéré non pas comme une critique, mais comme un apport au débat, rappelant la nécessité de ne pas interrompre la remise à niveau. C'est ainsi que j'interprète l'intervention du chef d'état-major des armées devant la commission de la défense, en juillet dernier, lorsqu'il s'est interrogé sur notre modèle d'armée et a développé le concept de massification.
Cependant, ce type de débat s'avère compliqué à mener au sein des seules armées. Cela me conduit à ma troisième et ultime réflexion : il existe un lieu naturel pour conduire un tel débat, le Parlement. Si ce dernier n'a pas vocation à relayer les éléments de langage de votre ministère, il n'est pas pour autant son ennemi. Dans les mois à venir, je vous invite à faire davantage confiance à la liberté de parole du Parlement. Vous n'avez pas à la craindre et votre ministère a tout à y gagner.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. M. Jean Lassalle applaudit également.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Permettez-moi, pour commencer, d'exprimer une réelle satisfaction : madame la ministre, votre budget pour 2021 respecte à la lettre la LPM adoptée en 2018. Grâce à cette majorité, grâce à vous, nos armées retrouvent les moyens d'assurer leurs missions. La mémoire de la déflation opérée entre 2008 et 2015 est encore trop vive pour ne pas s'en réjouir.
Le budget opérationnel de la défense correspond au programme 178, qui comprend les crédits de préparation, de maintien en condition opérationnelle – MCO – et d'emploi des forces. En 2021, les autorisations d'engagement prévues pour ce programme augmenteront de 17 % pour atteindre 19 milliards d'euros, tandis que les crédits de paiement augmenteront de 3,3 %, pour s'établir à 10,3 milliards. Je retiens que la provision totale prévue pour financer les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures s'élève à 1,2 milliard, niveau jamais atteint auparavant.
La recherche d'une disponibilité accrue des matériels demeure votre priorité. Pour la préparation des forces aériennes, les autorisations d'engagement augmentent ainsi de 78,5 %, pour atteindre 9 milliards d'euros. Le ministère souhaite étendre la passation de contrats de maintenance de longue durée, afin d'améliorer la disponibilité des matériels. Par exemple, le contrat de MCO des Mirage 2000, notifié en 2021, portera sur une durée de quinze ans.
Toutefois, la période de confinement a révélé des fragilités du système d'approvisionnement en pièces de rechange. Je propose qu'un retour d'expérience soit entrepris pour cette période, et qu'une cartographie des risques consécutifs soit établie. Ne faudrait-il pas envisager la constitution de stocks plus importants et une relocalisation au moins partielle des commandes ? Je préconise aussi un renforcement des moyens de MCO naval présents en zone indo-pacifique, afin de disposer d'une réelle autonomie opérationnelle. Le MCO est un des piliers de l'excellence opérationnelle des forces.
Mais cette quête jamais achevée d'excellence passera avant tout par les femmes et les hommes de la défense. À ce titre, je rapporte les crédits du programme 212, qui rassemble les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisées du ministère des armées et comprend les crédits de personnel et ceux liés à la condition militaire. Ces crédits seront en hausse de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiement, pour atteindre un niveau total proche de 22 milliards d'euros. Dans les deux cas, l'engagement de la loi de programmation militaire de se situer à hauteur d'homme est respecté.
Cet engagement se concrétise tout d'abord par la première marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires, que constitue la création de l'indemnité relative à la mobilité géographique militaire, pour un montant de 38 millions d'euros,. Cette indemnité permettra de mieux prendre en considération la sujétion de mobilité et renforcera l'équité entre les militaires par son ouverture aux célibataires. Par ailleurs, la prime de lien au service passera d'une enveloppe de 34 millions d'euros en 2020 à 56 millions d'euros en 2021. L'efficience de cette prime modulable, qui peut être attribuée au militaire qui reconduit son engagement, est élevée, car la fidélisation d'un engagé volontaire de l'armée de terre permet d'éviter une dépense de 42 000 euros nécessaire au recrutement et à la formation de son remplaçant.
Le projet de loi de finances prévoit également des progrès importants en matière de conditions de vie des militaires : 236 millions d'euros seront ainsi engagés en 2021 dans le cadre du plan hébergement, 18 000 places d'hébergement existantes seront rénovées et 7 600 nouvelles places seront construites d'ici à la fin de l'année 2025. Je considère que les questions immobilières sont au coeur de la condition militaire, et ce sujet retiendra toute mon attention dans les années à venir. En outre, 81 millions d'euros seront consacrés au plan famille pour continuer d'ouvrir des places en crèche, d'offrir le wi-fi et de proposer des installations sportives.
Pour finir sur le volet humain, le projet de loi de finances pour 2021 propose un schéma d'emplois ambitieux, avec une augmentation de 300 ETP. Ces nouveaux postes permettront de répondre aux besoins des armées dans des domaines clés pour les conflictualités présentes et futures, tout particulièrement dans le renseignement et la cyberdéfense.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », dont je suis le rapporteur spécial, finance les actions de reconnaissance en faveur du monde combattant, les politiques de renforcement du lien entre l'armée et la nation et l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale.
Je tiens d'abord à saluer certaines avancées en ce qui concerne la jeunesse, notamment la hausse satisfaisante de la cible d'incorporation du service militaire volontaire. Par ailleurs, les crédits dévolus à la politique de la mémoire augmentent nettement. Cette hausse bénéficie principalement à l'aménagement et à la rénovation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale en France – je pense notamment au camp de concentration de Struthof – , en Algérie et au Maroc. Je ne peux que me féliciter de cet effort important qui permettra de conserver ces lieux de transmission dans un état décent.
Cependant, cette année encore, les crédits de la mission sont en diminution d'environ 3 %. Ils sont désormais inférieurs à 2,1 milliards d'euros. Si cette chute est pour partie la conséquence de la diminution du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d'invalidité, les économies réalisées auraient dû servir, même partiellement, à renforcer les actions en faveur du monde combattant. Je déplore que cela ne soit pas le cas. La déception est d'autant plus forte que le monde combattant a été durement éprouvé par la crise sanitaire en 2020, d'une part parce que ceux qui le font vivre sont souvent des personnes d'un certain âge, d'autre part, parce que l'annulation prolongée des commémorations traditionnelles – hors format numérique ou en groupes restreints – a mis un coup d'arrêt brutal au travail de transmission mené par les anciens combattants et a fait disparaître des moments essentiels de la vie sociale.
Pour 2021, plus encore qu'auparavant, les attentes des anciens combattants et de leurs familles sont fortes et légitimes : or la seule mesure de revalorisation prévue cette année consiste en l'abaissement du seuil d'invalidité nécessaire à l'obtention de la majoration de la pension de réversion du conjoint survivant d'un grand invalide de guerre. Le dispositif ne devrait pas concerner plus de 197 personnes et son coût, probablement surévalué puisqu'il suppose qu'à tout grand invalide de guerre survivrait un conjoint, ne dépassera pas 1 million d'euros. Cette mesure, qui était attendue, manque d'ambition. Aussi proposerai-je un amendement d'appel visant à étendre le nombre de ses bénéficiaires.
J'ajoute que cette amélioration ne saurait, à elle seule, masquer la faiblesse d'engagement du budget 2021, plus particulièrement en ce qui concerne la retraite du combattant. Alors que la dernière revalorisation remonte à 2017 et que les crédits dédiés à cette action sont en baisse de 15,5 millions d'euros, il n'est pas compréhensible que la faible somme perçue chaque année par un ancien combattant reste plafonnée. Je proposerai donc un amendement visant à l'augmenter d'un point d'indice, pour un coût inférieur de 6 millions d'euros aux économies réalisées sur cette seule action.
Je note également une revendication montante à laquelle il serait souhaitable de donner suite. Elle concerne la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux anciens combattants et à leur veuve. L'extension de cette demi-part aux veuves âgées de plus de 74 ans d'un bénéficiaire de la retraite du combattant décédé avant son soixante-quatorzième anniversaire, prévue par la loi de finances pour 2020, entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Cependant, les veuves dont le mari titulaire de la carte du combattant est décédé avant l'âge de 65 ans, c'est-à-dire avant d'avoir pu bénéficier de la retraite du combattant, ne pourront toujours pas demander cette demi-part supplémentaire. Cette inégalité de traitement n'est pas acceptable et il sera nécessaire, dans la continuité des propositions que j'ai formulées l'an dernier, de faire disparaître la double peine dont sont affligés les conjoints survivants d'anciens combattants précocement disparus.
Enfin, si les crédits de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre – ONAC-VG – sont en augmentation, celle-ci n'est qu'apparente, après une année 2020 qui avait donné lieu à un important prélèvement. Par ailleurs, la trésorerie de l'ONAC-VG participera cette année aux actions en faveur des harkis et des rapatriés pour plus de 2 millions d'euros. Certes, les réserves actuelles de l'Office le permettent, mais sa mise à contribution ne pourra se poursuivre éternellement sans que cela entraîne des effets délétères sur la proximité avec ses ressortissants. En effet, si l'ONAC-VG se réorganise pour s'adapter à la baisse du nombre de ses ressortissants, il doit conserver un maillage territorial satisfaisant et assurer une présence suffisante dans ses antennes départementales. Ses missions sont toujours aussi essentielles, à l'image de l'accompagnement des pupilles de la nation, dont le nombre est malheureusement en augmentation du fait des attentats terroristes qui frappent la République depuis plusieurs années, et l'ont frappée encore très récemment.
Pour toutes ces raisons, et malgré l'avis favorable de la commission des finances, j'émets des réserves à l'adoption du budget peu ambitieux de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » dans les termes du projet de loi de finances pour 2021.
La parole est à Mme Sandra Boëlle, suppléant M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Je représente mon collègue Guy Teissier, qui a été empêché, et dont je fais ici la lecture du compte rendu de son rapport.
En ces temps incertains, le budget de la défense se caractérise par sa prévisibilité, dont la cause est à trouver dans le respect de la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, qui court jusqu'en 2025. En 2021, 1,7 milliards d'euros supplémentaires abonderont le budget de la défense qui sera porté à 39,2 milliards d'euros. La remontée en puissance de nos armées se poursuit : lorsqu'on perçoit la tendance à l'instabilité et au réarmement du monde, chacun conviendra qu'il s'agit là d'une nécessité. Permettez-moi de féliciter l'ensemble de nos forces armées pour le travail remarquable qu'elles accomplissent, aussi bien sur le sol national que dans le cadre des missions extérieures qui leur sont assignées.
Je souhaiterais, cette année encore, exprimer ma gratitude au service de santé des armées – SSA – dont nous connaissions déjà la valeur en OPEX et dont nous avons appris, par sa contribution à la lutte contre l'épidémie, la valeur sur le territoire national. Le SSA est aujourd'hui sous tension : après avoir perdu 10 % de son personnel en cinq ans, le service peine à stopper l'hémorragie. Madame la ministre, la capacité du SSA à recruter et à fidéliser doit figurer parmi vos priorités.
La prévisibilité du budget peut être une qualité mais elle est, dans le cas présent, son principal défaut. En effet, tel qu'il nous est présenté, le budget fait l'impasse sur les conséquences de la crise sanitaire sur l'industrie de la défense. Pourtant, ce n'est pas d'un petit choc que nous parlons : combien de PME sur lesquelles repose tout le tissu de défense sont aujourd'hui dans une situation de trésorerie critique, sans perspective d'amélioration de la situation ? Madame la ministre, je vous le dis, comme je l'ai dit au Premier ministre dans ce même hémicycle : la défense est la grande oubliée du plan de relance. Non, la défense ne bénéficiera pas du plan de relance, ou alors seulement à la marge. Non, la loi de programmation militaire n'est pas en elle-même un plan de relance car, élaborée en 2018, elle n'a pas pu intégrer une crise de cette nature dans ses prévisions. Sans mesures de relance, nous prenons le risque d'une fragilisation profonde, et peut-être irréversible, de notre industrie de défense.
Je rappelle que l'industrie de défense n'est pas une industrie comme une autre : elle est la garantie même de notre souveraineté, elle est intensive en main-d'oeuvre et en technologies de pointe. Elle est un exemple à suivre pour ceux qui, au lendemain de la crise sanitaire, veulent bâtir une autonomie stratégique dans de nouveaux domaines. Du fait de cette autonomie, chaque euro investi dans la défense nourrit directement l'activité et l'emploi en France, dans tous les territoires, au lieu de se perdre dans des chaînes internationales complexes. Une occasion a, sans aucun doute, été manquée.
Je souhaite, pour finir, dire un mot du soutien aux exportations d'armement dont le renforcement est l'une des priorités de la loi de programmation militaire. Si la France a remporté de grands succès à l'export ces dernières années, notre position sur les marchés extérieurs est loin d'être garantie pour autant. Dans un domaine aussi stratégique que l'armement, la compétition est féroce, y compris entre alliés, et un nombre croissant d'États se dotent d'une industrie de défense capable d'exporter ou renforcent leur soutien aux exportations. Dans un pareil contexte, rester inactifs reviendrait à accepter notre déclassement du rang de grand exportateur d'armement. Nous devons donc consolider notre politique de soutien aux grandes exportations en développant plus largement les contrats de gouvernement à gouvernement qui répondent à une demande croissante des États clients. Le contrat CaMo – capacité motorisée – avec la Belgique, est à ce titre, une belle réussite qui en appelle d'autres.
Nous devons en parallèle réduire les missions de soutien aux exportations qui pèsent sur les armées, lesquelles peinent déjà à remplir un contrat opérationnel très ambitieux. Madame la ministre, vous avez annoncé douze nouveaux avions de combat pour compenser la commande grecque de dix-huit Rafale : ferez-vous de même si les prospects à l'export se concrétisent en Suisse, en Croatie ou en Finlande ? Ne nous méprenons pas : s'il faut se réjouir de l'achat par nos partenaires européens de matériels français et européens, il faut trouver les moyens pour que le soutien à l'exportation ne se fasse pas au détriment de la capacité des armées à assurer leur mission première : la défense du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2021, dont j'ai eu l'honneur d'être désigné cette année rapporteur pour avis, a pour rôle de préparer l'avenir, de soutenir l'effort d'innovation de la France et de contribuer au développement de sa base industrielle et technologique de défense. Renseigner sur l'environnement présent et futur, préparer les systèmes d'armes de demain et les protections contre les armes adverses, identifier les mutations géostratégiques, contribuer au maintien d'une recherche et d'une industrie de défense au meilleur niveau, former des ingénieurs : tels sont les objectifs de ce programme qui, vous l'aurez compris, est résolument tourné vers l'avenir.
Pour la troisième année consécutive, et en conformité totale avec la loi de programmation militaire 2019-2025, les crédits du programme 144 sont en augmentation, ce dont je me félicite.
Le budget du programme augmente en effet d'environ 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 137 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 76 % des autorisations d'engagement, qui porte celles-ci à 3,1 milliard d'euros, et de 9 % des crédits de paiement, qui porte ceux-ci à 1,7 milliard d'euros.
J'appelle plus particulièrement votre attention sur deux points saillants du programme 144 de ce projet de loi de finances pour 2021, à savoir les crédits alloués à la Direction générale de la sécurité extérieure – DGSE – , d'une part, et ceux dévolus aux études amont, d'autre part.
Les crédits de la DGSE enregistrent une très forte hausse par rapport à l'an dernier, de près de 310 % en autorisations d'engagement, portant ces dernières à environ 1,5 milliard d'euros, et de 11,4 % en crédits de paiement, portant ceux-ci à environ 388 millions d'euros.
Je salue ce choix qui permettra à la DGSE de poursuivre ses actions en conformité avec les dispositions de la loi de programmation militaire ; l'actualité brûlante confirme tragiquement leur pertinence. Cette hausse permettra plus particulièrement à la DGSE de poursuivre sa stratégie de renforcement, afin de mieux anticiper et de s'adapter aux évolutions technologiques. Elle lui permettra également de franchir une nouvelle étape de son programme de rénovation immobilière.
Concernant les études amont, la trajectoire de progression constante des crédits de paiement jusqu'au montant cible d'1 milliard d'euros en 2022, prévue dans la LPM, est respectée. Les crédits consacrés aux études amont s'élèvent à 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 901 millions d'euros en crédits de paiement. Je salue par ailleurs le doublement du fonds Definvest, destiné aux entreprises stratégiques, dont le montant a été porté à 100 millions d'euros, ainsi que la création du fonds Definnov, destiné au financement des PME innovantes duales, dont le montant sera porté à 200 millions d'euros.
Fort heureusement, la crise de la covid-19 n'a pas eu d'impact significatif sur le programme 144, si ce n'est, dans une mesure toute relative, pour l'École polytechnique et pour l'Office national d'études et de recherches aérospatiales – ONERA. Je prêterai une attention particulière à l'évolution de leur situation financière l'année prochaine.
Eu égard à l'apparition de la crise sanitaire, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la prospective stratégique. J'y formule plusieurs préconisations afin que le ministère des armées anticipe mieux les crises, tout en étant conscient des difficultés de l'exercice.
À cette fin, le ministère des armées devrait notamment se rapprocher des acteurs européens de la prospective, aussi bien les institutions de l'Union européenne que les centres de recherche de ses États membres. Il devrait également hiérarchiser les risques évoqués dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 et participer, avec d'autres, à assortir ces risques de solutions de politiques publiques concrètes afin d'aider à la prise de décision.
Enfin, la menée d'exercices d'entraînement à l'échelle interministérielle impliquant tous les acteurs, publics et privés, susceptibles d'être affectés par lesdits risques, devrait être davantage encouragée.
Le budget du programme 144 s'inscrit pleinement dans la stratégie de remontée en puissance élaborée dans la LPM. Il en va de même pour le budget de la mission « Défense », dont je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 : suite de l'examen des crédits des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra