La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement no 120 portant article additionnel après l'article 1er.
Rappel au règlement
Mon rappel se fonde sur l'article 50 du règlement.
J'appelle votre attention sur le fait que nous sommes peu nombreux dans l'hémicycle. Beaucoup de députés ont été obligés de repartir dans leur circonscription bien plus tôt que prévu pour ne pas être gênés ou bloqués par les grèves. S'agissant d'un texte aussi important, qui concerne les agriculteurs, il est dommage que de nombreux députés de circonscriptions éloignées, rurales ou non, ne pourront pas défendre leurs amendements cet après-midi parce qu'ils seront déjà partis ou devront partir plus tôt – ce qui est mon cas. Je devais défendre de nombreux amendements à propos de la concurrence déloyale, de la commercialisation des produits de la pêche électrique ou encore de l'abattage, mais je ne pourrai pas le faire. Je regrette que cette proposition de loi, portant sur un sujet aussi important que l'agriculture, soit débattue par une majorité de députés élus probablement dans des circonscriptions proches de Paris.
Madame Ménard, vous aurez noté que la Conférence des présidents a déjà adapté l'ordre du jour de nos travaux en fonction du mouvement de grève que vous évoquez.
Si vous le permettez, je soutiendrai également les amendements nos 123 et 124 , à condition que vous me laissiez déborder si je dépasse les deux minutes.
Je veux tout d'abord saluer la présence cet après-midi de M. le ministre venu participer à nos échanges de façon très constructive.
L'amendement no 120 est le fruit d'un hold-up que j'ai commis en m'emparant d'un amendement présenté en commission par mon collègue Thierry Benoit. Une semaine avant la discussion d'un projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage, j'avais peur que cet amendement soit lui-même gaspillé ! Je l'ai donc recyclé en m'efforçant de l'améliorer grâce à certaines précisions qui m'ont semblé lui manquer.
L'amendement porte sur l'article L. 121-4 du code de la consommation, qui établit la liste des pratiques commerciales réputées trompeuses. Nous souhaitons ajouter à cette liste le fait, pour un professionnel, d'afficher un certificat, un label de qualité ou une mention « transformé en France », « élaboré en France », « fabriqué en France » ou un équivalent, accompagnés ou non du symbole du drapeau français, pour des produits alimentaires fabriqués à partir de matières premières d'origine étrangère.
Nous voyons bien, dans notre consommation courante, qu'énormément de produits empaquetés affichent les mentions « transformé en France », « élaboré en France » ou « fabriqué en France » alors qu'ils sont conçus, parfois en totalité, à partir d'importations. Prenons le cas des légumes surgelés : un symbole de potager ou la mention « légumes de notre jardin » peuvent figurer sur l'emballage, alors que ces produits sont importés, notamment d'Asie ou d'Amérique du Sud. Il faudrait donc ajouter, à la liste des pratiques trompeuses définies dans le code de la consommation, ces allégations présentes sur de nombreux produits.
Les deux autres amendements visent à nuancer le premier. Avec l'amendement no 123 , nous proposons ainsi que le caractère trompeur s'applique à des produits dont la composition ne contient pas un taux minimum de 80 % de produits agricoles d'origine française. Quant à l'amendement no 124 , il vise à définir par décret le seuil minimum de produits agricoles d'origine française en dessous duquel les allégations, qu'on peut qualifier aujourd'hui de mensongères, sont jugées trompeuses.
Je remercie André Chassaigne de s'inspirer de nos propositions !
L'amendement no 80 , déjà présenté en commission, s'inscrit dans la continuité du débat qui vient de s'ouvrir. Avec mon collaborateur et les collègues du groupe UDI, Agir et indépendants, nous avons décidé de le déposer une nouvelle fois. Monsieur le ministre, nous avions évoqué cette question lorsque nous vous avions auditionné dans le cadre de la commission d'enquête – dont le rapporteur Grégory Besson-Moreau est ici présent – sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, à propos notamment de l'étiquetage et de la sincérité dans la transparence.
Le consommateur est parfois induit en erreur. Par exemple, le jambon de Paris commercialisé par le magasin Carrefour bio, présenté comme issu de l'agriculture biologique et fabriqué en France, s'adresse à un consommateur désireux d'acheter un produit bio, conçu et transformé dans l'Hexagone. Or, lorsqu'on lit l'origine sur l'étiquette, on apprend que ce produit est fabriqué en Normandie à partir de cochons élevés dans l'Union européenne. Cela ne peut plus durer ! J'avais repéré ce produit au mois d'août dernier et j'ai pu constater, en retournant, pas plus tard que ce lundi, dans le rayon du même magasin, que la plaisanterie continuait. J'estime que le consommateur est ici induit en erreur, c'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à l'éclairer dans son acte d'achat. J'espère que notre amendement, déjà présenté en commission, saura cette fois recueillir l'approbation de M. le ministre et de Mme la rapporteure.
Nous avons déjà débattu de cette question en commission. Nous étions alors convenus de la nécessité de distinguer plusieurs types de situations. Dans les cas de fraude – citons l'exemple, que vous avez évoqué et dont la presse a beaucoup parlé, des 15 000 tonnes de kiwis italiens vendus avec une étiquette « origine France » – , le code de la consommation s'applique. J'en cite quelques extraits, comme je l'avais fait en commission : « Quiconque, sur des produits [… ], aura apposé ou sciemment utilisé une marque de fabrique ou de commerce, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire, s'ils sont étrangers, qu'ils ont été fabriqués en France ou qu'ils sont d'origine française et, dans tous les cas, qu'ils ont une origine différente de leur véritable origine française ou étrangère, sera puni des peines prévues par l'article L. 213-1. » Ces peines vont de 300 000 euros à une peine de prison. Dans ce type de situation, la DGCCRF – Direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – peut donc agir.
Deuxièmement, l'amendement no 80 , en contradiction avec ce qui est indiqué dans l'exposé sommaire, vise à interdire la mention « transformé en France », qui n'est ni un certificat ni un label de qualité, mais une simple mention. Là encore, deux cas de figure sont possibles. Si le transformateur cherche à duper le consommateur, nous nous trouvons face à une pratique commerciale trompeuse qui peut donner lieu à une action de la part de la DGCCRF. En revanche, dans d'autres cas, le transformateur est honnête et la mention ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse. Par exemple, vous trouvez dans les magasins le produit « crêpes dentelle au beurre », avec la mention « composé notamment de farine de blé, de beurre pâtissier français et d'une faible proportion de produits d'origine étrangère ». Dans ce cas, honnêtement, l'utilisation de la mention « fabriqué en France » ne me choque pas.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Tout d'abord, je tiens à dire que je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour examiner cette proposition de loi.
Je souhaite préciser aux députés qui, hier, croyant faire preuve d'humour, ont critiqué mon absence, que je suis un fervent défenseur du bicamérisme. Celui-ci, comme son nom l'indique, suppose l'existence de deux chambres ; et lorsque le Sénat vote le budget, le rôle du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est de s'y rendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Chacun peut dire ce qu'il veut en séance, mais je suis à l'Assemblée cet après-midi et y resterai tout le temps qui sera nécessaire à l'examen de la proposition de loi.
Monsieur le président Chassaigne, monsieur Benoit, j'ai tendance à penser que ces quatre amendements, très proches, sont quasiment satisfaits. Comme l'a très bien expliqué Mme la rapporteure, des contrôles sont déjà effectués par la DGCCRF et par Bercy afin de lutter contre les fraudes. Celles-ci existent et doivent évidemment être combattues et condamnées, mais nous pensons que l'encadrement actuel, dans le secteur des produits transformés, est suffisant.
Je comprends le sens de vos amendements et je partage vos préoccupations car je souhaite vivement que nous travaillions sur le patriotisme agricole et économique ainsi que sur le patriotisme du consommateur qui, lorsqu'il pousse son caddie dans une grande surface, a le droit d'acheter le produit qu'il désire mais aussi celui de connaître exactement et clairement le contenu de ce produit, son origine et son mode de fabrication.
C'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement. Faire figurer un drapeau bleu blanc rouge sur un produit qui n'a pas été fabriqué en France, c'est tout simplement une pratique frauduleuse. Je trouve intéressante l'idée qui sous-tend vos amendements, mais il ne me semble pas pertinent d'ajouter les éléments que vous avez cités dans le texte de la proposition de loi. Ils n'apporteraient pas de précision utile et pourraient même se révéler handicapants pour l'ensemble des professionnels du secteur des produits transformés.
Les amendements étant selon moi globalement satisfaits, j'en demande le retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je comprends vos arguments mais je pense que vous avez tort. S'il était interdit d'utiliser frauduleusement les mentions « transformé en France », « élaboré en France » ou « fabriqué en France », toutes les grandes marques qui y ont recours les auraient retirées. Le fait qu'elles ne le fassent pas prouve bien qu'au niveau réglementaire, l'emploi de telles expressions pour désigner un assemblage de produits parfois importés à 100 % n'est pas interdit. Je suis formel sur ce point. Si on n'ajoute pas ces précisions dans la réglementation, la situation ne changera pas et il ne sera pas possible de s'y opposer.
J'ai bien lu l'article L. 121-4. Il prévoit que sont réputées trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet, pour un professionnel, « de se prétendre signataire d'un code de conduite alors qu'il ne l'est pas » – ce qui ne relève pas des cas discutés ici – ou « d'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire. » Or la rapporteure vient à juste titre de nous dire qu'il ne s'agissait pas de certificat ni de label de qualité – et je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un équivalent. Aucune autorisation n'est donc requise pour l'emploi de ces appellations. Il y a donc en quelque sorte – passez-moi l'expression – un trou dans la raquette. Si on ne bouche pas ce trou, tout continuera comme avant : les consommateurs, qui ne pourront pas agir en « consomm'acteurs », achèteront encore des produits présentés selon moi de façon trompeuse voire frauduleuse.
Je tiens à appeler l'attention du ministre sur un point. Pour reprendre l'exemple du jambon de Paris, le professionnel a fait figurer sur son produit une carte de France – en prenant soin toutefois de ne pas utiliser le bleu blanc rouge, mais la couleur marron. On peut donc lire « Carrefour bio », « jambon de Paris », « agriculture bio », « fabriqué en France ». Or on voit bien que l'origine de la matière première n'est pas française puisqu'il est bien spécifié : « fabriqué en France, en Normandie, à partir de cochons élevés dans l'Union européenne ».
Comme vient de le rappeler André Chassaigne, notre réglementation permet donc à certains industriels de semer la confusion dans l'esprit du consommateur, sinon de l'induire en erreur : s'ils apposent sur leurs produits la mention « fabriqué en France », valorisante, la guerre des prix, pour dire les choses comme elles sont, les conduit à utiliser une matière première en provenance de l'Europe de l'Est – en l'occurrence, des cochons « élevés dans l'Union européenne ». Autrement dit, notre réglementation comporte une faille.
J'aimerais que M. le ministre et Mme la rapporteure réfléchissent aux moyens de corriger cette anomalie, et maintiens donc mon amendement.
Puisque nous parlons de qualité alimentaire et de valorisation de nos produits agricoles, j'ai évidemment une pensée pour un grand chef, André Daguin, qui s'est éteint hier soir. Si vous le permettez, mes chers collègues, je voudrais lui rendre hommage en votre nom.
Applaudissements sur de très nombreux bancs.
À André Daguin, qui fut le grand chef étoilé de l'Hôtel de France à Auch, nous devons en particulier le magret de canard et mille façons de cuisiner le foie gras. Ayant consacré toute sa vie à cet art si français qu'est la gastronomie, il avait à coeur de mettre en valeur tous les produits de nos terroirs, à commencer par ceux de notre chère Gascogne. Quand, dans un village, des producteurs voulaient fêter, qui le canard, qui l'Armagnac ou la fève, il était présent, passionné et passionnant, toujours prêt à transmettre son savoir.
Président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, il avait porté haut les couleurs de la France dans le monde entier. L'année dernière, il était venu avec moi au restaurant de l'Assemblée nationale. Il y était connu de tout le monde et avait eu un mot pour chaque serveur, pour chaque maître d'hôtel. Évidemment, il avait terminé sa visite dans les cuisines. Ainsi était André Daguin : humain, généreux, grand Gascon, authentique mousquetaire. Avec sa verve, son esprit et son humour, il défendait notre culture occitane et les valeurs de notre terroir. Il faut « aimer ce que l'on mange, mais aussi aimer ceux avec qui on mange », disait-il.
Aujourd'hui, j'ai évidemment une pensée pour son épouse, pour sa famille et pour tous les Gascons, qu'il aimait tant. La France lui doit beaucoup.
Nouveaux applaudissements sur de très nombreux bancs.
Je m'associe évidemment à mon collègue du Gers pour rendre hommage à la mémoire d'André Daguin. Celui-ci avait commencé avec le foie gras dans le Gers, avant que sa fille n'en développe la production aux États-Unis, où elle a défendu, à travers cette fierté locale, les couleurs de la France. André Daguin était un grand monsieur de la restauration française.
Le présent amendement participe du même esprit que les précédents. La possibilité d'apposer le logo français, la carte de France, sur les produits dont nous parlons me gêne. Nous connaissons en effet la qualité de nos fonctionnaires : si la loi empêchait de telles pratiques, elles n'existeraient pas. Or, dans nos supermarchés, on voit, sur tel produit, telle pizza – y compris les surgelées – , le logo bleu, blanc, rouge : c'est un fait. Naturellement, le consommateur croit que ces produits sont français.
Peut-être pourrons-nous trouver d'autres moyens d'empêcher cette tromperie, mais nous ne pouvons pas la laisser perdurer. La mention même d'« Union européenne » – ou « hors Union européenne » – est trompeuse ; et si la loi était protectrice en cette matière, il y a bien longtemps, je le répète, que nos respectables fonctionnaires l'auraient fait respecter.
En effet, monsieur le président, je les défendrai ensemble.
L'amendement no 121 vise à interdire « d'afficher le symbole du drapeau français sur l'emballage des produits alimentaires lorsque leur composition ne contient pas un taux minimum de 80 % de produits agricoles d'origine française » ; l'amendement no 122 , de repli, renvoie la fixation du pourcentage minimal de produits d'origine française à un décret.
L'argumentation reste la même que pour les amendements précédents, puisqu'elle en découle : le drapeau français est tout naturellement affiché à côté de la mention « fabriqué en France », et de façon tout aussi frauduleuse dès lors que les produits, fabriqués, assemblés et emballés en France, sont d'origine étrangère.
Le logo « origine France garantie » s'est beaucoup développé, nous objectera sans doute M. le ministre. Treize filières, me semble-t-il, l'utilisent ; mais leur démarche, volontaire, est soumise à un cahier des charges précis, assorti de contrôles. Mes amendements, eux, visent des démarches frauduleuses, que notre réglementation doit permettre d'interdire et de condamner.
Comme précédemment, nous ne pouvons que souscrire à l'objectif qu'ils poursuivent. La réglementation européenne doit toutefois nous appeler à la vigilance, car nous pourrions, en imposant un étiquetage aussi fort et volontaire, punir ceux qui ont des pratiques vertueuses. Au regard des objectifs que nous avons collectivement assignés à cette proposition de loi, l'avis ne peut donc être que défavorable.
Si cela ne nous empêche pas d'entendre le message, fort, qu'il s'agit en effet d'adresser aux consommateurs et aux producteurs, un produit tel que le jambon de Parme, que je sache, n'est pas toujours d'origine italienne ; or il sera toujours présenté comme tel dans nos rayons.
Bref, ces amendements risqueraient de punir ceux dont nous ne voudrions pas qu'ils le soient. La DGCCRF a au demeurant les moyens, aujourd'hui, de sanctionner les fraudes.
Même avis. Comme je le disais précédemment, tout cela part d'un bon sentiment : nous ne pouvons qu'être favorables à l'idée d'un patriotisme économique, d'un patriotisme agricole, d'un patriotisme des consommateurs, qui doivent en effet, monsieur le président Chassaigne, devenir des « consomm'acteurs ». Si le consommateur tweete, depuis son canapé, ses opinions sur le monde, rien ne justifie qu'il ne les fasse pas valoir aussi dans les rayons des grandes surfaces ; …
… et pour ce faire, son information doit être la plus large possible : je puis tout à fait rejoindre M. Ramos sur ce point.
Reste que, Mme la rapporteure vient de le rappeler, ces amendements ne correspondent pas à ce que recouvre réellement la proposition de loi ; pire encore, ils pourraient pénaliser des industries agroalimentaires françaises qui effectuent un travail remarquable.
Une fois encore, je partage l'idée d'une information claire sur l'origine de la matière première des produits transformés ; mais qu'est-ce qui justifie, par exemple, un taux de 80 % ? Pourquoi pas 50 %, 10 % ou 100 % ?
Aujourd'hui, les contrôles suffisent à atteindre les objectifs poursuivis par ces amendements, qui me semblent donc plutôt être d'appel. Aussi j'en suggère le retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Je comprends votre argumentation, madame la rapporteure, monsieur le ministre. N'occultons pas, toutefois, ce qu'elle recèle : la prise en compte de nos entreprises agroalimentaires, que vous craignez de mettre en difficulté par une restriction qui serait source de transparence sur les produits qu'elles commercialisent.
Il n'en demeure pas moins qu'une telle tolérance quant à l'usage du drapeau français hypothèque la démarche volontaire des treize filières dont les produits sont certifiés « origine France garantie », sur la base d'un cahier des charges très strict, qui inclut les modes d'élevage et d'abattage et, le cas échéant, la nature de la transformation.
Il y a donc, d'un côté, nos filières, très offensives en la matière et désireuses de protéger, avec une rigueur dont témoignent leur cahier des charges et leurs plans de communication, l'origine française des produits. Année après année, de nouvelles filières, que vous avez vous-même accompagnées pour cela, monsieur le ministre, s'engagent d'ailleurs dans cette démarche qui constitue une avancée considérable. Mais, d'un autre côté, s'agissant des pratiques dont je parle, on laisserait faire.
Si je comprends votre argumentation, je maintiens donc mes amendements. Je pense que vous avez tort : la transparence ne relève pas d'une hypothétique cuisine ; elle doit être défendue avec détermination et fermeté.
Elle l'est !
Nous partageons tous, je crois, l'objectif poursuivi par ces amendements. Il est nécessaire de clarifier, et surtout d'homogénéiser la communication sur l'origine – française ou non – des produits. Outre qu'un certain nombre des mesures ici proposées me semblent davantage d'ordre réglementaire que législatif, c'est collectivement, avec les filières agroalimentaires – et non contre elles – , que nous devons avancer sur l'étiquetage de l'origine, sujet sur lequel nous organisons d'ailleurs un colloque la semaine prochaine à l'Assemblée.
De fait, nous voyons aujourd'hui fleurir un « franco-score » dans certaines chaînes de distribution, quand d'autres optent pour un affichage de la proportion de produits français. Si nous ne voulons pas que le consommateur s'y perde, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, il faut harmoniser ces étiquetages, et le faire dans la concertation : le ministère de l'agriculture et Bercy – puisqu'il est aussi concerné par la question – peuvent s'y atteler, étant entendu que l'étiquetage doit aussi reposer sur le volontariat.
Nous restons dans le même débat. Le consommateur, ou le « consomm'acteur » – comme vous l'avez appelé, monsieur le ministre – , a bon dos. Depuis un demi-siècle, en France, en Europe et dans le monde, mais surtout en France, pays qui a inventé la grande distribution, celle-ci a permis au consommateur d'avoir des produits variés et à profusion, en provenance du monde entier. C'est là son premier avantage, le deuxième étant d'avoir pu proposer ces produits à des prix défiant toute concurrence. La loi de modernisation de l'économie, en particulier, a exacerbé la concurrence et déclenché une guerre des prix dans laquelle se sont lancés les grands distributeurs, Carrefour, Leclerc et consorts. Depuis un demi-siècle, le pauvre consommateur, dans ce pays, se fait donc « balader » : dans les rayons de la grande distribution, on lui vend ce qu'on veut bien lui vendre.
Dans ces conditions, la proposition de loi me semble complémentaire de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, dont le Conseil constitutionnel a sanctionné quelques dispositions.
Lorsqu'un produit contient moins de 50 % de matière brute d'origine française, il ne peut être dit « produit en France » ou « fabriqué en France » : c'est à quoi tend mon amendement. Celui-ci vise donc à éclairer le consommateur, précisément pour en faire, monsieur le ministre, un acteur dans son achat. Nos filières agroalimentaire et agricole s'en trouveraient revivifiées.
C'est tout sauf du protectionnisme : nous n'entendons nullement empêcher le consommateur d'acheter des produits en provenance de Chine, d'Allemagne, d'Espagne ou d'Italie ; nous voulons seulement qu'il soit éclairé sur cette origine.
Avis défavorable puisque, encore une fois, on s'écarte trop de l'objectif fixé par la proposition de loi.
Il est également défavorable. La France a déjà beaucoup oeuvré, au niveau européen, pour obtenir l'expérimentation de l'étiquetage des pays d'origine – nous l'avons obtenue jusqu'au mois d'avril et nous demandons sa prolongation. Cet étiquetage est prévu pour la viande bovine en restauration hors domicile – RHD – et nous souhaitons l'obtenir pour le miel et pour l'ensemble des autres viandes. Or l'amendement a une portée européenne plus que française. On peut certes envisager la mesure que vous proposez à l'échelle française, mais ce qui nous importe n'est pas seulement d'étiqueter les produits d'origine française, c'est de connaître l'origine des produits en général. C'est le débat que nous avons par ailleurs sur le miel.
Je partage votre analyse, monsieur le ministre, selon laquelle la disposition proposée relève plus du droit communautaire que du droit national. Reste que ce qu'a dit M. Benoit sur la grande distribution est parfaitement exact. Toutefois, le problème est de moins en moins celui de la grande distribution, c'est celui des plateformes dont l'activité n'est pas du tout contrôlable puisqu'elles estiment n'avoir aucune responsabilité en matière de certification des produits – elles se contentent d'une mise en relation. Aussi est-on complètement débordé et je constate, monsieur le ministre, qu'on légifère souvent avec dix à quinze ans de retard.
Il serait donc urgent, puisque la directive sur le commerce électronique commence à être révisée, qu'en tant que représentant de la France, vous interrogiez vos homologues pour trouver le moyen de responsabiliser les plateformes concernant l'origine des produits.
Mais nous y travaillons !
Bien sûr !
Je pense que le ministre et la rapporteure seront d'accord pour considérer que les amendements que nous examinons sont un signe à l'adresse de nos agriculteurs : le logo « France » indique la présence de produits français. Si ces propositions ne trouvent guère d'écho aujourd'hui dans l'hémicycle, nous sommes tous d'accord sur le fond. Aussi, monsieur le ministre, peut-être faudrait-il que plusieurs parlementaires se réunissent pour réfléchir à la question. L'intérêt est au moins que nous en débattions. Pourriez-vous donc engager une réflexion sur le sujet autour de Thierry Benoit, qui a présidé la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs ?
Je saisis la balle au bond, monsieur Ramos. En effet, la présente proposition de loi, présentée par la majorité, va vraiment dans le bon sens. L'information des consommateurs devient essentielle. C'est pourquoi nous nous sommes battus à l'échelle européenne afin d'obtenir cette expérimentation – que, je l'espère bien, nous pourrons prolonger. Au nom du Gouvernement, je me suis engagé auprès de l'ensemble des filières agricoles à lancer un grand mouvement pour obtenir un étiquetage obligatoire à l'échelle européenne. On ne peut plus duper le consommateur.
Et, j'en reviens à l'intervention de M. Chassaigne, je ne remets jamais en cause nos PME – petites et moyennes entreprises – agroalimentaires, qui font du bon boulot. Elles sont présentes sur l'ensemble du territoire rural et nous en avons besoin car elles font vivre des milliers et des milliers de personnes. La question est qu'en fait nous avons besoin de certaines informations.
Mercredi prochain, se tiendra un colloque important sur l'étiquetage, organisé notamment par le député Moreau. J'avais prévu d'y assister, malheureusement je serai à la COP25 à Madrid – mais le ministère sera représenté. Je propose, monsieur Ramos, la création d'un groupe de travail informel sous l'égide de M. Moreau ; composé de députés intéressés de chaque groupe politique – vous en ferez sûrement partie – ,…
… il serait chargé d'examiner la manière dont nous pourrions avancer ensemble. En effet, ce sujet est suffisamment important pour que nous le défendions unanimement. Et je pense que ce sera possible.
L'amendement no 82 n'est pas adopté.
J'apprécie vos considérations sur le patriotisme économique, monsieur le ministre : non seulement elles me conviennent, mais elles parlent à nos producteurs. Seulement, la France est membre de l'Union européenne et ce n'est pas la réglementation édictée par cette dernière qui va permettre ce patriotisme mais bien le choix des consommateurs.
Bien sûr !
Encore faut-il qu'ils soient éclairés. En ce qui concerne les viandes fraîches – celles qui sont vendues directement au consommateur dans les différents réseaux de vente – , la qualité de l'information a progressé. Cela n'a toutefois pas du tout été le cas en matière de restauration hors domicile et de plats préparés. D'ailleurs, curieusement, les mêmes qui s'intéressent beaucoup à l'origine des produits lorsqu'ils achètent pour eux-mêmes, s'en désintéressent ou n'y attachent pas la même importance lorsqu'ils achètent pour des plats préparés ou la restauration hors domicile – or cette dernière s'accroît. Et je rappelle que la part des produits importés est massive, en particulier pour les volailles : autant, en achats directs, nous achetons proportionnellement plus de volailles françaises, autant, en RHD – qu'il s'agisse des cantines, de la restauration d'entreprise… – , la part de la volaille française est quasi marginale dans la consommation.
Je propose donc qu'on indique, dans ces filières également, l'origine des produits : où l'animal a-t-il été élevé, où a-t-il été abattu, où a-t-il été transformé ? Le consommateur doit le savoir même si c'est un produit transformé qu'il achète, car celui-ci comporte des produits carnés. Quand il se rend au restaurant, le consommateur ne choisit pas directement la viande, certes, mais il doit savoir très exactement, pour chaque plat comportant des éléments carnés, d'où viennent ces derniers. La mention de l'origine des viandes est en effet la question principale. Dès lors, quand le consommateur sera informé, il lui appartiendra de choisir. Je crois que, comme pour l'achat en direct de produits frais, il saura acquérir un réflexe patriotique. C'est l'objet des amendements nos 11 et 9 .
L'avis sera le même pour les amendements nos 11 , 9 et 8 et il est fondé sur les mêmes arguments. Le Gouvernement a fait ce qui était en son pouvoir pour garantir la prolongation de l'expérimentation de l'étiquetage des viandes jusqu'au 31 mars 2020. Je suppose par conséquent qu'il fournira à la représentation nationale un bilan de l'expérimentation dont j'espère, d'ailleurs, qu'elle sera prolongée. Donc avis défavorable.
Je n'émettrai pas, pour ma part, d'avis défavorable parce que ces deux amendements sont satisfaits.
Dans l'état actuel des choses, en effet, ils sont satisfaits s'agissant de la viande bovine. En ce qui concerne les autres viandes, le Gouvernement a pris un décret qu'il a soumis à l'Union européenne – la Commission devrait bientôt prendre sa décision.
Nous partageons la même analyse : lorsqu'on va dans un restaurant, les origines de la viande devraient être mentionnées. Le vrai problème est le suivant – et des députés y ont été confrontés : trouvez donc, à Paris, un restaurant où l'on mange de la viande française ! Il faut vraiment chercher.
Une viande qui vient du Massif central et du Puy-de-Dôme, monsieur le président Chassaigne…
On me dit que de 15 à 20 % seulement des restaurants parisiens servent de la viande française. Notre problème est avant tout l'organisation économique, l'organisation des filières, l'organisation des distributions. Reste, monsieur Le Fur, que vos amendements sont satisfaits.
Il n'empêche…
Dans les restaurants d'entreprise ou dans les cantines, l'origine des viandes composant le produit que vous allez manger n'est pas indiquée, monsieur le ministre, et ce n'est du reste pas obligatoire. C'est bien pourquoi mes amendements ne sont absolument pas satisfaits. Si vous achetez des plats préparés – et les pizzas, que nous avons évoquées, sont loin d'être les seules concernées – , l'origine des produits carnés qui les composent n'est pas mentionnée du tout. Je veux bien admettre que nous ayons progressé pour ce qui est de la vente directe, mais pour le reste, le consommateur n'a pas les éléments nécessaires pour choisir.
Je souhaite corroborer les propos du ministre. Avec les représentants des interprofessions, nous nous sommes adressés au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de l'économie et des finances. Si je puis me permettre de rappeler ce qu'a dit M. Guillaume, le décret qui a été pris concerne la restauration hors domicile. Il est désormais à Bruxelles. Nous avons eu l'occasion de s'y intéresser, avec les représentants des interprofessions, pour ce qui concerne la volaille, le porc… Une nouvelle mesure réglementaire a été prise et, pour avoir vu le décret en question, je vous assure que les amendements sont satisfaits.
Le présent amendement concerne une consommation particulière : celle des viandes réfrigérées, congelées ou surgelées. Or ici aussi le consommateur est confronté à un défaut d'information.
En effet !
… mais le consommateur n'en a rien vu jusqu'à présent. Si nous voulons que cette proposition de loi ne soit pas par trop petit bras, je suggère que nous votions mon amendement – sinon, qu'allons-nous raconter à nos concitoyens en sortant de l'hémicycle tant il n'y a rien, ou pas grand-chose, dans le texte ?
L'amendement étant satisfait, j'en demande le retrait, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Allez l'expliquer aux consommateurs ! Rien n'a changé. En ce qui concerne la vente dans les différents réseaux de distribution, la qualité de l'information du consommateur a progressé, et je suis le premier à l'admettre – ce progrès est d'ailleurs antérieur à votre arrivée au pouvoir en 2017. Celui qui, quel que soit le réseau de distribution, achète sa volaille, s'il prend le temps de se renseigner, arrive malgré tout à savoir d'où elle provient ; il en va de même pour les autres types de viande. Or ce n'est pas le cas pour la restauration hors domicile, ni pour les plats préparés, ni pour les restaurants d'entreprise et les cantines, parce qu'on ne dispose pas de cette information – point à la ligne.
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
L'amendement no 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à rendre obligatoire l'étiquetage des produits alimentaires issus d'animaux nourris par des organismes génétiquement modifiés – OGM. Actuellement, la mention « OGM » doit figurer sur les produits alimentaires comprenant des organismes génétiquement modifiés. Cependant, sont exclus de ce dispositif les produits issus d'animaux nourris eux-mêmes aux OGM – ce qui est le cas de trois quarts du cheptel français. C'est une violation de l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui consacre le droit d'information de tous les citoyens, et de son article 1er qui proclame le droit de chacun à vivre dans un environnement sain.
Cet amendement, proposé par la Fondation pour la nature et l'homme, s'appliquerait aussi bien aux produits de base – viande, charcuterie, oeufs, lait, beurre… – qu'aux plats cuisinés à partir de ces produits. Ces derniers sont présents dans la grande distribution comme dans la restauration collective – dont scolaire, de la maternelle à l'université. Nous défendons le droit des consommateurs à choisir, mais aussi leur droit d'accéder à une alimentation saine, exempte d'organismes génétiquement modifiés.
Nous partageons tous la volonté de mieux informer les consommateurs. La question des OGM a été longuement débattue lors de l'examen du projet de loi EGALIM. Il est difficile de déceler la véritable origine des produits et de contrôler la présence d'OGM. Sur ce point, nous ne pouvons agir qu'au niveau de l'Union européenne ; ce n'est donc pas au niveau national qu'il faut débattre de ce problème. Avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à votre amendement, l'estimant non adapté à la situation. Tout le monde veut une alimentation de qualité, mais si cet amendement était transcrit dans la loi, la mesure ne s'appliquerait qu'en France. Aujourd'hui, nous poursuivons un autre objectif : réaliser la transition agroécologique et atteindre l'autonomie en protéines végétales.
Actuellement, nous continuons à importer des tourteaux de soja – éventuellement issus d'OGM – pour nourrir nos animaux. Est-il possible de faire autrement ? Il y a des éleveurs dans l'hémicycle qui pourraient peut-être répondre ; pour ma part, je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, nous allons lancer un plan protéines végétales pour que la France devienne autonome en la matière, que ce soit dans l'alimentation humaine ou animale.
Avez-vous, ma chère collègue, mesuré les conséquences d'une adoption de votre amendement ? Vous faites une hypothèse implicite : tout OGM est mauvais. Pour ma part, je ne suis pas contre la science, au contraire, et je pense qu'il peut y avoir de bons et de mauvais OGM.
En outre, il faudrait faire un contrôle aux frontières car, par exemple, les deux tiers du soja importé sont issus d'OGM. Nous avons un Canadien comme président de commission, il peut en attester.
Mais vous avez vécu longtemps au Canada, on peut presque dire que vous étiez Canadien.
On peut être Canadien et Français, on peut être bi, monsieur le président !
Exclamations et rires sur divers bancs.
Je veux dire binational, bien entendu.
Vous pouvez aussi prendre l'exemple des tomates, ma chère collègue, que vous aimez sûrement.
Il faut donc bien réfléchir avant de se lancer. Surtout, il faut agir dans le cadre européen et non national.
Je ne suis ni une scientifique ni une spécialiste des OGM mais, ayant entendu vos objections, j'aimerais apporter une précision : nous proposons d'appliquer cette mesure – qui, en l'état actuel des choses, poserait en effet des problèmes – à partir de 2023, afin de donner aux professionnels le temps d'organiser et de consolider une filière sans OGM. L'adopter dès à présent constituerait une incitation à aller dans le sens que nous disons tous souhaiter.
L'amendement no 113 n'est pas adopté.
Proposé par notre collègue Jérôme Nury, il concerne l'agriculture biologique ainsi que les labels, certificats de conformité, mentions valorisantes et autres signes de qualité qui sont exigés par un nombre croissant de consommateurs.
La multiplication de ces signes n'a pas permis une lecture tout à fait claire pour le consommateur qui cherche une excellence toujours plus grande en matière d'alimentation, d'autant que de nombreuses enseignes ont recours à leurs propres étiquetages, contribuant ainsi à brouiller les pistes et à rendre la lecture des labellisations impraticable.
Afin de rendre les signes de qualité plus lisibles, l'amendement propose de consacrer une labellisation « produit d'excellence » pour les produits répondant à la fois aux standards de l'agriculture biologique et présentant une grande qualité sanitaire, gustative, environnementale et sociale.
Votre label « produit d'excellence » viendrait s'ajouter à tous les autres dans une sorte de concours Lépine des labels. Chacun rêve d'en créer un et nous pourrions penser que c'est la meilleure des idées. Mais quelle est la lisibilité de ces labels pour le consommateur ?
En fait, le consommateur connaît à peu près le label rouge, mais même le label Bleu-Blanc-Coeur n'est pas vraiment reconnu. Je ne pense pas que l'adoption de votre amendement contribuerait à une agriculture vertueuse.
L'amendement no 42 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 125 .
Par le biais de cet amendement, nous proposons de rendre obligatoire le Nutri-Score. D'après l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – , la composition du panier alimentaire s'est modifiée conjointement au modèle agricole, au profit des produits transformés et des plats préparés. Ainsi, depuis 1960, la consommation de plats préparés s'accroît de 4,4 % par an, en volume par habitant. Les récents scandales sanitaires – viande de cheval dans les lasagnes, oeufs contaminés au Fipronil – ne précipitent pas les entreprises incriminées vers la faillite.
En France, selon les données de la sécurité sociale, on comptait en 2010 près de 540 000 décès, dont environ 36 % pouvaient être imputés directement ou indirectement à une mauvaise alimentation. Un tiers des décès est donc lié à une mauvaise pratique alimentaire. Au-delà des conséquences sanitaires et de l'émergence de pathologies chroniques, l'alimentation industrielle de notre société a des répercussions sociales et environnementales très importantes.
Le Nutri-Score, adopté par certains malgré les vives oppositions de l'industrie agroalimentaire, reste pourtant facultatif. Il faut le rendre obligatoire et désobéir à l'Union européenne qui s'y oppose.
Le Gouvernement est très favorable à la généralisation du Nutri-Score au niveau européen et, comme le Premier ministre l'a annoncé, je vais m'en faire le défenseur au Conseil de l'Union européenne.
Si nous sommes en phase avec votre amendement, pourquoi ne pouvons-nous pas y être favorables ? Premièrement, parce que la Commission européenne a annoncé des travaux dans ce domaine. Deuxièmement, parce que votre amendement, qui ne prévoit une application que dans notre pays, serait très discriminant pour les produits français dès lors que nous consommons de nombreux produits importés qui ne seraient pas soumis à ce Nutri-Score.
C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement pour nous laisser parvenir au résultat que vous attendez tous dans cet hémicycle : généraliser le Nutri-Score à l'échelle européenne.
J'aimerais rebondir sur les propos de M. le ministre : il est évident que ces questions ne peuvent se résoudre qu'au plan européen.
Il s'agit de responsabiliser les plateformes parce que les gens ont effectivement le droit de savoir ce qu'ils mangent, quelles sont la qualité et l'origine des produits qu'ils achètent. Il est nécessaire d'exercer une contrainte sur ces plateformes et cela ne peut se faire qu'à l'échelle européenne. Vous avez du pain sur la planche, monsieur le ministre, c'est le cas de le dire !
L'amendement no 125 n'est pas adopté.
Même si elle s'améliore de façon notable, l'information mise à la disposition du consommateur reste insuffisante pour lui permettre de choisir des produits dont l'achat accélérerait la transition écologique dans l'agriculture. Hormis pour certains labels ou produits, les modes d'élevage, le nombre de traitements phytosanitaires et celui d'intermédiaires ne sont pas disponibles, alors qu'il s'agit de critères indispensables à la modification des modes de production et de consommation.
Un règlement européen dispose pourtant que « l'information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques. » Nous pourrions nous appuyer sur ce règlement pour rendre obligatoires les compléments d'étiquetage sur les produits destinés à l'alimentation humaine et animale.
S'agissant des OGM, je vais avoir le même discours que précédemment : nous partageons vos objectifs, mais vous n'avez pas choisi le bon texte pour présenter ces propositions.
Avis défavorable.
Il existe de nombreux labels : le label rouge, l'appellation d'origine protégée – AOP – , l'appellation d'origine contrôlée – AOC – , l'indication géographique protégée – IGP. Nombre d'entre eux sont soumis à un cahier des charges très strict qui comprend d'ailleurs très souvent les indications formulées dans cet amendement. C'est ainsi que de nombreux cahiers des charges stipulent que l'alimentation des animaux ne doit pas se faire avec des produits issus d'OGM ; cette mention se développe beaucoup.
Comme l'un des orateurs l'a déjà dit, nous n'avons pas intérêt à multiplier les labels. Nous devons plutôt travailler à partir de ceux qui existent pour les développer, les promouvoir et en faire un outil de commercialisation.
Exactement !
Nous pouvons peut-être créer un label « haute valeur environnementale » et le décliner au niveau de l'Union européenne. S'il me semble très compliqué de mentionner une liste complète sur tous les produits, il est possible de la faire figurer dans un cahier des charges.
Je ne comprends pas bien la réponse de Mme la rapporteure : je n'ai pas parlé d'OGM, j'ai indiqué que le nombre de traitements phytosanitaires et celui d'intermédiaires n'étaient pas disponibles.
L'amendement no 114 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous proposons de rendre obligatoire l'indication de la région de provenance des produits issus de l'agriculture biologique. L'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite Agence bio, nous a indiqué qu'en 2021, nous pourrons savoir de quelle région vient un produit alimentaire. Ce serait une information intéressante à mettre à la disposition du consommateur, dans le but de développer l'agriculture locale et de participer ainsi à la transition vers une agriculture écologique et paysanne.
Votre proposition me semble créatrice d'une distorsion de concurrence avec les produits conventionnels, ce qui est très problématique. Pourquoi être plus contraignants pour l'agriculture biologique dont nous souhaitons le développement ?
Par ailleurs, votre rédaction me paraît insuffisamment précise pour être pleinement applicable : que faire, par exemple, en cas de produits ayant plusieurs origines ? J'émets donc un avis défavorable à votre amendement.
Même avis.
L'indication de la région de provenance est importante parce que l'agriculture biologique ne doit pas se borner à respecter des interdictions de produits mentionnés dans un cahier des charges, elle doit servir à promouvoir les circuits courts pour éviter les transports. Un produit bio venu d'on ne sait où peut avoir un mauvais bilan carbone.
L'idée est d'inciter les supermarchés à vendre des produits de leur région pour qu'ils n'aient pas à les faire venir de loin. Cet aspect doit être pris en compte lorsque l'on s'intéresse à l'autonomie des exploitations et au bilan carbone.
Pour ma part, je suis très favorable à cet amendement.
Madame la rapporteure, votre réponse n'est pas acceptable parce que quand un amendement est adopté, les mesures qui y sont proposées ne s'appliquent pas de manière directe, elles sont soumises à une transcription réglementaire après un travail effectué par le ministère.
Il est très important d'indiquer l'origine géographique des produits bio, car c'est précisément cela qui permet de les distinguer des produits de l'agriculture conventionnelle. En effet, consommer des produits bio qui ont voyagé 1 000, 2 000 voire 3 000 kilomètres revient à remettre en cause l'éthique même qui sous-tend l'agriculture biologique. Adopter cette obligation serait donc rendre service à la filière.
M. Jean-Félix Acquaviva applaudit.
Dans le cadre de la préparation du rapport d'information sur une agriculture durable pour l'Union européenne, que j'ai présenté devant la commission des affaires européennes de l'Assemblée, nous sommes allés visiter différentes exploitations de l'Union européenne, notamment en Pologne, et nous avons constaté que les productions bio étaient exclusivement destinées à l'exportation ! D'immenses exploitations – qui font d'ailleurs travailler des salariés ukrainiens pour un salaire mensuel de 230 euros – expédient leurs produits par avion et alimentent la forte concurrence dans le domaine de ce qu'on peut appeler le « bioéthique ». En définitive, notre volonté d'encourager la consommation de produits bio est anéantie par cette dérive du bio au niveau mondial…
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et LT.
L'amendement no 112 n'est pas adopté.
Aujourd'hui, le fromage aux fines herbes des Délices de Claire – Claire Malledan – se vend à Pleumeur-Gautier ; les tomates paimpolaises d'Hervé Conan sont vendues en supermarché ; le lait des quarante vaches de Jean-Christophe Saliou, à Ploubezre, alimente la grande distribution. Dans l'écrasante majorité des cas, le consommateur manipule ces produits de ses propres mains, directement en magasin. Il peut lire les mentions qui figurent sur les étiquettes, se renseigner sur la composition des produits et, finalement, se décider à les acheter ou non, en connaissance de cause.
Pourtant, la vente des produits alimentaires sur internet est déjà une réalité : elle représente 6,6 % des achats et le marché doublera d'ici à 2025. Or, sur internet, informer le consommateur, ce n'est pas juste afficher la photo du produit et de son emballage, comme notre droit le permet aujourd'hui ; c'est faire en sorte que les informations inscrites sur les étiquettes soient présentées de manière claire et directement accessible. Ces informations garantissent que les vertus de notre agriculture seront défendues et promues dans un monde toujours plus concurrentiel, que les efforts fournis par nos agriculteurs pour améliorer la qualité et la durabilité des denrées alimentaires produiront un avantage comparatif indiscutable. Voilà précisément l'objectif que poursuit l'article 2 de la proposition de loi : informer clairement le consommateur, peu importe le mode d'achat qu'il choisit.
Je me félicite que la disposition que j'avais défendue l'année dernière lors de l'examen du projet de loi EGALIM, et qui a été censurée par le Conseil constitutionnel, connaisse aujourd'hui une deuxième vie grâce au texte que nous discutons aujourd'hui. Je ne peux donc, mes chers collègues, que vous inviter à la soutenir de nouveau.
Je terminerai par un clin d'oeil à notre collègue Marc Le Fur. Vous voyez, monsieur le député, les agriculteurs des Côtes-d'Armor ne sont pas intéressés uniquement par l'agribashing, mais aussi par l'étiquetage et la traçabilité !
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 36 .
Je suis content de voir que mon collègue Marc Le Fur fait des émules ! Sur le sujet qui nous occupe comme sur beaucoup d'autres, il fait toujours preuve d'une grande sagesse.
Puisqu'il s'avère que la proposition de loi a été circonscrite au sujet de l'étiquetage, l'amendement propose de renforcer la lisibilité, pour les consommateurs, des différentes indications portées sur les affiches informatives. Afin d'éviter que les producteurs ne jouent sur les polices de caractères pour moduler la lisibilité des informations et dissimuler la provenance de certaines viandes ou de certains ingrédients, nous proposons que les différents éléments soient mentionnés avec une taille de police équivalente.
L'article prévoit que ces informations soient communiquées au consommateur « de manière lisible et compréhensible ». Quelle serait, en outre, la bonne taille de police à utiliser ? La réponse varie sans doute d'une personne à l'autre, et une règle stricte semble difficile à appliquer. Votre amendement est déjà satisfait, monsieur Di Filippo. Avis défavorable.
Même avis.
« Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup », a dit quelqu'un qui reste une référence pour nombre de députés de la majorité !
Certes, l'article prévoit que les informations soient communiquées « de manière lisible et compréhensible », mais l'amendement est bien plus précis puisqu'il propose d'écrire : « avec une taille de police équivalente pour tous les mots ».
C'est une autre question, qui renvoie aux réglementations. En tout cas, « lisible » ne signifie pas la même chose pour M. Bothorel, qui porte de grosses lunettes, et pour moi, qui ai encore de bons yeux !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
En tout état de cause, dans son état actuel, l'article n'est pas assez précis. Avec une taille de police équivalente pour tous les mots, il ne sera plus possible d'en dissimuler certains au milieu du texte. Si vous avez à coeur la précision de l'étiquetage, je ne comprends pas comment vous pourriez être défavorables à l'amendement.
L'amendement no 36 n'est pas adopté.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 38 .
Il vise également à préciser le texte. Comment cela se passe-t-il quand nous faisons nos courses ? Lorsque nous prenons un produit, nous regardons son prix et son emballage, rarement l'étiquette dans le détail. Le précédent amendement portait sur la taille et la police de caractères. Pour que la provenance des ingrédients et des viandes soit immédiatement identifiable, je propose d'ajouter sur l'étiquette le drapeau national du pays en question ; cela permettrait au consommateur de voir cette information au premier coup d'oeil.
Je comprends votre objectif, monsieur Di Filippo, mais votre amendement va beaucoup trop loin. Avec ce texte, nous avançons étape par étape ; c'est la méthode à privilégier. Avis défavorable.
Même avis.
Tu as des problèmes de vue si tu ne vois pas la différence, cher Fabien !
Avec cet amendement, nous cherchons à répondre à une attente croissante des consommateurs et des producteurs, qui souhaitent la mise en avant des produits français. Il propose une mesure simple et facile à appliquer immédiatement : l'ajout du pavillon national du pays d'origine du produit permettrait au consommateur de voir, au premier coup d'oeil, si un produit ou les ingrédients d'un produit sont originaires de France, d'Italie, d'Argentine, du Canada – ou, bientôt, du Brésil, étant donné les accords de libre-échange que l'on nous prépare !
Certains ingrédients viennent déjà du Brésil ! Réveillez-vous, monsieur le député !
Le consommateur pourra ainsi, sans perdre de temps, sans être trompé, se décider en toute connaissance de cause.
M. Marc Le Fur applaudit.
Son choix seul peut assurer le sauvetage des producteurs français ; notre mission est donc de le rendre le plus éclairé et le plus raisonnable possible.
Les yeux fonctionnent, mais pas les oreilles : nous avons déjà parlé de ce sujet !
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Dans la lignée de l'amendement no 36 de M. Di Filippo, le présent amendement vise à améliorer la lisibilité des mentions relatives à la composition des produits achetés sur internet.
Aujourd'hui, nous nous battons pour essayer de rendre plus lisible l'étiquette, mais ne nous y trompons pas, chers collègues : demain, tout comme le label, l'étiquette ne pèsera plus rien – nous aurons besoin, alors, de notre collègue Bothorel ! L'application numérique sera plus forte que la marque et l'étiquette. Il suffira, chez soi, de dire à haute voix « Je veux trois tranches de jambon ! » pour les recevoir le lendemain. Les mesures dont nous discutons aujourd'hui sont loin d'être anecdotiques, mais elles concernent l'alimentation de demain et non celle d'après-demain ! L'internet et les applications vont balayer les marques et les labels.
À travers cette proposition de loi, nous ouvrons la voie à une réflexion sur le rôle de la force publique – comme dirait mon ami Dominique Potier – dans ce domaine. Comment éviter que les applications de vente de produits alimentaires sur internet ne soient détournées par les intérêts privés d'industriels et de la grande distribution – ou, par exemple, de l'application Yuka si elle est demain rachetée par le groupe Alibaba ?
Vu la puissance d'achat que ce type de commerce va représenter dans les années à venir, la force publique devra jouer un rôle essentiel, et je crois, monsieur le ministre, que pour le bien de nos jeunes, la tâche du contrôle public de la consommation en ligne devrait être confiée à l'équipe de 60 millions de consommateurs – qui n'est pas une association, mais qui appartient à l'État.
L'amendement est satisfait. Les mots « de manière parfaitement lisible » que M. Ramos propose d'ajouter sont très proches de la rédaction actuelle de l'article, qui précise : « de manière lisible et compréhensible ».
Nous avons tous compris, monsieur Ramos, que votre amendement était un amendement d'appel. Je vous demande donc également de bien vouloir le retirer, car il est satisfait.
Le sujet sur lequel vous venez de nous interpeller est néanmoins fondamental. Je tiens à le dire : notre objectif, dans les années à venir, sera d'éviter que les achats de produits alimentaires se fassent exclusivement par internet.
Nous devons préserver le contact humain. Aller chez un commerçant, privilégier les circuits courts et les marchés paysans, toucher et choisir ses produits : voilà l'objectif !
Je ne me résous pas, personnellement, à ce que tout, demain, soit dématérialisé. Dans nos campagnes, nous avons besoin de toucher les produits et de discuter avec les commerçants.
La question que vous soulevez, monsieur Ramos, dont nous avons d'ailleurs discuté tous les deux récemment, est fondamentale : nous devrons bientôt nous préoccuper des applications de vente en ligne. Face au développement d'internet et à la mondialisation, ce qui compte, ce ne sont pas les tuyaux, mais les données. Qui possède les données ? Tel est l'enjeu !
M. Richard Ramos applaudit.
Lorsqu'il s'agit des produits alimentaires, la donnée doit être publique ; ce n'est qu'ainsi que les choses pourront être contrôlées.
Nous serons amenés à reparler de ce sujet crucial, qui n'est toutefois pas au coeur de la proposition de loi.
L'amendement no 21 est retiré.
L'article 2 est adopté.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 6 rectifié .
La rédaction de l'article que nous proposons est claire : « L'indication du pays d'origine des viandes porcines, ovines, bovines et de volaille servies au consommateur dans le secteur de la restauration, hors foyer, sur place ou à emporter, est obligatoire. Cette mention est portée à la connaissance du consommateur de façon lisible et visible par affichage, par indication sur les cartes et menus ou sur tout autre support approprié. »
Le consommateur n'est pas simplement celui qui achète un produit alimentaire, quel que soit le mode de distribution de ce produit ; il est aussi celui qui se nourrit lors d'un repas à l'extérieur ou qui mange un plat préparé. Dans tous les cas, il doit savoir d'où vient la viande qu'il consomme, quelle que soit l'origine de cette viande : française, européenne, canadienne – puisque l'accord économique et commercial global, CETA, va favoriser les importations de viande canadienne – , ou sud-américaine – car il y a également une menace de ce côté-là compte tenu des accords que le Gouvernement entend conclure avec le MERCOSUR, le marché commun sud-américain.
Il est indispensable que le consommateur soit parfaitement informé. J'espère que le bon sens l'emportera et que l'Assemblée adoptera l'amendement.
Le bon sens l'a déjà emporté, monsieur le député. Votre volonté d'informer le consommateur, que nous partageons pleinement, est satisfaite par l'article 2 bis. Avis défavorable.
Votre demande est en effet satisfaite, monsieur Le Fur : le projet de décret a été notifié à la Commission européenne. Vous voulez aller plus vite et je le comprends, mais ce que vous demandez est déjà fait.
Je veux bien vous croire, monsieur le ministre ; je n'ai aucune raison de mettre en doute votre bonne foi. Mais rien ne se passe ! Rien n'existe aujourd'hui pour le consommateur qui souhaite être informé sur l'origine des viandes utilisées dans les plats préparés. Vous nous dites que le processus est en cours et que la décision sera prise à Bruxelles. Je propose, quant à moi, que nous assumions nos responsabilités en tant que parlementaires et que nous disions les choses clairement. Cela me paraît du simple bon sens.
Mes chers collègues, nous nous penchons sur l'agriculture une fois par session. La loi EGALIM, nous l'avons loupée – tout le monde le dit, y compris la presse agricole, pourtant favorable, au départ, aux mesures proposées par le Gouvernement. Nous avons aujourd'hui l'occasion de nous rattraper avec une loi EGALIM bis dont nous débattons actuellement. Je souhaiterais bien sûr qu'on aille plus loin, mais rattrapons-nous au moins sur l'étiquetage ! Malheureusement, même sur ce sujet modeste, vous refusez d'avancer.
M. Bothorel s'est rangé à mes thèses sur l'agribashing. Je constate d'ailleurs qu'il a quitté l'hémicycle.
Je l'espère ! Dans le département des Côtes-d'Armor, il se réclame de ces idées, mais quand il s'agit de faire évoluer les choses à Paris, il n'est pas là !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Mêmes mouvements.
Tout ce que je souhaite, monsieur le ministre, c'est que nous progressions sur ces questions.
Je salue le retour dans l'hémicycle de M. Bothorel qui s'en était absenté trente secondes.
« Ah ! » sur divers bancs.
Monsieur Le Fur, vous pourrez trouver sur le site de la Commission européenne le détail de la notification, comme celui de tous les textes qui lui sont notifiés. Mais j'entends depuis quelque temps la même petite musique qui montre que vous n'êtes pas à l'aise dans vos bottes. Les états généraux de l'alimentation – EGA – ont été un vrai succès, ils ont su rassembler tout le monde.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Pourtant, vous répétez sans cesse que la loi EGALIM est un échec, sans jamais produire aucun argument, aucune justification concrète de cette affirmation.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La loi EGALIM ne peut pas être un échec, puisqu'elle a été décidée par le monde agricole de l'amont et de l'aval, relayé à l'Assemblée – où elle était défendue par Stéphane Travert, ici présent, que je tiens à féliciter –
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM
par la majorité, et par elle seule, malheureusement.
En quoi la loi EGALIM est-elle un échec, monsieur Le Fur ? L'échec, c'est l'échec du libéralisme, l'échec du commerce : il a été décidé dans le cadre de cette loi d'inverser le mode de construction des prix, d'instaurer des indicateurs de prix et de mieux répartir les marges. C'est ce que demande l'amont – les producteurs, les agriculteurs.
Mais qui empêche une meilleure répartition des marges au profit des agriculteurs ? Ce ne sont ni les députés ni le Gouvernement, vous le savez bien : …
… c'est le commerce, ce sont les négociations commerciales comme celles qui ont commencé il y a deux jours et vont durer trois mois. Eh bien, je fais le pari que ces négociations qui s'ouvrent, les premières depuis les nouveaux textes…
Monsieur Le Fur, si vous faites preuve d'honnêteté intellectuelle, vous ne pouvez pas dire que nous disions la même chose l'an dernier à la même époque : ce n'est pas possible, car l'an dernier à la même époque, la loi EGALIM venait d'être promulguée, mais ni les décrets ni les ordonnances afférents n'avaient encore été pris.
Tout le monde le reconnaît : au moment des précédentes négociations commerciales, pendant les trois premiers mois de l'année, les ordonnances n'avaient pas encore été prises. La dernière l'a été en avril.
Nous sommes donc en l'an 1 de la loi EGALIM. Je le dis devant Stéphane Travert, qui l'a défendue comme ministre. Par conséquent, c'est le 1er mars que je vous donne rendez-vous : si, à cette date, les prix n'ont pas remonté, alors on pourra dire que l'expérimentation votée par le Parlement pour deux ans n'a pas fonctionné. Mais à force de répéter que rien ne va, qu'on va tous mourir, …
… et que la loi EGALIM est un échec, on contribue à l'agribashing, ce que je refuse de faire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Nicolas Turquois applaudit également.
L'amendement no 6 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 119 .
Monsieur le ministre, vous avez dit que l'amendement que vient de défendre Marc Le Fur, relatif à l'indication du pays d'origine, était satisfait par l'article 2 bis. Or il existe une différence entre l'article L. 412-6 du code de la consommation tel que notre collègue proposait de le rédiger et l'article L. 412-7-1 que l'article 2 bis introduit dans le même code. L'article 2 bis, en effet, ajoute à la notion de pays d'origine celle, nouvelle, de « lieu de provenance ».
Je m'étonne de cette évolution sémantique : pourquoi ne pas en rester au pays d'origine ? Le lieu de provenance, ce peut être l'Union européenne, la cordillère des Andes, l'Amérique du Sud ou le petit village auvergnat où j'habite, avec sa production maraîchère… Bref, l'expression risque de créer la confusion. Je suis donc favorable à ce que l'on en revienne à la formulation qui se borne au pays d'origine, ou, à défaut, à ce que l'on ajoute les mots « et du lieu de provenance » pour plus de précision ; les choses seront beaucoup plus claires si l'on remplace le « ou » par le « et ».
La réglementation européenne prévoit bien les deux expressions. Dans le cas présent, il est justifié de les maintenir l'une et l'autre, car la viande n'a qu'un seul pays d'origine si elle est née, élevée et abattue dans le même pays, alors que si les différentes étapes de la production ont lieu en plusieurs endroits, il importe de le préciser. Nous y reviendrons à l'article 5 à propos du vin, pour lequel les enjeux sont légèrement différents. Avis défavorable.
L'amendement no 119 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 152 du Gouvernement.
Il s'agit d'un amendement de précision dont il a déjà été question. Il vise à clarifier la formulation de l'article 2 ter afin de la conformer à son objectif réel.
À cette fin, deux modifications majeures lui sont apportées. Premièrement, l'amendement permet de viser explicitement les denrées qui comportent des protéines végétales – de type soja ou légumineuses – , plutôt que les « matières d'origine végétale ». En effet, en mentionnant ces dernières, le texte actuel pourrait s'appliquer aux denrées animales dans lesquelles sont incorporés des aromates ou des légumes, comme un steak à l'oignon ou à la tomate ; or ce ne sont pas elles qui sont ciblées ici.
Deuxièmement, la part de protéines végétales au-delà de laquelle sera interdite l'utilisation des dénominations associées aux produits d'origine animale sera fixée par décret, car cela ne s'improvise pas. L'amendement tend donc à supprimer la notion de « part significative », qui ne fournit pas un cadre suffisamment strict, alors qu'il convient d'encadrer lesdites dénominations dès lors que des protéines végétales sont incorporées au produit pour jouer un autre rôle que celui de liant protéique, donc à partir d'une proportion faible.
L'amendement précise la rédaction de l'article adoptée en commission à l'initiative de Jean-Baptiste Moreau. Je laisserai donc celui-ci s'exprimer à ce sujet. L'amendement ne me paraît pas dénaturer son intention ; il permet simplement au Gouvernement de définir les seuils, les modalités, l'application et les sanctions encourues.
L'amendement n'ayant pas été débattu en commission, c'est à titre personnel que j'émets un avis favorable.
L'amendement corrige la rédaction de l'article pour rendre celui-ci plus opérationnel. Je fais confiance au ministre de l'agriculture quant au fait que l'article n'en sera pas dénaturé. La précision proposée a bien pour but de mettre fin aux appellations trompeuses de « steak », « saucisse », etc. , s'agissant de produits auxquels on incorpore un certain pourcentage de matière d'origine végétale, ce qui a pour effet de réduire leur coût de production et, par la même occasion, le prix payé au producteur, auquel on explique alors que le steak haché premier prix, contenant de la betterave, du chou rouge ou du soja, correspond au prix psychologique accepté par le consommateur. L'idée est bien de stopper la course aux prix bas en ce qui concerne le steak haché, qui représente plus de 50 % de la consommation de viande bovine en France.
Deux questions au ministre. Par rapport au texte actuel de l'article 2 ter, l'amendement ajoute le mot « traditionnellement » puisqu'il parle de « dénominations traditionnellement utilisées ». Pourriez-vous nous expliquer ce que cela veut dire, monsieur le ministre ?
Ensuite, pourriez-vous éclairer la représentation nationale avant le vote quant au contenu du décret qui fixera la part de protéines végétales au-delà de laquelle la dénomination utilisée pour désigner les denrées alimentaires d'origine animale ne pourra être employée ? Quelle proportion envisagez-vous : 50 %, 80 % ?
Nous sommes face à une question majeure : certains groupes d'intérêt veulent substituer à la protéine animale une protéine végétale. Ces gens-là s'organisent, se préparent ; ils en passent par la dénonciation de la production carnée – un combat dont diverses associations comme L214 et DxE, Direct Action Everywhere, font leur fonds de commerce – et par de gros investissements, en Amérique, dans le « steak végétal » que l'on nous annonce, en utilisant des mots qui rappellent la viande pour vendre du végétal. Il s'agit d'une logique très impériale de la part des États-Unis et du monde américain en général.
De ce point de vue, l'article va plutôt dans le bon sens, celui qui veut que l'on combatte cette redoutable logique, même s'il ne va pas assez loin – mais je vais y revenir.
Je partage les inquiétudes de notre collègue Courson quant au mot « traditionnellement », car il n'y a là rien de traditionnel : c'est un phénomène nouveau que cette intrusion résultant des gros intérêts du végétal qui veulent faire passer des produits végétaux pour de la viande.
Je m'interroge également sur l'alinéa 3 de l'article actuel, qui dispose que « tout manquement au I est passible d'une contravention de cinquième classe ». En d'autres termes, on se refuse à employer des sanctions significatives : on refuse aux actes visés le caractère délictuel. Je comprends bien qu'il pourrait être compliqué de le faire, mais quelle sera concrètement la menace pour les contrevenants ? Une amende de 1 500 euros ! Voilà qui ne pénalisera guère les gros groupes d'intérêt qui sont derrière tout cela.
Chacun a le droit de manger ce qu'il veut : les gens sont libres de manger du végétal ! Mais quand on met des produits végétaux dans des steaks comportant de la viande, c'est encore une fois pour berner les pauvres, leur faire croire, au supermarché, qu'ils achètent la même chose moins cher. Ce n'est pas acceptable. Quand je mange de la viande, je mange de la viande ; quand je mange du végétal, je mange du végétal. De ce point de vue, l'amendement de Jean-Baptiste Moreau dont est issu l'article est conforme à l'esprit des états généraux de l'alimentation : promouvoir une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous.
Je suis d'accord avec vous !
Je salue également l'initiative de notre collègue Moreau, car elle vise à apporter apaisement et clarté. Inutile de réveiller des polémiques dans cette enceinte : il y en a assez dans la société.
Que l'alimentation évolue pour inclure davantage de protéines végétales et rééquilibrer ainsi leur part et celle des protéines animales, tout le monde l'admet, y compris la filière viande, qui promeut désormais le mieux plutôt que le plus. Laissons donc là ces mauvaises querelles.
Ce qui me paraît intéressant dans l'amendement de notre collègue Moreau et dans la précision que l'amendement gouvernemental apporte à la rédaction qui en est issue, c'est, je le répète, leur clarté. Car nous avons besoin d'un langage commun qui soit clair. On dit la vérité, on évite la tromperie commerciale et la tromperie culturelle : le steak, c'est de la viande, à 100 % ou presque ; c'est clair pour tout le monde, et cela n'entrave la liberté de personne ni l'évolution de l'alimentation.
Exactement ! On est tous d'accord !
Je soutiens fermement l'amendement. Les mots ont un sens, et une dérive dans l'usage d'un mot peut produire des effets pervers : on n'emploie plus le mot qu'à des fins de marketing. Il faut donc faire preuve de transparence et de clarté : on ne doit pas utiliser le même vocabulaire pour désigner des produits carnés et des produits d'origine végétale.
Très bien !
Monsieur de Courson, pour que les choses soient parfaitement claires, je propose de rectifier mon amendement pour en supprimer le terme « traditionnellement ».
J'ai souhaité reprendre l'amendement de M. Moreau en n'en retirant que la notion de « part significative », car ce dernier terme ne convient pas, pour des raisons juridiques. Le seuil doit être assez bas – 2 %, 3 %, je n'en sais rien. Vous l'avez tous dit, on a le droit de manger ce que l'on veut, comme on veut, du végétal ou du carné ; mais si on mange un steak, c'est un steak de viande. Telle est la précision que je souhaitais apporter au texte de M. Moreau, dont je salue l'initiative, comme vous l'avez tous fait en intervenant à propos de l'amendement du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai déjà répondu : ce sera à peu près 3 % !
L'amendement no 152 , tel qu'il vient d'être rectifié, accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 95 rectifié , 3 et 136 n'ont plus d'objet.
L'article 2 ter, amendé, est adopté.
Avant d'entamer la suite de la discussion, je vous indique, mes chers collègues, que c'est aujourd'hui l'anniversaire du député Jean-Claude Leclabart et que je le lui souhaite en cette enceinte.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Sourires.
Sourires.
Je suis saisi d'un amendement, no 71 rectifié , portant article additionnel après l'article 2 ter.
La parole est à M. Richard Ramos, pour le soutenir.
Je pense que ce que je propose relève d'une circulaire ; c'est donc un amendement d'appel, mais il me semble très important. On sait que la viande cellulaire est aujourd'hui en préparation. Cela veut dire que, demain, on pourra manger un aliment appelé « steak » puisqu'il sera à base de viande issue de cellules animales. Chacun voit bien pourquoi Bill Gates a mis des milliards dans cette affaire que l'on est en train de nous faire miroiter. Comme ces nouveaux produits devraient arriver très vite, mon amendement propose d'interdire dès à présent l'emploi des dénominations associées aux produits d'origine animale, par exemple « steak de viande » si celui-ci n'est pas issu d'une vache élevée à la ferme. Ces dénominations ne doivent pas pouvoir être utilisées par des gens qui n'ont fait que des choses en laboratoire. Cet amendement d'appel invite le ministère à être très vigilant sur cette affaire parce qu'on va avoir dans nos assiettes quelque chose qui nous sera vendu pour de la viande alors qu'il n'y aura aucun rapport avec une exploitation agricole.
Je partage votre préoccupation, mon cher collègue, mais il aurait été plus adapté de proposer d'indiquer le mode de production de la viande sur l'étiquette, à l'instar d'autres caractéristiques. En tout cas, j'attends de connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet. En ce qui me concerne, ce sera une demande de retrait puisque nous n'en avons pas débattu assez en amont pour pouvoir envisager les répercussions de la disposition que vous proposez.
Depuis une heure maintenant, je me retrouve assez dans les propositions du député Ramos. Mais je pense qu'il faut retirer cet amendement car on comprend bien qu'il s'agit en effet d'un amendement d'appel et qu'il est un peu trop tôt pour légiférer, comme l'a dit la rapporteure à l'instant. Cela étant, les sujets dont nous débattons à partir de la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter sont à la fois philosophiques et concrets car ils portent sur la transformation de l'alimentation de demain. De ce fait, ce sont évidemment des sujets d'actualité dont nous aurons l'occasion de reparler.
Amendement retiré, monsieur le président. J'en profite pour saluer la qualité des débats sur tous les bancs. C'est ceux que j'aime tenir avec vous, mes chers collègues, car ils visent à nous faire aller, les uns avec les autres, dans le bon sens. Merci à vous parce que voilà ce que j'appelle des débats !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 71 rectifié est retiré.
J'interviens à titre personnel, pas forcément au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, au sein duquel les appréciations sur le sujet peuvent diverger. Mais je tiens à dire à quel point je suis personnellement attaché à ce que cet article soit voté en l'état, dans sa rédaction actuelle. En effet, il concerne en particulier l'appellation d'origine protégée Saint-Nectaire, dans le département du Puy-de-Dôme – et aussi d'ailleurs dans des départements limitrophes, notamment le Cantal. Cette AOP est d'autant plus concernée que 80 % des 7 500 tonnes de Saint-Nectaire fermier sont affinées en dehors de l'exploitation. C'est une tradition qui date, m'a-t-on dit, de 1880, et qui est transcrite noir sur blanc dans le cahier des charges de l'appellation. Et je ne vois pas comment on pourrait modifier une pratique dont l'ampleur même interdit aux producteurs fermiers d'être en mesure d'affiner sur le lieu de fabrication. Ils auraient alors les pires difficultés à créer des structures collectives, autogérées d'une manière ou d'une autre, permettant de répondre à une autre disposition que celle proposée dans l'article ainsi rédigé. Je m'exprime comme porte-parole du pays de Saint-Nectaire et de bien d'autres AOP, mais j'aurai sans doute l'occasion tout à l'heure de dire quelques mots au nom de mon collègue Jumel, qui n'a pas tout à fait le même avis que moi.
Je suis à l'initiative de cet article, mais je constate qu'il fait souvent l'objet d'incompréhensions. Ainsi, après vous avoir écouté, monsieur Chassaigne, je ne sais pas très bien comment vous l'avez compris. Les Français aiment beaucoup les fromages fermiers : …
Ah, si vous relancez le débat sur le CETA !
Sourires.
… on en a vendu 17 000 tonnes sous AOP et 567 tonnes sous IGP en 2018, sans parler des fromages fermiers qui n'entrent pas dans une des deux catégories, mais la majorité d'entre eux, précisément 70 %, ne sont pas affinés à la ferme. Et cet article ne concerne que l'étiquetage de l'affinage.
Je n'avais pas compris cela. J'ai eu de nombreuses discussions au sujet de cet article avec différents collègues, et à chaque fois, je me suis demandé ce qu'ils en avaient compris puisqu'ils avaient l'impression qu'il allait faire obstruction à un mode de production.
Ah bon, alors c'est moi qui vous ai mal compris ! En tout cas, je rappelle que le droit était précis sur le sujet jusqu'à un arrêt du Conseil d'État de 2015 qui a supprimé toutes les précisions relatives à l'endroit où les fromages sont affinés. L'article 3 vise seulement à rétablir l'information du consommateur s'agissant du producteur d'une part, du nom de l'affineur et du lieu de l'affinage d'autre part, aussi bien pour les fromages sous AOP ou IGP que pour les fromages simplement fermiers. Car le consommateur doit être suffisamment informé pour tous ces fromages.
Je ne doute pas que les débats sur l'article 3, c'est-à-dire sur le fromage fermier, soient essentiels, mais je voudrais pour ma part revenir un instant sur la loi EGALIM. Le texte dont nous débattons manque d'ambition puisqu'il ne fait que nous inviter à nous prononcer à nouveau sur des dispositions de cette loi qui ont été censurées en tant que cavaliers législatifs. Ce matin, on a eu une réunion en commission des affaires économiques, que le président Lescure m'a proposé de présider, et je m'en suis donc tenu à une stricte neutralité. Mais cet après-midi, je vais pouvoir dire enfin ce que je pense vraiment de tout cela !
Il est ressorti de la réunion que la loi EGALIM était un échec puisqu'elle est inflationniste – mauvaise nouvelle pour les consommateurs – et qu'elle n'a à ce jour apporté aux agriculteurs aucune retombée. Il est vrai qu'elle a été promulguée il y a neuf mois seulement et qu'il faut peut-être attendre la fin des deux ans d'expérimentation, mais je doute qu'on aboutisse alors à autre chose que ce que j'ai entendu ce matin.
Je regrette qu'on n'ait pas profité du débat sur la présente proposition de loi pour corriger dès maintenant plusieurs erreurs : je pense à la hausse du seuil de revente à perte et à l'encadrement des offres promotionnelles tel qu'il a été voté. Beaucoup ont tiré la sonnette d'alarme, qu'il s'agisse d'UFC-Que Choisir ou de divers acteurs de la distribution, mais aussi du monde agricole ou de celui des entreprises. On voit bien qu'il y a dès aujourd'hui des effets pervers sans entrevoir pour autant les effets positifs. Peut-être faudrait-il se réveiller avant l'échéance des deux ans pour constater que ce que disait l'opposition était vrai, à savoir que cette loi ne mènera à rien, d'autant plus que ses objectifs ne pourront être atteints. Ne perdons pas de temps, monsieur le ministre : ne pourrait-on pas dès maintenant se mettre autour de la table pour voir comment corriger certains effets pervers de la loi EGALIM plutôt que d'attendre deux ans, sachant que d'ici là lesdits effets n'auront pas disparu, que l'inflation qui pénalise les consommateurs aura persisté et que les agriculteurs n'auront pas vu un euro de ce qu'on leur a promis ?
C'est une intervention très technique, raison pour laquelle j'ai pris des notes les plus précises possible. Monsieur le ministre, il s'agit dans cet article du fromage fermier. Initialement, tous ces fromages étaient régis par le même droit. Or, dans mes Pyrénées et peut-être aussi ailleurs, il y a des producteurs qui affinent leurs fromages directement chez eux, et ils n'ont pas de problème ; mais il y a également des bergers sans terre, ne disposant pas de structure, qui mettent leurs fromages fermiers dans des saloirs dits collectifs. Dès 1988, le fromage fermier était défini par décret comme un fromage produit par un producteur transformant le lait de son troupeau sur son exploitation selon des techniques traditionnelles. Cette définition a été reprise dans le décret relatif aux fromages et spécialités fromagères du 27 avril 2007. Deux recours émanant des producteurs corses, en 2009 et en 2015, ont abouti à la suppression de toute indication relative à l'affinage à l'extérieur de l'exploitation, laissant cette pratique dans un vide juridique total. Elle existe pourtant bien sur le terrain, et sa diversité au sein de nos territoires s'explique par l'histoire et la tradition. Il était ainsi nécessaire de rétablir un cadre juridique.
La rédaction initiale de l'article 3, avant que la commission ne se penche dessus, donnait un cadre réglementaire pour tous les produits fermiers, qu'ils soient sous le signe officiel de la qualité et de l'origine – SIQO – ou non. Les producteurs non SIQO tiennent à vous alerter sur le fait qu'il ne faut engendrer aucune discrimination entre les fromages fermiers SIQO et les autres fromages fermiers. Or la rédaction adoptée en commission crée un nouveau vide juridique. Ils souhaitent donc le rétablissement de la rédaction initiale, quitte à ce que les travaux se poursuivent pour trouver la meilleure rédaction possible, monsieur le ministre.
Nous en venons aux amendements sur l'article 3.
Je suis saisi d'un amendement, no 92 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour le soutenir.
Par cet amendement, je me fais le porte-parole d'associations de bergers producteurs fermiers, très inquiets devant la rédaction actuelle de cet article qui étend la définition du fromage fermier en admettant la possibilité d'un affinage en dehors de l'exploitation agricole.
Jusqu'à ce jour, mon collègue vient de l'évoquer, la mention valorisante « fermier » était définie par le décret du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères, et se limitait aux fromages « fabriqués selon des techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci ». De nombreuses associations s'inquiètent des conséquences de la nouvelle formulation qui associe la notion de fromages fermiers et celle d'affinage hors de l'exploitation. Chacun sait que quand le processus qui va du lait jusqu'au produit fini affiné est réalisé entièrement dans la même ferme, l'identité du producteur et la provenance du produit sont clairement connues du consommateur grâce à l'étiquette. Celui-ci est donc éclairé. En revanche, lorsque l'étape finale d'affinage a lieu hors de la ferme, c'est souvent la marque, donc l'identité du seul affineur, qui est mise en avant, ce qui risque d'entraîner une perte de traçabilité pour le consommateur qui aura de la peine à savoir où et comment le produit concerné a été fabriqué. Les associations de bergers producteurs fermiers craignent aussi, fort logiquement, une perte de valeur ajoutée pour le producteur fermier, alors même que c'est son travail à partir de la matière première locale qui rend possible l'apposition de la mention valorisante « fermier » sur le produit.
Il nous semble primordial de ne pas mettre en péril la situation des quelque 6 000 producteurs laitiers fermiers qui, pour la très grande majorité d'entre eux, affinent eux-mêmes leurs fromages et dont les bénéfices dépendent essentiellement de la plus-value jusqu'ici attachée à cette mention « fermier », tout comme il est important de ne pas mettre en cause la traçabilité des produits que l'on doit aux consommateurs. C'est pourquoi cet article doit être définitivement abandonné ou – j'anticipe le vote qui va suivre – à tout le moins précisé par les amendements de repli qui suivront.
Vous avez raison, cher collègue : il faut clarifier les règles du jeu. Néanmoins votre amendement est pour le coup trop restrictif, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable. Nous poursuivons les discussions sur cette question.
Monsieur Acquaviva, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, je serai amené à émettre un avis défavorable. La Corse connaît une situation particulière, que ne partage pas le reste du territoire français. Je considère, comme j'aurai l'occasion de le réaffirmer lors de l'examen d'amendements ultérieurs, qu'il ne faut pas imposer de restrictions. Plusieurs députés inscrits à l'article se sont exprimés en ce sens, notamment M. Lassalle, dont je partage entièrement l'argumentation : on ne peut pas faire de discriminations. Un fromage fermier est un fromage fermier, avec ou sans SIQO : là n'est pas la question.
À l'heure actuelle, de très nombreux agriculteurs ne font pas affiner leurs fromages dans leur exploitation car ils n'en ont pas la possibilité. L'affinage doit donc pouvoir être réalisé ailleurs, sans quoi nous mettrions à mal des pans entiers de l'agriculture et de l'élevage.
Les producteurs fermiers appartenant à une filière AOP sont au nombre de 750 : ils représentent à peine 12 % des 6 400 producteurs fermiers français. Il convient donc d'être très clair sur ce point : il n'est pas question de réserver le label « fermier » aux seuls SIQO. Ce label doit au contraire englober tous les produits fermiers, sans distinction : un fromage fermier affiné hors de l'exploitation parce que l'éleveur ne peut pas le faire chez lui présente la même qualité qu'un autre.
Telle est la position du Gouvernement. Je rejoins les arguments exposés par M. Lassalle dans le cadre de son intervention sur l'article, et je ne peux donc pas soutenir votre amendement, monsieur Acquaviva, car il ne va pas dans le sens d'un meilleur équilibre pour l'ensemble de nos éleveurs.
Malgré tout le respect et l'amitié que je porte à M. le ministre, je ne peux que le maintenir. J'attends d'ailleurs avec impatience les amendements suivants.
Les situations sont diverses, y compris parmi les AOP. L'exemple du Saint-Nectaire, évoqué par André Chassaigne, et dont j'entends bien la spécificité, le montre. Notre collègue a d'ailleurs évoqué un cas particulier pour justifier son soutien à l'article, et non une situation générale.
Bien sûr !
Retirer mon amendement reviendrait à valider une disposition qui entraînerait sur le terrain – en Corse, mais pas seulement, puisque d'autres associations nous ont saisis – des pertes de valeur économique pour les producteurs fermiers qui affinent dans leur exploitation au lieu de confier cette tâche à des affineurs. Ce hiatus m'empêche, à ce stade, de retirer l'amendement.
Cela étant, peut-être parviendrons-nous, au cours du débat – et notamment à l'aune des amendements qui seront examinés prochainement – , à préciser la rédaction de l'article, notamment autour des notions d'IGP et d'AOP.
Chaque sigle de qualité renvoie en effet au terroir et aux processus propres à chaque fromage : on parle bien de la diversité des fromages et des situations. Il paraît compliqué, s'agissant d'une agriculture répondant à une logique de qualité, en lien avec des niches de terroirs, de prétendre adopter une rédaction aussi générale sans prendre au moins en considération les indicateurs qui sérient les spécificités des produits. Seule la référence aux IGP et aux AOP, qui répondent chacune à des cahiers des charges différents, me semble de nature à résoudre cette contradiction. Elle sécuriserait le dispositif d'ensemble que vous voulez créer – volonté que je peux entendre – au regard de la crainte de perte de valeur ajoutée et de l'exigence de traçabilité pour le consommateur.
Le début de cette discussion – notamment les prises de parole d'André Chassaigne puis de Martine Leguille-Balloy – montre que l'article 3 est porteur d'une forme d'ambiguïté.
M. le ministre a apporté quelques précisions, mais je souhaite m'assurer d'avoir parfaitement compris le dispositif. En l'état actuel, quel que soit le lieu d'affinage d'un fromage, l'important est de respecter le cahier des charges – que le fromage soit affiné en exploitation, dans une fruitière, dans une coopérative ou dans une laiterie.
Absolument.
Une subtilité demeure cependant, concernant les AOP, les IGP, et les autres SIQO. Une précision ne mériterait-elle pas, à ce stade de la discussion, d'être apportée ?
La même règle vaudra pour tous les fromages : il n'y a pas de différence à faire entre les AOP, les IGP et les autres.
L'article 3 – qu'André Chassaigne souhaite conserver en son état initial – entretient à ce stade une forme d'ambiguïté ou de flou, qui a conduit notre collègue corse à déposer un amendement de suppression.
Je pense être d'accord avec M. le ministre, mais je souhaite vous alerter sur la diversité des situations sur le terrain. Dans le secteur de la Vienne et des Deux-Sèvres, par exemple, les éleveurs produisent du chabichou sans nécessairement bénéficier d'une AOP ou d'une AOC. Certains producteurs seuls affinent, d'autres font affiner leur fromage à l'extérieur, tandis que certains se regroupent pour l'affiner. Cette diversité des situations ne doit pas être remise en cause par une formulation trop directive.
Les acteurs de terrain, en fonction de leur origine géographique, ont des sensibilités différentes. Le texte que nous adopterons ne devra pas se révéler trop contraignant, si nous voulons qu'il réponde au maximum d'interrogations.
L'amendement no 92 n'est pas adopté.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 50 .
L'amendement no 50 est retiré.
Il vise à revenir à la rédaction initialement retenue dans la loi EGALIM telle que nous l'avions votée.
La commission a adopté un amendement restreignant l'étiquetage « fromage fermier » aux produits sous SIQO. Cette rédaction remet en question le fonctionnement historique de certaines filières fromagères : les producteurs fermiers n'ayant pas toujours la capacité technique ou financière de réaliser l'ensemble des opérations conduisant à la production des fromages affinés, nombre d'entre eux ont recours à des affineurs.
Les exemples sont nombreux. Ainsi, dans les Vosges, des éleveurs ont créé un fromage de tradition produit exclusivement à partir du lait de vaches vosgiennes. Or, comme ils ont pour projet d'affiner ce fromage en cave collective ou de faire appel à des affineurs, la rédaction adoptée en commission leur ferait perdre l'appellation « fromage fermier ». Nous souhaitons donc revenir au texte retenu dans le cadre de l'examen de la loi EGALIM, pour garantir l'appellation « fermier » à tous les producteurs faisant affiner leur fromage hors de leur exploitation.
Dans le droit fil de mon intervention précédente, et afin d'écarter les potentielles dérives que nous pressentons du fait de notre connaissance du terrain, il convient de revoir la rédaction de l'article 3 en la restreignant aux AOP et IGP, en intégrant la notion d'usages traditionnels et en affichant clairement les noms du producteur et de l'affineur. Tel est l'objet de l'amendement no 130 .
L'amendement no 131 constitue un amendement de repli.
L'amendement no 108 de Mme Barbara Bessot Ballot est rédactionnel.
Quel est l'avis de la commission ?
Les amendements visent à rétablir l'article 3 dans sa rédaction initiale, c'est-à-dire à permettre à tous les producteurs de fromages fermiers de les faire affiner à l'extérieur de l'exploitation tout en conservant la mention « fermier ». Je défendrai quant à moi la rédaction que nous avons adoptée en commission des affaires économiques, pour plusieurs raisons, avancées notamment par l'Association nationale des producteurs laitiers fermiers.
Traditionnellement – historiquement – , ce sont les producteurs bénéficiant d'un SIQO qui ont instauré un affinage à l'extérieur, lequel était généralement pratiqué par des opérateurs de petite taille ou des coopératives entretenant des liens forts avec le producteur. Il existe donc une longue pratique d'affinage à l'extérieur pour ces produits. Les SIQO sont soumis à un cahier des charges exigeant, qui garantit le respect des usages traditionnels.
Quelle est ma crainte – qui relaie celle des producteurs fermiers ? Si nous ouvrons cette possibilité à tous les producteurs de fromages fermiers, je redoute que se développe un affinage industriel, très préjudiciable au consommateur. Il suffira que de grands opérateurs laitiers industriels rachètent les entreprises d'affinage traditionnelles pour s'arroger la valeur ajoutée découlant de la mention « fermier » – cela se produit déjà. Il sera alors très simple de se procurer des fromages en blanc, qui seront affinés dans ces locaux, dans des conditions très éloignées de l'image que le consommateur se fait d'un fromage fermier.
Nous nous éloignerions très nettement de l'esprit des EGA : adieu la montée en gamme ; bonjour le galvaudage d'un terme auquel le consommateur et nous-mêmes sommes pourtant attachés.
J'avais exprimé ces doutes en commission et émis un avis de sagesse sur cette question, qui nécessite de mener des auditions. J'avais invité mes collègues à débattre et à faire part de la situation des producteurs de leur territoire. Les collègues qui se sont exprimés ont soutenu la restriction du dispositif aux fromages bénéficiant d'un SIQO : le vote a été unanime.
J'émets donc un avis défavorable à l'amendement no 138 , ainsi qu'aux amendements déposés par M. Acquaviva qui, à l'inverse, proposent de limiter la possibilité d'affiner à l'extérieur aux seuls fromages AOP et IGP, ce qui, pour le coup, me paraît excessivement restrictif. Nous avons en effet recherché un équilibre.
Quant à l'amendement no 108 , il vise simplement, si l'article 3 était adopté dans la version de la commission, à y apporter une précision rédactionnelle.
J'ajoute, mes chers collègues, que certains semblent confondre les producteurs fermiers et les transformateurs, qui affinent. L'esprit des EGA, s'agissant du titre I de la loi EGALIM, consiste à permettre aux producteurs fermiers de gagner leur vie. Or tel est bien le cas actuellement, et ces producteurs nous demandent justement de ne pas les mettre en péril. S'ils se regroupent pour affiner, ils conserveront le label « fermier » dès lors qu'ils en respectent le cahier des charges. En revanche, s'ils vendent en blanc et ne sont pas sous SIQO, l'affineur ne pourra pas galvauder le label. On se prémunit ainsi du formatage des goûts et des prix.
Il ne s'agit que de mon avis personnel, forgé à l'issue d'un long travail, que je tente également d'exposer à nos collègues sénateurs. Je vous présente la situation telle que je la perçois et que je l'ai observée dans les territoires.
Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais je ne peux pas être d'accord avec la position que vous avez exprimée ni avec votre amendement.
Je souhaite que l'Assemblée revienne à l'écriture de la loi EGALIM telle qu'elle avait été retenue l'année dernière : c'est, me semble-t-il, le plus important. En effet, on peut tout à fait être éleveur et produire du fromage fermier sans pouvoir l'affiner dans son exploitation. Je mentionnerai quelques exemples qui ont été portés à ma connaissance.
Comme je l'indiquais précédemment, 750 producteurs – sur environ 6 400 – appartiennent à une filière AOP. La Bourgogne, dont est originaire M. Rebeyrotte – ici présent – , perpétue une tradition d'affinage : au moins quatre affineurs localisés en Bourgogne travaillent avec les producteurs laitiers de la région. Seuls deux d'entre eux, néanmoins, affinent des fromages AOP. Les deux autres affinent exclusivement des fromages fermiers hors AOP – je songe notamment à la fromagerie La Racotière, qui en affine 95 %. L'adoption en l'état de l'article 3 ferait perdre le label « fermier » à ces fromages.
De la même façon, dans le Béarn, terre d'élection de M. Lassalle, deux tiers des fromages fermiers sont affinés hors des exploitations et ne sont pas AOP.
Lorsque l'on connaît la géographie et la réalité des petits éleveurs, il apparaît clairement que si l'on adoptait la restriction du label aux produits sous SIQO, nombre d'entre eux perdraient la mention « fromage fermier ».
En Haute-Garonne, une cinquantaine de producteurs laitiers veulent approcher le marché en circuit court de Toulouse ; si on les empêche de pratiquer l'affinage en dehors des exploitations, ils perdront cette possibilité.
Ce qui compte, c'est bien la façon dont l'élevage est mené.
Le cahier des charges, en effet. Je ne souhaite pas du tout que l'on fasse une différence entre les SIQO et les autres. Si le dispositif s'applique à tous les producteurs, il n'y aura pas de discrimination et on avancera, ce qui est dans l'intérêt de tous.
Madame la rapporteure, je comprends votre argumentation et je suis navré de ne pas être d'accord avec vous, mais ce serait de la discrimination par rapport à l'ensemble des producteurs. Nous ne pouvons donc pas faire cette différence : tous ceux qui répondent au cahier des charges doivent pouvoir obtenir l'appellation, que les fromages soient affinés à l'intérieur ou à l'extérieur.
Monsieur le ministre, vous êtes donc favorable à l'amendement no 138 et pas aux autres.
C'est cela.
Madame la rapporteure, les SIQO ont un sens. L'AOP, ou appellation d'origine protégée, suppose que toute la production ait lieu dans une certaine aire géographique. L'IGP, ou indication géographique protégée, suppose, quant à elle, que ce soit le cas d'une partie de la production. Viennent ensuite les fromages fermiers. Ce qui compte, c'est le cahier des charges.
Celui-ci permet, le cas échéant, que l'affinage se fasse ailleurs, ce qui ne change rien. Cela vaut pour les trois conditions, et le fait de pouvoir bénéficier de l'appellation « fermier » correspond déjà à un cahier des charges.
Vous disiez tout à l'heure qu'il ne fallait pas tromper les consommateurs à propos de l'affinage, mais je vous défie tous de dire si Beillevaire, que l'on rencontre sur toutes les bonnes tables de restaurant de France, est un fromager ou un affineur. Or chacun sait que ce sont de bons fromages fermiers – et, en réalité, il est aussi bien affineur que fromager. Le fait d'indiquer qui est le producteur et où le fromage est affiné représente un progrès phénoménal.
Je regrette que les rédactions uniformes ne prennent pas en compte l'ensemble des situations variées qu'évoquent nos collègues. Lorsqu'il est question de fromage, on devrait, par nature, intégrer la diversité des situations, à moins de considérer qu'il n'y a qu'un seul fromage en France et une seule façon d'en organiser la production et l'affinage, ce qui n'est pas du tout le cas.
En tout état de cause, l'ambiguïté de la rédaction finale, si elle venait à être adoptée, créerait en Corse une situation compliquée. Chez nous, en effet, les producteurs sont des affineurs : tous les producteurs fermiers affinent leur fromage et la valeur ajoutée qui leur permet de résister – à défaut de bien vivre – tient au fait qu'ils soient producteurs fermiers et affineurs. L'ouverture de cette dénomination créera d'autres situations ; il faut tenir compte de cette réalité, même si elle n'est pas prégnante pour l'ensemble des régions françaises. Chez nous, en tout cas, la mesure créerait de toute évidence une distorsion. C'est la raison pour laquelle je souhaite qu'elle soit mieux précisée – plus affinée, en quelque sorte.
Sourires.
Je soutiendrai évidemment l'amendement no 138 . En effet, la rédaction adoptée en commission des affaires économiques est de nature à créer un vide juridique pour les fromages fermiers, qui ne bénéficient pas d'un signe officiel de la qualité et de l'origine, au sens de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime. Ce vide juridique pourrait avoir comme conséquence néfaste, pour ces fromages, une perte de la mention « fermier » et de la valorisation qui y est liée. Je soutiens donc la position du ministre.
On a l'impression qu'il y a autant d'arguments que de fromages ! La question est certes complexe. Nous voulons défendre le paysan qui, dans sa cour de ferme, veut gagner de la valeur ajoutée en affinant et en vendant ses fromages, et qui redoute la concurrence de très gros collecteurs qui auraient le droit d'utiliser, dans la même zone, le terme « fermier », car celui-ci est vendeur. Il est donc proposé de monter en gamme en réduisant le champ d'application aux cahiers des charges applicables aux AOP et IGP. Je suivrai en cela Mme la rapporteure, car je comprends certes que la situation pose des problèmes sur certains territoires, mais je crains que des producteurs qui collectent des milliers de litres de lait puissent utiliser le terme « fermier ».
Peut-être ai-je mal compris, mais cette question nous perturbe beaucoup. C'est pourquoi j'avais demandé une nouvelle explication. On sait, en effet, que l'emploi du mot « fermier » est destiné à vendre plus. Protégeons donc ceux qui utilisent ce terme : ceux qu'a cités M. Chassaigne, bénéficiaires d'une AOP, ou ceux qui, en Corse, sont tous seuls dans la cour de la ferme, et ne laissons pas la porte ouverte aux industriels qui pourraient apposer le label « fermier » sur leurs produits.
Essayons de clarifier les choses. L'amendement no 138 défendu par ma collègue Sophie Beaudouin-Hubiere vise à rétablir l'article tel qu'il avait été voté dans la loi EGALIM, article équilibré qui n'autorise pas à parler de « produit fermier » pour des productions industrielles, comme certains veulent bien le dire. Il permet notamment à de jeunes agriculteurs qui se lancent dans la vente directe de pouvoir affiner collectivement plutôt qu'individuellement lorsqu'ils ne peuvent pas supporter les investissements nécessaires. Or l'article, tel qu'il a été modifié par la commission des affaires économiques à la suite d'un amendement de notre collègue Le Feur, exclut tout affinage collectif, sous peine de ne plus pouvoir étiqueter le produit comme fermier. Le dispositif que nous proposons permet au contraire de mutualiser les investissements nécessaires pour l'affinage, tout en permettant au produit de rester un produit fermier.
Je vous invite donc, chers collègues, à voter pour l'amendement no 138 , qui rétablit la rédaction de l'article voté par tous dans la loi EGALIM.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous parlons ici de 6 400 éleveurs dans toute la France. Je comprends la position de M. Acquaviva, mais la mesure n'est pas du tout exclusive : l'éleveur corse qui affine chez lui peut faire valoir que son fromage, affiné à la ferme, est un produit fermier, ce qui lui assure un revenu. Le Gouvernement, comme M. Moreau vient fort bien de l'expliquer, ne veut pas revenir à l'article de la loi EGALIM pour le principe, mais il souhaite que, dans le respect du cahier des charges, des produits fermiers puissent être faits ailleurs. Certains éleveurs, en effet, ne peuvent pas affiner chez eux ! Nous ne parlons ici que des produits fermiers, et non pas des produits industriels ; la mesure ne concerne pas tout le monde, mais seulement les producteurs de produits fermiers qui ne peuvent pas affiner sur place, …
… comme les jeunes de Haute-Garonne que j'évoquais tout à l'heure ou ceux que vient de citer M. Moreau et qui voudraient s'installer. Cela ne remet donc pas en cause le système tel qu'il fonctionne en Corse ni ne permet aux collectes industrielles de bénéficier de l'appellation de produits fermiers, mais cela permet de prendre en compte la situation de 6 000 exploitations qui seraient exclues de cette appellation si le texte était adopté dans la rédaction issue de la commission. Nous voulons donc rétablir la rédaction de la loi EGALIM pour que ces 6 000 fermiers puissent bénéficier de la mention « produit fermier ».
L'amendement no 27 , ayant reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, est retiré.
L'article 3, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement no 115 , portant article additionnel après l'article 3.
Proposé par France nature environnement, il vise à répondre à une demande de plus en plus pressante des consommateurs : lorsqu'ils achètent de la viande ou du lait, ils souhaitent connaître les conditions d'élevage des animaux. Une mention valorisante, qui pourrait être par exemple « élevé à l'herbe » et serait conditionnée à un pourcentage minimum de pâturages, à un chargement maximal à l'hectare et à une proportion de 90 % d'herbe dans la ration, permettrait cette information. Ainsi, ces produits seraient clairement identifiés et valorisés pour leur incidence positive sur la préservation des prairies, le stockage du carbone, le lien au sol des élevages, la préservation de la biodiversité et l'amélioration des conditions d'élevage en termes de bien-être animal. Un tel label pourrait être largement utilisé par les éleveurs allaitants français et les producteurs laitiers en AOP ou dans les territoires de montagne. Il s'agit ici d'inciter à des pratiques d'élevage raisonnées, qui profiteront à l'éleveur, au consommateur et à la biodiversité.
Cet amendement a déjà été déposé lors de l'examen de la loi EGALIM. L'exigence qu'il exprime n'est pas isolée et fait partie d'un tout. Mon avis sera défavorable.
L'amendement no 115 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance… pour réunir les membres de mon groupe.
Rires.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.
En 1975, le vin italien envahit le marché français et met en grande difficulté la viticulture française, celle du sud, en particulier. En mars 1976, dans ma circonscription, à Montredon-des-Corbières, un affrontement oppose des viticulteurs aux CRS. Le commandant Joël Le Goff est tué et le viticulteur Émile Pouytès est tué lui aussi. Pendant vingt minutes, les affrontements se poursuivent à coups de fusil et d'autres armes.
Le problème mis en avant par les viticulteurs du sud de la France, c'est que d'autres pays d'Europe – l'Italie et l'Espagne – parviennent à faire rentrer du vin dans le nôtre sans que son origine soit clairement identifiée. Aujourd'hui, les Espagnols arrivent à produire du vin à 28 euros l'hectolitre, alors que le vin produit chez nous coûte à peu près 68 euros l'hectolitre. Le problème, c'est que certains metteurs en marché achètent ce vin à 28 euros l'hectolitre et le commercialisent dans notre pays en faisant plus ou moins croire, par un emballage adapté, qu'il s'agit de vin français.
Depuis les années que je viens d'évoquer – 1975 et 1976 – , les viticulteurs français demandent que l'emballage comporte un étiquetage permettant d'identifier clairement la provenance du vin. Je suis donc très heureux d'intervenir sur cet article parce que nous allons enfin rendre hommage – c'est pourquoi j'ai voulu les citer – à tous les vignerons concernés mais aussi au CRS qui a été tué à l'époque. Nous allons enfin régler le problème. Pour tous les vignerons de notre pays, pour sa viticulture et son agriculture, mais aussi pour les consommateurs, qui ne seront plus trompés, nous allons accomplir un pas important.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 110 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l'amendement no 18 , portant article additionnel après l'article 4.
En tant que membre du groupe d'études vigne, vin et oenologie, je tiens à défendre cet amendement de notre collègue Fabrice Brun.
Les vins français sont de plus en plus confrontés à la concurrence déloyale de vins de qualité douteuse provenant notamment, comme cela vient d'être dit, de la péninsule ibérique, mais aussi de certains pays de l'Est, voire d'outre-Atlantique. Ces vins ne répondent pas aux normes sanitaires françaises, en matière phytosanitaire, entre autres. Certaines de leurs méthodes de vinification sont mal contrôlées et, par ailleurs, leurs cépages sont de qualité très variable. Ces vins remportent cependant un certain succès commercial, notamment dans la grande distribution et sur internet.
Les vignerons français ont créé des mécanismes de lutte contre l'usurpation de leurs noms et la contrefaçon. L'INAO, l'Institut national de l'origine et de la qualité, instruit d'ailleurs régulièrement des dossiers de contrefaçon et évalue à 20 % la quantité de cols contrefaits dans le monde. C'est pourquoi cet amendement vise à lutter contre l'étiquetage trompeur des produits viticoles.
Je vous renvoie à l'article 4 de la proposition de loi, qui devrait répondre à votre préoccupation au sujet des pratiques qui trompent le consommateur sur la provenance du vin. Je comprends le combat de Fabrice Brun, qui copréside avec moi le groupe d'études gastronomie, mais mon avis sur son amendement est défavorable.
L'amendement no 18 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je serai bref car il s'agit en grande partie d'arguments que j'ai déjà développés. Je voudrais cependant citer notre collègue Philippe Huppé, qui, lors des premiers échanges, avait beaucoup travaillé sur les questions auxquelles est consacré cet article, et avait notamment proposé un amendement. Il faut donc lui rendre hommage, ainsi qu'à tout le groupe d'études vigne, vin et oenologie.
Tout à fait.
Cela a été dit à plusieurs reprises cet après-midi et lors de nos précédents débats : il est de plus en plus fréquent de manger à l'extérieur ; ainsi évolue la société. Or la provenance des vins vendus au verre ou en pichet n'est pas toujours indiquée. Pour les raisons que j'ai évoquées précédemment, un pichet dont le prix n'est inférieur que de quelques euros à celui d'une bouteille peut contenir du vin dont l'origine n'est pas identifiée, ou en tout cas pas clairement indiquée aux consommateurs, ce qui pose divers problèmes. Cet article vise à rendre cette information obligatoire, afin que le consommateur puisse savoir d'où vient le vin contenu dans son pichet ou dans son verre. Il s'agit donc, là encore, d'améliorer l'information du consommateur, et c'est une très bonne chose.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.
Il s'inscrit dans la continuité d'un amendement que j'avais défendu précédemment, dans lequel était accolé aux mots : « pays d'origine », le mot : « provenance », dont le sens m'inquiétait. Il s'agit, là encore, d'ajouter les mots « pays d'origine » a la mention de la « provenance ».
J'ai le sentiment que l'objet de l'article 5 est précisément de mentionner le pays d'origine. Le règlement européen de 2011 relatif à l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit « INCO », définit, en son article 2, ce qu'est le « lieu de provenance ». En tout cas, votre amendement semble tout à fait justifié : j'émets donc un avis de sagesse.
L'amendement no 118 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour soutenir l'amendement no 32 .
À la suite de l'adoption d'un amendement en commission, l'article 5 ne s'appliquera que dans un an. Compte tenu de ce que vient d'expliquer Alain Perea, nous souhaitons que la disposition prévue à l'article, attendue depuis longtemps par les filières, s'applique dès avant la période estivale, soit au 1er juin 2020.
Nous comprenons bien votre demande, chère collègue, mais M. Dive, qui a présenté en commission l'amendement que vous évoquez, nous a demandé ce délai afin de permettre à la profession de s'adapter. L'objectif est bien d'y arriver mais nous demandons quelques mois supplémentaires pour y parvenir ensemble. L'avis sera donc défavorable.
Je m'en remets à la sagesse de Mme Verdier-Jouclas et de votre assemblée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 32 est adopté.
Étant élu d'une région cidricole s'il en est, je ne suis pas spécialiste des questions viticoles. Cet amendement, auquel tient particulièrement M. Di Filippo, vise à ce que soit apposé sur la carte des vins des restaurants un pictogramme du drapeau national du pays d'origine. Ce serait une information claire, simple et lisible pour le client.
Nous souhaitons tous renforcer l'information du consommateur. Cependant, la lisibilité dépend aussi de la quantité d'informations données. L'article 5 prévoit que les éléments doivent être indiqués « de manière lisible ». L'objectif de votre amendement est donc satisfait par cette disposition. L'avis sera donc défavorable.
L'amendement no 45 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, toujours à vocation viticole, déposé par notre collègue Di Filippo, tend à prévoir : « Les mentions descriptives d'origine du vin sont de la même taille de caractère que le reste de la description des vins étrangers sur les cartes des restaurants. »
L'amendement no 47 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 5.
Nous commençons par l'amendement no 64 .
Je vous remercie, monsieur Ruffin, pour votre arrivée remarquée…
En effet, sur l'amendement no 64 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Vous avez la parole pour soutenir l'amendement, madame Degois.
Il vise à introduire un étiquetage indiquant le mode d'élevage pour les produits contenant des oeufs comme les sandwichs ou les pâtes, à l'instar de ce qui existe pour les oeufs coquille depuis 2004. Il est proposé de donner une information claire et transparente au consommateur concernant le mode d'élevage en adoptant le même type d'étiquetage que celui que nous connaissons : un codage de 0 à 3.
Les oeufs issus de poules en cage sont présents dans 71 % des produits vendus contenant des oeufs, alors qu'en coquille, ils ne représentent que 48 % des achats des Français, selon la filière. En écho à une attente sociétale forte, qui s'est largement exprimée lors des états généraux de l'alimentation, et conformément à l'engagement pris par le Président de la République lors de sa campagne, nous devons accompagner la transition vers des modes d'élevage alternatifs en permettant à nos concitoyens de choisir leur alimentation en connaissance de cause, tout en valorisant des modes de production vertueux sans imposer pour autant de nouvelles contraintes.
Dans ce but, nous proposons un dispositif simple : étendre aux ovoproduits l'étiquetage actuel des oeufs coquille, dans le cadre d'une expérimentation de deux ans, avant évaluation.
Nul besoin que l'État instaure un code d'étiquetage. La filière et les distributeurs peuvent déjà le prévoir spontanément. L'avis est donc défavorable.
Madame Degois, j'aimerais vraiment vous convaincre. Je comprends votre amendement mais il n'est pas applicable, il ne répond pas à l'intérêt général et, en tout cas, il n'est pas soutenu par le monde agricole. Or, si nous sommes réunis dans l'hémicycle pour débattre de cette proposition de loi, c'est pour soutenir le monde agricole.
Vous le savez, le Gouvernement souhaite améliorer le bien-être animal, et plusieurs mesures fortes en ce sens, déclinaisons de la loi EGALIM telles que vous l'avez adoptée, ont déjà été annoncées et seront élaborées avec les filières : la fin du broyage des poussins, la fin de la castration des porcelets, l'interdiction de construction de tout nouveau bâtiment destiné à l'élevage de poules pondeuses. Ce sont des avancées considérables, jamais envisagées auparavant, qui sont largement approuvées et accompagnées par la profession.
Franchement, dans votre exposé, vous n'avez présenté aucun argument. Pour quelle raison séparer les ovoproduits des autres produits ? Cette distinction n'a absolument pas lieu d'être. Pourquoi stigmatiser une filière qui fait d'énormes efforts pour évoluer ? Conformément à la loi EGALIM, pour laquelle vous avez voté, le plan de filière du CNPO – le Comité national pour la promotion de l'oeuf – a fixé des objectifs. Ainsi, celui prévoyant qu'une poule sur deux soit élevée en élevage alternatif en 2022 sera atteint dès 2021 !
Il faut faire très attention. Le monde agricole est fragile et confronté à des difficultés. Je ne pense pas qu'il soit utile d'y ajouter de la stigmatisation. Madame la députée, je comprends votre amendement, que je prends comme un amendement d'appel, mais je vous demande de le retirer dans, l'intérêt des filières. À défaut, mon avis sera défavorable.
Plusieurs collègues ont demandé la parole. Vous savez que le règlement autorise deux orateurs par amendement. De manière exceptionnelle, je donnerai la parole à quatre orateurs : M. Becht, M. Ramos, M. Diard et M. Moreau.
Je demande la parole, d'autant que nous sommes à l'origine du scrutin public sur l'amendement.
Bienvenue, monsieur Ruffin !
J'assistais à une audition de mission d'information ! Je n'étais pas aux Bahamas !
Il ne sert à rien de vous invectiver d'une travée à l'autre. Ce n'est pas la peine de souligner l'arrivée remarquée de M. Ruffin, qui a tout autant le droit à la parole qu'un autre député. Monsieur Ruffin, vous aurez la parole. Je propose donc que chaque groupe puisse s'exprimer sur cet amendement.
La parole est à M. Olivier Becht.
Je soutiens cet amendement. Monsieur le ministre, je comprends votre raisonnement mais je ne le partage pas. L'amendement ne me semble pas stigmatisant pour la filière : les producteurs ont le droit de vendre des oeufs de poules élevées en cage et les consommateurs ont le droit de consommer de ces oeufs. À l'inverse, les consommateurs ont également le droit de vouloir consommer des oeufs pondus par des poules élevées en plein air.
Pourquoi interdirait-on l'étiquetage alors qu'on ne le fait pas pour les oeufs ? Le raisonnement me semble valoir pour les produits dérivés, gâteaux ou biscuits à base d'oeufs, par exemple : le consommateur doit pouvoir savoir si les oeufs proviennent ou pas de poules élevées en cage. L'amendement me semble parfaitement recevable et aller dans le sens d'une plus grande transparence et d'une meilleure information du consommateur sur les produits qu'il achète, sans stigmatiser quiconque.
Les débats de cet après-midi ont été excellents et l'amendement est sérieux.
La filière des oeufs a commis l'erreur, il y a quelques années, de refuser de croire que le consommateur voudrait manger des oeufs de poules élevées ailleurs qu'en cage. Les Allemands nous ont alors pris des parts de marché car ils avaient compris la demande des consommateurs. La filière s'est trouvée mise en difficulté car dans certaines exploitations, des investissements pouvant aller jusqu'à 1 million d'euros avaient été réalisés pour poursuivre l'élevage en cage.
Il s'agit d'un amendement d'appel, qui prévoit une expérimentation. La filière doit faire attention. Notre message à son égard doit être le suivant : nous vous entendons mais ne vous y trompez pas ; la demande des consommateurs en ce qui concerne les produits transformés vous obligera demain à respecter la même exigence que pour les oeufs coquille ; ne commettez pas la même erreur ; ne mettez pas votre filière à mal comme vous l'avez fait par le passé en convainquant certains d'investir alors que vous étiez hors sujet par rapport à la demande du consommateur.
Cet amendement mérite une grande attention car il pose la question de la qualité et de l'indispensable montée en gamme des produits français. Mme Degois a raison.
Je défendrai aussi cet amendement. Comme M. Becht, je ne comprends pas pourquoi vous utilisez le terme « stigmatisation ». Les musulmans fondamentalistes l'emploient lorsqu'on les critique.
Ça va bien !
Jusqu'à maintenant, les débats étaient sereins !
Votre comparaison, je ne l'aime pas non plus !
Je vous ai dit pourquoi je ne l'aime pas, et je comprends que cela vous déplaise.
Certaines comparaisons sont inacceptables. Le débat était serein, jusqu'à présent.
Mais je n'aime pas ce terme. C'est un amendement permettant d'améliorer l'information. Pourquoi la volonté d'informer les consommateurs serait-elle de la stigmatisation ? Je ne comprends pas.
Il est normal que les ovoproduits connaissent la même évolution que la filière des oeufs ! Cela se fera naturellement !
Monsieur le ministre, je vous le rappelle car vous l'avez complètement oublié : vous êtes le ministre de la condition animale. L'interdiction du broyage des poussins et celle de la castration à vif des porcelets ne sont que des promesses dont la réalisation est sans cesse reportée. J'aimerais que vos promesses deviennent aujourd'hui des engagements tenus.
En matière de bien-être animal, des mesures concrètes seront prises dans les jours à venir. Avec cet amendement, l'étiquetage sera imposé aux producteurs français, alors que nous sommes incapables de le faire pour les importations.
Bien sûr !
L'étiquetage sera obligatoire pour les ovoproduits français et pas pour les ovoproduits importés ; donc, de fait, on favorisera ces derniers, pourtant soumis à des exigences en matière de bien-être animal encore moins strictes.
Nous avons bien compris que cet amendement était téléguidé, au vu des nombreux mails que nous avons reçus ces derniers jours, émanant de certaines plateformes, et de la forte mobilisation de certains députés.
Nous savons très bien qui téléguide un tel amendement dont l'objet n'est pas le respect du bien-être animal mais l'interdiction de tout élevage en France.
Applaudissements sur certains bancs du groupe LaREM.
Je voudrais rappeler une promesse de campagne : fin de l'élevage des poules en cage. Cette promesse n'émanait pas du candidat Jean-Luc Mélenchon mais du candidat Emmanuel Macron. Nous en sommes loin avec cet amendement, puisqu'il s'agit non pas d'interdire l'élevage mais d'imposer un étiquetage pour les produits à base d'oeufs provenant de poules élevées en cage. On nous répond que même une mesure aussi modeste est impossible.
Au nom de quoi ? Nous ne défendons pas seulement les droits des consommateurs ; nous sommes là pour faire respecter le bien-être animal. À cet égard, je prône la fin de l'élevage en cage !
Nous parlons d'une vie qui n'est qu'une succession de calvaires pour les poules élevées en batterie : les poussins sont triés, après quoi les mâles sont gazés ou broyés ; les gestes naturels que sont, pour les poules, le fait de se percher et de picorer sont impossibles ; on constate des troubles agressifs, voire du cannibalisme, des mouvements stéréotypés car leur vie est un enfermement permanent ; le bec est coupé pour éviter les coups sur les autres ; les os sont atrophiés faute de mouvements. Leur vie n'est que calvaire.
Je souhaite la disparition de ce type d'élevage. Disant cela, est-ce que je mets à mal la filière ? Non, car je souhaite que des aides soient accordées pour faciliter la transition écologique vers un modèle plus respectueux du bien-être animal !
Nous discutons d'un texte consacré non pas à l'agriculture mais à l'alimentation. Dans ce cadre, l'amendement n'est pas un amendement d'appel, mais un amendement concret que nous soutenons avec vigueur.
Je serai très bref. Monsieur le ministre, l'étiquetage des oeufs en quatre catégories est-il de compétence nationale ou européenne ? Dans le second cas, ce que dit M. Moreau est plein de bon sens : si l'étiquetage est imposé à la production nationale les importations y échapperont ; dès lors, il faut retirer l'amendement et demander au ministre de se battre à Bruxelles pour obtenir son adoption. En revanche, si cela relève de la compétence nationale, l'amendement peut être mis aux voix.
En l'espèce, le groupe Les Républicains soutient la position du Gouvernement.
Soumise à plusieurs chocs, la profession avicole a consenti des efforts considérables ; elle a notamment réalisé des investissements très importants pour augmenter la taille des cages. Or à peine ces investissements ont-ils été effectués que l'on veut précipiter les choses, alors même que la proportion d'oeufs produits de manière alternative ne cesse de croître.
Vous rendez-vous compte, madame Degois, des conséquences qu'aurait l'adoption de votre amendement ? Elle aboutirait à casser la filière avicole en France. Jean-Baptiste Moreau l'a parfaitement dit, nous serions soumis à une concurrence redoutable de certains pays voisins.
Le moral de nos agriculteurs est bas, et ce n'est pas cette loi, hélas, qui va le relever. Faisons au moins en sorte de ne pas enfoncer notre aviculture !
Ils vont leur demander de mettre le petit doigt sur la couture du pantalon !
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
Je me permets de revenir sur l'amendement no 64 , plus largement, sur le problème qui nous préoccupe.
Je vous l'ai dit, le Gouvernement et moi-même nous sommes engagés sur la question, très importante, du bien-être animal. Le Premier ministre est en train d'arbitrer, et nous annoncerons, dans les jours qui viennent, des mesures fortes à ce sujet. Je ne vais pas les dévoiler car il revient au Premier ministre de le faire. J'en ai néanmoins évoqué quelques-unes : l'interdiction du broyage des poussins et celle de la castration à vif des porcelets. Je lancerai en outre une mission parlementaire sur l'abandon des animaux de compagnie. De nombreuses mesures, donc, seront annoncées, …
… dans les jours qui viennent, …
… par le Premier ministre et moi-même, une fois les arbitrages rendus.
Je suis au fait de la demande exprimée par la société et nos concitoyens en la matière ; je l'entends tous les jours. Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui seraient au contact des citoyens et, de l'autre, ceux qui se tiendraient à l'écart. Que l'on vive en ville, dans un bourg centre ou dans une zone rurale, on est témoin de cette demande. Les citoyens de France sont tous les mêmes, et les enfants sont tous sensibles à cette question, qu'ils grandissent dans une métropole ou une commune rurale.
Le Gouvernement a pris conscience de cette situation et a l'intention d'aller loin, comme jamais.
Certains parlent, parlent, parlent, et, pour eux, on n'en fera jamais assez. Les décisions qui seront prises dans les jours à venir changeront totalement notre perception du sujet et notre rapport au bien-être animal. Nous ne voulons pas changer de civilisation, nous ne voulons pas tout révolutionner, mais nous voulons annoncer des mesures qui iront très loin.
Je souhaiterais que vous entendiez ces arguments, madame Degois. On ne peut pas aborder la question bout par bout, en l'occurrence au détour d'un amendement, au demeurant respectable, à une proposition de loi. Les mesures que le Gouvernement et moi-même proposerons à la majorité et, de manière générale, à toute l'Assemblée présenteront une cohérence d'ensemble.
Dans un instant, l'Assemblée va vous permettre de prendre un vrai élan !
Je vous invite à retirer l'amendement, afin de le déposer de nouveau dans le cadre d'une discussion plus globale. Si tel n'était pas votre souhait, j'émettrais un avis défavorable.
Si l'on tire la ficelle par petits bouts, le dispositif manquera de cohérence. Je ne souhaite pas que l'on aborde la question du bien-être animal par la stigmatisation d'une filière, en montrant du doigt tel ou tel aspect.
Il n'y a pas de stigmatisation ! Cessez d'employer ce terme ! Il est seulement question d'étiquetage !
Je pense que nous devons la traiter dans son ensemble. Je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement ; à défaut, je donnerais un avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 18
Contre 30
L'amendement no 64 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 68 , je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement.
Je le présente au nom du groupe UDI, Agir et indépendants. Il nous a été suggéré par les brasseurs de bière indépendants. Il est soutenu par Dominique Potier et Caroline Fiat, députés de Meurthe-et-Moselle – M. Potier a quitté l'hémicycle pour regagner sa circonscription, compte tenu du mouvement social qui s'engage.
Nous proposons que le nom et l'adresse du producteur soient indiqués en évidence sur l'étiquette des bouteilles de bière. En effet, il faut éviter qu'il ne soit induit en erreur quant à l'origine de la bière, par un élément ou un autre, notamment par la présentation générale de l'étiquette. Les mentions sur l'étiquette, y compris celles de nature non commerciale, ne sauraient faire apparaître un lieu différent du lieu de production réel de la bière.
Lors de l'examen de l'amendement en commission, madame la rapporteure, je vous ai sentie réceptive à ces arguments.
En vous reportant à l'exposé sommaire de l'amendement, mes chers collègues, vous comprendrez immédiatement le problème : comment expliquer que la Cagole, bière de Marseille, soit produite en République tchèque ou que l'Alsacienne sans culotte le soit en Belgique ? Il s'agit de réintroduire de la sincérité, de l'honnêteté et de la clarté, dans l'intérêt du consommateur. Ceux qui dégustent ces bières ne doivent pas être trompés par des mentions ou des allusions à un lieu géographique, à un nom de ville ou de territoire.
Lors de l'examen du projet de loi EGALIM, j'avais déjà été alertée sur ce point par le SNBI, le Syndicat national des brasseurs indépendants. Pour participer à l'organisation, dans mon village, d'un événement rassemblant cinquante-huit brasseurs indépendants, je connais bien le problème : les brasseurs indépendants subissent effectivement une discrimination.
En commission, monsieur Benoit, vous aviez retiré l'amendement, à ma demande, afin que nous puissions travailler avec méthode, en auditionnant au préalable non seulement le SNBI, donc nous connaissions déjà l'avis, mais aussi Brasseurs de France. Il fallait veiller à ne pas faire n'importe quoi, à ne pas porter préjudice à la filière. Or nos interlocuteurs de Brasseurs de France, qui luttent eux aussi contre les fraudes de cette nature, souhaitent avancer et ne sont pas défavorables à la mesure. J'émets donc un avis favorable.
Il est également favorable.
Mme la rapporteure applaudit.
Je remercie Mme la rapporteure et M. le ministre de leurs avis favorables. Cette mesure est effectivement très importante pour tous les brasseurs de nos territoires, qui fabriquent généralement d'excellents produits mais souffrent, Thierry Benoit l'a très bien dit.
En Bretagne, nous en sommes conscients, car nous avons de très bons brasseurs. Je fais un peu de publicité au passage : je rappelle que la bière servie à la buvette de l'Assemblée est produite dans ma circonscription.
Sourires.
Bien évidemment, il faut consommer la Sant Erwann avec modération !
Au-delà de cette petite boutade, le dispositif proposé par l'amendement soutiendra des produits de qualité ancrés dans les territoires, qu'ils font vivre.
On constate effectivement un très fort développement des brasseurs indépendants, qui s'inscrit dans un grand courant de retour à l'authenticité touchant non seulement la bière mais également beaucoup d'autres produits agroalimentaires. De fait, il n'est pas normal que l'étiquetage de l'origine fasse l'objet de détournements. Par ailleurs, la mention du lieu de fabrication existe déjà pour de nombreux vins. Je félicite donc la rapporteure et le ministre d'avoir donné un avis favorable sur cet amendement.
Je remercie à mon tour M. le ministre et Mme la rapporteure d'avoir tenu parole.
C'est une tautologie !
Sourires.
Comme l'ont dit mes collègues, les brasseries de proximité participent à la vie des territoires. Cet amendement visant à l'amélioration de l'étiquetage des produits locaux et artisanaux sera la contribution de mon groupe à ce mouvement. Cela me fait très plaisir que l'amendement soit adopté, et j'en remercie le Gouvernement, Mme la rapporteure et M. le président de la commission.
Attention, il s'agit uniquement d'un avis favorable ! L'amendement n'est pas encore adopté !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 41
Contre 1
L'amendement no 68 est adopté.
Sourires.
Il s'agit d'un amendement d'appel. Certains vins présentent parfois un goût ou un parfum de violette ou d'autre chose, car certains vignerons ajoutent à leur vin des poudres aromatiques de synthèse – les vignerons comprennent bien ce que cela signifie, techniquement. Pour moi, le vin ne doit avoir que le goût – de cerise, par exemple – que le terroir lui donne. Cet amendement vise donc à alerter sur l'utilisation des poudres et levures aromatiques de synthèse et à ouvrir le débat sur ce sujet : le goût du vin, c'est le goût du terroir, pas celui des poudres de perlimpinpin.
Très bien ! C'est comme la fausse huile de truffe…
Monsieur Ramos, comme je peux partager votre avis ! Mes amis de l'interprofession Biodyvin le partagent également. Leur cahier des charges relative à la biodynamie, dont le respect permet l'obtention des labellisations demeter et bio, interdit d'ailleurs déjà l'ajout de levures chimiques. Je pense donc que, sur le fond, l'amendement est satisfait.
Cependant, le débat n'ayant pas été abordé lors de l'examen de la loi EGALIM, je ne peux lui donner un avis favorable et en demande le retrait.
L'amendement no 70 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour soutenir l'amendement no 106 .
Rejeté en commission, cet amendement que mon collègue Jean-Michel Jacques a souhaité déposer de nouveau en séance vise à définir la mention « traditionnelle », apposée sur les bouteilles de cidre. Produit à base de pur jus non pasteurisé, sa prise de mousse est naturelle et s'effectue en bouteille.
C'est le meilleur des cidres. On voit que certains n'ont jamais goûté un cidre de la ferme…
Sagesse.
L'amendement no 106 n'est pas adopté.
On arrive à un endroit important du texte à mes yeux car il va être question de biodiversité. Je remercie d'ailleurs vivement le groupe La République en marche d'avoir repris un amendement sur les semences paysannes, qui avait été rejeté en commission.
Pourquoi parler de biodiversité dans ce texte ? Car, en un siècle, 90 % des variétés agricoles ne sont plus cultivées par les agriculteurs, ont disparu, et cette disparition est définitive pour 75 % des variétés. L'érosion de la diversité des plantes mises en culture est extrêmement grave car l'homogénéité génétique qu'elle entraîne rend nos cultures vulnérables et présente un risque pour la sécurité alimentaire.
C'est pourquoi nous devons encourager les démarches contribuant à la protection et à la valorisation de notre patrimoine naturel, par exemple en facilitant l'utilisation des variétés de semences paysannes aux goûts, formes et couleurs diversifiés : ces semences font tant pour notre patrimoine gastronomique !
Je tiens à préciser que, à deux reprises déjà, le législateur s'est prononcé dans ce sens : la première fois lors de l'examen de la loi EGALIM. Le Conseil constitutionnel les a censurées à deux reprises pour des raisons de forme, depuis lors rectifiées, mais n'a jamais été remis en cause leur principe. Nous voulons donc rétablir la possibilité de cession à titre onéreux des variétés de semences paysannes aux jardiniers amateurs.
Et que l'on ne cherche pas à m'opposer le droit européen : j'ai en main tous les arguments qui prouvent que cette cession n'y contrevient pas. D'ailleurs, le Danemark, qui s'est engagé dans une démarche similaire, l'a présentée à la Commission européenne en 2016, et tout s'y passe bien.
Enfin, à ceux qui seraient tentés de conditionner cette cession à une inscription au catalogue officiel sur la base d'une déclaration gratuite, comme le demande le GNIS – le Groupement national interprofessionnel des semences et plants – , je répondrai que cela reviendrait purement et simplement à tuer cette avancée, car les standards d'homogénéité et de stabilité requis pour l'inscription au catalogue officiel vont à l'encontre de la biodiversité cultivée et vivante que nous entendons ici préserver.
Je vous remercie d'avance de voter en faveur de cette belle mesure.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement no 137 .
Si j'entends parfaitement les arguments de Mme Pompili, l'article 6 est également très important pour moi, qui suis producteur de semences. Quand on évoque ces produits, c'est souvent pour parler de rentabilité, car la filière dégage un excédent commercial de près d'1 milliard d'euros ; avec quelque soixante-treize entreprises de sélection et multiplication, c'est une véritable filière, qui répond parfaitement à la nécessité de dialogue qui avait été soulignée lors des discussions sur la loi EGALIM.
Je comprends votre sensibilité au problème de l'érosion génétique, madame Pompili. Néanmoins, je ne pense pas qu'offrir à tout un chacun la possibilité de commercialiser ses semences sans garantir des normes de production et de germination, donc sans un certain degré de pureté et de qualité sanitaire, soit la bonne solution. Il faut trouver, me semble-t-il, un équilibre entre votre souhait et la réalité de la filière. Vous avez évoqué des chiffres de perte de biodiversité : ce sont des chiffres mondiaux car, en France, il existe réellement un maintien des semences, sur lequel les collectionneurs s'appuient.
Je tiens à témoigner de ce qu'est mon métier : avec seize cultures différentes, mon exploitation me semble favorable à la diversité. Faisons attention à ce que le combat pour cette cause juste qu'est la protection de la biodiversité ne conduise pas à détruire une filière exceptionnelle. En France, peu sont aussi structurées.
Je suis favorable à une approche simple : la possibilité de décrire simplement, à titre gracieux, les semences. D'ailleurs, celles-ci ne sont pas nécessairement homogènes, et il existe des critères pour en décider. Votre crainte concernant l'homogénéité n'est pas fondée. Mon amendement propose donc une approche simple…
… qui concilie votre souci et la protection d'une filière d'exception faisant la richesse de l'agriculture française.
L'amendement réécrit l'article 6, qui porte sur les semences. Alors que, dans l'état actuel du droit, les semences non inscrites au catalogue officiel ne peuvent être cédées qu'à titre gratuit, cet article prévoit la possibilité d'une cession à titre onéreux à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété, c'est-à-dire principalement aux jardiniers amateurs et aux collectivités publiques. Cet article reprend pour l'essentiel le dispositif précité, figurant dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 et censuré par le Conseil constitutionnel. Il étend l'autorisation de cession de semences appartenant au domaine public à titre onéreux à tous types d'opérateurs, notamment associatifs, mais, contrairement à ce que prévoyait la loi de 2016, pas seulement. Le dispositif a ensuite été censuré au motif d'un défaut de procédure : il revient de loin.
Nous avons abouti à un article attendu et équilibré que je ne souhaite surtout pas bouleverser. Il nous faut absolument maintenir l'équilibre actuel. L'avis sera donc défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Turquois, qui porte sur un point très important. Il offre aux problématiques traitées par l'article 6 une réponse plus adaptée, conciliant facilitation pour le vendeur et sécurisation minimale pour les jardiniers amateurs, en droit, comme le prévoit le cadre européen, de disposer d'un minimum de garantie d'information.
Madame la présidente Pompili, supprimer toute réglementation des semences vendues aux jardiniers amateurs reviendrait à supprimer toute possibilité de contrôle de leur qualité. Comme M. Turquois l'a excellemment expliqué, cela poserait problème.
Par ailleurs, le catalogue officiel ne doit pas être un frein, mais au contraire un levier, un cadre pratique, souple et adaptable aux enjeux.
En outre, inscrire gratuitement les semences au catalogue permet de recenser la biodiversité !
Je trouve pour le moins étonnant de trouver, dans une PPL visant à renforcer l'information du consommateur, un article visant à supprimer toute garantie pour l'acheteur. Je comprends ce débat, qui traverse la société, mais le Gouvernement tient à en rester à l'écriture des dispositions issues des états généraux de l'alimentation. L'amendement de M. Turquois me semble offrir plus de garanties pour l'acheteur, pour l'amateur et pour la biodiversité. C'est pourquoi le Gouvernement y est favorable.
Je voudrais apporter un témoignage. Il y a quelques années sont apparues, dans les villes proches de chez moi, des plantes d'ornement : les daturas. Très toxiques, ce sont des plantes adventices. Aujourd'hui, nos champs sont contaminés. Je ne suis pas certain que la propagation des fleurs semées en ville soit à l'origine de cette contamination, mais force est de constater qu'elles n'étaient pas présentes naguère et qu'il y a eu dissémination.
Nous avons de moins en moins de solutions chimiques pour régler ce genre de problème. C'est une bonne chose mais cela nécessite d'être d'autant plus exigeant sur la qualité des semences, le taux de germination, la pureté variétale. Un minimum de description n'empêche rien et peut même, au contraire, favoriser la multiplication de variétés anciennes. Décrire ce qui se trouve dans un sachet de graines me semble un minimum.
Contrairement à l'argument qui revient sans cesse – car le GNIS tente à chaque fois, par le biais de divers intermédiaires, d'empêcher le développement de semences paysannes – , les semences paysannes ne vont nullement à l'encontre de la réglementation sanitaire : celle-ci est parfaitement respectée et continuera à l'être.
Les échanges de semences existent déjà ; la seule différence est qu'il est proposé que cela devienne possible de le faire à titre onéreux. Je rappelle que ce dispositif ne s'adresse pas aux agriculteurs, mais seulement aux jardiniers amateurs. Concurrence déloyale. On ne parle que de petits sachets, pas des gros sacs utilisés par les agriculteurs. Ne mélangeons pas tout !
Quant à l'inscription dans un catalogue, tout le monde sait – en particulier les premiers concernés – qu'elle existe principalement pour réduire la possibilité de garder plusieurs semences. En effet, toutes ne rempliront pas le cahier des charges requis. Ceux qui voudraient connaître la composition de leur semence peuvent se rendre sur internet, où les personnes qui mettent à disposition les semences dressent la liste de toutes les caractéristiques – même si, les semences n'étant pas homogènes, elles peuvent évoluer.
Maintenant, si l'on veut qu'une précision figure sur le sachet – pour indiquer, par exemple, qu'il contient une variété paysanne destinée à des utilisateurs non professionnels – , on peut le décider par voie réglementaire, mais ce type de mesure n'a pas évidemment pas à figurer dans la loi.
Je le répète : ne mélangeons pas tout ; surtout, n'adoptons pas cet amendement, qui risque de réduire à néant tous les efforts que nous faisons depuis des années pour développer enfin les semences paysannes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je soutiens la position de Mme Pompili. La question des semences fermières nous occupe depuis des années, voire des décennies. Les avancées sont prudentes. Il était déjà possible de céder ces semences titre gratuit. L'article vise à autoriser les cessions onéreuses uniquement aux jardiniers amateurs. Ce sera un moyen de valoriser des semences anciennes qui permettent d'obtenir des produits d'une qualité, d'un goût et d'un aspect différents. À ce titre, celles-ci diversifient non seulement la production des amateurs mais aussi notre consommation.
Je ne comprends donc pas que, sur ce texte, à l'origine consensuel, on puisse déposer de tels amendements, qui tendent à opérer des retours en arrière ou du moins à amoindrir la portée des quatre mots – « ou à titre onéreux » – qu'il convient d'ajouter à la réglementation actuelle.
L'amendement no 137 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l'article 6.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 117 .
Il va devenir possible de céder des semences à titre onéreux à des jardiniers amateurs. Par cet amendement, dont mon collègue Loïc Prud'homme est le premier signataire, nous proposons d'étendre cette possibilité à des agriculteurs. Nous permettrons ainsi une circulation horizontale des semences, grâce à laquelle nous lutterons contre le fait que les paysans aient renoncé à cultiver 90 % des variétés, dont 75 % sont irréversiblement perdues.
Il est défavorable. L'article 6 résulte d'un équilibre et d'un consensus. Il n'a jamais été question d'étendre aux professionnels les échanges et les ventes de semences et de plants non enregistrés au catalogue officiel.
L'amendement no 117 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 116 .
Il vise à clarifier la rédaction de l'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime. Dans sa rédaction actuelle, cet article opère une distinction, absente de la législation sanitaire, entre la production et la sélection. Nous vous proposons de la supprimer en remplaçant les mots : « relatives à la sélection et à la production », par le mot : « applicables ». Nous éviterons ainsi une confusion.
Je considère que l'amendement est satisfait par l'article 6. Il nous aura fallu bien des tentatives pour faire adopter cette disposition, dont j'espère qu'elles entreront bientôt en vigueur. J'émets donc un avis défavorable.
Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement no 116 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
L'article 8 tend à maintenir le caractère obligatoire de la déclaration de récolte des raisins, que les textes européens ont rendu facultative. Si les filières demandent à conserver cette déclaration, qui est importante, c'est parce qu'en garantissant la traçabilité des raisins, elle évite les fraudes. On fait du vin français avec des raisins français. Les filières restent attachées à ce contrôle de qualité. On pourrait simplifier plein d'autres contrôles pour alléger les tâches administratives, mais celui-là est important si l'on veut préserver la qualité de nos vins.
M. Alain Perea applaudit.
Sur l'article 8, je suis saisi par le groupe Libertés et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles de Courson.
Pourquoi faut-il soutenir l'article 8 ? Parce que, sans la déclaration de récolte, qui établirait le lien entre une parcelle de vignes et sa production ? Il ne serait plus possible de vérifier la traçabilité des raisins, ce qui ouvrirait la voie à tous les trafics possibles et imaginables !
J'ajoute une autre raison plus spécifique. Dans la Champagne viticole, nous bénéficions depuis plusieurs années du dispositif dit de la « réserve individuelle », que beaucoup d'autres viticulteurs songent à transposer. Ce dispositif permet de classer une quantité de la production en réserve, au-delà du quantum, quand on obtient une récolte de qualité. En cas de mauvaise récolte imputable à une catastrophe localisée, comme le gel ou la tempête, cette réserve – plafonnée à environ deux tiers d'une récolte – pourra être basculée dans le classement. En somme, il s'agit d'un système d'auto-assurance interne à chaque exploitation, qui ne saurait être maintenu sans traçabilité, donc sans déclaration de récolte.
Mes chers collègues, je compte sur vous pour adopter à l'unanimité l'article, c'est-à-dire pour conserver la déclaration de récolte.
L'amendement no 111 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 32
Nombre de suffrages exprimés 30
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 30
Contre 00
L'article 8, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs de la commission et sur quelques bancs des groupes LaREM, UDI-Agir et LT.
Par cet amendement, nous proposons qu'au terme de l'expérimentation lancée par Stéphane Le Foll sous l'ancienne majorité et qui, prolongée par la majorité actuelle, est en cours, le Gouvernement remette au Parlement un rapport afin de répondre à un problème précis.
Le règlement européen no 11692011 prévoit qu'à partir de 2020, l'obligation d'étiquetage de l'origine de l'ingrédient primaire s'appliquera dans le cadre d'une indication volontaire de l'origine et portera sur une éventuelle différence entre l'origine de l'ingrédient primaire et celle du produit transformé. En revanche, aucune indication sur le pays ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire ne sera obligatoire.
L'expérimentation actuellement conduite en France, ainsi que dans sept autres pays, prévoit au contraire la traçabilité du lait et de la viande comme ingrédients dans les produits transformés. Nous souhaitons qu'un rapport tire les enseignements de cette expérimentation et permette de réfléchir au moyen d'adapter le règlement de 2011, ou de s'y adapter.
Il est défavorable. La loi EGALIM a déjà fait la part belle aux demandes de rapport. En outre, s'il est légitime de s'intéresser au sujet que vous citez, celui-ci est très éloigné de la PPL.
Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Benoit, car il vient un peu tôt. L'expérimentation est en cours dans certains pays de l'Union européenne. Le Gouvernement sera amené à se bagarrer à l'échelon européen pour convaincre les autres États membres et la Commission européenne de la nécessité de faire évoluer la législation sur le sujet.
L'adoption de l'amendement ne serait pas un drame. Mieux vaudrait cependant que celui-ci ne soit pas voté, pour que nous puissions poursuivre notre action au niveau européen. À mon sens, la rédaction d'un tel rapport peut attendre un an, d'autant que bien des rapports, on le sait, finissent sur une étagère. Il sera toujours temps de rédiger ensuite une étude sur des bases concrètes.
Je comprends la position du ministre, mais la France, pays pro-européen, fer de lance sur les questions d'étiquetage, a joué un rôle moteur sur ces questions.
Oui, mais…
Je me souviens de nos débats pendant la précédente législature. M. Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation, et M. Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, se sont tous les deux battus sur ces sujets.
Bien sûr !
En France, il est bon que nous ayons ce débat avec le Gouvernement et que nous puissions tirer les leçons de l'expérimentation sur la traçabilité du lait et de la viande dans les produits transformés. Le Parlement est fondé à demander un rapport sur un sujet aussi important. Nous allons passer d'une expérimentation à un règlement européen beaucoup moins rigoureux que les dispositions prises par les différents ministres français : Stéphane Le Foll, Benoit Hamon, Stéphane Travert, ancien ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et vous-même, monsieur le ministre.
Si nous voulons imposer à nos partenaires européens, par exemple aux Italiens, un étiquetage et une traçabilité accrus, nous devons disposer d'un rapport. Celui-ci ne perturbera en rien les discussions et les négociations qui se dérouleront à l'échelon européen.
L'amendement no 69 n'est pas adopté.
Tous les amendements que j'ai présentés cet après-midi me tiennent à coeur. Celui-ci, qui a été déposé sur plusieurs textes, a été défendu par Loïc Prud'homme, Sébastien Jumel, Dominique Potier, Julien Dive en mon absence, le docteur Door et Thierry Benoit. Bref, l'ensemble de la représentation nationale entend mener le combat contre le sel nitrité, dont l'utilisation, dans la charcuterie française, présente un danger avéré pour le consommateur.
Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais l'OMS – l'Organisation mondiale de la santé – et le Pr Axel Kahn, président la Ligue contre le cancer. Quand des centaines de milliers de consommateurs français nous demandent de dénoncer ce danger, nous devons leur donner satisfaction et les protéger.
J'ai bien compris pourquoi on ne veut pas le faire. Ne nous y trompons pas : les industriels français sont exceptionnels. Je ne citerai aucune marque, mais certaines savent déjà produire du jambon sans sel nitrité, qui est placé dans les rayons de nos supermarchés et n'a fait mourir personne. Qu'on ne nous raconte donc pas que le botulisme risque de revenir ! Le problème vient de ce que d'autres industriels rêvent de fabriquer deux alimentations en France : l'une, saine et sûre, pour les bobos et les riches que nous sommes ; l'autre, pour les pauvres, qui n'auraient pas les mêmes droits !
Je déborde peut-être un peu du sujet…
… mais nous devons protéger le consommateur contre ces industriels qui ne sont pas corrects, qui ne pensent qu'à gagner de l'argent aux dépens de la santé de certains de nos concitoyens.
Je le demande simplement : faisons en sorte que les consommateurs soient clairement informés de la présence de sel nitrité dans la charcuterie ; ils pourront alors choisir, car ils ont le droit de savoir. Faisons en sorte que la France porte le combat pour une alimentation saine, durable, et accessible à tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cher Richard Ramos, voici ce que vous m'aviez conseillé avant que je ne commence mon travail de rapporteure sur ce texte : « Surtout, ne t'énerve pas ! »
Rires.
Vous savez combien cette question m'interpelle ; nous avons déjà eu de longues discussions à ce sujet, tous les deux. Cela étant, votre amendement ne peut remplir qu'une fonction d'appel, parce que le sujet dont il traite n'entre pas dans le champ de la proposition de loi. En revanche, nous pourrions instituer une mission d'information, qui permettrait d'éclairer ces questions et d'aller plus loin, d'engager un travail plus profond.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur Ramos, je vous remercie vraiment, je vous félicite de vous être emparé de cette question – pas seulement cet après-midi – , avec la verve qui vous caractérise. Vous m'avez ouvert les yeux sur ce sujet important. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec des transformateurs français à la pointe sur la question, dont ceux auxquels vous vous êtes référé, sans les citer. Nous pouvons en être fiers car ils ont décidé de faire avancer les choses. De tout coeur, merci, donc.
Vous nous livrez par ailleurs un scoop : vous seriez un bobo. Vous me surprenez. Je ne vous cache pas que je ne vous rangeais pas dans cette catégorie.
Il n'en a ni le look ni le comportement ; il est bien plus que ça, bien mieux que ça !
Plus sérieusement, comme Mme la rapporteure vient de le dire, il est temps d'avancer de manière formelle sur ces questions en commission des affaires économiques. Je ne suis pas encore tout à fait au clair sur l'opportunité de votre amendement. En tout cas, je suis convaincu que nous devons nous saisir de la question ici, au-delà des quelques députés que vous avez déjà cités.
L'idée serait de mettre en place une mission flash – il ne s'agit pas d'y passer des mois ou des années – à la commission des affaires économiques, à laquelle vous seriez associé, comme les parlementaires que vous avez cités, lesquels seraient sans doute très intéressés. Ainsi, dès la rentrée, nous pourrions nous saisir formellement de la question. Si cette solution vous agrée, je vous propose de retirer l'amendement. Vous pourrez ainsi faire aboutir votre travail sur un sujet qui vous est cher et qui, depuis quelques mois, grâce à vous, m'est cher également.
Sourires sur les bancs de la commission.
Nous avons déjà eu cette discussion. M. Ramos a une verve désormais bien connue.
Je ne sais si elle est déjà légendaire ; en tout cas, elle est suffisamment grande pour interpeller votre assemblée.
Je retiens la proposition de la rapporteure et du président de la commission. Si vous retirez votre amendement et si une mission de la commission des affaires économiques est organisée, sachez que les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation vous seront grand ouverts pour que nous travaillions ensemble sur le sujet.
Je le retire pour une raison simple : je pense que ce travail va aboutir. Nous l'avons vu tout à l'heure à propos de l'information au consommateur – je m'adresse aussi à François Ruffin, avec qui nous travaillerons volontiers. Vous me connaissez : sur cette question, je ne lâcherai rien.
Je n'en doute pas !
Vous nous ouvrez la voie. Les consommateurs ont déjà répondu à la pétition contre les nitrites ajoutés, par centaines de milliers – 300 000 signatures ont été enregistrées, je crois. Je ne lâcherai rien.
Je saisis la balle au bond, monsieur le président de la commission. Nous allons travailler et démontrer qu'il faut mettre fin à l'ajout de sel nitrité dans l'alimentation en France. Les autres pays – j'ai notamment reçu des appels de consommateurs américains – suivent notre action afin d'essayer de faire de même.
L'amendement no 26 est retiré.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote sur l'ensemble de la proposition de loi, la parole est à M. André Chassaigne.
J'en resterai au texte.
Si j'avais voulu aborder le contexte, je vous aurais parlé des accords de libre-échange et de leurs conséquences désastreuses : la semaine dernière, l'Union européenne a adopté un accord permettant l'importation, sans droits de douane, de 35 000 tonnes de viande bovine des États-Unis, et les éleveurs subiront cette nouvelle concurrence. Mais je n'en parlerai pas.
J'aurais pu vous parler des conséquences de la loi EGALIM, dont les dispositions ne sont pas à la hauteur en matière de construction des prix. On voit bien que le prix de vente des produits, de l'élevage en particulier, n'est pas au niveau des annonces qui avaient été faites. Je ferai aussi l'impasse sur ce thème.
Je pourrais évidemment avancer encore de nombreux arguments pour montrer que la politique agricole actuelle n'est pas à la hauteur, qu'il faudrait davantage de volontarisme. Je ne dirai rien à ce propos.
Je me bornerai à parler du texte lui-même. Les députés du groupe GDR voteront en sa faveur, nous n'avons jamais hésité sur ce point. Il reprend des articles de la loi EGALIM auxquels nous étions favorables mais qui ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Il n'y a pas de raison de ne pas soutenir cette proposition de loi.
On peut cependant regretter toutefois une forme de timidité sur des propositions faites par voie d'amendement, concernant le pays d'origine ou les appellations trompeuses.
Je pourrais même regretter, en toute amitié, le comportement de mon ami Jean-Baptiste Moreau : quand la rapporteure s'en remet, au nom de la commission, à la sagesse de l'Assemblée sur un amendement, il demande immédiatement aux députés de la majorité de voter contre. Pour le bon fonctionnement du Parlement, il faut parfois savoir accomplir un geste. Il y en a eu au cours des législatures précédentes ; quand on maintient trop le couvercle de la cocotte-minute, ce n'est jamais bon. Veillons à l'harmonie de notre fonctionnement.
N'ayant pas les talents oratoires du président Chassaigne, je vais m'exprimer avec mes moyens.
Quoiqu'il en soit, quand j'étais rapporteur du projet de loi EGALIM, nous nous sommes plutôt bien entendu et nous avons fait progresser les choses, même s'il est sans doute possible d'aller plus loin. Ne relançons pas les débats qui ont eu lieu à l'époque. Ce n'est pas l'objet de la présente proposition de loi, qui reprend des articles adoptés par cette assemblée mais censurés par le Conseil constitutionnel.
Ce texte était nécessaire, parce que ces dispositions sont importantes non pas seulement sur le plan symbolique, mais aussi sur le plan économique, pour le consommateur et la transparence des filières.
J'ai entendu, tout au long de l'examen du texte, des critiques contre la loi EGALIM. Je rappelle que cette loi n'est entrée en application qu'il y a moins d'un an ; il est rare d'évaluer des lois aussi rapidement, d'autant que des parties entières de ce texte ont été très peu utilisées. Je pense notamment aux contractualisations fondées sur le coût de production, prévues en son article 1er.
En somme, les dispositions de cette loi n'ont été utilisées que très partiellement ; il serait donc prématuré d'en faire un bilan dès maintenant. Je comprends l'impatience des éleveurs et des agriculteurs, je connais les difficultés économiques et psychologiques auxquelles ils sont confrontés, à cause des attaques dont ils sont quotidiennement l'objet – je pense en particulier à ce qui s'est produit la semaine dernière.
Nous apportons des réponses pour permettre aux consommateurs de devenir « consommacteur » et d'acheter des produits conformes à ce qu'ils attendent de l'agriculture. Comme l'a indiqué le ministre de l'agriculture, nous évaluerons la loi EGALIM dans quelques mois, quand les négociations commerciales seront achevées, et qu'elle s'appliquera intégralement. S'il apparaît alors qu'il faut la compléter, je ne doute pas que le Gouvernement et l'Assemblée nationale seront réactifs, afin de sauver notre agriculture, qui en a bien besoin.
Je rappelle que les députés du groupe Les Républicains avaient voté en majorité contre la loi EGALIM. En effet, si ses objectifs étaient de garantir un revenu décent aux agriculteurs par la reconquête des prix, de mettre fin aux inquiétudes suscitées notamment par la concurrence étrangère déloyale et de supprimer certaines normes inadaptées, nous avions été déçus.
Nous aurions souhaité que le présent texte aille plus loin. La PPL, déposée cinq mois après l'invalidation par le Conseil constitutionnel de vingt-trois articles de la loi EGALIM, se borne à reprendre à l'identique huit de ces articles, sur des sujets de faible portée.
La proposition de loi est relativement bien accueillie par la profession agricole, malgré quelques craintes sur les appellations des fromages fermiers, dont nous avons discuté tout à l'heure.
De manière plus générale, nous savons que les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la qualité des aliments dans leurs assiettes et manifestent de plus en plus d'exigence à cet égard : ils accordent une attention croissante à l'origine des produits et à leur traçabilité.
Le groupe Les Républicains votera en faveur du texte.
Le débat m'a laissé un peu perplexe. Pour moi, cette PPL visait à traiter de questions techniques, pour apporter des solutions concrètes, attendues par les agriculteurs et par certaines filières, pour certains produits. C'était là toute son ambition, pas plus, pas moins.
Or certains ici ont voulu transformer l'examen de ce texte en tribune politique sur la loi EGALIM, promulguée il y a quelques mois seulement. Il serait irresponsable de prétendre faire un bilan aussi précocement.
Nous nous sommes enferrés dans des débats qui n'ont pas grandi l'Assemblée, en nous arrêtant sur une multiplicité de produits différents. Il faudrait plutôt une loi d'avenir générale sur l'identification, qui répond à une demande forte, afin de définir des principes généraux.
Cela étant, le présent texte permet de véritables avancées, répondant aux demandes des producteurs concernés. On ne peut que le saluer.
Je reste déçu en ce qui concerne l'amendement no 137 , relatif aux semences, qui vient d'être rejeté. La demande revient en permanence : il faut permettre aux exploitations d'accroître leur valeur ajoutée. La filière dont nous parlons est de qualité, elle fonctionne bien, même si quelques problèmes restent à régler. Or vous avez choisi de rayer d'un trait de plume des dispositions pertinentes. C'est, je crois, une forme d'irresponsabilité, et je le déplore.
Quoi qu'il en soit, le groupe MODEM votera en faveur de la proposition de loi.
Le groupe UDI, Agir et indépendants votera pour la proposition de loi, je le dis d'emblée. Comme d'autres députés, j'aurais certes aimé que nous allions un peu plus loin, mais les dispositions proposées vont dans le bon sens.
Je voudrais revenir brièvement aux états généraux de l'alimentation : nous avons tous intérêt à ce que leurs objectifs soient atteints. Arrivés à mi-mandat, nous ne pouvons plus prendre notre temps – y compris pour des raisons politiques – et faire attendre les agriculteurs.
Dans les travaux de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs – dont M. Besson-Moreau, que je salue, était le rapporteur – , nous avons pointé la responsabilité du secteur du commerce, notamment de la grande distribution, centrales d'achats et compagnie. Une autre catégorie d'acteurs nuit aussi à la vitalité de l'agriculture et de l'agroalimentaire français : les industriels. En matière d'étiquetage, ils jouent un rôle déterminant, et la proposition de loi les responsabilise. Cela étant, les acteurs d'un bon nombre de filières de l'industrie agroalimentaire française nous précèdent et sont en avance sur l'étiquetage. Il faut les encourager. L'examen de ce projet de loi est aussi l'occasion de pointer leur responsabilité, car la création de valeur dépend aussi de la traçabilité et de la transparence.
Monsieur le ministre, il vous incombe la même responsabilité qu'à votre prédécesseur, Stéphane Travert : agir aussi au niveau européen.
J'aurai un mot particulier pour notre rapporteure, Barbara Bessot Ballot. Lors de l'examen de chaque amendement, en commission comme dans l'hémicycle, elle a répondu avec coeur. Or j'aime les femmes et les hommes qui font de la politique avec leur coeur. Bravo !
Applaudissements sur de nombreux bancs
Et le président Lescure, qui sait depuis toujours combien j'apprécie son travail !
Le groupe Libertés et territoires votera en faveur de la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires. Beaucoup l'ont dit, ce n'est pas la loi du siècle, mais de petites mesures allant globalement dans la bonne direction. Parmi elles, il y a notamment le maintien de la déclaration de récolte, très important pour la viticulture française, l'indication du lieu de brassage de la bière artisanale et celle de la provenance des produits carnés. Bref, réjouissons-nous, à la veille de Noël, qu'un texte soit pour une fois adopté, du moins je l'espère, à la quasi-unanimité.
Il s'agit d'une proposition de loi balai des états généraux de l'alimentation, que l'on pourrait qualifier de « texte étiquettes ». S'agissant de l'origine du miel, nous sommes d'accord. Sur l'affinage du fromage, soit. Concernant la provenance du vin servi dans les bars, pourquoi pas ? Sur la vente des semences paysannes, cent fois oui. Sur la Clairette de Die, allons-y ! Le groupe FI aussi votera pour !
Applaudissements et exclamations sur de nombreux bancs.
Mais quel était l'élément moteur des états généraux de l'alimentation ? Monsieur le ministre, vous faites des effets de manche sur la défense des filières et des paysans, mais on devait répondre aux agriculteurs sur un point : le prix, le prix, le prix, le prix.
Si, c'est un échec ! Une étude publiée aujourd'hui par l'UFC-Que Choisir, par exemple, montre qu'un chèque en blanc d'1,6 milliard d'euros a été signé à la grande distribution et qu'il s'est accompagné de hausses de prix pour les consommateurs sur les pâtes à tartiner, les sodas, les fromages râpés, etc. D'un autre côté, le prix du blé a baissé de 21 % et celui du lait de 5 % depuis les états généraux de l'alimentation ! Le prix du lait est inférieur de 15 % au prix de production, ce décrochage atteignant 14 % pour la viande et 8 % pour les abricots !
En même temps que vous prônez la relocalisation et la montée en gamme – cette politique du « en même temps » dont vous êtes les fidèles partisans – , il a été décidé la semaine dernière, dans le panel hormones, de doubler le volume d'importations de viande bovine des États-Unis, y compris celle nourrie avec des litières de volaille. On a également signé l'accord de libre-échange avec le Canada, et celui avec le MERCOSUR – le Marché commun du Sud – se dessine. Des questions me viennent, monsieur le ministre : l'accord du panel hormones sera-t-il examiné par notre assemblée ? aurons-nous notre mot à dire sur le doublement des importations de viande bovine en provenance des États-Unis ?
Oui à une loi sur l'étiquette du miel et l'affinage du fromage, mais elle ne résoudra pas le problème central, celui du prix : si nous voulons que l'agriculture française monte en gamme et si nous voulons sauver nos paysans, voici la réponse : les prix, les prix, les prix, les prix.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 38
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, lundi 9 décembre 2019, à seize heures :
Examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra