La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 2370 à l'article 1er.
Il vise à supprimer, à l'alinéa 12, les mots : « sauf si un problème de qualité affecte ces embryons ». La notion de « qualité » de l'embryon est juridiquement trop floue. Cette conception implique des risques évidents de dérives eugénistes contraires à l'esprit même d'une science éthique et, il me semble, au projet de loi.
Selon l'alinéa 12 de l'article 1er, « un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d'une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci sauf si un problème de qualité affecte ces embryons ». Mais qu'est-ce que la qualité des embryons ?
À la fin de la séance de cet après-midi, nous avons bien entendu Mme la ministre des solidarités et de la santé nous expliquer qu'un embryon était « un amas de cellules ». Il était réduit à cela ! Si l'on se fonde sur cette définition, l'embryon est un produit, un matériau avec des caractéristiques et des qualités diverses. On peut en disposer comme d'un bien que l'on achète chez Conforama en s'adressant au service après-vente auquel on explique qu'il y a tel ou tel défaut et que l'on veut faire un échange.
Mais il existe une autre approche de l'embryon qui serait un peu plus qu'un amas de cellules. Nous avions d'ailleurs cru comprendre, en écoutant le rapporteur Jean-Louis Touraine s'exprimer sur la procréation médicalement assistée – PMA – post mortem qu'il existait bien un intérêt supérieur de l'embryon. On voit que la confusion règne.
La notion de qualité de l'embryon est très gênante. Elle correspond à votre conception, madame la ministre, conviction que nous respectons, mais avec laquelle nous sommes en désaccord. Nous ne disons pas que l'embryon est une personne humaine – aucun d'entre nous ne dit cela ; nous estimons seulement que, dès lors qu'un doute existe, nous devons considérer l'embryon comme… Nous disons : il y a la vie à naître.
Nous parlons d'une interrogation qui traverse les âges et les siècles. Vous y répondez de manière définitive en affirmant qu'un embryon n'est qu'un amas de cellules dont on peut faire ce que l'on veut, un produit dont je définis la qualité et les caractéristiques. Nous pensons qu'il faut aller un peu plus loin sur un sujet qui taraude l'humanité. Nous n'avons pas de réponses définitives, mais nous pouvons du moins partager nos doutes. C'est tout l'objet de l'article 16 du code civil, qui garantit le respect de la vie dès son commencement, ou de la loi Veil qui respecte un équilibre entre la liberté de la femme et la protection de la vie à naître.
Vous, vous en restez à la notion d'amas de cellules. C'est pour cela que nous nous interrogeons sur la notion de « qualité » de l'embryon, telle que vous l'employez dans le projet de loi. Il faut absolument la définir dans le texte.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements.
Une nouvelle fois, comme lors de chaque examen d'une loi de bioéthique, nous débattons de la définition de l'embryon, alors qu'il s'agit d'une tâche impossible. En vérité, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'on doit lui attribuer une pleine et complète dignité.
Aucun embryon n'est traité comme une chose, ou sans la considération opportune pour ce qui peut devenir une vie humaine. Une dignité totale est donc attribuée à l'embryon.
Sur le plan concret, chacun reconnaît que, s'agissant de la vie, il n'y a pas un passage du « rien » au « tout ». Cela se fait par une opération que les biologistes définissent comme progressive, par étapes. On a d'abord la fusion des deux gamètes, un embryon que les Anglais appellent pré-embryon, puis l'embryon, puis plus tard, après deux mois, le foetus, et cela se poursuit jusqu'au nouveau-né viable.
Quelles que puissent être nos différences philosophiques, chacun d'entre nous sait confusément que, si nous attribuons la dignité totale à tous, la protection n'est pas strictement identique à chacune de ces étapes. Même ceux qui désapprouvent totalement l'usage de stérilets pour des raisons philosophiques ne considèrent pas qu'empêcher la nidation d'un embryon est aussi grave qu'un infanticide. Dans la nature elle-même, le nombre d'embryons formés est plus de deux fois supérieur au nombre des naissances en raison de la sélection impitoyable qui se déroule dans les phases initiales du processus.
En vous écoutant, je comprends toutes les craintes que vous pouvez avoir lorsque nous parlons de « qualité ». Il ne faut pas que ce terme puisse être perçu comme une atteinte à la dignité. Il faut comprendre que la qualité dont nous parlons n'est pas celle que l'on attribue à un objet ; c'est, au contraire, de la qualité humaine potentielle de l'embryon qu'il s'agit, une qualité humaine susceptible de se développer.
Dans l'esprit du projet de loi, le terme est donc utilisé parce que, de fait, in vitro, dès lors qu'il n'y a pas eu la sélection naturelle qui s'opère dans les voies génitales féminines, on trouve de nombreux embryons qui n'ont pas d'aptitude à être viables et à pouvoir jamais s'implanter dans un utérus.
Lors des manipulations, on constate des anomalies, des lésions cellulaires ou tissulaires. Des modifications s'opèrent qui font que la « qualité » de l'embryon n'est pas optimale pour qu'il devienne un foetus et encore moins un nouveau-né. Voilà ce qu'il faut entendre sous ce terme. Inutile de tenir d'interminables débats sémantiques : cela n'a rien d'insultant de dire que des embryons, quand ils ne sont pas de bonne qualité, ne peuvent pas être réimplantés parce qu'ils n'aboutiront jamais à une naissance, parce qu'ils n'iront pas jusqu'à la vie.
Si vous en êtes d'accord, je suggère que nous essayions de nous entendre sur ce sujet et que nous réservions nos combats pour des causes essentielles et fondamentales. Nous avons dialogué cet après-midi de façon constructive et intéressante s'agissant du nombre excessif d'embryons surnuméraires. Voilà une question concrète !
Je le répète, si le terme « qualité » peut effectivement avoir différentes acceptions, il ne constitue pas, en l'espèce, un manque de respect. Au contraire, il permet d'évoquer le fait qu'un embryon n'aura pas la possibilité de devenir un nouveau-né.
Je demande en conséquence le retrait des deux amendements. Il ne faut pas que nous dialoguions à perte de vue sur un seul mot. On pourrait éventuellement lui trouver un synonyme, mais quel intérêt cela aurait-il ?
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques.
Je reprends totalement à mon compte les propos très justes du rapporteur.
Cependant, je me permets de revenir sur ceux que j'ai tenus en fin d'après-midi, car, insuffisamment précis, ils ont été mal interprétés. Nous parlions des 200 000 embryons congelés. Pour donner une idée de ce que cela représente visuellement, j'ai eu recours à une image, mais je ne nie en rien la personne humaine potentielle qu'est l'embryon. C'est d'ailleurs au nom de cette potentialité de l'humain que nous devons respecter la dignité de l'embryon, et que des lois de bioéthique s'appliquent à lui et à sa spécificité, que ce soit dans le cadre de l'AMP, l'assistance médicale à la procréation, ou de la recherche. Je prie ceux que j'ai pu choquer par mon propos de bien vouloir me pardonner.
En AMP, la notion de qualité de l'embryon a un sens précis. Elle concerne par exemple l'embryon dont le nombre de cellules est insuffisant par rapport au stade de développement attendu, ce qui laisse imaginer l'existence de nécroses cellulaires. Le terme sera utilisé pour évoquer des cellules fragmentées qui font soupçonner une effraction de l'embryon au moment de la décongélation par la manipulation. On parle de qualité visuelle de l'embryon. Ce terme est objectivable visuellement. Cela mérite d'être précisé, car il ne faut pas faire de procès d'intention sur ce fondement.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements.
J'entends que la formulation de l'alinéa 12 n'est pas assez précise. Si, plutôt que « sauf si un problème de qualité affecte ces embryons », vous aviez écrit « sauf si ces embryons ne sont pas viables », cela aurait été plus clair. Dans ce cadre, nous pouvons nous entendre. Sur la foi d'une explication sur laquelle nous pouvons nous accorder et qui sera inscrite dans le compte rendu de nos débats, je retire mon amendement.
L'amendement no 2272 est retiré.
Je ne dispose plus de temps de parole pour vous expliquer pourquoi, mais je retire mon amendement.
L'amendement no 1708 est retiré.
Nous avions déjà eu cette discussion sur le mot « qualité » en commission spéciale. Tout cela peut sembler constituer un débat sémantique accessoire dès lors que nous entendons les explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre, mais il est vrai que la notion de « qualité » peut prêter à confusion. Il y a ce que vous décrivez, et l'interprétation qui pourrait éventuellement être faite de ce terme avec la possibilité d'une forme de sélection d'embryons à réimplanter selon une qualité que l'on pourrait qualifier de génétique.
Mon amendement, qui est finalement d'esprit rédactionnel, vise à éviter toute mauvaise interprétation du terme « qualité » en remplaçant les mots « sauf si un problème de qualité affecte ces embryons » par les mots « sauf si les caractéristiques des embryons le nécessitent ». Cette dernière formulation assez neutre permet de tenir compte de ce que vous décrivez – l'élimination d'embryons qui ne deviendront jamais des foetus – , tout en évitant que le terme « qualité » ne donne lieu à une interprétation, même infondée, relative aux caractéristiques génétiques à venir de l'enfant.
Madame la ministre, merci pour vos propos qui sont tout à votre honneur. Moi aussi, j'ai déjà eu l'occasion de rectifier certaines de mes paroles. Je vous avoue que je sens que je suis autre chose qu'un « amas de cellules », je sens que je suis beaucoup plus que cela ; je me sens profondément vivant. Un embryon est beaucoup plus qu'un amas de cellules.
La formulation de l'alinéa 12 doit être aussi considérée au regard de l'ensemble des dispositions du projet de loi. S'agissant de l'embryon, la notion de « problème de qualité » interroge. Peut-elle ouvrir la voie en la matière ? Vous allez dire que j'insiste sur le sujet, mais vous savez bien vous-même que la tentation de sélection des embryons existe bel et bien.
La qualité peut être objective comme subjective. Il est préférable d'utiliser directement les mots « embryons endommagés » ou ceux qui ont été les vôtres, monsieur le rapporteur, lorsque vous parliez de l'impossibilité d'implantation dans un utérus. Cela permet d'éviter la notion plus contestable et floue de « qualité ».
Madame la ministre, j'ai trouvé beau que vous utilisiez l'adverbe « visuellement » lorsque vous êtes revenue sur votre formule relative aux « amas de cellules ». Ce que l'on voit ne traduit pas la totalité de l'être. L'embryon est ou n'est pas. S'il est endommagé, il ne peut plus être.
Hier, Bastien Lachaud voulait absolument que je parle de ce qu'était pour moi le père dans l'ordre du « faire ». Moi, dans cette loi de bioéthique, je ne me situe pas dans l'ordre du « faire » ; je me situe d'abord dans l'ordre de l'« être ».
Ils visent à questionner le mot « qualité » qui est pourtant le terme technique employé par tous ceux qui travaillent dans les laboratoires concernés par le sujet. Ce mot exprime deux réalités : soit les embryons ont des anomalies cellulaires – ils ont, par exemple, pu être endommagés ou altérés lors de manipulations pourtant minutieuses – , soit il concerne une caractéristique qui n'est pas apparente visuellement mais qui peut être étudiée grâce à des tests.
Je pense au cas d'une famille atteinte par une maladie génétique terrible, mortelle dans les premiers mois ou les premières années de la vie. Une fécondation in vitro a été décidée au cours de laquelle serait écarté environ le quart des embryons – ceux pour lesquels les deux allèles sont portés l'un par le père, l'autre par la mère. Ils ne seront pas réimplantés parce qu'ils sont porteurs de la maladie génétique – sans que cela soit visible au seul examen au microscope.
Dans les deux cas de figure que je viens de décrire, les embryons ne sont pas réimplantés parce que l'on considère que la qualité n'est pas satisfaisante.
J'ajoute, pour M. Bazin, qu'il n'y a pas d'eugénisme dans ce cas. L'eugénisme, je le rappelle, vise à modifier l'espèce humaine.
Quand les maladies transmises sont mortelles avant l'adolescence, il n'y a pas de possibilité de modifier l'avenir de l'espèce. Prévenir l'apparition de maladies mortelles dans une famille et chez l'enfant, ce n'est pas faire de l'eugénisme, mais de la prévention de pathologies.
On ferait de l'eugénisme, en revanche, si l'on choisissait des caractéristiques pour « améliorer » l'évolution de l'espèce selon des critères définis arbitrairement par certains. Cela, vous le savez bien, nous nous l'interdisons, vous comme nous.
Les rédactions proposées par ces deux amendements ont en réalité toutes deux leur défaut. Le terme « endommagés » ne correspond pas à l'idée que nous souhaitons inscrire dans le texte. Les embryons peuvent être endommagés, certes, mais ils peuvent aussi connaître d'autres problèmes, tels qu'un nombre de cellules insuffisant par rapport au stade de développement attendu.
Quant au mot « caractéristiques », il ne convient pas non plus car il renvoie aux caractéristiques génétiques, ce qui entraînerait une confusion au regard du code de la santé publique.
Le terme « qualité » figure dans la loi depuis 2004. Le texte précise quels sont les embryons présentant un problème de qualité : il s'agit des « embryons présentant un taux élevé de fragmentation ou un important retard de développement ». Ce sont donc bien des caractéristiques morphologiques.
Nous sommes défavorables à ces amendements qui, selon nous, rendraient le texte plus difficile à interpréter.
Permettez-moi, mes chers collègues, de reprendre les propos de Mme la ministre. Le mot « caractéristiques », monsieur Brindeau, est pratiquement synonyme de « caractéristiques génétiques ». Or il n'est évidemment pas question de trier les embryons selon leurs caractéristiques génétiques.
Nous examinerons d'ailleurs plus tard un amendement sur le DPI HLA, le diagnostic préimplantatoire avec typage HLA, pour lequel nous demanderons une exception, afin qu'une dérogation soit prévue à cet alinéa si cette pratique est maintenue en France.
Les termes utilisés par le projet de loi me semblent pleinement adaptés. Ils permettent de rester dans le domaine qualitatif et observationnel, et de prendre en considération les critères de croissance intra-utérine pour juger de la possibilité de réimplanter un embryon.
J'aimerais, madame la ministre, pouvoir inscrire votre réponse dans la loi. Vos explications me satisfont tant et si bien que j'aurais aimé que vous déposiez un amendement, puisque vous en avez à tout moment la possibilité, contrairement à nous. Cela aurait permis de résoudre notre controverse.
Nous ne savons pas encore quelle sera notre position sur le DPI, que nous allons examiner dans quelques jours, ou dans quelques semaines, et j'aurais été rassuré que des clarifications soient apportées dès maintenant.
Vous parlez de « taux élevé », de « fragmentation » et de « retard de développement ». Nous ne sommes pas obtus et nous comprenons ce qui définit pour vous la qualité de l'embryon.
Nous pourrions décider de vous faire confiance, mais comment être sûr que tout le monde comprendra le texte comme vous ? Le rapporteur lui-même vient de réduire l'eugénisme à la modification du génome humain alors que, nous le savons tous ici, il est bien plus que cela.
L'eugénisme, c'est aussi la sélection des embryons et la recherche de nouvelles qualités, puisqu'il est possible de sélectionner certains éléments, notamment avec les caractéristiques. On ne le fait pas en France, et c'est tant mieux, mais cela existe.
Vous évoquez chaque fois les maladies graves, monsieur le rapporteur, mais, comme le montre la lecture de vos différents amendements, votre définition évolue. Vous aimeriez éviter certaines maladies qui, pour nous, n'empêchent pas une vie heureuse. Nous avons entendu des témoignages extrêmement poignants en commission.
Il est regrettable que, chaque fois que l'argument thérapeutique est utilisé dans le débat – argument d'ailleurs balayé à d'autres moments – , on omette d'évoquer le risque d'une utilisation abusive et non éthique des nouveaux droits.
Nous ne devons pas être naïfs. Regardons en face les mesures que nous souhaitons appliquer, en prévoyant des pare-feu.
Je retire mon amendement. Les explications de Mme la ministre et de notre collègue Eliaou m'ont convaincu. Le débat a eu lieu en commission spéciale et je souhaitais, avec cet amendement, qu'il ait lieu également en séance publique.
Notre débat aura permis de préciser la notion de qualité.
L'amendement no 2574 est retiré.
Je propose, dans l'intérêt de notre débat et si mes collègues n'y voient pas d'inconvénient, que nous ouvrions une discussion commune sur les amendements nos 2205 à 2273 , qui concernent tous la qualité des embryons.
Mon cher collègue, il existe une certaine science de la séance dans l'organisation des discussions communes. Celles-ci répondent à des critères précis, l'adoption d'un amendement faisant tomber les autres. Je suivrai donc, si vous le voulez bien, l'organisation de la discussion telle qu'elle a été prévue.
L'amendement no 892 n'est pas adopté.
L'amendement no 2205 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Guillaume Chiche cherche à éviter le débat sur la définition de la qualité de l'embryon. Les questions que nous posons, je le vois, suscitent de l'embarras au sein de la majorité !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Les réponses qui nous ont été apportées révèlent la logique qui a présidé à ce texte : celle du projet parental. Je fais bien sûr référence à l'amendement adopté hier soir, qui vise à ne faire de la filiation et de la procréation qu'un projet parental. Dès lors, l'enfant devient un produit, dont on définit comme on le souhaite les caractéristiques et les qualités.
Nous pensons quant à nous que la loi doit être plus précise. J'ai entendu votre réponse, madame la ministre, mais encore faut-il que la loi soit aussi claire que vous.
Nous vous demandons donc d'aller plus loin dans la définition de la qualité de l'embryon, en précisant « qualité cellulaire ». Si vous vous y refusez, c'est qu'il existe d'autres qualités. Alors dites-nous lesquelles !
Il faut définir dans la loi la qualité de l'embryon. On ne saurait accepter les faux-fuyants sur un sujet aussi important. Ensuite, bien sûr, interviendront le décret et l'exécution de la loi par les organes réglementaires. Mais nous devons dire maintenant ce qu'est la qualité de l'embryon.
Qui la définit ? Est-ce le couple ? Nous savons qu'on envisage d'aller vers des dépistages généralisés, soit un eugénisme libéral de sélection des embryons que nous refusons.
Dites-nous ce qu'est la qualité d'un embryon et peut-être pourrons-nous nous entendre.
J'irai dans le même sens, puisqu'il s'agit d'un amendement identique, en soulignant notre inquiétude à la lecture de l'alinéa 12 de l'article 1er. « Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d'une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » Nous aimerions en savoir un peu plus !
Vous dites, monsieur le rapporteur, qu'il n'y a pas de risque d'eugénisme. Nous sommes pourtant plusieurs à penser que, en l'état actuel du texte, ce risque existe bel et bien. Nous considérons en effet qu'il y a eugénisme dès lors que l'on procède à un tri des embryons.
L'amendement propose d'ajouter le terme « cellulaire » après « qualité » pour le préciser. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une rédaction aussi floue, qui laisse penser que des opérations d'eugénisme, c'est-à-dire de tri d'embryons, seraient possibles.
J'espère que vous nous entendrez, madame la ministre. Vous savez combien nous sommes attachés à ce que la vie et la place de l'embryon soient pleinement respectées.
J'ai rappelé tout à l'heure que, pendant longtemps, les recherches liées à l'embryon ont été traitées avec une bien plus grande prudence. Je refuse tout moins-disant éthique et constate, hélas, que le Gouvernement ne nous a pour le moment apporté aucune garantie. Nous attendons donc ses explications. Il a encore la possibilité d'amender le texte en séance, comme il l'a fait pour l'article 4, réécrit entièrement d'un coup de baguette magique, sans que cela ne semble poser problème.
Nous soulevons, avec cet amendement, de vrais sujets éthiques, qui appellent des précisions du Gouvernement et une nouvelle rédaction, afin que l'eugénisme ne pointe pas le bout de son nez dans le projet de loi.
Quand on parle d'embryons, on parle d'êtres en devenir. Je reprends vos propres termes, monsieur le rapporteur : des êtres inachevés, donc, mais en devenir.
Or, lorsqu'on parle d'un être en devenir, certains termes ne conviennent pas : celui de « qualité », par exemple, tout comme « amas de cellules » ou « matériel génétique ». Je préfère le terme « dignité », que vous avez vous-même utilisé, monsieur le rapporteur.
On peut comprendre que l'on parle d'un embryon « non viable » : cela signifie qu'il n'ira pas à terme, qu'il ne sera pas un bébé. Mais pourquoi parler de « qualité », d'« amas de cellules » ou de « matériel génétique » ?
Toutes ces questions, nous devons nous les poser en l'état de la médecine prédictive aujourd'hui et demain. Concrètement, que se passe-t-il pour les trisomiques ? Je croise souvent dans ma rue un jeune trisomique : il vaque à ses occupations, me salue et me sourit. Qu'en est-il, par ailleurs, d'une possible sélection des enfants atteints de nanisme ?
Quand on utilise les termes de « qualité », d'« amas de cellules » et de « matériel génétique », on prépare forcément quelque chose. Je demande donc que l'on rompe définitivement avec ce vocabulaire et que l'on fasse preuve d'humanité à l'égard d'un être inachevé, mais en devenir.
Parler de la « qualité cellulaire d'un embryon » est un pléonasme puisque l'embryon, à son stade de développement, ne contient que des cellules.
Vous, monsieur Le Fur, vous avez quelque chose de plus que des cellules d'embryon qui sont, à ce stade, indifférenciées. Ce sont toutes les mêmes : identiques, elles ne se sont pas encore engagées dans la voie de la différenciation en vue de former un cerveau – le vôtre est particulièrement développé –
Rires
Mêmes mouvements.
En fait, l'expression « qualité cellulaire de l'embryon » est redondante.
D'ailleurs, je me mets à votre place et j'adopte votre raisonnement. Vous craignez que ne soit opéré un tri fondé sur des caractéristiques génétiques. Dans la cellule, il y a un noyau qui inclut les chromosomes et les gènes. Ainsi, quand on parle de qualité cellulaire, on parle aussi de la qualité des gènes, des chromosomes et de tout ce qui se trouve à l'intérieur de la cellule, par exemple des mitochondries. Cela n'apporte pas la réponse à la question que vous vous posez. C'est pourquoi je propose que l'on conserve cette expression, qui est utilisée par les médecins et les chercheurs qui travaillent dans les laboratoires d'embryologie.
Je comprends parfaitement vos interrogations. Le terme « qualité » est très vague, mais il est très difficile d'en trouver un autre. Ce qui doit vous rassurer, c'est que nous examinons des articles relatifs à la procréation médicalement assistée, une pratique dans laquelle on se limite à observer l'aspect et le développement des embryons au microscope. Nous ne discutons pas des articles relatifs au diagnostic préimplantatoire et à toutes les techniques que l'on utiliserait pour aller plus loin, notamment pour procéder à des recherches sur les chromosomes et sur les gènes – ces aspects sont traités dans d'autres parties du texte et de la réglementation. Dès que l'on utilise d'autres techniques que celles de la procréation médicalement assistée, on entre dans le diagnostic préimplantatoire.
Je le répète : la partie du projet de loi que nous examinons actuellement ne concerne que des moments où l'on observe l'aspect de l'embryon au microscope. Aussi le mot « qualité » ne doit-il pas susciter les craintes que vous avez exprimées. Nous ne parlons pas ici d'autres tests évoqués dans d'autres parties du texte. Selon les classifications internationales, à ce stade, on procède à une observation visuelle de l'embryon et on calcule un score en fonction de sa morphologie, de l'emplacement, du nombre, de la taille, du rapprochement et de l'axe symétrique des cellules, du suivi de sa croissance, de son taux de fragmentation, du stade de son développement, de son volume et de son aspect. Voilà la définition internationale du score : on en reste à quelque chose de visuel.
Je comprends votre inquiétude, mais les dispositions relatives à d'autres analyses ne figurent pas dans cette partie du texte. Le mot « qualité » adossé aux techniques d'AMP pour décider de la non-utilisation des embryons est utilisé depuis 2004 ; il est défini dans un arrêté publié au Journal officiel du 8 juillet 2017 et ne concerne que l'aspect visuel de l'embryon susceptible de compromettre son implantation.
Merci pour ces précisions, madame la ministre. Vous avez raison, l'expression « qualité cellulaire » n'est pas suffisante, mais l'objectif de mon amendement était de permettre cet échange.
Je vais retirer mon amendement, tout en vous faisant une proposition. Ne serait-il pas possible de déposer un amendement gouvernemental visant à préciser que l'on parle de qualité visuelle ou à introduire dans la loi les informations que vous venez de lire sur votre fiche, qui passeraient alors à un niveau normatif supérieur ? Vous dites que ces précisions sont de nature réglementaire, mais ne pourrait-on pas faire en sorte que la fiche dont vous venez de nous donner lecture soit l'élément de précision que nous réclamons ? Je ne doute pas un seul instant de ce que vous dites, mais cela nous rassurerait beaucoup de voir ces éléments énoncés directement dans le projet de loi.
M. Marc Le Fur applaudit.
Il faudrait a minima apporter ces précisions par décret : si vous pouviez nous dire que les informations que vous venez de lire feront l'objet d'un décret, cela rassurerait tout le monde.
L'amendement no 345 est retiré.
Je comprends votre interpellation, monsieur Hetzel, mais votre proposition serait très difficile à mettre en oeuvre. À ce stade, ces précisions font l'objet d'un arrêté. Vous voulez les inscrire dans la loi, mais cela complexifierait considérablement cette dernière puisqu'il faudrait y décrire un grand nombre d'anomalies morphologiques. Par ailleurs, la classification internationale pourrait être sujette à des modifications, comme l'ajout ou le retrait d'un critère, …
… ce qui nous obligerait chaque fois à modifier la loi. Dès que cette loi relative à la bioéthique sera promulguée, nous réviserons l'arrêté et tout ce que je viens de dire sera de niveau réglementaire. Voilà l'engagement que je peux prendre. Introduire ces précisions dans la loi irait trop loin.
Cette discussion amendement par amendement est intéressante : elle permet d'aller un peu plus loin. Si tous ces amendements avaient fait l'objet d'une discussion commune, nous serions passés très rapidement sur ces sujets.
Le fait que ces précisions figurent dans un arrêté ne nous rassure pas, car les gouvernements changent et il peut y avoir des pressions. Il est important que nous puissions définir la qualité embryonnaire dans la loi, mais, dès lors que cette notion ne fait pas l'objet d'une définition précise, il convient au moins d'indiquer qu'il est fait allusion, à l'alinéa 12, à un problème de qualité « majeur ». Autrement dit, ce problème ne peut pas concerner des notions mineures ou des caractéristiques secondaires : il doit bien s'agir d'un problème de qualité majeur. Ce serait un verrou supplémentaire que l'on inscrirait dans la loi et qui serait susceptible de nous rassurer, tout en affirmant notre volonté unanime de nous protéger des dérives eugénistes qui pourraient se faire jour à travers la sélection des embryons.
Que nos collègues ne nous fassent pas de procès d'intention en voyant des volontés eugénistes là où il n'y en a pas !
Je comprends, monsieur Breton, mais nous voulons justement trouver les moyens d'éviter de telles dérives.
Je ne sais plus si c'est vous ou M. Bazin qui avez affirmé tout à l'heure que nous parlions de maladies très graves, rapidement mortelles, mais que nous englobions pourtant la trisomie 21.
Il existe tout un spectre de maladies génétiques, allant des maladies immédiatement mortelles à des maladies beaucoup moins sévères. Aujourd'hui, la trisomie 21 n'empêche pas de vivre jusqu'à l'âge adulte…
… et même d'avoir une espérance de vie de plus en plus longue, qui se rapproche d'une espérance de vie normale. Il est évident que tout doit être fait pour que la vie de ces patients soit équivalente à la vie des autres personnes – nous sommes tous d'accord là-dessus.
Voyons maintenant l'état de notre droit actuel. Toutes les femmes enceintes se voient proposer, dès les premiers mois de la grossesse, un diagnostic de la trisomie 21 et une possibilité d'interrompre leur grossesse si elles le souhaitent. Je ne porte pas de jugement là-dessus – cela a été décidé il y a plusieurs années – , il faut juste en tenir compte. Vaut-il mieux que ces femmes, confrontées à un diagnostic précoce de trisomie 21, interrompent leur grossesse si elles ne veulent pas prolonger cette dernière, ou qu'il soit procédé à un diagnostic préimplantatoire et que l'embryon atteint ne soit pas implanté ? Comme l'a suggéré Mme la ministre, nous évoquerons ce sujet au moment opportun. Nous n'avons pas à en parler dans le cadre de l'article 1er : je suggère donc que nous reportions ces questions à l'article correspondant.
L'introduction du mot « majeur » ne répondrait pas à votre inquiétude, puisque personne ne peut définir précisément la frontière entre ce qui est mineur et ce qui est majeur. Avis défavorable.
Vous n'avez pas défini la qualité embryonnaire, monsieur le rapporteur.
Vous mettez justement le doigt sur la difficulté : on ne peut pas définir la qualité d'un embryon car on manque énormément de critères. Cette notion est totalement dépendante de l'opérateur : deux biologistes différents dans deux centres de fécondation in vitro différents n'auront pas forcément la même appréciation. Il n'y a rien de moléculaire, il n'y a que du visuel. La notion de qualité ne peut qu'être imprécise.
Monsieur le président, je n'ai pas encore commencé à parler mais le chronomètre a déjà démarré !
Je pensais que vous vouliez intervenir sur l'amendement, monsieur Bazin.
Je parlerai de l'amendement, mais ne décomptez pas mon temps de parole avant que j'aie dit un mot !
C'était déjà le cas pour M. Le Fur tout à l'heure, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous ai trouvé une solution – nous pourrons alors passer au sujet suivant. Il conviendrait juste d'indiquer que les critères de qualité seront précisés par arrêté.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Bazin : le chronomètre apparaissant à l'écran est simplement indicatif, il ne traduit pas le temps décompté. Notre gestion est très rigoureuse !
Sourires.
Je ne suis pas du tout spécialiste de ces questions, mais, pour tout vous dire, depuis le début de nos discussions, moins j'entends le rapporteur, mieux je me porte.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Sur ce sujet !
Nos collègues ont une inquiétude légitime. Je ne suis pas un expert, mais, en observant et en écoutant les débats, j'ai la même inquiétude sur la question de la qualité embryonnaire. Personne ne vous soupçonne ici d'avoir des intentions eugénistes – vous êtes tout à fait sincères. Cependant, nous n'écrivons pas la loi de la République uniquement pour les laborantins, pour qui le mot « qualité » veut dire quelque chose, mais aussi pour nos concitoyens, qui ont besoin de comprendre les enjeux de société dont nous discutons, ainsi que pour les laborantins de demain, qui n'auront pas la même appréciation de la qualité, comme M. Berta vient de le dire.
Si je dis que plus j'écoute les débats, plus je suis inquiet et plus il me semble que vous devez faire un geste pour clarifier votre position, c'est parce que notre collègue rapporteur a commencé une discussion sur la qualité de l'embryon et l'a terminée en évoquant la trisomie 21.
On ne peut pas commencer en disant que la qualité embryonnaire ne fera l'objet que d'une observation visuelle et terminer en parlant d'un autre tri de qualité qui est celui de la trisomie 21.
De même, M. Berta vient de nous expliquer, avec une science et une technicité que je ne conteste pas, que la qualité embryonnaire n'est pas appréciée de la même façon selon le laborantin. Vous avez commencé par affirmer que la notion de qualité était particulièrement sécurisante parce qu'elle était uniforme, mais, après les interventions de M. le rapporteur et de M. Berta, nous constatons qu'il n'existe aucune garantie d'uniformité d'appréciation de cette qualité.
Madame la ministre, je le dis avec beaucoup de sérénité : si vous ne voulez pas que ces débats suscitent des inquiétudes, qui vous semblent sûrement illégitimes mais qui le sont peut-être moins pour d'autres, il faut que vous clarifiiez les choses. Je comprends que cela soit techniquement compliqué et que vos conseillers vous expliquent légitimement que nos demandes sont difficiles à satisfaire, mais il est aujourd'hui nécessaire de rassurer aussi bien les députés que nous sommes que l'ensemble de nos concitoyens. N'oublions pas que c'est aussi pour eux que nous écrivons la loi de la République, et pas seulement pour les techniciens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'entends parfaitement vos interrogations et vos inquiétudes. Effectivement, le terme « qualité » peut paraître très générique, mais il n'est utilisé, je le répète, que dans la partie du projet de loi relative à l'assistance médicale à la procréation, une pratique qui ne fait en aucun cas intervenir d'autres tests biologiques qu'un contrôle visuel.
Ensuite, le terme « qualité » répond à une des définitions internationales qui établit un score et que je vous ai lue. Il me semble logique d'inscrire cette définition dans l'arrêté plutôt que dans la loi, car elle peut évoluer avec le temps : ainsi, pour prendre un exemple imaginaire, on peut découvrir tout à coup que la couleur rouge des cellules est un critère de qualité alors que, jusqu'alors, on ne se fiait qu'à la couleur verte. La science évolue, et les sociétés savantes qui définissent un score de qualité visuelle des embryons peuvent procéder à des corrections. Il faut donc des éléments de définition relativement souples, ce que permet l'arrêté, alors qu'il est évidemment plus compliqué d'adapter la loi à l'évolution des connaissances scientifiques.
Je répète que cette disposition s'inscrit purement dans le visuel et que nous disposons d'un outil, ledit arrêté, qui définit très précisément – il doit faire une bonne soixantaine de pages – les règles de l'assistance médicale à la procréation, arrêté qui sera revu à l'issue de l'examen de ce projet de loi, le Gouvernement s'engageant à clarifier au regard des définitions internationales le score qui y sera précisé.
Je comprends que le mot « qualité » vous choque, mais je rappelle que les biologistes l'utilisent depuis 2004, soit une quinzaine d'années. Mais vous avez raison de dire qu'il pourrait prêter à confusion aux yeux des Français. C'est pourquoi sa définition dans le dur, en l'occurrence dans un arrêté qui encadre toutes les règles de bonnes pratiques de l'AMP, permettra de préciser tout ce que je viens d'énoncer, j'en prends l'engagement. Cela devrait vous rassurer.
En outre, l'adjonction d'un adjectif à « qualité » introduirait de la complexité : si le mot « qualité » est déjà flou, qu'en est-il alors des mots « majeur » ou « mineur » ? Et si l'on ajoute le qualificatif « cellulaire », l'aspect global de l'embryon n'est pas pris en compte. Dès qu'on essaie de le caractériser, le mot « qualité » devient encore plus confus.
Il n'y a évidemment aucune dérive eugéniste dans cette disposition, puisque la qualité s'entend comme la capacité d'un embryon à s'implanter, un point c'est tout : il ne s'agit ni d'analyses chromosomiques, ni d'analyses génétiques ; on ne pratique aucun tri. Il s'agit seulement d'une vérification de la viabilité des embryons. On est vraiment très loin de tous les autres tests effectués dans le cadre des diagnostics préimplantatoires, lesquels font l'objet d'autres règles de bonnes pratiques qui n'ont rien à voir avec le contenu de ce texte.
L'amendement no 1536 n'est pas adopté.
Nous progressons, ce qui prouve qu'il aurait été dommage que tous ces amendements fassent l'objet d'une discussion commune, comme le demandait notre collègue de La République en marche.
Certes, la notion de qualité est difficile à définir et varie selon les territoires – le rapporteur Berta l'a évoqué – et selon les équipes qui en définissent les critères, mais tout cela la rend très aléatoire, ce qui ne me rassure pas. C'est bien pourquoi j'ai proposé de préciser cette notion en indiquant que le problème de qualité devait être majeur, car il faut tout de même un seuil. J'entends bien qu'il était compliqué à déterminer, mais cela aurait pu relever de l'arrêté que vous avez évoqué, madame la ministre. Mais même l'insertion du mot « majeur » dans le texte nous a été refusée.
Je propose donc maintenant un amendement de repli qui complète l'alinéa 12 par la phrase suivante : « La qualité est indépendante des caractéristiques génétiques de l'embryon. » En effet, Mme la ministre nous ayant confirmé que la référence à la qualité des embryons implique un tri effectué uniquement en fonction de leur aspect visuel, cela veut dire qu'il ne doit en aucun cas l'être en fonction de leurs caractéristiques génétiques, pour éviter d'entrer dans un système de normes génétiques et donc, à l'évidence, dans une dérive eugéniste. Il faut donc le préciser dans la loi. C'est vraiment le minimum de ce qui pourrait nous rassurer. Et si même celui-ci n'est pas accepté, c'est qu'il y a d'autres intentions. Peut-être pas les vôtres, madame la ministre, mais si on sait que les gouvernements et les majorités passent, l'on ne sait jamais de quoi l'avenir sera fait, et ne pas préciser dans la loi le terme « qualité » peut ouvrir la porte à toutes les interprétations.
Mais les plus grands biologistes cellulaires ou moléculaires eux-mêmes ne savent pas toujours si les anomalies embryonnaires détectées sont génétiquement conditionnées. Ainsi, les anomalies de développement initial de l'embryon peuvent être dues à des facteurs extérieurs – mauvaises conditions de congélation, par exemple – , ou à des raisons propres à la cellule, telles que des gènes de développement anormaux, mais que, pour le moment, on ne sait pas encore identifier. Par conséquent, proposer de n'écarter que ceux dont la qualité n'est pas déterminée par la génétique n'est pas possible.
Je le répète, je suis navré, je comprends votre intention…
Mais je vous répète qu'il est aujourd'hui le plus souvent impossible d'affirmer, quand une anomalie de développement cellulaire est immédiatement identifiée et qu'elle ne permettra donc pas à l'embryon d'être viable, si elle est d'origine génétique ou non.
Par ailleurs, pour répondre à M. Pradié à propos de la trisomie 21, si j'en ai parlé, c'était uniquement pour apporter un élément de réponse à la question de M. Le Fur, pas du tout pour entrer dans un débat sur la trisomie qui serait hors sujet.
Je n'ai pas totalement répondu à M. Pradié sur le risque d'avoir des interprétations différentes d'un laboratoire à l'autre : si l'observation visuelle se réfère à un score international, il y a toujours un double contrôle, celui d'un technicien et celui d'un biologiste, ce qui réduit au maximum les incertitudes. Et même si, en médecine, il y a toujours un petit degré de variabilité, tout est fait pour la réduire à zéro. C'est pourquoi j'ai pris l'engagement de décrire le score dans l'arrêté. J'ajoute que ce double contrôle persistera évidemment.
Quant à votre amendement, monsieur Breton, il repose sur une excellente intention, puisqu'il entend garantir que la vérification de la qualité ne fasse pas du tout appel à des caractéristiques génétiques. Toutefois, je répète que, dans le cadre de l'AMP, les laboratoires ne font rien de plus qu'observer les gamètes ou les embryons, les congeler et les décongeler, et qu'ils ne pratiquent nullement des tests génétiques et chromosomiques, lesquels sont menés en d'autres lieux, dans le cadre du diagnostic préimplantatoire, par d'autres professionnels.
Je confirme que M. le rapporteur a parfaitement raison : ce serait une promesse trompeuse que de donner un avis favorable à votre amendement. De plus, pour savoir si les anomalies observées ne sont pas d'origine génétique, il faudrait faire un test génétique, ce que nous ne souhaitons pas. Nous voulons en rester à une analyse visuelle. Quant à l'origine génétique d'éventuelles anomalies ainsi observées, nous n'en savons rien et ne voulons pas le savoir. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 2273 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 121 .
Il est satisfait dans la mesure où, comme cela a été rappelé en commission, l'Agence de la biomédecine fournit chaque année un rapport. Il est vrai qu'il n'est satisfait qu'en partie, puisque cet amendement demande que le rapport comporte des précisions supplémentaires relatives entre autres au nombre d'embryons maintenus à l'état congelé, ce qui, en effet, peut y être indiqué, comme y figurent chaque année toutes les précisions requises relatives à l'état des techniques médicales en matière d'AMP.
Mais l'amendement demande aussi que l'Agence de biomédecine se prononce sur la justification du maintien de la conservation des embryons : je rappelle qu'elle n'est pas habilitée à le faire et que c'est au législateur, et pas à une agence, de décider ce qui est justifié en ce domaine.
Madame Genevard, vous souhaitez ajouter une rubrique au rapport annuel de l'Agence de la biomédecine. Je rappelle que celle-ci rend, d'une part, un rapport d'activité et, d'autre part, un rapport médical et scientifique, et que les données disponibles sont donc extrêmement riches. Je souhaite, comme vous, disposer d'un suivi régulier de l'évolution des techniques d'AMP et connaître leurs modalités d'utilisation ainsi que leur degré d'efficacité. Cela fait partie des règles à suivre lorsque le ministère juge d'une technique médicale, car c'est un impératif que de suivre les pratiques, raison pour laquelle l'Agence a cette mission légale.
La loi prévoit que le rapport annuel d'activité rend compte des méthodes, des résultats et de tous les procédés utilisés permettant de limiter le nombre d'embryons conservés, informations qui sont complétées par son rapport médical et scientifique.
Par conséquent, l'Agence utilise déjà la totalité des données dont elle peut disposer, et celles-ci sont suffisamment robustes scientifiquement pour répondre aux questions que vous vous posez. L'avis est donc défavorable.
Cet amendement évoque un sujet que j'ai déjà abordé, et c'est pourquoi je ne l'avais défendu que d'un mot, mais permettez-moi d'y revenir.
La France dispose aujourd'hui d'un stock de plus de 200 000 embryons surnuméraires. Certes, il est impossible d'en produire en fonction de la demande, car on ignore combien d'embryons sont susceptibles d'être implantés, mais j'aurais souhaité que figurât dans la loi l'impératif absolu de privilégier d'autres techniques afin d'éviter de grossir encore un stock d'embryons surnuméraires qui pose un problème éthique évident. Le professeur Friedman, avec qui j'ai évoqué le sujet, s'est avéré moins frileux que vous dans sa réponse puisqu'il a dit que la vitrification de mieux en mieux maîtrisée des ovocytes pouvait permettre de réduire le nombre d'embryons congelés, sinon au niveau d'un par demande, celle-ci étant difficile à prévoir, du moins au niveau le plus bas possible. L'Agence de biomédecine n'est peut-être pas le bon instrument juridique, mais, si la loi ne l'est pas non plus, on en restera dans cette enceinte aux déclarations d'intention.
Nous sommes vraiment en phase, madame Genevard : je souhaite comme vous réduire le nombre d'embryons congelés et privilégier le plus possible des techniques qui le permettent. Mais l'inscrire dans la loi reviendrait à réitérer ce qui y figure déjà, puisque, depuis la loi de bioéthique de 2011, l'article L. 2141-1 dispose que « La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée. La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L'Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » Votre amendement est donc satisfait.
L'amendement no 121 est retiré.
Mes chers collègues, vous m'avez élu à la Cour de justice de la République et c'est pourquoi je n'ai pas pu participer jusqu'à présent à nos débats. Je vous prie de m'en excuser, mais je ne pouvais faire autrement.
J'ai déposé ces deux amendements à titre de piqûre de rappel, faute d'avoir pu intervenir dans la discussion générale. Je dois être le seul ici à avoir vécu les débats de toutes les lois de bioéthique. Et je peux vous dire que ceux d'entre vous qui voteront la PMA pour les femmes seules et pour les couples de femmes seront inéluctablement – M. le rapporteur me l'a d'ailleurs confirmé – obligés de voter la GPA.
Je vous dis donc simplement : réfléchissez bien. J'ai constaté les changements intervenus progressivement de loi de bioéthique en loi de bioéthique. Notre rapporteur – que j'aime par ailleurs beaucoup – est quant à lui tout à fait cohérent, puisqu'il est favorable à tout cela : c'est un libertaire !
Sourires.
On voit ainsi Mme la ministre tenter de freiner les tendances libertaires de son rapporteur – avec bien du bien du mal, la pauvre, elle a beaucoup de mérite !
Je vous invite à nouveau à bien réfléchir. C'est pour cette raison que j'ai déposé un amendement visant à ce que les techniques de procréation médicalement assistée restent réservées, comme dans la loi actuelle, aux couples hétérosexuels stables.
Je suis navré, monsieur de Courson, mais tout l'objet de la loi consiste justement à ne pas réserver la PMA aux seuls couples hétérosexuels, et, au contraire, à l'étendre aux couples homosexuels féminins ainsi qu'aux femmes seules. J'émets donc un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 347 de M. Patrick Hetzel et 823 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable, ces amendements ne répondant pas aux règles qualifiant le don.
Il porte sur un sujet important. Le devenir des embryons humains est une décision grave qui doit être pensée par les couples dans le cadre de leur démarche en vue d'une AMP : cette décision ne concerne pas uniquement le « membre survivant ». Il est donc proposé d'inciter le couple à réfléchir à sa volonté en cas de décès d'un des membres.
Nous ne parlons plus de « directives anticipés » – nous avons bien retenu ce que vous avez dit en commission – , mais vous faisons une belle proposition en évoquant une volonté commune quant au devenir de l'embryon.
Elle est satisfaite par l'amendement no 2053 , que nous avons adopté à la fin de la séance de l'après-midi et qui correspond à votre demande.
Même avis : votre amendement pourrait être retiré, l'amendement no 2053 , que défendait, entre autres, M. Dharréville et que l'Assemblée a adopté tout à l'heure, répondant précisément à votre préoccupation.
L'amendement no 894 est retiré.
Les amendements identiques nos 29 de M. Xavier Breton, 349 de M. Patrick Hetzel et 618 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Il vise à permettre aux couples donneurs ayant donné leur accord pour la transmission d'un embryon à un autre couple de le donner également dans l'éventualité de la destruction de l'embryon. Cela semble assez logique : dès lors qu'un couple s'est prononcé sur une hypothèse d'évolution de l'embryon, il convient, si cette dernière n'est pas réalisée, qu'il donne également son accord à la destruction de l'embryon, qu'il ne souhaitait pas initialement.
L'amendement no 784 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements nos 1626 de Mme Agnès Thill et 1354 de M. Charles de Courson, qui peuvent être soumis à une discussion commune, sont défendus.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 2324 rectifié .
Parmi les obligations à valeur constitutionnelle qui s'imposent au législateur, celle de rendre la loi claire et intelligible pour le citoyen me semble extrêmement importante. L'accès aux origines pour les personnes issues d'une AMP avec tiers donneur est une avancée majeure. Elle constitue une composante à part entière de ce projet de loi, qui refond les normes applicables en matière de procréatique.
Ces nouvelles dispositions sont de nature à influencer le choix des personnes souhaitant recourir à une AMP avec tiers donneur, de même que celui des personnes qui effectueront un don de gamète ou d'embryon. Au-delà, nous devons aussi nous mettre à la place des professionnels de santé qui découvriront ces nouvelles dispositions, et, mieux encore, à la place des personnes qui consulteront le code de la santé publique dans la perspective d'un recours à une AMP exogène.
Pour ma part, je ne crois pas qu'un simple renvoi à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique soit suffisant. C'est ce qui motive cet amendement. Je suis d'ailleurs très heureux que le groupe La République en marche ait repris à son compte la démarche que je défends pour l'heure à l'article 1er, mais qui sera également la mienne à l'article 2.
L'obligation d'information particulière du médecin doit porter à la fois sur l'accès aux données non identifiantes et sur l'identité des tiers donneurs.
Cet amendement apporte une clarification rédactionnelle. J'émets donc un avis favorable.
L'amendement no 2324 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1353 .
Il s'agit d'un amendement de cohérence par rapport aux discussions que nous avons eues précédemment, et aux termes desquelles il faut absolument utiliser les nouvelles technologies afin qu'il n'y ait plus d'embryons surnuméraires. Chacun s'accorde sur ce point – Mme la ministre et M. le rapporteur se sont exprimés en ce sens. La seule question restant en suspens est celle de la durée.
L'amendement que je dépose vise donc la cohérence : lorsqu'il n'y aura plus d'embryons surnuméraires, il ne sera plus possible d'en adopter.
Cette modification conduirait à revenir sur la possibilité, aujourd'hui bien établie en France, d'accueil d'embryons par un couple. Il serait dommageable de revenir en arrière. Je demande donc le retrait de cet amendement, pour ne pas menacer ce qui existe déjà : nous ne cherchons pas à aller plus loin dans l'accueil d'embryons, mais à maintenir cette possibilité pour les parents qui en ont besoin. À défaut de retrait, j'émettrais un avis défavorable.
Vous pourriez au moins accepter cet amendement pour le futur, puisque tout le monde est d'accord pour qu'il n'y ait plus, à terme, d'embryons surnuméraires. Si ces derniers n'existent plus, il sera impossible de les adopter. Voilà ce que je visais à travers cet amendement.
L'amendement no 1353 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 125 .
Il concerne l'intervention du président du tribunal de grande instance. Le coup de rabot budgétaire a conduit à abandonner la disposition selon laquelle l'accueil de l'embryon supposait une autorisation du couple par le tribunal de grande instance. Cette démarche peut vous paraître complexe – et même inutile, puisque vous l'avez supprimée. En réalité, elle avait une fonction symbolique, puisqu'elle constituait en quelque sorte une adoption de l'embryon, lequel se trouvait véritablement inscrit dans le registre de l'humain. Cette démarche symbolique a été imprudemment supprimée dans un objectif purement gestionnaire, par le biais de la loi de programmation 2018-2022.
Cette décision me semble regrettable, car une telle démarche permettait véritablement de faire de l'accueil de l'embryon une sorte d'adoption prénatale. Je pense donc qu'il conviendrait de réinstaurer cette disposition, qui me semble tout à fait intéressante.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
En vérité, la procédure de recueil du consentement devant notaire résulte de l'adoption de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 portant réforme de la justice. Le droit actuel prévoit que les couples hétérosexuels passent devant le notaire. Ce débat a donc déjà eu lieu, et revenir sur ces dispositions ne paraît pas d'actualité.
Je suis défavorable à cet amendement : c'est le notaire qui est chargé de cette mission.
Ce sujet a été largement évoqué dans le cadre des débats sur la loi de programmation et de réforme pour la justice. Il avait alors été décidé que l'intervention du juge ne se justifiait pas, car il s'agit d'un acte non juridictionnel, sur lequel aucune appréciation n'est portée : il n'y a aucun litige ou contentieux à trancher. L'intervention du notaire est plus adaptée, puisqu'il s'agit de délivrer une information au couple sur les règles de filiation dérogatoires qui s'appliquent en cas d'accueil d'embryon.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Je remarque simplement que la suppression de cette disposition n'est pas intervenue par le biais de la loi de bioéthique. Nous aurions pourtant compris que la question soit arbitrée au cours de la discussion de ce texte de loi.
Cette question, madame la ministre, est fondamentale et s'inscrit au coeur de nos discussions : elle touche à l'intérêt de l'enfant. Le débat émergera d'ailleurs de nouveau dans quelques alinéas, lorsque nous aborderons l'évaluation et les critères qui seront retenus pour s'assurer du respect de cet intérêt de l'enfant. Si l'on désigne une équipe susceptible de se trouver piégée et de ne pas pouvoir étudier tous les critères au regard de l'intérêt de l'enfant plutôt que du désir parental, ce regard s'en trouvera déséquilibré.
Un notaire a des clients. Lorsqu'un notaire expliquera les dispositions applicables en matière de filiation, il s'adressera donc à deux clients, tandis que le juge, au contraire, bénéficie de l'impartialité nécessaire pour lui permettre de vérifier que l'intérêt de l'enfant est bien respecté.
Cela va bien au-delà de la réforme de la justice : il est question de réforme de bioéthique, de manipulation du vivant, d'ouverture à de nouvelles techniques. Si on se soucie réellement de l'intérêt de l'enfant, j'appelle votre attention sur la nécessité d'avoir recours à un juge, impartial, déconnecté de l'autonomie des parents, qui puisse vérifier la vulnérabilité potentielle de l'enfant ainsi que le consentement libre et éclairé de chacun – à plus forte raison lorsqu'il s'agit, comme ici, d'un couple, ce qui n'est pas anodin eu égard aux conséquences imaginées en terme de filiation.
L'amendement no 125 n'est pas adopté.
La dignité dont vous parliez, monsieur le rapporteur, suppose qu'on assure un minimum de protection. Comme l'a dit Mme Genevard, le juge d'instance est celui de la tutelle, de la curatelle et de la protection de l'enfance. Il me semble tout à fait légitime qu'il ait sa place au sein de ce dispositif. S'il en a été retiré, cela ne s'explique par uniquement par des raisons financières mais aussi par un abaissement en termes de dignité. Voilà pourquoi nous souhaitons revenir sur cette décision, conformément à une tradition de notre droit.
Les amendements identiques nos 897 de M. Thibault Bazin, 1107 de Mme Véronique Louwagie et 1992 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
L'avis est défavorable. La réforme de la justice, votée récemment par cette assemblée, a prévu la création d'une mission confiée aux notaires plutôt qu'aux juges d'instance. Seule une nouvelle réforme de la justice – que vous pouvez réclamer – permet de revenir sur des dispositions déjà arbitrées il y a peu par ce même Parlement.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 2325 .
Cet amendement tend à l'insertion d'une phrase, après l'alinéa 18, pour préciser que les parents, lorsqu'ils passeront devant un notaire, à l'occasion du recueil du consentement au don, pourront être informés par celui-ci que l'enfant, à sa majorité, pourra engager des procédures lui permettant d'accéder à ses origines, à des données, identifiantes ou non, à propos du donneur. Il me paraît en effet très important de garantir aux parents une transparence totale. Je tiens aussi à remercier le groupe La République en marche, qui a voté et cosigné cet amendement.
Madame Wonner, nous vous proposons de retirer votre amendement. Vous souhaitez inscrire dans la loi le fait qu'au moment du recueil du consentement des personnes, le notaire informe les parents que l'enfant pourra, à sa majorité, engager des procédures lui permettant d'accéder à ses origines. L'article 4 du projet de loi prévoit déjà expressément que l'information par le notaire porte sur les conséquences de l'acte au regard de la filiation, mais aussi de l'accès aux origines. Cela relève de l'obligation générale de conseil du notaire, qui remplit déjà cette mission et continuera à le faire en intégrant cette nouvelle information. Il n'y a donc pas lieu de préciser dans la loi le contenu précis de cette information. Votre demande, légitime, est déjà satisfaite par le texte.
Je remercie Mme la ministre pour cet éclairage et retire cet amendement.
L'amendement no 2325 est retiré.
Cet amendement vise à compléter l'alinéa 18 de façon à ce que le notaire, officier ministériel, transmette une copie du consentement à l'Agence de la biomédecine, laquelle la conserve pour une durée qui serait fixée par décret en Conseil d'État. Cette copie garantit le maintien de la sécurité, de l'intégrité et de la confidentialité de ce consentement. Il s'agit ici de garantir l'effectivité du droit d'accès à ses origines.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 263 .
Le projet de loi prévoit que les deux membres du couple, ou la femme non mariée, donnent leur consentement devant notaire lors de l'accueil de l'embryon pour établir la filiation. Toutefois, pour rendre effectif le droit à ses origines pour la personne conçue par don, je propose, par cet amendement, que l'Agence de la biomédecine, en sa qualité d'agence de l'État reconnue, indépendante, légitime et sûre, conserve une copie du consentement pour informer les personnes nées de procréation médicalement assistée, si elles en font la demande, de l'existence d'un consentement signé par leurs parents.
L'amendement no 1628 de Mme Agnès Thill est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
Le consentement à l'établissement d'une nouvelle filiation et l'accès aux origines sont bien sûr deux questions distinctes. Nous aborderons la question de l'accès aux origines personnelles dans l'article 3. À ce moment-là, nous pourrons discuter des modalités de transmission de l'information, en veillant à le faire dans la cadre d'un ensemble parfaitement cohérent et à préciser que ces deux opérations doivent rester distinctes – ce point est important, dans l'intérêt même des personnes concernées.
Vous disposez encore de plus de huit heures de temps de parole : vous pourrez vous exprimer largement.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 126 .
J'avais présenté en commission spéciale cet amendement, dont vous aviez accepté le principe mais qu'il fallait reformuler. Cela a été fait. Il vise à modifier la rédaction de l'alinéa 19 par un choix de vocabulaire plus adapté. Depuis 1994, en effet, le vocabulaire choisi pour qualifier l'embryon est fondé sur le refus constant de réifier celui-ci. Cela renvoie à la discussion que nous avons eue à propos de l'amas de cellules et de la qualité.
L'expression « renoncer à l'embryon » ne paraît pas adaptée à une telle situation et je proposais donc de lui substituer les mots : « consentir à l'accueil ». Un couple ne renonce pas à son embryon, mais il consent à ce qu'un autre couple l'accueille. Tel est le sens de cet amendement et de deux amendements de coordination qui suivront et que je défends en même temps.
Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Genevard qui est excellent !
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 126 est adopté.
Mêmes mouvements.
L'amendement no 128 de Mme Annie Genevard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable, parce qu'il n'est pas opportun de se limiter au terme « thérapeutique ».
Madame la députée, le terme « thérapeutique » ne couvre pas la prévention que vous citez dans l'exposé sommaire qui accompagne votre amendement. Or, le médecin peut avoir besoin d'accéder à des informations médicales non identifiantes dans un cadre large de diagnostic, de prévention ou de soin, ce qui correspond bien à l'adjectif « médical », mais pas à l'adjectif « thérapeutique ». L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 128 n'est pas adopté.
Rires sur les bancs du groupe LR.
Je tiens à rappeler que la conférence des présidents a fixé à cinquante heures le temps programmé, qui a été mis en place par votre famille politique, chers collègues du groupe Les Républicains. Je propose donc que nous respections le choix de la conférence des présidents.
L'avis est défavorable. Si la rédaction actuelle du texte ne spécifie pas que plusieurs médecins peuvent accéder aux données nos identifiantes en cas de nécessité médicale, la prise en charge d'un patient peut, au cours de son existence, nécessiter le recours à plusieurs médecins, pour des raisons qui tiennent à sa liberté de choix ou aux nécessités de la vie. L'ajout proposé par l'amendement ne paraît donc pas adapté à ces différents cas de figure.
L'amendement no 1629 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 840 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de substituer à l'expression « ayant renoncé à l'embryon » l'expression : « ayant consenti à l'accueil de leur embryon », ce qui ne doit pas amoindrir la portée du choix.
Votre rédaction, qui tend à améliorer le droit existant, me paraît acceptable. Avis de sagesse.
L'amendement no 132 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement no 2078 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 356 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1023 de Mme Marine Brenier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'intention est compréhensible, mais l'avis sera défavorable. Il importe en effet de maintenir la référence à un régime d'autorisation.
L'amendement no 1023 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vérification faite, madame de Vaucouleurs, c'est l'adoption de l'amendement no 1023 qui aurait fait tomber le vôtre.
Vous avez la parole pour le défendre.
Cet amendement complète celui qui fut adopté en commission spéciale sur la conservation des gamètes.
Le maillage territorial de l'activité de conservation des embryons est déjà en grande partie assuré par des établissements privés agréés par les ARS, les Agences régionales de santé. Les standards de qualité et de sécurité sont exigeants et régulièrement contrôlés. En conséquence, il n'y a pas lieu de limiter la conservation de gamètes, en l'espèce des embryons, aux seuls établissements publics.
Les registres resteraient tenus par les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain. La fixation tarifaire par le ministère supprime le risque de marchandisation induit par l'ouverture au secteur privé.
Il convient par conséquent de supprimer, à l'alinéa 23, les mots : « à but non lucratif », et de préciser, par l'insertion d'un autre alinéa, que « les tarifs de conservation effectuée sur indication médicale sont déterminés par arrêté ministériel ».
Sur l'amendement no 1048 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir cet amendement.
Il vise à autoriser les centres privés à but lucratif à réinjecter dans le circuit du don les embryons surnuméraires obtenus dans le cadre des AMP.
L'idée est de jeter une passerelle entre l'AMP et le don d'embryons, lorsque ceux-ci, se trouvant surnuméraires après une FIV – fécondation in vitro – , ne font plus l'objet d'un projet parental. Outre que les centres privés à but lucratif ont toutes les compétences nécessaires, il serait fort dommage de ne pas utiliser les embryons surnuméraires dans le circuit du don.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1357 .
Nous avons été nombreux, dans les différents groupes – à quelques exceptions près, il est vrai – , à ne pas comprendre ce qui justifie ici la distinction entre le secteur privé à but lucratif, le secteur privé à but non lucratif et le secteur public.
Le Gouvernement souhaite en effet que l'entretien des stocks de gamètes et d'embryons reste l'apanage du secteur privé non lucratif et du secteur public. Mais cette idée ne repose sur aucun fondement, et elle implique une rupture d'égalité complète. Les mêmes règles s'appliquent en effet à tous, et 60 % des PMA sont réalisées dans le secteur privé. Votre position n'est donc pas cohérente, et nous avons été nombreux à nous y opposer – d'où l'adoption d'un amendement à ce sujet en commission.
Il est ici question d'ouvrir l'activité de conservation d'embryons, dans le cadre des dons faits aux couples, aux centres privés à but lucratif. La différence entre les établissements publics, les établissements privés à but non lucratif et les établissements privés à but lucratif, si vous ne la voyez pas, est que ces derniers ont une intention marchande, ce qui n'est pas le cas du public.
Le modèle français réserve aux établissements publics de santé et aux organismes à but non lucratif le monopole de la collecte, de la conservation et de l'attribution des embryons destinés aux dons.
C'est là une activité très spécialisée, que dix-neuf centres seulement – publics ou privés à but non lucratif – sont autorisés à exercer : dix-neuf, sur un total de trente centres spécialisés dans la conservation des gamètes.
En tout et pour tout, je le rappelle aussi, seuls dix-neuf transferts d'embryons, de parents donneurs vers des parents candidats pour les accueillir, ont eu lieu en un an : avec dix-neuf centres pour dix-neuf embryons transférés, on ne peut donc pas dire que la demande exerce une pression sur l'offre : il n'y a aucun besoin en ce domaine.
Bref, je ne comprends pas du tout l'objet de ces amendements. Je souhaite que les activités de conservation et de don de produits du corps humain restent exclusivement réservés aux établissements publics et privés à but non lucratif : ce principe, je crois, fait partie de nos fondamentaux. C'est en tout cas celui qui est en vigueur depuis les premières lois de bioéthique. Avis défavorable.
Merci pour ces précisions, madame la ministre. Nous entrons là, en effet, dans un sujet éminemment délicat, directement lié à l'éthique que nous appelons de nos voeux. Le risque, qui retient toute notre vigilance, est la marchandisation du corps humain et de ses produits.
M. Marc Le Fur applaudit.
C'est ce qui nous conduit à refuser toute libéralisation de l'activité de conservation en ce domaine : il y va, là encore, de l'intérêt général.
En commission spéciale, nous avions insisté sur l'impérieuse nécessité de limiter le moins-disant éthique. Ce qui est proposé ici ferait franchir une ligne rouge sur le plan éthique et induirait une logique menant à la marchandisation.
Les arguments, on le voit bien, ne sont pas d'ordre pratique puisque, aujourd'hui, le secteur public et le secteur privé à but non lucratif répondent aux besoins. Ces amendements répondent donc à des considérations purement idéologiques, selon lesquelles il faudrait créer un marché de la procréation. On sait bien que des sommes d'argent considérables sont en jeu en cette matière, par exemple avec les tests, dont nous aurons l'occasion de reparler.
Plusieurs conceptions s'opposent. Puisqu'il y a de l'argent à faire, certains estiment qu'il faut soutenir l'initiative privée. Pour ma part, bien que très prudent sur les interventions de l'État, je la crois ici nécessaire pour garantir des règles et éviter qu'un marché de la procréation ne suscite des demandes ou des besoins. Je rejoins donc tout à fait Mme la ministre sur ce point, et voterai contre ces amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Le problème de ce projet de loi est la confusion que peuvent induire certains de ses articles dans leur examen successif. L'article 1er a trait aux embryons dont l'accueil a été « consenti », selon le terme introduit par l'amendement de notre collègue Genevard, non aux embryons conservés dans le cadre de projets parentaux.
La confusion est aussi sémantique, car il y a AMP et AMP : les AMP sans tiers donneur représentent 96 % du total des AMP en France et sont réalisées à 60 %, avec une grande compétence, par des médecins libéraux, mais elles sont donc étrangères au problème du tiers donneur, c'est-à-dire au don de gamètes ou d'embryons.
Nous ne remettons d'ailleurs nullement en cause l'assistance médicale à la procréation : il s'agit seulement de savoir, ici, à qui l'on confie la gestion des embryons ou des gamètes – objets respectifs des articles 1er et 2 – destinés aux dons. Or ces gamètes sont potentiellement en situation de pénurie. En confier la gestion à des centres privés à but lucratif risque donc d'entraîner des dérives marchandes.
Évitons toute confusion. Nous ne remettons pas en cause la médecine libérale, à laquelle je suis très attaché : vous le savez bien, madame la ministre, puisque je ne manque jamais de le rappeler à chaque PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je souscris pleinement à votre analyse : ces amendements n'ont rien à faire à l'article 1er, et nous aurons l'occasion de revenir, avec l'article 2, sur la mission confiée aux centres privés à but lucratif.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
J'ai encore deux demandes de prise de parole, puisque le temps programmé permet à chacun de s'exprimer pleinement sur ces sujets importants…
Sourires.
Ma position, j'imagine, ne surprendra personne. Nous parlons ici de l'un des sujets essentiels du texte, et peut-être nos débats permettront-ils de revenir sur certaines dispositions malencontreusement adoptées en commission spéciale.
D'autres collègues avant moi l'ont dit, la conservation des gamètes et la gestion des dons sont assurées par des structures publiques et privées à but non lucratif.
La volonté d'ouvrir la gestion de ces activités à des établissements à but lucratif me choque profondément. En effet, il ne saurait y avoir de profit à réaliser sur le don, sinon tout est faussé et les fondements du don se trouvent sapés ; si, par-dessus le marché – si vous me permettez l'expression – ,
Rires sur quelques bancs du groupe LaREM.
la gestion concerne des choses aussi précieuses que les gamètes, qui permettent de donner la vie, il serait incompréhensible d'emprunter une telle direction.
J'appelle la représentation nationale à dresser une frontière éthique nette sur le sujet et à refuser tout pas dans cette direction.
Mme Caroline Fiat et M. Jean-Paul Dufrègne applaudissent.
J'avais signé l'amendement de mes collègues du MODEM en commission et avais donc voté pour son adoption, mais je m'y opposerai en séance publique. Permettez-moi d'expliquer cette évolution. Je n'ai aucun doute sur la compétence des établissements privés, dont l'activité est soumise à la même autorisation que les établissements publics, ni même sur leur éthique, qui existe dans ces établissements et dont tous ceux qui ont travaillé avec eux peuvent témoigner. J'avais voté pour cet amendement, car il me semblait assurer l'égalité territoriale et l'accès à la PMA dans des délais raisonnables pour les femmes.
Il est important d'étudier à nouveau les textes, même si on l'a fait en commission, si bien qu'il faut écarter la suggestion avancée à un moment de ne plus examiner en séance publique les amendements adoptés en commission. Je ne voterai pas cet amendement, à la lumière de la réponse de la ministre et de mes lectures, notamment sur les risques de dérapage de la tarification et de primauté donnée à la quantité sur la qualité. La sagesse devrait nous inciter à faire montre de grande prudence. Il ne faut pas s'enthousiasmer ni perdre la maîtrise, alors que le titre du chapitre Ier du projet de loi promeut justement l'élaboration d'un cadre maîtrisé. Il convient de rejeter l'amendement, même si, comme moi, on l'a voté en commission.
Je joins ma voix à celles qui se sont exprimées sur différents bancs, et j'espère qu'une très large majorité d'entre nous suivra l'avis de la ministre et rejettera les amendements. Le don et l'embryon, sur lesquels nous débattrons à nouveau je l'espère, à l'occasion de l'examen de l'article 2, ne peuvent être laissés au secteur marchand. En effet, les gamètes et les embryons ne sont pas des marchandises, conviction qu'il est essentiel de réaffirmer, afin d'écarter le risque d'un développement de fait de la marchandisation dans les centres privés ; il faudra avancer sur la question fondamentale du maillage territorial, mais il n'est pas nécessaire – et il serait peut-être même dangereux – d'autoriser les centres privés à s'occuper du don, de l'embryon et des gamètes, sur lesquels nous reviendrons lors de l'examen de l'article 2.
L'amendement no 1312 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 7
Contre 47
Avis défavorable. Les conditions de l'autorisation donnée aux établissements sont fixées par le code de la santé publique, celle-ci étant délivrée par l'agence régionale de santé – ARS. Votre amendement suggère de changer totalement le système, en donnant la responsabilité de l'autorisation au ministre chargé de la santé et à l'Agence de la biomédecine. Je propose de maintenir les règles actuelles du code de la santé publique.
L'amendement no 1630 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 133 de Mme Annie Genevard et 1515 de Mme Agnès Thill sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. Nous avons déjà beaucoup débattu de cette question. Ces amendements identiques visent à rétablir le critère d'infertilité pathologique pour autoriser le recours à l'AMP avec tiers donneur : nous avons voté tout à l'heure contre cette réduction du recours à l'AMP.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 1904 .
Il vise à interdire la conception d'un embryon à partir d'un ou de plusieurs gamètes artificiels. M. le rapporteur, qui a pourtant horreur d'enfiler sa blouse, nous expliquera peut-être ce qu'il en est, mais je vais vous présenter les conséquences d'une telle pratique.
On pourrait obtenir des gamètes quel que soit l'âge de la personne sur laquelle seraient prélevées les cellules destinées à être reprogrammées. On pourrait, si l'on autorisait la fécondation de gamètes artificiels, choisir le sexe de ces gamètes indépendamment de celui de la personne prélevée : ainsi, une cellule issue d'un homme pourrait être reprogrammée en ovocyte et une cellule issue d'une femme en spermatozoïde. Voilà l'une des conséquences ; il y en a d'autres, que vous trouverez dans l'exposé sommaire qui accompagne l'amendement.
Un problème juridique se poserait, car le statut des enfants ainsi conçus serait très complexe : un enfant pourrait être conçu à partir d'une cellule souche prélevée sur un embryon ensuite détruit ; cet enfant serait donc issu d'une personne n'ayant jamais existé. Il ne s'agit pas là de pure imagination, mais de pratiques pouvant être déployées. Un enfant pourrait également être issu d'un ovocyte provenant d'un homme ou d'un spermatozoïde issu d'une femme : qui serait le père, qui serait la mère ?
Voilà pourquoi je vous propose d'interdire fermement cette possibilité, afin d'éviter toutes ces dérives.
J'ai longtemps débattu de cette question pertinente avec le professeur Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique, afin de savoir s'il serait opportun de déposer un amendement nous protégeant, à l'avenir, de cette possibilité, qui n'existe pas pour l'instant dans l'espèce humaine, mais qui se développera quelque part dans le monde et dont il faut se prémunir.
La situation n'est pas suffisamment mûre pour rédiger un amendement nous protégeant de cette menace, qui ne présente pas de risque à court terme en France.
Il existe actuellement un encadrement et, en tout état de cause, la rédaction de votre amendement rendrait son adoption inefficace, puisqu'il y est écrit que « Les gamètes artificiels ne peuvent faire l'objet d'une fécondation ». Non ! Nous ne voulons pas qu'un enfant se développe avec cette technique, mais il ne faut pas rejeter l'étude de la fécondation puis de l'embryon dans sa première semaine, car elle nous permettra de nous prémunir contre toutes les utilisations de gamètes artificiels – vous citez les cellules pluripotentes induites – IPS – , mais on peut en citer d'autres variétés.
Il importe de laisser se développer la recherche sur les tout premiers jours et de bloquer fermement toute évolution vers une quelconque naissance, que nous réprouverions tous et qui n'est du reste pas possible en France, puisque seule l'Agence de la biomédecine peut autoriser des travaux de recherche sur tous ces sujets ; or il y a évidemment une interdiction absolue d'utiliser des gamètes artificiels.
Toutes les questions liées à la recherche seront débattues lors de l'examen du titre IV du projet de loi. Même si la recherche avance, l'utilisation de gamètes artificiels pour une fécondation se situe au stade de la science-fiction. Avis défavorable.
Madame la ministre, on nous dit que certains sujets relèvent de la recherche et du titre IV du projet de loi, puis, lorsque l'on parle de recherche, on nous dit que ces questions sont liées à l'AMP et au titre Ier.
Si nous autorisons la recherche sur les gamètes artificiels, peut-être même sur la fécondation à partir de ceux-ci, nous ne pourrons pas séparer les enjeux de la recherche de ceux de l'AMP. En effet, s'il y a une pénurie de gamètes, la tentation d'utiliser les gamètes artificiels pourrait apparaître. Dans d'autres pays, des gamètes artificiels seront peut-être produits dans les prochaines années, donc peut-être importés en France. Si nous voulons éviter tout risque, le texte doit poser une interdiction.
Nous élaborons une loi de bioéthique pour les sept à neuf prochaines années. Je remercie Mme Brocard d'avoir déposé cet amendement, qui pose une vraie question. Il faut insérer cette interdiction dans le titre de la loi consacré à l'AMP. Cela ne nous coûterait rien et ne mangerait pas de pain.
Si la recherche aboutissait à la possibilité de produire des gamètes artificiels dans les prochaines années, il n'y aurait pas de problème car nous aurions dit dans la loi que nous n'en voulions pas en France. Réglons cette question tout de suite et faisons figurer l'interdiction dans les titres consacrés à l'AMP et à la recherche.
Lors de l'examen de la loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, j'avais déposé un amendement, inspiré de la loi allemande, visant à interdire les chimères.
On m'a demandé ce que j'allais chercher là, puisque les chimères n'existaient pas. Or, aujourd'hui, les chimères existent ! Le Gouvernement a d'ailleurs interdit dans son texte la création de chimères. Seuls vingt-trois ans séparent 1994 de 2017.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous êtes d'accord avec le fond de cet amendement : la technique évolue très rapidement, et il convient de se prémunir du risque représenté par les gamètes artificiels pendant les sept prochaines années, durée prévue pour cette loi de bioéthique. Cela ne mange pas de pain et nous assure une tranquillité de sept ans.
Comme vous ne serez plus très nombreux à siéger sur ces bancs dans sept ans, mes chers collègues de la majorité – ne vous faites pas d'illusions ! – , soyons prudents !
Nous venons d'entendre la voix de la sagesse !
Une chose est sûre : renvoyer cette question au titre IV du projet de loi, relatif à la recherche, n'épuise pas le sujet. Nous débattons précisément de l'assistance médicale à la procréation et, par voie de conséquence, de la fécondation de l'embryon.
Ce sujet doit donc être traité ici. Cela ne mange pas de pain, et sécurise le texte, en limitant les risques potentiels – car ils existent. Nous combattons fermement, je le répète, le moins-disant éthique. Si l'on veut l'éviter, il faut adopter l'amendement.
Par ailleurs, vous évoquez la recherche sur l'embryon, monsieur le rapporteur, notamment le délai de conservation de sept jours. Or, vous savez pertinemment que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles du titre IV du texte.
Ce que nous contestons, c'est que les arguments avancés sont toujours les mêmes. Pourtant, depuis 1994, nous n'avons pas vu venir grand-chose en matière d'avancées thérapeutiques issues des recherches dont nous débattons ici. Il existe donc un décalage entre les résultats revendiqués par certains chercheurs et les réalisations concrètes.
Cessez donc, monsieur le rapporteur, de sauter comme un cabri en disant « Allonger les délais ! Allonger les délais ! » ! Cela n'apporte pas les résultats escomptés, nous le constatons depuis vingt-cinq ans. Les progrès annoncés en la matière ne sont pas advenus.
Deux choses. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que le mode de fécondation visé par mon amendement n'existe pas, et qu'il ne faudra pas l'interdire lorsque tel sera le cas, au bénéfice de la recherche.
Cette seule réponse me semble poser problème. Un amendement comme celui-ci vise à éviter que l'on autorise une pratique au nom de la recherche, avant d'affirmer qu'il faut l'autoriser encore un peu davantage.
Les lois de bioéthique visent précisément à limiter de tels processus.
Madame la ministre – je rejoins ici les propos tenus précédemment par nos collègues – , vous affirmez que les gamètes artificiels relèvent pour l'heure de la science-fiction. Peut-être ; quoi qu'il en soit, nous sommes là pour éviter que la science-fiction d'aujourd'hui ne devienne la réalité de demain.
Si nous n'inscrivons pas dans la loi, noir sur blanc, des dispositions relatives à des phénomènes dont nous savons qu'ils se produiront – tout est possible – , à quoi sert-il de nous réunir pour élaborer des lois de bioéthique ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Mesdames, messieurs les députés, je vous prie de m'excuser. Je vais reprendre mon propos, car j'ai emprunté des raccourcis et sans doute ai-je été très peu claire.
À l'heure actuelle, la loi interdit la fabrication d'embryons à des fins de recherche. Cette interdiction est maintenue dans le présent projet de loi. Il est interdit par la loi de fabriquer des embryons pour la recherche.
Or, pour considérer qu'on a fabriqué des gamètes artificiels capables de faire un embryon, il faut les utiliser, afin de faire un embryon et de rechercher s'il s'agit véritablement de gamètes artificiels, conformes à la définition des gamètes, autrement dit en capacité de faire un embryon.
Ainsi, il est impossible de passer du stade des gamètes artificiels à celui de l'embryon. Cela est interdit par la loi. A fortiori, la réimplantation de l'embryon l'est aussi.
À l'heure actuelle, nul n'a le droit de faire un embryon pour la recherche. Or pour déterminer si on a affaire à des gamètes artificiels, il faut réussir à produire un embryon. L'amendement n'a donc pas lieu d'être. Les dispositions proposées sont déjà inscrites dans la loi.
Il est vrai que nous votons régulièrement des lois bavardes. Le Conseil d'État, parmi d'autres, a eu l'occasion de le faire observer à plusieurs reprises, et sans doute une loi bavarde est-elle peu intelligible.
Toutefois, nous ne débattons pas ici d'un projet de loi technique, relatif à la fiscalité ou au logement. Répéter des principes qui nous semblent essentiels, ce n'est pas perdre son temps ni bavarder, mais s'assurer réellement que les choses seront bien actées. Sur un tel sujet, on peut prendre le risque de se répéter, ce qui est deux fois prudent.
Ce matin, j'ai dit à Mme la garde des sceaux, qui justifiait la répétition de la nécessité d'éviter toute discrimination, et affirmait qu'il était bon, parfois, de rappeler des principes importants, que cette remarque ferait jurisprudence dans nos débats. Au titre de la jurisprudence de Mme la garde des sceaux, il me semble que nous pouvons tout à fait adopter l'amendement défendu par notre collègue Brocard.
Nous venons de repousser un amendement relatif aux centres privés à but non lucratif, pour des raisons de sécurité et d'anticipation du moindre risque. Il semble assez évident que l'amendement dont nous débattons est de même nature.
En outre, ne pas l'adopter aurait des conséquences bien plus importantes. Ceinture et bretelles ! Il est bon de réécrire dans la loi, de façon claire et précise, que nous ne prendrons pas le moindre risque, s'agissant de techniques existant pour l'heure de façon embryonnaire, …
… mais susceptibles de parvenir très rapidement à un état bien plus fonctionnel et opérationnel.
L'amendement no 1904 n'est pas adopté.
J'avais déposé cet amendement en commission et Mme la ministre m'avait répondu que je n'avais pas à m'inquiéter, que des autorisations étaient déjà nécessaires et qu'on ne pouvait donc importer et exporter des embryons sans autorisation.
Je l'ai déposé à nouveau, car j'ai réfléchi à votre réponse, madame la ministre. Avez-vous les moyens techniques de contrôler les conditions dans lesquelles les embryons sont importés ? Pouvez-vous contrôler les conditions dans lesquelles ils ont été conçus ?
Par exemple, si je veux importer des embryons de Californie, où l'on est volontiers libertaire – notre collègue Jean-Louis Touraine pourrait être surnommé « Le Californien », car on peut tout faire en Californie ! – , comment contrôlerez-vous que leurs conditions de conception obéissent aux mêmes règles que celles imposées en France, notamment celles prévoyant que la collecte des gamètes ne peut s'inscrire dans un cadre lucratif ?
Il procède du même esprit que l'amendement de Charles de Courson. Il vise à faire en sorte que seuls les embryons conçus dans le respect des principes du code civil puissent entrer sur le territoire national.
Or, comment vérifier que les dispositions françaises sont appliquées à l'étranger ? Une telle disposition serait inapplicable. C'est pourquoi nous proposons une formulation simple et claire : « Toute entrée sur le territoire national ou toute sortie du territoire national d'embryons est interdite ».
Avis défavorable. Interdire d'entrée et de sortie les embryons, dans un pays libre, semble un peu étrange, …
À une époque, on interdisait bien les entrées et les sorties de capitaux !
… surtout si on assortit toute infraction, comme le propose M. de Courson, d'une peine de deux ans de prison et de 20 000 euros d'amende. Ainsi, Mme la directrice de l'Agence de la biomédecine, qui a autorisé l'accueil de quarante-quatre embryons en un an, devrait être condamnée à quarante-quatre fois deux ans de prison !
Importer et exporter des embryons n'est pas interdit ! Tout ce que nous souhaitons, c'est assurer le respect des règles en vigueur.
Absolument pas ! La vérification est très simple. On n'importe pas des embryons pour les exposer dans les foires, mais pour les implanter, dans le cadre de services hospitaliers qui sont contrôlés, notamment par l'Agence de la biomédecine et par les agences régionales de santé.
Toute utilisation d'embryon est répertoriée et contrôlée. On sait d'où viennent les embryons. Bien entendu, ceux qui n'ont pas été produits dans des conditions assurant leur gratuité, ainsi que le respect des normes éthiques françaises, ne font pas l'objet d'une autorisation. Ils ne peuvent donc pas être utilisés en France.
Par conséquent, vos amendements sont satisfaits, chers collègues, à moins que vous ne vouliez interdire l'entrée et la sortie d'embryons – mais alors le Conseil d'État serait également passible de deux ans de prison et d'une amende de 20 000 euros, car il a autorisé l'exportation d'embryons produits en France pour une implantation en Espagne, dans le cadre d'une PMA post mortem !
Tout cela est permis, et le sera demain encore, dès lors que vous avez voté contre la légalisation de la PMA post mortem ! Les personnes qui souhaitent y recourir demanderont qu'on leur remette leurs embryons et, grâce au Conseil d'État, les feront implanter dans un pays voisin.
Ainsi, se fonder sur le franchissement des frontières – pour autant qu'il en existe encore – par les embryons n'est pas opportun. Ce qui l'est, c'est de continuer à procéder, avec la même vigilance que par le passé, à un contrôle de l'origine des embryons et du respect des règles éthiques auxquelles nous sommes tous attachés, ainsi qu'à la pénalisation de quiconque ne respecte pas ce cadre.
Ne craignez pas que les embryons soient importés de façon illégale et incontrôlée !
Leur utilisation elle-même a lieu dans des établissements français, sous contrôle. Vos craintes me semblent excessives. Nous avons déjà tous les moyens susceptibles de satisfaire vos amendements, en s'assurant que rien n'est fait, en France, hors de nos règles et modalités éthiques.
M. Didier Martin applaudit.
Les amendements visent à interdire l'entrée et la sortie d'embryons du territoire national.
Dans quel cadre les importations et les exportations d'embryons ont-elles lieu ? Il s'agit soit de couples ayant initié un projet parental à l'étranger, dans un centre d'assistance médicale à la procréation, qui le poursuivent une fois rentrés en France et disposent de gamètes ou d'embryons congelés à l'étranger qu'ils souhaitent importer ; soit de la situation inverse.
L'idée n'est donc pas de priver des gens qui se sont déjà soumis aux procédures d'une procréation médicalement assistée de la capacité de récupérer leurs gamètes ou leurs embryons. Il est absolument indispensable de permettre ces importations et exportations.
Ce que vous souhaitez, monsieur de Courson, monsieur Breton, c'est que l'on puisse vérifier que les embryons concernés respectent nos règles éthiques.
Dans la très grande majorité des cas, il s'agit d'embryons réalisés par AMP intrafamiliale – je rappelle à cet égard que 96 % des AMP sont réalisées avec les gamètes issues des deux membres du couple concerné…
… et que, dans 4 % des cas, les embryons sont faits avec l'intervention d'un tiers donneur. On voit bien que le risque de non-respect des règles éthiques, par exemple dans le cas d'un don issu d'un tiers donneur non conforme aux principes éthiques français, est très faible.
Lorsque l'Agence de la biomédecine autorise une exportation ou une importation d'embryons, elle demande au préalable un certificat assurant que l'établissement livrant les embryons respecte les règles éthiques à la française.
Il s'agit d'établissements autorisés par les lois locales. Nous connaissons les pays et leur façon de travailler. Nous connaissons les lois locales. Ainsi, les conditions de gratuité et de consentement du don sont assurées.
Tout cela permet de s'assurer du caractère éthique de la création d'embryons, sachant qu'il s'agit, je le répète, dans 96 % des cas, d'embryons faits avec les gamètes des deux membres du couple. Les amendements nous semblent un peu violents pour ces personnes qui vivent dans plusieurs pays au cours de leur vie. Nous y sommes défavorables.
Vous venez d'indiquer, madame la ministre, que la plupart des embryons concernés sont constitués des gamètes des deux parents ; ce n'est donc pas la totalité.
De quels pays parlons-nous en réalité ? Peut-être pas des États-Unis, où les règles sont très différentes, mais plutôt de pays européens : la Belgique, l'Espagne, le Danemark, où, à ma connaissance, on fait appel à des achats de gamètes, notamment de spermatozoïdes. Comment garantir le caractère gratuit du don de gamètes ? L'édifice est, à mon sens, fragile. Monsieur le rapporteur, vous nous dites qu'on ne fait pas n'importe quoi, qu'il n'y a pas de trafic d'embryons. Pardon, mais il existe des trafics d'organes en Europe – ce sont peut-être des épiphénomènes, mais cela existe bel et bien.
On ne peut donc pas, de mon point de vue, garantir que nos règles de bioéthique à la française seront scrupuleusement respectées.
Monsieur le rapporteur, ce qui m'a inquiété dans votre explication, c'est que vous avez répondu sur ce qui se faisait en France, sur les contrôles subis par les centres en France ; mais mes collègues s'inquiètent ici des pratiques qui ont cours à l'étranger. On le sait pour bien d'autres domaines : les certificats ne valent pas toujours garantie… C'est d'autant plus vrai dans des pays où il existe des gestions à but lucratif. Nous leur demandons de vérifier que nos principes sont respectés, alors qu'eux-mêmes n'y sont pas soumis, et que leurs propres principes éthiques sont différents ! Et quelles seraient les sanctions si ce certificat est trompeur ?
Alors, nous faisons confiance. Vous nous dites que nous savons ce qui se passe, mais comment pouvons-nous vraiment nous assurer que l'embryon qui arrive a respecté nos propres réglementations et nos propres principes éthiques ? La confiance ne suffit pas. Il y a une vraie question de traçabilité.
Madame la ministre, vous évoquez ces couples qui habitent à l'étranger et qui déménagent. Je ne veux surtout pas être malveillant, car il est vrai que cela peut arriver. Mais, au cours de nos auditions, nous avons aussi entendu évoquer des couples hétérosexuels qui se rendent à l'étranger pour une AMP. Nous avons eu du mal à comprendre les raisons de ces voyages et nous ne savons pas combien de personnes sont concernées. Mais les tentations existent, on le voit, avec des pratiques qui ont cours à l'étranger, mais pas ici – je pense aux dérives eugénistes ou marchandes.
Peut-être l'amendement est-il mal écrit et serait-il trop violent pour ceux qui respectent les règles. Mais nous devons aussi penser à ceux qui ne les respectent pas, sinon nous ne dissuaderons personne.
J'ai redéposé cet amendement un peu brutal, madame la ministre, je l'ai dit, pour vous entendre préciser dans l'hémicycle quelles sont les règles en la matière. Vous avez dit, comme en commission, qu'il existe des certificats.
Ma vieille expérience de magistrat à la Cour des comptes me conduit à ne croire que ce que je vais voir. L'Agence de la biomédecine prend-elle de temps en temps l'avion pour constater, dans les pays d'où émane la demande d'importation, par exemple, si ce qui est présenté comme un embryon produit par PMA intrafamiliale pour un couple hétérosexuel ne provient pas d'un ovocyte ou de sperme qui ont été achetés ? Comment pouvez-vous contrôler cela ? Si vous me dites que l'Agence de la biomédecine se rend parfois sur place pour vérifier que l'embryon a été produit dans les mêmes conditions que celles que l'on impose en France, alors je retire mon amendement. Mais nous sommes entourés de pays dont les principes de bioéthique sont extrêmement différents des nôtres.
Et, s'il faut corriger l'amendement pour prendre en considération les cas que vous évoquez, faisons-le.
Ces centres sont autorisés dans le pays où ils sont installés et nous connaissons la réglementation du pays. Nous demandons un certificat qui établit que les règles éthiques fondamentales auxquelles nous sommes attachées ont été respectées, et qui indique que l'introduction sur notre territoire d'embryons qui enfreindraient ces règles est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'Agence de la biomédecine ne contrôle pas ces centres étrangers : elle n'en a pas le pouvoir.
Mais nous pourrions dire la même chose de toutes les autres importations que nous réalisons, notamment de cellules souches hématopoïétiques – et nous importons des centaines, voire des milliers de ces cellules pour réaliser des greffes. L'Agence de la biomédecine autorise des importations de tissus et de cellules, après avoir vérifié qu'un certain nombre de critères, dont des critères éthiques, sont remplis, mais elle ne se promène pas à travers le monde pour contrôler les centres qui produisent ces cellules !
Votre amendement nous obligerait à modifier les missions de l'Agence de la biomédecine – et je ne pense pas qu'elle ait aujourd'hui les moyens de parcourir le monde pour faire les vérifications que vous demandez – mais changerait surtout les conditions d'importation de toutes les cellules.
Nous fixons un cadre : nous exigeons des centres étrangers un certificat de respect de nos principes éthiques et nous connaissons la législation des pays concernés en la matière, ainsi que la réglementation qui s'applique localement aux autorisations dont bénéficient ces centres.
L'Agence de la biomédecine donne, dans son rapport d'activité, des données sur le nombre d'importations et d'exportations annuelles : nous parlons ici d'une quarantaine de demandes par an – à rapporter aux quelque 150 000 procédures de procréation médicalement assistées annuelles. Ces chiffres doivent vous rassurer : l'Agence est en mesure d'examiner attentivement ces demandes.
Nous souhaitons donc en rester à la réglementation actuelle.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1448 , 36 , 357 , 570 , 899 et 1631 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 36 , 357 , 570 , 899 et 1631 sont identiques.
Les amendements nos 1448 de Mme Emmanuelle Ménard, 36 de M. Xavier Breton, 357 de M. Patrick Hetzel et 570 de M. Philippe Gosselin sont défendus.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 899 .
Comme ceux de mes collègues, mon amendement est défendu, pour ne pas épuiser notre temps de parole…
L'amendement no 1631 de Mme Agnès Thill est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. La question est fondamentale. Ces amendements visent à maintenir l'interdiction du double don de gamètes, que le projet de loi tend au contraire à autoriser. Nous sommes en désaccord sur ce point : nous croyons, nous, que le double don de gamètes répond à des demandes importantes, à des souffrances notables, dans les cas de double infertilité.
C'est loin d'être le seul point sur lequel nous sommes en désaccord, monsieur le rapporteur !
Avis défavorable. Nous souhaitons en effet autoriser la production d'embryons avec un double apport de gamètes, pour répondre aux cas de double infertilité. Je l'ai dit, les couples ont beaucoup de difficulté à se projeter dans l'histoire d'un autre projet parental ; ils veulent démarrer une histoire avec l'embryon dans lequel ils vont projeter leur projet parental, et non pas hériter de l'histoire de l'embryon d'un autre couple. Il nous paraît important d'ouvrir cette possibilité.
L'interdiction a été inscrite dans la loi à une époque où le nombre d'embryons surnuméraires qui ne faisaient plus l'objet d'un projet parental était important ; elle ne découlait d'aucun principe éthique : l'idée était seulement d'utiliser un maximum d'embryons déjà congelés.
Ceux-ci sont toujours nombreux, mais il y a toujours très peu de couples qui acceptent un don d'embryon. Nous préférons donc lever cette interdiction, qui ne s'oppose à aucun principe éthique fondamental.
Je ne ferai qu'une petite remarque sémantique : dans cette « fabrique de la loi », j'entends Mme la ministre parler de fabrique des embryons, ou d'amas de cellules, et je dois dire que ces termes m'écorchent les oreilles – comme, sans doute, celles d'autres collègues. Nous sommes autre chose qu'un amas de cellules. Mettons un peu de transcendance dans tout cela !
L'amendement no 1448 n'est pas adopté.
L'amendement no 2208 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit ici des entretiens préalables à une procédure d'assistance médicale à la procréation. L'amendement tend à prévoir la consultation de plusieurs médecins, et non d'un seul, pour favoriser la collégialité. Il s'agit d'une précision rédactionnelle.
L'amendement no 1634 de Mme Agnès Thill est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Sourires.
Mon avis est défavorable. La collégialité existe déjà, puisque les éventuels bénéficiaires de l'AMP sont déjà reçus par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, comme l'indique le texte lui-même. Votre amendement est donc satisfait. Après ceinture et bretelles, il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit !
Je vais faire confiance au rapporteur, en espérant que la nuit lui portera conseil pour qu'il fasse preuve d'une encore plus grande sagesse en matière bioéthique.
Sourires.
L'amendement no 903 est retiré.
L'amendement no 1634 est retiré.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra