La réunion débute à 14 heures 10.
Présidence de Mme Laurence Vichnievsky, Vice-présidente.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n° 911) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, Mme Yaël Braun-Pivet et M. Marc Fesneau, rapporteurs).
Nous reprenons l'examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace. Il a été décidé hier soir que deux minutes de temps de parole seraient accordées à l'auteur de chaque amendement et qu'une fois donné l'avis du rapporteur, une minute serait accordée par intervenant et par groupe en réponse.
Avant l'article 1er (suite) :
La Commission examine l'amendement CL927 de M. André Chassaigne.
Madame la présidente, nous nous sommes arrêtés hier soir à l'amendement CL643. L'amendement CL645 n'a pas été mis au vote.
L'amendement CL645 a été appelé. Si jamais il y a eu un malentendu vous aurez évidemment tout loisir de le redéposer en séance publique.
L'amendement CL927 a pour objet de créer un véritable référendum d'initiative populaire.
Le référendum d'initiative populaire, présenté comme une innovation fondamentale de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, était censé impliquer davantage les citoyens dans le processus législatif afin de leur permettre de s'approprier, en partie à tout le moins, les choix politiques.
Or, la procédure de l'article 11 de la Constitution, bien en deçà des espérances, n'a de référendum d'initiative populaire que le nom. Elle correspond davantage à un droit de pétition contraignant le Parlement à examiner un texte qu'à une nouvelle modalité de consultation référendaire. En outre, les conditions posées s'apparentent à un véritable parcours du combattant qui empêchent in fine l'organisation d'un référendum.
Par cet amendement, nous proposons donc l'instauration d'un véritable référendum d'initiative populaire afin de renforcer et d'amplifier la souveraineté directe du peuple. Je n'oublie jamais que j'ai été élu avec une idée simple : faire entrer la voix du peuple à l'Assemblée nationale, faire entendre la voix des territoires et faire en sorte que leurs préoccupations trouvent leur traduction dans nos amendements.
Nous avons déjà évoqué la question du référendum d'initiative populaire. Vous savez à quel point nous sommes attachés au fait d'entendre la voix des citoyens, par le biais de consultations qui peuvent prendre la forme de pétitions mais pas seulement. Nous proposons d'organiser cette consultation citoyenne tout au long de l'année grâce à une refondation profonde du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ce peut être l'organe adéquat pour traiter les pétitions aujourd'hui examinées par la commission des Lois de façon insatisfaisante. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.
Je ne suis ni enthousiasmé ni convaincu par les explications de notre rapporteure. Le flou artistique et juridique qui entoure la réforme du CESE n'emporte pas notre conviction. Je pense notamment à la place des organisations de jeunesse et à leur capacité à apporter une contribution pertinente à la vie publique. Nous savons à quel point il est un enjeu majeur de réduire la fracture qui se creuse chaque jour un peu plus entre la puissance publique et nos concitoyens, notamment les plus jeunes.
Dans cet amendement, il s'agit d'autre chose. Nous souhaitons permettre à 500 000 électeurs inscrits sur les listes électorales d'être à l'initiative de la loi et de coconstruire avec nous la législation.
Il faudrait peut-être lire les amendements déposés par les groupes du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM) et de La République en Marche (LREM) avant de dire que ce que nous imaginons pour le nouveau CESE est flou. Cela vous donnera déjà des éléments d'information sur ce que pourrait être ce nouveau Forum de la République – institution pivot de débat public et de participation citoyenne s'inscrivant dans le long terme.
Cet amendement est important. Nous débattons d'un projet de révision constitutionnelle. Devons-nous maintenir le dispositif de l'article 11 de la Constitution alors qu'il ne permet pas le recours au référendum ? On le sait très bien : les seuils fixés pour recourir au référendum d'initiative partagée sont tels que ce mécanisme n'a jamais fonctionné.
Indépendamment du projet de réforme du CESE que vous défendez par ailleurs et que je respecte totalement, il me paraît nécessaire que les députés s'interrogent sur les outils donnés par la Constitution. Celui-ci, de toute évidence, n'est pas pertinent. Ce que proposent les auteurs de l'amendement, c'est un référendum qui fonctionne. Cela ne veut pas dire que l'on va marcher à coups de référendums, mais nous sommes élus au suffrage universel et le député doit favoriser le lien avec le citoyen.
Vous avez raison de dire que le dispositif constitutionnel n'est pas le bon, en ce que les seuils fixés sont trop élevés pour permettre le recours effectif au référendum. Le principe du référendum d'initiative partagée entre les parlementaires et les citoyens me semble vraiment pertinent.
La Commission rejette l'amendement CL927.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement CL321 de M. Paul Molac et les amendements identiques CL1027 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et CL1124 de M. Michel Castellani.
Sous la précédente législature, j'avais écrit un rapport dans lequel j'écrivais que la procédure de référendum d'initiative partagée serait inefficace. Il ne fallait pas être devin tant c'était prévisible.
Je rejoins M. Jumel quant au fait que nous sommes là pour représenter les gens au milieu desquels nous vivons, dont nous connaissons les besoins et les attentes, et pour être en même temps la voix de nos territoires. Comment, à l'heure où de plus en plus de citoyens veulent prendre part à la chose politique, leur en donner les moyens ? Il y a un gouffre entre une démocratie représentative – où des gouvernants prennent le pouvoir à un moment donné et se trouvent « seuls aux manettes » jusqu'à leur retour devant les urnes – et un peuple qui, lui, voudrait aller vers plus de démocratie directe. À l'heure d'internet, c'est sans doute l'un des mouvements de société les plus importants.
Je défendrai conjointement l'amendement CL321 et l'amendement CL1484, qui vient en discussion un peu plus loin. Le premier permet à un groupe parlementaire – au lieu d'un cinquième des membres de Parlement – de demander un référendum. Le second fixe un délai de six mois pour l'organisation de ce référendum, le Parlement étant ensuite chargé de rédiger une loi sur la question posée.
La rapporteure vient d'indiquer qu'elle s'interrogeait sur les seuils qui empêchent le déclenchement du référendum prévu à l'article 11 de la Constitution. Notre amendement CL1027 vise précisément à revenir sur ces seuils.
L'amendement CL1124 vise à ce que le référendum d'initiative partagée puisse être déclenché à l'initiative d'un dixième des membres du Parlement soutenus par un vingtième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Il s'agit de renforcer ainsi notre démocratie.
Je maintiens mon avis défavorable. Je m'interroge sur les seuils adéquats, mais je ne peux pas vous dire à l'instant si je privilégie l'un ou l'autre de vos amendements car ma conviction n'est pas faite. Je suis en revanche persuadée que nous avons besoin de plus de démocratie participative et que les citoyens y aspirent fortement. On le voit lorsqu'on organise des débats sur des questions aussi diverses que la bioéthique ou la réforme des retraites. Nous avons auditionné Mme Chantal Jouanno, qui préside la Commission nationale du débat public (CNDP), et qui nous a dit que lorsqu'elle organise des débats, ils sont extrêmement suivis et permettent d'apporter des éléments aidant les décideurs publics à faire évoluer leurs projets pour aboutir à de meilleures solutions. J'ai vraiment à coeur, dans ce projet de loi constitutionnelle, de faire entrer notre démocratie dans le XXIe siècle, mais je n'ai pas d'idée définie des seuils à fixer pour l'organisation du référendum d'initiative partagée. Mes co-rapporteurs et moi-même souhaitons y réfléchir et voir si nos groupes ont des propositions à formuler. En l'état, donc, avis défavorable.
J'aimerais vous croire, madame la rapporteure, quand vous dites vouloir inscrire la démocratie participative au coeur de ce projet de révision. Hier, étant arrivé avec trois minutes de retard, je n'ai pas pu défendre mon amendement visant à inscrire ce concept dans la Constitution. Ayant été maire dix ans, j'ai pu mesurer à quel point, quand on prend le temps et le soin d'associer les habitants à des opérations de renouvellement urbain ou à des projets d'aménagement qui touchent à leur quotidien, on réfléchit mieux à plusieurs têtes que dans une seule, et à quel point cela contribue à réconcilier nos citoyens avec la chose publique. Fort de cette expérience locale, je pense que si on multipliait les passerelles et les traits d'union entre les citoyens et les parlementaires dans l'élaboration de la loi, on pourrait réduire la fracture qui nous sépare – qu'on pourrait atténuer cette crise de la citoyenneté. Je fonde l'espoir qu'en séance publique vous pourrez reprendre à votre compte cette proposition d'inscrire la démocratie participative dans notre Constitution.
J'ai bien entendu vos interrogations et je n'ai pas de doute quant au travail qui peut être mené d'ici à la séance publique. Je n'ai pas, moi non plus, de certitude quant aux seuils adéquats, mais, le texte examiné en séance étant le projet de loi initial, rien ne nous empêche de donner un signal en adoptant maintenant ces amendements.
Comme viennent de le dire nos collègues, l'idée est d'insuffler plus de démocratie et de donner davantage la parole au peuple. C'est important en ces temps de méfiance envers les élus et le fait public en général. Après, on peut toujours discuter, madame la rapporteure, de l'opportunité de tel ou tel seuil. Mais il faut avancer dans cette direction.
La réponse que vient de faire la rapporteure me satisfait plus que la première. Si le CESE, représentant des corps intermédiaires, ne donne pas satisfaction aujourd'hui, il n'est pas certain que la nouvelle assemblée créée n'aura pas les mêmes travers – une institutionnalisation excessive, facteur de « ronronnement ». De toute façon, les procédures d'initiative populaire sont complémentaires de toute assemblée que nous pourrions créer. J'apprends donc avec intérêt ce que vient de nous dire la rapporteure et je retire mes amendements CL321 et CL1484.
Vous avez raison de dire que le travail sur le CESE rénové est un des enjeux de cette révision. J'aimerais donc qu'on réfléchisse à une redéfinition des seuils. Il faut que nous trouvions une rédaction suffisamment souple et ouverte pour faire de ce futur « Forum de la République » un véritable lieu du débat citoyen, qui s'articule avec la représentation nationale.
L'amendement CL321 est retiré.
La Commission rejette les amendements identiques CL1027 et CL1124.
Elle étudie l'amendement CL1486 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.
Cet amendement, qui fait suite à notre amendement précédent, vise à limiter le nombre de référendums à deux par législature.
L'amendement est retiré.
L'amendement CL1484 de M. Paul Molac est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL846 de Mme Marietta Karamanli.
Ce projet de loi invoque dans son titre même une démocratie plus « responsable ». Or, dans l'ensemble des États européens, le Gouvernement détient l'autorité politique car il est responsable devant le Parlement, tandis que le chef de l'État, politiquement irresponsable devant les assemblées, assure une fonction d'arbitre et de garant de la continuité des institutions.
Le texte de la Constitution de 1958, au contraire, met en avant le Président de la République. Sa légitimité est équivalente à celle des 577 députés élus au suffrage universel direct. Il a une fonction d'inspiration de la politique menée tout au long de son mandat. Il serait logique, sans remettre en cause la fonction du Président de la République, que ce soit le chef du Gouvernement, responsable devant le Parlement, qui puisse décider de dénouer une crise politique avec l'Assemblée nationale. Le général de Gaulle, fondateur de notre régime politique actuel, avait lui-même précisé à maintes reprises que le Gouvernement devait prendre en charge les contingences politiques, économiques et sociales ainsi que le fonctionnement des services publics, tandis que le Président de la République était responsable de la place de la France sur la scène internationale, de sa défense, et plus largement, des choix fondamentaux. Il serait donc logique que la dissolution de l'Assemblée nationale soit décidée en Conseil des ministres, puisque c'est à celui-ci qu'il appartient, sous la conduite du Premier ministre, de mettre en oeuvre la politique de la majorité parlementaire – même si cette politique est inspirée par le chef de l'État.
L'amendement n'aurait guère d'effet puisque, depuis la IVe République, on ne vote pas en Conseil des ministres. La légitimité du Président de la République est à ce point supérieure à celle de chaque ministre pris individuellement que cela n'aurait pas de sens.
De plus, la dissolution doit venir trancher une crise politique qui n'est pas forcément de nature parlementaire. Par exemple, en mai 1968, la majorité qui soutenait le Gouvernement de Georges Pompidou ne faisait aucun doute. C'est dans la relation directe entre le Président de la République et le peuple que résidait la difficulté, qui a été clairement tranchée alors.
Enfin, vous proposez que la dissolution soit décidée « après avis du président de l'Assemblée nationale ». Or, dans le droit actuel, ce sont les présidents des deux assemblées qui sont consultés. Il faut garder cet équilibre.
Avis défavorable.
Notre amendement a vocation à améliorer les rapports entre les pouvoirs constitués et à mieux faire appliquer le principe de responsabilité. Je regrette que nous ne parvenions pas à rendre notre République plus moderne et plus responsable. Le Premier ministre, responsable devant le Parlement, devrait avoir un autre rôle que celui d'attendre que le Président de la République décide d'une dissolution.
Nous soutiendrons cet amendement, puisque nous avons nous-mêmes proposé de réduire les prérogatives exorbitantes du Président de la République pour renforcer l'équilibre des pouvoirs.
Vous semblez très préoccupés de ne pas déstabiliser nos collègues sénateurs, mais nous sommes à l'Assemblée nationale et nous examinons une loi constitutionnelle. Nous n'avons que faire d'un accord conclu entre le Président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, ni des marchandages entre la droite et la droite pour adopter ce mauvais projet. Nous examinons les textes au fur et à mesure qu'ils arrivent en discussion et nous ne sommes pas liés par une entente dont nous n'avons connaissance ni quant à la forme ni quant au fond.
Ma remarque concernant le Sénat n'était pas mon argumentation principale. Par ailleurs, il n'y a pas de marchandage. Nous sommes liés par les travaux que nous avons à mener ensemble et par l'exigence de trouver un compromis susceptible d'être approuvé par les trois cinquièmes des membres de nos deux assemblées. Nous aurons beau écrire tout ce que nous voulons, si nous n'avons pas cette majorité des trois cinquièmes, il n'y aura pas de révision constitutionnelle.
La Commission rejette l'amendement CL846.
Suivant l'avis défavorable des rapporteurs, elle rejette l'amendement CL1025 de M. Jean-Christophe Lagarde.
Elle aborde l'amendement CL728 de Mme Christine Pires Beaune.
Cet amendement concerne le système des dépouilles. « L'idée du spoil system n'est ni de droite ni de gauche » : ce sont les mots prononcés par le Président de la République lors de la campagne présidentielle. Nous proposons ni plus ni moins que de mettre en application cette idée à laquelle je souscris depuis longtemps. Il est rédigé de telle sorte qu'il concerne peu de fonctionnaires – moins que l'ensemble de ceux qui pourraient être visés par l'article 13 de la Constitution : il ne touche que les directeurs d'administration centrale. Un rôle serait dévolu aux commissions compétentes des deux assemblées pour leur nomination.
Avis défavorable. Les directeurs d'administration centrale sont choisis par le pouvoir exécutif. Demander à la représentation nationale d'émettre un avis sur ces choix serait excessivement contraire au principe de séparation des pouvoirs. Accessoirement, sur le plan pratique, il y aurait près de 180 directeurs à auditionner, ce qui me paraît impraticable.
Dois-je comprendre que le système des dépouilles ne devrait pas passer, selon vous, par nos deux assemblées ? Le Président de la République avait promis son instauration, à l'américaine, pour 4 000 hauts fonctionnaires.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL58 de M. M'jid El Guerrab.
Les dispositions introduites par la révision constitutionnelle de 2008 représentent incontestablement une avancée en matière de contrôle parlementaire, notamment si l'on songe à l'entière discrétion dont s'entouraient jadis les nominations effectuées sur le fondement de l'article 13 de la Constitution.
Cependant, des améliorations sont possibles, voire souhaitables. Un autre de mes amendements vise ainsi à inverser la logique de cette procédure afin de passer d'un veto prononcé à une majorité qualifiée à une validation à la majorité absolue.
En outre, rien n'est prévu actuellement quant à l'éventuelle révocation des personnes nommées. C'est un véritable angle mort du droit constitutionnel, les renvois s'opérant à la discrétion de l'autorité jouissant du pouvoir de nomination. Il importe de remédier à cette situation en instaurant, par parallélisme des formes, un droit de regard des parlementaires sur la révocation des personnalités nommées aux fonctions visées à l'article 13 de la Constitution. Ce serait de nature à renforcer le contrôle parlementaire.
L'article 13 a été modifié lors de la révision constitutionnelle de 2008 pour encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République, qui jusque-là, était libre de pourvoir aux emplois publics comme il l'entendait. L'article 13 prévoit une procédure d'audition des candidats devant les commissions parlementaires compétentes afin de s'assurer que les personnalités que le Président de la République envisage de nommer aient bien les compétences adéquates. Ce n'est donc pas un contrôle politique, mais une garantie contre l'erreur manifeste d'appréciation.
En revanche, la révocation relève d'une toute autre logique : sa procédure diffère selon les organismes concernés. Il ne nous appartient pas de nous ériger en juges des conditions justifiant un renvoi. Avis défavorable.
Il s'agit simplement de parallélisme des formes. Est-il normal qu'un ministre ou le chef de l'État révoque quelqu'un qui a été légitimé par le Parlement ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CL50 de M. M'jid El Guerrab, CL434 de Mme Cécile Untermaier et CL938 de M. Sébastien Jumel.
Introduite en 2008, l'actuelle procédure est certes un progrès par rapport à l'entière discrétion de jadis, mais il s'agit tout au plus d'un pouvoir de veto à majorité qualifiée dans la mesure où, comme le dit l'ancien sénateur Bernard Frimat, « donner au Parlement le droit de s'opposer à une nomination à la majorité des trois cinquièmes, c'est fixer le seuil d'approbation aux deux cinquièmes ». Du reste, des revendications en faveur d'une validation positive de ces nominations à la majorité des trois cinquièmes sont régulièrement émises, comme le souligne le rapport du groupe de travail sur l'avenir des institutions.
Par le biais de cet amendement, il s'agit de renforcer le droit de regard parlementaire sur les nominations. Une inversion de la logique de cette procédure serait profondément positive afin de passer d'un veto à une majorité qualifiée à un vote à la majorité simple.
Le pouvoir du Parlement sur les nominations visées à l'article 13 est limité mais essentiel. Il s'agit de cinquante-deux nominations seulement, mais d'un enjeu important puisqu'il s'agit de la garantie des droits et libertés ainsi que de la vie économique et sociale de la nation. Additionner les voix positives plutôt que les voix négatives renforcerait les prérogatives du Parlement – tant de l'Assemblée nationale que du Sénat.
C'est effectivement un enjeu important puisqu'il s'agit de la nomination de personnalités à la tête de France Télévisions, de la Caisse des dépôts et consignations et à un grand nombre de fonctions stratégiques, voire régaliennes. L'obligation d'un vote positif nous semblerait de nature à rétablir un lien de confiance entre les citoyens et les élus, à renforcer les prérogatives du Parlement. Le président de Rugy, lorsqu'il appartenait à notre groupe parlementaire, était favorable à cette mesure. Il ne peut donc aujourd'hui que souscrire à cette proposition de bon sens. Cet amendement permettra de lever la suspicion sur les nominations, ce qui va dans le sens de l'intérêt général.
Cette question s'est posée lors de nos travaux, et notre réflexion nous a conduits à désapprouver vos propositions. L'objectif du contrôle parlementaire prévu à l'article 13 est de sanctionner l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'autorité de nomination, ou un éventuel choix non rationnel. Instaurer une règle des trois cinquièmes positifs – sachant que seraient mêlés les effectifs de nos deux assemblées – entraînerait nécessairement une appréciation beaucoup plus politique des nominations, ce qui n'est pas le sens de l'article 13. Ce serait en outre dangereux, s'agissant en particulier de nominations de personnalités à la tête d'autorités indépendantes comme le Défenseur des droits ou la Commission nationale du débat public (CNDP). Avis défavorable.
Je suis satisfait par votre réponse. Il ne faut pas politiser ces nominations. Je retire mon amendement.
Je maintiens le nôtre. L'obligation de réunir une majorité des trois cinquièmes exige la recherche d'un consensus, ce qui suppose que le choix de la personne proposée ne soit pas de nature politicienne et, donc, que cette personne ait le profil correspondant à la mission qu'on souhaite lui confier. Je partage votre idée, madame la rapporteure, d'extraire ce type de nominations d'une approche politicienne, mais elle implique justement de recueillir un plus large consensus que dans le droit actuel : c'est bien ce que propose notre amendement.
Je rejoins les propos de M. Jumel. Je suis sensible à l'explication de Mme la rapporteure, mais nous devons évoluer vers des majorités de conviction et ne pas avoir peur de mêler nos avis. Je maintiens notre amendement.
L'amendement CL50 est retiré.
La Commission rejette successivement les amendements CL434 et CL938.
Puis elle est saisie de l'amendement CL187 de M. M'jid El Guerrab.
Cet amendement vise à renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes en empêchant que les nominations effectuées par le chef de l'État en vertu de l'article 13 de la Constitution soient accaparées par des hommes. Cela aura un effet d'entraînement positif.
Il s'agit d'une préconisation du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Je pense qu'il a raison.
Je me suis déjà longuement exprimée sur la parité, à laquelle je souhaite donner corps et réalité. Je ne crois toutefois pas que la mesure proposée soit de nature à y concourir ; mieux vaut être animé d'une réelle volonté d'y parvenir.
Par ailleurs, sur le plan pratique, je vois mal comment pourrait s'organiser l'alternance. Il me semblerait dommage que, chaque fois que le Président de la République nomme une femme à une fonction, on puisse considérer – j'en suis parfois victime – qu'elle doit sa nomination au seul fait d'être une femme.
Pour ces deux raisons, je suis défavorable à votre amendement.
Vous ne m'avez pas convaincu, madame la rapporteure. Puisque la liste de ces nominations est limitative, le bilan pourrait en être établi et les postes fléchés en fonction des sexes. Je vous concède que la volonté politique est présente, et je fais confiance au Gouvernement, mais la confiance n'exclut pas le contrôle. Je préfère que la chose soit écrite.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL928 de M. André Chassaigne.
J'apprécie, madame la rapporteure, la tonalité apaisée de nos débats. Je n'en rappelle pas moins que nous modifions le texte de la Constitution, ce qui appelle l'unité du peuple, y compris dans sa diversité.
De ce fait, il serait intéressant que la majorité accepte quelques amendements de l'opposition, faute de quoi le risque serait grand que la coloration politique de cette révision constitutionnelle l'emporte sur l'unité. Si je formule cette remarque, c'est que d'autres amendements restent à venir, sur lesquels il faudra donner des signes.
Celui que je présente à l'instant peut vous offrir cette occasion. Il s'agit d'interdire à une personnalité nommée par le Président de la République à des fonctions d'intérêt général d'avoir, au cours des trois années précédant sa nomination, exercé une activité privée en lien avec cette mission. Cela devrait vous parler, madame la rapporteure, car il s'agit d'une mesure de précaution visant à prévenir tout conflit d'intérêts, de nature à rétablir la confiance entre nos concitoyens et nous-mêmes.
Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler hier en répondant à Mme Karamanli, la question du conflit d'intérêts et du « pantouflage » nous préoccupe et a déjà fait l'objet de débats à l'été 2017. Une mission d'information sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts avait d'ailleurs été constituée, qui comprenait une participation du groupe Les Républicains. Il faut évidemment progresser sur cette question, mais la mesure très radicale que vous proposez ne me paraît pas être appropriée et n'a d'ailleurs pas été retenue par la mission d'information. Une fois encore, et vous m'avez déjà entendu le dire, elle n'est absolument pas de rang constitutionnel.
Pour ces raisons de fond et de forme, j'émets un avis défavorable.
Sans mauvais jeu de mots, je suggère que, s'agissant de déontologie, nous ne nous endormions pas dans nos pantoufles... (Sourires.) Si, par les temps qui courent, la probité n'est pas élevée au rang des principes fondamentaux, à celui du sens que nous donnons au service de la République, nous nous préparons des lendemains qui déchantent et qui ne pourraient profiter qu'à ses ennemis.
Si vous jugez radicale ma proposition, en réalité modérée, je puis vous en fournir d'autres qui le sont autrement ! Nous avons précisément recherché quelque chose qui fasse consensus : que l'on ne puisse pas, dans les trois ans précédant sa nomination à une fonction déterminée, avoir exercé dans le secteur privé une activité liée à cette fonction.
Nous nous grandirions en posant cette interdiction dans la Constitution.
Si je suis intervenue hier à ce sujet, c'est parce que nous sommes montrés du doigt dans différents rapports, notamment celui de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Il faut mettre à profit notre débat pour franchir, d'ici à l'examen du texte en séance publique, un pas supplémentaire par rapport aux lois pour la confiance dans la vie politique. Nous devons faire un geste car nous ne pouvons pas laisser passer cette révision de la Constitution sans l'évoquer.
Je vous invite à réfléchir, madame la rapporteure : il serait dommage de rejeter cet amendement de bon sens, qui nous éviterait de reproduire certaines erreurs du passé.
Nous avons un réel problème avec le pantouflage : le cas d'une personne chargée au sein d'une administration de suivre une entreprise chinoise, et qui a par la suite été embauchée par cette même entreprise, m'est ainsi revenu.
À l'occasion du débat sur le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, j'avais déposé plusieurs amendements sur ce sujet, qui n'ont hélas pas prospéré. Par cohérence personnelle, je ne peux que soutenir cet amendement.
Quelle déception, lorsque l'on entend par ailleurs le Gouvernement défendre un projet de loi censé rendre confiance à nos concitoyens dans la politique, d'obtenir toujours ces mêmes réponses : « il y a un doute », « nous hésitons », « la proposition est trop radicale », « il y a un problème de seuil »…
Si l'on veut redonner confiance, il faut avoir le courage d'être présent en commission et de prendre des décisions, quitte à adopter des amendements de précision lors de la séance publique : nous devons montrer aux Français que nous avons envie de faire bouger les choses.
J'aurais aimé être cosignataire de cet amendement. J'ai entendu les arguments de la rapporteure, mais, en l'occurrence, ne sont visés que quelques emplois particulièrement exposés, à telle enseigne qu'ils sont précisément mentionnés dans la Constitution, qui requiert une procédure spécifique pour les nominations à ces emplois.
Si je soutiens l'amendement, c'est parce qu'il est important que, s'agissant de postes particulièrement exposés, et étant nous-mêmes déjà soumis à des incompatibilités, nous émettions ce signal au nom de l'intérêt de la nation.
Il est difficilement envisageable, et il serait même malsain, que l'on puisse occuper un poste élevé dans la fonction publique pour ensuite exercer dans le même domaine dans le secteur privé. Ce problème déontologique doit être traité, ce que permettrait l'adoption de cet amendement.
Le constat établi, qui a conduit au dépôt de cet amendement, est partagé par tous. La préoccupation qu'il exprime est parfaitement légitime. En revanche, on ne peut pas accepter que la norme constitutionnelle s'abaisse à un tel degré de précision, qui relève du bavardage législatif, et il convient de replacer cette proposition à un étage normatif inférieur.
Si la Constitution n'est pas le bon niveau, quel est le bon niveau ? La disposition peut être jugée trop technique, mais on peut écrire ce que l'on veut dans une Constitution : la Constitution suisse évoque le bien-être animal… Si le niveau n'est pas le bon, celui de la loi organique ou de la loi ordinaire l'est peut-être.
Je ne pense pas, mon cher collègue, que l'on puisse écrire ce que l'on veut dans la Constitution : il existe une hiérarchie des normes et la Constitution a un objet précis. Il faut veiller à ce que les dispositions que l'on y insère concernent bien l'organisation des pouvoirs publics, de nos institutions, la préservation des libertés et droits fondamentaux, etc.
Je rappelle à nouveau que la question de la déontologie des fonctionnaires a été évoquée à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique, et que nous avions examiné des amendements adoptés par le Sénat. Lors du débat dans l'hémicycle, nous avions ensuite convenu que ce texte concernait uniquement la vie politique, et non la fonction publique.
Ne souhaitant pas pour autant éluder cette question, nous avons créé une mission d'information de la commission des Lois, conduite par M. Olivier Marleix pour le groupe Les Républicains et par M. Fabien Matras pour La République en Marche ; elle a remis son rapport au mois de janvier dernier. Nous avons discuté de ses conclusions, qui sont consensuelles, avec le ministre de la fonction publique afin de les concrétiser à l'avenir.
Nous n'ignorons donc pas cette question extrêmement importante, mais nous estimons qu'elle n'a pas sa place dans la Constitution. Par ailleurs, par le terme « radical », j'entendais que l'interdiction que vous souhaitez poser est d'ordre général, et exclut le cas par cas. Or, la mission d'information ne préconisait pas de règle impérative, mais proposait d'apprécier chaque situation, car chacune est différente.
Je tiens à vous rassurer sur les intentions de notre majorité, mais aussi à redire que la Constitution ne peut être le réceptacle de toutes les propositions.
Vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mène une large concertation portant sur la transformation de la fonction publique. Par la suite, un projet de loi ne manquera pas d'être soumis au Parlement, certainement l'année prochaine. Il comportera une partie traitant de la déontologie des fonctionnaires qui fera écho aux travaux de la commission des Lois, ce qui constituera le vecteur opportun pour ce débat de fond.
Je ne suis pas partisan d'une Constitution bavarde, mais je ne souhaite pas pour autant qu'elle soit muette.
Le constituant a décidé qu'un certain nombre de nominations avaient rang constitutionnel. Je considère donc que, pour ces postes très peu nombreux, il lui revient d'en déterminer les conditions déontologiques. Je n'en ai pas moins confiance dans la possibilité de progresser en matière de déontologie des fonctionnaires, mais, en l'occurrence, pour les postes concernés, le constituant a considéré que leur statut relevait de la Constitution ; c'est donc bien ici qu'il faut décider de ce qui leur est autorisé ou non.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL487 de Mme Cécile Untermaier.
Cet amendement s'inscrit dans l'esprit du débat que nous venons d'avoir ; cependant, l'amendement précédent ne traitait pas de fonction publique. Par ailleurs, chaque fois que nous avons voulu ajouter par la loi de la déontologie et de la transparence dans ce genre de nominations, qui sont du ressort du Gouvernement, nous nous sommes heurtés à son refus car il considérait que nous n'avions pas à intervenir.
Nous devrions donc nous interroger sur notre capacité à inscrire de telles dispositions dans une loi organique.
L'amendement que je présente est de principe, mais non de méfiance. Il se borne à prévoir que : « Le Président de la République nomme ses conseillers dans le respect des principes de transparence et de déontologie. » Il ne s'agit pas de prétendre que ce ne serait pas le cas aujourd'hui, mais d'inscrire dans la Constitution le principe qui a présidé à la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et à l'adoption des lois relatives à la transparence de la vie publique et à la confiance dans la vie politique.
Ces textes nous demandent à nous, parlementaires, de faire des efforts ; la présidence de la République, quelle qu'elle soit, doit aussi se conformer à de telles exigences de façon à rassurer les citoyens de notre pays.
Comme vous, je suis soucieuse que les conseillers qui entourent le Président de la République observent les principes de transparence et de déontologie. Cependant, la mesure que vous proposez n'est pas normative, et il me semble singulièrement difficile de lui conférer une réalité juridique.
Par ailleurs, les conseillers du Président de la République sont soumis aux mêmes obligations déontologiques que les autres agents publics.
Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
Je sais que ces matières ne sont pas aisées, mais je considère qu'il y a derrière le dispositif de mon amendement une portée normative, car si les principes visés n'étaient pas respectés, nous pourrions à tout moment aller au contentieux pour contester une nomination.
Il me semble donc impérieux de fixer aujourd'hui des critères fondamentaux de probité, de transparence et de déontologie. Le XXIe siècle sera celui de la déontologie.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite les amendements identiques CL442 de Mme Cécile Untermaier et CL939 de M. Sébastien Jumel.
À l'occasion de l'examen de ce projet de loi constitutionnelle, nous nous sommes arrêtés à des articles dont l'actualité pouvait faire question.
Depuis longtemps, beaucoup considèrent que l'article 16 de la Constitution comme dangereux ou inutile, car lorsqu'il est en mesure d'être soutenu et déterminé, le chef de l'État n'a pas besoin d'y recourir, et lorsqu'il n'est ni déterminé ni soutenu, il ne peut se satisfaire de cet article pour conduire son action.
Dans la mesure où la loi sur l'état d'urgence a été précisée, et puisque nous ne voulons pas d'une Constitution « bavarde », ne devons-nous pas substituer aux dispositions qui n'ont plus de sens celles qui sont plus actuelles – ce qui pourrait être le cas de l'état d'urgence ?
Chacun a présent à l'esprit les circonstances historiques qui ont présidé à la rédaction de l'article 16 ainsi que les réactions du Comité consultatif constitutionnel, notamment l'inquiétude de Guy Mollet. Plus récemment, M. François Bayrou, Mme Ségolène Royal et de nombreux candidats à l'élection présidentielle ont considéré cet article caduc. Cela fait sourire le rapporteur, mais M. François Bayrou fait souvent preuve d'un avis éclairé…
Le Conseil d'État ne peut pas contrôler l'application de l'article 16. Depuis la réforme de 2008, le Conseil constitutionnel peut le faire, mais seulement au terme de trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels. Or en trente jours, bien des choses peuvent se produire. En supprimant cet article, nous adresserions un signe de modernité ; nous n'avons pas prévu de revivre juin 1940 demain ni après-demain.
Je salue à nouveau les remarquables références de M. Jumel : hier M. Hervé Morin, aujourd'hui M. François Bayrou…
Ce débat a le mérite de nous faire relire l'article 16, ce que nous ne faisons pas régulièrement, parce qu'il n'a pas été utilisé depuis la guerre d'Algérie. C'est dire si les Présidents de la République successifs n'en ont pas abusé et s'il n'a été que peu utilisé.
Je vous rappelle ce que dit le début de cet article : « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances ». Ensuite, il est prévu qu'au terme de trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel puisse être saisi par le Parlement aux fins de vérifier si les conditions de recours aux pouvoirs exceptionnels sont toujours réunies. Cette disposition est donc très encadrée par la Constitution.
Ce n'est pourtant pas parce que des outils n'ont jamais été utilisés qu'il ne faut pas les conserver. On peut toujours espérer que les conditions ne soient pas réunies, mais il me semble qu'il est préférable de conserver cet article par précaution, puisque nous ignorons ce que peut être l'avenir. Car la Constitution permet d'éviter que nous soyons confrontés à des situations que nous ne maîtriserions pas, or les événements justifiant le recours aux pouvoirs exceptionnels sont bien ceux que vise l'article 16.
Pour ces raisons, je suis défavorable à l'adoption de ces amendements.
De votre analyse, monsieur le rapporteur, je retiens le principe de précaution, auquel je suis moi-même favorable.
Pour ma part, je retire de votre analyse que vous êtes en désaccord avec M. François Bayrou. (Sourires.)
Je retiens aussi de votre analyse que, lorsqu'un article ne sert à rien, il importe de le conserver au cas où un jour il servirait à quelque chose. Et je retiens encore que le principe de précaution n'est pas entériné, car, dans les mains d'un ennemi de la République, cet article 16 serait de nature à porter préjudice aux pouvoirs institutionnels que nous représentons.
Aussi, conformément à ce que souhaitaient Guy Mollet, François Mitterrand et beaucoup d'autres, je maintiens cette demande de suppression de l'article 16.
Monsieur Jumel, vous êtes trop fin politique pour ne pas caricaturer les propos. Je n'ai pas dit qu'il fallait conserver cet article parce qu'il ne servait à rien, j'observais simplement – et vous devriez vous en féliciter pour des raisons historiques et de paix européenne – qu'il n'avait été utilisé qu'une seule fois. Ceci n'empêche pas qu'il puisse malheureusement avoir vocation à l'être à nouveau.
Je rappelle qu'un avis public du Conseil constitutionnel est prévu. Je n'imagine pas, avec la place de cette institution aujourd'hui, qu'un Président de la République défierait un avis négatif considérant que les conditions ne sont pas réunies. Ce serait très grave pour la démocratie.
Pas du tout ! Le premier alinéa de l'article 16 le dit : « après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. »
Mon parcours professionnel m'a conduit à faire des études d'histoire qui m'ont appris à être particulièrement méfiant vis-à-vis de ce genre d'article.
Je rappelle que bien des dictatures ont accédé au pouvoir par des moyens tout à fait légaux, et que des attentats pourraient conduire à certaines dérives, à faire monter la pression médiatique. Un garde-fou pourrait consister en ce que le Parlement se prononce par un vote, car aujourd'hui rien de tel n'est prévu. L'article 16 prévoit certes la consultation de certaines personnalités, mais celle du Parlement lui-même n'est pas prévue, ce qui est selon moi très regrettable.
Je ne vais pas en redonner lecture, mais l'article 16 est un des plus longs de la Constitution, ce qui montre à quel point le constituant a pris soin de l'encadrer.
Pour répondre à M. Molac, je rappellerai que le premier alinéa de cet article pose comme conditions : « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu. » Ces circonstances exceptionnelles et graves ne correspondent pas aux cas que notre collègue a mentionnés.
Cet article a été inséré dans la Constitution de 1958 afin d'éviter la réitération de la débâcle de 1940. On ne peut pas demander au Parlement de décider la mise en oeuvre de l'article 16 dans une période à laquelle il n'est plus en mesure de siéger !
Cette disposition a été retenue afin de ne jamais servir, sauf en cas de force majeure. Par ailleurs, si un dictateur en puissance devait un jour se présenter, il n'aurait que faire des conditions posées par l'article 16.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l'examen de l'amendement CL1028 de M. Jean-Luc Warsmann.
Cet amendement de forme réclame d'être étudié plus avant ; à ce stade mon avis est défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL929 de M. André Chassaigne.
Cet amendement est de repli par rapport à celui qui proposait la suppression de l'article 16. Je rassure le rapporteur : lorsque j'amende un article, c'est que j'en ai auparavant pris connaissance !
Dans sa rédaction actuelle, l'article 16 dispose qu'« après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi […] aux fins d'examiner si les conditions […] sont toujours réunies », qu'« il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public » et qu'« il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice ».
Notre amendement vise à rendre cette saisine possible à tout moment par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, quarante députés, quarante sénateurs ou un groupe parlementaire. L'article 16 ne serait ainsi pas supprimé, mais la procédure serait encadrée démocratiquement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL322 de M. Paul Molac, CL679 de M. Jean-Louis Masson, CL1009 de M. Sébastien Jumel et CL1073 de M. Michel Castellani.
Cet amendement propose la suppression du droit de grâce présidentielle, survivance de l'Ancien Régime. Cette disposition paraît d'autant moins nécessaire que la peine de mort a heureusement été supprimée dans notre pays depuis 1981, ce dont MM. Badinter et Mitterrand doivent être remerciés.
La grâce présidentielle relève du fait du prince. Elle suscite une pression indésirable sur le Président de la République, particulièrement pour les affaires dont les médias se sont fait l'écho. Ce dernier facteur peut causer une rupture de l'égalité entre les citoyens, car plus un cas est médiatisé, plus il est susceptible de recueillir la grâce présidentielle. C'est ainsi que Mme Sauvage a été graciée, mais que d'autres femmes battues qui se sont débarrassées de leur mari indélicat restent incarcérées.
De surcroît, cet article 17 va à l'encontre du principe de séparation des pouvoirs en empiétant sur le domaine de la justice, car il s'agit d'une décision unilatérale du Président de la République.
En outre, certaines mesures de grâce se sont révélées délicates, comme ce fut le cas de Paul Touvier, gracié par Georges Pompidou, ou de Jean-Charles Marchiani, condamné pour trafic d'influence dans une affaire de commissions occultes et gracié par Nicolas Sarkozy.
Il serait donc bon pour notre démocratie de supprimer ce droit de grâce.
Réfléchir à une loi constitutionnelle ne dispense pas d'un toilettage des pouvoirs présidentiels ; c'est pourquoi, comme notre collègue, je propose la suppression de l'article 17 de la Constitution.
Cette disposition constitue un vestige de l'ancien monde, pour ne pas dire de l'Ancien Régime. Alors que la peine de mort était encore en vigueur, elle pouvait avoir du sens. Mais les choses ont changé.
De plus, le renforcement des garanties résultant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui par le passé n'existait pas, les voies d'appel et de cassation ainsi que l'émergence de nouvelles générations de magistrats soucieux des droits de la défense et du procès équitable, réduisent considérablement les erreurs judiciaires. Ces éléments contribuent à rendre le droit de grâce anachronique.
Enfin, comment un seul homme, fût-il Président de la République, pourrait-il avoir un avis de nature juridique supérieur à celui d'un collège de magistrats et de jurys populaires ? Pour ma part, je ne le crois pas : il me semble que cet article 17 est devenu obsolète et qu'il conviendrait de l'abroger.
Pouvoir de droit divin, pouvoir exorbitant, atteinte au principe de la séparation des pouvoirs… Nous sommes ici pour rétablir le lien de confiance entre nos concitoyens et la puissance publique. Les deux précédents chefs de l'État s'étaient engagés à supprimer le droit de grâce.
J'ai ici un tableau récapitulatif qui montre à quel point cette mesure a été utilisée de façon erratique : plus de 2 061 mesures de grâce en 1973, contre 94 en 2008, et un peu moins encore depuis. Nous voulons une République modernisée, une République qui réaffirme son attachement au principe de séparation des pouvoirs, ce que certaines dispositions permettront, je pense au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Nous pouvons aller dans ce sens en supprimant le droit de grâce.
Sous de précédentes législatures, l'Assemblée nationale a déjà débattu de l'abrogation de l'article 17, car le droit de grâce appartient aux vestiges de l'époque de la monarchie. Cette disposition, pour des raisons de morale et de conviction, pouvait encore se comprendre lorsque la peine de mort était en vigueur, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Il ne semble donc plus légitime que le Président de la République puisse venir interférer dans les décisions de justice.
Je partage votre avis, monsieur Jumel : il nous faut une République modernisée, une République humaine, et je considère que le droit de grâce tel qu'il s'exerce aujourd'hui permet cette humanité.
Depuis 2008, il n'existe plus de grâces collectives. Vous venez de rappeler les chiffres : cette année-là, 94 mesures individuelles ont été prononcées, et l'usage de ce droit est désormais très circonscrit.
Pour autant, il ne s'agit pas du fait du prince, car les dossiers sont examinés par le bureau des grâces de la Chancellerie. Ils sont instruits, et lorsqu'une mesure de clémence se justifie, ils sont présentés au Président de la République. Nous avons besoin de cette souplesse qui permet de pallier l'impossibilité à laquelle les juridictions peuvent être confrontées de mettre en oeuvre des mesures de libération conditionnelle notamment.
Je rappelle que le droit de grâce n'efface pas la condamnation, qui continue à produire ses effets. Le président Emmanuel Macron en a récemment fait usage au bénéfice d'une personne condamnée à la réclusion perpétuelle, dont la place était manifestement plus dans un hôpital psychiatrique que dans une maison centrale.
Je pense que nous devons conserver ce dispositif de souplesse et d'humanité, qui, de façon extrêmement parcimonieuse, permet de régler des situations individuelles très difficiles.
Enfin, l'abolition de la peine de mort ne justifie pas la suppression de ce droit de grâce, car la condamnation à perpétuité, par exemple, ne constitue pas une peine anodine dont on pourrait considérer qu'elle n'est pas assez grave pour ne pas justifier ce droit.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Il ne m'a pas échappé que le droit de grâce n'est pas une amnistie. Je n'ai toutefois pas le sentiment qu'une décision prise par un collège de magistrats au nom du peuple français est nécessairement dénuée d'humanité – sauf à considérer que les sentiments humains soient réservés au Président de la République, ce qui m'aurait échappé…
D'ailleurs, je proposerai plus loin un amendement allant dans le sens de vos propos, madame la rapporteure. Il s'agit, pour la réparation d'une erreur judiciaire ou d'un manque d'humanité dans la mise en oeuvre de la sanction, de permettre au Président de la République d'user du droit de grâce après avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Il serait surprenant que cet amendement de repli ne fasse pas consensus, car le droit de grâce serait alors préservé, mais encadré par la neutralité, l'autorité et l'expertise du Conseil supérieur de la magistrature.
Je veux abonder dans le sens de mes collègues. Alors que la peine de mort a été abolie, qu'il peut être fait appel des décisions de justice, et que la Cour européenne des droits de l'homme existe, il est choquant qu'un Président de la République puisse contredire deux décisions de jury populaire. La séparation des pouvoirs n'est pas respectée.
Madame la rapporteure, malgré le respect que j'ai pour vous, je ne puis accepter l'argument selon lequel une forme d'humanité serait le propre du Président de la République. Aujourd'hui, même si le code pénal s'applique, les juges font preuve de toute l'humanité possible lorsqu'ils rendent un verdict, et ne se prononcent pas sans recourir à certaines expertises. Ils ne sont pas des machines qui appliqueraient la loi pénale de manière absurde et rigide, et ce n'est pas vous, qui avez été avocate, qui démentirez mon propos. Vous ne pouvez jeter ainsi le discrédit sur les magistrats !
Comme l'ont dit mes collègues, il faut prendre garde à la séparation des pouvoirs. Tout comme M. Jumel, je considère que le droit de grâce, c'est le fait du prince. Donner à une personne le pouvoir d'en juger une autre contrevient complètement à la séparation des pouvoirs. Il convient plutôt de doter la justice de meilleurs moyens, du budget nécessaire pour qu'elle puisse travailler dans de bonnes conditions. Le Président de la République n'a pas à décider qui doit aller en hôpital psychiatrique et qui doit aller en prison, les juges savent très bien le faire !
Je veux préciser un point, cher collègue Masson. Je ne jette absolument pas le discrédit sur les magistrats. Chaque fois qu'ils ont à traiter un dossier, ils l'examinent attentivement et avec la plus grande humanité, je n'en doute pas. Cependant, le droit de grâce intervient à un tout autre moment de la chronologie : dix, quinze ou vingt ans après la condamnation. Ce n'est pas la même logique, ni la même temporalité.
Je ne puis donner la parole à notre collègue Gosselin : il a été décidé qu'il y aurait une seule prise de parole par groupe.
Il peut arriver, madame la présidente, qu'on défende un amendement sans être l'orateur du groupe.
Nous examinons une série d'amendements identiques, et celui de votre groupe a été défendu.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle aborde les amendements identiques CL46 de M. M'Jid El Guerrab et CL1010 de M. André Chassaigne.
Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, dit « comité Balladur », avait, en 2007, qualifié le droit de grâce d'anomalie de notre Constitution. Non encadré, c'est le vestige d'une époque très éloignée. Certes, en vertu de l'article 19 de la Constitution, un contreseing ministériel est nécessaire pour un tel acte de justice retenue, mais la solidarité politique qui lie habituellement le Gouvernement au chef de l'État a pour conséquence de neutraliser cette obligation.
Un premier pas a été franchi en 2008 lorsque le constituant a décidé que ce droit s'exercerait désormais à titre individuel, mais il paraît nécessaire d'aller plus loin en soumettant la grâce à un avis consultatif du Conseil supérieur de la magistrature. Le chef de l'État conservera donc une certaine marge d'appréciation mais la publicité d'un tel avis empêcherait toute dérive.
Par coordination, il conviendrait par la suite de compléter la loi organique déterminant les conditions d'application de l'article 65 de la Constitution, relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
Du temps où la peine de mort était en vigueur, le Conseil supérieur de la magistrature était consulté lorsqu'un condamné sollicitait une grâce. Sans retirer le droit de grâce au Président de la République, il paraît nécessaire de soumettre son exercice à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature – car c'est tout de même un droit quelque peu exorbitant. Tel est l'objet de l'amendement CL1010.
Je suis défavorable à ces amendements. Le Conseil supérieur de la magistrature ne dispose pas de compétences particulières qui lui permettent de formuler un avis sur un dossier judiciaire.
C'est un organe administratif qui a vocation à procéder aux nominations et à exercer un pouvoir disciplinaire sur le corps des magistrats judiciaires, pas à apprécier des dossiers particuliers.
Je souscris aux propos de M. Jumel. De 1958 à 1993, la possibilité que ces amendements identiques ont pour objet de rouvrir était offerte au Conseil supérieur de la magistrature par une loi organique prise en application de l'article 65 de la Constitution, sans que l'avis rendu lie le chef de l'État.
J'ai donc plutôt envie de voter en faveur de ces amendements, même si j'ai bien compris qu'ils ne portent pas sur le coeur de la révision constitutionnelle qui nous est proposée. Le président Giscard d'Estaing explique d'ailleurs dans ses mémoires qu'il exerçait le droit de grâce en s'appuyant sur l'avis du Conseil supérieur de la magistrature – éventuellement pour s'en écarter, mais c'était un élément d'appréciation.
Votant pour une fois un amendement communiste, j'aurai fait la preuve de mon ouverture d'esprit. (Sourires.)
… mais mon amendement est identique à celui qu'a défendu M. Jumel. Je peux retirer le mien pour vous permettre de voter précisément un amendement communiste, cher collègue Larrivé, mais c'est en raison des arguments avancés par Mme la rapporteure que je le retire.
L'amendement CL46 est retiré.
La Commission rejette l'amendement CL1010.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL588 de M. Charles de Courson.
Il s'agit de circonscrire un peu plus le champ dans lequel peut s'exercer ce droit totalement exorbitant. Certes, l'administration du ministère de la justice et la direction des affaires criminelles et des grâces prennent part à son exercice, mais il conviendrait de l'encadrer encore un peu mieux. Nous proposons donc qu'il ne puisse être exercé qu'à la suite de condamnations pour crime, étant entendu qu'un certain nombre de crimes sont déjà exclus par la coutume de son champ – les actes terroristes, les attaques contre les forces de l'ordre, les crimes racistes…
Je suis défavorable à votre amendement. Pourquoi contraventions et délits devraient-ils être exclus du champ du droit de grâce ? Pourquoi le réserver aux crimes ? Cela me paraît assez incohérent. Cette soupape du droit de grâce qui permet de manifester une certaine humanité doit pouvoir fonctionner pour toute infraction.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL680 de M. Jean-Louis Masson.
La question du droit de grâce transcende largement, nous le constatons, les appartenances politiques, et je m'en réjouis. Je suis satisfait de partager le point de vue de M. Jumel – il me semble que cela prouve que la majorité devrait s'interroger également. Et je voudrais saluer des personnalités éminentes pour lesquelles j'ai un grand respect, tels MM. Balladur et Sarkozy, qui s'interrogeaient également sur le droit de grâce.
L'amendement CL680 est un amendement de repli. Il s'agit d'exclure de son champ les périodes de sûreté et les crimes et délits relevant du terrorisme ou d'atteintes à la sûreté de l'État.
Si le Président de la République a le droit de grâce, ce n'est pas uniquement pour les excès de vitesse ! S'il lui appartient – c'est l'esprit du constituant de 1958 – de l'exercer avec intelligence et parcimonie, il faut, pour ce faire, que ce droit soit général et absolu.
En l'occurrence, si une situation politique s'est apaisée des décennies après une condamnation, si une grâce est justifiée de ce fait, pourquoi la Constitution l'interdirait-elle ? Dois-je vous rappeler que le général de Gaulle avait gracié les auteurs de l'attentat du Petit-Clamart, à l'exception notable de leur chef Bastien-Thiry ? Il y a une dimension politique, une dimension de réconciliation nationale à l'exercice du droit de grâce, qui doit donc rester d'une portée générale et absolue.
C'est précisément le mot que vous venez de prononcer, monsieur le rapporteur général, qui peut poser problème dans le droit de grâce.
Pourquoi certains justiciables, condamnés dans certaines affaires, pourraient-ils, pour des raisons politiques, être graciés, tandis que le justiciable ordinaire resterait jusqu'au terme de sa peine soumis à la volonté de la justice, comme il est tout à fait normal qu'il le soit ? Pour des raisons d'équité, tout le monde doit être soumis aux mêmes lois. Il ne saurait y avoir de grâce ni de justice politiques. C'est ce caractère politique du droit de grâce qui rend si problématique, y compris pour des membres de la majorité, l'article 17 de la Constitution.
Le droit de grâce fut parfois exercé pour permettre, y compris, quelquefois, dans les outre-mer, à des concitoyens d'échapper à l'inéligibilité et de se présenter à des élections malgré leur condamnation. On voit bien là sa nature très politique.
Les propos que vient de tenir M. Ferrand sur la réconciliation m'évoquent la situation en Corse. Vous le savez, l'opinion publique y attend majoritairement que l'on solde les comptes du passé. Il n'y a plus d'attentat en Corse depuis plusieurs années, nous sommes revenus à une paix civile totale, et c'est une très bonne chose – nous avons travaillé pour y parvenir. Peut-être serait-il utile que nous réfléchissions tous ensemble à une procédure d'amnistie qui permette de solder totalement les comptes du passé sur le plan judiciaire. C'est une question pendante.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL629 de M. François Ruffin.
Cet amendement part d'un double postulat.
Premièrement, l'Assemblée n'est pas seulement la fabrique la loi. C'est aussi un lieu politique, un lieu de la représentation des conflits, des idéaux, des espoirs et des colères qui traversent la société. Il s'agit de faire en sorte que cela aussi soit représenté. Aujourd'hui, par exemple, le temps des questions d'actualité au Gouvernement est un exercice politique, détaché du travail législatif.
Deuxièmement, la séparation des pouvoirs est aujourd'hui une fiction. Nous allons défendre un certain nombre d'amendements pour distendre le lien entre l'exécutif et le législatif mais, pour l'instant, la confusion est quasiment totale entre les deux. Le véritable du chef du Gouvernement se trouve à l'Élysée.
Lucien Goldmann expliquait dans une étude qu'il y avait, chez Racine, un « Dieu caché », un Dieu qui n'était jamais évoqué mais qui, en fait, régnait sur la totalité des pièces de Racine et décidait de ce qu'il s'y passait. Il ne faudrait pas que le Président de la République soit aujourd'hui le Dieu caché de la politique, c'est-à-dire qu'il décide de tout ce qu'il peut se passer à l'Assemblée nationale et dans la vie politique française sans descendre lui-même dans l'arène pour expliquer ses choix.
Par cet amendement, je propose que le Président de la République, puisqu'il est le véritable chef du Gouvernement, se présente devant la représentation nationale pour répondre aux questions qui lui seraient donc directement posées.
Par cet amendement, vous proposez que le Président de la République vienne devant les assemblées mais, dans un instant, nous examinerons un amendement de M. Jumel visant à ce qu'il ne vienne plus s'exprimer devant le Congrès ! L'un voudrait le Président bavard, l'autre le voudrait muet. Soit, examinons dans l'ordre ces propositions.
En l'occurrence, nous en sommes à l'amendement CL629. C'est simple, monsieur Ruffin : sous la Ve République, le Président de la République n'est pas responsable devant les assemblées ; il ne l'est que devant le peuple français. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je ne vois pas de contradiction entre cet amendement et celui que présentera M. Jumel.
Ce qui se passe au Congrès, c'est que le Président de la République vient parler sans qu'il y ait d'échange ; il n'y a pas d'interpellation et il n'est pas un homme parmi les hommes, un représentant parmi les représentants. Il « flotte » au-dessus. Il vient, il intervient, il repart. C'est un exercice quasi monarchique, alors que nous souhaitons dialoguer – c'est ainsi que nous voulons faire de la politique – avec un homme parmi les hommes.
Quant à votre deuxième argument, en fait votre seul argument, il est tautologique. Sous la Ve République, le Président de la République est responsable devant le peuple, mais non devant les représentants de la nation, dites-vous, mais nous sommes précisément réunis pour nous demander ce qu'il faut écrire dans la Constitution ! Nous cherchons à sortir de cette tautologie, nous proposons autre chose. Sinon, à la limite, vous pouvez nous répondre à peu près chaque fois que nous défendons un amendement que, sous la Ve République, c'est comme ça que ça fonctionne. Si nous cherchons précisément à modifier le fonctionnement de cette Ve République, ce contre-argument n'est pas recevable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL940 de M. Sébastien Jumel et les amendements identiques CL323 de M. Paul Molac, CL819 de M. Jean-Christophe Lagarde, CL930 de M. André Chassaigne et CL1074 de M. Michel Castellani.
Le rapporteur général a rappelé que le Président de la République n'était responsable que devant le peuple, mais c'est précisément la raison pour laquelle, si l'on tient à la séparation des pouvoirs, il n'a pas à venir bavarder devant le Congrès sans engager sa responsabilité – et j'assume tout à fait que cette approche soit différente de celle défendue par mon camarade Ruffin, même si je suis souvent d'accord avec lui. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé, de manière cohérente, que le Premier ministre préside le Conseil des ministres. De même, nous avons proposé que le Président de la République soit élu non plus au suffrage universel direct, mais par le Parlement.
Non, ce n'est pas le retour à l'inauguration des chrysanthèmes. Et j'ai dit à plusieurs reprises que le respect que j'avais pour le Premier ministre, y compris pour le titulaire actuel de la fonction, me conduisait à ne pas souhaiter que l'on résume son rôle à celui d'un collaborateur.
Lorsque le Président de la République réunit le Congrès à Versailles la veille du jour où le Premier ministre engage sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, je considère qu'il affaiblit, affadit, méprise le Premier ministre. Lorsqu'il réunit, comme il le fera lundi prochain, le Congrès à Versailles, alors que nous examinons une réforme de la Constitution visant, en gros, à discipliner la majorité, je considère qu'il affaiblit non seulement le Premier ministre et le Gouvernement, mais aussi le Parlement.
Je suis donc cohérent en proposant cet amendement qui vise à ne pas permettre au Président de la République de venir s'exprimer devant le Congrès sans engager sa responsabilité.
Depuis 1875, le Président de la République n'a plus le droit de se présenter devant les assemblées. Si la révision constitutionnelle de 2008 lui a ouvert ce droit devant le Congrès à Versailles, les débats consécutifs à cette allocution doivent se tenir hors la présence du Président de la République. Je propose pour ma part qu'ils se tiennent en sa présence. S'il peut s'exprimer sans que les parlementaires puissent lui répondre, ce dispositif ne fait qu'offrir un temps supplémentaire à la communication du Président de la République. La parole et l'image présidentielles prennent pourtant déjà une place importante…
Par ailleurs, dès lors que le débat n'est pas suivi d'un vote, la légitimité du Président de la République n'est pas remise en cause. L'exercice reste distinct des questions d'actualité au Gouvernement. Ce n'est donc pas affaiblir le Président de la République que de donner un droit de réponse aux parlementaires, c'est rééquilibrer les pouvoirs.
Ce qui ferait l'intérêt de ces réunions, qui ont vocation à devenir plus fréquentes, c'est qu'elles soient non plus un moment d'expression unilatérale, mais un échange bilatéral. L'expression présidentielle est importante, mais l'expression parlementaire l'est tout autant. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement CL819, de supprimer les mots « hors sa présence ».
L'amendement CL930 est un amendement de repli. Si l'amendement CL940 par lequel nous proposons de supprimer la possibilité offerte au Président de la République de s'exprimer devant le Congrès est rejeté, autant que le Président de la République puisse entendre nos réponses et que ce moment ne soit pas le moment d'expression unilatérale d'un discours descendant, voire condescendant, de ce Dieu qui n'est pas le moins du monde caché.
Et puis cela conduira les députés à venir. L'an dernier, notre groupe avait boycotté le Congrès. Cette fois-ci, nous irons, en prêtant serment devant la salle du Jeu de paume avant de nous rendre en séance, afin de réaffirmer notre attachement aux fondamentaux de la République. Il serait bon que le Président de la République puisse entendre ce que nous avons à dire, d'autant que le risque d'une extrême solitude est grand pour n'importe quel exécutif – celui-ci comme d'autres. Au bout du compte, le Président de la République risque d'être enfermé dans une cage de verre qui le prive de sa faculté d'entendre le peuple. En ce moment, il est en colère, voyez les sondages et le titre du Monde, selon lequel le Président de la République agace ceux qu'il irritait et désespère ceux qu'il avait enchantés. C'est dire s'il y a du chemin pour retrouver la confiance ! Peut-être serait-ce plus facile si nous lui permettions d'entendre ce que nous avons à dire.
L'adresse du Président de la République au Parlement peut déjà apparaître comme une entorse au principe de séparation des pouvoirs, puisque le législateur n'a pas la possibilité de lui répondre en sa présence. Cela manifeste indiscutablement un déséquilibre en faveur du pouvoir exécutif. Supprimant les mots « hors sa présence », l'amendement CL1074 vise à instaurer un réel débat entre le Parlement et le Président. On comprend aussi l'intérêt que pourrait éventuellement revêtir un tel dialogue entre le législatif et le chef de l'exécutif. Ce n'est pas, dans notre esprit, rabaisser le Président de la République même si, de fait, cela rehausserait le rôle du Parlement.
On peut se demander, en revanche, quel est l'intérêt d'un discours présidentiel devant un Parlement muet. S'il s'agit simplement de prononcer un discours, vu les moyens techniques dont nous disposons – radio, télévision et tout le reste –, le Président de la République peut s'adresser directement à la nation plutôt qu'à un Parlement spectateur.
Comme nous, le constituant de 2008 a travaillé pour longtemps. Il n'a pas travaillé pour que l'on vienne, dix ans plus tard, mettre à bas son oeuvre – ou alors une Constitution n'est guère plus qu'une loi… Le constituant de 2008 a réfléchi en profondeur – reportez-vous aux travaux accomplis alors que la majorité n'était pas tout à fait identique à la majorité actuelle – et souhaité que le Président de la République puisse venir délivrer un message et s'adresser aux parlementaires pour faire part de ses orientations futures ou pour répondre à une grave crise nationale. Il revient ensuite au Gouvernement, lui responsable devant le Parlement, de donner un tour concret aux orientations exposées par le Président de la République.
Certains collègues, qui témoignent ainsi de leur sollicitude, disent qu'il faut que le Président de la République puisse entendre ce que nous avons à lui dire, mais je pense qu'il dispose des moyens technologiques de prendre connaissance de nos propos. Selon l'esprit de l'article 18 de la Constitution, il s'agit cependant de faire en sorte que le Président de la République ne puisse être pris à partie ni interpellé directement – ce serait remettre en cause le fait qu'il n'est pas responsable devant le Parlement. Le choix du constituant de 2008 est cohérent et pertinent : le Président de la République peut délivrer un message, se faire entendre, et, ensuite, en présence du Gouvernement, responsable devant le Parlement, les groupes parlementaires s'expriment. Ces modalités sont conformes à la logique même de nos institutions.
J'entends bien l'objection de M. Castellani : pourquoi le Président de la République ne s'exprime-t-il pas plutôt directement à la télévision ? Je crois que cette expression présidentielle devant le Congrès est un moment important pour les citoyens. Il n'est pas si fréquent que la parole présidentielle s'adresse aux représentants de la nation, et, au fond, je suis sûr que si nous décidions que le Président de la République ne doit plus jamais s'exprimer devant le Congrès, il s'en trouverait ici pour y voir une énième marque d'un mépris témoigné aux représentants de la nation.
Encore une fois, si elle donne un certain charme à nos débats, la réversibilité des arguments invalide ceux-ci les uns après les autres,…
Pour votre information, chers collègues, le 8 juillet sera la « journée du Roi » à Versailles – vous pouvez vérifier. Le lendemain, ce sera la journée du Président – à moins que ces deux réalités n'en fassent qu'une.
En tout cas, ces amendements visent à donner un peu plus de naturel à un échange très formalisé, pour ne pas dire ritualisé. Nous pourrions transformer une adresse en un temps un peu plus interactif. Le constituant de 2008 a effectivement voulu graver dans le marbre de la Constitution un cérémonial très particulier avec une prise de parole singulière, rare, réservée aux grandes occasions. Sans remettre en cause la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement, sans mettre en cause celle du Président de la République, il me semble qu'il serait intéressant d'apporter un léger complément à la réforme de 2008 en permettant un réel échange avec le chef de l'État.
Je vous en prie, cher collègue Jumel, nous ne révisons pas la Constitution en fonction des résultats des sondages, soyons un peu responsables !
Pour des raisons tenant à la séparation des pouvoirs, que vous avez très justement évoquée, le Président de la République ne se rend ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat depuis la IIIe République. Assouplissant cette règle, le constituant de 2008 lui a permis de s'exprimer devant les deux assemblées réunies en Congrès. Cette légère modernisation de notre République n'a jamais visé à rompre avec la logique fondamentale de la Ve République. Il ne s'agit pas de faire descendre le Président de la République dans l'arène du Parlement. Son intervention revêt un caractère solennel.
Monsieur le rapporteur général, nous aussi avons les moyens technologiques de suivre l'adresse du président de la République sans y être présents ! Et il me semble que le roi, lui, restait aux États généraux. Si on appelle « modernisation de la République » le fait que le roi descende quelques heures prononcer son adresse et reparte, il me semble qu'on est complètement à côté du sujet !
Ce que je présentais aurait finalement dû être présenté comme un amendement de repli. Oui, ce que je souhaite, c'est distendre au maximum, sinon couper, le cordon entre l'Élysée et l'Assemblée nationale, entre l'exécutif et le supposé pouvoir législatif – parce que l'essentiel du pouvoir législatif est en fait entre les mains du Président de la République. À défaut, je souhaite que le Président descende dans l'arène comme un véritable chef du Gouvernement.
Je vous rassure, cher collègue Euzet. Évidemment, les propositions que je formule ne sont pas liées aux mauvais sondages du Président de la République. Mais, pour parler aussi sérieusement que j'essaie toujours de le faire, ce qui guette le Président de la République, à toutes les époques, ce sont les phénomènes de cour. La parole présidentielle est si sacrée qu'on nous la répète maintes fois à l'Assemblée nationale depuis que nous y siégeons, comme s'il s'agissait de tables de la Loi ou d'une Bible présidentielle. Ce qui guette n'importe quel exécutif, c'est l'isolement, c'est d'être coupé du monde, c'est d'être déconnecté des réalités. Peut-être est-ce ainsi que l'on est conduit à augmenter la contribution sociale généralisée, à revenir deux fois sur l'augmentation des aides personnalisées au logement – la deuxième fois alors même que l'on a admis que, la première fois, c'était une erreur. Je vous propose de reconnecter le Président de la République en lui permettant de nous entendre.
La Commission rejette l'amendement CL940.
Puis elle rejette les amendements identiques CL323, CL819, CL930 et CL1074.
Elle en vient à l'amendement CL51 de M. M'Jid El Guerrab.
Je voudrais voir inscrit dans l'article 18 de la Constitution que le Président de la République peut être entendu à sa demande par une commission permanente ou spéciale, ainsi que par une commission d'enquête parlementaire. Le chef de l'État pouvant s'exprimer devant les chambres réunies en Congrès depuis 2008, cela ne contrevient pas à l'esprit de la Constitution, et cela aurait été utile, par exemple dans le cadre de l'enquête parlementaire relative aux attentats du mois de novembre 2015. Une telle évolution peut répondre aux nécessités politiques comme l'observait le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions. Il ne s'agit pas de remettre en cause la séparation des pouvoirs, à laquelle leur communication ou leur coopération ne contrevient pas. De plus, il sera peut-être moins coûteux que le Président, s'il en ressent le besoin ou si la situation politique le nécessite, s'exprime devant une commission plutôt que devant le Congrès une ou deux fois par an.
Il serait paradoxal de renforcer brutalement les pouvoirs du Président de la République en lui permettant de s'inviter à sa convenance devant une commission parlementaire. Cela ne me paraît pas conforme à l'esprit de nos débats.
Par ailleurs, c'est le Gouvernement qui est responsable devant les assemblées, non le Président de la République ; celui-ci y est, d'une certaine manière, interdit de séjour, et il est sans doute bon que cela reste ainsi.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL1433 de M. Paul-André Colombani.
Cet amendement vise à mettre à jour l'article 20 de la Constitution pour améliorer la gouvernance des collectivités locales. Il serait notamment précisé que le Gouvernement détermine et conduit la politique de l'État, et non celle de la nation, afin de distinguer, au sein de la nation, l'État et les collectivités. Cela permettrait de mieux affirmer la libre administration des collectivités. La solidarité collégiale du Gouvernement serait aussi affirmée par la prestation d'un serment.
La nouvelle rédaction préciserait aussi que le Gouvernement ne dispose que des administrations de l'État, c'est-à-dire des administrations dépendant des ministres, et non de l'administration territoriale.
Le Gouvernement devrait aussi, obligatoirement, obtenir la confiance de l'Assemblée nationale dans les dix jours qui suivent sa formation. Cette investiture obligatoire marquerait le fait que la légitimité du Gouvernement ne peut procéder de la seule nomination par le Président de la République et qu'il doit obligatoirement être adoubé par le pouvoir législatif – actuellement, la déclaration de politique générale n'est que facultative.
L'amendement supprimerait le terme de nation, que vous semblez juger désuet – jugement que je ne partage pas.
Il préciserait aussi que les administrations dont dispose le gouvernement sur les administrations d'État, et non la fonction publique territoriale. Avec la décentralisation, cela tombe sous le sens ; il est donc inutile de le préciser.
Enfin, il est proposé que les ministres prêtent serment dans les mains du Président. Une telle pratique, qui a effectivement cours ailleurs, y compris dans des pays voisins, a mauvaise presse en France depuis la Seconde Guerre mondiale. Je propose que les ministres se bornent à respecter la loi, comme tout citoyen, et qu'ils ne prêtent allégeance à personne.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL44 de M. M'Jid El Guerrab.
Il s'agit de donner une définition plus exacte du rôle du Gouvernement, en écho à la proposition faite à propos de l'article 5 de la Constitution et de la mission du Président de la République. Je reprends là une recommandation du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions.
Cet amendement vise à clarifier la lettre de l'article 20 de la Constitution en fonction de la pratique observée depuis 1958.
C'est un amendement de conséquence d'un amendement que nous n'avons pas adopté. Par cohérence, j'y suis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL188 de M. M'Jid El Guerrab.
Il s'agit de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes dans la Constitution. C'est une préconisation du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.
L'objectif est de reconnaître le principe de la budgétisation sensible au genre, c'est-à-dire l'intégration de la dimension de genre dans la procédure budgétaire, avec une évaluation des budgets fondée sur le genre à tous les niveaux de la procédure et en restructurant les recettes et les dépenses de manière à promouvoir l'égalité. C'est un moyen d'impliquer toutes les administrations et d'utiliser plus efficacement les ressources publiques.
Dans cet esprit, l'article 13 de la Constitution autrichienne, par exemple, dispose que la fédération, les Länder et les communes doivent viser l'égalité des femmes et des hommes dans leur gestion budgétaire. En d'autres termes, cette option est techniquement réalisable.
Quoique vous ayant attentivement écouté, je ne vois pas ce que peut être la parité dans la gestion budgétaire, sinon un surcroît de complexité. Et si cela figure dans la Constitution autrichienne, l'article 1er de la nôtre résume d'une phrase plus sobre votre objectif : « La loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. » Toutes les lois doivent respecter ce principe, y compris les lois de finances.
Je suis donc défavorable à votre amendement, cher collègue.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL837 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement est en cohérence avec celui présenté hier concernant l'investiture du Premier ministre par l'Assemblée nationale, au scrutin public et à la majorité absolue des députés.
L'avis est le même sur l'investiture du Premier ministre comme du Gouvernement : défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL486 de Mme Cécile Untermaier.
Il s'agit d'un amendement qui tient à coeur non seulement aux députés du groupe Nouvelle Gauche, mais aussi aux membres du groupe de travail qui se penche depuis un an sur la démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne.
Nous avons voté le non-cumul des mandats pour 2017. Nous avons adopté une réforme extrêmement claire et lisible, avec des choix qui n'étaient pas forcément faciles, notamment par rapport aux petites collectivités, mais nous ne regrettons rien. On nous a opposé le risque du « mandat hors sol ». Mais le non-cumul des mandats a pour objet de libérer le parlementaire d'une attache à une collectivité, source de conflits d'intérêts, et de lui permettre de travailler dans sa circonscription de manière totalement différente : avec les élus, les acteurs locaux, économiques et sociaux, mais aussi les citoyens, le peuple. Car nous sommes les représentants du peuple, et nous considérons que c'est quelque chose qu'il faut rappeler dans la Constitution, en indiquant que le parlementaire doit établir ce lien et favoriser l'expression citoyenne. Ce n'est pas une mesure cosmétique.
Nous partageons avec Mme Untermaier les objectifs de déontologie. Le point sur lequel nous divergeons, c'est que, selon nous, il ne s'agit pas d'une norme de rang constitutionnel. C'est l'occasion de saluer la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui s'applique déjà aux ministres et à leurs cabinets. Le législateur est libre d'étendre leurs obligations sans que le constituant n'ait à intervenir. Avis défavorable.
Je m'attendais à cet avis et je le comprends, mais je ne le partage pas car il y a un impensé juridique total dans la Constitution sur la fonction du député dans sa circonscription. C'est certes un représentant national, mais élu dans une circonscription. La Constitution devrait se préoccuper de cette question.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement CL1435 de M. Paul-André Colombani.
Cet amendement vise à préciser que les prérogatives du Premier ministre s'exercent dans le cadre de l'État, sans remettre en cause la libre administration des collectivités, dont certaines adoptent d'ores et déjà des actes à valeur législatives qui doivent donc être appliqués par les exécutifs locaux et non par le Premier ministre, d'où la nécessité de préciser que ses prérogatives sont nationales et non territoriales.
Cet amendement précise aussi que les exécutifs locaux ont bien un pouvoir réglementaire pour l'exercice des compétences de leur collectivité, et que le Premier ministre peut, sous certaines conditions, en habiliter certaines par décret – c'est ce qui est envisagé pour la Corse – à exercer un pouvoir réglementaire.
La présidence du Conseil des ministres serait en outre confiée au Premier ministre afin de renforcer son rôle en politique intérieure et mieux souligner ainsi la prépondérance du Président de la République pour la politique extérieure.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées à l'encontre de votre amendement de réécriture de l'article 20. J'ai déjà expliqué, aussi, pourquoi il revenait au Président de la République et non au Premier ministre de présider le Conseil des ministres.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL842 de Mme Marietta Karamanli.
Il s'agit du pendant de l'amendement présenté hier soir sur la nomination du Premier ministre par le Président de la République. Il est demandé par cohérence que le Premier ministre préside le Conseil des ministres et puisse déléguer ce droit au Président de la République pour un ordre du jour déterminé.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Mes chers collègues, nous avons consacré à cet instant seize heures et trente minutes à l'examen des amendements, et nous abordons seulement l'article 1er.
Article 1er (art. 23 de la Constitution) : Incompatibilité des fonctions de membre du Gouvernement avec l'exercice de fonctions exécutives locales
La Commission est saisie de l'amendement CL1436 de M. Paul-André Colombani.
Cet amendement vise à tenir compte des évolutions de la construction européenne. Il s'agit d'une précision sur les incompatibilités de la fonction de membre du Gouvernement avec celle de parlementaire. Il est ainsi spécifié que les mandats parlementaires s'entendent des mandats parlementaires nationaux et européens.
L'article 1er du projet de loi vise à réformer le régime des incompatibilités des membres du Gouvernement et à l'aligner sur celui qui existe pour les parlementaires. Par ailleurs, l'incompatibilité avec le mandat de parlementaire européen est déjà prévue par l'article 6 de la décision du Conseil des communautés du 20 septembre 1976. Je souhaite donc le retrait de l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1501 et CL1502 des rapporteurs.
Puis elle examine l'amendement CL669 de M. Jean-Louis Masson.
Le débat sur le non-cumul des mandats ne sera jamais vraiment clos entre ceux qui considèrent que le cumul doit être proscrit et ceux qui pensent qu'il doit être maintenu même s'il doit avoir des limites. Je crois que c'est M. Jumel qui a dit qu'il fallait prendre garde à ne pas vivre en vase clos. Parmi les présidents de la République qui ont marqué notre histoire récente, Valéry Giscard d'Estaing était très attaché à Chamalières, François Mitterrand à Château-Chinon, Jacques Chirac à la Corrèze. C'était, de mon point de vue, un atout, car cela permettait au Président de la République de ne pas être isolé dans l'Élysée et de rencontrer de temps en temps des Français ne vivant pas sous les ors de la République. C'est pourquoi je propose une exception au non-cumul pour les collectivités de moins de 10 000 habitants.
Nous ne souhaitons pas couper les ministres de leurs territoires et nous ne leur interdirons pas l'exercice de tous mandats locaux : nous voulons simplement qu'ils ne puissent cumuler avec des fonctions exécutives locales, car nous considérons que celles-ci, tout comme les fonctions ministérielles, méritent plus qu'un temps partiel. Avis défavorable.
Je suis d'accord avec l'analyse de Mme la rapporteure, et c'est dans l'esprit de ce que nous avons fait précédemment. Il est essentiel qu'il ne puisse y avoir conflit d'intérêts : un ministre ne doit pas diriger en même temps un exécutif local !
Il y a aujourd'hui des membres du Gouvernement qui cumulent avec des exécutifs locaux, notamment le ministre des comptes publics. Le métier de ministre serait-il donc à temps partiel et celui de député à temps plein ? La réalité, c'est que, dans de petites communes, il s'agit d'un engagement bénévole que l'on peut remplir sur son temps libre et qui permet de garder le contact avec une réalité difficile, celle de nos collectivités locales. Il serait bon qu'un certain nombre d'entre nous puissent siéger non pas en tant que simples conseillers municipaux, coupés des responsabilités des réunions de bureau, mais au sein d'un exécutif local, notamment dans les petites communes. Cela ne remettrait pas en cause notre travail parlementaire : au contraire, cela le renforcerait par une prise directe avec les responsabilités au plus près de nos concitoyens.
Les maires de petites communes, je puis en parler puisque je l'ai été, sont extrêmement accaparés. Ils jouent parfois à eux seuls le rôle de direction générale des services. Dans les petites communes rurales, on voit des maires qui passent leur temps et leur vie au service de leurs concitoyens.
Le régime applicable aux parlementaires prévoit une incompatibilité pour l'ensemble des exécutifs locaux. Le Conseil d'État suggère que le régime des incompatibilités des membres du Gouvernement qui sera défini par la loi organique soit, dans toute la mesure du possible, identique à celui des parlementaires. Nous en reparlerons le moment venu.
Je ne souhaite pas rouvrir le débat sur le cumul, qui est tranché, mais il y a une réalité dont je veux faire part, et la « triangulation » dont a fait preuve le mouvement En Marche renforce ma conviction sur ce point. Certains ministres qui étaient députés, et dont les suppléants sont devenus députés quand ils sont devenus ministres – sans tourner casaque, c'est-à-dire sans changer de groupe –, reprennent, le week-end, la place de leurs suppléants. Vous en connaissez. On a donc des ministres qui sont tous les week-ends en circonscription, au mépris de leurs suppléants qui, bien que devenus titulaires, sont en réalité de faux titulaires.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.
Mes chers collègues, au rythme actuel, il nous faudrait encore cinquante-cinq heures de débat en commission ; avec l'ouverture de séances vendredi et lundi, nous n'en aurons que vingt-sept… Ce sont là de froides statistiques, mais tout dépendra du rythme que nous adopterons dans les jours qui viennent.
Après l'article 1er
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL941 de M. Sébastien Jumel et les deux amendements identiques CL650 de M. Christophe Euzet et CL1324 de Mme Isabelle Florennes.
J'ai expliqué lors de la discussion générale que notre objectif était de renforcer concrètement les pouvoirs du Parlement. C'est le sens de mon amendement 941, qui propose de réécrire le premier alinéa de l'article 24 de la Constitution de la façon suivante : « Le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays. Il décide de la politique budgétaire. Il vote la loi. » Vous mesurez ainsi notre volonté de renforcer les pouvoirs budgétaires du Parlement – et notamment de ne plus nous voir opposer l'article 40 en toute occasion.
En affirmant que le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays, votre amendement est en contradiction avec l'article 20 de la Constitution, selon lequel le Gouvernement définit et conduit la politique de la Nation. Avis défavorable.
Mon amendement CL650 se veut de témoignage après un an de députation et met en exergue le caractère très restrictif de l'article 24 de la Constitution, qui dispose que « le Parlement vote la loi ». Au bout d'un an, j'ai pu constater que nous faisions bien plus que cela, en travaillant en amont dans le cadre des missions d'information et commissions d'enquête, et avec notre travail d'amendement. Il me semble plus conforme à la réalité de dire que le Parlement « contribue à l'élaboration de la loi et la vote ».
Notre amendement CL1324 a le même objet. Pour le Mouvement Démocrate, la rédaction « le Parlement participe à l'élaboration de la loi et la vote » correspond bien plus à l'esprit du travail parlementaire depuis un certain nombre d'années. Nous ne sommes pas une simple chambre d'enregistrement. Il ne s'agit pas pour autant de dire que nous coécrivons la loi : nous participons à un travail de débat et d'enrichissement des textes par le biais des amendements. Nous reviendrons plus loin sur le droit d'amendement.
Ces trois amendements, qui disposent que le Parlement contribue à l'élaboration de la loi, semblent redondants avec l'article 24 de la Constitution, en vertu duquel le Parlement vote la loi. Sans être un très fin observateur, je pense que le nombre, qui n'est pas décroissant, des amendements déposés à l'occasion de chaque examen des textes qui nous sont soumis prouve à l'évidence le Parlement contribue largement à l'élaboration et à la rédaction de la loi avant de la voter. Avis défavorable.
Dès lors qu'il est pris acte du fait que nous faisons plus que voter la loi, la réponse me satisfait.
L'amendement CL650 est retiré.
Je ne retire pas notre amendement : je maintiens que le terme « élaborer » est plus précis.
Je ne peux croire que M. Ferrand ne soit pas un fin observateur… Il sait fort bien ce qui se passe : si les députés étaient associés en amont de manière plurielle à l'élaboration de la loi, cela permettrait peut-être que nos amendements soient intégrés au moment du projet et qu'il y en ait moins in fine. Et la pratique gouvernementale de recours successifs aux ordonnances, au vote bloqué, à des amendements arrivant en plein milieu du débat sans avoir pu être correctement examinés au préalable par les parlementaires, atteste que l'élaboration de la loi a été très égratignée.
Autant j'étais opposé au précédent amendement de M. Jumel, parce que j'estime qu'il ne revient pas au Parlement de mener des politiques sociales et économiques mais bien au Gouvernement, autant je suis d'accord avec lui pour dire que c'est au législateur qu'il appartient d'élaborer et même de faire la loi, alors que nous savons que ce n'est pas le cas aujourd'hui. À entendre certaines paroles de ministres, j'ai cru comprendre que c'est tout juste si nous avions le droit d'avoir notre mot à dire sur l'élaboration de la loi ; on nous reproche notamment de déposer trop d'amendements. Or c'est notre rôle en tant que législateur ; ou alors, on estime qu'il n'y a plus de pouvoir législatif et que l'exécutif fait tout. Ce serait la confusion des pouvoirs.
Je note que l'amendement de M. Jumel est plus incitatif tandis que les autres restent purement indicatifs : dire que « le Parlement participe à l'élaboration de la loi et la vote » est à peu près exact, même si je pense que notre participation n'est pas majeure dans l'élaboration de la loi…
Vous avez, madame la présidente, annoncé à la reprise de la séance le nombre d'amendements restant en discussion et le temps que cette discussion prendrait. C'est le coeur du sujet : si nous allons peut-être devoir venir ce week-end défendre des amendements, c'est parce que le mode d'organisation du Parlement n'est pas arrêté par le Parlement mais par l'Élysée, c'est là qu'il a été décidé que ce texte passerait en séance publique la semaine du 9 juillet et qu'il fallait donc en terminer en commission au plus vite. Nous sommes au coeur du sujet de la réforme constitutionnelle quand on voit comment se passe cette réforme constitutionnelle elle-même.
Monsieur Ruffin, j'essaye d'indiquer régulièrement l'état d'avancement de nos travaux. C'est simplement factuel, afin que chacun sache ce qu'il en est.
La Commission rejette successivement ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CL490 de Mme Cécile Untermaier.
Nous souhaitons compléter l'alinéa 3 de l'article 24 de la Constitution qui indique que les députés, dont le nombre ne peut excéder 577, sont élus au suffrage direct, par la phrase : « Chacun de ses membres favorise la participation des citoyens à la vie publique. » Ce rôle du parlementaire en tant qu'animateur et intermédiaire avec les citoyens n'est pas suffisamment défini dans la Constitution. Il mériterait d'être précisé.
Je suis attachée à la participation citoyenne mais je ne crois pas utile d'apporter cette précision : rencontrer les citoyens et d'être à leur écoute fait évidemment partie, sinon de notre ADN, en tout cas de notre fonction de parlementaires. D'autant que je proposerai qu'une institution soit spécifiquement dédiée à la participation citoyenne, qui sera le CESE ou futur Forum de la République. Avis défavorable.
Je n'ai pas envie qu'on me réponde « CESE » à chaque fois que l'on parle de participation citoyenne. D'une part, nous n'avons pas le texte concernant le CESE. D'autre part, nous sommes des députés élus au suffrage universel et nous devons nous soucier des citoyens : ils nous le reprocheront si nous ne le faisons pas. J'espère qu'ils nous entendent et déplorent qu'on leur dise d'aller voir à gauche ou à droite, où on aura installé un placard dans lequel ils pourront déposer leurs arguments. Je peux tout imaginer, puisque je n'ai pas le texte. Le député doit-il représenter les citoyens ? Je pense que oui.
Mme la rapporteure s'énerve un peu… J'ai envie de la croire lorsqu'elle se dit attachée à la démocratie participative, mais rien ne l'atteste dans le texte, et les amendements que nous avons proposés soit pour l'ériger au rang constitutionnel soit pour lui donner du contenu ont tous été balayés. Il faudrait que vous traduisiez dans le texte votre attachement à la démocratie participative, et pas seulement dans un CESE qui ne sera au bout du compte qu'un think tank à peine amélioré.
Je ne vois pas bien le lien entre cet amendement et le CESE, mais je suis quoi qu'il en soit très opposé à ce type d'amendement. J'ai créé dans ma circonscription un conseil citoyen pour inclure les personnes qui désirent travailler aux côtés du député, toutes tendances confondues, mais on ne peut pas forcer un élu à le faire : c'est lui qui est maître de la façon dont il veut représenter la population. Je ne vois pas non plus comment inscrire dans la loi fondamentale une telle contingence qui reste d'ordre technique et matériel. Nous savons déjà, du reste, en tenant des permanences, en faisant des sondages, en publiant sur les réseaux sociaux, comment connaître le sentiment des citoyens sans qu'il soit besoin de passer par la Constitution.
Je soutiendrai tout ce qui rendra le parlementaire le moins technocrate possible, et cet amendement va précisément dans ce sens. Il souligne la nécessité pour le député d'être un animateur de la démocratie. Ce n'est pas une fonction directement législative et je ne veux pas que l'on réduise le parlementaire au seul rôle de faire la loi et de l'amender, au demeurant largement fictif, la loi étant faite depuis l'Élysée. Le député a une véritable fonction d'animateur démocratique. Il ne s'agit pas dans cet amendement de lui demander d'organiser un conseil citoyen dans son quartier ; c'est une déclaration de principe rappelant qu'il lui revient une autre mission que celle de faire la loi et qui est de favoriser la participation des citoyens à la vie publique : pour certains, cela supposera de créer par des conseils citoyens, et peut-être pour d'autres, d'organiser des manifestations.
Ce n'est pas du tout quelque chose d'impératif, mais l'absence dans une Constitution de toute mention de l'activité locale du député est choquante. Le député est élu au suffrage universel, mais rien n'y est dit de ce qu'on attend de nous dans nos circonscriptions ou ailleurs – il m'arrive de travailler sur d'autres territoires. Au moment où nous allons tous être grandement fragilisés, il est de notre intérêt d'identifier le député en tant que porte-parole des citoyens.
La Commission rejette cet amendement.
Puis la Commission est saisie de l'amendement CL206 de Mme Valérie Petit.
Cet amendement touche à la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement. Le fait de remplacer le pronom « il » par « le Parlement » contribue à souligner que le Parlement a besoin de moyens pour assurer cette mission.
Votre amendement prévoit en fait une sorte de droit de tirage du Parlement sur les expertises relevant de l'administration afin de mieux contrôler l'action du Gouvernement : cela me paraît soulever des difficultés quant au principe de séparation des pouvoirs et aboutit de surcroît à faire paradoxalement dépendre le Parlement de l'administration dans sa mission de contrôle. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL90 de M. Jean-François Eliaou et CL472 de Mme Pires Beaune.
Toujours en ce qui concerne la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement, l'amendement CL90 propose d'introduire à l'alinéa 2 de l'article 24 de la Constitution la possibilité pour le Parlement de bénéficier d'une agence parlementaire de l'évaluation. C'était une des volontés exprimées par le Président de la République de mieux asseoir cette mission importante du Parlement en lui permettant de se doter d'un outil approprié.
Mon amendement CL472 tend également à doter le Parlement d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. La discussion tombe bien puisque, deux étages plus haut, se tient aujourd'hui même la journée de l'évaluation, à l'initiative de Jean-Noël Barrot et de Jean-François Eliaou, qui n'est pas ici présent pour cette raison. Les discussions que nous avons eues au sein de la commission des Finances convergent sur le fait que le Parlement n'a pas aujourd'hui les moyens de réaliser des études d'impact sur ses propres amendements. Cet amendement ne contrevient pas à la séparation des pouvoirs puisqu'il vise à doter le Parlement d'une agence indépendante, quel que soit le nom qu'on lui donne.
Ces amendements tendent à doter le Parlement d'un organisme d'évaluation chargé de l'assister dans ses missions d'évaluation et de contrôle. Tout le monde souhaite un renforcement des moyens du Parlement dans ce domaine. Toutefois, le nouvel organisme que vous appelez de vos voeux aurait davantage sa place dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Au demeurant, l'inscrire dans la Constitution risquerait de freiner sa mise en oeuvre si le Sénat n'était pas intéressé par la création d'un tel organe – hypothèse d'autant plus probable qu'il a mis au point ses propres méthodes d'évaluation.
À cet égard, je rappelle que le Parlement a déjà été doté, il y a vingt-deux ans, par la loi du 14 juin 1996, d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, qui a été supprimé en 2001 après que l'on a eu constaté l'arrêt de son fonctionnement. Par ailleurs, l'actuel comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques pourrait se voir confier de nouvelles fonctions sans qu'il soit besoin de créer un organe supplémentaire. Sans oublier le Printemps de l'évaluation, lancé à l'initiative de certains parlementaires, dont vous venez de parler.
Par conséquent, les outils juridiques existent, un organe est déjà en place – le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques – et des budgets peuvent, si le bureau de l'Assemblée nationale le décide, être consacrés à des évaluations réalisées par des organismes indépendants, notamment universitaires. Il serait donc superfétatoire d'inscrire la disposition que vous proposez dans la Constitution, puisque les assemblées parlementaires sont libres de créer les organes qu'elles souhaitent. Inutile d'aller surcharger la norme suprême de facultés qui existent déjà.
Je suis sidéré par ces amendements et, bien au-delà, par la philosophie qui les sous-tend. Outre le fait qu'elle n'a sans doute pas sa place dans la Constitution, une telle disposition s'inscrit en effet dans une logique qui consiste à substituer des fonctionnaires à des parlementaires, dont on s'apprête par ailleurs à réduire le nombre d'un tiers. De fait, rien ne nous empêche, actuellement, de contrôler sur pièces et sur place…
… et de disposer de tous les rapports possibles et imaginables. Si nous créions une agence d'évaluation, elle serait composée de fonctionnaires qui rédigeraient des rapports sur la base de rapports déjà existants et des données qu'on voudra bien leur communiquer. La démocratie y serait perdante, au profit de la technocratie. Nous le dénonçons avec force !
En premier lieu, cher collègue Di Filippo, moins nous serons de parlementaires, plus nous aurons besoin d'experts à notre disposition pour prendre des décisions en toute connaissance de cause.
En second lieu, monsieur le rapporteur général, il n'est pas exact que l'Assemblée est parfaitement libre en matière d'évaluation. En effet, en 2009, le Conseil constitutionnel a censuré, au nom du principe de la séparation des pouvoirs, une résolution tendant à modifier notre règlement pour donner au rapporteur du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques la possibilité de bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement. Ce qui prouve que, sans une accroche constitutionnelle, nous ne pourrons faire ce que nous souhaitons en matière d'évaluation.
Premièrement, reconnaissons entre nous que le Printemps de l'évaluation, c'est du pipeau – ou de la poudre de perlimpinpin.
C'est mon opinion, et j'ai la possibilité de l'exprimer ici sans être jugé.
Deuxièmement, certains offices parlementaires d'évaluation ont montré leur efficacité : ainsi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques a su convaincre, en son temps, le ministre Claude Allègre de renoncer à l'implantation d'un synchrotron en Angleterre et de favoriser la recherche publique. En tout état de cause, il est nécessaire, si nous ne voulons pas que la mission de contrôle échoie aux technocrates, de doter le Parlement de son propre outil d'évaluation et de l'inscrire au niveau constitutionnel. Par ailleurs, je ne crois pas que le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement aille forcément de pair avec la diminution du nombre de ses membres, à laquelle nous sommes opposés.
La question n'est pas celle du nombre des parlementaires, monsieur Di Filippo, mais de savoir si les assemblées parlementaires peuvent se doter de moyens qui leur permettent de mieux remplir leurs missions d'évaluation et de contrôle. Certains outils existent, M. Jumel a raison. Mais sans doute faut-il les renforcer. Il semble en tout cas que ce soit nécessaire, comme en témoigne la réflexion menée par les groupes de travail de l'Assemblée.
Cela étant, y a-t-il besoin d'une accroche constitutionnelle ? Sur ce point, je partage plutôt le sentiment de notre rapporteur général : en l'état actuel des choses, rien ne nous interdit de créer un nouvel outil. Maintenant, doit-il être commun au Sénat et à l'Assemblée, comme le prévoit l'amendement CL472, ou doit-il être propre à l'Assemblée nationale, comme cela est proposé dans l'amendement CL90 ? Enfin se pose la question de l'accès réel aux données. Tels sont les trois éléments qui doivent guider notre réflexion d'ici à la séance publique.
L'amendement CL412 n'a en effet aucun lien avec la question de la réduction du nombre des parlementaires. Par ailleurs, l'évaluation à laquelle je pense doit également s'exercer ex ante : elle devrait porter notamment sur nos propres amendements. Je puis, du reste, vous assurer, pour en avoir fait l'expérience sous la précédente législature, qu'une telle évaluation est nécessaire : sans l'aide d'un cabinet extérieur, jamais nous n'aurions pu prouver que nous avions raison – je pense à un amendement très précis. Le besoin est donc réel.
Quant à l'accroche constitutionnelle, elle me paraît nécessaire, notamment pour garantir l'indépendance de cet office. Enfin, nous proposons que cet outil soit commun aux deux chambres, par simple souci d'économie ; mais s'il devait être rattaché à la seule Assemblée nationale, je n'y verrais aucun inconvénient.
En tout cas, l'argument de M. Villani me conforte dans l'idée qu'il est nécessaire d'inscrire cet organisme indépendant, au même titre que d'autres, dans la Constitution.
Personne, ici, ne doute que le Parlement a besoin d'autres sources que celles de l'administration de l'État pour évaluer les textes qui lui sont soumis – les raisons en sont évidentes. Ainsi, Mme Pires Beaune l'a dit, elle a eu besoin du concours d'un cabinet indépendant pour mesurer l'impact d'une de ses propositions. Toutefois, il est loisible aux bureaux des assemblées d'affecter une somme au financement de travaux d'évaluation des propositions des parlementaires ou de ses travaux de contrôle : c'est du reste dans cette voie que le Sénat s'est engagé. L'important pour les parlementaires n'est donc pas tant de créer un organisme ou une agence supplémentaire que d'avoir les moyens de faire appel à un cabinet ou à un laboratoire indépendant, voire à une université ou que sais-je encore : ce n'est pas à la Constitution de dire quelle forme doit prendre la volonté des assemblées de se doter d'outils d'évaluation.
En somme, je souscris entièrement à l'objectif politique que vous défendez, mais faisons déjà ce que nous avons le droit de faire pour peu que les bureaux des assemblées en décident, plutôt que d'adopter une disposition d'ordre constitutionnel qui sera de toute façon sans lendemain si nous ne nous saisissons pas de la question à l'échelle opérationnelle pertinente, celle des bureaux des assemblées.
Les propos que vous venez de tenir, monsieur le rapporteur général, montrent que nous partageons la même analyse : il est nécessaire que le Parlement dispose d'outils indépendants qui permettent à chacun de ses membres, et pas uniquement aux groupes, de travailler correctement. Or, nous ne disposons actuellement que d'un budget d'à peine 100 000 euros, ce qui est loin d'être suffisant, et les fonctionnaires sont très peu nombreux. Si nous ne sacralisons pas, en quelque sorte, ces outils au plan budgétaire en les inscrivant dans la Constitution, comment pouvons-nous être sûrs qu'ils seront à la hauteur de nos besoins ?
Je suis d'accord avec M. Di Filippo : c'est bien le politique qui doit gouverner et, pour cela, il doit être éclairé par rapport à la technocratie. C'est la raison pour laquelle la création d'un nouvel organe dans la Constitution ne suffit pas. Il serait intéressant de renvoyer cette question à une loi organique relative aux institutions chargées du contrôle au sein du Parlement – c'est du reste l'objet d'un amendement que nous défendrons après l'article 9. En effet, comme l'a dit le rapporteur général, dans ce domaine, l'Assemblée nationale ne travaille pas forcément de la même manière que le Sénat, qui a fait le choix de commander des études externes.
Tout d'abord, peut-être faudrait-il s'inspirer de ce qui se fait en Allemagne où, m'a-t-on dit sur Telegram, le service de documentation et de bibliothèque est beaucoup plus fourni que dans notre assemblée.
J'ai entendu dire que la création d'un organe d'évaluation aurait pour conséquence de renforcer la technocratie au détriment du politique. Cet argument est faux dans l'absolu ; il n'est valable que si l'on fonctionne à enveloppe constante et si l'on considère que le coût de cet organe est tel qu'il nécessite que l'on réduise le nombre des parlementaires. Si, sur le principe, je suis favorable à la création d'un tel organisme, je crains que, dans la pratique, elle ne se fasse au détriment du politique.
C'est exactement ce que nous dénonçons. Il est indiqué, dans l'exposé des motifs de cette révision constitutionnelle, qu'il convient de diminuer le nombre des parlementaires pour leur donner les moyens de remplir leurs missions, notamment de contrôle. Autrement dit, on remplace du travail d'élu par du travail de fonctionnaire. Je le répète : moins nous serons nombreux, moins nous aurons de temps à consacrer à nos circonscriptions, qui seront devenues gigantesques, et à nos tâches parlementaires. Ainsi nous ne pourrons plus exercer nous-mêmes notre mission de contrôle en faisant appel au concours d'agences indépendantes, qui produisent déjà des données en quantité très importante, et en réalisant toutes les auditions que nous voulons. De ce fait, nous dépendrons de ce qu'on voudra bien mettre à notre disposition. Voilà quel sera le résultat de cette réforme. Encore une fois, c'est la démocratie qui y perdra, au profit de la technocratie.
Monsieur Di Filippo, votre position est paradoxale : vous dites que les députés auront de moins en moins de temps mais vous avez défendu, tout à l'heure, un amendement visant à supprimer le cumul des mandats…
Ce serait sympathique de me laisser finir mes propos ! Du coup, je ne sais plus où j'en suis. Moins de députés…
La Commission rejette successivement les amendements CL90 et CL472.
Elle en vient ensuite à l'examen de l'amendement CL625 de M. Éric Coquerel.
Je tiens à m'élever contre la réduction du nombre des parlementaires. Les gens n'ont pas besoin de moins de députés, mais de plus de députés. Lors de la Révolution française, ceux-ci étaient déjà au nombre de 577, ce qui faisait quatre parlementaires pour 100 000 habitants, contre 1,5 aujourd'hui. Actuellement, la France est déjà en dessous de la moyenne européenne.
Le député est quelque part un service public de proximité. Quand les gens ont des problèmes individuels avec une administration, ils doivent pouvoir pousser sa porte. Et quand le problème prend une dimension collective, une fermeture de classes, de collèges ou d'un hôpital par exemple, le député joue un rôle d'entremetteur auprès des institutions et de l'État. Ne serait-ce que pour bien faire ce travail de proximité, être aux côtés des gens, écouter leurs doléances, s'en faire l'écho à Paris puis redescendre les informer de ce qui se passe là-haut, il faudrait que nous soyons bien plus nombreux que nous ne le sommes actuellement.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer, à l'article 24 de la Constitution, les mots : « dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept », et d'y ajouter un alinéa précisant que « le nombre de représentants du peuple ne peut être inférieur à un parlementaire pour 50 000 habitants ».
Le ratio peut être discuté : vous pouvez déposer un sous-amendement, madame la rapporteure.
Ce n'était pas mon intention. Comme vous le savez, votre proposition est à rebours de la réforme globale que nous défendons. Notre avis ne peut donc qu'être défavorable.
Cet amendement a le mérite de traduire notre désapprobation et notre colère face à votre mauvais projet. Je vais vous dire comment, moi, je fonctionne.
Quand je parle de la loi « Travail », de la pénibilité, des CHSCT, j'ai en tête les ouvrières du verre de la vallée de la Bresle, qui trient 1 600 flacons à l'heure.
Quand je parle de pêche et des projets éoliens offshore, j'ai en tête le dur et difficile métier des pêcheurs de Dieppe et du Tréport et la façon dont ils sont assassinés par les politiques publiques menées depuis trente ans.
Quand je parle de la nécessité d'aménager le territoire, j'ai dans les yeux les communes rurales qui maillent mon territoire, qui en sont la sève. Je ne peux pas séparer le travail de parlementaire, qui consiste à élaborer et à amender la loi, de la réalité de mon territoire.
Votre projet a pour but de faire du Parlement une assemblée de bobos parisiens, de technocrates enfermés dans un bocal. Un moule à pensée unique !
Lorsque le projet du Gouvernement – je prends en compte les trois textes – aura abouti, les citoyens français seront les moins représentés d'Europe ! Sept cent neuf membres au Bundestag, soit à peu près l'équivalent de chez nous, six cent cinquante représentants à la Chambre des communes, ce qui n'est pas rien, trois cent cinquante au Congrès des députés espagnol, ce qui équivaudrait à environ 510 députés en France. Nous serons les muets du sérail !
Nos territoires seront moins représentés, avec des circonscriptions qui auront doublé de superficie. Et, en effet, nous qui, comme notre collègue Jumel et d'autres, avons le souci d'être en phase avec nos territoires, nous n'aurons plus le temps de rencontrer le syndicaliste, le pêcheur, le bénévole, ni de faire le tour des administrations préfectorales ou académiques pour défendre certains dossiers. Autant d'activités qui nourrissent notre travail au plan national. L'élu national a besoin de travailler en phase avec le terrain.
Nous aurons probablement ce débat lors de l'examen des lois organique et ordinaire, mais vous m'obligez à prendre la défense du Sénat – je n'aurais jamais cru me trouver dans une telle situation… À vous entendre, les députés seraient les seuls parlementaires de France.
De fait, en retenant un ratio d'un parlementaire pour 116 000 habitants, vous faites fi du Sénat, laissant ainsi entendre que celui-ci ne représenterait pas le peuple, ce qui est contraire à la Constitution. C'est juste incohérent !
Madame la rapporteure, vous avez indiqué que notre amendement était contraire à l'orientation de votre projet, mais vous ne justifiez pas cette orientation. Vous ne dites pas un mot des raisons pour lesquelles vous choisissez de réduire le nombre des parlementaires, en particulier des députés. Par ailleurs, monsieur Houlié, les statistiques que, pour ma part, j'ai citées, intégraient bien les sénateurs.
Actuellement, des soignants en psychiatrie sont perchés sur le toit de l'hôpital psychiatrique du Havre parce qu'ils n'arrivent pas à entrer en contact avec l'Agence régionale de santé. Il serait urgent que des parlementaires se mobilisent sur cette question et aillent travailler au Havre, à Amiens ou à Rouvray pour être aux côtés de ces personnels soignants. Or, nous ne le pouvons pas, car nous n'en avons pas le temps.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL1043 de M. Vincent Bru.
Le projet de loi constitutionnelle, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire forment un tout. La réduction du nombre des parlementaires, en particulier des députés, va entraîner un redécoupage des circonscriptions, encadré par les règles fixées par le Conseil constitutionnel, qui veille notamment à ce que l'écart de population ne soit pas trop important d'une circonscription à l'autre. C'est pourquoi, afin de garantir une représentation territoriale minimale, nous proposons, par cet amendement, d'inscrire à l'article 24 de la Constitution que « chaque département, chaque collectivité à statut particulier, chaque collectivité d'outre-mer compte au moins un député et un sénateur ». C'est la moindre des choses : notre collègue Pierre Morel-À-L'huissier est déjà seul député de Lozère… En l'inscrivant dans la Constitution, nous éviterions tout risque de censure du Conseil constitutionnel.
Vous proposez de constitutionnaliser le principe selon lequel chaque département compte au moins un député et un sénateur. Une disposition analogue est prévue à l'article 6 du projet de loi organique pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
Chaque texte a sa cohérence juridique et sa propre valeur normative. Or cette disposition ressort clairement d'une loi organique et non de la Constitution. Avis défavorable.
La loi organique est automatiquement soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Il me paraît donc préférable, pour éviter une éventuelle censure, d'inscrire ce principe dans la Constitution. Néanmoins, j'entends votre argument.
On touche là aux limites de votre projet de révision constitutionnelle – puisque les trois textes forment un tout. La réduction du nombre des parlementaires est avant tout une mesure populiste, qui ne se fonde sur aucune étude fiable et ne répond à aucun objectif concret. En effet, aucune économie n'est à en attendre, même si c'est ainsi que vous présentez cette mesure à nos concitoyens.
S'il est nécessaire d'inscrire dans la Constitution le principe selon lequel un département doit comprendre au moins un député et un sénateur, c'est parce que la diminution du nombre des parlementaires va se combiner avec l'introduction d'une dose de proportionnelle, et ce double « effet Kiss Cool » va créer de grandes disparités de représentation. Ainsi, un département comptant 70 000 habitants aura un député et un sénateur alors que, dans d'autres, plus peuplés, il y aura moins d'un député par tranche de 240 000 habitants. En prenant la décision populiste de réduire le nombre des parlementaires, vous vous créez des noeuds au cerveau et vous encourez en effet la censure du Conseil constitutionnel si vous n'inscrivez pas ce principe dans la Constitution, car les écarts de population seront trop importants d'une circonscription à l'autre. C'est bien là la limite de votre réforme populiste.
Madame la rapporteure, vous nous avez dit que l'amendement précédent était contraire à votre projet, mais vous n'avez absolument pas justifié votre choix de réduire le nombre des parlementaires.
On n'insiste pas suffisamment sur le fait qu'il existe une véritable cohérence entre les trois projets de loi, au point que l'on peut s'étonner de devoir les examiner séparément.
Peut-être votre principale préoccupation est-elle de découper la France au scalpel en diminuant le nombre des députés. Ça, c'est poujadiste, c'est populiste, c'est démago !
Lorsque je m'inquiète de ne plus pouvoir, demain, porter la parole des pêcheurs ou faire entrer la fierté ouvrière à l'Assemblée, on me traite de populiste. Non ! Ce qui est populiste et démago, c'est de prétendre vouloir faire des économies en diminuant le nombre des parlementaires, alors qu'on va augmenter celui des collaborateurs. C'est une démocratie technocratique et désincarnée que vous nous proposez. C'est un moule à pensée unique dont vous rêvez ! Au fond, votre seul projet est d'effacer tous ceux qui ne pensent pas comme le Président des riches, les corps intermédiaires comme les députés.
Je souhaiterais faire entendre la voix des outre-mer. Je souscris à l'esprit de l'amendement de M. Bru. La réforme globale va en effet accentuer l'écart de population entre les circonscriptions. Prenons donc garde de ne pas pécher par excès de prudence, car une partie des électeurs risquent d'être sanctionnés. Il serait beaucoup plus simple et sécurisant que le principe soit affirmé dans la Constitution. Cela conduira la jurisprudence du Conseil constitutionnel et garantira l'élection d'au moins un sénateur et un député par territoire.
Je suis évidemment favorable à cet amendement. Le nombre de 400 députés a été lancé, comme cela. Si l'on en était resté à 450 ou 470, vous n'auriez pas été dans l'obligation de chercher une solution pour ne pas déshabiller les départements.
Lors de la présentation, ce matin, du Livre bleu des Assises de l'outre-mer, le Président de la République a décrit un « archipel France » composé de territoires continentaux et de territoires îliens. Je souhaiterais que la Constitution reflète ce nouveau regard porté sur les outre-mer, et qu'il y soit précisé que chaque territoire ultramarin, quelle que soit sa population, est représenté par au moins un député et un sénateur.
Permettez à un député qui n'est diplômé d'aucune grande école et qui est élu d'un territoire rural privé de capitale régionale d'ajouter un mot. Car les faits sont têtus, comme dirait l'autre.
Il est prévu, dans les projets de loi organique et ordinaire, que chaque département aura au moins un élu et que le ratio sera d'un parlementaire pour 106 000 habitants. Aux États-Unis, que vous avez abondamment cités en exemple, on compte un parlementaire pour 608 000 habitants. (Exclamations sur divers bancs).
Chers collègues, vous craignez que les circonscriptions soient trop vastes pour que vous ayez le temps de travailler et d'assurer une présence de proximité. Mais vous oubliez un détail important : l'organisation territoriale de la France, qui est parfois critiquée, se traduit par un réseau d'élus très nombreux, organisés et de très grande qualité.
Vous ne pouvez donc pas comparer la situation de la France à celle de l'Allemagne, de l'Italie ou des États-Unis. Monsieur Gosselin, vous savez, pour avoir été élu local, combien ceux-ci sont proches des citoyens.
Je veux rappeler à notre ami Sacha Houlié que l'intérêt d'inscrire cette disposition dans la Constitution est d'éviter la censure du Conseil constitutionnel, car celui-ci contrôle systématiquement la loi organique. Mon amendement a uniquement pour objet de nous apporter une garantie supplémentaire que ce principe ne sera pas annulé.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'examen de l'amendement CL412 de Mme Cécile Untermaier.
Par cet amendement, nous proposons qu'aucun député ne puisse représenter plus de 150 000 habitants et que l'écart de population entre les circonscriptions ne puisse excéder 20 % – je suis persuadée que ce dispositif est à revoir et que, de toute façon, il sera rejeté. Mais nous proposons également que le nombre des députés soit fixé en fonction de l'évolution de la population, et donc qu'il augmente si celle-ci augmente, comme cela se fait notamment au Canada. Je trouve cette règle respectueuse des citoyens, qui ont besoin de leurs députés. Nous savons bien que le temps de l'élection ne suffit plus et que nous exerçons désormais notre mandat dans ce que l'on appelle une démocratie d'exercice, qui exige proximité et impartialité.
Ce n'est pas de nous que nous nous préoccupons, mais des citoyens. On doit leur garantir un nombre suffisant de députés pour qu'ils n'aient pas à faire, comme ce sera le cas, deux heures de route pour les rencontrer. Ils doivent pouvoir bénéficier de l'écoute du parlementaire, dont le rôle est tout à fait particulier – c'est un être hybride – et qui est irremplaçable, tant à l'Assemblée que dans les territoires.
Pour les mêmes motifs que ceux que nous avons évoqués tout à l'heure, avis défavorable – nous y reviendrons ultérieurement.
Par élégance, je laisse mon temps de parole à Erwan Balanant, pour qu'il puisse poursuivre son explication.
L'élégance, monsieur Gosselin, consiste à ne pas interrompre les autres. Peut-être est-ce dû à la fatigue de certains, mais il serait bon que nous laissions les uns et les autres s'exprimer.
Nous discutons toujours du même sujet, et je continue de m'étonner du silence des rapporteurs sur la diminution du nombre des parlementaires. Les députés de la majorité tentent bien de justifier cette mesure en arguant que, dans certains pays, les députés sont moins nombreux qu'en France. Mais on ne nous dit rien des raisons d'une telle diminution, de l'objectif poursuivi, de la finalité politique !
On nous dit également qu'il faut tenir compte des élus locaux. Mais, pour ma part, je suis assez sensible à une spécificité du parlementaire : n'ayant aucun pouvoir propre dans sa circonscription, il a la possibilité d'interpeller relativement librement et d'incarner, même lorsqu'il appartient à la majorité, un contre-pouvoir. Il a un rôle d'alerte pour les citoyens.
À l'appui des propos de M. Ruffin, je voudrais vous raconter une anecdote. La semaine dernière, j'ai participé, dans ma circonscription, à un conseil citoyen. Lorsqu'a été abordée la révision constitutionnelle, certains de mes concitoyens m'ont demandé pourquoi il fallait diminuer le nombre des parlementaires. Je n'ai pas trouvé une seule réponse concrète à leur apporter, et ce n'est pas faute d'avoir cherché. Du reste, personne, dans la salle, n'a été en mesure de répondre à cette question. Il serait donc intéressant que nous puissions savoir, au-delà de l'avantage « sondagier » escompté, en quoi le pays sera mieux administré si l'on a moins de parlementaires.
Je soutiens, moi aussi, ces amendements qui visent à garantir une juste représentation. Ce matin, j'ai assisté à la présentation du Livre bleu des outre-mer, dont je vous invite à prendre connaissance. Lors de cette réunion, le Président de la République a prononcé un très beau discours dans lequel il a donné une nouvelle vision de la France, une « France archipel », unique grâce à ce chapelet d'îles disséminées autour du monde qui lui donnent sa dimension mondiale et maritime. Lorsque nous réclamons une représentation forte de ces territoires, c'est aussi pour que cette dimension soit bien présente et réelle dans nos institutions.
Madame la présidente, permettez-moi de vous dire que je n'approuve pas la règle qui limite notre temps de parole à une minute.
Je suis content de voir émerger, y compris dans les rangs de la majorité, l'idée que cette règle est insupportable. J'ai donc eu raison avant l'heure.
Si nous ne vous lâchons pas, madame, messieurs les rapporteurs, sur la question de la diminution du nombre des parlementaires, ce n'est pas parce que nous sommes attachés à notre siège comme à un privilège, c'est parce que nous estimons que c'est une véritable saignée sur la démocratie. Partout, dans le monde, la République renonce, recule. Cette mesure s'inscrit dans un schéma global : après avoir transformé les régions en Länder et obligé les communes à se marier dans des intercommunalités technocratiques, on veut à présent éloigner les députés des territoires. Tout cela, c'est une machine à fabriquer le rejet de la démocratie et de la République et à favoriser les vagues brunes. Et vous en êtes responsables. C'est pour cela que nous sommes en colère.
J'existais avant d'être député ; je me trouverai une autre utilité demain, lorsque vous aurez charcuté toutes les circonscriptions – ce n'est pas la question. Mais c'est dangereux pour la démocratie, et vous le savez !
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL1196 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
Je veux vous alerter sur cette incohérence totale entre la vision et l'ambition que vous affichez et la réalité de ce que vous proposez dans cette réforme. Bien sûr, notre mission est nationale, mais notre ancrage territorial garantit l'efficience de cette représentation au niveau national.
Si nous ne sommes pas certains d'avoir des représentants issus de l'ensemble de ces territoires, nous perdrons ce fil essentiel à l'exercice démocratique.
La Polynésie française est un territoire grand comme l'Europe. Nous avons 118 îles, dont 76 qui sont habitées. Nous avons imposé, à l'assemblée de Polynésie, une surreprésentation des archipels éloignés : alors qu'ils ne pèsent que 30 % de la Polynésie, ils représentent plus de la moitié des sièges. Si on l'a fait, c'est parce qu'on sait très bien qu'entre les îles Marquises, qui sont à trois heures d'avion de nous, et le centre, il y a de telles différences qu'avec un seul représentant sur cinquante-sept élus à l'assemblée, les Marquisiens seraient perdus. C'est pour cela que nous les avons surreprésentés puisqu'ils ont trois sièges à l'assemblée, tout comme les îles Tuamotu, les îles Gambier et les îles Australes. À eux seuls, alors qu'ils ne pèsent que 30 % de la population, ils détiennent 50 % des sièges. Je pense que nous avons bien fait, même si les zones urbaines ont râlé. Nous l'avons fait parce qu'il était nécessaire de leur donner cette force au sein de notre assemblée, qui est la reconnaissance de ce qu'ils pèsent en termes de représentation territoriale.
Inscrire dans la Constitution que chaque département est représenté par au moins un député sera la garantie, non pour les élus, mais pour nos populations qu'elles seront respectées dans leur vote, dans ce qu'elles représentent au sein de notre Nation. (Applaudissements.)
Le débat pourrait se poursuivre encore longuement. Nous savons bien, madame Sage, que les territoires ultramarins ont des spécificités qui justifient votre présence ici et au Sénat.
Je maintiens que ce projet préservera la représentation de chaque territoire quel qu'il soit et où qu'il soit.
Notre conception est différente de la vôtre. Pour ma part, je suis convaincue que cela n'entravera pas le lien que nous pouvons avoir avec nos territoires, qui ne dépend pas uniquement d'une traduction géographique ou comptable du nombre d'électeurs.
Nous en sommes au début de la discussion et, avec les navettes, nous avons une année devant nous pour étudier ce texte. Je souhaite que vous ouvriez ce débat et que vous compreniez l'importance de garantir une juste représentation. Aujourd'hui, les planètes ne sont pas alignées. J'essaie de vous sensibiliser sur les conséquences qu'aura demain le respect ou non de cette juste représentation. Ce débat de fond n'est pas uniquement ultramarin : il concerne aussi les zones rurales de l'hexagone et les Français de l'étranger. Bref, nous devons débattre d'une vision globale. Mais permettez à notre Commission d'ouvrir ce débat au fond. Vous êtes une majorité puissante, très large au sein de l'Assemblée ; ayez ce respect de vous ouvrir aux voix différentes de celles que vous entendez et de comprendre pourquoi nous défendons ces points de vue.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CL411 de Mme Cécile Untermaier, CL1068 de M. Michel Castellani et CL1257 de M. Jean-Félix Acquaviva, et des amendements identiques CL626 de M. Éric Coquerel et CL942 de M. Sébastien Jumel.
Le précédent amendement avait ma préférence : identifier un nombre d'habitants par rapport à un député c'est se préoccuper du citoyen avant que du nombre de députés. Je trouve cette approche beaucoup plus moderne.
L'amendement CL411 vise à maintenir à 577 le nombre de députés, mais ce n'est pas celui que je préfère. Comme chacun l'a dit, nous sommes soucieux non de nous-mêmes, mais de la démocratie et de cette représentation de qualité. Olivier Rozenberg, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris, nous démontre, par des schémas, que nous allons perdre en pluralisme, en diversité et en parité. C'est pourquoi nous présenterons ultérieurement un amendement qui alerte sur ce point.
Il y aura désormais un député pour 166 000 habitants, contre un député pour 116 000 actuellement. Notre travail sera extrêmement compliqué. Ne comparons pas avec les États-Unis : cela n'a rien à voir, ce sont des États fédérés qui ont chacun leur propre congrès.
Si l'on veut respecter le pluralisme, il faut au minimum un député et un sénateur dans un département. On ne sait pas comment faire pour éviter cette hémorragie d'élus tout à fait particuliers que sont les députés et les sénateurs. Avec un seul député et un seul sénateur, il est fort à parier qu'ils auront tous deux la même appartenance politique : il n'y aura alors plus de pluralisme sur le territoire.
Je n'interviendrai pas ici pour dire des choses révolutionnaires, mais des choses très simples. Et les choses simples sont parfois les plus efficaces. Nous souhaitons conserver le nombre de députés à 577, afin de sauvegarder la proximité entre les élus et le peuple.
La réduction du nombre de parlementaires éloignerait de fait géographiquement, physiquement l'élu des électeurs, ce qui n'a pas de rationalité. Cela aggraverait la difficulté de l'élu à parcourir sa circonscription, à écouter, entendre les citoyens.
Dire qu'un député est élu de la Nation a un sens, mais dire qu'un député doit garder ses racines a aussi un sens. Quelle est la rationalité de la baisse attendue du nombre de députés ?
L'amendement CL1257 vise à conserver le nombre actuel de parlementaires. Nous aurions pu vous suivre sur la baisse du nombre de parlementaires si l'ensemble du projet avait été détaillé. Permettez-moi d'être un peu provocateur en disant qu'un État fédéral, cela ne dérange pas les Corses… (Sourires).
Mais la conséquence de l'État fédéral, c'est que la loi et le règlement sont pour partie déterminés par les Länder allemands, par les régions autonomes. On peut donc réduire le nombre des députés de la Nation – je rappelle que la Suisse est une nation – parce que les matières évoquées dans la loi à l'échelle de la Nation sont séquencées par la répartition des compétences, par exemple entre ce qui relève des Länder allemands ou des cantons suisses et ce qui est du domaine du Parlement national. Dans de telles conditions, on pourrait réduire le nombre de parlementaires ; mais en l'absence d'une refonte totale de l'architecture institutionnelle, on aboutit forcément à un amoindrissement de la proximité avec les territoires.
Je tiens à rendre hommage à Maina Sage qui a bien montré que la solidarité avec les territoires peut ne pas être une solidarité de dépendance ou d'assistanat, mais une solidarité effective, y compris jusque dans la représentation politique, et qu'elle est tout à fait noble. La République dans son ensemble devrait s'inspirer de l'exemple polynésien dans la répartition des territoires à handicap qui ont besoin d'être davantage pris en compte que les autres.
Mais il ne faudrait pas « court-circuiter » ce qui s'est produit avec l'instauration du quinquennat : en affaiblissant la dimension territoriale de proximité dans l'élection, on rend les parlementaires seront encore plus fortement dépendants de l'élection présidentielle. Sans enracinement réel à une dimension territoriale renforcée, cela veut dire que c'est un service de proximité qui s'éteint. De surcroît, qu'on le veuille ou non, les députés devront leur réélection au Président de la République. Loin de renforcer le rôle de contre-pouvoir du Parlement, cela accentuera encore la présidentialisation du régime. Il y a une dimension territoriale dans l'élection, une opportunité de faire remonter la spécificité des territoires parce que la loi a encore des conséquences sur le territoire et qu'il faut éviter toute relation anxiogène. Autrement dit, les territoires qui ont besoin d'avoir une vision sur la loi doivent être bien représentés.
Là encore, il s'agit de protester contre la diminution du nombre de parlementaires. Je sais bien que je martèle toujours le même message, mais la question a été posée sur presque tous les bancs de l'opposition, et notamment par nos amis corses : au nom de quelle logique veut-on supprimer des parlementaires ? Pourquoi cette diminution du nombre de parlementaires ? Comme nous n'avons aucune explication, il faut bien répondre pour vous.
Le projet de réforme constitutionnelle met en lumière tous les biais spécieux de cette République. Tout est intégralement décidé depuis l'Élysée. Et le caprice de l'Elysée, c'est d'abaisser de 577 à 404 le nombre de députés. Dès lors que le Président de la République l'a décidé, la majorité à l'Assemblée nationale doit suivre. Et même si elle n'a aucun argument à nous proposer, il faut voter cette disposition parce qu'elle a été décidée par le Président de la République. J'aimerais que les rapporteurs nous expliquent la logique de la diminution du nombre de parlementaires. La logique est-elle économique, démagogique ?
Monsieur Houlié, si l'on ne compte pas les sénateurs, le seul pays d'Europe qui sera en dessous de nous en nombre de parlementaires, c'est la Russie de Vladimir Poutine ! Est-ce l'exemple de démocratie que nous voulons suivre ? J'aimerais que les rapporteurs nous fournissent des éléments de réponse pour que nous puissions avoir une discussion.
J'interviens en prenant quelques précautions oratoires. Je vous le dis sans porter de jugement de valeur ni volonté de froisser ou de stigmatiser personne : nous venons décidément de deux mondes complètement différents. Il y a ici des députés qui sont tombés de la planète Mars et qui ont été élus en huit jours, après avoir posté leur candidature sur internet.
Il y en a d'autres qui tirent leur légitimité, leur force, leur énergie quotidienne de la relation humaine, de l'ancrage, de l'incarnation territoriale et même des visages des hommes et des femmes qui nous donnent envie de nous lever le matin pour se battre et porter leur voix ici.
Je comprends que lorsque je parle, je suscite soit de la réprobation, soit de l'incompréhension. Nous ne parlons pas la même langue, nous n'avons pas la même conception du rôle de parlementaire.
Il y a d'un côté le monde virtuel d'une société « startupisée » et de l'autre la démocratie réelle que nous souhaitons continuer à incarner.
C'est de cela qu'il s'agit quand on parle du nombre de parlementaires, de la représentation des territoires, de la diversité des territoires, de la nécessité de prendre en compte la parole des Domiens, des ultramarins, de tous ceux qui veulent faire la diversité de la France au service de l'unicité de la France.
Avant de vous donner mon avis sur les amendements, je veux revenir sur quelques-uns des arguments que nous venons d'entendre.
Beaucoup d'entre vous ont dit qu'on allait basculer dans un système qui rendra les Français beaucoup plus distants de leurs élus, moins écoutés, etc. Mais que croyez-vous que l'élection présidentielle de 2007 ait montré, si ce n'est la défiance profonde des gens à l'endroit d'un système que vous persistez à défendre ? Cela fait des années que l'on voit se succéder en France des gouvernements de gauche et de droite. Pensez-vous qu'ils aient écouté les demandes des citoyens et réformé le pays ? C'est bien de cela dont on a hérité.
La défiance exprimée en 2017, c'était à l'égard de votre monde : les gens ont eu le sentiment qu'on ne les écoutait plus. Vous nous vantez un système qui a échoué, et qui a abouti à une abstention de 50 % et un second tour avec Mme Le Pen ! Avec un tel bilan, ne venez pas nous donner des leçons !
Je ne dis pas que des questions ne se posent pas – je pense à ce que vient de nous dire notre collègue de la Polynésie, mais c'est un autre type de questions – mais ne venez pas nous dire que ce système fonctionnait et qu'il était parfait.
Pour être un bon parlementaire, il faut aussi se souvenir des candidats que l'on a soutenus.
Ce sont les mêmes candidats qui défendaient la réduction du nombre de parlementaires, et je le dis à nos collègues de droite et très à droite : vous souteniez un candidat qui disait exactement la même chose, monsieur Di Filippo.
Si vous voulez être cohérent et restaurer la confiance des citoyens, rappelez quels étaient vos engagements et n'en changez pas six mois plus tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La confiance, monsieur Ruffin, suppose de tenir les engagements qui sont les nôtres. Nous avions dit que nous réduirions le nombre de parlementaires. Pour être de bons parlementaires, il ne suffit pas d'être nombreux ! Je pense que nous sommes beaucoup ici à le penser, y compris ceux qui sont témoins de l'échec du système précédent. Il faut être présent sur son territoire, vivre comme les gens et les écouter. Et quand on est dans l'opposition, il ne faut pas avoir ce réflexe pavlovien de voter contre les textes alors que les gens qui vous soutiennent vous disent qu'ils vont dans le bon sens. Ce réflexe, c'est l'échec de la démocratie ! Quand on est dans la majorité, il faut écouter les mêmes citoyens…
et, tout en étant loyal, ne pas s'interdire le réflexe citoyen et oser amender les textes. C'est ainsi que l'on modernisera la démocratie, qu'on lèvera le doute sur la vie politique et la moralisation. Vos amendements correspondent à quelque chose qui ne fonctionne pas.
Notre objectif, monsieur Ruffin, est de rompre avec trente-cinq ans d'échecs, de gens qui ne croient plus en la politique ni aux promesses. Nous aurons besoin pour ce faire de moyens supplémentaires, et nous l'assumons. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit : nous aurons plus de moyens pour mieux exercer nos missions, faire la loi et la contrôler.
Voilà pourquoi nous émettons un avis défavorable sur tous ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Je fais partie de ces Martiens qui, depuis cette planète éloignée, regardaient couler l'hexagone depuis une trentaine d'années et qui essaient de faire en sorte que ce ne soit plus le cas.
Je suis attristé par la platitude, le manque de verticalité et de dimension dynamique de vos analyses à l'égard du système dans lequel nous vivons. Il ne vous aura pas échappé que depuis trente ans le pouvoir n'a cessé de se rapprocher des citoyens, avec une décentralisation marquée au profit de la région, du département et des établissements publics de coopération intercommunale. Loin d'être le pays le moins représenté de la planète, nous sommes au contraire celui qui compte le plus d'élus. Vous nous montrez une photographie en noir et blanc, vieille de trente ans, et vous prétendez porter le progrès alors que vous êtes totalement rétrogrades.
Je veux revenir sur les propos de M. Jumel. Il n'y a rien d'infamant à dire que certains d'entre vous ont été élus après avoir candidaté sur internet. C'est la vérité.
Ils ont la même légitimité que nous. Nous avons tous été élus, certains dans la vague présidentielle, et d'autres contre ; il faut aussi tenir compte de ce message. S'il y a une leçon à tirer des dernières élections, c'est avant tout celle de la fracture territoriale. Je ne vous reproche pas d'être à l'origine de ce qui s'est passé depuis trente ans ; je dis simplement que ce que vous faites aggrave la défiance de nos concitoyens. Avant de dire que rien n'a été fait depuis trente ans, attendez de voir les résultats de votre politique. J'en veux pour preuve qu'au premier trimestre 2018 les voyants commencent à passer au rouge. Prenez garde aux leçons que vous donnez !
Je suis un parlementaire libre. J'ai été élu sur mon nom et pas sur une vague, comme c'est le cas de tous mes collègues. Je parle ici au nom des citoyens que je représente et en mon nom. Je suis libre de tous mes votes.
Je réponds de chacun de mes votes et je n'ai pas de leçon à recevoir en la matière. Je vote en fonction des intérêts de mon territoire.
Vous êtes incapables de nous dire quel est l'apport concret de cette réforme. Vous prétendez que les députés auront davantage de moyens ; c'est faux. Cela n'entraînera aucune économie de la dépense publique, seulement une moindre représentation, notamment des territoires les plus éloignés de la République.
Il serait dommage que ce débat de fond que je trouve fondamental tourne en invectives. Nous ne sommes pas là pour juger qui que ce soit. Si nous sommes là, c'est parce que nous sommes tous légitimes, choisis par une population qui nous a fait confiance.
Lors de la précédente législature, j'étais dans l'opposition. J'ai vu ce qui s'était passé. On a bien compris qu'un message est tombé en 2017, mais ce n'est pas pour autant que vous devez faire fi de la richesse de l'opposition. C'est cela, la démocratie. Il ne s'agit pas seulement de dire qu'on a été élu sur un programme, et que c'est cela qu'on doit faire. Certes, les citoyens ont fait des choix, mais ils n'ont pas nécessairement validé à 100 % le programme de qui que ce soit. Oui, il y a eu un programme présidentiel, mais je vous rappelle qu'il y a aussi un programme législatif. Nous sommes issus d'une autre élection, nous portons tous ici notre programme individuel, que nous avons présenté devant les électeurs.
Sortons des postures caricaturales : avant d'être député, j'ai été pendant dix ans maire d'une commune de haute montagne en Corse, et je mettais mes mains dans le cambouis pour réparer des réseaux d'eau qui avait un taux de déperdition de 90 % et pour lutter contre une fracture territoriale grandissante. Nous sommes nous aussi issus du renouvellement puisque nous n'appartenons pas à un grand parti central. C'est bien un projet territorial qui nous a conduits jusqu'ici. Nous critiquons tout autant que vous l'ancien monde, mais aujourd'hui nous voudrions seulement parler du fond de cette réforme.
Si l'on diminue le nombre de parlementaires, on touche à la répartition de la responsabilité vis-à-vis des territoires. En termes de pouvoirs, on a souvent assisté à une fausse décentralisation, ce qui aboutit aujourd'hui à une relation anxiogène entre les territoires et ceux qui élaborent la loi. De deux choses l'une : ou bien nous nous orientons vers un troisième cycle de décentralisation qui répartira mieux les compétences, auquel cas on pourra diminuer le nombre de parlementaires parce qu'on aura mieux partagé les tâches, notamment dans l'élaboration de la loi, ou bien nous nous dirigeons vers un système où les territoires dépendront de cette élaboration, auquel cas, effectivement, le projet réduit la relation des territoires à la loi.
Sur le principe, la réduction du nombre de parlementaires ne me choque pas. Je crois que tout le monde l'a défendue, à un moment ou un autre, dans une enceinte publique.
Nous ne sommes pas sur un plateau de télévision pour nous lancer des invectives ou nous intenter des procès en légitimité. Nous sommes tous des parlementaires et il n'y a pas des parlementaires plus égaux que d'autres, comme aurait dit Coluche. Nous sommes tous là pour faire la loi. Nous devons nous respecter les uns les autres. Tant mieux pour ceux qui ont postulé sur internet et qui sont devenus députés : ils ont fait campagne, ils ont été élus. Il ne faut pas caricaturer les choses.
Ce qu'il va falloir regarder attentivement et qui concerne tout le monde, c'est l'application de la réduction du nombre de parlementaires et les moyens qu'on va leur donner.
Monsieur Dumont, M. de Filippo s'est déjà exprimé. Nous devons tous essayer de nous discipliner.
Vous avez raison, le débat est important, mais vous aurez sans doute d'autres occasions d'avoir cette discussion.
Je suis heureux que le rapporteur soit enfin sorti de son silence et que nous ayons obtenu des réponses, même si elles me paraissent insatisfaisantes.
Que le système ne soit pas parfait, j'en suis d'accord ; j'appelle même à un bouleversement démocratique d'une autre ampleur que celle qui est proposée dans cette réforme. Je n'incarne pas une démocratie qui voudrait être à l'arrêt, conservatrice, etc. Nous sommes bien conscients du sentiment de défiance de nos concitoyens. Mais nous n'avons toujours pas de réponse sur le fond, si ce n'est que cette réforme doit être faite parce qu'elle figurait dans le programme d'Emmanuel Macron. Par conséquent, je reviens à la charge.
Le rapporteur nous a dit que le rôle du parlementaire est de faire la loi et de la contrôler. Je suis désolé, mais cette réponse ne me suffit pas. Il a des missions d'une autre ampleur, comme l'expression d'une sensibilité politique, la défense des habitants d'un territoire, qui ne sont pas comprises dans la définition des tâches les plus technocratiques de la fonction de député. Je crains que ce ne soient précisément ces autres fonctions qui soient discrètement éliminées.
N'en déplaise à M. Ruffin, je crois que les citoyens se sont malgré tout exprimés sur le programme d'Emmanuel Macron et sur son engagement de réduire le nombre de parlementaires à l'Assemblée nationale. C'est une expression que nous devons respecter.
Je rappelle que cette réforme constitutionnelle introduit une part de proportionnelle qui, nous semble-t-il, améliorera nettement la représentativité et l'expression des sensibilités des Français.
Si nous sommes moins nombreux et que nous avons davantage de moyens, nous gagnerons en efficacité, en performance, parallèlement à une réforme de la procédure parlementaire. Cela a dû échapper à M. Di Filippo, qui semble ignorer ce qu'est la performance.
La Commission rejette les amendements identiques CL411, CL1068 et CL1257, puis les amendements identiques CL626 et CL942.
Elle examine ensuite l'amendement CL2 de M. Marc Le Fur.
Cet amendement vise en réalité, vous l'avez compris, à interdire l'instillation d'une dose de proportionnelle et à inscrire dans la Constitution que nous n'utilisons pas le système proportionnel.
En diminuant le nombre de parlementaires et en introduisant une dose de proportionnelle, ce que j'appelle le « double effet Kiss Cool », votre seul but est d'affaiblir les oppositions.
Avec des circonscriptions beaucoup plus grandes, l'apport personnel de l'élu, qui de surcroît ne peut plus être élu local du fait de l'interdiction du cumul des mandats, sera nul. Les députés ne seront donc pas élus sur leur nom, mais sur leur étiquette – vous en êtes déjà des témoins, chers amis et collègues de la majorité…
Il y aura beaucoup moins de places pour les oppositions et la part de proportionnelle que vous allez introduire est tellement minime qu'elle n'aura aucun effet, si ce n'est de donner des hochets pour faire plaisir à quelques apparatchiks parisiens et chapeaux à plumes dans les partis, à des personnes qui sont trop nulles pour se faire élire sur leur propre nom. En réalité, vous êtes en train de dévoyer totalement la démocratie et d'en faire un instrument à la main de l'exécutif.
Vous soutenez que votre réforme donnera davantage de moyens aux parlementaires. Mais si l'on fait le ratio, en gardant la même enveloppe budgétaire on aboutit à un collaborateur supplémentaire par député pour des circonscriptions deux fois plus grandes et une population beaucoup plus importante. Pouvez-vous nous dire où est le gain ? En réalité, on y perdra. Les oppositions seront donc moins représentées, les circonscriptions beaucoup plus grandes, et il y aura proportionnellement moins de collaborateurs pour appuyer le parlementaire. Mais tout va bien, puisqu'ils auront à leur côté des hauts fonctionnaires totalement gérés par l'administration centrale et par la majorité à l'Assemblée nationale !
Ce que vous êtes en train de faire, mes chers collègues, c'est du terrorisme intellectuel. Vous nous dites que vous ne faites qu'appliquer le programme sur lequel vous avez été élu, et c'est très bien, mais vous ajoutez que l'opposition représente l'ancien monde qui a échoué partout.
Si vous êtes là, dites-vous, c'est pour réparer les erreurs du passé. Mais faites preuve d'un peu de modestie, regardez quel est le rang de la France dans le monde ! Pour qui vous prenez-vous ?
Le sujet abordé à travers cet amendement est sans doute intéressant : c'est du reste la raison pour laquelle nous y reviendrons lors de l'examen des lois organique et ordinaire. Cela dit, il est hors périmètre de la réforme constitutionnelle. Pour ce seul motif, j'émets un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur général et président du groupe majoritaire, je veux, au nom du groupe Les Républicains, dire que cet amendement est au coeur de ce que nous pensons, non seulement du projet de révision constitutionnelle, mais du projet de révision des institutions que nous propose Emmanuel Macron.
Ce que vous essayez de dessiner, c'est une Constitution Macron, avec des dispositions constitutionnelles organiques et ordinaires, et, au coeur du dispositif, une décomposition du Parlement avec la création de deux catégories de députés. Vous faites le choix, en effet, de ne pas l'écrire expressément dans la Constitution, tandis que nous faisons le choix de proposer qu'à l'article 24 de la Constitution figure bien l'unicité des députés, tous élus selon le même mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Ce mode de scrutin, et je le rappelle même si cela ne fait pas nouveau monde, c'est le mode de scrutin utilisé depuis la IIIe République, c'est la légitimité donnée à chaque député de la Nation par une majorité de Françaises et de Français dans un territoire donné.
Nous sommes en désaccord fondamental avec Richard Ferrand et les députés macronistes sur cet amendement, et nous aurons l'occasion de le redire de vive voix dans l'hémicycle.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement CL635 de M. François Ruffin.
Cet amendement vise à s'attaquer au vice originel, au problème majeur de cette Ve République, en essayant de distendre, sinon de couper, le cordon ombilical entre l'Assemblée et l'Élysée.
Il ne s'agit pas seulement d'endiguer la vague En Marche : nous avons connu précédemment une vague rose et une vague bleue, par l'effet d'une élection législative organisée systématiquement dans la foulée de l'élection présidentielle et qui se traduit par un prolongement, une confirmation, et même une amplification de ce vote. Du coup, on se retrouve avec des parlementaires qui ont été choisis par le Président de la République pour figurer dans des circonscriptions, qui sont élus essentiellement parce qu'ils sont du parti du Président, avec la photo du Président à côté de la leur. N'y voyez aucun reproche à l'égard du groupe majoritaire : il en avait été exactement de même lors de la vague bleue de 2007 et la vague rose de 2012 – Mme Untermaier doit s'en souvenir.
Il en ressort sans doute une légitimité collective et une légitimité du Président, et cela induit une fidélité directe très forte à l'égard du Président qui vous a choisi pour la circonscription et qui a permis votre élection ; mais votre légitimité propre d'élu en est d'autant amoindrie.
Ce lien direct contribue pour beaucoup à la transformation du Parlement en une chambre d'enregistrement des désirs du Président. Et, je le répète, je ne parle pas uniquement d'Emmanuel Macron : cela vaut tout aussi largement pour François Hollande et Nicolas Sarkozy.
Mon amendement vise à déconnecter l'élection présidentielle et les élections législatives en prévoyant un délai d'un an entre les deux élections, de manière à laisser le temps à la vague de retomber.
Je suis sensible à l'intention de M. Ruffin qui, en voulant éviter les vagues successives, cherche à nous prémunir, si je suis son raisonnement, d'une vague insoumise…
Hormis ce principe de précaution, je ne suis pas favorable à son amendement qui prévoit en fait l'inversion du calendrier, car il revient à remettre en cause la logique de la Ve République, récemment confortée par la mise en place du quinquennat, et qui veut que l'élection présidentielle soit, selon les termes du constitutionnaliste Guy Carcassonne, « prédominante et structurante ». En effet, la logique des institutions suppose une harmonie entre les majorités présidentielle et parlementaire afin que le choix des Françaises et des Français trouve sa traduction législative et donc sa traduction dans la vie de notre pays.
Enfin, je tiens à rappeler que, jamais depuis 1965, c'est-à-dire depuis l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, un Président de la République n'a été élu aussitôt après l'Assemblée nationale. Il n'y a pas d'exemple où le calendrier ait été ainsi fixé. C'est pourquoi je donne un avis défavorable à votre proposition.
Je suis pour la vitalité de la démocratie, qu'il s'agisse des Insoumis, des Républicains, du Parti socialiste et d'En Marche. Je vise ici l'intérêt général en défendant une logique de rupture avec la Ve République, même si, sur ce point, nous sommes manifestement en désaccord.
Permettez-moi un trait d'humour. Lors d'un échange avec le président de Rugy pour le journal Marianne, nous nous étions accordés sur le fait qu'il puisse y avoir un an de décalage entre les élections législatives et l'élection présidentielle – avant ou après.
Enfin, nous souhaitons favoriser une certaine modération. Quand bien même il y aurait une majorité, elle n'a pas besoin d'être aussi pléthorique.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL634 de M. François Ruffin.
C'est un amendement de repli, qui de ce fait, devrait recevoir l'approbation du rapporteur général…
Comme il n'est pas possible que les élections législatives aient lieu un an avant ou après l'élection présidentielle, nous avons choisi de nous adapter en proposant que ces deux élections aient lieu le même jour. Quel en serait l'intérêt ? Celui de ne pas laisser à la vague le temps de s'amplifier. On sait en effet que l'élection du Président de la République entraîne une forte légitimation de son camp et le découragement de ses oppositions. C'est ce qui se produit entre l'élection présidentielle et les élections législatives. Si l'élection législative avait lieu « à l'aveugle », si je puis dire, c'est-à-dire sans savoir qui sortira du chapeau présidentiel, on aurait une représentation de l'opinion sans doute plus équilibrée et plus proche de sa sensibilité à cet instant T.
Je m'interroge sur cette idée de voter « à l'aveugle ». Je préfère quand on vote avec un jugement éclairé : ça peut servir !
Il me semble que les Françaises et les Français ont eu l'occasion de démontrer, en 2007 et 2012, et pas seulement en 2017, la cohérence de leur choix. Autrement dit, les Françaises et les Français choisissent un Président et, à la suite, parce qu'ils sont logiques, cohérents, ils donnent au Président de la République et au Gouvernement qu'il a nommé entre-temps une majorité parlementaire de nature à appuyer son action.
Il ne s'agit pas de jouer au Loto, en quelque sorte. La démarche des Français est rationnelle : une fois que le Président de la République est choisi, ils veillent à lui donner une majorité, tout simplement parce qu'ils attendent l'application dans la stabilité du projet qu'il a présenté. C'est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
En réalité, cet amendement briserait l'équilibre ou le déséquilibre de la Ve République. Je souscris, bien évidemment, aux propos du rapporteur général.
Si je devais faire un peu d'humour, je dirais que le décalage dans le temps entre la connaissance du résultat de l'élection présidentielle et les élections législatives a un autre effet positif : il permet à certains de changer de casquette et de choisir la bonne couleur pour être enfin élus au Parlement, après avoir essuyé plusieurs échecs successifs sous d'autres couleurs.
Je profite de la présence du rapporteur général pour lui reposer une question à laquelle nous souhaitions obtenir enfin une réponse : quel est concrètement l'intérêt de diminuer le nombre de parlementaires ? Nous souhaiterions le savoir avant de rentrer chez nous.
Ce débat est intéressant.
Je voudrais proposer à mon collègue Ruffin de prévoir les élections législatives juste avant l'élection présidentielle pour que nous puissions confirmer, dans un choix éclairé, le vote du Président en accord avec la représentation fidèle des élus de l'Assemblée…
Plus sérieusement, il est certain qu'un Président souhaite pouvoir bénéficier d'une majorité stable, large. Je pense que c'est le cas dans tous les pays, comme dans nos petites collectivités. Mais il ne faut pas oublier que nous parlons de deux pouvoirs, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, censés êtres indépendants. C'est en ce sens qu'il faut peut-être trouver des délais suffisants pour garantir la pleine expression d'une Assemblée nationale indépendante.
Le problème majeur, c'est qu'entre les deux élections, il y a un énorme différentiel d'abstention : nos concitoyens ne font pas que confirmer leur choix, ils abandonnent les urnes. Or on sait que ceux qui les abandonnent sont ceux qui ont le sentiment d'avoir perdu la campagne présidentielle et ceux qui sont les plus éloignés de la vie politique, notamment les classes populaires et les jeunes. C'est ce problème qu'il faut tenter de résoudre. Le résultat des législatives ne découle pas seulement de la cohérence des choix des Français ; c'est aussi la conséquence de l'exacerbation d'un choix et d'un phénomène d'abstention différentielle, par découragement, pendant le mois et demi qui sépare les deux élections. C'est contre ce phénomène que cet amendement prétend lutter.
À l'instant, j'ai parlé d'un vote à l'aveugle, c'est-à-dire sans savoir quel Président sortira des urnes, ce qui n'interdit évidemment pas un vote en conscience.
Il n'y a pas d'homogénéité de classe dans l'abstention, monsieur Ruffin : les abstentionnistes ne sont pas tous issus des mêmes classes sociales ; ils sont aussi divers que les votants.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL651 de M. Christophe Euzet.
Le présent amendement est beaucoup moins anecdotique qu'il n'y paraît. Nous, députés, représentons la Nation. Or j'ai le sentiment que ce principe devrait figurer dans la Constitution. Même si je n'ai pas l'ambition d'emporter la conviction de la Commission, je nourris celle, plus modeste, de bousculer les esprits. L'article 24, alinéa 4, de la Constitution dispose que le Sénat représente les collectivités territoriales de la République ; or rien n'est précisé quant à ce que les députés, eux, représentent. Le parallélisme des formes, l'harmonie du texte constitutionnel suggéreraient que nous précisions que nous sommes les représentants de la Nation.
Plus encore, sur le fond, une telle précision aurait le mérite de lever l'ambiguïté qui plane sur nos débats depuis tout à l'heure : parce que nous sommes élus dans une circonscription, nous serions les élus de cette circonscription. Il est vrai que le député qui, par le passé, cumulait les mandats a pu donner cette impression – et celui qui parcourait sa circonscription avec sa réserve parlementaire a pu l'alimenter… Mais tel n'est plus le cas. Plus que jamais, le député n'a qu'une mission, faire la loi, la voter et contrôler le Gouvernement. Ce pourquoi nous nous accommoderons de les voir moins nombreux.
Votre amendement me semble à la fois être déjà satisfait par plusieurs dispositions de la Constitution et, paradoxalement, s'inscrire en contradiction avec ces mêmes dispositions.
En vertu de l'article 3 de la Constitution, chaque parlementaire, représentant la Nation tout entière, concourt à l'exercice de la souveraineté nationale. Par ailleurs, l'article 27, relatif à la nullité du caractère impératif du mandat des parlementaires, reprend le principe posé par la Constitution de 1791 selon lequel « les représentants nommés dans les départements ne seront pas représentants d'un département particulier, mais de la Nation entière, et il ne pourra leur être donné aucun mandat ».
Ce mandat est général, ce qui signifie que chacun de ses détenteurs représente la Nation – les députés sont élus dans une circonscription et non par une circonscription. C'est d'ailleurs ce qui explique que la sécession éventuelle ou l'indépendance d'un territoire ne fait normalement pas perdre leur qualité d'élu de la nation à ceux qui y avaient été désignés.
Tout à fait.
C'est ce qui explique aussi que, hormis quelques situations particulières, aucun quorum n'est exigé pour la validité des délibérations des assemblées. C'est ce qui explique enfin que les assemblées refusent toute reconnaissance aux représentations de groupes d'intérêt géographique ou sectoriel.
Aussi votre amendement présente-t-il deux inconvénients, un majeur et un mineur. L'inconvénient majeur est qu'il paraît redondant avec des dispositions en vigueur et, sur le mode mineur, très honnêtement, je nous vois mal aller expliquer aux sénateurs que nous serions, nous seuls députés, les représentants de la Nation, si nous voulons vraiment que notre projet de réforme prospère durablement… D'où mon avis défavorable.
La question s'était en effet posée en 1962, à propos des députés des trois départements français d'Algérie, de savoir s'ils devaient rester ou non ; puis s'est appliquée la doctrine Capitant ; bref, ils ont fini par démissionner pour éviter d'embarrasser politiquement le Gouvernement et la présidence de la République. Quoi qu'il en soit, les parlementaires sont bien des représentants de la Nation.
En revanche, l'intérêt de l'amendement de M. Euzet est d'ancrer malgré tout le député dans un territoire, ce qui nous ramène au débat – que je ne vais pas relancer, rassurez-vous – sur la représentation des citoyens, la proximité etc.
Contrairement au rapporteur général, je considère que l'inconvénient qu'il qualifie de mineur est bel et bien majeur, dans la mesure où l'article 3 de la Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ». Un sénateur est donc un représentant de la Nation, au même titre qu'un député, avec cette particularité que le Sénat représente les collectivités territoriales. Ce serait donc bien une erreur majeure de considérer que les sénateurs ne sont pas des représentants de la Nation.
Autant il me semble évident que nous représentons la Nation, autant l'objet de l'amendement me pose problème puisqu'il entend signifier que nous sommes élus dans une circonscription mais pas par la circonscription. C'est un vrai débat de fond que j'ai d'ailleurs avec plusieurs d'entre vous. Je suis persuadée, vraiment, que nous pouvons être les deux à la fois, que les deux notions ne s'opposent pas et sont complémentaires – nous sommes issus de ces territoires et fiers de l'être ; nous venons ici les représenter et, bien sûr, lorsque nous sommes ici, nous sommes les députés de la Nation tout entière mais, j'y insiste, avec ce prisme territorial. Nous sommes les représentants de la Nation – laquelle est composée de nombreux territoires.
Fort de l'esprit démocratique qui m'habite, je souscris à la grande démonstration qui m'a été faite et, conscient d'avoir sans doute sous-estimé l'argument touchant aux sénateurs, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CL324 de M. Paul Molac.
Le présent amendement vise à changer le mode d'élection des sénateurs de sorte qu'ils proviennent des conseils régionaux, des collectivités territoriales à statut particulier et des collectivités d'outre-mer. Comme l'a suggéré tout à l'heure M. Acquaviva, passons à un système où nous n'avons pas besoin des députés pour un certain nombre de décisions qui auront déjà été prises dans les régions – j'en suis déjà à cette étape. Je propose donc que le Sénat fasse sa mue en devenant un peu ce que le Bundesrat est en Allemagne, afin que les sénateurs ne soient plus les représentants des communes, comme ils le sont beaucoup aujourd'hui, mais plutôt des régions.
C'est à ce type d'amendement, qui va sans doute susciter l'enthousiasme des sénateurs, que l'on reconnaît la volonté de M. Molac de voir notre démarche prospérer… Afin de lui préserver toutes ses chances de réussite, j'émets un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL641 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Le présent amendement vise à consacrer un droit de révocation des députés et des sénateurs. Il impose aux élus une responsabilité permanente vis-à-vis du peuple et confère à celui-ci un pouvoir de contrôle régulé et institutionnel des élus. La population sait disposer désormais d'un pouvoir de contrôle des élus qui se renient et trahissent leurs engagements dès leur arrivée au pouvoir. En même temps, le principe est suffisamment encadré pour que ce droit ne perturbe pas l'ordre démocratique, mais soit au contraire employé avec parcimonie par les électeurs, à l'instar de ce que montrent les expériences étrangères. La procédure de révocation est lancée à l'initiative d'un dixième du corps électoral concerné.
La « révocabilité » dont vous parlez a lieu à chaque élection soit, normalement, pour les députés, tous les cinq ans, et pour les sénateurs tous les six ans. Il n'apparaît pas utile de raccourcir outre mesure ces mandats. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL62 de M. M'Jid El Guerrab.
Le présent amendement me tient tout particulièrement à coeur : c'est une chansonnette que je ne cesse de fredonner depuis quelques semaines. Je souhaite que la Constitution dispose que les parlementaires « sont égaux en droit dans leurs chambres respectives ». Or ce qui paraît évident ne l'est pas. Cette égalité résulte de la tradition parlementaire depuis la Révolution française : les représentants ne sont pas les ambassadeurs de leur circonscription d'élection, et le Parlement pas davantage un congrès d'ambassadeurs. Ils sont les élus de la Nation tout entière, comme l'a si bien expliqué le rapporteur général.
L'apparition des groupes et la « collectivisation », pour reprendre un terme bolchevique, du travail parlementaire, se sont accompagnées d'une marginalisation des parlementaires non-inscrits – que d'ailleurs je n'appellerais plus ainsi mais plutôt « libres de toute appartenance à un parti ou à un groupe politique » –, en particulier à l'Assemblée où il n'existe pas de réunion administrative des non-inscrits comme au Sénat, ni de groupement comme au Bundestag. L'examen des derniers projets de loi dans le cadre du temps législatif programmé l'a du reste montré. Les non-inscrits ne bénéficient pas non plus des mêmes droits s'agissant de la participation concrète au travail parlementaire. Il s'agit donc de remédier à cette situation, les non-inscrits restant des muets dans le Parlement de la parole.
Je salue d'ailleurs le geste de la Conférence des présidents qui a décidé, sous l'impulsion du président de l'Assemblée, d'ajouter dans le temps législatif programmé une demi-heure de temps de parole aux non-inscrits – mais, là encore, il ne s'agit que d'une volonté personnelle et politique.
À en juger par nos travaux, depuis le début de nos réunions, je n'ai pas l'impression que le député non-inscrit que vous êtes soit totalement muet – ou alors nous n'avons pas la même perception de la réalité. Vous l'avez vous-même signalé, la situation des non-inscrits n'est pas la même au Sénat, et c'est d'ailleurs ce qui fonde mon avis défavorable : votre amendement ne relève à aucun titre de la Constitution, mais tout simplement du règlement des assemblées. Je vous engage donc à saisir le bureau de l'Assemblée pour plaider votre cause et à laisser la Constitution paisible.
Je reconnais que je suis bavard au sein de cette commission, même si je m'efforce de me restreindre… Mais quand le temps législatif programmé guillotine mon temps de parole, je dois bien me taire.
Le sens de mon amendement est de signifier que nous ne pouvons nous appuyer sur aucune disposition pour éventuellement contester ou réformer le règlement de l'Assemblée. C'est pourquoi, pour faire valoir l'égalité en droit des parlementaires dans le Règlement, il m'était apparu nécessaire de l'inscrire au préalable dans la Constitution. J'ai toutefois bien entendu votre argumentation et je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CL1507 du rapporteur général et CL1420 de Mme Bérangère Abba, et les amendements CL137 de M. Guy Bricout et CL836 de Mme Bérangère Abba.
L'article 25 de la Constitution dispose qu'un parlementaire est remplacé s'il accepte des fonctions gouvernementales, mais ne prévoit pas d'autres possibilités de remplacement. L'amendement CL1507 a par conséquent pour objet d'y ajouter les cas « d'empêchement provisoire », à savoir de longue maladie ou de congé maternité. Les conditions de cet empêchement seraient bien sûr précisées par la loi organique, comme le prévoit du reste déjà l'article 25. Il s'agirait pour ces parlementaires de se faire temporairement remplacer par leur suppléant afin de pouvoir se soigner sereinement ou exercer leur droit au congé maternité. Surtout, une telle disposition permettrait aux électeurs dont le député serait empêché provisoirement de continuer à être représentés, dans leur circonscription comme à l'Assemblée.
La rapporteure l'a très bien expliqué : l'alinéa 2 de l'article 25 de la Constitution ne prévoyant le remplacement temporaire des députés et sénateurs que lorsqu'ils acceptent des fonctions gouvernementales, il est essentiel de prévoir dès à présent d'autres cas, comme le propose l'amendement CL1420, et d'en préciser les détails dans le cadre de la loi organique. Ce serait aussi une manière d'impliquer davantage les suppléants.
Je vois bien l'aspect généreux de ces amendements mais ils ne règlent pas les problèmes de fond sur le statut du parlementaire, sur les rémunérations. De plus, je m'étonne que l'on évoque le congé de maternité alors que l'on cherche à promouvoir les congés de paternité et je rappelle que, dans le cadre de la législation sociale, on intègre aussi, traditionnellement, les congés d'adoption. L'exposé – très – sommaire des motifs ne me rassure pas particulièrement sur l'application d'une telle mesure. Reste en effet, en outre, à savoir ce qu'on appelle un congé long. Un collègue atteint d'un cancer, par exemple, doit-il suspendre ou non son mandat ? Est dès lors posée la question d'un mandat en pointillé. C'est vraiment la question pratique qui me préoccupe ici et, sur le plan constitutionnel, même si le peuple, que nous représentons ici, est souverain, ce que vous proposez me paraît très curieux.
L'amendement CL836 correspond en fait à la version initiale, améliorée depuis, de l'amendement CL1420, identique à celui du rapporteur général. C'est pourquoi je le retire.
À ce stade de notre travail, sur l'aspect constitutionnel de la réforme, nous suggérons uniquement d'ajouter cette notion « d'empêchement provisoire » en renvoyant à la loi organique le soin de préciser le contenu et la portée pratique de cette disposition.
L'exposé des motifs est peut-être incomplet, mais j'entends ici ramener notre proposition à ce qu'elle est vraiment.
Entendons-nous bien : il n'y avait aucune appréciation d'ordre dogmatique dans mon propos.
Il faut avoir conscience que si nous n'introduisons pas dès à présent cette modification dans la Constitution, nous nous interdisons d'y réfléchir ensuite. C'est pourquoi nous avons souhaité faire cette accroche, si j'ose dire, très générale – il faudra débattre de ce que la notion d'empêchement provisoire recouvre exactement. Il serait dommage pour l'avenir de ne pas voter l'amendement.
Je n'ai pas d'opposition de principe à ce que nous ouvrions cette réflexion, mais cela supposera de définir un statut du suppléant. Si la suspension temporaire d'un parlementaire devient constitutionnelle dans les conditions que vous souhaitez, il faudra donner un rang constitutionnel au suppléant, faute de quoi vous allez vous retrouver avec des députés low cost.
La question du statut du suppléant sera en effet sans doute sur la table. On va réduire le nombre de parlementaires titulaires, mais on va peut-être le doubler en créant un statut pour les suppléants… Cela ne manque pas de sel !
D'un point de vue pratique, si un parlementaire est remplacé pendant quatre ou cinq mois, son régime d'incompatibilités s'appliquera au remplaçant qui devra immédiatement faire des choix, notamment en ce qui concerne le cumul de mandats locaux, et ce dans les trente jours qui suivent sa nomination. Va-t-il donc démissionner de ses mandats pour quelques mois ? Devra-t-il être réélu quand il reviendra ? Honnêtement, je crains que nous n'ouvrions là une boîte de Pandore. L'idée est généreuse, mais je ne vois pas très bien comment nous allons pouvoir la gérer.
L'amendement CL836 est retiré.
La Commission adopte les amendements identiques CL1507 et CL1420.
Par conséquent l'amendement CL137 tombe.
Avant de suspendre la séance je vous informe que nous venons de passer sous la barre des mille amendements restant à examiner. Nous reprendrons nos échanges à 21 heures. Les membres du bureau de la Commission sont invités à se réunir pour organiser la suite de nos travaux.
La réunion s'achève à 19 heures 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Erwan Balanant, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Jumel, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, M. Jean-Louis Masson, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Maina Sage, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Cédric Villani, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Mansour Kamardine, M. Raphaël Schellenberger, M. Manuel Valls, M. Arnaud Viala
Assistaient également à la réunion. - Mme Bérangère Abba, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Delphine Batho, M. Michel Castellani, M. Paul-André Colombani, M. Fabien Di Filippo, M. Pierre-Henri Dumont, M. M'jid El Guerrab, Mme Caroline Fiat, M. Claude de Ganay, M. Fabien Gouttefarde, M. Yannick Haury, M. Christophe Jerretie, M. Régis Juanico, M. David Lorion, Mme Christine Pires Beaune, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Hugues Ratenon, M. François Ruffin, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Olivier Véran, M. Jean-Pierre Vigier