La réunion débute à 16 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif (Mme Élise Fajgeles, rapporteure).
Chapitre II
Les conditions d'octroi de l'asile et la procédure devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile
Article 4 (art. L. 711-6 et L. 713-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 114-1 du code de sécurité intérieure) : Refus ou retrait de protection par l'OFPRA en cas de menaces graves pour l'ordre public
La Commission examine l'amendement CL382 de M. Jean-Louis Masson.
Compte tenu des conditions posées au 1° et 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le refus du statut de réfugié ou sa fin ne doit pas être une faculté offerte à l'appréciation de l'autorité compétente mais une obligation automatique. C'est pourquoi, avant l'alinéa 2, nous souhaitons insérer l'alinéa suivant : « 1°A Au premier alinéa de l'article L. 711-6, les deux occurrences du mot : "peut" sont remplacées par le mot : "doit" ; ».
Sur des questions aussi sensibles, il est toujours souhaitable qu'un État souverain dispose d'une marge d'appréciation. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL718 de M. Christophe Blanchet.
Le présent amendement vise, avant l'alinéa 2, à ajouter l'alinéa suivant : « 1° A Au 1° de l'article L. 711-6, après le mot : "grave", sont insérés les mots : "actuelle et caractérisée définie par décret en Conseil d'État" ; ».
Les expressions de « menace grave pour la sûreté de l'État » ou de « menace grave pour la société » sont floues et doivent faire l'objet d'une précision. Les mesures d'éloignement, d'expulsion ou les obligations de quitter le territoire français ont leur légitimité dans le cas du non-respect des règles établies par le présent texte et dans le cas où un étranger serait l'auteur d'un acte portant une atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'État. Toutefois, la potentielle menace présentée par le comportement et la présence d'un étranger sur notre territoire ne peut être laissée à l'appréciation de l'administration sans un cadre légal précis et nécessaire. Ainsi, si l'amendement est voté, le statut de réfugié pourra être refusé et il pourra y être mis fin lorsque l'individu constituera une menace grave, actuelle et caractérisée, menace définie par décret en Conseil d'État.
Votre proposition alourdirait incontestablement la procédure ; je ne suis pas sûre qu'un décret en Conseil d'État soit vraiment utile. La jurisprudence est assez précise. Prenons trois exemples rapides : il y a menace grave à l'ordre public dans les cas suivants : condamnation à treize ans de prison pour viols répétés sur une mineure de quinze ans ; condamnation à quatre ans de prison pour agression sexuelle en état d'ivresse ; condamnation à quatorze mois de prison, dont dix mois fermes, pour violences sur son propre enfant et son conjoint. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL384 de M. Jean-Louis Masson.
Nous entendons simplifier et durcir la fin du 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA qui prévoit des conditions cumulatives pour refuser le statut de réfugié ou y mettre fin : lorsque « la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme » et, aux termes du 1°, lorsqu'il y a « des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'État ».
Nous proposons de résumer tout cela et de considérer que le seul fait d'avoir été condamné pour un crime ou pour un délit puni d'emprisonnement, quelle que soit la longueur de la peine prononcée, en France ou dans un État membre de l'Union européenne, fait obstacle à l'obtention du statut de réfugié ou y met fin si l'intéressé en bénéficie.
Vous proposez une solution contraire à l'article 14 de la directive « Qualification » qui prévoit bien deux conditions cumulatives et non pas alternatives : il faut tout à la fois avoir été condamné et constituer une menace pour la société de l'État membre. Avis défavorable.
L'article 4 me semble dangereux : on peut être puni d'emprisonnement, dans certains États membres de l'Union européenne, pour des actes tout à fait légaux en France – je pense à certaines orientations sexuelles. Il me semblerait dommage que, parce qu'une personne aurait été punie dans un pays, elle doive en souffrir en France où elle ne l'aurait pas été. Ce serait une atteinte assez grave aux principes constitutifs de notre République et de notre droit.
Le but de ce projet de loi est d'harmoniser les dispositifs européens – c'était la volonté du Président de la République. L'amendement de M. Masson constitue une première étape dans ce sens. Normalement, les États membres de l'Union européenne sont des États de droit pourvus d'à peu près les mêmes règles, avec une Cour de Justice de l'Union européenne certes assez régulièrement dénigrée mais en laquelle nous devrions avoir confiance en matière de respect des libertés fondamentales. Je ne partage pas l'avis de notre collègue Bernalicis : on peut avoir confiance, j'y insiste, en la justice des pays membres de l'Union. Je le répète : cet amendement est un premier pas dans le sens souhaité par le chef de l'État. Alors, en marche…
À Malte, l'avortement est un crime puni de trois ans d'emprisonnement ; libre à vous de décider qu'une personne qui aurait été condamnée à Malte pour ce motif soit expulsée de France… Dans d'autres pays, le blasphème est condamné, ce qui n'est pas le cas chez nous. Dès lors, l'harmonisation européenne, fiscale, sociale, pourquoi pas ? Mais là, on nous propose un peu l'harmonisation par le bas, et qui plus est en matière pénale ! Il faudra bien des modifications pour atteindre la situation hypothétique que vous nous décrivez… En l'état actuel des choses, il est hors de question pour nous de tomber dans ce genre de travers.
Le propos de M. Bernalicis est totalement caricatural. Les condamnations dont il fait état ne sont évidemment pas concernées par l'article 4. Il est bien question de condamnations pour des faits graves. C'est toujours le même argumentaire de la France insoumise…
Vous venez de dire qu'une personne condamnée pour avortement à Malte tomberait sous le coup de cet amendement. Quant à nos collègues du groupe Les Républicains, je les rassure : comme l'a souligné la rapporteure, nous avons suffisamment bien circonscrit dans l'article 4 les éléments qui justifieront le rejet, ou le retrait, du statut de réfugié.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL199 de M. Éric Diard.
L'ordre public et les sociétés européennes sont remis en cause par un terrorisme difficilement saisissable dans la mesure où il s'internationalise. Il peut prendre naissance ou évoluer dans n'importe quel pays, en particulier en dehors de l'Europe, et frapper non seulement la France, mais n'importe lequel de nos partenaires européens.
Il serait de la responsabilité de la France de tenir compte du caractère transfrontalier des menaces criminelles et terroristes afin d'en empêcher la propagation sur le territoire, pour protéger non seulement la société française mais aussi nos partenaires européens.
Le dispositif du présent article est trop limité dans la mesure où les pays ou les actes liés à la menace terroriste sont hors de l'Union européenne. Le présent amendement vise donc à donner la possibilité aux autorités de tenir compte des actes commis au-delà de l'espace européen afin de mieux répondre à la nature internationale des nouveaux phénomènes auxquels nous devons faire face.
Nous partageons tous le souci de trouver une définition internationale commune des actes de terrorisme, mais je ne crois pas que tous les États du monde aient la même notion de ce qu'est un acte terroriste – je suis même persuadée du contraire. Je ne vois donc pas comment votre proposition pourrait être appliquée de manière opérationnelle. Si nous avons un système juridique commun, des valeurs partagées, au sein de l'Union européenne, nous ne pouvons pas les étendre aux autres pays du monde. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL894 de M. Sébastien Huyghe.
La seule condamnation pour crime ou acte de terrorisme en France ou dans un pays de l'Union européenne doit pouvoir justifier le refus du statut de réfugié. Cumuler cette condition avec la notion de menace risque de laisser libre cours à l'interprétation alors que nous devons en premier lieu nous assurer de la sécurité des Français.
Comme j'ai déjà pu le préciser, l'article 14 de la directive « Qualification » prévoit bien deux conditions cumulatives. En outre, l'appréciation de l'OFPRA est importante pour définir la notion de crime qui n'est pas la même dans les différents États européens. Le système en vigueur me paraît particulièrement bien fonctionner. Avis défavorable.
Je m'inquiète de la limitation du dispositif à l'Union européenne. Est-ce à dire qu'un individu qui serait réputé terroriste en Israël pourrait demander à bénéficier du droit d'asile devant une juridiction française ?
Il n'est pas question de limitation puisque l'OFPRA apprécie le cas et qu'il y a transmission des informations. Mais il n'y a pas d'automaticité du refus dans la mesure où Israël ou n'importe quel autre pays n'aura pas forcément la même appréciation que nous sur ce qu'est un acte terroriste. Il est donc important que l'OFPRA, en application de la directive « Qualification », tienne compte des deux conditions cumulatives mentionnées et dispose d'une marge d'appréciation sur le fait de savoir si on a affaire à un acte grave.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL280 de M. Jean-Christophe Lagarde.
Un peu dans le même esprit, le présent amendement vise à faire en sorte que l'OFPRA puisse se fonder, pour refuser le statut de personne protégée ou y mettre fin, sur des condamnations prononcées dans des États avec lesquels la France entretient une coopération judiciaire et dont elle reconnaît la législation et la juridiction pénales.
J'entends bien l'argument que vient de faire valoir la rapporteure en défaveur des précédents amendements, mais disons les choses clairement : il est permis d'espérer que si nous coopérons en matière judiciaire avec un certain nombre d'États, ceux-ci sont des États de droit et dont on peut considérer que la justice est fiable. Et si des gens sont condamnés pour des faits aussi graves par la justice de ces États, on ne voit pas pourquoi l'OFPRA pourrait ne pas en tenir compte.
À l'inverse, certains États ont une vision du terrorisme à nos yeux discutable – la Turquie par exemple peut considérer que tel ou tel Kurde est un terroriste alors que nous pouvons, nous, considérer qu'il n'en est pas un ; dans ce cas également, l'OFPRA reste libre d'accorder le statut de réfugié, mais il peut également s'appuyer sur le jugement d'un État plus fiable et plus sûr, avec lequel, j'y insiste, nous avons une coopération judiciaire pour le refuser. Tel est l'objet de l'amendement.
La rédaction de votre amendement reste trop floue pour qu'on puisse considérer de façon automatique que certains États non membres de l'Union européenne appréhendent le terrorisme de la même manière que nous, quand bien même il existerait entre la France et eux une coopération judiciaire. Je comprends bien le sens dans lequel vous voulez aller, mais le dispositif que vous proposez me semble trop compliqué à mettre en place de façon opérationnelle. Avis défavorable.
Je partage l'avis de la rapporteure. Pourquoi étendre la faculté, pour l'OFPRA, de refuser le statut de réfugié, ou d'y mettre fin, aux cas de condamnations pour des faits graves, notamment de terrorisme, prononcées dans un autre pays de l'Union européenne ? Parce que nous partageons des valeurs communes. Pour être membre de l'Union européenne, il faut se soumettre à tout un « formatage normatif », en matière de libertés publiques en particulier. Et lorsque nous avons des coopérations judiciaires avec des pays comme la Turquie – on peut aussi citer le Maroc –, elles sont d'ordre organisationnel, elles ne signifient pas le partage de valeurs communes. L'ouverture proposée par M. Lagarde me semble excessive ; et rien n'empêchera, in fine, à l'OFPRA de tenir compte des informations qui lui seront communiquées pour, le cas échéant, refuser le statut de réfugié.
Je reprends ma question de tout à l'heure puisque l'amendement est assez similaire. Il y a entre Israël et la France un accord de coopération judiciaire aux termes duquel nous reconnaissons la législation et les juridictions pénales israéliennes. Si vous limitez les cas ici en question aux pays membres de l'UE, c'est donc que vous ne tenez donc pas compte d'un accord international – supérieur à la loi dans la hiérarchie des normes, rappelons-le. De plus, il ne s'agit pas d'« étudier » un cas, pour reprendre votre terme, madame la rapporteure, mais de savoir s'il est recevable ou non. L'OFPRA peut-il recevoir une demande de la part d'un Israélien ou d'un Palestinien qui vit en Israël où il est considéré comme un terroriste, et lui accorder le droit d'asile en France ? C'est une question précise, et elle ne relève pas de l'appréciation de l'OFPRA, qui n'est pas une juridiction, mais une institution administrative. Il nous faut donc davantage de précisions dans le texte de la loi.
J'entends bien que la qualification d'acte terroriste peut varier selon les États ; néanmoins, l'amendement de M. Lagarde précise bien que l'extension de la faculté de l'OFPRA vaudrait pour les États avec lesquels existe une coopération judiciaire et dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales ; cela réduit d'autant le champ et montre que, a priori, ces États et le nôtre sont à peu près d'accord pour s'entendre. Je ne vois donc pas pourquoi ce qui est possible avec les États de l'Union européenne ne le serait pas avec les États mentionnés par cet amendement.
Je vais essayer, une fois encore, avant l'examen du texte en séance, de faire progresser la position de la rapporteure. L'application de ma proposition n'a en fait rien de compliqué. On peut certes considérer que l'Union européenne est parfaite mais, très franchement, aujourd'hui, pour moi, la justice hongroise est sujette à caution dans certaines de ses interprétations et certaines de ses orientations. Et quand la Pologne décide qu'on n'a plus le droit de parler des camps de concentration polonais sous peine d'être condamné à deux ans de prison, le maire de Drancy que j'ai été pendant des années a quelque doute sur le respect parfait de notre notion des droits de l'homme en Europe…
Mais la question n'est pas là ; elle est de savoir si l'OFPRA aura le droit de se fonder sur une condamnation pour des faits graves, notamment de terrorisme, prononcée par un État non-membre de l'UE et dans lequel nous avons suffisamment confiance pour avoir avec lui une coopération judiciaire et reconnaître ses sanctions pénales. Si vous rejetez l'amendement, ce qui est bien votre droit, cela signifie qu'une fois la décision administrative de l'OFPRA prise, un recours sera toujours possible devant les tribunaux. Et si l'OFPRA s'est fondé, pour refuser le statut de réfugié, sur une condamnation pour terrorisme prononcée aux États-Unis, dont on ne considère pas ici qu'ils sont une dictature, ou en Israël, ou encore dans un État non européen, non-membre de l'Union européenne mais dont nous reconnaissons la justice, vous fragilisez le dispositif dans la mesure où vous limitez l'extension de la faculté de l'OFPRA aux seuls États membres de l'Union européenne. Je ne cherche pas à le rendre plus compliqué, mais justement à le rendre moins fragile.
Je comprends bien l'intention des auteurs de l'amendement, mais les notions de législation et de juridiction pénales reconnues mériteraient d'être précisées. Il en va de même pour la coopération judiciaire : elle peut en effet être plus ou moins étendue selon les actes.
Quel est l'intérêt de l'article 4 ? Il vise à renforcer la convergence des législations à l'échelle européenne. Il ne s'agit pas seulement de partager des valeurs avec certains États, mais d'agir avec eux afin de rendre possible une harmonisation du droit. Car, nous l'avons souligné hier soir, la politique en matière d'asile ne se conçoit pas seulement à l'échelle nationale mais bien à l'échelle européenne.
J'entends vos critiques sur la justice de certains pays de l'Union européenne ; mais alors on peut relancer le débat sur l'UE sur les sujets les plus divers, y compris le droit d'asile… Ce n'est pas l'objet du présent texte. Nous avons une Union européenne, et il se trouve qu'en matière d'intégration des politiques judiciaires, elle fonctionne. Il n'y a pas de greffe commun, par exemple, dans le cadre des coopérations judiciaires. Que proposez-vous à part la transmission d'informations – ce qui se fait déjà – à l'OFPRA ? Tant que je serai en mesure de le faire je saluerai son travail. Trouvez-moi un cas où l'OFPRA aurait protégé quelqu'un qui a été condamné pour terrorisme, où que ce soit !
Restons dans le cadre de l'Union européenne et dans le cadre du travail d'information correctement fait au moment de l'étude des dossiers par l'OFPRA. Je maintiens donc mon avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL561 de M. Dimitri Houbron.
Il est légitime que le texte vise à refuser le statut de réfugié à un demandeur qui a fait l'objet d'une condamnation pour des faits graves dans un État membre de l'Union européenne. Pourtant, cette limitation exclut des pays européens qui, d'une part, ont une législation et des valeurs démocratiques compatibles avec celles des États membres de l'UE, et qui, d'autre part, sont eux aussi confrontés à l'asile et l'immigration. Ils sont peu nombreux : l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège, tous trois membres de l'Espace économique européen (EEE), pays auxquels il faut ajouter la Suisse qui n'a pas ratifié les accords de l'EEE. Nous proposons d'intégrer ces quatre pays au dispositif prévu à l'article 4 car ils ont déjà fait l'objet d'une négociation ou d'une étude de candidature pour adhérer à l'Union européenne. De plus, ils ont noué des partenariats très étroits avec l'UE, notamment sur les questions relatives à l'asile et à l'immigration. Notre amendement permettra simplement de refuser le statut de réfugié à un demandeur qui a fait l'objet d'une condamnation dans un État membre de l'Union européenne et chez nos voisins islandais, norvégiens, suisses et du Liechtenstein.
Votre amendement est plus précis que le précédent puisqu'il prévoit l'extension du dispositif à des pays qui peuvent avoir avec nous une communauté de valeurs et des systèmes juridiques comparables, mais surtout relativement proches du point de vue géographique : l'appréciation du terrorisme entre l'Islande et Israël, par exemple, n'est peut-être pas totalement la même… Par souci de cohérence, j'émets un avis défavorable.
Cet amendement est intéressant car il montre qu'on peut s'appuyer sur d'autres législations, en matière de terrorisme, que celles des pays de l'Union européenne, pour accorder ou non le droit d'asile. Il souligne la faiblesse de la limitation du dispositif à la seule Union européenne : on en est en effet réduit à devoir citer nommément la Confédération helvétique pour préciser que nous pouvons échanger des données judiciaires qui nous permettront ensuite de refuser d'accorder le droit d'asile à quelqu'un qui y aurait été condamné pour la commission d'un acte terroriste… C'est invraisemblable. Cela montre en tout cas combien il est nécessaire d'élargir le dispositif le plus possible à des pays qui évidemment partagent les mêmes valeurs que nous. Cet amendement, certes de repli, est un premier pas dans ce sens.
Votre préoccupation est légitime, même si nous y avons répondu concernant les États avec lesquels nous entretenons une coopération judiciaire ; mais l'Espace économique européen résulte d'un accord portant sur la libre circulation des personnes, des marchandises, des services, des capitaux. Il n'y a là-dedans aucune garantie sur le socle de droit commun concernant, par exemple, les libertés publiques. Au demeurant, l'EEE, c'est trente et un États – le dernier en date est la Croatie, me semble-t-il –, dont vingt-huit membres de l'Union européenne. Autrement dit, vous recoupez très largement le champ d'application de l'article 4.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL320 de Mme Bénédicte Taurine.
La rédaction actuelle du texte fait peser de nombreuses incertitudes sur les demandeurs d'asile eu égard à l'absence d'harmonisation pénale au sein de l'Union européenne. Nous estimons qu'il est d'intérêt public, notamment pour assurer l'entière application des principes constitutionnels de proportionnalité et de légalité des délits et des peines – aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 –, que le droit pénal français prime sur les droits pénaux européens pouvant être divergents. Faute de quoi l'incertitude juridique qui en résulterait nuirait profondément à notre État de droit. Si, en France, le crime se distingue du délit et de la contravention, selon le degré de gravité de l'infraction, les systèmes pénaux européens ne sont pas les mêmes et ne recoupent pas nécessairement les mêmes qualifications : un crime en Estonie pourrait n'être qu'un délit en France. Faudrait-il dès lors « importer » des crimes et délits étrangers ?
En l'absence d'harmonisation pénale européenne aboutie et au vu des nombreuses zones grises qui pourraient ainsi être créées, nous proposons d'ajouter une condition de réciprocité d'incrimination et d'un même quantum minimal de peine. En cas d'harmonisation pénale, nous pouvons prendre en compte un crime ; en cas de divergence du quantum de peine pour un fait identique, il convient de ne pas le prendre en compte.
Étendre le dispositif aux pays membres de l'Union européenne est donc une supercherie visant à faire croire que vous agissez dans la perspective de contribuer à la construction européenne. Personne n'en est dupe, puisque le reste du texte entre en contradiction totale avec les valeurs qui président à cette construction.
Encore une fois, nous avons signé des partenariats judiciaires avec un certain nombre de pays. Il ne s'agit pas pour nous de ne pas prendre en compte ce qui se passe dans les autres pays mais bien de faire la part des choses au vu de notre droit pénal.
Je vous rappelle que la directive « Qualification » prévoit bien deux conditions cumulatives : une condamnation et une menace grave pour la société. Or les cas que vous évoquez ne constituent pas des menaces graves pour la société. Qui plus est, une marge d'appréciation est toujours laissée à l'OFPRA : il n'y aura pas de refus automatique, soyez-en assuré. Avis défavorable.
Ce n'est pas parce que la directive pose deux conditions qu'une des deux doit rester floue. Je plaide pour la clarté : il me semble beaucoup plus clair de préciser que nous retenons ce qui est un crime ou un délit dans un autre pays européen seulement s'il est aussi reconnu comme tel chez nous. Cela me semble relever de l'évidence même et ne contrevient en rien au respect de la double condition que vous venez de rappeler. Notre position nous semble plus équilibrée que la vôtre qui nous paraît quelque peu angélique.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL152 de M. Éric Ciotti, CL240 et CL241 de M. Raphaël Schellenberger.
Nous sommes ici pour assurer la protection de personnes opprimées. Je vois une seule restriction possible à cette protection : c'est celle qui concerne la protection de la France elle-même et la sécurité de nos concitoyens. Il est pour moi inimaginable que l'on puisse accueillir des personnes représentant une menace, qu'il s'agisse de demandeurs d'asile ou même de réfugiés, ou encore d'étrangers qui obtiennent un titre de séjour. Nous devrions pouvoir ensemble poser ce principe général : lorsqu'on accueille une personne, en particulier quand c'est pour lui assurer un statut de protection, on ne peut pas par là même mettre en danger nos concitoyens et placer notre pays dans une situation de menace. C'est un principe de bon sens qui appelle à la réflexion et que nos concitoyens soutiennent massivement. Ils soutiennent en effet massivement, monsieur le ministre d'État, l'expulsion des étrangers qui représentent une menace. Je souhaite que nous placions cette question au coeur de l'examen du texte.
Jean-Louis Masson a excellemment défendu tout à l'heure, dans un cadre un peu plus large que celui prévu par le présent amendement, l'idée d'exclure du statut de protection toutes les personnes qui pourraient être condamnées dans un pays de l'Union européenne ; Claude Goasguen a rappelé, comme Jean-Christophe Lagarde, que l'extension prévue à l'article 4 devrait concerner tous les pays avec lesquels nous avons signé une convention de coopération judiciaire et notamment Israël – faute de quoi nous serions susceptibles d'accorder le statut de réfugié à des personnes considérées par cet État comme terroristes et qui à ce titre le menaceraient. Dans le même esprit, mon amendement CL152 vise à exclure du statut de protection, tout en respectant les deux conditions cumulatives rappelées par la rapporteure – menaces graves et condamnations –, toutes les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation à plus de deux ans de prison ferme, prononcée dans un pays membre de l'Union européenne. Ainsi la clause de cessation du statut de réfugié serait activée, ou l'examen de la demande d'asile exclu.
M. Ciotti a excellemment défendu son amendement qui a le même objet que mes amendements CL240 et CL241.
Quand on est condamné en France de manière définitive à des peines de cinq ans d'emprisonnement, il s'agit de cas sérieux : notre système judiciaire n'a pas la main très lourde en matière d'emprisonnement. Il faut bien avoir à l'esprit que nous parlons de peines prononcées et non de risques d'emprisonnement : ce n'est pas parce que le code pénal prévoit une peine d'emprisonnement de cinq à dix ans que la personne sera condamnée à dix ans. C'est pourquoi je vous propose de porter à cinq ans la peine d'emprisonnement qui peut déclencher le refus d'accorder, dans notre pays, le droit d'asile à des personnes condamnées.
L'objectif du texte, répétons-le, est d'accroître la protection des Français et du territoire français. L'article L. 711-6 du CESEDA prévoit déjà des causes de retrait ou de refus de la protection en cas de crime grave, de menace pour la société. Nous complétons ces causes, et ce faisant nous améliorons la protection des Français, en y ajoutant les condamnations prononcées dans l'Union européenne, tout en respectant la directive qui parle bien de crimes graves. Or une condamnation à deux ans ou à cinq ans n'entre pas dans ce cadre. Avis défavorable.
Nous proposons d'introduire des critères nouveaux qui complètent la protection de nos concitoyens, avec de nouveaux motifs de condamnation. M. Schellenberger soutient que lorsque l'on est condamné à cinq ans ou à deux ans d'emprisonnement, c'est que l'on a commis des faits assez graves… On sent une volonté de se servir de ce texte comme d'un épouvantail. Le texte est complet : les faits graves, dont ceux de terrorisme, ont été ajoutés et élargis aux pays ressortissants de l'Union européenne. La surenchère n'est donc pas nécessaire.
S'agissant de l'amendement CL154, que nous examinerons plus loin, proposant que le statut de réfugié peut être refusé ou qu'il peut y être mis fin lorsque la personne concernée est inscrite au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), mon analyse sera différente : il s'agit bien de faits graves. Mais là aussi, l'article 4 prévoit que l'OFPRA peut procéder à des enquêtes administratives, ce qui rejoint certainement la préoccupation de M. Ciotti.
Comme j'ai cosigné l'amendement CL152 de M. Ciotti, je suis bien dans la logique de proposer, dans un premier temps, que le statut de réfugié puisse être refusé à une personne qui aurait été condamnée à deux ans d'emprisonnement.
Je reconnais que la mesure prévue à l'article 4 est intéressante : chacun conviendra qu'une peine de dix ans d'emprisonnement correspond à un crime grave. Mais son effet sera des plus limités : refuser le droit d'asile à un étranger qui demande refuge en France alors qu'il y aura été condamné à plus de dix ans d'emprisonnement a tout de même un côté cocasse ! Bien sûr, la France doit accueillir celles et ceux qui ont besoin d'être protégés, mais on ne peut pas demander à être protégé par la France quand on y a commis des faits qui conduisent à une peine de prison. Le fait même d'avoir été condamné en France devrait à mon sens, par principe, exclure du droit d'asile. Admettre qu'il y a potentiellement un droit à l'erreur et considérer qu'une peine de deux ans d'emprisonnement est encore soutenable me semble procéder d'une logique tout à fait cohérente. Mais lorsque l'on est étranger et demandeur d'asile en France et qu'on a été condamné par la France pour un crime ou un délit contre la France, on ne peut prétendre à la protection de la France.
L'article L. 711-6 du CESEDA ne vise pas les peines prononcées, mais les peines encourues. Nous parlons donc bien d'un délit pour lequel la peine encourue est de dix ans d'emprisonnement et d'une personne condamnée, et non d'une condamnation effective.
Le débat qui s'est engagé est intéressant. Comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, la volonté du Gouvernement est d'essayer de parvenir à un certain nombre de règles communes au niveau européen en matière d'asile et d'immigration. Si chaque pays adopte des dispositions différentes de celles des autres, nous n'irons pas vers un espace commun.
Avec l'article 4, nous essayons d'être conformes à la directive « Qualification », et en particulier au 2. de son article 12, lequel dispose :
« 2. Tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser :
« a) qu'il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;
« b) qu'il a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de refuge avant d'être admis comme réfugié, c'est-à-dire avant la date à laquelle le titre de séjour est délivré sur la base de l'octroi du statut de réfugié ; les actions particulièrement cruelles, même si elles sont commises avec un objectif prétendument politique, pourront recevoir la qualification de crimes graves de droit commun ; […] »
Nous essayons à chaque fois d'adopter des dispositions qui visent à construire un droit de l'asile et de l'immigration qui soit progressivement commun à tous les pays de l'Union européenne.
La Commission rejette successivement les amendements CL152, CL240 et CL241.
Elle examine ensuite l'amendement CL239 de M. Raphaël Schellenberger.
Cet amendement vise à supprimer une des deux conditions cumulatives, en l'occurrence celle qui est relative à la menace pour la société. Il n'appartient pas à l'OFPRA de faire la preuve de l'existence individuelle d'une menace quand la personne a déjà été condamnée.
Je reprends l'argumentation développée par M. le ministre d'État : nous sommes là pour faire converger nos politiques européennes. Nous n'entendons pas aller pas à l'encontre de la directive « Qualification » et nous tenons à respecter les deux conditions cumulatives. Avis défavorable.
Je suis, bien évidemment, opposé à cet amendement.
Je trouve tout de même assez étrange de vouloir faire converger les systèmes pénaux en Europe par le biais du droit des étrangers. Il y a des thématiques plus larges pour aller plus avant. Je comprends le souci de coordination et de coopération – c'était d'ailleurs le sens de notre amendement tout à l'heure. Je m'interroge seulement sur le fait qu'on le fasse en général, en espérant que cela fera naître une forme d'harmonisation, une réciprocité. Je touche du bois pour que ce soit le cas et qu'il n'y ait pas de dérive ni d'arbitraire, mais je n'en suis pas totalement convaincu.
Enfin, monsieur le ministre d'État, après vos propos d'hier soir, j'attends toujours des excuses.
Si l'on peut partager l'objectif de construire un droit de l'asile européen, je ne suis pas sûr que notre droit soit le plus ferme et que cela passe nécessairement par le désarmement de certains États. En matière de construction du droit européen, on a toujours procédé par le plus petit dénominateur commun, ce qui n'empêche pas les États d'aller plus loin. Si on s'interdit aujourd'hui par principe d'aller plus loin en matière de droit d'asile au motif que le minimum européen n'est pas celui-là et qu'il n'est pas question d'en faire plus, on pourra vous resservir cet argument lorsqu'on parlera de politique environnementale, de politique énergétique, bref, d'autres champs de politique européenne dans lesquels la France veut être la première à montrer qu'elle peut faire plus que le droit européen. En matière d'asile et de lutte contre la menace terroriste, la logique doit être la même : on doit pouvoir se permettre de faire plus que le minimum syndical européen.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL154 de M. Éric Ciotti.
Je ne comprends pas que vous refusiez ces amendements qui vont dans une forme de logique de plus grande protection de nos concitoyens. L'harmonisation avec les pays de l'Union européenne est positive, et vous allez dans ce sens. On aurait pu en profiter pour modifier l'échelle des peines qui aurait pu conduire l'OFPRA à refuser l'octroi d'un statut de réfugié ou de le lui retirer lorsqu'une personne avait été condamnée. Je le répète : une personne qui présente une menace pour notre pays n'a rien à y faire.
Les personnes inscrites dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste sont 20 000 environ – le chiffre évolue chaque jour – et Mme Jacqueline Gourault nous avait indiqué que le pourcentage d'étrangers inscrits au FSPRT était de 15 %. Les personnes inscrites dans ce fichier, classé confidentiel je crois, représentent pour notre pays une menace terroriste…
… qu'on évalue difficilement. Pour certains, c'est sans doute une menace grave, et pour tous c'est une menace potentielle. Je ne peux pas comprendre comment on octroierait un statut de protection à une personne qui représente une menace terroriste dans notre pays. Je propose donc que les personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ne puissent bénéficier du statut de réfugié ou que ceux qui en bénéficient déjà voient leur protection immédiatement interrompue par un arrêté de votre part, monsieur le ministre d'État, dès lors nous connaissons leur dangerosité, fût-elle potentielle – mais tout est dans ce mot : tant que l'acte n'est pas commis, vous avez la responsabilité de la prévenir. C'est un point sur lequel nous ne transigerons pas, et sur lequel nous reviendrons longuement dans l'hémicycle. Nous demanderons des scrutins publics et chacun assumera ses responsabilités. Nous devons et nous pouvons nous accorder sur le fait que ceux qui présentent une menace terroriste pour notre pays n'ont rien à y faire.
Je ne peux pas vous laisser dire que la protection de notre territoire n'est pas suffisamment assurée. Je le répète, le texte de loi l'élargit en prévoyant les condamnations qui ont été prononcées dans l'Union européenne. Il l'élargit aussi en permettant, au 2° du I, une meilleure communication par l'autorité judiciaire d'informations à l'OFPRA et la CNDA, dans un souci de protection accrue.
Par ailleurs, je vous rappelle que, sur ces motifs, l'OFPRA a retiré sa protection à 151 personnes en 2016, et 258 en 2017. Autrement dit, le système fonctionne, et il fonctionnera encore mieux. Donc, oui la protection de nos concitoyens est assurée.
Avis défavorable.
L'amendement de M. Ciotti est en réalité très dangereux. Si les personnes qui sont inscrites dans le FSPRT ont fait l'objet d'un signalement parce qu'il existe un doute, elles n'ont pas pour autant été condamnées. Laisser entendre que les personnes qui font l'objet d'un signalement, sur une simple déclaration, pourraient faire l'objet d'une perte de ce statut, c'est aller très loin. Si les personnes sont signalées et qu'elles font par la suite l'objet d'une condamnation par la justice, alors on pourra prendre des sanctions et elles pourront perdre leur statut ; mais il n'est pas raisonnable, en l'état actuel de notre droit positif, de faire dépendre une situation d'un simple signalement.
Je signale que M. le ministre d'État nous a indiqué, à juste titre, qu'il avait procédé à des expulsions administratives de personnes ayant porté atteinte à l'ordre public. En réalité, la question ne se pose plus entre la compatibilité de l'étranger fiché S et son expulsion ; à mon avis, cette question est réglée.
L'amendement de M. Ciotti soulève une question sur laquelle il faudra se pencher en séance plénière : l'OFPRA n'est pas une juridiction, mais une institution administrative. On aura beaucoup de difficulté à procéder à une harmonisation avec l'Allemagne : plus efficaces que nous en matière d'exécution, les Allemands ont mis en place une vraie juridiction qui a un pouvoir de contrainte et dont les décisions sont exécutoires. Or, comme pour toute institution administrative, les décisions de l'OFPRA ne sont pas exécutoires, ce qui pose la question de la transformation profonde de la cour nationale d'appel.
J'ai toujours souhaité, pour ma part, que les appels passent par des juridictions, pour une raison très simple : quelle est la nature juridique de la décision prise ? Que se passe-t-il lorsqu'une personne apprend qu'elle est déboutée ? Rien : c'est au préfet et au procureur – autrement dit essentiellement à vous, monsieur le ministre d'État – de prendre en main la situation. En réalité, quand quelqu'un est débouté du droit d'asile à Montreuil, que fait-il ? Il s'en va… Et le magistrat qui est à la tête de la cour qui examine le cas informe, dans des délais plus ou moins longs, le préfet que cet individu doit être expulsé. Tout cela tient aux lenteurs immanentes et propres à la nature juridique de l'OFPRA et de la cour d'appel. Vous avez l'intention de rapprocher les juridictions du droit d'asile, et vous avez raison ; mais prenez exemple sur l'Allemagne, car ils sont plus efficaces que nous.
Monsieur Goasguen, nous avons pris exemple sur l'Allemagne sur toute une série d'articles du projet. Nous avons regardé d'assez près comment fonctionne leur système d'asile et d'immigration.
Monsieur Ciotti, le FSPRT évolue en permanence, et je reçois chaque semaine une note de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) qui m'indique comment a évolué ce fichier.
Si vous avez été signalé, par appel au numéro vert, comme quelqu'un qui peut potentiellement se radicaliser, on va vous suivre pendant quelque temps et vous serez inscrit dans le FSPRT. Mais vous n'êtes pas pour autant coupable de vouloir commettre un acte terroriste ; toute la difficulté est là. Le FSPRT comporte trois catégories : les gens qui sont actifs, les gens qui sont mis en veille et les dossiers clôturés. D'après ce que je vois, souvent, ce n'est pas le haut du spectre qui nous crée le plus de soucis, mais bien le bas du spectre, autrement dit celui qu'on n'a pas vu venir et qui brusquement se radicalise. Si vous considérez que tous ces gens ne peuvent plus avoir le statut de réfugié, cela revient à l'interdire à des milliers de personnes. Il faut proportionner les choses, et c'est ce que nous essayons de faire à travers ce texte.
Je suis heureux de voir que la majorité est d'accord pour ne pas se fonder sur le FSPRT pour accorder ou non l'asile ; ce qui est dommage, c'est qu'avec la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), vous ayez ouvert les vannes aux arguments des Républicains. À vous maintenant d'assumer les conséquences de cette fuite en avant.
Monsieur le ministre d'État, je note que vous ne voulez toujours pas revenir sur les propos que vous avez tenus hier, qui pourtant ne vous honorent pas, sur l'instrumentalisation du geste héroïque du colonel Beltrame. (Murmures)
Monsieur le ministre d'État, votre argumentation va finalement dans le sens de l'amendement de M. Ciotti : si les auteurs des principaux actes terroristes ou tentatives d'attentats que l'on a pu relever ces derniers temps en France se situent dans le bas du spectre du FSPRT, c'est une raison de plus pour nous montrer particulièrement exigeants avec les étrangers qui demandent à la France un statut de protection.
Nous avons pris acte qu'il y avait deux conditions cumulatives, la menace grave et la condamnation. L'amendement de M. Ciotti tend à régler la question de la qualification de la menace grave. Sur qui pèse la charge de la preuve de la menace grave ? Est-ce à l'OFPRA de produire un travail administratif pour justifier le refus du droit d'asile en raison de menace grave ? S'il est précisé dans la loi que l'inscription dans un fichier peut constituer un élément de preuve, l'instruction des dossiers pour l'OFPRA en sera facilitée.
Monsieur le ministre d'État, votre argumentation ne m'a pas convaincu. Je persiste à dire qu'il faut, en la matière, un vrai principe de précaution.
Vous avez parlé de menaces en provenance du bas du spectre. Cela veut dire que votre argumentation rejoint finalement notre démonstration. En fait, tous ceux qui sont inscrits dans ce fichier représentent, selon vous, pour reprendre votre expression, une « menace potentielle ». Tout est dans ces termes : chacun de ces individus peut représenter une menace, auquel cas le principe de précaution doit s'appliquer.
Si mon amendement était adopté, avez-vous dit, des milliers de personnes pourraient se voir refuser le statut de réfugié. Je vous le demande solennellement : Combien d'étrangers et combien de demandeurs d'asile sont inscrits au FSPRT ? Vous devez ces chiffres à la représentation nationale.
J'ai du mal à vous laisser dire qu'on laisse la France soumise à une menace grave. Je le répète, il n'appartient pas à l'OFPRA de déterminer ce qu'est une menace grave ; c'est l'autorité judiciaire qui transmet ces informations à l'OFPRA sur chacune de ces personnes, et l'OFPRA se rapproche évidemment des services de renseignement pour les vérifier. Cette appréciation est faite en coopération avec l'autorité judiciaire et les services compétents : la protection est correctement assurée.
Monsieur Ciotti, l'OFPRA ne travaille pas de manière unilatérale. Sur un certain nombre de cas, avant de donner le statut de réfugié, elle contacte la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour voir si la personne à qui on va donner le statut de réfugié ne fait pas partie des cibles suivies par la DGSI.
Je réponds à votre question : 3 000 étrangers sont inscrits dans le FSPRT, ce qui représente 15 % des inscriptions.
Je ne suis pas sûr que nous ayons fait un classement par demandeur d'asile et par réfugié. Ce serait très difficile : le chiffre varie sans cesse.
M. Pascal Brice, directeur général de l'OFPRA, nous l'a indiqué de manière assez solennelle en audition : protéger le territoire français et veiller à ce qu'aucune protection ne puisse être assurée à des personnes susceptibles de commettre un acte terroriste, c'est la préoccupation de chaque instant des agents de protection de l'OFPRA et de lui-même. C'est pour lui un souci permanent, et je tiens, une fois de plus, à lui en rendre hommage.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL434 de la rapporteure.
La Commission étudie ensuite l'amendement CL605 de Mme Elsa Faucillon.
L'amendement CL605 a pour objet de compléter l'article 4 en reprenant les préconisations de l'association des avocats du droit d'asile ELENA qui vise à garantir les droits de la défense. Le demandeur doit être avisé de l'existence de la décision de condamnation quand elle a eu lieu – il arrive que ce ne soit pas le cas – et invité à formuler ses observations, dans le respect du principe du contradictoire.
L'article L. 724-1 du CESEDA précise que lorsque l'Office met fin à une protection, il en informe par écrit la personne concernée ainsi que des motifs de l'engagement de cette procédure.
L'article L. 724-2 indique que la personne concernée est mise à même de présenter par écrit ses observations sur les motifs de nature à faire obstacle à la fin du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire.
Enfin, l'article L. 724-3 prévoit que la décision de retrait est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.
Ces garanties me semblent largement suffisantes. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL285 de M. Jean-Christophe Lagarde.
Je défendrai en même temps mon amendement CL281, que nous examinerons plus loin, mais qui procède du même esprit.
Les décisions de l'OFPRA sont évidemment susceptibles de recours devant le tribunal administratif. Autrement dit, la difficulté ou le danger ne tient pas tant à la décision elle-même qu'à celle du tribunal administratif, qui pourrait la juger mal fondée. C'est la raison pour laquelle nous proposons de permettre aux enquêtes administratives de faire appel aux services de police et de renseignement d'autres États ainsi qu'à ceux des organismes communautaires et internationaux. Si cette possibilité n'est pas prévue dans la loi, il sera très hasardeux de rejeter une demande en se fondant sur un avis d'un autre État, à plus forte raison dans un milieu où malheureusement grouillent les avocats qui multiplient les recours à l'envi… Le dispositif risquerait d'en être fragilisé. Il paraît sage en tout cas de prévoir cette possibilité, même si j'imagine bien qu'il n'y sera pas recouru de façon systématique.
Si je comprends bien, vous appelez à une coopération entre les services de police pour une meilleure information de l'OFPRA. Il me semble que cela se fait déjà ; mais nous allons laisser le soin à nos services de coopérer et d'organiser cette coopération sans qu'ils aient besoin de directives, sachant que les décisions de l'OFPRA sont prises en s'aidant des renseignements et de la coopération des différents services. Avis défavorable.
J'ai cru sentir une forme de « rigidité » dans votre approche sur certains amendements… Madame la rapporteure de la commission des Lois, les services de renseignement sont, et c'est heureux dans une démocratie, strictement encadrés par la loi dans leurs activités, dans les renseignements qu'ils transmettent, dans l'utilisation qui en est faite. Une autorité administrative n'a pas à solliciter de renseignements si la loi ne l'y autorise pas. Vous nous dites qu'il faut les laisser faire ; ce n'est pas mon avis. Je pense qu'il faut donner cette possibilité aux autorités administratives afin tout à la fois de les encadrer dans leurs activités et de ne pas fragiliser les décisions qu'elles prendront. Je souhaite vivement que nous puissions réfléchir sur ce sujet d'ici à l'examen du texte en séance, car sur chaque domaine qui touche au renseignement, il appartient à notre commission, et à la commission de la Défense pour ce qui relève de sa compétence, de cadrer les choses. Le texte est très clair : on a le droit de s'appuyer sur des renseignements en provenance des services français. Mais on n'a pas le droit, parce que ce n'est pas prévu, de fonder une décision sur des renseignements en provenance de services extérieurs. Or il se trouve que nos services échangent en permanence pour détecter tel ou tel danger, et c'est heureux – le ministre de l'intérieur est sûrement celui qui le sait le mieux. Prévoyons cette possibilité ; je n'ai pas dit que c'était une obligation.
Je suis d'accord avec votre raisonnement ; mais ce que vous expliquez, nous le faisons déjà. En fait, l'alinéa auquel vous faites allusion étend au problème des demandeurs d'asile le criblage que nous avons prévu dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. C'est une transposition au problème de l'asile d'une disposition adoptée il y a peu dans la loi SILT. Votre demande est donc déjà totalement satisfaite.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CL321 de M. Loïc Prud'homme.
Cet amendement entend supprimer l'accès étendu aux fichiers, mis en place par le projet de loi, d'autant que ces fichiers sont connus pour poser un certain nombre de problèmes, notamment parce qu'ils ne sont pas toujours à jour. Une simple recherche sur Internet suffit pour s'en convaincre.
Non seulement la France a déjà été condamnée à ce propos par la Cour européenne des droits de l'homme en 2014, mais le Conseil d'État lui-même a appelé, dans son avis, l'attention du Gouvernement sur le fait que l'élargissement permanent des destinataires des informations contenues dans ces fichiers et la multiplication des motifs de consultation remettent en cause les finalités plus étroites qui avaient été définies lors de leur création.
La CNIL, quant à elle, a souligné dans son avis que le cumul d'une enquête administrative, portant notamment sur des données d'infraction, avec la communication directe ou moins encadrée de données collectées dans le cadre de procédures judiciaires, civiles ou pénales, y compris en cas de non-lieu, était susceptible de nuire à la proportionnalité du dispositif de collecte mise en oeuvre pour l'exercice par l'OFPRA de ses missions.
Il me semble au contraire que la possibilité de demander des enquêtes administratives sur des personnes qui pourraient porter atteinte à la sûreté de l'État est une mesure de précaution nécessaire et évidente. Notre objectif est toujours de préserver la sécurité de notre territoire et de nos concitoyens. Avis défavorable.
Les individus qui figurent dans ces fichiers de renseignements administratifs n'ont pas nécessairement été condamnés, et on ne peut décider de leur donner ou non l'asile sur le fondement d'une éventuelle dangerosité. Sinon nous sortons totalement de l'esprit d'un État de droit. C'est en cela que je disais tout à l'heure que le ministre de l'intérieur avait mis le doigt dans un engrenage qui permettait à nos collègues des Républicains et de la droite de pousser encore plus loin le curseur des mesures sécuritaires, au mépris du minimum syndical de justice qu'on est en droit d'attendre d'un État de droit.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL606 de Mme Elsa Faucillon.
Dans le même esprit que l'amendement précédent, nous demandons ici que le demandeur d'asile qui fait l'objet d'une enquête administrative, puisse consulter les traitements automatisés afin que soient éventuellement recueillies ses observations. Si l'on veut garantir un État de droit, il faut à tout prix garantir les droits de la défense, et ce quels que soient les résultats de l'enquête. Cet amendement, soutenu par de nombreuses associations, vise donc à ce que les autorités chargées de l'instruction des demandes d'asile respectent le principe du contradictoire.
Je vous ai cité tout à l'heure l'article du CESEDA indiquant que la personne se voyant retirer son statut de réfugié, était informée des motifs de ce retrait, cette décision, comme les décisions de refus, pouvant faire l'objet d'un recours devant la CNDA. De ce point de vue, les droits de la défense sont donc parfaitement garantis.
En ce qui concerne l'enquête administrative, elle exige une discrétion qui implique de ne pas en communiquer les tenants et les aboutissants. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4.
Je vous indique que nous avons étudié 80 amendements et qu'il nous en reste 767 à examiner.
Article 5 (art. L. 723-2, L. 723-6, L. 723-8, L. 723-11, L. 723-13, L. 724-3 et L. 812-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Procédure d'examen des demandes d'asile devant l'OFPRA
La Commission examine les amendements identiques CL367 de Mme Danièle Obono et CL586 de Mme Elsa Faucillon.
L'article 5 constitue un rabotage inacceptable des droits procéduraux des demandeurs d'asile, et qui n'obéit visiblement qu'à des considérations budgétaires.
Faire basculer de nombreux demandeurs d'asile dans une procédure accélérée qui s'apparente à de l'abattage est inacceptable. En voulant diminuer de cent vingt jours à quatre-vingt-dix jours le délai entre l'entrée sur le territoire et le dépôt d'une demande d'asile pour avoir droit à un examen dans le cadre d'une procédure dite « normale » par l'OFPRA et la CNDA, le Gouvernement se livre dans les faits à un rabotage budgétaire, au détriment des droits les plus fondamentaux des demandeurs d'asile, et notamment le droit à un examen sérieux de leur dossier. Comment osez-vous ainsi retrancher d'emblée trente jours de délai à des personnes au parcours migratoire traumatisant, et qui ne connaissent ni notre langue, ni les subtilités de notre droit, ni la procédure permettant de demander l'asile !
Par cet amendement nous proposons de préserver le délai actuel maximal de cent vingt jours prévu à l'article L. 723-2 du CESEDA, bien plus garant des droits fondamentaux des demandeurs d'asile.
Force est de constater que l'exception finit toujours par devenir la règle, et que la procédure « accélérée », censée avoir été mise en place pour désengorger l'OFPRA et la CNDA, tend à devenir la procédure normale, alors qu'il aurait mieux valu recruter des effectifs à la hauteur des besoins. Ce n'est à l'évidence pas le choix qui a été fait dans le PLF pour 2018, alors même que nous vous avions alertés. Voilà donc où nous en sommes aujourd'hui.
Nous sommes inquiets de cet article 5 qui affaiblit les droits fondamentaux des demandeurs d'asile, d'abord parce qu'il raccourcit les délais qui leur sont octroyés pour déposer leur demande, sans tenir aucun compte de leurs parcours, des traumatismes qu'ils ont subis, des difficultés à comprendre les procédures dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas, et pas davantage des délais de traitement des dossiers dans les préfectures, très inégaux d'un département à l'autre. Une des conséquences de ce raccourcissement sera la multiplication des demandes traitées en procédure accélérée, c'est-à-dire selon des règles d'examen très différentes.
D'autre part, puisque beaucoup ici font référence à l'Allemagne, je vais m'y référer aussi. L'alinéa 4 autorise l'OFPRA à adresser la convocation à l'entretien individuel, « par tout moyen », de même que les alinéas 13 et 14 l'autorisent à notifier ses décisions également « par tout moyen », y compris électronique. Or, en Allemagne, la convocation pour un entretien comme la signification de la décision se font par un courrier avec accusé de réception, ce qui permet de garantir qu'elles parviennent bien à leurs destinataires – sage précaution compte tenu de la précarité dans laquelle ils vivent. S'en remettre à des moyens immatériels, c'est s'exposer au contraire à ce que les demandeurs d'asile ne soient jamais convoqués et se retrouvent rapidement dans l'illégalité. Afin de mieux sécuriser leurs droits, nous ferions donc bien, au moins sur cet aspect, de prendre exemple sur l'Allemagne.
Lorsqu'une personne se trouve sur notre territoire pour y demander l'asile, avant d'être inscrite en tant que demandeur d'asile, elle ne bénéficie pas des conditions matérielles d'accueil : elle ne perçoit pas d'allocation et ne se voit pas proposer d'hébergement. Il me semble donc que, pour qu'un migrant puisse au plus vite prétendre à des conditions de vie dignes, tout le monde a intérêt à ce que sa demande d'asile soit introduite le plus rapidement possible et qu'il puisse entrer dans le parcours du demandeur d'asile et se voir proposer des conditions matérielles d'accueil.
C'est en tout cas le souci des nombreuses associations que j'ai entendues et qui organisent avec l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) des maraudes – y compris à Calais où l'on sait pourtant que l'immense majorité des migrants ne sont pas là pour demander l'asile en France –, afin d'aller à la rencontre de ceux qui vivent dans la rue ou dans des campements, dans des situations de grande vulnérabilité et de grande précarité, pour les informer de leurs droits, leur expliquer la procédure et les orienter dans le dispositif de demande d'asile qui leur permettra d'être pris en charge dans des conditions bien plus humaines.
Pour ce qui est des délais d'enregistrement, on sait bien que le placement en procédure accélérée ne se fait pas dès lors que le demandeur peut faire valoir des motifs légitimes. Ainsi, nul ne sera placé en procédure accélérée au motif que le temps d'attente entre son enregistrement par la plate-forme d'accueil pour demandeur d'asile (PADA) et sa convocation à un guichet unique pour demandeurs d'asile (GUDA) a été trop long : le demandeur se voit délivrer un ticket et le guichet unique tient compte de la date de l'enregistrement et de la remise de la convocation.
Notons que ce temps d'attente entre la PADA et le GUDA est voué à se raccourcir, puisque la loi de finances pour 2018 prévoit la création de cent cinquante postes dans les préfectures. À cela s'ajoute la multiplication des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES), qui permettent une inscription au guichet unique en trois jours.
Enfin, je ne peux pas laisser parler de justice expéditive à propos de la procédure accélérée. En vérité, la procédure accélérée est avant tout un coupe-file : une personne orientée vers la procédure accélérée verra son dossier placé sur le dessus de la pile et donc examiné plus rapidement. Si cela laisse moins de temps au demandeur pour préparer son dossier, il a néanmoins la garantie qu'il bénéficiera devant l'OFPRA d'une instruction de même qualité que s'il avait fait l'objet de la procédure normale. Et à tout moment une personne placée en procédure accélérée peut être replacée en procédure normale si des éléments le justifient.
La réduction du délai de dépôt de la demande à quatre-vingt-dix jours me paraît être conforme à l'idée que nous nous faisons de l'humanité et de la dignité. Avis défavorable.
Vous laissez entendre que certaines associations seraient favorables à ce que vous proposez. Il serait intéressant que vous citiez leurs noms et quelle est la nature exacte de ce qu'elles souhaitent. Celles que j'ai entendues pour ma part veulent surtout que soient réduits les délais de réponse. Or ce que réduit cet article 5, ce sont surtout les droits et les garanties des demandeurs d'asile ; soutenir que les associations, y compris à Calais, demandent que l'on réduise les droits et les garanties des demandeurs d'asile, c'est un peu fort de café !
Tout le monde s'accorde pour admettre que les conditions dans lesquelles doivent survivre les migrants avant l'enregistrement de leur dossier sont problématiques ; nous aurons à revenir sur cette question du premier accueil.
Par ailleurs, nous avons également rencontré des associations et, comme Elsa Faucillon, j'aimerais quelques précisions de la part de la rapporteure, car les membres de cette commission qui ont participé à ces auditions peuvent témoigner du jugement très critique des associations sur cet article du projet de loi, jugement dont on retrouve d'ailleurs des échos dans la presse et qui corrobore ce que disent les agents de l'OFPRA et de la CNDA : non seulement la procédure accélérée ne leur facilite pas la tâche, mais elle ne leur permet pas non plus de faire un travail de qualité.
Si ce projet de loi s'appuie sur des demandes précises émanant des associations, si ces dernières l'ont validé, il serait bon, pour la clarté de nos débats, que nous sachions de quelles associations il s'agit, car celles que nous avons entendues nous ont dit exactement le contraire, estimant que les conditions faites par cet article aux migrants comme aux agents qui les prennent en charge étaient inacceptables. J'ai donc le sentiment que nous sommes ici dans un dialogue de sourds.
Non, la réduction de délais ne dégrade pas la qualité de l'examen des demandes d'asile. Le directeur de l'OFPRA nous a confié que la réorganisation de l'Office avait permis de réduire considérablement les délais – c'est d'ailleurs l'objet de la notification par tout moyen, qui semble poser problème à certains. Du reste, le groupe LaREM va proposer un amendement qui visera à garantir le droit à une procédure équitable pour le requérant.
Enfin, les moyens alloués par la loi de finances pour 2018 vont permettre la création d'une centaine d'emplois à temps plein, qui viendront renforcer les effectifs chargés de l'examen des demandes.
Le raccourcissement des procédures se justifie donc pleinement, à deux titres au moins : d'abord pour préserver au mieux la dignité des demandeurs d'asile, ensuite pour assurer l'efficacité qui doit s'attacher à toutes les politiques publiques de la République.
Madame Obono, vous parlez de dialogue de sourds : je me demande en effet si vous m'avez mal entendue ou s'il s'agit de votre part d'une volonté délibérée de déformer mes propos.
Je n'ai jamais dit que des associations auraient défendu ouvertement cet article ; ce que j'ai dit, c'est que les associations font des maraudes dans les campements et auprès des étrangers isolés, précaires et vulnérables pour les informer de la possibilité qu'ils ont de demander l'asile, et qu'en conséquence aucun migrant, après trois mois sur notre territoire, ne peut ignorer qu'il peut déposer une telle demande. J'ajoute que, outre les associations, les préfectures et l'OFII organisent également des maraudes. L'information me paraît donc suffisante pour que le délai de dépôt de cette demande soit abaissé à quatre-vingt-dix jours.
À entendre certains d'entre vous, on pourrait croire que le projet de loi que nous vous proposons est exorbitant du droit commun, notamment européen. Tout au contraire, nous voulons, avec ce texte, nous inscrire dans le droit européen, particulièrement la directive « Procédures » qui dispose que « les États-membres veillent à ce que la procédure d'examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d'un examen approprié et exhaustif ». C'est précisément ce que nous voulons : aller le plus vite que possible de manière à pouvoir informer le demandeur dans un délai moyen de six mois – comme le mentionne explicitement l'exposé des motifs du projet de loi – de l'acceptation ou du rejet de sa demande d'asile.
Il faut savoir en effet que le migrant qui ne procède pas à son dépôt de demande dans les quatre-vingt-dix jours mais attend cent vingt jours n'a aucune envie que celle-ci soit examinée rapidement et qu'il ne cherche qu'à gagner du temps. Nous devons donc faire en sorte que les procédures soient respectées, sans quoi plus aucune règle ne tiendra – ce qui sera contraire à ce que font tous les autres États européens.
J'ai soulevé deux objections à cet article : la première concernait les délais, et nous venons d'en parler ; en revanche, je n'ai pas obtenu de réponse sur la seconde, qui concernait la manière dont l'OFPRA signifiait ses décisions aux requérants.
Monsieur le ministre d'État, je ne comprends pas ce que signifie cette idée qu'un demandeur d'asile voudrait gagner du temps. S'il sait que sa demande est légitime et qu'à l'issue de son examen il bénéficiera de la protection à laquelle il a droit, quel est son intérêt à attendre cent vingt jours ?
Votre raisonnement est valable s'il a la conviction d'obtenir le droit d'asile ; mais s'il ne l'a pas, il va essayer de gagner le plus de temps possible, et c'est bien là notre problème.
Le raccourcissement du délai d'instruction des demandes d'asile était un des objets de la loi de 2015, qui avait fixé ce délai à neuf mois. Si le Défenseur des droits parle aujourd'hui, à propos de ce nouveau projet de loi, d'un objectif de célérité confinant à un traitement expéditif des demandes, c'est peut-être qu'avant de mettre en place ces nouvelles dispositions, nous n'avons pas évalué les effets de la loi de 2015. Sait-on si elle nous a permis d'atteindre l'objectif que nous nous étions assigné, notamment au niveau des préfectures dont en connaît l'engorgement en raison du manque d'effectifs ? Je pense que nous aurions beaucoup plus de légitimité à vouloir fixer de nouveaux objectifs si les précédents avaient été atteints. Pourriez-vous donc, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ?
Il est assez généreux d'affirmer qu'il ne faut pas que les demandeurs d'asile subissent une trop longue attente, mais je pense que la vérité est ailleurs : la vérité, c'est que vous souhaitez plus de procédures accélérées, assumez-le ! Une procédure accélérée, cela signifie un traitement superficiel des dossiers, ce qui permet d'accélérer le rythme. En réduisant les délais, vous allez augmenter mécaniquement le nombre de dossiers hors délai, et donc ces procédures, que je qualifierais d'expéditives.
L'objectif de cet article n'est pas de traiter de la procédure accélérée mais bien de la procédure de droit commun, qui s'appliquera en matière de demande d'asile.
Je rappelle que ce projet de loi doit nous permettre d'abaisser le délai d'instruction des demandes d'asile de quatorze à six mois, ce qui implique de faire preuve de célérité à toutes les étapes du parcours. Pour cela, il faut agir dès l'entrée sur le territoire, en organisant une meilleure orientation des demandeurs d'asile, ce qui se fera notamment grâce aux cent cinquante ETP votés dans le cadre du dernier PLF, mais également grâce au développement des CAES qui doit permettre d'éviter que les demandeurs d'asile soient dispersés dans différents lieux d'hébergement, pas toujours appropriés. Dans cette perspective de contenir l'ensemble de la procédure dans un délai de six mois, le fait d'imposer un délai maximum de quatre-vingt-dix jours à compter de l'entrée sur le territoire pour déposer une demande d'asile ne me paraît pas exorbitant.
En ce qui concerne les notifications, je voudrais faire remarquer à M. Peu que, compte tenu des conditions d'acheminement parfois aléatoires du courrier postal, nous souhaitons mieux sécuriser la transmission de ces notifications. Notre groupe défendra pour cela plusieurs amendements visant à garantir que les notifications seront effectivement transmises à leur destinataire.
Si cette réduction du délai de cent vingt à quatre-vingt-dix jours fait l'objet de débats, c'est parce que le pré-accueil, c'est-à-dire la période qui précède l'enregistrement, est marqué depuis longtemps par des dysfonctionnements majeurs, notamment en Île-de-France.
De ce point de vue, les nouveaux moyens mis en place et les améliorations de procédure ont d'ores et déjà permis une réduction significative de la durée d'attente, qui était en moyenne de vingt-six jours il y a quelques mois mais a pu être diminuée d'un tiers, grâce notamment à la prise de rendez-vous par téléphone. Cela démontre qu'il est possible de réduire le délai de dépôt des demandes à quatre-vingt-dix jours, en assurant un traitement correct en pré-accueil. Je pense également que c'est une manière de protéger les migrants en leur garantissant qu'ils ne resteront pas pendant plusieurs semaines dans la rue.
Quant à la procédure accélérée que notre collègue Hervé Saulignac considère comme une « sous-procédure », rappelons qu'elle a été créée par la précédente majorité, à laquelle j'ai appartenu et dont lui-même se réclame aujourd'hui. Si nous l'avons inscrite dans la loi de 2015, c'est précisément parce que nous considérions qu'elle était protectrice. Ce n'est donc en rien une sous-procédure, et une décision de refus de l'OFPRA peut toujours faire l'objet d'un recours devant la CNDA.
Il est donc indispensable de remettre ce délai de quatre-vingt-dix jours dans la perspective de tout ce que fait l'État par ailleurs pour améliorer la situation des demandeurs d'asile avant leur enregistrement en préfecture.
La Commission rejette les amendements.
Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes, afin de réunir les responsables de chaque groupe et d'organiser la suite de nos débats.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
Mes chers collègues, nous avons convenu de ne plus donner la parole qu'à un seul orateur par groupe sur chaque amendement. Même si chacun s'accorde sur la qualité de nos débats, il nous faut avancer.
La Commission examine l'amendement CL908 de la rapporteure.
Cet amendement a pour objet de compléter la définition des pays d'origine sûrs, prévue par l'article L. 722-1 du CESEDA, afin d'exclure expressément de cette liste les pays où l'homosexualité peut encore faire l'objet de mauvais traitements ou de sanctions pénales.
J'associe à cet amendement des députés du groupe La République en Marche, qui déposent un amendement allant dans le même sens, un peu plus loin dans le texte et qui se sont mobilisés sur une problématique apparue au cours au cours des nombreuses auditions que nous avons menées.
Il est en effet évident qu'un pays ne peut être considéré comme sûr s'il pénalise ou criminalise l'homosexualité. Nous devons combattre sans relâche la défense des droits LGBT, sur notre territoire comme partout dans le monde, Il est donc essentiel que personne ne puisse se voir refuser une protection justifiée par son orientation sexuelle, même si je précise que le placement en procédure accélérée n'amoindrit aucunement la qualité du traitement de la demande. C'est vraiment ici une question de principe.
Je vous remercie, madame la rapporteure, d'avoir repris cet amendement très important, que nous avions présenté, dans une rédaction similaire, avec une cinquantaine de députés de la majorité.
Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
La Commission adopte l'amendement CL908.
Elle examine ensuite l'amendement CL720 de M. Christophe Blanchet.
Monsieur le ministre d'État, vous vous êtes engagé à mettre les moyens nécessaires pour moderniser et le rénover le fichier national des étrangers en France, l'AGDREF (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France).
Nous proposons de le compléter en instaurant l'obligation, pour les étrangers sans papiers, d'une prise d'empreintes avec photo pour, au minimum, disposer d'une identité et d'un moyen de reconnaissance. Ce ne sera peut-être pas son identité réelle, que l'enquête et l'instruction permettront d'établir. Mais aux yeux de la France, ce sera une identité opposable et contrôlable.
Dans le même temps, cet amendement vise à utiliser les nouvelles technologies, notamment au niveau des cartes biométriques. Chaque étranger pourra repartir avec son titre d'identification biométrique, utilisable lors de chaque contrôle.
L'objectif est de donner une identité à des migrants qui peuvent ne plus savoir qui ils sont, après tout ce qu'ils ont vécu, mais aussi d'éviter les procédures des migrants multi-identitaires qui bloquent notre système d'instruction de dossiers au détriment de migrants pour lesquels il y a urgence d'agir. Cela permettra également de diminuer les coûts de procédures qui n'aboutissent jamais, pour consacrer du temps aux migrants qui attendent qu'on étudie réellement leur dossier.
La philosophie de cet amendement est de rétablir un pacte de confiance avec les migrants et avec les associations : on peut imaginer que passé un délai de six mois, la non-réponse vaudrait acceptation.
Concrètement, sur la commune d'Ouistreham dont je suis l'élu, cela permettrait de débloquer certaines situations : je pense notamment à ces multi-identitaires, souvent « mijeurs » qui, avec une barbe et manifestement quarante ans, persistent à déclarer qu'ils ont seize ans et demi… et qui paralysent le système, sans que l'on puisse vérifier ce qu'il en est.
Monsieur le ministre d'État, madame la présidente, depuis deux mois, j'ai déjà évoqué devant vous tous ces points ; je vous ai même donné quelques dossiers. J'aimerais savoir si les adages « qui ne dit mot consent » et « pas de nouvelle, bonne nouvelle » vont se vérifier, et si mon amendement va être accepté.
Monsieur le député, je comprends que vous soyez inquiet et que vous souhaitiez pouvoir procéder plus systématiquement à des identifications. Néanmoins, dans la mesure où votre autre amendement, qui visait à créer les titres biométriques que vous évoquez, a été déclaré irrecevable, je crains que celui-ci soit totalement vidé de sa portée. Je vous demande donc de le retirer. À défaut, je donnerai un avis défavorable.
Je souhaiterais intervenir, non pas à propos de l'article 40, mais sur le fond de l'amendement. Madame la rapporteure, mon collègue député d'Ouistreham fait face au même problème que moi, à Calais, où vous êtes venue il y a quelques jours : on ne réussit pas à identifier les migrants qui s'y trouvent. Or certains de ces migrants peuvent commettre des délits, déchirer des bâches de camion, s'introduire dans les véhicules, dans l'enceinte du port de Calais ou du tunnel sous la Manche... À défaut d'identification – c'est le motif principal utilisé par le juge –, ils sont remis en circulation, dans les mains des passeurs.
Monsieur le ministre d'État, madame la présidente, madame la rapporteure, nous avons absolument besoin d'identifier clairement ces migrants qui, je le rappelle, ne demandent pas l'asile : même s'ils peuvent entrer dans les critères d'asile en France, ils ne veulent pas le demander.
Il faut identifier les migrants, si l'on veut pouvoir assurer la sécurité de tous – et d'abord la leur – et avoir un suivi. Or la seule identification possible est celle par empreintes digitales. Les acteurs de terrain et les forces de police le réclament depuis de très nombreuses années. Il en est de même, j'en suis sûr, dans l'ensemble des postes frontaliers des ports. Voilà pourquoi, même s'il n'est pas recevable, cet amendement soulève une question majeure, à laquelle le Gouvernement devra apporter une réponse, ne serait-ce que pour donner satisfaction aux forces de police des zones portuaires du Nord de la France.
Monsieur le député d'Ouistreham, je connais assez bien cette problématique, qui est réelle. La difficulté est de nature non pas législative, mais opérationnelle. Nous travaillons à la mise au point d'un système qui nous permettra de prendre les empreintes, et de détecter si la personne a déjà effectivement été contrôlée. Cela résoudrait votre problème. Je vous demande donc de retirer votre amendement, mais je m'engage à faire en sorte qu'il soit résolu.
J'en prends acte, monsieur le ministre d'État. Il ne faudra surtout pas écarter les mineurs de cette prise d'empreintes. Si un mineur n'aboutit pas dans un département, il file dans un autre, ce qui finit par coûter cher. Mais il faudra que le fichier soit national.
Je retire mon amendement.
L'amendement CL720 est retiré.
La Commission examine deux amendements identiques, CL76 de Mme Marietta Karamanli, et CL710 de Mme Delphine Bagarry.
La réduction des délais prévue par l'article 5 pose problème. Nous sommes des députés réalistes et nous ne voulons pas agiter le chiffon rouge, mais il faut savoir que 40 % des procédures sont en accéléré, et qu'un rapporteur a besoin de quarante-huit heures pour rédiger treize dossiers. Lors des auditions, on nous a dit qu'il fallait une semaine pour qu'un dossier arrive en chambre, et deux semaines pour instruire les treize dossiers. En procédure accélérée, on arrive effectivement à donner une réponse entre trois et quatre jours, alors qu'il faut entre trois et quatre mois en procédure normale.
Pour une personne qui entre en France et qui doit faire une demande d'asile, les délais sont délibérément trop courts : il lui faut apprendre en quoi consiste le droit d'asile, les critères pris en compte, les démarches à entreprendre, les guichets auxquels s'adresser, tout en se préoccupant de trouver un abri, de quoi se nourrir, éventuellement de nourrir et soigner les jeunes enfants, et tout cela dans un pays inconnu et sans forcément connaître la langue. Il faut surtout trouver la plateforme PADA ou un CAES accessible rapidement, ce qui est loin d'être le cas. Tout cela demande du temps.
Comme l'a rappelé très justement le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, les obstacles linguistiques et matériels auxquels se heurtent les demandeurs d'asile à leur arrivée sur le territoire, la nécessité de bénéficier d'un accompagnement juridique et social pour constituer les différents dossiers, rédiger la demande, sans oublier les difficultés que rencontrent certains d'entre eux pour accéder aux plateformes d'accueil, tout cela fait que les délais sont difficilement tenables. Voilà pourquoi nous insistons pour que l'on revienne aux 120 jours. Tel est le but de l'amendement CL76.
Un primo-arrivant en France n'est pas toujours informé des démarches qu'il doit entamer afin de déposer une demande d'asile. L'obtention de ces informations peut lui prendre du temps, notamment lorsqu'on ne parle pas français et qu'on ne connaît pas le pays. Il est déjà difficile pour les Français eux-mêmes de comprendre les procédures de notre système administratif. On peut imaginer ce qu'il en est pour un demandeur d'asile.
Les retardataires éventuels au dépôt de la demande d'asile se retrouveront parmi les plus vulnérables, les plus démunis, les moins aidés, les moins informés. Et ce sont ceux-là qui verraient leur demande étudiée en procédure accélérée, considérée comme expéditive par la plupart des avocats ? En réalité, ce sont eux qui ont le plus besoin de protection.
La réduction des délais d'instruction de demande d'asile, qui est l'objectif de la loi, ne doit pas se faire au détriment des droits des plus fragiles, ni en réduisant les droits des femmes et des hommes qui demandent la protection de notre pays.
Mon amendement CL710 propose donc de maintenir le droit en vigueur.
Je le répète : réduire les délais, c'est permettre aux étrangers qui souhaitent demander l'asile de rentrer dans le dispositif national d'accueil, donc de se voir proposer un hébergement et une allocation pour demandeur d'asile. Réduire ce délai, c'est plus d'humanité.
La procédure accélérée n'est pas une sous-justice, mais un coupe-file : la demande est étudiée plus rapidement par l'OFPRA, mais dans les mêmes conditions de qualité et avec la même attention – entretien individuel, etc.
Stéphane Peu a pris tout à l'heure l'Allemagne en exemple. Dans ce pays, la demande est introduite entre trois et dix jours et tout le monde est pris en charge dans ce délai. De ce point de vue, je pense que nous respectons totalement les délais d'humanité et de dignité des étrangers venus sur le territoire français pour demander asile. Mon avis sera encore défavorable.
L'exemple de l'Allemagne est intéressant : il arrive dans certains cas de figure que l'on ait recours à une procédure accélérée, à ceci près qu'elle n'est pas liée à un délai de dépôt de 90 ou 120 jours…
Le débat glisse sur le principe même de la procédure accélérée. Mais il faut se rappeler les cas qui peuvent donner lieu à une procédure accélérée : demandes de réexamen et demandeurs issus de pays sûrs, pour ceux qui respectent les délais. Mais au-delà de cela, il faut avoir conscience que la procédure accélérée protège le droit des ressortissants.
Si un ressortissant veut contester le classement par la préfecture en procédure accélérée, il doit en faire la demande à l'OFPRA et lui apporter tous les éléments qui lui permettront, comme c'est prévu dans le CESEDA, d'obtenir le reclassement de la procédure accélérée en procédure normale. Et dans l'hypothèse où l'OFPRA n'aurait pas tenu compte de ces éléments, il peut, lors du recours devant la CNDA, contester à nouveau le passage en procédure accélérée.
Cela montre que, tout au long de la procédure, le requérant peut arguer d'un certain nombre d'éléments, de faits qui n'auraient pas été pris en compte par la préfecture, et qui permettront, le cas échéant, de traiter sa demande en procédure normale.
Il ne faut donc pas caricaturer la procédure accélérée, d'autant plus qu'elle avait été consolidée, par le passé, dans des conditions qui n'avaient pas été contestées par l'ancien gouvernement.
La question n'est pas là. La loi de 2015 a rénové une procédure qui existait précédemment, et qui était la procédure prioritaire : elle n'a donc pas créé la procédure accélérée.
Mais une question se pose : si finalement tout passe par ce coupe-file, on va se retrouver devant le même problème. Combien y aura-t-il de dossiers en procédure accélérée ? Comment seront-ils traités ? Honnêtement, cette méthode n'est pas efficace. C'est également l'avis du Défenseur des droits. Plutôt que de vouloir à tout prix réduire ces délais, on devrait donc faire preuve de davantage de prudence.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre d'État : je crois même que nous sommes tous d'accord pour que la procédure soit la plus rapide et la plus précise possible. Mais je suis convaincu qu'en multipliant les procédures différenciées, on risque de multiplier les contentieux. Comme M. Boudié vient de le dire, il est possible de revenir plusieurs fois sur la procédure ; mais c'est précisément tout cela qui empêche notre administration de traiter rapidement les dossiers. Je repose donc la question : quel est l'intérêt, pour un demandeur d'asile qui veut obtenir l'asile en France, d'attendre 120 jours ? Aucun. Pourquoi dès lors le faire passer à 90 jours ?
En effet, en Allemagne, le délai n'a rien à voir avec le classement en procédure normale ou en procédure accélérée. Si les étrangers sont très vite pris en charge pour être très vite inscrits en tant que demandeurs d'asile, c'est pour des raisons d'humanité. Et c'est pour pouvoir identifier le plus rapidement possible qui veut être demandeur d'asile que cette procédure a été mise en place.
Enfin, madame Karamanli, tout le monde ne va pas passer par un coupe-file : en 90 jours, on a le temps de pouvoir déposer une demande d'asile.
La Commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL78 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement est dans le même esprit que les précédents : l'application des procédures accélérées apparaît manifestement incompatible avec la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de préparer correctement leur demande.
Les procédures accélérées conduisent à un traitement superficiel par l'OFPRA, et en cas de recours par la CNDA, l'audience devra se tenir dans les cinq semaines contre cinq mois dans le cadre d'une procédure normale. Ajoutons qu'en amont, bon nombre de préfectures ne disposent pas de moyens humains suffisants pour traiter les dossiers.
L'article L. 723-2 du CESEDA ne permet pas de garantir un traitement normal des dossiers, ni une procédure équitable. C'est la raison pour laquelle nous proposons de l'abroger.
Une procédure accélérée est indispensable, notamment pour les ressortissants de pays comme l'Albanie, qui constituent la deuxième population la plus importante de demandeurs d'asile et sont très peu protégés au terme de l'étude de leur demande. Et, je le répète, quelle que soit la procédure, tous les dossiers sont attentivement étudiés par les officiers de protection de l'OFPRA. La procédure accélérée est parfaitement justifiée. Pour le reste, nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.
Madame Karamanli, je voudrais relever une contradiction.
C'est la loi du 29 juillet 2015 qui a créé la procédure accélérée. Il existait déjà une procédure prioritaire, mais la procédure accélérée a été créée par votre majorité de l'époque – que nous partagions. Il me semble tout à fait contradictoire, au bout de trois ans, de considérer qu'il faut la supprimer. Et je suis partisan que l'on tienne, que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition, exactement le même discours.
Je vois que l'on progresse dans le débat. La rapporteure a convenu qu'en Allemagne, il n'y avait pas de délai qui enclenche une procédure accélérée mais que pourtant, les dépôts étaient assez rapides. Cela veut dire qu'il n'y a absolument aucun lien entre les deux.
Pourquoi, en Allemagne, les gens déposent-ils plus rapidement leur demande qu'en France ? Je pense que cela tient en partie à la confiance que ces personnes, qui sont venues de très loin et ont suivi des parcours atypiques, accordent aux autorités pour qu'elles traitent correctement leur demande et prennent en compte leur récit de vie. C'est en cela que l'amendement CL78 est intéressant : la procédure accélérée ne permet pas de garantir cette confiance. Et n'oubliez pas que si vous faites appel et que vous allez devant la CNDA, il n'y aura qu'un juge unique pour trancher.
Il serait raisonnable et plus humain de supprimer cette procédure accélérée, et de mettre des moyens en face. Vous avez dit tout à l'heure que des moyens supplémentaires avaient été prévus par la loi de finances pour 2018. Alors, pourquoi tenez-vous tant à cette procédure accélérée ? J'ai bien une hypothèse : c'est parce qu'ils sont insuffisants que vous cherchez à augmenter à tout prix le nombre des procédures accélérées alors qu'elles représentent déjà 40 % des procédures.
J'ajoute que les personnes qui sont obligées de traiter ces procédures accélérées sont en grande souffrance. On peut vouloir le nier, mais c'est une réalité. Si ce n'était pas le cas je m'en réjouirais, et je conseillerais aux demandeurs d'asile d'attendre 91 jours pour pouvoir bénéficier de la procédure accélérée…
Dans notre amendement CL76, nous avons demandé la suppression de l'alinéa 2 qui réduit les délais de 120 à 90 jours. C'est cela, notre priorité. Même si nous avons émis un vote favorable en 2015, nous n'oublions pas que la procédure accélérée est une procédure exceptionnelle qui se fait à juge unique. Or, avec 40 % de procédures accélérées, l'exception devient la norme. Et le maintien de cet alinéa risque d'accroître davantage encore le nombre de dossiers qui seront traités selon une procédure qui aurait dû rester exceptionnelle.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL77 de Mme Mariettta Karamanli.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est alors saisie de l'amendement CL75 de Mme Marietta Karamanli.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL570 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à supprimer la procédure dite accélérée, qui permet de traiter les demandes d'asile selon une procédure simplifiée lorsque le pays tiers vers lequel l'étranger doit être renvoyé est considéré comme un « pays d'origine sûrs ». Outre les insuffisances de la procédure prioritaire régulièrement dénoncées et la violation constatée du droit à un recours effectif qu'elle constitue, cet amendement conduit à rendre caduque la notion de « pays d'origine sûrs », qui introduit à nos yeux une discrimination entre les réfugiés.
Pour commencer, cette liste pose problème sur le plan politique et diplomatique. J'en veux pour preuve les débats houleux qu'elle a toujours entraînés au sein du Conseil de l'Europe depuis le Conseil européen de Tampere de 1999, où cette notion est apparue pour la première fois dans la politique d'asile et d'immigration.
Comme on l'a vu précédemment, certains pays qui peuvent être considérés comme sûrs, au motif, par exemple, de la stabilité du régime et de l'exercice du droit démocratique, ne le sont pas pour un certain nombre de publics, comme les publics LGBT, en raison de dispositions législatives qui peuvent les rendre vulnérables. Aucun pays, fût-il le plus démocratique, ne peut assurer la sûreté de la totalité de ses citoyens, surtout ceux qui risquent d'être ciblés par des discriminations.
Mais surtout, cette procédure repose sur un objectif de gestion des flux humains pleinement assumé : gagner du temps. C'est d'ailleurs en ce sens que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a exprimé à plusieurs reprises la crainte de voir des demandeurs d'asile de pays jugés d'origine sûrs automatiquement rejetés sans avoir la possibilité de se défendre.
On parle des pays sûrs. Mais ce n'est pas parce que le pays est sûr que la personne, en tant que telle, ne doit pas voir son cas analysé comme les autres.
Non, ce n'est pas le cas, parce que cela passe en procédure accélérée, qui est une procédure dégradée (Exclamations.) Mais si ! Alors, pourquoi y a-t-il deux procédures, une normale et une accélérée ?
Si c'était la même chose, et si le traitement du dossier était de même qualité, pourquoi y aurait-il deux procédures ? Soyez sérieux ! J'ai l'impression que certains d'entre vous ont zappé l'audition de l'Intersyndicale de la CNDA, et de tous les agents de l'OFPRA eux aussi réunis en intersyndicale. Ou alors, il y a eu des malentendus…
Pour ma part, je suis partisan d'une procédure normale, dans tous les cas de figure. J'ai l'impression que le ministre d'État n'a pas d'avis sur la question. J'aimerais bien l'entendre. Et si, d'aventure, il voulait s'excuser (Exclamations), ce serait une magnifique journée. Il est vrai que la précédente s'est mal terminée, mais je fonde encore des espoirs sur celle-ci.
Il n'est pas anormal de considérer qu'une demande de réexamen qui a déjà fait l'objet d'une décision de l'OFPRA, ou qui a déjà fait l'objet d'un recours devant la CNDA, puisse être étudiée plus rapidement.
La situation des ressortissants qui sont issus de la fameuse liste des pays d'origine sûrs est analysée de façon individuelle. Et s'il apparaît, par exemple, qu'un ressortissant sénégalais a fait l'objet de persécutions au titre de l'orientation sexuelle – surtout après les dispositions que nous avons prises il y a quelques instantes – l'OFPRA pourra lui reconnaître, le cas échéant, une protection.
Cela vaut pour les Albanais si chers au ministre de l'Intérieur : chaque année, quelques-uns se voient reconnaître une protection par l'OFPRA parce que leur situation individuelle, leur récit, la localité dont ils sont originaires le justifient.
Par conséquent, la procédure accélérée se justifie dans bien des cas. Et encore une fois, ce n'est pas une sous-procédure. Et si l'OFPRA juge mal, un recours pourra être formé devant la CNDA, qui étudiera à nouveau la situation.
Madame la présidente, je voudrais m'excuser de n'avoir pas pris assez tôt la parole pour éclairer le débat sur cette question. Évidemment, j'aurais pu vous renvoyer assez vite à la directive « Procédures » du Parlement européen qui, vous le savez, veille sur les libertés avec une extrême précaution, et qui, dans son article 8, mentionne les cas qui doivent permettre une procédure accélérée. Parmi ces cas, sont citées en h) les personnes qui, effectivement, n'ont pas présenté de demande de protection internationale dans les délais les plus brefs, compte tenu des circonstances de l'entrée.
En effet, le Parlement européen a bien compris que si la personne est de bonne foi, elle va présenter sa demande le plus tôt possible, mais que si elle est de mauvaise foi, elle va essayer de faire durer les choses le plus tard possible. Et dans ce cas-là, c'est pour riposter à sa mauvaise foi qu'on applique une procédure accélérée.
Vous dites, par exemple, qu'il y a 45 % de procédures accélérées. Je ne veux pas revenir à des problématiques que nous connaissons et que nous sommes en train de résoudre. Mais sachez que parmi ces 45 %, on trouve de nombreux ressortissants albanais entrés sans visa et qui ont fait une demande d'asile, et que nous avons voulu placer en procédure accélérée dans la mesure où, effectivement, leur demande d'asile ne se justifiait pas. Encore une fois, monsieur Bernalicis, toutes mes excuses de n'être pas intervenu plus tôt…
La Commission rejette l'amendement CL570.
Elle examine ensuite l'amendement CL598 de Mme Elsa Faucillon.
Le débat avance, je vais résumer ce qui vient d'être dit : premièrement, la procédure accélérée concerne les personnes que l'on juge a priori de mauvaise foi, autant leur donner une réponse rapide de refus ; deuxièmement, ce n'est pas une procédure dégradée. Autrement dit, on donne des réponses plus rapides, pas dégradées, à des gens qu'on juge de mauvaise foi et auxquels on va opposer un refus. C'est la logique de l'absurde. Et que l'on propose aux autres une procédure longue, mais de qualité. On marche un peu sur la tête ! Soyons sérieux ! Ne sommes-nous pas capables de mettre en place une procédure de qualité, plus courte…
… et d'y mettre les moyens, pour ceux que l'on jugera de bonne foi, avec les garanties et les droits qui leur sont dus. Excusez-moi, mais il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Il faudra en tout cas m'expliquer, lorsqu'on abordera mon amendement suivant, pourquoi on propose aux mineurs une procédure accélérée, ou du moins pourquoi on ne la prohibe pas.
Mon amendement CL598 vise à limiter les cas de recours à la procédure accélérée aux seuls cas de fraude sur l'identité, demandes manifestement infondées telles que définies par le comité exécutif du Haut-Commissariat aux réfugiés, et demandes d'asile en rétention. Voilà comment nous proposons d'encadrer le recours à la procédure accélérée. Arrêtons de marcher sur la tête !
Au moins, vous ne proposez plus de supprimer la procédure accélérée, mais seulement de l'aménager.
C'est déjà un pas vers la reconnaissance de l'utilité de cette procédure. Mais je ne veux pas relancer le débat. Avis défavorable.
Il s'agit d'un amendement de repli, madame la rapporteure : ne faites pas mine de ne pas l'avoir compris.
Monsieur le ministre d'État, contrairement à ce que vous avez indiqué, la directive dispose, non pas qu'on doit, mais qu'on peut mettre en oeuvre une procédure accélérée.
Je n'ai pas dit qu'on devait, j'ai dit qu'on pouvait !
Non, ce n'est pas ce que vous avez dit : nous pourrons le vérifier.
En définitive, tout a été dit par Mme Faucillon. Je m'excuse d'en remettre une couche, monsieur le ministre d'État, mais je continuerai jusqu'à ce que nous nous soyons fait entendre.
Vous êtes trop bon, monseigneur !
La procédure accélérée n'est pas acceptable en l'état ; la procédure normale doit être la règle, pour tout le monde. On ne cesse d'invoquer l'humanité du dispositif : voilà qui ce qui ferait honneur à notre humanité ! De toute façon, nous voyons bien que depuis l'article 4, nous sommes partis dans un tunnel de mesures qui, sous couvert de ce que vous appelez l'efficacité, la responsabilité, la fermeté ou que sais-je encore, constituent, en fait, un dispositif visant à chasser le plus grand nombre de personnes possible du territoire national. Vous vous en êtes du reste enorgueilli lorsque nous nous sommes rencontrés à Lille. « On a expulsé plein de monde, m'avez-vous dit fièrement. Et on en expulsera encore plus grâce à ce texte : vous allez voir ce que vous allez voir ! » Moi, ce que je veux, ce n'est pas expulser le plus de monde possible, c'est traiter les personnes dignement, les accueillir dans de bonnes conditions, écouter leur récit et leur octroyer l'asile si elles y ont droit.
Moi, je veux simplement que tout le monde respecte la loi.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL447 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Nous partageons la volonté de raccourcir les délais, tout en souhaitant que soit maintenue une procédure qui garantisse les droits des demandeurs. Le présent amendement a ainsi pour objet de supprimer du II de l'article L. 723-2 du CESEDA, qui énumère les cas dans lesquels une demande peut être examinée selon la procédure accélérée, les éléments qui peuvent être considérés comme subjectifs afin que la méthode d'évaluation de la demande d'asile repose sur des critères objectifs.
Tout d'abord, les demandeurs ayant rarement pu voyager dans des conditions légales, beaucoup sont contraints d'arriver sur le territoire français en usant de faux documents de voyage. Il paraît donc délicat de placer ces personnes en procédure accélérée uniquement pour ce motif. Ensuite, le fait de soulever « des questions sans pertinence au regard de la demande d'asile » peut s'expliquer notamment par un parcours d'exil difficile à formuler dès le début de la procédure : la parole peut mettre du temps à se libérer. Au demeurant, l'appréciation de la pertinence de ces questions nous paraît fortement subjective. Enfin, les critères de l'incohérence et du caractère peu plausible des déclarations sont, eux aussi, purement subjectifs. Or les derniers développements de la jurisprudence européenne contredisent l'utilisation de ces seuls critères pour apprécier la recevabilité d'une demande d'asile. Ainsi le Bureau européen d'appui en matière d'asile a fait paraître un guide, intitulé Evidence Assessment, qui présente une méthodologie raisonnée de l'évaluation de la crédibilité privilégiant, plutôt qu'une analyse fondée sur l'intime conviction, une démarche objectivable dont il est possible de rendre compte.
Mon amendement CL447 tend donc à élaborer une méthode objective pour déterminer la procédure à laquelle est soumise la demande d'asile, se conformant ainsi à une jurisprudence abondante de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi qu'aux réalités pratiques auxquelles sont confrontés les demandeurs d'asile durant leur parcours.
Les demandes examinées selon la procédure accélérée à l'initiative de l'OFPRA sont peu nombreuses – quelques centaines au cours des deux dernières années – et je ne suis pas certaine que les modifications que vous proposez soient de nature à en réduire le nombre. Pour le reste, je crois qu'il faut nous en tenir, pour le placement en procédure accélérée, aux critères que nous avons longuement définis. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL801 de Mme Stella Dupont.
Cet amendement a pour objet d'éviter que les demandeurs d'asile ne soient pénalisés par la longueur de certains délais liée aux difficultés d'organisation de l'administration. En effet, nous avons tous pu constater sur le terrain qu'il existait, en la matière, d'importantes disparités entre les départements. Dans certaines préfectures, plateformes d'accueil ou guichets uniques, les délais d'attente sont extrêmement longs. Dans la perspective d'une réduction du délai dont dispose le demandeur d'asile pour déposer sa demande, nous proposons que la procédure accélérée ne puisse être enclenchée si le demandeur s'est présenté dans le délai imparti dans une Plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (PADA), même si sa demande n'a pas été enregistrée. Les difficultés rencontrées en préfecture ou dans les PADA ne doivent pas pénaliser les demandeurs.
Pour avoir constaté à plusieurs reprises ces dysfonctionnements au moment du pré-accueil, c'est-à-dire avant l'enregistrement en tant que demandeur d'asile, je comprends votre préoccupation. Toutefois, l'article L. 723-2 du CESEDA, qui dispose que la demande d'asile doit être déposée dans un délai de 120 jours – délai que nous souhaitons ramener à 90 jours –, précise bien que la procédure accélérée ne s'applique que si la demande n'a pas été déposée dans ce délai sans motif légitime. Autrement dit, on n'est pas placé en procédure accélérée si l'on a présenté tardivement sa demande d'asile pour un motif légitime. De fait, les retards imputables à l'administration en sont un. Ainsi, lorsqu'on vient s'enregistrer auprès d'un guichet unique avec la convocation de la PADA, il est évidemment tenu compte de la date à laquelle on s'est présenté à la PADA.
Nous sommes d'accord – et je présenterai un amendement en ce sens – pour réduire le délai précédant l'enregistrement, que ce soit en augmentant les effectifs en préfecture ou en organisant le pré-accueil dans les Centres d'accueil et d'examen des situations (CAES). Mais, quoi qu'il arrive, les retards imputables à l'administration ne peuvent entraîner un placement en procédure accélérée. À cet égard, l'enregistrement auprès de la PADA peut être opposable aux préfectures. Votre amendement n'a donc pas lieu d'être. C'est pourquoi j'y suis défavorable.
Cet amendement a le mérite de soulever la question essentielle du point de départ du délai. Par ailleurs, les critères utilisés pour un placement en procédure accélérée doivent être formalisés de façon plus précise, car les associations, notamment ELENA, nous ont indiqué que les préfectures ne motivaient pas leurs décisions de placement en procédure accélérée.
Compte tenu des éléments présentés par la rapporteure, je vais retirer mon amendement. Cependant, j'ai été, moi aussi, interpellée par des acteurs qui ont constaté que certains placements en procédure accélérée étaient dus aux retards imputables à l'administration. Je suis donc d'accord avec Mme Jacquier-Laforge sur la nécessité de préciser ce point. Peut-être pouvons-nous y retravailler d'ici à l'examen du texte en séance publique…
L'amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CL158 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement tend à lutter contre le dévoiement de la procédure d'asile. Il me semble en effet que, pour la personne qui a l'intention réelle d'obtenir le statut noble de réfugié, un délai de trente jours à compter de son arrivée sur le territoire national est largement suffisant pour déposer sa demande. Tout délai supplémentaire est utilisé pour dévoyer la procédure d'asile par des personnes qui sont venues en France pour d'autres motifs, comme l'indiquent, du reste, l'OFPRA et la CNDA, puisque les deux tiers des demandes sont rejetées.
Puisque je n'ai pas utilisé ce mot depuis un moment, je me permets de vous dire qu'il est important de tenir une position d'équilibre. Dans les conditions actuelles de pré-accueil, un délai d'un mois me paraît totalement déraisonnable pour qu'un étranger qui souhaite demander l'asile puisse le faire de manière convenable. Restons-en donc au délai de 90 jours, tout à la fois humain et efficace. Avis défavorable.
Nous venons d'évoquer en long, en large et en travers les modalités de recours à la procédure accélérée. L'intérêt de cette procédure, qui constitue un coupe-file, réside dans le fait que tout le monde n'y est pas soumis. Or, si l'on réduit à trente jours le délai au-delà duquel la demande est examinée selon cette procédure, ce ne sont pas quelques demandeurs, mais l'ensemble d'entre eux, qui y seront soumis ; la procédure accélérée deviendra le droit commun. La procédure serait alors enrayée, anéantie, et les objectifs poursuivis par le texte ne seraient pas atteints. Il est donc préférable, comme l'a dit la rapporteure, de maintenir à 90 jours le délai au-delà duquel la demande est examinée selon la procédure accélérée.
M. Ciotti veut faire de l'obstruction !
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL385 de M. Jean-Louis Masson.
Actuellement, la valeur du silence de l'administration relève du règlement. Par cet amendement, nous proposons de fixer dans la loi le principe selon lequel, en l'espèce, le silence de l'administration vaut rejet.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL848 de Mme Stella Dupont.
Cet amendement tend à exclure de l'examen en procédure accélérée les demandes d'asile émanant des ressortissants de pays en proie à une violence aveugle dans le cadre d'un conflit armé. Il convient en effet de tenir compte de la particulière vulnérabilité de ces personnes et du temps qui leur est nécessaire pour faire le récit des violences extrêmes qu'elles ont subies.
Je comprends votre préoccupation, mais il me paraît difficile d'inscrire dans la loi une exception générale qui peut prêter à de nombreuses interprétations. Mieux vaut faire confiance au discernement des agents de l'OFPRA, qui, lorsque cela est justifié, orientent vers la procédure normale des personnes préalablement placées en procédure accélérée. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends, madame Dupont, votre souci de faire preuve d'humanité envers des personnes victimes de conflits d'une grande violence, mais l'amendement est beaucoup trop flou : il serait en effet délicat de déterminer quels sont les conflits dont le degré de violence justifie une telle exception. Il conviendrait donc, comme l'a suggéré la rapporteure, que vous le retiriez et le retravailliez en vue de la séance publique.
Je vais suivre l'avis de mon collègue et retirer mon amendement, mais je compte profiter de ses conseils pour en améliorer la rédaction ! (Sourires.)
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL669 de M. Loïc Prud'homme et CL448 de M. Brahim Hammouche.
Par l'amendement CL669, nous proposons d'interdire que les mineurs non accompagnés puissent être placés en procédure accélérée dans le cadre de l'examen de leur demande d'asile. Ce faisant, nous reprenons une proposition de ELENA-France, association d'avocats du droit d'asile membre du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés, qui la justifie de la manière suivante.
« Le bénéfice d'une procédure normale, à défaut d'une procédure encore plus protectrice de leurs droits, est pourtant le minimum qui doit leur être garanti au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, rappelé à l'article L. 741-4. Il ne suffit pas de mentionner le terme de vulnérabilité dans la loi pour garantir effectivement la prise en compte de la vulnérabilité. En l'état actuel de la loi, la référence à la notion de vulnérabilité reste purement incantatoire. Les mineurs isolés doivent pourtant bénéficier de temps pour préparer leur dossier et doivent être entendus par une juridiction collégiale. Ces impératifs sont donc incompatibles avec leur placement en procédure accélérée. »
En effet, contrairement à ce qui a pu être dit tout à l'heure, la procédure accélérée n'est pas une procédure normale un peu plus rapide : le demandeur a moins de temps pour préparer son dossier, rassembler les pièces et bénéficier d'une aide juridique. De fait, il s'agit d'une procédure dégradée, et particulièrement inappropriée dans le cas des mineurs isolés.
L'amendement CL448 pourrait se résumer de la façon suivante : tout mineur doit être considéré comme tel et ne peut donc se voir appliquer une procédure accélérée. Il s'agit de prendre en compte la vulnérabilité des mineurs isolés, reconnue dans la loi du 29 juillet 2015, qui transpose dans notre droit les directives européennes relatives à l'asile. Ces mineurs doivent bénéficier de temps pour préparer leur dossier et ils doivent être entendus par une juridiction collégiale. Or ces impératifs sont incompatibles avec un placement en procédure accélérée.
Avis défavorable sur ces deux amendements, pour les mêmes raisons. Je ne relancerai pas le débat que nous venons d'avoir longuement.
Quelles raisons, madame la rapporteure ? Il s'agit, en l'espèce, de mineurs. Doivent-ils être traités exactement comme des majeurs ? Je ne comprends pas très bien. Mais M. le ministre a peut-être un avis sur la question. Peut-être souhaite-t-il s'excuser de ne pas être intervenu plus tôt dans le débat sur la minorité, qui est un sujet majeur, même s'il y voit avant tout un problème ? J'attends, en tout cas, qu'il nous éclaire.
Par ailleurs, s'il souhaite s'excuser pour les propos qu'il a tenus hier soir, je suis prêt à en discuter. Plusieurs membres de la majorité sont venus nous présenter les leurs, en off, à sa place. C'est fort sympathique, mais je préférerais qu'elles nous soient présentées par l'intéressé lui-même.
Je vous en prie, monsieur Bernalicis. Il serait vraiment très appréciable que nous puissions nous en tenir à la question des mineurs, qui est très importante. Je tiens, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, à appeler votre attention sur l'amendement CL448, qui va dans le bon sens puisqu'il garantirait une protection à ces mineurs.
La Commission rejette successivement ces deux amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL762 de Mme Sandrine Mörch.
Afin de réduire les délais d'examen des dossiers de demande, il convient de faciliter le travail de l'OFPRA en lui permettant de convoquer et de notifier une décision plus facilement. Nous proposons donc, par cet amendement, de conserver le principe de la notification par tout moyen écrit, pourvu qu'il soit traçable et garantisse la confidentialité, et, surtout, de permettre au demandeur de choisir, lors du dépôt de sa demande, le moyen par lequel il souhaite être informé d'une convocation ou d'une notification : courrier simple, mèl ou SMS. À défaut d'un choix émis par le demandeur, la convocation ou la notification pourrait avoir lieu par tout moyen.
Nous savons en effet que tous n'ont pas accès à internet, donc aux courriers électroniques, et que tous n'ont pas une adresse postale ; certains se partagent un téléphone portable. Il ne faut pas occulter les difficultés matérielles auxquelles ils sont confrontés. Ils doivent pouvoir exprimer une préférence quant au moyen qui sera utilisé pour leur adresser une convocation ou une notification.
La question de la notification fait l'objet de nombreux amendements ; l'un d'entre eux a même été déposé par le groupe La République en marche. Je comprends donc votre inquiétude et je vais tenter de vous rassurer.
Actuellement, l'OFPRA est fréquemment confronté à des difficultés de notification postale par lettre recommandée avec accusé de réception, en raison de changements d'adresse. Cela entraîne des charges de gestion et de secrétariat extrêmement lourdes. Si nous partageons l'objectif d'une réduction du délai de traitement de la demande d'asile, nous pouvons également nous accorder sur le fait qu'il s'agit de réduire les délais logistiques sans affecter la qualité du traitement.
Lors de son audition, M. Pascal Brice nous a indiqué qu'il travaillait actuellement à la création d'une plateforme électronique, à laquelle les demandeurs d'asile pourraient accéder à l'aide d'un numéro confidentiel, pour vérifier la traçabilité des notifications de l'Office et s'assurer que le demandeur d'asile peut en prendre connaissance. Par ailleurs, les PADA peuvent, dans le cadre de leur mission d'accompagnement, proposer une domiciliation aux demandeurs qui permet à ces derniers de recevoir leur courrier et de se connecter à cette plateforme électronique. Ces garanties permettent de s'assurer que la notification a été faite correctement au demandeur d'asile.
Nous en reparlerons certainement au moment de l'examen des amendements identiques que notre collègue Florent Boudié et moi-même – c'est vous dire si nous sommes à peu près tous sur la même longueur d'ondes – avons déposés sur le sujet. Il faut réduire les délais tout en s'assurant que la notification a bien été reçue par le demandeur d'asile. Les échanges électroniques se font désormais de manière rapide et sécurisée. Au vu de ces explications, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Cet amendement me semble correspondre aux propos que M. Brice a tenus lors de son audition : il pourrait être proposé aux demandeurs, à l'issue de l'entretien individuel, de choisir le moyen par lequel ils souhaitent être informés d'une notification ou d'une convocation. Cet amendement me paraît donc opérationnel, même si ces éléments doivent peut-être être précisés dans un décret plutôt que dans la loi, car ils peuvent évoluer. En tout cas, il me paraît frappé au coin du bon sens.
Madame la rapporteure, je tiens à vous remercier pour vos propos. Depuis tout à l'heure, on a le sentiment que certains s'opposent à ce que l'administration recherche l'efficacité – je ne dis pas : agissent dans la précipitation – et passe à l'ère numérique. Je me demande même si, pour certains, l'idée de gagner du temps dans les procédures soit une si bonne chose : je sens bien que certaines associations seraient finalement ouvertes à des procédures un peu dilatoires. Moi, je préfère une administration efficace qui apporte, lorsque c'est possible, des réponses rapides, à condition, bien entendu, qu'elle puisse faire son travail – et ce sera le cas dans le délai de 90 jours – dans des conditions satisfaisantes. Pourquoi ne pas proposer aux personnes concernées des solutions numériques, plus efficaces ? Je me demande si certains ne seraient pas tentés par des manoeuvres dilatoires qui permettraient d'entretenir le flou et, au bout du compte, de forcer la main à l'administration. C'est un peu curieux ! Je n'en dirai pas plus, mais je m'interroge.
Il n'est pas question d'user de moyens dilatoires. Chacun peut comprendre, me semble-t-il, que le demandeur doit pouvoir choisir un moyen de communication. Nous ne parlons pas, ici, de l'administration, mais de personnes qui ne possèdent sans doute pas trois portables et qui ont peut-être des difficultés pour accéder à internet. Mais, manifestement, tout cela vous dépasse, mon cher collègue. En tout cas, je réfute vos accusations stupides !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL413 de M. Brahim Hammouche et CL854 de M. Erwan Balanant.
Prévoir que la convocation puisse se faire « par tout moyen » crée une insécurité juridique, dès lors que les exilés sont vulnérables et souvent dépourvus de moyens matériels. Ils n'ont pas un accès direct à internet et partagent souvent des téléphones mobiles. Par ailleurs, leurs conditions d'hébergement sont précaires.
En premier lieu, l'expression « par tout moyen » est imprécise. En second lieu, une notification « par tout moyen » ne permet pas le contrôle de l'envoi et de la réception de la convocation, alors même que l'entretien à l'Office est une étape essentielle de l'instruction d'une demande d'asile garantissant le respect des droits de la défense, reconnus tant par le CESEDA que par les directives européennes, la Cour de Justice ou la Charte des droits fondamentaux. Sans une définition précise de l'expression « par tout moyen », le respect du principe de confidentialité et de personnalisation de la convocation n'est pas non plus garanti. Il est donc proposé de conserver la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception et d'ajouter « par tout autre moyen », afin de s'assurer de la bonne réception de la convocation et d'éviter tout contentieux.
L'expression « par tout moyen » me paraît très imprécise, au point que je me suis demandé si elle n'incluait pas les pigeons voyageurs… Plus sérieusement, quiconque connaît la vie et la situation des demandeurs d'asile peut douter que la lettre recommandée avec accusé de réception soit le mode de communication le plus pertinent. En effet, souvent l'adresse change et le courrier ne parvient pas à son destinataire. Il faut donc trouver un autre dispositif. Je propose, pour ma part, une solution simple, rapide et efficace : elle consiste à s'aligner sur le droit commun, tel qu'énoncé à l'article L. 112-15 du code des relations entre le public et l'administration, qui dispose que celle-ci notifie ses décisions aux usagers, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par voie dématérialisée. Dans ce dernier cas, l'envoi doit se faire par un recommandé électronique et il doit être possible d'identifier le destinataire. J'ajoute qu'il convient, bien entendu, de recueillir le consentement préalable du demandeur d'asile.
La Commission rejette successivement ces deux amendements.
La Commission se saisit de l'amendement CL450 de M. Max Mathiasin.
La notification « par tout moyen » vise à permettre la convocation et la notification aux demandeurs d'asile par voie dématérialisée. Tel que le texte est rédigé, le dispositif pose des difficultés concrètes de nature à compromettre tant la bonne réception des éléments que la confidentialité des informations ainsi transmises. Comme le souligne notamment le Défenseur des droits, bon nombre de demandeurs d'asile n'ont pas d'accès direct à internet, et les téléphones mobiles sont souvent partagés entre plusieurs personnes. Il suffit de se rendre sur le terrain pour le vérifier.
Dans son avis, le Conseil d'État rappelle que « le plus grand soin devra toutefois être apporté au choix des moyens techniques de sorte qu'une notification par voie dématérialisée ne puisse être opposée que dans la mesure où il est démontré qu'elle a été opérée personnellement et qu'il est possible de garder une trace tant des opérations de notification que, le cas échéant, de la prise de connaissance par l'intéressé ».
Le présent amendement vise à prévoir un dispositif plus contraignant que celui souhaité par le Gouvernement, mais qui in fine vise à sécuriser les échanges entre l'OFPRA et les demandeurs d'asile, dans le but de ne pas entraîner plus de contentieux, en exigeant que l'administration s'assure de la bonne réception des convocations et notifications.
Je partage votre souci, cher collègue, et votre amendement est très intéressant. Il ne me paraît cependant pas aussi bien rédigé que les amendements CL819 déposé par le groupe La République en Marche et CL918 déposé par moi-même. Je vous invite donc à le retirer.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL79 de Mme Marietta Karamanli.
Nous souhaitons que l'alinéa 6 soit ainsi rédigé : « Il est entendu dans la langue de son choix, sans que l'on puisse lui imposer une préférence qu'il aurait déclarée en préfecture lors de l'enregistrement de sa demande. » Il est essentiel que le demandeur puisse s'exprimer dans la langue de son choix. C'est essentiel pour lui permettre d'exercer son droit, c'est essentiel pour la défense de la personne même. Or le demandeur a pu déclarer une préférence pour une langue qu'il ne maîtrise pas à un point tel que toute la procédure puisse se dérouler dans cette langue. Il doit vraiment pouvoir être entendu dans la langue de son choix.
Je suis défavorable à cet amendement, mais je propose que nous débattions de la question plus tard. Un certain nombre d'amendements ont trait au choix de la langue et à son opposabilité.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL416 de M. Brahim Hammouche.
Cet alinéa est en lien avec l'article 7 du projet de loi, qui prévoit que le demandeur d'asile est entendu tout au long de la procédure dans la langue pour laquelle il a manifesté une préférence lors de l'enregistrement de sa demande ou, à défaut, dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante, celle-ci pouvant être identifiée par l'OFPRA ou la CNDA.
Du coup, le choix de la langue est fixé pour tout le reste de la procédure lors de l'enregistrement de la demande d'asile c'est-à-dire au guichet de la préfecture, lors d'un bref entretien au cours duquel est remis à l'étranger le dossier à envoyer à l'OFPRA. Elle ne peut être contestée que lors du recours devant la CNDA. Or, lors de cette entrevue en préfecture, le demandeur d'asile n'est pas assisté et, à défaut d'interprète, peut ne pas saisir tous les termes de la question et sa réelle portée.
Ainsi, le projet de loi ne garantit pas l'accès effectif du demandeur à la procédure en cas de choix de la langue par l'administration : le critère de connaissance suffisante de la langue, tel que défini dans le projet de loi, ne permet pas de s'assurer que le demandeur la comprend et s'exprime clairement dans ladite langue. J'ai moi-même reçu une personne qui m'avait été adressée au motif qu'elle souffrait de pseudo-troubles cognitifs. En réalité, elle ne maîtrisait pas la langue ! Il y a là un risque d'insécurité juridique, de méconnaissance des droits et d'une errance redoutable pour la suite.
Il est donc proposé de reprendre la rédaction de la directive européenne 201332UE, dite « Procédures », entrée en vigueur en 2015, et garante d'une procédure équitable, qui précise que le demandeur d'asile est informé des procédures dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend.
Je propose que nous reportions ce débat au moment de l'examen de l'article 7. Je crains cependant une confusion sur la directive, qui n'est pas rédigée comme vous le suggérez. Je cite son article 15 : « La communication a lieu dans la langue pour laquelle le demandeur a manifesté une préférence sauf s'il existe une autre langue qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement. »
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL449 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article 7 du projet de loi.
En l'état, l'article L. 723 du CESEDA prévoit que l'OFPRA entend le demandeur d'asile « dans la langue de son choix, sauf s'il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante ». S'il s'agit là d'une transposition des exigences de la directive « Procédures » en matière d'asile, celle-ci rappelle par ailleurs, et à plusieurs reprises, le droit du demandeur à être entendu « dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ».
Il s'agirait donc de rédiger ainsi la fin de l'alinéa 6, après la seconde occurrence du mot « langue » : « qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. »
Les dispositions du projet de loi contreviennent à l'esprit de la directive Procédures. Nous proposons d'y remédier. Ce sera plus simple pour les demandeurs d'asile, et leurs droits seront mieux garantis. Le droit d'être compris dans l'expression de leur récit est tout de même fondamental.
Je vous invite à retirer cet amendement dans l'attente de l'examen de l'article 7. Précisons simplement que personne n'a intérêt à ce que le choix de la langue se passe dans de mauvaises conditions, et surtout pas les officiers de l'OFPRA. Tout l'intérêt de leur travail est précisément de pouvoir entendre le récit des demandeurs d'asile. Nous essaierons ensemble de trouver le moyen de faire en sorte que ce choix de la langue se fasse dans les meilleures conditions possibles.
L'amendement est retiré.
La réunion s'achève à 19 heures 45.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, Mme Typhanie Degois, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Élise Fajgeles, Mme Elsa Faucillon, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Manuel Valls, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - Mme Paula Forteza, M. David Habib, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Maina Sage, Mme Alice Thourot, M. Cédric Villani
Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Christophe Blanchet, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Chapelier, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, Mme Laurence Dumont, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Stella Dupont, Mme Nadia Essayan, M. Claude Goasguen, M. Brahim Hammouche, Mme Caroline Janvier, Mme Sonia Krimi, Mme Anne-Christine Lang, Mme Fiona Lazaar, M. Jacques Maire, Mme Sandrine Mörch, M. Matthieu Orphelin, M. Bertrand Pancher, M. Frédéric Petit, Mme Alexandra Valetta Ardisson, Mme Martine Wonner