La réunion débute à 9 heures 40.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif (n° 714) (Mme Élise Fajgeles, rapporteure).
Nous reprenons l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, après le vote, hier soir, de l'article 8. Les 600 amendements qu'il nous reste à examiner nous occuperont toute la journée ainsi que demain après-midi – et peut-être le soir.
Après l'article 8
La Commission est saisie de l'amendement CL151 de M. Éric Ciotti.
Hier soir, un débat a été ouvert sur la liste des pays sûrs. Nous proposons par cet amendement qu'il revienne au Gouvernement d'arrêter cette liste.
Nous avons en effet voté hier soir un amendement très important, précisant que la liste des pays d'origine sûrs ne pouvait comporter d'États où l'homosexualité était criminalisée ou pénalisée.
C'est le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui établit cette liste, et nous considérons qu'il convient de préserver son indépendance et sa capacité à la faire évoluer en fonction des changements géopolitiques et des recommandations du législateur.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL13 de M. Bernard Pancher et CL451 de M. Brahim Hammouche.
Il y a beaucoup de controverses sur la liste des pays sûrs, car certains posent des difficultés que l'on ne découvre que tardivement. Chacun sait que les migrants ne traversent pas des continents entiers pour leur simple plaisir. S'ils fuient, c'est qu'ils rencontrent des problèmes dans leur propre pays. Il importe d'introduire de la souplesse dans l'établissement de la liste, raison pour laquelle nous proposons qu'elle soit révisée tous les six mois.
L'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) indique que la révision de la liste doit se faire « régulièrement ». Cela ne nous semble pas assez précis, et c'est pourquoi nous proposons de remplacer ce terme par « tous les six mois », périodicité qui permet une adaptation aux évolutions géopolitiques qui peuvent être rapides, notamment du fait des conflits.
L'OFPRA a besoin de s'appuyer sur cet outil. Le réviser tous les six mois n'est pas envisageable. Avis défavorable.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l'amendement CL265 de M. Éric Ciotti.
Le présent amendement propose de modifier le CESEDA afin que la décision définitive de rejet prononcée par l'OFPRA ou la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) vaille obligation de quitter le territoire français (OQTF), ce qui exclurait toute possibilité de déposer un recours ou de formuler une demande venant s'ajouter à la demande initiale.
Monsieur le ministre d'État, vous affichez l'objectif louable de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile afin d'éviter que les personnes déboutées ne s'installent durablement sur notre territoire, ce qui rend leur éloignement beaucoup plus difficile. Vous évoquez une durée d'un an pour l'examen des demandes déposées devant l'OFPRA. Nous savons que la durée totale de toutes les procédures est, dans la réalité, proche de cinq ans à partir du refus de la demande d'asile. Je rappelais hier soir toutes les voies de contestation dont peut user un demandeur : l'OQTF décidée par l'autorité administrative après le refus de la CNDA peut faire l'objet de recours devant les tribunaux administratifs et devant les cours administratives d'appel. Le tableau que m'a dressé un conseiller d'État montre qu'il existe des dizaines de possibilités de recours, avec, en fin de parcours, un retour devant l'OFPRA.
Notre amendement vise à mettre un terme à cette situation ubuesque.
Rappelons que les personnes déboutées du droit d'asile perdent leur droit de maintien sur le territoire. Des OQTF peuvent être délivrées à l'issue du recours devant la CNDA.
La procédure que vous proposez serait trop rigide et trop peu protectrice, compte tenu des évolutions possibles dans les pays d'origine.
Avis défavorable.
Cher collègue, je ne sais pas si c'est votre cas, mais je reçois très régulièrement des demandeurs d'asile et des personnes déboutées. Je constate que, souvent, ils ne connaissent pas leurs droits et ont du mal à s'expliquer. J'ai rencontré la semaine dernière une vingtaine de Soudanais venus du Pas-de-Calais. En les écoutant, j'ai compris que beaucoup de procédures les dépassaient et qu'ils n'avaient pas pu faire les démarches dans les délais impartis. Humainement, il est absolument impossible de faire quoi que ce soit d'autre que de les maintenir sur le territoire.
Il faut faire en sorte que les décisions soient prises avec un minimum d'humanité.
Madame la rapporteure, vous indiquez que des OQTF peuvent être délivrées à l'issue de la procédure devant la CNDA : encore heureux ! Quand une personne est déboutée, il relève de la responsabilité de l'autorité administrative d'envoyer une OQTF, sinon nous courons le risque de voir la procédure du droit d'asile dévoyée.
À vous écouter, monsieur Pancher, les déboutés devraient avoir le même statut que les réfugiés. Moi, je ne les place pas au même niveau. Les réfugiés doivent être aidés, ils doivent être accompagnés pour être insérés le mieux possible dans notre société car ils ont un statut noble que nous avons à défendre. En revanche, les déboutés, après que l'OFPRA a statué sur leur demande, après que la CNDA a rejeté leur recours – pour lequel ils ont pu recevoir une aide juridictionnelle – doivent voir leur parcours arrêté. Nous savons bien que certaines personnes utilisent les failles de notre droit et je ne peux pas partager votre analyse selon laquelle, madame la rapporteure, la délivrance automatique d'une OQTF serait trop peu protectrice.
Si la volonté que vous exprimez est sincère, monsieur le ministre d'État, il faut choisir la voie que nous indiquons.
L'amendement de M. Ciotti vise à modifier le CESEDA de manière que la décision définitive prononcée par l'OFPRA ou la CNDA vaille obligation de quitter le territoire français. Il ne faut pas tout mélanger : ce sont deux procédures différentes, qui appellent deux possibilités de recours différentes.
La Commission rejette l'amendement.
Article 9 (art. L. 744-2 et L. 744-5 à L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Orientation directive des demandeurs d'asile
La Commission rejette l'amendement CL587 de Mme Élise Faucillon tendant à supprimer l'article.
Puis elle est saisie des amendements identiques CL24 de M. Bertrand Pancher et CL685 de M. Jean-Michel Clément.
Nous le savons, beaucoup de demandeurs d'asile ne connaissent pas leurs droits, ont du mal à s'exprimer et à comprendre les procédures administratives. Les demandeurs d'asile soudanais que j'évoquais m'ont expliqué que leur pays comptait plus de trois cents langues et dialectes et qu'il leur était très difficile d'accéder aux formalités administratives.
Cet amendement a pour objectif de permettre aux demandeurs d'asile dont la demande n'a pas été enregistrée dans les délais légaux de trois ou dix jours d'accéder aux conditions matérielles d'accueil et de modifier les conditions de versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) afin qu'elle soit attribuée rapidement.
Cette disposition est de nature à rassurer les organisations d'aide aux migrants, qui redoutent que cette loi ne renforce les difficultés des migrants plutôt que de régler les problèmes auxquels ils sont confrontés.
Dans certains départements, l'enregistrement des demandes d'asile n'est pas assuré dans des délais légaux du fait du manque de personnel en préfecture, ce qui empêche les demandeurs d'asile d'accéder aux conditions matérielles d'accueil.
Je fais le lien avec la circulaire publiée par M. le ministre en décembre. Ces personnes, faute de pouvoir être hébergées dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), sont accueillies dans des centres d'hébergement d'urgence de droit commun, ce qui n'a pas de sens car nous savons qu'ils sont saturés.
Comme en Allemagne, souvent citée en exemple, les demandeurs d'asile pourraient immédiatement, quelle que soit leur situation, accéder aux conditions matérielles d'accueil si notre amendement était adopté.
Vos amendements posent le problème du pré-accueil, dont nous avons déjà parlé et dont nous allons évidemment reparler. Vous savez que je suis extrêmement sensible au fait que la période d'enregistrement de la demande d'asile est beaucoup trop longue, ce qui retarde la possibilité pour le demandeur d'accéder aux conditions matérielles d'accueil.
La procédure d'enregistrement des demandes au guichet unique des préfectures est toutefois essentielle à plusieurs égards : c'est à ce stade que la base de données Eurodac est interrogée pour savoir si la personne relève de la procédure du règlement Dublin ou non et que les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) évaluent sa vulnérabilité pour l'orienter au mieux dans le dispositif national d'accueil en fonction de ses besoins, aux termes de l'article L. 744-6 du CESEDA.
Tout le monde est conscient de la lenteur actuelle de cette procédure. Martine Wonner évoquait sans doute la circulaire du 12 décembre 2017. La circulaire du 4 décembre 2017, moins connue, encourage les préfets à développer des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) pour accélérer l'inscription au guichet unique et l'orientation dans des structures adaptées à la situation de chacun. C'est le sens de mon amendement, que nous allons examiner juste après le vote sur ces amendements identiques.
Tout d'abord, madame la présidente, je vous prie de bien vouloir m'excuser de n'avoir pas participé plus tôt aux débats de votre commission alors même que j'avais déposé de nombreux amendements.
Je tiens tout particulièrement à rendre hommage à toutes les organisations caritatives de notre pays qui font un travail remarquable en apportant un peu d'humanité aux migrants sans aucun droit et sans moyens qu'elles trouvent dans la rue et auxquels certaines personnes accordent moins d'attention qu'à leur chat, leur chien ou leur poisson rouge.
Vous avez raison de souligner le rôle des préfets. J'aimerais apporter mon témoignage. Je suis la situation de beaucoup de migrants, malheureusement pas suffisamment faute de temps. Les préfets ou les membres du personnel préfectoral que j'ai au téléphone me disent qu'ils ne sont pas vraiment fiers de ce qu'ils font et qu'ils aimeraient avoir plus de liberté dans le cadre de leurs missions.
Monsieur Pancher, j'aimerais vous rassurer : tous les membres de la commission présents dans cette salle ont étudié ce projet de loi avec la plus grande attention possible. Pour une grande majorité d'entre nous, nous avons visité des centres de rétention administrative, nous nous sommes rendus à l'OFPRA, nous avons rencontré des demandeurs d'asile, nous avons organisé des tables rondes avec les associations. Nous sommes en contact avec les préfets dans nos circonscriptions. Ne doutez pas un seul instant de notre volonté de voir les migrants traités avec humanité.
La Commission rejette ces amendements.
Elle examine l'amendement CL910 de la rapporteure.
Actuellement, les plateformes d'accueil des demandeurs d'asile (PADA) ont pour mission d'accueillir les demandeurs d'asile pendant toute la préparation du dossier à présenter devant l'OFPRA.
Cet amendement vise à ajouter aux « prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif » mentionnées à l'article L. 744-1 du CESEDA l'assistance juridique, qui est extrêmement importante pour l'information juridique et l'accès au droit mais aussi pour préparer les éventuels recours dans la mesure où les délais d'instruction de la demande d'asile ont été réduits.
La Commission rejette l'amendement. (Exclamations.)
Elle en vient à l'amendement CL573 de M. Loïc Prud'homme.
Notre norme juridique la plus élevée, la Constitution, mentionne deux fois l'asile et le droit d'asile : dans le Préambule de la Constitution de 1946, figure le droit d'asile pour les « combattants de la liberté », qui fait honneur aux valeurs républicaines issues de la Révolution de 1789 contre l'arbitraire du roi, et dans son article 53 est inscrit le droit d'asile dit conventionnel, lié aux conventions de Genève.
Le peuple constituant et nos prédécesseurs ont donné une place centrale au droit d'asile dans notre système politique : un asile universel pour ceux qui défendent la liberté et un asile d'humanité pour les réfugiés fuyant les guerres et les persécutions.
Aujourd'hui, la France ne fait pas honneur à son histoire ni à ses engagements humanistes passés. L'Office français d'immigration et d'intégration (OFII), qui organise l'accès à une allocation de subsistance et à un logement pour les personnes demandant asile sur le territoire de la République, est asphyxié. Les moyens qui lui ont été octroyés sont trop faibles, tout le monde le sait. Nous en voulons pour preuve les nombreuses condamnations et recours dont il a fait l'objet devant la justice administrative.
Nous demandons que soient alloués, en urgence, des moyens suffisants à l'OFII pour que la France ne soit pas un pays où les économies de bouts de chandelle l'emportent sur les droits humains.
Nous avons été nombreuses et nombreux, madame la présidente, à nous rendre dans les centres de rétention administrative – pour ma part, je suis allé dans un hotspot en Italie et j'ai rencontré associations et magistrats. J'ai toutefois l'impression que nous ne tirons pas tous les mêmes conclusions des témoignages que nous avons recueillis.
Pour ce qui est des moyens d'accueil, la situation des camps de migrants à Calais et à Paris ne nous honore pas.
Je partage l'objectif que vous visez. Depuis hier, j'essaie d'insister sur la nécessité d'améliorer le pré-accueil, qu'il s'agisse de l'hébergement ou du suivi, si tant est que mes collègues considèrent comme une bonne idée de renforcer l'assistance apportée par les PADA…
Cela dit, je suis défavorable à la proposition de camps que vous faites dans cet amendement.
Il ne s'agit pas de mettre en place des camps « à l'arrache ». Relisons l'amendement : nous proposons d'agrandir les structures d'accueil « afin de permettre des structures d'éducation pour majeurs et des structures d'éducation pour mineurs, des espaces de jeu pour enfants, des structures de soins physiques et psychiques et de conseils juridiques ».
J'ai bien compris, madame la rapporteure, votre volonté d'améliorer le pré-accueil, mais j'ai du mal à saisir quelles mesures vous proposez pour la concrétiser. Notre amendement a au moins le mérite de rentrer dans le détail.
Je veux rappeler aux membres de la commission qu'à côté de ce projet de loi nous réalisons des choses concrètes. Il ne vous a pas échappé que nous avons créé les CAES que nous voulons mettre en place dans toutes les régions de manière à assurer de bonnes conditions d'accueil et d'évaluation. Nous ne voulons pas laisser perdurer la situation actuelle, dont on voit bien qu'elle n'est convenable ni pour la dignité de notre pays, ni pour celles et ceux qui sont venus demander l'asile en France.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL386 de M. Jean-Louis Masson.
L'intérêt général commanderait que les régions indiquent le nombre de places dont elles disposent et qu'à partir des chiffres fournis, on fixe le nombre de migrants à répartir. Or l'article 9 répond à la logique inverse. Nous proposons donc de supprimer son alinéa 3.
Votre amendement revient à vider de sa substance l'article 9 qui est l'une des avancées majeures du projet de loi. Les dispositions qu'il contient nous permettent de nous rapprocher des modalités d'accueil qui prévalent en Allemagne et visent à mettre en place le plus rapidement possible une prise en charge optimale des demandeurs d'asile grâce à une meilleure répartition sur le territoire.
Soyons honnêtes : toute personne qui connaît la situation sait que les demandes d'asile sont concentrées à Paris, en région parisienne et dans quelques grandes villes, ce qui créé un engorgement dans les préfectures et contribue à la multiplication des campements illégaux où les personnes vivent dans des conditions indignes.
Répartir les places d'hébergement à travers tout le territoire est très important. L'hébergement directif existe déjà. Cet article vise à améliorer le dispositif national d'accueil en orientant plus tôt les demandeurs d'asile et en les répartissant dans toutes les régions afin qu'il y ait un plus grand équilibre territorial dans le suivi et la proposition des conditions matérielles
J'aimerais à nouveau vous présenter la carte de la répartition des demandeurs d'asile. Elle montre bien que certains territoires connaissent de grandes difficultés quand d'autres ne proposent pratiquement pas d'hébergement pour les demandeurs d'asile. Procéder à une répartition région par région permettra de leur apporter une meilleure réponse. C'est la raison pour laquelle nous avons introduit l'article 9 dans le projet de loi.
Vous avez déjà eu l'occasion de nous présenter cette carte, monsieur le ministre : je m'étais étonné de voir que le Pas-de-Calais ne figurait pas parmi les départements offrant le plus de capacités d'accueil et vous m'aviez répondu que l'objectif n'était pas de les développer dans ce département. Cela explique sans doute qu'on trouve dans la rue des migrants, qui sont obligés de passer par les associations pour avoir une tente où dormir la nuit. Comptez-vous mettre l'hébergement en adéquation avec les besoins ? La question se pose vraiment.
Procéder à une répartition des demandeurs d'asile par région est une excellente idée. Cela impliquera de procéder ensuite à une répartition par département et par commune. Et en tant qu'ancien maire d'une préfecture, j'ai déjà été frappé par le fait que, lorsque les choses se font dans la transparence, il y a une réelle volonté des uns et des autres de s'occuper des dossiers des migrants. Cela dit, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. L'opacité règne en matière de chiffres et de conditions de répartition. Tout se passe comme si les préfets de région et de département agissaient en catimini pour remplir des quotas de migrants. En Allemagne, les maires sont en contact avec les associations et les organisations et tout se fait en douceur. Il y a une véritable intégration, même s'il y a eu des mouvements de protestation. Chez nous, on découvre nos migrants au dernier moment, quand on ouvre les portes des organisations caritatives.
Bref, il existe un grand besoin de transparence et je suis convaincu qu'à partir du moment où elle régnera, la répartition se fera dans de bonnes conditions. Les Français sont très généreux et les élus locaux également.
Je voulais vraiment vous remercier, monsieur le ministre, pour cet article intéressant du projet de loi.
Je me suis sans doute mal fait comprendre. Mes collègues cosignataires de l'amendement et moi-même ne sommes pas opposés à la répartition par région des demandeurs d'asile. Je dis seulement qu'on ne peut pas imposer aux régions d'accueillir un nombre de demandeurs d'asile donné sans avoir examiné auparavant leurs capacités d'hébergement. Je propose donc que le nombre de demandeurs d'asile accueillis dans les régions soit ajusté au nombre de places dont chacune dispose. L'article 9 met les territoires devant une obligation de résultat, logique qui atteindra ses limites. Dans certains cas, il ne leur sera en effet pas possible d'accueillir des demandeurs d'asile et cela ne sera respectueux ni pour les territoires ni pour les demandeurs d'asile. Voilà pourquoi je propose de supprimer l'alinéa 3.
Comme vous le savez, notre organisation territoriale repose sur de grandes régions. Et si nous avons prévu de fonder sur elles plutôt que sur les départements la répartition des demandeurs d'asile, c'est pour donner davantage de souplesse à celle-ci.
Je donnerai des instructions aux préfets pour qu'ils se concertent avec les élus locaux, en particulier les maires. Il y a des endroits où il sera possible d'accueillir des demandeurs d'asile car il y a des bâtiments disponibles. Le but est d'essayer de rechercher les disponibilités pour l'hébergement.
Monsieur Bernalicis, nous aurions évidemment pu implanter beaucoup d'établissements d'accueil pour demandeurs d'asile dans le Pas-de-Calais, mais nous ne voulions pas y accroître une pression déjà grande puisque les gens tentent – vainement, hélas pour eux – d'aller en Angleterre. Nous dénombrons 40 000 tentatives d'intrusion par an, ce qui donne une idée de cette pression. Vous connaissez la région, les habitants, les syndicats. Allez discuter, par exemple, avec la CGT du Pas-de-Calais : vous verrez quelle est leur appréhension de ce phénomène. Face à ce problème de solidarité nationale, il convient de faire en sorte que chacun prenne sa part de la charge.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL911 de la rapporteure.
Il y a quelques instants, je parlais de la circulaire du 4 décembre 2017 de M. le ministre de l'Intérieur aux préfets, visant à donner aux demandeurs d'asile l'accès à un hébergement d'urgence dans les CAES et à une inscription prioritaire auprès des guichets uniques. Ces dispositions permettent un suivi digne, notamment sur le plan sanitaire, et le respect des délais légaux – entre trois et dix jours – d'enregistrement auprès des guichets uniques. Cet amendement vise à inscrire ces dispositions dans la loi et à inciter le Gouvernement à créer de nouveaux CAES. Il ne s'agit pas de créer un droit opposable à l'hébergement. Le Gouvernement a déjà consenti un effort dans le budget pour 2018 en créant ces places d'hébergement.
Cet amendement ressemble furieusement à l'amendement que je viens de défendre : il est question d'hébergements provisoires, qui ne sont pas construits en dur, en solide. Quand elle émane de vous, la démarche est légitime alors qu'elle ne l'est pas si elle vient de nous. Je ne comprends pas trop, à moins de considérer que les amendements de la majorité sont mieux écrits. Dont acte.
Pour que je sois plus gentil, il faut que le ministre le soit aussi, notamment dans l'accueil des personnes migrantes. Vous dites, monsieur le ministre, qu'il ne faut pas qu'il y ait trop de pression et de tension à Calais. Nous sommes dans un entre-deux totalement hypocrite. On sait qu'il y a des gens sur place mais on dit qu'il ne faut pas les héberger pour qu'ils ne restent pas là. Ils sont sur place. Ils se baladent dans les rues. Les plus précautionneux démontent leur tente le matin et se baladent avec elle avant de se reposer quelque part, dans un endroit qu'ils trouvent pour passer la nuit.
C'est cela, l'accueil ? C'est cela, l'hébergement ? Peut-être voulez-vous que l'on parle des accords du Touquet et de nos relations avec la Grande-Bretagne plutôt que de nos relations avec la CGT dont vous n'êtes pas le mieux placé pour parler, monsieur le ministre.
La CGT est actuellement dans une période de lutte contre votre gouvernement, je vous le signale. Vous le verrez très rapidement.
Nous sommes dans un échange constructif avec la CGT.
Ces lieux d'hébergement provisoires offrent des prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social, juridique et administratif. Y en aura-t-il à Calais pour éviter que les gens ne se baladent dans la nature, peut-être aussi pour aider l'association L'Auberge des migrants, dont vous n'avez pas forcément rencontré les membres ?
J'aimerais poser une question à M. le ministre d'État sur la répartition et le statut des personnes qui occupent ces centres d'accueil et d'orientation (CAO). Combien y a-t-il de déboutés du droit d'asile ? Lors de son audition, le préfet d'Île-de-France nous a décrit l'évolution rapide, notamment budgétaire, de la prise en charge des hébergements dans sa région. Leur coût est passé de 50 millions d'euros en 2015 à 153 millions d'euros en 2017. Il reste 1 500 personnes logées en hôtel et 1 500 personnes sous des tentes dans des campements comme celui du quai de Jemmapes. Combien y a-t-il de déboutés dans ces structures et quel est le coût global de ce dispositif ?
Le Gouvernement est tout à fait favorable au dispositif proposé par Mme la rapporteure. Monsieur Bernalicis, vous lui trouvez quelque parenté avec ce que vous avez pu proposer. Pour ma part, je suis très favorable à la réalisation de structures modulaires. En voyant le mot « modulaire » dans votre amendement, j'ai pensé que nous pouvions nous rejoindre sur quelques points. Pour le reste, je vous rappelle que nous avons ouvert trois CAES dans le Pas-de-Calais.
Monsieur Ciotti, il n'y a pas de déboutés dans les CAES, dont le coût s'élève à 25 euros par place.
Il y a très peu de déboutés dans les CAO : 5 %, me dit-on. Pour nous, les choses sont claires : une fois que la personne a été déboutée, la procédure continue. Tous les droits de recours peuvent être exercés mais quand on est débouté, on est débouté.
Dans le CAES que j'ai visité – et les autres procèdent de la même manière – on demande très rapidement aux personnes hébergées si elles veulent demander l'asile, et on informe ceux qui sont sous procédure Dublin ou qui ont déjà été déboutés qu'ils ne peuvent pas rester. Le CAES est une structure conçue pour héberger les gens avant l'enregistrement.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CL429 de M. Stanislas Guerini et CL459 de M. Jean-Noël Barrot.
Je retire cet amendement, étant donné qu'il a été intégralement repris par la rapporteure. L'amendement de la rapporteure correspond parfaitement à mes attentes.
Nous partageons les objectifs de l'article et nous pensons que les modifications apportées par la rapporteure vont tout à fait dans le bon sens. Comme vous le voyez, cet amendement CL459 est cosigné par les deux rapporteurs spéciaux du budget asile, immigration, intégration. Les deux rapporteurs souhaitent faire cette proposition pour rappeler que les CADA doivent être au centre du dispositif car ils offrent l'accompagnement le plus important.
Les CAES travaillent sur un temps très court durant lequel ils doivent, comme leur nom l'indique, examiner la situation de la personne et l'orienter. Les CADA doivent rester au centre d'un dispositif constitué de tout un maquis de structures : l'accueil temporaire-service de l'asile (ATSA), les hébergements d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA), le programme régional d'accompagnement et d'hébergement des demandeurs d'asile (PRAHDA), les centres d'hébergement d'urgence (CHU), les centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les centres d'hébergement d'urgence pour migrants (CHUM). En résumé, nous demandons d'inscrire dans la loi que les CADA sont la structure de référence.
Je partage votre objectif, au point d'avoir déposé l'amendement CL915 relatif à l'harmonisation des structures d'hébergement, notamment d'hébergement d'urgence. L'orientation doit varier selon les procédures et ne pas passer systématiquement pas les CADA qui représentent une voie importante. Je vous demanderais donc de retirer votre amendement au profit du mien qui va dans le même sens et tend à régler le problème d'enchevêtrement des structures.
Monsieur le ministre, pourrez-vous nous donner une carte des futurs centres d'accueil avant l'examen du texte en séance, afin que nous puissions avoir une vision globale et concrète des choses, d'autant que vous dites avoir déjà rencontré des élus ?
J'aimerais faire une remarque qui n'est de forme qu'en apparence. Je comprends l'idée de ne pas accepter d'amendements venant de quelconques députés de la majorité qui ne seraient pas tout à fait d'accord avec le projet de loi. Je comprends la stratégie. Si j'étais la rapporteure du parti de la majorité, je ferais peut-être pareil.
En revanche, je pense qu'une pratique pose un petit problème démocratique. On demande en permanence à des députés du groupe La République en Marche ou de groupes de l'opposition de retirer leur amendement au profit d'un amendement à venir de la rapporteure dont nous n'avons pas connaissance et qui serait identique. Or nous avons pu constater hier que ce n'était absolument pas satisfaisant. Ce fonctionnement de la commission pose un problème démocratique et je trouve que ça commence à bien faire. Je comprends bien la stratégie.
Il ne s'agit pas de stratégie. Je vous indique que les amendements sont publics et que vous pouvez les consulter. Vous pouvez notamment avoir connaissance des amendements de la rapporteure.
S'agissant de l'ordonnancement des amendements, j'ai expliqué à de multiples reprises qu'il répond à des exigences de forme du débat. Ils ne sont pas nécessairement placés exactement au même endroit, mais vous pouvez avoir connaissance de tous les amendements. Rien n'est caché.
Je ne me permettrais pas de vous donner des explications, chère collègue Faucillon, mais vous avez la possibilité de sous-amender des amendements qui sont publiés depuis maintenant près de trois jours.
Arrêtons l'indécence. Vous n'allez pas m'expliquer comment on regarde des amendements. Je pointais un fonctionnement dont, à mon avis, vous êtes tout à fait conscients, étant donné votre position. Ne faites pas semblant de pas comprendre ce que je viens de raconter. On peut discuter ensemble de manière intelligente.
Ces amendements ont l'air intéressant, mais j'ai un peu de mal à m'y retrouver dans les différents types d'hébergement. Au premier coup d'oeil, on ne peut pas discerner une cohérence d'ensemble.
Il est clair que le choix de l'emplacement des amendements est autant politique que technique. Vous le savez puisque nous passons notre temps à râler à ce sujet. Ce n'est pas une nouveauté. En tant que présidente de la commission des Lois, vous avez toute latitude pour mettre un amendement à tel endroit de la discussion plutôt qu'à tel autre.
Ce n'est absolument pas un choix politique. Le choix répond à une nécessité de cohérence par rapport au débat et au vote des amendements.
Mon collègue Balanant n'a pas tout à fait tort de dire qu'on peut sous-amender. Il aurait peut-être été plus respectueux pour vos collègues, y compris ceux de votre majorité, de sous-amender leurs amendements. Une telle démarche de co-construction aurait été préférable à une volonté de reprendre systématiquement les choses en main.
Dans cette salle, monsieur Bernalicis, chaque député a la liberté de déposer des amendements, de débattre, de donner son avis sur chacun des amendements en discussion. Vous souhaitez que l'on respecte les vôtres, respectez ceux de vos collègues.
Sur ce cas précis, nous avons vu l'amendement de la rapporteure et nous avons proposé de le sous-amender. Je vais retirer l'amendement CL459 en demandant à la rapporteure d'être très attentive à notre sous-amendement.
Les amendements CL429 et CL459 sont retirés.
La Commission examine l'amendement CL513 de Mme Stella Dupont.
Cet amendement est cosigné par de nombreux collègues. Nous l'avons travaillé avec M. Matthieu Orphelin, en nous appuyant sur ce que nous avons pu constater sur le terrain.
Nous sommes très favorables à une orientation directive avec hébergement. Il ne faudrait pas que les demandeurs soient orientés systématiquement vers le numéro d'appel 115, sans réelle solution d'hébergement. Nous sommes donc très attentifs à cet aspect.
L'orientation directive est pertinente car il est fondamental d'éviter les concentrations sous toutes leurs formes, que ce soit dans les grandes villes, dans des bâtiments collectifs ou sur des points uniques ou limités dans les départements. Il faut mailler le territoire en matière d'accueil, y compris en zone rurale, j'y suis particulièrement attachée. J'utilise souvent le terme de « dentelle ». On ne doit pas avoir une vision macro mais on doit s'approcher au plus près des acteurs du terrain.
Nous proposons de créer une instance à l'échelle départementale, placée sous la responsabilité des préfets et s'appuyant sur le schéma régional des demandeurs d'asile. Cette instance serait chargée de créer la relation, la concertation voire la coordination entre tous acteurs institutionnels et associatifs qui travaillent dans le domaine de l'accueil des demandeurs d'asile.
J'entends ce souhait de travailler dans la dentelle. Il me semble que M. le ministre d'État a déjà évoqué l'approche départementale. Je pense néanmoins qu'il serait prématuré de créer une telle instance alors que nous sommes en train d'inciter à la création de CAES au niveau régional. J'émets donc un avis défavorable à votre amendement, même si je pense que nous devrons passer à l'échelle départementale lors de l'étape suivante.
En discutant avec les associations, avec les parties prenantes, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait créer une instance de dialogue. C'est important, y compris pour défendre les points positifs et les avancées de ce texte. Nous sommes dans cet état d'esprit. L'amendement présenté par Mme Dupont porte sur la généralisation de cette animation départementale. Nous en présenterons un autre proposant de le faire de manière expérimentale dans certains territoires. Nous devons avoir en tête qu'un dialogue accru avec l'ensemble des parties prenantes ne peut avoir que des effets positifs. Sur le terrain, les gens ont besoin d'un espace de dialogue réinventé.
Je confirme les propos de Matthieu Orphelin. Puisque nous allons vous présenter un amendement de repli, je vais retirer celui-ci. J'espère ardemment que notre amendement visant à expérimenter ce type d'instance dans les départements volontaires sera adopté par la commission.
Monsieur le ministre, je voulais vous parler de la commune de Robert-Espagne, située dans mon département, la Meuse. Commune martyre de la Seconde Guerre mondiale durant laquelle tous ses hommes furent décimés par l'armée allemande, Robert-Espagne n'a cessé de connaître des difficultés, et le Front national y a enregistré des votes record.
Il y a un peu moins d'un an, la préfète du département avait à répartir des réfugiés de Calais et, au dernier moment, elle a décidé d'utiliser un bâtiment de cette commune pour en héberger. Du jour au lendemain, le maire de Robert-Espagne s'est retrouvé avec une quinzaine de Soudanais. Il m'a immédiatement appelé. « Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Je voudrais qu'on s'occupe de cela ensemble », m'a-t-il dit. Il a réuni les habitants de sa commune et il a intégré ces réfugiés soudanais avec beaucoup de générosité. Cela s'est très bien passé. L'expérimentation, y compris dans des quartiers et des secteurs qui peuvent paraître difficiles, peut se passer très bien.
Et puis voilà que, tout aussi subitement, ces réfugiés ont été transférés ailleurs au motif que le bâtiment n'était pas conforme aux normes de sécurité. Tout cela n'est pas sérieux. Si nous avions eu des instances de concertation départementales, je suis absolument convaincu que nous nous serions débrouillés ensemble. Il aurait suffi que la préfète nous réunisse et nous aurions fait ce travail. Même si cela peut paraître prématuré, je pense que vous pourriez lancer des expérimentations. En tout cas, je suis convaincu que les élus de mon département seraient très volontaires.
Je voudrais rebondir sur la proposition de notre collègue Stella Dupont. Sur le plan opérationnel, je pense que la proposition mérite vraiment d'être étudiée. Il est nécessaire de coordonner les acteurs locaux sur les questions liées à l'hébergement, et, plus généralement, aux demandes d'asile.
Je pourrais vous citer des situations très concrètes vécues dans mon territoire. Pour l'inscription des enfants dans les établissements scolaires, il n'y a pas du tout de coordination entre la direction de l'école, les élus de la mairie et le centre départemental de l'enfance s'il est impliqué. Il y a une absence totale d'horizontalité alors que nous avons l'habitude de la coordination dans d'autres volets de l'action publique. Dans le domaine de la sécurité publique, par exemple, nous pouvons mettre tous les acteurs autour de la table dans le cadre des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).
Nous devons retravailler ce sujet en profondeur, avec une visée opérationnelle, avant l'examen du texte en séance.
Dans le département de la Sarthe, y compris quand on aborde des questions comme celle des mineurs isolés, je constate que les services sont incapables de parler entre eux. Certains mineurs isolés sont installés dans des hôtels, alors qu'il existe des places disponibles dans des internats de lycées. L'éducation nationale et d'autres services de l'État n'apportent pas de réponses concrètes. Or nous pouvons trouver des solutions. De grâce, débloquons ces situations pour mieux répondre au besoin d'accueil et de prise en charge de personnes qui relèvent du droit d'asile.
Donnons-nous rendez-vous lors de la séance publique. Il est extrêmement important d'associer les élus locaux. Toute la chaîne sera plus efficace si nous intégrons les élus et si nous les faisons participer, d'autant qu'ils mènent d'ores et déjà des actions de façon spontanée, individuelle.
Pour le moment, nous vous proposons un schéma régional afin de cadrer les choses. Ensuite, nous pourrons demander au préfet de région de déconcentrer certaines décisions. Une fois qu'il aura déconcentré un certain nombre de places, je ferai une circulaire pour demander aux préfets de département de réunir les maires afin de trouver la même solution. Les initiatives doivent être cadrées car il y a des normes à respecter en matière de salubrité, d'encadrement, etc. Si chacun se mettait à bricoler sa solution dans son coin, on aboutirait à un véritable maquis.
J'ai sous les yeux le schéma de nos différentes structures. Cette impression de maquis vient du fait que, à chaque époque, on a inventé un type de structure. L'un de nos buts est d'essayer de remettre un peu d'ordre dans tout cela et d'avoir des structures adaptées aux publics.
Pour nous, il y a trois types de structures : les CAES que nous voulons développer ; les CADA qui doivent rester la norme ; des structures d'hébergement d'urgence dont nous avons discuté à l'occasion du budget. Ces derniers centres sont destinés aux personnes qui dépendent du règlement Dublin.
Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à déconcentrer et à regarder les expériences que veulent proposer les uns ou les autres.
L'amendement est retiré.
La Commission examine les amendements identiques CL912 de la rapporteure et CL827 rectifié de M. Florent Boudié.
Par notre amendement CL827 rectifié, qui vise à une meilleure prise en charge des demandeurs d'asile en cours de procédure, nous souhaitons préciser que l'orientation directive s'applique dès lors que la région concernée est soumise à un afflux de migrants. Nous voulons aussi préciser que le demandeur d'asile peut demander l'autorisation de quitter provisoirement la région dans laquelle il a été orienté en cas de motifs impérieux. Enfin nous proposons de permettre au demandeur d'asile de quitter sa région de résidence sans l'autorisation des autorités en charge de l'asile, quand il doit se rendre à une audience pour défendre son dossier.
Si ces amendements sont adoptés, ils feront tomber l'amendement CL401 que je comptais présenter. Ils évoquent la situation personnelle et familiale du demandeur d'asile, mais ne mentionnent pas sa vulnérabilité. Il faut aussi s'assurer de l'existence de structures d'accueil dans les régions de destination pour prendre en charge ces personnes vulnérables, surtout celles qui sont d'une extrême vulnérabilité et qui nécessitent un accompagnement spécifique que l'on ne trouve pas dans tous les territoires. Certaines personnes qui sont d'une vulnérabilité extrême, par exemple les victimes de réseaux de prostitution, n'ont de possibilité d'accueil qu'à Nantes, dans des structures extrêmement spécialisées.
Si cet amendement est adopté, il fera aussi tomber notre amendement CL327. Nous voulions préciser que le demandeur peut refuser d'être placé à tel ou tel endroit s'il est déjà pris en charge par une association ou par un tiers qui lui garantit un abri. Il s'agit de préserver les liens familiaux et d'éviter de disperser les membres d'une même cellule familiale dans divers lieux. Nous aurions peut-être pu avoir une discussion commune sur tous ces amendements, mais ce n'est visiblement pas le mode de fonctionnement choisi.
Madame la présidente, j'aimerais pouvoir défendre notre amendement CL88 qui risque aussi de tomber. Nous pensons que l'existence d'un schéma national, régional ou même départemental de répartition ne doit pas empêcher un demandeur de vouloir être proche de membres de sa famille en situation régulière ou en attente d'une décision. En faisant jouer la solidarité, on peut parfois améliorer la qualité de l'accueil et même la gestion des moyens.
C'est pourquoi notre amendement prévoit que le demandeur peut choisir son lieu de résidence lorsqu'il justifie ce choix par des raisons personnelles ou familiales. Il faut faire en sorte que l'hébergement ne soit pas directif au risque de conduire à une précarité directive.
D'autres collègues veulent-ils intervenir pour défendre des amendements qui risquent de tomber du fait de l'adoption des amendements identiques CL912 et CL827 ?
Nous avons bien compris que l'objectif est de renforcer le schéma de répartition et l'orientation directive. Mon amendement CL537 propose de mettre l'accent sur un lieu de prise en charge déterminé plus que sur la région, ce qui permettrait une meilleure répartition sur le territoire. Il y aurait un équilibre entre les besoins et les capacités d'accueil, et un moindre risque de voir se constituer des poches de précarité.
Mon amendement, j'y insiste, vise à prendre en compte la situation particulière des personnes en situation d'extrême vulnérabilité, ce qui n'est pas fait systématiquement lors de la relocalisation, la vulnérabilité des personnes étant généralement sous-évaluée.
L'amendement CL599 est un amendement de repli, qui reprend la proposition n° 34 du rapport d'Aurélien Taché du 21 février 2018, intitulé : « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France ». Je ne partage pas toutes les préconisations de ce rapport, mais on nous avait laissé entendre que certaines seraient reprises, ce qui n'est malheureusement pas le cas de celle-ci. Il s'agit, afin d'éviter des mobilités géographiques successives tout au long du parcours du demandeur d'asile, de tenir compte des possibilités d'emploi lors de la répartition des places d'hébergement sur le territoire.
L'amendement CL697 vise à ce que, lors de l'enregistrement de sa demande, l'étranger puisse émettre le souhait d'être orienté sur une région déterminée.
L'amendement CL91, qui porte sur l'alinéa 5, a pour objet d'introduire un peu de souplesse en précisant que l'étranger peut s'opposer à son orientation lorsqu'il justifie de la possibilité d'être hébergé par un tiers, par exemple chez des membres de sa famille. Cela faciliterait, à notre sens, la gestion par la collectivité des moyens dont elle dispose pour réaliser sa mission. Par ailleurs, cette proposition nous paraît conforme au principe selon lequel il convient de privilégier l'unité des familles, conformément à l'article 12 de la directive « Accueil » de 2013 et à la Convention européenne des droits de l'homme.
J'appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu'il est déjà prévu, à l'alinéa 5, de tenir compte de la situation personnelle et familiale de l'étranger, et en particulier de sa vulnérabilité éventuelle. En outre, notre amendement prévoit que, sauf en cas de motif impérieux, le demandeur qui souhaite quitter temporairement sa région de résidence peut demander à l'OFPRA l'autorisation de le faire.
Les critères de vulnérabilité ont donc bien été pris en considération par le groupe La République en Marche.
C'est l'OFII qui va déterminer, dans tous les cas, la région d'orientation de l'étranger. Pour notre part, nous souhaitons que ce dernier puisse s'y opposer lorsque sa vulnérabilité ou sa situation personnelle et familiale le justifie – ce que vous refusez. Je ne suis pas d'accord quand vous dites que la vulnérabilité est déjà prise en compte par le texte initial, modifié par votre amendement : nous ne parlons pas de la même chose – ce qui est d'ailleurs bien dommage car, une fois que votre amendement sera adopté, nous ne pourrons plus défendre le nôtre.
Le dispositif préexistant au projet du Gouvernement prévoit que tout demandeur qui refuserait le lieu d'hébergement qui lui est proposé peut se voir refuser les conditions matérielles d'accueil : l'orientation directive existe déjà, c'est le droit appliqué depuis la loi du 29 juillet 2015. Le présent projet de loi propose d'élargir la répartition à l'échelle régionale afin de tenir compte des tensions qui peuvent exister localement, en particulier en Île-de-France, en région Rhône-Alpes ou encore dans la région de Metz. Dans toutes ces régions déjà confrontées à d'importantes difficultés, il est nécessaire, pour que les demandeurs d'asile soient bien traités, de les répartir de manière équilibrée sur le territoire : c'est une mesure de protection.
La Commission adopte les amendements identiques CL912 et CL827 rectifié.
En conséquence, les amendements CL537 de M. Jean-François Mbaye, CL327 de Mme Muriel Ressiguier, CL238 de Mme Marie-France Lorho, CL401 de Mme Annie Chapelier, CL88 de Mme Marietta Karamanli, CL697 de M. Belkhir Belhaddad, CL369 de Mme Anne-Christine Lang, CL91 de Mme Marietta Karamanli et CL599 de Mme Elsa Faucillon tombent.
La Commission examine l'amendement CL576 de M. Dimitri Houbron.
Dans son avis, le Conseil d'État indique que le texte risque de créer un nouveau risque de contentieux relatif à l'attribution, au refus ou au retrait des conditions matérielles d'accueil. Afin d'éviter que ces contentieux n'engorgent le tribunal administratif dont relève le siège de l'OFII, le Conseil d'État propose qu'un mécanisme de recours préalable obligatoire devant une commission nationale placée auprès de l'OFII soit instauré par voie réglementaire.
L'amendement CL576 reprend cette proposition, afin de permettre aux demandeurs d'asile d'user de leur droit fondamental à exercer un recours tout en évitant un engorgement du tribunal administratif.
Ne soyons pas pessimistes : il ressort, tant des auditions de magistrats auxquelles nous avons procédé que de l'avis de l'OFII, que le contentieux des conditions matérielles d'accueil est relativement modéré : sur 100 000 bénéficiaires, il y a eu 746 recours en 2017. La création d'une commission nationale ne paraissant pas nécessaire, je vous invite à retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission se saisit de l'amendement CL878 de Mme Stella Dupont.
Cet amendement a deux objets. Premièrement, il introduit la possibilité pour le demandeur d'asile de formuler un souhait relatif à sa région d'accueil ; deuxièmement, il vise à ce que l'OFII satisfasse ce souhait lorsqu'il est motivé par le fait que le demandeur dispose d'un hébergement par ses propres moyens.
Cette proposition va dans le sens d'une meilleure intégration du demandeur et d'un plus grand respect des projets des personnes souhaitant s'installer en France.
Le but de l'hébergement directif est de permettre une meilleure répartition des demandeurs sur le territoire. Ce que vous dites n'est pas tout à fait conforme à la directive, qui ne prévoit pas la possibilité de choix pour le demandeur.
Je répète que la vulnérabilité et la situation personnelle et familiale du demandeur sont déjà prises en compte, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays. Je me suis récemment rendue à Berlin, où j'ai pu constater que l'hébergement directif est mis en oeuvre dans des conditions très strictes : la situation personnelle du demandeur y est prise en compte d'une manière qui lui est beaucoup moins favorable qu'en France.
J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
Nous nous sommes interrogés sur ce dispositif. L'une des craintes exprimées par les personnes auditionnées au cours des derniers mois consistait à voir s'instaurer une sorte d'assignation à région. Cependant, en ouvrant le droit à circulation, comme nous l'avons fait tout à l'heure, et en faisant en sorte que l'autorisation de circuler soit délivrée par l'OFII dans les plus brefs délais – elle peut même se faire sans autorisation en cas de motif impérieux –, nous maintenons l'équilibre entre, d'une part, la nécessité de répartir au mieux les demandeurs sur le territoire national et, d'autre part, la possibilité de circulation des demandeurs sur le territoire, par exemple pour rejoindre leur famille dans une autre région.
Il me semble qu'il vaudrait mieux laisser aux personnes qui peuvent se loger par leurs propres moyens la possibilité de le faire : cela serait préférable non seulement pour les personnes concernées, mais aussi pour la collectivité, qui y trouverait forcément son compte dans le contexte de pénurie d'hébergements que nous connaissons.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL915 de la rapporteure, qui fait l'objet du sous-amendement CL925 de M. Jean-Noël Barrot.
Le sous-amendement CL925 vise à privilégier les normes relatives à l'accompagnement social et administratif dispensé dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), car ceux-ci constituent le pilier du dispositif national d'accueil. Actuellement, un grand nombre de demandeurs d'asile sont orientés vers d'autres types de structures, qui devraient normalement être temporaires, mais ont tendance à se multiplier face à l'apparition de nouvelles urgences. Face à ce qui constitue désormais un véritable millefeuille, le dispositif national d'accueil gagnerait à faire converger les normes en matière d'accompagnement social et administratif vers celles des CADA.
L'amendement CL915 vise à harmoniser les différentes structures d'hébergement. Dans la rédaction actuelle du CESEDA, les hébergements visés à l'article L. 744-3 – les centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) – sont en effet destinés à l'accueil des seuls demandeurs d'asile, tandis que d'autres structures sont prévues pour les personnes placées en procédure accélérée ou en procédure « Dublin » : on trouve, au 2° de cet article, un empilement de structures d'urgence créées au cours des dernières années.
Vous proposez que tout soit harmonisé sur le modèle du CADA, ce qui serait un objectif idéal – la circulaire du 4 décembre 2017 précise d'ailleurs que cette structure est à privilégier. Malheureusement, en termes de coût, il ne semble pas possible de faire en sorte que le CADA devienne la seule structure destinée à accueillir les demandeurs d'asile. Des structures spécifiques ayant vocation à accueillir les personnes placées en procédure accélérée ou en procédure Dublin, c'est parmi celles-ci – CAO, PRAHDA, HUDA, ATSA, etc. – que je propose de procéder à une harmonisation.
Il existe effectivement une accumulation de structures d'accueil à l'heure actuelle. Cependant, il ne me paraît pas souhaitable que le CADA devienne l'unique structure d'accueil, car il existe différents types de publics, ayant vocation à être accueillis selon des modalités différentes. Nous souhaitons, je le répète, que la réorganisation se fasse autour de trois structures : les CAES, les CADA et les hébergements d'urgence destinés aux « dublinés ».
Je suis donc favorable à l'amendement et défavorable au sous-amendement.
En réalité, notre sous-amendement ne définit pas uniquement les CADA, mais vise à « rapprocher progressivement les conditions de prise en charge dans ces structures de celles prévues dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés au 1° ». Nous ne souhaitons pas graver dans le marbre l'idée selon laquelle il n'y aurait plus que des CADA, mais proposons que l'on tende progressivement vers cet objectif – ce qui va dans le sens de la cohérence souhaitée par M. le ministre.
Chaque mot a son importance, et quand on dit que l'on souhaite « se rapprocher progressivement » du modèle du CADA, cela implique qu'il n'y ait plus, à terme, que cette structure. Or, nous estimons que, s'il est nécessaire de rationaliser un peu les choses afin de simplifier l'embrouillamini qui existe aujourd'hui, il sera toujours nécessaire de conserver différentes structures, répondant aux différentes typologies de populations ayant vocation à être accueillies.
Vous parlez de typologies, monsieur le ministre : justement, notre proposition concerne les demandeurs d'asile.
La Commission rejette le sous-amendement CL925.
Puis elle adopte l'amendement CL915.
Elle examine ensuite l'amendement CL132 de M. Bertrand Pancher.
Cet amendement vise à introduire dans le CESEDA et dans le code de l'action sociale et des familles (CASF) les dispositions qui organisent le droit à l'hébergement au stade du premier accueil, c'est-à-dire l'hébergement d'urgence, au sein duquel les intéressés bénéficient d'une information sur le droit d'asile, d'un premier examen de leur santé et d'une orientation vers l'autorité administrative compétente pour enregistrer la demande d'asile.
Quand on rencontre des migrants, on constate que l'un des problèmes auxquels ils doivent faire face réside dans le manque d'information, aggravé par le fait qu'ils ont des difficultés à s'exprimer en français et à comprendre ce qui leur est dit. Il me semble important de codifier les conditions d'organisation du premier accueil afin d'apporter quelques garanties dans ce domaine : il s'agit là d'une mesure de bon sens destinée à permettre l'accueil des migrants dans des conditions humaines, répondant à l'attente des migrants comme des organisations qui les prennent en charge, et d'autant plus nécessaire que le texte comprend des dispositions prévoyant le raccourcissement des délais d'instruction des dossiers.
Je vous remercie pour cette proposition, monsieur Pancher, mais celle-ci me paraît totalement satisfaite par l'amendement CL911 précédemment adopté, qui prévoyait exactement la même chose. Par conséquent, je vous invite à retirer cet amendement.
L'amendement CL132 est retiré.
La Commission examine l'amendement CL856 de M. Erwan Balanant.
Cet amendement vise à garantir aux étrangers déboutés de leur demande d'asile et hébergés dans un lieu prévu à effet le bénéfice de la trêve hivernale.
En effet, la loi portant réforme de l'asile du 29 juillet 2015 a introduit une procédure dérogatoire au droit commun en matière d'expulsion des lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile, qui s'applique notamment aux personnes déboutées de l'asile. Ainsi, le juge administratif, saisi en référé sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, peut adopter une ordonnance immédiatement exécutoire, quelle que soit la saison.
Le Conseil d'État a considéré que ce bénéfice, garanti sur le fondement de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, n'est pas transposable à la procédure d'expulsion des demandeurs d'asile prévue par l'article L. 744-5 du CESEDA. En effet, seules des circonstances exceptionnelles – que la présence d'enfants ne suffit pas à caractériser – peuvent conduire le préfet à décider de la non-expulsion d'une famille : il est donc tout à fait possible qu'une famille comprenant des enfants se trouve expulsée en plein milieu de l'hiver.
Il convient de remédier à cette situation, afin d'assurer aux personnes déboutées de leur demande d'asile le même niveau de droits fondamentaux que celui reconnu aux personnes en situation régulière. Nous proposons l'uniformisation des conditions dans lesquelles interviennent des sursis à exécution des ordonnances d'expulsion de personnes déboutées de leur demande d'asile, afin de ne plus laisser à l'appréciation de chaque préfecture les circonstances exceptionnelles permettant actuellement d'empêcher les expulsions et de rendre la trêve hivernale effective pour les demandeurs d'asile hébergés dans un CADA ou une structure similaire.
Je rappelle que l'objectif du dispositif national d'accueil (DNA) est d'accueillir des demandeurs d'asile et de maintenir un taux de rotation assez élevé, permettant de fournir le plus rapidement possible un hébergement à chaque nouveau demandeur, puis aux personnes admises au titre du statut de réfugié. J'insiste sur le fait que le DNA n'a pas vocation à fournir un abri aux déboutés du droit d'asile. Cela dit, le dispositif est mis en oeuvre dans des conditions aussi humaines que possible et adaptées aux circonstances. Ainsi, à Calais, pour les personnes non prises en charge par le DNA, l'État a mis en place un plan grand froid prévoyant la mise à l'abri pour la nuit des personnes se trouvant dans des campements illégaux.
J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
Je me suis, moi aussi, rendu à Calais au moment des grands froids, et j'ai pu constater que les services de l'État déployaient des efforts importants durant la période hivernale. Cependant, dans ma circonscription bretonne, j'ai également été témoin de l'expulsion d'une famille d'un CADA alors que la température était de moins cinq degrés Celsius. Cette famille a pu être hébergée provisoirement grâce à la solidarité des associations, mais je trouve que, sur le principe, une telle situation n'est pas tolérable : on doit pouvoir trouver une solution pour faire bénéficier de la trêve hivernale toutes les personnes se trouvant sur notre territoire, quelle que soit leur nationalité et quels que soient leurs droits.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL89 de Mme Marietta Karamanli, CL326 de M. Bastien Lachaud et CL712 de Mme Sonia Krimi.
Notre amendement tend à supprimer les alinéas 7 et 8 de l'article 9, qui visent à légaliser ce qu'il est convenu d'appeler la « circulaire Collomb », au sujet de laquelle toutes les associations de défense des droits fondamentaux nous ont interpellés. Ces dispositions posent problème, ainsi que l'a souligné le Défenseur des droits, qui a demandé leur retrait. Premièrement, elles entretiennent la confusion entre la mise à l'abri, qui est un droit fondamental inconditionnel, et une forme de contrôle de la situation administrative des hébergés au regard de leur droit au séjour, dans le but de réorienter les personnes en situation irrégulière. Deuxièmement, elles entretiennent également la confusion entre les missions des travailleurs sociaux et les missions de sélections et de contrôle des autorités, qui sont difficilement compatibles. La suppression des deux alinéas reprenant ces dispositions rendra les choses plus claires.
Notre amendement CL326, identique à celui que vient de présenter Mme Karamanli, vise à supprimer les alinéas 7 et 8 de l'article 9, qui constituent une légalisation de la « circulaire Collomb » et ont donc pour objet de faire le tri entre « bons » et « mauvais » migrants, remettant en cause le principe de l'accueil inconditionnel.
Les dispositions visées imposent une information mensuelle de la part des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). Comme le rappelle la CIMADE, « ce projet grave dans la loi la logique détestable de la circulaire du 12 décembre 2017, qui demande au SAMU social d'adresser à l'OFII la liste des personnes hébergées, qui sont réfugiées ou dans l'attente de leur demande d'asile. Au lieu d'accueillir sans question ni condition des personnes démunies qui cherchent un abri pour la nuit, les travailleurs sociaux devraient les contrôler et dresser des listes qui pourraient servir à leur expulsion, au mépris de toute déontologie ».
Dans son avis, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) relève que, en application de l'article L. 345-2-2 du CASF, l'accès aux dispositifs d'hébergement d'urgence n'est subordonné à aucune condition, notamment de séjour. Elle rappelle ainsi que l'échange d'informations envisagé ne doit pas conduire à ce que les SIAO excluent du dispositif d'hébergement d'urgence des personnes pouvant en bénéficier. Elle recommande que le projet de loi précise clairement l'objectif de cet échange tel que présenté par le ministère.
Nous proposons donc la suppression des alinéas 7 et 8, afin de garantir à la fois un accueil des migrants et des conditions de travail acceptables et dignes.
Nous proposons nous aussi, avec l'amendement CL712, de supprimer les alinéas 7 et 8, derrière lesquels se profile l'ombre inquiétante de la circulaire du 12 décembre 2017 – la seule différence, c'est qu'ici les informations sur les personnes hébergées ne sont pas obtenues en demandant à des agents des préfectures et de l'OFII de se rendre auprès des structures d'hébergement, mais au moyen de listes envoyées par les SIAO.
Si je comprends l'idée consistant à ce que les demandeurs d'asile intègrent des hébergements décents, j'ai du mal à admettre que l'on veuille inscrire dans une loi sur le droit d'asile des dispositions de contrôle relevant du champ réglementaire – d'autant que ces dispositions figurent déjà dans le code de l'action sociale et des familles à l'article D. 348-6 créé par le décret n° 2007-1300 du 31 août 2007, selon lequel la convention prévue par l'article L. 348-4 précise la nature et les conditions de mise en oeuvre des missions assurées par le centre d'accueil pour demandeurs d'asile en application du I de l'article L. 348-2 et, à ce titre, mentionne obligatoirement les échanges d'informations entre le gestionnaire de l'établissement et les services de l'État.
Les informations recueillies sont extrêmement importantes pour permettre un suivi adapté, tant des demandeurs d'asile que des réfugiés qui se trouvent dans des structures où ils ne bénéficient justement pas de ce suivi. M. Didier Leschi, directeur général de l'OFII, nous a dit lors de son audition qu'en 2017, grâce aux visites effectuées dans les centres d'hébergement d'urgence, ses services ont pu prendre en charge 17 000 personnes qui, soit étaient demandeurs d'asile mais n'avaient pas accès aux conditions matérielles d'accueil, n'ayant pas été prises en charge suffisamment tôt par le DNA, soit étaient présentes en tant que réfugiés, et n'avaient pas même commencé leur parcours d'intégration. De ce point de vue, nous ne pouvons que nous féliciter de la prise en charge de ces 17 000 personnes.
Je précise bien que le chiffre indiqué correspond à l'année 2017, car c'est avant la publication de la circulaire que vous évoquez que des agents de l'OFII ont commencé à aller se renseigner sur la situation administrative de toutes les personnes accueillies : cela fait environ deux ans qu'il y a des contacts entre les agents de l'OFII et les associations gestionnaires en vue de recenser le statut administratif des personnes hébergées, afin que chacun puisse être hébergé dans un lieu correspondant à sa situation administrative, et que les centres d'hébergement de droit commun puissent ensuite faire leur office, consistant à héberger des personnes en grande précarité se retrouvant à la rue, et n'ayant pas vocation à être prises en charge en tant que réfugiés ou demandeurs d'asile. J'émets donc un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Si je peux comprendre la motivation de ceux qui défendent ces amendements, ceux-ci me paraissent totalement injustifiés sur le fond. Dans un État de droit, il est ahurissant de constater que la circulaire publiée en décembre 2017 par le ministre de l'Intérieur a pu donner lieu à une telle polémique, alors qu'elle était très modérée dans ses injonctions, ne visant qu'à connaître la situation administrative de personnes hébergées par des structures d'État, financées par le contribuable, dans le seul but d'être en mesure de les orienter. N'est-ce pas le rôle de l'État que de faire respecter la loi et le droit ?
Aujourd'hui, il est nécessaire de connaître le statut des personnes hébergées afin de pouvoir les orienter. Soit elles relèvent de dispositifs sociaux et d'urgence et doivent être prises en charge à ce titre, soit elles sont en infraction avec les lois de la République car, ayant été déboutées du droit d'asile, elles se trouvent en situation illégale au regard du séjour sur notre territoire et doivent alors être éloignées du territoire national. Je le répète, il y va du respect de la loi et du droit !
Je ne comprends donc pas comment les auteurs de ces amendements peuvent les justifier, à moins de prétendre qu'il n'existe aucune différence entre ceux qui obtiennent le statut de réfugié et les déboutés, entre ceux qui sont en situation régulière sur le territoire national et ceux qui y sont en situation irrégulière – ces derniers ayant, si je comprends bien, un droit indéfini à se maintenir sur le territoire national.
Nous évoquons là un sujet donnant lieu à une vraie controverse. Si je comprends les arguments évoqués par M. le ministre et Mme la rapporteure, il faut tout de même tenir compte de la réalité, monsieur Ciotti, et nous ne pouvons pas faire comme si nous n'entendions pas les organisations ayant pour mission l'accueil des migrants, qui se font constamment l'écho des drames humains qui se jouent chaque jour sur le terrain. Certes, le droit est important, mais il y a aussi l'humanité ! Nous parlons ici d'êtres humains, dont la vie se résume à être traqués de toutes parts. S'ils ne sont pas hébergés, ils doivent se débrouiller pour trouver quelqu'un qui leur donne un abri, ou bien ils sont obligés de se cacher sous des toiles de tente.
Pour ma part, j'ai vraiment envie que la belle promesse du Président de la République, consistant à ce que plus personne ne dorme dehors la nuit, soit enfin tenue – ce qui est encore loin d'être le cas, comme on a malheureusement pu le voir cet hiver. Pour cela, nous devons introduire un peu de souplesse dans le dispositif, et je sais gré aux auteurs de ces amendements de suppression d'avoir permis de rouvrir le débat sur un sujet à la fois délicat et important.
Il ne faut pas tout confondre, monsieur Ciotti. Les centres d'hébergement d'urgence accueillent les gens de façon totalement inconditionnelle, ce qui ne veut pas dire qu'ils abritent de façon malencontreuse des personnes en situation irrégulière qui n'auraient aucun droit mais bien qu'ils hébergent des personnes démunies, en souffrance et qui, si on commence à faire le tri entre elles, n'y viendront plus et seront à la rue. C'est tout le contraire de ce que nous souhaitons. L'amendement CL682 que je défendrai tout à l'heure rappelle la nécessité d'une communication entre les services du SIAO et de l'OFII – mais en vue de protéger les personnes.
Je souhaite répondre à M. Pancher, car je trouve trop forts les termes qu'il a employés. Cher collègue, vous nous parlez de « traque » pour qualifier cette procédure, mais cela ne correspond pas à la réalité. Je ne sais pas comment cela se passe dans votre département mais, dans celui du Rhône où j'ai rencontré un grand nombre d'acteurs chargés du droit d'asile, la situation n'est absolument pas celle-là. Il faut faire attention aux mots qu'on emploie, sans quoi on tombe inévitablement dans la caricature, alors que ce texte est équilibré.
Vous avez interpellé le Président de la République. Je citerai donc un de ses propos récents : « Il y a beaucoup de confusion chez certains et il faut se garder des faux bons sentiments ». Pour avoir parlé avec plusieurs agents de l'État et de l'OFII, je peux vous dire que dès avant la publication de la circulaire tant décriée du ministère de l'Intérieur, les services de l'État étaient déjà en contact avec les responsables de centres d'hébergement et qu'ils avaient connaissance des personnes porteuses d'un titre d'asile et de celles qui suivaient une procédure de demande d'asile. Il est normal que l'État qui finance les centres d'hébergement sache qui les occupe. Il n'est pas question pour autant de « traquer » ces personnes. Attention, encore une fois, aux termes que l'on emploie.
Nous n'avons pas la même philosophie ni la même analyse que M. Ciotti. Les SIAO font déjà un travail de repérage, d'enregistrement, d'accueil et d'orientation de ces personnes. Pourquoi demander aux services de l'État de refaire le même travail avec d'autres objectifs ? Cela ne risque-t-il pas de remettre en question l'action des travailleurs sociaux des SIAO ? Nous souhaiterions éviter toute confusion entre les missions des différents services.
Les enjeux qui ont été mis en avant lors de la présentation du projet de loi sont l'efficacité et la rapidité. Il y a peut-être des microcosmes territoriaux, et peut-être tout se passe-t-il très bien à Lyon et dans le département du Rhône… Mais quand des associations claquent la porte d'une réunion avec le ministre, ce n'est pas simplement pour faire de l'esbroufe ou pour entretenir leur fonds de commerce mais parce que la réalité est très diverse au niveau national et que la circulaire et sa transposition dans le projet de loi vont à l'encontre de l'objectif d'orientation des personnes vers les services susceptibles de les aider. Du seul point de vue de l'efficacité, si cher à M. Ciotti, cette mesure est donc totalement contre-productive. Si l'on ne tient pas compte de ce que disent les principales personnes concernées et celles qui les accompagnent, on fait une loi pour se faire plaisir et pour pouvoir dire qu'on est ferme, mais elle créera in fine plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.
Je soutiens la position défavorable de Mme la rapporteure, avec la même argumentation. Il convient que chaque public puisse être dans le dispositif qui lui est consacré, donc que les demandeurs d'asile relèvent du dispositif national d'asile (DNA) plutôt que de l'hébergement d'urgence et que les réfugiés ne soient pas non plus dans l'hébergement d'urgence mais qu'ils puissent trouver un logement. Je rappelle que le Gouvernement est en train de mettre en place un dispositif de manière à pouvoir les accueillir. Les politiques que nous menons se tiennent et nous essayons de traiter les choses globalement. Comme on l'a dit tout à l'heure, au cours des quelques visites qu'a faites l'OFII, on s'est aperçu qu'il y avait absolument tout le monde dans ces centres d'hébergement d'urgence, ce qui, évidemment, y crée une embolie structurelle au point que quand vous appelez le 115 pour les vrais cas d'urgence, vous ne trouvez plus de place. Nous essayons de faire évoluer les choses, c'est pourquoi je suis défavorable aux amendements proposés.
La Commission rejette les amendements.
Elle aborde l'amendement CL682 de M. Jean-Michel Clément.
Compte tenu de la difficulté que l'on a, sur le terrain, à trouver des hébergements adaptés aux personnes, à la taille des familles et aux femmes enceintes qui sont dans le circuit de la demande d'hébergement, il faut que les SIAO puissent communiquer avec l'OFII. Cependant, il convient de préciser à cet alinéa que cette discussion mensuelle entre services a comme seul objectif de trouver un lieu d'hébergement adapté. C'est l'objet de cet amendement.
Cette proposition est certes constructive, mais elle viderait de son sens la disposition du projet de loi. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL491, CL478, CL479 et CL480 de la rapporteure.
Elle adopte également l'amendement de coordination CL913 de la rapporteure. En conséquence, les amendements CL92 de Mme Marietta Karamanli, CL481 de la rapporteure, CL723 de M. Christophe Blanchet et CL410 de M. Loïc Prud'homme tombent.
Les amendements qui viennent de tomber n'auraient-ils pas dû être en discussion commune avec celui qui a été adopté juste avant ?
Non. Il n'y a pas systématiquement discussion commune lorsque l'adoption d'un amendement rendrait sans objet des amendements ultérieurs. La mise en discussion commune est décidée par la présidence. J'ai pris la décision de ne pas le faire sur ces amendements.
Cela fait, madame, quinze heures que nous débattons. Je donne systématiquement la parole à tous les députés qui la demandent.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL488 et CL489 de la rapporteure, puis les amendements identiques de coordination CL914 de la rapporteure et CL828 de M. Florent Boudié.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL93 de Mme Marietta Karamanli.
Nous proposons une rédaction alternative de l'alinéa 21, précisant que la décision de retrait des conditions matérielles d'accueil peut faire l'objet d'un recours suspensif. Que le Gouvernement cherche à conférer un caractère immédiat aux décisions de suspension, de retrait ou de refus placera nécessairement des demandeurs d'asile dans une situation de grande difficulté, quand bien même une procédure contradictoire serait prévue pour les contester a posteriori. Le projet de loi n'apporte aucune garantie au demandeur d'asile pour se prémunir d'éventuelles décisions arbitraires de l'administration, contrairement à ce que prévoit le droit en vigueur.
Il y a déjà un recours possible contre le retrait des conditions matérielles d'accueil devant le juge administratif : 746 recours ont été formés en 2017. Par ailleurs, lorsqu'il est mis fin au bénéfice de son allocation, le demandeur d'asile la perçoit quand même jusqu'au mois suivant. Il ne se retrouve donc pas tout de suite dans une situation précaire. Pendant cette période, il peut demander le rétablissement des conditions matérielles d'accueil auprès de l'OFII, comme cela est prévu à l'article L. 744-8 du CESEDA. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL688 de M. Jean-Michel Clément.
Actuellement, quand une personne est déboutée et qu'elle est en CADA, elle peut y rester jusqu'à la fin du mois suivant la notification de la décision de la CNDA. Cet article réduit ce délai de sorte que, sitôt après l'audience publique de la CNDA, la personne cesse de toucher l'ADA dès la fin du mois en cours et doive quitter le CADA.
Pour que la personne puisse trouver une solution, il conviendrait que ses droits prennent fin dans un délai plus raisonnable – la fin du deuxième mois suivant l'audience publique de la CNDA. Tel est l'objet de notre amendement.
Compte tenu des sommes en jeu – je vous rappelle que l'ADA est actuellement versée à 120 000 personnes par mois en moyenne –, ces alinéas visent à pouvoir en retirer rapidement le bénéfice aux personnes qui n'ont pas le droit au maintien sur le territoire. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL581 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à lancer une expérimentation pour remédier à l'insuffisance manifeste, dénoncée par le Conseil d'Etat, du montant de l'ADA. Rappelons les conditions dans lesquelles les préfets peuvent exercer leur compétence discrétionnaire en matière d'utilisation et de fongibilisation des crédits pour faire face à la misère matérielle des demandeurs et demandeuses d'asile n'ayant pas pu être logés, ce alors même que le Conseil d'État a récemment jugé que le complément d'allocation pour le logement était insuffisant pour trouver à se loger dans le parc privé. Nous proposons une grille de lecture permettant au préfet d'apprécier l'opportunité d'utiliser son pouvoir discrétionnaire pour remédier à cette situation préjudiciable et de permettre aux demandeurs et aux demandeuses d'asile non logés par l'État dans l'attente de la décision de l'OFPRA puis de la CNDA, de mener une existence digne.
Il est important de maintenir un principe d'égalité de traitement pour tous les demandeurs d'asile. Il y aura une répartition des demandeurs d'asile en fonction des places disponibles, mais pas de modulation de l'ADA en fonction des territoires. Cette orientation directive, qui permet de mieux héberger et de mieux orienter les demandeurs partout sur le territoire, permettra également de mieux prendre en compte ces conditions matérielles. Avis défavorable.
Sans être tout à fait en phase avec Mme Obono, je voudrais insister sur un point, étant donné que Mme la rapporteure vient de parler d'égalité de traitement. Le texte qui nous est proposé entraînera quand même une forme d'inégalité que je regrette puisque selon que la décision de la CNDA interviendra le 1er ou le 29 du mois, les conséquences sur le versement de l'ADA ne seront pas du même ordre. Il sera compliqué aux demandeurs de se retourner et de trouver une solution le 29 du mois. J'aurais préféré que l'amendement défendu par Mme Wonner soit retenu et peut-être qu'on aurait pu imaginer une solution intermédiaire pour offrir à tous les demandeurs une équité de traitement.
Au-delà de nos débats parfois chaotiques, madame la rapporteure, vous savez très bien pourquoi nous ne proposons qu'une expérimentation ! En l'état des institutions de la Ve République, les députés ne peuvent créer de nouvelle dépense publique, selon les termes de l'article 40 de la Constitution. Mais peut-être M. le ministre, dans sa grande bienveillance, voudra-t-il reprendre à son compte notre amendement, afin que le dispositif soit applicable sur tout le territoire ?
Vous avez raison, les migrants sont souvent contraints de vivre de mendicité ou de la charité des organisations caritatives. Mais soyons également honnêtes et attentifs aux réactions très vives de l'opinion publique, qui estime que ces migrants vont finir par toucher plus que des personnes qui sont sur notre sol depuis plus longtemps… L'amendement que nous examinerons demain nous permettra sans doute de réconcilier ces deux positions : dès qu'ils ont déposé leur dossier administratif, il faut que les migrants puissent travailler, car ils le souhaitent vraiment, monsieur le ministre. Nous devons avancer sur cette piste, essentielle pour leur dignité.
L'indemnité est reçue à terme échu. Si quelqu'un est débouté après le 15 janvier, il touchera son indemnité jusqu'au 5 mars. Le problème que vous évoquez ne se pose donc pas exactement en ces termes.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 9 modifié.
Après l'article 9
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL904 de la rapporteure et CL817 de M. Florent Boudié.
Nous proposons de mieux articuler le dispositif d'hébergement proposé au réfugié au début de son parcours d'intégration avec celui dont il bénéficiait au moment de l'examen de sa demande d'asile, afin de prendre en compte les liens familiaux et personnels, ainsi que la région dans laquelle il a pu tisser de tels liens, pour procéder à l'affectation dans un lieu d'hébergement.
La Commission adopte l'amendement CL904.
En conséquence, l'amendement CL817 tombe.
L'amendement CL818 de M. Florent Boudié est retiré.
La Commission se saisit de l'amendement CL572 de M. Éric Coquerel.
Dès 1793, et de nouveau en 1946, à la suite de la Libération, la protection des combattants et combattantes de la liberté a fait partie de la tradition constitutionnelle de résistance de la France. Pourtant, la France est l'un des pays européens disposant du droit d'asile constitutionnel le moins protecteur. C'est à nos ancêtres révolutionnaires, opprimés pour leurs idées, résistants et résistantes, combattants et combattantes de la liberté, que nous devons notre présence dans cette Assemblée.
Ni l'état actuel du droit, ni votre projet de loi ne font honneur à cet héritage précieux. Depuis 1993, les différents gouvernements n'ont eu de cesse de réduire le spectre de cette protection spécifique et politique. Or, le droit d'asile qui incarne notre tradition de promotion historique d'une liberté humaine inaliénable et du bien commun mondial ne doit pas rester lettre morte.
Notre amendement rédactionnel vise à le renforcer en en spécifiant l'étendue et en y incluant les nouvelles formes de résistance – notamment numériques –, afin que l'État français protège les lanceurs et lanceuses d'alertes internationaux, au service de l'intérêt général. L'asile prévu par le Préambule de la Constitution de 1946 pourra faire l'objet d'une motivation particulière de l'OFPRA et de la CNDA.
Nous pourrions accueillir quelques lanceurs d'alertes… Aujourd'hui, malheureusement, l'un d'entre eux vient d'être interpellé par la justice espagnole, alors qu'il était à l'origine des révélations des Swiss Leaks.
L'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) reconnaît déjà à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté la qualité de réfugié. Il n'est pas utile de développer cette formule, suffisamment englobante pour couvrir tous les cas de figure évoqués.
En préalable, il faudrait peut-être revenir sur les accords de Dublin régissant la politique européenne d'asile… Monsieur le ministre, mon département a accueilli un prêtre venant de la République démocratique du Congo (RDC). Il est venu légalement et va rester. Pour des raisons politiques, son frère s'est fait assassiner en RDC. Son neveu a paniqué et est arrivé en France avec sa femme et ses deux enfants. Malheureusement, il est entré en Europe par le Portugal. Quand il est arrivé sur notre territoire, on lui a signifié son expulsion vers le Portugal. Mais, ce dernier pays n'ayant pas la même conception que la France de ses relations avec la RDC, il ne voulait pas partir. Il a menacé de se suicider et s'est jeté d'une fenêtre dans l'immeuble où il était hébergé. J'ai intercédé plusieurs fois en sa faveur auprès du préfet du département concerné – je ne citerai pas son nom – qui m'a expliqué ne pouvoir faire autrement qu'appliquer les accords de Dublin. Alors que ce monsieur allait être expulsé, sa femme a également fait une tentative de suicide et les enfants ont été placés. La panique a alors gagné tout le monde et, sans que l'on sache pourquoi, le même préfet m'a finalement expliqué qu'il avait de petites marges, mais qu'il n'était pas sûr de pouvoir les conserver…
À défaut, peut-être, de revenir sur ces accords – ils sont toujours difficiles à négocier –, vous devez absolument laisser des marges de manoeuvre aux préfets, monsieur le ministre. Les dossiers doivent être traités beaucoup moins brutalement et au cas par cas, car ces migrants sont avant tout des êtres humains ! J'ai des dizaines d'exemples de ce type ; vous les connaissez tous puisque je les fais régulièrement remonter à votre ministère.
Madame la rapporteure, je comprends que l'article en fait déjà état, mais nous souhaitons développer cette mention, afin de souligner notre volonté politique d'élargir les bases de l'asile pour les combattants pour la liberté.
Actuellement, l'asile est trop rarement octroyé pour ce motif. Il nous semble important de réaffirmer cette volonté et d'amplifier l'ambition universaliste de la République française. Pourquoi n'a-t-on pas proposé l'asile à Edward Snowden ? Peut-être qu'à défaut d'excuses (Exclamations) M. le ministre aurait un avis sur cette intéressante question ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL600 de Mme Elsa Faucillon.
Cet amendement fait suite aux discussions d'hier qui ont permis quelques avancées, même si elles sont encore extrêmement minces. Nous souhaitons que les femmes persécutées ou menacées de persécution dans leur pays en raison de leur action en faveur des droits des femmes, du fait de leur refus de se soumettre à des coutumes, des normes ou des pratiques discriminatoires dans leur pays ou à cause de leur orientation sexuelle, puissent se voir reconnaître le statut de réfugié.
De nombreuses victimes sont persécutées parce qu'elles sont militantes et refusent la domination patriarcale. On ne rentre plus ici dans le cadre d'une circulaire, mais bien dans celui de la convention de Genève. Il faut l'inscrire dans la loi, d'autant que les nombreuses circulaires publiées ne sont pas toujours suivies à la lettre. Ainsi, certaines personnes répondent à tous les critères édictés par une circulaire et ne sont pas régularisées pour autant !
Hier, un amendement nous a permis d'avancer sur les problématiques relatives aux personnes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). Nous pourrions également nous accorder sur cet amendement.
Hier, nous avons travaillé sur les pays d'origine sûrs. Le présent amendement modifie la notion même de réfugié. Le Préambule de la Constitution de 1946 et les termes de la convention de Genève me semblent suffisamment clairs : « Le terme de réfugié s'applique à toute personne craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
Je vous rejoins : une femme doit pouvoir être protégée en raison de son action pour les droits des femmes, mais il s'agit bien d'une « opinion politique », déjà visée par la convention de Genève. À ce titre, elle mérite la protection de la France et pourra en bénéficier. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL571 de M. Bastien Lachaud et CL658 de M. Éric Coquerel.
Monsieur le ministre, je vais prolonger votre souffrance mais nous allons peut-être finir par vous faire entendre raison sur la question des réfugiés climatiques ! Selon les estimations de l'Organisation des Nations unies (ONU), 250 millions de personnes seront forcées de s'exiler à cause des bouleversements climatiques d'ici à 2050. Une partie substantielle de ces migrations contraintes se fera hors des frontières nationales.
Cet élément fondamental n'est pas suffisamment pris en compte dans notre réflexion sur la crise écologique. Pourtant, il mérite toute l'attention du législateur. En effet, l'enjeu humanitaire et géopolitique est considérable et il sera inévitable d'intégrer cette nouvelle donne dans la législation relative au droit d'asile.
Le droit international n'appréhende pas encore vraiment les réfugiés environnementaux. Néanmoins, dès 1985, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) en a proposé une définition. Il s'agit de « toute personne forcée de quitter son habitation traditionnelle d'une façon temporaire ou permanente à cause d'une dégradation nette de son environnement qui bouleverse son cadre de vie et déséquilibre sérieusement sa qualité de vie ».
Nous proposons que notre législation soit à l'avant-garde en accordant le bénéfice de la protection subsidiaire à toute personne qui subit dans son pays d'origine une dégradation de son environnement occasionnant un bouleversement grave de son cadre de vie.
Le droit d'asile prend uniquement en compte les persécutions subies dans le pays d'origine. Or le parcours migratoire peut souvent induire des violences et traumatismes qui nécessiteraient que l'État français accorde une protection à celles et ceux qui les ont subis, d'autant que ces tortures et traitements inhumains ou dégradants sont parfois directement ou indirectement les conséquences de la politique étrangère de l'Union européenne ou de la France, qui n'agissent pas contre les violences et les violations graves des droits des populations migrantes – torture, enfermement, réduction en esclavage, prostitution, travail forcé, violences.
La condamnation unanime de la Libye – y compris au sein de l'Assemblée nationale – est significative. Mais, quand on y regarde de plus près – les associations internationales le dénoncent d'ailleurs depuis des mois –, les liens entre l'Union européenne et la Libye ne sont pas neutres : nous cogérons la crise migratoire avec un pays qui ne respecte par les droits fondamentaux des migrants ! L'Union européenne apporte son soutien au blocage des migrants en Libye, alors même qu'elle sait qu'ils et elles peuvent être victimes des plus inhumains et dégradants traitements. Et la Libye n'est malheureusement pas un cas isolé… En reconnaissant les violences et atteintes subies par des personnes lors de leur parcours migratoire, nous renouerions avec notre histoire et notre tradition constitutionnelle de protection des opprimés.
Ces deux amendements sont différents, mais ma réponse sera proche et mon avis défavorable. S'agissant du premier amendement, la notion de réfugié climatique n'est pas intégrée à la Convention de Genève. Il est extrêmement intéressant de lancer ce débat, mais la discussion doit avoir lieu devant les Nations unies.
Compte tenu des évolutions écologiques dont nous avons tous conscience, il est évident que le cadre juridique international devra être revu. Mais le réfugié climatique ne craint pas pour sa vie en raison de persécutions. La convention de Genève ayant fait l'objet d'une transposition sur cette base dans nos textes, il me paraît compliqué de revenir dans un projet de loi national sur des textes internationaux.
S'agissant du deuxième amendement, si les personnes qui craignent pour leur vie ou subissent des persécutions peuvent être protégées en tant que réfugiés sur notre territoire, celles qui ont subi de mauvais traitements pendant le voyage, sans être en danger dans leur pays d'origine, ne peuvent prétendre au statut de réfugié.
Des personnes ayant subi de mauvais traitements pendant leur trajet mais ne se trouvant pas en danger dans leur pays d'origine ne correspondent pas à la définition actuelle des réfugiés. Il ne s'agit pas de nier les mauvais traitements qui ont eu lieu : on doit au contraire lutter aussi efficacement que possible contre les filières de passeurs – je pense que le ministre d'État pourrait nous en parler, puisqu'il s'agit d'une de ses priorités. Nous devons faire en sorte que des personnes qui ne pourraient pas bénéficier du droit d'asile en France n'aient pas à traverser des régions dangereuses pour leur vie.
J'émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Ne pas s'intéresser à ces questions reviendrait à ne pas penser le monde de demain – et ce n'est pas en termes de fermeture ni de repli que nous devons le faire. Il faut être conscient que nous serons de toute façon confrontés à cette problématique. Ceux qui y travaillent dès aujourd'hui préparent l'avenir. Le ministre pourrait nous donner son avis et peut-être faire part d'un engagement de la France. Nous devons aborder ce sujet à l'échelle européenne et internationale : je plaide pour que notre pays pousse la communauté internationale à agir. Ce projet de loi nous fragilise à plusieurs titres. D'abord, il n'affiche pas notre solidarité. Ensuite, il faudrait montrer que nous ne gérons pas seulement une crise des migrants, mais aussi de l'accueil. Enfin, nous ne serons pas crédibles au plan international sans une accélération des relocalisations et des différents engagements pris en 2015 au plan européen. Je suis donc favorable à ces amendements.
Nous n'avons pas les mêmes rapports avec les pays d'origine quand il s'agit de réfugiés climatiques – poussés au départ par un tremblement de terre, par exemple. Les enjeux sont complètement différents. Le sujet est important, mais je ne crois pas que l'on puisse le traiter avec d'autres questions au sein d'une même loi.
Nous aurons bientôt l'occasion de parler de la question des réfugiés climatiques, et je m'exprimerai à ce moment-là.
Le problème des passeurs est tout à fait épouvantable. Nous avons démantelé l'année dernière 303 réseaux en France, avec l'aide d'autres pays, et 60 autres depuis le début de l'année. Nous sommes donc sensibles à cette question. Le Nouvel Observateur a publié un article terrible sur les filières de prostitution de jeunes filles en provenance du Nigéria. Il y a une sorte de passage de relais, de pays en pays jusqu'en Europe, entre les réseaux de passeurs. Quand la criminalité est organisée sur le plan international, il faut une coopération policière à cette échelle. Nous nous y employons : l'un de nos principaux objectifs est de lutter contre les réseaux de passeurs, en particulier ceux qui se développent, avec une rapidité extrême, dans le domaine de la prostitution.
Je n'ai pas bien saisi, monsieur le ministre, à quel moment nous sommes censés discuter de la question des réfugiés climatiques. Nous vous interpellons depuis décembre dernier, et ce texte relatif aux réfugiés nous donne l'occasion d'avancer dès aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas commencer la discussion. Il serait bon que notre pays adopte une position avant-gardiste susceptible d'inspirer d'autres pays.
Comme l'a souligné Ugo Bernalicis, une définition des réfugiés environnementaux a été proposée par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) dès 1985 : il existe déjà des outils que nous pouvons reprendre. Nous aurons une légitimité d'autant plus forte pour mener le débat au niveau international si nous créons un nouveau statut dans notre propre législation. Je ne comprends vraiment pas pourquoi nous ne profitons pas de l'opportunité offerte ce texte alors que le Gouvernement et la majorité affirment qu'il est nécessaire de traiter les questions climatiques. Je pense que le ministre Nicolas Hulot et l'ensemble de la majorité seront d'accord avec nous : les réfugiés climatiques sont l'un des sujets qui font consensus dans ce domaine.
Nous aurons ce débat. Le ministre l'a dit et nous avons déposé des amendements très détaillés qui seront examinés par la suite. Il y a certes le statut des réfugiés climatiques, mais aussi d'autres questions qui sont liées : nous devons en débattre de manière globale. Soyons dignes de ce sujet si important, qui nous rassemble tous.
La Commission rejette successivement les amendements CL571 et CL658.
Elle examine ensuite l'amendement CL863 de Mme Caroline Janvier.
Nous souhaitons accélérer l'aménagement des CADA dans le domaine du numérique. Internet sert non seulement d'outil d'orientation et de communication pour des migrants qui ont souvent traversé une bonne partie du monde, mais permet aussi et surtout de garder un lien fort avec les membres de leur famille, dont ils sont séparés. Le numérique offre par ailleurs de formidables opportunités pour dématérialiser et simplifier les procédures d'asile. Le projet de loi permet ainsi à l'OFPRA de communiquer ses décisions et d'adresser ses convocations par « tout moyen », y compris électronique. Nous devons nous poser la question de l'accès des demandeurs d'asile à internet : cela reste compliqué, même après l'arrivée en France. Faute de moyens, tous les CADA ne sont pas nécessairement dotés d'une connexion. Une réflexion doit donc avoir lieu sur l'accès à l'internet mobile.
Je partage d'autant plus l'objectif que j'ai défendu l'idée d'une notification par la voie numérique, l'accès aux décisions pouvant alors se faire au niveau des PADA ou des CADA. Il me semble que c'est déjà possible, en tout cas dans les plateformes associatives, mais le ministre souhaitera peut-être s'exprimer sur ce sujet. Je vous demanderai de retirer l'amendement.
Je partage la philosophie de votre amendement, mais ce que vous proposez ne relève pas de la loi : c'est une question d'organisation. Nous sommes en train d'équiper le dispositif d'accueil, et vous aurez donc satisfaction sur le fond. Comme la rapporteure, je vous demande de retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL136 de M. Frédéric Petit.
Mon amendement CL136 part d'un double constat. Sur le terrain, tout d'abord, on voit bien qu'il y a très peu de parcours d'intégration pour les demandeurs d'asile et qu'ils sont très succincts lorsqu'ils existent. On met bien davantage l'accent sur l'intégration de ceux qui ont obtenu le statut de réfugié, ce qui a d'ailleurs une certaine logique. Ensuite, comme l'a souligné la présidente de la commission des Affaires étrangères dans son rapport pour avis sur ce texte, on pourrait avoir davantage de moyens et de liant grâce une meilleure coordination avec l'aide au développement.
Je propose que toutes les actions d'intégration, notamment l'apprentissage du français et l'aide à l'entrepreneuriat, fassent l'objet d'une coordination avec les opérateurs de l'aide publique au développement qui interviennent dans les pays d'origine des demandeurs d'asile. Ce sont effet des acteurs très efficaces. Je pense par exemple à l'Alliance française de Paris et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui prépare notamment l'aide au retour – on pourrait l'améliorer en travaillant en collaboration avec les opérateurs de l'aide au développement.
On peut discuter de l'intégration pendant l'examen des demandes d'asile – il existe notamment des propositions dans le rapport d'Aurélien Taché – mais cette question n'est pas abordée par le texte. Comme vous l'avez dit, c'est sur les réfugiés que l'accent est mis à l'heure actuelle. Je voudrais par ailleurs souligner que l'OFII se coordonne de plus en plus avec les pays d'origine en ce qui concerne le retour volontaire. Des postes ont été créés sur place et tout un travail est réalisé, notamment avec des diasporas et des entrepreneurs de pays africains. Je donne donc un avis défavorable à l'amendement.
Cet amendement est particulièrement intéressant : il permet de commencer l'apprentissage du français et de notre culture dès le stade de l'accueil des demandeurs d'asile. On nous objectera peut-être qu'une partie d'entre eux vont être déboutés par la suite, mais nous ferons tout de même oeuvre utile à un double niveau. Pour ceux qui obtiennent le statut de réfugié, on aura gagné du temps. Il faut d'ailleurs savoir que les demandeurs d'asile apprennent le français avec une extrême rapidité – c'est souvent la preuve d'une volonté de s'intégrer en France et d'embrasser notre pays. Pour ceux qui sont finalement déboutés, le travail réalisé participera au rayonnement de la France et de la francophonie tout en contribuant à l'aide au développement.
J'aimerais compléter cet éclairage par deux exemples concrets. Il ne s'agit pas seulement d'apprendre le français. Parmi les demandeurs d'asile, il peut y avoir des ingénieurs dont notre dispositif d'aide au développement a besoin. On sait par ailleurs que la période séparant la demande d'asile et la décision finalement prise est anxiogène et pathogène, y compris pour l'environnement des demandeurs d'asile, car elle est marquée par l'ennui : on tourne en rond, on apprend le français mais pas avec des professionnels. Nous souhaitons au contraire que cette période soit riche. Il y a des moyens que l'on pourrait utiliser et un intérêt. L'OFII travaille sur l'aide au retour, mais que représente-t-elle par rapport à un dispositif encadré par l'Agence française de développement (AFD), pour des projets d'ingénierie par exemple, dans l'un des 19 pays prioritaires pour l'aide française ? N'est-ce pas plus intéressant qu'un chèque de l'OFII pour rentrer au pays ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL402 de Mme Annie Chapelier.
Nous souhaitons faire entrer la demande d'asile dans une approche socialement inclusive en donnant un cadre légal à des dispositifs qui honorent la France en tant que terre d'accueil. Les procédures nationales intègrent de plus en plus les bonnes pratiques qui existent chez nos voisins européens, nécessité que vous avez vous-même invoquée à plusieurs reprises, madame la rapporteure, depuis que nous examinons ce texte. Cela peut aussi concerner les dispositifs d'accueil.
Ainsi que notre collègue Aurélien Taché l'a suggéré dans son rapport, nous proposons de créer à titre expérimental un dispositif d'accueil de demandeurs d'asile par des particuliers. Cela permettrait de répondre à plusieurs objectifs : mieux impliquer la société civile dans l'accueil et l'accompagnement des demandeurs d'asile et des réfugiés ; donner un cadre légal à des initiatives locales qui existent déjà mais travaillent un peu sous le manteau ; désengorger les CADA en proposant des modes d'hébergement alternatifs ; permettre aux demandeurs d'asile de se projeter d'emblée dans la perspective de leur intégration grâce à l'accueil dans une famille, à un soutien psychologique et social, à un accompagnement dans l'apprentissage des codes sociétaux et culturels, et à une aide pour les démarches juridiques et administratives ; enfin, lutter contre le désoeuvrement, qui constitue l'un des problèmes les plus douloureux pour les demandeurs d'asile.
Ce dispositif serait soumis à trois conditions : que la vulnérabilité des personnes concernées ne nécessite aucune prise en charge spécifique par des professionnels ; que le particulier assurant l'accueil bénéficie d'un suivi et d'une formation à l'accueil et à l'accompagnement, ce que font déjà des associations ; que les demandeurs d'asile bénéficient d'un accompagnement de même qualité que celui proposé en CADA – ils pourront notamment recevoir l'ADA.
L'OFII servirait d'organisme centralisateur et régulateur pour cette expérimentation reposant sur la base du volontariat, pour les demandeurs d'asile comme pour les particuliers qui les accueillent. Ces derniers ne percevraient aucune rémunération à ce titre.
Je vous remercie d'avoir déposé cet amendement, dont l'esprit est proche de celui de l'amendement précédent, inspiré de certaines propositions du rapport d'Aurélien Taché sur l'intégration des étrangers arrivant en France.
Je considère toutefois que cette proposition doit être précisée avant d'être éventuellement inscrite dans la loi ; rien n'interdit à des Français d'accueillir chez eux des demandeurs d'asile, des associations le proposent, et nous pouvons tous trouver formidable ce système de solidarité.
En revanche, l'inscrire dans la loi sans disposer d'une étude d'impact me paraît hasardeux, car il faut s'assurer de la possibilité d'un accompagnement social, et être sûr de la qualité des conditions d'accueil.
Un comité interministériel étudiera les possibilités de mises en oeuvre des propositions formulées par Aurélien Taché dans son rapport ; c'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Me proposez-vous de retirer mon amendement en vue du dépôt d'une autre rédaction prévoyant une étude d'impact à laquelle cette proposition serait conditionnée ?
Non, je nous renvoie aux travaux à venir du comité interministériel, qui prendra en compte les soixante-douze recommandations contenues dans ce rapport.
Dans ces conditions, je ne retire pas l'amendement, car le rapport d'Aurélien Taché, sans constituer une étude d'impact, a montré la pertinence de cette formule d'accueil.
Je considère que cette expérimentation doit être faite. Il ne s'agit que de cela, pas de graver les choses dans le marbre. Cette réflexion est le fruit du travail de la commission ainsi que du rapport d'information sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, fait par Mmes Chapelier et Hai.
Nous pourrions ainsi mettre en oeuvre un dispositif inclusif, dont le coût épargnerait les deniers publics. Il est temps, en effet, que nous changions de posture et de paradigme dans la question de l'immigration.
Nous devons rester un peu ouverts, le travail ne peut pas être uniquement interministériel, nous sommes des parlementaires. Cet amendement prévoit d'ailleurs un décret d'application encadrant le dispositif ; nous sommes dans un débat entre le Parlement et l'exécutif.
Nous aurons plus loin l'occasion d'évoquer le délit de solidarité, mais cette proposition donne un cadre juridique, d'autant plus que les associations seraient impliquées.
Si l'on peut comprendre le sens de cet amendement, on ne peut pas se lancer dans une opération totalement improvisée.
Je vous rappelle que, tout à l'heure, nous avons décidé ensemble que, dans le cadre de la répartition des demandeurs d'asile, une discussion aura lieu entre les préfets de département, les maires et des associations. C'est donc dans ce type de structures qu'il faut pouvoir expérimenter, avec un certain nombre de précautions, ce genre de dispositifs plutôt que de les inscrire dans la loi.
Je demande le retrait de l'amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL514 de Mme Stella Dupont.
Cet amendement se situe dans le prolongement de notre débat sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à instituer une instance départementale de concertation réunissant, sous l'égide du préfet de département et sous la responsabilité du préfet de région, dans le cadre du schéma régional d'accueil des demandeurs d'asile, les élus locaux et les acteurs associatifs et institutionnels.
J'ai bien entendu que nous étions nombreux à souhaiter la création d'une telle instance. M. le ministre s'est exprimé et j'ai bien entendu, madame la rapporteure, votre intérêt pour de nouvelles formes d'accueil, dans un cadre structuré pour le bien des demandeurs d'asile comme pour celui des bénévoles volontaires pour les accueillir.
Au regard des différences de culture, des tourments, de la vulnérabilité dont ces étrangers sont marqués, et des profondes difficultés qu'ils ont rencontrées dans leur parcours, les choses, en dépit de toute la bonne volonté du monde, ne seront pas simples. C'est pourquoi les instances départementales que nous pourrions créer auraient pour rôle de faire la « dentelle » dont je parlais, expérimenter et innover.
Je vous propose donc que nous retirions cet amendement au profit d'une rédaction commune visant à mettre en oeuvre ces instances départementales, et d'élargir ainsi le champ des modalités d'accueil.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL871 de Mme Caroline Janvier.
Par cet amendement, je propose qu'un rapport d'information mette en évidence la nécessité d'harmoniser les pratiques préfectorales dans les différents départements français. Dans le cadre de la procédure « étrangers malades », des disparités de fonctionnement et de nombreuses difficultés, à différentes étapes du processus, pour certains étrangers d'obtenir les certificats médicaux sont constatés.
En effet, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a transféré l'évaluation médicale, initialement confiée aux agences régionales de santé (ARS), qui sont sous la tutelle du ministère de la santé, à l'OFII, dépendant du ministère de l'Intérieur. Ce transfert a eu pour conséquence une baisse de 37 %, entre 2016 et 2017 du nombre de titres de séjour pour soins délivrés.
J'ai conscience que la demande de rapport ne constitue pas le vecteur idéal, mais je n'ai pas trouvé d'autre biais, comme l'imposition d'un examen clinique systématique des demandeurs, risquant de tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution, ou la modification de la procédure étrangers malades, ressortissant au domaine réglementaire.
Nous pourrions consacrer du temps à discuter de l'harmonisation des pratiques préfectorales et de la procédure étrangers malades. Je me suis rendue au centre de soins de Bobigny afin de voir comment fonctionne cette offre confiée à l'OFII.
De façon plus générale, je suis opposée aux demandes de rapport adressées au Gouvernement, car elles alourdissent les textes législatifs et font doublon avec la possibilité que nous avons de nous saisir nous-mêmes ; la commission des Lois missionne d'ailleurs très régulièrement nos collègues à cet effet.
Mon avis est donc défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
TITRE II
Renforcer l'efficacité de la lutte contre l'immigration
Avant l'article 10
La Commission est saisie de l'amendement CL167 de M. Éric Ciotti.
Par cet amendement, je propose l'institution d'une caution de retour pour les visas des ressortissants étrangers d'un État non-membre de l'Union européenne. Dans des cas très précis, cette caution garantirait que la personne demandant un titre de séjour provisoire dans notre pays ait la capacité de repartir à l'expiration du titre de séjour ou du visa.
Je ne suis pas sûre d'avoir saisi le sens de cet amendement. Toutefois, s'il est question de faire payer l'entrée sur notre territoire, ce n'est absolument pas le genre de message que je souhaite que nous adressions. Un étranger qui accomplit les formalités prescrites par la loi pour entrer sur le territoire national doit être le bienvenu ; j'estime important que nous puissions le réaffirmer.
Par ailleurs, sur le plan pratique, je conçois mal comment les agents aux frontières pourraient être transformés en opérateurs de recettes afin de percevoir cette caution.
Mon avis est donc défavorable.
Il me semble que les étrangers souhaitant entrer en France pourraient fort bien verser la caution au moment où ils déposent leur dossier. Il faut bien avoir conscience du coût, car il n'est pas raisonnable que cette politique d'accueil soit mise à la charge du contribuable. Par ailleurs, la caution doit donner une bonne raison aux intéressés de respecter une obligation de quitter le territoire lorsque celle-ci est notifiée. Faute de quoi, lorsque les gens restent, légalement ou non, ils représentent un coût pour le pays ; il n'est pas normal que ce soit toujours le contribuable qui soit mis à contribution à 100 % au profit de gens qui, dans le cas précis évoqué par M. Éric Ciotti, violent la loi.
Monsieur Di Filippo, cette question du coût des demandeurs d'asile n'est pas recevable. Soit, comme elle l'a toujours fait, la France choisit une politique de demande d'asile, soit elle ne le fait pas. Au-delà du coût, j'aimerais, même si le calcul est plus difficile, que l'on détermine l'apport d'un certain nombre de personnes qui, après avoir demandé l'asile, s'intègrent dans notre pays pour lequel, dans le reste de leur vie, ils font beaucoup de choses.
Cessez de parler de coût : cette idée de caution est irréalisable et, de plus, totalement inadaptée à la situation. Lorsque vous partez d'Érythrée, que vous traversez le Soudan, que vous franchissez la Méditerranée une fois, deux fois, trois fois en payant 1 200 à 1 500 euros à chaque passage, comment pouvez-vous, après avoir traversé les Alpes en hiver sans tenue adaptée, acquitter une caution à votre arrivée ? Cela va complètement à l'encontre de ce qu'est la philosophie de notre droit d'asile.
Je rappelle qu'un seul intervenant peut prendre la parole par groupe politique. Je suis désolée madame Boyer mais M. Ciotti a présenté son amendement et M. Di Filippo s'est exprimé au nom du groupe Les Républicains. La discussion est donc close, et je mets aux voix cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL900 de la rapporteure.
Cet amendement m'a été inspiré par ma visite du point de passage autorisé de Montgenèvre. Il vise à résoudre une difficulté rencontrée depuis trois ans maintenant. Lorsqu'un étranger franchit la frontière française par voie aérienne, ferroviaire ou maritime, et que son entrée est refusée, il dispose d'un jour franc pour s'organiser avant d'être reconduit dans le pays d'origine. Il se trouve que, depuis le rétablissement du contrôle aux frontières intérieures le 13 novembre 2015, la procédure de non-admission est aussi applicable aux frontières terrestres. Or, il n'y est prévu aucune zone d'attente pour bénéficier d'un jour franc avant reconduite.
Je propose donc de lever cette ambiguïté en précisant le régime applicable à la demande de jour franc en cas de non-admission aux frontières terrestres.
Cette proposition nous ramène à la question des coûts. Comme la rapporteure, je reviens de Berlin et, alors qu'en France personne n'est capable de fournir des informations relatives au coût de l'accueil de ces migrants, les Allemands savent qu'il s'élève à 42 milliards d'euros en deux ans pour un million de réfugiés. Ces chiffres nous ont officiellement été communiqués par les autorités allemandes et par l'ambassadeur de France.
Je souhaiterais pouvoir disposer d'éléments concrets relatifs aux coûts de cet accueil des flux migratoires qui nous préoccupent aujourd'hui.
La Commission adopte l'amendement. L'article 10 A est ainsi rédigé.
Elle se saisit ensuite des amendements identiques CL756 de M. Joël Giraud et CL824 de M. Florent Boudié.
Pour gagner du temps et démontrer la cohérence du dispositif, je propose de défendre en une seule intervention les amendements CL756, CL824, CL840, CL757 et CL841.
À l'instar du précédent amendement de la rapporteure, les dispositions que je présente ne s'inscrivent pas dans le projet de loi que nous examinons à l'instant, mais dans l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Celui-ci concerne, dans sa rédaction actuelle, le refus d'entrée ou la non-admission – ce qui, en droit, a le même sens – à des frontières aériennes ou maritimes, et marginalement à des gares internationales.
En 2015, ce dispositif a été étendu aux frontières terrestres, ce qui comportait des ambiguïtés juridiques dont une vient d'être levée par l'amendement précédent. Certaines de ces ambiguïtés posent un double problème en ce qu'elles ne protègent ni les migrants ni les forces de l'ordre, qui ne disposent pas d'un cadre juridique sûr, seule garantie d'une saine application du droit.
Une précision manquait au sujet de la zone dans laquelle cette procédure de non-admission ou de refus d'entrée peut s'appliquer, lorsqu'elle n'a pas lieu dans un aéroport. Les amendements CL840 et CL757 visent à délimiter une zone géographique, l'amendement CL840 étant plus précis, peut-être trop parce que les frontières ne sont pas tout à fait les mêmes entre la France et la Belgique, la France et l'Italie, ou entre la zone urbaine de Menton et celle du col de l'Échelle. L'amendement CL757, en revanche, tend à délimiter une zone dont les contours sont déterminés par un décret en Conseil d'État, ce qui permettra de faire du cousu main sur l'ensemble des frontières en fonction de la géomorphologie du terrain.
De leur côté, les amendements identiques CL756 et CL824 concernent la problématique des personnes vulnérables. Ce dernier terme est précisément défini par une directive européenne transcrite dans le droit français en 2015, qui dresse la liste des cas concernés et ne laisse planer aucune ambiguïté. De par leur statut de personnes vulnérables, les intéressés sont plus susceptibles d'être affectés par les mesures mises en oeuvre. C'est pourquoi ces amendements prévoient qu'une attention particulière soit portée à ces personnes au cours de l'ensemble du processus, soit de la non-admission jusqu'au moment de la reconduction à la frontière.
Le dispositif insiste particulièrement sur les mineurs, même accompagnés, dont la transcription de la directive dans le droit français ne définit pas assez clairement le statut. Cette lacune peut être source d'ambiguïté, comme nous l'avons constaté récemment, lorsqu'une femme enceinte a été transférée dans un centre hospitalier pour accoucher tandis que son mari et leurs enfants se sont retrouvés dans un poste de police, alors que leur place était bien aux côtés de la mère.
Par ailleurs, l'amendement CL841, de repli, porte sur les conditions de remise à son pays d'origine de la personne reconduite à la frontière. Cet amendement sera retiré si les amendements CL756 et CL824 sont adoptés.
Je suis favorable aux amendements CL756 et CL824, et je demande le retrait des amendements CL840 et CL841 en faveur de l'amendement CL757.
La Commission a rejeté l'un de nos amendements visant à reconnaître la minorité comme une vulnérabilité. En toute logique, nous considérons que les amendements proposés vont dans le bon sens. Le groupe MODEM votera toute disposition qui accroît la protection des mineurs.
Monsieur le ministre d'État, j'espère que vous vous opposerez à ces amendements car ils pourraient avoir des conséquences pratiques extrêmement graves en fragilisant les procédures de non-admission. Je crois qu'on a compté 90 000 procédures de ce type à nos frontières, dont 49 700 pour le seul département des Alpes-Maritimes. Mme Alexandra Valetta Ardisson le sait bien.
Je comprends l'argumentation de notre collègue Joël Giraud qui en appelle avec beaucoup d'habileté à des considérations d'humanité, mais il faut savoir quels seraient les effets de l'adoption de ces amendements. Ils contribueraient à retourner à un système de réadmission dont les procédures complexes et lourdes fragiliseraient les contrôles aux frontières mis en place depuis la déclaration de l'état d'urgence, le 13 novembre 2015.
Aujourd'hui, 25 000 mineurs non accompagnés sont pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE), c'est-à-dire par les départements, alors qu'ils étaient 4 000 il y a cinq ans. Les départements en enregistrent 55 000 dans leurs systèmes d'évaluation.
Si vous fragilisez les procédures de contrôle aux frontières mises en place jusqu'à ce jour – ce dont je vous félicite, monsieur le ministre d'État –, notamment dans le département des Alpes-Maritimes, vous obtiendrez une entrée massive d'étrangers d'Italie. En effet, vous le savez mieux que quiconque, depuis les récentes élections transalpines, le comportement des autorités italiennes s'est modifié. Aujourd'hui, 600 000 étrangers en situation irrégulière attendent côté italien de franchir la frontière.
Monsieur Ciotti, ces amendements ne modifient en aucune manière la procédure de non-admission ou refus d'entrée prévue à l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils visent seulement à ce que l'on porte une attention particulière aux personnes vulnérables…
Pas du tout ! Nous souhaitons seulement que l'on fasse attention aux personnes vulnérables. Une femme enceinte à laquelle un refus d'entrée est notifié ne doit pas simplement être laissée de l'autre côté de la frontière, en pleine tempête de neige, sans que l'on se pose la question de sa sécurité. Cela n'a rien à voir avec une modification de la procédure de non-admission, dont les effets restent rigoureusement identiques. En revanche cette évolution évitera certaines polémiques qui ont cours en Italie. Vous savez parfaitement qu'il y a eu des problèmes, dont un décès qui n'est pas imputable aux autorités françaises, et pour lequel le parquet de Turin a ouvert une enquête.
Ces dispositions protégeront les forces de l'ordre qui réclament un encadrement juridique du refus d'entrée. Nous le mettons en place, sans modifier la procédure, en instituant un double système – par zones géographiques et par l'attention particulière portée aux personnes vulnérables, qui me semble être la moindre des choses et la moindre des bienveillances.
Contrairement à ce que vous pensez, monsieur Ciotti, les amendements de monsieur Giraud sécurisent plutôt le dispositif, puisque nous avons aujourd'hui une marge d'incertitude pour savoir dans quelles zones procéder à la non-admission. La définition par décret en Conseil d'État permettra d'apporter une garantie au dispositif en place, alors qu'aujourd'hui nous rencontrons des problèmes qui se terminent devant les tribunaux administratifs.
Que d'autres problèmes surviennent ensuite, ce n'est sans doute pas impossible, mais c'est une autre question.
La Commission adopte les amendements identiques CL756 et CL824. L'article 10 A est ainsi complété.
Elle adopte ensuite l'amendement CL757 de M. Joël Giraud. L'article 10 B est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CL840 et CL841 de M. Florent Boudié tombent.
Mes chers collègues, je vous propose de nous retrouver à quatorze heures. Il nous reste 534 amendements à examiner.
La réunion s'achève à 12 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Virginie Duby-Muller, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, Mme Elsa Faucillon, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Paula Forteza, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Maina Sage, Mme Alice Thourot
Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Chapelier, M. Charles de Courson, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, M. Joël Giraud, M. Brahim Hammouche, Mme Caroline Janvier, Mme Sonia Krimi, Mme Anne-Christine Lang, M. Jean François Mbaye, M. Matthieu Orphelin, M. Bertrand Pancher, M. Frédéric Petit, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Olivier Véran, Mme Martine Wonner