La commission spéciale a poursuivi, l'examen en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (n° 1673
Chers collègues, je souhaite vous informer du fait que le Gouvernement a l'intention de demander l'examen par priorité des articles 44 à 52 bis, relatifs aux privatisations d'Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d'Engie, lors de notre réunion de demain à 16 h 30, juste après les questions au Gouvernement, afin de s'assurer que le débat sur ces sujets majeurs se déroule dans les meilleures conditions, bien évidemment en présence de M. le ministre de l'économie et des finances.
Cet après-midi, nous avons examiné les articles 1er à 5. Nous reprenons notre discussion à l'article 5 ter. Nous avons examiné 141 amendements.
Demain matin, c'est Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, qui défendra les positions du Gouvernement, de même, s'il y a lieu, que jeudi après-midi.
Article 5 ter (art. L. 526-5-1 [nouveau], L. 526-6, L. 526-7, L. 526-8, L. 526-8-1 [nouveau], L. 526-9, L. 526-10, L. 526-11, L. 526-12, L. 526-13, L. 526-14, L. 526-15, L. 526-17, L. 526-19 et L. 670-1-1 du code de commerce) : Clarification et simplification du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)
La commission examine les amendements identiques n° 81 de M. Daniel Fasquelle et n° 213 de Mme Véronique Louwagie.
Nous proposons d'aller plus loin dans la clarification et simplification du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) et d'apporter finalement plus de sécurité aux entrepreneurs individuels. L'EIRL protège leur patrimoine privé ; aujourd'hui, seule l'insaisissabilité de la résidence principale est prévue pour les entrepreneurs individuels – et encore faut-il qu'ils remplissent des formalités. Leur accorder par défaut le statut d'EIRL permettrait de protéger l'ensemble de leur patrimoine. Par ailleurs, cela leur permettrait, dans tous les cas, d'opter pour l'impôt sur les sociétés sans formalisme supplémentaire.
Nous proposons ainsi que le régime de l'EIRL soit le statut unique de l'entrepreneur individuel. Ce serait là offrir une véritable protection à l'ensemble des entrepreneurs, que des difficultés économiques placent quelquefois dans des situations très difficiles.
Nous comprenons, bien évidemment, la volonté de Mme Louwagie de protéger le mieux possible les créateurs d'entreprise à travers ce statut juridique. Nous sommes entièrement d'accord : il faut faire de ce statut le statut « vedette » et encourager au maximum les créateurs à faire ce choix, intelligent et protecteur.
Nous ne souhaitons cependant pas en faire un statut de droit commun, qui s'appliquerait automatiquement à tous, parce que ce n'est pas forcément justifié dans tous les cas et pour tous les créateurs d'entreprise. Nous sommes donc défavorables à ces amendements. Mme Louwagie a par ailleurs rappelé qu'une protection était offerte aux entrepreneurs individuels par l'insaisissabilité, depuis 2015, de leur résidence principale.
C'est vraiment dommage ! La question de la simplification se pose vraiment. Face à la multitude des statuts, il est extrêmement compliqué pour les créateurs d'entreprise de s'y retrouver, d'autant qu'en raison des dispositions que vous prenez ils seront de moins en moins accompagnés et aidés demain ; ils seront face à un écran d'ordinateur et confrontés à une foultitude de statuts.
Évidemment, je maintiens l'amendement n° 81, et nous en reparlerons dans l'hémicycle. Il y a là un vrai sujet que vous n'avez absolument pas abordé ; il est dommage que vous passiez ainsi à côté de l'essentiel en ce qui concerne les micro-entrepreneurs, les artisans et les commerçants ! Je déplore votre fermeture totale.
Nous avons fait des propositions sur le stage préalable à l'installation, et nous aurions pu trouver un terrain d'entente. Nous pourrions le faire aussi ce soir, mais nous avons bien compris qu'en réalité la majorité veut revenir au texte initial dont elle n'a quasiment pas dévié en un mois de débats en commission et dans l'hémicycle. Six amendements, tous marginaux, du groupe Les Républicains ont été adoptés en deux fois quinze jours… Il ne faut quand même pas se moquer du monde ! Vous êtes complètement fermés, arc-boutés sur vos positions. C'est tout à fait dommage et c'est loin de la promesse qu'avait faite le Président de la République pendant sa campagne électorale.
La commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 825 du rapporteur.
Exceptionnellement, je me permets de quitter ma réserve de présidente pour défendre cet amendement, ainsi que l'amendement n° 1022 ; j'en suis cosignataire avec le rapporteur Denis Sommer et le rapporteur général Roland Lescure.
L'EIRL, problématique dont traitent de nombreux articles du texte, avait suscité une discussion très intéressante en première lecture. Ces dernières semaines, nous avons été partagés entre la satisfaction de voir le Sénat s'intéresser à son tour à ces questions et la déception relative que nous a inspiré le traitement qu'il en faisait. La volonté affichée par l'Assemblée nationale et le Gouvernement de simplifier le recours à cette forme d'entreprise répondait aux remarques régulièrement formulées par les entrepreneurs, selon lesquelles le paysage était relativement illisible quand il s'agit de créer une entreprise. C'est pourquoi nous proposons par nos amendements nos 825 et 1022 de revenir sur certaines modifications auxquelles a procédé le Sénat et de supprimer ou de clarifier certaines des sanctions prévues pour confusion de patrimoine. Ces sanctions apparaissent, dans le texte du Sénat, bien trop sévères ou contre-productives. Nous proposons également de supprimer la phrase selon laquelle le dépôt du bilan annuel vaut actualisation de la composition du patrimoine affecté, qui ne semble pas cohérente avec les nouvelles dispositions qui prévoient que l'inscription en comptabilité vaut affectation du bien. Nous proposons enfin de supprimer une disposition introduisant une obligation d'information sur les principales caractéristiques du régime de l'EIRL lors de la création – l'idée est louable mais cela ne relève pas du domaine législatif.
Le Gouvernement est très favorable aux modifications proposées.
La commission adopte l'amendement n° 825.
Puis elle examine l'amendement n° 36 de Mme Laure de La Raudière.
Il nous est proposé d'édicter l'obligation d'affecter à l'activité professionnelle un patrimoine séparé du patrimoine personnel. Cela ne me paraît pourtant pas souhaitable. En effet, cela implique des démarches supplémentaires, dont l'entrepreneur n'est pas forcément conscient, pour le passage en EIRL. Je propose que nous nous en tenions au droit en vigueur, en ne prévoyant qu'une affectation facultative. L'affectation obligatoire d'un patrimoine séparé ne nous paraît en outre pas absolument nécessaire.
Affecter un patrimoine distinct du patrimoine personnel est la raison d'être même du statut d'EIRL. Je ne vois donc pas l'intérêt de rendre cette affectation facultative et suis défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement n° 1022 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 5 ter modifié.
Article 5 quater (art. L. 121-4 du code de commerce et L. 662-1 du code de la sécurité sociale) : Obligation de déclaration du conjoint du chef d'entreprise
La commission se saisit de l'amendement n° 985 du Gouvernement.
Cet amendement vise à supprimer les dispositions qui empêchent le conjoint collaborateur de se constituer, pendant les trois premières années d'activité de l'entreprise, des droits en matière d'indemnités journalières et de formation professionnelle.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 5 quater modifié.
Article 5 quinquies (art. L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime) : Obligation de déclaration du conjoint du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole
La commission se penche sur l'amendement n° 405 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 5 quinquies modifié.
Article 5 sexies (art. L. 129-1 du code de commerce) : Possibilité pour un cédant d'entreprise de proposer au repreneur un tutorat bénévole
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels n° 425 et n° 497 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 5 sexies modifié.
Article 5 septies (art. L. 123-1 A [nouveau] du code de commerce) : Diminution de la charge normative qui pèse sur les entreprises
La commission aborde l'amendement n° 986 du Gouvernement.
Le Gouvernement propose de supprimer cette disposition. Elle relève du domaine réglementaire, non du domaine législatif.
Ce que vous dites est exact, Monsieur le ministre. Cependant, il serait intéressant de savoir si la circulaire prise par le Premier ministre en 2011 en vue de simplifier la vie des entreprises, qui prévoit deux échéances par an pour l'entrée en vigueur des nouvelles normes, est respectée par le Gouvernement ou ne l'est pas. Si les sénateurs ont introduit cet article, c'est qu'ils voulaient être certains qu'elle soit bien appliquée. J'aurais aimé que le Gouvernement précise ce point avant que nous ne votions l'adoption ou le rejet de cet amendement.
Cet article, issu d'un amendement adopté par le Sénat, vise à porter au niveau législatif une disposition d'une circulaire, qui n'a d'ailleurs pas grande signification car si vous édictez une nouvelle norme longue de trente-cinq pages et supprimez deux petites normes d'un quart de page le compte y est – d'ailleurs, on constate que, malgré cette circulaire, cela continue…
Cette idée de supprimer deux normes quand on en édicte est sympathique, mais elle ne résiste pas à l'analyse. Il faut donc tout simplement supprimer cet article 5 septies, tout simplement parce qu'il est inapplicable, au-delà même de la question constitutionnelle.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
L'article 5 septies est ainsi supprimé.
Je n'ai pas eu la réponse à ma question. D'ailleurs, je n'entends jamais la majorité lorsqu'il s'agit de contrôler l'action du Gouvernement ; c'est pourtant un élément essentiel du travail parlementaire. Nous pouvons tout de même attendre du Gouvernement qu'il réponde à nos questions !
Section 2 : Simplifier la croissance de nos entreprises
Article 6 (art. L. 130-1 [nouveau], L. 241-19, L. 137-15, L. 241-18, L. 752-3-2 et L. 834-1 du code de la sécurité sociale, art. 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, art L. 1151-2 [nouveau], L. 1231-7 [nouveau], L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail, art. L. 1311-2, L. 2312-2, L. 2142-8, L. 3121-33, L. 3121-38, L. 3262-2, L. 3312-3, L. 3324-2, L. 3332-2, L. 4228-1 [nouveau], L. 4461 [nouveau], L. 4621-2 [nouveau], L. 5212-1, L. 5212-6 à L. 5212-7-2, L. 5212-3, L. 5212-4, L. 5212-5-1, L. 5212-14, L. 5213-6-1, L. 6243-1, L. 6243-1-1, L. 6315-1, L. 6323-13, L. 6323-17-5, L. 6331-1 A [nouveau], L. 6331-3, L. 6331-7, L. 6331-8, L. 6332-1A [nouveau] et L. 8241-3 du code du travail, art. L. 716-2 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 2333-64, L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, art. L. 6331-7 du code du travail, art. L. 137-15, L 241-18, L. 834-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 313-2, du code de la construction et de l'habitation, art. L. 2142-8 et L. 5212-4 du code du travail) : Nouvelles modalités de calcul et rationalisation des niveaux de seuils d'effectifs
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 240 de M. Jean-Louis Masson et n° 387 de Mme Véronique Louwagie, et les amendements identiques n° 241 de M. Jean-Louis Masson et n° 388 de Mme Véronique Louwagie.
Ce texte vise principalement à lever les entraves à la création de richesse et de valeur. Il faut donc proposer des méthodes de calcul des effectifs simples et éviter aux dirigeants de faire des choix en fonction d'effets de seuil. Nous proposons donc par l'amendement n° 240 de retenir non pas la moyenne des fluctuations d'effectifs au cours de chacun des mois, mais l'effectif le plus faible sur un trimestre. En même temps, ce choix, meilleur pour l'entreprise, ne lèse pas les salariés. Cet amendement avait déjà été présenté en première lecture.
L'amendement n° 241 est un amendement de repli.
Je rappelle que l'intitulé de cette section 2 est « Simplifier la croissance de nos entreprises ». Or, il est assez compliqué de faire, pour le calcul des effectifs, la moyenne des fluctuations d'effectifs au cours de chacun des mois. Nous proposons donc de retenir, plus simplement, l'effectif le plus faible sur un trimestre. Cela simplifierait énormément la vie des entreprises.
L'amendement n° 388 est également de repli.
Nous avons déjà considérablement simplifié les choses. Jusque récemment, plusieurs méthodes de calcul des seuils s'appliquaient, en vertu des règles de la sécurité sociale ou du code de travail, qui reposaient parfois sur des critères très différents – par exemple, les titulaires de contrats à durée déterminée ou les intérimaires pouvaient dans certains cas être pris en compte et dans d'autres non. Nous avons considérablement simplifié tout cela en ne conservant que le mode de calcul de la sécurité sociale. Nous avons également fait le choix de retenir la moyenne mensuelle, et ce n'est pas plus compliqué que ceux que proposent les auteurs de ces amendements. Par ailleurs, leur proposition conduirait à retenir un chiffre qui ne reflète pas objectivement la réalité de l'activité de l'entreprise.
Je suis donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
J'entends vos arguments, Monsieur le rapporteur, et je reconnais que ne retenir qu'une méthode permet une uniformisation, mais allons plus loin. Il est plus compliqué de calculer une moyenne des fluctuations d'effectifs au cours de chacun des mois que de retenir l'effectif le plus faible au cours du trimestre. Vous uniformisez, certes, mais vous ne simplifiez pas.
Si, nous simplifions, chère collègue, puisque nous appliquons le mode de calcul de la sécurité sociale, et que nous n'inventons pas de nouveau mode de calcul.
La commission rejette les amendements identiques n° 240 et n° 387.
Puis elle rejette les amendements identiques n° 241 et n° 388.
Elle en vient à l'amendement n° 702 de M. Dominique Potier.
L'article 6 a pour objet d'allonger à cinq années consécutives la durée de référence entraînant le franchissement du seuil d'effectifs supérieur et l'application des obligations qui en résultent. Les auteurs de l'amendement n° 702 proposent de ramener ce délai à trois ans afin d'éviter des stratégies pluriannuelles d'évitement qui permettent aux entreprises de contourner leurs obligations sociales et favorisent une concentration au niveau des effectifs avoisinant ces seuils.
Disons-le très sincèrement : ce délai de trois ou cinq ans fait débat, mais nous avons fait le choix de retenir la durée de cinq ans, qui correspond à un cycle de croissance et permet de s'assurer que la croissance de l'entreprise lui permettra vraiment de respecter les obligations qui découlent du franchissement du seuil. On pourra toujours trouver un chef d'entreprise développant des stratégies d'évitement, mais c'est déjà ce qu'il se passe aujourd'hui : on refuse un marché ou on filialise pour éviter de franchir le seuil de 50 salariés.
L'article 6 permettra d'en terminer avec ces pratiques et de sécuriser le dispositif. Ce délai de cinq ans satisfait d'ailleurs les chefs d'entreprise, qui peuvent se préparer, gérer leur croissance, procéder aux recrutements nécessaires. Le dispositif répond non seulement à une inquiétude qui s'est exprimée au cours des dernières années mais à un véritable besoin. Nous tenons donc fort à ce délai de cinq ans.
J'allais répondre, mais j'ai été subjugué par les arguments de M. Sommer et son éloge de la volonté… (Sourires.)
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 703 de M. Dominique Potier.
Je ne multiplierai pas les prises de parole ; nous sommes d'accord pour nous concentrer, les uns et les autres, sur les combats essentiels.
L'équilibre me semble une voie sage. En l'occurrence, si l'on veut maintenir le seuil en accordant aux entreprises la souplesse nécessaire, il faut également prévoir un délai de trois ans pour le franchissement à la baisse des seuils.
Par ailleurs, nous avons changé la manière de compter les salariés. J'ai demandé que cela fasse l'objet, le moment venu, d'une évaluation, et notre rapporteur général s'y est engagé, mais peut-être le fait qu'intérimaires et stagiaires ne soient plus pris en compte dans le nombre total des salariés changera-t-il la nature même des seuils.
Par les amendements que nous proposons, nous appelons, même s'ils n'ont aucune chance d'être adoptés, à la prudence et nous défendons des principes. Et nous serons bien sûr au rendez-vous de l'évaluation pour mesurer l'impact de ces dispositions.
La commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite des amendements identiques n° 270 de M. Arnaud Viala et n° 342 de Mme Véronique Louwagie.
Je souhaite rouvrir les discussions que nous avons eues en première lecture à propos de l'assouplissement des seuils, car je ne désespère pas de vous faire entendre raison sur ce seuil de 50 salariés, crucial pour nos très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). C'est le principal obstacle à la croissance pour des entreprises qui n'atteindront jamais le seuil suivant – 250 salariés – et ont donc besoin d'un signe.
Le ministre s'est exprimé tout à l'heure, au début de cet examen du texte en nouvelle lecture, à propos des attentes des chefs d'entreprise, qui savent que nous n'allons probablement légiférer à nouveau sur la question au cours des prochaines années. Il me semble donc vraiment opportun et important de rouvrir la discussion sur la suppression du seuil de 50 salariés. Elle ouvrirait probablement des perspectives au plus grand nombre des entreprises de notre pays.
Nous proposons effectivement de passer directement au seuil de 100 salariés. Finalement, en supprimant le seuil des 20 salariés, vous en recréez un autre, pas si éloigné, qui est un seuil psychologique relativement important : celui des 50 salariés. Nous nous plaignons régulièrement de ne pas voir nos PME grandir, mais le seuil des 50 salariés fait partie des difficultés récurrentes qu'elles rencontrent et qui les affectent fortement.
M. Viala a raison : les entreprises attendent, et depuis longtemps, que l'on modifie les seuils. Nous faisons tous le même diagnostic : ils posent des difficultés aux entreprises dans leur croissance. Ce sont aussi des seuils psychologiques, que les chefs d'entreprise ne sont pas forcément disposés à franchir.
Je serais donc d'accord avec les auteurs des amendements si nous avions simplement supprimé le seuil des 20 salariés, mais nous avons fait autre chose, en instaurant ce délai de cinq années avant que les obligations découlant du franchissement du seuil de 50 salariés ne s'appliquent. C'est une réponse que les chefs d'entreprise de tous secteurs et de toutes tailles saluent – m'étant rendu, comme le rapporteur général, en maints endroits de notre pays, j'ai pu le constater. Et si cela avait été aussi simple, il fallait le faire auparavant !
Je voudrais revenir sur la question des seuils, tout en suggérant de ne pas se lancer dans des remarques personnelles à l'encontre des uns ou des autres.
Ce que contient ce texte est majeur : c'est une avancée essentielle dans la simplification des seuils pour les PME. On peut toujours envisager de faire plus, on peut se dire qu'il pourrait n'y avoir absolument aucune obligation légale, aucun seuil, et que la vie des PME serait ainsi plus facile. Pour reprendre le terme utilisé par M. Potier, je pense que nous avons trouvé un équilibre qui est à la fois protecteur des droits des salariés, contrairement à ce que le Sénat a proposé, puisqu'il est revenu sur les seuils de représentativité, ce qui pose un vrai problème pour la défense des intérêts des salariés – nous ne revenons pas dessus, pour notre part – et qui, par ailleurs, simplifiera grandement la vie des PME.
La première réforme est qu'il y aura un seul mode de calcul des seuils au lieu des trois qui existent à l'heure actuelle, au minimum – il peut y avoir jusqu'à onze modalités de calcul différentes ! Il n'y en aura plus qu'une : cela représente une simplification majeure pour toutes les entreprises qui ne savent pas, aujourd'hui, à quel saint se vouer. Elles ignorent si le seuil est de 9, 10 ou 11 salariés. Il y aura là une première avancée majeure.
Autre élément, il n'y aura plus que trois seuils, fixés à 11, 50 et 250 salariés.
La suppression du seuil des 20 salariés est une troisième avancée majeure. Si nous n'allons pas au-delà, Madame Louwagie, c'est pour des raisons liées aux finances publiques – je le reconnais bien volontiers. Supprimer la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL) pour les entreprises est une idée très généreuse, mais cela représente un coût de plusieurs centaines de millions d'euros. Si l'on portait le seuil à 100 salariés, il faudrait trouver des recettes budgétaires équivalentes. Comme je ne les ai pas, je ne le fais pas, en responsabilité. Il existe déjà un allégement tout à fait considérable avec la suppression du seuil des 20 salariés : jusqu'à 50 salariés, les entreprises n'auront plus à verser de cotisations à l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) et au FNAL, qui pèsent très lourdement sur leur compétitivité. On peut toujours essayer de faire mieux, mais je considère que nous allons déjà réaliser une avancée majeure.
C'est d'autant plus vrai que – et c'est le point clef du dispositif – nous retenons une durée de cinq ans. C'est la bonne durée, car c'est celle d'un cycle économique. Tant qu'une PME n'aura pas franchi un seuil pendant cinq années consécutives, elle n'aura à remplir aucune des obligations fiscales ou sociales liées à ce seuil. Je pense à toutes les entreprises qui hésitent, aujourd'hui, à passer de 49 à 51 salariés, et je rejoins parfaitement le raisonnement tenu par nombre d'entre vous, dont Mme Louwagie. Nous nous déplaçons tous beaucoup en France et nous voyons tous beaucoup de patrons de PME. Ils nous disent que le seuil des 50 salariés, qui tombe comme un couperet, est un obstacle à l'emploi. Ce ne sera plus le cas, car le seuil s'appliquera d'une façon très progressive. Une entreprise de bâtiment et de travaux publics venant de décrocher un chantier, qui a 47 salariés et a besoin de recruter cinq personnes, saura que si elle n'a pas d'autre perspective de croissance à la fin de ce chantier et qu'elle revient sous le seuil des 50 salariés, alors elle n'aura aucune obligation supplémentaire sur le plan fiscal ou social, ce qui est une avancée majeure. En revanche, une entreprise qui accumule les chantiers nouveaux en cinq ans, qui a de vraies perspectives de croissance et qui est structurellement devenue une PME importante, de 60 ou 65 salariés, sera soumise aux obligations liées au seuil. C'est une avancée absolument majeure pour les PME, je le redis. Je considère, comme probablement chacun d'entre vous, que le tissu des PME est vital pour notre économie. C'est lui qui permettra de faire baisser le chômage dans notre pays et de créer des emplois. En facilitant la vie des PME avec ce dispositif concernant seuils, on crée de l'emploi et de la croissance sans porter atteinte à la protection des salariés.
Je ne conteste pas l'intérêt de la mesure que vous proposez, et je ne cherche pas à polémiquer en redéposant ces amendements. Néanmoins, même avec l'assouplissement lié à la durée de cinq ans, qui assurera un lissage dans le temps avant tout passage définitif à la catégorie supérieure, le seuil des 50 salariés va demeurer un obstacle pour un certain nombre de PME qui ne doivent pas jongler entre 48 et 51 salariés mais ont des possibilités de développement beaucoup plus importantes, lesquelles exigent d'investir et de se projeter sur le long terme. Elles ne le font pas car l'alourdissement des contraintes est tel qu'elles refusent de courir le risque. Je ne fais pas de polémique, et je ne renvoie pas au passé – je ne suis député que depuis 2015 : je veux bien être comptable de tout ce que nos prédécesseurs ont fait, mais il y a quand même des limites.
Je voudrais simplement rappeler que ces seuils présentent aussi un certain nombre d'avantages. Ils créent du dialogue social dans l'entreprise, ils imposent un certain nombre d'obligations en termes d'institutions et de représentation qui font que le modèle de l'entreprise française est différent des autres : il est, on doit le reconnaître, plus protecteur pour les salariés. C'est donc une question d'équilibre. Tous les chefs d'entreprise avec lesquels nous avons parlé reconnaissent l'avancée majeure que constitue le délai de cinq ans : cela permettra d'assurer la croissance des entreprises. Celles qui franchiront le seuil des 50 salariés une année « n » seront sans doute, si tout se passe bien, à 200 ou 250 salariés cinq ans plus tard, et le seuil des 50 salariés ne sera plus un problème pour elles. Quant à celles qui auraient plus de mal et qui resteraient aux alentours de 50 salariés, elles pourront le faire sans avoir à se conformer à d'autres obligations. Nous avons trouvé un équilibre qui semble convenir aux entreprises et aux organisations patronales avec lesquelles nous avons échangé entre les deux lectures du texte – elles étaient d'ailleurs un peu surprises par les amendements adoptés au Sénat. Je pense que nous avons raison et que nous pouvons avancer sur ce sujet.
Je voudrais dire au rapporteur général qu'il n'est pas nécessaire de dépasser le seuil des 50 salariés pour qu'une protection existe dans une entreprise. À partir du moment où celle-ci appartient à une branche, une convention collective fixe les avantages des salariés. Qu'il y ait ou non des syndicats dans l'entreprise, les salariés ont toujours la possibilité – et ils l'utilisent sans souci – de consulter les syndicats ou la bourse du travail.
Par ailleurs, et sauf erreur de ma part, il y a déjà un lissage sur trois ans – il va être porté à cinq ans. On ne franchit pas le seuil des 50 salariés le jour même où l'on a un salarié de plus. Il y a aussi un facteur de complexité du fait des équivalents temps plein.
Je voudrais apporter quelques précisions sur ce point, qui est important. Le dispositif actuel est soumis à des conditions – la durée est d'un an ou de trois ans, si l'on remplit certaines obligations. Le dispositif que nous proposons est, quant à lui, sans condition et sur cinq ans.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 13 de M. Vincent Descoeur, n° 234 de Mme Laurence Trastour-Isnart et n° 401 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que les amendements identiques n° 120 de M. Daniel Fasquelle et n° 463 de Mme Véronique Louwagie.
L'amendement n° 13 vise à substituer à l'expression : « moins de onze salariés » celle de : « au moins cinquante ». Nous supprimerons ainsi le seuil des 10 salariés, ce qui permettra aux TPE de se consacrer pleinement à leur développement en s'affranchissant de l'obsession des contraintes réglementaires liées aux effets de seuil.
Notre collègue Descoeur ayant parfaitement expliqué la question, je n'ai pas besoin d'en dire plus sur l'amendement n° 234.
Je n'ai pas voulu intervenir dans le débat précédent, mais les sujets sont liés. Je salue le lissage sur cinq ans : il y a quelques bonnes choses dans ce projet de loi, et il faut évidemment les saluer. En ce qui concerne la suppression du seuil de 20 salariés, en revanche, on est dans l'affichage pur et simple. On sait très bien que les seuils bloquants sont ceux des 50 salariés et, pour les petites entreprises, des 10 ou des 11 salariés. Renseignez-vous, comme je l'ai fait. Puisque vous avez fait un tour de France, on a dû vous le dire et vous le répéter partout. J'ai déposé deux amendements – n° 120 et n° 82 – qui visent à modifier le seuil des 11 salariés en le portant, respectivement, à 20 ou à 50 salariés. C'est vraiment un sujet important. La question du seuil des 50 salariés a été évoquée, à juste titre, mais il faut aussi parler du seuil des 11 salariés pour les petites entreprises. Si l'on ne veut pas rester dans l'affichage et les déclarations de bonnes intentions, mais faire bouger vraiment les lignes, on a l'occasion de le faire grâce à mes amendements.
J'émets un avis défavorable. Avec ces amendements, le premier seuil serait celui des 100 salariés : ceux de 10, 11, 20 et 50 salariés seraient supprimés.
La commission rejette les amendements identiques n° 13, n° 234 et n° 401, puis les amendements identiques n° 120 et n° 463.
Elle en vient aux amendements identiques n° 503 de M. Arnaud Viala et n° 510 de Mme Véronique Louwagie.
Je voudrais défendre en même temps les amendements n° 503, n° 504, n° 505 et n° 506, qui concernent tous le seuil de 50 salariés. Je ne réinterviendrai pas sur ce sujet.
Il faut se poser la question du maillage économique que nous voulons pour notre territoire. Quand on représente, comme je le fais, des territoires ruraux dans lesquels le développement économique est loin d'aller de soi, on est très attaché à la capacité des entreprises à se développer, dans des proportions qui ne sont pas celles évoquées par le rapporteur général. Je n'ai pas été élu dans un territoire où l'on voit des ascensions fulgurantes d'entreprises qui passeraient de 40 à 250 salariés, loin de là. Je le souhaiterais, mais ce n'est malheureusement pas ce qui se passe dans la réalité. On a plutôt besoin de dispositifs juridiques permettant de donner de la souplesse à des entreprises qui ont 45 ou 50 salariés, qui peuvent, peut-être, arriver à en avoir 70 ou 80 à une échéance de vingt ans et non de cinq, moyennant des efforts, et qui vont donner de la vitalité à des territoires entiers. À mes yeux, ce volet a aussi une importance dans la discussion que nous avons.
Nous avons la même préoccupation, Monsieur Viala. J'ai également été élu dans un territoire comptant certes une part d'urbain, mais aussi une grande part de rural, avec un tissu de PME extrêmement important et dense – il y a peut-être un particularisme dans ma région : la répartition du tissu industriel fait qu'il couvre l'ensemble de ma circonscription. Je sais, moi aussi, les difficultés qui peuvent exister et que les décisions que nous prenons ne sont pas forcément idéales. Ce que nous proposons n'est pas l'idéal, mais c'est un progrès tout à fait sensible, et même considérable. Encore une fois, et sans vouloir polémiquer, nous avons ce débat sur les seuils depuis des années. Nous avons le courage de franchir un cap important. La possibilité pour les chefs d'entreprise de s'adapter – ils auront cinq ans pour le faire, en sachant qu'ils pourront revenir en arrière en cas de « pépin » dans leur croissance – est une disposition très sécurisante. Les chefs d'entreprise le comprennent parfaitement quand on le leur explique. Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
Je voudrais avancer deux arguments supplémentaires en réponse à ce que le rapporteur vient de dire.
Pour les entreprises que j'ai en tête, une durée de cinq ans représente une amélioration, mais non un remède miracle. Quand on doit réaliser un investissement important pour franchir réellement un cap, en n'ayant plus 49 ou 51 salariés mais 70, il faut beaucoup plus de cinq ans pour faire mûrir la décision, la prendre, l'assumer et la financer. Ce n'est donc pas la même échelle de temps.
La réalité à laquelle je pense, et qui est tristement conjoncturelle, c'est que nous sommes dans une France qui souffre beaucoup de la désertion de certains grands groupes – représentant de grandes industries et des effectifs importants. L'avenir de la France que je connais le mieux, celle des territoires à dominante rurale, passe davantage par des PME qui ont la capacité de devenir demain de grosses PME et peut-être un jour, pour certaines d'entre elles, des entreprises de taille intermédiaire (ETI), plutôt que par des grands groupes dont on peut espérer qu'ils s'installent ou se réimplantent chez nous un jour ou l'autre, mais dont le devenir est toujours soumis à beaucoup d'éléments conjoncturels que l'on ne maîtrise pas.
Voilà ce que je voulais dire, en restant, me semble-t-il, à l'écart de toute polémique.
Quand on regarde les comparaisons statistiques avec l'Allemagne, on voit qu'il y a en France 1,8 fois plus d'entreprises bloquées au seuil de 48 ou 49 salariés. Je ne crois pas du tout que l'on va régler le problème par un simple lissage. Il y a, outre le seuil, toutes les conséquences qui s'attachent à son franchissement et auxquelles vous ne touchez pas en réalité, ou quasiment pas. Un certain nombre de chefs d'entreprise vont renoncer, de toute façon, à franchir le seuil : elles ne vont pas embaucher du personnel ou investir dans du matériel si elles n'ont pas ensuite la possibilité de faire machine arrière. Je pense que le facteur bloquant va rester et que la meilleure solution serait de supprimer carrément le seuil, comme mes collègues l'ont proposé. Ce que vous voulez faire, à savoir lisser sur cinq ans, va sans doute dans la bonne direction, cela permettra de débloquer quelques dossiers, mais cela ne nous fera certainement pas arriver au niveau où l'Allemagne se trouve.
C'est un débat que nous avons déjà eu longuement, mais c'est un bon débat. J'entends parfaitement les arguments avancés par M. Viala et par M. Fasquelle, et je partage le constat. C'est l'un des objectifs majeurs du projet de loi que de renforcer le tissu productif français et de faire grandir nos PME pour qu'elles deviennent des ETI, voire des grands groupes. C'est un objectif absolument stratégique pour la création d'emplois et la solidité économique de notre pays. La question ne se résume pas à celle des seuils : il y a, dans ce texte, quatre séries de dispositifs visant à faire grandir nos entreprises et à les accompagner dans leur croissance.
Au-delà de la question des seuils, il y a d'abord toutes les obligations sociales, fiscales et administratives que vous avez supprimées, une par une, dans le cadre de ce projet de loi. On dit que c'est un texte « fourre-tout », mais ce n'est pas le cas. C'est un texte cohérent. Quand on supprime chacune de ces petites obligations qui vont de la publication dans un journal à un stage obligatoire et dont la somme entrave le développement des entreprises, on a tout un premier pilier qui permettra la croissance des entreprises et la transformation des PME.
Le deuxième pilier, qui est absolument stratégique, est celui du financement. Tant que nos entreprises n'auront pas un accès plus important au financement en fonds propres, elles ne pourront pas innover, investir, se digitaliser, se robotiser et donc grandir. Une entreprise qui grandit est une entreprise qui se modernise et innove. Pour cela, elle a besoin de financements. Tous les dispositifs qui touchent, dans ce texte, aux fonds propres, à l'épargne retraite, à l'assurance vie et au plan d'épargne en actions PEA-PME visent à assurer un meilleur financement de nos entreprises. Il est vital pour elles d'avoir un financement en fonds propres et non en dette. Si l'on élargit le sujet au plan européen, on peut se demander pourquoi les géants du digital se trouvent aux États-Unis et en Chine, et non en Europe. La réponse est simple : les opérations de capital-risque se sont élevées en 2018 à 100 milliards de dollars aux États-Unis, à 80 milliards en Chine et à 20 milliards dans le continent le plus riche de la planète, l'Europe. Si nous voulons grandir, il faut du capital. Cela peut ne pas plaire à certains, mais c'est une réalité économique et financière.
Troisième élément, il faut une structuration des filières. Nous avons beaucoup de progrès à réaliser sur ce plan. S'il peut y avoir chez nos voisins d'outre-Rhin une véritable solidarité entre les PME et les grands groupes, chez nous c'est un peu « chacun se débrouille », et « chacun se replie chez soi » quand ça va mal. La bonne structuration des filières est ce qui fait la force d'un tissu économique, et nous voulons aussi travailler sur ce sujet.
Dernier point très important : si l'on dit aux gens qu'ils vont construire une très belle entreprise familiale mais que, le jour où ils la transmettront, tout ira dans la poche de l'État et rien aux enfants, je peux vous garantir que ce n'est pas très incitatif. On se dit qu'il vaut mieux garder une PME : tout le travail réalisé n'est plus pour soi mais pour les autres le jour où l'on transmet l'entreprise. L'assouplissement du pacte « Dutreil » inscrit dans ce texte fait partie des éléments qui doivent favoriser la croissance des entreprises, en incitant au capitalisme familial et au développement des aventures entrepreneuriales.
La commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 704 de M. Dominique Potier.
Votre référence à l'Allemagne est à géométrie variable, Monsieur le ministre – nous y reviendrons quand on parlera de la codétermination.
L'amendement n° 704 concerne l'un des rares succès enregistrés par le groupe Socialiste dans le cadre de ce texte, à savoir le déplafonnement du titre d'artisan pour des PME qui grandissent. Les sénateurs ont été prudents : ils ont voulu limiter le seuil à celui des ETI, alors qu'il est ridiculement plafonné à 50 salariés aujourd'hui. Nous avions pensé qu'il pourrait être illimité, dans un élan libéral que les sénateurs ont appelé à modérer. Nous acceptons cette modération : elle est peut-être prudente. Nous avions seulement envisagé, de concert avec vous, Monsieur le ministre, la question des « natives » qui grandissent. Or il y a aussi le cas de l'absorption d'une entreprise artisanale par une autre entreprise, quelle que soit sa taille, qui pourrait alors s'approprier un titre indu. Les sénateurs ont proposé de se limiter dans cette hypothèse à un seuil de 50 salariés qui nous paraît trop faible. Nous proposons de porter le seuil à 100 salariés en cas de rachat, dans une logique de prudence.
J'appelle à faire preuve de discernement sur ce sujet. C'était un de nos rares succès, je l'ai dit : laissez-nous garder l'acquis de cette libéralisation modérée. Il suffit de trouver les bonnes proportions, et j'aimerais connaître votre avis sur ce sujet.
Je considère que c'est une bonne proposition et un bon amendement : j'émets donc un avis favorable.
Je m'en voudrais, Monsieur Potier, de vous retirer ce succès. (Sourires.) Je suis également favorable à votre amendement. Le chiffre proposé me paraît raisonnable et équilibré. Il est très important de donner aux artisans le signal – et l'on rejoint tout le raisonnement que j'ai développé tout à l'heure – qu'ils peuvent grandir en gardant cette qualité. Certains veulent un seuil : je vais vous dire très franchement que cela ne me gênerait pas s'il était plus élevé. Puisque vous proposez 100 salariés, très bien.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 82 de M. Daniel Fasquelle, n° 174 de M. Vincent Descoeur et n° 214 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l'amendement n° 32 de M. Paul Christophe.
L'idée de cet article est de lever les entraves et de limiter, autant que possible, les contraintes pouvant découler des effets de seuil. Par l'amendement n° 174, nous proposons de porter de 11 à 21 salariés le seuil prévu pour le versement transport.
Vous allez introduire un seuil supplémentaire pour le versement transport alors qu'on est en train de tout simplifier. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement n° 32 vise à relever le seuil de 11 salariés à 20, dans une logique de simplification. En effet, le seuil de 11 salariés n'est pas majeur sur le plan du dialogue social. Sans nier la question du délégué du personnel, c'est surtout un seuil déclenchant le versement transport, la création d'un comité social et économique (CSE) et la contribution à la formation professionnelle continue, toutes ces obligations pouvant être lourdes pour les entreprises. La suppression du seuil de 11 salariés nous paraît une mesure de bon sens, conforme à l'esprit de ce projet de loi.
Je comprends parfaitement le raisonnement, mais cela obligerait très concrètement à supprimer le comité social et économique. En ce qui concerne le versement transport, nous avons déjà eu un long débat qui est parfaitement légitime. Je rappellerai simplement que les coûts sont de l'ordre de 600 millions d'euros – je le dis aussi en réponse à M. Descoeur. Je conçois très bien qu'il y ait un débat sur le versement transport, mais il faut être conscient qu'il s'agit de sommes très importantes.
Peu importe le seuil, en fait. Ce qui me choque le plus est l'argumentation. En ce qui concerne la suppression du seuil des 20 salariés, vous avez dit qu'un règlement serait obligatoire à partir de 50 salariés. Or comment voulez-vous faire fonctionner un groupe de cette manière ? Même quand il y a deux salariés, il faut un règlement. On ne supprimera donc jamais les règlements : il en faut. En revanche, vous avez bétonné le seuil des 11 salariés en instituant le CSE à partir de cet effectif, ce qui est nouveau, dans le cadre des ordonnances « travail ».
Je ne sais pas si l'amendement est mal rédigé, mais l'objectif n'est pas de supprimer le versement transport, le comité économique et social ou la contribution à la formation professionnelle continue, mais de déclencher ces obligations à partir de 20 salariés : c'est un simple décalage.
En réponse à M. Taugourdeau, je rappelle que nous avons fait un choix transparent et honnête depuis le départ : nous ne revenons pas sur les ordonnances « travail ». On peut en discuter, mais c'est un choix politique que nous avons fait en accord avec les organisations syndicales.
Pour ce qui est du versement transport, je voudrais préciser, pour Mme de La Raudière, qu'en portant le seuil de 11 à 20 salariés on réduirait par définition la base et que l'on aurait donc une perte, qui est importante. C'est tout. Que l'on se pose la question, sur le fond, de savoir s'il est légitime de demander un versement transport de ce montant aux entreprises, c'est un autre débat, et il est parfaitement légitime.
La commission rejette les amendements identiques n° 82, n° 174 et n° 214, puis l'amendement n° 32.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 504 de M. Arnaud Viala et n° 513 de Mme Véronique Louwagie.
Puis elle examine les amendements identiques n° 705 de M. Dominique Potier, n° 744 de Mme Nadia Hai et n° 771 du rapporteur.
Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec le relèvement à 250 salariés du seuil prévu pour l'obligation de mettre à disposition un local syndical. Cela reviendrait à porter un mauvais coup aux organisations syndicales, et ne contribuerait pas à un dialogue serein au sein des entreprises : cela ne ferait, au contraire, que créer des tensions.
Le groupe La République en Marche estime que le respect des organisations syndicales est fondamental. C'est pourquoi nous souhaitons revenir à la rédaction que nous avons adoptée en première lecture, en rétablissant l'obligation de mettre à disposition un local syndical à partir de 200 salariés. Le respect des organisations syndicales passe aussi par des conditions d'exercice convenables, permettant d'atteindre l'objectif, que mon groupe appelle de ses voeux, de développement du dialogue social dans l'entreprise.
Je retire mon amendement et émets un avis favorable aux deux autres. Nous avons eu ce débat en première lecture, et j'avais défendu un amendement avec le soutien du ministre. Que l'on revienne à la version adoptée ici me paraîtrait tout à fait judicieux.
Avis favorable, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 711 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques n° 705 et n° 744.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel n° 431 du rapporteur.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements identiques n° 505 de M. Arnaud Viala et n° 515 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques n° 506 de M. Arnaud Viala et n° 518 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques n° 507 de M. Arnaud Viala et n° 520 de Mme Véronique Louwagie.
Elle adopte ensuite l'amendement de coordination n° 445 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 987 du Gouvernement.
Cet amendement a pour objet de préciser que les mesures relatives aux seuils entreront en vigueur, non pas, hélas ! au 1er janvier 2019, mais au 1er janvier 2020, car le mode de décompte des effectifs d'une entreprise suppose d'apprécier ceux-ci sur une année civile complète.
Est-il normal que le Gouvernement revienne, par son amendement, sur le X et le XI de l'article 6, qui n'ont pas été modifiés par le Sénat ?
Je propose quant à moi, par le sous-amendement n° 1101, de supprimer les V à IX.
Nous en avons le droit car il s'agit d'un amendement de coordination. C'est un des motifs qui permettent de déroger à la règle de l'entonnoir.
Ce n'est pas gênant, c'est nécessaire. Au-delà des problèmes liés à la règle de l'entonnoir, qui échappent sans doute aux rares personnes qui suivent encore nos débats, il est vital que nous soyons transparents vis-à-vis des PME en leur annonçant que le décompte des cinq années ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 2020. Mieux vaut que nous les en informions publiquement, honnêtement, plutôt qu'elles l'apprennent par leur conseil juridique, quand elles peuvent en avoir un.
Mais pourquoi reporter d'un an la date d'entrée en vigueur de cette disposition ? Votre exposé sommaire ne le dit pas.
Le décompte des effectifs se fait sur une année pleine. Puisque la loi sera adoptée en milieu d'année, cette disposition ne peut être appliquée qu'au 1er janvier 2020.
Le sous-amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 706 de M. Dominique Potier.
L'article 6, qui tend à modifier substantiellement les seuils sociaux dans un souci de simplification et d'harmonisation, prévoit notamment que le mode de calcul de l'effectif salarié annuel sera précisé par décret. Si cette harmonisation est plutôt bienvenue dans la mesure où elle améliore la lisibilité du dispositif pour l'employeur, il convient d'être vigilant. C'est pourquoi nous proposons, par le présent amendement, que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur du texte, un rapport évaluant les conséquences de l'harmonisation du mode de calcul des effectifs sur les dynamiques de franchissement des seuils.
J'examine toujours les demandes de rapport avec circonspection. En l'espèce, il ne me paraît pas utile de demander au Gouvernement un rapport sur cette question qui relève, me semble-t-il, du travail parlementaire de suivi de l'application de la loi.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Je souhaite la bienvenue à Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Article 6 bis A (art. L. 1233-3, L. 1233-61, L. 1233-87, intitulé du paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section I du chapitre III du titre IV du livre Ier, L. 2143-3, L. 2143-5, intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 2 de la section I du chapitre III du titre IV du livre Ier, L. 2143-6, L. 2143-13, L. 2232-10-1, intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 3 du chapitre II du titre III du livre II, L. 2232-23-1, intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 3 du chapitre II du titre III du livre II, L. 2232-24, L. 2232-25, L. 2312-1, L. 2312-2, L. 2312-3, intitulé des sections 2 et 3 du chapitre II du titre Ier du livre III, L. 2312-8, L. 2315-7, intitulé des sections 2 et 3 du chapitre V du titre Ier du livre III, L. 2315-63, L. 3121-45, L. 3312-2, L. 3322-2, L. 4162-1, L. 6323-13, intitulé de la section 3 du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie et L. 6332-17 du code du travail) : Relèvement à 100 des seuils fixés à 50 salariés dans le code du travail
La commission examine les amendements identiques n° 299 de M. Pierre Dharréville, n° 707 de M. Dominique Potier, n° 745 de Mme Nadia Hai et n° 773 du rapporteur.
Il s'agit de supprimer l'article 6 bis A, introduit par le Sénat, qui vise à relever tous les seuils sociaux de 50 à 100 salariés à compter du 1er janvier 2021.
Il est regrettable que les diverses obligations fiscales et sociales auxquelles sont soumises les entreprises se soient, au fil du temps, concentrées sur le seuil des 50 salariés. Il est nécessaire de repenser l'ensemble des obligations attachées aux différents seuils sociaux. Or, cette réflexion ne peut être menée sans les partenaires sociaux.
L'article 6 bis A, qui tend à remettre en cause la désignation des délégués syndicaux dans l'entreprise, les attributions des institutions représentatives du personnel et les règles de négociation collective, affecterait également le champ du licenciement économique, de la durée du travail, de la formation professionnelle ainsi que de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Le groupe La République en Marche est particulièrement attaché au développement du dialogue social dans l'entreprise et à la protection des salariés. À cet égard, il est indispensable que soient respectés les équilibres entre les différents acteurs de l'entreprise. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
L'article 6 bis A adopté par le Sénat est tout à fait inacceptable. Nous avons veillé à ce que le projet de loi n'affecte pas les institutions représentatives du personnel en les excluant des modifications proposées en matière de seuils. Un tel article va donc à l'encontre de l'esprit du texte. C'est pourquoi j'en demande également la suppression.
Avis favorable, pour des raisons sur lesquelles il n'est pas besoin de revenir car elles ont été développées par les auteurs des amendements.
La commission adopte les amendements.
L'article 6 bis A est ainsi supprimé.
Article 6 bis (art. 44 octies A, 44 quindecies, 239 bis AB, 244 quater E, 1451, 1464 E, 1466 A, 1609 quinvicies, 1647 C septies du code général des impôts et art. 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003) : Limitation des seuils d'effectifs pour des dispositifs fiscaux spécifiques
La commission est saisie de l'amendement de suppression n° 317 de M. Pierre Dharréville.
Avis défavorable. Nous souhaitons maintenir la cohérence du dispositif.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 bis sans modification.
Article 7 [supprimé] (art. 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique) : Adaptation de la gouvernance de l'établissement public Business France
La commission est saisie de l'amendement n° 774 du rapporteur.
Cet amendement a pour objet de rétablir l'article 7 dans la version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Nous souhaitons en effet, d'une part, diminuer le nombre de représentants au conseil d'administration de Business France afin d'en renforcer la gouvernance et, d'autre part, maintenir la désignation de parlementaires et d'un représentant des réseaux consulaires au titre de la catégorie des « personnalités qualifiées en matière de développement économique international ou issues des réseaux consulaires ».
Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
L'article 7 est ainsi rétabli.
Article 8 (art. L. 310-3 du code de commerce) : Réduction de la durée des soldes
La commission est saisie de l'amendement n° 620 de M. Patrice Anato.
Il s'agit de fixer non seulement la durée maximale des soldes mais aussi leur durée minimale. Le pouvoir réglementaire bénéficiera ainsi d'une marge de manoeuvre pour fixer une durée comprise entre ces deux limites.
Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n° 621 de M. Patrice Anato.
La fixation de la durée des périodes de soldes par le ministre de l'économie permet de garantir l'uniformité du dispositif, nécessaire pour assurer sa lisibilité pour les consommateurs et l'égalité des commerçants au regard de la concurrence. Du reste, lors de la concertation organisée à l'automne 2017, les organisations professionnelles ont insisté sur la nécessaire uniformité de cet événement. Il convient donc d'éviter des pratiques hétérogènes en la matière, même s'il convient que les dates de démarrage des soldes puissent être différentes dans les territoires d'outre-mer et dans les départements frontaliers afin de prendre en compte les spécificités locales.
Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 20 de M. Vincent Rolland.
Il s'agit d'un amendement de précision. L'article 8 prévoit que les soldes se tiennent à des dates différentes dans certains départements, notamment pour tenir compte d'une forte saisonnalité des ventes. De fait, certains territoires voient leur population fortement évoluer, sous l'effet de flux de vacanciers importants. Il est donc indispensable d'adapter les périodes de solde aux réalités de chaque territoire. Cet amendement vise à préciser la notion de « forte saisonnalité des ventes ».
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Article 8 bis A (article L. 541-10-5 du code de l'environnement) : Limitation de l'interdiction de mise à disposition et d'usage de certains produits plastiques
La commission est saisie des amendements identiques n° 1 de Mme Anne-France Brunet et n° 186 de Mme Barbara Bessot Ballot.
L'article 8 bis A, introduit par le Sénat, tend à modifier l'article 28 de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « ÉGALIM », qui dispose notamment qu'il est mis fin, au plus tard le 1er janvier 2025, à l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique, dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires ainsi que des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans. L'article 8 bis A remet ainsi en cause une avancée majeure en matière sanitaire et écologique. L'amendement n° 186 tend donc à le supprimer.
Je suggère à nos collègues de retirer ces deux amendements, car la question est traitée de manière plus précise dans les amendements suivants de M. Zulesi et de Mme Rossi.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement n° 769 de M. Jean-Marc Zulesi.
Je remercie mes collègues pour leur esprit constructif. Le Sénat a souhaité restreindre l'interdiction de mise à disposition des assiettes jetables à celles qui sont « entièrement » composées de plastique. Or, une telle disposition marquerait une régression importante par rapport aux objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte. Cet amendement vise donc à maintenir les dispositions et l'ambition de cette loi.
Avis favorable.
Madame la présidente, le rapporteur général ayant demandé le retrait des amendements n° 1 et n° 186 au motif qu'il leur en préférait d'autres, je souhaiterais que nous ayons, sur ce sujet important et sensible, une brève discussion générale afin de connaître la stratégie du Gouvernement et des rapporteurs.
Ces amendements vont affecter un secteur industriel en cours de reconversion. Or, il ne faut pas brûler les étapes et imposer, comme on le fait parfois en France, des contraintes aux seuls industriels nationaux, au risque de favoriser l'importation des produits interdits de fabrication dans notre pays. À supposer qu'une telle importation ne soit pas possible, il convient tout de même d'aménager une transition et d'être à l'écoute du monde industriel. Je souhaiterais donc savoir si ces mesures ont fait l'objet d'une concertation avec les entreprises concernées.
Je vais, comme l'a demandé Mme Louwagie, donner la parole à Mme la secrétaire d'État pour qu'elle exprime la position du Gouvernement sur ce sujet technique.
Je vais en effet rappeler le cadre général de notre discussion.
Lors de l'examen du projet de loi « ÉGALIM », vous avez adopté une disposition visant à interdire l'emploi du plastique dans la fabrication de la vaisselle jetable et à usage unique. Cette disposition, qui n'avait pas fait l'objet d'une étude d'impact, a néanmoins soulevé la question très prégnante de la transition écologique de l'industrie de la plasturgie.
Depuis, la France est parvenue, au terme d'un travail avec l'Union européenne et les autres États membres, à faire adopter par le Parlement européen une directive interdisant un certain nombre de plastiques à usage unique à compter de 2021. Cette directive, qui a été élaborée sur l'initiative de la France et devrait être adoptée par la Commission avant le mois de juin, comporte des avancées majeures.
En ce qui concerne les conséquences de cette mesure sur la profession, une étude d'impact a été réalisée – 1 500 emplois directs sont concernés – et une réflexion a été menée sur les solutions à déployer afin d'accompagner cette transition. Ainsi le texte de la directive tel qu'il a été adopté par le Parlement européen convient aux industriels et il est relativement cohérent avec la feuille de route concernant l'économie circulaire. J'ai moi-même récemment visité des entreprises spécialisées dans ce domaine, notamment Airplast. Elles ont déjà pris le virage en prévoyant des investissements qui leur permettront d'être prêtes lors de l'entrée en vigueur de la directive, en 2021, c'est-à-dire dans deux ans.
Nous proposons de retenir également cette date dans le texte, afin de nous aligner sur le dispositif qui s'appliquera à l'ensemble des pays européens, lesquels sont donc tous au même niveau en matière de concurrence. Nous préservons ainsi l'enjeu de la transition écologique tout en ayant une approche économique du sujet. Le fait que nous ayons pris un peu d'avance a même permis à nos industriels de préempter les investissements nécessaires pour fabriquer des produits qui sont, pour certains d'entre eux, 100 % recyclables.
Par ailleurs, les dispositions de la loi relative à la transition énergétique vont plus loin que la directive mais, puisqu'elles ont été votées en 2015, les industriels les ont déjà prises en compte. Dès lors, le Gouvernement propose que nous nous alignions sur la directive, dont je rappelle qu'elle est adaptée à la transformation de la plasturgie, sans revenir sur les dispositions existant dans notre législation.
J'ajoute que le Conseil national de l'industrie a créé deux groupes de travail transversaux concernant l'ensemble des filières, l'un sur l'économie circulaire, l'autre sur la transition énergétique. Dans le cadre du premier groupe de travail, nous avons demandé aux industriels de la plasturgie de s'inscrire dans une croissance verte en s'engageant à remonter le seuil de plastique recyclé dans leur production. Notre objectif est d'atteindre 1 million de tonnes et de concrétiser cet engagement au premier semestre 2019.
Notre démarche ne prend donc pas en traître les industriels et leur permet d'anticiper les transformations ; elle respecte les emplois sous-jacents tout en relevant l'exigence écologique et en nous dotant de quelques armes pour préparer nos entreprises et leur permettre éventuellement d'être meilleures que leurs concurrentes européennes qui n'ont pas encore pris la mesure de la directive qui leur sera appliquée dans deux ans.
Tout cela semble merveilleux, Madame la secrétaire d'État… À vous entendre, le secteur industriel concerné serait en phase avec les propositions du Gouvernement. Pourtant, j'ai reçu des courriers de la part d'acteurs de cette filière qui souhaitent le maintien des dispositions votées par le Sénat, en particulier de l'expérimentation, dont ils estiment qu'elle est nécessaire notamment pour la fabrication des couverts. Avez-vous été vraiment à l'écoute de l'ensemble des acteurs ? Ne pourrait-on pas donner un peu plus de temps à certains d'entre eux ?
Une directive européenne s'impose à l'ensemble des pays de l'Union européenne. Mon art juridique touche là à une limite. Nous pouvons toujours revenir, dans la loi, sur l'évolution décidée au niveau européen, mais, en 2021, c'est la directive qui s'appliquera. Par ailleurs, les expérimentations ne sont pas autorisées. J'ai du reste contesté, en séance publique, le bien-fondé de la disposition que le Sénat a finalement adoptée, car elle est contraire au droit.
Nous avons une vision très précise du nombre d'emplois concernés dans chaque entreprise. Nous avons eu des interactions assez nombreuses, y compris avec la filière, qui se satisfait de la directive, à l'élaboration de laquelle elle a été évidemment associée. Vos interrogations sont légitimes, mais la situation nous permet uniquement soit de surtransposer la directive, soit de nous en tenir à celle-ci ; c'est cette dernière solution que nous vous proposons d'adopter s'agissant de toutes les questions qui ne sont pas déjà traitées dans la loi française.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement n° 1019 de M. Jean-Marc Zulesi, qui fait l'objet des sous-amendements n° 1099 et n° 1100 du Gouvernement, et l'amendement n° 850 de Mme Danielle Brulebois.
L'amendement n° 1019 vise notamment à rétablir l'interdiction, prévue dans la loi « ÉGALIM », des piques à steak, couvercles à verre jetables et plateaux-repas en plastique et à usage unique. Cet amendement fait l'objet de sous-amendements du Gouvernement, de sorte que nous pourrons aboutir à un compromis. En tout cas, je tiens à remercier Mme la secrétaire d'État pour son propos liminaire qui permet de bien cadrer les choses.
Les sous-amendements n° 1099 et n° 1100 tendent respectivement à supprimer les mots « plateaux-repas », lesquels ne sont pas à usage unique, et à maintenir les mots « en polystyrène expansé », car leur suppression aurait pour conséquence d'étendre l'interdiction à l'ensemble des contenants en plastique, ce qui serait excessif.
Je suis favorable aux deux sous-amendements et, sous réserve de leur adoption, à l'amendement n° 1019, car il permettra d'atteindre l'équilibre que nous recherchons. Nous appelons tous la transition écologique de nos voeux et nous devons permettre aux entreprises françaises, non seulement de s'y adapter, mais d'en tirer parti : elles doivent en devenir les championnes, non les victimes.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, Madame la secrétaire d'État, pour être venue dans mon département et vous être montrée à l'écoute des entreprises de la plasturgie. Elles ont placé beaucoup d'espoir dans le projet de loi PACTE : il importe donc de les écouter, de préserver leurs emplois et surtout de respecter les efforts importants qu'elles font pour entrer dans la transition écologique. Une interdiction totale et immédiate serait difficile à supporter pour elles, car le temps industriel est un temps long : laissons-leur du temps.
Il importe par ailleurs que nous nous en tenions à la directive européenne, sans la sur–transposer, car une sur–transposition placerait nos entreprises dans une situation délicate vis-à-vis de leurs voisines européennes. Le Président de la République, d'ailleurs, a toujours recommandé de ne pas sur-transposer les directives européennes.
L'amendement n° 850 propose donc d'introduire la précision suivante : « de ceux compostables en compostage domestique ou industriel et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées et utilisés par les entreprises de transport opérant au niveau international ».
J'ai indiqué que j'étais favorable à l'adoption de l'amendement n° 1019 sous-amendé. Or son adoption ferait tomber votre amendement n° 850, Madame Brulebois. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je souhaite préciser que l'amendement n° 850 n'est pas conciliable avec la lecture que nous faisons de la directive, puisque celle-ci prévoit, sans ambiguïté, l'interdiction de tous les couverts jetables.
L'amendement n° 850 est retiré.
Je vous remercie, Madame la secrétaire d'État, pour les informations que vous nous avez données. Comme mon collègue Daniel Fasquelle l'a indiqué, de nombreuses entreprises de ce secteur d'activité nous ont interpellés. Alors que le Sénat avait introduit la possibilité d'une expérimentation jusqu'en 2023, ce qui aurait donné du temps aux entreprises pour s'organiser, cet article prévoit que les nouvelles dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2020, pour certaines, et au 1er janvier 2021, pour d'autres. Le 1er janvier 2020, c'est demain ! Ces délais sont très brefs et nos entreprises ne me semblent pas prêtes.
Les chefs d'entreprise que nous avons rencontrés nous ont indiqué qu'à ce jour, aucun d'entre eux ne sait fabriquer des produits compostables en compostage domestique. Ce que l'on sait produire, pour l'instant, ce sont uniquement les produits compostables en compostage industriel. Cette situation m'inquiète, car les entreprises ne tiennent pas le même discours que vous : les éléments que j'ai en ma possession me laissent penser qu'elles ne seront pas prêtes au 1er janvier 2021.
Je répète que l'expérimentation proposée par le Sénat reposait sur une lecture de la directive qui ne correspond pas à son contenu réel. Celle-ci ouvre la possibilité de faire, en 2023, un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre du texte, en vue d'expérimenter de nouvelles réductions du champ des plastiques. Ce n'est pas du tout ce que le Sénat a proposé et je répète que les dispositions introduites au Sénat sont absolument contraires au texte de la directive : il n'y a jamais été question d'une telle expérimentation.
Je suis surpris de la remarque que vous avez faite à deux reprises, Madame la secrétaire d'État, car il y a des juristes au Sénat ! Pour ma part, je n'ai pas fait une expertise juridique du texte…
Nous, nous l'avons faite !
Mais nous pouvons ne pas être d'accord avec cette expertise ! Cela peut vous paraître incroyable, mais il est déjà arrivé que les parlementaires aient raison et que le Gouvernement ait tort. Nous reviendrons sur ce débat dans l'hémicycle, mais sachez que vous ne nous avez pas totalement convaincus : il faut entendre les professionnels qui nous ont interpellés et les sénateurs.
Sans me prononcer sur cette expertise, ce dont je peux témoigner, Monsieur Fasquelle, c'est du temps que Mme la secrétaire d'État et son cabinet ont consacré à cette question : ils y ont passé des jours et des nuits. Nous aurons en effet le loisir d'en reparler en séance mais je tenais en tout cas, à la suite de M. Zulesi, à saluer le Gouvernement pour son travail sur ce sujet technique – ce qui ne remet nullement en cause les propos de M. Fasquelle.
La commission adopte successivement les sous-amendements nos 1099 et 1100.
Puis elle adopte l'amendement n° 1019 ainsi sous-amendé.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 680 de Mme Laurianne Rossi et n° 1020 de M. Jean-Marc Zulesi.
L'amendement n° 680 vise à supprimer l'alinéa 6 de l'article 8 bis A pour revenir à la rédaction initiale de l'article 28 de la loi « ÉGALIM ». L'adoption de l'un de mes amendements avait permis d'interdire l'utilisation de contenants alimentaires en plastique – qu'ils soient de cuisson, de chauffe, de réchauffe ou de service – dans la restauration scolaire, d'ici à 2025 pour les collectivités de plus de 2 000 habitants, et 2028 pour les collectivités de moins de 2 000 habitants. Ce délai, qui semble raisonnable, avait d'ailleurs fait l'objet d'une concertation avec les industriels, dans un souci de pragmatisme et afin de faciliter leur adaptation à ces nouvelles normes.
Il s'agit d'une mesure forte, tant pour la santé de nos enfants que pour l'environnement, sur laquelle le Sénat a souhaité revenir en excluant les contenants de service du périmètre de cette interdiction. Il s'agirait là d'un recul majeur, compte tenu des migrations avérées de ces contenants vers les aliments. Je vous propose donc de supprimer cet alinéa, afin de revenir à la rédaction initiale et à l'esprit de la loi « ÉGALIM », telle qu'elle a été adoptée et promulguée.
Avis favorable.
J'aimerais savoir, Madame la secrétaire d'État, si les dispositions que nous nous apprêtons à voter constituent, ou non, une sur–transposition de la directive. Figurent-elles dans la directive ?
Ces dispositions ne figurent pas dans la directive : c'est un choix de société que nous faisons.
La commission adopte les amendements identiques n° 680 et n° 1020.
En conséquence, l'amendement n° 851 tombe.
La commission adopte ensuite l'article 8 bis A modifié.
Article 8 bis B (art. 83 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible) : Levée de l'interdiction de fabrication en France de pesticides destinés à être commercialisés hors Union européenne
La commission examine les amendements identiques n° 27 de M. Éric Alauzet, n° 708 de M. Dominique Potier et n° 768 de M. Jean-Marc Zulesi.
Lors de l'examen de la loi « ÉGALIM », nous avons eu de longs débats sur la question de l'éthique et de la réciprocité des échanges commerciaux. Notre discussion a essentiellement porté sur les produits alimentaires que nous importons et sur les règles sanitaires qui encadrent leur production : nous craignons en effet que les accords commerciaux conclus avec le Canada et avec le Mercosur n'introduisent en France des produits ne répondant pas aux mêmes normes de production que les nôtres – et ce sont les consommateurs les plus précaires qui risquent d'y être exposés.
Nous en sommes venus à nous interroger sur les produits que nous exportons, alors même que leur utilisation est interdite chez nous, et c'est évidemment la question des pesticides qui s'est trouvée au coeur de nos débats. Avec M. Guillaume Garot et d'autres collègues, nous avons eu l'audace de déposer un amendement qui prévoit qu'un produit ayant été interdit par les réglementations européennes pour des raisons sanitaires et environnementales ne peut pas être exporté. Nous considérons en effet que ce qui n'est pas bon pour nous n'est pas bon non plus pour les autres. Au cours de nos débats, nous avons été amenés à préciser les choses : il se peut en effet qu'un produit qui n'a pas fait l'objet d'une autorisation au niveau européen soit néanmoins utile à l'autre bout du monde, ou simplement sur l'autre rive de la Méditerranée, parce qu'il correspond à des besoins différents ou à un climat spécifique. Nous avons donc restreint l'interdiction aux produits ayant déjà fait l'objet d'une interdiction en Europe – il nous semble en effet que les raisons justifiant une telle interdiction sont universelles.
Pour être clair, nous n'excluons pas qu'un produit qui n'a pas fait l'objet d'une autorisation puisse être utile à Madagascar ; en revanche, s'il a été interdit en France, nous pensons qu'il sera également néfaste à Madagascar. Nous avons dessiné une trajectoire : j'avais proposé une interdiction à l'horizon 2020, mais M. Matthieu Orphelin et la majorité ont proposé de repousser cette date à 2023 ou 2025. Le Sénat a par ailleurs décidé de prendre en compte une question qui ne nous paraît pas négligeable : celle des salariés qui, en France, travaillent dans les usines fabriquant ces produits. Dans le processus de transition écologique, il y aura des gagnants et des perdants, et notre travail à tous, c'est de construire un monde viable, tout en tenant compte de la vie des gens qui travaillent. Pour ce faire, nous devons imaginer ce que l'on appelle un plan de conversion industrielle : nous devons renoncer à certaines productions, parce qu'elles sont nocives, et en favoriser d'autres. Et nous devons organiser les transitions de l'une à l'autre. L'amendement de M. Matthieu Orphelin me semble sage : il paraît effectivement difficile d'atteindre notre but dès 2020, mais c'est tout à fait envisageable en 2023 ou 2025.
Vous avez indiqué, Madame la présidente, que nous pouvions avoir une sorte de discussion générale sur les sujets importants.
Le sujet semble en effet important, et c'est la raison pour laquelle je ne vous ai pas interrompu.
J'avais cru remarquer un signe d'impatience de votre part… Pourtant, nous n'avons pas beaucoup parlé depuis le début de ce débat. Nous pouvons comprendre la position du Sénat, mais nous ne pouvons pas en rester là : nous devons définir une trajectoire permettant de réaliser la conversion de ces unités de production vers des produits conformes à l'intérêt général.
Je n'ai rien à ajouter à l'exposé brillant de M. Potier, si ce n'est que des parlementaires sont à votre disposition pour travailler sur cette trajectoire et ce plan de conversion.
J'émettrai un avis défavorable sur ces amendements, pour les raisons que je vais exposer.
Premièrement, comme M. Dominique Potier l'a bien montré, nous sommes ici au coeur des paradoxes de la transition écologique. Nous souhaitons tous organiser la transition écologique, pour nous, et éventuellement pour les autres et, sans vouloir nécessairement imposer nos solutions au monde entier, nous pouvons montrer l'exemple. Nous souhaitons aussi que les industries françaises deviennent les championnes de la transition écologique, et non ses victimes. En d'autres termes, nous devons organiser la transition de ces industries pour en faire les moteurs de la transition écologique. Il faut qu'elles proposent des alternatives aux modèles existants, si nous ne voulons pas que des usines ferment en France, parce que leur production peut être fabriquée ailleurs.
Il me semble important, à ce stade du débat, d'introduire la distinction suivante : voulons-nous interdire des usages ou des productions ? Lorsque vous interdisez un usage, comme cela a été le cas, par exemple, des néonicotinoïdes, qui ont progressivement été interdits en Europe au cours des dernières années, et dont l'usage a encore été restreint par la loi « ÉGALIM », vous créez un marché pour les substituts. D'une certaine manière, vous forcez l'industrie à se transformer. Vous allez peut-être, c'est un risque, sacrifier quelques emplois au passage, mais vous aurez la certitude d'avoir agi pour le bien de la planète et, si tout se passe bien, vous créerez même de nouveaux emplois dans les industries alternatives qui préparent le futur.
En revanche, si vous interdisez la fabrication en France de produits utilisés ailleurs dans le monde, vous ne ferez que détruire des emplois en France, sans avoir aucun impact sur l'environnement puisque, du jour au lendemain, ces produits seront fabriqués ailleurs. Il me semble donc essentiel, je le répète, de réfléchir à cette distinction entre interdiction d'usage et interdiction de production.
J'émettrai donc un avis défavorable sur ces amendements, en tenant également compte du fait que le Sénat a fait son travail et que nous avons désormais une connaissance plus fine qu'au moment de l'examen de la loi « ÉGALIM » des pertes d'emploi que produirait effectivement ce type d'interdiction-couperet. La secrétaire d'État, qui dispose de l'étude d'impact, devrait pouvoir vous fournir des chiffres précis sur cette question.
Dans ma circonscription, ce ne sont pas moins de quatre entreprises qui sont concernées par cette disposition : il importe donc d'en évaluer l'impact. Ces entreprises fabriquent des semences et fournissent des emplois en milieu rural. Mon département, le Lot-et-Garonne, est un département très pauvre : il importe de bien mesurer l'impact de ces dispositions pour ne pas détruire le tissu rural.
J'aimerais apporter quelques éléments de réflexion pour éclairer ce débat.
Premièrement, que va-t-il se passer si nous maintenons la rédaction du Sénat ? Dans ce cas, c'est la réglementation européenne qui s'appliquera, et je voudrais rappeler dans quel cadre. L'exportation est très encadrée par le règlement de l'Union européenne, qui poursuit le même objectif d'encadrement strict des exportations de produits chimiques dangereux. Le consentement préalable du pays importateur est exigé, après que celui-ci a été dûment informé des risques associés au produit. Je précise que dans les pays en question, qui sont des États souverains, il existe des autorités comparables aux nôtres. Des procédures existent donc, qui sont assez similaires aux autorisations de mise sur le marché pour les médicaments : ces autorités sanitaires se prononcent sur l'opportunité, ou non, d'autoriser l'utilisation de ces produits phytosanitaires. Je répète que le dispositif d'importation est très encadré et parfaitement transparent.
Vous avez souligné à juste titre, Monsieur Potier, que nous n'avons pas affaire aux mêmes ravageurs en France et à Madagascar. Des études ont montré qu'il existe un lien direct entre l'utilisation de ces produits sanitaires et l'existence même de certaines productions. En effet, puisqu'il n'existe aucune alternative à l'heure actuelle, renoncer à certains produits phytosanitaires, c'est, de fait, mettre un terme à certaines cultures. C'est très sensible dans nos outre-mer, où la loi métropolitaine s'applique : la goyave, aujourd'hui, ne peut plus être cultivée en Guyane. Nos territoires d'outre-mer peuvent certes compter sur le soutien de la métropole, mais il est certains pays qui ont vu disparaître des cultures vivrières ou d'exportation. Vous le voyez, Monsieur Potier, c'est un tableau tout en nuances, ce qui ne retire rien à la justesse de vos propos sur l'impact environnemental des produits en question, qui est bien réel.
J'en viens, deuxièmement, à l'impact de la disposition que vous proposez. Elle serait le signal d'un transfert des productions françaises vers d'autres pays. En France, ce sont 2 700 emplois qui seraient concernés, dont 1 300 chez Bayer et BASF. Or il serait très facile pour ces deux entreprises, qui ont une empreinte industrielle plus forte dans leur pays d'origine, l'Allemagne, d'y transférer des lignes de production. Vous allez nous dire que nous vous faisons toujours la même réponse, mais sachez qu'une ligne a déjà été transférée en Allemagne. Cette mesure, enfin, va-t-elle résoudre le problème de l'exportation de ces produits vers les pays en question ? La réponse est non. Les lignes de production seront transférées et les produits continueront d'être exportés. Le rapporteur général a bien expliqué que nous avons le choix entre deux options : soit créer un nouveau marché de solutions alternatives, soit faire un cadeau à nos concurrents.
Troisièmement, comment faire pour créer ce marché alternatif et pour accompagner la transition écologique ? Nous ne pouvons pas rester les bras croisés, vous avez parfaitement raison. Ce que nous proposons, c'est de réunir les fabricants de produits phytosanitaires pour leur demander des engagements précis en matière de conversion, sur la base de la discussion que nous avons aujourd'hui. Je ne crois pas que la menace d'une interdiction à plus ou moins brève échéance – 2023, 2025 ou 2028 – puisse être efficace : dans la mesure où ces entreprises ont des lignes de production dans différents pays, il leur sera aisé de les regrouper au même endroit en procédant à une extension de site.
Il me paraîtrait plus opportun de réunir ces chefs d'entreprise et de mettre dans la balance le texte en discussion, qui introduit des contraintes, et les possibilités d'accompagnement de l'innovation. Nous leur demanderons de s'engager à réaliser cette conversion industrielle et à favoriser les solutions alternatives aux produits phytosanitaires, qui n'existent pas aujourd'hui. Telle est la démarche que je vous propose : c'est celle qui me semble la mieux adaptée. Pour ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur ces amendements.
Votre argumentaire contient un certain nombre d'assertions qui ne sont absolument pas démontrées.
La première concerne le niveau de sécurité sanitaire des pays vers lesquels nous exportons nos produits. L'existence même d'un État de droit, garantissant une sécurité alimentaire à la hauteur de ce que prévoit la réglementation européenne, n'est pas une évidence. J'ai eu l'occasion au cours de la précédente législature, dans le cadre de la mission « Ecophyto », de suivre de près la question de l'industrie pharmaceutique et de voyager dans l'océan Indien, notamment à La Réunion. J'ai pu y constater la réputation de la France en matière d'agronomie et de services vétérinaires : elle a peu d'équivalents et ce peut être une fierté française. Lorsque nous interdisons un produit en France, nous le faisons parce que nous avons un État de droit qui nous protège et des agences indépendantes. Ce n'est pas le cas partout et vous le savez très bien. La sécurité sanitaire n'est pas la même partout dans le monde. Faire preuve de fraternité humaine, c'est faire en sorte que ce que nous avons découvert grâce à la force de notre État de droit et à notre science puisse profiter à d'autres, au bout du monde.
Deuxièmement, lorsque vous évoquez l'impact économique de cette mesure, vous le faites d'une manière peu détaillée et peu documentée. Si vous tenez vos données de Bayer-Monsanto, il serait bon que nous disposions d'une contre-expertise. Nous souhaiterions connaître plus précisément les effets de cette mesure sur les 2 700 salariés que vous avez évoqués. Par ailleurs, vous ne dites rien de l'impact environnemental et sanitaire de ces exportations dans le monde. Or on ne peut pas évoquer l'impact économique d'une mesure sans mesurer, dans le même temps, son impact humain et environnemental. C'est une question de justice, mais aussi d'intérêt pour nous-mêmes : le désordre que nous créons au bout du monde sur le plan sanitaire et environnemental, la souffrance humaine que nous produisons dans des populations déjà fragiles, nous les paierons un jour, du fait de l'interdépendance dans laquelle nous sommes aujourd'hui. C'est donc un mauvais choix que nous faisons pour nous-mêmes et pour les générations à venir.
Enfin, vous n'avez rien dit du potentiel de transformation de Bayer-Monsanto, des bénéfices que cette entreprise a réalisés au cours des dernières années, ni de ses efforts de recapitalisation. Je connais bien cette société. Rien ne nous dit qu'elle ne dispose pas déjà de brevets et de solutions alternatives, dont elle retarde la commercialisation dans le seul but d'amortir d'anciennes molécules que notre législation, trop laxiste, lui permet encore d'exporter. Nous faisons preuve d'un défaut éthique majeur en la matière. Cette multinationale, comme d'autres multinationales de la chimie, a les moyens de s'engager dans la transition agroécologique dès aujourd'hui. Et ce qui est vrai pour nous est vrai ailleurs : je ne supporte pas que l'on prononce de grands discours, à la manière du One Planet Summit, que l'on parle de coopération avec l'Afrique et que, dans le même temps, on continue à déverser sur ce continent des produits que l'on interdit chez nous. Comme paysan, comme citoyen, comme être humain, je ressens cela comme une profonde injustice, et vos arguments me paraissent bien misérables, face à l'enjeu que nous sommes en train d'évoquer.
Nous devons évidemment tenir compte des 2 700 salariés qui travaillent en France et leur proposer une solution, mais renoncer sur cette question, ce serait vraiment désespérant.
Ce débat est fort intéressant, et je puis comprendre aussi bien la position de M. Potier que celle de Mme la secrétaire d'État. Chacun a raison, à sa façon. Je souscris totalement aux propos de M. Potier, lorsqu'il dit que ce qui est mauvais pour nous est également mauvais pour les autres : c'est une lapalissade, et je pense effectivement que nous ne devrions pas exporter ce dont nous ne voulons pas chez nous. J'entends aussi l'argument de Mme la secrétaire d'État, qui consiste à dire que si nous n'exportons pas ces produits, ce sont d'autres pays qui le feront, par exemple nos voisins allemands. Nous nous tirerions donc une balle dans le pied, sans mettre fin aux problèmes qui se posent dans les pays importateurs.
Cela étant, je m'étonne un peu que des membres de la majorité défendent de pareils amendements le jour même où le Président de la République publie une tribune en faveur de l'Europe. En effet, la réponse au problème dont nous débattons doit nécessairement être européenne. Si nous interdisons l'exportation de ces produits depuis la France, il faut que la même interdiction s'applique en Allemagne, en Pologne, en Hongrie et dans tous les pays de l'Union européenne. C'est seulement de cette manière que nous pourrons, sinon mettre fin aux désordres décrits par M. Potier – car on peut redouter que des pays comme la Chine et l'Inde prennent le relais –, du moins les réduire fortement. Proclamer le matin, dans toute la presse nationale et régionale, qu'il faut agir à l'échelle européenne, pour avoir un tel débat ce soir, c'est insensé ! Cela signifie que la tribune de ce matin ne servait à rien. Si nous n'arrivons pas à avoir un consensus européen sur cette question, comment voulez-vous que nos concitoyens croient à l'Europe ?
L'impact environnemental des décisions que nous prenons est une question majeure, et nous ne pouvons pas nous contenter d'une vision économique des choses. On nous dit que l'adoption de ces amendements reviendrait à faire des cadeaux à nos concurrents. Pour ma part, je m'interroge sur ce type d'argument : cela revient au fond à dire qu'il y a du « pognon » à se faire sur le marché des produits nocifs et que si nous ne le prenons pas, ce sont les autres qui vont le prendre. Je ne suis pas sûr que de tels raisonnements nous amènent à prendre les bonnes décisions.
Que la transition agroécologique nécessite un accompagnement, qu'elle ait besoin d'être pensée à l'échelle de notre pays et au-delà, c'est une certitude. Nous avons besoin d'imaginer les processus qui nous permettront de changer de modèle, mais il faut sortir de l'hypocrisie, et c'est pourquoi j'ai été assez sensible aux arguments développés par Dominique Potier.
Je souhaiterais exposer la position du groupe UDI, Agir et Indépendants sur ce sujet. Je suis assez d'accord avec les propos qu'ont tenus Mme la secrétaire d'État, ainsi que nos collègues des groupes La République en Marche et Les Républicains : nous ne pourrons pas nous en sortir tant qu'il n'y aura pas une interdiction de ces productions au niveau européen. Il serait dommage de se tirer une balle dans le pied, de mettre en danger les emplois qui existent en France dans ce secteur et de se cacher les yeux, alors que c'est l'Allemagne qui va fabriquer ces produits à notre place.
Je trouve assez choquant que l'on fabrique en France des produits qu'on n'autorise pas en Europe, mais je trouve tout aussi choquant qu'on importe en Europe et en France des produits que nous n'avons plus le droit de produire. Il faut une réciprocité !
Il me semble important de maintenir la rédaction qui a été adoptée au Sénat. Je lis que le Gouvernement avait donné un autre avis au Sénat : j'ignore pourquoi votre position a évolué, Madame la secrétaire d'État, mais je m'en réjouis.
Monsieur Boucard, j'espère que vous avez lu la tribune dont vous parlez : elle témoigne en effet d'une réelle ambition de traiter ce type de question au niveau européen. Vous voyez des dissensions dans la majorité que, pour ma part, je ne vois pas. Il peut y avoir des divergences sur le calendrier, mais il y a un accord unanime, qui va même au-delà des bancs de la majorité, pour dire que ces sujets ne peuvent être traités de manière efficace qu'au niveau européen. C'est de cette manière que nous parviendrons à la fois à préserver le monde et à favoriser le développement de l'industrie française. Sans une action au niveau européen, les usines qui fabriquent aujourd'hui ces produits en France n'auront qu'à traverser le Rhin, et cette mesure n'aura aucun impact sur l'environnement : le Ghana, le Cameroun et tous les pays qui importent ces produits continueront de le faire. Nous pouvons le regretter, mais c'est ainsi.
Créons une autorité sanitaire européenne capable de contrôler, au-delà des frontières européennes, les produits qui arrivent dans nos assiettes, pour que nous cessions d'importer des horreurs. Et, ensuite, travaillons ensemble pour arrêter d'exporter les nôtres. Mais, pour l'heure, ce n'est pas possible. M. Potier nous appelle à montrer l'exemple, mais cela ne reviendrait, aujourd'hui qu'à détruire des emplois, sans le moindre impact environnemental.
Les pays qui importent ces produits continueront à le faire, même si nous adoptons votre amendement : rien ne changera. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille rien faire, et j'attends que les industriels qui fabriquent ces produits en France nous montrent qu'ils sont capables d'inventer les produits de l'avenir. Mais je répète que votre amendement n'aurait aucun impact environnemental.
Le rapporteur général a parfaitement exposé la position qui est celle de notre groupe. Nous devons trouver un équilibre sur ce sujet, car on ne peut ignorer les conséquences sur l'emploi que la suppression de cet article ne manquerait pas d'avoir, ni les dégâts que causent ces produits dans les pays qui les importent.
Il n'est pas question, Monsieur Dharréville, de se faire « un pognon de dingue », mais bien de prendre en considération tous les aspects de la question. Comme Mme la secrétaire d'État l'a rappelé, depuis l'adoption de la loi « ÉGALIM » la production de certains produits est interdite en France. Voulons-nous nous borner à jeter une goutte d'eau dans un océan, ou voulons-nous que ce problème soit traité à l'échelle européenne ? Nous pensons que c'est à ce niveau que des solutions doivent être trouvées.
Je veux faire part de ma profonde tristesse, car deux scénarios politiques sont possibles dans le monde actuel.
Le premier consiste à considérer que nous sommes condamnés à l'impuissance publique puisque les multinationales peuvent se déplacer, passer des frontières, traverser le Rhin et fabriquer ces produits ailleurs, et que, par conséquent, tant qu'une directive européenne ne sera pas adoptée, c'est-à-dire jamais, faute d'unanimité, rien ne changera vraiment. C'est le scénario catastrophe qui détruit notre planète et qui détruit des vies.
Mais une autre histoire peut être racontée ; celle du courage des États nations, qui ouvrent des voies et entraînent l'Europe dans la lutte contre l'esclavage ou dans la vigilance à l'égard des multinationales.
Vous souriez, Madame la secrétaire d'État, mais, il y a quinze jours, j'ai été invité à Berlin par la coalition CDU-SPD, avec un secrétaire d'État membre de la CSU et un ministre du travail membre du SPD, à un colloque sur la façon de transformer la loi sur le devoir de vigilance en directive européenne.
C'est cette histoire politique qui m'intéresse ; le courage de la société civile, d'un parlement, d'un gouvernement qui adoptent une loi et se battent pour qu'elle s'impose en Europe et fasse le tour du monde. C'est une histoire dans laquelle la politique est souveraine et accomplit son travail d'humanisation, et non la règle des multinationales et de l'impuissance publique que vous acceptez en renonçant aujourd'hui.
Je suis extrêmement déçu par l'absence de réaction de la majorité sur une question aussi sensible, que nous avions abordée avec une certaine fierté lors de l'adoption de la loi « ÉGALIM ». Je souhaite que, dans la perspective du débat en séance, nous n'en restions pas là.
Je soutiens l'idée que la puissance publique doit reprendre prise sur les événements, sa faiblesse pouvant d'ailleurs faire comprendre les raisons de la crise politique profonde que nous connaissons. Il ne faut pas opposer les niveaux d'intervention ; les décisions que nous sommes susceptibles d'adopter à l'échelle de notre pays peuvent faire levier à l'échelle européenne. Les deux dimensions doivent être articulées. Adopter une posture très offensive peut contribuer à cette articulation et nous éviter d'attendre que les choses se passent ailleurs.
Je conteste que nous ne soyons pas offensifs dans le domaine de la transition écologique. Nous venons d'évoquer le sujet du plastique : en dix-huit mois, nous avons fait des pas de géant, et ce au niveau de l'Union européenne. Nous ne restons pas les bras croisés en regardant les choses se passer ; ce n'est ni l'attitude de ce gouvernement ni celle de cette majorité.
Par ailleurs, nous devons nous garder d'une conception faussée des pays qui interdisent ces produits phytosanitaires : vous savez que nous les exportons au Canada et aux États-Unis, pays qui ont les moyens de mûrir leur décision d'importation ou de non-importation. Peut-être direz-vous qu'ils sont dans les mains des lobbies, mais nous exportons bien ces produits chez eux, et non pas uniquement dans des pays dictatoriaux, pauvres, dénués d'autorités sanitaires et incapables de résister aux grands groupes de pression. Nous pouvons donc faire preuve d'un peu d'humilité à ce sujet.
Je rappelle en outre que nous parlons de 2 700 emplois. Il m'arrive d'aller dans des usines et de me trouver en face de gens en train de perdre leur emploi après des restructurations ; ce ne sont pas les situations que je vis le mieux. On peut donc aussi opposer une certaine forme d'humanité à une autre. Et, sur ces sujets aussi, nous menons tous les jours le combat au niveau de l'Union européenne.
L'effet de levier a été évoqué. Notre pays représente 4 % de la production mondiale ; allons-nous changer les choses sur la base d'une telle proportion ? Non. Vous avez raison, c'est donc au niveau de l'Union européenne qu'il est possible de le faire. On évalue à 72 % outre-mer, où il n'y a pas d'alternative, la part des usages dits « orphelins ». Lorsque certains produits phytosanitaires ne sont pas disponibles, il est fait appel à d'autres produits non homologués, qui n'apportent aucune garantie, alors que nous pouvons exporter des produits phytosanitaires en fournissant tous les résultats de nos analyses et de notre savoir, ce que permet, vous l'avez souligné, la qualité de notre agence environnementale. Nous ne faisons donc pas n'importe quoi ; nous agissons en toute transparence.
Pour revenir à la question de l'emploi, je citerai le site d'Action Pin à Castets, qui emploie 108 personnes, celui d'Arysta à Noguères, qui en emploie 100, celui de BASF Agri-Production à Gravelines, qui en emploie 187, celui de Genay qui en emploie 134, celui de Saint-Aubin-lès-Elbeuf qui en emploie 250, et je pourrais continuer mon énumération, dix-neuf sites étant concernés.
Encore faut-il avoir un marché. Ces exportations et l'argent qu'elles procurent peuvent permettre le financement de la recherche-développement. Là est sans doute, en effet, le vrai sujet ; comment opérer la transition s'il n'y a plus personne dans les territoires ? Où seront les unités de recherche nécessaires ? La transition suppose que l'on réduise une production pour en augmenter une autre !
Merci pour votre intervention, Madame la secrétaire d'État. Je ne doute pas que nous consacrerons le temps nécessaire à cette question lors du débat en séance, et je souhaite que nous conservions à l'esprit la détermination farouche dont vous avez fait preuve pour mettre sous tension la filière industrielle phytosanitaire.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 8 bis B sans modification.
Article 8 bis (art. L. 3122-3, L. 3122-4 et L. 3122-15-1 [nouveau] du code de commerce) : Travail en soirée dans les commerces alimentaires
La commission examine l'amendement n° 636 de M. Emmanuel Maquet.
Cet amendement propose d'assouplir le dispositif en supprimant l'exigence d'une « nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale », souvent invoquée par le juge pour interdire le recours au travail en soirée.
Notre intention est claire, elle a été affirmée en première lecture ; il n'est pas question d'assouplir les conditions générales du travail de nuit. En revanche, d'autres amendements seront présentés, qui encadrent cette pratique sur la base d'accords passés entre les partenaires sociaux afin de sécuriser les situations existantes, notamment pour les magasins d'alimentation. Avis défavorable.
Avis défavorable également. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur le caractère exceptionnel du travail de nuit, ni sur le régime protecteur qui l'encadre.
Le travail de nuit, vous le savez, n'est pas sans risque. Ses effets négatifs sur la santé et les conditions de vie des salariés sont connus ; les études épidémiologiques sont nombreuses et montrent l'impact négatif sur la santé des salariés exposés longuement à cette forme de travail. Il appartient donc aux partenaires sociaux de négocier le recours au travail de nuit dans le cadre fixé par le législateur, qui a privilégié un recours limité et dérogatoire, de manière à ne pas banaliser ce type d'aménagement du temps de travail.
Je n'allais pas jusque-là, Madame la secrétaire d'État ! J'ai bien pris la précaution de rappeler que je laissais dans le texte l'impératif de protection de la santé et la sécurité des travailleurs. C'est simplement la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique qui est à l'origine d'une jurisprudence que l'on pourrait sans doute assouplir.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement n° 571 de Mme Fadila Khattabi.
La disposition adoptée en première lecture au Sénat à l'article 8 bis a pour objectif de sécuriser le recours au travail en soirée au sein des commerces alimentaires.
Mon amendement vise à étendre cette mesure au secteur des médias et des loisirs. Il fait suite au rapport d'évaluation de la loi « Macron » remis au mois de septembre dernier. Au-delà des commerces alimentaires, il semble opportun de pallier l'insécurité juridique, pour les commerces du secteur des médias et des loisirs, en permettant aux partenaires sociaux de négocier les conditions d'ouverture en soirée, assorties des garanties et compensations nécessaires.
Avis défavorable : nous ne souhaitons pas élargir le travail en soirée à d'autres secteurs.
Même avis.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 90 de M. Daniel Fasquelle, n° 178 de Mme Véronique Louwagie et n° 632 de M. Benoit Potterie.
Notre amendement concerne l'ouverture des commerces alimentaires en soirée, bien commode pour ceux qui ont besoin de faire leurs courses après leur journée de travail. Nous proposons de sécuriser les 42 000 emplois en cause ainsi que les accords collectifs déjà négociés dans ces entreprises, en garantissant les contreparties concédées aux salariés et en assurant l'égalité de traitement entre les commerces concernés.
Cet article va dans le bon sens dans la mesure où il sécurise le recours au travail en soirée tout en prévoyant des contreparties pour les salariés. Par cet amendement, nous proposons d'aller plus loin en rendant d'ordre public l'obligation de négocier un accord collectif, de sorte qu'il soit impossible d'y déroger.
Avis favorable également. Il nous parait en effet indispensable d'inscrire dans l'ordre public l'obligation de négocier un accord collectif pour bénéficier de dérogations permettant l'ouverture en soirée.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l'article 8 bis modifié.
Article 8 ter (art. L. 3132-25-5 du code du travail) : Ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche après-midi dans les zones commerciales et les zones touristiques
La commission examine les amendements de suppression identiques n° 988 du Gouvernement, n° 83 de M. Daniel Fasquelle et n° 215 de Mme Véronique Louwagie.
Nous ne souhaitons pas rouvrir le débat sur le travail dominical dans le cadre de ce projet de loi, pour y travailler à la lumière des éléments du rapport d'évaluation de la loi « Macron » portant sur les zones touristiques internationales (ZTI).
Toutefois, dans la mesure où le travail des parlementaires sur ce sujet a précédé celui du Gouvernement, je retire notre amendement de suppression de l'article au profit des deux autres, qui sont identiques.
Nous proposons en effet de supprimer l'article 8 ter, qui prévoit l'autorisation d'ouverture des commerces alimentaires de détail le dimanche après-midi dans les zones commerciales et les zones touristiques.
En effet, la clientèle risquerait d'être déstabilisée, car l'ouverture de ces commerces le dimanche après-midi conduirait à un report de la clientèle toute la journée en périphérie. Ce qui ne constituerait en rien un levier pour la revitalisation des centres-villes.
Pour avoir été membre de la mission d'évaluation de la loi « Macron », j'approuve Mme la secrétaire d'État, car nous avions aussi souhaité nous donner le temps de la réflexion sur l'ouverture des commerces le dimanche.
J'ai été l'un des rares à m'opposer au travail le dimanche, qui a été la honte de l'ancienne majorité, car nous avons perdu à la fois sur le plan économique, sur le plan écologique et sur le plan civilisationnel. Pour toutes ces raisons, je me battrai donc toujours contre le travail le dimanche.
Je croyais avoir compris que le ministre ne souhaitait pas que l'on rouvre le débat dans le cadre du projet de loi dont nous discutons, et la majorité non plus. Est-il bien entendu que le sujet ne sera pas réintroduit en séance publique ?
Nous avons tous bien compris la même chose, et les députés de la majorité ne souhaitent pas que le débat soit rouvert avant que les conclusions de l'évaluation de la loi « Macron » aient été complètement expertisées.
L'amendement n° 988 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques n° 83 et n° 215.
L'article 8 ter est ainsi supprimé.
Article 8 quater (art. L. 3132-29 du code du travail) : Avis conforme du maire sur la fermeture au public, par le préfet, de certains commerces le dimanche
La commission examine les amendements de suppression identiques n° 989 du Gouvernement, n° 84 de M. Daniel Fasquelle, n° 184 de Mme Véronique Louwagie et n° 643 de M. Benoit Potterie.
Je retire également, pour les mêmes raisons que précédemment, l'amendement de suppression déposé par le Gouvernement, et soutiens ceux, identiques, qui ont été déposés.
Nous considérons que l'avis du maire n'a pas sa place dans l'appréciation consécutive à la négociation entre syndicats d'employeurs et de salariés d'un secteur d'une zone géographique, et ce d'autant moins que cette zone excède en général le périmètre de la commune et de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
C'est le troisième avis favorable à un amendement que nous avons déposé. C'est donc avec une certaine émotion que je défends cet amendement ; c'est une série absolument incroyable ! (Sourires.)
Comme le dit Mme la secrétaire d'État, le maintien des arrêtés préfectoraux de fermeture hebdomadaire est d'autant plus nécessaire qu'ils permettront d'éviter la disparition de boulangeries artisanales dans une période où la revitalisation des centres-villes et centres bourgs constitue une priorité.
Nous proposons de supprimer l'article 8 quater introduit par le Sénat, qui porte sur les arrêtés préfectoraux de fermeture hebdomadaire.
Cet article, qui confère au maire un pouvoir de veto dans la procédure de l'arrêté préfectoral, part certes d'une bonne intention, car il est vrai que l'on voit ici et là des arrêtés obsolètes, déconnectés de la réalité du terrain, mais il propose une mauvaise solution, car les arrêtés préfectoraux sont pris sur la base d'accords entre organisations syndicales de salariés et organisations d'employeurs, qu'il n'est pas pertinent de laisser remettre en cause par une tierce partie.
L'amendement n° 989 est retiré.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte les amendements identiques n° 84, n° 184 et n° 643.
L'article 8 quater est ainsi supprimé.
Article 8 quinquies (art. L. 3132-29-1 [nouveau] du code du travail) : Conclusions d'accord dans les territoires pour encadrer les fermetures de commerce le dimanche en fonction des surfaces de vente
La commission est saisie des amendements de suppression identiques n° 990 du Gouvernement, n° 85 de M. Daniel Fasquelle, n° 180 de Mme Véronique Louwagie, n° 637 de M. Emmanuel Maquet et n° 649 de M. Benoit Potterie.
C'est un grand jour, puisque je vais également retirer l'amendement n° 990 au profit des suivants qui sont identiques.
Si j'entends bien, pour obtenir un avis favorable, il faut proposer la suppression d'une mesure nouvelle introduite par le Sénat ! (Sourires.)
Il est en effet essentiel que tous les acteurs ayant une activité de vente ou de revente de produits de la même catégorie respectent le dispositif des arrêtés préfectoraux, afin que soit assuré un juste équilibre commercial permettant la coexistence de toutes les formes de commerce.
L'amendement n° 990 est retiré.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte les amendements identiques n °85, n° 180, n° 637 et n° 649.
L'article 8 quinquies est ainsi supprimé.
Article 9 (art. L. 136 228-19, L. 221-19, L. 223-11, L. 223-35, L. 225-7, L. 225-16, L. 225-26, L. 2253-5, L. 225-40, L. 225-73, L. 225-88, L. 225-100, L. 225-115, L. 225-138, L. 225-177, L. 225-204, L. 255-209-2, L. 225-231, L. 225-235, L. 226-9, L. 226-10-1, L. 227-9-1, , L. 232-3, L. 232-19, L. 232-23, L. 823-2-1 [nouveau], L. 823-2-2 [nouveau], L. 823-12-1 et L. 823-20 du code de commerce) : Relèvement des seuils de certification légale des comptes
La commission se saisit des amendements identiques n° 64 de Mme Emmanuelle Anthoine, n° 93 de M. Daniel Fasquelle, n° 189 de M. Ian Boucard, n° 283 de Mme Émilie Bonnivard, et n° 709 de M. Dominique Potier.
L'amendement de Mme Anthoine tend à supprimer l'article 9.
Je souhaite rappeler quelques éléments qui concernent les commissaires aux comptes, et notamment leur rôle qui est multiple.
Il s'agit d'abord de leurs interventions en matière de prévention des difficultés des entreprises, interventions qui contribuent à mettre en oeuvre la procédure d'alerte évitant par là des situations de redressement judiciaire, de cessation de paiement et de liquidation d'entreprise.
Le deuxième rôle, qui nous est cher à tous, concerne leur intervention dans la lutte contre la fraude fiscale, car la présence de commissaires aux comptes évite probablement des tentatives de fraude.
Par ailleurs, leurs actions en matière de sécurité de sécurité financière au regard de la régularité des comptes et de leur appréciation sont très importantes.
J'entends les arguments en faveur de l'harmonisation des seuils, car l'existence de seuils différents selon la nature des sociétés n'est pas forcément justifiée, mais dispenser un grand nombre de sociétés de l'obligation de recourir à un commissaire aux comptes risque de mettre en difficulté tout un modèle économique. Je pense notamment au cas des groupes de société, pour lesquels de vraies questions se posent : on sait bien que c'est moins dans les sociétés mères que dans les filiales qu'on rencontre des problèmes, voire des turpitudes, et que l'intervention d'un commissaire aux comptes est donc nécessaire.
Le sujet est donc d'importance, d'autant qu'il faut aussi songer à l'impact sur les cabinets comptables, qui risquent de disparaître des territoires ruraux.
En complément de ce que vient de dire notre collègue, j'ajouterai que les commissaires aux comptes ont une fonction utile : c'est grâce à leur efficacité qu'il y a, somme toute, peu de réévaluations fiscales, car leur rôle de prévention joue à plein.
Certains pays comme le Danemark, qui avaient relevé le seuil d'obligation de recours à un commissaire aux comptes, envisagent d'ailleurs de faire machine arrière, car des erreurs et des irrégularités ont réapparu.
N'oublions pas, enfin, que 3 500 emplois sont concernés, et que ce sont les petites structures françaises qui risquent d'être déstabilisées au profit des grands cabinets affiliés à de grands groupes étrangers.
En première lecture, le Gouvernement m'avait répondu qu'il allait se renseigner, notamment sur l'exemple du Danemark cité par M. Daniel Fasquelle, afin de savoir pourquoi ce pays souhaitait revenir aux seuils antérieurs. Mme la secrétaire d'État dispose-t-elle d'éléments nouveaux à ce sujet ?
J'ai parfaitement entendu, tout à l'heure, l'argument de l'emploi dans l'industrie des phytosanitaires, mais il me paraît valoir aussi pour l'activité de commissaire aux comptes. Je ne dispose pas de la liste intégrale des cabinets concernés, mais je souhaiterais savoir quelle réponse le Gouvernement pourrait nous apporter à ce sujet.
Certains pays qui avaient abaissé les seuils les relèvent à cause du danger d'érosion de la base fiscale.
Voici un siècle environ que l'activité de commissaire aux comptes a été inventée sous sa forme moderne. Le commissaire aux comptes est un tiers de confiance, qui rend les discussions commerciales plus loyales, ce qui a favorisé le développement du commerce en permettant à chacun de savoir ce qu'il achetait.
Cette institution, d'abord vécue comme une contrainte par les acteurs économiques les plus conservateurs, est finalement apparue comme un accélérateur de croissance, grâce au contrat de loyauté. Et l'on voudrait revenir sur ces seuils ! Je crois au contraire qu'on devrait considérer, au XXIe siècle, que le commissaire aux comptes est le gardien non seulement de la bonne comptabilité au sens financier, mais aussi de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise, à laquelle il devrait d'ailleurs consacrer un feuillet supplémentaire.
Une bonne économie a besoin d'un tiers de confiance. Que vaudraient tous vos grands discours si nous baissions la garde sur des choses aussi fondamentales que le commissaire aux comptes, qui existe depuis plus d'un siècle dans notre pays ? Je vous le dis aussi sincèrement que je le pense : je n'y croirais plus !
Il ne me paraît pas inutile de rappeler, dans le cadre de cette nouvelle lecture, les raisons pour lesquelles nous avons proposé une réforme des commissaires aux comptes.
Je commencerai par souligner que les seuils de nomination obligatoire d'un commissaire aux comptes prévus par le projet de loi n'ont pas été fixés de manière aléatoire : ils correspondent aux seuils européens de référence en la matière. Si, comme vous le dites, deux États européens s'interrogent actuellement sur l'opportunité de revoir à la baisse les seuils mis en place, il ne faut pas oublier que pour une quinzaine d'autres États, ces seuils ne posent aucun problème – l'Allemagne retient même un seuil de 12 millions d'euros de chiffre d'affaires au lieu du seuil européen fixé à 8 millions d'euros.
Certains pays pourront estimer que les seuils européens ne sont pas adaptés à leur situation, qui nécessite des contrôles plus importants qu'ailleurs – je pense notamment à l'Italie, où l'économie souterraine représente une part non négligeable du produit intérieur brut (PIB). Cela dit, les études réalisées il y a quelques mois ont montré qu'il n'y avait pas de différence significative, en termes de qualité de la liasse fiscale, entre les entreprises faisant appel à un commissaire aux comptes et les autres. Contrairement à ce qu'implique votre raisonnement, chers collègues, la fraude fiscale n'est donc pas plus répandue au sein des entreprises où n'intervient pas un commissaire aux comptes, ce qui s'explique notamment par le fait que la très grande majorité d'entre elles font appel à des experts-comptables avec lesquels elles travaillent au quotidien, et qui permettent de garantir que leur comptabilité est régulière et sincère.
Comme nombre d'entre vous, il m'est arrivé de présider le conseil d'administration de sociétés – souvent des sociétés d'économie mixte – faisant appel à des commissaires aux comptes. Sans remettre en cause la qualité du travail effectué par ces professionnels, j'avoue que je me suis toujours interrogé sur la réalité de la valeur ajoutée de leur intervention par rapport à celle des experts-comptables : si ces sociétés faisaient appel à des commissaires aux comptes parce que la loi leur en faisait obligation, force est de reconnaître que leur intervention n'était pas franchement transcendante…
La réforme que nous avons souhaité engager a été entreprise à l'issue d'un débat de qualité avec la profession, un débat parfois passionné – ce qui est bien normal – et ayant permis de mettre en place, notamment sur la base du rapport de M. Patrick de Cambourg, toute une série d'aménagements et de propositions intelligentes de nature à permettre aux commissaires aux comptes de développer de nouvelles activités rémunérées relatives à la vie des entreprises et aux relations inter-entreprises, plus proches des attentes de celles-ci. Je pense notamment à l'établissement d'attestations sur les délais de paiement, sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et sur de nombreux autres sujets relevant de la nécessité d'avoir des relations de confiance dans l'économie, évoquée tout à l'heure par M. Potier : sur ces sujets-là, l'intervention du commissaire aux comptes peut représenter une réelle valeur ajoutée.
J'insiste sur le fait que la réforme proposée n'a pas pour objet de remettre en cause l'utilité des commissaires aux comptes, nécessaires au bon fonctionnement économique du pays, mais simplement de réorienter leurs attributions et de leur fournir certaines garanties et protections – je pense notamment à la possibilité pour les commissaires aux comptes diplômés de pouvoir s'inscrire au tableau des experts-comptables.
Pour toutes ces raisons, je suis tout à fait défavorable aux amendements de suppression de l'article 9.
Comme l'a dit M. le rapporteur, on compte actuellement quinze pays de l'Union européenne, et non des moindres, qui se sont alignés sur les seuils européens. Certains ont même retenu des seuils plus élevés : il s'agit notamment de l'Allemagne, de l'Autriche, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, dont chacun conviendra qu'il ne s'agit pas de petits pays sur le plan économique et commercial.
Je rappelle que le coût d'un audit est, en moyenne, de l'ordre de 5 500 euros pour une entreprise se situant en dessous des seuils européens, et que ce coût vient se cumuler à celui de l'expert-comptable, alors que les deux professionnels effectuent un travail assez similaire au sein des petites entreprises, dont la comptabilité ne présente pas un degré de complexité extrême. Si la présence d'un commissaire aux comptes s'impose au sein des grandes entreprises, notamment celles constituées de différentes entités – une organisation impliquant une interprétation des normes comptables internationales que sont les International Financial Reporting Standards (IFRS) –, au sein des petites unités, le commissaire aux comptes et l'expert-comptable ont tendance à se marcher mutuellement sur les pieds du fait que leurs attributions sont similaires. Globalement, la suppression de l'obligation de faire auditer les comptes représente une économie de près de 700 millions d'euros pour les PME, ce qui n'est pas rien.
Pour ce qui est de l'emploi – une question qui n'est effectivement pas négligeable –, si je ne suis pas en mesure de vous indiquer quelle pourrait être l'incidence de la réforme cabinet par cabinet, ni même ville par ville, je veux rappeler les mesures d'accompagnement prévues par le projet de loi en faveur des professions de commissaire aux comptes et d'expert-comptable, souvent similaires. Comme vous le savez, nous avons créé une mission d'audit simplifié pour les petites entreprises et une mission d'audit pour les petits groupes ; nous avons instauré une passerelle offrant la possibilité aux titulaires d'un certificat d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes de s'inscrire à l'ordre des experts-comptables ; certaines mesures permettent le développement de l'expertise comptable et la reconnaissance du statut de l'expert-comptable en entreprise – un statut déjà très apprécié sur le terrain ; nous avons prévu la possibilité de facturer des honoraires liés au succès des missions réalisées – une grande nouveauté –, la possibilité pour les experts-comptables de gérer les créances et les paiements de dettes pour le compte de leurs clients, ainsi que la reconnaissance d'un mandat implicite d'intervention auprès de l'administration fiscale pour y réaliser des démarches de routine.
Si nous souhaitons alléger une partie du mandat actuel des commissaires aux comptes, nous proposons donc également de leur confier des missions susceptibles d'offrir une plus grande valeur ajoutée et d'équilibrer leur charge de travail, permettant ainsi aux petits et aux grands cabinets présents sur le territoire de poursuivre leur activité.
Je veux insister sur le fait que ce projet de loi n'a jamais eu pour objet de remettre en cause l'utilité des commissaires aux comptes au sein des entreprises, auxquelles ils peuvent apporter beaucoup. Cela dit, au sein des PME et des TPE, la mission des commissaires aux comptes est souvent moins bien comprise, et pourrait tirer avantage des aménagements proposés par M. Patrick de Cambourg dans son rapport sur l'avenir de la profession : une modernisation de cette mission pourrait en effet la rendre plus proche des intervenants opérationnels de l'entreprise et surtout du chef d'entreprise lui-même – alors qu'à l'heure actuelle, le rapport d'un commissaire aux comptes est surtout utile aux actionnaires.
Ainsi modifiée, la mission du commissaire aux comptes s'apparenterait davantage à celle d'un tiers de confiance répondant plus directement aux besoins du chef d'entreprise. Toutes les compétences du professionnel qu'est le commissaire aux comptes se trouveraient ainsi mises en valeur et diversifiées. Dans le domaine de la cybersécurité, par exemple, nous sommes persuadés que les commissaires aux comptes ont énormément à apporter en faisant appel à des techniques d'audit n'ayant plus à faire leurs preuves.
Le projet de loi a pour objet de simplifier le cadre de l'intervention des commissaires aux comptes en harmonisant les seuils et en les rapprochant de ceux appliqués dans les autres pays européens. Si l'on se réfère à l'Autriche, dotée d'un tissu d'entreprises comparable à celui de la France, il est permis de penser que cette simplification permettra d'obtenir les résultats qu'on en attend. Quant aux risques évoqués par certains au sujet de l'avenir de la profession, je dirai que les évolutions prévues par la réforme doivent permettre aux commissaires aux comptes de faire évoluer leurs pratiques : il ne s'agit pas de les éloigner des petites entreprises, mais de leur permettre de proposer une nouvelle offre.
Comme en première lecture, je suis un peu troublé par cet article 9. Monsieur le rapporteur, vous avez fait une présentation un peu caricaturale de la mission des commissaires aux comptes, qui ont vu, depuis plusieurs années, leur rôle évoluer pour devenir celui d'un véritable tiers de confiance – je connais suffisamment bien cette profession pour en témoigner.
Le métier de commissaire aux comptes est bien distinct de celui d'expert-comptable : le premier a en effet une mission en matière de contrôle des comptes, mais également dans le domaine fiscal et juridique, où son rôle consiste à sécuriser l'entreprise. Si je peux comprendre la logique sur laquelle repose le principe des seuils et s'il est effectivement permis de s'interroger sur l'utilité de faire intervenir un commissaire aux comptes auprès d'une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ou d'une société par actions simplifiée (SAS) comprenant peu d'associés, je ne suis pas certain que l'application de cette réforme se traduise systématiquement par une amélioration, et nous allons devoir nous intéresser de près au devenir des entreprises sans commissaire aux comptes.
En tout état de cause, pour favoriser l'investissement dans les entreprises par des actionnaires minoritaires, il faudra bien qu'il y ait un contrôle de ces entreprises, c'est pourquoi le groupe Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM) est un peu réservé vis-à-vis de à la réforme prévue par l'article 9.
Pour ce qui est des groupes de sociétés, le rôle de tiers de confiance joué par le commissaire aux comptes revêt une importance particulière – je pense en particulier au contrôle des relations entre la société mère et ses filiales – et nous devons faire preuve de vigilance sur ce point.
Il est évident que la réforme proposée va avoir un impact important sur les cabinets de commissaires aux comptes, qui vont perdre une partie des mandats qui leur sont actuellement confiés. Il nous avait été dit que les mandats en cours seraient maintenus jusqu'à leur terme – ainsi, un commissaire aux comptes nommé en 2018 exercerait son mandat jusqu'en 2024 –, mais il serait bon que le Gouvernement confirme ce point afin de permettre aux cabinets de commissaires aux comptes de s'adapter en conséquence.
Enfin, les mesures d'accompagnement proposées – qui ont, certes, le mérite d'exister – donnent l'impression d'avoir été bricolées à la va-vite et ne semblent pas devoir être d'une grande efficacité.
Pour conclure, je dirai qu'il me paraît dommage de priver les entreprises de l'existence d'un commissaire aux comptes jouant le rôle de tiers de confiance, alors que cette fonction n'a rien d'accessoire dans le monde des affaires d'aujourd'hui. Je suis mal à l'aise avec la mesure proposée, et il me semble que nous devrions nous montrer très prudents avant de modifier les conditions d'intervention des commissaires aux comptes.
La commission rejette les amendements.
Mes chers collègues, depuis le début de nos travaux, nous avons examiné 257 amendements, ce qui représente une moyenne d'environ 42 amendements à l'heure : c'est grâce à vous, qui respectez les règles relatives aux prises de parole, et je vous en remercie.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 5 mars 2019 à 21 h 30
Présents. - M. Patrice Anato, M. Jean-Noël Barrot, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, M. Anthony Cellier, M. Philippe Chassaing, M. Charles de Courson, M. Vincent Descoeur, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, M. Daniel Fasquelle, Mme Olga Givernet, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Régis Juanico, Mme Fadila Khattabi, M. Mohamed Laqhila, Mme Laure de La Raudière, M. Michel Lauzzana, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Jean-Claude Leclabart, M. Roland Lescure, M. Emmanuel Maquet, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, Mme Graziella Melchior, Mme Patricia Mirallès, Mme Cendra Motin, Mme Valérie Oppelt, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. Jacques Savatier, M. Denis Sommer, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Valéria Faure-Muntian, M. Éric Girardin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas
Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Hervé Berville, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Jean-Louis Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Sébastien Cazenove, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Louis Masson, M. Benoit Potterie