La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 17 à l'article 6.
Nous débattons depuis ce matin d'une question d'autant plus essentielle qu'elle concerne des personnes fragiles ; il est donc légitime que nos échanges soient riches.
Depuis 2017, nous nous efforçons aux côtés de Mme la secrétaire d'État Sophie Cluzel et à son initiative de défendre une politique de réformes volontariste pour des droits réels et une action publique plus efficace – je ne reviendrai pas sur la prestation de compensation du handicap (PCH), pour laquelle nous devons agir main dans la main avec les départements. Légiférer sans efficacité n'a pas de sens ; on empile des textes qui ne changent rien à la vie des gens.
Nous sommes attachés à la solidarité nationale et familiale, comme à la justice sociale. Aussi entendons-nous les attentes des couples concernés par l'allocation aux adultes handicapés (AAH) : dès le 1er janvier 2022, une hausse de l'AAH devrait bénéficier à 120 000 personnes, si nous adoptons l'article 43 du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, dont nous débattrons dès le 20 octobre prochain.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il s'agit là d'une mesure de justice sociale, contrairement au fait d'allouer 900 euros à des couples disposant de hauts revenus. Elle permettra, par exemple, à Karine, qui est fleuriste et gagne 1 276 euros par mois, et à Olivier, qui ne travaille pas et perçoit l'AAH, de toucher 187 euros supplémentaires, correspondant à l'AAH à taux plein.
C'est parce que cette évolution de l'AAH est une mesure de solidarité nationale et familiale, une mesure de justice sociale, que nous vous proposons cet amendement de suppression.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. Aurélien Pradié, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
Je suis personnellement défavorable à cet amendement de suppression de l'article 6.
En premier lieu, je ne peux que redire que votre méthode, consistant à déposer un amendement de suppression sur chacun des articles de la proposition de loi est proprement invraisemblable.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Quand on se comporte comme vous vous êtes comportés depuis trois semaines que nous travaillons sur ce texte et, singulièrement, depuis ce matin, on ne peut nous asséner, comme vous le faites, des protestations de bienveillance, de coconstruction, de dialogue ou que sais-je encore.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Il y a les paroles et il y a les actes ; vous ne voulez pas discuter de ce sujet, c'est une évidence.
Ensuite, madame la députée, il n'est nullement question, dans le PLF, d'une augmentation de l'allocation adulte handicapé…
…mais d'un abattement forfaitaire. Je veux bien que vous nous donniez en permanence des leçons de technicité mais, je suis navré, si vous ne voyez pas la nuance entre augmentation et abattement forfaitaire, vous n'avez, politiquement ou techniquement, pas grand-chose à nous apprendre.
Vous pensez que Mme Dupont ne maîtrise pas parfaitement les questions financières ?
Pour le reste, la justice sociale consiste à garantir l'indépendance de celles et ceux qui sont frappés par le handicap. Vous ne pouvez pas comparer la situation d'une personne en situation de handicap à celle d'un allocataire du RSA : ce sont deux situations différentes et qui exigent des mesures différentes ; l'une relève du handicap, l'autre d'une situation conjoncturelle.
L'idée même que, dans notre pays, le montant de l'allocation adulte handicapé, qui vient compenser l'absence de revenus du travail – puisque c'est personnes ne peuvent travailler –, soit conditionné aux revenus du conjoint, est insupportable ! Vous pourrez tourner autour du pot, vous pourrez avoir recours à tous les arguments possibles – nous avons eu le droit la dernière fois à l'argument informatique : selon la secrétaire d'État, nous ne disposons pas du logiciel adéquat –, la réalité, c'est que vous trouveriez intolérable que vos propres ressources soient conditionnées par celles de votre conjoint.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Caroline Fiat et Agnès Thill et M. Hubert Wulfranc applaudissent également.
Or c'est ce que vous imposez aux femmes et aux hommes en situation de handicap.
Au-delà de questions d'abattement, de mesures fiscales ou de montant de l'AAH, c'est une question de principe. Lorsqu'on fait de la politique et que l'on agit pour nos concitoyens, on doit avoir en tête le principe d'égalité autant que les considérations techniques. Rien ne peut justifier ni le sabotage de ce texte ni votre entêtement sur la conjugalisation de l'allocation adulte handicapé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, pour donner l'avis du Gouvernement.
Nous assumons le fait de donner plus à ceux qui en ont vraiment besoin.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est ce qui nous mobilise aujourd'hui. De façon pleinement responsable, nous nous tournons vers ceux qui en ont le plus besoin, avec une attention particulière pour les couples, afin qu'il n'y ait aucun perdant. C'est la raison d'être des mesures prévues dans le PLF, qui vont dans le sens de la justice sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la secrétaire d'État, puis-je me permettre de vous donner un conseil ? Vous êtes en train de vous faire mal politiquement et d'entraîner votre majorité dans la même galère. Vous avez beau vous défendre en arguant que les oppositions n'ont pas agi lorsqu'elles étaient au pouvoir, ce que l'histoire retiendra, c'est que vous n'avez rien fait, alors que vous en aviez la possibilité.
Vous vous faites mal politiquement, car l'opinion ne voit que votre entêtement à vous dresser vent debout contre tout le monde : contre la société civile, les associations, les collectifs, les élus… Vous êtes toute seule dans cette galère face à des gens qui ont le sentiment que vous n'avez pas compris ce que veulent les familles qui vivent avec le handicap.
Ces familles aspirent à sécuriser l'avenir de leurs proches handicapés,…
C'est exactement ce que l'on fait !
…en particulier lorsqu'il s'agit d'un enfant : malgré les progrès réalisés grâce à une école plus inclusive, grâce à un accès facilité à la formation et à l'emploi, les parents vivent encore dans une inquiétude pénible.
Pour la dignité des enfants handicapés et pour la dignité des familles, il est temps que vous changiez votre fusil d'épaule.
Je l'ai dit, nos débats sont parfaitement légitimes. Nous développons nos arguments et entendons les vôtres. Certes, nous avons un point de désaccord, mais cela ne nous empêche pas d'avancer. L'abattement forfaitaire qui sera adopté dans le cadre du PLF révolutionne l'AAH.
C'est une avancée d'autant plus pertinente qu'elle répond à votre souci de sécuriser et de consolider la situation des bénéficiaires de l'AAH.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 67
Contre 40
L'amendement n° 17 est adopté. En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Nous arrivons quasiment aux termes de nos débats, et une grande partie des Français concernés par cette proposition de loi doivent être profondément déçus de voir ce texte, pensé avec et pour eux, vidé de toute sa moelle jusqu'à ne plus exister, puisque vos seuls amendements consistaient à demander la suppression de chaque article, l'un après l'autre. Ils seront donc déçus, mais aussi déconcertés par certains propos tenus.
L'article 7 est rédigé de manière à ce qu'il n'y ait aucun perdant, madame la secrétaire d'État, puisque tel est votre souci. J'entends que la majorité défende son bilan mais n'est-ce pas aux personnes en situation de handicap de juger de ce qu'il y a de mieux pour elles ? Accepterions-nous que notre revenu baisse parce que le Gouvernement aurait décidé que les revenus de notre conjoint sont plus que suffisants ?
La majorité clame qu'elle ne votera pas ce texte par cohérence, mais par cohérence avec quoi ? Parce que le groupe LR et les groupes d'oppositions sont, eux, cohérents avec ce qu'ils observent sur le terrain, l'article 7 propose une prolongation transitoire des modalités de calcul actuel de l'AAH pour les ménages perdants – estimés à 44 000 – suite à la déconjugalisation proposée. Ces ménages continueraient donc à bénéficier de l'ancien calcul, car nous voulons que cette loi ne fasse aucun perdant, car tous méritent les mêmes droits, la même justice sociale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Madame Dupont, dire que l'empilement des textes législatifs n'a pas de sens, c'est manquer de respect pour nos travaux et pour notre rôle.
Madame la secrétaire d'État, vous nous parlez d'autonomie, de justice sociale et de respect ; vous êtes contente et fière de tout ce que vous avez fait, mais je n'aurai qu'un exemple : aujourd'hui, l'agence régionale de santé concernée vient de décider que, en Ardèche, me semble-t-il, où l'on manque de personnel, ce seraient les condamnés à des travaux d'intérêt général (TIG) qui s'occuperaient des résidents des EHPAD. Voilà le résultat de votre action !
À ce stade du débat, je tiens, au nom du groupe communiste, à remercier M. le rapporteur pour cette proposition de loi qu'il a défendue avec beaucoup de précision et beaucoup d'engagement. Nous nous sommes totalement retrouvés dans son contenu. Nous nous y sommes à ce point retrouvés que nous vivons un remake, si je puis dire, de notre niche parlementaire du 17 juin dernier, durant laquelle nous avons enduré la même obstruction de la part de la majorité.
S'il y a un seul contre-exemple à opposer à cette majorité de marbre, ce sont ces propos que j'ai entendus : « Au nom de la justice sociale, comment pourrions-nous autoriser le versement de quelque 900 euros à une personne handicapée si son époux en gagne 4 000 ou 5 000 ? » Eh bien, cela est absolument inaudible, et c'est un communiste qui vous le dit, en compagnie d'un gaulliste.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR. – Mme Caroline Fiat et M. Jean-Louis Bricout applaudissent également.
Nous en venons à l'amendement de suppression n° 18, sur lequel je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Cloarec-Le Nabour, pour le soutenir.
L'article 7 reprend le dispositif, adopté par le Sénat lors de la première lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, créant un droit d'option de dix ans pendant lequel les bénéficiaires pourraient choisir d'opter pour une allocation conjugalisée ou déconjugalisée. En effet, comme le note le rapport de la Haute Assemblée sur ce texte, la déconjugalisation ferait 44 000 « perdants », pour la plupart des couples dont le bénéficiaire percevant l'AAH travaille et dont le conjoint dispose de faibles revenus. Une telle réforme irait donc à l'encontre de l'objectif d'insertion dans l'emploi des personnes handicapées.
Le droit d'option, quant à lui, serait une source de complexité supplémentaire pour les bénéficiaires de l'AAH qui devraient à nouveau s'interroger lors de chaque évolution de leur situation familiale. Ce système à double vitesse ne tiendrait pas compte de l'évolution de la situation conjugale des personnes. Il entraînerait une inégalité de traitement entre les bénéficiaires actuels et les nouveaux entrants, contraire au principe de justice sociale.
Enfin, la mise en œuvre opérationnelle d'un tel système en l'absence de toute concertation sur sa faisabilité avec les caisses d'allocations familiales et les acteurs concernés est très incertaine. C'est la raison pour laquelle le groupe La République en marche demande la suppression de cet article.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je tente de vous suivre ; évidemment, comme je n'ai pas votre niveau de technicité, c'est un peu laborieux.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Voilà déjà plusieurs fois que vous nous indiquez légitimement que la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé va faire des perdants ; sur ce point, il serait peut-être bon de donner quelques chiffres – tous les chiffres. En effet, la déconjugalisation pourrait faire 44 000 perdants. Mais il serait tout aussi utile d'indiquer combien nous faisons de gagnants – cet aspect est toujours absent de vos propos. Or ils seraient 196 000.
La déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé permettrait donc de faire près de 200 000 gagnants et, je le reconnais, en raison d'un effet de bord, 44 000 perdants.
Il se trouve que ce dernier point a été parfaitement identifié par les partisans de la déconjugalisation – qui n'ont pourtant pas votre niveau technique –, à commencer par notre collègue Jeanine Dubié. D'ailleurs, toutes les réformes conduites en matière d'allocations sociales ont suscité des perdants, raison pour laquelle des mécanismes de transition ont chaque fois été prévus. C'était notamment le cas lors de la création de la PCH : le législateur avait prévu un dispositif permettant d'assurer sur dix ans la transition avec le système précédent. Il en est de même ici, avec le régime transitoire que le Sénat a proposé d'instaurer : les 44 000 personnes susceptibles d'être lésées par la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé se verraient octroyer un droit d'option leur permettant de conserver jusqu'en 2031 le bénéfice du dispositif historique.
Depuis le début, vous dites que la déconjugalisation va faire des perdants.
Mais lorsque l'on vous propose une solution pour l'éviter, vous voulez supprimer l'article.
Je ne dois pas avoir un niveau intellectuel suffisant pour le comprendre, pardonnez-moi !
Mme Caroline Fiat applaudit.
Enfin, je voudrais corriger les mots que je viens d'employer, car j'ai toujours du mal à considérer qu'il y a des gagnants ou des perdants. Il faut mesurer ce dont nous parlons, c'est-à-dire d'une allocation de 900 euros mensuels à taux plein ; je ne suis pas sûr que le fait de permettre à nos concitoyens d'obtenir quelques centaines d'euros supplémentaires fasse d'eux des « gagnants » ! La déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé permettra à tous nos concitoyens en situation de handicap de bénéficier d'un statut plus digne et d'une indépendance financière – c'est un mot que vous ne prononcez pas, alors qu'il est fondamental. Nous vous faisons une proposition inspirée du travail du Sénat et de celui de nos collègues pour repêcher tout le monde ; vous refusez cette solution. Franchement, si ce n'est pas de l'entêtement et du blocage parlementaire, c'est que je n'y comprends rien.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.
Être en situation de handicap n'est pas un statut, monsieur le député.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – M. le rapporteur proteste.
Si, vous avez parlé de statut. Ce sont des citoyens ; respectons-les, s'il vous plaît.
L'article fait 44 000 perdants. Où est votre valeur travail ? Je pensais que c'était la valeur des Républicains. Vous faites perdre de l'argent à des personnes qui travaillent et qui sont le soutien de leur famille. Je le répète : où est la valeur travail ?
Ce n'est pas une façon de traiter les personnes en situation de handicap. Arrêtons de les regarder avec misérabilisme en disant qu'elles ne peuvent pas travailler alors que c'est le cas de plus de 44 000 d'entre elles. Avec la déconjugalisation, elles seraient perdantes ; avec ce que nous proposons dans le projet de loi de finances, personne n'est perdant.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Chers collègues, je veux bien accéder aux quatre demandes de prise de parole, mais les orateurs ne disposeront que d'une minute chacun.
La parole est à Mme Véronique Hammerer.
En tant que législateur, nous avons la responsabilité de rendre la loi applicable. Concernant le droit d'option proposé à l'article 7, je voudrais que l'on me donne un exemple d'allocation existante pour laquelle on laisse à l'usager le choix entre celle-ci et une autre, plus avantageuse. Techniquement parlant – je suis désolée de parler de technicité, mais le législateur que je suis doit être responsable et n'a pas envie de mentir au citoyen –, est-ce vraiment possible ?
« Oh ! » sur les bancs du groupe LR.
Manifestement, il n'y aura pas de vote final, le texte ayant été totalement vidé de sa substance. En tant qu'orateur du groupe Les Républicains venu en soutien à la proposition de loi d'Aurélien Pradié, j'ai beaucoup de fierté d'avoir soumis à l'examen de nos collègues des propositions très concrètes sur la PCH, sur l'AAH, et peut-être plus encore de constater nos divergences et nos désaccords de fond avec vous. Chacun devra assumer sa position sur ce texte concernant les réponses que nous souhaitons apporter aux hommes et aux femmes en situation de handicap.
J'ai entendu dire que l'abattement fiscal qui sera proposé dans quelques jours dans le projet de loi de finances serait une mesure révolutionnaire. Mais ce qui aurait été révolutionnaire, c'est le vote, dès aujourd'hui, de la déconjugalisation ,
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR – Mme Agnès Thill applaudit également
et non du baratin, des mesures techniques ou des décisions reportées ! Par votre faute, nous sommes passés à côté d'une belle occasion.
Mêmes mouvements.
Je voudrais faire deux remarques. La première, c'est que le montant de l'allocation adulte handicapé, même à taux plein, est toujours en deçà du seuil de pauvreté ; par conséquent, ne tenons pas de propos outranciers sur le pouvoir d'achat.
Deuxièmement, quelle que soit leur sensibilité politique, toutes les associations, absolument toutes, demandent l'individualisation de l'allocation adulte handicapé. C'est une question de dignité. La seule comparaison que l'on puisse faire – à la lumière de laquelle je ne comprends par pourquoi la majorité s'entête à vouloir faire ce qui apparaît comme un contresens historique et éthique –, c'est avec le milieu des années 1960, à l'époque où les femmes ne pouvaient pas ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari. Cela a existé dans notre pays, et ce n'est pas si vieux ! Le parallèle que font les associations, c'est que la conjugalisation de l'AAH rend l'allocataire totalement dépendant de son conjoint ou de sa conjointe. C'est une atteinte à la dignité humaine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
À l'issue de ce débat qui a été mouvementé, souffrez que nous n'ayons pas philosophiquement la même idée que vous.
J'entends vos arguments, et je n'interviens pas pour prétendre que vous avez tort. Mais nous considérons que la déconjugalisation que vous proposez va assigner à résidence des personnes qui n'aspirent qu'à une chose, c'est de travailler afin d'entrer dans la société.
Mme Christine Cloarec-Le Nabour applaudit.
Deuxièmement, je trouverais injuste – et je m'étonne que les communistes puissent approuver une telle mesure – que des familles aux revenus substantiels dont un membre est porteur d'un handicap touchent l'allocation adulte handicapé alors que d'autres en ont plus besoin qu'elles.
En outre, une disposition importante sera proposée dans le cadre du projet de loi de finances. Ce sont deux philosophies qui s'opposent ; ne nous en veuillez pas, nous avons le droit de défendre la nôtre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 78
Contre 53
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 1 portant article additionnel après l'article 7.
Le montant de l'allocation adulte handicapé est passé de 800 à 900 euros, ce qui vous fait jouer les grands seigneurs ; c'est vrai, c'est bien, notamment pour les bénéficiaires seuls et sans autres ressources. Pour les autres, ils verront avec leur conjoint, puisque le débat est plié – avec des arguments technocratiques plus que de principe, il faut le dire.
Je note toutefois que cette augmentation ne leur permet pas de dépasser le seuil de pauvreté, soit 60 % du revenu médian. Par ailleurs, l'augmentation annuelle prévue à l'article L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale a été très faible : 3 % en 2020 et 0,1 % en 2021. Les hausses dont vous vous prévalez sont donc bien loin de compenser les effets de l'inflation.
Pour en finir avec ces atermoiements, nous proposons de porter le niveau de l'AAH à celui du salaire minimum – quel que soit, bien sûr, le revenu du conjoint.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement prévoit un rapport sur le niveau de l'allocation adulte handicapé. Je n'ai pas d'avis défavorable ; un avis de sagesse me semble mieux inspiré.
J'en profite pour éclairer ma collègue qui s'inquiétait de l'existence, dans notre droit, d'un droit d'option entre deux prestations. Avant 2005 et la création de la prestation de compensation du handicap, il existait une autre prestation, l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il demeure encore aujourd'hui un droit d'option entre les deux régimes.
Ce que vous pensiez techniquement inaccessible existe donc dans notre droit depuis 2005. Il ne semble pas que cela ait posé le moindre problème.
Mme Caroline Fiat applaudit.
En effet, nous devons maintenant appliquer la disposition prévue par le PLF pour augmenter le pouvoir d'achat des allocataires vivant en couple ; ils toucheront en moyenne plus de 110 euros par mois. Nous pourrons à ce moment-là évaluer le gain pour tous et pour chacun. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Il a également pour objet une demande de rapport, puisque la procédure parlementaire nous empêche de le déposer comme un amendement direct.
Il s'agit du relèvement de l'âge maximal pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap. En 2016 déjà, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales préconisait de le porter à 65 ans, mais il n'a pas été suivi d'effet, malgré l'allongement de la durée de vie qui nous impose de repenser la distinction entre ce qui relève du handicap et ce qui relève de la vieillesse. Fixer ce seuil à 65 ans nous semblerait une évolution souhaitable et normale.
Avis favorable. Chacun comprend qu'à ce stade, nous n'avons que la possibilité de demander des rapports. Mais le sujet que vous évoquez, celui de pouvoir solliciter cette prestation après 60 ans, est un sujet majeur. J'en profite pour saluer votre engagement personnel sur cette question depuis de nombreuses années. Si ce sujet est aujourd'hui en débat – et encore pour encore quelques semaines, si j'ai bien compris –, c'est aussi grâce à votre implication.
L'articulation entre la PCH et l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. C'est tout l'enjeu des travaux engagés avec les départements autour de la cinquième branche, consacrée à l'autonomie. Nous y travaillons. Avis défavorable.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Il a pour objet une demande de rapport, puisque c'est la seule façon dont nous pouvons, dans le cadre de ce débat, appeler l'attention de tout le monde sur un enjeu essentiel : celui de la prestation de compensation du handicap destinée aux enfants. Ce sujet est un angle mort des politiques publiques. Je le redis, madame la secrétaire d'État : il ne suffit pas de reconnaître de façon grandiloquente les difficultés que nous connaissons en matière d'accompagnement, car cela fait près de dix ans que nous identifions le problème sans chercher à le résoudre.
Lorsque l'on bénéficie de l'AEEH, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, on a la possibilité – c'est à nouveau un droit d'option – de choisir entre le complément à l'AEEH ou la PCH. L'articulation entre les deux pose des difficultés. Nous en revenons à ce qui a été au cœur des débats ce matin – et je regrette que certains n'aient pas voulu l'entendre : les critères d'éligibilité à la prestation de compensation du handicap. Ils ont été définis en se référant à la vie d'un adulte, à partir de considérations telles que les déplacements au sein du logement ou pour se rendre au travail, mais ne sont pas adaptés à celle des enfants. Tout cela doit être revu ; à défaut de pouvoir le faire maintenant, nous voulions vous alerter sur ce sujet.
Nous sommes bien conscients des ruptures de parcours qui entravent sans arrêt la vie des familles, des enfants et des adultes. En aucune façon nous nions que nous devons nous améliorer. C'est pour ça que j'ai lancé le comité stratégique, créé par décret le 29 juin 2021. Il se réunira le 21 octobre pour installer les deux groupes de travail consacrés à l'amélioration de la compensation pour les enfants et à un autre sujet majeur, les sources de ruptures de parcours en matière de transport. Longtemps, nous avons fait des transports une politique à part ; nous devons améliorer la fluidité des capacités de transport pour les enfants et les adultes. Ces deux groupes de travail sont placés sous l'égide de la DGCS (direction générale de la cohésion sociale) et de la délégation ministérielle à l'accessibilité. Il est donc encore trop tôt pour demander un bilan de leur action : laissons-les travailler avec l'ensemble des partenaires, au premier rang desquels les départements, mais aussi les régions. Je suis donc défavorable à l'amendement.
L'amendement n° 11 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement de suppression n° 20.
En cohérence avec la suppression des autres articles de la proposition de loi, il vise à supprimer le gage.
Ce sera mon ultime intervention, puisque l'opération de sabotage entreprise par le groupe La République en marche nous aura empêchés d'avoir ne serait-ce qu'un vote final sur ce texte.
Je voudrais adresser des remerciements d'abord aux collègues de mon groupe politique et à son président Damien Abad pour avoir choisi d'aborder à nouveau cette thématique au cours de cette niche parlementaire. Je voudrais ensuite remercier l'ensemble des groupes politiques d'opposition, qui ont accepté de travailler avec un collègue qui ne fait habituellement pas partie de la même équipe de foot.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – MM. Christophe Castaner et Bruno Studer protestent.
Sur de tels sujets, il n'y a pas de clivage politique qui vaille, malgré le spectacle auquel nous avons assisté depuis ce matin. Je suis convaincu qu'un grand nombre de vos déclarations sont incompréhensibles pour nos concitoyens. Je ne comprends pas comment vous pouvez vous satisfaire, sur des sujets aussi essentiels, de répondre « groupes de travail », « études action » ou « fiches action ».
Mme Nathalie Bassire applaudit.
Si en 2005 nos prédécesseurs, au Gouvernement comme dans cette assemblée, avaient eu, la même pudeur, le même regard de marbre, nous n'aurions jamais avancé. En réalité, ce courage politique qui, en 2005, a permis de transformer la société, vous n'en avez pas un dixième.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Enfin, je suis toujours perturbé de vous voir si fiers au moment même où vous venez de saboter une occasion de faire avancer des droits. J'imagine même que, dans quelques instants, vous allez applaudir à tout rompre : chacun trouve sa fierté où il peut.
Merci à nos collègues d'avoir permis que ce débat vive ici ; nous en sommes fiers et nous resterons au rendez-vous aussi longtemps que nécessaire.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
L'amendement n° 20 est adopté.
L'ensemble des articles ou des amendements portant articles additionnels ayant été rejetés ou supprimés, la proposition de loi est rejetée.
Huées sur les bancs des groupes LR et FI.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Robert Therry visant à lutter contre la disparition des abeilles (n° 4445).
L'abeille, c'est la vie ! Il est courant de prêter à Albert Einstein la citation selon laquelle « si les abeilles disparaissaient, l'homme n'aurait plus que quatre ans à vivre ». Si la paternité de ce propos demeure discutable, le fait n'en est pas moins incontestable : oui, l'abeille est indispensable à toute vie humaine.
Elle l'est d'abord parce que l'abeille est une véritable sentinelle de l'environnement. Elle est en effet le principal agent pollinisateur des écosystèmes. Or vous le savez comme moi, la pollinisation est une action essentielle pour la fécondation d'un grand nombre de plantes, elles-mêmes essentielles à la vie. Ainsi, dès lors que plane une menace sur l'abeille, tous les écosystèmes sont en réalité menacés, ainsi que la diversité de la flore, elle-même source de diversité de la faune sauvage. L'abeille a donc un effet sur la biodiversité.
Mais tâchons de ne pas oublier qu'elle est également une infatigable ouvrière : elle récolte le pollen et fabrique le miel, la cire, la gelée royale, la propolis. Ces denrées sont autant de sources de richesses naturelles pour la filière apicole et pour notre pays. Au cœur de la filière agricole, souvenons-nous que les abeilles créent de nombreux emplois. Ce marché est considérable : de façon très factuelle, il est estimé que la pollinisation des abeilles et des autres insectes pollinisateurs génère mondialement chaque année près de 130 milliards d'euros d'activité !
La contribution des abeilles à la recherche scientifique est également importante. En effet, en tant qu'espèce domestiquée, l'abeille permet d'étudier le comportement des insectes et de mesurer toujours plus précisément leur impact sur l'environnement. Vous l'aurez compris, l'abeille joue un rôle moteur et indispensable dans de nombreux domaines.
En tant qu'apiculteur professionnel – le seul sans doute dans cet hémicycle –, je suis hélas confronté quotidiennement au déclin des populations d'abeilles depuis la fin des années 1970. Leur mortalité s'est d'ailleurs accélérée au cours des années 1990. De nombreuses raisons structurelles peuvent expliquer cette disparition progressive des ruches. J'en citerai quelques-unes. La première réside dans l'utilisation par l'agriculture intensive d'insecticides neurotoxiques – dans l'attente de solutions alternatives. Cette pratique entraîne de nombreuses pertes d'abeilles, provoquant la mort des colonies en quelques heures.
Mais comme l'ont remarquablement écrit des responsables d'associations et de syndicats d'apiculteurs, la France ne doit plus opposer l'apiculture à l'agriculture, car ces alliées ne peuvent se passer l'une de l'autre. La pollinisation, c'est en quelque sorte un partenariat gagnant-gagnant entre l'agriculteur, qui a besoin des abeilles pour ses productions, et l'apiculteur, qui a besoin de fleurs pour ses abeilles. Il est indispensable que ces deux acteurs continuent à dialoguer.
La deuxième raison est à trouver dans la forte exposition des abeilles à des maladies naturelles comme la loque américaine, qui attaque le couvain, la nosémose, la fausse teigne, voire l'Aethina tumida, le petit coléoptère des ruches apparu récemment. On peut également citer dans ce registre le Varroa destructor, un acarien visible à l'œil nu qui s'est transmis de l'abeille asiatique à l'abeille européenne. Il représente depuis les années 1970 un véritable fléau. En effet, il s'attaque aux abeilles et aux larves, les rendant infirmes et incapables de travailler. Heureusement, des thérapies naturelles existent et les apiculteurs s'attachent à les appliquer, même si elles sont très onéreuses.
Une troisième raison réside dans la carence de nourriture provoquée par la disparition des haies et d'une multitude de fleurs sauvages. On peut citer aussi les conséquences chaque année grandissantes du changement climatique, qui menace la survie de nombreuses colonies et rend les récoltes de plus en plus aléatoires. En France, l'année 2021 a été particulièrement calamiteuse en ce qui concerne la météo : gels tardifs, pluies régulières et importantes, insuffisance de la floraison. La production de miel a baissé de 80 à 90 % par rapport à 2020 ; pour éviter que leurs abeilles ne meurent de faim, les apiculteurs achètent déjà du sirop pour les nourrir, ce qui constitue encore une dépense très importante.
Néanmoins permettez-moi, comme apiculteur, d'être très franc avec vous. Parmi toutes les menaces, le frelon asiatique constitue désormais la plus grande. Introduite accidentellement en 2004 par le commerce international avec la Chine, Vespa velutina, nouvelle sur notre sol, est très rapidement devenue une prédatrice redoutable : en vol stationnaire devant la ruche, elle capture l'abeille, la sectionne et l'emporte pour en nourrir ses larves. Des milliers de colonies sont ainsi dévorées.
Aussi la lutte contre ce frelon doit-elle être une priorité absolue. Je me réjouis que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ait constitué début 2021 un groupe de travail au sein de la direction générale de l'alimentation (DGAL), plus précisément au sein du conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV), pour lutter contre ces insectes. Je salue aussi les initiatives plus individuelles, comme celle de mon collègue apiculteur de Bretagne, Denis Jaffré, qui a mis au point un piège à frelon efficace, qu'il faut développer.
Les frelons prolifèrent hélas partout. À la campagne comme en ville, et même à Paris. Laissez-moi à ce propos vous raconter une anecdote, ou plutôt un fait révélateur. Vous le savez, trois ruches ont été installées sur les toits de l'Assemblée nationale. À peine arrivé au Palais Bourbon – il m'arrive de dire « bourdon »
Sourires sur les bancs du groupe LR
–, je suis bien sûr allé visiter nos abeilles parlementaires. Le 22 juillet dernier, j'ai participé activement à la récolte du miel, dont notre président Richard Ferrand avait également souhaité être acteur. Mais, sur les trois ruches, l'une avait été complètement décimée par des frelons asiatiques qui s'étaient installés au beau milieu du jardin des Quatre-Colonnes ! Je vous rassure, leur nid a bien sûr été détruit depuis. Heureusement, car la piqûre du frelon asiatique est très douloureuse, voire mortelle dans certains cas. J'ajoute qu'hier après-midi, j'ai tué un frelon dans le même jardin.
Nous sommes pris dans une sorte de cercle vicieux, qu'il nous faut à tout prix rompre. En effet, la pénurie d'abeilles se traduit par une production de miel moindre. En temps normal, c'est-à-dire lorsque la météo est correcte et non calamiteuse, comme elle l'a été ces derniers mois, la France ne produit que 40 % du miel consommé par les Français : 60 % doivent être importés, majoritairement de Chine, d'Amérique centrale et d'Europe. Ces importations à bas prix ne sont pas toujours de bonne qualité, détruisent l'équilibre de l'économie apicole et contribuent, elles aussi, à la disparition des exploitations apicoles en France et donc des abeilles.
Il est urgent de déployer un plan national de reconstitution et de développement du cheptel apicole français. Certaines organisations apicoles suggèrent par exemple la création de stations régionales de multiplication et de diffusion d'essaims d'abeilles et de reines, comparables à des pépinières. Cette piste me semble intéressante.
Il faut également faire attention à certaines décisions politiques : le Parlement européen envisagerait – j'insiste sur le conditionnel – de durcir la législation sur l'huile essentielle de lavande, pourtant tellement utile et bénéfique depuis toujours. Évitons d'ajouter aux fléaux naturels un autre désastre, qui menacerait directement les apiculteurs de Haute-Provence et le réputé miel de lavande, ainsi que les agriculteurs producteurs de cette plante magnifique.
Toutes les calamités que je viens d'énumérer rapidement menacent l'abeille qui est désormais, on peut le dire, une espèce en voie de disparition. Près de 30 % des colonies d'abeilles meurent chaque année. La survie des abeilles dans ces conditions n'est possible que grâce au travail acharné des apiculteurs. Ils ne peuvent cependant demeurer isolés dans ce combat.
L'avenir des abeilles et de l'apiculture mérite la plus grande attention et la mobilisation de tous. Il appartient à notre responsabilité collective de maintenir, pour les générations futures, une biodiversité à laquelle les abeilles contribuent de façon déterminante. C'est d'ailleurs le sujet choisi par l'auteur français Bernard Werber pour son dernier roman, La Prophétie des abeilles, qui montre que nous sommes dépendants de cet insecte.
Promouvoir la sauvegarde des abeilles est une nécessité absolue. Tel est l'objectif principal de cette proposition de résolution qui veut inviter le Gouvernement à déclarer la sauvegarde des abeilles grande cause nationale en 2022. Au-delà du symbole, ce cadre permettrait de prendre des mesures concrètes, rapides et ciblées, et de mobiliser l'ensemble des parties prenantes dans la lutte contre la disparition des abeilles. Dans cet esprit, la présente proposition invite le Gouvernement à réfléchir à l'élaboration d'un plan national de lutte contre le frelon asiatique, menace particulièrement importante.
Pour l'avenir de nos écosystèmes, de notre biodiversité, de nos apiculteurs, de nos agriculteurs et de nos enfants, je vous demande, s'il vous plaît, de voter cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
La proposition de résolution présentée par Robert Therry et visant à lutter contre la disparition des abeilles doit mobiliser chacun d'entre nous. Nous ne pouvons que soutenir une telle démarche, tant la préservation de ces pollinisateurs est essentielle. Les abeilles assurent 80 % de la pollinisation et donc de la reproduction des plantes à fleurs, et ce sont jusqu'à 90 % des espèces végétales à fleurs qui dépendent uniquement des insectes pollinisateurs. Ainsi, 75 % de nos ressources alimentaires, fruits, légumes, oléagineux, dépendent de leur action fécondatrice. Enfin, sur le plan financier, toutes données confondues, l'extinction des abeilles coûterait près de 2,9 milliards d'euros à la France.
L'état de santé des abeilles est un indicateur de la qualité de leur environnement et donc du nôtre. Pourtant, depuis la fin des années 1970, nous assistons à leur anéantissement, de manière très inquiétante ; dans certaines régions de Chine, les abeilles ont même complètement disparu. En France, près de 15 000 apiculteurs ont cessé leur activité en dix ans et près de 30 % des colonies d'abeilles disparaissent chaque année.
Les raisons en sont multiples, mais deux d'entre elles sont particulièrement identifiables : l'utilisation d'insecticides par l'agriculture intensive et les dégâts causés par le frelon asiatique. Concernant la première, le plan Pollinisateurs lancé par le Gouvernement devrait permettre de réviser l'arrêté de 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs. L'objectif est de n'utiliser sur les cultures en floraison et sur les zones de butinage que des produits dont l'évaluation des risques confirme qu'ils sont peu dangereux pour les abeilles. En outre, ces produits ne pourront être appliqués qu'en dehors de la présence d'abeilles et, dans le cas général, entre deux heures avant le coucher du soleil et trois heures après son coucher.
Ensuite, il est indispensable que la France reste mobilisée en faveur de l'évolution au niveau européen des méthodes d'évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les pollinisateurs. En juin dernier, nous avons avancé dans ce domaine, grâce à la définition d'un objectif très strict de protection des abeilles domestiques ; nous devons poursuivre et mieux prendre en considération les pollinisateurs sauvages. Profitons de la présidence française à l'Union européenne pour obtenir des progrès dans ces domaines.
Le frelon asiatique constitue un second sujet d'inquiétude. Il est chaque année la cause de près de 30 % de la mortalité des colonies d'abeilles. Des produits chimiques, du type biocides, sont d'ores et déjà utilisés contre lui. Ce n'est pas suffisant. Dès 2013, la profession apicole avait demandé une dérogation pour utiliser le dioxyde de soufre (SO
En voulant inciter le Gouvernement à réfléchir à l'élaboration d'un plan national de lutte contre le frelon asiatique, la présente proposition de résolution s'inscrit dans la logique déjà amorcée. Elle réaffirme l'intérêt et l'importance de la question. C'est une des raisons pour lesquelles le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés la soutiendra. J'ajoute enfin qu'une telle réflexion ne pourra faire l'économie d'une analyse approfondie de la filière miel française. Celle-ci mérite d'être mieux structurée et nos apiculteurs méritent d'être protégés de la concurrence étrangère. L'Europe ne produit aujourd'hui pas assez de miel pour subvenir aux besoins de ses consommateurs et en importe environ 40 % de pays tiers. Or la concurrence, majoritairement chinoise, propose un miel de moindre qualité, évidemment beaucoup moins cher. Le Gouvernement et le Parlement devront étudier cette piste. En attendant, je réitère le soutien du groupe Dem à cette proposition de résolution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Depuis le milieu des années 1990, nous assistons impuissants à la disparition d'environ 300 000 ruches par an ; la perte de populations d'abeilles atteint 25 à 30 % chaque hiver. Ces chiffres effrayants sont révélateurs d'un dérèglement important de l'écosystème, dont les abeilles sont parmi les premières victimes. Or leur extinction révèle le lien indéfectible qui lie l'humain à l'environnement : grâce à la pollinisation, les abeilles contribueraient à 75 % de la production alimentaire mondiale ; 60 à 90 % des plantes sauvages ont besoin d'insectes pollinisateurs pour se reproduire. La contribution des abeilles à la vie humaine – à la vie sur Terre – est inestimable, Le cas des abeilles illustre parfaitement le concept « une seule santé », issu de l'épidémiologie, qui promeut une approche intégrée et unifiée de la santé humaine, animale et environnementale, c'est-à-dire une approche globale du vivant.
En révélant l'extrême fragilité de nos sociétés, la pandémie de covid-19 a mis en lumière notre degré d'interdépendance. Alors que 80 % des maladies émergentes proviennent du monde animal et sont liées à l'environnement, l'épidémiologie est à l'origine d'une révolution des savoirs, qui oblige à repenser ensemble écologie et santé, biodiversité et climat, sécurité alimentaire et commerce international. Nous avons besoin d'un nouveau pacte avec la nature. La survie des abeilles se trouve à l'intersection de tous ces enjeux.
La présente proposition de résolution en témoigne d'une certaine manière, en énumérant les multiples causes de la diminution des populations d'abeilles : insecticides, dérèglement climatique, maladies, arrivée du frelon asiatique. Face à cette multitude de facteurs, nous ne pouvons pas baisser les bras ; nous devons agir rapidement et résolument. Il est donc regrettable de nous contenter d'un texte de résolution sans valeur contraignante, qui revient à présenter devant notre assemblée des paroles mais aucun acte concret. Nous aurions préféré débattre d'un texte législatif, sur lequel nous aurions pu proposer des amendements relatifs à la cessation de l'usage des produits phytosanitaires, à l'accompagnement des agriculteurs, au soutien du secteur apicole. Mais pour l'instant, il convient de constater que les actes ne sont pas en adéquation avec les paroles, ce dont le vote autorisant à utiliser de nouveau des insecticides qu'on appelle dans le langage commun « tueurs d'abeilles » constitue l'exemple le plus flagrant.
Depuis maintenant presque cinq ans, sur la question de la préservation du vivant, il y a, d'un côté, les annonces de l'exécutif, et, de l'autre, la réalité d'un bien maigre bilan : l'engagement non tenu sur la sortie du glyphosate, le statu quo annoncé sur la PAC (politique agricole commune), le fait que les organismes chargés de la mise en œuvre des politiques de biodiversité soient en sous-effectifs.
Pourtant, sur la question de la biodiversité, les attentes de nos concitoyens sont fortes : ils sont nombreux à se mobiliser pour la protection du vivant. Ainsi, l'initiative citoyenne européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs » plaide pour la suppression progressive des pesticides de synthèse et pour un accompagnement renforcé des agriculteurs. Elle a obtenu plus d'un million de signatures, ce qui obligera la Commission européenne à étudier ses propositions. Une action en justice inédite a été lancée contre l'État français pour manquement à ses obligations de protection du vivant, au nom du principe de précaution sur l'usage des pesticides les plus dangereux pour notre santé et pour notre environnement. Et n'oublions pas la chlordécone qui a empoisonné les Antilles ! Lors du congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Président de la République a reconnu que la France n'allait pas suffisamment vite pour réduire l'usage de tels produits.
L'exigence de notre temps commande de passer de la parole aux actes concrets. Souvenez-vous, Albert Einstein disait que « si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité n'aurait plus que quatre ans devant elle ». Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de cette proposition de résolution, qui invite le Gouvernement à déclarer la sauvegarde des abeilles « grande cause nationale 2022 » : il s'agit du minimum que l'on puisse faire pour une espèce qui façonne la vie de notre planète depuis 100 millions d'années, et qui, nous l'espérons, continuera à le faire pour les 100 millions d'années à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous débattons trop peu souvent, au sein de notre assemblée, des questions de la biodiversité et des abeilles. Rappelons que l'abeille a toujours été très présente dans l'histoire de notre beau pays, la France. Elle a été le symbole des rois mérovingiens et également celui choisi par Napoléon, comme attribut de la force et de la renaissance éternelle : cet animal, qui réussit non seulement à faire vivre sa propre colonie, mais aussi tout son écosystème, nous fascine.
L'espèce, plus que jamais menacée, est pourtant essentielle pour notre agriculture. Les pollinisateurs font travailler, en France, 55 000 apiculteurs, qui entretiennent plus d'un million de colonies. Les deux tiers des aliments que nous consommons sont le fruit direct ou indirect de la pollinisation, donc des abeilles. Profitons de ce débat et de cette tribune pour rappeler les moyens mis en œuvre pour lutter contre leur déclin – un drame qui se joue depuis plusieurs années.
En effet, notre pays connaît, chaque année, une perte d'abeilles de l'ordre de 30 %. Ce ne sont malheureusement pas les seules : tous les pollinisateurs et plus génralement tous les insectes sont concernés. L'éradication de l'abeille est déjà à l'œuvre dans certains pays, du fait de l'usage intensif de produits toxiques en agriculture, au point que les agriculteurs pourraient être amenés à polliniser manuellement, comme c'est déjà le cas en Chine.
Car les abeilles et les pollinisateurs sont essentiels à la reproduction de nombreuses plantes. Des études montrent que 40 % de la valeur économique agricole est directement liée au niveau de pollinisation. Nous devons donc agir collectivement, au niveau national et au niveau européen, pour stopper cette extinction de masse.
Les pesticides n'expliquent pas, à eux seuls, le déclin des abeilles. Les maladies, l'appauvrissement des sources d'alimentation, l'invasion du frelon asiatique sont autant de phénomènes qui les mettent en danger. Les élus locaux, nous le savons, sont très engagés dans la lutte contre la prolifération de ce dernier. Nous devons bien évidemment encadrer leur action.
Ces enjeux, nous les connaissons tous, et le Gouvernement n'a pas attendu la présente proposition de résolution pour agir et pour proposer des solutions. Dans la continuité des mesures engagées au niveau européen, notamment de l'approche « One Health, une seule santé », un plan national d'actions en faveur des pollinisateurs a été lancé. Il est prolongé par le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation, annoncé par le Gouvernement en août 2020 suite à la dérogation sur les néonicotinoïdes, et dont l'objectif est d'enrayer le déclin des abeilles grâce à une approche globale. Il permettra également de mieux comprendre l'origine du déclin des pollinisateurs, tout en privilégiant les bonnes pratiques en matière d'agriculture et en améliorant la santé de nos ruches. Nous attendons beaucoup de ce plan, qui devrait s'appliquer dans les prochaines semaines : madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous en préciser les détails ?
Cependant, sur ce sujet, nous ne saurions nous contenter de raisonner au niveau national : il nous faut également agir au niveau européen afin de trouver des solutions à la fois efficaces et qui ne pénalisent pas un pays par rapport aux autres, car les abeilles ne connaissent pas les frontières. Les questions de la préservation de la biodiversité et des pollinisateurs seront-elles mise en avant dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, au premier semestre de 2022 ?
Nous devons éviter d'opposer l'agriculture, l'apiculture et les pollinisateurs, tous victimes de ce fléau, mais au contraire les réconcilier et les accompagner afin de prévenir les conséquences pour notre agriculture d'une disparition des abeilles. Le groupe Agir ensemble – sensible au sort de nos amies les abeilles, comme le sont l'ensemble des personnes présentes dans cet hémicycle – votera donc en faveur de la proposition de résolution et soutient pleinement l'action du Gouvernement sur cette question.
Tout d'abord, nous souhaitons remercier le groupe Les Républicains de consacrer une partie de sa journée d'initiative parlementaire à la situation des abeilles, nous rappelant, si besoin était, la fragile situation de ces hyménoptères. Au sein de cet hémicycle, nous ne pouvons qu'évoquer le caractère mythique et politique de cet être vivant. On ne peut compter les récits, les représentations, les fictions et les fables qui mettent en scène les abeilles, liées à l'homme depuis des milliers d'années.
La place occupée par l'abeille dans l'imaginaire populaire lui vient de ses caractéristiques propres, notamment sur le plan politique : c'est un animal social, dont la vie s'inscrit dans celle de la collectivité à laquelle il appartient ; c'est un animal guerrier, qui sait se battre pour défendre son habitat, ses ressources et sa progéniture ; c'est un animal, enfin, dont la communauté est organisée hiérarchiquement autour d'une autorité unique. C'est donc sans surprise qu'elle fut associée à différents régimes politiques de notre histoire, de Childéric Ier , fondateur de la dynastie mérovingienne, à l'empire napoléonien.
Les progrès de la science nous ont aussi renseignés sur son rôle essentiel dans la chaîne alimentaire et le maintien de la biodiversité. Les abeilles sont indispensables et garantissent, grâce à la pollinisation, la reproduction des espèces végétales. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) a ainsi estimé qu'elles assurent un tiers de l'alimentation mondiale, un service environnemental évalué à 153 milliards d'euros par an.
Néanmoins, ces insectes connaissent, depuis vingt ans, une chute de leur population, qui touche la production de miel, divisée par deux en France. Les causes d'un tel cataclysme sont multiples et plutôt bien identifiées : l'utilisation de produits phytosanitaires, dont les néonicotinoïdes, qui sont nuisibles aux abeilles ; la diffusion de maladies et de parasites ; l'introduction accidentelle du frelon asiatique depuis quinze ans, qui décime les colonies ; les pratiques d'une minorité d'apiculteurs, peu respectueux du bien-être des abeilles ; la standardisation des espèces d'abeilles, dont la diversité biologique faiblit ; la monoculture intensive, qui fragilise les sources d'alimentation des abeilles ; le changement climatique, qui bouleverse l'ensemble des écosystèmes.
En tant que députée d'un territoire vulnérable au changement climatique et à l'érosion de la biodiversité, je suis particulièrement sensible à ce sujet. Ainsi, à titre personnel, je n'étais pas favorable au texte sur les néonicotinoïdes adopté l'an dernier. Face à un constat édifiant, la présente proposition de résolution est animée de bonnes intentions, même si elle ne propose pas de solutions concrètes. Déclarer la sauvegarde des abeilles « grande cause nationale 2022 » peut être utile, mais seul un travail de long terme pourra inverser durablement la situation et nous devons collectivement nous y employer.
Le texte a néanmoins le mérite de sensibiliser le grand public à la cause des abeilles et à la lutte contre le frelon asiatique, ce qui passera notamment par une sensibilisation de toutes et de tous à l'ensemble des petits gestes possibles en faveur des abeilles : construction d'abris à insectes, culture de certaines plantes, tontes moins fréquentes.
Nous avons soutenu des solutions concrètes et réalistes, comme l'amélioration de l'étiquetage du miel pour défendre les revenus des apiculteurs et lutter contre les importations de faux miels. Nous soutenons aussi le rétablissement des haies bocagères dans le monde rural, pour favoriser la biodiversité. Nous proposons également de nous inscrire dans le cadre européen – socle idéologique de l'UDI –, afin d'engager un plan d'actions concerté sur tout le continent, car les espèces invasives, les parasites, les maladies, même animales, ne connaissent pas les frontières.
Nous n'échouerons pas, nous n'en avons pas le droit, au risque de devoir recourir à des armées de travailleurs agricoles pour assurer une pollinisation manuelle, à l'image de la Chine, ou de devoir investir dans des flottes de drones miniatures, comme les États-Unis envisagent de le faire. Pour toutes ces raisons, face à l'urgence de la situation, le groupe UDI et Indépendants votera en faveur de la proposition de résolution.
Je jouerai la trouble-fête… On connaissait « Martine à la ferme », « Martine fait du camping », « Martine à la mer ». On découvre, grâce à vous, « Les Républicains s'essaient à l'écologie ». Ce serait presque touchant, si vous n'aviez quelques efforts à faire en la matière.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.
Au vu de la présente proposition de résolution, il est clair que le Républicain n'est pas là dans son habitat naturel… Il est égaré en terre inconnue. Il faut donc aller sur le terrain de l'écologie petit à petit, un pied après l'autre, pour ne surtout pas le brusquer.
La présente proposition de résolution se donne pour ambition de lutter contre la disparition des abeilles, mais attention, mollo ! Je me réjouis que tous les députés s'apprêtent à adopter le présent texte, mais sachant qu'il y a un an pile, ils avaient voté majoritairement pour le retour des pesticides tueurs d'abeilles, il y a là une incroyable hypocrisie !
La proposition de résolution invite donc le Gouvernement à déclarer la sauvegarde des abeilles « grande cause nationale 2022 ». Commode. Si l'on en juge par le sort réservé à l'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, on peut supposer que le Gouvernement ne fournira ni engagement particulier, ni moyens supplémentaires.
Petit à petit, vous dis-je !
Le texte encourage le Gouvernement à réfléchir à l'élaboration d'un plan de lutte national contre le frelon asiatique : vous l'invitez aimablement à penser, vous lui suggérez une idée, vous stimulez son imagination – mais le contraindre, ça, jamais !
Vous êtes, collègues, attachés à la comparaison du réel et de la nature avec une valeur marchande, au prétexte que l'homme disposerait de ce qui l'entoure comme d'une chose. Selon cette logique, la pollinisation des abeilles est traduite en valeur chiffrée : 130 milliards d'euros chaque année, vous rendez-vous compte ? Sans ce calcul, nous n'aurions pas saisi l'ampleur de la catastrophe, l'effondrement de la biodiversité ne justifiant pas en elle-même une alerte… Vous nous dites, en somme, que se priver des abeilles revient à se priver d'un juteux pactole.
Attendez quelques secondes : un plan de sauvegarde des abeilles ? C'est étrange, je ne crois pas me souvenir d'une mobilisation fougueuse, dans les rangs des Républicains, à l'occasion du vote qui réautorisait l'usage des pesticides tueurs d'abeilles : la plus grande partie de votre groupe s'était prononcée en faveur de ce projet de loi – sans même parler de la majorité macroniste, qui l'avait massivement accepté.
Il est cependant particulièrement savoureux de vous voir ainsi donner une leçon d'écologie au Gouvernement. J'ignore ce qui est le plus honteux pour la Macronie : est-ce d'avoir contribué à détruire nos écosystèmes en réautorisant les pesticides tueurs d'abeilles, dangereux pour la qualité des sols et de l'eau et pour la santé humaine, dans un contexte où 37 % des colonies d'abeilles ont été décimées en quelques années au sein de l'Union européenne, et où 85 % de nos cultures sont mises en péril en l'absence de pollinisateurs ?
Non, je ne sais pas quel est le plus honteux entre cela et le fait que c'est maintenant le groupe Les Républicains qui rappelle aux néolibéraux qu'il faut sauvegarder la biodiversité. Ne le prenez pas personnellement, collègues, mais reconnaissez qu'à part inscrire la protection de l'environnement dans la Constitution, vous n'avez pas spécialement opéré votre mue écologique.
Nous partageons au moins une intuition : il est nécessaire de protéger la biodiversité. En revanche, ce que vous omettez soigneusement de dire, c'est que l'agriculture intensive utilise largement les pesticides, et contribue ainsi à la surmortalité des abeilles : une tonne de néonicotinoïdes peut tuer 150 000 milliards d'abeilles. Ce type d'agriculture favorise la monoculture,…
…épuise les sols et concourt au développement des parasites, des ravageurs et de maladies – vous le savez, les premières victimes de l'agriculture intensive sont les agriculteurs eux-mêmes.
Contrairement à ce que vous dites, il existe des solutions alternatives. Prendre la question écologique au sérieux nous conduit inéluctablement à opérer la bifurcation de notre modèle agricole. Nous pouvons investir massivement dans l'agriculture biologique et paysanne et créer 300 000 emplois paysans. La commande publique doit servir à développer ce type d'agriculture, et non l'agro-industrie chimique. Nous devons revaloriser le métier de paysan, qui ne se limite pas à l'usage de machines ou de pesticides. Il nous faut imposer un moratoire sur l'artificialisation des sols, limiter les marges de la grande distribution qui se gave sur les petits paysans et instaurer des prix planchers pour sortir nos agriculteurs de la pauvreté.
Et puisque vous parlez des abeilles, relisez les vingt ans d'études scientifiques qui prouvent la dangerosité des pesticides, leur rémanence dans les sols et dans les nappes phréatiques, leur dispersion sur toutes les cultures, y compris sur les plantes et la flore sauvage. Et la prochaine fois, votez en cohérence.
Je ne crois pas vous livrer un secret en vous disant que ce n'est pas avec ce texte que nous sauvegarderons quoi que ce soit de la biodiversité, ou que nous ferons face au dérèglement climatique. Mais je prends note de vos premiers pas dans le domaine de l'écologie ; je salue cette tentative, et déplore que la majorité et le Gouvernement s'achètent ainsi une bonne conscience à peu de frais.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
D'un mot, je voudrais regretter la position froide et technocratique qui nous a été opposée tout à l'heure sur un sujet aussi humain que l'AAH.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous avons donné du miel aux populismes. Et ici, c'est une ruche : il y a la reine – la présidente –, les butineuses, quelques frelons asiatiques… Je ne filerai pas la métaphore plus longtemps.
Sourires.
Une menace plane sur nos ruches. En vingt ans, le taux de mortalité des abeilles est passé de 5 % à 30 %. Cette disparition, loin d'être anodine, nous inquiète.
Les chercheurs du laboratoire de l'INRAE d'Avignon, spécialistes en matière de pollinisation, sont formels : 84 % des espèces de plantes à fleurs qui sont aujourd'hui répertoriées sur la Terre ont besoin des abeilles. En Europe, ce sont 85 % des plantes cultivées qui ne survivraient pas sans la pollinisation qu'assurent les butineuses.
Les pollinisateurs sont un des maillons indispensables à l'équilibre de nos écosystèmes. Sans abeilles, c'est la fin des fleurs qui se profile. Sans abeilles, c'est la flore et la faune qui disparaissent peu à peu. Sans abeilles, c'est la biodiversité qui est mise à mal, et avec elle l'avenir de l'humanité.
Nous le savons : un monde sans pollinisateurs n'est pas envisageable. D'autres ont déjà rappelé la phrase d'Einstein. Oui, notre planète brûle !
Dans mon territoire, comme dans d'autres, les viticulteurs l'ont bien compris et ont installé de nombreuses ruches sur des corridors écologiques ; ils sortent de la chimie.
Tout l'enjeu aujourd'hui est donc de savoir pourquoi les butineuses sont en déclin, et comment les protéger. Plusieurs causes sont avancées : le dérèglement climatique, les difficultés de gestion des ruches, la menace du frelon asiatique ou encore celle du varroa.
Mais le problème principal, nous le connaissons. Ce sont les pesticides, notamment ceux de la famille des néonicotinoïdes.
Je ne referai pas ici le débat autour de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Je me contenterai de rappeler que la majorité du groupe Libertés et territoires avait voté contre la réintroduction des néonicotinoïdes, quand bien même celle-ci serait limitée dans le temps. Pas moins de 1 222 études ont prouvé la dangerosité de ces produits : ils empoisonnent durablement nos sols et tout ce qui y pousse – avec ou sans fleur, d'ailleurs. Ils polluent nos nappes phréatiques. Ils affectent aussi la faune et en particulier les pollinisateurs. La mortalité dans les colonies d'abeilles a été multipliée par six. Nous cherchions les responsables du déclin des butineuses : les voilà !
Je ne minimise pas, pour autant, la menace que représente le frelon asiatique. Il a envahi aujourd'hui presque tout le territoire national, et une majorité des apiculteurs français sont confrontés à son action néfaste sur les ruches. C'est un véritable fléau ! Je comprends et partage les inquiétudes des apiculteurs qui constatent, année après année, l'incidence grandissante de ce prédateur. Nous assistons désarmés à un véritable effondrement des colonies.
Malgré les alertes des apiculteurs à propos de la menace représentée par ce nuisible, qui ont été lancées tôt, trop peu est fait pour lutter contre sa prolifération. Il y a bien quelques initiatives locales, mais pas de réelle coordination de la lutte au niveau national ni de moyens spécifiques. Nous attendons que le plan Pollinisateurs permette enfin de dégager les sommes nécessaires à l'éradication de cette calamité.
Il est également nécessaire de s'attaquer à une autre cause, plus structurelle, du déclin des abeilles : la perte de biodiversité. Les pollinisateurs ont besoin d'une large diversité de plantes mellifères pour se maintenir en bonne santé : le recours accru à la monoculture, et plus globalement l'érosion de la biodiversité, leur portent préjudice. Là aussi, la politique de restauration et de préservation de nos ressources naturelles se doit d'être plus ambitieuse. Le projet de loi de finances pour 2022 esquisse un premier pas en ce sens ; il faudra aller plus loin et agir sur le long terme.
Il est également urgent d'accompagner nos apiculteurs en cette période difficile. Quelques chiffres que je vous jette en pâture : en 1995, 33 000 tonnes de miel ont été produites en France ; en 2000, nous sommes tombés à 18 000 tonnes, et en 2021, moins de 10 000 tonnes auront été produites, en raison d'un climat défavorable, donc d'un manque de nourriture pour les abeilles. Madame la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, comment entendez-vous soutenir nos apiculteurs ?
Le groupe Libertés et territoires, conscient de la place prépondérante qu'occupent les abeilles au sein de notre écosystème, et convaincu de la nécessité de les préserver, votera cette proposition de résolution. Mais nous souhaitons aller plus loin et nous appelons le Gouvernement à déployer rapidement le plan Pollinisateurs.
Belle et utile résolution ! Et tout a été dit par notre collègue Robert Therry, suivi par les orateurs qui se sont déjà exprimés. La majorité, le Gouvernement se saisiront-ils de cette belle et utile résolution ?
Nous l'avons dessinée ; vous vous en saisirez.
C'est là en effet, à bien y regarder, une formidable niche – que dis-je, une ruche électorale offerte au président qui nous gouverne, à ce président si friand de telles occasions en cette période. Imaginez les fabuleuses images offertes aux médias : le monarque – je ne parle pas du papillon –, au creux des vallées ou sur les pentes de nos contreforts, entourés d'essaims tout habillés de blanc, allant défendre l'ouvrière, la combattante, et la reine elle-même, faisant ensemble ainsi leur miel et récoltant la gelée royale !
Sourires.
Et armez-vous d'une armure, car ennemi il y a : ce migrant invasif, le frelon asiatique. Votre armure est certes cabossée, quelque peu éventrée, des batailles que vous avez perdues à force de ne pas les mener. Il s'agit des pestes que vous laissez encore courir dans nos champs, dans nos bois, dans nos pâtures.
Mais puisque guerre il doit y avoir, le monarque doit en prendre la tête.
Oui, monsieur Therry, votre résolution est belle et utile, née sans doute à l'aurore et morte peut-être au crépuscule – vous l'aurez cependant fait vivre, ce que vivent les roses, à moins que nous n'entendions Mme la secrétaire d'État Bérengère Abba essaimer jusqu'à nous, jusqu'à vous, le doux murmure de son approbation.
Sourires.
Oui, tout a été dit, et cette résolution sera votée à l'unanimité. Elle nous emporte, c'est vrai, sur le chemin des abeilles ; mais cette grande cause nous renvoie également à des questions politiques majeures, que vous avez abordées aussi, et dont nous reparlerons plus avant, notamment dans des débats politiques moins consensuels.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC. – M. Bruno Millienne et Mme Maud Petit applaudissent également.
Je me réjouis de prendre la parole dans cet hémicycle : la protection des abeilles est un enjeu qui me tient à cœur, et éminemment d'actualité.
Soyez assurés que, si l'enjeu peut encore paraître mineur à certains, il nous concerne toutes et tous. Pour illustrer son caractère central pour nos modèles économiques comme pour notre environnement, je crois nécessaire de convoquer quelques chiffres : 35 % de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes ; près de 90 % des plantes à fleurs dans le monde dépendent, au moins en partie, de la pollinisation par les insectes ; 70 % des cultures dépendent de la pollinisation ; 40 % de la valeur économique agricole est directement liée au niveau de pollinisation ; en France, près de 55 000 apiculteurs entretiennent 1 360 000 colonies.
Malgré la multitude de services écosystémiques que nous rendent les abeilles, leur mortalité en hiver est de 20 % à 30 %. Vous l'aurez compris, nous sommes confrontés à un défi environnemental, sanitaire, sécuritaire, économique et social majeur.
Les causes de ce déclin, nous les connaissons de longue date. La première d'entre elles, ce sont les effets néfastes de notre agriculture intensive sur les écosystèmes et en particulier sur les pollinisateurs. Viennent ensuite le dérèglement climatique, les activités humaines et l'exploitation des territoires modifiant les milieux et le fonctionnement des écosystèmes, les dangers biologiques, les prédateurs et parasites, entre autres. Parmi ces derniers, les frelons asiatiques, prédateurs majeurs des colonies d'abeilles, sont présents sur le territoire français depuis 2003 et prolifèrent de manière inquiétante depuis.
Face à ce déclin préoccupant, nous ne sommes pas restés inactifs. Dès 2017, lors des états généraux de l'alimentation, la nécessité d'adopter des modes de cultures davantage respectueux des écosystèmes a été soulignée. L'atelier n° 1, dédié à la qualité environnementale de notre alimentation, l'atelier n° 11, dédié à la transition écologique du secteur agricole, ou encore l'atelier n° 14, dédié à la performance environnementale du secteur, se sont tous attelés à dégager des solutions concrètes permettant de protéger nos écosystèmes. La loi EGALIM, votée en 2018, a ainsi consacré notre volonté d'accroître la qualité de notre modèle alimentaire, la transition agroécologique étant essentielle à la notion de qualité.
En juin dernier, notre ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, et notre ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, ont lancé de façon conjointe une consultation publique nationale en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation. Le plan Pollinisateurs contiendra des mesures ambitieuses pour la protection des habitats et la restauration des services écologiques rendus par la pollinisation.
Je salue tout particulièrement le travail fourni dans ce cadre.
Encore plus récemment, la loi climat et résilience a réaffirmé la nécessité d'opérer une transition agroécologique rapide et efficace, en luttant contre les dérèglements à venir mais également en s'adaptant à ces bouleversements. En cela, les pollinisateurs constituent un levier majeur de notre capacité d'adaptation, le secteur agricole ne pouvant s'en passer.
Plus généralement, il s'agit d'assurer l'intégrité des écosystèmes et de la biodiversité, sans laquelle la vie humaine ne peut perdurer.
Enfin, le frelon asiatique figure désormais dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes, adoptée en 2016 par l'Union européenne. Des opérations de lutte inscrites au code de l'environnement sont à l'œuvre depuis cette date. En 2018, un arrêté a inscrit le frelon asiatique sur la liste des espèces réglementées. Nous agissons donc à l'encontre de sa prolifération et continuerons de le faire.
C'est dans ce contexte législatif et réglementaire que nous examinons une proposition de résolution à l'initiative de notre collègue Robert Therry du groupe Les Républicains, laquelle rappelle ces enjeux et propose deux mesures : inviter le Gouvernement à déclarer la sauvegarde des abeilles grande cause nationale 2022 et l'encourager à réfléchir à l'élaboration d'un plan national de lutte contre le frelon asiatique.
Au vu du contexte que je viens de présenter, nous conviendrons toutes et tous du caractère systémique de l'action de protection des populations de pollinisateurs. Aussi les deux mesures proposées n'interviennent-elles qu'en complément de l'ensemble des actions que nous avons déployées depuis le début de notre mandat. Elles ne traduisent qu'une vision partielle de cette problématique qui exige des adaptations au sein de l'ensemble des secteurs économiques possédant un impact sur le déclin observé.
Mais force est de constater que les deux mesures proposées par la proposition de résolution font écho à une urgence. La perception de cette urgence est désormais transpartisane, quasi consensuelle, et je m'en réjouis. C'est pourquoi je voterai pour cette proposition de résolution, qui traduit un engagement écologique grandissant de la représentation nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Comment ne pas être d'accord avec cette proposition de résolution ? Vous avez raison, chers collègues du groupe Les Républicains, l'abeille, c'est la vie ! Et l'abeille est un symbole aussi. En cette année du bicentenaire de Napoléon, je me plais à rappeler qu'il l'avait choisie pour orner ses armoiries.
Malheureusement, cet insecte est en danger : depuis quelques années, la population d'abeilles est en très forte diminution et, dans certaines zones, elles disparaissent totalement. Les principaux chiffres ont été rappelés ; permettez-moi d'en choisir quelques-uns parmi les plus parlants : les populations d'abeilles domestiques chutent chaque année de 30 % en France. En Europe, elles ont diminué de 25 % entre 1985 et 2005, et certains avancent des chiffres supérieurs. Ces derniers hivers, la mortalité des populations d'abeilles a pu atteindre 53 % dans certains pays.
En France, la production annuelle de miel est passée d'environ 35 000 tonnes au début des années 1990 à environ 15 000 tonnes aujourd'hui, soit une diminution de plus de 50 % sur cette période. Si la production est en chute libre, la consommation de miel est très stable : elle s'élève à environ 40 000 tonnes par an, ce qui signifie que nous importons de divers pays de l'Union Européenne, mais aussi de Chine ou d'Argentine, plus de la moitié du miel que nous consommons. Ce miel importé est souvent moins cher, mais aussi de moindre qualité. Interrogeons-nous sur ce constat.
Bref, il est temps de prendre le problème à bras-le-corps. L'abeille contribue à la reproduction de 80 % des espèces de plantes à fleurs, ce qui en fait une alliée nécessaire à nos écosystèmes et notre agriculture. Là encore, comme vous l'avez dit, cher Robert Therry, il est grand temps de cesser d'opposer apiculteurs et agriculteurs. Nous devons relever ensemble ce défi dont les enjeux sont si importants.
Parmi les nombreux prédateurs de nos si utiles abeilles, il en est un qui est particulièrement dangereux : le frelon asiatique, qui s'attaque principalement aux ouvrières des ruches. Introduit accidentellement en France dans les années 2000, il a très vite colonisé et détruit les ruches, malheureusement sans susciter aucune réaction des responsables politiques pourtant alertés de cette menace grandissante.
À Béziers, la ville possède ses propres ruches et, chaque année, nous organisons la fête du miel qui rencontre toujours un vif succès. Toutefois, bien entendu, cela ne suffit pas. S'il est important d'agir au niveau local, car il existe dans ce domaine aussi des gestes qui sauvent comme planter des espèces mellifères, consommer du miel local, parrainer une ruche, à l'évidence cela ne suffit pas et il faut agir rapidement au niveau national et même européen, tant les conséquences de la disparition des abeilles seraient désastreuses.
Le plan national mis en œuvre par le Gouvernement en faveur des insectes pollinisateurs, sorte de feuille de route pour contrer la disparition accélérée de ces indispensables insectes, a été présenté le 11 juin dernier. Il porte sur la période 2021-2026 et rassemble des mesures pour restaurer les habitats de ces insectes, améliorer la disponibilité de leurs ressources alimentaires ou encore restaurer les services écologiques rendus par la pollinisation. Malgré ces quelques avancées, ce plan reste insuffisant et il est malheureusement en dessous des attentes des apiculteurs : selon les organisations apicoles, c'est un coup d'épée dans l'eau.
Il est donc grand temps de réunir autour de la table les différents acteurs, à commencer, bien sûr, par nos agriculteurs et nos apiculteurs. Bien évidemment, il faut voter cette proposition de résolution et, surtout, il faut y faire droit afin que la sauvegarde de l'abeille soit déclarée grande cause nationale 2022. Protégeons nos abeilles et consommons du miel français !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Robert Therry, je vous remercie d'avoir inscrit à l'ordre du jour cette proposition de résolution, comme je vous remercie pour l'engagement dont celle-ci témoigne. Nous nous demandons souvent, au sein du secrétariat d'État chargé de la biodiversité, comment mieux partager ces enjeux de préservation de la nature. L'abeille nous rassemble et nous mobilise presque instinctivement pour sa défense. Elle nous ouvre le chemin que nous devons tracer ensemble vers la transition environnementale et agroécologique.
L'abeille domestique est une espèce emblématique à plusieurs titres : elle est indispensable à la production d'un bien de consommation très apprécié et un très bon indicateur de l'état de santé de notre environnement. Elle nous est familière et sympathique, de sorte qu'elle suscite une large mobilisation. Nous sommes rassemblés aujourd'hui pour sa sauvegarde. Au-delà de la préservation des populations d'abeilles et d'insectes pollinisateurs, nous parlons de tout un écosystème et de toute la vie de nos territoires.
L'apiculture est en effet un secteur important de l'économie agricole, tant par le rôle qu'elle joue pour le maintien de populations d'abeilles et pour la pollinisation que pour la production de miel, de gelée royale et d'autres produits de la ruche. Elle contribue au développement rural et au maintien de la biodiversité grâce aux nombreux producteurs, professionnels ou amateurs, présents sur le tout territoire français. La France compte environ 54 000 apiculteurs pour une production de 20 000 tonnes de miel par an, ce qui la place au quatrième rang des pays producteurs européens. Les Français en consomment près 40 600 tonnes par an ; autrement dit près de la moitié du miel consommé en France doit être importée, ce qui soulève des questions relatives à la qualité de ce produit.
Nous avons donc une responsabilité importante dans la protection de l'abeille, dans la sauvegarde de l'apiculture française et dans l'encadrement des produits proposés à la consommation. Le déclin des pollinisateurs est une tendance générale et de long terme, que les scientifiques ont largement éclairée. C'est une réalité mondiale, comme l'a rappelé la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dans son rapport spécial de 2016 sur le sujet. Leur nombre tend à diminuer partout dans les pays industriels ; si ce déclin a été observé dès les années 1970, il s'accélère aujourd'hui, comme le montre l'inscription d'une espèce sur dix d'abeilles ou de papillons sur les listes rouges de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Lors des hivers 2017, 2018 et 2019, on a constaté un déclin de ces colonies d'abeilles qui ont connu des taux de mortalité de 20 à 30 %.
Monsieur le député Therry, nous pensons comme vous qu'il est impératif de mener des actions fortes pour protéger les abeilles. Plus généralement, nous voulons mettre en place un plan de lutte pour les insectes pollinisateurs. Cette proposition de résolution vise spécifiquement le frelon asiatique. C'est nécessaire, mais cela ne répond que partiellement aux défis auxquels fait face la filière apicole. Le frelon asiatique nous rappelle à quel point nos écosystèmes sont vulnérables face aux espèces exotiques envahissantes ; ce cas montre l'importance des enjeux et leur l'impact économique. Le Gouvernement prépare un plan d'action spécifique pour lutter contre ces espèces envahissantes, plan qui fera l'objet d'une concertation dans les semaines qui viennent. J'accompagnerai lundi prochain en Normandie une brigade du Conservatoire d'espaces naturels dans son action sur le terrain.
Le frelon asiatique a été signalé pour la première fois dans le Lot-et-Garonne en 2004. Aujourd'hui, il est signalé presque partout en France. Il atteint les colonies d'abeilles mellifères autant par la prédation directe que par le stress qu'il engendre, ce qui entraîne des conséquences sur la production. Plusieurs méthodes de lutte ont été élaborées mais elles n'ont malheureusement pas montré une réelle efficacité. Il nous faut donc poursuivre nos efforts.
Deux réglementations sont actuellement mises en œuvre : j'ai déjà évoqué notre politique pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes ; la réglementation sur la limitation des dangers sanitaires, elle, est pilotée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, à travers un plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026. Il a fait l'objet d'une consultation du public l'été dernier, et nous avons reçu 17 000 contributions ; c'est vous dire combien ce sujet intéresse nos concitoyens. Il est donc nécessaire de mettre nos politiques en cohérence avec cet intérêt et de renforcer nos actions grâce à ce plan Pollinisateurs.
Dès que la présence de frelons asiatiques est constatée, les préfets de département peuvent faire procéder à leur destruction par arrêté précisant les conditions de ces opérations. Ils peuvent ainsi ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées. De nombreuses collectivités aident alors les particuliers, techniquement, en mobilisant notamment le réseau des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON), mais aussi financièrement, par des aides pour compenser une partie des coûts d'intervention.
Le ministère de l'agriculture finance différentes actions menées par l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP) ou Institut de l'abeille ainsi que le Muséum national d'histoire naturelle, qui identifie et valide des outils de lutte contre le frelon asiatique. Il est en effet nécessaire, préalablement à leur déploiement, de vérifier l'efficacité et l'absence d'effets néfastes sur l'environnement des outils de lutte envisagés.
Les actions financées comportent deux volets : une méthode de piégeage des fondatrices et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés. Le premier volet, arrivé à son terme, montre que le nombre de nids du frelon décroît significativement lorsque la méthode est conduite sur plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier, soit plus de 200 pièges répartis de manière homogène sur un rayon de 10 kilomètres carrés autour du rucher à protéger.
Le second volet vise à vérifier l'efficacité d'appâts empoisonnés et leur absence d'impacts sur l'environnement. Si cette méthode se montre efficace, il reviendra à la filière de s'en saisir ou aux industriels de réaliser les démarches d'autorisation des substances actives puis des produits biocides. Cette méthodologie doit nous permettre de trouver une alternative au fipronil, cette substance hautement toxique trop souvent utilisée sans autorisation dans la lutte contre les frelons.
Quant à la destruction des nids, un accompagnement financier de la filière apicole pour l'homologation européenne du dioxyde de soufre est d'ores et déjà prévue par les ministères de la transition écologique et de l'agriculture.
Le dioxyde de soufre présenterait plusieurs intérêts : il est très efficace, réputé sans danger pour la faune auxiliaire, non rémanent dans l'environnement et peu coûteux. Il ne fait pas l'objet d'un enregistrement ou d'une autorisation de mise sur le marché. Nous devons donc relever ce défi tant en France qu'en Europe. Les apiculteurs expriment une attente forte, en nous invitant franchement à nous y atteler. Du reste, ils connaissent déjà cet insecticide, utilisé dans la lutte contre l'aethina tumida, le petit coléoptère des ruches – vous l'avez rappelé, monsieur Therry.
En 2020, un groupe de travail dédié à la surveillance a été créé dans le cadre de la plateforme épidémiosurveillance, qui d'ores et déjà, développe des outils adaptés. Néanmoins le sauvetage de l'apiculture ne se limite pas à la lutte contre le frelon asiatique. Les abeilles domestiques ou sauvages, les bourdons, les papillons, les mouches et leur action de pollinisation jouent un rôle clé dans la préservation des écosystèmes que nous devons également renforcer, en garantissant la qualité et les rendements de nos productions agricoles. Ainsi, 90 % des fleurs cultivées dans le monde dépendent, en partie à tout le moins, de la pollinisation par les insectes et, au total, 35 % de ce que nous mangeons – ce qui inclut des denrées comme le cacao, le café ou les épices – relèvent de l'action des pollinisateurs.
Notre plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation prévoit également de modifier l'arrêté relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs. La mise à jour des méthodologies d'évaluation des risques réalisée au niveau européen, qui intègre les pollinisateurs sauvages, est ambitieuse et protectrice. Depuis 2013, la France, vous le savez, joue un rôle moteur en défendant seule ou presque, je le dis, la consolidation de la méthodologie actuelle, pour tenir compte des connaissances scientifiques les plus récentes.
Dans le cadre du financement européen, notamment de la politique agricole commune (PAC), le budget du programme apicole européen est passé de 3 à 6 millions d'euros par an. L'enveloppe a donc été doublée, ce qui mérite d'être salué.
Le plan prévoit également l'introduction d'actions favorables aux insectes pollinisateurs dans les pratiques de nombreux secteurs d'activités, que ce soit l'agriculture, la forêt l'aménagement urbain ou l'industrie. Nous devons évidemment accompagner la filière apicole en développant la commercialisation, la viabilité des exploitations et en nous dotant d'un important cheptel apicole.
La formation sanitaire est également essentielle. Par ailleurs, le plan veillera à rendre compte du déclin des insectes de manière objective, en publiant des listes rouges, notamment pour mieux comprendre les espèces solitaires. Il prévoit l'observation des facteurs de stress, nous l'avons dit. Il s'appuiera sur l'ensemble des acteurs du territoire.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Therry, le plan d'action que vous appelez de vos vœux, il existe et est prêt à être appliqué, l'État s'y engage pleinement. Nous pouvons collectivement nous en réjouir. Si la lecture a été déclarée grande cause nationale jusqu'à l'été 2022, il vous appartient de proposer qu'il en soit fait de même pour la sauvegarde des abeilles. Même si votre proposition de résolution n'aborde que le problème des frelons asiatiques, qui n'est que l'un des facteurs de diminution des populations de pollinisateurs, je vous rejoins sur la nécessité de porter haut et fort cet enjeu. Compte tenu de la dimension symbolique de la proposition de résolution, je donnerai un avis de sagesse. Je m'en remets donc à la sagesse du Palais-Bourbon – ou « Palais-Bourdon », pour reprendre votre bon mot, monsieur le député.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 110
Contre 0
La proposition de résolution est adoptée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.
Jeudi 3 décembre 2020, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 19 portant article additionnel après l'article 1er .
Par cet amendement de M. Guy Bricout, nous proposons le retour des zones de développement de l'éolien (ZDE), qui ont été supprimées en 2013 par le gouvernement socialiste. Cet outil aiderait les collectivités locales à réfléchir et à planifier le développement de l'éolien sur leur territoire de façon indépendante, en lien avec les services de l'État. Il permettrait d'engager une véritable planification, et de donner de la visibilité et de la prévisibilité tant aux populations qu'aux porteurs de projets.
L'amendement vise également à retenir l'échelle de l'intercommunalité, puisque les compétences liées à l'urbanisme ont été transférées au niveau intercommunal. Vu la taille des projets, un parc éolien doit se concevoir à l'échelle intercommunale, l'objectif étant d'éviter qu'une commune implante, en périphérie de son territoire, un champ éolien qui aurait un impact fort sur les habitants de la commune voisine.
Je profite de cette intervention, madame la ministre de la transition écologique, pour vous alerter de la situation que je constate dans la Somme – département que vous connaissez bien. Comme vous, je suis interpellé par des citoyens qui, même s'ils ne sont pas hostiles au développement de l'éolien – tout comme moi –, reconnaissent que notre beau département a, plus que d'autres, amplement contribué au développement de cette énergie : sur les 8 000 éoliennes de France, pas moins de 1 000 sont dans la Somme. En tant que Samariens, nous pouvons être fiers de notre contribution, mais stop ! La pauvreté de notre territoire ne justifie pas le lobbying massif des promoteurs. Vous affirmez, madame la ministre, que notre département est propice à l'éolien, car il est venteux. L'objectif potentiel de 12 000 éoliennes supplémentaires nous inquiète donc. Mille éoliennes supplémentaires, non ! Ça suffit !
Prendrez-vous en considération le référendum citoyen dans lequel les habitants de la commune de Cartigny ont massivement voté contre un projet éolien ?
Au-delà du rapport du commissaire enquêteur, qui semble laisser transparaître une certaine hostilité, les habitants se sont en effet déplacés pour participer à un référendum – ils étaient d'ailleurs plus nombreux que lors des dernières élections régionales et départementales. Madame la ministre, le vote des habitants de Cartigny et du conseil municipal sera-t-il respecté ?
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l'amendement n° 29 .
Cet amendement de Vincent Descoeur vise à rétablir les zones de développement de l'éolien, telles qu'elles avaient été instaurées en 2010 par la loi portant engagement national pour l'environnement, dite loi Grenelle 2, avant d'être supprimées. Les ZDE permettent d'encadrer véritablement l'implantation des éoliennes, en intégrant la particularité des territoires. Elles répondent aux souhaits de bon nombre de Français, qui craignent que l'implantation d'éoliennes ne dénature leur patrimoine touristique et écologique ainsi que leur cadre de vie.
L'amendement aurait une autre conséquence : les zones de développement de l'éolien s'imposeraient au schéma régional éolien, qui est généralement voté sans prendre en considération les particularités de chacun des territoires.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 77 .
Il y a les éoliennes à terre, mais il y a aussi les éoliennes en mer visibles depuis la terre. Un projet nous préoccupe grandement en Bretagne, en particulier sur les côtes de la Manche, au large d'Erquy et du Val-André : l'installation de soixante-deux éoliennes en mer par la société Iberdrola. Si elles sont installées – ce que je ne souhaite pas –, elles seront extrêmement visibles : chacune est plus haute que la tour Montparnasse, et elles seront implantées dans un espace grand comme la ville de Paris.
On nous dit que de tels parcs existent – ou vont exister – en Grande-Bretagne. Cette dernière envisage en effet des projets similaires, voire plus importants. On oublie toutefois de préciser qu'en Grande-Bretagne, le parc éolien se trouvera à plus de 100 kilomètres des côtes. Ce n'est pas du tout la même chose !
J'ai le souci de nous en protéger. On oublie également de préciser que ces éoliennes toucheront directement des zones protégées, où se trouvent en particulier des coraux. On protège les coraux dans le Pacifique, mais on les oublie sur les côtes de la Manche ! Voilà autant de raisons pour lesquelles nous devons être extrêmement vigilants ; nous ne devons pas sacrifier des territoires riches de biodiversité ; nous ne devons pas sacrifier nos paysages pour des projets dans lesquels nous ne trouverons absolument pas nos intérêts.
Ces projets sont essentiellement portés par des entreprises étrangères, qui emploieront des machines fabriquées loin de chez nous et des processus différents des nôtres, et qui, de surcroît, produiront une énergie extrêmement chère, à plus de 145 euros le mégawattheure.
Mme la ministre de l'écologie manifeste son étonnement.
Cela vous surprend, madame la ministre, mais cette énergie coûtera bien 145 euros le mégawattheure. Nous vous attendons d'ailleurs sur place ! Vous défendez l'éolien en mer, paraît-il, mais vous ne venez pas parler avec les pêcheurs et avec les associations qui se mobilisent ; vous ne venez pas non plus rencontrer les élus locaux.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LR.
Nous serions très désireux de vous accueillir ! Hélas, votre emploi du temps – que chacun sait extrêmement chargé – vous a, depuis de nombreuses années, interdit de venir sur les côtes bretonnes…
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 68 .
L'Aisne est elle aussi confrontée à un problème d'acceptabilité du développement de l'éolien – je parle ici devant plusieurs collègues picards, qui partagent cette difficulté. Le développement de l'éolien entre en confrontation avec les projets culturels et touristiques et, plus largement, avec les projets de territoire, en plus de heurter les paysages ; de sorte qu'il fait naître un sentiment d'exaspération – « trop, c'est trop », d'une certaine façon. Nous attendons avec impatience des dispositions qui permettraient une meilleure planification et une meilleure régulation.
La planification et la régulation sont tout l'objet de cet amendement de Gérard Leseul, qui vise à établir un zonage territorial du développement de l'éolien. Adossé aux schémas de cohérence territoriale (SCOT) et aux plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI), il contribuerait à une meilleure maîtrise de l'implantation des projets éoliens. L'amendement prévoit trois zones : l'une où l'implantation d'éoliennes est interdite, l'autre où elle est autorisée de façon préférentielle, la troisième où elle est autorisée à défaut d'implantation possible dans la zone préférentielle.
La parole est à M. Julien Aubert, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements et sur le sous-amendement.
La commission a repoussé ces amendements, et n'a pas examiné le sous-amendement de M. Le Fur. À titre personnel, je trouve plus protecteur l'amendement n° 29 , sous-amendé par M. Le Fur. Vous voulez rétablir les ZDE, sous diverses appellations – j'en profite pour saluer notre collègue Gérard Leseul, qui a beaucoup travaillé sur une proposition de loi qui n'a pas pu être examinée, et qu'il reprend ici partiellement. J'appelle votre attention sur une difficulté : si nous adoptions l'amendement n° 19 de M. Bricout, une commune pourrait se voir imposer un parc éolien contre sa volonté.
Quant au zonage d'implantation potentielle de l'éolien (ZIP) préconisé par l'amendement n° 68 de M. Leseul, il serait soumis à la majorité qualifiée, et le préfet aurait la possibilité de passer en force, si l'intercommunalité ne prenait pas de décision.
Pour toutes ces raisons, je vous appelle plutôt à adopter l'amendement n° 29 de M. Descoeur, sous-amendé par M. Le Fur, car il élargit la protection aux grands sites.
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Permettez-moi de prendre quelques minutes pour resituer notre travail dans son cadre ; je pourrai ensuite répondre plus rapidement aux amendements qui nous sont soumis. En tant que ministre chargée de l'énergie, mon travail consiste tout d'abord à faire en sorte que nous respections les objectifs de l'accord de Paris, et par conséquent que nous réduisions nos émissions de gaz à effet de serre. C'est ma première mission. Ensuite, pour ce qui concerne l'électricité, je dois m'assurer que nos concitoyens aient l'électricité dont ils ont besoin, aujourd'hui, mais aussi dans cinq, dix, vingt ou trente ans.
À ce stade, il me faut battre en brèche l'argument trop répandu, selon lequel nous n'aurions pas besoin de baisser nos émissions de gaz à effet de serre, puisque notre mix électrique est décarboné. C'est une erreur d'analyse assez grossière, que j'entends malheureusement trop souvent.
Elle provient d'une confusion entre l'électricité et l'énergie. Or, en France, deux tiers de la consommation d'énergie reposent encore sur des énergies fossiles, notamment le pétrole.
Voilà exactement le genre d'argument qu'on entend habituellement, ce qui montre à quel point leurs auteurs sont mal renseignés – mais je suis là pour les aider et mieux les renseigner.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Deux tiers de notre consommation d'énergie sont donc gravement carbonés – pétrole, charbon, gaz, etc. Ma première action doit donc consister à baisser la consommation de pétrole – nous en sommes tous d'accord. Il existe deux moyens d'y parvenir. Le premier réside dans les économies d'énergie : nous nous y employons avec tous les outils possibles – efficacité énergétique, sobriété… Nous le faisons par exemple dans les logements avec le dispositif MaPrimeRénov, qui rencontre un grand succès – preuve de l'appétence de nos concitoyens pour l'isolation de leurs logements ; ils ont bien compris qu'ils y gagneront en confort et feront baisser leurs factures.
Deuxièmement, pour baisser notre consommation de pétrole, il faut…
…faire passer un certain nombre d'utilisations du pétrole à l'électricité. C'est ce que nous faisons avec l'électrification du parc de véhicules, mais aussi, dans le cadre du plan de relance, en soutenant la décarbonation des processus industriels.
C'est aussi ce que nous faisons dans les bâtiments, avec le remplacement des chauffages.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Voilà ce que je dois faire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Pour y parvenir, nous avons besoin de produire plus d'électricité. Des agences sérieuses prévoient une augmentation de notre besoin d'électricité de l'ordre de 20 % à l'horizon de 2035, c'est-à-dire d'ici à quinze ans. Nous connaîtrons donc une forte hausse de la demande d'électricité.
L'augmentation sera même plus forte d'ici à 2050 : elle devrait atteindre 50 %. Face à une telle hausse de la demande, et par conséquent du besoin d'électricité, j'invite tous les députés qui considèrent qu'on peut construire une centrale nucléaire en moins de dix ans, à venir m'expliquer comment ils procéderont !
Pour répondre à ce besoin urgent de produire plus d'électricité – il s'agit d'éviter des coupures généralisées, soyez-en conscients – la seule chose que nous puissions faire, d'ici à quinze ans, est soit de produire de l'énergie fossile, soit de développer l'énergie renouvelable. Notre choix est clair : produire massivement des énergies renouvelables (ENR) de toutes sortes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Une fois ces explications données, dans le respect de la parole de chacun, vous comprendrez que devons développer le photovoltaïque, mais aussi la méthanisation – car il n'y a pas que l'électricité –, les réseaux de chaleur, l'hydrogène et l'éolien, que ce soit sur terre ou en mer.
Pour autant, nous ne sommes ni sourds, ni aveugles. En tant qu'élue de la Somme, je défends l'éolien depuis des années, et j'observe son déploiement sur les territoires. Il y a des endroits où cela se passe très bien – je pourrai vous y emmener, monsieur le député !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Dans d'autres endroits…
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je continuerai à parler, même si vous niez manifestement la parole d'autrui !
Je suis élue de la Somme, et je sais très bien comment cela se passe dans les Hauts-de-France. Vous n'allez tout de même pas m'apprendre ce qui se passe dans ma région !
Nous devons donc développer les énergies renouvelables ; il y a des endroits où cela se passe bien, et d'autres où cela ne se passe pas bien.
Pour trouver des solutions, il faut comprendre pourquoi ça ne se passe pas bien dans certains endroits. Parfois la concertation a été clairement insuffisante, ou on n'a pas pris en compte suffisamment la nécessité de protéger les paysages. C'était le cas sous le régime de la réglementation précédente, avant que les éoliennes ne relèvent du système des ICPE, les installations classées pour la protection de l'environnement. Certes, le règlement a changé depuis, mais vous savez qu'il y a une inertie et que nous avons hérité de situations qui datent de cette période et que nous devons gérer. Il y a chez un certain nombre de nos concitoyens le sentiment que les éoliennes sortent de terre comme ça, sans concertation et sans qu'on sache si on va s'arrêter là ou si on va continuer…
Or nos concitoyens ont besoin de pouvoir de se projeter dans l'avenir et d'être associés aux prises de décision.
S'agissant de l'éolien offshore, on a réussi à faire évoluer les choses puisque auparavant le débat public n'était ouvert qu'une fois la localisation décidée et l'entreprise qui allait réaliser le projet choisie, et que, du coup, la portée du débat était limitée. Depuis notre arrivée en 2017, nous avons par deux lois imposé que le débat public ait lieu très en amont pour que tout le monde puisse être associé au choix des sites.
D'ailleurs le dernier débat en date, en Normandie, s'est bien passé et a permis de faire avancer les choses.
Dans le même objectif de prévisibilité, nous allons désormais travailler sur les documents stratégiques de façade, qui devront donner une visibilité en prévoyant l'installation de parcs éoliens sur une façade entière et pas seulement au coup par coup, car il est bon, je crois, d'avoir une vision d'ensemble.
J'en viens à l'éolien terrestre, après avoir été bien trop longue, madame la présidente – je vous promets que c'est la dernière fois ! S'agissant donc de l'éolien terrestre, un certain nombre d'annonces ont été faites hier, qui pour certaines ne font que récapituler des mesures qui avaient déjà été décidées car nous avons déjà fait des choses, je vous le rappelle, notamment au travers de la loi climat et résilience. Il s'agissait de les mettre en perspective avec des mesures nouvelles, notamment en matière de consultation des maires ou pour permettre une prise en compte plus précise des enjeux de paysage et de biodiversité, ou encore la participation de la filière à un fonds de développement des projets de préservation ou de restauration de notre patrimoine, qu'il soit culturel ou naturel. En bref, il s'agit de permettre à la filière de contribuer à l'acceptabilité de ces projets et au développement harmonieux de l'éolien que nous souhaitons tous.
Vous demandez par ces amendements que les ZDE, supprimées en 2013, soient remises en place dans un objectif de planification. Mais cet outil juridique hybride, comportant à la fois un volet énergétique et un volet environnemental, n'était pas adapté, du fait même de ce caractère hybride et de son insécurité juridique, les arrêtés de création ayant été retoqués, même si la philosophie qui a présidé à leur création, c'est-à-dire l'idée de planification, était bonne. Vous n'avez pas tiré les leçons de cette annulation,…
…et c'est pourquoi je suis défavorable à ces amendements. En outre, nous avons déjà inscrit dans la loi cet objectif de planification d'une façon qui nous paraît plus efficace. En effet, la loi climat et résilience prévoit une planification au niveau régional, permettant à chaque région de participer à la définition de ses propres objectifs, au travers de comités régionaux de l'énergie dont la composition a été décidée par vous, mesdames et messieurs les députés.
Elles vont ainsi pouvoir organiser le développement de ces projets en fonction du potentiel de leur territoire.
Monsieur de la Verpillière, vous êtes doté d'un organe vocal ma foi supérieur à bien d'autres, mais ce n'est pas une raison pour en user et en abuser.
Applaudissements sur plusieurs du groupe LaREM. – Sourires sur plusieurs bancs du groupe LR.
Une réflexion d'une telle finesse, j'espère qu'elle figurera au compte rendu !
Je ne ferai aucune remarque sur les gens qui veulent se servir de leur organe avec une ambition qui excède leurs possibilités – je ne sais pas si c'est le cas, mais ça peut arriver !
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Mais je vais essayer de rester sérieuse parce que le sujet le mérite.
En vertu donc de la loi climat et résilience, des comités régionaux de l'énergie vont pouvoir débattre avec tous les acteurs du développement des énergies renouvelables sur leur territoire. C'est important car, chaque territoire étant différent, ce développement peut prendre des formes elles-mêmes différentes, à partir du moment où tout le monde se met d'accord et à la condition que nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables soient respectés. Nous devons en effet tenir, de manière responsable, les objectifs de l'accord de Paris. Pour aider ces comités régionaux, il a été demandé aux préfets de cartographier les zones qui peuvent accueillir de nouvelles éoliennes en tenant compte de divers impératifs : qu'il y ait suffisamment de vent, évidemment, mais aussi des impératifs patrimoniaux, etc. Ces cartes seront une aide à la réflexion et à la décision.
C'est ainsi que ça marchera : si tout le monde se met autour de la table pour trouver la meilleure solution. On a besoin d'énergies renouvelables, de toutes les énergies renouvelables : à nous d'avoir recours à notre intelligence collective pour les répartir sur les territoires. Peut-être ne faut-il plus en installer sur des territoires où il y en a déjà beaucoup, mais c'est en y réfléchissant intelligemment qu'on fait avancer les choses, pas en se en se tapant dessus avec une irrresponsabilité qui, franchement, n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Je vous rappelle que nous parlons là de notre avenir énergétique, et de rien d'autre.
S'agissant de l'éolien offshore, j'ai rencontré il y a quelques semaines à Saint-Nazaire des représentants des pêcheurs,…
…des associations, mais aussi tous ceux qui vont avoir du travail grâce à ces éoliennes.
Je veux bien qu'on continue à se montrer irresponsable et à refuser en bloc toutes les nouvelles énergies, mais je préfère pour ma part reconnaître que nous n'avons pas le choix : nous en avons besoin, et il faut au contraire en faire une opportunité, parce qu'à force de refus on laisse passer les trains. Si, comme vous le dites, les panneaux et autres composants sont fabriqués ailleurs, c'est bien parce qu'on ne s'est pas préoccupé de développer ces filières. Eh bien nous, nous préférons, non seulement faire preuve d'esprit de responsabilité mais, en plus, faire en sorte que le développement des renouvelables devienne une chance pour les territoires de créer de l'emploi et des filières nouvelles, qu'il renforce notre indépendance énergétique et qu'il nous permette d'entrer enfin de plain-pied dans l'avenir et de donner des perspectives à nos jeunes.
Voilà pourquoi nous soutenons le développement de ces énergies, et voilà pourquoi je donne un avis définitivement défavorable à tous ces amendements.
…qui contribuent à éclairer nos débats en en rappelant les enjeux.
Il y a dans l'intervention de mon collègue Le Fur des éléments de bon sens : oui, il faut, quand on installe un champ d'éoliennes offshore, veiller à ce que tout se passe au mieux, mais pour cela il ne faut pas dire des mensonges aux Français. Monsieur Le Fur, vous mesurez à peu près 1,70 mètre, c'est bien ça ? Depuis la plage d'Erquy, vous ne pouvez donc pas, du haut de votre mètre soixante-dix, voir des éoliennes offshore, la ligne d'horizon se trouvant à 4,7 kilomètres. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Pythagore !
Non ! Il faudrait être à une hauteur de 30 mètres au moins pour commencer à voir les éoliennes, et encore, seulement un jour de très beau temps ! Arrêtez donc de faire peur aux gens avec ces histoires ! On sait aujourd'hui faire des simulations de visibilité. Ces éoliennes ne seront que très rarement visibles. Depuis la plage d'Erquy en tout cas, il sera impossible de les voir. Arrêtez de dire n'importe quoi !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Les éoliennes qui sont au large du cap Fréhel, un peu plus près qu'Erquy, sont à 16,3 kilomètres.
Monsieur Balanant, lorsqu'un député prend la parole, il s'adresse à l'ensemble de l'Assemblée : vous n'avez pas à interpeller un collègue nommément comme vous venez de le faire en demandant à M. Le Fur d'arrêter de dire n'importe quoi.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Merci madame la présidente. C'est donc à l'ensemble de l'Assemblée, et pas seulement à mon collègue Balanant, que je ferai remarquer qu'on voit bien au-delà de 4,7 kilomètres.
Mais si ! Les gens s'en sont parfaitement rendu compte ces derniers jours, puisque de tous points de la côte on pouvait voir le bâtiment qui, posté sur quatre surélévateurs, effectue les forages – il n'y arrive pas, d'ailleurs. Or ce bâtiment ne dépasse pas les 50 mètres, alors que les éoliennes feront 207 mètres de hauteur, oui, 207 mètres ! On les verra en permanence !
Pardonnez-moi, madame la ministre, mais, en tant que ministre de l'environnement, vous devriez logiquement combattre les pollutions. Quand je vous ai interrogée sur les trois types de pollution auxquels ce chantier donne lieu, vous m'avez sorti un nouveau concept, celui de « pollution biodégradable » !
Rires sur les bancs du groupe LR.
Je ne l'avais pas encore entendu, celui-là, mais puisqu'il paraît qu'il faut être ouvert à la nouveauté…
Vous êtes également la gardienne de la biodiversité, en particulier de ce site où on trouve des dauphins, des marsouins, des oiseaux de mer. Et je ne parle pas de la coquille Saint-Jacques, cette richesse que nos pêcheurs ont veillé à préserver en s'imposant des règles très contraignantes. Or vous allez être la cause de la destruction d'essaims entiers – j'emploie ce mot à dessein puisqu'on vient de parler des abeilles – de Saint-Jacques. C'est là une difficulté majeure.
Vous évoquez enfin, madame la ministre, la nécessité de lutter contre les black-out, mais on sait bien que la production d'électricité par les éoliennes est intermittente.
C'est la raison pour laquelle d'ailleurs ce projet d'éoliennes au large d'Erquy est associé à un site – il s'agit là, pour le coup, d'une usine véritable usine à gaz, cher collègue de La Verpillière – qui se trouve à Landivisiau, qu'on nous a vendu comme un moyen d'éviter le black-out alors qu'il s'agit en fait de compenser les périodes où l'éolien en mer ne fonctionnera pas. Voilà la réalité !
Affrontez donc cette réalité ! Venez, non pas à Saint-Nazaire, entourée de gardes du corps et de policiers en armes, mais venez chez nous, où nous vous accueillerons comme il se doit. Je vous accueillerai de la manière la plus républicaine, et vous pourrez constater que ce sont les emplois de plus de 1 000 pêcheurs qui sont menacés par ce projet, les emplois de gens qui travaillent, qui prennent des risques. Eh bien moi, ces gens-là, je les défends, et j'ai bien l'intention de continuer !
La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Essayons de rester dans le sujet, mes chers collègues.
Je ne reviendrai pas sur l'éolien en mer : je n'ai pas les compétences techniques et puis, sur mon territoire, c'est marée basse depuis un petit moment…
Sourires.
Madame la ministre, je partage complètement ce que vous avez dit sur la nécessité de produire des énergies renouvelables pour respecter les accords de Paris et satisfaire nos besoins en matière énergétique, mais sachez qu'on ne fera pas la transition énergétique sans les territoires, encore moins contre eux.
Vous nous parlez de planification d'objectifs dans le cadre des SRADDET – schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires –, mais cela ne répond pas à la question posée par ces amendements, qui n'est pas celle de leur nombre mais de leur localisation, à la différence de ces zonages. C'est l'intérêt de ce dispositif à trois niveaux, acceptable, préférentiel et autorisé. Il s'agit de rendre ces projets acceptables afin que les territoires puissent participer à cet effort de transition énergétique en développant l'éolien là où c'est possible. Il y a des endroits où trop, c'est trop, où il faut stopper ces projets ou du moins déclarer un moratoire afin d'étudier soigneusement la question. Le gros avantage du zonage, c'est qu'il rend la parole aux élus puisqu'il est adossé aux documents d'urbanisme que sont les SCOT ou les PLUI.
Je vous ai sentie mal à l'aise lors de votre intervention, madame la ministre. Et pour cause ! C'est une intervention fondatrice par rapport aux arguments développés par vous-même depuis des années, et depuis des décennies par vos amis écologistes. Jusqu'ici, le développement éolien servait à réduire les émissions de gaz à effet de serre ; voilà ce que vous nous avez chanté sur tous les tons. Nous avons combattu cette idée en expliquant que c'est l'énergie nucléaire qui permet de décarboner l'électricité. De l'éolien, encore de l'éolien, nous avez-vous dit pendant des décennies, pour tenir compte de l'accord de Paris et des engagements climatiques de la France.
Or, à cet instant, vous venez de nous affirmer que ce n'est plus le problème : s'il faut installer des éoliennes, c'est en réalité parce que la consommation d'électricité augmentera dans les années à venir, puisqu'il faut réduire la part des énergies fossiles. C'est tout à fait différent ! Depuis des années, tous les scénarios, celui de RTE – Réseau de transport d'électricité –, celui de l'ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ou encore celui qui a été retenu dans la PPE – programmation pluriannuelle de l'énergie – récemment validée, partaient du principe qu'il n'y aurait pas de hausse de la consommation d'électricité en dépit du développement de la mobilité électrique. L'isolation des logements se traduirait par des gains d'efficacité, le stockage dans les batteries permettrait de développer le véhicule électrique, bref, tout cela se ferait sans hausse de la consommation électrique, nous disait-on.
Les Français n'en peuvent plus. Sur les éoliennes, ils ne vous entendent plus. Les temps changent, le vent tourne et l'éolien ne prend plus parmi nos concitoyens. Au contraire, les projets sont de plus en plus souvent combattus. Vous brandissez un nouvel argument, mais nous le combattrons également tout au long du débat sur ce texte, car votre changement de position est inadmissible !
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous remercie de bien vouloir respecter votre temps de parole.
La parole est à M. Alain Perea.
Nous nous connaissons tous désormais, et vous savez qu'en tant qu'ancien élu local je suis un fervent défenseur de la décentralisation. Nombreux sont les sujets qui relèvent de la responsabilité de l'État, et c'est au niveau national qu'ils doivent être traités ; d'autres peuvent être décentralisés. Toutefois, s'il en est un qui doit continuer d'incomber à l'État, c'est bien celui-là. Pourquoi ? Tout simplement parce que tout citoyen, où qu'il habite, doit pouvoir s'éclairer, se chauffer, se faire soigner – bref, dans toutes les situations, il doit pouvoir utiliser l'électricité. La production d'électricité doit donc être une responsabilité de niveau national.
Je dis cela parce que tous les amendements précédents ont été défendus dans le seul but d'empêcher l'implantation d'éoliennes, de protéger tel territoire, d'interdire dans tel autre.
Or la majorité des éoliennes qui posent ou semblent poser problème ne sont que les filles des ZDE supprimées en 2013. C'est la preuve que ces zones, qui ont permis l'implantation d'éoliennes, n'ont pas résolu tous les problèmes : vous êtes les premiers à le dire ! Les ZDE ne sont donc pas la solution.
D'autre part, on ne saurait renvoyer cette responsabilité aux élus locaux sans les avoir consultés. La création d'une ZDE – j'en ai créé plusieurs – nécessite un budget important et suscite parfois dans les intercommunalités des guerres entre élus locaux qui n'ont pas été consultés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 77 n'est pas adopté.
Je reviens un instant sur le propos liminaire de la ministre concernant les cartes qu'on nous promet depuis un certain temps et que les préfets ont été chargés de rédiger. Sans doute serait-il opportun de consulter les élus qui, sauf erreur, ne l'ont pas encore été. Une telle méthode permettrait peut-être d'aboutir à des solutions plutôt qu'à des contentieux, comme c'est le cas.
L'amendement n° 2 vise à remettre de l'ordre dans les processus d'installation d'éoliennes et reprend pour ce faire le dispositif, adopté par le Sénat en 2016, visant à protéger le patrimoine de la France face à l'implantation de certaines éoliennes, notamment à proximité de sites classés par l'UNESCO ; c'est un objectif autour duquel nous devrions pouvoir nous retrouver.
Je saisis l'occasion pour soulever un sujet qui concerne notre beau département de la Somme, madame la ministre. Un projet d'installation d'éoliennes est prévu près du mémorial australien rendant hommage aux soldats venus combattre à nos côtés en 1916, dans la bataille de la Somme. Nous vous avons déjà interpellée à ce sujet ; que comptez-vous faire ?
Cet amendement vise à protéger le patrimoine contre l'implantation d'éoliennes à moins de 10 000 mètres d'un monument historique ou d'un site classé par l'UNESCO en la conditionnant à l'avis favorable des architectes des bâtiments de France (ABF).
Dans les Hauts-de-France, une région que vous connaissez bien, madame la ministre, des champs d'éoliennes s'étendent à perte de vue, ravagent et enlaidissent les paysages en plus de les bétonner. Le nord de l'Oise, où se trouve ma circonscription, est souvent appelé la « Sibérie de l'Oise » : 191 éoliennes sont en cours d'installation autour de Romescamps. Les élus du conseil municipal de Fouilloy – vous irez les rencontrer – ont voté à l'unanimité contre et ont lancé une pétition. Quand tiendrez-vous compte de l'avis des élus ? Ils ne veulent pas d'une concertation à l'issue de laquelle on finirait tout de même par leur imposer un projet ; ils veulent simplement que vous les entendiez. Ils sont prêts à faire des efforts et ils en font : il y a des éoliennes dans l'Oise et dans la Somme, et 30 % des éoliennes installées en France le sont dans notre région. Mais les efforts ne peuvent pas tous se concentrer au même endroit ! Quand tiendrez-vous compte des élus, des habitants, des territoires ?
L'impact des champs d'éoliennes peut être d'autant plus désastreux qu'ils minent l'attractivité de certains territoires où les Français ne veulent plus s'installer car la nature y est dénaturée. Cela vaut pour les plus beaux monuments du pays, classés monuments historiques ou au patrimoine de l'UNESCO : l'installation d'éoliennes peut gravement porter préjudice à leur beauté et à leur attractivité, ajoutant ainsi au coût financier et écologique qu'elles représentent.
Encore une fois, je vous invite à tenir compte des souhaits – ou du refus – des territoires et à ne pas vous contenter d'une consultation factice !
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 78 .
Prenez conscience de l'évolution de l'opinion sur cette question, madame la ministre, et du trouble dans lequel se trouvent bien des familles. Je pense à celles qui, depuis leur domicile, aperçoivent vingt, vingt-cinq, parfois trente éoliennes : c'est insupportable !
Prenez également conscience du fait que certains sites sont exceptionnels : c'est le cas du cap Fréhel et de ses environs. Il s'agit d'un patrimoine considérable pour nous, d'une attraction touristique que nous sommes en train de gâcher.
J'ai le sentiment, madame la ministre, que vous êtes de plus en plus seule à vous acharner. Le Président de la République s'est exprimé assez clairement – c'était loin d'ici, mais en France tout de même : en Polynésie française – pour dire qu'il fallait tenir compte des populations et des élus, et qu'il y avait eu des excès. Intégrez cela !
J'entends aussi d'autres ministres s'exprimer : nous avons accueilli dans les Côtes-d'Armor votre collègue Annick Girardin, venue rencontrer les pêcheurs. La presse l'a interrogée à de nombreuses reprises sur les éoliennes mais, chaque fois, Mme Girardin a répondu que le sujet ne relevait pas de sa compétence mais de celle de Mme Pompili, et qu'elle ne s'occupait que de la pêche. Encore une fois, j'ai le sentiment que vous êtes de plus en plus isolée. Sortez de cet isolement !
Le journal Le Monde du jour annonce que le Président de la République entend rendre la priorité au nucléaire ; c'est ainsi, on peut être pour ou contre, mais c'est manifestement l'orientation choisie par le Président. En clair, il n'est pas question de refuser toutes les éoliennes mais simplement les errements, les excès auxquels il faut mettre fin. Autrement, nos concitoyens se détourneront de choix pourtant nécessaires pour le pays. Madame la ministre, je vous invite à la raison !
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 58 .
Cet amendement, que nous sommes plusieurs à avoir cosigné, vise à protéger les sites de notre patrimoine naturel et historique en imposant que les éoliennes soient installées à au moins 5 kilomètres.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 75 .
J'espère que la ministre nous répondra. Je n'ai aucun a priori, mais j'espère qu'elle tiendra compte des réalités qui remontent de partout en France : des associations se sont constituées dans la moindre commune ! Veillons-y.
Mon sous-amendement précédent visait à ce que les sites labellisés « grand site de France » – qui ne sont pas si nombreux : seulement vingt et un – soient protégés. C'est peu de chose ; certains de ces lieux sont emblématiques, les Français les connaissent et les visitent. Nous sommes attachés à notre patrimoine ; le paysage en est aussi un élément.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
Je commencerai par l'amendement n° 58 : j'y suis défavorable. La majorité affirme souvent que nous voulons tuer la filière de l'éolien terrestre, mais je suis défavorable à l'amendement parce que la distance de 5 kilomètres entre les éoliennes et les monuments inscrits ou classés est excessive et ne se justifie pas forcément. En 2015, près de 14 000 bâtiments étaient classés et plus de 30 000 étaient inscrits ; avec cet amendement, on ne pourrait en effet plus installer d'éoliennes en France.
En revanche, je suis favorable à l'avis conforme des architectes des bâtiments de France. Je saisis l'occasion pour répondre à M. Millienne…
…qui, sur Twitter, écrivait que cette mesure est de mauvaise foi car les projets éoliens sont soumis au cadre réglementaire qui prévoit notamment l'accord des ABF. En l'occurrence, il s'agit d'un avis conforme ! Vous comprendrez ainsi pourquoi on construit des éoliennes à côté de l'abbaye royale de Saint-Jean-d'Angély, en Charente-Maritime, un site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, pourquoi on en construit à côté de la montagne de la Sainte-Victoire, ou encore pourquoi on construit treize éoliennes à côté du château de Crèvecœur-le-Grand, et ainsi de suite. Vous pouvez donc supprimer ce tweet, il n'est pas bon.
J'ai d'autres détails pour vous, monsieur Millienne ; vous avez bien fait de venir en séance.
J'en viens à l'argument du Gouvernement, en commençant par féliciter Mme Pompili : en parlant de dépendance au pétrole et de besoin d'électrification, elle vient de résumer la moitié du diagnostic établi par l'UMP – Union pour un mouvement populaire – en 2013, époque à laquelle vous étiez tous en proie à la folie antinucléaire. Nous sommes partis de là. Nous voilà donc d'accord sur un point : il faut électrifier ! Seulement, vous misez pour ce faire sur les énergies renouvelables, en invoquant systématiquement le réchauffement climatique et la nécessité de diminuer les émissions de CO
Ce qui va me permettre de répondre à cet autre tweet où M. Millienne, décidément très en verve, s'appuyait sur le bilan prévisionnel 2019 de RTE pour écrire que la croissance de la production d'électricité renouvelable en France aurait pour effet de substituer celle-ci à une partie de l'électricité produite hors de France à partir de gaz ou de charbon, contribuant ainsi à réduire les émissions européennes de gaz à effet de serre. Retenez bien trois mots : « hors de France ». Les 70 ou 90 milliards d'euros que nous aurons consacrés en trente ans à la filière éolienne financent donc la réduction des émissions de nos voisins. C'est cela que vous estimez intelligent !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Protestations sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est ce qui figure dans le bilan de RTE cité par votre collègue : ne dites pas n'importe quoi !
Je vais d'ailleurs citer à mon tour une source que vous pourrez encore moins réfuter. Le propre rapport de la commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, rapport adopté par la majorité, comporte, à la page 11 de son tome I, une citation de Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) : « Il ne faut pas s'y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d'hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO
Ce point étant établi, vous répondrez qu'il nous faut développer les énergies renouvelables pendant les dix prochaines années dans une perspective d'investissement ; vous ajouterez qu'en dix ans, d'ailleurs, on ne peut rien faire dans le domaine nucléaire. C'est faux, madame le ministre. La construction de l'EPR – réacteur pressurisé européen – de Taishan, en Chine, a commencé en 2009 et s'est achevée en 2018, soit neuf ans, contre sept ans en moyenne pour les projets éoliens !
Si vous ne vous étiez pas acharnés depuis dix ans à fermer la centrale de Fessenheim, si vous n'aviez pas été obsédés par cette pauvre industrie nucléaire, si nous avions donné à celle-ci la visibilité qu'elle mérite, nous ne nous trouverions pas aujourd'hui dans la nécessité de combler le trou énergétique que vous nous léguerez !
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur l'ensemble de ces amendements et sur les deux sous-amendements ?
Monsieur la rapporteure, puisque vous taquinez M. Millienne, permettez-moi de paraphraser un tweet que vous avez publié ce matin : « Barbara Pompili », dites-vous, « annonce le virage énergétique du [Gouvernement] en validant le constat que l'UMP avait publié sous ma plume en 2013 : notre problème c'est la dépendance au pétrole, la consommation énergétique va augmenter et non baisser ». Or celle-ci va bel et bien diminuer ; c'est la consommation électrique qui augmentera.
Je suis surprise que vous commettiez de telles erreurs, monsieur la rapporteure.
Madame la ministre, lorsque M. Aubert dit par exemple « madame le président », chacun reste libre de penser ce qu'il veut de cette formule : du moins est-elle conforme aux règles de la langue française. Lorsque vous appelez M. Aubert « monsieur la rapporteure », il s'agit en revanche d'une provocation que je ne puis laisser passer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Avec tout le respect que je dois à votre personne comme à votre fonction, madame la présidente – et vous n'ignorez pas que je vous apprécie énormément –, je demande à être appelée « madame la ministre ». Si M. le député ne respecte pas ma volonté sur ce point, je continuerai de l'appeler « monsieur la rapporteure » et j'en assumerai la responsabilité !
Protestations sur quelques bancs du groupe LR.
Je regrette, madame la ministre, vous ne pouvez pas tordre ainsi la langue.
Si M. Aubert vous appelle « madame le ministre », il se conforme à un usage admis par l'Académie française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
« Monsieur la rapporteure » ne se trouve pas dans ce cas. Indépendamment de ce que chacun peut en penser, ne nous livrons pas à de telles provocations, je vous prie !
J'en viens donc aux amendements. Dans les cas prévus par la loi, l'avis conforme d'un architecte des bâtiments de France est requis pour les éoliennes comme pour toute autre construction. Il n'y a donc pas d'exception à la règle. Sans doute le fait est-il peu connu : que ce soit pour des questions liées au patrimoine ou pour d'autres raisons, les préfets refusent beaucoup de projets éoliens.
Mme Agnès Thill s'exclame.
S'il vous plaît, cela ne sert à rien de s'énerver : j'essaie moi-même de rester posée… Pour vous donner un ordre de grandeur, l'année dernière, ces refus ont concerné le tiers des projets.
Nous sommes donc loin de laisser faire n'importe quoi ! Seulement, encore une fois, il existe en quelque sorte des restes de projets acceptés à une époque où les règles étaient moins strictes, la concertation insuffisante. Cela, personne ne le nie ! Cependant, ces faits étant établis, il faut bien avancer, être en mesure de prévoir, d'associer tout le monde. C'est pourquoi, parmi les mesures annoncées avant-hier figure la prise en compte de l'avis des maires – ce qui ne signifie pas seulement qu'ils seront informés, mais que les acteurs de la filière se trouveront dans l'obligation de dialoguer avec eux, de répondre à leurs remarques, à leurs préconisations, à leurs inquiétudes. Nous instaurons également un médiateur de l'éolien, que les préfets pourront saisir en cas de problème manifeste sur un site, afin de rapprocher tout le monde et de trouver des solutions.
C'est ainsi qu'il sera possible de fonctionner. Un encadrement trop strict empêcherait le développement du parc éolien, ce qui serait contre-productif à l'avenir – car encore une fois, si quelqu'un dispose d'une baguette magique pour produire de l'électricité, durant la prochaine décennie, en dehors des énergies renouvelables et bien entendu sans gaz ni pétrole, qu'il vienne me voir, je l'écouterai avec la plus grande attention !
Il n'existe pas d'autre solution. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est RTE, qui doit me présenter le 25 octobre six scénarios – coût, avantages, inconvénients – allant de la prédominance du nucléaire à son abandon, et d'une forte présence du renouvelable à… une forte présence du renouvelable. En effet, tous ces scénarios, même en prévoyant des investissements massifs dans le nucléaire, tablent sur 50 % d'électricité issue des énergies renouvelables, et ce en accord avec la filière nucléaire, qui, en 2050, ne pourra en aucun cas assurer plus de la moitié de la production. Si nous voulons que l'autre moitié voie le jour, si nous voulons que nous-mêmes et nos enfants disposions du nécessaire, il nous faut donc impérativement développer toutes les énergies renouvelables.
Nous tentons d'être pragmatiques, de sortir des postures, des oppositions qui ne sont pas constructives. Essayons de travailler enfin tous ensemble ! Les annonces que nous avons faites mardi ont d'ailleurs reçu un accueil favorable. L'association Amorce est partante pour travailler à partir de ce point ; des associations de protection de l'environnement, comme WWF, le Fonds mondial pour la nature, également. Je le répète, c'est ainsi qu'il faut procéder.
J'ai été la première titulaire du poste de secrétaire d'État chargée de la biodiversité : je ne laisserai pas non plus faire n'importe quoi à ce sujet, auquel je reste très attentive. Il a notamment été demandé aux préfets de rassembler ce que nous savons en la matière, afin que nous disposions pour chaque façade d'une bibliographie scientifique complète.
Tous les autres pays qui le peuvent ayant développé un parc éolien en mer, contrairement à la France, nous utilisons leurs retours d'expérience : ces dispositifs fonctionnent, les pêcheurs poursuivent leur activité, y compris dans les eaux très poissonneuses au large des îles britanniques. Il faut arrêter de faire peur à tout le monde ! Des procédures existent en vue de réduire au minimum les conséquences pour la biodiversité. Lorsqu'un problème survient, nous trouvons des solutions. Nous surveillons toujours Iberdrola de très près, après l'avoir rappelée à l'ordre au sujet de l'huile dite biodégradable qui s'est répandue dans la baie de Saint-Brieuc.
M. Marc Le Fur s'exclame.
Excusez-moi mais, dans cette baie, d'autres activités utilisent également de l'huile ! Ce sont des choses qui arrivent ! Il importe seulement de bien encadrer tout cela, afin qu'il y ait le moins de pollution possible. Toutes les activités ont un impact, monsieur Le Fur, cessez de ne mettre en cause que les éoliennes ! Soyons sérieux ! Les pêcheurs eux-mêmes reconnaissent que leur activité a des conséquences environnementales, qu'ils s'attachent d'ailleurs à réduire ; songe-t-on pour autant à interdire la pêche ?
Les forages vont cesser ; des calendriers ont été établis avec les pêcheurs. Bref, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Monsieur le rapporteur, votre avis est bien favorable au sous-amendement n° 78 ?
Favorable, madame la présidente. Je profite d'ailleurs de cette occasion pour signaler que le rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) présente la demande d'énergie primaire en gigatonnes d'équivalent pétrole comme devant augmenter dans tous les scénarios étudiés, y compris les plus pessimistes.
Les demandes d'intervention étant nombreuses, nous nous bornerons à entendre un orateur par groupe, sans quoi nous n'en sortirons pas. En d'autres termes, je n'accepterai qu'une prise de parole par groupe, mais cela ne signifie pas que tous les groupes doivent s'exprimer !
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Je ne savais pas que vous prendriez vous-même la parole sur le sujet par lequel je commencerai, madame la présidente. Monsieur le rapporteur, vous ne vous étonnerez pas que la première des trois remarques que je compte faire vous soit destinée. En tant que députée, je ne puis aller à l'encontre des lois adoptées dans cet hémicycle ; or, en 1998, nos prédécesseurs se sont prononcés en faveur de la féminisation des titres. Il y a donc des choses que je ne peux accepter et des comportements que je ne supporte pas.
Mme Karine Lebon applaudit.
On doit dire « madame la présidente », « madame la ministre », « madame la rapporteure », « madame la députée ».
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI, LaREM et Dem.
Cela a été voté ici même ! Nous devons le respect à nos anciens collègues !
Deuxième remarque, que je formulerai malgré mon opposition à ces amendements : que ce soit dans les propositions de loi ou dans les projets de loi, nous constatons systématiquement un problème de concertation avec les élus que le Gouvernement, madame la ministre, devrait prendre à cœur. J'ai déjà raconté cette anecdote, mais je vais le faire encore une fois : dernièrement, le préfet de mon département, à qui je parlais de concertation, m'a répondu qu'il tenait les élus informés – ce qui n'est pas la même chose que de les consulter !
Je pense, madame la ministre, que les mots d'ordre qui sont peut-être donnés aux préfets par le Gouvernement ne sont pas les bons. Ils prennent des décisions avant d'informer les élus de leur département, et voilà où l'on en arrive : la seule chose qui est demandée à travers ces amendements, c'est une concertation avec les élus ! Ceux-ci veulent jouer un rôle. En effet, à quelle porte va-t-on taper ensuite ? J'ai envie de dire que nous, députés, sommes relativement protégés car nos concitoyens ne connaissent pas nos adresses. En revanche, ils savent tous où habite leur maire et savent donc où le trouver pour se plaindre ! Je pense qu'il faut dire clairement aux préfets qu'ils ne doivent plus informer leurs élus, mais se concerter avec eux !
Vous me faites trop d'honneur, monsieur Aubert, en citant mes tweets. Je vous remercie : cela me fait de la pub, ce qui est toujours bien. Je vous remercie aussi, madame la ministre, d'en avoir défendu un. Il en reste cinq : nous y viendrons au cours de la séance !
S'agissant de mon deuxième tweet, que madame la ministre n'a pas pu défendre, je précise que jusqu'à preuve du contraire, les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières. Elles ne sont pas comme le nuage de Tchernobyl et ne s'arrêtent pas aux frontières de la France. Le fait que nous réduisions nos émissions bénéficie donc aussi aux autres : il n'y a là rien d'antinomique, monsieur Aubert.
J'en viens au nucléaire. Nous aussi souhaitons conserver une part de nucléaire dans la production de l'énergie totale consommée. Mais je suis certain qu'en tant que pronucléaire, monsieur Aubert, vous savez qu'un EPR du type de celui de Flamanville produit 10 térawattheures. Pour se passer totalement de la part du pétrole dans l'énergie que nous utilisons aujourd'hui, il faudrait 850 térawattheures, ce qui équivaut à quatre-vingt-cinq EPR – expliquez-moi, monsieur Aubert, comment les construire en dix ans ! Cela démontre que nous avons besoin des énergies renouvelables, notamment des éoliennes. CQFD !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'aimerais réagir à certains propos que j'ai entendus. J'en ai assez que l'on reproche à notre majorité d'être en train de tuer le nucléaire ! Qui, parmi nous, a voté la sortie du nucléaire en France ? Nous disons simplement que la production d'électricité dépend aujourd'hui à hauteur de 75 % du nucléaire – c'est un constat –, et que nous voulons la ramener à 50 %, à juste titre. Je rappelle en effet que pour des raisons conjoncturelles, 50 % des réacteurs nucléaires ont dû être arrêtés ou se sont trouvés en situation de non-fonctionnement l'an dernier. Nous avons de ce fait produit du CO
On entend souvent dire que l'énergie nucléaire est excellente pour le climat, car elle ne produit pas de CO
Mais j'aimerais que l'on parle aussi de la dette environnementale, des déchets radioactifs que nous laissons pour non pas dix ou cent ans, mais pour plusieurs milliers d'années, et dont les enfants des enfants des enfants de nos enfants hériteront. Cette dette, c'est aussi une part de responsabilité.
J'en viens au sujet de l'acceptation tarifaire. J'ai moi aussi participé à la commission d'enquête sur l'impact des énergies renouvelables et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. Dans le cadre de la mission d'information sur le suivi de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer également, j'ai pu constater qu'un appel d'offres pour des installations photovoltaïques peut se faire aujourd'hui sur la base de 55 euros le mégawattheure à coût complet – construction, maintenance et démantèlement. C'est un montant largement inférieur au coût de l'EPR de Flamanville, que l'on estime aujourd'hui largement supérieur à 80 euros le mégawattheure.
L'acceptabilité tarifaire implique donc de s'assurer aussi que le mix énergétique permet, notamment grâce aux énergies renouvelables, de maintenir un tarif bas à terme. Il faut arrêter de faire croire aux Français que le nucléaire ne coûte rien et qu'il est forcément bon marché. Ce n'est pas vrai ! Je voulais simplement rétablir ces quelques vérités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je voudrais revenir, madame la ministre, sur l'amendement de mon collègue Emmanuel Maquet visant à interdire l'installation d'éoliennes à proximité des zones protégées par l'UNESCO. Il y a dans ma circonscription un village magnifique, Les Riceys, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en raison de ses 866 hectares de vignes. Il est aujourd'hui proposé d'implanter un champ d'éoliennes à quelques kilomètres. Comment peut-on autoriser une telle installation à proximité d'un site comme celui-ci ? C'est impensable ! On demande aux viticulteurs de moins traiter leurs cultures, de prévoir des zones de non-traitement, d'utiliser de moins en moins de produits et de développer une activité touristique pour compenser la disparition des commerces en zone rurale, pendant que vous, madame la ministre, vous implantez des éoliennes dans ces endroits ! Comment faire ? C'est invraisemblable. Il fallait accepter l'amendement de mon collègue Maquet !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je voudrais corriger deux ou trois choses. Je reviens sur votre argument, monsieur Millienne. Sachant que l'ensemble des éoliennes ont produit, en 2018, 27,8 térawattheures et que le taux de charge d'une centrale nucléaire atteint 70 %, quand celui d'une éolienne terrestre est de 22 %, vous n'allez pas sortir gagnant d'un calcul en térawattheures ! Pour remplacer une centrale comme celle de Fessenheim, qui produit 5,7 térawattheures en un an, il faudrait plusieurs centaines d'éoliennes.
Par ailleurs, M. Millienne, qui s'est visiblement absenté,…
…n'a pas compris les propos que j'ai tenus tout à l'heure. Notre électricité est déjà décarbonée. Lorsque nous investissons 100 milliards d'euros pour transformer une électricité décarbonée en électricité décarbonée, nous n'économisons pas de CO
…pour réduire notre consommation de pétrole et de gaz, pas celle des voisins ! Cela me semble évident tant du point de vue économique que budgétaire.
Le sous-amendement n° 78 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 75 n'est pas adopté.
L'amendement n° 58 n'est pas adopté.
Les uns et les autres ont cité de nombreux chiffres tout à l'heure. Pour ma part, j'ai consulté le rapport annuel de RTE, qui est particulièrement bien fait. En 2020, une année sans doute exceptionnelle en raison de la crise, la France a produit 500 térawattheures et en a consommé 460. Globalement, même si notre pays importe de l'énergie à certains moments et en exporte à d'autres, 40 térawattheures ont été produits en trop. Or l'énergie éolienne a fourni 39,7 térawattheures en 2020. Cela signifie que, même s'il n'y avait pas eu une seule éolienne en France, nous n'aurions pas rencontré de problème de black-out ou de trop faible quantité d'énergie produite. Je vous vois interroger vos services, madame la ministre, mais il vous suffit de consulter le rapport 2020 de RTE pour trouver l'ensemble des éléments. J'ajoute que l'énergie éolienne coûte cher, même si les chiffres qui viennent d'être rappelés tendent à minorer ce coût, et que nous l'exportons dans les pays voisins à des prix très bas, ce qui nous fait perdre de l'argent. Globalement, la France perd de l'argent avec l'éolien et cette énergie ne sert à rien, puisque nous n'en avons pas besoin.
En outre, l'énergie éolienne pose un vrai problème pour les paysages, d'autant que certaines éoliennes ont désormais des mâts de plus de 240 mètres de haut. Elle entraîne également, pour les biens immobiliers situés à proximité, une perte de valeur que les études estiment entre 30 % et 40 %. Certains médecins expliquent même que l'énergie éolienne peut provoquer des problèmes neurologiques.
Tout cela nous conduit à proposer d'amender l'article 2 pour que les communes riveraines puissent émettre un avis dont il soit tenu compte. Vous avez déclaré, madame la ministre, qu'un tiers des projets n'aboutissaient pas. Eh bien, laissons les communes décider : les communes d'implantation mais aussi les communes riveraines.
Je commencerai de façon positive, en remerciant le groupe Les Républicains, même si je ne suis absolument pas d'accord avec la vision développée par le texte qu'il nous soumet. Je pense en effet que nous avons besoin de débats démocratiques sur les questions relatives à l'énergie, mais que celles-ci ne sont jamais posées – notamment lorsque Emmanuel Macron décide que nous allons continuer à tout-va avec le nucléaire, en particulier avec les SMR, ou petits réacteurs modulaires, qu'il veut développer. Je rappelle que c'est une technologie que nous ne connaissons pas encore…
…et qu'elle ne pourrait être mise au point qu'en 2035 au mieux, ce qui répond fort bien à l'urgence écologique ! C'était mon premier point.
Deuxièmement, quel est le problème posé par notre débat ? Il ne s'agit pas de décider de la réglementation à instaurer pour le développement de l'énergie éolienne ou solaire, par exemple pour l'interdire sur les terres cultivées. Il est vrai que ce travail doit être fait, mais le problème fondamental – que vous oubliez – est que la meilleure énergie est celle qui n'est pas produite et qu'aucune énergie n'est neutre en matière environnementale.
Il y a un autre angle mort problématique : un euro ne peut être dépensé qu'une fois. Or l'énergie nucléaire, qui est louée dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, est une énergie extrêmement chère, plus onéreuse aujourd'hui que les énergies renouvelables. Nous le savons ; je ne vous apprendrai pas que la facture de l'EPR est passée de 3 à 19 milliards d'euros. L'énergie nucléaire n'est pas non plus une énergie propre comme c'est indiqué dans le même exposé des motifs : elle nous rend dépendants de l'uranium et de son extraction dans d'autres pays et génère des déchets dont nous ne savons que faire, par exemple à Bure. Ce qui me fait rire c'est qu'avec l'article 2, chers collègues, vous voulez vous engager pour la démocratie environnementale alors que nous ne vous avons pas entendus vous engager pour la démocratie environnementale lorsque l'on installait des réacteurs nucléaires, ou que l'on enfouissait des déchets dans certaines communes, ni quand la démocratie environnementale a été affaiblie par la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP) et la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) !
Le débat doit avoir lieu, mais vous menez, contre l'énergie éolienne – et alors même que la France est avant-dernière en matière d'investissement dans les énergies renouvelables –, une guerre d'arrière-garde. Aujourd'hui, nous devrions étudier la façon de tendre vers 100 % d'énergies renouvelables : elles constituent la seule solution résiliente face au dérèglement climatique, alors que l'énergie nucléaire ne l'est pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Karine Lebon applaudit également.
Le titre de cette proposition de loi « visant à raisonner le développement éolien » me semble poser problème.
On aurait plutôt dû l'appeler « Petit manuel pour empêcher tout développement de l'éolien ». J'ai rarement vu une proposition de loi aussi idéologique sur ce sujet ! Mieux vaut que nous nous le disions et que vous nous en expliquiez les raisons, chers collègues. Quand je vois nos objectifs en matière de développement des énergies renouvelables – éolien terrestre et marin, solaire –, et que je constate que l'on trouve toutes les solutions possibles pour l'empêcher avec des arguments totalement irrationnels, je suis surpris : il me semblait que nos amis du groupe Les Républicains étaient rationnels ! Je pensais qu'ils se fonderaient sur des études scientifiques, mais on ne parvient pas à retrouver la source de celles qu'ils citent.
C'est quand même étonnant ! Vous vous plaignez, chers collègues, que l'on ne donne pas la main aux territoires sur ces sujets et qu'on ne les écoute pas. Or les dix mesures listées par Mme la ministre redonnent clairement leur chance aux territoires. Je ne pense pas nécessaire de vous en faire la lecture, vous avez dû les lire avant notre séance. Je pense que les propositions d'« instruire les projets avec le plus haut niveau d'exigence » et de « réduire l'impact des parcs éoliens pour les riverains » répondent aux questions que nous nous posons aujourd'hui dans l'hémicycle. Il me semble que ce sont beaucoup de discussions pour rien – ce dont je m'étonne, avec le groupe Dem.
Votre intervention, oui ! Avec elle on va bientôt pouvoir produire de l'électricité !
Madame la présidente, j'ai demandé à être inscrite sur l'article 2 car les amendements de suppression de M. Perea et de M. Leseul risquent d'être adoptés et donc de faire tomber les amendements que j'entendais défendre. Or je tenais à m'exprimer à leur sujet.
La construction de parcs éoliens est l'une des solutions soutenues par le Gouvernement pour assurer la transition écologique. M. Macron a ainsi entériné l'installation de 12 000 éoliennes supplémentaires d'ici à 2028. Rappelons tout de même que cette construction nécessitera de couler quelque 18 000 tonnes de béton, ce qui, mécaniquement, va polluer nos sols, abîmer la faune et la flore locales et dévaster nos paysages.
Autant dire que les Français y sont de plus en plus opposés comme le révèlent un certain nombre de sondages publiés en 2019. Dans le Journal du Médoc, 68 % des 2 000 votants se sont prononcés contre un projet de douze éoliennes à Lesparre-Médoc ; dans le Maine-Libre, 78 % des 2 265 votants se sont dits opposés à l'implantation d'éoliennes dans la Sarthe ; à la question du Point « Faut-il multiplier les installations d'éoliennes en France ? », 53,2 % des 54 363 participants ont répondu « non ».
Il est donc indispensable de tenir compte des opinions exprimées au niveau local comme au niveau national. Il importe de respecter la volonté de la population locale lorsqu'elle estime que l'implantation d'éoliennes n'est pas souhaitable. C'est tout simplement une question de respect des Français.
Rappelons les propos tenus par M. Macron lui-même en janvier dernier à Pau : « le consensus sur l'éolien est en train de nettement s'affaiblir dans notre pays » ; « on ne peut imposer l'éolien d'en haut ».
Monsieur Michel-Kleisbauer, je ne peux vous donner la parole sur l'article : la règle veut que seul un orateur par groupe s'exprime et M. Lainé s'était déjà inscrit pour votre groupe. Vous pourrez intervenir sur les amendements.
Je suis saisie de deux amendements de suppression, n° 46 et 70.
Je vous informe qu'ils font l'objet, de la part du groupe Les Républicains, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Perea, pour soutenir l'amendement n° 46 .
Je suis heureux qu'il y ait un scrutin public car je ne doute pas que ces amendements feront l'unanimité.
Depuis que nous avons commencé l'examen de cette proposition de loi, on nous parle de concertation et beaucoup ont insisté sur la nécessité de travailler avec les élus locaux, de leur donner plus de responsabilités et de les écouter.
Or l'article 2 ouvre une possibilité qui va à l'encontre de tout ce que vous défendez, chez collègues : si une communauté d'agglomération XXL de 300 communes prend la décision de créer un parc éolien, une commune limitrophe de seulement 50 habitants aura la faculté de s'y opposer.
Certes, comme Mme Fiat l'a bien expliqué, il faut consulter les élus locaux mais à un moment donné, il importe qu'une autorité, en l'occurrence le préfet, prenne une décision.
Nous disposons déjà de toutes les instances pour travailler avec les élus locaux. Nous avons ajouté aux propositions de Mme la ministre la création d'un médiateur et, en dernier recours, un juge peut intervenir.
Nous sommes contre cet article et proposons sa suppression. Permettre à une seule commune faiblement peuplée de s'opposer à toutes les autres serait un signe de mépris à l'égard des élus locaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 70 .
Nous aussi, nous nous opposons à ce droit de veto. Je ne pense pas que ce soit la meilleure manière de donner la parole aux élus d'un point de vue démocratique.
Nous nous y opposons également car nous considérons que c'est une façon pour les auteurs de ce texte de manifester leur refus systématique de l'éolien.
Notre position est plus nuancée. Nous estimons que des moratoires pourraient être décidés dans certains territoires où se pose un problème d'acceptabilité, quand trop c'est trop. Le groupe SOC privilégie une logique de planification permettant aux élus locaux, dans le cadre des schémas d'urbanisme, de définir des zonages de développement comme d'interdiction afin de répondre aux besoins des territoires et de favoriser une juste répartition des efforts.
Madame le président, je répondrai aux divers orateurs.
Madame Fiat, vous ne savez pas plus faire la différence entre un EPR et un réacteur actuel qu'entre une circulaire et une loi.
Quand on fait la loi, mieux vaut connaître la différence entre une circulaire et une loi, que cela vous plaise ou non !
Quand on fait la loi, on fait la différence entre le président et la présidente !
Et quand on parle d'énergie, on n'invoque pas l'EPR de Flamanville pour expliquer que le parc nucléaire historique, dont le coût est déjà amorti, est responsable de l'augmentation de la facture d'électricité des Français ! C'est complètement faux !
À un moment donné, il faut choisir : soit on discute sur des bases scientifiques rigoureuses, soit on fait du spectacle. En l'occurrence, vous avez choisi de faire du spectacle.
Citons des chiffres, si vous le voulez. Le coût du parc nucléaire historique a été évalué par la Cour des comptes entre 70 milliards et 90 milliards d'euros. Si nous voulions rebâtir le parc actuel, qui a fourni 70 % de l'électricité française pendant quarante ans, cela nous coûterait donc entre 70 milliards et 90 milliards d'euros et vous nous expliquez qu'il faut remplir le trou énergétique pour les quinze prochaines années avec la PPE – programmation pluriannuelle de l'énergie – dont le coût sera d'environ 100 milliards d'euros. Où se trouve l'hubris budgétaire ? Je vous le demande. Comment comptez-vous financer à la fois votre plan de développement des énergies renouvelables et l'avenir du parc nucléaire ?
La loi NOME de 2010 est mauvaise, vous avez raison, mais c'est un autre sujet.
Monsieur Lainé, vous avez parlé de « brouillon » et même d'« incohérence ». Mais l'incohérence n'est-elle pas plutôt de votre côté ? Vous défendez le rôle du préfet pour soutenir le développement de l'éolien alors que vous êtes député d'un département, les Landes, où c'est précisément le préfet qui a permis de mettre fin à un projet, celui de Rion-des-Landes.
Quant à vous, monsieur Perea, dois-je vous rappeler qu'il n'existe pas en France d'intercommunalités composée de 300 communes ? Les plus importantes sont la communauté d'agglomération du Pays basque – 158 communes – et la communauté urbaine du Grand Reims – 143 communes. Alors je ne sais pas à quoi correspond cette macro-intercommunalité.
Nous, nous proposons que ce soit le maire…
Sourires.
…qui détienne in fine un droit de véto alors que la concertation dont vous vous réclamez n'est, en réalité – on le sait très bien depuis la Convention citoyenne sur le climat –, qu'une démocratie « blablative ». Même quand les gens ne sont pas d'accord, on leur dit que le projet va quand même se faire. C'est souvent une perte de temps, et c'est aussi un moteur de frustration.
Monsieur Millienne, vous tweetez beaucoup et je le lisais tout à l'heure un autre de vos tweets : « Chaque projet fait l'objet de concertations dans un rayon de 6 km autour du site, voire plus. Une enquête publique est aussi bien sûr systématiquement menée. C'est triste mais on s'habitue à ces propos populistes depuis que LR file tout droit vers l'extrême droite. »
Prenons un département au hasard, monsieur Millienne : les Yvelines, dont vous êtes élu, n'est-ce pas ?
Quel est le point commun entre Crespières, Flacourt, Blaru, Saint-Illiers-la-Ville, Épône, Arnouville-lès-Mantes, Lommoye et Hargeval ?
Tout d'abord, sept de ces huit communes se trouvent dans votre circonscription. Ensuite, ces huit communes avaient été identifiées par l'agence régionale de l'environnement et des nouvelles énergies pour accueillir des sites éoliens. Et les huit projets ont capoté !
Pourquoi ? À cause de l'opposition des riverains. Vous parlez de la concertation mais vous voyez bien qu'il y a un problème en France.
Votre propre commune, Jumeauville, confrontée, en 2004, à deux projets d'installation de quinze éoliennes, a voté contre. Tout cela montre que les communes appellent à l'aide.
J'ai pris les Yvelines mais j'aurais pu citer le cas de bien d'autres départements où, malgré l'opposition des communes, de parcs naturels régionaux, de départements…
Madame Fiat, cela devient impossible ! Vous voulez peut-être être nommée « rapporteuse » ?
Sourires.
Je savais que cela vous toucherait au cœur ! Dès qu'on fait mal à l'orthographe, vous êtes à mes côtés.
La vérité, mes chers collègues, c'est que partout en France, des collectivités territoriales s'opposent et cela pose un vrai problème démocratique. Nous n'avons pas besoin d'implantations massives d'éoliennes, ce serait une perte budgétaire et industrielle. La logique veut qu'elles soient installées là où il y a du vent et de l'acceptabilité sociale. Il ne sert à rien de dire qu'on va créer des parcs envers et contre tout car cela provoque de la frustration. Autant aller plus vite et déterminer les zones qui font consensus parmi les collectivités. D'ailleurs, les travaux de la commission d'enquête ont bien montré que les projets qui fonctionnaient étaient ceux qui avaient été soutenus dès le départ par les maires. Vous ne construirez pas une politique énergétique sans les hommes, ou sans les femmes, et sans les collectivités territoriales.
Madame Fiat, s'il vous plaît, je vous invite à la discrétion.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Nous avons déjà eu ces débats sur la nécessité de la concertation. Je pense que l'article 2 propose une très mauvaise solution et je partage évidemment les arguments qui ont été avancés sur ces bancs, notamment par M. Perea.
S'agissant d'un enjeu de niveau national, on ne peut laisser les maires totalement seuls, ou alors ce serait leur donner un cadeau empoisonné. Les maires doivent être consultés et parmi nos dix propositions évoquées par Fabien Lainé figure notamment la création de comités de projets locaux autour des maires destinés à faire exister la concertation. Nous ne pouvons pas y parvenir si nous ne donnons pas une visibilité sur les territoires. Et nous avons mis au point une méthode pour essayer d'aboutir à un consensus.
Si vous donnez aux maires un droit de véto, vous mettrez sur leurs épaules la responsabilité d'accepter ou de refuser les parcs, ce qui impliquera pour eux de subir des pressions puisque les mouvements NIMBY – Not in my backyard – sont présents partout sur le territoire. Ils risquent de se retrouver coincés, pris en otages par des gens qui ne sont pas forcément représentatifs de toute la population.
Mme Ménard a évoqué des sondages élaborés à partir de sites internet, qui sont en réalité des défouloirs. Je vous invite plutôt à vous tourner vers des instituts sérieux comme Harris Interactive qui vient de publier cet après-midi un sondage selon lequel 73 % des Français seraient favorables à l'éolien – 77 % dans les Hauts-de-France et 75 % dans le Grand-Est.
Nous pouvons dire qu'il reflète de manière fidèle l'état de l'opinion. Ceux qui sont d'accord, par définition, ne râlent pas ; or ceux qui ne râlent pas, on ne les entend pas. Il faut donc prendre garde à l'effet grossissant des actions menées par certaines associations ou certains réseaux. Je ne nie pas que des projets peuvent soulever des problèmes dans certains territoires, et nous essayons de les prendre en compte. Il s'agit de faire les choses correctement. Je ne suis pas d'accord avec le fait de mettre une telle pression sur les élus, c'est pourquoi j'émets un avis favorable sur ces deux amendements de suppression.
J'aborde un dernier point, qui concerne M. Sermier. Quand il parle de la production de tel ou tel type d'électricité, il oublie que la consommation varie au fil des mois : elle atteint des pics en hiver.
Le marché européen de l'électricité nous permet de pallier le problème des périodes durant lesquelles nos besoins sont supérieurs à la production, notamment en hiver – durant cette saison, les éoliennes évitent d'ailleurs un recours massif aux importations. Pour vous donner des chiffres récents, nous avons exporté en 2020 77,8 térawattheures et en avons importé 34,6, dont presque la moitié en provenance d'Allemagne et du Benelux. La France importe principalement en hiver, lors du pic de consommation et en moyenne – même s'il faut rester prudent quant à celle-ci – quarante jours par an, pour faire face aux problèmes de pointe de consommation. Si nous n'avions pas d'éoliennes, nous importerions plus. La consommation en France n'est pas uniforme tout au long de l'année : elle est en pics et en creux. Cela n'a pas de sens de citer des données présentées de façon linéaire si elles ne sont pas rapportées à la consommation qui fluctue.
Je ne sais pas d'où proviennent les chiffres que vous avancez, selon lesquels nous pourrions produire 60 gigawatts pour 90 milliards d'euros…
S'il s'agissait des EPR, nous obtiendrions certainement des chiffres beaucoup plus importants. Plutôt que de faire ainsi état de chiffres, donnons-nous rendez-vous lorsque les scénarios RTE seront communiqués.
Ces scénarios, qui se fondent sur de nombreuses recherches ainsi que sur un rapport relatif au nouveau nucléaire, nous permettront d'évaluer le coût de différentes solutions : 100 % d'ENR par exemple, ou un pourcentage plus élevé qu'actuellement d'ENR et un peu moins élevé de nucléaire, ou encore une part un peu plus importante de nucléaire produit par les anciennes centrales ou à l'inverse de nouveau nucléaire. Nous disposerons ainsi de projections sur lesquelles travailler. Mais balancer des chiffres comme vous le faites, en mélangeant des carottes avec des pommes de terre, ne permet pas de travailler correctement.
Attendons tranquillement le 25 octobre – cette date arrivera très vite – et étudions les différents scénarios pour avoir une discussion sereine sur notre avenir énergétique, à propos duquel nous devrons prendre nos responsabilités. Nous sommes attendus par les Français pour faire face à ces enjeux importants et lourds.
Je veux revenir, à travers l'article 2, sur la concertation publique qui est absolument nécessaire sur ce type de projets et notamment sur ce que vous avez annoncé il y a quelques jours, madame la ministre, concernant l'avis des maires. Enfin, ai-je envie de dire ! Ils émettent spontanément leur avis sur ce qui se passe dans leur territoire mais celui-ci, vous le savez, n'est in fine jamais suivi. C'est d'ailleurs le problème de la concertation publique : à quoi sert-il de solliciter l'avis des gens si celui-ci n'est pas respecté ? C'est bien souvent ce qui provoque la colère, dans une société française si fragile : on mobilise les gens pendant des soirées entières pour leur expliquer les projets et, lorsqu'ils s'y opposent, on leur répond : « ce n'est pas bien grave ; nous allons vous réexpliquer ». Autrement dit, on leur répond qu'ils n'ont pas compris ce qu'on leur explique. C'est de la provocation.
J'ai bien compris, madame la ministre, en écoutant ce que vous venez de préciser, qu'il ne s'agira pas d'obtenir un avis conforme des maires, mais bien un simple avis. Nous retombons donc dans le même processus : l'avis des collectivités ne sera vraisemblablement pas respecté pour une large part, même si certaines d'entre elles sont intéressées essentiellement par les retombées fiscales, vous le savez. Les propriétaires de terrains et les collectivités peuvent y voir un intérêt, mais cela ne traduit pas pour autant une adhésion à la politique énergétique que vous souhaitez mener.
Voilà pourquoi j'appelle votre attention sur le sujet : vous allez de nouveau fracturer les territoires. Vous savez que l'éolien génère des tensions dans les territoires – notamment dans les Hauts-de-France et dans le département de la Somme que vous connaissez bien –, tensions que nous, parlementaires, devons essayer de d'aplanir.
Chers collègues, il faut savoir respecter les élus locaux, qui sont responsables et connaissent leur territoire. Certes, les membres de cette majorité les ignorent parce que leurs expériences personnelles sont telles qu'ils ne les ont guère croisés.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
« Scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est la conséquence de la loi sur le cumul des mandats, nous le savons bien. Pourtant, vous êtes bien contents de les trouver lorsque les choses vont mal : rappelez-vous durant la crise sanitaire, lorsqu'on nous a tant vanté le couple préfet-maire.
Je vous donne un exemple très précis : pour ce qui concerne le projet éolien que j'évoquais tout à l'heure au large des communes du Val-André et d'Erquy, une commission départementale de consultation a été créée, mais les maires concernés ont été écartés de la concertation. Telle est la réalité, madame la ministre, et vous le sauriez si vous étiez venue dans notre département.
Les maires ne sont pas les seuls à devenir hostiles à ces projets : de plus en plus d'associations environnementales s'opposent à l'éolien, au moins sur le territoire que je connais bien. C'est le cas de Garder les Caps en particulier, qui fait un travail remarquable, mais également de Sea Shepherd, association connue qui a réalisé un magnifique film sur les coraux au large du Cap Fréhel, dans cette zone qui pourrait, demain, subir les conséquences de l'implantation d'éoliennes. Madame la ministre, vous le sauriez si vous étiez venue nous voir, mais cela n'a pas été le cas.
Vous sauriez également que nous ne sommes pas opposés aux énergies nouvelles. Je crois que le solaire peut apporter certaines solutions, tout comme la méthanisation dans le domaine de l'électricité ou du gaz. Je pense aussi à la houle : nous développons un projet sur la baie de Saint-Brieuc dont vous auriez pu prendre connaissance, une fois de plus, si vous étiez venue.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Eh oui ! Le propre de la vie publique est de se rendre sur le terrain, même lorsque ce n'est pas si facile. La houle permet de générer de l'énergie, à des coûts sans doute bien plus favorables que l'éolien.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de mettre dans la boucle les élus locaux, qui connaissent leur territoire.
Monsieur Aubert, je vous ai félicité tout à l'heure sur le fait d'avoir ouvert le débat, parce que nous avons besoin de discuter de la politique énergétique de notre pays. Mme la ministre nous affirme que nous aurons ces discussions, mais nous savons bien qu'elles ne donnent jamais lieu à des débats approfondis et qu'elles ne nous permettent pas de définir collectivement des règles, ce qui pose problème.
Je vous ai félicité, disais-je, mais j'ai entendu la remarque que vous avez faite à ma collègue Caroline Fiat : vous auriez sans doute préféré vivre au XIX
Vous ne les écoutez pas, les arguments ! Quelle victimisation ! Arrêtez de dire des bêtises !
Nous développons des arguments et il serait bien que vous en fassiez autant lorsque vous nous répondez, au lieu de faire preuve d'une condescendance crasse et d'un sexisme absolument irresponsable !
Deuxième point que je veux évoquer, nous avons des arguments sur l'énergie nucléaire ; peut-être ne vous plaisent-ils pas mais le débat démocratique, c'est aussi cela. Nous disons que l'énergie nucléaire est une énergie sale, qui prévoit notamment l'enfouissement des déchets à Bure auquel nous nous opposons,…
…et une énergie chère, qui n'est pas résiliente au changement climatique. Ces arguments, qu'ils vous plaisent ou non, sont aussi soulevés par de nombreuses associations et nous continuerons de les défendre.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, – c'est peut-être le seul argument que vous avez développé : comment investirez-vous dans le 100 % énergies renouvelables, tout en conservant le nucléaire ? C'est bien le choix sur lequel nous devons nous prononcer, en toute démocratie. Si l'idée est de conserver des réacteurs nucléaires qui, je le rappelle, ont été conçus à l'origine pour une durée de trente ans, avec les scandales que l'on connaît – notamment celui des malfaçons de Creusot Forge –, alors oui nous devons nous poser la question. Nous refusons de continuer pendant des dizaines et des dizaines d'années avec des réacteurs et des centrales nucléaires, dans lesquels les investissements sont massifs, notamment dans le grand carénage. Nous considérons qu'au contraire il faut planifier la sortie de l'énergie nucléaire et investir dans les énergies renouvelables. C'est de cette manière-là et, bien sûr, d'abord et avant tout, par l'efficacité et la sobriété énergétiques que nous obtiendrons un modèle énergétique qui se tient et qui ne soit pas un grand gaspillage.
Mme Caroline Fiat applaudit. – Mme Karine Lebon applaudit également.
S'il est acquis que l'orientation en matière de politique énergétique doit être déterminée au niveau central – quelle qu'elle soit et quelle que soit l'appréciation que nous portons sur cette politique –, il n'est pas possible, pour les membres du groupe GDR, de laisser rayer d'un trait de plume, comme le font ces deux amendements de suppression, la question de la concertation locale.
Au-delà de la démocratie, il s'agit du débat à l'échelon local sur un aménagement équilibré du territoire. Nous savons tous comment la concertation qui nous est souvent promise se résume d'ores et déjà à une concertation bla-bla-bla. Que ce soit sur cette question comme sur beaucoup d'autres – les prisons, les aires de grand passage des gens du voyage, etc. –, c'est souvent au plus fort la pouque, au détriment de celui qui n'est pas dans les petits papiers du président de la communauté de communes et qui va se ramasser les problèmes. Il n'en reste pas moins que le débat a lieu localement.
Cette façon de procéder, consistant à supprimer le débat public d'un trait de plume, ne nous paraît pas être la meilleure solution pour avancer sur une question particulièrement épineuse. C'est pourquoi soit nous nous abstiendrons, soit je voterai contre.
Il reste des inscrits mais vous êtes trop nombreux à vouloir vous exprimer. Je vous propose que nous nous limitions à deux orateurs et je m'efforcerai de faire tourner les prises de parole. Je vous remercie de votre compréhension.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 46 et 70 , tendant à supprimer l'article 2. Je rappelle qu'ils ont reçu un avis défavorable de la commission et favorable du Gouvernement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 50
Contre 29
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement n° 37 portant article additionnel après l'article 2.
Une analyse intitulée « Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine », produite en 2014 par la CRE, indiquait une baisse significative des coûts d'investissement et d'exploitation dans la filière photovoltaïque depuis 2010, due principalement à la diminution du prix des modules, qui représente à lui seul près de la moitié des dépenses d'investissement. Elle concluait que la filière photovoltaïque a conduit à une baisse notable des coûts de production qui s'explique par un effet d'échelle – les parcs les plus puissants étant généralement moins chers – et par un effet d'apprentissage.
Si ni l'éolien ni le photovoltaïque ne sont à même d'assurer la souveraineté énergétique française, il importe, lorsque le choix se porte sur l'une ou sur l'autre de ces technologies, de les mettre en concurrence ouverte et équitable, afin de permettre une meilleure allocation des ressources, l'éolien n'étant pas forcément toujours préférable au solaire. Tel est l'objet de cet amendement.
L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à abroger les tarifs de rachat garantis fixés par l'arrêté du 17 juin 2014, qui établit les conditions d'achat de l'électricité produite par les éoliennes terrestres. Ce tarif est fixe pendant une année donnée. Se superpose à ce dispositif le complément de rémunération mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, contribuant ainsi à une forme de sur-subvention d'une technologie peu rentable. En effet, selon la CRE, en 2017 par exemple, les consommateurs d'électricité ont payé 5,6 milliards d'euros de surcoûts, liés aux tarifs d'achat des énergies renouvelables, de source éolienne ou solaire.
L'amendement n° 38 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à proposer une clé de répartition pour tendre vers un aménagement mieux équilibré de notre territoire.
Il vise à donner aux régions un droit de veto sur l'installation d'éoliennes supplémentaires, dans le cas où le rapport entre la puissance éolienne terrestre installée par kilomètre carré et le potentiel éolien moyen serait plus de deux fois supérieur à celui d'une autre région – ce dont nous nous approchons dans les Hauts-de-France. Il s'agit de conférer à l'échelon régional un rôle supplémentaire dans la gestion du parc éolien, conformément au principe de subsidiarité.
Je suis défavorable aux trois amendements.
L'amendement n° 62 n'est pas adopté.
Il s'agit de revenir sur la renégociation des frais de raccordement des parcs éoliens en mer adoptée en 2017. Elle avait certes permis un gain de 25 milliards d'euros sur les 40 milliards engagés, mais cela s'était fait grâce au tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE).
Cet amendement a été repoussé par la commission mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
Avis défavorable. Cela ne représente aucun gain financier pour les finances publiques mais fait peser des risques sur les projets en les renchérissant.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à soumettre le développement de l'éolien au respect de l'environnement, notamment des sols, des fonds marins, des paysages et de la biodiversité.
Cette déclaration de principes a le mérite de rappeler que, si les éoliennes ont la réputation d'être non polluantes, elles ont pourtant des effets négatifs sur l'environnement.
Leur construction consomme des terres rares, dont l'extraction est généralement outrancièrement dévastatrice pour la nature et pour les ouvriers qui s'y consacrent.
Lorsqu'elles fonctionnent, leurs pales peuvent couper la route des oiseaux migrateurs et perturber le vol des chauves-souris – c'est le cas, chez nous, dans les Hauts-de-France.
Visuellement, elles bouleversent les écosystèmes humains et peuvent avoir un effet très dissuasif pour les touristes ou pour l'installation de résidents permanents.
Leur démantèlement intervient à échéance courte – de vingt à vingt-cinq ans – et produit des déchets coûteux et difficiles à traiter ou à recycler.
L'éolienne n'est évidemment pas l'énergie la plus polluante, mais il ne faut pas non plus tomber dans le travers de croire, par principe et par idéologie, qu'elle est absolument sans conséquences pour l'environnement.
J'en profite pour rappeler que, dans l'Oise comme dans le sud de la Somme, les maisons perdent de 30 à 40 % de leur valeur : et nous parlons de gens qui ont mis toute leur vie à payer leur maison, dans une région bien pauvre.
L'amendement est satisfait. Avis défavorable.
L'amendement n° 48 n'est pas adopté.
L'amendement n° 32 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 15 .
N'en déplaise à M. Perea, cet amendement a pour objet de soumettre les projets d'installation de parcs éoliens sur une commune à l'information préalable non seulement du maire et de l'intégralité des membres du conseil municipal de la commune, mais aussi de ceux des communes limitrophes. Il s'agit de renforcer la démocratie écologique locale et d'éviter que le maire de la commune d'implantation soit le seul informé de ces projets et qu'il garde l'information pour lui.
En effet, l'implantation d'un parc éolien peut avoir un impact écologique et visuel sur les communes limitrophes, et il est donc légitime qu'elles en soient également informées. Je prendrai l'exemple de l'Hérault, où le projet de parc éolien de Puissalicon était réputé abandonné. Or, quelle n'a pas été la surprise des maires des communes limitrophes, lorsqu'ils ont appris, un beau matin, que, loin d'être abandonné, le projet était sur le point d'être relancé.
L'information des communes limitrophes doit donc être une condition préalable et nécessaire.
L'amendement n° 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à réorganiser les retombées fiscales entre les communes d'où les éoliennes maritimes sont visibles, en supprimant le critère du nombre d'habitants, eu égard à l'évolution de la société et au nombre croissant d'habitations partagées sur le littoral.
Cet amendement vise à rendre obligatoire la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) avant toute procédure de mise en concurrence, pour la construction et l'exploitation d'éoliennes terrestres, comme c'est déjà le cas s'agissant de l'éolien offshore.
Autorité administrative indépendante dont la mission est d'informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte, la CNDP se doit d'exposer, de manière claire et transparente, l'opportunité, les avantages, les inconvénients, les caractéristiques et les impacts d'un projet. Pour ce faire, elle veille, en particulier, à ce que l'information donnée par le responsable du projet soit accessible, complète et compréhensible. Elle peut également financer des expertises alternatives ou complémentaires demandées par le public.
Je souhaite le retrait de l'amendement de Mme Thill au profit de l'amendement n° 3 , qui demande également une meilleure répartition du produit de la fiscalité sur les éoliennes en mer, en faveur des communes les plus touchées.
Ces deux amendements vont encore complexifier une réglementation déjà très complexe et risquent d'empêcher le développement des projets. Avis défavorable.
L'amendement n° 51 est retiré.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
L'objectif de cet amendement et de soumettre l'installation d'un parc éolien sur une commune à l'autorisation préalable des conseils municipaux concernés, celui de la commune sur le territoire de laquelle va avoir lieu l'installation ainsi que celui des communes limitrophes. Il s'agit ici de renforcer la démocratie de proximité et de donner tout leur sens aux prérogatives des élus locaux qui sont, je le rappelle, garants de la salubrité, de la santé et de l'ordre public.
Dans le prolongement de ce que j'évoquais tout à l'heure, nous demandons que la loi prévoie un avis conforme du conseil municipal et non pas un avis simple.
Dès la mise en service des éoliennes, l'exploitant constitue les garanties financières nécessaires aux opérations de démantèlement, la loi imposant en effet le démantèlement des éoliennes en fin de vie. Il a pour unique devoir de présenter une garantie bancaire de 50 000 euros par mât.
Cette somme nous paraît largement insuffisante, et nous estimons qu'il faut d'emblée fixer une provision adaptée au coût du démantèlement, lequel est estimé à 130 000 euros environ. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose d'établir à 6,5 % du prix total de l'installation, le montant de la provision, conformément à ce qui se fait déjà dans certains Länder allemands.
Le principe de la provision permet de se prémunir contre le risque de liquidation de la société concessionnaire par le promoteur, qui ne démantèlerait donc pas l'installation, en détournant l'obligation contractuelle.
Des garanties financières existent déjà. Avis défavorable sur les deux amendements.
Le présent amendement vise à rendre obligatoire le démantèlement complet des éoliennes lors de la remise en état des sites, en plus du traitement des fondations en béton.
L'amendement n° 6 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à rendre obligatoire, lors de la remise en état des sites, le démantèlement complet du socle en béton des éoliennes et son remplacement par de la terre analogue à celle dont est constitué le terrain au moment de cette remise en état.
Actuellement, les textes réglementaires ne prévoient d'enlever le socle que sur un mètre de profondeur en zone agricole et deux mètres en zone forestière. Or ces socles atteignent parfois une vingtaine de mètres de profondeur, et on estimait, fin 2028, la quantité de béton armé demeurant dans les sols, partout en France, à 7 millions de tonnes environ.
En outre, ce qui figure dans un contrat aujourd'hui sera-t-il applicable dans trente ans si l'entreprise n'existe plus ? Ce sera très certainement aux communes de prendre en charge l'extraction du béton, pour un coût probablement exorbitant. Et que fera-t-on des déchets ?
Avis défavorable. S'il vous plaît, madame la députée, ne relayez pas des fake news ! Il est normal que l'on ait un débat, mais sur des bases réelles. Cette histoire de démantèlement est fausse ! Aujourd'hui, la règle est simple : tous les socles en béton doivent être intégralement retirés, et cela se fait déjà depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Les garanties financières sont précisément là pour qu'il y ait toujours quelqu'un qui assume le coût du démantèlement.
Cet amendement vise à mettre fin au versement colossal d'argent public à la filière éolienne. La raison en est simple et touche à nos choix énergétiques : pour l'illustrer, il faut prendre l'exemple du projet de réacteur thermonucléaire ITER de Cadarache, dans les Bouches du Rhône. Son budget est passé de 5 à 19 milliards d'euros, payés par trente-cinq pays pour industrialiser la technique de fission nucléaire et développer la recherche.
La France peut être fière d'accueillir ce projet sur son sol, car le pays dispose en ce domaine d'une expertise à nulle autre pareille, et si elle a réussi à attirer les investissements de pays étrangers qui ont consenti à des sacrifices financiers aussi importants, c'est que l'issue en vaut la peine : ITER pourrait produire une énergie en quantité quasi infinie, révolutionnant l'économie mondiale, avec une génération de pollution quasi inexistante, des coûts minimes, et des risques sécuritaires maîtrisés et limités.
Au vu des sommes colossales engagées pour ce projet aux débouchés durables, il paraît presque absurde de vouloir encore abreuver une filière éolienne beaucoup moins performante, et sans doute finalement plus polluante.
Ce débat sur l'éolien est en définitive celui des choix technologiques et scientifiques de la France.
Trop miser sur l'éolien est une décision hasardeuse et une impasse à long terme, qui risque de nous éloigner d'une indépendance énergétique, militaire et civile, chèrement acquise et reconnue universellement : ne prenons donc pas le risque de tout perdre.
Il vise à établir un moratoire sur l'installation de nouvelles éoliennes afin de définir si l'objectif de porter la part de l'énergie éolienne à environ 15 % de notre production électrique en 2028, prévu par la programmation pluriannuelle de l'énergie, est véritablement réaliste, écologique et rentable. Rien de moins sûr, puisque notre confrère Julien Aubert a chiffré le coût de cette mesure entre 72,7 et 90 milliards d'euros, soit l'équivalent dépensé pour notre parc éolien, pour une production cinq fois moindre d'électricité et une durée de vie divisée par trois.
En choisissant le nucléaire, la France a fait le choix de l'avance technologique, de l'indépendance et de la rentabilité énergétique, ce dont toute son industrie et son économie ont pu profiter pendant des décennies. Aujourd'hui encore, ce constat est renforcé par les perspectives immenses ouvertes par la fission nucléaire contrôlée, qui aura sans doute autant d'importance demain que n'en a eu le pétrole hier. C'est peut-être, avec l'intelligence artificielle, l'un des domaines scientifiques les plus déterminants de notre millénaire, dans lequel nous ne devons à aucun prix être en retard par rapport à d'autres pays du monde comme la Chine et les États-Unis.
Nous en venons à l'article 3 qui fait l'objet d'un amendement de suppression n° 47 sur lequel je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Perea, pour soutenir l'amendement.
L'article prévoit de demander au Gouvernement « un rapport sur les moyens de renforcer le volet sanitaire des études d'impact […] » Je vous passerai la très longue liste, qui figure dans l'exposé sommaire de l'amendement, des paramètres qui sont déjà étudiés dans le cadre de l'implantation d'un projet éolien.
Nous avons beaucoup parlé des élus opposés à ces implantations ; il y en a, il ne faut pas le nier. Mais il y en a beaucoup d'autres qui y sont très favorables. Si, comme moi, vous en avez rencontré certains, la première chose qu'ils vous ont expliquée, c'est que les démarches étaient d'une complexité terrible, que c'était long, que cela prenait du temps et coûtait de l'argent, et qu'en fin de compte, on faisait faire des études sur les études pour des études.
L'article 3 demande un rapport sur des points qui sont déjà prévus par la législation et par la réglementation actuelle ; c'est pourquoi nous proposons de le supprimer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avis défavorable. Je ne fais pas la même lecture que vous de l'article du code de l'environnement que vous citez pour justifier le caractère substantiel du traitement des effets sanitaires. La description du contenu de l'étude d'impact qui fait l'objet de cet article comprend vingt et un alinéas. Sur ces vingt et un alinéas, cinq mentionnent la santé humaine. Que disent-ils ? Des choses très générales : que l'étude d'impact décrit l'incidence du projet sur des facteurs tels que la population et la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, etc., soit un inventaire à la Prévert, et qu'elle en recense les risques pour la santé humaine, le patrimoine culturel et l'environnement.
Permettez-moi de vous dire que je ne mets pas la santé humaine sur le même plan que les vestiges archéologiques et la protection des belettes. Par ailleurs, lorsque l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les éoliennes ont des effets très nocifs sur certains animaux – je pense aux vaches – et que l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a souvent débuté ses études après l'installation des éoliennes.
Je rappelle l'état de la connaissance scientifique à propos des éoliennes.
Sur les nuisances sonores, chacun connaît l'article du code de la santé publique indiquant qu'« aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme ». L'Académie de médecine a évoqué un « syndrome de l'éolien » naissant de l'impact visuel et sonore des éoliennes, lesquelles nuisent par conséquent à l'état de complet bien-être physique, mental et social, c'est-à-dire à ce que l'on appelle vulgairement la santé. L'ANSES, de son côté, a mené deux études, l'une en 2006 et l'autre en 2017 ; elle considère qu'il faudrait mener des études supplémentaires pour évaluer la possibilité de recourir à un mécanisme de modulation de la perception du son audible par des infrasons de niveau comparable à ceux mesurés chez les riverains, ainsi que pour étudier les effets de la modulation de l'amplitude du signal acoustique. Bref, elle fait toute une liste des sujets sur lesquels nous ne disposons pas de données suffisantes.
Au Québec, la documentation scientifique élaborée par une agence homologue de l'ANSES ne retient que deux effets potentiellement associés au niveau de bruit engendré par les éoliennes : la nuisance et la perturbation du sommeil. La responsable de l'unité d'évaluation des risques de l'ANSES, qui a élaboré les deux rapports de 2006 et 2017, témoignait dans la presse qu'il fallait conduire des études de grande ampleur.
Il est désormais couramment admis que les infrasons n'ont pas d'effet ; c'est le résultat de l'étude que l'exécutif finlandais a commandée en 2020 à sa propre agence. L'ANSES a également mené des recherches.
Enfin, il reste le problème des courants électriques. Des études menées sous l'égide du GPSE, le groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole, ont mis en évidence la concomitance de l'installation et de la mise en service des éoliennes avec l'altération de certaines performances et de troubles du comportement, sans toutefois établir un lien de causalité.
L'ANSES s'est penchée sur la santé des bovins au sein de deux élevages, dont l'un, le parc des Quatre-Seigneurs en Loire-Atlantique, est célèbre : en effet, 400 vaches y sont mortes en sept ans, ce qui coïncide exactement avec l'installation du parc éolien. À un moment donné, le parc s'est arrêté et les vaches ont arrêté de mourir. Il y a donc bel et bien une causalité. La mission du GPSE a confirmé la concomitance et relevé qu'il pourrait s'agir d'un phénomène que l'on appelle les « courants vagabonds », c'est-à-dire des courants électriques qui pourraient avoir, en fonction de la situation hydrogéologique des sous-sols, des effets sur les animaux. En tout état de cause, les difficultés d'identification des problèmes de santé animale nécessitent, de mon point de vue, d'accorder une plus grande importance à la recherche scientifique.
Enfin, concernant l'électromagnétique, l'agence du Québec indique qu'aucune étude n'existe sur les effets produits sur la santé par les champs électromagnétiques créés spécifiquement par les éoliennes.
Vous voyez que, suivant les sujets, suivant les nuisances, nous avons ou non des données ; certaines sont rassurantes, certaines sont incomplètes, d'autres sont inquiétantes. Alors que l'on mène systématiquement des études sur les écosystèmes, il y a un mammifère que l'on ne devrait pas oublier, car il vit à côté des éoliennes et il mérite, lui aussi, que l'on renforce le volet sanitaire le concernant. Je ne comprends pas pourquoi vous ne souhaitez pas que la science progresse.
Bien évidemment, la question de la santé de nos concitoyens est très importante ; il ne faut pas faire n'importe quoi, et nous avons à notre disposition une série de rapports de l'ANSES ainsi que des guides de prescription. Je ne vois pas ce qu'un rapport demandant de nouvelles méthodes sur la manière de mener les études sanitaires apporterait de plus.
Pour bien fonctionner, il faut respecter les règles existantes, ce qui est le cas aujourd'hui.
Pour répondre à une remarque qui a été faite précédemment, l'ANSES n'a jamais parlé d'impact neurologique des éoliennes sur la population. En revanche, on sait que des nuisances peuvent survenir, notamment en raison du bruit. C'est pourquoi nous avons annoncé mardi dernier un bridage sonore en cas de dépassement des seuils autorisés, le contrôle systématique du bruit sur les nouvelles installations à partir du 1er janvier prochain et des plans de bridage pouvant aller jusqu'à une mise à l'arrêt décidée par le préfet en cas de dépassement des seuils. Je préfère cela à la demande d'un rapport.
De même, il y a parfois des nuisances lumineuses, or l'on sait que la pollution lumineuse peut avoir à terme un effet sur la santé. Sur ce point également, nous avons pris les devants, et nous allons mettre en place des mesures pour limiter l'effet « guirlande de Noël » des éoliennes en orientant dès maintenant les faisceaux vers le ciel afin que la lumière ne gêne plus les riverains. De surcroît, dans les nouveaux parcs, nous allons mettre en place un système sans éclairage nocturne permettant de ne déclencher les lumières que lorsque des aéronefs passent à proximité. Ce système sera progressivement étendu aux parcs anciens. Là encore, je préfère lancer ce type de mesure que de faire un rapport.
Quant au fameux parc éolien des Quatre-Seigneurs, qui a tant fait parler de lui, nous prenons au sérieux les problèmes qui s'y sont posés et nous essayons d'y apporter des solutions. Trois séries d'expertises techniques ont été commandées, sur les volets zootechnique, vétérinaire et électrique ; toutes ont été réalisées par des experts ou des sociétés indépendantes choisies par le GPSE, dont le budget, abondé principalement par le parc éolien, a été complété par une participation d'ABO Wind, d'Enedis ainsi que de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Pays de la Loire. Ces investigations n'ont pas permis d'identifier la ou les origines des désordres constatés.
Le CGEDD – conseil général de l'environnement et du développement durable – et le CGAER – conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux –, qui sont les corps d'inspection respectifs du ministère de la transition écologique et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ont été saisis le 9 juin 2020 à la demande du préfet régional des Pays de la Loire. Le rapport communicable a été rendu public en février 2021 ; il recommande notamment de conduire un test d'arrêt momentané du parc et de son raccordement au réseau de distribution d'électricité sur dix jours en définissant un protocole précis et une série d'indicateurs. L'exploitant du parc et le dernier éleveur encore présent sur site ont donné leur accord que ce test soit préparé avant l'été dans la perspective de sa réalisation à l'automne. Entre-temps, l'éleveur en question, M. Potiron, a assigné Enedis en justice pour réclamer des expertises. De ce fait, le test a été ajourné. C'est donc une affaire à suivre.
Comme vous le voyez, quand la moindre question se pose, nous agissons. C'est pourquoi j'émets un avis favorable à cet amendement de suppression de l'article 3.
Afin que ce soit bien clair pour tous mes collègues, j'indique que nous allons voter pour l'amendement de M. Perea. Je le remercie de sa vigilance, car les deux amendements de suppression qu'il a déposés auront au moins permis une chose : c'est de prouver que M. Aubert n'est pas pour un développement raisonné des éoliennes, mais tout simplement pour les supprimer. Grâce à M. Perea, il a évité que cela ne se voie trop.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 37
Contre 29
L'amendement n° 11 de M. Vincent Descoeur, portant article additionnel après l'article 3, est défendu.
L'amendement n° 11 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 61 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'ensemble des articles ou des amendements portant article additionnel ayant été rejetés ou supprimés, la proposition de loi est rejetée.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Nous sommes réunis en cette fin d'après-midi pour examiner la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant. Ce texte, adopté par le Sénat le 10 juin dernier, prévoyait dans sa rédaction initiale de créer un ticket restaurant dont pourraient bénéficier tous les étudiants. Son examen en première lecture au Sénat a permis d'affiner le dispositif et d'en préciser les contours, le limitant aux étudiants n'ayant pas accès à une structure de restauration universitaire sur leur territoire. Les débats nourris et constructifs que nous avons eus au Sénat se poursuivent aujourd'hui et je suis convaincue que nous parviendrons ensemble à trouver une solution d'équilibre qui puisse répondre le plus efficacement et le plus largement possible à un problème que nous avons tous identifié comme essentiel : l'accès des étudiants, où qu'ils se trouvent sur le territoire, à une offre de restauration à tarif modéré.
Car au fond, c'est bien l'objectif que nous poursuivons tous : l'identification de « zones blanches » de la restauration universitaire et la mise en place de solutions adaptées propres à chacun des territoires identifiés, permettant de résorber les lacunes. C'est pourquoi je me réjouis que la commission des affaires culturelles et de l'éducation ait adopté, la semaine dernière, un amendement qui conforte et élargit cette ambition. Un amendement qui ne se cantonne pas à un outil, mais qui reconnaît la pluralité des outils et leur complémentarité, tout en rappelant le rôle prédominant et essentiel des CROUS (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) dans cette dynamique.
Je voudrais rappeler, pour introduire les débats, que la lutte contre la précarité alimentaire est une des priorités du Gouvernement. La crise sanitaire a aggravé et mis en lumière de trop nombreuses situations de fragilité. Nous avons créé tous les dispositifs pour y répondre, pour que se nourrir et avoir accès à trois repas par jour ne soit pas un parcours du combattant, mais soit garanti pour toutes et tous.
À la rentrée de septembre 2020, nous lancions ainsi le ticket de restauration universitaire à un euro pour les étudiants boursiers. En janvier, suite aux annonces du Président de la République, le bénéfice de ce dispositif était élargi à l'ensemble des étudiants – boursiers et non boursiers – et aux étudiants internationaux pour deux repas par jour. Entre janvier et septembre, 14,4 millions de repas ont ainsi été servis par les CROUS, partout sur le territoire. En cette rentrée, nous maintenons ce ticket à un euro pour tous ceux qui en ont besoin – boursiers et étudiants en difficulté –, les autres bénéficiant d'un tarif social modéré à 3,30 euros.
L'instauration de cette mesure et sa poursuite sont emblématiques de la mobilisation des CROUS et de leur personnel durant la crise. Le réseau des œuvres, partout sur le territoire, a fait preuve d'une réactivité et d'une adaptabilité remarquables. Je tiens à saluer leur engagement sans faille au service des étudiants de notre pays. Ils ont permis le déploiement effectif du ticket à un euro ; ils se sont mis en ordre de marche pour proposer de nouveaux services, comme la vente à emporter, la livraison, l'installation de camions de distribution et le click and collect. Grâce à eux, au plus fort de la crise, les restaurants universitaires ont pu ouvrir en respectant des protocoles sanitaires très exigeants. Aucun autre pays européen n'a déployé de tels dispositifs dans de telles conditions.
Le sujet qui nous réunit aujourd'hui met à nouveau le réseau des œuvres au centre des discussions. Je le rappelle et je l'affirme devant vous sans ambiguïté, le CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires) et les CROUS sont les acteurs majeurs de la restauration étudiante de notre pays. Le Gouvernement n'engagera aucune démarche qui puisse les fragiliser ou remettre en cause les missions fondamentales qu'ils assurent. Les restaurants universitaires sont déjà présents dans plus de 200 villes en France ; ce sont près de 800 structures accessibles sur le territoire ; sur les quelque 2,8 millions d'étudiants accueillis dans l'enseignement supérieur, plus de 2,3 millions comptent au moins un restaurant universitaire dans leur environnement immédiat. Les étudiants sont 80 % à plébisciter l'offre de restauration des CROUS et l'activité des restaurants universitaires augmente en moyenne de 5 % par an hors période de crise.
L'offre des restaurants universitaires ne cesse de s'enrichir pour répondre aux attentes des étudiants, avec des repas complets et équilibrés, des menus végétariens et des produits de qualité, dans une démarche de développement durable. Elle permet de partager des repas dans un cadre collectif et convivial ; elle favorise le lien social et l'échange. On ne parle plus d'offres de restauration, mais bien d'un accompagnement social et humain, indispensable pour la réussite et le bien-être.
Oui, madame la rapporteure, il existe encore des zones blanches de restauration universitaire et ce sont bien les CROUS qui, une fois encore, sont les acteurs qui les identifient et mettent en œuvre les solutions pour y remédier. La solution, désormais mentionnée dans le texte issu de la commission, est celle du conventionnement avec d'autres structures de restauration. Les CROUS organisent ainsi des politiques d'agrément et de conventionnement pour permettre aux étudiants de bénéficier de structures de restauration telles que les cantines administratives, scolaires ou hospitalières, qui sont soumises aux mêmes exigences de qualité de service public. Les CROUS l'ont déjà fait pour 183 structures qui bénéficient d'un agrément et poursuivent résolument cette dynamique. Depuis la rentrée, une dizaine de sites supplémentaires sont en cours de conventionnement.
À Creil, à Châteaubriant, à Dieppe, à Draguignan, à Guéret, à Mende, à Morlaix, à Saint-Lô, à Vienne ou à Privas, les CROUS offrent le bénéfice de ces conventions aux étudiants. Les CROUS d'Amiens, de Normandie, de Nice, de Limoges, de Montpellier, de Rennes ou de Grenoble se sont engagés dans cette dynamique. Je tiens à saluer leur action à tous au service des étudiants éloignés des grandes métropoles universitaires. Elle permettra aux étudiants en soins infirmiers, en IUT (instituts universitaires de technologie), en INSPÉ (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation), qui n'avaient pas accès à un service de restauration, de bénéficier de la tarification sociale. C'est cette dynamique qu'il nous faut poursuivre.
Oui, vous avez encore raison, madame la rapporteure, nous devons proposer aux étudiants des solutions plus immédiates, adaptées aux territoires, partout où ces conventionnements commencent à s'appliquer ou sont sur le point de l'être. Mais je ne crois pas qu'il puisse exister une solution unique et uniforme qui pourrait se décliner sur l'ensemble du territoire. Mon ministère est celui de l'adaptation, qui fait confiance aux acteurs de terrain, et je voudrais que cette façon de fonctionner irrigue non seulement le système d'enseignement supérieur, mais aussi tous les volets de la vie étudiante et de campus.
La crise nous a montré que nous pouvions compter sur l'engagement et la complémentarité de l'ensemble des acteurs pour trouver les meilleures solutions pour les jeunes, par le biais d'une approche globale de l'étudiant en travaillant avec les collectivités territoriales. C'est pourquoi le dispositif proposé par la commission me paraît répondre parfaitement aux enjeux.
L'aide financière créée pour les étudiants qui n'ont pas encore accès aux structures conventionnées pourra ainsi prendre plusieurs formes et s'adapter aux besoins du terrain et aux solutions déjà existantes. Je pense aux bons alimentaires utilisables auprès de structures et de services de restauration agréés, mais aussi auprès d'épiceries sociales et solidaires. Ces bons pourront être demandés auprès des CROUS dès lors que l'établissement de l'étudiant se situe dans une zone blanche, définie chaque année par arrêté. Afin de faciliter le plus possible les démarches, une procédure dématérialisée de demande et de délivrance des bons sera organisée.
Enfin, la définition des solutions agréées, permettant de répondre aux besoins locaux, pourra faire l'objet d'une convention tripartite entre établissements partenaires retenus et CROUS. Vous le voyez, la solution de transition proposée est bien concrète ; mes équipes y ont d'ores et déjà réfléchi. Beaucoup d'établissements ayant déjà opté pour de tels dispositifs durant la crise, il nous revient maintenant de les élargir.
Parmi les amendements déposés, certains concernaient la lutte contre la précarité des étudiants sous toutes ses formes. Permettez-moi de rappeler, là encore, que peu de gouvernements ont fait de la jeunesse et des étudiants une priorité aussi marquée en cette période de crise. Dès le premier confinement et la rentrée 2020, nous avons versé des aides exceptionnelles de 200 euros, puis de 150 euros ; nous avons doublé les aides d'urgence des CROUS ; nous avons prolongé le droit à bourse en fonction de l'incidence de la crise sur le cursus ; nous avons réexaminé les situations sociales pour adapter le niveau des bourses ; nous avons créé plus de 20 000 emplois étudiants et prolongé les contrats doctoraux ; nous avons installé, gratuitement, des distributeurs de protections périodiques. Toujours, la vie et le bien-être étudiants ont été au cœur de l'action de mon ministère et c'est bien cette démarche globale, qui envisage la vie étudiante sous toutes ses facettes, que je souhaite poursuivre avec vous, loin des solutions toutes faites ou des postures.
Pour conclure, je veux à nouveau adresser mes remerciements les plus sincères aux CROUS et à leur personnel, mais aussi à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de leurs équipes, dont la mobilisation au service des étudiants a toujours été exemplaire. Je souhaite également remercier les étudiants qui se sont massivement fait vacciner. Cette rentrée à 100 % en présentiel, dont les étudiants et les établissements sont si heureux, ils l'ont rendue possible et ils peuvent en être fiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
À dix-neuf heures vingt-cinq, M. Marc Le Fur remplace Mme Annie Genevard au fauteuil de la présidence.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Nos 2,7 millions d'étudiants bénéficient d'un système performant de soutien à leurs études. Si le coût d'une année d'études est élevé, avec le système des bourses sur critères sociaux ou au mérite, nombre d'étudiants voient leurs principaux postes de dépenses limités. Mais parmi ces dépenses, le budget logement et celui de l'alimentation sont les plus importants. Si la France bénéficie d'un important réseau de CROUS, chargés de la restauration universitaire et répartis en 701 points de vente sur le territoire, sous la forme de restaurants assis et, de plus en plus, de cafétérias ou de structures de vente à emporter, près de la moitié de la population étudiante déclare sauter des repas durant une semaine normale de cours, faute de temps ou de structures pour les accueillir.
Mes chers collègues, qui peut nier avoir vu les files d'attente interminables des étudiants devant les banques alimentaires, pendant la crise évidemment, et il y a quelques jours encore ? Si l'égalité des chances et la réussite de tous les étudiants quelle que soit la situation de leur famille constituent des objectifs prioritaires, alors nous sommes d'accord pour dire que nous ne pouvons nous résigner à voir ces étudiants en détresse. Pourtant, la majorité ne semble pas décidée à admettre que tous les étudiants du territoire ne sont pas traités de la même manière. Et c'est bien l'objet très simple de l'initiative défendue par le groupe Les Républicains, adoptée par le Sénat, pour rétablir l'équité territoriale là où elle fait défaut.
Malheureusement, en commission, la majorité a balayé d'un revers de main…
…le problème des quelque 200 000 à 500 000 étudiants qui ne bénéficient pas d'un service de restauration à tarif social. La proposition de loi adoptée par le Sénat et le texte identique que j'ai moi-même déposé à l'Assemblée visent à combler le déficit de présence des CROUS sur les territoires. Tous les étudiants, du fait de leur statut, peuvent accéder s'ils en ont la possibilité à de la restauration à tarif social modéré, mais, vous l'avez dit, madame la ministre, vous l'admettez : il existe bel et bien des zones blanches.
Vous répondez que le problème va trouver une solution rapide avec vos conventionnements. Pourtant, ces conventionnements existent déjà ! Relisez le code de l'éducation, est-il besoin de vous le suggérer ! Preuve en est : alors même que la proposition de loi n'est pas votée, 183 établissements sont agréés ou conventionnés – vous l'avez dit vous-même. Des lycées, des collèges et des cantines d'établissements ouvrent déjà leurs portes aux étudiants.
Madame la ministre, avez-vous regardé de près la liste des conventionnements qui m'a été communiquée à peine quelques heures avant la réunion de commission ? Il n'en existe absolument aucun pour six des vingt-six CROUS de France, et pas des moindres : Antilles-Guyane, La Réunion, la Corse, Paris, Nice, Toulon, Poitiers, La Rochelle. Je peux aussi citer l'académie de Limoges, qui n'est dotée que d'un établissement conventionné ; celle de Reims, qui en dénombre seulement deux ; celle d'Auvergne, qui n'en compte que quatre. Pensez-vous sérieusement qu'en l'espace de quelques semaines, vous arriverez à combler ce déficit ? Vous avez annoncé des conventionnements au Sénat au mois de juin, mais, en près de six mois, on en compte à peine dix supplémentaires, qui ne sont même pas encore une réalité pour les étudiants.
Avez-vous regardé sur cette liste l'éloignement géographique entre les sites de restauration et les sites universitaires ? À Pontarlier, l'aller-retour dure 50 minutes ; à Mende, 40 minutes et à Saumur, une heure. Vous le voyez bien, mes chers collègues, cette solution ne résoudra pas le problème des zones blanches. Par ailleurs, malgré toutes les annonces et les grandes opérations de communication, les étudiants boursiers qui étudient dans des sites éloignés ne bénéficient pas et ne bénéficieront pas du repas à 1 euro.
Chers collègues, vous avez décidé de faire de ce sujet d'importance un sujet politique – c'est votre choix. Pourtant, lorsque j'ai déposé ma proposition de loi à l'Assemblée comme tandis que j'y travaillais avec les sénateurs Pierre-Antoine Levi et Jean Hingray – que je remercie infiniment pour leurs travaux –, notre volonté était d'avancer de manière totalement transpartisane, sans arrière-pensées politiques, dans un état d'esprit uniquement positif, pour répondre à des attentes et à des difficultés clairement identifiées par tous les acteurs universitaires.
Notre idée était de créer un titre-restaurant étudiant, sur le modèle, on ne peut plus simple, de ceux que les entreprises proposent aux salariés. Ce titre permettrait d'accéder à une offre alimentaire diversifiée, en restauration commerciale comme dans les commerces de distribution alimentaire ou assimilés, dès lors que les étudiants sont éloignés de l'offre de restauration universitaire. Il s'agit donc d'un dispositif très pratique et facile d'utilisation.
Il est tellement simple à déployer que certains CROUS, sous la houlette et selon la volonté de votre ministère, ont créé pendant le premier confinement, en à peine soixante-douze heures, des cartes de paiement destinées aux étudiants qui en avaient besoin pour acheter des produits alimentaires et de première nécessité. Sans oublier, madame la ministre, que vous avez sollicité des partenaires privés, durant la crise, pour établir des titres alimentaires, au profit de plusieurs universités. Pourquoi ce qui a été possible hier à votre initiative ne le serait plus aujourd'hui parce qu'il s'agit de notre proposition ?
Pendant l'examen en commission, plusieurs arguments ont été opposés à la création du ticket restaurant étudiant. Permettez-moi d'insister dès maintenant sur quelques points, même si nous y reviendrons certainement pendant la discussion.
Tout d'abord, il s'agit de créer un dispositif qui n'entre absolument pas en concurrence avec les CROUS et qui ne les fragilise pas puisque le titre-restaurant n'entrera en vigueur qu'en l'absence d'offre de leur part. La mesure concerne les territoires dans lesquels le CROUS n'est pas présent, à savoir des villes de petite ou de moyenne taille, afin de permettre l'application du tarif social. Non seulement elle sera donc limitée, mais elle sera complémentaire de ce qui existe déjà.
Ensuite, le dispositif proposé concernera tous les étudiants, particulièrement les boursiers, qui ne bénéficient pas du repas à 1 euro, et les étudiants des classes moyennes, qui ne perçoivent aucune aide.
En outre, contrairement à ce que vous avez affirmé, il ne s'agit pas d'un chèque en blanc. Le système du titre-restaurant, plébiscité par les salariés français, garantit que la dépense servira bien à l'alimentation.
Ainsi, le dispositif que je vous proposerai tout à l'heure de rétablir – je défendrai un amendement en ce sens afin de permettre une adoption conforme avec le Sénat – a un objectif éminemment pratique. Il est équilibré et ne fera aucunement concurrence aux CROUS, puisqu'il cible les zones sous-dotées ; il offre une solution prête à l'emploi qui s'appuie sur les CROUS, qui en seront les émetteurs, avec le soutien des grands concepteurs de titres, lesquels disposent dès à présent de l'ingénierie pour créer un tel moyen de paiement ; la mesure est financée, puisqu'elle est soit cofinancée par l'étudiant à hauteur du montant qu'il acquitte dans les CROUS, soit par le fonds national des aides ponctuelles de chaque CROUS, pour les étudiants qui n'en auraient pas les moyens.
Mes chers collègues, je l'ai dit en commission, après le travail important fourni par le Sénat, nous avons l'occasion de voir aboutir nos travaux parlementaires. En adoptant la proposition de loi conforme, nous aurons la garantie de la voir entrer rapidement en application, ce que nos étudiants attendent et nous demandent. Pensez à eux en votant : il y va de leur bien-être et de leur avenir !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voulais d'abord vous dire toute ma fierté de voir le groupe Les Républicains défendre la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant, inscrite à l'ordre du jour. Je félicite nos collègues sénateurs d'avoir largement adopté ce texte de Pierre-Antoine Levi, du groupe Union centriste. Je remercie notre rapporteure, Anne-Laure Blin, qui avait également déposé le texte ; elle s'est montrée à la hauteur des débats, grâce à son implication et à un travail approfondi.
La précarité étudiante n'est pas nouvelle. Depuis longtemps, elle est le premier frein à la réussite universitaire, mais elle a empiré à cause de la crise sanitaire. Au cours de l'épidémie, un tiers des étudiants a révélé avoir eu des difficultés financières ; pour 56 % d'entre eux, les dépenses alimentaires ont été les plus problématiques. Dans un pays qui a fait le choix de rendre ses facultés accessibles, alors que d'autres vendent à prix d'or les formations universitaires, nous ne pouvons accepter que les ressources financières demeurent l'obstacle principal à la réussite universitaire et à l'égalité des chances.
La Haute Assemblée a adopté un texte équilibré, qui prévoyait la création d'un ticket restaurant étudiant. Ce dispositif permettrait d'apporter une aide alimentaire systématique et optimale aux étudiants éloignés des restaurants universitaires. C'est donc un grand pas que nous proposons ; il profiterait à tous les jeunes, sans exception. Le dispositif des tickets restaurant étudiants resterait largement encadré par les CROUS, les établissements d'enseignement supérieur et les collectivités territoriales. En aucun cas, il n'entraverait le développement des restaurants universitaires, leur déploiement sur le territoire, ni même le conventionnement, qui doit se poursuivre. Tous ces dispositifs doivent coexister car le conventionnement ne sera pas immédiat et ne couvrira pas l'ensemble du territoire. Le ticket restaurant étudiant constitue une réponse rapide et immédiate, en attendant l'implantation d'un restaurant universitaire ou un conventionnement.
Or le texte du Sénat a été totalement modifié en commission. Il est désormais trop flou pour être vraiment efficace. Le seul amendement de la majorité présenté en séance en est l'illustration, puisqu'il tend à remplacer le titre initial « créer un ticket restaurant étudiant » par « favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré ».
Vous proposez certes une aide financière, et cette intention est évidemment louable, mais rien ne précise la forme de la mesure, ni ses modalités d'application, ce qui laisse finalement au Gouvernement le libre choix du dispositif. Lors de l'examen en commission, nous avons constaté que votre réponse à la précarité alimentaire étudiante consiste juste à instaurer le conventionnement, malgré ses failles. Mais il n'est nul besoin de codifier le dispositif de conventionnement, déjà en application. Cet ajout dans la loi est inutile : il s'agit d'un prétexte pour ne pas adopter la proposition de loi telle qu'elle est issue du Sénat, donc pour ne pas offrir une solution immédiate aux étudiants précaires situés dans les zones blanches non conventionnées. Finalement, les amendements de la majorité sont superfétatoires et n'ont qu'un seul objectif : éviter un vote conforme qui se traduirait par une avancée sociale pour les étudiants précaires, obtenue par l'opposition et non par la majorité.
Vous retardez ainsi l'adoption et l'entrée en vigueur des dispositions ; pendant ce temps, les étudiants continuent à souffrir de la précarité. Je regrette que votre posture politique soit celle d'une majorité fermée.
En contrant toutes nos propositions, vous voulez faire échouer la niche parlementaire du groupe Les Républicains. On l'a vu ce matin lors de l'examen de la proposition de loi en faveur des personnes en situation de handicap, de Damien Abad et Aurélien Pradié.
Pourtant, la précarité étudiante et le handicap sont des sujets prioritaires, qui ne doivent donner lieu à aucun coup bas politique.
Les étudiants sont les premiers à contester les modifications apportées en commission. Permettez-moi de vous lire un extrait d'un message que nous avons reçu, parmi tant d'autres : « Je suis étudiant et je tiens à vous dire ma grande déception de voir que la proposition [de loi] a totalement été changée et dénaturée par la majorité lors de son examen en commission.
« Il est devenu nécessaire de mettre en place un système qui nous permette de réduire nos dépenses alimentaires, tout en nous donnant la possibilité de faire nos courses à moindre coût.
« Cette avancée sociale nous permettra de retrouver notre dignité, et de [tous nous] restaurer à prix étudiant, notamment quand nous sommes éloignés des restaurants universitaires. Sans ce dispositif, nous n'aurons rien et la situation ne changera pas. »
Les mots de ces étudiants doivent nous inciter à adopter, unanimement, les amendements défendus par Anne-Laure Blin, afin de revenir à la rédaction équilibrée du Sénat et d'obtenir un vote conforme, synonyme d'entrée en vigueur rapide du texte.
Quelles que soient nos orientations politiques, il n'y a aucun désaccord à avoir. Nos étudiants sont notre avenir. Nous ne pouvons pas nous résoudre à les laisser souffrir de la faim.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Au nom du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, je remercie nos collègues du groupe Les Républicains, qui profitent du temps législatif qui leur est réservé pour inscrire à l'ordre du jour un texte dont l'objectif n'est pas des moindres, puisqu'il vise à améliorer les conditions de vie des étudiants. La proposition de loi qui nous est présentée est ainsi consacrée à la restauration étudiante, qui impose de garantir l'accès à une offre de qualité, à faible coût.
Nous le savons, aujourd'hui encore, nombre de nos étudiants sont confrontés à la précarité et peinent, par conséquent, à se nourrir correctement et suffisamment. La crise sanitaire de la covid-19 a révélé un peu plus cet état de fait, en aggravant la situation des étudiants les plus fragiles économiquement. Avec le confinement, ils ont bien souvent perdu leur travail et ont été privés de revenus essentiels. La fermeture des restaurants universitaires a par ailleurs retiré aux étudiants la possibilité de se restaurer à moindre coût.
Pour lutter contre cette précarité, le Gouvernement n'a pas hésité à multiplier les dispositifs de soutien : les repas à 1 euro pour les boursiers d'abord, puis pour l'ensemble des étudiants, l'installation de food trucks, le système de click and collect et le développement des paniers repas ont été autant de soutiens indispensables.
Au Sénat, dans sa forme initiale, la proposition de loi entendait créer un titre-restaurant accessible à tous les étudiants. Il aurait été utilisé pour régler tout ou partie d'un repas, dans un restaurant ou auprès d'un organisme conventionné.
Une telle mesure serait lourde de conséquences pour les finances publiques comme dans son application, mais les sénateurs ont adapté le dispositif en ciblant les étudiants les plus éloignés des structures de restauration universitaire. Le ticket restaurant étudiant se présenterait donc comme un complément à l'offre de restauration universitaire, permettant d'améliorer le maillage territorial.
Si nous sommes conscients que le réseau de restauration étudiante souffre de véritables carences, le dispositif prévu par le texte déposé à l'Assemblée comporte certaines limites. D'une part, la création d'un ticket restaurant et son éventuelle généralisation pèseraient lourdement sur les finances publiques. D'autre part, si les modifications apportées par le Sénat permettent un ciblage du dispositif, elles créent le risque que les étudiants qui ont accès au CROUS et qui se verront exclus de l'offre de titre-restaurant réclament à terme un élargissement de la mesure pour davantage d'équité. Enfin, la création d'un tel dispositif viendrait surtout fragiliser et concurrencer très frontalement le réseau des CROUS, alors même que celui-ci a démontré tout au long de la crise sa capacité de mutation, en adaptant son soutien aux étudiants et en mettant en œuvre les mesures gouvernementales, dans un délai particulièrement restreint. Je l'ai objectivement constaté dans ma circonscription, avec le travail que le CROUS a mené à l'université Paris-Nanterre.
Lors des débats en commission, notre groupe a donc pris position en faveur d'un dispositif plutôt susceptible d'approfondir et d'améliorer l'existant. C'est pourquoi nous avons proposé, aux côtés de nos collègues des groupes La République en marche et Agir ensemble, de renforcer l'offre de service public, en améliorant la couverture territoriale de restauration pilotée ou agréée par les CROUS.
De cette manière, les lycées, mais aussi les collèges, les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive, ou encore les établissements médico-sociaux, auront, demain, la possibilité de passer des conventions avec les CROUS, afin de proposer une offre de restauration de qualité, à faible coût.
Afin de ne laisser personne de côté, nous avons également souhaité qu'une aide financière soit attribuée, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État, aux étudiants qui n'ont toujours pas accès, sur leur territoire, à l'un des services de restauration universitaire pilotés ou agréés par les CROUS.
Enfin, l'examen en commission a permis l'adoption d'un amendement prévoyant la remise d'un rapport annuel au Parlement, concernant l'accès des étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.
Vous l'aurez compris, notre groupe considère la présente proposition de loi comme une occasion de réaffirmer son soutien et son attachement aux CROUS, qui ont su se montrer extrêmement résilients et polyvalents lors de la crise sanitaire. Ainsi, si le dispositif prévu à l'article 1er est maintenu tel qu'il résulte du texte de la commission, le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés apportera tout son soutien à ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous examinons la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant, semblable au titre-restaurant des salariés. Adoptée en première lecture au Sénat, elle a pour objectif de permettre aux étudiants de réduire leurs dépenses alimentaires, de faire bénéficier ces derniers d'une restauration à tarif social, de créer un cercle vertueux avec les acteurs locaux de la restauration.
Je rappelle que la version initiale du texte concernait l'ensemble des étudiants, quels que soient leur lieu d'étude et leur formation. Tel qu'adopté par le Sénat, il cible ceux qui sont éloignés des structures de restauration universitaire, pour ne pas déséquilibrer le fonctionnement du CROUS.
Si l'objectif de départ de la proposition de loi est louable, rappelons que ce texte est susceptible d'aggraver les difficultés financières des CROUS et de les affaiblir dans leur mission de restauration, qui représente 30 % de leur chiffre d'affaires, ce qui mettrait aussi en difficulté d'autres missions, telles que celles du logement, des aides sociales et de la culture.
L'utilisation de ce ticket dans la restauration rapide privée pourrait renforcer certaines habitudes de consommation des étudiants, qui ne sont pas des plus saines, alors que les CROUS prônent une alimentation plus équilibrée.
Une telle pratique constitue également une menace pour la socialisation et le repérage des élèves en difficulté ou en décrochage. Nous le redisons, il faut éviter l'individualisme, après presque deux ans de cours par visioconférence.
Enfin, nous restons sur notre faim en ce qui concerne les enjeux budgétaires d'un tel dispositif. Beaucoup de questions se posent toujours. Qui finance ? Quelles sont les conditions d'entrée et à quel tarif ? Le complément sera-t-il versé par l'État ou par les collectivités territoriales ? Le manque de clarté fait craindre un nouvel alourdissement des charges des collectivités. N'oublions pas que le coût de la mesure est estimé à plus d'un milliard d'euros, alors que la dotation budgétaire annuelle des CROUS s'élève à 367 millions d'euros pour 2021, hors crédits supplémentaires du plan de relance.
Par ailleurs, seul l'exposé des motifs du texte déposé au Sénat évoque une valeur du ticket restaurant égale à 6,60 euros, avec une prise en charge pour les étudiants à hauteur de 3,30 euros, un reste à charge qui demeure important pour les plus précaires.
Enfin, lors de la discussion en commission, la majorité a fait adopter des amendements visant à dénaturer le titre initial du texte. Réécrit, l'article 1er dispose désormais qu'une convention est passée par le CROUS ou « par des organismes, de droit public ou privé, conventionnés », dans les territoires qui n'ont pas d'offre de restauration universitaire, et propose « une aide financière aux étudiants n'ayant pas accès à une structure de restauration universitaire ».
Le groupe Socialistes et apparentés trace plusieurs lignes rouges : le tarif d'un repas doit être identique à celui proposé par les CROUS, il ne s'agit pas simplement d'apporter une aide financière dont on ne connaît pas les contours ; les conventions doivent être encadrées dès le départ, signées avec des établissements d'enseignement ou avec des établissements publics, et non avec des entreprises et avec des restaurants interentreprises ; les CROUS doivent être accompagnés par les collectivités territoriales, qui doivent elles-mêmes pouvoir bénéficier de davantage de crédits, afin d'éviter que toute la charge ne pèse uniquement sur les CROUS ; les conventionnements ne doivent pas constituer une excuse pour freiner le développement des CROUS dans les territoires qui en sont démunis.
L'irrecevabilité financière a été opposée à l'un des amendements déposés par le groupe Socialistes et apparentés, ce qui est étonnant, alors que le principe de nouvelles aides a été adopté la semaine dernière. Notre groupe est favorable à toute mesure qui permette d'améliorer la vie des étudiants, et rappelle qu'il a proposé la pérennisation du repas à 1 euro, ainsi que la création d'un minimum jeunesse.
Chers collègues, n'oublions pas que les conditions de vie et d'études des étudiants se sont largement détériorées avec la pandémie et que les problèmes ne se limitent pas à l'alimentation. Certains dorment encore dans leur voiture, d'autres n'ont plus d'emploi. L'urgence commande qu'ils reçoivent une réelle aide financière pour vivre, ou tout simplement pour survivre. Le projet de loi de finances pour 2022 nous donnera peut-être satisfaction, du moins le souhaitons-nous. Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra.
Nous examinons cet après-midi une proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant, déposée par notre collègue sénateur membre du groupe Union Centriste, Pierre-Antoine Levi, dont la rapporteure à l'Assemblée nationale est notre collègue Anne-Laure Blin. Je me réjouis, au nom du groupe Agir ensemble, de l'opportunité qui nous est offerte par le groupe Les Républicains, de débattre, en cette rentrée universitaire, d'un texte relatif aux conditions de vie étudiantes.
La création d'un ticket restaurant étudiant n'est pas une idée nouvelle. Elle est défendue depuis plusieurs années par l'UNI, sans toutefois faire consensus au sein des syndicats étudiants, et a le mérite de soulever un vrai débat sur le maillage territorial des CROUS.
Je veux d'abord rappeler l'essentiel. Notre système de restauration universitaire compte plus de 800 points de vente gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. Ce modèle, unique en Europe, permet aux étudiants d'accéder à une alimentation équilibrée et durable, à tarif social. Il est d'ailleurs largement plébiscité par celles et ceux qui en bénéficient, puisque 80 % des étudiants le recommandent.
Vous l'avez dit, madame la rapporteure, les étudiants ont été particulièrement frappés par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Selon l'Observatoire national de la vie étudiante, un tiers d'entre eux déclarent avoir rencontré des difficultés financières lors du premier confinement. Pour répondre à une telle précarité, le Gouvernement a mis en place de façon ciblée, avec l'appui des CROUS, le repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, en septembre 2020, avant d'élargir le dispositif à tous les étudiants, boursiers ou non, le 25 janvier dernier. Près de 15 millions de repas à 1 euro ont ainsi été servis par les CROUS entre janvier et août 2021.
Je veux ici saluer la mobilisation de l'ensemble de leurs personnels, exemplaires pendant la crise : ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire face à l'urgence et pour maintenir la qualité de l'offre, en développant de nouveaux services, comme la vente à emporter ou la restauration en food truck, pardonnez-moi cet anglicisme. Nous avons pu compter sur leur adaptabilité et sur leur sens du service public pour accompagner les étudiants dans cette période difficile.
Je veux aussi rappeler que maillage territorial des CROUS est particulièrement dense. La quasi-totalité des étudiants inscrits à l'université ont ainsi accès à un restaurant universitaire, où l'on fait parfois la queue un long moment. Sur les 2,8 millions d'étudiants de l'enseignement supérieur, 2,6 millions ont accès à une structure des CROUS dans leur environnement immédiat.
Certains territoires demeurent toutefois dépourvus de restaurant universitaire. La plupart du temps, les CROUS développent des conventions avec d'autres structures, telles des cantines scolaires ou administratives, pour permettre aux étudiants de bénéficier d'une restauration de qualité à moindre coût. Je me réjouis d'ailleurs, suite à l'annonce faite par madame la ministre, de l'agrément de dix nouveaux sites par les CROUS, le 1er janvier prochain.
Cependant, des situations particulières persistent, dans lesquelles la couverture du service de restauration universitaire n'est pas assurée. Contrairement à une idée reçue, elles ne concernent pas que la ruralité. Lutter contre ces zones blanches et garantir un traitement équitable entre les étudiants, quel que soit leur lieu d'étude, est l'objectif de la proposition de loi que nous examinons.
Le texte présenté en commission prévoyait de créer un ticket restaurant pour les étudiants éloignés des structures de restauration universitaire. Si nous partagions pleinement l'objectif poursuivi, notre groupe est à l'origine d'un amendement, défendu avec les autres groupes de la majorité et adopté par la commission, visant à ne pas limiter au seul ticket restaurant le dispositif proposé.
En effet, un panel d'autres solutions, qui ont fait leurs preuves sur le terrain, existe. Je pense notamment aux bons ou aux cartes d'achat pour se restaurer, mais aussi aux aides financières directement versées aux étudiants. Parce qu'il n'y a pas d'étudiants de seconde zone, nous avons par ailleurs proposé d'inscrire dans le marbre de la loi que, « dans chaque territoire, les étudiants peuvent bénéficier d'une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d'études ».
Mes chers collègues, je crois profondément que c'est par la souplesse et la diversité des outils mis à la disposition des CROUS que nous parviendrons à atteindre l'objectif de la proposition de loi, c'est-à-dire l'égalité de traitement entre tous les étudiants, quel que soit leur lieu d'étude. Vous l'aurez donc compris, le groupe Agir ensemble votera en faveur de cette proposition de loi de justice sociale, dans sa version adoptée en commission.
Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit.
Je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, ainsi que notre collègue sénateur, Pierre-Antoine Levi, de nous permettre d'évoquer le sujet, ô combien important, de l'alimentation des étudiants. Je réitère également mon soutien à ma collègue Anne-Laure Blin, qui s'est particulièrement mobilisée sur cette question, et je la salue.
La crise sanitaire et les confinements ont été un électrochoc pour tous ceux qui ont vu les images de ces jeunes faisant la queue devant les banques alimentaires. Cette situation doit nous interpeller quant aux dispositifs mis en place par l'État et par les acteurs universitaires pour permettre à nos étudiants de manger correctement à un prix abordable.
Il faut évidemment reconnaître l'importance des CROUS et de leur travail pour que l'offre de restauration universitaire puisse répondre aux attentes des étudiants. Car je crois, madame la ministre, chers collègues, qu'il nous faut les écouter et prendre en considération leurs besoins.
Oui, nos étudiants sont attachés à leurs restaurants universitaires. Et pour cause, il s'agit de lieux conviviaux, où les jeunes sont à même de faire des rencontres, d'échanger ou tout simplement de respirer un peu au cours d'une journée bien chargée.
Cependant, derrière ce constat angélique, il faut aussi se rendre compte que de nombreux étudiants ont de moins en moins de temps à consacrer à leur repas. Les derniers sondages ont d'ailleurs montré que les horaires d'ouverture des restaurants universitaires, le temps d'attente, ne satisfont pas près d'un étudiant sur quatre. Pourtant, les 750 restaurants universitaires répartis sur le territoire sont au cœur des campus, et les étudiants n'ont pas besoin d'aller bien loin pour se restaurer.
C'est pourquoi, face à la diversité des attentes, les CROUS ont su s'adapter, au point que la restauration rapide représente désormais 45 % de l'offre qu'ils proposent : je vous invite à prendre exemple sur cette capacité de remise en question des CROUS, pour répondre aux besoins des étudiants.
En effet, modifiant le cadre de la proposition de loi, notre collègue rapporteur au Sénat, Jean Hingray, a changé la question principale posée par ce texte : la France est-elle capable de fournir un service égal d'offre de restauration à tous ses étudiants ? La réponse est simple : non. Non, tous les étudiants français ne sont pas logés à la même enseigne, parce qu'ils n'ont pas tous accès à un restaurant universitaire à proximité de leur lieu d'étude. Il existe des zones blanches, où les étudiants doivent se débrouiller pour manger : dès lors que l'on pose ce constat, il nous faut apporter des réponses.
En respectant ce que vous aviez déjà annoncé au Sénat, madame la ministre, les députés de la majorité ont modifié le texte et remplacé le dispositif de ticket restaurant par une politique de conventionnement et d'agrément avec des restaurants tiers. On ne saurait s'opposer à cette solution, qui permet à un étudiant d'avoir accès à un établissement respectant les mêmes exigences que les restaurants universitaires.
Mais pouvez-vous nous garantir que, comme avec un restaurant universitaire, toutes les conventions qui seront signées permettront à un étudiant en zone blanche d'avoir accès à une offre de restauration suffisamment proche et rapide lui permettant d'y manger chaque jour ? Évidemment non.
D'ailleurs, le dispositif voté par la majorité en commission prévoit qu'en cas d'impossibilité d'accès à un resto U, une aide financière sera prévue pour l'étudiant. Mais cette aide, qu'elle forme prendra-t-elle ? À quelles conditions s'appliquera-t-elle ? Un étudiant disposant d'un établissement conventionné dans sa zone pourra-t-il en bénéficier ?
Tout cela est très flou. Et quand c'est flou, c'est flou.
En vérité, vous n'avez pas besoin d'une loi pour signer des conventions avec des restaurants administratifs ou scolaires puisque vous le faites déjà. Vous ne cherchez qu'à gagner du temps.
Le dispositif de tickets restaurant proposé par la rapporteure a le mérite de la simplicité et de la clarté. De plus, si nous adoptions ce projet de loi dans une rédaction identique à celle du Sénat, l'aide financière que vous souhaitez mettre en place serait applicable directement sous la forme d'un ticket restaurant.
Aujourd'hui, 65 % des étudiants sautent régulièrement un repas et 12 % ne font pas de repas supplémentaire pour des raisons économiques. Il est de notre devoir de ne pas laisser ces jeunes dans une impasse pour des raisons pratiques ou financières alors que cette solution efficace du ticket restaurant peut être mise en place rapidement.
Le groupe UDI et indépendants soutiendra le rétablissement de la proposition de loi dans sa rédaction issue du Sénat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant ;
Discussion de la proposition de résolution visant à relocaliser et créer une filière française de production et de recyclage de masques de protection sanitaire ;
Discussion de la proposition de loi visant à permettre le transfert des droits inscrits sur le compte personnel de formation entre titulaires de comptes ;
Discussion de la proposition de loi relative à l'accompagnement économique et social des parents d'enfant atteint de pathologie grave pendant et après la maladie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra