Mercredi 30 mai 2018
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la Commission)
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La commission des affaires sociales procède à l'examen de la suite des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs)
Nous poursuivons l'examen des articles, avec une série d'amendements portant article additionnel après l'article 4.
Après l'article 4
La commission examine les amendements identiques AS106 de M. Paul Christophe, AS423 de M. Brahim Hammouche, AS811 de Mme Éricka Bareigts.
Cet amendement vise à ouvrir la procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE) aux travailleurs effectuant depuis au moins douze mois des activités solidaires au sein d'organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires, comme les compagnons d'Emmaüs. Ce dispositif leur apportera une certification qualifiante et facilitera ainsi leur insertion professionnelle.
Les travailleurs solidaires participent aux communautés Emmaüs en restaurant des meubles, en prenant part aux activités de restauration ou d'informatique, en travaillant dans l'agriculture ou le recyclage. Ces travailleurs solidaires s'inscrivent dans des parcours d'insertion ou de réinsertion sociale. Il s'agit de dispositifs bénéfiques pour l'individu, mais aussi pour la société tout entière. Il est essentiel de faire en sorte que cette insertion sociale soit aussi une insertion professionnelle. C'est pourquoi il est proposé que les travailleurs solidaires bénéficient d'une procédure de VAE au terme d'une présence d'au moins douze mois au sein d'organismes d'accueil communautaire et d'action solidaire.
Les travailleurs solidaires pourront faire valoir une certification qualifiante auprès de leurs futurs employeurs, et renforcer ainsi leur insertion professionnelle.
Tout travailleur pouvant justifier de douze mois d'activité, continue ou non, peut engager une démarche de VAE. Si une activité, professionnelle ou bénévole, est constatée, elle peut donc déjà donner lieu à une VAE.
La reconnaissance du travail des travailleurs solidaires et la promotion sociale que constitue une VAE doivent être inscrites dans la loi et non constituer une simple possibilité. Nous soutiendrons ces amendements.
Il est nécessaire d'inscrire clairement dans la loi que ces personnes qui s'investissent et font du bien à la société peuvent s'engager dans la voie professionnelle, solidaire et sociale qu'elles ont choisie. C'est un message que nous leur adressons en adoptant ces amendements.
Comme je l'ai dit hier au sujet du handicap, il faut savoir de temps à autre envoyer des signaux forts.
La commission adopte les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS810 de Mme Gisèle Biémouret.
Cet amendement vise à permettre aux personnes en situation de handicap de bénéficier d'un tiers-temps lors du test de positionnement.
Le bénéfice d'un tiers-temps est nécessaire. Toutefois, cette précision ne relève pas du niveau législatif.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements AS488 et AS489 de M. Martial Saddier.
Section 2 : Qualité
Article 5 : Généralisation d'une certification qualité des organismes de formation
La commission examine l'amendement AS1465 du Gouvernement.
Cet ajout tire les conséquences de l'adoption de l'amendement du Gouvernement à l'article 1er, relatif à la création des commissions paritaires interprofessionnelles régionales L'inscription des organismes financés par la nouvelle structure dans le champ de la certification qualité est indispensable.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1321 de la rapporteure.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS407 de M. Bernard Perrut, AS982 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS1083 de Mme Fadila Khattabi, AS1145 de M. Sylvain Maillard, AS1164 de Mme Sarah El Haïry et AS1176 de M. Gilles Lurton.
Il convient d'appliquer les mêmes règles, notamment la démarche qualité, à l'ensemble des établissements qui mettent en oeuvre des actions de formation dispensées par la voie de l'apprentissage. Nous proposons d'insérer à l'alinéa 4 la référence aux établissements inscrits à l'alinéa 11, qui n'ont pas les mêmes obligations que les établissements d'apprentissage. Il s'agit d'une mesure générale, qui garantit la qualité de l'ensemble des actions de formations et leur reconnaissance par toutes les filières professionnelles, sur tous les territoires.
Disposer de formations de qualité est essentiel pour réussir pleinement la réforme de l'apprentissage. Cette démarche de qualité doit s'appliquer à l'ensemble des acteurs concernés. La certification visée par l'article 5 doit donc concerner tous les établissements, sans exception aucune.
Notre amendement vise à inclure tous les établissements, privés comme publics, y compris l'enseignement supérieur, dans une démarche qualité. Tous doivent être jugés de la même façon.
La qualité n'est pas un label, un tampon, mais une démarche de progression, tout au long de l'existence d'un établissement. Nous souhaitons une qualité unique pour tous.
L'apprentissage est une voie d'excellence. Ces amendements identiques, émanant de différents groupes, ont vocation à garantir la qualité de l'apprentissage, selon un principe d'égalité.
Le choix d'un régime distinct applicable aux établissements d'enseignement secondaire et supérieur publics ou aux établissements supérieurs privés d'intérêt général répond à un objectif de simplicité et d'efficacité : les services ministériels et la commission des titres d'ingénieurs évaluent d'ores et déjà leur qualité.
Qu'il s'agisse de l'évaluation lors de la reconnaissance du grade ou de celle effectuée lors de son renouvellement, des mécanismes de contrôle de la qualité des actions de formation sont déjà appliqués. Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur et la Commission consultative des établissements d'enseignement supérieur privés exercent cette mission.
J'entends votre volonté de généraliser l'obligation de certification qualité à tous les établissements d'apprentissage. M. Blanquer a fait part de sa volonté d'engager l'apprentissage dans une voie d'excellence. Cette réforme suppose de mettre en place diverses mesures. Il me semble que nous pourrions donner un délai supplémentaire pour l'obligation de certification et retravailler les amendements en ce sens.
C'est bien d'une mue que le ministre de l'éducation nationale a parlé : créer des unités de formation par apprentissage (UFA) dans tous les lycées professionnels entraînera des modifications profondes. Outre la mise en parallèle des deux voies, il faudra procéder au toilettage des diplômes et travailler avec les branches professionnelles pour mettre en place des diplômes permettant une véritable insertion. Au niveau pédagogique, les enseignants devront accepter d'avoir face à eux des publics mixtes et de faire évoluer leur enseignement en recourant, au besoin, à la formation continue.
Comme Mme la rapporteure, je pense qu'il faut donner aux établissements publics du secondaire un délai – trois ans, par exemple – pour accomplir cette mue. Bien évidemment, ils seront soumis à la même certification et à la même labellisation que les CFA. Notre ambition commune est que l'apprentissage, voie d'excellence, se développe. Nous n'y parviendrons pas par la contrainte, mais grâce à un travail concerté. Il faut revoir la rédaction de ces amendements afin qu'elle prévoie une date butoir pour la mise en place de l'obligation de certification.
Cet amendement met à égalité de certification l'ensemble des établissements du public et les CFA. Il est nécessaire que les règles soient communes. Beaucoup d'établissements publics sont certifiés et je ne vois pas pourquoi les établissements de l'éducation nationale ne seraient pas concernés.
Un délai de mise en oeuvre pourra sans doute être prévu dans le décret d'application, mais nous devons aujourd'hui affirmer que les établissements de l'éducation nationale et les CFA doivent être soumis à la même certification. Ce n'est mettre en difficulté ni les uns ni les autres ; c'est reconnaître la pertinence du système.
J'entends les arguments avancés par la rapporteure et par Sylvie Charrière : nous sommes dans une démarche de construction avec le ministère de l'éducation. Pour autant, notre groupe votera ces amendements car il faut envoyer un signal fort. Nous devons tendre à un langage commun de la qualité. Nous aurons l'occasion de discuter des modalités, mais cette tendance doit figurer dans la loi.
J'ai déposé un amendement tendant à supprimer l'alinéa 11, qui tombera avec l'adoption de ces amendements. L'esprit est le même : il s'agit de s'assurer que les établissements d'enseignement seront certifiés, comme l'ensemble des organismes privés de formation.
Ces amendements ont été défendus par divers groupes – c'est dire si nous pouvons nous réunir sur cet objectif. Il appartiendra au Gouvernement de proposer les modalités d'application de cette mesure, qui demandera sans doute du temps. Mais il est de notre devoir de décider de l'inscription de ce principe général, fort et clair.
Cette certification imposée à tous les établissements est la condition nécessaire de la confiance et de la réussite de la démarche. Elle répond à la volonté de la majorité, et du Gouvernement, je l'espère, de faire de l'apprentissage une voie d'excellence.
Nous sommes plusieurs à avoir déposé, dans le même esprit, des amendements visant à supprimer l'alinéa 11. Ceux-ci tomberont du fait de l'adoption des présents amendements mais l'objectif recherché est le même : l'équité de traitement entre les organismes de formation professionnelle.
L'équité de traitement entre les établissements publics et les établissements privés nous semble très importante ; c'est la raison pour laquelle le groupe MODEM votera ces amendements.
Ces amendements nous posent problème car on ne peut évaluer de la même manière des organismes privés et des lycées professionnels, d'autant que le contrôle de qualité pourra être effectué par des organismes privés. Le public évalué par le privé : cela nous semble une bien mauvaise idée !
L'argument que nous venons d'entendre n'est pas satisfaisant. Dans tous les autres champs, comme celui du médico-social, les structures, qu'elles soient publiques ou privées, sont évaluées et certifiées selon les mêmes règles. Je ne vois pas pourquoi des règles différentes devraient s'appliquer dans un domaine où nous voulons tendre à l'excellence. Nous nous retrouvons tous sur ces amendements, et je les voterai.
L'idée n'est pas de soustraire à la certification commune les lycées professionnels, donc les UFA qui y seront adossés, mais de leur donner le temps d'accomplir leur mue, en fixant une borne, une date.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements AS111 de M. Patrick Hetzel, AS581 de M. Francis Vercamer, AS633 de Mme Émilie Guerel, AS1182 de M. Gilles Lurton, AS313 de M. Gérard Cherpion et AS358 de M. Vincent Descoeur tombent .
La commission examine l'amendement AS447 de Mme Justine Benin.
Les actions prévues au futur article L. 6323-6 ont des spécificités, du fait de leur nature essentiellement individuelle et des objectifs poursuivis. Ces spécificités doivent être prises en compte. De la même manière qu'il existe un cahier des charges, et donc un référentiel propres au CEP, un référentiel de qualité propre au bilan de compétences doit être envisagé.
La rédaction prend déjà en compte ce type d'actions. Autant il apparaît justifié que le référentiel national prenne en compte la spécificité de l'apprentissage – qui ne relève pas de la formation professionnelle continue – autant l'intégration de l'ensemble des autres actions paraît inutilement lourde.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS112 de M. Patrick Hetzel.
Du fait de l'adoption des amendements visant à instaurer une égalité de traitement, je retire cet amendement de repli qui n'a plus lieu d'être.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS 1322 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
La commission examine l'amendement AS1040 de Mme Josiane Corneloup.
La valorisation des acquis de l'expérience constitue une possibilité intéressante pour valider une expérience par un diplôme et apporter de la valeur ajoutée lors d'une reconversion professionnelle.
Elle est toutefois limitée par l'appréciation qui est faite du lien du domaine d'activité du demandeur avec le diplôme visé. Si ce lien doit exister, il conviendrait de rendre moins restrictive l'offre des diplômes, en laissant aux universités le soin d'apprécier l'acceptation d'une demande de VAE, au regard du champ exhaustif des activités professionnelles du demandeur.
L'exigence d'un rapport direct entre l'activité effectuée et la certification visée au titre de la VAE est au coeur du dispositif. Elle permet de garantir une adéquation entre l'expérience acquise et les compétences reconnues.
La commission rejette l'amendement.
Article 6 : Création du plan de développement des compétences et aménagement du régime de l'entretien professionnel
La commission est saisie des amendements identiques AS753 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS906 de M. Pierre Dharréville.
De nombreux Français ne connaissent pas leurs droits à la formation. Ils attendent de leurs supérieurs des propositions de formation, qui, bien souvent, n'arrivent jamais. L'enquête européenne sur la formation continue des entreprises a montré qu'en France, 28 % des entreprises de 10 à 49 salariés n'ont formé aucun salarié et que 32 % d'entre elles n'ont formé qu'un quart de leurs salariés. Pour que le droit à la formation professionnelle soit effectif et correctement appliqué, il faudrait aussi renforcer les devoirs de l'employeur.
Avec cet article, vous proposez l'inverse, en réduisant considérablement les obligations du patronat. Parmi les nombreuses régressions, je citerai : la possibilité, par accord d'entreprise, de déroger aux obligations de formation ; la possibilité de programmer des actions de formation en dehors des heures de travail et de définir la limite horaire par salarié ; la possibilité de déroger à l'obligation de réaliser un entretien professionnel tous les six ans et de respecter certaines modalités d'appréciation du parcours professionnel du salarié ; la fin de l'obligation pour l'entreprise de prendre en compte les efforts de formation de ses salariés hors du temps de travail ; la fin de l'obligation pour l'entreprise de fournir à l'employé une allocation de formation d'un montant égal à un pourcentage de rémunération nette de référence du salarié, dans le cas d'une formation accomplie en dehors du temps de travail ; la fin de l'obligation pour l'entreprise de ne pas assimiler l'allocation de formation à une rémunération ; la fin de l'interdiction pour l'employeur de considérer comme une faute ou un motif de licenciement le fait pour un salarié de refuser une action de formation… Les deux minutes dont je dispose ne suffisent pas pour énoncer l'ensemble des droits auxquels l'entreprise pourra désormais déroger par accord d'entreprise.
Ces possibilités offertes aux employeurs ne nous semblent pas souhaitables. Les travailleurs ont besoin de dispositifs pensés collectivement pour inciter les personnes les plus éloignées de la formation professionnelle à en suivre une. Faut-il rappeler que les travailleurs ont une vie en dehors du travail, une famille, des amis, des activités ? Nous sommes évidemment opposés à cet article.
L'article 6, relatif au « plan de développement des compétences », supprime la distinction entre les formations d'adaptation au poste et les formations de développement des compétences. Une nouvelle distinction est créée entre les formations obligatoires et les autres formations.
Il intègre la possibilité pour l'employeur de refuser des formations dans le cadre du temps de travail qu'il ne considère pas comme essentielles à la productivité de l'entreprise.
Ces dispositions sont symptomatiques de la logique de ce texte, qui vise à externaliser la formation en dehors de l'entreprise, tout en allégeant les obligations qui incombent aux employeurs en la matière. Nous en demandons la suppression.
Bien au contraire, l'article 6 affirme l'intérêt et le devoir pour l'employeur d'accompagner et d'encourager l'évolution professionnelle de l'ensemble de ses salariés.
La suppression de la distinction entre les formations d'adaptation au poste et les formations de développement des compétences vise à rendre plus opérationnel le plan de développement des compétences. Cette distinction est en effet très difficile à faire et porte à discussion.
Cet article permet précisément de replacer ces questions au coeur des négociations au sein de l'entreprise. M. Dharréville a expliqué que les entreprises pourraient déroger à certaines obligations par accord. Les accords peuvent justement permettre de travailler au sein de l'entreprise ou au sein de la branche à des dispositions mieux adaptées, qui permettent de consolider l'accompagnement de l'évolution professionnelle des salariés.
Cet article est très prometteur et permettra de répondre aux enjeux de l'évolution professionnelle des salariés.
L'article 6 modernise et simplifie l'investissement des entreprises dans la formation de leurs salariés. Le plan de formation devient le « plan de développement des compétences », tandis que le congé individuel de formation et la période de professionnalisation sont supprimés.
Les entreprises ne seront plus contraintes de construire un plan en distinguant les actions d'adaptation et les actions de développement des compétences. Les formations obligatoires, qui conduisent au maintien de la rémunération et se déroulent sur le temps de travail sont désormais distinctes. D'autres formations, par accord collectif ou, en l'absence d'accord collectif, avec l'accord du salarié, peuvent se dérouler hors du temps de travail effectif, dans une limite de 30 heures par an.
Enfin, tous les six ans, l'entretien professionnel dressera un récapitulatif des actions de formation en entreprise, selon les modalités définies par accord de branche ou, à défaut, par accord d'entreprise. Cet article met en avant le dialogue social.
Ce que nous craignons, c'est la dissociation entre l'intérêt des entreprises et celui des salariés dans l'objectif de formation. Avec la suppression des différentes catégories, les entreprises seront moins enclines à former sur le temps de travail et à s'attacher au développement des compétences. Avec la facilitation des licenciements, elles seront incitées à licencier, afin de recruter une compétence sur le marché du travail, plutôt qu'à former en entreprise, dans un esprit de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC).
Ce débat nous renvoie nécessairement à notre conception de la formation professionnelle, et plus largement à notre conception du travail. Nous estimons que la formation ne doit pas être limitée, ou le moins possible, à une adaptation à des postes de travail. Il ne s'agit pas de rechercher des compétences qui s'appliquent uniquement à un poste de travail, mais de permettre à chaque travailleur d'élever son niveau de compétence, de comprendre dans quelle chaîne de production il s'inscrit, afin qu'il s'épanouisse pleinement dans le travail et apporte à son entreprise son savoir-faire et sa créativité. La distinction, telle qu'elle est proposée, conduit à réduire la voilure. De plus en plus, ce sont des granules de formation qui sont proposés par les organismes : c'est une vision assez étroite, finalement, de la formation professionnelle.
Nous ne pensons pas que les accords d'entreprise déboucheront naturellement sur une sorte de concorde universelle. Par ailleurs, monsieur Maillard, vous venez de contredire les propos que vous avez tenus hier soir. Vous dites que votre objectif est de faciliter la mobilité. Si l'objectif de la formation est de répondre à une adaptabilité à un poste ou à des compétences attendues par une entreprise spécifique, cela ne concourt pas à la mobilité que vous appelez de vos voeux et à cette flexibilité qui permet de passer d'une entreprise à l'autre. Pour mille raisons, et pas seulement celle de la mobilité professionnelle, nous pensons que la formation doit aller au-delà de l'adaptabilité à un poste ou à une profession donnée.
Le plan de développement des compétences ne se limite pas aux formations qui permettent de maintenir l'adaptabilité à un poste. Nous proposons simplement de supprimer la distinction entre les deux catégories, qui nous semble souvent artificielle – il arrive fréquemment qu'une formation suivie par deux salariés appartienne à l'une et l'autre des catégories. Il s'agit de distinctions formelles, un peu théoriques, difficiles à mettre en oeuvre. L'article 6 ne remet nullement en cause le fait que le plan de formation a aussi vocation à comprendre des formations de développement des compétences. Son titre, d'ailleurs, est assez clair.
L'obligation ferme concerne les éléments d'adaptation au poste. Comme c'est le cas aujourd'hui, l'employeur doit veiller à l'évolution professionnelle de ses salariés. C'est la raison pour laquelle l'article contient des dispositions visant à mettre en place des entretiens professionnels réguliers et à établir un bilan tous les six ans de l'évolution professionnelle.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement AS1076 de Mme Éricka Bareigts.
Elle examine l'amendement AS416 de M. Brahim Hammouche.
L'amendement vise à ne pas priver les salariés, en particulier ceux des TPE et des PME, du bénéfice d'un plan de développement des compétences lorsque la demande du salarié recueille l'assentiment de l'employeur, et même si ce dernier n'en est pas à l'initiative.
L'un des enjeux de cette réforme est d'impliquer les salariés et de leur permettre d'être partenaires de leur formation. Il est essentiel que les personnes formées soient convaincues de l'intérêt de la formation ; qu'elles puissent prendre la main paraît tout à fait souhaitable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement AS314 de M. Gérard Cherpion.
Le projet de loi renforce l'entretien professionnel qui met légitimement les entreprises face à leurs responsabilités en matière de formation de leurs salariés. L'article 6 va dans ce sens, puisqu'il enrichit l'article L. 6312-1 du code du travail en précisant que l'accès du salarié à la formation professionnelle se fait à son initiative comme à celle de l'employeur. Les deux ne doivent en effet pas être dissociés, et le projet de formation doit bien être le fruit d'une co-construction. C'est l'objet de cet amendement.
L'amendement comporte le risque de voir l'entreprise s'accaparer le CPF. S'il est important que la co-construction irrigue au quotidien la relation entre l'employeur et le salarié, il n'est néanmoins pas souhaitable d'aller jusqu'à prévoir un dispositif organisé par l'employeur, car cela pourrait aboutir à un détournement de l'esprit originel du CPF.
Il ne s'agit aucunement d'une accaparation du CPF par l'entreprise, mais de permettre à l'employeur et au salarié de se retrouver, car leurs intérêts finissent par se rencontrer : l'entreprise est un lieu où les hommes et les femmes travaillent ensemble, dans le même esprit, et je trouve dommage de ne pas renforcer les capacités de rencontre entre l'employeur et les salariés.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS1021 de la rapporteure.
Cet amendement vise à garantir l'information du salarié sur le conseil en évolution professionnelle (CEP) lors de son entretien professionnel. C'est une demande des partenaires sociaux, qui me semble en effet propre à renforcer l'information et l'accompagnement du salarié dans la construction de son projet professionnel. C'est un gage d'autonomie et de liberté car, pour agir de façon libre et autonome, il faut être éclairé dans ses choix.
Cet amendement me paraît superfétatoire. De deux choses l'une : soit les opérateurs du CEP font leur travail, ce dont je ne doute pas, surtout compte tenu de la manière dont vous ouvrez le dispositif à de nouveaux intervenants ; soit il ne le font pas, ce qui est une remise en cause a priori de leurs aptitudes.
L'employeur est l'interlocuteur naturel du salarié, notamment lors de ses entretiens professionnels. Il est donc un médiateur tout indiqué pour l'informer de ses droits en matière de formation.
J'ai évidemment toute confiance dans les opérateurs du CEP pour se faire connaître, mais je sais aussi que, par le passé, le système de formation professionnelle a souffert de sa complexité et de son manque de lisibilité. Nos efforts de simplification devraient le rendre plus lisible, mais nous ne devons nous priver d'aucun outil susceptible d'améliorer l'information des salariés. Nous visons l'ensemble des salariés et, en particulier, ceux qui ne se tourneraient pas spontanément vers un conseil en évolution professionnelle.
Les propos de la rapporteure sont frappés au coin du bon sens. On sait à quel point la formation professionnelle fonctionne en silo et souffre d'un déficit criant de visibilité. Certains regrettaient encore, hier, que l'ancien CPF, qui était un outil extraordinaire, ait pourtant été si mal connu. La réalité, c'est que, si une minorité de salariés savent ce qu'ils veulent et parviennent à s'orienter, ce n'est pas le cas de la grande majorité d'entre eux. Nous voterons donc cet amendement.
Au cours des auditions, les partenaires sociaux ont fait savoir qu'ils considéraient comme primordial que les salariés soient informés sur le conseil en évolution professionnelle lors de leurs entretiens professionnels. Cet amendement a donc du sens, et nous le voterons.
L'entretien professionnel est obligatoire tous les deux ans depuis la loi de 2014, mais disposez-vous déjà d'une évaluation du dispositif ?
Il serait en effet indispensable de disposer d'une évaluation. C'est l'objet d'un de mes amendements ultérieurs.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS1028 de la rapporteure.
Cet amendement vise à valoriser la place de la négociation collective dans la définition du contenu des éléments pris en compte dans l'état des lieux récapitulatif prévu tous les six ans.
Ainsi, un accord collectif d'entreprise – ou, à défaut, de branche – pourra définir des modalités plus favorables d'abondement du CPF des salariés, cet élément ayant vocation à être pris en compte à l'occasion de l'état des lieux.
L'amendement maintient par ailleurs la possibilité ouverte par la rédaction initiale du projet de loi de définir, par cette même négociation, d'autres modalités d'appréciation du parcours professionnel du salarié, ainsi qu'une autre périodicité des entretiens professionnels.
Il est essentiel en effet de laisser la négociation collective s'emparer de cette question de l'évolution professionnelle, d'autant qu'on peut parier que nombreuses seront les entreprises qui, au moment du bilan, en 2020, six ans après le vote de la loi de 2014, n'auront pas mis en place les dispositifs propres à encourager la formation professionnelle. Pour qu'elles progressent de manière ambitieuse, la voie de la négociation collective me paraît la meilleure, d'une part car elle favorisera l'instauration d'une culture du dialogue sur la formation professionnelle au sein des entreprises et, d'autre part, parce que, dans les cas où l'entreprise n'aurait pas respecté ses obligations en la matière, la négociation d'un accord bénéficierait aux salariés.
En d'autres termes, un accord négocié me semble préférable et plus efficace qu'un mécanisme de sanction prenant la forme d'un abondement, lequel ne contribuerait absolument pas à développer la culture de la formation au sein de l'entreprise, ce qui est l'un de nos buts.
Il est tout à fait légitime de vouloir laisser sa place à la négociation collective pour parvenir à un accord d'entreprise ou à un accord de branche. Je note néanmoins un décalage entre les arguments développés dans l'exposé sommaire et le texte proprement dit de l'amendement. Celui-ci ouvre bien la possibilité d'une négociation collective, mais ne garantit nullement qu'elle permettra de définir des modalités plus favorables d'abondement du CPF des salariés.
Ce n'est pas si fréquent, mais je suis d'accord avec Patrick Hetzel. Cet amendement, qui s'inscrit dans la logique des ordonnances, montre que la majorité a de la suite dans les idées. L'amendement que vous nous proposez consiste en effet à tolérer que ce qui est inscrit dans la loi puisse ne pas s'appliquer. C'est une disposition étonnante ! Si vous souhaitez intégrer dans le texte des dispositions plus favorables aux salariés, il faut rédiger autrement cet amendement. Je voterai donc contre.
Nous revoilà en effet dans la logique des ordonnances. Je vous propose donc, si votre intention est louable, comme je n'en doute pas, de modifier votre amendement, madame la rapporteure, et de préciser qu'un accord collectif « devra » définir des modalités plus favorables. Ce sera plus clair.
Nous sommes en effet proche de l'esprit des ordonnances, pour la simple raison que nous voulons favoriser le dialogue social et qu'il faut pour cela que les partenaires sociaux discutent au sein des entreprises et qu'ils aient du grain à moudre. Le dialogue social ne se construit pas du haut vers le bas mais grâce au temps et à une confiance mutuelle, qui procède d'une communauté de destins. Cet amendement est donc important et nous le voterons.
Il y a en effet un écart entre le dispositif de l'amendement et l'exposé sommaire. Par ailleurs, vous supprimez l'alinéa 12, qui précisait que, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours des six années écoulées, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins deux des quatre mesures mentionnées à l'article L. 6315-1 du code du travail, son compte personnel est abondé – M. Dharréville appréciera…
Le MODEM est favorable à ce que les accords collectifs puissent revenir sur des mesures existantes, néanmoins nous proposerons avec notre amendement AS983 de garantir un seuil minimum de droits aux salariés.
Monsieur Cherpion, si l'entreprise n'a pas rempli ses obligations, il y aura bien un abondement du CPF. Si l'alinéa 12 est supprimé, c'est que cet abondement correctif est mentionné deux fois dans le texte. Mais c'est précisément en m'appuyant sur cette menace de sanction que j'affirme que la négociation collective ne pourra que déboucher sur un accord favorable aux salariés, car l'employeur aura envie d'échapper à cette obligation d'abondement. En outre, la conclusion d'un accord se fait avec l'aval des partenaires sociaux qui n'accepteront pas une solution qui ne soit pas favorable aux salariés, puisqu'en l'absence d'accord, il y aurait un retour à la loi. Les choses me paraissent donc bordées.
Par ailleurs, en l'état, le projet de loi propose qu'au moment du bilan d'étape, il soit vérifié que l'entreprise a au moins mis en oeuvre en faveur du salarié deux des quatre actions énumérées dans le code. Je propose pour ma part d'indiquer qu'elle doit en avoir accompli au moins deux sur trois, ce qui est une manière de renforcer sa responsabilité, tout en laissant à la négociation collective la liberté de définir, le cas échéant, une quatrième modalité d'appréciation du parcours professionnel.
Il y a quelque chose d'assez paradoxal à vouloir lutter contre l'inflation normative et à amender dans le même temps un projet de loi pour pouvoir y déroger. On est en droit de se demander, dans ces conditions, à quoi sert votre loi. Si, au bout du compte, on en revient aux accords collectifs et que tout le reste n'est que de la communication, ce n'est pas la peine ! Or, après avoir défini un cadre légal, vous décrétez finalement que c'est « open bar »…
M. Hetzel a raison de s'interroger sur le fait que vous proposiez en même temps un cadre législatif et les moyens d'y déroger.
Pour le reste, vous avez le droit de penser, madame la rapporteure, que les partenaires sociaux, et notamment les syndicats, disposeront de tous les moyens d'obtenir des accords favorables ; pour ma part, je pense le contraire, mais peu importe ce que nous pensons, nos voeux pieux ou nos intentions. Vous n'êtes pas sans savoir que l'entreprise est le théâtre de rapports de forces, même si elle ne se résume pas à cela. On sait que, dans certaines entreprises, les salariés ont dû accepter des accords qui leur étaient défavorables. Certains accords sont obtenus sous la contrainte, à coup de chantage à l'emploi ou à la délocalisation. Les garanties proposées par votre amendement ne sont donc pas suffisantes.
J'aime ces moments où nous sommes attaqués à la fois sur notre gauche et sur notre droite, car cela illustre en creux les évolutions que porte La République en Marche.
Les explications de la rapporteure ont été extrêmement claires et correspondent à un procédé légistique on ne peut plus classique. Il s'agit en effet de créer les conditions de la négociation – c'est le sens de l'amendement – tout en préparant des mesures supplétives, au cas où ces négociations n'aboutiraient pas. L'amendement va même plus loin puisqu'il propose de retenir deux actions sur trois parmi la liste des actions de formation. Il est excellent et notre groupe le votera.
Notre groupe est favorable à la négociation collective et, lorsque un accord vient se substituer à la loi, nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'il s'applique ; nous jugeons d'ailleurs cela préférable aux mesures imposées par le sommet à la base. J'étais donc favorable à la loi pour le renforcement du dialogue social que nous avons adoptée en juillet dernier et il n'y a aucune raison que j'ai changé d'avis. Je trouve donc que cet amendement va dans le bon sens.
Je voudrais faire observer à Laurent Pietraszewski que, si toute une partie de la droite critique le caractère trop libéral de ce projet, cela devrait inciter la majorité à se poser quelques questions. Ce n'est pas le cas : dont acte.
Le fait d'autoriser les entreprises à déroger à leurs obligations en matière de formation professionnelle traduit finalement le manque d'ambition de ce projet de loi, puisque toutes les mesures dont nous débattons pourront être contournées à la faveur de cet amendement. Si nous voulons donc être à la hauteur de nos ambitions, il ne faut pas le voter, à moins d'inscrire explicitement dans la loi que les dérogations ne peuvent être autorisées que pour des mesures plus favorables que les mesures légales.
Il n'y a pas lieu de refaire les débats que nous avons déjà eus lors de la loi sur le renforcement du dialogue social, mais nous proposons en effet une nouvelle approche du droit du travail, qui consiste à inscrire dans la loi un cadre et de grands objectifs en laissant toute latitude aux acteurs de terrain et aux partenaires sociaux, qui sont les mieux placés pour prendre les bonnes décisions, pour statuer sur les questions concrètes qui relèvent du quotidien des salariés. Le législateur a pour mission de définir un cadre légal, mais il ne lui revient pas de définir de façon trop précise et trop concrète la façon dont doivent être gérées la carrière et la formation des salariés.
L'amendement propose une simplification conforme à l'esprit de ce projet de loi, qui entend adapter aux besoins les outils dont disposent les acteurs de terrain. C'est une approche pragmatique que soutient le groupe MODEM, et que nous complétons d'ailleurs avec l'un des amendements qui suit.
Faut-il comprendre que la négociation permettra également de revenir sur le régime des sanctions prévues lorsque l'entreprise n'a pas permis aux salariés d'évoluer en compétences ?
Le projet de loi prévoit certes des sanctions, mais – et j'aimerais emporter votre conviction unanime sur ce point – l'essentiel n'est pas là. Ce que nous voulons, c'est faire vivre la problématique de la formation et de l'évolution professionnelles au sein de l'entreprise, qu'elle devienne un sujet d'échanges. Notre but n'est pas que les choses restent en l'état et que, tous les six ans, les sanctions tombent. Il est au contraire de faire progresser la formation professionnelle en la replaçant au coeur de la négociation sociale. Tout l'enjeu est donc que la négociation remplace l'abondement correctif.
J'insiste de nouveau sur le fait qu'en renforçant les obligations de l'employeur, qui devra désormais avoir fait bénéficier le salarié de deux mesures de progression professionnelle sur trois, et non plus de trois sur quatre, comme le prévoyait le projet de loi ; nous renforçons les exigences qui pèsent sur lui. Nous ne renonçons donc à aucune ambition.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements AS816 de Mme Ericka Bareigts, AS983 et AS984 de Mme Michelle de Vaucouleurs tombent .
La commission en vient à l'amendement AS1210 de M. Dominique Da Silva.
À la question : « Êtes-vous favorable à la possibilité de mobiliser un compte personnel de formation dans le cas d'une action de formation construite avec l'employeur ? », tous les représentants des syndicats de salariés que notre commission a auditionnés la semaine dernière ont répondu oui, à la condition que les employeurs jouent le jeu et que l'intérêt des salariés soit respecté.
C'est donc l'objet de cet amendement qui introduit un volet de co-construction lors de la mobilisation du CPF, lequel permet de limiter les inconvénients d'une individualisation excessive de ce compte. L'employeur pourra ainsi proposer au salarié, à l'occasion de l'entretien professionnel biennal, de mobiliser son CPE pour suivre une action de formation co-construite avec lui, à la condition que l'employeur participe à hauteur d'au moins 30 % au coût total de la formation convenue avec le salarié, que cette formation s'effectue pour toute sa durée pendant le temps de travail du salarié et qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur dans les cinq ans qui suivent la fin de la formation, la participation à la charge du salarié pour ladite formation lui soit intégralement remboursée par abondement de son CPF.
La possibilité de co-construire une action de formation dans le cadre de l'entretien professionnel existe déjà. Le systématiser me paraît en revanche une mauvaise idée. Il ne faudrait pas que cela aboutisse à intégrer le CPF dans le plan de développement des compétences.
Quand vous dites que cette co-construction est déjà possible, est-ce grâce à la mobilisation du CPF ?
Oui. Dans le cadre de l'entretien professionnel, l'employeur et le salarié peuvent discuter du projet professionnel de ce dernier et définir ensemble un projet co-construit, qui suppose un investissement du salarié et un investissement de l'employeur.
L'amendement n'impose aucune obligation de co-construction, il en ouvre simplement la possibilité, ce qui me semble intéressant.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS756 de M. Jean-Hugues Ratenon.
La logique qui sous-tend ce projet de loi – nous le comprenons à mesure que le débat avance – conduit le salarié à devenir responsable de sa propre formation et de son adaptation au marché du travail et aux besoins des entreprises.
C'est faire fausse route, car cette responsabilité incombe non seulement aux salariés, mais aussi à l'employeur et à la collectivité tout entière. Il est faux de penser que la formation professionnelle n'est qu'un moyen parmi d'autres de favoriser ce que les néo-libéraux appellent l'employabilité. La formation professionnelle est, avant toute chose, un moyen offert aux salariés de mieux comprendre leur environnement de travail, les mécanismes financiers et de production, de mieux saisir la dynamique collective à l'oeuvre sur le marché du travail. Elle a pour but d'apporter de nouvelles connaissances, non seulement pour améliorer la productivité du collectif au travail mais aussi pour favoriser l'émancipation du salarié. C'est un vrai sujet. Jean Jaurès nous rappelait que, si la grande Révolution française avait fait de l'homme un citoyen dans la cité, il l'avait laissé serf dans l'entreprise – ce qui est encore vrai aujourd'hui. Or l'aliénation au travail a pour inévitable corollaire la rupture entre le travailleur et l'objet de son travail, la perte de sens, la baisse de la qualité du travail et de sa productivité.
Les connaissances ne profitent pas qu'à celui qui les acquiert mais également à la collectivité, et l'entreprise, comme la société, ont intérêt à favoriser la formation de celles et ceux qui travaillent ou cherchent à le faire.
Cet amendement vise donc à rappeler la responsabilité des entreprises dans leur devoir de formation et à assurer leur participation effective à ce qui est bon pour tous.
J'aimerais, comme vous, que tous les salariés et, plus largement, l'ensemble de la population, puissent comprendre les mécanismes productifs et financiers. De là à en faire une obligation pour l'employeur, il y a un pas qui me paraît difficile à franchir, ne serait-ce que parce qu'il est difficile d'évaluer la compréhension de ces mécanismes par les salariés, ce qui peut donner lieu à de nombreux contentieux.
En revanche, la redynamisation du dialogue social au sein de l'entreprise me paraît tout à fait propre à accroître la compréhension des mécanismes productifs et financiers chez les salariés, dès lors qu'ils mesureront, au travers de la concertation, que cela a un réel intérêt. Je le redis ici : ma préférence va au dialogue social plutôt qu'à la loi.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS813 de Mme Éricka Bareigts.
Permettez-moi de vous lire l'alinéa 3 de l'article L. 6321-1 du code du travail supprimé par la réforme : « [L'employeur] peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. »
Aujourd'hui, le code du travail prévoit que l'employeur peut, dans le cadre son plan de formation, proposer à ses salariés des formations qui participent au développement ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme. Vous supprimez cette possibilité, ce qui nous paraît particulièrement regrettable tant pour les salariés que pour les entreprises.
En 2011, selon l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, plus de 2,5 millions de personnes étaient illettrées dans notre pays, soit 7 % de la population âgée de 18 à 65 ans. Je précise que, suivant une fâcheuse habitude des organismes statistiques, ces chiffres n'intègrent pas les outre-mer.
La dimension territoriale a pourtant toute son importance. La moitié des personnes en situation d'illettrisme vit dans des zones faiblement peuplées ou rurales, l'autre moitié vivant dans des zones urbaines, dont 10 % en zone urbaine sensible. Par ailleurs, plus de la moitié des personnes en situation d'illettrisme ont un emploi. Il est donc vital que les entreprises puissent continuer à organiser des formations permettant de lutter contre l'illettrisme. Il me semble que cet objectif devrait tous nous rassembler.
La lutte contre l'illettrisme est en effet absolument essentielle. Il me semble néanmoins qu'elle est couverte par l'obligation générale faite à l'employeur d'assurer le maintien dans l'emploi de ses salariés, et il n'est donc pas nécessaire de la mentionner explicitement.
Je voudrais juste attirer votre attention sur le fait que cette disposition a beau être déjà inscrite dans la loi, l'illettrisme reste un problème dans les entreprises. C'est là encore, à mon avis, un sujet sur lequel le dialogue social peut permettre des progrès.
L'illettrisme est un véritable fléau. Une personne en situation d'illettrisme n'est pas un citoyen à part entière, il ne peut pas participer à ce mouvement d'émancipation que vous défendez avec force. Être émancipé, c'est en effet pouvoir exercer ses droits librement, sans accompagnement ; être illettré, c'est ne pas pouvoir comprendre ses droits, ne pas y avoir accès.
Si vous effacez le mot du projet de loi, comment voulez-vous que s'opère la prise de conscience nécessaire pour combattre ce fléau ? Cette mention me paraît donc loin d'être superfétatoire : elle est vitale, pour les individus et pour la collectivité.
La lutte contre illettrisme n'apparaît plus comme une priorité, alors que c'en est une. Nous avons renforcé le socle de connaissances et de compétences professionnelles, et cette certification doit être un moyen de lutter contre l'illettrisme, car sortir de l'illettrisme est la première des conditions pour accéder à une formation, puis à un emploi.
J'appuie donc résolument l'amendement de Mme Bareigts.
Il y a dans le code du travail des dispositions extrêmement contestables et problématiques, mais il y en a aussi qui doivent y figurer, et les mesures contre l'illettrisme en font partie. Je voterai donc cet amendement.
J'apporte également mon soutien à cet amendement car les personnes en situation d'illettrisme éprouvent une culpabilité et une honte qui les tiennent éloignées du développement des compétences.
Nous soutiendrons cet amendement, car nous nous inquiétons de voir que ce projet de loi entend supprimer la formation contre l'illettrisme.
La rapporteure n'a pas tort de faire observer que la mention supprimée ne portait pas obligation pour l'employeur de lutter contre l'illettrisme mais lui en offrait la possibilité. Néanmoins, la suppression de cet alinéa est un mauvais signal. Nous voterons donc cet amendement.
Ce projet de loi propose des définitions resserrées qui couvrent l'ensemble des périmètres. L'illettrisme est inclus dans le champ des obligations de l'employeur ; c'est pourquoi j'ai donné un avis défavorable tout à l'heure.
Toutefois, j'entends que vous percevez cette position comme un signal négatif, or mon objet n'est pas de vous inquiéter, particulièrement parce que la question de l'illettrisme est déjà prise en compte, et qu'il n'est pas dans notre intention de l'ignorer.
Dans ces conditions, afin que tout soit clair et que l'on ne puisse pas penser que je suis animée d'une intention négative, je donne un avis favorable à cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement AS754 de M. Jean-Hugues Ratenon tombe .
La commission est saisie de l'amendement AS755 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Nous avons précédemment proposé de préserver la possibilité d'offrir des formations participant au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, et je me réjouis que l'amendement de Mme Bareigts ait été adopté.
Nous proposons cette fois que les formations qui participent au développement des compétences et à la lutte contre l'illettrisme soient rendues obligatoires, notamment pour réduire les risques psychosociaux liés à ces situations.
L'employeur est soumis à une obligation générale de maintien de l'employabilité des salariés, mais il conserve la liberté de mobiliser les outils de son choix. Cette liberté doit être maintenue au regard de la spécificité de chaque organisation professionnelle.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS814 de M. Boris Vallaud.
Les besoins en compétences procèdent des choix stratégiques de l'entreprise. Cette responsabilité incombe à l'employeur et relève d'une consultation du comité social et économique. Les écarts de compétences au regard de l'évolution des besoins représentent un risque professionnel en termes de déqualification des salariés, que la seule adaptation au poste de travail ne suffit pas à prévenir.
Or dans le même temps, les politiques managériales imposent de plus en plus aux salariés un investissement personnel dans leur travail, sans garantir en contrepartie leur employabilité durable. La nécessaire loyauté de l'exercice du contrat de travail doit donc conduire à rééquilibrer l'engagement réciproque des parties, en faisant du développement des compétences une responsabilité de l'employeur de même nature que celle relative à la sécurité au travail.
Je vous remercie pour cette piste intéressante, qui témoigne de la difficile identification de ce que recouvre la notion de maintien de l'employabilité. Je crains néanmoins que la rédaction que vous proposez n'ouvre la voie à de nombreux contentieux et ne judiciarise encore davantage cette notion déjà difficile à analyser.
Le code du travail comporte de nombreux autres termes sujets à interprétation, y compris par le juge. Je vous mets ainsi au défi de me dire ce qu'est une « action de formation » telle qu'elle est mentionnée dans le code du travail ; or l'exercice de définition de cette expression est toujours reporté.
Loin de créer une incertitude juridique supplémentaire, mon amendement est plutôt de nature à enrichir le texte.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement AS726 de M. Adrien Quatennens.
Aujourd'hui, la chaîne de cafés Starbucks a décidé de fermer l'ensemble de ses magasins pour dispenser à son personnel une formation contre le racisme. Cette initiative prend place après qu'un fait divers particulièrement choquant, relevant de ce qu'il est convenu d'appeler le racisme ordinaire, s'est déroulé dans une de ses succursales de Philadelphie. C'est une belle initiative que de reconnaître que de tels faits sont survenus au sein de l'entreprise et de décider de former les employés afin d'éviter que ce genre d'évènements ne se reproduisent.
Par l'institution de cette formation annuelle obligatoire, il s'agit d'instaurer au coeur du collectif de travail un cadre formateur rétablissant la lutte contre les discriminations. En insistant sur ces luttes, l'objectif est de participer à une émancipation collective et individuelle. Rendre familières au sein de l'entreprise les conditions et les circonstances de la discussion de façon récurrente constitue un pas en avant vers l'évolution des moeurs et l'égalité de tous.
Nous proposons donc que les entreprises françaises soient astreintes à une obligation de formation annuelle contre toutes les discriminations, qu'elles soient sexistes, racistes, homophobes, etc.
Je souhaite moi aussi une diminution des discriminations, mais votre dispositif, s'appliquant de surcroît à l'ensemble des entreprises, y compris les TPE, est d'une lourdeur et d'un formalisme excessifs.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS729 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Le changement climatique constitue le principal défi auquel nous allons être confrontés durant au moins le reste du siècle ; universel, il concerne l'humanité entière. Nos façons de produire et de consommer ont une incidence directe sur ce phénomène.
Que nous le voulions ou non, et indépendamment de nos différends politiques, le changement climatique bouleversera notre quotidien et nos manières d'agir. Il est temps de changer notre façon de penser afin de nous en prémunir et d'en limiter les effets. J'exprime à nouveau ma déception après votre décision de rejeter les amendements qui proposaient d'inclure dans le champ des formations les dispositions relatives à la sensibilisation et la lutte contre le changement climatique. Pourtant, les premiers pas vers la transition écologique sont ceux de la prise de conscience et de responsabilité.
Notre responsabilité de législateurs est de faire de la transition et de la planification écologique des priorités. Nous pensons qu'instaurer un temps obligatoire de formation aux enjeux environnementaux peur participer à l'évolution des pratiques individuelles et collectives au travail.
Pourquoi organiser cette formation dans le cadre de la formation professionnelle et la rendre obligatoire ? Parce que la définition de l'entreprise repose avant tout sur un collectif mettant en commun ses connaissances et ses compétences, loin de la réalité de lieux déshumanisés, le collectif doit participer à l'émancipation et au développement des savoirs afin de répondre aux besoins de la société et de l'intérêt général. Aujourd'hui, servir l'intérêt général c'est notamment lutter contre le changement climatique ; c'est pourquoi nous soumettons cet amendement qui instituera une formation obligatoire à l'usage raisonné de l'énergie.
Pour les mêmes raisons qu'à l'amendement précédent, je pense qu'il n'est pas judicieux d'imposer des séries de formations portant sur toutes sortes de sujets, ce qui serait trop lourd à organiser ; quand bien même ces thèmes sont intéressants.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS757 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Cet amendement va dans le même sens que mon amendement AS726 qu'à mon grand regret la commission a rejeté.
Selon le conseil supérieur de l'égalité professionnelle, huit femmes sur dix rapportent avoir été confrontées à des attitudes sexistes dans leur vie professionnelle.
Selon une étude BVA de novembre 2016 réalisée auprès d'un panel de femmes salariées non-cadres, 74 % d'entre elles considèrent que, dans le monde du travail, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes, contre 54 % des hommes ; 81 % des femmes non-cadres victimes de comportements sexistes à leur travail ont déjà adopté une conduite d'évitement afin de ne pas avoir à affronter des propos ou comportements sexistes et 40 % d'entre elles n'ont pas réagi parce que cela « ne sert à rien ».
Si la vague de témoignages suscitée par l'affaire Weinstein à l'automne 2017 a mis en lumière ce phénomène, peu de mesures concrètes ont été réellement mises en oeuvre.
L'obligation de formation annuelle au sexisme aurait l'immense mérite de mettre des mots sur un phénomène mal connu des hommes et trop bien connu des femmes.
Cet amendement se situe dans la continuité des précédents, auxquels je me suis montrée défavorable. Ces discussions sur le sexisme trouveront de façon plus approfondie leur place dans le titre III du projet de loi.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS509 de M. Gérard Cherpion.
Le présent amendement vise à coordonner le plan de développement des compétences avec le dialogue social dans l'entreprise sur les questions de formation professionnelle, lorsqu'il existe, ou à l'inscrire dans le cadre de la consultation annuelle du comité social et économique sur les orientations stratégiques de l'entreprise, qui traite à la fois de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences et des orientations sur la formation professionnelle.
Je rejoins totalement votre objectif d'une meilleure articulation entre les outils au service de la formation dans l'entreprise et la négociation sur la GPEC ou celle sur les orientations de la formation professionnelle.
Néanmoins, la portée de la rédaction reste à préciser : que recouvre précisément la formule « s'inscrit dans » ? Cela implique-t-il un rapport de compatibilité, voire de conformité, qui pourrait à l'occasion être contesté ? Cette proposition ne restreint-elle pas le cadre du plan de développement des compétences ?
À ce stade, la rédaction n'est pas satisfaisante, mais ces questions méritent réflexion ainsi qu'une nouvelle rédaction en perspective de l'examen du texte en séance publique.
Je comprends mal votre réponse : si vous considérez que l'amendement est intéressant, il faut l'adopter tel qu'il est. Le Gouvernement aura tout loisir de proposer une nouvelle rédaction dans l'hémicycle.
La commission rejette l'amendement.
Elle aborde ensuite l'amendement AS422 de M. Brahim Hammouche.
Cet amendement procède de l'audition de la ministre du travail que j'avais interrogée sur le temps de formation : elle m'avait répondu que ce temps serait prioritairement prélevé sur le temps de travail.
Je reprends donc les propos de notre ministre pour graver dans le marbre de la loi que les entreprises sont incitées à favoriser les formations de développement des compétences pendant le temps de travail.
Votre objectif est satisfait par la rédaction de l'article : une formation qui constitue un temps de travail effectif et donne lieu à rémunération se déroule sur le temps de travail.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS204 de M. Gérard Cherpion.
Le présent amendement entend préciser le cadre juridique applicable pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l'année.
J'établis le même constat que vous, et votre amendement sera satisfait par l'amendement AS1464 que je présenterai plus loin.
La commission rejette cet amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS594 de M. Pierre Cabaré.
Cet amendement est issu de la recommandation n° 6 du rapport de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il prévoit de fixer un plafond de nombre d'heures de formation pouvant être organisées en dehors des heures de travail, y compris dans le cas où existe un accord collectif.
Dans ces formations, en effet les femmes sont beaucoup moins représentées que les hommes avec 12 heures pour les femmes et 20 heures pour les hommes. L'horaire de formation n'est pas neutre et a des effets sur la vie des salariés, singulièrement les femmes, qui, par exemple, gardent les enfants.
Compte tenu de ces enjeux, il est dangereux d'élargir le plafond de 30 heures lorsqu'il existe un accord collectif, qui pourrait parfaitement décider de ne pas tenir compte de ces enjeux d'articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Aller au-delà de ce nombre d'heures serait très dommageable pour l'égal accès des hommes et des femmes à la formation. En outre, un maximum fixé à 30 heures ne remet nullement en cause le crédit de formation de 500 à 800 euros par an.
Votre amendement soulève l'enjeu de la bonne articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Néanmoins, tout l'enjeu du renvoi à la négociation collective est de pouvoir définir un plafond supérieur, permettant de dépasser – seulement en cas d'accord – le plafond fixé à titre supplétif. Votre rédaction reviendra à ne pas négocier sur cet enjeu.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements identiques AS421 de M. Brahim Hammouche et AS529 de M. Guillaume Chiche.
Notre amendement vise à la suppression de l'alinéa 20 qui, combiné avec l'alinéa 21, provoquerait une situation de grande incertitude pour le salarié.
Il s'agit donc de rétablir une relation de confiance entre le salarié et l'employeur.
Je propose d'en rester à l'état actuel du droit, qui dispose que la formation du salarié peut être organisée hors temps de travail sous réserve de son consentement et après accord de son employeur, dans la limite de 80 heures par an, et non de ramener cette limite à 30 heures par an en l'absence d'accord collectif
Il importe en effet de proposer un volume d'heures de formation en dehors du temps de travail suffisant pour tirer parti de la souplesse qu'offre désormais le numérique en matière de formation, grâce à des modules courts accessibles à tout moment sur différents supports.
Pour que les salariés puissent mieux répondre à la nécessité de maintenir leur employabilité sur un marché du travail en proie à d'importants bouleversements, il faut leur permettre de se former selon leurs propres choix et modalités, y compris en dehors du temps de travail s'ils le souhaitent et de s'ouvrir à d'autres emplois et compétences, qui pourront à terme les conduire vers d'autres entreprises ou d'autres postes.
La formation en dehors du temps de travail est donc une solution souple et adaptée non seulement aux usages numériques mais aussi aux formations à distance.
Ces amendements auraient pour effet d'écraser la disposition supplétive qui prévoit 30 heures de formation hors temps de travail. Cela ne me semble pas souhaitable.
La commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement AS1328 de M. Brahim Hammouche.
Par cet amendement de repli, je propose d'inciter les entreprises à favoriser les formations visant au développement des compétences sur le temps de travail et de rappeler que les exceptions, en l'absence d'accord collectif, donnent lieu au versement par l'entreprise d'une allocation de formation conformément au droit existant.
Votre rédaction ne revient pas à rétablir l'allocation de formation, les articles L. 6321-10 et L. 6321-12 du code du travail se rapportant désormais aux contrats saisonniers ou publics.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements AS1462 de la rapporteure et AS1329 de M. Gérard Cherpion.
Mon amendement vise à réintroduire dans le dispositif le cas des salariés dont la durée du travail est fixée par une convention de forfait.
Dans la ligne de l'amendement défendu tout à l'heure par Stéphane Viry, et en complément de votre propre amendement, madame la rapporteure, nous entendons préciser le cadre juridique applicable pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l'année.
Votre amendement est satisfait par le double dispositif que je présente, qui maintient un plafond à 5 %.
S'ils sont indiqués comme faisant l'objet d'une discussion commune, c'est qu'ils ne sont pas identiques, vous le savez comme moi…
Celui de M. Cherpion ne sera satisfait que si la commission adopte l'amendement de la rapporteure…
La commission adopte l'amendement AS1462.
En conséquence, l'amendement AS1329 tombe .
La commission est saisie de l'amendement AS417 de M. Brahim Hammouche.
Cet amendement vise à pallier le manque d'anticipation et de responsabilité de l'employeur en autorisant de droit les demandes de formation de développement des compétences du salarié dès lorsqu'elles sont réalisées en dehors du temps de travail et que l'employeur n'a pas organisé de plan de formation six années durant.
Votre amendement pose une difficulté sur le fond : il se focalise sur le plan de formation alors que ce dernier ne constitue pas une obligation pour l'employeur, qui peut définir lui-même les outils de formation.
L'amendement est retiré.
L'amendement AS418 de M. Brahim Hammouche est également retiré.
La commission se penche sur l'amendement AS815 de M. Boris Vallaud.
L'alinéa 23 prévoit que, s'il y a accord de branche ou d'entreprise, le salarié ne pourra plus, comme c'est le cas aujourd'hui, refuser une formation hors temps de travail sans que cela constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, a dénoncé cette mesure. Il estime en effet « préférable de ne pas préjuger dans la loi du caractère réel et sérieux du motif d'un licenciement qui résulterait du refus du salarié de suivre une formation hors temps de travail prévu par un accord collectif, et de laisser au juge compétent le soin de définir les conséquences d'un tel refus en fonction des données de l'espèce ».
Cette disposition constitue une régression qui n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
, Je m'interroge sur la rédaction de cet alinéa, qui me semble source de confusion. Je vais demander des éclaircissements au cabinet de la ministre.
Je propose que la commission adopte plutôt l'amendement, quitte à ce qu'il soit modifié en séance.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1323 de la rapporteure.
Puis elle examine les amendements identiques AS419 de M. Brahim Hammouche et AS817 de M. Boris Vallaud.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 25, qui abroge sans contrepartie pour le salarié trois articles du code du travail : l'article L. 6321-8, qui définit les engagements que l'entreprise prend après la formation du salarié afin de reconnaître effectivement une évolution dans la qualification de son salarié et la prise en compte des efforts réalisés par celui-ci ; l'article L. 6321-10, qui instaure le versement d'une allocation de formation ; l'article L. 6322-12, qui rappelle que l'allocation de formation et, le cas échéant, sa majoration ne revêtent pas un caractère de rémunération.
Les trois articles supprimés par l'alinéa 25 ont trait au plan de formation dans l'entreprise. L'article L. 6321-8 traite des engagements de l'employeur quand un salarié suit une action de développement des compétences dans le cadre du plan de formation. Les articles L. 6321-10 et L. 6321-12 traitent de l'allocation de formation due au salarié par l'employeur en cas de formation de développement des compétences hors temps de travail.
Leur suppression n'est pas souhaitable. Alors que le salarié qui va se former en dehors de son temps de travail mais dans le cadre du plan de formation de son entreprise a aujourd'hui droit à une allocation de formation de la part de son employeur, il n'y aura plus droit dans le nouveau système.
L'objectif est de rapprocher le régime des deux grands outils de formation – l'un à la main du salarié, le CPF ; l'autre à la main de l'employeur, le plan de développement des compétences – lorsque la formation est suivie en dehors du temps de travail. Dès lors qu'elle ne sera pas rémunérée, nous définissons un plafond inférieur aux 80 heures actuelles : un maximum de 30 heures nous paraît cadrer de façon raisonnable le dispositif, tout en offrant une certaine souplesse pour les formations à distance.
La commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS420 de M. Brahim Hammouche.
Cet amendement de repli vise à revenir sur la suppression de l'allocation de formation pour les formations réalisées en dehors du temps de travail et conditionne les engagements de l'entreprise pris pour l'évolution effective du salarié aux seules formations réalisées en dehors du temps de travail, reprenant ainsi les dispositions en vigueur avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. De cette sorte, les formations de développement des compétences seront bien prioritairement réalisées sur le temps de travail.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS1026 de la rapporteure.
Il s'agit de prévoir l'information du comité social et économique (CSE) par l'employeur sur la mise en oeuvre des entretiens professionnels.
Nous disions tout à l'heure que nous n'étions pas sûrs de savoir à quoi nous en tenir au sujet de ces dispositions relatives à l'entretien professionnel. Pour que cette pratique s'implante de façon durable dans l'entreprise, il me semble souhaitable que le CSE puisse en être informé afin que ce sujet devienne un thème de concertation et de discussion.
Il s'agit de favoriser l'appropriation de cette pratique par les organisations représentatives du personnel et la bonne transmission des données disponibles. Un des piliers de la réforme de la formation professionnelle sera l'implication de l'ensemble des acteurs concernés par ces problématiques, afin qu'ils se les approprient pleinement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement 1022 de la rapporteure.
Dans le même ordre d'idées, il s'agit d'avoir une vision plus claire de ces entretiens professionnels, qui doivent devenir le temps d'échange privilégié entre les besoins de l'entreprise et le projet du salarié. Nous ne disposons toutefois pas d'informations relatives à leur mise en oeuvre effective.
Cet amendement prévoit donc la remise d'un rapport au Parlement relatif à la mise en place des entretiens professionnels tous les deux ans, dans la perspective de l'état des lieux récapitulatif en 2020 et de la sanction qui incombera aux entreprises n'ayant pas respecté leurs obligations en la matière.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
La séance est suspendue de onze heures trente-cinq à onze heures quarante-cinq.
Après l'article 6
La commission se saisit de l'amendement AS1324 de la rapporteure.
Cet amendement prévoit l'inscription, dans la base de données économique et sociale (BDES), des informations relatives à l'évolution professionnelle des salariés au sein de l'entreprise.
Là encore, l'enjeu consiste à rendre visible cet objectif d'évolution professionnelle des salariés afin que l'ensemble des acteurs concernés puissent mieux se l'approprier. Car je crois beaucoup à l'information du public pour faire avancer les différents sujets.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements AS1023, AS1030, AS1033, AS1039 et AS1044 de Mme Éricka Bareigts.
Ces amendements ont pour objet de reposer l'ambition de lutter contre les discriminations, puisque vous savez mes chers collègues que cette formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale, mais qui néanmoins reste très inégalitaire.
L'amendement AS1023 porte sur la question de l'âge, car, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), une personne sur deux en emploi âgée de 25 à 54 ans avait bénéficié d'une formation en 2012, contre une sur trois seulement entre 55 et 64 ans.
L'amendement AS1030 a trait aux inégalités territoriales. Comme le montre une étude de l'INSEE de 2016, la concentration des centres de formation des apprentis (CFA) varie sensiblement d'un territoire à l'autre. La Corse en compte très peu, contrairement à la région Hauts-de-France où l'on dénombre plus de 300 centres. L'éloignement géographique auxquels sont particulièrement sujets les Corses et les Ultramarins peut rendre très difficile l'accès à une formation qualifiante.
Par ailleurs, si « la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale », l'accès à la formation professionnelle demeure très inégalitaire. D'après un rapport remis en février 2018 par Catherine Smadja en collaboration avec le Conseil supérieur à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), le taux d'accès des femmes à la formation professionnelle n'est que de 43 %, contre 45 % pour les hommes. L'amendement AS1033 a pour objet de combattre cette inégalité.
L'amendement 1039 concerne le niveau de qualification initiale, car selon l'Insee, 66 % des personnes ayant un niveau supérieur à bac + 2 avaient participé à au moins une formation en 2012, contre 25 % des personnes n'ayant aucun diplôme. Nous souhaitons donc supprimer cette barrière de la qualification initiale.
L'amendement 1044, enfin, vise à favoriser la mobilité sociale des individus, y compris à l'échelon européen et international. En effet, la formation permet de dynamiser le développement des compétences de chacun, et offre une réelle chance de promotion sociale.
Le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie s'applique, par construction, quel que soit l'âge.
Plus généralement, le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie est un droit garanti à tout actif, c'est-à-dire que l'ensemble des critères que vous énumérez sont couverts par la définition actuelle. Dès lors, le fait de préciser chacun de ces points n'a pour effet que d'alourdir la rédaction du texte, tout en suscitant le risque d'oublier un cas particulier. J'émets donc un avis défavorable aux amendements AS1023, AS1030, AS1033 et AS1039, qui visent à décliner ces différents éléments dans la définition du droit à la formation professionnelle.
De même, la mobilité sociale me paraît être le corollaire de l'acquisition par tout actif d'un certain niveau de qualification. Dans la mesure où il ne me semble pas souhaitable de modifier la rédaction en vigueur, j'émets donc également un avis défavorable à l'amendement AS1044.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AS484 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'article L. 6314-1 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que tout travailleur doit pouvoir trouver des formations « correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court ou moyen terme ». C'est à ce type de disposition qu'une vraie réforme du code du travail aurait pu s'attaquer, mais le Gouvernement a préféré affaiblir les salariés par ordonnance, les flexibiliser, les soumettre encore un peu plus à la volonté à court terme d'une partie du patronat. Pourtant, cette injonction est à la fois irréaliste et dogmatique.
Elle est d'abord irréaliste, parce que la prévision des besoins de l'économie est un véritable objet de recherche, une science humaine loin d'être exacte, et que faire porter aux travailleurs la responsabilité d'obtenir une information que des dizaines d'économistes sont incapables d'établir est invraisemblable – même les éminents spécialistes qui ont soutenu et conseillé le candidat Macron se sont beaucoup trompés.
Elle est également dogmatique, car en complet décalage avec ce dont nous avons tous besoin. Cette mention vise en effet à faire croire que le travail n'aurait d'autre raison d'être que de satisfaire des besoins de court et de moyen terme. Pourtant, la définition classique de l'économie est « l'ensemble des activités d'une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses ». En d'autres termes, l'économie est ce que nous en faisons, à savoir, trop souvent, la recherche de profits à court terme.
Nous refusons cette vision du monde où ce serait aux humains de s'adapter à l'économie au bénéfice de quelques-uns, et considérons que l'économie a pour objet de répondre aux missions que nous lui donnons dans l'intérêt du plus grand nombre. Il n'y a pas de main invisible qui, planant au-dessus de nos têtes, nous ferait injonction de nous plier à sa volonté – seuls les libéraux du vieux monde ont encore cette croyance.
Pour notre part, mes chers collègues, nous estimons qu'il faut faire un choix clair en faveur de la réponse aux besoins humains, au respect de la dignité et aux défis posés à la société. Selon nous, la formation professionnelle peut être un moyen d'orienter le fonctionnement de l'économie dans le sens de ce qui participe à l'intérêt général. Nous souhaitons donc remplacer la notion de réponse aux besoins de l'économie à court et moyen terme par celle de réponse aux besoins de la société.
Le droit à la qualification professionnelle garantit la possibilité pour tout actif de progresser au cours de sa vie professionnelle d'au moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court ou moyen terme.
Les besoins de la société, aussi fondamentaux soient-ils, ne relèvent pas de la même logique, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS1231 de M. Pierre Dharréville.
Le conseil en évolution professionnelle est un dispositif récent qui a principalement bénéficié aux demandeurs d'emploi – on comptait 1,5 million de bénéficiaires en 2016, dont 90 % de demandeurs d'emploi. Afin d'en faire un droit universel, il convient d'élargir les canaux d'information au profit des salariés. Cela dit, mon amendement AS1231 étant satisfait par l'amendement AS1021 de Mme la rapporteure, que nous avons adopté précédemment, je le retire.
L'amendement AS1231 est retiré.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement AS1112 de Mme Éricka Bareigts.
Chapitre III Transformer l'alternance
Section I : Conditions contractuelles de travail par apprentissage
Article 7 : Assouplissement du cadre juridique du contrat d'apprentissage
La commission est saisie des amendements identiques AS818 de Mme Éricka Bareigts et AS879 de M. Adrien Quatennens.
Avec l'article 7, nous entamons la discussion sur un sujet qui fait l'unanimité contre lui, à savoir la réforme de l'apprentissage. Cet article vise à rapprocher le régime juridique applicable aux apprentis de celui du droit commun. Pour justifier de telles évolutions, vous procédez dans votre étude d'impact à une comparaison européenne partant d'un postulat récurrent : il n'y a pas assez d'apprentis en France, regardez donc l'Allemagne !
Cette affirmation, entendue à plusieurs reprises lors des auditions de Mme la ministre, mériterait d'être analysée. Pour être honnête dans la comparaison, il ne faudrait pas comparer les seuls effectifs d'apprentis, mais le nombre de jeunes engagés dans une voie professionnelle. L'Allemagne comptant environ 1,5 million d'apprentis contre 400 000 pour la France, il est aisé de dire que notre pays est en mauvaise posture. Cette comparaison serait valide si la voie de l'apprentissage était en France l'unique voie de formation professionnelle des jeunes. Or, on sait que ce n'est pas le cas : 665 000 jeunes sont scolarisés en lycée professionnel, 430 000 dans les filières technologiques des lycées, 260 000 en section de technicien supérieur (STS), 115 000 en institut universitaire de technologie (IUT), 150 000 en écoles d'ingénieurs et autant dans les écoles de commerce et de gestion – sans compter les 170 000 jeunes en contrat de professionnalisation.
Dans votre étude d'impact, vous évoquez les nombreux freins à l'apprentissage pour justifier vos mesures. Pourtant, lors de son audition devant notre commission le 23 mai dernier, Mme la ministre a affirmé que l'analyse de la situation l'avait plutôt conduite à relever la méconnaissance de la législation en vigueur plutôt qu'à la fustiger. Certes, les procédures peuvent être améliorées, et nous avons toujours oeuvré à leur simplification, notamment avec les décrets d'avril 2015, mais nous ne partageons pas la philosophie qui anime l'ensemble de vos dispositions sur l'apprentissage et qui vise à transformer le contrat d'apprentissage en contrat de professionnalisation à terme.
Chercher des freins à l'apprentissage partout – la faute aux régions, la faute aux pouvoirs publics, la faute aux normes – n'est pas suffisant. Si l'on veut plus d'apprentis, il faut surtout responsabiliser les acteurs et rappeler que les bons résultats allemands s'expliquent aussi par l'investissement financier mis sur la table par les entreprises outre-Rhin : 2,5 milliards d'euros, c'est-à-dire cinq fois plus qu'en France…
La modification de l'article L. 6211-1 du code du travail est caractéristique de l'esprit qui préside à l'actuel projet de loi, introduisant dans son principe une confusion grave entre l'apprentissage et la voie professionnelle proprement dite.
Le premier alinéa de l'article L. 6211-1 précise que l'apprentissage « concourt aux objectifs éducatifs de la nation ».
L'apprentissage ne se réduit pas à l'insertion professionnelle : s'il participe sous la direction de son maître d'apprentissage à la vie de l'entreprise, qui constitue l'aspect pratique de son enseignement, l'apprenti suit également une formation théorique auprès d'un centre de stage ou d'un établissement scolaire. En effet, l'acquisition d'un diplôme ou d'une qualification nécessite que la formation pratique soit couplée avec une formation théorique.
La suppression du terme « jeunes » témoigne d'une même volonté de diluer la spécificité de l'apprentissage eu égard à l'insertion professionnelle proprement dite. L'apprentissage complète un temps de formation théorique par une formation pratique, mais sans s'y substituer.
La disposition introduite par l'article 7 constitue une porte ouverte à l'allongement indéfini de l'âge légal requis pour suivre un apprentissage, permettant à des entreprises peu scrupuleuses d'embaucher des salariés à bas coût, renforçant de lourdes logiques concurrentielles.
À terme, cela ne peut que fragiliser le statut et les conditions de travail de l'ensemble des travailleurs, suivant une logique de moins-disant social, délétère pour notre cohésion sociale et nationale. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 7 du projet de loi.
Ces deux amendements de suppression me donnent l'occasion de rappeler ce qu'est l'esprit de la réforme du contrat d'apprentissage portée aux articles 7, 8 et 9 du projet de loi.
À la suite des auditions qui ont été menées dans le cadre de la préparation de ce texte, j'ai pu constater qu'en dépit de ce qui vient d'être dit, la mesure proposée ne faisait pas du tout l'unanimité contre elle au sein des partenaires sociaux. Nombre d'entre eux, du côté salarial comme du côté patronal, se sont en effet déclarés très intéressés par le projet. De même, plusieurs acteurs du monde de l'apprentissage ont expliqué à quel point ils estimaient que l'on allait dans le bon sens.
Sur le diagnostic, vous évoquez des chiffres comparables entre la France et l'Allemagne sur la filière professionnelle, mais nous ne parlons pas de la même chose. La question n'est pas seulement de savoir combien de jeunes sont respectivement dans la voie professionnelle dans notre pays et outre-Rhin, mais de savoir si nous avons assez de jeunes qui recourent à l'alternance, c'est-à-dire à une double formation en établissement et en entreprise. Le principe de l'alternance est très performant du point de vue de la formation professionnelle initiale et, en la matière, le différentiel est clairement marqué.
Par ailleurs, si certains freins ont été levés au cours de la législature précédente, d'autres persistent, et ils n'ont pas seulement été pointés par le Gouvernement, l'étude d'impact ou cette majorité, mais par une concertation menée avec l'ensemble des partenaires et plusieurs rapports parlementaires ou de corps d'inspection qui l'avaient précédée. Nous proposons de simplifier la passation du contrat, les relations contractuelles et les conditions de la rupture du contrat dans la droite ligne des propositions qui ont déjà été faites à maintes reprises.
Enfin, le rapprochement du régime de l'apprentissage avec celui du contrat de professionnalisation n'est pas un problème pour nous, au contraire. Je vous rappelle que ces dernières années ont été marquées par une forte accélération des recrutements de jeunes de 16 à 25 ans – le public cible de l'apprentissage – en contrat de professionnalisation, et nous pensons qu'il ne faut pas y voir l'effet du hasard, mais le fait que ces contrats répondent mieux aux contraintes et aux besoins des uns et des autres.
Pour toutes ces raisons, je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression.
Il est important de maintenir l'article 7, qui a pour objectif de présenter simplement les conditions d'exécution du contrat d'apprentissage, désormais simplifiées – or, la simplification est nécessaire si nous voulons développer l'apprentissage. Cet article prévoit que le contrat sera désormais déposé auprès d'un opérateur de compétences et – dans la mesure où l'apprentissage est une voie de formation gratuite – qu'aucune contrepartie financière ne peut être demandée ni à l'apprenti, ni à l'employeur.
La commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement AS384 de M. Patrick Hetzel.
L'apprentissage étant une forme d'éducation alternée concourant aux objectifs éducatifs de la nation, le principe de son financement de droit nous paraît devoir être affirmé.
Ce principe a été énoncé par le Premier ministre, dès octobre 2017, lors de la présentation de sa feuille de route méthodologique : « un contrat égale un financement ».
La définition de nouvelles règles de financement et de nouveaux circuits financiers ne doit pas laisser entendre que ce principe pourrait être remis en cause. Il y va de la politique sociale pour l'avenir des jeunes et de la politique économique à destination des entreprises.
Cette précision me semble redondante avec les dispositions des articles 17 et, plus encore, 19 du projet de loi, qui posent clairement le principe d'un financement obligatoire du contrat. L'amendement étant satisfait, j'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de précision AS1334 de la rapporteure.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS534 de Mme Barbara Bessot Ballot et AS694 de M. Jean François Mbaye.
Le présent projet de loi prévoyant la suppression de la procédure d'enregistrement des contrats d'apprentissage et son remplacement par une simple procédure de dépôt, les contrats d'apprentissage vont se trouver insécurisés au détriment des jeunes comme des entreprises. L'amendement AS534 vise à y remédier par la mise en place d'une procédure de dépôt suspensif.
Les contrats d'apprentissage concernent majoritairement des jeunes de 18 ans et moins. Pour beaucoup d'entre eux, il s'agit d'une première expérience sur le marché du travail, qu'il convient de sécuriser. Plus de 70 % des entreprises embauchant des apprentis ont moins de 50 salariés et sont donc souvent dépourvues de spécialistes en droit du travail. À titre d'exemple, le réseau des chambres de commerce note que près de 40 % des contrats reçus par les services d'enregistrement font l'objet d'erreurs et sont potentiellement source de contentieux.
C'est pourquoi l'amendement AS694 propose de renforcer la procédure du dépôt par un dépôt suspensif permettant de ne pas engager les jeunes et les entreprises dans un contrat qui ne serait pas juridiquement correct – le qualificatif « suspensif » ouvrirait la possibilité de mettre un terme provisoire au contrat s'il est invalide juridiquement. L'amendement propose également que cette étape soit dévolue aux chambres consulaires, acteurs expérimentés en la matière.
Il me semble que le contrôle suspensif par les chambres consulaires pose plus de problèmes qu'il n'en résout. D'une part, l'aspect suspensif peut se révéler problématique, d'autre part, il s'agit d'une procédure particulièrement lourde, puisque nous parlons de 280 000 contrats chaque année.
On ne peut pas dire que l'enregistrement du contrat apporte une sécurité juridique absolue. Sa suppression faisait l'objet de l'une des préconisations du rapport Brunet, qui avait recueilli un très large consensus. Je note par ailleurs que le contrat de professionnalisation fonctionne sur ce modèle sans que cela ne pose des problèmes particuliers. Enfin, les chambres consulaires ont à mon sens des activités ayant plus de valeur ajoutée que celle-ci, qu'il ne me paraît donc pas pertinent de laisser à leur charge.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à cet amendement ainsi qu'aux amendements suivants ayant le même objet.
Cet amendement présente l'intérêt d'attirer l'attention sur le fait qu'au sein des petites entreprises, le dépôt du contrat est une formalité complexe entraînant un risque juridique. La mise en place d'un contrat suspensif consiste à mettre en place un échelon supplémentaire, alors que le système d'enregistrement fonctionnait très bien et que les chambres consulaires – qu'il s'agisse des chambres de métiers, des chambres d'agriculture ou des chambres de commerce et d'industrie – accomplissaient un travail sécurisé tout à fait satisfaisant.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1335 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement AS582 de M. Francis Vercamer.
L'article 7 du présent projet de loi transfère aux opérateurs de compétences la charge de l'enregistrement des contrats d'apprentissage. Cet amendement vise à assurer la gratuité réelle de l'enregistrement auprès des opérateurs de compétences, en tant que mission de service public.
Votre amendement est satisfait par l'article L. 6221-2 du code du travail, qui prévoit que le dépôt du contrat ne fait l'objet d'aucune contrepartie financière. J'émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS1463 du Gouvernement.
J'émets un avis favorable à cet amendement qui permet de clarifier les missions des chambres consulaires alors que leurs missions d'enregistrement des contrats disparaissent du code du travail.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1385 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement AS205 de M. Gérard Cherpion.
Comme les salariés, les apprentis doivent passer une visite médicale lors de leur embauche. Il y a aujourd'hui en France environ 5 000 médecins du travail pour 28 millions d'actifs, c'est-à-dire un médecin du travail pour 6 000 salariés – autant dire que la mission revenant aux médecins du travail est impossible à assumer. La loi El Khomri a prévu un certain nombre de mesures afin d'y remédier, mais elles sont insuffisantes. Or, si la visite d'embauche ne peut avoir lieu, le chef d'entreprise est en contravention.
Avec cet amendement, il est donc proposé que les apprentis puissent passer cet examen médical avec un médecin de ville, au cas où il serait impossible d'obtenir un rendez-vous avec la médecine du travail dans les deux mois suivant l'embauche.
Le sujet mérite une réflexion approfondie, mais comment justifier que l'exemption ne s'applique qu'aux apprentis, alors que le manque de médecins du travail concerne potentiellement tous les salariés ? Par ailleurs, comme vous l'avez signalé, un assouplissement a déjà été mis en place il y a peu de temps.
En l'état, j'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
Notre collègue Cherpion nous alerte sur ce qui constitue un véritable frein à l'embauche et à l'accueil des apprentis par les chefs d'entreprise, en ajoutant une difficulté à une organisation déjà complexe. Or, tout ce qui peut conduire à la décision de ne pas prendre un apprenti est néfaste, c'est pourquoi, à titre personnel, je voterai pour cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 7 modifié.
Article 8
La commission examine les amendements identiques AS758 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS905 de M. Pierre Dharréville.
L'article 8 introduit des régressions majeures pour les droits des personnes en apprentissage. Alors que ce projet de loi devait apporter plus de sécurité et de nouveaux droits aux travailleurs, le Gouvernement trahit manifestement son engagement et continue à déréguler le droit du travail. Par cet article, il s'attaque directement aux jeunes travailleurs parmi les plus fragiles : les apprentis.
Ainsi, il introduit la possibilité d'étendre la durée hebdomadaire du travail à 40 heures, ce qui constitue un retour à la situation de 1936 – quant à la journée de travail de 8 heures elle date de 1919 ! Cette augmentation du temps de travail va à rebours de la nécessité d'un meilleur partage entre les actifs, dans un contexte de pénurie d'emploi. La possibilité d'allonger la durée du travail des apprentis rompt l'équilibre entre temps de travail, temps d'étude et temps de repos. Le parfait équilibre entre ces temps est pourtant une condition indispensable à un apprentissage de qualité et à la réussite des études.
Malgré les annonces et les louables intentions, cet article va en réalité rendre plus difficile la poursuite de l'apprentissage et tendre à affaiblir cette voie d'études. Nous demandons donc la suppression de l'article 8, d'autant plus qu'il comporte aussi des dispositions ayant pour objet de faire passer la limite d'âge de 26 à 29 ans, une mesure qui pose question à plus d'un titre. Mise en place à titre expérimental dans neuf régions en 2017, elle doit donner lieu à la remise d'un rapport au Parlement courant 2020. Proposer sa généralisation dès maintenant revient une nouvelle fois à court-circuiter le rôle des parlementaires.
Nous demandons également la suppression de l'article 8, qui traduit un affaiblissement du statut de l'apprenti. La limite d'âge passerait de 25 ans à 29 ans, ce qui signifie que des adultes de 30 ans avec un haut niveau de qualification pourraient être payés au SMIC. Par ailleurs, il est prévu que la durée minimale de contrat soit ramenée d'un an à six mois, ce qui est un facteur supplémentaire de précarité. La durée maximale du travail pour les apprentis passerait de 35 à 40 heures, et il pourrait être dérogé à la durée quotidienne de 8 heures dans certaines branches. Comme on le voit, l'article 8 vise à réduire les protections des apprentis alors qu'ils aspirent à de nouveaux droits. Les 30 euros d'augmentation prévus ne suffiront pas à régler leur situation, notamment leurs problèmes d'hébergement, de restauration et de transport.
L'article 8 constitue une dérégulation complète de l'apprentissage au service des besoins locaux. Bref, le Gouvernement va livrer les apprentis et l'apprentissage au monde économique, en en faisant une main-d'oeuvre bon marché. Cet article s'inscrit dans la même logique que les ordonnances Travail, consistant à assouplir le contrat de travail et à offrir moins de protection pour les apprentis. Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.
Personne ne s'étonnera que j'émette un avis défavorable à ces amendements de suppression de l'article 8, qui comporte des avancées essentielles telles que le relèvement de la limite d'âge pour l'apprentissage – qui permet à des personnes qui se cherchent encore, à l'issue d'un parcours universitaire, de prendre un nouveau départ avec un projet en apprentissage –, l'assouplissement du cadre horaire tout en maintenant un cadre protecteur et, enfin, une amélioration du cadre juridique pour la mobilité des apprentis.
Je reviens un instant sur les amendements qui visaient à la suppression de l'article 7. Ceux de nos collègues qui les ont défendus semblent oublier qu'il y a en France 1,3 million de jeunes qui n'ont ni qualification, ni emploi. Dans les pays voisins, notamment les pays scandinaves, la Suisse ou l'Autriche, où l'apprentissage est beaucoup plus développé qu'en France, comme par hasard, le taux d'emploi est bien plus élevé qu'en France, pour l'ensemble de la population et singulièrement pour les jeunes.
J'en viens à me demander si certains groupes croient vraiment en l'apprentissage… En effet, proclamer que l'apprentissage est une voie d'excellence sans le doter des moyens de nature à en faire une réussite finit par semer le doute. Pour notre part, nous voterons contre ces amendements de suppression.
Si ce texte contient un très bon article, c'est bien l'article 8, qui donne un nouvel élan à l'apprentissage, à la fois par le relèvement de l'âge limite – ce qui n'est pas une nouveauté puisque dans la région Grand Est, ce dispositif mis en place à titre expérimental fonctionne très bien, notamment pour les jeunes en échec à l'université, qui trouvent dans ce dispositif une occasion de prendre un nouveau départ.
Pour ce qui est de l'adaptation du temps de travail, elle va permettre de mettre fin à certaines situations absurdes où, du fait des obligations légales, il arrivait qu'un apprenti doive attendre dans le camion que le chantier soit terminé – ce qui n'était valorisant ni pour lui, ni pour son employeur. La possibilité de ramener la durée de l'apprentissage à six mois, en particulier pour les personnes maîtrisant déjà un socle de connaissances, mais ayant besoin d'une formation pratique, me semble aller dans le bon sens.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS115 de M. Patrick Hetzel.
L'amendement AS115 vise à prévoir la possibilité de permettre l'entrée en apprentissage à 14 ans. Une disposition qui l'autorisait a été abrogée en 2013 par le ministre de l'éducation, qui avait considéré que tous les élèves devaient au moins finir le collège pour acquérir le socle commun de connaissances.
Pourtant en donnant aux jeunes qui ne veulent plus du système scolaire classique, une formation professionnelle le plus tôt possible, on les prépare mieux au monde de l'entreprise.
Plusieurs amendements visent à diminuer l'âge du contrat d'apprentissage.
L'apprentissage a toujours été ouvert à partir de 16 ans, en corrélation avec l'obligation scolaire telle qu'elle existe depuis 1959. Aujourd'hui, il existe des aménagements bienvenus, mais seulement pour donner un peu de souplesse au dispositif.
Vous faites allusion à des dispositifs dérogatoires qui existaient auparavant. J'imagine qu'il s'agit notamment de la loi Borloo de 2006, qui prévoyait un apprentissage junior à 14 ans, sous statut scolaire et ne contenant que quelques stages. Quant à la loi Cherpion de 2011, elle créait un pré-dispositif d'un an de découverte des métiers en CFA, mais toujours sans contrat. Il ne s'agit donc pas de revenir à un droit antérieur qui, en réalité, n'a jamais existé.
À mon sens, l'apprentissage à 14 ans n'est pas une bonne chose, ni pour les jeunes, qui doivent auparavant acquérir un socle minimum pour réussir leur apprentissage, ni pour les entreprises, qui ont besoin de jeunes matures et formés.
En revanche, je suis évidemment favorable à tout ce qui peut aider un jeune connaissant une scolarité difficile à s'approcher progressivement de l'apprentissage, notamment grâce à des « prépas » à l'apprentissage, qui permettent à un jeune qui ne serait pas à l'aise dans la filière scolaire générale.
Pour toutes ces raisons, je serai défavorable à tous les amendements dont l'objet est de diminuer l'âge d'entrée en contrat d'apprentissage.
En dépit de l'avis défavorable que vient d'émettre Mme la rapporteure, je ne suis pas tout à fait rassuré par sa réponse, qui ne me paraît pas très claire. Pour notre part, nous affirmons clairement que nous sommes contre l'apprentissage à 14 ans – autrement dit, contre le travail des enfants –, a fortiori quand il est proposé de le permettre dans le cadre d'un rapprochement entre la formation professionnelle continue et l'apprentissage.
J'ai dit très clairement, et je le répète, que je suis contre l'apprentissage à 14 ans, dans la mesure où il y a une obligation scolaire jusqu'à 16 ans.
La loi de 2011 ouvrait la possibilité, par l'intermédiaire de l'éducation nationale, d'une préparation à l'apprentissage sous statut scolaire – j'insiste sur ce dernier point. Je sais que des amendements du Gouvernement ont pour objet de permettre que des enfants travaillent à partir de 14 ans au titre de la formation professionnelle continue, ce qui me paraît constituer un problème.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS537 de Mme Barbara Bessot Ballot.
Cet amendement vise à permettre aux élèves ayant terminé leur classe de troisième et titulaires de leur diplôme national du brevet de s'orienter vers l'apprentissage, plutôt que de fixer un seuil de 16 ans qui peut obliger des élèves sachant déjà qu'ils veulent s'orienter vers l'apprentissage – surtout ceux nés en fin d'année – à faire une année de scolarisation supplémentaire après leur troisième, ce qui les retarde dans la formation à laquelle ils aspirent réellement.
Cet amendement est satisfait dans la mesure où les jeunes de 15 ans peuvent entrer en apprentissage dès lors qu'ils sont titulaires du brevet et ne sont donc plus au collège. J'y suis donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS721 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement, qui reprend une préconisation du rapport de concertation sur l'apprentissage, vise à supprimer la limite d'âge supérieure pour l'apprentissage.
En permettant l'apprentissage à tout âge, on favoriserait la mobilité professionnelle, notamment vers les métiers manuels. Cela permettrait de proposer une formation diplômante en alternance à tout âge, notamment dans le cadre d'une reconversion professionnelle, dans une société où les seniors rencontrent des difficultés à retrouver un emploi, notamment en cas de licenciement économique. Les branches de métiers dits « en tension » souffrant d'une pénurie de main-d'oeuvre, cela permettrait de créer un nouveau vivier. Le développement de l'apprentissage est un moyen de lutter contre le chômage. Enfin, si l'objectif est de reconnaître l'apprentissage comme une voie de formation d'excellence, cette modalité de formation doit pouvoir être accessible à tout moment dans le parcours professionnel, sans qu'une personne ne se voie opposer de limite d'âge.
Le relèvement de la limite d'âge supérieure pour l'apprentissage se justifie par la prise en compte de la situation des jeunes qui auraient mis du temps à trouver leur voie. Avec une limite à 30 ans, on reste dans une logique de formation initiale. Je suis donc défavorable à cette proposition de supprimer toute borne supérieure.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS759 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'article 8 généralise le recours à l'apprentissage jusqu'à 29 ans révolus. Or, je rappelle que les possibilités de contracter un apprentissage ou une alternance au-delà de 26 ans existent déjà, lorsque certaines conditions le justifient, par exemple la poursuite d'une qualification à un niveau supérieur, un handicap ou une maladie. Ces possibilités permettent d'adapter la carrière professionnelle aux aléas de la vie du travailleur et encouragent la croissance de ses ambitions.
Cependant, il est déraisonnable de vouloir repousser l'apprentissage outre mesure, et les dérives d'une telle orientation sont connues : nombre d'entreprises et de salariés, apprentis ou ex-apprentis, nous rapportent à ce sujet des témoignages saisissants. Une fois un certain niveau de qualification atteint, l'individu est suffisamment autonome pour travailler seul et tenir un poste : dès lors, lui proposer un contrat d'apprentissage relève d'une volonté de nier son intégration à part entière dans l'entreprise. De nombreux postes exigeant un diplôme situé entre « bac plus 3 » et « bac plus 5 » sont destinés à des apprentis non intégrés à l'entreprise à la fin de leur contrat et remplacés par d'autres apprentis. Des postes de travail sont alors supprimés de l'entreprise pour être livrés à des travailleurs en formation. Ceux-ci sont rattachés à des tuteurs fictifs, parfois très éloignés des tâches auxquelles les apprentis sont affectés au quotidien.
Dans un contexte de chômage de masse persistant, une telle mesure risque de susciter l'illusion d'une fausse reprise d'activité pour les inactifs et les chômeurs de longue durée. L'apprentissage doit rester une formation noble permettant à un jeune public, dans des circonstances particulières, d'acquérir des qualifications. Il ne doit pas devenir une arme de précarisation massive et les apprentis ne doivent pas, à leurs dépens, faire pression vers une baisse des salaires en proposant l'exécution de tâches similaires pour des rémunérations inférieures. L'âge limite de 26 ans, qui peut être augmenté dans les conditions précises indiquées précédemment, est garant de certaines limites nécessaires dans le monde de l'emploi.
J'ai un peu de mal à saisir la logique de votre argumentaire. Pour certains jeunes, l'apprentissage est souvent le moyen d'accéder à des formations qu'ils n'auraient pas les moyens financiers de suivre si elles étaient dispensées au sein de structures privées. Par ailleurs, il est aujourd'hui fréquent que des personnes âgées de 26 à 30 ans aient mis un peu de temps à trouver leur voie : pour elles, l'apprentissage peut constituer une solution. Je rappelle que la formation en apprentissage constitue une voie d'excellence, et je ne vois pas ce qui justifie de priver certaines personnes d'accéder à un cursus de ce type en raison de leur âge. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mises bout à bout, toutes ces dispositions relatives à l'apprentissage ont pour effet d'en modifier la nature. Pour ma part, je suis convaincu du fait que le contrat d'apprentissage actuel n'est pas adapté aux personnes âgées de plus de 25 ans. En sortant l'apprentissage de la formation initiale, qui comportait une importante dimension éducative, vous lui donnez un tout autre sens. Nous ne souscrivons pas à cette philosophie du texte et avons donc déposé plusieurs amendements visant à préserver l'esprit de l'apprentissage.
Comme à son habitude, Mme Fiat nous a livré un long exposé, que l'on pourrait ici résumer en une phrase : le groupe La France insoumise ne croit pas en l'apprentissage – ce qui paraît d'autant plus étonnant quand on se souvient que son président a été ministre de la formation professionnelle…
On ne compte plus, en France, les expériences positives de gens ayant tout plaqué pour aller faire autre chose, en particulier des métiers de bouche ou d'autres métiers manuels. De nos jours, l'apprentissage n'est donc plus réservé à la formation des très jeunes gens : dispensant une formation pratique et rapide, il est aussi parfaitement adapté à la reconversion à un âge plus avancé. Si l'évolution des métiers à laquelle on assiste actuellement se poursuit, il faudra réfléchir aux moyens de faciliter les reconversions professionnelles ; en attendant, l'apprentissage représente une solution très intéressante.
Il existe heureusement d'autres types de contrats pour les adultes que l'apprentissage, étant entendu qu'on est alors en dessous du SMIC.
Je voudrais remercier M. Maillard : je commençais à être fatiguée et à me dire que je n'allais peut-être pas défendre tous mes amendements. Compte tenu de son intervention fort sympathique (Sourires), j'irai jusqu'au bout des deux minutes auxquelles j'ai droit à chaque fois. Merci à lui pour son soutien et ses encouragements.
Quand on des convictions, on les défend, et c'est très bien comme ça. Néanmoins, il n'est pas question de formation initiale en l'espèce : c'est parfaitement clair. Il y a des jeunes, et des moins jeunes, qui sont vraiment confrontés à un besoin, après avoir connu des difficultés sur le plan personnel ou dans leur parcours universitaire, ou qui découvrent tardivement une envie, à la suite d'un déclic. Je ne vois pas pourquoi on les empêcherait de réaliser leur rêve ou de vivre leur passion. Cet amendement est assez méchant, si je puis dire, à l'égard de ces personnes car il les montre du doigt. Je suis prêt à vous accompagner en Lorraine pour que vous puissiez rencontrer des jeunes qui vivent de telles situations. Ils disent que c'est difficile, parce que leurs lieux de travail, d'étude et de résidence sont différents, mais ils sont animés d'une vraie volonté. Certains d'entre eux finiront même ingénieurs après un apprentissage universitaire. Je leur tire mon chapeau, et je considère que le texte va dans le bon sens.
Je voudrais réagir aux propos d'Olivier Véran. Il existe d'autres manières de travailler à une reconversion professionnelle, par exemple avec un contrat de professionnalisation. Je ne suis absolument pas convaincu que l'apprentissage, dans sa forme actuelle – notamment du fait du contrat de travail que cela implique – soit ce qui convient le mieux. On peut certes réfléchir à l'utilisation d'autres moyens, mais peut-être pas le contrat d'apprentissage.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de cohérence AS1386 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l'amendement AS116 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement prévoit que les jeunes de 15 ans ayant accompli leur scolarité au collège peuvent suivre une formation en alternance. Cette disposition a été supprimée en 2013, alors qu'elle répondait à un réel besoin chez des jeunes nés en fin d'année.
Il y a une réelle difficulté. Dans le cadre du dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA), des jeunes ayant atteint l'âge de 15 ans avant le 1er juillet peuvent entrer en apprentissage à la fin de l'année scolaire, alors que ceux nés entre le 1er juillet et le 31 décembre sont pénalisés : ils doivent intégrer un lycée ou une autre formation avant d'entrer, éventuellement, en apprentissage en cours d'année. Nous devons nous assurer que tous puissent accéder à l'apprentissage sous statut scolaire.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS1015 de Mme Frédérique Lardet.
Je voudrais m'exprimer au nom des personnes éloignées du monde du travail qui rêvent d'un contrat d'apprentissage. Mon amendement permettra à des seniors actifs, âgés de 45 à 49 ans, d'accéder à un contrat d'apprentissage, par exemple dans le cadre d'une transition professionnelle – mais pas seulement. De nombreuses femmes quittent leur emploi vers l'âge de 30 ans pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants, puis souhaitent se réinsérer dans la vie professionnelle mais n'y parviennent pas. Comme elles ne travaillent pas, elles n'ont pas de compte personnel de formation (CPF). On peut avoir besoin d'un contrat d'apprentissage pour retrouver un emploi ou, comme Olivier Véran l'a souligné, pour changer de profession.
J'émets un avis défavorable, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure. Dans les situations que vous évoquez, on peut bénéficier d'un contrat de professionnalisation, qui répond à l'objectif souhaité.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS223 de M. Gérard Cherpion.
L'article 8 du projet de loi doit permettre l'embauche d'apprentis tout au long de l'année, d'une manière qui sera donc moins contrainte par le rythme scolaire, ce qui est intéressant. Néanmoins, il supprime une disposition permettant aux jeunes de commencer un cycle de formation en amont de la conclusion d'un contrat d'apprentissage et de bénéficier, pendant une durée limitée à trois mois, du statut protecteur de stagiaire de la formation professionnelle et de l'assistance d'un centre de formation d'apprentis (CFA) pour la recherche d'un employeur. Notre amendement vise à rétablir cette possibilité.
Malgré la disparition de ce dispositif, il y a la possibilité d'entrer en apprentissage tout au long de l'année, et des passerelles assez souples sont favorisées : on peut ainsi commencer sa formation en lycée professionnel puis la continuer en apprentissage lorsque l'on a trouvé un contrat. Je donne donc un avis défavorable.
Des passerelles existent depuis 1986. C'est d'ailleurs un grand Vosgien, Philippe Séguin, qui les a mises en place quand il était ministre. Mais tout le monde se rend compte, aujourd'hui, qu'elles ne fonctionnent pas. L'idée est d'avoir un sas permettant d'intégrer les jeunes dans un CFA pendant une période de trois mois, de manière à ce qu'ils ne perdent pas de temps – on peut ainsi commencer à apprendre son métier avant d'entrer en formation chez un employeur.
Je crois que le principal frein est lié au financement : il y a un gap lorsque l'on passe d'un lycée professionnel à un CFA au moyen d'une passerelle. Or cette problématique financière disparaît, me semble-t-il.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS760 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Les apprentis peuvent travailler 35 heures par semaine, dans la limite de 8 heures par jour pour les apprentis mineurs et de 10 heures pour les majeurs. Leur temps de travail se confond donc avec celui d'un salarié lambda. Or les apprentis ne sont pas des salariés comme les autres : ils sont contraints d'avoir une double journée de travail, l'une pratique et l'autre théorique. Pour éviter qu'ils ne soient surchargés, nous devons leur permettre de passer moins de temps dans l'entreprise que leurs collègues. Nous proposons ainsi qu'ils ne puissent pas travailler plus de 6 heures 30 par jour et de 32 heures par semaine, qu'ils soient mineurs ou majeurs. Quel que soit leur âge, ils doivent en effet mener de front une activité professionnelle et une formation qualifiante. Selon un palmarès publié en 2017 par le journal L'Etudiant, 80 % des étudiants préparant un brevet de technicien supérieur (BTS) ont obtenu leur diplôme contre seulement 74 % de ceux en apprentissage. Une des raisons de cet écart peut être la surcharge de travail et le manque de temps de révision des apprentis.
Je donne un avis défavorable à cet amendement et, plus globalement, à tous ceux qui visent à réduire le temps de travail des apprentis. Un des objectifs de l'article 8 est de faciliter, autant que possible, leur intégration au sein des entreprises dans les conditions réelles de travail, afin qu'ils puissent se former au mieux. Pour la même raison, je suis défavorable aux amendements revenant sur la durée maximale de 40 heures de travail par semaine, laquelle est possible en l'état du droit, mais dans le cadre d'une procédure très contraignante.
La commission rejette l'amendement.
La séance est levée à douze heures cinquante.
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Présences en réunion
Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9 h 30
Présents. - Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Bruno Bilde, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Patricia Gallerneau, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Nicole Sanquer, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. - M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy
Assistaient également à la réunion. - Mme Barbara Bessot Ballot, M. Pierre Cabaré, Mme Sylvie Charrière, Mme Sarah El Haïry, M. Patrick Hetzel, Mme Frédérique Lardet, Mme Josette Manin, Mme Graziella Melchior, M. Martial Saddier, M. Olivier Serva, M. Denis Sommer