COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE
Jeudi 21 janvier 2021
La séance est ouverte à quinze heures cinq.
La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).
Mes chers collègues, nous commençons l'examen du chapitre consacré à la dignité de la personne humaine.
Chapitre III Dispositions relatives à la dignité de la personne humaine
Avant l'article 13
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CS1881 de la rapporteure, CS1521 de Mme Laurence Gayte et CS1510 de Mme Coralie Dubost.
L'amendement CS1881 vise à renforcer la cohérence entre l'intitulé du chapitre III du titre Ier et le contenu des articles y figurant, en faisant référence « au respect des droits des personnes et à l'égalité entre les femmes et les hommes ». Les propositions faites par les deux autres amendements sont intéressantes mais les mentions relatives à la dignité de la personne humaine ou au respect de la vie privée et de l'intégrité de la personne humaine ne me semblent pas pertinentes. En effet, la notion de dignité de la personne humaine est ambivalente et recouvre des options philosophiques et idéologiques divergentes, comme l'a mis en évidence le comité de réflexion sur le préambule de la Constitution présidé par Simone Veil, en 2008. Par ailleurs, les notions d'intégrité de la personne humaine et de respect de la vie privée ne me semblent pas tout à fait correspondre au contenu des articles du chapitre III.
L'amendement CS1521 vise à compléter l'intitulé du chapitre III par les mots « et au respect de l'égalité femmes-hommes ». En effet, ce chapitre traite de plusieurs thématiques liées à l'égalité entre les femmes et les hommes : les certificats de virginité, la polygamie, les mariages forcés, les droits réservataires. De plus, le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes est reconnu par plusieurs textes fondateurs du droit français. Ajouter cette notion à l'intitulé du chapitre renforcerait sa portée juridique.
Nous nous sommes beaucoup interrogés sur le choix de l'intitulé du chapitre relatif à la dignité humaine. Chacun souscrit à l'objectif du Gouvernement de mieux protéger les personnes. Toutefois, il ressort de l'avis du Conseil d'État et des auditions que nous avons menées que la dignité humaine peut tant incarner une forme de morale collective que le point de vue de la personne elle-même, dans le respect de son intégrité et de sa vie privée. Cette ambivalence, qui a donné naissance à des jurisprudences dissemblables, peut induire un certain flou sur l'application du principe. La Cour européenne des droits de l'homme s'appuie désormais quasi exclusivement sur l'article 8 de la convention, qui garantit le respect de la vie privée et familiale, lequel inclut le droit à l'autodétermination et le respect du corps et de l'intime. Cela fait écho à des dispositions de notre code civil sur le respect de l'intégrité de la personne, tant physique que psychique. Nous proposons de rattacher la dignité humaine à ce droit, pour conforter son assise juridique. Nous avions réfléchi à la possibilité d'intégrer l'égalité entre les femmes et les hommes, mais il nous a semblé préférable d'avoir un intitulé général, en prévision d'évolutions futures.
Avis défavorable sur les amendements CS1521 et CS1510. Le concept de dignité est large et flou. La notion de vie privée est également à préciser. Le chapitre III couvre plusieurs articles et son champ est vaste, ce qui relève de la dignité humaine ne faisant plus spécifiquement l'objet que de l'article 16. L'intitulé proposé rendra compte de cette diversité.
Le ministre de l'intérieur et moi-même avons beaucoup échangé sur cette question et avons hésité sur l'intitulé du chapitre III. La dignité humaine nous a semblé rendre compte de l'objet de chacun des articles – la lutte contre les mariages forcés ou contre les certificats de virginité. Je salue les propositions des députés. Par ailleurs, nombre de mesures renvoient à l'égalité entre les femmes et les hommes, principe que nous tenons à voir écrit en toutes lettres. Nous donnons donc un avis favorable à l'amendement de la rapporteure et à celui de Mme Gayte. En revanche, nous demandons à Mme Dubost de retirer son amendement, car nous considérons que des questions telles que la réserve héréditaire et la pension de réversion ne relèvent pas tout à fait de la vie privée.
Je me réjouis de l'amendement de Mme la rapporteure. On le sait très bien, les extrémismes religieux et sectaires s'en prennent toujours aux droits des femmes. Il est donc essentiel de réaffirmer le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes dans ce texte.
Le droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme couvre l'ensemble des champs du chapitre III. Il renvoie à la vie privée familiale, sociale, personnelle, à l'autodétermination, au corps, aux conditions de vie. C'est l'une des constructions juridiques les plus solides pour les personnes dans le droit européen des droits de l'homme. Cela va dans le sens de l'objectif politique du texte.
La commission adopte l'amendement CS1881.
En conséquence, les amendements CS1521 et CS1510 tombent.
Article 13 (art. 913 et 921 du code civil) : Renforcement de la protection des héritiers réservataires
La commission examine l'amendement CS184 de M. Xavier Breton.
Cet amendement est le fruit d'une observation formulée par le Conseil supérieur du notariat lors de son audition. L'article 13 vise à renforcer la protection des héritiers réservataires. À cette fin, il fait à nouveau entrer dans le droit des successions et des libéralités une sorte de droit de prélèvement, qui a pourtant été déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel en 2011 à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), au motif qu'il engendrait une rupture d'égalité entre les héritiers de nationalité française, qui en bénéficiaient, et les héritiers étrangers. Le Conseil supérieur du notariat a fait part de ses interrogations quant à la mise en œuvre de cette mesure : comment respecter cette nouvelle obligation ? Comment retrouver un héritier ? Le problème sera moins d'identifier les biens que de rechercher les personnes. Cette nouvelle responsabilité risque de créer frustrations et contentieux ; elle est de nature à engendrer des incertitudes juridiques. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer l'article 13.
L'article vise à éviter que des héritiers réservataires ne soient déshérités ou partiellement lésés s'agissant de leurs droits de succession. Il renforce l'information des héritiers par le notaire. Il prévoit la possibilité pour les enfants omis par le testament d'effectuer un prélèvement compensatoire. Le Conseil constitutionnel a en effet déclaré inconstitutionnelle la notion de prélèvement, en raison de l'iniquité entre enfants français et étrangers. Ce n'est pas le cas, en l'occurrence, car le texte permet à tous les enfants – notamment aux femmes, qui sont le plus souvent lésées – de bénéficier du prélèvement. J'ai entendu le Conseil supérieur du notariat, mais aussi des notaires travaillant à l'international, qui mènent déjà ce travail et qui considèrent qu'il n'y aura pas de difficultés supplémentaires. Avis défavorable.
Le Conseil d'État n'a pas relevé de motif d'inconstitutionnalité. Avis défavorable.
Nous soutenons l'article, car il vise à renforcer l'égalité et à lutter contre les discriminations sexistes. On peut regretter – c'est valable pour tout le projet de loi – l'absence de chiffres dans l'étude d'impact mais le principe n'en demeure pas moins louable.
Je m'étonne de l'argument qui a été invoqué, car les notaires font souvent face à des situations semblables, qui se soldent par un prélèvement. En droit français, la réserve héréditaire permet de lutter contre les testaments discriminants. Si le défunt a déshérité sa fille au profit de son fils, celle-ci peut réclamer sa part réservataire d'un tiers. Je suppose qu'en pareil cas, un prélèvement est effectué. L'objection ne semble donc pas valable. Pour ces raisons, je m'opposerai à l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS180 de M. Xavier Breton.
Il ne s'agit pas de contester les objectifs de l'article mais les moyens juridiques employés, qui risquent d'être inefficaces. L'article 913 du code civil, complété par les dispositions du projet de loi, prévoit un prélèvement compensatoire pour rétablir la réserve reconnue par le droit français. Toutefois, cette disposition ne semble pas conforme au règlement européen sur les successions, selon lequel on ne peut écarter la loi étrangère au seul motif qu'elle connaît une réserve différente. C'est pourquoi nous proposons la suppression des alinéas 2 et 3.
Il serait inopportun de supprimer les dispositions qui complètent l'article 913 du code civil car ces dernières permettront aux enfants évincés de la succession, pour quelque motif que ce soit, de récupérer une part successorale sur les biens situés en France. Il nous faut mettre fin à la possibilité, pour le testateur, d'établir des discriminations entre ses enfants en raison de leur sexe, de leur ordre de naissance, de leur filiation, de leur religion ou encore de leur orientation sexuelle.
En outre, le dispositif proposé paraît conforme au règlement européen relatif aux successions. En effet, celui-ci prévoit que, par exception, la loi interne peut contrarier l'application de la loi étrangère désignée par la règle de conflit. Son article 35 définit l'exception d'ordre public international. La Cour de justice de l'Union européenne laisse une certaine marge d'appréciation aux États membres pour définir les contours de leur ordre public international. Elle a défini plusieurs conditions pour qu'une disposition nationale puisse être considérée par l'État membre comme d'ordre public international. La règle interne doit ainsi correspondre à des valeurs partagées par l'ensemble des États membres et constituer pour l'État considéré un élément essentiel de son ordre juridique social, économique ou culturel.
La réserve héréditaire remplit ces conditions. Elle constitue en effet un principe commun à l'ensemble des États membres de l'Union européenne liés par le règlement et exprime de fortes valeurs politiques et culturelles – elle traduit notamment les principes républicains français de liberté, d'égalité et de fraternité.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie des amendements identiques CS182 de M. Xavier Breton et CS481 de Mme Marine Le Pen.
L'amendement CS182 a pour objet de supprimer, au début de l'alinéa 3, les mots « Lorsque le défunt ou au moins l'un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou y réside habituellement, et ». En effet, le seul fait pour le défunt ou au moins l'un de ses enfants d'être ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'y résider habituellement ne donne pas nécessairement compétence à une autorité française ni ne permet d'aboutir à l'application de la loi française. L'article 4 du règlement européen sur les successions donne compétence pour statuer sur l'ensemble d'une succession aux juridictions de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès. Aux termes de son article 21, c'est également la loi de cet État qui a vocation à s'appliquer.
L'amendement CS481 vise à supprimer le début de l'alinéa 3 pour élargir la protection des enfants et ne pas la limiter aux ressortissants d'un État membre de l'Union européenne. Les injustices dont les enfants sont victimes en vertu d'une loi étrangère peuvent reposer, par exemple, sur le sexe – au détriment des filles –, l'orientation sexuelle – au préjudice des personnes homosexuelles – ou le handicap. Il ne faudrait pas, derrière l'affichage, oublier que ce texte doit protéger l'ensemble des enfants et assurer l'égalité entre eux.
La disposition que vous proposez de supprimer a pour objet de faire jouer un ordre public de proximité européen : lorsque le juge français est compétent et que la situation présente un lien avec l'Union européenne, il pourra appliquer cette disposition d'ordre public. L'avis est donc défavorable.
La commission rejette ces amendements.
La commission examine l'amendement CS685 de M. Charles de Courson.
Il s'agit d'insérer, à l'alinéa 5, après les mots « Lorsque le notaire », les mots « chargé de la succession et installé en France ». La mesure proposée ne peut en effet s'appliquer que lorsque le notaire est installé en France. La rédaction actuelle laisse croire que la disposition pourrait s'appliquer à toute personne faisant office de notaire à l'étranger, ce qui est inexact.
La réserve du conjoint est subsidiaire : elle n'existe qu'en l'absence d'enfants. Sa spécificité est liée au fait que le mariage est un lien juridique électif et fragile qui peut être rompu par le divorce, ce qui n'est pas le cas du lien entre le parent et son enfant. La réserve héréditaire du conjoint n'est donc pas assise aussi solidement que celle des enfants : on ne peut pas lui donner la même force. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission passe à l'amendement CS442 de M. François Pupponi.
Nous souhaitons renforcer la protection des héritiers réservataires en introduisant une référence à l'article 912 du code civil. Les notaires ont appelé notre attention de façon insistante sur ce sujet.
Vous souhaitez préciser que le mécanisme réservataire protecteur des enfants doit être entendu au sens de l'article 912 du code civil. Je n'y suis pas favorable, car cet ajout rendrait la disposition contraire au règlement européen relatif aux successions.
Le dispositif de l'amendement ne correspond pas tout à fait à l'exposé des motifs. Si vous souhaitez que les donations rapportables soient imputées sur la part de réserve, comme vous l'avez expliqué, cela ne pose pas de difficultés, car le texte le prévoit déjà. En effet, comme son nom l'indique, le prélèvement compensatoire vise à compenser une perte, dans la limite des droits réservataires de l'enfant. En revanche, nous ne sommes pas favorables à ce que le prélèvement soit fait – comme le prévoit le dispositif de votre amendement – à partir des biens déjà donnés par le défunt et non de ceux existant au jour du décès, car cela produirait des effets excessifs. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS1036 de M. Francis Chouat.
Il s'agit de compléter l'article 13 – dont je salue l'importance – pour prévoir que, lorsque la loi étrangère applicable à la succession comporte un mécanisme réservataire protecteur des enfants – leur réservant par exemple 50 % de la succession – mais ne respecte pas l'égalité entre ces enfants – en excluant, par exemple, les filles ou en attribuant à l'aîné l'essentiel de la part réservataire –, le mécanisme prévu par le I de l'article 13 s'applique. Cela permettrait à chaque enfant d'effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants, situés en France au jour du décès, de façon à être rétabli dans les droits réservataires que lui octroie la loi française
Vous souhaitez préciser qu'une loi étrangère qui accorderait une réserve d'un montant inégal aux enfants, en fonction de leur sexe, par exemple, devrait être écartée. Cette précision n'est pas utile car une loi expressément inégalitaire serait nécessairement repoussée par le juge sur le fondement de l'exception d'ordre public international.
Nous essayons d'empêcher que l'on déshérite l'un des enfants en raison de son sexe, sur le fondement d'un droit coutumier ou étranger. En revanche, la loi ne prévoit pas d'obligation de parité dans l'héritage, y compris pour les héritiers français de parents français, concernant des biens situés en France. Il existe une liberté testamentaire : on peut léguer la quotité disponible à qui l'on veut, y compris à un enfant préférentiellement à un autre, indépendamment de son sexe.
La commission rejette l'amendement.
La commission est saisie de l'amendement CS500 de Mme Stéphanie Atger.
L'amendement vise à insérer, à l'alinéa 3, après le mot « compensatoire », les mots « , à part égale, ». Il s'agit en effet de prévenir toute inégalité entre les ayants droit, en précisant que chaque enfant, ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire, à part égale, sur les biens existants.
Votre amendement ne paraît pas justifié car, comme le prévoit le code civil, lorsqu'il existe plusieurs réservataires – par exemple plusieurs enfants – au même degré, la réserve se divise par souche entre les enfants, chacun prenant la même part individuelle dans la réserve globale. La quotité disponible, elle, peut permettre d'introduire des écarts entre les enfants. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient à l'amendement CS181 de M. Xavier Breton.
Il s'agit de compléter l'alinéa 3 par la phrase suivante : « Les libéralités préalablement consenties par un défunt à un enfant devront être imputées sur la part de réserve ». L'étude d'impact indique que ces libéralités devront faire l'objet d'une telle imputation : l'amendement vise à le préciser dans le corps du texte.
Votre amendement est satisfait par la rédaction de l'article 13. Il est en effet prévu que chaque enfant peut effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants, situés en France au jour du décès, de façon à être rétabli dans les droits réservataires que lui octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS183 de M. Xavier Breton.
Il s'agit de supprimer les alinéas 4 et 5, en raison des interrogations relatives à l'applicabilité de ces dispositions.
L'obligation d'information fait partie du devoir de conseil du notaire et est constamment mise en pratique pour des successions en France ou à l'étranger. Il n'y a donc pas de raison qu'elle bloque plus qu'auparavant le règlement des successions. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l'amendement CS686 de M. Charles de Courson.
La commission est saisie de l'amendement CS443 de Mme Perrine Goulet.
Il vise à encadrer la responsabilité professionnelle des notaires de manière proportionnée à l'obligation renforcée d'information individuelle instituée par l'article. En effet, comme l'a notamment expliqué le Conseil supérieur du notariat, le risque est grand que les notaires ne réussissent pas à informer tous les héritiers qui vivent à l'étranger et qu'ils ne connaissent pas. Aussi, je vous invite à substituer aux mots « il informe chaque héritier concerné » les mots « il informe chaque héritier connu ». La rédaction actuelle risque d'allonger les procédures, car les notaires devront mener des recherches approfondies.
Il est évident que le notaire ne peut informer que les héritiers connus, ou au moins ceux qu'il aurait dû connaître. La Cour de cassation ne reproche pas au notaire qui a fait des recherches d'avoir ignoré l'existence d'un héritier : il a une obligation de moyens et non de résultat. Il recense les héritiers concernés par la réserve héréditaire, qui ne sont pas tous connus. Avis défavorable.
Je partage les arguments de la rapporteure. Demande de retrait, car l'amendement est satisfait.
Les notaires nous ont indiqué que les mots « héritier concerné » pourraient les empêcher de faire jouer l'assurance qu'ils souscrivent souvent dans le cadre d'une succession. Pour être plus précis, mieux vaudrait écrire « héritier connu ». Je vous invite à y réfléchir pour qu'il n'y ait pas de difficulté dans le règlement des successions. Il ne faudrait pas que l'article 13, qui constitue une avancée, ait finalement pour résultat de bloquer des successions pendant des mois.
L'identification des héritiers à l'international réclame parfois l'intervention d'un généalogiste. L'un des objectifs recherchés grâce à l'article est que chacun des héritiers, se sentant concerné, favorise l'avancement de la succession pour percevoir sa part. Cette disposition ne changera pas le travail des notaires.
J'entends les arguments des notaires, mais ce n'est pas à la loi de s'adapter aux polices ou aux conditions générales des assurances, qui pourraient aller crescendo dans leurs demandes.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 13 sans modification.
Article 14 (art. L. 311-2 [nouveau], L. 313-11, L. 313-14, L. 313-14-1, L. 314-5, L. 314-9, L. 511-4, L. 521-2 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Introduction d'une réserve générale de polygamie faisant obstacle à la délivrance de tout titre de séjour
La commission est saisie de l'amendement CS1891 de la rapporteure.
L'amendement poursuit un double objet : préciser que la situation du conjoint qui a subi la polygamie fait l'objet d'un examen individuel ; procéder aux coordinations nécessaires avec l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui entrera en vigueur le 1er mai 2021.
J'ai défendu en 2016 une proposition de loi visant à l'autonomie des femmes étrangères. Lorsqu'elles arrivent en France pour des raisons liées au mariage, elles sont parfois victimes de la polygamie, de violences conjugales. Or elles peuvent éprouver des difficultés à faire renouveler leur carte de séjour, au bout d'un an, si leur situation matrimoniale a changé. Nous avions obtenu qu'en cas de violences familiales ou conjugales, les femmes concernées puissent faire renouveler leur carte de séjour. Il faudrait que l'on aille un peu plus loin en étendant cette possibilité aux femmes victimes de polygamie.
La commission adopte l'amendement CS1891.
L'article 14 est donc ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CS688 et CS687 de M. Charles de Courson, CS642 de M. Éric Ciotti, CS1679 de Mme Souad Zitouni, CS710 et CS892 de Mme Emmanuelle Ménard, CS52 de M. Fabien Di Filippo, CS898 de Mme Emmanuelle Ménard et CS689 de M. Charles de Courson tombent.
Après l'article 14
La commission examine l'amendement CS912 de M. Philippe Benassaya.
L'article 14 du projet de loi vise à renforcer la lutte contre la polygamie, qui est incompatible avec les fondements de notre droit matrimonial. Celle-ci ne doit pas avoir sa place en France, qu'elle concerne des nationaux ou des étrangers. L'amendement s'inscrit pleinement dans ce combat en obligeant tout demandeur d'un titre de séjour à abandonner la pratique de la polygamie.
L'amendement reprend en effet les dispositions de l'article 14 en les rédigeant autrement. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient à l'amendement CS579 de M. Éric Ciotti.
L'amendement vise à ce que le titre de séjour d'un étranger ayant été condamné à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans soit systématiquement retiré par l'autorité administrative.
J'appelle votre attention sur le fait que notre droit prévoit déjà un certain nombre de dispositions qui permettent d'éloigner du territoire les étrangers créant un trouble à l'ordre public. J'en citerai deux. L'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dispose que « La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. »
L'article L. 313-5 du même code prévoit que la carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut être retirée à l'étranger ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations en lien avec le trafic de stupéfiants, la réduction en esclavage et l'exploitation de personnes réduites en esclavage, la traite des êtres humains, certaines formes de vol ou encore la demande de fonds sous contrainte.
Le retrait automatique du titre de séjour de l'étranger indépendamment de sa situation personnelle ne me paraît pas souhaitable, car il peut, par exemple, être parent d'un enfant français. Nous avons là une divergence politique. Avis défavorable.
Il serait utile de disposer d'éléments statistiques pour connaître le nombre de retraits réellement opérés par rapport à ceux qui auraient dû l'être, afin de savoir si l'amendement de M. Ciotti est justifié ou redondant.
Je vous encourage, madame Genevard, ainsi que tous ceux que cela intéresse à participer à mon prochain déplacement en Seine-Saint-Denis, où je devrais discuter avec les services préfectoraux, afin de voir comment tout cela se matérialise. Dans ce département, depuis le 29 septembre, il y a eu, de mémoire, plus de 1 300 retraits ou non‑renouvellements de la carte de séjour, pour des motifs d'ordre public.
Pour les étrangers qui ont droit à une carte de séjour en arrivant sur le territoire national, avec la ministre déléguée, nous apposons plusieurs signatures chaque semaine de sorte à revenir sur des dispositions, notamment parce que des préfectures l'ont accordée, avant de s'apercevoir de mensonges – polygamie, non‑paiement fiscal, violences conjugales, trafic de stupéfiants. La difficulté première tient à la bonne organisation de notre service du ministère de l'intérieur, qui doit être informé des condamnations définitives du fichier des étrangers en France, pour éviter que les services de préfecture mènent une recherche systématique à chaque renouvellement. Je ne pense pas qu'il faille de nouvelles mesures, puisque, comme l'a dit Mme la rapporteure, ces dispositifs ne sont parfois pas appliqués, parce que le service préfectoral considère qu'il y a une vie de famille ou que la personne a pu profondément changer de comportement ou parce qu'elle est en appel de sa décision, y compris devant une instance européenne. Peut-être faudrait-il ajouter de nouveaux délits à ceux mentionnés par Mme la rapporteure ?
En réalité, si l'on adoptait l'amendement de M. Ciotti, on ne pourrait plus viser un grand nombre de personnes dont on ne renouvelle actuellement pas les titres. En effet, beaucoup de condamnés pour trafic de stupéfiants n'écopent pas de trois ans de prison. Si l'automaticité ne me paraît pas nécessaire, une meilleure organisation du ministère de l'intérieur l'est sans doute. Je ferai communiquer à l'ensemble des parlementaires la circulaire du 29 septembre qui rappelle le droit et qui est aussi valable pour les demandeurs d'asile. C'est bien volontiers que je vous proposerai un petit bilan des mesures que j'ai prises, depuis que je suis ministre de l'intérieur, et de rencontrer, si vous le souhaitez, les services de préfecture les plus concernés.
Comment cela se passe-t-il quand la polygamie est constatée chez des parents d'enfants français et qu'il n'y a pas de possibilité de mesures d'éloignement ? Vous évoquez, par ailleurs, une dissolution des liens du mariage. Qu'est-ce que cela implique juridiquement pour les enfants ? Enfin, pourriez-vous nous donner des chiffres à jour ? Vous avez mentionné un rapport de mars 2018, mais je pense qu'il s'agit de celui de mars 2006 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).
Monsieur le ministre, lorsqu'une personne est en cours de jugement et que sa situation se télescope avec le renouvellement de sa carte, comment cela se passe-t-il concrètement ?
Monsieur Vallaud, je ne vous dis pas que la situation des enfants nés en France de parents polygames de nationalité étrangère est formidable une fois que leurs parents ne sont plus en situation de polygamie. Mais je ne crois pas qu'elle était formidable auparavant non plus. Nous renforçons la loi pour mieux lutter contre la polygamie parce que nous considérons que c'est une atteinte aux droits des femmes, qui subissent dans 100 % des cas la situation, et aux droits des enfants, dans la mesure où le mariage, ce n'est pas seulement la vie en commun mais aussi l'ouverture à un certain nombre de droits – héritage, filiation, pension de réversion.
Selon le rapport de 2006 de la CNCDH, il y aurait 180 000 personnes, enfants compris, concernées par la polygamie, et, selon un rapport de 2009 de l'Institut Montaigne, environ 30 000 familles. En 2013, une chercheuse évaluait leur nombre à 40 000 familles, soit entre 150 000 et 400 000 personnes. Si ce nombre est très difficile à quantifier précisément, plusieurs rapports confirment l'existence de ces faits de polygamie. Les contrôles des Caisses d'allocations familiales (CAF) permettent également de donner des informations sur la vie de ces familles.
Madame Genevard, considérons tout d'abord le cas où la condamnation n'est pas assortie d'une suspension des décisions judiciaires et administratives, étant donné que l'on peut être expulsé du territoire national de deux manières, administrativement ou judiciairement. La personne ne pouvant être expulsée qu'une fois qu'elle a purgé sa peine, les préfets doivent veiller à prendre au bon moment l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), dont la validité n'est que d'un an et qui est susceptible de recours. M. Ciotti le sait, je ne pense pas que le droit des étrangers mérite d'être resserré. En revanche, il y a peut-être un peu trop de possibilités de jouer sur les délais de recours, d'autant qu'il peut y en avoir jusqu'à cinq.
Soit il est prévu – et c'est l'essentiel des cas – une mesure de recours, au moins en appel, et, dans ces conditions, il faut attendre le jugement. La carte de résident peut être alors prolongée ou renouvelée, puisque cette personne n'est pas reconnue définitivement coupable. La consigne donnée aux services de préfecture est de ne prendre qu'ensuite les décisions administratives, dans l'attente du jugement définitif et éventuellement de l'incarcération. On pourrait très bien imaginer – et c'est parfois ce qui se fait – une division entre le juge, le jugement et la sanction. La validité de l'OQTF n'étant que d'un an, si on la prend au moment de l'appel, on ne pourrait pas en prendre une deuxième, quand bien même cette personne serait condamnée. S'il est bien de pouvoir retirer des cartes de résident, c'est encore mieux de pouvoir expulser. Cette situation explique néanmoins que certaines personnes ne soient ni régularisables ni expulsables.
Le troisième cas concerne les personnes qui ont fait des recours devant les instances européennes, dont certaines nous lient et d'autres non. La tradition française est d'attendre l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), notamment pour les personnes en situation irrégulière qui sont expulsées du territoire national. Mais, dans des cas exceptionnels, notamment ceux qui relèvent des personnes les plus dangereuses, sauf avis exprès du juge, nous les expulsons avant même l'arrêt de la CEDH.
La commission rejette l'amendement.
Mes chers collègues, il est plus que correct d'avoir eu un échange aussi long sur cet amendement qui a donné lieu à de nombreuses interventions de différents groupes, alors qu'il avait été déposé par les députés d'un seul. Par ailleurs, nous avons eu une discussion tout à l'heure avec des représentants de tous les groupes pour voir comment avancer sur le texte, en se concentrant sur les débats importants.
La commission examine l'amendement CS1430 de Mme Marie-George Buffet.
Dans les cas de polygamie, les femmes sont profondément victimes, parce que, très souvent, par peur de perdre leur titre de séjour, elles se taisent, comme celles qui sont victimes de violences. C'est pourquoi il faut absolument faire en sorte que ces femmes sentent qu'elles ont des droits assurés. L'un des droits essentiels pour elles, pour continuer à élever leurs enfants dans de bonnes conditions et à travailler, c'est d'obtenir un titre de séjour. Je propose tout simplement que, dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots « violences familiales ou conjugales », soient insérés les mots « ou a été victime de pratique de polygamie », ce qui assurerait aux femmes l'accès à leur titre de séjour.
Je comprends votre préoccupation et la partage. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai proposé de modifier l'article 14 afin qu'il soit explicitement prévu dans la loi que les conjoints victimes de polygamie puissent faire l'objet d'un suivi individuel. Cela incitera les préfectures et le juge à porter une attention particulière à l'aspect de la vie familiale de ces femmes, notamment leur durée de séjour sur le territoire, le nombre d'enfants vivant en France et leur intégration, pour leur permettre d'aller vers une demande de titre individuel.
Madame la députée, je voudrais vous remercier pour les alertes que vous aviez partagées lors de mon audition et qui ont été relayées par Mme la rapporteure, qui nous ont amenés à nous interroger sur l'action publique et la manière dont les informations sont transmises. Comment les femmes qui sont victimes de la polygamie peuvent-elles bénéficier d'une véritable information dans les préfectures, dans les services de l'État ou à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sur leurs droits, notamment celui de mettre fin à une telle situation ? Nous avons commencé avec Mme la rapporteure un travail de politique publique, en marge de la loi, à la suite de votre interpellation, avec plusieurs associations, comme le GAMS (Groupe pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles, des Mariages Forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants) et Women for Women, pour faire en sorte, avec la direction générale des étrangers en France, de trouver les voies et moyens d'apporter jusqu'à elles ces informations et de mieux les soutenir, y compris par le biais des associations et financièrement. Nous ne manquerons pas d'échanger avec vous sur l'avancée de ces travaux.
Je soutiendrai les amendements CS1430, CS1433 et CS1431 de Mme Buffet, qui ont le grand mérite de rappeler que les premières victimes de la polygamie sont les femmes. Dès lors que l'on estime devoir légiférer de nouveau sur des titres d'étrangers, dont je vous rappelle que, pour la plupart, le retrait est déjà prévu pour tous les motifs familiaux, c'est que l'on juge que cette pratique est toujours plus condamnable. Il serait paradoxal que les femmes qui la subissent ne soient pas protégées par la loi, ce qui passe d'abord par le fait de pouvoir continuer à vivre légalement en France. Le renouvellement automatique de leur titre de séjour dans ce cas me semble une évidence.
Je remercie Mme Buffet d'avoir déposé cet amendement. Je suis allée rencontrer les fonctionnaires qui s'occupent de l'immigration dans mon territoire, mais trop tard pour déposer un amendement. Ils m'ont effectivement alertée sur cette complication dès lors qu'il y a décohabitation. Il faut pouvoir aider ces femmes dans leur insertion. Je pense vraiment que l'amendement de Mme Buffet est un bon amendement qui va sécuriser la situation de ces femmes, qui souvent découvrent qu'elles sont victimes de polygamie et auxquelles on va demander de décohabiter, de divorcer, sans leur assurer l'obtention d'un titre de séjour.
Je soutiendrai également les trois amendements de Mme Buffet, qui viennent pour partie répondre à la question que je posais tout à l'heure et qui ne me paraît pas avoir obtenu de réponse sur le plan juridique. Sur le plan moral, la condamnation de la polygamie ne se discute pas. Mais je considère aussi que la seconde épouse et les éventuels enfants sont des victimes et qu'ils risquent de l'être doublement, s'il devait y avoir des conséquences juridiques du fait de la dissolution du mariage. Dans le cas de biens communs, par exemple, comment cela se passe-t-il ? Qu'est-ce que cela implique pour la situation juridique des enfants ?
Je rejoins l'ensemble des intervenants. Le Gouvernement décide de plus et de mieux punir ceux qui pratiquent la polygamie. Il nous semble, par conséquent, normal et juste de mieux protéger celles qui en sont victimes et leurs enfants. Il y a en effet un flou sur ce que deviennent les liens juridiques, d'héritage et de protection des enfants, lorsque le mariage est cassé à juste titre. Mieux protéger par la loi, c'est ce que propose l'amendement de Marie-George Buffet, pour les femmes victimes et leurs enfants. Quant à l'attention particulière mentionnée par la rapporteure, nous avons entendu pendant des années que ce serait le cas pour les femmes victimes de violences. Or elle était loin d'être suffisante. Il a fallu en passer par des combats et par la loi pour que cette attention particulière se concrétise dans une protection des femmes – et même avec la loi, l'attention particulière fait bien défaut.
Je suis très sensible à tous les arguments avancés, en plus de ceux de Mme Buffet. Je me pose seulement la question de l'automaticité dans le renouvellement du titre de séjour et de la manière dont on peut être assuré qu'il ne s'agisse pas d'une manière d'organiser une forme de filière, de sorte que la femme serait doublement victime, de la polygamie et d'un réseau. Je n'en reste pas moins sensible à vos arguments. Avec le ministre de l'intérieur nous changeons notre avis : sagesse. Il conviendrait de retravailler l'amendement pour répondre à la question de l'automaticité d'ici à la séance.
Je ne dis pas que l'attention particulière est suffisante. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons inscrit à l'article 14 le besoin d'un entretien individuel. L'idée n'est pas de renouveler le titre de séjour automatiquement, mais d'accompagner ces femmes vers la décohabitation et les démarches pour obtenir un titre de séjour individuel avec leurs enfants et de leur permettre de rester sur le territoire dans des conditions normales. Il me semblerait également pertinent d'améliorer la rédaction de l'amendement avant la séance.
Devant tant de sagesse, la question est de savoir le message que l'on veut adresser. On peut retravailler l'amendement pour la séance, mais on peut aussi le faire dans l'autre sens et soutenir cet amendement.
La commission adopte l'amendement. (Applaudissements.)
La commission examine les amendements CS1433 et CS1431 de Mme Marie‑George Buffet.
Je les retire. Je pense à une femme, qui a été mariée dans son pays d'origine et qui s'est aperçue, en arrivant il y a quatre ans dans ma circonscription, que son mari était polygame. Elle a été victime de violences. Elle a eu le courage de porter plainte. On l'a accompagnée avec les associations. Cette femme a reçu il y a quelque temps une obligation de quitter le territoire. Bien sûr, elle a fait appel et j'espère que le juge lui donnera raison, mais cela montre qu'il faut une loi.
Les amendements sont retirés.
La commission est saisie de l'amendement CS955 de M. Philippe Benassaya.
Il vise à renforcer la portée de cet article en instituant que toute contraction simultanée de plusieurs mariages en France par un étranger constitue un rejet manifeste par ce dernier des principes de notre République. L'étranger ayant démontré son incapacité à s'intégrer dans notre vie commune ne peut rester sur le territoire national sans représenter une menace pour notre société et une grande injustice pour les étrangers profondément désireux d'adhérer aux valeurs de la République et de s'intégrer à notre société.
Avis défavorable, puisqu'un étranger ne peut pas contracter simultanément plusieurs mariages en France.
Certes, il ne peut pas se marier civilement plusieurs fois, mais il peut se marier religieusement plusieurs fois – c'est le cas des polygames. C'est bien sur ce terrain qu'il faut agir.
Quand on parle de polygamie, on parle bien de mariage à valeur légale, donc pas de mariage religieux. Théoriquement, le mariage religieux en France ne peut être célébré qu'après le mariage civil. En général, les hommes mariés avec plusieurs femmes se sont mariés dans plusieurs pays ou dans un pays où la polygamie est autorisée.
Vous allez enlever le titre de séjour. Mais quelqu'un qui est sur le sol français et qui a des enfants nés en France, de mémoire, n'est ni expulsable ni régularisable.
Ce n'est pas vrai. Des gens ont des enfants nés en France et sont expulsés. Par ailleurs, il n'y a pas d'automaticité à dix-huit ans. Mais certaines juridictions considèrent aussi que les décisions de l'administration sont trop dures et les cassent.
Le Gouvernement soutiendra l'amendement CS1189 de M. Lagarde sur le renforcement des sanctions pour ceux qui se marient religieusement avant le mariage civil ou ne se marient que religieusement. Chacun sait que le mariage en France, pour la République, c'est le mariage civil et que, par ailleurs, les gens ont le droit de se marier religieusement. L'église catholique et l'église protestante doivent ainsi recevoir le document d'état civil. C'est d'ailleurs un délit de marier religieusement des gens qui n'ont pas été mariés civilement. Or cet usage tend à diminuer, moins par volonté séparatiste que par méconnaissance de la loi. Nous souhaitons renforcer les peines pour tout mariage religieux qui se ferait avant le mariage civil ou sans mariage civil, non pas tant dans l'intention de les appliquer que pour rappeler que le seul mariage qui vaut dans notre pays est le mariage républicain. Cela explique, madame Ménard, que nous n'entrions pas dans ce sujet par le biais des mariages religieux, qui n'intéressent que la religion.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS690 de M. Charles de Courson.
Il vise à empêcher les personnes en situation de polygamie de bénéficier de prestations sociales supérieures à celles des personnes en situation monogame.
Il me semble que votre amendement, par sa rédaction, relève plus de la pétition de principe que d'une mesure opérationnelle. Sa portée étant très générale et ne visant précisément aucune prestation dans les textes concernés risque de soulever des difficultés d'application. Avis défavorable.
Demande de retrait, dans la mesure où votre amendement est déjà satisfait, puisque lorsque l'on remplit des dossiers pour obtenir des prestations, notamment auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF), il faut déclarer sa situation. Lorsque la CAF s'aperçoit que deux ou trois femmes sont mariées au même homme dans le même foyer, elle met fin aux allocations. C'est d'ailleurs souvent ainsi que l'on se rend compte des situations de polygamie.
Ce n'était pas une pétition, mais un amendement, qui soulève un problème réel. La CAF ne procède pas toujours, en réalité, à ces vérifications – peut-être faute de moyens humains. Même si je vous concède que la rédaction de l'amendement n'est pas optimale, il souligne néanmoins un vrai problème. J'espère que nous pourrons avancer d'ici à la séance pour essayer d'y remédier.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement CS691 de M. Charles de Courson.
Dans le même esprit, il vise à empêcher que des personnes en situation de polygamie puissent bénéficier d'abattements fiscaux sur l'impôt sur le revenu supérieurs à ceux des personnes en situation monogame.
Chaque organisme dispose d'un certain nombre de critères selon lesquels il révise les différentes situations personnelles. Le principe est bien que chacun ne bénéficie que de l'abattement auquel il a droit. Il ne faudrait pas tomber dans une double peine. Avis défavorable.
Je n'ai pas compris l'argument de la double peine. L'insuffisance des moyens humains sur le terrain peut nous conduire à des situations de ce type.
L'amendement est retiré.
Article 15 (art. L. 161-23-1 A [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Limitation du bénéfice d'une pension de réversion à un seul conjoint survivant
L'amendement CS1434 de Mme Marie‑George Buffet est retiré.
La commission examine l'amendement CS694 de M. Charles de Courson.
La formulation « sous réserve des engagements internationaux de la France » rend les dispositions de l'article inapplicables à chaque fois que l'une des nombreuses conventions internationales signées entre la France et des États tiers les contredira. De ce fait, l'article est malheureusement rendu peu effectif. C'est pourquoi nous souhaitons supprimer cette réserve pour le rendre pleinement applicable.
L'article 55 de la Constitution dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». À moins de les renégocier par avenant, les conventions internationales s'appliquent forcément.
La convention est au-dessus de la loi. Elle peut être renégociée diplomatiquement, mais on ne peut pas voter sa renégociation.
Les traités internationaux étant supérieurs à la loi française, cet article est un simple affichage. Que l'amendement soit voté ou non, il sera inapplicable.
Lors des auditions, j'avais cru obtenir deux réponses différentes de deux ministres, lorsque j'avais demandé si ces treize conventions internationales de sécurité sociale seraient renégociées. Si ce n'était pas le cas, le nombre de personnes concernées serait extrêmement faible.
C'est bien la loi qui donnera un argument pour renégocier, par la suite, les conventions internationales. On ne va pas aller les renégocier sans loi. C'est pourquoi il est fondamental de voter l'article.
Je retire l'amendement, en espérant que l'article vaille engagement du Gouvernement à renégocier ces treize conventions.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 15 sans modification.
Après l'article 15
La commission est saisie de l'amendement CS1241 de Mme Anne-Christine Lang.
Il concerne les articles du code civil lus pendant la cérémonie du mariage. J'ai été frappée, pendant l'audition des associations féministes et à la relecture de ces articles, de constater combien ils étaient obsolètes. La plupart des articles du code civil consacrés au mariage datent de 1803. D'autres ont été ajoutés, notamment en 1966 pour intégrer les droits nouveaux obtenus par les femmes en matière d'activité professionnelle et de détention d'un compte bancaire, puis en 1971 pour consacrer l'égalité des deux parents en matière d'éducation des enfants en supprimant la notion de chef de famille. De ce point de vue, il serait opportun de modifier ou de compléter certains articles pour prendre en compte l'évolution de la société et des rapports entre les sexes.
Il s'agit notamment de reconnaître les principes essentiels que sont le libre consentement au mariage, l'égalité entre les sexes, la liberté des femmes et la condamnation de toute forme de violence au sein du couple. Tel est l'objet de la création de ce nouvel article 212‑1 de mon amendement, qui prévoit par ailleurs qu'il figurera parmi les articles devant être lus aux futurs époux au moment de la cérémonie du mariage.
Vous proposez d'inclure un nouvel article prévoyant que « les époux consentent à leur union, en l'absence de toute pression, par un consentement libre et éclairé ». Lors de la célébration, le maire reçoit la déclaration de l'un et l'autre des époux qu'ils se veulent prendre pour tels et il fait lecture d'articles du code civil relatifs à leurs droits et devoirs respectifs. Aussi, rappeler les conséquences d'un défaut de consentement à mariage, au cours de la célébration, est prématuré et non justifié. Le consentement doit être recueilli avant ; l'interdiction de la polygamie est une réalité. Le texte lu au moment du mariage prévoit que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance » : cela recouvre le libre consentement et la non-violence sur son conjoint. Avis défavorable.
Sur le fond, je partage l'objectif de renforcer la connaissance par les futurs époux de leurs droits et de leurs devoirs. Toutefois, plus une liste est longue, plus elle perd en efficacité. De plus, je ne suis pas certaine que l'attention soit plus grande au moment où on lit le code civil que lors de l'entretien avec l'officier d'état civil. J'ai moi aussi célébré beaucoup de mariages et je n'ai pas le souvenir que l'attention était très forte à ce moment-là. Néanmoins, je suis sensible à votre volonté de condamner toute forme de violence au sein du couple et d'évoquer l'égalité entre les sexes. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission spéciale.
Cet amendement est intéressant dans son esprit. En revanche, la rédaction du IV de l'article que vous proposez d'insérer dans le code civil est un peu lourde – quand il sera lu lors de la célébration, il faudra l'accompagner d'un discours de haute tenue ! Sur le fond, puisque nous sommes d'accord sur les principes, nous pourrions nous arrêter au III relatif au principe d'égalité.
Je me permets de soutenir les propos du rapporteur général. Je peux témoigner, pour avoir célébré de nombreux mariages, que l'attention est grande, non seulement chez les futurs époux mais également dans l'assistance.
À la suite d'une modification apportée en 2002 par la loi relative à l'autorité parentale, les élus doivent désormais lire un article assez long sur l'éducation des enfants. Certes, il peut arriver que les futurs époux, compte tenu de leur âge, ne soient pas concernés parce qu'ils n'auront plus d'enfants, mais cela n'enlève rien à la valeur pédagogique de cette lecture. Certains articles du code civil peuvent sembler vieillots. Il reste que le mariage civil, donc républicain, est l'occasion de réaffirmer un certain nombre de principes pour le couple et tous ceux qui participent à la célébration du mariage.
Dans le nouvel article proposé par cet amendement, le II concerne la polygamie. Je crois davantage à l'efficacité de la loi pour combattre cette situation.
Concernant le principe d'égalité, je vais essayer de formuler les choses d'une façon qui ne me vaille pas une réprobation générale. Tout d'abord, il ne vous aura pas échappé que la plupart des couples ne sont pas mariés, aujourd'hui. Une déclaration de ce type ne peut donc pas concerner tous les couples dans lesquels s'exerceraient les dérives que l'on veut combattre.
Un couple a un projet de vie, et cela se négocie entre époux : le législateur doit-il intervenir ? Voilà mon interrogation ; c'est celle d'une femme libre au sein de son couple, qui, en même temps, est consciente qu'il faut parfois négocier certaines choses.
(Sourires.)
Enfin, je ne sais pas quelle sera l'ambiance du mariage, une fois qu'on aura lu le IV, alors même que la question des violences intrafamiliales est un problème majeur – cela représente la majorité des interventions des services sociaux. Serait-il envisageable que ce type de recommandations, tout à fait utiles, soient faites au moment de l'entretien entre le maire et le couple ? Voilà la contre-proposition que je fais à ma collègue.
Ayant célébré des dizaines de mariages, j'ai observé que c'était le fameux article 371-1, relatif à l'éducation des enfants, qui retenait le plus l'attention dans la salle. L'union devant un officier d'état civil n'est pas un moment comme un autre. Rappeler ce jour-là que le principe d'égalité doit être respecté, que les violences intrafamiliales sont passibles de sanctions pénales ou qu'un deuxième mariage ne peut être contracté si les liens du premier n'ont pas été dissous, peut avoir une portée sur les personnes présentes le jour du mariage – époux, témoins et familles. Elles se rappelleront ainsi que le mariage n'est pas un acte que l'on fait à la légère : c'est un projet de vie qui comporte des engagements.
Les points I, II et IV ne me posent pas de problème – je trouve même le rappel du IV très utile. En revanche, je ne sais comment sera perçu le III : ayant moi aussi célébré des mariages, je me demande si « le principe d'égalité se traduit par le respect de la liberté de chacun des époux » ne fera pas sourire dans la salle.
Nous pouvons travailler d'ici à la séance à la rédaction d'un amendement qui intégrerait le principe d'égalité et la notion de liberté de consentement. Les autres points sont évoqués dans le cadre des entretiens préalables.
Selon l'article 212 du code civil, « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». L'idée de compléter cette disposition me paraît très bonne mais nous devons être attentifs à la rédaction pour éviter les redondances. Nous émettons un avis de sagesse à ce stade car c'est le garde des sceaux qui aura l'occasion de travailler sur ce sujet et de donner l'avis définitif du Gouvernement.
Comme nombre d'entre vous, il m'est arrivé de célébrer des mariages. J'ai pu constater qu'en dehors de l'officier d'état civil, qui connaît la formule par cœur, personne ne retient vraiment ce qui se dit ce jour-là. Dans ma mairie, nous remettions donc aux mariés un document encadré rappelant la date, pour que chacun se souvienne de l'anniversaire de mariage – cela faisait toujours rire les mariés – et les obligations sur lesquelles ils s'étaient engagés. Une fois que vous avez quitté la mairie, je ne suis pas sûr que vous consultiez le code civil tous les jours pour les vérifier… Il peut donc être utile de remettre aux futurs époux un document, pourquoi pas dans le cadre de l'entretien individuel, afin de leur donner le temps de bien comprendre, notamment pour les personnes qui ne parlent pas très bien français. Le mariage n'est pas que l'expression d'un amour devant le maire, c'est avant tout un contrat entre les personnes et avec la République. Ce n'est pas seulement un moment joyeux, c'est aussi un engagement. Nous pourrions donc prévoir la remise d'un document dans le cadre des entretiens individuels : je pense que cela serait utile.
Concernant les quatre points cités dans l'amendement, je suis très sensible à celui sur les violences conjugales ; je le suis moins aux autres arguments, que je trouve certes intéressants mais qui sont redondants avec les dispositions dont on fait déjà lecture le jour de cette fête républicaine qu'est le mariage.
J'abonderai dans le sens de la rapporteure et du ministre. Il faut se montrer prudent dans la rédaction et, à ce stade, on n'y voit pas très clair. Je vous propose donc d'y travailler en vue de la séance, sans doute en conservant le III, qui porte sur les atteintes à l'intégrité physique et psychique. Ce n'est pas la même chose que les violences intrafamiliales, j'en conviens, mais cela recouvre des réalités qui sont en partie identiques. Je vous propose donc de retirer votre amendement, avec l'assurance de notre part d'y retravailler pour la séance.
Votre amendement vise à insérer un nouvel article après l'article 212 du code civil, qui est le premier article lu lorsque l'on procède à un mariage. Cela peut avoir sa justification mais il me paraît souhaitable d'articuler les dispositions que vous proposez avec les articles existants, qui recouvrent déjà des domaines assez divers, comme les conventions matrimoniales et l'éducation des enfants. On passe de considérations très générales à des points très pratiques. Acceptez-vous de retirer votre amendement et de travailler à une nouvelle rédaction ?
Ayant l'engagement que nous le réécrirons pour la séance, je retire cet amendement. S'agissant de la proposition du ministre de remettre un document avant et après le mariage, je pense que la lecture des articles est un moment fort, symbolique. Il me semble donc important de rappeler, à ce moment-là, un certain nombre de règles, les yeux dans les yeux. Concernant le IV, j'ai bien conscience qu'il sera de nature à plomber un peu l'ambiance, et je suis évidemment prête à en faire évoluer la rédaction, mais la question des violences intrafamiliales, étant donné l'ampleur du phénomène, doit être prise en compte.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement CS134 de Mme Annie Genevard.
Lors des auditions, nous avons reçu des responsables des caisses d'allocations familiales (CAF). Ils nous ont expliqué que, dans bien des cas, ils devinaient quand il y avait une situation de polygamie. Cet amendement vise à permettre aux organismes chargés du versement des prestations familiales de signaler au procureur de la République les situations matrimoniales qui leur paraissent suspectes. Quand un homme déclare deux enfants à deux mois d'intervalle, cela mérite qu'on y regarde de plus près. Je souhaite que l'on puisse mettre dans la boucle les organismes de versement de prestations familiales pour mieux combattre la polygamie, qui est illégale.
La CAF n'est pas missionnée pour faire des signalements au procureur. En revanche, elle a l'habitude de faire des enquêtes sur la base de critères établis, en croisant les données de différents organismes. Elle dispose donc de suffisamment de moyens pour pouvoir enquêter correctement, même s'il peut y avoir des « trous dans la raquette ».
Madame la rapporteure, vous énoncez une généralité : la CAF est en mesure de conduire des enquêtes. Nous n'en doutions pas ! Ma question porte spécifiquement sur la polygamie : avez-vous fait des recherches, avez-vous contacté des organismes de versement de prestations familiales pour savoir si cette situation faisait l'objet d'enquêtes ? Puisque le Gouvernement veut combattre la polygamie, autant qu'il soit efficace ! Votre réponse me donne à penser que ce n'est pas particulièrement le cas.
Tout comme nous cherchons à améliorer la protection des femmes subissant la polygamie, nous sommes en train de travailler sur la mise en œuvre de la loi ; mais pour que celle-ci s'applique, il faut d'abord qu'elle soit votée ! Nous avons commencé des travaux préparatoires avec le secrétariat d'État chargé de l'enfance et des familles, compétent sur les questions ayant trait à la CAF. Dès que la loi sera votée, elle sera appliquée et une information sera adressée aux agents de la CAF.
Rappelons que les agents de la CAF, comme tous les agents publics, sont soumis à l'article 40 du code de procédure pénale, qui leur fait obligation de signaler au procureur un crime ou un délit dont ils auraient eu connaissance. La polygamie n'est pas autorisée en France. Sans doute les contrôles ne sont-ils pas suffisants, et nous devons chercher à les améliorer, mais la CAF fait déjà des signalements : les contrôles qu'elle effectue sont même la première voie de signalement de la polygamie. La proposition que vous faites est pertinente mais, d'une part, elle est déjà satisfaite et, d'autre part, elle relève davantage de la responsabilité du Gouvernement et des indications qui sont données aux administrations.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS673 de Mme Annie Genevard.
Il s'agit d'une demande de rapport – je n'en suis pas coutumière, mais il n'y a pas d'autre moyen d'évoquer le sujet. On se paye de mots concernant la répression de la polygamie puisque la France a conclu avec un certain nombre de pays des accords permettant le partage de la pension de réversion, encourageant de facto la polygamie. C'est le cas des accords internationaux conclus avec des pays dont sont issues des personnes polygames, principalement le Mali, mais aussi l'Algérie, le Bénin, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Togo et la Tunisie. L'immense majorité de ces pays connaissent une situation de polygamie légale. Nous sommes coincés, si vous me permettez l'expression !
Cet amendement vise à ce que, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, un rapport sur la possibilité de renégociation ou de dénonciation des accords internationaux de sécurité sociale qui autorisent le partage de la pension de réversion en cas de polygamie soit remis au Parlement. Il faut regarder la réalité en face : on peut se payer de beaux mots et de bons sentiments, mais si ce n'est pas opérationnel, cela ne sert à rien.
Nous ne sommes pas favorables à la multiplication des rapports mais cette question est en effet importante. Il me semble intéressant de travailler sur les possibilités de renégociation de ces conventions.
Le Gouvernement, la majorité et, je le crois, l'ensemble des députés sont révoltés par la situation de polygamie qui perdure en France. Nous partageons votre conviction qu'il faut renforcer la loi ; c'est précisément pour cela que nous vous soumettons ce texte. Nous ne sommes absolument pas en train de nous payer de mots, au contraire : nous cherchons les trous dans la raquette de la loi – si vous me permettez cette expression –, qui permettent à la polygamie de subsister en France malgré son interdiction.
Avant de pouvoir renégocier les conventions, nous devons d'abord voter et promulguer la loi : c'est sur cette base que nous pourrons ensuite intervenir. C'est pourquoi le délai pour remettre le rapport, que vous avez fixé à trois mois, nous paraît très court compte tenu du temps nécessaire pour mener à bien ce travail.
Par principe, nous ne sommes pas favorables aux demandes de rapports. Toutefois, le Parlement est fondé à contrôler l'action du Gouvernement : vous pourrez donc, lorsque vous le jugerez opportun, contrôler la renégociation de ces conventions sur le fondement de la loi que vous aurez votée.
La commission rejette l'amendement.
Article 16 (art. L. 1110-2-1 et L. 1115-3 [nouveaux] du code de la santé publique) : Interdiction des certificats de virginité
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1067 de M. Éric Coquerel, CS820 de Mme Perrine Goulet et CS1257 de Mme Monica Michel.
Je souhaite tout d'abord dire que nous condamnons fermement la pratique des certificats de virginité, qui témoigne d'une vision rétrograde des femmes et de leur corps, et d'une conception obscurantiste et scientifiquement erronée.
Toutefois, aucune étude d'impact n'évalue le nombre de cas réels. La seule source existante est un sondage en ligne du Quotidien du médecin portant sur quelque 400 praticiens, lesquels sont manifestement des abonnés de ce journal : on peut douter que cela soit suffisant pour constituer une étude d'impact. Le Planning familial, que l'on ne peut soupçonner d'être favorable à ce type de pratique, nous a indiqué que c'était très minoritaire. La dénonciation de cette pratique s'apparente de ce fait à une discrimination de certaines religions.
Cela étant, puisque l'on nous propose de légiférer sur ce sujet, nous souhaitons agir le plus efficacement possible. Pour cela, il nous semble nécessaire de créer une obligation d'information de la patiente concernant les organismes vers lesquels elle peut se tourner pour trouver de l'aide, assortie de la délivrance d'un document expliquant les problèmes posés par cette pratique et son interdiction par la République, afin de faire œuvre de pédagogie auprès des personnes qui en sont victimes.
La proposition de rendre illégal le certificat de virginité est une très bonne chose. Il faut cependant entendre ce que nous a dit la Défenseure des droits, qui redoute que la non-délivrance des certificats de virginité mette en difficulté les jeunes filles vis-à-vis de leur famille. C'est pourquoi je vous propose que le professionnel de santé qui prend en charge la jeune fille l'informe et l'oriente vers les associations d'aide aux victimes pour qu'elle ne se retrouve pas toute seule quand elle retourne dans sa famille.
J'approuve également l'interdiction de cette pratique.
Après le refus d'un professionnel de santé de délivrer un certificat visant à attester la virginité d'une personne, il conviendra d'informer et d'orienter les familles vers des structures adaptées comme les centres de Planning familial, les centres d'information des droits des femmes et des familles, ou encore le dispositif du 3919, afin de ne pas laisser ces personnes dans une situation familiale qui peut s'avérer précaire, voire dangereuse.
Les associations de femmes, les syndicats de médecins et le Conseil de l'ordre des médecins nous ont tous dit qu'ils étaient favorables à l'interdiction du certificat de virginité. La plupart des professionnels de santé procèdent déjà à cette information et fournissent des documents permettant à ces jeunes femmes de s'adresser à des associations. En outre, ces amendements sont plutôt d'un niveau réglementaire. Enfin, lorsque des certificats de virginité sont établis en dehors des professionnels de santé, il n'y a pas de possibilité d'intervenir : seules les associations peuvent faire ce travail. Or il est difficile de traduire cela dans la loi.
J'émets donc un avis défavorable, pour cette raison.
Tout d'abord, j'observe que dès qu'on soulève le problème des violences faites aux femmes, la première réaction collective est de dire que cela n'existe pas ou qu'il n'y en aurait pas suffisamment pour justifier un combat contre ces violences. Ce fut le cas en 2018 quand nous avons voulu verbaliser le harcèlement de rue : les premières réponses ont consisté à minimiser le problème – « ce n'est pas partout », « il n'y en a pas beaucoup », « avez-vous vraiment des études scientifiques qui montrent que les femmes sont harcelées dans la rue ? » Ce n'est qu'après une déferlante de témoignages que chacun a fini par convenir que le harcèlement de rue existait.
De même, quand nous avons évoqué les violences gynécologiques et obstétricales, on nous a affirmé pendant des mois que cela n'existait pas, que c'était des inventions des femmes, etc. Là encore, il a fallu des témoignages, des enquêtes journalistiques, des collectifs de femmes pour qu'enfin, on reconnaisse qu'il y avait des violences gynécologiques et obstétricales.
Aujourd'hui, nous voulons lutter contre les certificats de virginité et, comme à chaque fois, on nous demande s'il y en a vraiment beaucoup, si cela vaut la peine de faire une loi sur ce sujet, etc. À partir de combien considèrerait-on que c'est le cas ? Même si cela ne concernait que 150 femmes, je considérerais qu'il faut légiférer pour faire interdire cette pratique atroce. Du reste, la République française l'a fait pour l'excision alors qu'on n'avait pas particulièrement de prévalence ni d'étude scientifique à l'époque. Cela a été fait, de façon très courageuse, sous le président Chirac. Ce serait notre honneur que de mettre fin à la pratique des certificats de virginité.
Selon l'étude réalisée par le Quotidien du médecin auprès de 431 participants, 29 % des médecins ont déjà été sollicités pour rédiger un certificat de virginité. Si certains médecins et gynécologues témoignent qu'on ne leur en a jamais demandé, d'autres, particulièrement dans certains quartiers, nous disent avoir été très souvent sollicités en ce sens.
Plusieurs organisations se sont prononcées très clairement sur ce sujet. Le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Israël Nisand, affirme ainsi que s'il n'y a plus personne pour établir un tel certificat, les femmes qui le réclament ne subiront plus de violences. L'ancienne présidente de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), Jeannette Bougrab, s'est également prononcée pour l'interdiction. Selon le Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas connu pour sa légèreté sur ces sujets, le certificat de virginité n'a pas de justification médicale et constitue une violation du respect de la personnalité et de l'intimité de la jeune femme.
En octobre 2018, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a considéré qu'il était urgent de lutter partout dans le monde contre les certificats de virginité ; il a remis un rapport affirmant qu'ils sont potentiellement dangereux pour les femmes, que cette pratique est médicalement inutile, humiliante et traumatisante. L'ONG Plan international, une des plus grandes ONG du monde en matière de défense des droits des femmes, des droits sexuels et reproductifs, a considéré l'année dernière qu'il était urgent que tous les pays qui n'avaient pas encore de législations contre les certificats de virginité en adoptent une. Nous avons auditionné de nombreux réseaux, des élues locales, des membres du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, l'association Regards de femmes : toutes nous ont dit qu'elles connaissaient des jeunes femmes en détresse du fait de demandes de certificat de virginité.
Le débat sur les chiffres est inopérant. Il est fondamental d'interdire les certificats de virginité ; j'émets donc un avis défavorable.
Personne ne nie le caractère éminemment problématique de cette pratique ; il ne s'agit pas de la défendre. Mais vous ne pouvez pas ignorer que ces articles s'inscrivent dans une loi qui ne s'attaque qu'à un seul séparatisme, lié à l'intégrisme, lui-même lié à une religion. Il serait donc utile de savoir si c'est une pratique répandue ou non, par exemple dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis. Cela permettrait de mesurer le sujet auquel nous nous attaquons.
Nous condamnons tout aussi fermement que vous cette pratique. Même si elle n'était que marginale, nous serions favorables à une condamnation très claire. Le débat n'est pas centré sur la pratique elle-même, mais sur le message que nous renvoyons. Les associations que nous avons auditionnées nous disent elles-mêmes que cela est très résiduel – tant mieux ! Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas lutter contre ces pratiques résiduelles.
Si la plupart des professionnels de santé dispensent déjà une information auprès des jeunes filles, tous ne le font pas. En cas de fin de non-recevoir du médecin, la jeune fille se retrouve toute seule et doit retourner dans sa famille. Quand on dépose plainte au commissariat, on nous donne des documents concernant les associations d'aide aux victimes ; il faut vraiment imposer une telle obligation aux professionnels de santé. J'entends qu'une telle mesure aurait un caractère réglementaire. Mais quand l'intérêt général est en jeu, par exemple en matière de santé, on l'inscrit dans la loi. Ces jeunes filles ne doivent pas être laissées seules.
Enfin, il convient de rappeler aux médecins qu'ils peuvent jouer un rôle préventif : en orientant ces jeunes filles vers les associations d'aide aux victimes, ils leur permettent de trouver un appui face à leur famille.
Je suis favorable à ces amendements et souscris aux propos de notre collègue Goulet. De telles dispositions me semblent impératives. Ne craignons pas, une fois encore, de façon excessive les risques constitutionnels. S'il est ennuyeux que le pouvoir réglementaire empiète sur le pouvoir législatif, le contraire l'est moins. En l'occurrence, l'adoption de ces amendements présenterait un risque juridique modéré et aurait un sens politique important. Il arrive que certains amendements soient rectifiés en séance publique. Je verrais avantage au renforcement de l'information des patientes sur les risques qu'elles encourent pour leur santé, si elles sollicitent un certificat de virginité auprès de gens qui ne sont pas membres du corps médical, compte tenu du risque de conduites de substitution que créerait l'interdiction de cette pratique. Nous pourrions par exemple rectifier l'amendement d'Éric Coquerel, qui serait ainsi très complet.
D'après les informations dont nous disposons, les médecins, en général, informent les femmes concernées et les orientent vers une association, ou vers la police en cas de maltraitance. Au demeurant, les trois précédentes lois relatives à la santé adoptées par cette assemblée renforcent considérablement les obligations des professionnels de santé en la matière. Je maintiens l'avis défavorable. Je ne souhaite pas, en l'absence du ministre des solidarités et de la santé, introduire de nouvelles obligations pour les soignants et les professions médicales. Je n'en soutiens pas moins le travail mené à ce sujet.
Par ailleurs, je ne peux pas ne pas répondre à M. Coquerel, qui affirme que nous stigmatisons une religion. Personne n'a parlé d'une religion, ni dans l'exposé des motifs, ni dans l'article que nous allons adopter, ni dans nos débats. Vous parlez tout seul d'une religion et de stigmatisation, monsieur Coquerel. Les seules personnes stigmatisées, dans cette affaire, sont les jeunes femmes que l'on oblige à produire des certificats de virginité. Personne n'a parlé de religion, ni maintenant ni précédemment, à ce sujet. Au demeurant, les associations nous ont indiqué que la recrudescence de demandes de certificats de virginité est un phénomène importé des États-Unis, où certaines stars ont publiquement indiqué qu'elles en exigent un de leur fille ou de leur fiancée.
Les représentantes des associations de femmes que nous avons auditionnées sont unanimes sur ce point : l'interdiction du certificat de virginité fait reculer cette pratique. Elle est donc nécessaire. Certes, nous manquons de chiffres, mais plusieurs médecins régulièrement sollicités pour en établir m'ont assuré recevoir quelques demandes par an. Par ailleurs, cette pratique n'est pas le propre d'une religion en particulier. Dans le cadre de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, nous avons prévu, pour les jeunes, une consultation consacrée à la santé sexuelle. Il faut l'utiliser à bon escient pour diffuser une information en la matière. Peut-être peut-on prévoir son renforcement dans le code de déontologie médicale. Quoi qu'il en soit, la plupart des personnels de santé qui officient dans les quartiers concernés, lorsqu'ils sont sollicités, le font, détaillant les avantages, les inconvénients et les risques à leurs patientes avant de les orienter vers les associations.
Monsieur Coquerel, lorsque ce texte a été présenté en Conseil des ministres au mois de décembre dernier, il a essuyé plusieurs critiques, dont l'une consistait à dire que nous pointions du doigt des pratiques minoritaires, au risque d'accentuer certaines tensions qui traversent notre société. Or, depuis que cette commission a entamé ses travaux, lors des auditions et, depuis lundi, dans le cadre de l'examen du texte, il me semble que tout démontre que nous sommes dans un état d'esprit de protection, et en rien d'instrumentalisation. Il me semble aussi que notre attitude à l'égard des amendements présentés, en en adoptant certains de façon tout à fait ouverte et, surtout, en en rejetant d'autres, très fermement et de façon systématique, prouve notre volonté de ne pas stigmatiser qui que ce soit, ni quelque communauté ou religion que ce soit. En l'occurrence, la disposition dont nous débattons vous paraît si adaptée à la situation et à la lutte contre certaines pratiques coutumières minoritaires, que vous souhaitez renforcer l'information des victimes potentielles. Elle possède donc à vos yeux, comme vous l'avez dit, une légitimité particulière.
Sur le fond, votre amendement soulève une difficulté qui n'est en rien politique, mais juridique. Le code de déontologie médicale est en effet entièrement de niveau réglementaire. Les membres des professions concernées ne souhaitent pas que certaines règles soient établies par le législateur seul, car elles nécessitent une concertation, notamment avec le pouvoir exécutif. Je ne peux qu'encourager le Gouvernement, très modestement, à le modifier pour donner satisfaction au droit d'information que vous mentionnez à juste titre dans votre amendement.
Je reprends la parole pour inviter M. le rapporteur général à visionner les nombreux débats auquel le texte a donné lieu dans les médias. Il constatera que plusieurs ministres ont fait du projet de loi la lecture que j'ai indiquée, à la suite du Président de la République.
Je souscris à la proposition de Boris Vallaud visant à ajouter, dans notre amendement, une mention sur les risques qu'encourent les femmes auxquelles on demande un certificat de virginité.
La commission rejette successivement les amendements
Puis elle examine l'amendement CS363 de M. Robin Reda.
Comme l'a indiqué Mme la ministre déléguée, tout à l'heure, et M. le ministre, lors de son audition, près de 30 % des médecins affirment avoir été consultés en vue de l'établissement d'un certificat de virginité. Cet état de fait place les professionnels de santé concernés en situation de lanceurs d'alerte. Il s'agit de faire en sorte qu'ils informent le procureur de la République, qui mènera une enquête, afin que quiconque oblige une personne à prouver sa virginité soit effectivement condamné.
L'article 226-14 du code pénal prévoit que le secret professionnel n'est pas applicable « au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, […] les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ». Ce même article dispose également : « Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ». J'émets un avis défavorable à l'amendement. Les médecins que nous avons auditionnés, dans leur pratique, procèdent à des signalements, notamment pour les mineurs, dont l'accord n'est pas nécessaire.
À la suite du Grenelle des violences conjugales, le Parlement a adopté des dispositions à ce sujet. Elles me semblent suffisantes.
Nous devons tenir compte de la situation compliquée dans laquelle se trouvent ces jeunes femmes. Elles sont sous emprise, à tout le moins sous influence. Nous devons en tenir compte avant d'accepter ou de rejeter des amendements.
Par ailleurs, l'amendement, tel qu'il est rédigé, fait obligation au professionnel de santé d'alerter le procureur de la République. Une telle disposition n'est pas envisageable.
Enfin, nous devons veiller à faire en sorte que la consultation chez le médecin demeure un refuge, en nous abstenant d'adopter toute disposition susceptible d'entraîner une perte de confiance, comme je l'ai indiqué lors de l'examen d'un précédent texte. Toute disposition susceptible d'introduire une rupture de confiance entre le médecin et la personne qui le consulte, qui n'est pas une patiente, car elle n'est pas malade, doit être envisagée avec beaucoup de précaution.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS696 de M. Charles de Courson.
L'amendement vise à rappeler que la plupart des demandes de certificat de virginité sont faites à l'initiative de la famille ou de la belle-famille des intéressées, et parfois sous la contrainte. Nous souhaitons que les individus demandant aux femmes de leur remettre un tel certificat soient poursuivis en justice, notamment si cette demande est faite sous la contrainte. Une telle interdiction nous semble être un moyen efficace pour lutter contre cette pratique. Nous proposons de créer un délit permettant de punir les personnes qui obligent les femmes à produire un certificat de virginité.
Cher collègue, la pénalisation des individus demandant des certificats de virginité nous a été réclamée de toutes parts. Pour l'heure, nous souhaitons travailler à une rédaction plus élaborée que celle de votre amendement, permettant leur pénalisation adaptée, dans la mesure où leur identification est difficile. Je suggère le retrait de l'amendement et émets à défaut un avis défavorable.
Je défendrai ultérieurement des amendements à ce sujet. Le fait même de demander un certificat de virginité constitue incontestablement une pression inadmissible. Par ailleurs, cela signifie qu'on ne croit pas sur parole une femme déclarant être vierge. Ce débat est important. J'ignore s'il faut retravailler la rédaction de l'amendement. J'ai pris bonne note de l'avis de Mme la rapporteure. Il faut être intraitable avec celles et ceux qui exercent une pression inadmissible, intolérable dans la République, sur des jeunes femmes en vue d'obtenir un certificat de virginité, que nous allons mettre hors la loi.
Je voterai l'amendement. Nos collègues Charles de Courson et Olivier Falorni mettent le doigt sur un aspect majeur de la question : l'emprise, et plus généralement la pression familiale ou sociale, forte et insistante, dont nous savons qu'elle pèse sur les femmes concernées. Même si nous ne disposons pas de données chiffrées sur le phénomène, nous savons qu'il existe, à une échelle bien plus grande que ce que l'on en dit. Ce phénomène, qui peut aller jusqu'à l'intimidation et aux menaces, doit être pris en considération. Il faut instaurer un dispositif juridique pénalisant cette pratique absolument dégradante. Mme la rapporteure a donné un avis de principe favorable mais souhaite que l'amendement soit réécrit. À vrai dire, je ne vois pas où sont les marges d'amélioration. La rédaction de l'amendement me semble tout à fait satisfaisante.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS1435 de Mme Marie-George Buffet.
Je le dis avec sincérité : cet amendement est peut-être le fruit d'un manque de données et d'information. Madame la ministre déléguée, vous vous étonniez des demandes systématiques de chiffres dès lors qu'il s'agit d'identifier les violences faites aux femmes. En l'espèce, il faudrait disposer de données, non pour minimiser la gravité du phénomène, mais pour mieux le comprendre et mieux s'en prémunir.
Cet amendement est le seul que nous déposons sur l'article 16. Nous considérons qu'il faut interdire le certificat de virginité. Toutefois, celles et ceux exerçant dans des Maisons des femmes et dans des centres du Planning familial dont nous avons recueilli le témoignage nous ont indiqué qu'il leur était arrivé de délivrer des certificats de virginité, sans avoir procédé à un exame,, naturellement. Entendons-nous bien : celui ou celle qui se dit médecin sait combien tout cela repose sur un mythe, bien inscrit dans la domination masculine, et que, pour bien des femmes, il est impossible de déterminer si elles sont vierges ou non. Nos interlocuteurs nous ont donc indiqué avoir délivré à certaines jeunes femmes des certificats de virginité, à l'issue de longues discussions, parce qu'ils considéraient que ne pas le faire les aurait mises davantage en danger.
Telles sont les informations dont nous disposons. Elles sont peut-être incomplètes. En tout état de cause, nous considérons que la sanction par le Conseil de l'ordre des médecins est suffisante. Prévoir une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ne règle pas le problème et place en porte-à-faux des gens qui tentent d'aider les femmes concernées.
Nous considérons qu'il ne faut pas se contenter de punir ceux qui délivrent les certificats de virginité, et qu'il faut agir à la source du problème, pour accompagner les femmes concernées, afin qu'elles ne soient pas isolées ni exposées à des risques si elles ne rentrent pas chez elles avec ce document. Notre collègue Jean-François Eliaou travaille à la rédaction d'un amendement sur la pression et les incitations que subissent les jeunes femmes, afin d'arrêter un système de peines adéquates pour les accompagner. Nous n'avons pas encore trouvé le bon équilibre, mais l'amendement est en cours de rédaction. M. Éliaou exposera ultérieurement la façon dont nous parviendrons à cette pénalisation.
Madame la rapporteure, mon propos portait, en toute prudence, sur les médecins, et consistait à dire que les personnes qui délivrent des certificats de virginité dans les centres de Planning familial et dans les Maisons des femmes tentent d'aider les femmes qui les sollicitent. Prévoir une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ne règle pas le problème de ces femmes et criminalise des gens qui, bien souvent, ne savent pas comment les protéger.
Elsa Faucillon et moi-même sommes assez souvent d'accord. Je nourris moi aussi des doutes sur la pénalisation du professionnel de santé, qui peut être un médecin, spécialiste ou généraliste, ou une sage-femme. Je n'ai déposé aucun amendement à l'article 16, car le risque d'effet de bord est élevé. En cas de rupture de confiance, la personne ayant consulté un professionnel de santé sera sans refuge. Elle ne consultera pas ou mal, de peur que l'on communique son adresse et ses contacts au procureur. Il faut être très attentif au fait que ces personnes sont sous emprise, sous influence, et prendre en considération leur fragilité physique et psychologique. Je me suis demandé comment on pouvait pénaliser la demande ou l'obtention de certificats de virginité, ce qui m'a amené à viser une autre cible, à savoir ceux qui sont à l'origine de l'incitation ou de la contrainte. Certes, il est très important d'interdire de délivrer un certificat de virginité en France, mais plus encore d'inciter les femmes à en obtenir un.
Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, madame Faucillon. Vous vous êtes informée, dites-vous, auprès de gynécologues et de soignants qui vous ont expliqué avoir délivré des certificats de virginité pour telle ou telle raison. C'est donc qu'ils existent ! Tout à l'heure, votre collègue M. Coquerel rapportait que ceux qu'il avait rencontrés n'avaient pas fait l'objet de telles demandes.
Veuillez m'excuser, j'ai dû confondre vos interventions. Nous constatons donc ensemble qu'un problème se pose à ce sujet.
Si j'ai bien compris vos propos, ces médecins – nous avons sans doute consulté les mêmes – vous ont dit établir des certificats de virginité sans vérifier si l'hymen des intéressées était intact ou non. Vous avez d'ailleurs rappelé, à juste titre, que la présence d'un hymen ne garantit pas biologiquement la virginité d'une jeune femme. Ces médecins disent délivrer des certificats de virginité parce qu'ils considèrent, de bonne foi, que ce faisant ils aident les jeunes filles concernées.
J'ai entendu moi aussi ces témoignages mais je ne suis pas d'accord avec le procédé. Je mesure la responsabilité d'un gynécologue ou d'un médecin face à la jeune personne qui est dans son cabinet, en détresse, et qui dit avoir besoin d'un certificat de virginité pour rentrer chez elle. Mais il me semble que la responsabilité du législateur est de fixer des interdits, sans prendre en considération la bonne intention qui peut amener certains professionnels de santé à délivrer un certificat de virginité. « Que se passera-t-il si la jeune fille rentre chez elle sans certificat de virginité ? Ce sera un drame ! », nous expliquent-ils. À mon tour, je pose une question : « Que se passera-t-il si la jeune fille rentre chez elle avec un certificat de virginité ? ». Qu'imagine-t-on qu'il arrivera à la jeune fille rentrant chez elle avec, dans son enveloppe, son petit certificat de virginité, comme un cheval dont on aurait fait vérifier les dents avant de l'acheter ? Croit-on qu'après le mariage, sa dignité de personne humaine, sa liberté et son intégrité de femme seront respectées ? Je ne le crois pas. Il est fondamental d'interdire cette pratique, et donc de pénaliser en sanctionnant y compris les médecins qui délivrent des certificats de virginité. Il faut fixer un interdit clair.
De surcroît, une telle disposition est utile pour les pays qui voient la France comme un modèle en matière de droits des femmes. Si, lors de nos actions de diplomatie féministe, nous pouvons dire qu'il est désormais interdit, en France, de délivrer des certificats de virginité, nous ferons progresser les droits des femmes dans d'autres pays. J'espère avoir répondu aux questions soulevées par l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS810 de Mme Perrine Goulet.
L'alinéa 5 crée la pénalisation de la délivrance d'un certificat de virginité. Si nous voulons mettre un terme à ces pratiques, il faut également envoyer un signal fort à l'entourage des jeunes filles qui en sont victimes en prévoyant de sanctionner les personnes qui font pression sur elles. Mon amendement vise à pénaliser l'incitation à l'établissement du certificat. Nous définirions ainsi un délit adapté, sur le modèle de la pénalisation du recel de certificats de virginité, à laquelle le Garde des sceaux s'est dit favorable.
Nous partageons l'intention, mais nous souhaitons modifier la rédaction de l'amendement, ainsi que les sanctions prévues. Je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui dont la rédaction est en cours.
Madame la rapporteure, comment puis-je retirer un amendement au profit d'un autre qui n'est pas encore rédigé ? Je veux bien admettre beaucoup de choses, mais quand même ! Mon amendement a le mérite d'exister.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS1608 de Mme Sonia Krimi.
L'amendement vise à appeler l'attention sur le lieu où est établi le certificat de virginité. Il s'agit de pénaliser cette pratique à l'identique en France et à l'étranger.
Si nous pouvons adapter la loi française pour prévoir des interdictions, tel n'est pas le cas pour la loi en vigueur dans les autres États. Nous ne pouvons qu'espérer que l'interdiction de cette pratique en France fasse école. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS697 de M. Charles de Courson.
Je tiens à dire à Mme la rapporteure, en toute cordialité, que, s'agissant d'un sujet aussi grave que la pression et la contrainte exercées sur des femmes pour l'établissement de certificats de virginité, on ne peut accepter la réponse qu'elle a faite à notre collègue Goulet. En substance, cela revenait à dire : « L'idée est bonne, mais nous allons réécrire l'amendement ». Je suis curieux de lire cette nouvelle rédaction ! Certes, il sera signé par vous et non par nous…
Persistant néanmoins dans la volonté de sanctionner toute personne obligeant une femme à demander un certificat de virginité, nous proposons, par le biais de l'amendement CS697, d'établir un dispositif de sanctions pour ce nouveau délit, qui serait puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, sur le modèle de la sanction prévue par le projet de loi pour les professionnels de santé établissant un tel certificat. Nous mettons en cohérence les sanctions applicables aux personnes qui contraignent les femmes et exercent sur elles une pression inacceptable avec celles que le texte prévoit d'appliquer aux médecins, même s'il faut sans doute prévoir des exceptions, comme je le proposerai tout à l'heure. À un moment donné, il faudra bien que, dans cette commission spéciale, nous ne nous contentions pas de renvoyer l'adoption de telles dispositions à une nouvelle rédaction qui n'existe pas, et que nous actions, par voie d'amendement, le principe d'une sanction des personnes qui exercent une contrainte sur ces femmes.
Je vous renvoie à l'amendement que M. Éliaou présentera dans un instant, et qui est rédigé. La sanction que vous proposez est inférieure à la sanction générale que nous proposerons.
La réponse de Mme la rapporteure est un aveu. Chacun aura compris le sort réservé aux amendements issus des groupes dits d'opposition, alors même que le nôtre s'inscrit dans une démarche positive et qu'il est plutôt enclin à voter le texte. En fin de compte, l'avis du rapporteur et celui du Gouvernement ne sont pas déterminés par le contenu de l'amendement, mais par ses signataires !
Monsieur Falorni, vous pouvez consulter la liste des amendements adoptés. Dès le début de l'examen du texte, nous avons adopté un amendement issu du groupe Les Républicains.
Je tiens à rassurer M. Falorni, ainsi que les orateurs qui l'ont précédé. Soyons clairs : nous ne renvoyons pas aux calendes grecques la pénalisation des individus qui contraignent les femmes à faire établir un certificat de virginité. Nous voterons l'amendement de M. Éliaou, qui n'est pas identique à celui que nous nous apprêtons à rejeter. Que le Gouvernement et les rapporteurs proposent des modifications d'ici à l'examen du texte en séance publique, voilà qui est tout à fait possible, et nous écouterons leurs arguments. Pour l'heure, je ne déflore aucun secret en indiquant que nous soutiendrons un amendement que présentera notre collègue Éliaou, et qui n'est pas exactement le même que celui que vous venez de présenter, monsieur Falorni.
Nous devons procéder à une caractérisation juridique très subtile. Nous sommes véritablement sur une ligne de crête. Nous nous sommes posé la question de savoir si nous devions, dans le texte présenté par le Gouvernement, pénaliser les personnes – les commanditaires, en quelque sorte – obligeant une femme à demander un certificat de virginité. Les analyses juridiques auxquelles nous avons procédé ont démontré qu'il était possible, en l'état actuel du droit, de prononcer des condamnations, notamment pour des faits d'emprise et de violence psychologique. À l'issue du Grenelle des violences conjugales, nous avons en effet adopté des sanctions en cas de menaces et de pression. Ces incriminations pénales sont caractérisées. C'est pourquoi il ne nous a pas semblé nécessaire, dans un premier temps, de prévoir la pénalisation de l'entourage de ces femmes.
Néanmoins, je m'interroge toujours sur les messages que nous envoyons dans le cadre, non pas du débat médiatico-politique, mais de l'adoption de la loi et de la portée symbolique de nos discussions. Je suis attentive à la forme qu'ils prennent dans l'opinion publique, notamment dans les familles et parmi les professionnels concernés. Je suis donc sensible aux arguments issus de la majorité et de l'opposition selon lesquels il serait souhaitable, ne serait-ce que pour envoyer un signal, de prévoir une disposition englobant la question du commanditaire, de la famille, de la personne demandant à la jeune fille de faire établir un certificat de virginité. Les rédactions proposées jusqu'à présent ne nous semblent pas cependant constitutionnelles ou présenter un apport au regard du droit en vigueur. C'est ce qui a motivé un avis défavorable.
Voici bientôt quatre jours que nous avons commencé l'examen de ce texte. Le Gouvernement, chacun l'aura constaté, travaille dans un esprit qui ne consiste pas à organiser les choses avec la seule majorité politique, qui vote le budget et le soutient. Nous avons fait preuve, me semble-t-il, d'une grande ouverture d'esprit, acceptant de réviser plusieurs rédactions et de renvoyer des débats à la séance publique. Monsieur Falorni, si vous envisagez de voter ce texte par conviction, j'imagine que mes propos, quels qu'ils soient, ne vous feront pas changer d'avis. Sur la forme, nous avons montré notre très large ouverture d'esprit. Le Gouvernement ne fonctionne pas comme vous le prétendez. En tout cas, il n'a pas entamé les débats en commission spéciale de cette façon, et il ne les achèvera pas ainsi.
Je ne peux pas laisser dire que les avis des rapporteurs sur les amendements sont systématiquement déterminés par l'identité des signataires.
Monsieur Falorni, dans un souci de transparence, le député Éliaou a annoncé la présentation de l'amendement CS1581. Comme il porte article additionnel après l'article 16, il n'est pas en discussion commune avec ceux dont nous débattons. C'est ainsi. Nous vous informons également qu'après y avoir travaillé – car il arrive, évidemment, que le groupe majoritaire travaille avec les rapporteurs –, nous considérons que sa rédaction permet d'atteindre les objectifs que vous visez, tout en étant sans doute davantage plus conforme au droit que la vôtre. Au demeurant, il sera sans doute nécessaire d'y travailler encore d'ici à l'examen du texte en séance publique, car il s'agit de sujets sensibles pour lesquels la légistique est importante. Pas de mise en cause, s'il vous plaît ! Nous avons adopté tout à l'heure un amendement de la députée Buffet, dans des conditions qui démontrent dans quel état d'esprit nous sommes depuis que la commission spéciale a commencé ses travaux.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement CS1680 de Mme Souad Zitouni.
Il vise à diviser par deux l'échelle des peines encourues en cas d'établissement d'un certificat de virginité. Ce faisant, nous enverrons aux médecins un message moins répressif tout en réaffirmant notre refus de cette pratique.
Le quantum de peine proposé à l'article 16 est adapté à la nature des faits : il correspond à celui prévu par l'article 441-7 du code pénal pour les délits de faux et d'usage de faux. La sanction pénale reste à l'appréciation du juge, qui a toujours la possibilité de prononcer une peine inférieure à la peine maximale prévue.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS1798 de M. Éric Coquerel.
Dans le même esprit que l'amendement précédent, nous proposons de supprimer la peine d'un an d'emprisonnement encourue par les médecins. Les interventions des uns et des autres ont bien montré que l'article 16 était déséquilibré et qu'il risquait de ne pas atteindre son objectif. Les principaux responsables de cette pratique, les donneurs d'ordres, ne seront pas punis. La création d'une peine à leur encontre fait débat ; pour ma part, je n'ai pas voté pour car il aurait fallu assortir cette mesure d'une protection des victimes qui auraient dénoncé l'un de leurs proches. Il n'en est pas moins problématique de punir celui qui rédige le certificat, parce qu'il fait face à une situation compliquée. Les médecins du Planning familial nous ont dit avoir été confrontés à un petit nombre de demandes de certificat ; ils y ont répondu favorablement, d'autant que ce certificat n'a pas de valeur en tant que tel, avant d'aller dénoncer la situation à la police et à la justice. La commission a rejeté un amendement visant à obliger les professionnels de santé à informer les victimes de l'existence d'organismes spécialisés dans la défense des droits des femmes. Je n'arrive toujours pas à le comprendre. L'article 16, tel qu'il est rédigé, ne sanctionne pas les principaux coupables et laisse en jachère la mission d'information et de prévention qui devrait être assurée par les médecins. C'est un véritable problème.
Même avis que sur l'amendement précédent. L'établissement d'un certificat de virginité ne fera plus partie des attributions des médecins ; dès lors que l'on interdit cet acte, il est logique de sanctionner les professionnels de santé qui continueront de le réaliser.
Si nous avons repoussé un amendement relatif à l'accompagnement et à l'orientation des jeunes femmes victimes de ces pratiques, c'est parce que ces dispositions ne doivent pas figurer dans la loi mais dans les codes de déontologie des professionnels de santé.
Par ailleurs, je le répète, le quantum de peine est fixé à un niveau dissuasif, mais la peine prononcée pourra être moindre, en fonction de l'appréciation du juge.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1386 de M. Éric Diard.
Monsieur le rapporteur général, il n'est pas très glorieux d'affirmer que vous avez été magnanime, lundi, au tout début de nos travaux, avec l'adoption d'un amendement de M. Breton.
Je vous remercie de votre magnanimité, mais je tiens à vous rappeler qu'un autre amendement, visant à créer un délit d'entrave à la fonction d'enseignant, a pu être adopté grâce à la persévérance de Mme Genevard et au vote de quelques députés de la majorité qui ont jugé que c'était une mesure de bon sens, contre l'avis du Gouvernement et des rapporteurs.
J'en viens à l'amendement CS1386, que je présenterai rapidement tant le « teasing » exercé au profit de l'amendement de M. Eliaou montre que les dés sont déjà jetés. Dès 2003, le Conseil de l'ordre des médecins a indiqué que la rédaction de certificats de virginité n'avait « aucune justification médicale » et constituait « une violation du respect de la personnalité et de l'intimité de la jeune femme […] ». Les témoignages recueillis sur cette question concordent, et nous pouvons tous affirmer que c'est souvent l'entourage des jeunes filles qui est plus ou moins directement à l'origine de la demande d'émission d'un certificat de virginité. La condamnation de l'établissement d'un tel document par un professionnel de santé ne me paraît pas suffisante pour mettre fin à cette pratique. Comme l'indique la gynécologue Amina Yamgnane, « la loi seule risque de ne pas mettre fin à ces pratiques. Au lieu d'aller chez le gynécologue, ces familles risquent d'aller chez le voisin, qui va s'improviser “Père la Vertu” et produire ce genre de certificats ». Je vous propose donc de ne pas condamner simplement l'émission d'un certificat de virginité, mais également la demande d'un tel certificat, qui serait passible de la même peine.
Nous entendons très bien ce que vous dites. Nous sommes tous d'accord : plutôt que de pénaliser les professionnels de santé, nous devons trouver une solution juridique adaptée permettant de sanctionner les personnes faisant pression sur les jeunes femmes et d'accompagner ces dernières. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS698 de M. Charles de Courson.
Nous n'allons pas user notre salive pour défendre nos idées alors que l'amendement de M. Eliaou semble déjà adopté avant même que nous en ayons débattu. Nous considérons que les vrais coupables sont les personnes qui font pression sur les jeunes femmes, et non les médecins qui cèdent à cette pression. Nous souhaitons donc éviter aux professionnels de santé qui ont établi un certificat de virginité d'encourir une peine de prison ou une amende. En somme, il s'agit de rétablir un certain équilibre.
Si le professionnel de santé veut protéger la personne qui demande le certificat de virginité, il doit, en application de l'article 226-14 du code pénal, porter « à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être […] les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ». Les médecins appliquent déjà cette disposition – plus pour les mineurs que pour les majeurs, puisque ces derniers doivent donner leur accord. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS364 de M. Robin Reda.
L'article 16 vise à faire condamner des professionnels de santé dès lors qu'ils ne respectent pas leur obligation d'alerter le procureur de la République lorsqu'il leur est demandé d'établir un certificat aux fins d'attester la virginité d'une personne. Nous proposons de punir les professionnels de santé ne respectant pas cette obligation d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1297 de M. Boris Vallaud.
Nous craignons que les femmes qui ne pourront plus aller chez le médecin se tournent vers une autre personne, qui se rendrait coupable d'exercice illégal de la médecine. Nous devons essayer de prévenir ces déports ; c'est pourquoi nous proposons d'accroître les peines encourues en cas d'exercice illégal de la médecine lorsque cet exercice vise à attester de la virginité d'une personne.
Le risque que vous soulignez est réel. Les jeunes femmes pourraient se tourner vers des personnes de leur entourage qui ne sont pas médecins et qui produiraient des attestations de convenance ou engageraient des examens totalement irresponsables, interdits et répréhensibles. Pour que ces non-professionnels soient condamnés pour agression, blessures ou mutilation, il faut cependant que la victime dépose une plainte ou effectue un signalement. Cette question dépasse le cadre du présent projet de loi.
Vous répondez à côté de la question, madame la rapporteure. Le délit d'exercice illégal de la médecine existe déjà : je propose d'en faire une circonstance aggravante lorsqu'il vise à établir un certificat de virginité. Vous dites qu'il faudra que la victime porte plainte, faute de quoi on ne pourra pas poursuivre la personne qui s'en est rendue coupable. C'est vrai, mais il en sera de même lorsqu'un certificat de virginité aura été produit par un médecin. À un moment donné, il faudra bien se demander qui a connaissance de ce certificat et qui engage les poursuites.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1524 de Mme Laurence Gayte et CS812 de Mme Perrine Goulet.
L'amendement CS1524 rejoint celui de M. Vallaud : il vise à qualifier d'agression sexuelle ou de viol tout examen visant à établir un certificat de virginité et réalisé par une personne n'appartenant pas au corps médical. Nous voulons envoyer un message fort afin que plus personne ne soit tenté de réaliser ce type d'examen. Notre amendement s'appuie sur la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, que Mme Schiappa connaît bien et qui a élargi la définition du viol.
L'amendement CS812 est légèrement différent de celui de Mme Gayte. On constate encore dans notre pays, dans certaines communautés, des rituels traditionnels visant à s'assurer que la femme ou la fille est vierge au moment du mariage. Ce sont souvent des cérémonies barbares, qui ne donnent pas lieu à un certificat mais, souvent, au brandissement d'un drap ou d'un mouchoir blanc maculé de la tache de sang de la jeune fille. Je souhaite envoyer un signal fort à toutes ces communautés en insérant dans le code pénal un nouvel article ainsi rédigé : « Constitue une agression sexuelle le fait, notamment par tradition, de contraindre une personne par la violence, la menace, la surprise ou la contrainte à subir un examen physique visant à la vérification de la virginité. […] » Ces jeunes filles étant soumises à l'emprise familiale, elles ne dénonceront peut-être pas tout de suite ces agissements, mais elles pourront un jour se retourner contre leurs agresseurs et dire au grand jour qu'elles ont été victimes de ces actes rituels. Je vous invite à regarder mon amendement avec bienveillance et à l'adopter afin d'envoyer un message à toutes ces communautés qui, dans le cadre de rites traditionnels n'ayant rien à voir avec la religion, agressent sexuellement les jeunes filles avant de les livrer au mariage.
Madame Gayte, il me semble préférable d'en rester à la rédaction de l'article 16, qui incrimine de manière proportionnée la délivrance d'un certificat de virginité. S'il y a viol, cela relève du code pénal et non du code de la santé publique.
Madame Goulet, les pressions exercées sur une personne pour obtenir gain de cause sont déjà punies par la loi ; la sanction est alourdie lorsque la victime est mineure.
Je comprends évidemment la démarche de Mme Gayte et de Mme Goulet, dont les deux amendements sont différents.
Je voudrais distinguer les personnes qui établissent des certificats de virginité sans pour autant être des professionnels de santé de celles qui procèdent au test, à la cérémonie, à la pénétration. Autant je souhaite pénaliser la délivrance de certificats de virginité quelle que soit l'intention, comme je le disais à M. Coquerel et à Mme Faucillon, autant je considère que rédiger un certificat de virginité, parfois même sans avoir procédé à l'examen, n'équivaut pas à commettre une agression sexuelle.
En revanche, la cérémonie du drap, qui consiste – pardonnez-moi d'être technique – à pénétrer avec un drap une femme ou une jeune fille, présente déjà, selon la jurisprudence existante, les caractéristiques du viol. Vous l'avez rappelé, le viol n'implique pas forcément un rapport sexuel : il se caractérise, en droit, par un acte de pénétration sexuelle commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. Dès lors que l'une de ces circonstances est établie, tout acte de pénétration, même avec un objet, lors d'un bizutage, peut être qualifié de viol. C'est manifestement le cas dans les cérémonies dont nous parlons : il ne me paraît donc pas nécessaire de les ajouter à la liste des éléments constitutifs du viol.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements, mais pour des raisons différentes. Je comprends l'objectif qu'ils poursuivent, mais je ne pense pas qu'ils soient opérants juridiquement.
Mon amendement ne concerne pas la personne qui demande ou établit le certificat de virginité, mais celle qui pratique l'examen.
Je veux bien croire, madame la ministre déléguée, que la jurisprudence permet déjà de qualifier ces faits de viol – pour ma part, je parlais d'agression sexuelle. Je vais dire quelque chose d'horrible : ces jeunes filles consentent à ces agissements par tradition. C'est pourquoi je pense qu'il faut mentionner ce genre de cérémonie dans le code pénal. Par ailleurs, inscrire la jurisprudence dans la loi permettrait d'envoyer un signal aux communautés concernées afin qu'elles cessent de pratiquer ces traditions, qui sont d'un autre âge. Il est intolérable que, par tradition, on continue d'agresser sexuellement des jeunes filles. Si vous pensez qu'il faut revoir la rédaction de l'amendement, nous pouvons y travailler, mais il faut vraiment aller au-delà de la jurisprudence pour que les jeunes filles de notre pays ne subissent plus ces tests de virginité qu'on ne fait pas subir aux hommes et qui sont, pour elles, le sésame pour un mariage qui s'avérera d'ailleurs souvent catastrophique.
La commission adopte l'amendement CS1524.
Elle rejette l'amendement CS812.
Elle adopte ensuite l'article 16 modifié.
Après l'article 16
La commission examine l'amendement CS1541 de Mme Laurence Gayte.
Il vise à interdire les pratiques coutumières dégradantes telles que la cérémonie du mouchoir ou du drap dont parlait Mme Goulet, que l'ONU qualifie de « pratiques traditionnelles néfastes » et qui violent les droits humains, en particulier ceux des femmes. Ces pratiques peuvent constituer des violences physiques ou psychiques et dévalorisent les personnes qui en sont victimes. Elles favorisent l'aliénation des femmes, visent à les écarter de la vie en société et bafouent leur liberté de disposer de leur avenir. Cet amendement rejoint plusieurs conventions et traités internationaux qui établissent l'obligation pour les États de prendre des mesures pour en finir avec ces pratiques néfastes.
Les articles 223-1 et 222-7 à 222-16-2 du code pénal évoqués dans cet amendement s'appliquent d'ores et déjà à l'ensemble des violences physiques ou psychiques, aux pratiques dégradantes et aux violations des droits humains, y compris si elles résultent de pratiques coutumières. Il n'est pas nécessaire de le repréciser dans la loi.
Je suis très favorable à ce que l'on fasse entrer l'expression « pratique traditionnelle néfaste » dans le vocabulaire courant des politiques publiques et dans la loi, car elle est très bien comprise par les femmes migrantes arrivant notamment des pays d'Afrique subsaharienne. Ces pratiques traditionnelles néfastes désignent, entre autres, le mariage forcé, l'excision et les mutilations génitales. Néanmoins, cet amendement est satisfait dans la mesure où l'excision et le mariage forcé sont déjà interdits, comme le seront désormais les certificats de virginité.
Je rappelle par ailleurs que le Gouvernement a mis en place, il y a un an, un plan national visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines. Ce plan, dont le bilan doit être présenté prochainement, nous permet de travailler avec les associations pour améliorer la prévention et lutter plus efficacement contre l'excision et contre un certain nombre de pratiques qui y sont liées. Le débat se pose dans les mêmes termes que pour les certificats de virginité : les parents des jeunes filles ou des adolescentes n'ayant parfois connu que ces pratiques, ils y sont favorables et sont donc à la fois les victimes et les auteurs des violences.
L'amendement étant satisfait, nous en demandons le retrait, même si nous devons bien évidemment continuer à travailler sur ce sujet.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement CS1670 de Mme Sonia Krimi.
Il vise à assurer la protection effective des mineures en déplacement à l'étranger, seules ou accompagnées d'une personne non dépositaire de l'autorité parentale, en prévoyant qu'elles soient munies d'un certificat de non-excision. Je rappelle que la loi du 29 juillet 2015 a déjà mis en place deux mécanismes tendant à la production par les parents de certificats médicaux constatant la non-excision.
Il est nécessaire de lutter contre l'excision, une pratique inacceptable qui porte atteinte à l'intégrité du corps des femmes. Toutefois, cet amendement est peu opérationnel. Comment détecter les mineures qui risquent une mutilation sexuelle ? Comment déterminer si les mineures qui quittent le pays ne risquent rien ? Comment empêcher la sortie du territoire d'une mineure qui ne détiendrait pas de certificat ? En cas de risque d'excision à l'occasion d'un voyage à l'étranger, la seule protection effective est l'interdiction de sortie du territoire, déjà prévue à l'article 375-5 du code civil. En outre, les crimes ou délits commis à l'étranger sur une mineure résidant en France sont déjà punis par l'article 222-16-2 du code pénal. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1592 de Mme Sonia Krimi.
Il nous semble important de mener un travail de prévention des violences sexuelles, psychologiques et des mariages forcés auprès des mineurs. Nous proposons d'organiser, une fois par an, des séances de prévention dans les établissements scolaires, ce qui permettra de sensibiliser aussi le corps enseignant et les parents à ces violences.
Le ministère de l'éducation nationale a déjà prévu que soit apportée, dans les écoles, une information sur l'ensemble de ces thématiques, qui mérite sans doute d'être renforcée. Ces informations relatives au comportement responsable des jeunes et à la sexualité aident les jeunes à mieux se positionner dans leur rapport au corps et dans leurs relations avec les autres. La convention interministérielle 2019-2024 pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, élaborée à la suite du Grenelle contre les violences faites aux femmes, prévoit également des initiatives pédagogiques pour sensibiliser les jeunes. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de prévoir de telles dispositions dans la loi, qui n'a pas à aller autant dans le détail. Avis défavorable.
Je suis assez partagée. Je vous présenterai d'abord les mesures que la loi prévoit déjà et qui me permettent de considérer que votre amendement est satisfait.
La loi prévoit depuis longtemps que les élèves bénéficient de trois séances annuelles d'éducation à la vie affective et sexuelle, mais dans les faits, ces formations n'étaient pas mises en place. Jean-Michel Blanquer et moi-même avons décidé de faire appliquer la loi : depuis l'année scolaire 2018-2019, nous nous assurons donc de l'organisation effective de ces trois séances annuelles, au cours desquelles les sujets dont vous avez parlé peuvent être abordés.
Par ailleurs, à l'approche des vacances d'été, le ministère de l'éducation nationale sensibilise l'ensemble des lycées, par le biais de lettres envoyées aux chefs d'établissement, à la question des mariages forcés, qui se produisent souvent pendant cette période.
Je ne vous dirai pas que tout est parfaitement bien appliqué partout – je pense que ce n'est pas le cas. Il faut améliorer l'information des jeunes et faire en sorte que les établissements scolaires se saisissent véritablement de ces sujets, dont le traitement ne doit pas dépendre du bon vouloir de tel ou tel intervenant. Très honnêtement, je ne suis pas sûre que cela passe par la loi, qui contient déjà de nombreuses dispositions ; il convient plutôt de contrôler son application concrète sur l'ensemble du territoire. Si je considère donc que votre amendement est satisfait, je partage pleinement votre objectif, que nous atteindrons en concentrant l'action publique sur la mise en œuvre des dispositions législatives existantes.
Cet amendement est intéressant car il permet de dépasser le cadre scolaire en associant non seulement les familles et l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, mais également les représentants des collectivités territoriales.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS935 de M. Philippe Benassaya.
Il vise à renforcer la portée de l'article 16 en prévoyant que toute demande, par un étranger, d'un certificat de virginité, pour lui-même ou pour autrui, constitue un rejet manifeste des principes de notre République. L'étranger ayant fait la preuve, par cette demande, de son refus d'adhérer aux principes républicains, il a par la même occasion démontré son incapacité à s'intégrer dans notre vie commune : il ne peut donc rester sur le territoire national, dont il doit être éloigné.
Le défaut d'adhésion aux principes républicains révélé par la demande d'un certificat de virginité pourra être appréhendé dans le cadre du droit de l'étranger à la délivrance d'un titre de séjour. Le refus de délivrance ou de renouvellement de ce dernier justifiera alors l'édiction d'une obligation de quitter le territoire. L'objectif poursuivi par cet amendement me semble donc en partie satisfait par le droit existant. Je demande cependant l'avis du ministre de l'intérieur à ce sujet.
Je suis d'accord avec M. Benassaya : si une personne étrangère est coupable d'un tel comportement et que l'infraction est clairement établie par la justice – peut-être faudra-t-il apporter cette précision dans le texte –, elle n'a rien à faire sur le territoire national et doit être reconduite à la frontière. Je suis donc favorable à cet amendement, à condition qu'il soit bien précisé que la condamnation prononcée doit être définitive. Il restera à déterminer si l'interdiction doit être judiciaire ou administrative. Nous pourrons régler la question en séance publique.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1695 de Mme Sonia Krimi.
Le droit français doit condamner pénalement et explicitement la mutilation génitale qui serait faite par un professionnel de santé.
Tous les actes de violence ayant entraîné une mutilation entrent dans le champ de l'incrimination prévue à l'article 222-9 du code pénal, qui les punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Cet article s'applique sans aucune considération quant à la profession de l'auteur : ainsi, un professionnel de santé qui pratiquerait une mutilation génitale tombe sous le coup de ce délit. L'amendement est donc satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1581 de M. Jean-François Eliaou, CS1250 de M. Pierre-Yves Bournazel et CS365 de M. Robin Reda.
L'amendement CS1581 a été rédigé avec Mme Avia et cosigné par tous les membres du groupe La République en marche. Il vise à interdire le certificat de virginité en France en dissuadant toute personne de chercher à obtenir un tel document et en sanctionnant les « commanditaires », pour reprendre le terme employé par Mme la ministre déléguée.
L'amendement n'a pas été déposé à l'article 16 car il vise à introduire un nouvel article dans le code pénal : « Le fait d'inciter ou de contraindre une personne à solliciter un certificat de virginité par menace, violence, abus d'autorité ou abus de pouvoir, est puni d'un an d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Lorsque la personne est mineure, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende. » Cet article serait inclus dans une nouvelle section, intitulée « De l'incitation ou de la contrainte à solliciter un certificat de virginité », elle-même située au chapitre V du titre II du livre II du code pénal, intitulé « Des atteintes à la dignité de la personne ».
Le certificat de virginité n'est justifié par aucune indication médicale. Il perpétue certaines habitudes culturelles, porte atteinte à l'intégrité du corps de la femme ainsi qu'au respect de la dignité de la personne humaine, et viole le secret médical.
L'amendement CS1250 est rédigé différemment de celui de M. Eliaou, mais il traduit la même vision des choses. Nous nous félicitons de l'adoption de l'article 16 visant à sanctionner les professionnels qui établissent des certificats de virginité. Ceux qui font usage dudit document pourront voir leur responsabilité engagée. Néanmoins, nous voulons aller plus loin en appréhendant ceux qui sont à l'origine de la demande de certificat de virginité. Imposer à une femme de produire un certificat de virginité constitue à nos yeux une atteinte à la dignité humaine que nous devons réprimer avec la plus grande sévérité.
Pour ce faire, nous voulons nous aussi introduire un nouvel article dans le code pénal : « Le fait d'exercer des pressions psychologiques ou physiques sur une personne dans le but de la contraindre à faire établir un certificat attestant de sa virginité est puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Lorsque lesdites pressions sont exercées à l'encontre d'une personne mineure, l'infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. »
L'amendement CS365 permet de condamner les membres de la famille, proches ou tiers exerçant une pression sur une personne afin qu'elle produise un certificat attestant de sa virginité. Il punit ce délit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Ces trois amendements ont le même objet, mais leurs dispositifs juridiques diffèrent légèrement, de même que le quantum de la peine proposé. Ma préférence va à celui de M. Eliaou ; je demande donc à M. Bournazel et à M. Benassaya de retirer leurs amendements au profit du CS1581.
Je me réjouis qu'un consensus semble se dessiner sur la volonté de sanctionner les commanditaires des certificats de virginité. Il importe cependant d'aboutir à une rédaction qui soit la plus solide possible au plan juridique et qui n'ait pas pour effet indirect d'abaisser le niveau de la sanction prévu par le droit en vigueur. Or il subsiste une interrogation sur la viabilité juridique des rédactions proposées. C'est pourquoi, à ce stade, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la commission.
Je salue à mon tour le fait que la sanction des commanditaires de certificats de virginité fasse consensus au sein de la commission.
Pourquoi faut-il privilégier l'amendement CS1581 ? Premièrement, il vise à inscrire la sanction des commanditaires dans le code pénal et non dans le code de la santé publique, comme le proposait M. Falorni. De fait, il ne s'agit pas d'un acte médical ; il s'agit bien d'un délit. Deuxièmement, cet amendement tend à protéger les jeunes femmes qui demanderont un certificat de virginité à un médecin, contrairement à l'amendement défendu par M. Diard, qui aboutissait à les incriminer. En outre, il établit le rapport direct entre la personne qui exerce des pressions et la victime, c'est-à-dire la jeune fille. Enfin, il vise à créer une nouvelle section dans le chapitre V du code pénal, relatif aux atteintes à la dignité de la personne. Cela nous permet de revenir sur cette notion alors que nous avons changé le titre du chapitre III de ce projet de loi.
L'amendement de M. Bournazel me semble plus intéressant que celui de M. Eliaou, dans la mesure où il est plus pertinent de faire référence aux « pressions psychologiques » exercées sur les jeunes filles plutôt qu'à des « menaces, violences, abus d'autorité ou abus de pouvoir ». Par ailleurs, il prévoit une peine plus lourde. Le groupe MoDem votera donc pour l'amendement CS1250.
Madame Goulet, je regrette votre décision ; la discussion n'est pas terminée. Nous sommes tout à fait disposés à améliorer la rédaction de notre amendement notamment en augmentant le quantum de la peine, comme le suggère d'ailleurs le Gouvernement. La force de cet amendement réside dans le fait qu'il vise à créer dans le code pénal une nouvelle section intitulée : « De l'incitation ou de la contrainte à solliciter un certificat de virginité ». Cet élément, qui marque clairement la volonté du législateur de sanctionner de tels faits, est important au plan politique et symbolique.
Au plan des principes, il est tout à fait louable de vouloir réprimer ceux qui contraignent ou incitent une jeune femme à solliciter un certificat de virginité plutôt que la jeune femme elle-même. Mais, dans les faits, croyez-vous vraiment que celle-ci dénoncera son père, son frère ou son futur mari lorsqu'on lui demandera qui l'a incitée ou contrainte à solliciter ce certificat ? La mesure me paraît difficilement applicable.
Monsieur Eliaou, je comprends que vous défendiez votre amendement mais, si vous estimez qu'il est mal rédigé ou que celui de M. Bournazel est meilleur que le vôtre, retirez-le et déposez-en un nouveau en séance publique, ou votez celui de M. Bournazel.
Monsieur Eliaou, la qualité de notre travail législatif doit primer. Sur une telle question, nous devons faire preuve d'intelligence collective. Les trois amendements sont très proches ; si l'un d'eux est meilleur sur tel point, peut-être pourriez-vous vous engager à présenter un amendement qui rassemble l'ensemble des groupes, au-delà du clivage majorité-opposition. Il faut avoir un peu d'élégance dans la vie politique. Faisons en sorte de sortir grandis de ce débat !
La commission adopte l'amendement CS1581.
En conséquence, les amendements CS1250 et CS365 tombent.
La commission examine les amendements identiques CS1691 de Mme Sonia Krimi et CS1707 de Mme Constance Le Grip.
Face à un enfant victime de violences, les médecins sont souvent face à un dilemme éthique : soit ils signalent ces violences au titre de l'article 226-14 du code pénal et risquent des sanctions disciplinaires et des poursuites pénales, soit ils ne les signalent pas et risquent de faire l'objet de poursuites et de sanctions pénales en application des articles 434-3 et 226-3 du code pénal. Pour mettre un terme à ce dilemme, nous proposons d'introduire à l'article 226-14 du code pénal l'obligation de signaler les suspicions de violences psychologiques, physiques et sexuelles.
Il nous paraît important que le projet de loi traite du drame des mutilations génitales féminines. Ce fléau mondial correspond, sur le territoire de notre République, à une réalité qui ne doit pas être occultée. En effet, le nombre des femmes vivant en France et ayant subi des mutilations génitales, dont l'excision, était évalué, il y a quelques années, à 60 000 par l'Institut national des études démographiques et, en juillet 2019, à 124 355 aux termes d'un rapport publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Il convient d'aller plus loin que le plan national de lutte contre les mutilations génitales féminines en élaborant des instruments juridiques adéquats. Tel est l'objet de cet amendement.
Ces amendements visent à élargir les dérogations au secret professionnel des médecins pour leur permettre de signaler toutes les violences physiques, sexuelles ou psychologiques sur des mineurs dont ils seraient témoins. Je reconnais le bien-fondé de cette proposition, mais le projet de loi n'a pas pour objet de modifier le périmètre du secret professionnel des médecins. Ces derniers ont la possibilité de faire des signalements lorsqu'ils constatent que leurs patients ont été victimes de telles pratiques, que ce soit en France, où elles sont interdites, ou à l'étranger.
Madame la rapporteure, la loi du 30 juillet 2020, qui vise à protéger les victimes de violences conjugales, a modifié l'article 226-14 du code pénal pour lever en partie le secret médical en cas de violences faites aux femmes. Il nous semble important de préciser explicitement que cette dérogation s'applique également aux cas de mutilations génitales féminines.
S'agissant de la loi du 30 juillet 2020, je rappelle qu'il nous a été très difficile d'aboutir à une rédaction satisfaisante. En outre, le texte limite la levée partielle du secret médical aux situations dans lesquelles la vie de la victime est exposée à un danger immédiat.
La commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS1328 de M. Éric Diard et CS1715 de Mme Constance Le Grip.
Nous proposons de compléter les dispositions de l'article 227-24-1 du code pénal – lequel punit tout individu qui, par « des promesses, des offres, ou […] des dons, présents ou avantages » voudrait infliger une mutilation sexuelle à un mineur ou inciter autrui à commettre sur un mineur une mutilation sexuelle – en sanctionnant également « les pressions ou contraintes de toute nature » exercées sur un mineur afin qu'il se soumette à une mutilation sexuelle ou sur autrui afin qu'il exerce sur la personne d'un mineur une mutilation sexuelle. Comment comprendre en effet que l'offre « avantageuse » incitant à la pratique sur un mineur d'une mutilation sexuelle soit condamnée, et non l'offre « désavantageuse » consistant dans des menaces ou des pressions ? Il s'agit là d'une incohérence majeure.
Encore une fois, il nous paraît important qu'au-delà de la volonté politique affichée, ce texte comporte des avancées législatives qui permettent de lutter plus vigoureusement contre les pratiques barbares d'un autre âge que sont les mutilations sexuelles féminines. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles n'ont pas leur place dans la République française.
Je comprends et je partage votre souci de protéger les mineurs contre les mutilations sexuelles. Toutefois, il me semble préférable de ne pas toucher au quantum actuel de la peine – cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende – qui paraît équilibré.
La commission rejette ces amendements.
Puis elle examine l'amendement CS162 de M. Raphaël Gérard.
Il s'agit de mettre fin aux mutilations sexuelles pratiquées dans le domaine médical en clarifiant le régime d'autorisation des opérations de féminisation aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme, telle que la résection du clitoris.
En effet, malgré le principe d'interdiction générale défini à l'article 16-3 du code civil, des professionnels de santé pratiquent, en invoquant des motifs psychosociaux, des actes chirurgicaux mutilants dans les premiers jours ou les premiers mois de la vie de petites filles qui présentent des organes génitaux atypiques. Ces opérations, pratiquées dans le seul but de conformer l'apparence esthétique des organes génitaux aux représentations traditionnelles du sexe féminin, portent atteinte à la dignité humaine et singulièrement à celle de la femme en niant son droit à l'autonomie. Ce n'est pas au corps des femmes de se conformer aux normes sociales, mais à la société de changer de regard sur le corps de ces femmes.
C'est pourquoi je propose que ces opérations ne puissent être réalisées qu'à la demande de l'enfant lui-même s'il exprime une souffrance psychologique. La mutilation des organes génitaux féminins ne peut pas être considérée comme un acte barbare lorsqu'on l'appelle excision et comme un acte médical lorsqu'elle est pratiquée dans un cadre hospitalier, en dehors de tout respect du droit.
Ayons le courage d'entendre les avis émis sur le sujet par l'Organisation des nations unies, la Cour européenne des droits de l'homme ou la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et le Comité consultatif national d'éthique.
La question a été abordée dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, où elle a davantage sa place. Soit les interventions de ce type sont interdites, et doivent être réprimées si elles sont réalisées, soit elles doivent faire l'objet d'une évaluation médicale, souvent pluridisciplinaire, après accord des parents et dans le cadre d'une prise en charge psychologique. Il est difficile de se prononcer sur cette question, qui relève davantage de l'éthique ou de la déontologie que de la loi.
Je partage l'attention que vous portez au sort des bébés qui ont subi des opérations dites de conformation sexuée. Dans le cadre de mes précédentes fonctions, j'avais d'ailleurs demandé à la DILCRAH de mener une réflexion sur cette question.
Cependant, celle-ci a été abordée lors de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, qui est toujours en cours. Par ailleurs, votre amendement risque d'alléger les peines d'ores et déjà prévues dans le code pénal. En effet, l'auteur d'une mutilation et le responsable de l'enfant mutilé peuvent être poursuivis pour des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Celles-ci sont punies, aux termes de l'article 222-9 du code pénal, d'une peine de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. L'article 222-10 du code pénal dispose que la peine d'emprisonnement encourue est portée à quinze ans si la mutilation permanente est commise sur un mineur de moins de quinze ans et à vingt ans si l'auteur est un ascendant ou un parent légitime, naturel ou adoptif ou toute autre personne ayant autorité sur le mineur. Quant à l'article 222-8 du code pénal, il dispose qu'elle est portée à trente ans si la mutilation a entraîné la mort sans intention de la donner.
Je suis donc circonspecte. Je partage votre préoccupation, même si l'on peut s'interroger sur le lien direct de cette question avec l'objet du projet de loi, mais votre amendement allégerait les peines prévues. Avis défavorable, donc.
Nous avons eu l'occasion de débattre, sur le fond, de cette question délicate et sensible dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Je suis plutôt favorable à l'amendement. Sur la forme, il me paraît très éloigné de l'objet du projet de loi, qui est de lutter contre les idéologies séparatistes et l'entrisme communautariste. Je m'étonne du reste que, contrairement à plusieurs centaines d'amendements, celui-ci ait échappé au couperet de l'article 45.
Il s'agit d'un amendement important, même si l'on peut se demander s'il a sa place dans ce projet de loi. Les interventions de ce type pratiquées à la naissance d'un enfant sont encore trop nombreuses. Beaucoup de pays européens ont une certaine avance sur nous en la matière. Je remercie donc notre collègue de mettre à nouveau le sujet sur la table, car il est urgent d'agir et d'envoyer un message très fort aux praticiens pour que cessent ces opérations.
Il ne faut pas mélanger les deux questions. L'article 21 bis du projet de loi bioéthique a pour objet de rappeler le cadre des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), d'obliger les médecins à informer les parents de l'accompagnement psychologique des enfants et de les soumettre à l'autorité d'une RCP nationale, seule compétente pour évaluer la nécessité médicale d'une intervention. L'amendement, quant à lui, tend à préciser que celle-ci doit être expressément choisie par l'enfant lui-même. Certes, les peines actuellement prévues sont plus élevées, mais des médecins ont déclaré encore le week-end dernier dans la presse que, tant que ces opérations n'étaient pas formellement interdites par le législateur, ils continueraient à y procéder. Ils s'abritent pour cela derrière la nécessité médicale, après avoir organisé des RCP au sein d'un seul service, qui défendent donc un point de vue unique. Encore une fois, en Afrique, l'ablation du clitoris, cela s'appelle une excision. Rappelons les principes républicains de respect du corps humain !
La commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS1687 de Mme Sonia Krimi.
Lorsqu'un médecin ou une sage-femme constate à l'occasion d'un examen médical qu'une femme enceinte a subi une mutilation de nature sexuelle, ils doivent pouvoir remettre à celle-ci une charte de protection de l'intégrité génitale de la femme, qui présentera le droit applicable en matière de protection du corps humain, notamment l'interdiction de toute forme de mutilation prévue par le code pénal, ainsi que les risques sanitaires encourus à l'occasion d'une mutilation génitale.
Les médecins ont déjà un devoir d'information, dont les modalités d'application relèvent moins de la loi que du pouvoir réglementaire, voire de la responsabilité des professionnels de santé.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1066 de M. Éric Coquerel et CS1438 de Mme Marie-George Buffet.
Je regrette que l'étude d'impact du projet de loi ne contienne pas davantage d'informations sur l'ampleur de la pratique condamnable des certificats de virginité, les modalités de leur délivrance ainsi que sur les auteurs des demandes et leurs raisons. Aussi proposons-nous que, dans un délai de trois mois, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur cette question, afin que nous soyons au moins informés a posteriori.
Il importe en effet que, sur les dérives très graves que sont les mariages forcés, les certificats de virginité, la polygamie ou les certificats médicaux de complaisance concernant des pratiques sportives – ces derniers font l'objet d'un amendement que nous examinerons ultérieurement –, nous disposions de données scientifiques qui nous permettent de prendre la mesure de ces phénomènes et d'alerter l'opinion sur leur réalité.
Il serait certes intéressant de disposer d'un diagnostic en la matière, mais on sait que ces données sont difficiles à établir, et je crains qu'elles ne le soient davantage encore une fois que ces pratiques seront interdites. Avis défavorable.
Je comprends votre proposition, mais il ne me paraît pas très cohérent de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, après la promulgation de la loi, un rapport sur l'ampleur du phénomène des certificats de virginité dont le texte vise précisément à interdire la délivrance. Je doute que les médecins qui enfreindront la loi le reconnaissent dans un questionnaire que leur adresserait le Gouvernement. Avis défavorable.
S'agissant, par exemple, de la délivrance de certificats de complaisance destinés à justifier l'absence aux cours de natation, l'éducation nationale doit pouvoir nous fournir quelques éléments statistiques de nature à nous éclairer sur l'ampleur du phénomène.
Il serait éventuellement plus intéressant que le Gouvernement étudie, dans l'année suivant l'application de la loi, le phénomène de substitution, c'est-à-dire le fait de se faire délivrer un certificat de virginité à l'étranger.
Madame Buffet, il me semble que l'amendement porte sur la délivrance de certificats de virginité et non sur celle de certificats d'allergie au chlore…
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS444 de Mme Perrine Goulet.
Lors de son audition, la Défenseure des droits a indiqué que la lutte contre les demandes de tests de virginité devait s'appuyer sur une véritable pédagogie nationale, tant à l'égard de la population que des personnels de santé. Aussi paraît-il souhaitable de dresser un état des lieux des dispositifs de sensibilisation et de formation existant dans ce domaine afin d'élaborer une stratégie nationale de formation et d'information sur ces agressions contre la dignité de la femme.
Défavorable. Encore une fois, le projet de loi vise à interdire la délivrance des certificats de virginité.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS1441 de Mme Marie-George Buffet.
La question des certificats dits de complaisance a été abordée avec les médecins que nous avons auditionnés. Ces derniers ont souligné que la délivrance d'un certificat médical relevait de leur responsabilité. S'agissant de l'allergie au chlore, elle peut être réelle ou non, mais ils ont évoqué également des problèmes liés à l'image que certains jeunes ont de leur corps ou des troubles psychologiques. Il est vrai que les certificats d'allergie au chlore sont fréquents, parfois au sein d'un même établissement. S'ils sont particulièrement nombreux et toujours libellés de la même façon, l'établissement peut éventuellement adresser un signalement au Conseil de l'ordre des médecins.
Nous avons besoin d'une enquête de prévalence sur la délivrance des certificats d'allergie au chlore, car beaucoup d'enseignants, notamment Iannis Roder, membre du conseil des sages de la laïcité, ont indiqué avoir constaté qu'à l'adolescence, de nombreuses jeunes filles devenaient allergiques à cet élément chimique… Néanmoins, il n'est pas permis de délivrer des certificats de complaisance ; des contrôles sont effectués. En tout état de cause, je ne crois pas qu'un rapport du Gouvernement soit la bonne solution. Je vous propose donc de retirer l'amendement, en prenant l'engagement de solliciter mes collègues, le ministre des solidarités et de la santé et celui de l'éducation nationale, pour qu'au niveau interministériel, une enquête de prévalence soit menée sur cette question.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1692 de Mme Sonia Krimi et CS1714 de Mme Constance Le Grip.
L'amendement CS1692 tend à permettre une connaissance plus fine de l'activité judiciaire en matière de mutilations sexuelles, pour combler une lacune soulignée notamment par la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
J'ai demandé précédemment la parole pour m'exprimer à propos d'amendements relatifs au même sujet, mais vous ne m'avez pas vue, monsieur le président… Je regrette qu'aucun des amendements tendant à faire part dans le texte de notre vive préoccupation devant la recrudescence des mutilations génitales féminines n'ait été adopté. Nous réessayerons. Je rappelle que plusieurs amendements émanant des différents groupes sont issus des travaux menés par notre ancienne collègue Valérie Boyer, désormais sénatrice, résolument engagée depuis très longtemps pour les droits des femmes et contre ces mutilations.
Mon amendement tend lui aussi à demander un rapport chiffré établissant un état des lieux. Vous connaissez très bien le sujet, madame la ministre ; nous attendons donc avec intérêt un bilan de l'application de votre plan national d'action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Elle aborde ensuite l'amendement CS813 de Mme Perrine Goulet.
Les violences faites aux femmes peuvent aussi survenir au moment de la maternité ou lors de rendez-vous médicaux. Parmi elles, le fameux « point du mari », pratiqué sur la mère après un accouchement pour l'épanouissement sexuel de son mari, est particulièrement choquant. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a émis en 2018 bon nombre de recommandations à ce sujet, dont l'adaptation du code de déontologie médicale. Celui-ci est d'ordre réglementaire : comme législateur, nous ne pouvons pas y toucher. Même si je sais que vous n'aimez pas les demandes de rapport, madame la ministre, je ne vois donc pas d'autre moyen de faire le point avec le Gouvernement sur l'article 7 de ce code : permet-il vraiment de lutter contre ces mutilations sexuelles aux conséquences très importantes pour les femmes ? Il devrait obliger le médecin à agir dans le respect de ce que demande la femme, et non en pensant à sa place.
C'est en effet par le biais du code de déontologie qu'il faut aborder ce problème. Si le médecin ne respecte pas le souhait de la patiente – et non celui du mari, car c'est à elle de donner son accord –, la pratique est répréhensible. Je doute qu'un rapport fasse avancer les choses, malheureusement.
Je suis entièrement d'accord avec Mme Goulet – j'ajoute que, d'après les témoignages, le « point du mari » ne répond souvent même pas à une demande du mari, mais résulte d'une initiative personnelle du médecin.
Toutefois, sans minimiser le moins du monde la gravité de l'acte – vous savez combien je suis impliquée dans la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales –, je ne peux prendre d'engagement à ce sujet dans le cadre du présent projet de loi, d'autant que la question ne relève plus de mes attributions directes. S'agissant notamment de la mise en œuvre du rapport sur ces violences que j'avais commandé au Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, il faudrait interroger le ministère des solidarités et de la santé. Je ne me défausse pas, je ferai l'intermédiaire avec plaisir, mais je n'ai pas autorité sur l'administration compétente.
Il en va de même du bilan du plan excision, que j'ai lancé dans le cadre de mes précédentes fonctions mais à propos duquel je ne peux désormais rendre compte que de ce qui est fait en matière de dépôt de plainte, de suivi, d'accompagnement et d'interventions de la police et de la gendarmerie, notamment concernant les femmes migrantes et étrangères.
Demande de retrait.
La commission rejette l'amendement.
Article 17 (art. 63 et 175-2 du code civil) : Renforcement de la lutte contre les mariages forcés ou frauduleux
La commission aborde l'amendement CS1102 de M. Alexis Corbière.
Le mariage forcé – un problème important – est déjà proscrit par la loi puisque celle-ci dispose que le consentement des futurs époux est libre et sincère. Il n'en est pas moins fréquent. Il est donc nécessaire d'agir.
Nous proposons par conséquent de compléter l'article à des fins de prévention, en permettant à l'officier d'état civil de s'entretenir séparément avec chacun des futurs époux pour leur rappeler ce qu'est un mariage forcé et les possibilités de l'annuler.
Le mariage forcé est une double peine : il est le début d'une vie de recluse – au féminin, car dans la quasi-totalité des cas ce sont les femmes qui le subissent –, mais aussi une source de violences conjugales.
L'entretien individuel prévu par le texte, comme l'entretien commun, a précisément pour but de détecter une absence de consentement et de donner des informations sur les notions de consentement et de nullité du mariage. Les pièces du dossier, les doutes qui subsistent, les éventuels signalements contribuent à alerter l'officier d'état civil sur les risques encourus. L'amendement est donc satisfait.
Nous proposons de mieux encadrer les entretiens et de les rendre plus précis : ils serviraient à rappeler les articles du code civil relatifs au consentement et à la possibilité d'annulation du mariage. Nous défendrons un autre amendement concernant les alertes aux associations.
Si je comprends bien, l'officier d'état civil peut actuellement demander un entretien préalable séparé, mais le projet de loi lui imposera désormais de le faire. Personnellement, j'ai toujours pratiqué des entretiens séparés, mais je vous prie de croire qu'il n'est pas facile de débusquer un mariage de complaisance et que, lorsqu'on est quasiment sûr d'en constater un, c'est un véritable parcours du combattant qui attend l'officier d'état civil auprès du procureur. J'ai en tête l'exemple d'une jeune fille mineure, déficiente mentale, soumise à un mariage manifestement de complaisance ; j'ai eu toutes les peines du monde à l'empêcher !
La disposition prévue ne suffira donc pas. Il faut agir bien plus fermement en prévoyant des pénalités beaucoup plus lourdes.
Je confirme. La plupart du temps, quand le maire téléphone au procureur pour lui faire part de ses doutes, le procureur répond : « Mariez-les, on verra après ! » Et l'on n'a jamais plus de nouvelles, parce que le parquet a autre chose à faire que de vérifier. L'officier d'état civil procède donc au mariage parce que le procureur le lui ordonne. Il faudrait qu'il prenne la responsabilité de ne pas le faire, mais il est compliqué de passer outre ! Les élus locaux, officiers d'état civil, devraient avoir cette latitude.
Nous sommes bien conscients de ces difficultés : les témoignages d'élus locaux dont nous disposons concordent avec les vôtres. La loi est donc fondamentale, notamment parce qu'elle permet aux élus de s'organiser et de se former. Toutefois, les dispositions prévues n'étant pas suffisantes, à la suite de nos entretiens avec l'AMF, Gérald Darmanin et moi-même avons décidé de travailler à des documents d'information et à d'autres moyens d'action publique qui ne figurent pas dans la loi. Ils permettront de mieux informer les officiers d'état civil, mais aussi – avec le Garde des sceaux – les procureurs, notamment du caractère urgent de leur intervention. On comprend que la mairie soit démunie quand elle ne reçoit pas de réponse cohérente et rapide à ses alertes.
La commission rejette l'amendement.
Elle est alors saisie de l'amendement CS1270 de M. Pierre-Yves Bournazel.
Nous soutenons l'action du Gouvernement contre les mariages blancs ou forcés, mais nous voulons lutter contre les dénonciations anonymes, qui, même circonstanciées, ne devraient pas être prises en considération par l'officier d'état civil parmi les éléments extérieurs pouvant nourrir ses soupçons. Ce n'est pas notre vision du vivre ensemble en société.
Il ne me semble pas possible, aux termes du texte, que l'officier d'état civil tienne compte d'éléments circonstanciés qui seraient d'origine anonyme : un signalement doit être nominatif pour être pris en considération.
Je soutiens l'amendement. Vous estimez qu'un élément anonyme n'est pas recevable, madame la rapporteure, mais le texte ne le dit pas ; il est donc bon de le préciser.
Si nous avons prévu la possibilité de tenir compte de signalements, c'est essentiellement pour répondre à la demande d'associations et d'organisations non gouvernementales qui suivent les jeunes filles et ne savent pas toujours comment alerter, ni si l'alerte sera prise en considération.
Quant à l'anonymat, je voudrais apporter une nuance : il existe différents types de signalements anonymes. Tout dépend du mode de signalement, de son contenu. Imaginons qu'il émane du petit frère ou de la petite sœur de la jeune fille, qui ne communique pas son identité de peur d'avoir des ennuis. La question doit donc être laissée à l'appréciation de la collectivité, de l'officier d'état civil puis de la justice. Ne détaillons pas la loi à ce point.
Je le répète, nous sommes attachés à l'article 17, mais nous voulons aller plus loin. N'autorisons pas la délation ; il y va de notre vision de la société. Vous donnez un exemple convaincant, madame la ministre, mais il existe beaucoup de contre-exemples où le signalement résulte d'un désir de vengeance ou d'une autre raison de vouloir empêcher le mariage.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient aux amendements identiques CS1025 de Mme Brigitte Kuster et CS1374 de Mme Constance Le Grip.
Pour mieux armer des maires parfois démunis face aux mariages forcés, l'amendement de Mme Kuster tend à permettre à l'édile de désigner un adjoint officier d'état civil qui sera référent en matière de détection de ces unions et à ajouter les mariages frauduleux à la liste des infractions dont la suspicion donne lieu à une saisine du procureur de la République par l'officier d'état civil. Je confirme d'expérience le témoignage de M. Pupponi sur la difficulté à être pris au sérieux par le procureur en pareil cas.
À la mi-journée, nous sommes convenus avec les représentants de tous les groupes que, pour que pouvoir débattre vraiment de certains sujets, il nous fallait nous abstenir par ailleurs de défendre longuement tous les amendements, surtout quand ils sont identiques, à plus forte raison quand ils sont issus du même groupe ! C'est du bon sens, et l'enjeu est le bon déroulement et la clarté de nos débats. Tout à l'heure, madame Le Grip, vous avez pris deux minutes pour défendre un amendement identique à celui d'un membre de votre groupe !
Dont acte, monsieur le président ; mais je ne crois pas avoir abusé de mon temps de parole depuis le début de nos travaux.
Je soutiens l'article 17, car il faut mieux lutter contre les mariages forcés. Mon amendement tend à améliorer de la même manière la lutte contre les mariages frauduleux, dits gris, contractés en vue d'obtenir la nationalité française.
En ce qui concerne la désignation d'un adjoint référent, on nous demande souvent de laisser les maires s'organiser en toute autonomie. Dans les faits, et selon la taille du conseil municipal, certains adjoints expérimentés choisissent souvent de s'occuper des entretiens ; laissons-leur ce choix.
En ce qui concerne les mariages frauduleux, ils sont couverts par le texte lorsque celui-ci cite l'article 146 du code civil : les mariages forcés ne sont pas seuls visés.
Madame la ministre, votre précédente proposition de solution est absolument inefficace : le problème n'est pas le manque d'information des élus, qui sont parfaitement au courant des procédures, mais l'absence d'outils juridiques à leur disposition.
Voici un exemple. On signale au procureur un soupçon de mariage frauduleux, parce que l'un des futurs époux est en situation irrégulière et que le mariage pourrait servir à régulariser cette situation. Il ne faut pas être grand devin, ni spécialiste, pour comprendre ce genre de chose… Et le procureur répond : « Madame le maire, ce n'est pas une raison pour empêcher le mariage ! »
J'ai vu des situations invraisemblables. Une femme de 75 ans, habitante de ma commune, voulait épouser un jeune Tunisien de 25 ans. J'ai appelé le consulat de France à Tunis ; voici ce que m'a répondu le consul : « Madame la députée, c'est à vous de changer la loi » – et de m'expliquer que 75 % des mariages unissant un Tunisien et une Française débouchent dans les deux ans sur une séparation, suivie d'un remariage, une fois le titre de séjour obtenu, avec une femme que l'on fait venir de Tunisie. C'est la réalité ! Il faut absolument s'y opposer avec lucidité.
Je me suis mal fait comprendre si vous avez entendu que je n'incriminais que le manque de formation des élus. Il me semble au contraire avoir souligné que – comme vous l'avez dit, ainsi que M. Pupponi et plusieurs membres du bureau de l'AMF que Gérald Darmanin et moi-même avons auditionnés – les élus, même convaincus, peuvent ne pas être suivis et, en particulier, ne pas recevoir de réponse du procureur.
Je tiens par ailleurs à dire qu'il y a aussi des mariages entre des Françaises et des Tunisiens qui se passent très bien, dans la joie et la bonne humeur !
La commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS445 de Mme Perrine Goulet.
Nous souhaitons la création d'une trame commune pour les entretiens individuels effectués par les élus préalablement au mariage. Une élue que nous avons auditionnée a fait état des disparités en la matière, qui conduisent les futurs époux à aller de commune en commune jusqu'à trouver la personne qui voudra bien les marier. Elle nous a également parlé des difficultés des nouveaux élus à se former.
Nous proposons donc la création d'un document unique qui permettra aux petites communes, moins sollicitées pour des mariages, d'appliquer les mêmes exigences que les grandes.
L'instruction générale prescrit non l'établissement d'un procès-verbal mais la rédaction d'un compte rendu d'entretien mettant en avant des éléments de réponse significatifs et qui servira de base à la communication au procureur de la République. Ce document doit être signé par les deux participants à l'entretien ; un éventuel refus de signer est mentionné.
Il ne s'agit certes pas d'une trame commune, mais cette dernière est plutôt de nature réglementaire. Les maires peuvent par exemple, à l'issue d'une formation, mettre des outils en commun. En Seine-Saint-Denis, un guide pratique fournit une aide à la réalisation de l'entretien. Tout cela ne relève pas de la loi.
Il me semble en effet de bon sens que les documents servant de support à l'entretien ne soient pas du domaine législatif.
L'amendement avait l'intérêt de permettre la création d'un petit questionnaire qu'il n'y aurait plus eu qu'à faire remplir, parapher et envoyer. Tout le monde n'a pas les mêmes possibilités d'organisation ni les mêmes moyens. Ma longue expérience de célébration de mariages me pousse à penser que c'est une bonne idée.
Madame la rapporteure, je ne parle pas d'un document à faire remplir par les futurs mariés. L'adjointe que nous avons auditionnée ensemble nous a bien expliqué que le traitement des dossiers n'était pas le même d'une commune à l'autre. Je ne dis pas qu'il faut faire figurer le document unique dans la loi, simplement qu'il convient d'y préciser que les entretiens individuels se fondent sur un tel document. Des dispositions équivalentes apparaissent par exemple dans le code de l'action sociale et des familles à propos de référentiels. Pourquoi pas ici ?
La commission rejette l'amendement.
La séance est levée à dix-neuf heures trente‑cinq.
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République
Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 15 heures
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Xavier Breton, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, M. Francis Chouat, Mme Fabienne Colboc, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Olivier Falorni, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Sacha Houlié, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Olivier Marleix, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. François de Rugy, M. Pacôme Rupin, M. Boris Vallaud, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - Mme Elsa Faucillon, M. Raphaël Gérard, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Monica Michel, M. Vincent Thiébaut