La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 387 à l'article 3.
Deux chiffres sont importants à retenir : 60 000 femmes excisées vivent sur le territoire français, et 500 000 au sein de l'Union européenne. L'article 3 du projet de loi aurait pour objectif de renforcer la protection des jeunes filles exposées à un risque d'excision, en permettant au médecin chargé des examens requis – il s'agit bien du médecin du pays d'origine des jeunes filles – de transmettre directement le certificat médical à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA. Un amendement de la majorité, adopté malgré l'avis défavorable de la rapporteure, a étendu le renforcement de la protection aux mineurs de sexe masculin, la majorité invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer leur fonction reproductrice.
L'actuelle rédaction de l'article 3 ne répond pas à nos attentes. La question des violences faites aux femmes mérite toute notre attention. Ce n'est une préoccupation ni de droite, ni de gauche, ni du centre : il n'y a pas de clivages politiques, en tout cas je l'espère, en la matière, quoi que vous ayez pu en dire hier soir.
Nous devons, bien sûr, dénoncer et empêcher les mutilations des jeunes filles. C'est d'ailleurs pour cela, mes chers collègues, que j'ai déjà déposé, en 2012 et en 2017, deux propositions de loi visant à lutter contre l'excision, que je vous invite à cosigner, si votre groupe vous le permet. J'en prépare une troisième, parce qu'il est nécessaire que les pouvoirs publics expriment haut et fort leur volonté de mettre fin à ces pratiques odieuses.
Quoi qu'il en soit, un certificat médical ne permet pas d'apprécier un risque : il peut simplement établir l'existence ou l'absence de mutilations. Certaines femmes ne savent même pas qu'elles ont été excisées quand l'excision a eu lieu lorsqu'elles étaient très jeunes. Elles le découvrent au moment de leur accouchement. Il suffit, pour s'en rendre compte, de discuter, dans les maternités, avec les membres des associations qui s'occupent de ces femmes mutilées, avec les médecins qui les réparent – il en existe, heureusement, chez nous – , ou avec des sages-femmes. C'est ce que j'ai fait, à plusieurs reprises, en me rendant dans les établissements de santé de Marseille.
Il y a des mesures à prendre en France pour les femmes françaises excisées ou qui risquent de l'être. C'est au sein de l'hôpital qu'il faut le faire, et non dans le cadre d'un texte sur l'immigration. Certaines petites filles sont excisées quand elles se rendent dans leur pays d'origine avec leurs parents, et parfois à l'insu de ces derniers, alors qu'elles sont prises en charge par un oncle, une tante, ou un voisin.
Un certificat de non-excision pourrait être utile au moment où une mineure française quitte le territoire pour un pays où elle court ce risque. Si la jeune fille est excisée à son retour, il faut alors engager la responsabilité des parents, même si la mutilation s'est faite à leur insu.
Les parents ont un devoir de protection : ils ne peuvent pas se défausser de leur responsabilité pour cette mutilation abominable.
Il est indispensable de protéger les femmes, mineures ou non, qui pourraient être victimes d'excision. Pour atteindre ce but, vous n'employez pas le bon moyen, et je le regrette. C'est pour cette raison…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Élise Fajgeles, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Madame la députée, vous dites que vous voulez protéger les jeunes filles menacées d'excision. En même temps, vous ne voulez pas que nous les protégions du risque d'excision.
Je ne vois pas bien quelle peut être la solution.
De fait, depuis 2006, nous protégeons les jeunes filles menacées du risque d'excision en France. La jurisprudence administrative, qui s'appuie d'ailleurs sur la convention de Genève, est constante : lorsqu'une jeune fille vient d'un pays où l'excision est largement pratiquée, elle relève d'un groupe social protégé au titre de la convention de Genève.
En effet, comme cela a été dit hier, la disposition la plus protectrice pour ces jeunes filles est la transmission, aux parents et directement à l'OFPRA, d'un certificat médical permettant d'attester qu'il n'y a pas eu d'excision mais que le risque est avéré, auquel cas la jeune fille invoquant ce risque pourra être accueillie et obtenir le statut de réfugié. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Madame Boyer, je ne sais si c'est par inadvertance, mais vous avez dit que le certificat était délivré par le médecin du pays d'origine. Non ! Il sera transmis à l'OFPRA par un médecin exerçant en France.
L'OFPRA pourra ainsi constater que l'excision que vous craignez n'a pas eu lieu. La disposition est donc très protectrice. Aussi, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je me réjouis, d'abord, de constater que Mme Boyer a retrouvé sa voix, en cette matinée calme, et je tiens à la saluer amicalement.
Nous partageons, en réalité, le même objectif. L'article 3 permet de mieux protéger les jeunes femmes qui sont exposées au risque d'une mutilation sexuelle. Vous demandez la suppression d'une disposition plus protectrice, alors que nous partageons le même combat ! Pour accélérer la procédure et s'assurer que l'OFPRA a les moyens d'évaluer plus rapidement le risque de mutilation, il est légitime de prévoir que le médecin lui transmette le certificat médical. Les parents le recevront aussi : leur rôle n'est pas ignoré, et ils sont associés à la procédure.
Voyez à quel point cette mesure va dans le sens que vous souhaitez ! Le paradoxe est que vous demandez sa suppression, Vous le faites au nom d'un objectif plus ambitieux, mais si nous vous suivons, la première étape ne sera même pas atteinte.
Précisément : il est absolument nécessaire d'adopter de véritables dispositions pour les 60 000 jeunes filles et petites filles qui sont aujourd'hui excisées et vivent en France. Je voudrais d'ailleurs connaître le nombre de personnes condamnées pour avoir, en France, laissé faire ces pratiques abominables. Je n'ai pas trouvé ces chiffres.
La disposition que vous proposez ne comprend aucune mesure destinée à protéger les filles déjà installées en France lorsqu'elles se rendent dans leur pays d'origine.
On l'a pourtant rappelé hier soir : les grandes vacances sont une période propice aux excisions. Or aucune mesure ne permet de protéger les petites filles contre cette pratique abominable.
Monsieur le ministre d'État, combien de personnes ont été condamnées pour avoir commis ou laissé commettre de telles mutilations, non seulement sur le territoire français, mais aussi à l'occasion d'un voyage dans le pays d'origine des parents ? En effet, l'extraterritorialité de notre droit s'applique dans ce domaine.
L'article 3 tend à introduire dans la loi une protection supplémentaire. Madame Boyer, nous sommes tous d'accord avec vous, mais votre amendement ne relève pas du champ du projet de loi. Ce chapitre concerne l'asile, pas les petites filles excisées.
Il est déjà assez difficile, pour nous, de travailler sur un projet de loi qui mêle asile et immigration. Pour l'heure, nous discutons de dispositions qui ont vraiment trait à l'asile ; ne nous éloignons donc pas du sujet. Déposez une proposition de loi sur cette question, mais cela n'a rien à voir avec le présent article.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 387 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement no 285 rectifié .
Il y a au moins un sujet sur lequel, je pense, nous serons d'accord : subir des mutilations sexuelles entraîne un traumatisme pour la vie, et c'est un véritable cauchemar que de vivre sous la menace d'un tel danger, que l'on soit mineur ou, comme c'est parfois le cas, jeune majeur.
L'examen médical prévu à l'article L. 752-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – CESEDA – est, bien entendu, un droit, mais nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'en faire une obligation et d'imposer ainsi une épreuve supplémentaire. Par ailleurs, conformément au principe du secret médical, il est utile de rappeler que les résultats de l'examen médical ou le refus de s'y soumettre ne peuvent être transmis au procureur qu'avec l'accord de l'intéressé.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Si nous voulons bien protéger, il faut être réaliste : l'excision peut être le résultat de pressions non seulement culturelles et sociales, mais aussi familiales.
L'examen médical ne saurait dépendre du bon vouloir de la mineure, au risque de lui faire subir une pression familiale encore plus forte. Il est important, pour sa protection, qu'il soit réalisé systématiquement.
En outre, s'agissant de la transmission des résultats au procureur de la République, je rappelle que l'excision est une infraction. Les fonctionnaires n'ont donc pas le choix : ils doivent la signaler à l'autorité judiciaire. Avis défavorable.
Mme la rapporteure est en pleine forme : son raisonnement étant d'une rare perfection, le Gouvernement émettra le même avis :
Sourires
défavorable à l'amendement.
Contrairement à Mme Untermaier, je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir, dans un même texte, traité à la fois la question de la maîtrise de l'immigration, celle du droit d'asile…
… et celle de l'intégration réussie – vous oubliez toujours d'évoquer ce dernier sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe NG.
Il est important de le rappeler, car si nous nous étions contentés de traiter la question de l'immigration, vous nous auriez fait le procès de sacrifier le droit d'asile.
Si j'en crois les arguments entendus hier, cela aurait d'ailleurs été un procès en hérésie, puisque vous avez utilisé le registre de la diabolisation.
Si au contraire le Gouvernement n'avait traité que la question du droit d'asile, vous nous auriez dit que nous passions à côté de problèmes importants et, sans doute nous serions-nous entendu dire, de l'autre côté de l'hémicycle, que nous faisions preuve de laxisme.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Voilà longtemps – cela remonte à Roland-Garros – que, comme c'est le cas depuis le début de l'examen de ce texte, je n'avais autant exercé mes cervicales à regarder à droite, voire à l'extrême droite, puis à gauche et à l'extrême-gauche. Cela faisait longtemps que je n'avais à ce point mesuré que travailler sur les problèmes de manière équilibrée – j'y reviendrai – est chose ardue. Talleyrand estimait que, pour distinguer les situations – et j'ajouterai les parcours – , il faut les traiter côte à côte pour mieux les comparer. Je pense qu'il y a là matière à réflexion pour notre débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs des groupes LR et NG.
J'interviendrai en faveur de l'amendement proposé, qui offre des garanties quant à la protection et au respect des personnes concernées. Nous savons que ces matières sont on ne peut plus délicates.
Je ne peux m'empêcher de réagir à l'interpellation de notre collègue Rebeyrotte, qui semble en très bonne forme, ce qui promet pour la journée !
Je ne crois pas qu'il faille se féliciter, comme vous le faites, du traitement conjoint de l'asile et de l'immigration dans un même projet de loi. Vous avez pourtant dû entendre les nombreux amalgames et confusions qui ont émaillé nos débats depuis ses débuts. Pour une fois, nous aurions apprécié d'examiner des projets de loi distincts et aimé voir réaliser la promesse, que l'on nous fait souvent, de l'examen de dispositions spécifiques dans un projet de loi ad hoc. Cela nous aurait permis d'avoir un débat serein, clair et lisible sur les questions liées au droit d'asile. La matière ne manque pourtant pas pour le renforcer. Nous proposons que l'application du droit d'asile en France procède d'une vision plus large, compréhensive, comme c'est le cas dans d'autres pays. Il y a, je le répète, vraiment de quoi faire sur ce sujet, et encore plus sur la politique migratoire. Dans le délai contraint qui nous est imposé, je ne crois pas qu'examiner un texte qui mélange tout…
… et ne résout rien permette de protéger davantage les personnes concernées, ni qu'il nous offre les conditions d'un débat de qualité.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je voudrais revenir sur le sujet qui nous préoccupe, à l'article 3, à savoir l'excision.
Je peux comprendre votre biais. Mais nous avons beaucoup parlé des violences faites aux femmes en France. Dans le code pénal, il n'existe pas – et cette disposition ne figure pas davantage dans le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, que Mme Schiappa nous a présenté avant-hier – de disposition réprimant les violences ayant entraîné une mutilation génitale féminine ; je souhaiterais que ces actes soient punis d'une peine de dix ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, et jusqu'à vingt ans de réclusion criminelle en France lorsque la mutilation est commise sur un mineur de quinze ans. Un tel dispositif législatif produirait des effets tant dissuasifs que pédagogiques à l'égard des parents qui, souvent, n'ont pas conscience des souffrances qu'ils font subir à leurs enfants et qui estiment ces actes légitimes pour des raisons culturelles. Ce n'est en aucun cas un signe d'intégration que de laisser faire cela sur ses enfants. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que l'on soit beaucoup plus sévère sur le territoire français.
Je vous ai demandé précédemment, monsieur le ministre d'État, combien de condamnations ont été prononcées contre les personnes qui ont commis ou laissé faire des excisions – je rappelle que 60 000 femmes et jeunes filles vivant en France en ont été victimes. En effet, on ne peut pas prétendre protéger les petites filles qui, à l'étranger, sont menacées de cette mutilation barbare quand on ne dispose même pas, au sujet de celles qui vivent dans notre pays – qu'elles soient ou non de nationalité française – , des informations propres à éclairer la représentation nationale. C'est pourquoi, monsieur le ministre d'État, je vous interroge à nouveau.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais apporter un peu de sérénité dans le débat. Je ne peux que regretter l'attitude de certains collègues de la majorité qui, au risque de refaire la discussion générale, essayent de justifier ce qui constitue la faute originelle du texte, à savoir la tendance à tout mélanger, l'asile comme l'immigration. Je pense que nous avons déjà beaucoup débattu de cela et qu'il est désormais nécessaire, pour avancer sereinement et éclairer la lanterne des députés présents – et qui s'apprêtent à siéger jusqu'à la fin de la semaine, voire jusqu'au début de la semaine prochaine – , de se concentrer sur l'examen des amendements.
Monsieur le ministre d'État, pour revenir à l'article 3 et, plus précisément, au sujet des excisions, le rapport de la commission fait état de 6 000 mineures protégées à ce titre en France ; parmi elles, 703 ont été placées sous la protection de l'OFPRA en 2015 et 591 en 2016. Ma question est simple : dans le cadre du droit à la protection que vous entendez faciliter – et que nous appelons de nos voeux, car nous désirons évidemment tous, ici, prémunir les fillettes mineures contre le risque d'excision – , quels objectifs vous assignez-vous pour les années à venir ? Cela nous ramène à l'étude d'impact, que nous demandions déjà hier soir.
Monsieur Rebeyrotte, vous auriez tort de vous féliciter de la confusion dans laquelle ce texte nous plonge, en particulier sur des sujets qui en ont déjà beaucoup souffert par le passé – je rappellerai, parmi de tristes cas, la création d'un ministère de l'identité nationale, sans m'appesantir pas sur des épisodes plus récents. Ne croyez pas adopter une position d'équilibre, car ce n'est pas le cas.
Je ne voudrais pas vous voir vous donner bonne conscience à peu de frais, victimes que vous êtes d'une illusion d'optique. Pensez à l'avis donné par les associations ou le Défenseur des droits, aux propos assez tranchants qui vous ont été tenus en commission ! En réalité, on assiste à un glissement vers la droite : vous êtes tirés vers la droite, et la droite l'est vers l'extrême-droite
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Voilà ce qui est en train de se passer. Au bout du compte, sur quarante-deux articles, il est possible que nous n'en votions que trois : mesurez le déséquilibre.
Mêmes mouvements.
Exclamations sur les bancs du groupe NG.
L'amendement no 285 rectifié n'est pas adopté.
Madame Dumont, cinq intervenants se sont exprimés sur cet amendement. Vous pourrez prochainement intervenir, car je ne doute pas que le sujet sera à nouveau abordé.
Vous laissez dire des choses… Il est vrai que cela vient de votre camp !
Avant de défendre cet amendement, je souhaiterais rappeler à Mme Boyer que nous discutons d'un texte relatif à l'immigration, au droit d'asile et à l'intégration, et non pas du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Vous aurez tout le loisir, en temps et en heure, de vous exprimer sur ce dernier sujet.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Pour en revenir à l'amendement déposé par Mme Rixain, les demandes de protection au titre de l'asile émises par des ressortissants d'États où les mutilations sexuelles, au premier rang desquelles l'excision, sont courantes, appellent à une vigilance particulière. De fait, 20 % des demandes d'asile en France émanent de femmes fuyant l'excision. Ces situations sont médicalement et psychologiquement aussi délicates que spécifiques. Il est donc souhaitable qu'un médecin spécialiste – gynécologue, obstétricien – ou tout médecin ayant reçu une formation spécifique relative aux mutilations sexuelles féminines examine les personnes concernées. Je rappelle au passage que nous parlons de médecins exerçant en France et non de médecins étrangers.
Rappel au règlement
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1et a trait au déroulement de nos travaux. Nous avons connu, hier soir, une séance assez douloureuse.
Nous aimerions à présent avancer sur ce texte dans la sérénité, ce qui exige que la majorité, en particulier, cesse de nous imposer un double prisme. Premièrement – nous venons d'en avoir un nouvel exemple – , vous développez des arguments très politiciens alors que le principal problème de cohérence politique concerne vos propres rangs, mes chers collègues de votre majorité. C'est cela qui nous empêche d'avancer, …
… car vous avez tellement de mal à vous entendre pour adopter une position cohérente que vous cherchez à exacerber l'opposition, de part et d'autre de l'hémicycle, pour faire croire à cette cohérence. Vous devez changer d'attitude si vous voulez que l'on progresse.
La deuxième difficulté est d'ordre institutionnel. Monsieur le ministre d'État, je vous remercie d'être présent ce matin ; peut-être nous fournirez-vous rapidement les chiffres que nous demandions hier soir. Pour revenir à l'un des principaux incidents ayant émaillé la dernière séance, le Gouvernement est bien là pour rendre compte à l'Assemblée nationale, pour lui fournir les informations, les chiffres de nature à éclairer le débat et à lui permettre de se prononcer sereinement sur les amendements et les articles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Article 3
Je comprends tout à fait l'objectif visé par mes collègues, mais l'article L. 723-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait référence à un arrêté pris en 2017 et imposant que les examens soient pratiqués par des praticiens spécialisés en médecine légale. Cette disposition, qui vise particulièrement des lésions physiques et sexuelles, satisfait votre amendement. C'est pourquoi je vous demanderais de bien vouloir le retirer.
Mesdames et messieurs les députés, comme nous voulons traiter ce problème, qui est évidemment douloureux, avec toute la certitude possible, nous avons effectivement pris un arrêté, en date du 23 août 2017, pour définir précisément les catégories de médecins qui pouvaient pratiquer cet examen. L'amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer.
Compte tenu de l'exposé de Mme la rapporteure et de M. le ministre d'État, l'amendement étant satisfait, nous le retirons.
Mais nous, nous ne sommes pas satisfaits ! À quoi a servi tout ce débat ?
L'amendement no 733 est retiré.
Dans le droit fil de ce qu'a exposé Valérie Boyer, je vais vous communiquer quelques chiffres. Selon l'Organisation des Nations unies, 200 millions de femmes vivent en ayant subi une mutilation sexuelle, et 30 millions de femmes, notamment des jeunes filles, seraient victimes de ce type de mutilations d'ici à 2023. L'ONU indique aussi que vingt-neuf pays sont concernés par ces pratiques.
Toutefois, la France ne doit pas arbitrer entre les atteintes aux droits de l'homme : elle doit toutes les condamner. Dans l'ensemble des pays qui appliquent la charia, les mutilations sexuelles existent, de même que d'autres formes de mutilation ou certaines peines comme la lapidation. Or, aucune disposition spécifique ne figure dans le texte soumis à notre examen, en dehors, précisément, de l'excision. Pourtant, je rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt du 31 juillet 2001, a affirmé l'incompatibilité de la démocratie avec les règles de la charia. La responsabilité de la France est de lutter contre les pays appliquant celles-ci, et non d'en colmater les conséquences sur un sujet, à l'exclusion des autres. C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues cosignataires de cet amendement, nous proposons de supprimer les alinéas 7 et 8, dans leur rédaction actuelle.
Monsieur le ministre d'État, comme ma collègue Valérie Boyer, j'aimerais connaître le nombre de personnes condamnées pour avoir commis directement cette infraction pénale ou s'en être rendues complices.
Je saisis également cette occasion pour vous redemander de nous transmettre l'étude d'impact sur l'article 3 qui vous a été réclamée hier et de revenir sur l'existence ou non d'un plan de régularisation de dizaines de milliers de demandeurs d'asile.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 722 .
Soyons clairs : les mutilations sexuelles sont un drame. On l'a dit et on le redit, dans le monde, plus de 200 millions de femmes sont victimes d'excision ou d'infibulation, ces exactions étant concentrées dans une trentaine de pays, principalement africains, mais pas seulement.
Alors, oui, je pense à toutes ces petites ou jeunes filles, à toutes ces femmes qui ont été blessées dans leur intimité ; je pense notamment aux 91 % de femmes maliennes, aux 30 à 40 % de femmes ivoiriennes et aux 50 à 60 % de femmes burkinabées excisées, mais aussi à celles d'Irak, d'Indonésie et de partout où elles subissent cette mutilation.
Ces précisions sont importantes, tant il règne ici une suspicion d'inhumanité, d'absence de compassion à l'encontre de ce côté de l'hémicycle. Alors oui, ces mutilations sexuelles doivent être condamnées partout, y compris lorsqu'elles se pratiquent en France. Et même si je m'éloigne du sujet qui nous préoccupe, je ne peux pas m'empêcher de rappeler que trois adolescentes sur dix venant d'un pays pratiquant l'excision et résidant dans notre pays sont menacées de subir des mutilations sexuelles, notamment lors de vacances dans le pays d'origine de leurs parents.
Ces mutilations doivent être condamnées, mais elles ne peuvent pas pour autant faire l'objet d'un critère automatique de recevabilité de demande d'asile. Or les alinéas 7 et 8 de l'article 3 risquent d'aller à l'encontre de votre objectif et d'encourager la pratique de ces mutilations, ainsi qu'un trafic de la misère toujours plus sordide, dès lors que ceux qui en vivent auront compris qu'ils tiennent là un nouveau filon pour voir les demandes d'asile acceptées.
Pendant un instant, j'ai cru que nous allions être d'accord ; la volonté de protéger les jeunes filles de l'excision est en effet unanime, ce dont nous pouvons nous réjouir. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur les moyens. Il me semble que le plus protecteur est bien de prévoir de les accueillir tant qu'elles sont exposées à ce risque tout en vérifiant que l'excision n'a pas été pratiquée.
J'émets donc un avis défavorable à l'adoption de ces deux amendements identiques.
Sur l'article 3, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Laurence Dumont.
Madame la présidente, je regrette que vous ne m'ayez pas donné la parole il y a cinq minutes, car cela aurait été préférable pour la bonne compréhension de nos débats.
Madame la députée, il s'agit du même sujet. Par ailleurs, il reste près d'un millier d'amendements à examiner ; …
… il n'est donc pas possible de laisser quinze intervenants s'exprimer sur chacun d'entre eux. Lorsque tous les avis ont pu être exprimés, la présidence peut estimer que l'Assemblée est suffisamment éclairée.
Madame la présidente, je ne remettais nullement en cause votre décision, qui est souveraine ; je n'ai fait que la regretter.
Je souhaitais répondre à l'un de nos collègues de droite, car, au-delà de ces bancs, nous nous adressons à tous les Français et nous devons tenter d'éclairer les termes du débat.
Monsieur Dumont, mon homonyme – il n'y a toutefois aucun lien de parenté,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
pour autant que je le sache – , votre question adressée au ministre sur son objectif de protection est absurde ou malintentionnée. En effet, la protection de l'asile est inconditionnelle, si bien que déterminer un nombre de personnes à protéger en 2018 est absurde.
Nous protégerons tous ceux que la convention de Genève de 1951 nous impose de protéger : le fait de l'avoir signé non seulement nous honore, mais nous engage. Il n'y a donc pas de débat sur la quantité, mais sur les principes et sur l'application de cette convention.
Mes chers collègues, si vous le permettez, j'aimerais en appeler à la sérénité et à la modestie, parce que cela commence à être fatigant d'être mis en cause en permanence.
Avant-hier, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes a affirmé, lors d'une réunion de la délégation aux droits des femmes, que le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ne concernait que le viol et le harcèlement. Comme on ne peut pas parler de cette question aujourd'hui, quand en parlerons-nous ?
Lorsque l'on vous demande quelles sont les mesures déjà prises en France pour les 60 000 femmes excisées, nous n'avons pas de réponse. Nous n'en obtenons pas davantage lorsque l'on vous demande la production d'une étude d'impact, qui est pourtant un document important.
Je ne comprends pas votre stratégie dans ce domaine, pas plus que votre refus d'informer la représentation nationale.
Alors que 60 000 victimes de mutilation sexuelle vivent en France, quelles condamnations ont été prononcées ? Nous n'avons aucun élément sur la façon dont ces petites filles ont été protégées ni sur les condamnations infligées aux auteurs de ces actes de barbaries. Il est important de disposer de ces éléments, alors que l'excision ne figure pas dans le texte sur les violences sexuelles et sexistes. Quand allons-nous traiter ce sujet ?
Madame la rapporteure, vous me dites que notre but est le même, mais que nos moyens divergent. Permettez-moi deux remarques techniques, car la rédaction de l'alinéa 8 pose question. D'une part, un médecin peut constater une mutilation, mais comment peut-il renseigner un risque de mutilation ? D'autre part, une copie du certificat est remise en mains propres aux parents ou aux représentants légaux ; là encore, vous méconnaissez la réalité, car, dans la majorité des cas, c'est la famille qui, par tradition, est responsable de ces mutilations.
Dans ces amendements, votre intention est de permettre à des personnes persécutées par des régimes totalitaires de trouver protection. C'est déjà le cas ! Si des demandeurs d'asile arrivaient de pays où le régime est totalitaire, leur requête serait examinée et ils recevraient probablement la protection de la France. Vous pouvez donc être rassurés.
Vous dites vouloir assurer une protection, mais vous proposez de supprimer les alinéas 7 et 8 qui protègent les jeunes filles exposées au risque de mutilation sexuelle. Vous semblez vouloir dire que puisque l'on ne peut pas sauver tout le monde, il ne faut sauver personne. Nous pensons précisément le contraire : il faut prendre une part de la protection, même si elle ne couvre pas l'ensemble du monde.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je souhaiterais abonder dans le sens des interventions de mes collègues rappelant que nous défendons ici un principe et que nous ne sommes pas cantonnés aux histoires de chiffres. Cela est important. Nous prenons d'abord en compte le principe qui nous anime, en l'occurrence celui du droit d'asile, puis nous le déclinons pour déterminer les conditions dans lesquelles des personnes peuvent bénéficier du statut de réfugié. Ce n'est qu'ensuite que nous devons nous organiser pour accueillir ces personnes.
Si vous commencez par les chiffres, vous finissez par travestir les principes. Ce sont les principes qui font avant tout la grandeur de la République, de la démocratie, de la France. Vous ne voyez peut-être pas les choses de la même façon à droite, malheureusement.
Madame la rapporteure, ces alinéas portent une forme de lâcheté et de renoncement. Vous vous donnez bonne conscience, mais c'est sur le plan politique que nous devons intervenir pour dénoncer la charia. Et l'arsenal juridique, y compris la jurisprudence, nous le permet. La France s'honorerait de mener une forme de guerre contre les pays qui appliquent la charia. Il convient d'élargir le périmètre à toutes les atteintes aux droits de l'homme et impliquer la Cour pénale internationale. Les excisions, les lapidations et toutes ces règles propres à la charia constituent des crimes contre l'humanité. Sur ces questions, la France s'honorerait d'être beaucoup plus offensive sur le terrain international, plutôt que de se donner bonne conscience avec deux alinéas dans un article de loi.
Rappels au règlement
Je souhaite faire un rappel au titre de l'article 58 du règlement. À ce stade de nos débats, je voudrais, madame la présidente, vous demander des explications sur la suite de nos travaux, dont vous venez de rappeler l'avancée très lente.
Ma question s'adresse d'ailleurs aussi au Gouvernement, qui est maître de l'ordre du jour.
La réunion de la Conférence des présidents, réclamée hier soir par le président Jacob, …
… va-t-elle se tenir ? Si oui, quand se tiendra-t-elle ? Nous attendons ces informations, qui conditionneront naturellement la suite de nos débats.
La Conférence des présidents n'est pas convoquée pour l'instant, et il appartient à chacun de vous d'être l'artisan de l'accélération ou non des débats.
Chaque groupe est responsable de cette décision, et il n'y a pas matière à stigmatiser les uns ou les autres. Nous verrons comment les choses avancent, et je m'autorise à ne pas donner la parole à tous ceux qui voudraient s'exprimer sur les amendements, dès lors que je considère que l'Assemblée est suffisamment éclairée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Mon rappel au règlement repose sur le même motif que celui de M. Ciotti : il concerne la bonne tenue des débats.
L'article 58, alinéa 1.
Au nom de mon groupe, j'avais également demandé, hier, lorsque l'examen du texte a repris, la tenue d'une réunion exceptionnelle de la Conférence des présidents. Vous nous expliquez, madame la présidente, qu'il appartient à chaque groupe d'agir. Nous, nous avons pris nos responsabilités et notre groupe n'est en rien responsable de la manière très problématique dont se déroulent nos débats.
Lors de l'examen des trois premiers articles, de nombreux députés ont pu intervenir, ce dont nous nous réjouissons, car le débat le nécessitait. Vous nous expliquez maintenant que les possibilités de participer seront désormais restreintes, alors que nous entrons dans le coeur du texte. Cette impossibilité de débattre dans de bonnes conditions correspond peut-être à une stratégie de la majorité. Quoi qu'il en soit, il reste moins de trente heures prévues pour une discussion qui en nécessiterait au moins quatre-vingts. Il est donc un peu fort de café de nous demander de nous contraindre sur un sujet aussi grave, tout cela parce que vous avez choisi d'examiner ce texte à la hache.
Nous avons bien compris votre point de vue, madame Obono.
La parole est à M. Richard Ferrand, pour un rappel au règlement.
Oui, madame la présidente, je souhaite faire un rappel au titre de l'article 58, alinéa 1 du règlement. Chacun le comprend, certains voudraient lambiner et utiliser tous les moyens de procédure pour faire de l'obstruction, afin que le texte ne soit pas adopté dans des délais raisonnables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.
Que ceux qui rêvent de ce scénario se le tiennent pour dit : nous ne leur donnerons pas la main et nous irons au terme de l'examen de ce texte au rythme dont nous sommes convenus depuis le début !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je vous propose, chers collègues, de clore le sujet et de passer au vote sur l'article 3.
Exclamations sur divers bancs.
Il me semble, cher collègue, que vous avez déjà exprimé votre opinion et que chacun l'a bien comprise.
Vous avez la parole, monsieur Dharréville, pour un rappel au règlement – brièvement, s'il vous plaît.
Je m'exprimerai au nom de mon groupe, madame la présidente. Hier soir, le président Chassaigne a lui aussi demandé la réunion de la Conférence des présidents.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir transmettre cette demande à M. le président de l'Assemblée nationale. Elle me semble d'autant plus légitime que nos débats n'avancent pas comme ils le devraient.
J'indique au président du groupe La République en marche qu'il ne s'agit pas de faire de l'obstruction, mais de garantir que nos débats se déroulent dans de bonnes conditions et que le vote sur le texte ait également lieu dans de bonnes conditions. Telle est notre préoccupation.
Vous affirmez, monsieur Ferrand, que nous irons au terme de l'examen du texte au rythme convenu. Le problème, c'est que tous les groupes de l'hémicycle, sauf le vôtre, demandent une autre organisation des débats. Vous devriez, me semble-t-il, en tirer les leçons. Nous demandons donc la réunion de la Conférence des présidents.
Il se fonde sur l'article 58, alinéa 1 de notre règlement et vise à rappeler que, contrairement à ce qu'affirme le président Ferrand, nous avons débattu mardi dernier en conférence des présidents de l'organisation des débats sur ce texte. Vous ne pouvez donc pas soutenir que la question n'a pas été clairement soulevée, monsieur Ferrand.
Nous demandons donc nous aussi la réunion de la Conférence des présidents.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il se fonde, comme celui de la présidente Rabault, sur l'article 58, alinéa 1 de notre règlement. Je suis stupéfait d'entendre le caporal – pardon, le président – Ferrand…
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
… exposer la façon dont il conçoit les débats, qui peut se résumer ainsi : pas de débat ! Il n'est pas possible de travailler sur un tel texte si l'on ne peut pas tenir de véritables débats.
Les procès d'intention selon lesquels l'opposition ne cherche qu'à faire de l'obstruction sont ridicules. Nous avons été bercés, pendant des mois, par les discours des membres du groupe La République en marche selon lesquels il faut débattre de tout et n'importe quoi, et lorsqu'on peut débattre, ils s'y refusent ! C'est inadmissible !
Nous devons débattre sereinement et obtenir du Gouvernement des réponses aux questions que nous posons – ça nous changera ! Les questions s'accumulent soir après soir. Il faut du temps pour débattre. Il s'agit d'un sujet sérieux. Les procès d'intention sont inadmissibles.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Vous êtes inscrite pour une explication de vote au nom du groupe La France insoumise, madame Obono.
Chers collègues, le texte fait l'objet de 1049 amendements, dont 967 restent en discussion. Cela, c'est factuel. Mon propos n'avait pas pour objet de contingenter le temps de parole, qui au demeurant est organisé par la Conférence des présidents.
Je rappelle simplement qu'il incombe à chacun des groupes de s'organiser et de limiter les interventions à celles qui ont pour objet d'éclaire le débat – qu'il ne s'agit pas d'empêcher.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je n'ai pas le sentiment que nous ayons eu à déplorer des tentatives d'obstruction jusqu'à présent.
Il incombe au président de l'Assemblée nationale de convoquer ou non la Conférence des présidents. Il peut le faire à tout moment. Que les esprits ne s'échauffent pas : nous n'en sommes pas, jeudi matin, au moment où il semble nécessaire de la réunir en vue d'ouvrir des séances supplémentaires.
Je propose donc que nous reprenions sereinement le débat et passions au vote sur l'article 3.
Article 3
Plusieurs députés souhaitent expliquer leur vote sur l'article 3.
La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Je vous remercie de la façon dont vous présidez cette séance, madame la présidente.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'article 3 est positif à nos yeux. Il s'inscrit dans la droite ligne du travail que nous avons mené avec Bernard Cazeneuve au mois de juillet 2015, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile.
Il reprend le principe jurisprudentiel de réunification familiale des réfugiés, consacré dans la loi du 29 juillet 2015, et le complète par une disposition qui nous semble tout à fait importante. Nous en sommes satisfaits. Il s'agit d'une extension mesurée, comme nous nous y attendions, et conforme à l'esprit dont procède la loi du 29 juillet 2015.
Toutefois, l'alinéa 8, qui prévoit la facilitation de la procédure, me semble mal rédigé. Vous devriez, me semble-t-il, le réécrire dans le cadre de la navette parlementaire, monsieur le ministre d'État, car il introduit des notions contradictoires qui le privent de cohérence.
Au demeurant, nous voterons l'article 3. Réjouissez-vous, car je crains que nous n'entrions à présent dans une zone de turbulences. Madame la présidente, nous souhaitons, parce que nous n'avons jamais fait d'obstruction, être en mesure de mener un débat riche sur les articles qui posent problème. Nous comptons sur vous.
Il s'agit de faire en sorte que les mineurs reconnus comme réfugiés – soit environ 500 enfants chaque année – ne soient plus séparés de leurs frères et soeurs. Il faut se réjouir de cette avancée, qui s'inscrit en effet dans la continuité des lois votées précédemment. Nous pouvons être collectivement fiers d'assumer ce progrès protecteur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Après l'article 1er, qui offre aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides un titre de séjour d'une durée de quatre ans, et l'article 2 qui supprime le critère de régularité du séjour pour bénéficier de la réunification familiale, …
… vous étendez le champ d'application de celle-ci, monsieur le ministre d'État, par le biais de l'article 3.
Contrairement à vous, monsieur Boudié, nous estimons que cet article est dangereux. Le chiffre que vous évoquez correspond à l'état actuel de la législation. Il est en retrait de celui correspondant à une situation offrant davantage de droits. Il n'a donc aucune pertinence.
Nous craignons le message ainsi adressé aux filières d'immigration. Nous craignons une explosion des demandes d'asile, ainsi que l'utilisation d'enfants par des filières de traite humaine.
La réunification familiale, dont vous dites qu'elle n'a rien à voir avec le regroupement familial, est en fait plus facile à obtenir, car elle nécessite de répondre à moins de critères, de remplir moins de conditions, mais son objectif et son résultat seront les mêmes.
Monsieur le ministre d'État, nous vous mettons en garde sur les conséquences de cet article, compte tenu de la teneur des dispositions que vous vous apprêtez à faire voter. Il s'agit d'une ouverture nouvelle des frontières.
Vous affirmez que le texte vise à renforcer la fermeté en matière d'asile et d'immigration, mais vous démontrez le contraire, ce dont cet article est l'exemple le plus saillant. Quant aux deux précédents, ils s'inscrivent dans la même logique.
Nous vous demandons solennellement de ne pas poursuivre dans cette direction, qui est dangereuse, qui mettra en danger des mineurs – contrairement à ce que vous pensez, même si je ne mets pas en doute vos intentions – et qui sera utilisée par des filières de passeurs.
Chacun peut constater les dérives en cours. Monsieur le ministre d'État, vous savez que l'on a dénombré à Menton, depuis le début de l'année, autant d'arrivées de mineurs qu'au cours de presque toute l'année dernière. Une augmentation très nette des flux d'arrivées est en cours et les autorités italiennes refusent désormais de reprendre les mineurs faisant l'objet d'une procédure de non-admission.
Si vous poursuivez dans cette direction, une augmentation très forte et très dangereuse des flux d'arrivées se produira – et nous ne pourrons pas la maîtriser. Nous vous demandons de revenir sur ces dispositions dangereuses.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le groupe MODEM votera l'article 3. Il ne faut pas confondre réunification familiale et regroupement familial, qui sont deux notions bien différentes, quoique toutes deux fondées sur le droit à la vie personnelle et familiale et sur la nécessité de garantir l'unité des familles. Cet article va dans le bon sens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, chers collègues, les membres du groupe UDI, Agir et indépendants voteront l'article 3, considérant qu'il s'agit en effet d'une avancée, qu'il existe bien une différence entre réunification familiale et regroupement familial et que nous devons avancer sur ce sujet.
Nous n'en appelons pas moins de nos voeux, comme plusieurs de nos collègues, la réunion de la Conférence des présidents. Il s'agit d'un texte important, qui nécessite des débats de fond. Il ne nous semble pas respectueux de notre institution de l'adopter un samedi matin, …
… dans un entre-soi qu'imposeront les événements auxquels nous devons tous assister dans nos circonscriptions respectives. Procéder selon cette méthode va à rebours du respect de notre institution.
Comme nous l'avons indiqué, nous voterons l'article 3. Nous regrettons que nos amendements n'aient pas été adoptés, d'autant plus que certains d'entre eux étaient soutenus par plusieurs membres de la majorité, notamment l'amendement no 894 portant sur la nécessaire protection des mineurs contre les mariages forcés, quasi identique à l'amendement no 710 soutenu par Mme Dubost.
Plusieurs amendements déposés par des membres du groupe Nouvelle Gauche et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine allaient également dans le sens du renforcement de l'article.
Néanmoins, nous sommes toujours engagés sur les textes débattus dans cette assemblée et votons les dispositions dont nous estimons qu'elles vont dans le bon sens, même quand nous nous opposons au texte qui les contient, comme c'est le cas ici. Nous nous apprêtons à aborder l'essentiel du projet de loi, qui malheureusement ne va pas dans le bon sens, contrairement aux trois premiers articles.
Par ailleurs, je rappelle que nous avons toujours joué le jeu du débat parlementaire et que nous n'avons pas les moyens de faire de l'obstruction, ce qui au demeurant est contraire à notre état d'esprit. Nous avons toujours joué un jeu constructif. Intervenir et débattre, ce n'est pas faire de l'obstruction, dès lors que l'on a des opinions à défendre.
Nous tenons à le faire et à exercer ce droit dans de bonnes conditions, sans être pressés par le temps. C'est pourquoi nous avons demandé la réorganisation de l'ordre du jour, notamment pour permettre matériellement aux députés d'être présents lorsque nous débattrons de la suite du texte.
Monsieur le président Ferrand, les décisions que vous avez prises afin de vous donner bonne conscience et de faire en sorte que l'on ne sache pas ce que vous faites adopter ne conviennent pas à la majorité des groupes politiques. Vous nous les avez imposées et nous sommes obligés de les respecter, mais elles ne servent pas l'intérêt de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'article 3 comporte deux dispositions. La première étend le droit à la réunification familiale du mineur protégé à ses frères et soeurs non mariés s'ils sont à la charge de ses parents. Il s'agit selon nous d'un pas positif, même si une interrogation demeure au sujet du délai d'instruction des demandes, qui est parfois très long et sur lequel cet article ne nous permet pas d'agir, car tel n'est pas son objet. Cette question demeure en suspens.
La seconde disposition porte sur les cas de mutilations sexuelles. La transmission sans délai à l'OFPRA du certificat médical afférent est une bonne mesure, à une réserve près : il faut veiller à ne pas tomber dans une suspicion systématique à l'égard des parents et des familles. L'article 3 est donc fait de pas positifs que nous soutiendrons.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 115 |
Nombre de suffrages exprimés | 113 |
Majorité absolue | 57 |
Pour l'adoption | 91 |
contre | 22 |
L'article 3 est adopté.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement no 277 .
Cet amendement vise à préciser remplacer, dans l'article L. 711-2 du CESEDA, les mots « et à l'orientation sexuelle » par les mots : « , à l'orientation sexuelle, aux risques de mutilations sexuelles et aux mutilations sexuelles avérées ». Il s'agit de préciser clairement que les mutilations sexuelles, qu'elles aient déjà eu lieu ou qu'elles risquent de se produire, constituent un motif d'obtention de l'asile.
Je le disais tout à l'heure : dans les pays où des mutilations sexuelles sont pratiquées de manière constante et importante, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent un groupe social au sens de la convention de Genève et de la directive « Qualifications » et peuvent à ce titre recevoir une protection si elles sont exposées à un tel risque.
Il ne me semble pas judicieux d'inscrire dans la loi le cas particulier des mutilations sexuelles : sinon, pourquoi ne pas nommer toutes les persécutions l'une après l'autre ? Or cette énumération à la Prévert risquerait d'amoindrir les protections.
À mon sens cet amendement est donc satisfait, et je vous demanderai de le retirer.
Il ne s'agit en effet pas d'énumérer les différents motifs, mais simplement de compléter la loi en y mentionnant les mutualisations avérées et les risques de mutilation. Si vous considérez que la directive est suffisamment claire, nous retirons l'amendement.
L'amendement no 277 est retiré.
Nous entendons d'abord les orateurs inscrits sur l'article.
La parole est à Mme Séverine Gipson.
Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le ministre d'État, le droit en vigueur permet le refus d'une demande d'asile lorsqu'il existe des raisons sérieuses de considérer que la présence dans notre pays du demandeur constitue une menace pour notre sécurité, ou lorsque cette personne a été condamnée en France pour un crime ou pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement. Il peut également être mis fin, pour ces mêmes raisons, à la protection d'une personne. Le projet de loi précise que ces mêmes condamnations, lorsqu'elles ont été prononcées dans un autre État membre de l'Union européenne, pourront être prises en considération par l'OFPRA afin de refuser la protection à un demandeur d'asile.
Par ailleurs, l'autorité judiciaire devra communiquer à l'OFPRA ou à la Cour nationale du droit d'asile, la CNDA, toute information susceptible de justifier le refus ou la fin de la protection. Enfin, l'administration pourra diligenter des enquêtes et consulter les fichiers afin de mieux garantir notre sécurité.
Les dispositions contenues dans l'article 4 permettront ainsi de mieux protéger notre pays face aux diverses menaces – la situation internationale nous y oblige. L'enjeu est donc majeur.
Le CESEDA prévoit qu'il est possible de refuser ou de retirer le statut de réfugié lorsqu'il existe des raisons sérieuses de considérer que la présence de la personne en France constitue une menace grave pour la sûreté de l'État, ou lorsqu'elle a été condamnée pour un crime grave ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement et que sa présence constitue une menace grave pour la société.
L'article 4 vise à mieux protéger nos concitoyens, dans la lignée de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
La réciprocité inscrite dans le projet de loi paraît opérante ; il faut garantir le même engagement dans les États de l'Union européenne. Nous avons ensemble promis d'accueillir les réfugiés dans les meilleures conditions, tout en assurant la sûreté des territoires.
Nous comptons néanmoins sur la qualité de l'instruction pour apprécier cette réciprocité et éviter les distorsions dans la nature et la qualification des infractions comme dans l'échelle des peines, qui diffèrent d'un État à l'autre. Cet article, comme l'ensemble du projet de loi, reconnaît fort heureusement le pouvoir discrétionnaire des officiers de l'OFPRA pour apprécier la pertinence et la crédibilité des déclarations du demandeur. Fort heureusement encore, ces agents auront toute latitude pour mesurer, au regard de la loi française, la gravité de l'infraction sanctionnée dans un autre État.
L'instruction des demandes d'asile bénéficiera ainsi de toutes les garanties nécessaires de sérénité et d'impartialité.
Nous souhaitons mettre en garde ceux qui souhaiteraient voir étendu le champ de cet article aux personnes qui font l'objet d'une surveillance ou d'une fiche S, ou encore qui sont inscrits dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT. Ce serait oublier qu'il s'agit là d'outils de contrôle et de prévention, et non de sanction et de répression. Il ne faut pas confondre maîtrise de l'asile et instrument d'expulsion détourné.
Je profiterai de cette intervention pour donner un point de vue global. Cet article 4 lui-même doit être débattu, car si l'on peut comprendre le retrait de la protection en cas d'acte délictueux, le cas des Catalans pose aujourd'hui problème – la cour suprême espagnole considère en effet un référendum comme un acte de violence grave.
Mais ce débat renvoie plus généralement à la liberté de conscience de chacun. J'ai voté pour l'article 3, qui constitue un progrès. Mais je suis petit-fils et fils de migrants de guerre, qui ont fui la mitraille allemande de Joigny jusqu'en Corse, durant deux mois et demi, en voyant la mort chaque jour, et qui ont vu surtout des maisons qui accueillaient des migrants et d'autres qui n'en accueillaient pas. Les députés Pè a Corsica estiment que le devoir de solidarité s'impose à un pays qui se veut grand. On ne peut pas tordre les principes au nom des logiques comptables.
Nous ne voterons donc pas l'article 5, qui diminue la grandeur de la République et oublie ses valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. Sur l'article 4, nous nous déterminerons en fonction des amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'article 4 vise à donner à l'OFPRA une plus grande marge de manoeuvre pour apprécier le profil d'une personne demandant l'asile. Il est essentiel que l'Office puisse refuser ou retirer une protection en cas de condamnation pour des faits graves ou en cas de menace pour la France.
Selon les informations que vous avez pu recueillir, madame la rapporteure, l'OFPRA a retiré la protection à 258 personnes en 2017. Ces chiffres démontrent que les clauses de refus ou de retrait du statut de réfugié ne sont pas anecdotiques. Il est bienvenu que le Gouvernement propose de compléter l'article L. 711-6 du CESEDA pour prendre en considération les condamnations prononcées dans toute l'Union européenne et non plus seulement en France.
Je vous proposerai par amendement des pistes complémentaires.
Monsieur le ministre d'État, il est en effet temps de prendre des mesures pour éloigner du territoire français les personnes dangereuses, ou qui ont commis des crimes, comme pour les empêcher d'y rentrer. Cela se fait déjà dans certains pays pour les gens qui y entrent en toute illégalité.
Vous vous êtes gargarisé la semaine dernière d'un record : l'expulsion de vingt personnes radicalisées. Vous engagez-vous devant nous à expulser, dans les plus brefs délais, les 3 000 personnes restantes ? Rappelons que l'on parle de radicalisation à caractère terroriste : ces gens peuvent commettre des attentats sur notre sol.
D'autre part, monsieur le ministre d'État, nous ne nous sommes pas vus depuis hier soir, et vous avez sûrement eu le temps de réfléchir à nos questions. Je ne vous demande même plus s'il y a un plan de régularisation des clandestins, puisque votre silence me fait penser que ce plan existe. Mais combien de clandestins souhaitez-vous régulariser : tous, c'est-à-dire sans doute près de 400 000, ou seulement 10 %, comme on l'a entendu, c'est-à-dire tout de même 40 000 personnes ? Sinon, pourquoi ne voulez-vous pas nous donner ce chiffre ?
Les liens entre immigration massive et terrorisme islamiste ne sont malheureusement plus à démontrer depuis l'implication, dans les attentats de Paris et de Bruxelles, de plusieurs terroristes ayant gagné notre continent depuis la Syrie en profitant des flux de migrants. Sur ce sujet comme sur bien d'autres, le Front national fut en quelque sorte un lanceur d'alerte : je n'ose rappeler à notre assemblée que Marine Le Pen a reçu lazzi et quolibets de la classe politique tout entière lorsqu'elle a annoncé ce péril au lendemain de la tuerie de l'école juive de Toulouse, en mars 2012 ! Combien de Mohammed Merah dans les bateaux et les avions qui chaque jour arrivent en France remplis d'immigrés ?
Ben voyons ! Encore ce fantasme ! Il est vrai que le projet de loi vous y invite !
L'article 4 n'apporte évidemment aucune réponse pour éviter l'intrusion de djihadistes parmi les migrants ; seul un rétablissement de nos frontières nationales, et la fin de la passoire Schengen, nous permettront de contrôler efficacement les personnes qui entrent sur notre territoire et d'empêcher les barbares de l'État islamique d'infliger des atrocités à notre peuple.
Chaque crime ou délit commis par un individu qui bénéficie de la générosité de l'État français doit être sanctionné avec la plus grande fermeté. Tout migrant délinquant ou criminel doit être expulsé de façon immédiate et automatique ; nous n'avons pas vocation à garder chez nous des personnes qui foulent aux pieds les règles les plus élémentaires de l'hospitalité.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
L'article 4 renforce notre arsenal juridique, et donc la protection de nos concitoyens. Le 14 février 2018, la commission des affaires étrangères a entendu le directeur général de l'OFPRA, M. Pascal Brice, qui s'est montré formel : « l'OFPRA doit instruire des demandes d'asile qui ont déjà fait l'objet d'une décision de rejet ailleurs en Europe. [… ] Je pense qu'il est nécessaire de créer rapidement un dispositif européen de reconnaissance mutuelle, voire un office européen de l'asile ». Cet article va dans ce sens, puisque les condamnations prononcées par un autre État de l'Union européenne pourront être prises en considération par l'OFPRA pour refuser l'octroi de la protection.
La commission des affaires étrangères recommande sur ce point une convergence européenne.
Nous commençons à entrevoir la voie du bon sens. On peut regretter que l'article 4 prévoit seulement une possibilité et non une obligation de retrait de la protection : tout étranger condamné en France ou dans un pays de l'Union européenne devrait être obligatoirement expulsé du territoire français.
Lorsqu'un étranger est accueilli en France, il doit en respecter les codes et les règles. Lorsqu'un étranger obtient la protection de notre pays, il doit respecter celles et ceux qui l'accueillent. Les 3 000 étrangers fichés pour terrorisme et présents en France ne sont pas une mince affaire : ils ne peuvent être mis sous le tapis comme de la vulgaire poussière. Ce sont des personnes qui sont fichées, non pas S, mais pour terrorisme. Pouvons-nous tolérer que des individus auxquels la France offre sa protection puissent représenter une menace pour elle et pour la vie de ceux qui les accueillent ? Je ne le pense pas. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens.
Le refus manifeste de la majorité de réunir la Conférence des présidents indique une volonté très claire de camoufler le débat, que confirme l'absence de vote solennel sur ce texte. Les débats vont s'éterniser, sans qu'il soit possible de les réguler, faute de réunion de la Conférence des présidents, et le texte sera voté en catimini. À quel moment ? Nous ne le savons pas. Nous ne pouvons pas prévenir les collègues sur tous les bancs qui souhaitent voter. La majorité portera le lourd fardeau d'avoir refusé de laisser le débat s'installer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous en sommes à l'article 4 seulement et, déjà, sous prétexte d'aligner le régime de l'asile français sur celui de l'asile européen, est introduite l'idée d'un lien entre droit d'asile et terrorisme. Après une série d'articles qui allaient dans le bon sens, voilà que la balance penche du mauvais côté. Si nous sommes tous d'accord ici sur la nécessité de protéger le territoire français – nous avons débattu de ce sujet dans le cadre d'un projet de loi spécifique – , il semble malvenu d'introduire cette préoccupation dans ce texte pour deux raisons : d'une part, cela favorise les amalgames ; d'autre part, cela peut conduire à des situations problématiques.
D'abord, l'exposé des motifs indique qu'il s'agit d'étendre des procédures existantes qui permettent déjà de refuser ou de retirer la protection accordée. Puisqu'elles existent, pourquoi les étendre si ce n'est pour semer de la confusion ?
Ensuite, le droit pénal varie dans les différents pays de l'Union européenne. Ainsi l'avortement est, à Malte, un crime puni de trois ans d'emprisonnement ; le blasphème est, en Allemagne, un délit puni de trois ans d'emprisonnement ; en Espagne, on le sait, les élus catalans font l'objet de procédures pénales graves. Heureusement, le droit français ne reconnaît pas ces infractions pour l'instant.
Mais, sans harmonisation au niveau européen, certaines personnes qui auraient besoin de la protection de notre pays pourraient se la voir refuser à cause de telles infractions, ce qui ne manquerait pas d'aggraver leur vulnérabilité.
Voilà pourquoi nous sommes opposés à cet article.
Ce texte devait poser un certain nombre de principes, disait un collègue qui m'a précédé. Voilà l'occasion de poser un principe fort et sain : tout étranger accueilli en France, délinquant, complotant contre l'État français, fiché S ou pour terrorisme, devrait être immédiatement expulsé.
Nous sommes favorables à une refonte du régime de l'interdiction de séjour afin de rendre effectif le principe suivant : un étranger condamné sera automatiquement interdit de séjour en France. L'occasion nous est donnée de poser ce principe. Il faut, pour ce faire, supprimer toutes les exceptions au prononcé d'une peine d'interdiction du territoire français qui sont notamment énumérées dans les articles 131-30-1 et 130-1-2 du code pénal et auxquelles le CESEDA fait référence.
Il faut affirmer ce principe et étendre son application aux personnes fichées S et fichées pour terrorisme, à l'ensemble de ceux qui complotent contre l'État français et qui n'ont rien à faire sur notre territoire.
J'ai le sentiment que l'article 4 vient dissiper la confusion qui a été entretenue dans cet hémicycle sur les trois premiers articles et que nous avons dénoncée, entre droit d'asile et immigration. Avec cet article, nous abordons véritablement le droit d'asile.
La France est, et a toujours été, une terre d'asile. Elle s'est construite grâce à l'intégration successive des populations issues des migrations. Je suis convaincu que la France devra continuer à tenir ce rôle de terre d'accueil dans les années à venir, non seulement parce que les conflits armés à travers le monde obligent des populations à fuir leur pays, mais également parce que la réalité démographique du continent africain impose l'exil à une partie de sa population, laquelle tend naturellement à se diriger vers l'Europe. Mais nous ne pourrons pas accueillir toutes les migrations. Nous devons, en revanche, en tenir compte dans la politique internationale que nous menons.
Quant à l'accueil au titre du droit d'asile, il faut nous en tenir aux conditions strictes de l'asile dont l'objectif est de protéger son bénéficiaire contre un risque de persécution ou une menace dans son pays. Si le rôle de la France est de venir en aide aux personnes qui craignent pour leur vie dans leur pays d'origine, il est avant tout d'assurer la sécurité des personnes vivant sur son territoire. La discussion sur les trois prochains articles doit permettre de s'assurer que les conditions d'octroi de l'asile soient parfaitement proportionnées pour protéger ceux qui en ont besoin tout en protégeant également notre territoire de toute menace grave à l'ordre public, la sécurité publique et la sûreté de l'État.
L'article 4 ouvre le deuxième chapitre du titre Ier du projet de loi qui porte sur les conditions d'octroi de l'asile et sur la procédure devant l'OFPRA et la CNDA.
Pour éclairer la discussion sur ce chapitre, je vous livre deux citations. La première, extraite d'une déclaration conjointe du Président de la République et du président du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – HCR – , datée du 10 octobre dernier, évoque « la volonté qui est la nôtre de défendre le droit d'asile qui fait partie de nos valeurs les plus fondamentales et d'avoir une France qui est à la hauteur de celui-ci ». Jusque-là, nous nous retrouvons évidemment. Elle se poursuit ainsi : « le HCR sera pleinement associé aux réformes que la France a lancées et qui conduiront à des modifications législatives » – nous y sommes – « et je souhaite que, à ce titre, le HCR soit pleinement consulté, puisse donner son avis » – ce que le HCR a fait évidemment.
En effet, le HCR s'est vu confier par la communauté internationale un rôle de surveillance de l'application de la convention de Genève. Il est donc parfaitement dans son rôle. Nous y reviendrons sur les différents articles, mais je vous lis une phrase de l'avis rendu par le HCR : « conjuguées entre elles, certaines dispositions du projet de loi pourraient conduire à une réduction des garanties d'accès à une procédure d'asile juste et équitable ». Ce n'est pas Laurence Dumont qui parle mais le HCR. Plusieurs parlementaires français ont d'ailleurs rencontré M. Filippo Grandi, le Haut Commissaire aux réfugiés, à sa demande, à l'occasion d'une réunion de l'Union interparlementaire. J'aimerais, monsieur le ministre d'État, que l'avis du HCR soit entendu. C'est essentiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Jusqu'à présent, la confusion entre asile et immigration a été entretenue en cherchant à édicter des règles faisant de l'asile un outil de gestion de l'immigration. Dans l'article 4, les choses semblent plus claires puisqu'il est question des conditions de refus du droit d'asile.
Il importe de rétablir la distinction entre immigration et asile. La première s'adresse à des personnes, qui, au terme d'une assimilation, d'une acceptation progressive, devront acquérir les valeurs de la société française, les partager et intégrer la communauté nationale. Le second vise à offrir une protection à des populations persécutées. Cette protection est peut-être plus facile à obtenir – la réunification familiale est plus simple que le regroupement familial – , mais elle a un coût : le respect strict des règles élémentaires de fonctionnement de la société française. C'est indiscutable. On ne peut pas prétendre bénéficier de la protection de la République française sans en respecter les lois. On ne peut pas prétendre à cette protection si on représente une menace grave pour la société française.
Plusieurs députés du groupe LR ont déposé de nombreux amendements à ce sujet. Lorsqu'on n'accepte pas le contrat de la société française, on ne peut pas bénéficier de la protection de notre république.
Nous sommes certainement confrontés à l'un des textes les plus complexes et les plus lourds dont nous aurons à débattre pendant cette législature. Aucun président, ni aucune majorité ne souhaiteraient avoir à le défendre tant il dit ce que sont notre époque, nos contradictions, nos croyances passées et présentes. Il dit ce que nous ne pensions pas imaginables.
Je me félicite que vous ayez retrouvé la présidence, madame, parce que tout exercice mérite un certain savoir. Je ne juge personne mais je constate que, depuis votre arrivée, les choses vont un peu mieux.
Nous ne sommes malheureusement pas au bout de nos peines sur ce sujet-là. Avant-hier soir, j'ai rencontré trois jeunes gens qui venaient des Alpes-de-Haute-Provence – l'un était agriculteur, l'autre enseignant et j'ignore la profession du troisième. Ils voulaient assister au débat – c'était interdit ce soir-là – et voir quels étaient ceux qui voteraient pour cette loi. Ils disaient ne pas faire de politique mais ne plus supporter ce qu'ils vivaient. Il y a deux jours, un groupe d'étudiants d'une grande école, dans laquelle j'avais été invitée, m'a enjoint de ne jamais voter une telle loi.
Ces exemples disent bien ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes tous des représentants du peuple, nous pouvons le faire et le faire bien. Demain, nous aurons tous à justifier, dans nos territoires, notre vote.
Je conclus, madame la présidente. Je sais que vous avez fait preuve de bienveillance mais j'ai fait tellement d'efforts, moi qui ai si rarement la parole ici. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je voulais évoquer l'Algérie : ce ne seront pas quelques centaines de migrants mais bien plus. Les problèmes se situent en amont.
C'est la politique étrangère que nous menons depuis une quarantaine d'années qui nous a conduits à la situation actuelle.
Quand nous légiférons, il faut le faire pour la situation actuelle, quel que soit le pays de l'Union européenne, mais aussi pour l'avenir. Or l'article 4 renvoie à des conditions très floues puisqu'il est question non seulement d' « actes terroristes », mais aussi de « crimes » et de « menace grave » alors même qu'il n'y a pas aujourd'hui d'harmonisation pénale au sein de l'Union européenne – il faut le dire et le redire. Ce qui est considéré comme un crime dans un pays l'est comme un délit dans un autre, et vice-versa.
Intéressons-nous, par exemple, à la situation de la Pologne et de la Hongrie. Le Parlement européen a adopté une résolution en vue du lancement de la procédure de l'article 7 du traité de l'Union européenne contre la Hongrie en raison d'une « grave détérioration de l'État de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux ces dernières années ». Il a également adopté une résolution, à titre préventif, concernant la Pologne.
Donc, insérer un article qui pourrait valoir à un réfugié le retrait de son statut quel que soit le crime ou le délit commis dans un autre État membre de l'Union européenne, c'est en réalité courir le risque de s'aligner sur des pays qui ne respectent plus l'État de droit ou, du moins, où les conditions dans lesquelles la justice est rendue ne sont pas les mêmes que dans le nôtre.
On me rétorquera qu'il est question d'actes terroristes, mais tel n'est pas le cas, et c'est bien le problème soulevé par cet article. Je souligne d'ailleurs, à l'attention de ceux qui voudraient éventuellement s'engouffrer dans la brèche ouverte par l'article 4 pour l'agiter, que l'idée selon laquelle « migrants égal terroristes » relève du fantasme : si l'on observe qui ont été les auteurs d'actes ou de crimes terroristes ces dernières années en France, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de primo-arrivants parmi eux, a fortiori pas de primo-arrivants bénéficiant du droit d'asile. Il s'agissait soit de Français, soit de ressortissants de l'Union européenne, soit de personnes installées depuis longtemps en France.
Nous courons donc le risque d'adopter un article qui peut se révéler catastrophique.
Pour conclure, ne faisons pas dire n'importe quoi à l'OFPRA. Celui-ci regrette certes l'absence d'harmonisation du droit d'asile en Europe, mais il fait référence à l'absence d'harmonisation « par le haut », pas à un alignement, par exemple, sur les pays de l'Est, où l'asile est, on le sait, accordé plus que chichement.
Comme je l'ai rappelé hier soir, le groupe UDI, Agir et indépendants considère que la recherche d'un équilibre entre humanité et responsabilité est le principal enjeu de ce projet de loi. Avec l'article 3, il s'agissait d'améliorer et d'étendre la prise en charge des demandeurs d'asile. Pour sa part, l'article 4 vise à prévoir le refus ou le retrait du statut de réfugié en cas de menace grave pour l'ordre public. Ces deux articles symbolisent ainsi le point d'équilibre qu'il nous faut trouver.
À l'évidence, il n'est pas concevable d'accorder l'asile à un étranger qui représente une menace grave pour notre pays ou qui a été condamné, en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne, pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme. À cet égard, nous défendrons tout à l'heure un amendement qui vise à ce que l'OFPRA prenne aussi en considération les éventuelles condamnations prononcées dans les États tiers considérés comme sûrs en matière de justice.
Par ailleurs, il nous semble indispensable de pouvoir diligenter des enquêtes administratives pour savoir si de telles condamnations ont été prononcées et pour déterminer si la présence de l'étranger constitue ou non une menace grave pour l'ordre public. Dans la même logique, nous défendrons également des amendements visant à permettre la sollicitation des services de police et de renseignement d'autres pays ainsi que ceux des organisations communautaires et internationales.
Au-delà des améliorations de bon sens que nous vous proposerons, notre groupe partage les objectifs poursuivis par cet article, qui participe de l'équilibre général du texte. Mais, de même que cela a été un refrain hier soir, le leitmotiv de la journée sera sans doute, monsieur le ministre d'État, que le vote dans l'entre-soi d'un projet de loi aussi important n'est pas digne de notre institution et n'est pas à la hauteur de l'humanité et de la responsabilité qui sont le principal enjeu du texte.
L'article 4 vise à étendre la faculté de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin en cas de condamnation pour des faits graves prononcée dans un autre pays de l'Union européenne ainsi que pour des motifs graves de sécurité nationale. Dont acte.
Nous, députés du groupe Les Républicains, proposerons des amendements pour vous inciter à aller plus loin en précisant, renforçant et perfectionnant le dispositif que vous esquissez. Nous serons très attentifs au sort qui sera réservé à nos amendements, notamment à celui qui vise à introduire une automaticité du refus lorsque des motifs graves de sécurité nationale sont mis en avant.
Nous souhaitons également poser devant la représentation nationale une question qui reste pendante : qu'adviendra-t-il des quelque 3 000 personnes de nationalité étrangère actuellement fichées pour des motifs graves de radicalisation djihadiste ou terroriste ?
Enfin, à la faveur de ce bref débat sur l'article 4, nous réitérons une question que nous avons déjà posée hier soir à maintes reprises, monsieur le ministre d'État : nous souhaiterions que la représentation nationale soit éclairée quant à l'existence d'un plan caché de régularisation de clandestins, hypothèse dont la presse s'est fait l'écho à plusieurs reprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je pense que l'article 4 sera largement voté dans cette assemblée car, si chacune et chacun d'entre nous souhaite pouvoir accorder l'asile à celles et ceux qui sont persécutés, personne ne pense qu'on pourrait l'accorder sans vérifier, s'il est besoin, à qui on l'accorde. On ne peut que prendre un certain nombre de précautions par rapport à des personnes qui pourraient être soupçonnées de vouloir commettre des actes terroristes demain.
Un tel dispositif est d'ailleurs déjà prévu à l'article L. 711-6 du CESEDA. En effet, personne n'est irresponsable, et, chaque fois qu'ils ont abordé la question de l'accord ou du refus de l'asile, les gouvernements se sont donné les moyens de procéder à des vérifications.
Que voulons-nous faire avec l'article 4 ?
Premièrement, nous souhaitons étendre la faculté pour l'OFPRA de refuser le statut de réfugié si la personne a fait l'objet d'une condamnation pour des faits graves, notamment de terrorisme, prononcée dans un autre État membre de l'Union européenne. Franchement, il serait irresponsable de ne pas prendre cela en compte.
Deuxièmement, nous voulons renforcer l'obligation faite à l'autorité judiciaire de communiquer à l'OFPRA et à la CNDA tout élément dont elle a connaissance, susceptible de justifier le refus ou la fin du statut de réfugié pour des motifs graves de sécurité nationale. Franchement, ce cas de figure ne se présente pas tous les jours.
Troisièmement, il s'agit de permettre à l'OFPRA de solliciter des enquêtes administratives, notamment au regard des fichiers intéressant la sécurité intérieure. Donc, si l'OFPRA a un doute, elle pourra demander aux services compétents, notamment à la DGSI – direction générale de la sécurité intérieure – , si une personne est inscrite au fichier FSPRT et pourquoi elle l'est.
À cet égard, je signale qu'il y a de grandes confusions en ce qui concerne les différents fichiers. Comme vous le savez, les fiches S appellent l'attention des personnes qui contrôlent les passeports aux frontières sur tel ou tel individu signalé et leur indiquent une marche à suivre. Elles n'ont pas trait uniquement aux problèmes de condamnation pour terrorisme. Le FSPRT, pour sa part, indique un certain nombre de soupçons de radicalisation. Comme vous le savez, il est constitué à partir de signalements, et c'est sur cette base que la DGSI ou le SCRT – service central du renseignement territorial – décident de suivre ou non les personnes concernés.
Je tiens à souligner que, pour faire ce suivi, nous allons embaucher, sur la durée du quinquennat, 1 900 personnes supplémentaires pour la DGSI et le SCRT. Ce processus est en cours depuis les attentats. Donc, nous nous donnons les moyens de vérifier, à des fins de sécurité.
Je rappelle aussi que, au-delà de la DGSI et du SCRT, il est important de disposer de forces de sécurité publique présentes sur le terrain. L'augmentation du nombre de gendarmes et de policiers, qui contraste avec la réduction opérée à une certaine époque, apporte de la sécurité. Ceux qui assurent la sécurité de notre société ne sont pas ceux qui proposent les mesures les plus hyperboliques par leurs amendements, mais ceux qui recrutent sur le terrain. Si vous supprimez 12 000 postes d'agents présents sur le terrain, vous pourrez prendre toutes les mesures de la Terre, ce ne sera pas plus efficace. Tel est le sens de notre action.
L'article 4 prévoit des mesures tout à fait équilibrées et recueillera, j'en suis sûr, l'assentiment de la majorité la plus large.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Nous en venons à l'examen des amendements. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 565 .
Je défends cet amendement au nom de notre collègue Gabriel Serville, qui en est le premier signataire.
Le D de l'article 1er de la convention de Genève prévoit d'exclure du statut de réfugié les personnes relevant du mandat d'une autre organisation des Nations unies que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Cela vise particulièrement les réfugiés palestiniens relevant du mandat de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient – UNRWA.
Cependant, la convention de Genève stipule que, si ce mandat cesse, les personnes peuvent se prévaloir de plein droit de la convention de Genève. La Cour de justice de l'Union européenne a eu l'occasion de préciser cette notion, et la directive européenne 201332UE avait introduit cette réserve. Or celle-ci n'a pas été reprise dans le droit français, alors qu'il est nécessaire de la transposer. D'où le présent amendement.
Vous évoquez le premier alinéa du D de l'article 1er de la convention de Genève. Votre amendement est pleinement satisfait par l'alinéa 2 du même D, applicable en droit français. Il ne fait d'ailleurs que reprendre, presque mot pour mot, cet alinéa 2. Je vous précise que 4,8 millions de réfugiés palestiniens bénéficient actuellement dans le monde de la protection au titre de la convention de Genève. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure.
J'avais décidé tout à l'heure d'apporter un élément de réponse à M. Di Filippo mais, emporté par mon élan, j'ai oublié de le faire.
« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je ne voudrais pas que M. Di Filippo éprouve un sentiment de frustration. Cela pourrait faire monter les humeurs biliaires, ce qui n'est jamais bon pour la qualité d'un débat.
Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, ce que l'on a fait par le passé témoigne de ce que l'on veut faire dans l'avenir.
Je veux simplement vous indiquer, monsieur Di Filippo, que le nombre de régularisations avait augmenté de 3,3 % en 2016 et qu'il a baissé de 1,8 % en 2017. Voilà un premier élément de réponse.
Monsieur le ministre d'État, j'apprécie réellement que vous vous souciiez de mes humeurs et que vous tentiez de les apaiser.
Vous nous envoyez ainsi un très bon signal. De mon côté, je vais essayer d'affiner ma pédagogie, car je crains malheureusement que vous n'ayez pas très bien compris ma question.
Cela dit, si nous travaillons sur les deux sur ces bases, je ne désespère pas que nous ne parvenions à un résultat !
J'en suis sûr !
Je ne vous ai pas demandé combien de clandestins vous avez régularisé l'an dernier, ni même si vous en avez régularisé moins que le gouvernement de François Hollande à la suite de la circulaire Valls. Je cherche à savoir s'il existe un projet porté par votre majorité de régulariser, après le vote du texte, un certain pourcentage de clandestins. On avance le chiffre de 10 %, voire de 100 %. Est-il vrai ou faux ? Vous devez bien le savoir en tant que ministre d'État, ministre de l'intérieur, chargé directement de ces questions. Pour nous prononcer sur un texte qui concerne l'immigration, nous avons besoin d'être informés. Sur ce point, je vous fais confiance.
J'y insiste : ma question ne porte pas sur le passé, sur ce qui a été fait avant vous ou même l'an dernier.
J'étais déjà là !
Ma question ne porte pas sur ce qui s'est passé quand vous étiez socialiste ou quand vous ne l'avez plus été – tout en le restant un peu quand même – , mais sur ce qui nous attend après le vote du texte. Une réponse serait très appréciée. Je pense que votre silence contribue fortement à mes mauvaises humeurs, que je m'emploie néanmoins à contenir, ainsi que vous l'avez remarqué.
Monsieur le ministre d'État, moi aussi, je me soucie des humeurs de M. Di Filippo. Je sais en outre que tous mes collègues tiennent à ce qu'il obtienne une réponse. Or vous n'avez pas répondu. La question concerne non le passé, mais le futur. Selon certains articles du Monde, vous auriez promis de régulariser 30 000 à 40 000 sans-papiers afin de calmer l'aile gauche de la majorité et de la dissuader de voter contre le texte. La réponse que vous nous avez donnée ne contient aucun élément contredisant cette information.
Comme beaucoup de députés de la majorité actuelle, vous avez appartenu à la précédente majorité socialiste qui, entre 2012 et 2017, a augmenté de 32 % le nombre de régularisations, celui-ci s'établissant à 30 632 fin 2016. Vous voyez donc que notre question est parfaitement légitime. Je regrette que vous n'y répondiez pas. Nous attendons toujours une réponse simple et concrète : oui ou non.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nos collègues du groupe Les Républicains parlent d'un plan caché de régularisation.
Ils nous interrogent à ce sujet depuis hier. Quant à eux, leur plan est très ouvert, lisible, voire transparent. Depuis le début du débat, ils se livrent systématiquement à la même surenchère. C'est bien normal, puisque le président de leur groupe a pris récemment des positions absolument, totalement radicalisées.
Chers collègues, vous devriez clarifier votre identité. Pardon de vous le dire, mais vous n'avez plus grand chose de républicain !
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'assume d'avoir été socialiste et même post-socialiste, pour reprendre le terme de M. Larrivé.
Quant à la régularisation, il n'est pas inintéressant de rappeler que, sous le règne de Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et Président de la République, …
… il y a eu 154 000 régularisations. Assumez-le ! Je me tourne d'ailleurs vers M. Ciotti, qui est un juriste élégant. L'admission exceptionnelle au séjour, que vous avez créée en 2006, est la base juridique qui permet aujourd'hui encore les régularisations. C'est d'ailleurs ce terme que précise la circulaire Valls.
Depuis dix ans, tous gouvernements confondus, nous procédons environ à 30 000 régularisations par an. Cessez donc d'imaginer un plan caché de régularisation. Nous avons une base, qui est la circulaire Valls. Nous l'assumons. Je le répète, elle permet chaque année quelque 30 000 régularisations. Ce document, qui prévoit une analyse au cas par cas, offre une bonne réponse à la situation des 300 000 irréguliers qui existent en France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Rappel au règlement
Désolé, madame la présidente ! J'essaie d'introduire de la sérénité dans les débats et d'échanger de manière constructive avec M. le ministre, qui accepte de discuter avec moi. Mais je suis obligé de procéder à un rappel au règlement sur la base de l'article 58, alinéas 1 et 2, après cette attaque personnelle.
M. Boudié a pris la parole pour se mêler à une conversation dans laquelle il n'a aucune réponse à apporter. Il nous donne des leçons sur le fonctionnement de notre groupe.
Je lui rappelle que, chez nous, personne n'est menacé d'exclusion en raison d'un vote qu'il aurait émis ou d'une position qu'il aurait exprimée.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, le jour où vous fonctionnerez de manière aussi démocratique, vous pourriez peut-être essayer de nous donner des leçons. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
Si vous avez ménagé certains arrangements sur ce texte, en négociant, contre des votes, la régularisation des clandestins, dites-le clairement, et nous pourrons continuer le débat. Pour l'heure, le ministre d'État n'a toujours pas répondu à ma question.
La circulaire dont il a été question traite des régularisations au cas par cas. Je parle, moi, d'une régularisation de 10 % des clandestins.
N'essayez pas de noyer le poisson ! J'ai posé une question directe. Soit vous y répondez, soit vous n'y répondez pas parce que vous voulez cacher quelque chose, mais, en tout cas, vous n'avez certainement pas de leçons à nous donner !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Chers collègues, le rappel au règlement obéit à des règles, que je demande à chacun de bien vouloir observer.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Article 4
Je reviens à l'amendement no 565 , que ne nous voterons pas. Il procède d'une logique propre à l'empire macronien, selon laquelle on instaure des mesures tout en organisant en même temps leur inopérabilité, histoire de dire que le système est « en même temps » relativement ferme et complètement lâche.
L'amendement a été déposé, sinon par la majorité, du moins par un groupe qui a bien compris cette subtilité. Il s'intègre parfaitement à une stratégie qui consiste à prendre des mesures qui ne servent à rien !
Que de digressions ! M. Dharréville a défendu un amendement sur les Palestiniens, peuple, si l'on peut parler d'un peuple, qui a beaucoup souffert. Mme la rapporteure a cité un chiffre selon lequel il y aurait en tout plus de 4,5 millions de réfugiés palestiniens. Elle nous a répondu que l'amendement serait satisfait par une disposition du texte, que nous n'avons pas trouvée, M. Dharréville et moi-même.
Monsieur le ministre d'État, pouvons-nous revenir au texte ? Je peux comprendre que vous vouliez répondre au groupe Les Républicains, mais j'aimerais avoir votre avis sur la situation des réfugiés palestiniens en France et sur l'amendement no 565 .
J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre l'intervention de M. Schellenberger, qui parle de je ne sais quelle dynamique macronienne, alors que l'amendement relève du simple bon sens : il ne s'agit que de transposer dans le droit français une disposition de la convention de Genève. Mme la rapporteure nous a assuré que l'amendement est satisfait à l'alinéa 2 de l'article 4, mais, si l'on relit ce texte, c'est loin d'être avéré. Il nous plairait qu'elle apporte des éléments d'information complémentaires, susceptibles de nous convaincre.
L'amendement no 565 n'est pas adopté.
Compte tenu des conditions posées aux 1° et 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA, le refus du statut de réfugié ou sa fin ne doit pas être une faculté offerte à l'appréciation d'une autorité compétente, mais une obligation automatique. Cette mesure légitime nous semble de bon sens.
La formulation que nous proposons offrirait, en outre, l'avantage de limiter les contentieux.
La parole est à Mme Typhanie Degois, pour soutenir l'amendement no 865 .
La rédaction actuelle de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile offre la faculté à l'OFPRA de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin dès lors qu'un individu remplit les conditions posées au 1° et 2° de l'article. Cette simple faculté étonne, dans la mesure où l'article évoque une menace grave pour la sûreté de l'État ou une condamnation pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement.
Puisqu'il est de notre responsabilité de protéger nos concitoyens de tout danger, je propose, lorsque des faits aussi graves sont caractérisés, de déclencher automatiquement les clauses d'exclusion et de cessation du statut de réfugié, et que celles-ci ne soient plus facultatives.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 115 .
Comme ceux qui viennent d'être défendus par des députés de groupes différents, mon amendement vise à introduire une clause de refus systématique, qui n'existe pas aujourd'hui, quand la personne qui demande le statut de réfugié représente une menace grave pour la sûreté de l'État ou qu'elle a été condamnée en dernier ressort en France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
Le texte présenté par le Gouvernement ne nous semble pas garantir cette automaticité. Peut-être celui-ci nous répondra-t-il à ce sujet. Le point a déjà été débattu en commission. Il nous semble important de préciser qu'un tel point ne peut pas être soumis à interprétation.
Quand on parle de faits aussi graves que le terrorisme, on ne peut pas laisser de place à l'approximation ni à l'interprétation d'une ou plusieurs personnes, qui n'auraient pas une vision de la protection globale de la société. En prévoyant l'automaticité du refus du statut de réfugié dans les cas mentionnés, l'amendement vise à protéger tous les Français.
Avis défavorable sur tous les amendements.
Sur des sujets aussi sensibles, il est important de laisser une marge d'appréciation à l'OFPRA, dont je souligne à nouveau le professionnalisme. Comme nous l'a indiqué son directeur Pascal Brice, que nous avons auditionné, son personnel est évidemment animé par le souci de protéger le territoire. Il est à même d'apprécier les divergences des politiques européennes ainsi que la réalité du contenu des fichiers. Comme l'a indiqué M. le ministre, il s'agit d'éléments de suspicion, non de condamnation ou de sanction.
Il s'agit simplement de reprendre la transposition de la directive « Qualification ». Si nous ne rédigions pas ainsi, nous risquons d'ouvrir un contentieux. C'est pour prévenir un tel risque que nous avons adopté cette formulation, et dans le but d'assurer davantage de protection.
À ce stade du débat, monsieur le ministre d'État, il me semble possible de dégager un consensus entre la majorité et notre groupe sur un point qui relève de l'efficacité, du pragmatisme, de l'intérêt général et du bon sens. Mme Degois a défendu un amendement semblable à ceux qu'ont présentés nos collègues Jean-Louis Masson et Pierre-Henri Dumont, qui posent un principe très clair : ceux qui ont commis des crimes ou des délits à l'étranger, ceux qui représentent une menace grave pour notre pays ne peuvent continuer de bénéficier du statut de réfugié ou ne peuvent y accéder. Tout le monde peut entendre ces arguments de bon sens, qui proviennent des bancs de la majorité comme des nôtres. Mettons-nous d'accord et envoyons ce message.
Il n'y a aucune raison objective – et nous contestons votre argumentation juridique, monsieur le ministre d'État – ,…
… pour s'opposer à une avancée qui va dans le sens de la protection des Français. Posons ce principe auquel nous en appellerons plusieurs fois durant le débat : ceux qui sollicitent le noble statut de réfugié, lorsqu'ils portent atteinte aux intérêts supérieurs de la nation ou mettent en danger nos concitoyens, ne peuvent prétendre le conserver.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur les amendements identiques nos 434 et 865 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Je suis saisie de la même demande, également par le groupe Les Républicains, sur l'amendement no 115 .
Les deux scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Chenu.
C'est précisément pour la raison évoquée par la rapporteure qu'il est nécessaire de voter ces amendements. Parce qu'il existe des différences dans les politiques européennes, il convient d'inscrire dans la loi un principe sain : tout étranger demandant ou ayant déjà la qualité de réfugié, qui a commis des infractions, a perpétré un complot contre notre pays ou y réfléchit, ou qui a été condamné pour ces raisons doit être immédiatement expulsé.
Il ne sert à rien de se donner bonne conscience en refusant d'inscrire dans le droit ce principe fondamental. Nous voterons évidemment ces amendements.
Cette série d'amendements nous plonge au coeur du débat. On peut et on doit, à l'égard de réfugiés confrontés à des persécutions dans le monde, conduire une politique d'accueil juste et généreuse.
Mais, pour être juste, cette politique doit veiller à ce que l'accueil et la protection offerts sur le territoire français ne viennent pas mettre en péril la sûreté de l'État. Tel est le sens de l'article L. 711-6 du CESEDA, dont nous proposons de modifier la rédaction.
Ceux qui ne voteront pas ces amendements acceptent que nous protégions, au titre du droit d'asile, des réfugiés qui mettront en péril la sûreté de l'État français. Rendez-vous compte de ce que certains s'apprêtent à faire ? À nos yeux, lorsqu'on est recueilli par la France et protégé par elle, on doit respecter la République et la sécurité des Français.
Je tiens à dissiper une confusion : ce n'est pas par manque de sévérité ou de souci de la sécurité des Français que nous refusons d'inscrire dans l'article un critère d'automaticité en substituant le mot « doit » au mot « peut ». Il convient simplement de conserver le principe de souplesse et d'appréciation à nos normes juridiques.
Il existe, entre les États, des différences sur la nature et la qualification des infractions ainsi que sur l'échelle des peines. La différence entre infractions, délits et crimes n'existe qu'en France. Laisser aux officiers de l'OFPRA une marge pour apprécier si telle ou telle qualification est ou n'est pas la même en France et dans un pays européen garantit de la souplesse. Faisons-leur confiance ; ils font très bien leur travail. Ils sont capables d'apprécier la corrélation entre ce qui est qualifié d'infraction dans les pays européens et dans le nôtre. Modifier la rédaction actuelle par la substitution proposée serait refuser le principe de souplesse et manquer de confiance dans le pouvoir d'appréciation des officiers de l'OFPRA. J'y suis, pour cette raison, opposé.
Comme le ministre d'État l'a souligné, le dispositif initial inscrit dans le projet de loi vise simplement à éviter une augmentation des contentieux. Je suis frappé par le fait qu'on dénie à l'OFPRA et à ses personnels, pourtant très compétents, un pouvoir d'appréciation légitime. Le dispositif prévu suffit à sécuriser les demandes qui pourraient présenter un danger. C'est pourquoi je voterai sans hésitation contre ces trois amendements.
Certes, les arguments de nos collègues Républicains, fondés sur la sécurité du pays, sont légitimes.
Toutefois, les officiers de l'OFPRA, lorsqu'ils analysent un dossier, tiennent compte, pour prendre leur décision, d'éléments qui peuvent représenter une menace pour la sûreté de l'État. Ils nous l'ont assuré lorsque nous sommes allés les rencontrer. De plus, nous avons voté une loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dont les dispositions s'appliqueraient à toute personne qui, ayant reçu un statut de réfugié, représenterait une menace. En cas de besoin, son dossier serait évidemment transmis à la justice.
N'ayons pas d'a priori. Allons dans le sens des textes existants et de leur stricte application.
Monsieur Schellenberger, le débat entre les mots « peut » et « doit » ne doit pas conduire à des accusations aussi graves que celles que vous avez portées.
Personne ici n'ose imaginer que le statut de réfugié serait donné à une personne si des éléments explicites, laissant supposer qu'elle représentait une menace directe, étaient avérés. Alors, pas de faux débats, mais de vrais débats. J'ai été ministre, j'ai assumé des responsabilités.
Soyez plus respectueux.
Je n'accepte pas que ce débat sur les mots « peut » et « doit » conduise certains à affirmer qu'on laisserait le statut de réfugié à des personnes qui menacent la nation. Je ne l'accepterai pas. Mon cher collègue, je tenais, pour préserver la clarté de nos débats, à vous demander d'éviter toute surenchère.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI, LaREM et MODEM.
Pour répondre aux députés du groupe LR et aux députés non inscrits qui appartiennent au FN, je tiens à préciser que le refus de ces amendements n'a pas pour objet de nous soustraire à notre responsabilité en matière de protection de nos concitoyens. Depuis le commencement de nos débats, le chantage au terrorisme vous permet de faire tous les amalgames possibles et d'entretenir la confusion entre, d'une part, les demandeurs d'asile ou ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié et, d'autre part, les personnes qui peuvent commettre des actes de terrorisme. Ce sera encore le cas sur l'article 4.
Tout le monde salue le travail des agents de l'OFPRA. J'espère que ce consensus se traduira en termes de moyens afin qu'ils puissent continuer de bien faire leur travail. Il ne suffit pas, en effet, de les en féliciter. Ils ont d'ailleurs fait grève pour pouvoir continuer à bien travailler.
Notre droit permet déjà d'intégrer des critères. La convention de Genève le permet également. Ce n'est pas vrai que nous sommes aujourd'hui démunis pour parer aux menaces. Les statuts accordés peuvent déjà être révisés pour des motifs graves.
Le problème posé par l'article 4 est qu'il ne permet pas d'aboutir à une harmonisation au plan européen, ce qui risque plutôt de multiplier les motifs de rejets non fondés sur une véritable évaluation des dossiers. Nous proposerons des amendements visant à parer à un tel risque. Contrairement à ce vous insinuez, il s'agit là, non pas de lutter contre le terrorisme mais de garantir le droit international.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 140 |
Nombre de suffrages exprimés | 140 |
Majorité absolue | 71 |
Pour l'adoption | 35 |
contre | 105 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 140 |
Nombre de suffrages exprimés | 139 |
Majorité absolue | 70 |
Pour l'adoption | 32 |
contre | 107 |
L'amendement no 115 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l'amendement no 716 .
Dans le droit fil des précédents, cet amendement vise à renforcer la faculté, pour les autorités compétentes, de refuser ou de retirer le statut de réfugié, non seulement lorsque la sûreté de l'État est en jeu, mais également si la personne en cause représente une menace pour la société. À cet effet, il convient d'inscrire dans la loi la notion de « menace pour la société ».
Comme c'est la première fois que je prends la parole ce matin, je souhaite en profiter pour renouveler notre interrogation auprès du ministre d'État, qui demeure bien mutique sur l'existence d'un plan de régularisation de 40 000 personnes, …
… qui aurait été négocié au sein du groupe La République en marche, comme nous l'indique un article, semble-t-il bien informé, du Monde.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La représentation nationale a absolument besoin de savoir si cette négociation de marchands de tapis a bien eu lieu avec le groupe majoritaire pour obtenir le vote du texte. Les Français ont besoin de le savoir.
Si 40 000 personnes devaient être régularisées, cela ne pourrait pas se faire selon des critères vraiment définis ; il ne pourrait y en avoir que de quantitatif. Qui aura droit à l'octroi d'une régularisation tombée du ciel, fruit d'une négociation qui ne devrait pas avoir cours dans le champ de la République ?
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous enfin nous répondre ?
L'article L. 711-6 évoque déjà deux cas : « menace grave pour la sûreté de l'État » et « menace grave pour la société ». Avis défavorable à votre amendement puisqu'il est déjà entièrement satisfait.
Avis défavorable.
Nous soutiendrons évidemment cet amendement parce qu'il nous semble pertinent d'inscrire dans le texte la notion de « menace grave pour la société ».
En tant que députés non inscrits, nous n'avons que peu de moyens : nous allons toutefois joindre nos voix à celles de nos collègues du groupe Les Républicains dans leur interrogation, en dépit de nos différences, et elles sont nombreuses.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Nous souhaitons, nous aussi, savoir si 40 000 étrangers supplémentaires entrés sur le territoire seront régularisés : 40 000 personnes, c'est la taille de nos villes de province. Est-ce que 40 000 clandestins représentant la taille d'une ville seront régularisés ?
Cette régularisation a-t-elle fait l'objet de manoeuvres, de compromis, voire de compromissions avec le groupe La République en marche ? Nous apportons cette question au débat. Elle est pendante depuis deux soirs. Il n'y a toujours aucune réponse de la part du Gouvernement. Il doit pourtant, en toute nécessité, répondre à la représentation nationale, qui se pose légitimement cette question. La presse n'a pas à être mieux informée que la représentation nationale. Nous adressons au ministre d'État la même question que nos collègues Républicains parce qu'elle nous semble légitime en dépit de nos nombreuses différences – vous avez pu les noter depuis l'ouverture de nos débats.
Madame la rapporteure, vous avez justifié votre avis défavorable de façon un peu légère. Vous avez semblé dire que l'amendement no 716 était déjà satisfait car de telles dispositions existent déjà. Or ce n'est pas tout à fait ce que prévoit l'article L. 711-6 du CESEDA. En l'état actuel du droit, le fait que la présence en France de la personne concernée constitue « une menace grave pour la sûreté de l'État » est une cause autonome de refus du statut de réfugié ; en revanche, le fait que cette présence constitue « une menace grave pour la société » n'est pas une condition autonome, puisqu'elle ne peut motiver un refus que si la personne concernée a été préalablement condamnée en dernier ressort à une peine de dix ans d'emprisonnement en France ou, comme vous le prévoyez désormais, dans un pays de l'Union européenne.
L'amendement no 716 de notre collègue Sébastien Huyghe propose que la menace pour la société française soit mise au même rang que la menace pour la sûreté de l'État, c'est-à-dire qu'elle devienne une cause autonome de refus du statut de réfugié.
L'amendement no 716 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Typhanie Degois, pour soutenir l'amendement no 866 .
Cet amendement vise à compléter l'alinéa 2 de l'article 4. Cet alinéa complète déjà le 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA afin que les condamnations prononcées dans un État membre de l'Union européenne, et non plus seulement en France, pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme soient prises en considération par l'OFPRA pour refuser ou retirer le statut de réfugié à un étranger dont la présence constitue une menace grave pour la société française. Nous proposons d'ajouter le même élément géographique au 1° du même article, de sorte que l'on puisse refuser ou retirer le statut de réfugié à un étranger dès lors que des raisons sérieuses permettent de penser que sa présence constitue une menace grave pour la sûreté de l'État français ou de tout autre État membre de l'Union européenne.
Nous partageons évidemment cet objectif de sécurité, mais la France ne veut pas se substituer à ses voisins européens. Avis défavorable.
Nous soutiendrons cet excellent amendement, qui vise à mieux protéger nos concitoyens à l'échelle européenne, ce qui paraît légitime et cohérent. Nous regrettons, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, que vous lui ayez donné un avis défavorable, de même que nous regrettons le rejet de l'amendement no 716 – vous avez suivi les avis de M. Le Foll et de Mme Obono alors même qu'un membre de la majorité avait défendu cet excellent amendement.
Les masques sont en train de tomber, monsieur le ministre d'État.
Vous nous annonciez la fermeté, vous êtes au rendez-vous du laxisme du précédent quinquennat socialiste.
Nous voterons évidemment cet amendement défendu par une députée du groupe La République en marche.
« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes NG et FI.
Je veux rendre hommage à notre collègue Typhanie Degois qui, non sans un certain courage, se lève contre la majorité de son groupe en essayant de protéger les Français. Elle se trouve bien isolée, au sein du groupe La République en marche, lorsqu'il s'agit de protéger les Français !
Quant à nous, pour poursuivre cet objectif, nous sommes toujours au rendez-vous : …
… quel que soit l'auteur de l'amendement, nous le soutenons. Merci, chère collègue, de votre courage !
Mme Degois n'en demandait sans doute pas tant ! C'est le baiser de la mort !
Y aurait-il une alliance objective entre La République en marche et le Front national ?
Au début de nos débats, on nous a dit que ce texte avait l'ambition de mettre en place, progressivement, un système européen coordonné sur les questions d'asile et d'immigration. Or nous évoquons ici un élément important de la construction européenne, qui consiste à assurer, d'une certaine façon, notre protection mutuelle. C'est l'un des principaux enjeux de ce siècle ! La société européenne, que vous défendez pourtant régulièrement dans vos prises de parole, se bat aujourd'hui contre des menaces graves pesant sur ses valeurs et sur sa conception de la vie dans nos États. L'amendement no 866 vise justement à mettre en place cette protection mutuelle : nous serons d'autant plus forts que nous nous protégerons les uns les autres contre les risques et les menaces qui pèsent sur les valeurs communes que nous défendons.
Nous sommes contre cet amendement, qui concentre tout ce qui pose problème à l'article 4.
Vous le savez, chère collègue Typhanie Degois, il n'y a pas d'harmonisation pénale au niveau européen. Si votre amendement était adopté, certains États dont les incriminations pénales sont fort différentes des nôtres – je pense notamment à un certain nombre de pays de l'Est – pourraient retirer le statut de réfugié à des personnes ayant besoin de cette protection, parfois même parce qu'elles sont persécutées dans ces pays. C'est tout le problème, et cela montre bien la nécessité d'adopter nos amendements.
Ce n'est pas l'avis de Mme Obono qui contraint la majorité à repousser les amendements déposés par le groupe Les Républicains et les députés du Front national, …
… mais la réalité des faits. Vous savez bien, madame Degois, que moins de 250 personnes se voient retirer chaque année le statut de réfugié alors que 36 000 individus en obtiennent le bénéfice ou le renouvellement. Le taux de retrait est donc inférieur à 1 % – il est de 0,6 %, pour être précis. Ainsi, nous disposons aujourd'hui des outils permettant de réviser les statuts. L'OFPRA a les moyens d'agir, même s'il faudrait lui en donner davantage.
Je le répète, les individus dont la présence constitue une menace pour notre pays ne représentent qu'une infime partie des personnes ayant droit au statut de réfugié. Au lieu de faire de ces exceptions la règle, nous devrions nous donner les moyens de mieux garantir le droit d'asile, ce que ne permet pas la discussion de ce projet de loi qui, encore une fois, mélange toutes les questions et permet aux députés du groupe Les Républicains et du Front national, coalisés avec certains membres de la majorité, de faire de la surenchère et de stigmatiser les personnes réfugiées.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur Ciotti, vous avez mentionné mon nom tout à l'heure – il est vrai que j'ai cosigné un certain nombre d'amendements. Vous avez évoqué les socialistes et leur laxisme. Pourtant, aujourd'hui, l'enjeu pour vous n'est pas de faire revivre le soi-disant laxisme des socialistes, mais d'essayer d'expliquer à votre propre électorat comment vous faites pour tomber dans le filet du Front national, dont les mailles sont pourtant toutes petites.
Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe NG et sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
On sent bien que la majorité n'est pas à l'aise avec cet amendement. Comme mon collègue Éric Ciotti, je pense que Mme Degois, qui fait partie du groupe majoritaire, a défendu un amendement de bon sens. Les Français nous regardent ! Monsieur le ministre d'État, si nous sommes aujourd'hui en train de légiférer, c'est bien parce que la loi comporte des lacunes. Cet amendement va dans le bon sens – nous le savons tous, nous le sentons tous. De grâce, arrêtons les postures politiques ! Oui, la France est une terre d'accueil et elle doit continuer à l'être, car cela fait partie de notre ADN politique, mais les étrangers qui violent notre loi et commettent des délits n'ont pas leur place en France.
On parle de l'Europe qui ne protégerait pas. Or j'ai déposé ce matin, avec notre collègue Christophe Naegelen, un rapport d'information sur l'espace Schengen et la maîtrise des frontières extérieures de l'Union européenne. Nous expliquons justement que l'Europe protège grâce à Europol, à Frontex et au système de contrôle des visas. Europol est chargé du suivi des personnes dont la présence constitue un risque pour n'importe quel État membre de l'Union européenne. Aujourd'hui, les institutions européennes se remettent en question : elles ont voté récemment l'élargissement du rôle d'Europol et de Frontex. Nous devons leur faire confiance. Si nous adoptons ce genre d'amendement dans la loi française, cela veut dire que nous ne faisons pas confiance à l'Europe et que nous remettons donc en question le principe de libre circulation.
Introduire ce genre de disposition dans la loi française, c'est remettre en question la solidarité européenne et l'Europe qui protège.
Faisons confiance à l'Europe, qui exerce aujourd'hui ces prérogatives dans les textes que nous faisons voter à l'échelle de l'Union européenne !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 866 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 247 .
J'ai l'honneur de présenter cet excellent amendement de mon collègue Ian Boucard, que j'ai cosigné.
La maîtrise de l'immigration sur le territoire français doit également passer par l'obligation, pour tout étranger, de quitter sans délai le sol français s'il représente une menace grave pour notre pays.
La menace terroriste permanente nécessite non seulement le renforcement de la maîtrise de nos frontières, mais également la mise en oeuvre de mesures fortes telles que l'expulsion sans délai de personnes étrangères repérées et inscrites sur les fichiers nationaux et européens pour des faits à caractère terroriste. Ainsi, selon un récent décompte, le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – FSPRT – contient les noms d'environ 20 000 personnes hautement surveillées par nos services de renseignement, notamment celui de Radouane Lakdim, l'auteur des attentats commis en mars dernier à Trèbes et à Carcassonne.
C'est la « menace grave pour la sûreté de l'État » qu'il faut prendre en compte, comme le prévoit la loi. Il ne servirait à rien de mentionner le FSPRT qui, je vous le rappelle, est un fichier recensant les signalements et non les sanctions. Les expulsions pour motif d'ordre public sont toujours possibles. Avis défavorable.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui est efficace, c'est que nos services travaillent ensemble. Je n'ai pas voulu prendre la parole sur l'amendement précédent, mais je veux dire qu'il méconnaît les méthodes de travail de nos services.
Les services français travaillent évidemment avec tous les services européens.
Quand un individu veut commettre un attentat dans un pays étranger, comment pourrait-il viser uniquement cet autre pays sans menacer la sécurité de notre territoire ?
Dimanche en fin d'après-midi, je partirai pour Toronto pour participer à un G7 de la sécurité portant sur les problèmes de terrorisme.
Nous coordonnons nos actions de lutte contre le terrorisme international. Au-delà des différences éventuelles entre tel ou tel État, nous avons la volonté commune de lutter contre le terrorisme international. C'est ce que fait ce projet de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre d'État, vous venez d'expliquer point par point pourquoi vous auriez dû être favorable à l'amendement no 866 de Mme Degois.
Contrairement à ce qu'a dit M. Mendes, qui n'a pas bien compris cette proposition, il s'agissait d'un amendement de solidarité européenne. Il s'agissait de faire en sorte que la France ne soit pas la base arrière d'individus préparant des actes terroristes contre un État membre de l'Union européenne. Vos propos, monsieur le ministre d'État, vont donc tout à fait dans le sens de cet amendement.
Nous, Français, serions heureux que le dispositif proposé par Mme Degois existe dans l'ensemble des pays de l'Union. Si l'un de ces pays accueillait, au titre de l'asile, des personnes préparant des actions contre les autres États membres de l'Union européenne, donc contre la France, nous souhaiterions qu'ils leur retirent le statut de réfugié et le droit d'asile.
C'est ce qu'ils font tous les jours !
Sans revenir sur ce qu'a excellemment expliqué Sébastien Huyghe, qui allait exactement dans le sens des deux précédents amendements de nos collègues, je réitérerai une question évoquée dans cet amendement et que je vous avais déjà posée : que deviennent les 3 000 personnes étrangères présentes en France et inscrites au fichier de la radicalisation à visée terroriste ? On ne peut pas se gargariser d'en avoir expulsé vingt l'année dernière, car cela signifie qu'il en reste encore 2 980 dont il faut parler.
Considérez-vous que les moyens dont vous disposez aujourd'hui vous permettent de les expulser ? Si oui, pourquoi ne le faites-vous pas ?
Enfin, je viens d'entendre que vous deviez partir pour Toronto. Alors que je me réjouissais de passer le week-end avec vous pour avoir enfin une réponse, je vais commencer à m'inquiéter. Il serait préférable, soit pour que nous avancions plus vite dans le débat, soit pour que je puisse avoir ma réponse, que vous le disiez tout de suite. Je pourrais certes être rassuré de savoir que Mme Gourault vous remplacera, mais elle s'est montrée tout aussi mutique que vous hier soir.
Ce que vous dites est injurieux pour Mme Gourault ! Soyez au moins poli !
Exclamations diverses sur les bancs des groupe LaREM et LR.
Non. J'ai dit : « tout aussi mutique que vous ». Vous pourriez tout simplement répondre à ma question : plus personne ne sera considéré comme mutique et tout le monde sera content.
Avant d'exposer mon propos, je propose que M. le ministre d'État et M. Di Filippo se rendent ensemble à Toronto.
Sourires. – Exclamations sur les bancs des groupe LaREM et LR.
Est-ce à dire que M. Di Filippo peut faire des remarques qui sortent du débat, mais pas les autres ?
Pour en revenir au débat et à la question, il me semble – mais je suis peut-être très naïf – …
… que, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, si nos services découvrent une menace grave liée à quelqu'un qui demande l'asile ou qui est déjà protégé, l'affaire se judiciarisera – ce qui, du reste, est peut-être plus pertinent et plus efficace que d'expulser une personne et de lui permettre de continuer ailleurs les méfaits qu'elle avait prévus.
L'amendement no 247 n'est pas adopté.
Je suis saisie de six amendements, nos 102 rectifié , 103 , 104 rectifié , 203 , 435 et 450 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 102 rectifié .
Cher collègue, je vous suggère de soutenir conjointement, si vous en êtes d'accord, les amendements nos 103 et 104 rectifié .
Madame la présidente, mes collègues présenteront les amendements nos 103 et 104 . Je soutiendrai, pour ma part, l'amendement no 102 .
Celui-ci vise à clarifier la rédaction de l'article L. 711-6 et à le rendre compréhensible du point de vue des principes et du point de vue du droit. Il s'agit en effet de clarifier les raisons permettant de refuser à un demandeur d'asile l'accès au statut de réfugié si cette personne ne répond pas aux aspirations minimales de la société française.
Ces raisons seront alternativement, et sans être cumulatives, le fait de constituer une menace grave pour la sûreté de l'État français, de constituer une menace pour la société française – ce qui, en droit, n'est pas tout à fait la même chose – , d'avoir été condamné pour un crime en France ou dans l'Union européenne, d'avoir été condamné en France ou dans l'Union européenne pour un délit constituant un acte de terrorisme, d'avoir été condamné en France ou dans l'Union européenne à une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans – ce qui, compte tenu de notre système judiciaire, semble être une condamnation conséquente – ou d'être inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT. En la matière – et cela fait suite au débat que nous avons engagé sur l'amendement précédent – , il s'agit aussi, pour notre système, de se simplifier et de se sécuriser.
Si un ressortissant étranger demande l'asile en France et est inscrit au FSPRT, l'OFPRA pourrait essayer de le faire entrer dans une autre case, celle de la menace pour la sûreté de l'État. Néanmoins, il ne faut pas oublier, dans ces discussions, que ce domaine suscite d'innombrables problèmes d'appel et de complexification juridique, et qu'il convient donc de sécuriser la procédure dès le départ.
Nous parviendrons alors, monsieur le ministre d'État, à atteindre l'objectif que vous avez fixé à cette loi : raccourcir les délais d'instruction pour parvenir le plus rapidement possible à une décision définitive, en rédigeant clairement la loi et en faisant clairement valoir des situations, des faits et des arguments ne souffrant pas discussion quant à la qualité du travail des agents de l'OFPRA.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 103 .
J'ai l'honneur de présenter cet excellent amendement de repli de mon collègue Schellenberger. Nous avons bien vu, en examinant les précédents amendements, que le souci de s'assurer concrètement de la sécurité des Français et d'éloigner les réfugiés qui représentaient une menace grave pour les Français n'était pas la priorité de ce gouvernement.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous avons donc anticipé en déposant des amendements de repli par rapport à l'amendement no 102 présenté par M. Schellenberger. Nous vous proposons ainsi quatre possibilités – et seulement quatre – , qui ne sont pas cumulatives, selon que la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France pour un crime, condamnée en dernier ressort en France pour un délit constituant un acte de terrorisme, condamnée en France pour un délit puni de deux ans d'emprisonnement ou, enfin, que sa présence constitue une menace grave pour la société française. Le dispositif prévu va décroissant au fil des amendements, pour se mettre, malheureusement, à votre niveau.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 104 rectifié .
Il s'agit d'un autre amendement de repli sur le même thème, pour nous assurer que des personnes qui constituent une menace pour la sécurité de nos concitoyens en France, mais aussi de nos concitoyens européens, puissent être exclues du statut de demandeur d'asile ou de réfugié si elles ont été condamnées en dernier ressort en France pour des crimes, pour des délits constituant des actes terroristes ou pour des délits punis de dix ans d'emprisonnement, et si leur présence sur notre sol constitue une menace grave.
C'est sans doute le plus léger de ces trois amendements et j'espère qu'il vous paraîtra acceptable. Il faut, en tout cas, que, dans le cadre de cet article, nous parvenions, pour notre pays qui se trouve au sein de l'espace Schengen, à aller plus loin pour exclure vraiment toutes les personnes qui, à un certain moment et d'une manière ou d'une autre, représenteront une menace grave pour nos concitoyens, à supposer qu'elles n'aient pas déjà violé la loi ou enfreint toutes ces règles.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 203 .
Cet amendement va dans le même sens que les trois précédents. Je voudrais, à ce propos, revenir sur une expression que j'ai entendue tout à l'heure : on a parlé de « fantasmes » qui lieraient inconsidérément terroristes et demandeurs d'asile. Or nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter de ce risque réel qu'un demandeur d'asile puisse, en réalité, nourrir d'autres desseins. Les Européens aussi s'inquiètent et font le lien entre l'afflux de réfugiés et le risque d'attentats. Un sondage réalisé en 2015 par un institut américain indique ainsi que, dans huit pays européens examinés qui représentent 80 % de la population européenne, la moitié au moins des personnes interrogées estiment que l'arrivée des demandeurs d'asile accroît le risque terroriste. Les Allemands, qui ont accueilli le nombre le plus important de migrants, sont 61 % à partager cette inquiétude, les Italiens 60 % et les Britanniques 52 %.
Face à ces inquiétudes légitimes, je propose, avec mon amendement, d'étendre les dispositions de l'article L. 711-6 à tout acte ayant entraîné ou causé une menace – et une simple menace suffit – pour la sécurité des Français.
Les amendements nos 435 et 450 sont un peu différents, mais je les présenterai en effet ensemble.
L'amendement no 435 entend durcir le droit en n'exigeant plus la condition cumulative prévue au 2° de l'article L. 711-6 et de modifier le 1° en proposant de ne plus accorder le statut de réfugié à une personne condamnée pour un crime ou un délit, quelle que soit la durée de la condamnation.
Quant à l'amendement no 450 , il tend, à conserver la notion de crime ou de délit relatif à un acte de terrorisme ou puni de plus de dix ans d'emprisonnement, ainsi que la condition cumulative de constituer une menace grave pour la société, en ajoutant les mots : « et dans les États avec lesquels existent des accords judiciaires internationaux ».
À titre d'illustration, nous proposons de refuser le droit d'asile à une personne qui aurait été impliquée dans un acte de terrorisme en Suisse ou qui aurait commis un acte de terrorisme ou y aurait participé, directement ou indirectement, en Israël.
Si donc ces deux amendements ont été réunis, ils ne disent pas la même chose.
L'article 4 transpose la directive « Qualification » qui introduit des dispositions plus sévères que le droit actuel dans notre droit français – plus sévères même que la convention de Genève – , précisément pour améliorer la sécurité du territoire et de nos concitoyens. Ne faites donc pas comme si le texte ne prenait pas en compte cet objectif de sécurité : c'est exactement le contraire. Avis défavorable pour tous ces amendements.
Il faut rester sérieux ; alors que nous parlons d'atteintes à la sécurité, vous évoquez subitement des faits punis de deux ans de prison ! Lorsque l'on prend de telles échelles, c'est qu'il ne s'agit, en fait, que d'affichage. Avis défavorable.
Chers collègues de la majorité, monsieur le ministre d'État, je ne comprends pas votre obstination à refuser ces amendements de bon sens, qui vont dans le sens de la protection de nos citoyens.
Approbations sur plusieurs bancs du groupe LR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Des peines punies de deux ans, c'est du bon sens ?
Je ne comprends pas non plus votre obstination à refuser de prendre en compte des personnes identifiées par nos excellents services de renseignement comme dangereuses – on l'a bien vu avec cette dramatique histoire de Trèbes, où les informations qui nous ont été communiquées indiquaient qu'il fallait entre dix et trente agents pour surveiller une personne, compte tenu de tous les appareils utilisés.
Aujourd'hui, pourquoi s'obstiner à ne pas prendre ces mesures excellemment décrites dans les amendements qui viennent d'être présentés et à ne pas faire en sorte que des personnes fichées comme extrêmement dangereuses et qui ne sont pas françaises quittent le territoire ?
Ce sont des amendements de bon sens. Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à garder ces personnes ou à en recevoir d'autres, alors qu'on sait parfaitement qu'elles représentent déjà un danger. Nous avons assez à faire pour surveiller tous nos concitoyens signalés dans vos fichiers sans nous encombrer – pardonnez-moi de le dire – de personnes qui n'ont pas la nationalité française, n'ont aucune vocation à rester sur notre territoire et ne font pas preuve d'intégration, puisqu'elles sont repérées comme particulièrement dangereuses et radicalisées. Cela me semble être du bon sens.
Un simple rappel de ce que nous disons depuis de nombreuses heures dans cet hémicycle : les confusions et les amalgames vont bon train, que ce soit de la part de Mme Boyer ou de celle de Mme Ménard. C'était d'abord la confusion entre réunification et regroupement familial, et nous en revenons maintenant à la confusion entre demandeurs d'asile, réfugiés et prétendus terroristes. Cela est absolument faux et relève de la culture de la peur que vous essayez d'insuffler et de diffuser largement dans la société.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Enfin, on trouve même dans l'exposé sommaire qui accompagne l'amendement de Mme Ménard une référence à la morale chrétienne pour justifier le titre de la demande d'asile. Je vous rappelle que nous vivons dans un État laïc et qu'il n'y a pas de confusion entre les droits fondamentaux et quelque religion que ce soit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous rappelle aussi que vous n'avez pas le monopole de la sécurité et qu'à l'échelle européenne, les États luttent ensemble contre le terrorisme, tout en travaillant – ce qui n'a rien à voir – à l'harmonisation du droit d'asile. Ce texte va dans le sens des procédures européennes et de l'harmonisation. Les seuls États européens qui diffusent des propos de haine tels que les vôtres sont ceux qui portent atteinte à l'État de droit. Nous ne laisserons pas faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous voyons bien, à travers cette série d'amendements, que le Gouvernement a ouvert une boîte de Pandore. L'article en question suppose que la législation actuelle ne suffirait pas à empêcher un terroriste d'obtenir le droit d'asile ; or, il faut le répéter sans cesse, l'article L. 711-6 le permet déjà. La preuve en est que plus de 250 personnes se sont vu refuser le droit d'asile par l'OFPRA ; donc cela se fait. Du reste, qu'on nous montre un seul demandeur d'asile ayant commis un acte terroriste dans ce pays depuis des années : il n'y en a pas ! C'est un fantasme que l'on agite.
Par ailleurs, je plains les Républicains. Vous êtes en train de tomber dans le piège que l'on vous tend en vous extrémisant toujours plus. Selon vous, il ne suffirait pas d'écrire une fois « Attention, acte terroriste ! » dans ce texte ; il faudrait l'écrire deux fois, faute de quoi la majorité serait présumée laxiste sur cette question. Vous êtes en train d'agiter des fantasmes absolument terribles. Les grands gagnants de cette histoire sont là-haut, tout en haut : en dernière instance, en Europe, à chaque fois qu'on a agité ce genre de choses, ce n'est pas la droite républicaine qui a gagné, mais l'extrême droite !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et NG.
Mme Boyer parle de bon sens. Je ne sais pas si le populisme est du bon sens, madame Boyer !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Depuis le début de débat, vous essayez, avec M. Ciotti et d'autres, de vous servir de ce texte comme d'un épouvantail. Je tiens à rappeler que le droit actuel est déjà assez fort et assez strict en matière d'octroi de la demande d'asile : un certain nombre de dispositions prévoient déjà la menace grave pour la sûreté de l'État.
L'article 4 durcira ces conditions d'octroi. Il sera possible pour l'administration de diligenter des enquêtes administratives et de consulter des fichiers intéressant la sécurité intérieure. Les mesures que vous proposez ne relèvent donc que du populisme et ne servent qu'à attiser les peurs. Vous suivez cette tactique depuis le début de l'examen de ce texte, et nous ne pouvons donc accepter vos amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Rappel au règlement
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement. Je serai vigilante sur son objet : il doit s'agir d'un véritable rappel au règlement, monsieur le député !
Oui, madame la présidente, et j'espère que la même vigilance s'impose à nos autres collègues !
Je suis obligée de durcir un peu le ton parce que l'usage devient un peu intempestif !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Bien sûr, mais pas uniquement vis-à-vis des élus du Front national, madame la présidente !
L'article 70 vise tout député « qui se livre à des manifestations troublant l'ordre ou qui provoque une scène tumultueuse » : c'est ce qu'a fait notre collègue Dubost !
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Oui ! C'est une scène tumultueuse qui a été provoquée, car il y a une mise en cause personnelle ! Cette mise en cause doit cesser ! Nous, nous protégeons les Français ! C'est notre boulot, nous avons été élus pour cela. Assumez le fait que ce n'est pas le vôtre ! Assumez-le ! Vous ne souhaitez pas protéger les Français : nous en faisons la démonstration et vous provoquez, pour vous cacher, des scènes tumultueuses !
Applaudissements parmi les députés non inscrits et sur quelques bancs du groupe LR. – Nouveaux rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Article 4
Je souhaite vraiment que Mme la rapporteure m'éclaire, si elle le veut bien. Je comprends sa position sur l'amendement no 435 : nous avons simplement une différence d'appréciation.
Mais sur l'amendement no 450 , je ne comprends pas sa position. Ce n'est ni du populisme, comme cela a été évoqué, ni un excès de dureté. Nous reprenons simplement le libellé de votre projet, en conservant le délit constituant un acte de terrorisme, ainsi que la notion cumulative d'une menace grave pour la société. Nous proposons simplement de l'étendre aux États liés à la France par des accords judiciaires internationaux. Cela me paraît vraiment la moindre des choses et vraiment réaliste ! Je ne comprends absolument pas votre position sur cette question. De plus, vous n'expliquez pas pourquoi vous le refusez.
« C'est cela, oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM
que nous sommes pourtant en droit de mener dans un État de droit. Nous devons nous armer avec les outils qu'offre l'État de droit pour lutter contre le terrorisme. Vous faites preuve de laxisme et surtout de naïveté quant à la manipulation de notre droit. Générer des délais, rester sur le territoire, profiter de ce délai pour porter atteinte à la société française, voilà ce qui est grave et ce contre quoi nous ne sommes pas armés en l'état actuel du droit.
Je ne vois pas ce qu'il y a de scandaleux à considérer que, par principe, l'on puisse refuser le droit d'asile à une personne condamnée en France alors qu'elle est demandeuse d'asile ou réfugiée. Un demandeur d'asile ou un réfugié est sous la protection de la République ; il doit respecter les règles de la République.
Nous allons examiner un peu plus loin des mesures autorisant l'OFPRA à consulter des fichiers. Mais si l'OFPRA n'a qu'une autorisation de consultation et que l'inscription de certains demandeurs dans ces fichiers, notamment le FSPRT, ne peut pas être utilisée pour refuser le droit, alors à quoi lui sert-il de pouvoir consulter le fichier ?
C'est bien là le coeur de la discussion. Il faut rendre notre droit opérant et efficace, et non pas créer des outils qui nous lanceront dans des procédures juridiques invraisemblablement complexes, qui auront pour effet de rallonger les délais de traitement quand vous dites avoir pour objectif de les raccourcir, monsieur le ministre d'État.
Pour répondre à ma collègue Dubost, je vais reprendre mon exposé sommaire.
« Accorder l'asile à une personne persécutée dans son pays est une obligation morale. Plus qu'une obligation morale, elle est l'un des fondements de notre civilisation chrétienne. »
J'assume complètement mon propos et si Mme Dubost est honteuse de notre civilisation, ce n'est pas mon cas.
Mme Dubost m'explique ensuite que je fais une confusion entre droit d'asile et statut de réfugié. Dont acte.
Oui, je m'en suis expliquée tout à l'heure. Quant à agiter les peurs, je n'ai pas besoin de vous rappeler les chiffres des inquiétudes de nos concitoyens européens, que j'ai également rappelés tout à l'heure.
Les amendements nos 102 rectifié , 103 , 104 rectifié , 203 , 435 et 450 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les précédents. Les sociétés française et européenne sont face à une menace nouvelle, le terrorisme, qui participe largement à la construction du flux migratoire. Nous ne refusons pas ces flux – protéger par le droit d'asile est un honneur pour la France – mais il n'y a pas lieu non plus de nous désarmer face à une menace qui exploite et instrumentalise ces flux pour s'attaquer à une vision de notre société. Le présent amendement vise donc à consolider la protection de notre société européenne vis-à-vis de cette nouvelle menace de l'ordre mondial.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement no 543 .
Bien que le texte prévoie de refuser le statut de réfugié à un demandeur ayant fait l'objet d'une condamnation dans un État membre de l'Union européenne, il occulte d'autres pays de notre continent : l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège – tous trois membres de l'Espace économique européen – et la Suisse. Ces quatre pays ont une législation et des valeurs démocratiques similaires à celles des membres de l'Union européenne et sont également exposés aux problématiques de l'asile et de l'immigration.
Il n'y a rien de scandaleux à intégrer ces quatre pays dans le champ de cet article, car leur candidature ou adhésion à l'Union européenne a déjà été étudiée. Ces pays ont, du reste, des partenariats très étroits avec l'Union européenne sur toutes les questions relatives à l'asile et à l'immigration.
En commission, il m'avait été indiqué que l'on ne pouvait pas intégrer ces pays du fait de leur appartenance à un espace qui n'est qu'« économique ». Pourtant, ces quatre pays sont concernés par les dispositions de ce projet de loi, dans l'article 24 relatif aux documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs, et dans l'article 34 relatif aux dispositions de coordination des mesures du texte.
Il s'agit donc d'un amendement de bon sens : tout demandeur ayant fait l'objet d'une condamnation grave en Suisse, en Islande, au Liechtenstein ou en Norvège pourrait se voir refuser le statut de réfugié en France. Je crois pouvoir compter sur votre compréhension.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cet amendement vise à étendre la faculté pour l'OFPRA de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié en cas de condamnation pour des faits graves prononcée par un État qui n'est pas membre de l'Union européenne mais dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au regard de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales.
Je sais qu'en commission s'est tenu un débat sur la notion de « pays sûr ». Vous avez cité les pays non-membres de l'Union européenne qui sont dans notre sphère, mais des pays comme le Canada, les États-Unis ou le Japon pourraient également y prétendre.
Notre groupe propose donc la rédaction suivante : après le mot « européenne », il convient d'insérer les mots : « , ou dans un État tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'État, des États dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, ». Nous nous inspirons de la définition d'un État sûr dans le cadre du CESEDA. Le fait de renvoyer à un décret en Conseil d'État permet d'associer l'ensemble des ministères à la définition de ces États.
Je vous remercie beaucoup pour cette proposition, qui va en effet dans le sens de la protection en prenant en compte les principes de convergence dans les politiques d'un certain nombre d'États. Pouvoir fixer cette liste par décret en Conseil d'État est une bonne proposition. J'émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 262 et 543 et un avis favorable sur l'amendement no 25 .
Même avis que Mme la rapporteure.
Je suis content de l'effort d'ouverture que vous faites. Vous reconnaissez ainsi un certain besoin de raffermissement de cet article pour le rendre réellement effectif dans un contexte mondial. Dans l'espace Schengen, les flux ne tiennent pas compte des frontières, qui sont malheureusement très poreuses – parfois trop – , mal surveillées ou mal protégées de ces dangers.
Notre collègue propose d'intégrer certains pays non-membres de l'Union européenne mais dont nous devons impérativement tenir compte, car une personne dangereuse au Liechtenstein le sera également en Suisse, en Allemagne ou en France. Votre collègue de votre groupe fait le même constat, alors qu'on ne peut pas, au vu de ses prises de positions depuis le début, le taxer d'être un dangereux extrémiste. C'est donc juste une question de bon sens : il nous arrive parfois d'avoir raison ! Vous pouvez donc tout à fait soutenir nos amendements.
Il s'agit là d'un des nombreux angles morts que nous mettons en lumière depuis de très nombreux jours, de très nombreuses heures, et encore ce matin. Les députés de tous les bancs, après avoir déposé des amendements en ce sens en commission, ont dû en déposer à nouveau en séance pour raffermir les positions du Gouvernement et passer outre les frontières de l'espace Schengen et de l'Union européenne.
Je salue, madame la rapporteure, la vision qui vous a incitée à émettre un avis favorable. Je regrette simplement que vous ne l'ayez pas eue sur l'amendement de mon collègue Masson, qui poursuivait le même but. Mais peut-être cet amendement venait-il d'une droite trop à droite et non d'une droite trop à gauche ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 543 est retiré.
Je confirme l'intérêt du groupe REM pour l'amendement no 25 , qui me semble prolonger les discussions en commission des lois et partager les objectifs formulés par notre collègue.
L'amendement no 262 n'est pas adopté.
L'amendement no 25 est adopté.
M'exprimant pour la première fois sur ce sujet, je voudrais rappeler que le CESEDA comporte déjà tous les outils permettant de mettre fin au statut de réfugié ou de le refuser. L'article 4 a pour seule fonction de multiplier les motifs légaux de retrait ou de perte de ce statut et de rapprocher le droit de l'immigration du droit pénal, ce qui traduit un drôle d'esprit. En effet, vous durcissez la loi et cela devrait vous satisfaire.
Avec notre amendement de repli, nous cherchons à temporiser les effets de cet article. À défaut d'harmonisation pénale au sein de l'Union européenne, cet article ouvre la voie à des pertes ou des refus du statut de réfugié en raison d'actes qui ne sont pas reconnus comme des crimes ou des délits par le droit français. Nous estimons qu'il est d'ordre public que le droit pénal français prime sur les droits pénaux européens en cas de divergence.
Cet amendement permettrait de prendre en compte les conditions de définition des crimes et des délits dans l'Union européenne qui existent dans le droit français, c'est-à-dire à permettre au droit français de s'exercer prioritairement.
Avis défavorable. L'OFPRA bénéficie d'une vraie marge d'appréciation de ces convergences d'un point de vue européen. Je vous rappelle qu'on parle ici de faits susceptibles de représenter une menace grave pour la société : je ne pense pas que cela puisse désigner un blasphème, par exemple. Faisons confiance aux officiers de l'OFPRA.
Même avis défavorable.
Il s'agit tout de même de crimes et de délits. Je pense qu'en précisant par la loi de quoi il s'agit et sous quelles conditions on peut et on doit retirer le statut nous faciliterions le travail des agents de l'OFPRA. Ils ne demandent que ça et c'est pour ça que nous sommes là.
Vous semblez favorable à une harmonisation pénale au niveau européen. Voter ce genre de mesures nous donnerait matière à plaider en faveur de cette harmonisation au niveau européen. Loin donc d'aggraver les difficultés actuelles, cela réduirait celles auxquelles se heurtent les agents de l'OFPRA et préciserait l'action qui évolue par cet article.
Je n'ai entendu aucun argument qui justifierait qu'on s'y oppose, à part le refus sectaire de voter en faveur d'un de nos amendements, en parfaite contradiction avec l'objectif que vous prétendez poursuivre de renforcer les moyens de l'OFPRA. C'est pourquoi j'appelle mes collègues à voter en faveur de cet amendement.
L'amendement no 895 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 464 .
Cet amendement de M. Aubert que nous sommes plusieurs à avoir cosigné, concerne le statut de réfugié.
Ce statut peut être refusé ou retiré lorsque « la personne constitue une menace grave pour la sûreté de l'État » ; lorsque « la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société ». Ainsi, si un individu condamné pour un acte de terrorisme ou par une peine de dix ans d'emprisonnement qui ne constituerait pas une menace grave pour la sûreté de l'État ne pourrait pas, en vertu de la loi, se voir retirer son statut de réfugié.
Le statut de réfugié est protecteur et généreux ; il appelle ceux qui en bénéficient à la plus grande exemplarité, vous en serez d'accord avec nous, monsieur le ministre d'État. Voilà pourquoi cet amendement tend à faire en sorte de refuser ou de retirer la qualité de réfugié à tout individu qui serait condamné en dernier ressort pour tout crime ou tout délit, quelle que soit la durée d'emprisonnement. À cet effet, il supprime la condition de « menace grave pour la société » et de durée d'emprisonnement minimale qui figure au deuxième alinéa de l'article.
Supprimer la condition cumulative serait contraire à la directive dont nous assurons la transposition. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 464 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements, nos 248 troisième rectification, 646 deuxième rectification et 874 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 646 deuxième rectification et 874 deuxième rectification sont identiques.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l'amendement no 248 troisième rectification.
Cet amendement tend à lutter contre les amalgames en refusant le statut de réfugié ou en y mettant fin pour ceux qui seraient condamnés pour un délit dans notre pays. La France s'honore en accordant le statut de réfugié à ceux qui sont en danger et qui en ont besoin ; elle peut s'attendre en retour à ce que ceux qui bénéficient de ce statut respectent la loi française.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 646 deuxième rectification.
Actuellement, une condamnation en dernier ressort pour des faits criminels ou délictueux à caractère terroriste ou punis de plus de dix ans de prison et menaçant la société peut justifier le retrait de la protection si elle est prononcée en France. L'article 4 du présent projet de loi étend cette possibilité aux cas de condamnations de même nature intervenues dans un autre État de l'Union européenne.
Si cette disposition va dans le bon sens, elle demeure largement insuffisante. Le présent amendement propose d'aller plus loin en permettant à l'OFPRA de refuser d'accorder le statut de réfugié ou d'y mettre fin lorsque la personne concernée a été condamnée à deux ans d'emprisonnement. Il s'agit de renforcer la sécurité, comme nous le devons à nos concitoyens.
La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l'amendement no 874 deuxième rectification.
Cet amendement vise à étendre le champ d'application de l'article L. 711-6 du CESEDA en créant la possibilité pour l'OFPRA de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin lorsque la personne condamnée a été condamnée à deux ans d'emprisonnement au lieu de dix actuellement.
Certes, la France doit rester une terre d'accueil. Cela fait partie de notre ADN politique, consubstantiel à notre devise : liberté, égalité, fraternité. Mais le droit d'asile doit être l'expression de la force de nos valeurs et non pas un signe de la faiblesse de notre loi. C'est pourquoi les réfugiés qui violent notre loi, qui commettent des délits ou des crimes de manière grave ou répétée n'ont pas de place dans notre pays, et qu'ils soient des réfugiés n'y change strictement rien.
Nous avons tous en mémoire cette vague d'agressions en Allemagne au nouvel an 2016, impliquant 1 500 personnes pour la seule ville de Cologne, principalement des demandeurs d'asile et des immigrés en situation illégale. C'est une triste réalité, et ce n'est pas acceptable.
Les premières victimes, ce sont les vrais réfugiés, les réfugiés politiques que nous devons, pour certains, accueillir. C'est pourquoi j'estime que nous devons aller plus loin, resserrer les mailles du filet pour renforcer la sécurité de nos concitoyens et redonner toute sa noblesse au droit d'asile. L'objectif d'harmonisation européenne ne résiste pas à l'analyse. D'ailleurs, le Président de la République a rappelé avec force et clarté, le 19 octobre dernier, devant le Conseil européen, que la vocation de l'Europe était de protéger, pas d'unifier en s'alignant sur le plus petit dénominateur commun. C'est ce qu'attendent les Français.
Je crois qu'il faut rester dans le cadre de la directive et garder l'exigence d'une menace grave et d'un crime grave. L'avis est donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Les amendements nos 248 troisième rectification, 646 deuxième rectification et 874 deuxième rectification, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l'amendement no 717 rectifié .
En cohérence avec le précédent amendement, celui-ci apporte plusieurs modifications rédactionnelles afin de renforcer la faculté, pour l'administration, de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié en cas de condamnations pour des faits graves, comme des faits de terrorisme, prononcées en France ou dans un autre pays de l'Union européenne.
Même cohérence : défavorable.
L'amendement no 717 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 105 rectifié .
Cet amendement vise à simplifier la rédaction actuelle de l'article L. 711-6 du CESEDA en supprimant la qualification de « grave » à la notion de menace qui est cumulative à la peine d'emprisonnement d'un demandeur d'asile ou d'un réfugié pour qu'on puisse lui refuser le statut ou le lui retirer.
Permettez-moi, madame la rapporteure, de préciser votre lecture de l'article. Vous avez dit qu'on pouvait refuser le statut de réfugié en cas de crime grave ou lorsqu'il y a une grave menace. La rédaction actuelle de l'article L. 711-6, ce n'est pas du tout ça : c'est pour un crime dans tous les cas et un délit si la peine d'emprisonnement est supérieure à dix ans. Un délit sanctionné de plus de dix ans d'emprisonnement, il faut qu'on en discute, et cette condition est cumulative avec la notion de menace. Le caractère cumulatif me semble suffisamment fort pour qu'on puisse s'épargner, pour la qualité de notre droit, la qualification de cette menace de « grave ».
Je crois que la rédaction de l'article est suffisamment précise. Donc avis défavorable.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de la séance.
J'avais cru voir un amendement de notre collègue Typhanie Degois, qui visiblement a sauté. Je voulais simplement le signaler. C'est dommage, on aurait pu se pencher sur cet amendement mais il a sauté par un jeu absolument merveilleux dont la République en marche connaît peut-être les règles.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Article 4
Si j'ai déposé l'amendement no 105 rectifié , madame la rapporteure, ce n'est pas parce que l'article L. 711-6 n'est pas assez précis mais parce que sa rédaction est tautologique : pour un demandeur d'asile, l'existence d'une menace cumulée à une peine d'emprisonnement devrait suffire à lui refuser ce droit. De surcroît, que cette menace soit qualifiée de « grave » me semble superfétatoire. C'est pour cela que j'ai déposé cet amendement, non parce que la rédaction de cet article serait insuffisamment précise mais parce qu'en l'occurrence, une telle précision ne se justifie pas.
L'amendement no 105 rectifié n'est pas adopté.
Cet amendement vise à étendre le champ d'application de l'article L. 711-6 du CESEDA en créant la possibilité, pour l'OFPRA, de refuser ou de retirer le statut de réfugié dès lors que la personne concernée est inscrite au FSPRT. À vrai dire, je ne comprends même pas qu'une telle disposition, écartée en commission des lois, fasse l'objet d'un débat.
Mes chers collègues, depuis 2015, 250 personnes ont perdu la vie sur notre sol, victimes du terrorisme islamiste. Après chaque attentat ou presque, on annonce benoîtement que l'auteur est fiché pour radicalisation. Cela fut vrai pour l'école Otzar Hatorah à Toulouse en 2012, cela fut vrai avec Charlie Hebdo, l'Hyper-casher, l'attaque du Thalys, le projet d'attentat contre l'église de Villejuif, les assassins du Père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray et tant d'autres…
L'attentat du Super U de Trèbes nous a montré que le risque terroriste reste à un niveau élevé.
En France, la tradition du droit d'asile est ancienne. Nous devons rester une terre d'asile et fidèles à cette tradition qui honore notre pays, qui fait partie intégrante de son identité politique. Il est vrai qu'un signalement n'implique pas un passage à l'acte.
Il est vrai que la loi prévoit déjà la possibilité de refuser ou de retirer la protection s'il existe des raisons sérieuses pour considérer la personne comme représentant une menace grave pour la sécurité de l'État. Il est vrai que le projet prévoit un élargissement du champ d'application de l'article. Mais ce n'est pas assez ! Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque ! Ma compassion va aux victimes, pas aux terroristes potentiels. Notre pays, monsieur le ministre d'État, n'a pas vocation à accueillir et à abriter des islamistes radicalisés, même légèrement radicalisés, en attendant qu'ils passent du statut de « danger potentiel » à celui de « menace concrète ».
Si tel est déjà le cas, comme vous le direz, inscrivons alors cette disposition dans le marbre de la loi ! C'est le bon sens : il faut d'abord protéger nos concitoyens !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cet amendement est identique à celui que notre collègue Meyer Habib vient de défendre excellemment.
Le principe est clair : la protection de nos concitoyens supplante toutes les autres considérations.
Nous examinons les conditions d'accès à l'asile, monsieur le ministre d'État, et nous demandons simplement que pour y prétendre, il ne faille pas représenter une menace terroriste pour notre pays. Les personnes inscrites au FSPRT sont considérées par nos services comme présentant une menace – ce n'est pas vous qui allez remettre en cause la qualité de nos services. Vingt mille personnes sont inscrites sur ce fichier, dont 3 000 étrangers. Lorsqu'une personne qui y figure bénéficie du statut de réfugié ou qu'elle sollicite ce statut, il est totalement pertinent, légitime, cohérent qu'il lui soit refusé ou qu'elle en soit exclue parce qu'elle représente une menace pour notre nation. On ne peut pas venir demander à un pays sa protection et, en même temps, le menacer ! C'est totalement incompatible et incohérent ! J'ai du mal à comprendre pourquoi vous refusez d'accéder à cette demande de bon sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous avons déjà longuement débattu de cette question. Le ministre d'État a été assez clair quant à la protection du territoire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Avis défavorable à ces deux amendements.
Je remercie M. Habib d'avoir souligné l'efficacité du Gouvernement. Avis défavorable.
Le droit positif prévoit que l'OFPRA puisse refuser ou retirer la protection à quelqu'un qui représenterait une menace grave. D'une certaine manière, ce que vous demandez est satisfait.
Dans le cadre des discussions à venir, mon groupe proposera un amendement visant à faciliter les criblages administratifs de façon à lever des doutes quant à ceux qui se situeraient en haut du spectre, qui représenteraient le danger le plus important.
Vous avez rappelé que le FSPRT est un fichier de signalements, et vous demandez une automaticité d'exclusion ou de refus pour ceux qui y figurent. Or, dès lors que ce fichier est constitué par des signalements, il suppose des doutes, ce qui rend impossible de procéder comme vous le voulez.
D'une certaine manière, c'est comme si aujourd'hui, depuis le commencement de nos travaux, nous doutions, nous nous demandions si certains d'entre vous ne seraient pas tentés par un rapprochement avec le Front national alors qu'il subsiste un doute !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
J'aimerais que l'on revienne à des arguments de fond. Le sujet est suffisamment grave pour que vous cessiez de mobiliser des arguments qui n'en sont pas. L'extrême gauche, tout à l'heure, vous a soutenus et vous avez voté avec elle les trois premiers articles.
On ne vous accuse pas pour autant de connivence, alors, s'il vous plaît, un peu de mesure. Le sujet est suffisamment grave puisqu'il concerne le terrorisme.
Madame Guévenoux, vous nous dites que le doute doit bénéficier à ceux qui représentent une menace. Nous, à l'inverse, nous considérons qu'il doit bénéficier aux Français qui ont besoin d'être protégés contre le terrorisme. Votre argumentation est absolument incohérente et je dirais même qu'en un sens, elle est scandaleuse.
Ce qui est scandaleux, c'est votre conception de la justice française !
Dire que le doute doit bénéficier à celui qui représente une menace pour la France, c'est laisser planer un doute insupportable, inacceptable, intolérable contre notre pays. Le principe de précaution doit s'appliquer en matière de terrorisme ! Quelqu'un qui représente une menace et qui sollicite la protection de la France n'a pas sa place en France !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme nous l'avons dit toute la matinée, nous voulons que cette loi soit adoptée pour assurer la sécurité de nos concitoyens, mais nous pensons que celle-ci sera d'autant mieux assurée que nous aurons des accords internationaux, que nous travaillerons avec l'Europe, que nous travaillerons avec les autres pays.
J'entends les propositions faites de la part d'un parti qui se dit d'opposition – je ne sais pas si l'ensemble du parti est concerné : « Voilà ce que nous voulons faire, nous ! Nous nous excluons de toute règle constitutionnelle, de tous les accords internationaux, de tout droit européen ». À ce moment-là, je ne suis pas sûr que nous serons mieux protégés.
Le rétrécissement peut d'ailleurs aller très loin. Dans ma région – j'aurais pu m'en féliciter – , j'ai vu passer une « clause Molière » selon laquelle les marchés publics devaient être réservés à son seul périmètre.
Vous voyez, le monde peut se rétrécir et devenir tout petit petit ! Nous ne considérons pas, quant à nous, qu'il faille penser de la sorte !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons commencé cette séance de la matinée avec la ferme volonté de discuter sereinement d'un texte qui nous semble important. Pourtant, vous reproduisez ce qui nous conduit nécessairement à ne pas accepter le carcan dans lequel vous voulez nous enfermer.
Monsieur le ministre d'État, madame Guévenoux, nous discutons d'une disposition importante pour nous et, à des questions précises, fondées, vous répondez par des effets de manche !
Comment voulez-vous, dès lors, que nous discutions sereinement ? Vous caricaturez certains points quand vous ne dites pas des choses inexactes !
Madame Guévenoux, vous dites que l'automaticité est une dérive autoritariste. C'est faux, pour une simple et bonne raison : vous avez rejeté les amendements que nous avons déposés en début d'article visant à transformer la possibilité donnée à l'OFPRA en une obligation. Nous restons donc toujours sous le régime de la possibilité.
Nous ouvrons seulement une possibilité supplémentaire avec l'inscription au FSPRT. Dans la rédaction de l'amendement, l'OFPRA pourrait toujours s'opposer au refus de l'asile même si le demandeur est inscrit au FSPRT.
De plus, cet amendement vise à sécuriser la procédure, car il ne sert à rien d'autoriser l'OFPRA à consulter le FSPRT si elle ne peut en justifier pour refuser d'accorder le droit d'asile.
Une précision : vous considérez, monsieur Ciotti, que la mesure que vous proposez est de bon sens mais en fait, elle n'a pas de sens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas moi qui le dis, ce n'est pas Mme Guévenoux, ce n'est pas la rapporteure, ce n'est pas le ministre d'État : c'est M. Péchenard, …
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous voulez une expulsion automatique des fichés S, or il a très bien expliqué que cette mesure n'a pas de sens. Pourquoi ? Mme Guévenoux l'a rappelé, être fiché S ne constitue pas une preuve. Nous en avons discuté tout à l'heure, il s'agit d'un fichier de renseignement. Ce n'est donc pas une mesure de bon sens que vous proposez mais une mesure insensée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Votre propos ne me rassure pas, mon cher collègue. Vous avez rapporté la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme et j'en suis, comme vous et Mme la présidente, rapporteur d'application. Vous confondez le fichier des personnes recherchées, comprenant les catégories S, avec celui des personnes signalées pour radicalisation terroriste. Cette précision est tout de même importante à souligner.
M. Péchenard a fait part de son opposition au placement en rétention administrative – pas forcément d'ailleurs pour les seuls étrangers, mais pour tous ceux qui représentent une menace pour le territoire. Personnellement, je soutiens une telle mesure, mais ce n'est pas l'objet du débat.
De quoi parlons-nous en l'occurrence ? Il ne s'agit pas d'expulser quelqu'un. Nous sommes face à la demande d'un étranger qui arrive sur notre territoire, qui sollicite l'obtention de ce statut noble et protecteur de l'asile. Mon collègue Raphaël Schellenberger a absolument raison : l'OFPRA peut considérer qu'au vu du FSPRT, ce dernier représente une menace pour notre pays et nos concitoyens, un « doute », comme dit pudiquement Mme Guévenoux. Eh bien, face à ce doute, face à ce risque de menace, on lui oppose le refus de ce statut ! Nous considérons que ceux qui en bénéficient aujourd'hui doivent en être exclus s'ils représentent une menace pour la nation.
Oui, c'est une mesure de bon sens que nous assumons ! Assumez, quant à vous, votre position, dont vous aurez peut-être malheureusement, un jour, à rendre compte !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre d'État, je ne doute pas de votre volonté absolue d'assurer la sécurité des Français, mais soyons honnêtes. Pour la majorité, le doute doit profiter à la personne, au motif qu'elle ne commettra peut-être aucun délit. Moi, je voudrais que ce doute profite aux victimes potentielles. Si cette disposition permet d'épargner la vie ne serait-ce que d'un Français, si elle permet d'éviter ne serait-ce qu'un attentat, il faut la voter. C'est ce que les Français attendent de nous.
Ma conviction absolue, c'est que nous n'avons pas à battre notre coulpe. Notre pays a une tradition d'accueil et nous devons la maintenir, mais nous devons aussi fixer des limites : c'est pour cela que nous légiférons aujourd'hui. En l'espèce, le doute doit profiter aux Français, et non à l'auteur potentiel d'un attentat.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly