La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Je viens vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la Macédoine du Nord, signé à Bruxelles le 7 février 2019. Le texte a déjà été approuvé par le Sénat le 17 octobre et j'espère qu'avec votre soutien aujourd'hui, notre pays pourra rejoindre le nombre des alliés ayant déjà ratifié cet instrument. Avec l'entrée en vigueur du protocole, la Macédoine du Nord deviendrait le trentième membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN.
Je souhaiterais revenir devant vous en détail sur l'approche de la France durant les négociations d'accession de la Macédoine du Nord au traité de l'Atlantique nord, ainsi que sur le double objectif poursuivi : contribuer à la sécurité de l'espace euro-atlantique et consolider nos efforts de stabilisation des Balkans occidentaux.
L'adhésion de Skopje à l'OTAN est, pour ce pays, l'aboutissement d'un processus lié à son identité même, puisqu'elle est la conséquence du règlement du contentieux sur la dénomination de la désormais République de Macédoine du Nord avec un autre allié, la Grèce. C'est également une illustration du rôle que l'Alliance peut jouer pour contribuer à la stabilisation de la région.
S'agissant de la candidature et des mérites propres de la Macédoine du Nord – précédemment reconnue, à titre provisoire, sous l'appellation d'ancienne République yougoslave de Macédoine – , il s'agit, vous le savez, de l'un des États successeurs de la Yougoslavie, dont elle s'est déclarée indépendante en 1991. La France a reconnu en 1993 ce nouvel État, devenu membre des Nations unies la même année. Dès 1995, l'OTAN noue un partenariat avec Skopje, qui se voit octroyer en 1999 un plan d'action pour l'adhésion à l'Alliance atlantique – MAP selon l'acronyme anglais – , qui lui donne le statut officiel de candidat.
Depuis vingt ans, la Macédoine du Nord a accompli des progrès constants dans la mise en oeuvre du MAP, dans le cadre d'un dialogue étroit avec l'OTAN : réforme du secteur de la défense et de la sécurité, accroissement de l'interopérabilité dans le domaine militaire, renouvellement du personnel civil et militaire, mais aussi renforcement de l'autonomie et de l'indépendance du système judiciaire, et lutte contre la criminalité organisée et la corruption.
Les différents rapports de progrès de l'OTAN ont souligné les efforts réels consentis par la Macédoine du Nord en matière de modernisation des forces armées et de réforme du secteur de la sécurité et du renseignement. Pour ce qui est des dépenses de défense, l'effort de la Macédoine du Nord se situe cette année à 1,2 % du PIB. C'est encore loin de l'objectif de 2 % du PIB fixé lors du sommet de l'Alliance au pays de Galles en 2014, mais l'indicateur est en progression rapide puisqu'il est prévu qu'il double pour atteindre les 2 % d'ici à 2024, ce qui correspond à une augmentation du budget de la défense de 300 millions d'euros.
L'aboutissement de cette candidature dépendait toutefois du règlement du différend bilatéral avec la Grèce sur la dénomination du pays. En effet, lors du sommet de Bucarest en 2008, l'adhésion à l'OTAN de l'ancienne République yougoslave de Macédoine avait été subordonnée à « une solution mutuellement acceptable [avec la Grèce] à la question du nom », Athènes refusant la dénomination de Macédoine au motif qu'il s'agit également d'une région située au nord de la Grèce. Cette condition a été rappelée lors du sommet de l'OTAN à Bruxelles qui s'est tenu en juillet 2018, peu de temps après la signature de l'accord historique de Prespa par les ministres des affaires étrangères des deux pays, le 17 juin 2018. L'accord de Prespa prévoit que le nouveau nom du pays, à usage international mais aussi interne, est « République de Macédoine du Nord », ou « Macédoine du Nord » en abrégé.
Skopje s'est d'abord acquittée de ses obligations pour l'entrée en vigueur de l'accord, en le ratifiant puis en modifiant la constitution du pays. Le parlement grec a ensuite ratifié l'accord à son tour, le 25 janvier dernier. Il faut se rendre compte que ce fut là un moment historique pour les deux pays, pour la région, pour les Balkans et pour l'Europe.
Quelques jours plus tard, le 6 février 2019, les vingt-neuf pays alliés et le ministre des affaires étrangères de Macédoine du Nord, Nikola Dimitrov, avec qui nous avons beaucoup échangé sur le sujet depuis quelques mois, ont pu procéder à la signature du protocole d'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN. Le 8 février, le parlement grec s'est, le premier – geste symbolique – , prononcé en faveur de la ratification du protocole, ce qui a permis l'entrée en vigueur de l'accord de Prespa, le 12 février. Si le Sénat et l'Assemblée nationale en sont d'accord pour la France, et au terme des procédures de ratification par tous les pays de l'Alliance, la Macédoine du Nord deviendra le trentième membre de l'OTAN, ce qui lui conférera les mêmes droits et obligations qu'aux autres alliés.
Quelles sont la nature et la situation de la Macédoine du Nord ? Pays de 2 millions d'habitants, la Macédoine du Nord se trouve au carrefour des Balkans. Elle s'est séparée pacifiquement de la Yougoslavie en 1991 et, depuis 2018, elle n'a plus aucun contentieux avec ses voisins. C'est un pays composé de plusieurs communautés qui a connu des crises internes sérieuses, mais qui a su les surmonter grâce au dialogue, à la négociation et au soutien de la communauté internationale, en particulier de la France.
Ainsi, au début des années 2000, l'accord-cadre d'Ohrid a mis fin à des affrontements intercommunautaires qui auraient pu dégénérer en guerre civile. L'Union européenne et ses représentants spéciaux, François Léotard et Alain Le Roy, ont contribué à ce résultat ; je tenais à rappeler aujourd'hui leur effort. Plus récemment, la Macédoine du Nord a traversé une période d'instabilité entre 2014 et 2017, qui a été surmontée grâce à une alternance politique et à la formation d'un nouveau gouvernement réformateur avec lequel la France travaille étroitement. Au demeurant, Skopje a toujours fait preuve de constance dans sa politique étrangère, orientée vers l'Europe, l'Union européenne et l'OTAN.
S'agissant du rapprochement européen, que l'actualité m'amène à évoquer, la perspective européenne de la Macédoine du Nord, comme celle de l'ensemble des pays des Balkans occidentaux, est reconnue depuis les sommets de Zagreb en 2000 et de Thessalonique en 2003. Le pays a été reconnu candidat à l'adhésion à l'Union européenne dès 2005. Je tiens à dire solennellement que sa marche vers l'adhésion n'est évidemment pas remise en cause, au contraire. Le Conseil européen des 17 et 18 octobre n'a pas permis, faute de consensus, de trouver un accord sur l'ouverture formelle des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et l'Albanie. La question sera examinée à nouveau avant le sommet de l'Union européenne et des Balkans qui se tiendra à Zagreb en 2020 – vingt ans après le sommet du même nom.
D'ici là, la France et ses partenaires souhaitent trouver des solutions pour avancer concernant deux chantiers que nous avons identifiés comme préalables à l'ouverture des négociations d'adhésion avec ces deux pays.
D'une part, il est important pour la crédibilité du processus que les réformes demandées par le Conseil de l'Union européenne en juin 2018 soient effectivement et concrètement appliquées par les pays concernés.
D'autre part, nous ne pouvons pas ouvrir des négociations d'adhésion dans le cadre du processus d'adhésion actuel ; nous avons fait des propositions à nos partenaires européens pour réformer celui-ci, pour l'améliorer en profondeur et pour en changer l'orientation. J'ai présenté moi-même ces propositions mardi à Bruxelles, lors du Conseil des affaires générales ; il nous faut désormais gagner le soutien de nos partenaires. Les ministres ont, à l'unanimité, encouragé la Commission européenne à travailler sur un processus de négociation plus rigoureux, plus graduel et plus concret qui intègre une forme de réversibilité – non pour fermer la perspective européenne, mais pour nous assurer que c'est bien au bénéfice des citoyens que nous travaillons. C'est une étape importante qui doit permettre, au cas par cas, d'améliorer les choses et de reconstituer une adhésion plus profonde à un processus dont on a vu les tensions qu'il pouvait créer lorsque les attentes des populations étaient déçues. C'est en ce sens que nous allons travailler.
Dans ce contexte, quel est l'intérêt pour notre pays d'une adhésion à l'OTAN de la Macédoine du Nord ? La contribution de Skopje à la sécurité de l'Alliance sera mesurée, étant donné la taille modeste du pays, mais elle ne sera pas négligeable. Entre l'Albanie et la Bulgarie, le Kosovo et la Grèce, ce pays assure un continuum géographique entre les mondes balkanique, méditerranéen et de la mer Noire. Cela a son importance au regard des équilibres stratégiques en Europe. La Macédoine du Nord continuera de participer aux opérations et missions de l'Alliance. D'ores et déjà, en tant que partenaire, le pays avait été engagé dans l'opération Resolute Support en Afghanistan. Aujourd'hui encore, précisément grâce à sa situation géographique, la Macédoine du Nord continue d'offrir un appui à la force de l'OTAN au Kosovo, la KFOR.
Pour finir, quel impact aura l'adhésion de la Macédoine du Nord sur la politique d'élargissement de l'OTAN ? Cette question est évidemment indissociable de notre vision de l'avenir de l'Alliance. Vous l'aurez compris aux propos du Président de la République, la priorité française est de faire un effort de réflexion sur les valeurs et les objectifs de l'OTAN, ainsi que sur la stratégie et les moyens que l'Alliance se donne pour les atteindre. Ces sujets ont été abordés par Jean-Yves Le Drian et ses homologues lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN qui s'est tenue hier à Bruxelles, et le seront également lors de la réunion des chefs d'État et de gouvernement à Londres, début décembre.
S'agissant plus spécifiquement de Skopje, il faut se souvenir que la politique d'élargissement de l'OTAN a été, au lendemain de la guerre froide, un facteur de renforcement de la sécurité du continent européen. Répondant comme l'Union européenne à la demande forte de stabilité et de sécurité émanant des ex-pays membres du pacte de Varsovie, l'Alliance avait défini des modalités d'accession souples. L'objectif était alors de contribuer à une vaste architecture de sécurité européenne où les processus d'élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne étaient perçus comme complémentaires. Un accord entre alliés sur le traitement des questions d'élargissement de l'OTAN est intervenu à l'occasion du sommet de Varsovie en 2016. La France s'est assurée, dans le cadre de cet accord, que l'invitation faite à la Macédoine du Nord ne serait pas entendue comme le signal d'un élargissement non maîtrisé.
Pour la France, l'élargissement de l'OTAN n'est aujourd'hui ni une priorité, ni une fin en soi. Il ne peut s'envisager que dans la mesure où il renforce effectivement la sécurité de l'espace euro-atlantique et la crédibilité de la défense collective. C'est le cas pour Skopje. Si la Macédoine du Nord s'est vu proposer l'adhésion sur le fondement de ses mérites propres, il n'existe pas aujourd'hui de consensus s'agissant de l'adhésion de la Bosnie-Herzégovine, dernier candidat dans la région, et plus à l'est, de l'Ukraine et de la Géorgie. Il n'y aura pas de nouvel élargissement sans consensus sur la contribution des nouvelles adhésions à la sécurité de l'espace euro-atlantique. L'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN ne préjuge par ailleurs en rien des décisions que l'Union européenne pourra prendre quant à l'adhésion de ce pays. Les processus sont distincts et la France a souhaité qu'un débat s'engage sur ce point.
Voilà, en résumé, les enjeux essentiels que je voulais vous exposer à propos de ce protocole d'accession, objet du texte proposé à votre approbation. Je vous invite à juger le projet de loi pour ce qu'il est : le moyen d'un développement circonscrit au cas de la Macédoine du Nord, justifié au vu des efforts consentis par Skopje et de l'accord historique de Prespa, et d'une adhésion qui constitue un signe positif pour la stabilité des Balkans occidentaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Mireille Clapot, rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Le projet de loi que nous examinons vise à autoriser, à la suite du Sénat, la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la Macédoine du Nord. Après la fin de notre procédure parlementaire, le texte n'aura plus à être ratifié que par les Pays-Bas et l'Espagne pour que la Macédoine du Nord devienne le trentième membre de l'Alliance atlantique.
Qu'est-ce que la Macédoine du Nord ? C'est un pays qui est bordé au sud et à l'est par l'Union européenne – Grèce et Bulgarie – , au nord par le Kosovo, comme lui ancienne république fédérée au sein de la Yougoslavie, et à l'ouest par l'Albanie. Un pays de 2 millions d'habitants, dont trois quarts de Slaves orthodoxes et un quart d'Albanais. Un pays qui n'existe que depuis 1991 et qui a dû changer de nom, la mort dans l'âme, malgré l'ampleur du sacrifice. Un pays qui a été le théâtre de trois conflits : guerres balkaniques, Première et Deuxième Guerre mondiale. Un pays dont la capitale s'appelle aujourd'hui Skopje, mais dont le nom était en 1918 Uskub et qui fut alors le théâtre de la bataille éponyme – permettez-moi, à cette occasion, d'adresser un salut amical au premier régiment de spahis de Valence, dans la Drôme, pour qui la bataille d'Uskub fut fondatrice. Un pays, enfin, qui a observé avec lucidité son isolement et a courageusement pris les décisions qui s'imposaient pour rejoindre le concert des nations.
Parler de la Macédoine du Nord, c'est appeler l'attention sur cette région européenne qu'on nomme les Balkans, et je me réjouis que notre assemblée considère aujourd'hui cette zone avec un regard attentif. Ces pays sont aux confins des mondes slave, latin et albanais ; s'y côtoient le catholicisme, l'orthodoxie et l'islam. Ils se situent sur la route des migrations provenant du Proche et Moyen-Orient, mais aussi d'Afghanistan, et se dirigeant vers l'Europe du Nord et de l'Ouest.
Les ambitions russes et turques continuent de s'y exprimer, mais s'y confrontent à la volonté d'une grande part de la population d'intégrer l'espace euro-atlantique. Nous avons tous en tête les terribles conflits nés de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. Nous savons les appétits des grandes puissances pour ces zones fragilisées. La Russie argue d'une proximité avec les orthodoxes, mais est fortement soupçonnée de manipuler l'opinion et les votes en utilisant ses méthodes habituelles. La Turquie se voit comme la marraine des pays de l'ancienne Roumélie ottomane, mais dispose d'un pouvoir d'attraction moins fort que l'Europe et est tentée de manier l'intimidation. Les conflits asymétriques liés au terrorisme et les trafics en tous genres y sont plus probables qu'ailleurs en Europe, alors même que les conflits entre États n'y sont pas totalement impossibles. Les enjeux de sécurité y sont donc considérables.
Or, depuis les indépendances des pays issus de l'ex-Yougoslavie, l'intégration de l'ensemble de la sous-région à notre zone de défense euro-atlantique n'est toujours pas complète. Mais la géopolitique, comme la nature, a horreur du vide. Si la porte demeure fermée trop longtemps à l'ouest, les peuples de la région et leurs gouvernements finiront par répondre aux appels de l'est – la Russie – et du sud-est – la Turquie.
Alors qu'ils mettent tout en oeuvre pour nous rejoindre, est-ce notre intérêt de rapprocher ces pays de puissances plus ou moins hostiles ? Évidemment non. C'est pour cela que je suis convaincue qu'il faut rapidement permettre aux pays balkaniques en général, et à la Macédoine du Nord en particulier, de nous rejoindre. Nous les intégrerions dans un premier temps à notre système de défense commune, même si celui-ci est probablement à refonder pour permettre une plus grande autonomie européenne à même de défendre nos intérêts stratégiques, qui ne sont pas toujours ceux des États-Unis.
L'OTAN, puisque c'est d'elle que nous parlons, traverse une triple crise. Toutefois, ce n'est pas en nommant la crise que nous la faisons advenir : en utilisant la formule forte de « mort cérébrale », le Président de la République n'a fait que prendre acte de trois transformations majeures. Premièrement, le désengagement croissant des États-Unis, depuis le refus de s'engager en Syrie en 2013, en dépit du franchissement de la ligne rouge fixée par Barack Obama, jusqu'au retrait de Syrie sans concertation par Donald Trump, nous lance évidemment un défi stratégique. Les récents développements dans le Nord-Est syrien, où la Turquie a fait pénétrer son armée sans concertation préalable avec ses alliés, questionnent également la clause d'assistance mutuelle. Enfin, troisième aspect de la crise : la responsabilité même des Européens pour assurer leur sécurité est en jeu.
En prévision du sommet de Londres, les 3 et 4 décembre prochains, une analyse va s'engager sur les grands enjeux de sécurité collective ; Mme la secrétaire d'État l'a rappelé. Quoi qu'il en soit, l'OTAN est aujourd'hui le seul outil de sécurité probant à notre disposition. Il doit bénéficier aux pays des Balkans occidentaux comme cela a été le cas pour les autres pays d'Europe centrale et orientale.
Certes, tel l'éléphant dans la pièce, comme disent les Anglais, une autre question s'impose : celle de l'intégration des pays des Balkans à l'Union européenne, en particulier de la Macédoine du Nord et de l'Albanie, qui font l'actualité depuis que l'ouverture des négociations d'adhésion a été reportée lors du Conseil européen d'octobre. Même s'il ne s'agit pas du sujet du jour, je tiens à préciser, comme l'a fait Mme la secrétaire d'État, que le processus d'intégration sera réformé et que cela nécessitera du temps, mais que la porte ne s'est pas refermée. Du point de vue géographique et culturelle comme stratégique, la place de l'Albanie et de la Macédoine du Nord est au sein de la famille européenne.
Où en sommes-nous ? La France a présenté ces derniers jours un projet de réforme du processus d'accession à l'Union européenne. Celui-ci y apparaît plus lisible, car organisé en sept blocs de politiques publiques ; rigoureux et vérifiable ; plus incitatif, en ce qu'il permettra de réelles avancées pour les populations ; et réversible, afin de parer à toute éventualité. Quelques pays ont déjà fait connaître leur intérêt pour ces propositions ; je m'en réjouis évidemment. C'est une affaire à suivre de très près.
Après ce panorama d'ensemble, je souhaite développer les raisons pour lesquelles je soutiens pleinement le protocole d'adhésion : parce que nous nous y sommes engagés lors du sommet de Bucarest, en 2008, en posant pour seule condition suspensive que la Macédoine entretienne des relations de bon voisinage ; et parce que nous y avons intérêt.
La Macédoine du Nord a accompli de grands efforts afin de lever les obstacles à sa pleine intégration au sein de l'ensemble euro-atlantique. Elle a, dans un premier temps, réglé la question de la minorité albanaise par les accords d'Ohrid, dès 2001, ce qui a permis à l'ensemble de la population – slave comme albanaise – de participer aux mêmes manifestations ayant contribué à mettre fin au pouvoir autoritaire de Nikola Gruevski. Les relations albano-nord-macédoniennes sont aujourd'hui plutôt bonnes et peuvent servir d'exemple à d'autres pays des Balkans où les questions liées aux minorités se posent encore.
La Macédoine du Nord a ensuite réglé son contentieux historique avec la Grèce sur le nom du pays par les accords de Prespa, entrés en vigueur en février 2019. Cet accord a constitué un déchirement, nécessitant l'engagement de toutes les forces progressistes du pays, mais celui-ci a pu aboutir.
Si vous ajoutez à cela l'application stricte des règles européennes lors de la crise migratoire de 2015, la participation de la modeste armée du pays aux coalitions au Levant et en Afghanistan, l'élaboration du plan national d'intégration et la participation à des exercices d'interopérabilité, vous aurez compris que la Macédoine du Nord attend aujourd'hui un geste de la part des Européens et de leurs alliés.
Le protocole d'adhésion de la Macédoine du Nord est un protocole classique qui permettra principalement au pays de bénéficier de la clause d'assistance mutuelle en cas de conflit : le fameux article 5 de la charte de l'Alliance. Il n'est toutefois pas prévu le stationnement de quelque armée étrangère que ce soit dans le pays.
Voilà en quoi nos engagements ont été tenus. Quant à l'intérêt que nous avons à voir l'adhésion aboutir, la sécurité dans la région, la stabilité de cette zone, la prospérité qui peut en résulter, sont autant de bénéfices pour nous. Enfin, l'adhésion de la Macédoine du Nord peut représenter une opportunité pour la France en matière de coopération militaire. Un comité d'armement bilatéral a été constitué, dont la dernière réunion en date a eu lieu à Skopje le 25 juin 2018. Il devrait prendre un nouvel élan après l'adhésion du pays à l'OTAN.
Mon dernier mot concernera la Russie. Lorsque l'on parle d'élargissement de l'OTAN, nous reviennent immédiatement en mémoire les exemples géorgien et ukrainien. Les Balkans et la Macédoine du Nord n'ont toutefois jamais été des républiques soviétiques ; ils n'ont même jamais fait partie de l'« étranger proche ». Par conséquent, l'adhésion de ce pays ne peut être considérée comme une provocation à l'égard de Moscou – qui n'a d'ailleurs manifesté qu'une opposition de principe – , seulement comme une sécurisation de la partie sud-est de notre continent à l'heure où tous les facteurs d'insécurité profitent de ces zones grises pour se développer.
En conclusion, parce que nous nous y sommes engagés et parce que nous y avons intérêt, je vous invite à adopter le projet de loi permettant l'accession à l'OTAN de la Macédoine du Nord.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.
Je souhaite tout d'abord remercier Mireille Clapot de son excellent rapport sur l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN, adopté hier matin par notre commission.
À cette occasion, la commission a débattu hier de la place des Balkans en Europe, des enjeux de sécurité auxquels ils font face, et de notre nécessaire coopération avec eux pour leur garantir la protection à laquelle ils ont droit.
Nous avons également débattu de l'avenir de l'OTAN, sujet ô combien d'actualité. Il y a soixante-dix ans, dans un contexte de guerre froide et de course aux armements, la création de l'OTAN correspondait à une urgence. Elle était la condition sine qua non de la sécurité de l'Ouest européen et elle a sans aucun doute permis de bâtir une paix durable. Néanmoins, depuis 1949, le monde a profondément changé : il connaît de nouvelles instabilités et des conflits d'un genre nouveau ; il voit naître de nouvelles puissances militaires et de nouvelles menaces.
À la lumière des événements récents dans le Nord-Est syrien, nous avons pu constater que certains de nos alliés avaient failli à la solidarité que nous attendions d'eux : les États-Unis, en décidant sans aucune concertation de quitter la coalition internationale contre le terrorisme ; et la Turquie, en intervenant militairement contre les Forces démocratiques syriennes qui avaient contribué à gagner le combat territorial contre Daech au prix même de leur vie. Ce faisant, la Turquie rompait les liens et la solidarité qui auraient dû obliger Ankara vis-à-vis de ses partenaires, en particulier les pays européens de l'OTAN.
Le débat doit désormais s'ouvrir sur la refondation de l'OTAN, sur sa vocation, sur ses missions, sur son organisation, sur ses finalités stratégiques. La commission des affaires étrangères, en liaison avec la commission de la défense nationale et des forces armées, organisera une table ronde et une réunion sur cette grande question de l'avenir de l'OTAN mercredi prochain au matin. Il revient à la France, avec ses alliés européens, d'entamer une réflexion de fond sur une refondation de l'OTAN à l'occasion du sommet des 3 et 4 décembre à Londres, en vue d'adapter l'organisation aux défis nouveaux de notre siècle, et à la nécessaire autonomie stratégique d'une Europe unifiée.
Cela suppose de bâtir, en parallèle, une souveraineté et une solidarité européennes renforcées dans le domaine de la défense. Faisons-le en entendant les inquiétudes de nos partenaires d'Europe orientale à l'égard de la Russie et en comprenant que leur besoin de sécurité et de protection est existentiel. Nous avons vraiment besoin d'engager cette réflexion de long terme sur les meilleurs moyens d'assurer notre sécurité, de préserver la paix sur notre continent et de défendre nos intérêts et nos valeurs lorsqu'ils sont menacés.
Je forme le voeu qu'avec la crise de l'OTAN, qui s'est ouverte en raison de l'intervention militaire turque dans le Nord-Est syrien, la France et les Européens trouvent enfin le ressort et l'énergie de s'inventer un avenir qui leur soit véritablement commun, et de décider d'exister par eux-mêmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et SOC.
Je commencerai par dire mon désaccord profond et total avec la méthode qui guide la majorité de nos discussions relatives aux projets de loi autorisant la ratification d'accords internationaux. Disons-le tout net : l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN a déjà été signée par les pays membres de l'OTAN, le mercredi 6 février à Bruxelles, alors qu'aucun débat parlementaire préalable n'avait eu lieu. Certes, il nous appartient de ratifier, mais je n'approuve pas cette méthode qui consiste à engager la parole de la France avant d'organiser ce type de débat, qui apparaît donc assez marginal.
Comme vous ne nous en laissez pas le choix, je me contenterai de réaffirmer mon désaccord profond concernant l'OTAN elle-même. À cet égard, j'ai trouvé un allié en la personne du Président de la République, dont les déclarations du 7 novembre ne nous ont pas laissés indifférents. Pour reprendre ses mots, l'OTAN serait en situation de « mort cérébrale ». Et c'est cet organisme-là, qualifié de la sorte par le plus haut personnage de l'État, que vous souhaitez une fois de plus élargir, sans mener auparavant une réflexion plus approfondie – même si j'ai bien entendu, madame de Sarnez, que vous formez le même voeu.
La « mort cérébrale » de cet organisme signifie qu'il est aujourd'hui incapable de diriger et de réfléchir activement. Ce ne serait toutefois pas une véritable mort, à en croire une déclaration de Florence Parly, selon qui il s'agirait plutôt d'un « état de crise ». Ce constat, nous le faisons depuis longtemps. Les raisons de ces déclarations sont connues : il s'agit essentiellement de l'offensive de la Turquie contre les Kurdes, avalisée par les Nord-Américains, mais sans aviser préalablement leurs partenaires de l'OTAN. Une telle initiative guerrière a peut-être eu l'effet d'une étincelle qui a rendu l'exécutif clairvoyant.
Si nous pouvons vous éclairer davantage, rappelons l'exigence répétée des présidents des États-Unis que chacun des États membres de l'OTAN consacre 2 % de son PIB aux dépenses militaires. Ce tribut impose une tutelle à des pays prétendument libres et a pour objectif inavoué de relancer l'industrie de guerre des États-Unis. C'est tout l'enjeu de ces manoeuvres. Le but, à peine voilé, est de faire acheter aux membres de l'OTAN du matériel qui soit interopérationnel avec celui des États-Unis. En la matière, la Macédoine du Nord ne sera pas épargnée.
Pourquoi faire entrer ce pays dans l'OTAN si ce n'est pour arracher cette ancienne république yougoslave à l'influence russe ? Pouvons-nous sincèrement penser qu'un tel rapprochement permettra une désescalade dans un contexte de tensions exacerbées sur le continent européen ? Ce sera l'inverse !
Nous tenons en conséquence à réaffirmer notre doctrine : celle d'un indépendantisme français, seul à même de défendre les intérêts de la France au service de la paix. De l'Afghanistan au Kosovo en passant par la Libye, la preuve n'est plus à faire que l'OTAN est, davantage qu'autre chose, une machine de guerre à l'origine de provocations multiples. Sur les théâtres d'opérations où cette organisation s'est déployée, sa politique belliciste n'a fait qu'aggraver des tensions et déstabiliser des régions.
En mars dernier, des manoeuvres de l'OTAN en Géorgie mettaient une nouvelle fois le feu aux poudres avec la Russie. En novembre 2018, l'OTAN a conduit en Norvège l'exercice Trident Juncture, soit les plus grosses manoeuvres militaires depuis la guerre froide : 50 000 soldats provenant de trente et un pays, dont 3 000 soldats français, étaient mobilisés aux portes de la Russie. De telles manoeuvres ne sont pas des opérations défensives visant à promouvoir la paix. Nous pensons qu'elles alimentent une spirale particulièrement dangereuse.
Faut-il rappeler que, pour se prémunir d'un tel chaos, le général de Gaulle, dont certains ici se réclament peut-être encore, avait bataillé en 1963, lors de la signature du traité de l'Élysée avec l'Allemagne, pour protéger notre souveraineté en en excluant toute référence à l'Alliance atlantique ?
Depuis 1999, sans relâche, l'OTAN a successivement intégré les anciens satellites de l'URSS. L'adhésion de la Macédoine du Nord entérine cette expansion jusqu'aux flancs du territoire russe. Alors même que nouveaux territoires sont placés sous le giron des États-Unis, les provocations se succèdent sans répit.
On a vu de quelle manière la Turquie, membre de l'OTAN depuis 1952, a mené une offensive illégale et criminelle contre le peuple kurde, qui avait pourtant combattu avec acharnement l'État islamique pendant près de cinq ans. En l'espèce, l'OTAN n'a en aucune façon montré qu'elle représentait une force de paix et de stabilité dans la région.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons non seulement de refuser que cet accord soit ratifié, mais aussi de reprendre notre indépendance militaire et stratégique en nous posant la question de cesser notre participation à l'OTAN.
L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord a-t-elle encore un avenir ? Si elle est en état de « mort cérébrale », pour reprendre les termes utilisés par Emmanuel Macron, pourquoi y intégrer un nouveau pays ? Voilà, en substance, les deux seules questions qui vaillent dans notre débat.
Pour les députés communistes, la réponse à la première question est simple : nous pensons que l'OTAN ne pourra jamais être une organisation équilibrée, pour au moins cinq raisons.
Premièrement, s'agissant du commandement, tous les membres de l'OTAN sont redevables des décisions de Washington alors que Washington n'est redevable de rien à personne.
Deuxièmement, puisque cette organisation est dirigée de fait par les États-Unis, et puisqu'elle est une sorte de pot commun pour la défense, les États-Unis exigent que les États membres dépensent de l'argent pour s'armer, beaucoup d'argent. Les États-Unis étant le premier vendeur d'armes de la planète, les États membres se fournissent principalement auprès de lui. Ce pays maîtrise donc à la fois l'offre et la demande.
Troisièmement, les armes achetées respectent toutes les mêmes standards pour que les alliés puissent travailler en interopérabilité. Certes, mais qui crée ces standards ? Les Américains, évidemment ! Le problème tient au fait qu'ils ont à l'égard des autres des exigences qu'ils ne s'appliquent pas à eux-mêmes. Le système de communication militaire de l'OTAN permet par exemple au Pentagone de prendre connaissance de toutes les communications des armées de l'Alliance, alors que le système du Pentagone ne peut pas être connu par les autres alliés.
En clair, une organisation dirigée par un seul État oblige les vingt-huit autres membres à dépenser des sommes considérables pour lui acheter du matériel qui lui permettra de garder le contrôle sur ces États. Étrange conception de l'alliance !
Quatrièmement, la question du statut des alliances se pose encore plus gravement à l'heure où la Turquie, membre de l'OTAN, a décidé d'envahir la Syrie, en violation du droit international. Posons une question parmi d'autres : en cas de conflit entre la République de Chypre et la partie de l'île occupée par la Turquie, lequel des deux choisirions-nous ? L'allié de l'Union européenne ou l'allié de l'OTAN ?
Cinquièmement, l'OTAN, ou plutôt les États-Unis, désoeuvrés depuis l'effondrement du bloc soviétique, se sont choisi la Russie pour ennemie, déséquilibrant profondément les relations internationales sur les ruines de l'ancien monde et de la guerre froide. Si les États-Unis veulent être les ennemis de la Russie, grand bien leur fasse ! Mais qu'ils laissent en dehors de tout cela l'Union européenne, qui a une frontière commune avec ce pays, et qui s'est construite sur les valeurs de paix et d'ouverture. Les vingt-huit États membres de l'Union européenne sont membres de l'OTAN. Ils ont les mains liées par ce traité, et sont entraînés, malgré eux, dans un cercle vicieux où la peur ouvre la voie aux provocations militaires, provocations qui suscitent un surarmement aussi dépensier qu'inutile. Prenez un cercle vicieux : plus vous le caressez, plus il deviendra vicieux, aurait pu dire l'un de nos grands auteurs !
Pour les communistes, une alliance doit être organisée autour de l'égalité de ceux qui en sont membres, autour de valeurs communes et d'un respect mutuel. Ce n'est objectivement pas le cas au sein de l'OTAN.
J'en viens spécifiquement à l'adhésion de la République de Macédoine du Nord à l'OTAN. Pourquoi embarquer la Macédoine du Nord dans cette galère ? La volonté de l'expansion de l'OTAN à l'est de l'Europe est une volonté d'endiguer la Russie dans une zone d'influence et géographique restreinte. À l'image de la Pologne ou des pays baltes, la Macédoine du Nord est utilisée comme une sorte de zone tampon aux frontières des mondes slaves et russes – des marches orientales, aurions-nous dit autrefois. L'OTAN accueillera donc la Macédoine du Nord non pour des raisons amicales, mais avec tout le cynisme stratégique qui caractérise cette alliance.
Les députés communistes ne pensent pas que faire entrer la Macédoine du Nord dans une organisation en état de « mort cérébrale » soit un cadeau. Si les mots du Président de la République sont sincères, sa majorité devrait refuser que la France ratifie le protocole : il est hypocrite de vouloir valider l'adhésion de la Macédoine du Nord après avoir démontré l'inutilité de l'OTAN, à moins que la démarche n'ait d'autre objectif que de pousser la Macédoine à acheter des armes afin de consacrer 2 % de son PIB à sa défense…
Vous l'aurez compris – si ce n'est pas le cas, je peux reprendre toute mon intervention – …
Sourires
… les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre la ratification de ce protocole.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je tiens tout d'abord à saluer les nombreux amis de la Macédoine présents ce matin à la fois sur les bancs de l'hémicycle et dans les tribunes du public. On ne parle pas si souvent que cela de ce pays, et il est vraiment heureux que nous puissions le faire en séance publique comme nous l'avons fait en commission des affaires étrangères.
L'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN n'est en définitive que la conclusion d'un long chemin parcouru depuis 1996, soit vingt-trois années durant lesquelles le pays a su dépasser ses vieux démons. Je pense aux conflits interethniques – les accords d'Orhid, signés au mois d'août 2001, ont mis fin au conflit entre Macédoniens et Albanais – et au conflit identitaire avec la Grèce. Sur ce dernier point, l'accord de Prespa signé le 17 juin 2018, un véritable crève-coeur, change malgré tout la donne en permettant une réconciliation historique avec la Grèce.
La Macédoine du Nord s'est aussi préparée en matière de défense. Elle a participé à différents exercices organisés par l'OTAN, et elle a renforcé son équipement et continue de le faire grâce à un plan dédié. Elle a aussi donné des gages de crédibilité en matière de politique étrangère.
Aujourd'hui, l'adhésion à l'OTAN est l'une des priorités de la Macédoine du Nord. Certains d'entre vous l'ont dit, mes chers collègues, en particulier le président Chassaigne : cela peut sembler étrange au moment où l'OTAN traverse l'une des plus grandes crises de son histoire – même si ce n'est pas la première. On aurait pu décider de fermer pour travaux, d'interrompre toute réflexion et de geler la situation, mais, pour notre part, nous pensons que l'intégration de la Macédoine du Nord dans l'Alliance ne pose pas de problèmes majeurs. Pourquoi ?
Premièrement, cette intégration s'inscrit dans la continuité des adhésions passées de pays voisins comme la Bulgarie et la Roumanie, l'Albanie et la Croatie, ou encore, il y a à peine plus de deux ans, le Monténégro. Pourquoi la porte se fermerait-elle aujourd'hui devant la Macédoine ?
Vous avez raison, madame la présidente ! La Macédoine du Nord aspire à la stabilité. Rappelons-nous que la dernière guerre menée par l'OTAN en Europe, il y a une vingtaine d'années, se situait aux frontières de ce pays ! Il faut protéger la région ; or l'OTAN permet d'agir en ce sens.
Deuxièmement, loin de la Russie, au coeur des Balkans, l'adhésion de ce pays ne peut être interprétée comme une provocation à l'égard de quiconque. Il ne s'agit pas de faire adhérer l'Ukraine ou la Géorgie, pays sensibles aux yeux du grand voisin.
Troisièmement, l'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN permettra de diffuser plus largement les principes de l'Alliance que nous partageons tous : le respect de l'État de droit, la nécessité du contrôle démocratique des forces armées et l'absence de conflit avec les pays voisins.
C'est en cela que l'adhésion du pays à l'OTAN constitue une étape supplémentaire pour la paix et la stabilité des Balkans occidentaux. Elle est un premier objectif pour la Macédoine du Nord, le second étant l'adhésion à l'Union européenne. Sur ce point, je suis d'accord avec le président Chassaigne : la France ne s'y trompe pas ; l'OTAN et l'Union européenne ne sont pas les deux faces d'une même pièce.
Certains pays sont membres de l'Union européenne sans appartenir à l'OTAN – ils étaient trois, mais le Royaume-Uni viendra probablement s'ajouter demain à l'Islande, à la Norvège et à la Turquie. D'autres pays comme la Suède, l'Autriche ou la Finlande, sont membres de l'Union mais restent hors de l'OTAN. Assimiler les deux appartenances ferait de l'Union européenne une entité euro-atlantique, ce que nous ne voulons pas.
L'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN n'est donc pas un préalable à l'ouverture du processus d'adhésion à l'Union européenne. Nous reconnaissons bien volontiers depuis très longtemps la vocation européenne de la Macédoine du Nord. L'accord de Prespa lève le dernier obstacle de principe à l'adhésion. Cependant, la France – elle n'est pas la seule – n'a pas souhaité donner son feu vert à l'ouverture des négociations entre l'Union européenne et les deux pays des Balkans, par souci de cohérence.
En effet, certains Européens pratiquent la fuite en avant et souhaitent l'élargissement sans accepter de le financer ou sans chercher à rendre l'Europe plus efficace. Nous devons tirer la leçon des élargissements passés, des réussites mais aussi des échecs. C'est pour cela que le Président de la République a subordonné l'ouverture des négociations à plusieurs évolutions : la Macédoine du Nord doit mener à terme des réformes intérieures ; il faut aussi réformer le processus d'adhésion à l'Union européenne – la France a déposé ses propositions en la matière, et il était vraiment temps, madame la secrétaire d'État. Il faut enfin rendre la gouvernance européenne plus efficace.
Il ne s'agit pas de renvoyer l'ouverture des négociations aux calendes macédoniennes, mais de réunir dès que possible, les conditions nécessaires. La France a fait des propositions ; la balle est dans le camp de nos partenaires.
En conclusion, le groupe La République en marche soutient sans réserve l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
À sa création, en 1949, l'Alliance atlantique comptait douze membres fondateurs. Depuis, les élargissements successifs ont conduit à « européaniser » toujours davantage l'Alliance, qui compte aujourd'hui vingt-six pays européens, dont vingt-deux membres de l'Union européenne, sur un total de vingt-neuf membres. Nous sommes réunis pour débattre de l'adhésion d'un trentième membre, puisque le Gouvernement demande au Parlement d'autoriser la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord.
Alors qu'en matière d'élargissement la première question à étudier est, logiquement, celle de l'apport du pays dans le domaine de la sécurité et des capacités militaires, ce n'est pas faire injure à la Macédoine du Nord que de souligner que son intégration au sein de l'Alliance ne bouleversera pas les grands équilibres en ce domaine. La rapporteure y a fait allusion, l'effort budgétaire que le pays consacre chaque année à sa défense représente 1,2 % du PIB, soit 135 millions d'euros seulement. Saluons néanmoins l'engagement du pays à le porter à 2 % du PIB d'ici à 2024, afin, notamment, de moderniser ses forces armées. Permettez-moi d'ailleurs d'espérer que nos industriels sauront trouver leur place dans ce processus de modernisation et démontrer l'excellence de leurs savoir-faire.
La contribution financière de la Macédoine du Nord représentera en outre, selon nos collègues du Sénat, 0,0721 % du budget de l'OTAN, ce qui en fera l'un des plus petits contributeurs aux côtés de l'Islande et du Monténégro.
Dans ce contexte, l'examen du projet de loi est aussi l'occasion, pour le groupe Les Républicains, de rappeler certains points qui lui paraissent essentiels s'agissant de l'avenir de l'Alliance.
Premièrement, l'élargissement de l'OTAN n'a pas vocation à se poursuivre indéfiniment. Sa crédibilité doit être la priorité. Gardons-nous de perdre en cohésion ce que nous gagnerions en extension ! Nous estimons que les adhésions éventuelles de la Géorgie et de l'Ukraine à l'organisation pourraient porter atteinte à la crédibilité de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. Nous ne souhaitons pas, en outre, que des élargissements intempestifs rendent encore plus complexes nos relations avec la Russie. C'est pourquoi nous nous étonnons du choix de l'Ukraine pour accueillir la session de printemps 2020 de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Était-ce vraiment nécessaire ?
Deuxièmement, l'intégration dans l'OTAN n'implique pas mécaniquement une intégration dans l'Union européenne, contrairement à ce que les vagues de 1999 et de 2004 ont pu laisser croire. C'est pourquoi nous sommes particulièrement satisfaits du revirement du Président de la République à ce sujet : après s'y être montré favorable lors du sommet des Balkans occidentaux, qui s'est tenu à Trieste le 12 juillet 2017, le chef de l'État s'est heureusement opposé à l'élargissement de l'Union européenne à l'Albanie et à la Macédoine du Nord lors du sommet européen des 17 et 18 octobre derniers. Depuis lors, je vous avoue que nous avons eu quelque difficulté à comprendre quelle était sa véritable position sur le sujet. Nous sommes en tout cas plutôt favorables à une refonte du processus d'adhésion. Nous vous souhaitons d'ailleurs, madame la secrétaire d'État, davantage de succès à l'avenir dans vos discussions avec vos homologues sur cette épineuse question.
Troisièmement, en évoquant la « mort cérébrale de l'OTAN », le chef de l'État n'y est pas allé de main morte ! Pour le groupe Les Républicains, il y a là aussi une invitation à débattre en profondeur de l'avenir de l'Alliance, et le Parlement doit prendre toute sa part à la réflexion. Vous l'avez indiqué, madame la présidente de la commission des affaires étrangères : les commissions de la défense et des affaires étrangères recevront la semaine prochaine plusieurs personnalités pour discuter du sujet. Je salue cette initiative que vous avez prise avec Mme la présidente de la commission de la défense. Il est temps, cependant, d'organiser un véritable débat dans l'hémicycle.
En conclusion, je rappellerai que les députés du groupe Les Républicains membres de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN se sont déclarés en faveur de la ratification du protocole. Du reste, notre groupe estime que la Macédoine du Nord ne doit pas faire les frais de nos interrogations légitimes. C'est pourquoi, malgré les réticences exprimées par certains de nos collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur du projet de loi.
Mme Liliana Tanguy applaudit.
Nous avons souhaité inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée l'accord d'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN. Cela semble d'autant plus légitime qu'un débat s'est engagé sur le devenir de cette organisation après les événements de l'actualité récente, qui ont semé le doute parmi ses membres. Le Président de la République lui-même s'est prononcé dernièrement pour une redéfinition des objectifs et des buts stratégiques de l'OTAN, alors que cette dernière subit de multiples crises.
Une crise de leadership, tout d'abord : celui des États-Unis, bien entendu, pour lesquels la coopération avec leurs partenaires européens semble être devenue secondaire en matière de défense. Il n'est que de voir les décisions unilatérales prises par les Américains en Syrie ces dernières semaines. Elles sont dans la lignée du renoncement du président Barack Obama lorsqu'il s'est agi de répliquer à la Syrie quand elle a franchi la ligne rouge fixée par la communauté internationale.
Une crise de la solidarité, ensuite, entre les membres de l'organisation. Nous l'avons constaté avec le coup de force de la Turquie dans le Nord syrien, alors même que la Turquie est membre de l'OTAN.
Cet événement a mis en lumière la troisième crise que traverse l'organisation : celle de la défense européenne, qui nous concerne au premier chef et doit tous nous mobiliser.
C'est sur ce dernier point qu'il nous faut nous pencher de manière urgente. Plusieurs initiatives ont été prises par le Président de la République, avec le soutien d'une large majorité de parlementaires, pour faire progresser le dossier au niveau européen. Nous ne devrons pas ménager nos efforts, à l'avenir, pour réussir dans cette entreprise de longue haleine.
S'agissant de l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN, nous voyons plusieurs avantages à poursuivre le processus engagé depuis de nombreuses années, et tout d'abord, cela a été dit, un avantage pour la stabilité de la région. Nous avons un intérêt propre à faire en sorte que les Balkans continuent d'avancer sur la voie de la stabilisation, d'autant que les pays de la région ont fait beaucoup d'efforts en la matière. Je comprends les réticences qui se sont exprimées au sujet de l'intégration de nouveaux pays dans une organisation dont chacun sait qu'elle doit être profondément remaniée ; nous avons nous-mêmes fait part des nôtres. Toutefois, puisqu'une dissolution de l'organisation n'est pas à l'ordre du jour, il nous semble que ce processus doit être maintenu.
Par ailleurs, il est de notre devoir de consolider la situation des pays limitrophes de l'Union européenne, pour des raisons évidentes de sécurité intérieure. Si l'Europe veut se penser comme une puissance – il le faut, selon nous – , alors elle doit être capable de développer des partenariats ambitieux selon les modalités dont elle décide. Dans le cas présent, cette politique de voisinage nous paraît nécessaire.
Enfin, la Macédoine du Nord a entrepris de profondes mutations pour satisfaire aux exigences liées à son adhésion à l'OTAN. La première d'entre elles était la pacification de ses relations avec ses voisins, en particulier la Grèce, pacification entérinée par l'accord de Prespa du 17 juin 2018. Ne négligeons pas l'importance que cet accord revêt pour les Macédoniens eux-mêmes. Ils l'ont exprimé à plusieurs reprises, et encore récemment, par la voix de leur premier ministre.
Au demeurant, l'accord est à même de produire des avantages concrets pour les deux parties. La Macédoine du Nord, certes de taille modeste, n'en participe pas moins à de nombreuses opérations militaires à travers le monde, en lien avec les armées des pays de l'OTAN. Si ses effectifs sont réduits et ses moyens limités, le gouvernement de la Macédoine du Nord a, en outre, clairement indiqué son intention de tripler, en quelques années, son budget dédié à la défense. Le pays semble très conscient des défis sécuritaires de son aire régionale et nous sommes persuadés que son rattachement à l'OTAN lui permettrait de les relever plus efficacement.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutiendra le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Il est paradoxal de voir le groupe La République en marche plaider avec zèle en faveur de l'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN quelques semaines après que le Président de la République a claqué la porte à ce pays et à l'Albanie en refusant la poursuite de leurs négociations d'adhésion à l'Union européenne.
Le temps semble pourtant venu de voir aboutir un processus engagé de longue date. Notons ainsi que la Macédoine a adhéré au partenariat pour la paix de l'OTAN dès 1995 et qu'elle participe depuis 1999 au plan d'action pour son adhésion. Les autorités de Macédoine du Nord présentent avec raison, me semble-t-il, cette patience, cette ténacité, voire cette obstination, comme le gage de leur ancrage dans le monde occidental et le symbole d'une reconnaissance internationale à laquelle le pays aspire.
Il faut aussi reconnaître qu'après l'ère autoritaire et clientéliste du gouvernement de Nikola Gruevski, entre 2006 et 2016, le gouvernement du premier ministre social-démocrate Zoran Zaev a apporté sa contribution à la stabilité régionale, grâce à l'accord de Prespa du 17 juin 2018, qui a mis fin à trois décennies de dispute avec la Grèce sur le nom du pays, et au traité d'amitié avec la Bulgarie, après soixante-quinze ans de relations conflictuelles entre Skopje et Sofia.
Toutefois, l'argument le plus convaincant en faveur de l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN est vraisemblablement sa position géographique, qui en fait un enjeu stratégique pour la sécurité européenne. Alors que la déstabilisation s'aggrave en Syrie et au Moyen-Orient, et face au manque de fiabilité – c'est le moins que l'on puisse dire – de la Turquie, pourtant membre de l'OTAN, la consolidation de l'architecture de sécurité des Balkans s'impose.
Il semble tout aussi paradoxal de voir le groupe majoritaire de l'Assemblée nationale plaider avec zèle en faveur de l'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN quelques semaines après que le Président de la République a estimé que l'Alliance était en état de « mort cérébrale ».
On peut effectivement questionner la pertinence d'une alliance qui a renoncé, en août 2013, à tirer les conséquences du franchissement de la fameuse ligne rouge fixée à Bachar el-Assad par le président américain. On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement d'une organisation au sein de laquelle le président Trump peut annoncer, unilatéralement et sans concertation, le retrait de ses soldats en Syrie. On peut enfin déplorer qu'un pays membre de l'Alliance, la Turquie, ait le champ libre pour s'attaquer impunément à nos alliés kurdes, qui ont combattu le terrorisme avec un courage exemplaire. Et je ne parle même pas du fait que la Turquie agit non seulement seule, mais au mépris de tous ses engagements à l'égard de ses alliés. Elle semble n'écouter que ce que lui dit la Russie, à laquelle, de surcroît, elle vient d'acheter des missiles.
L'OTAN est décidément bien malade, et nous n'échapperons pas à une réflexion sur son avenir dans les prochains mois et les prochaines années. Pourtant, je ne suis pas convaincu que la stratégie du coup de pied dans la fourmilière soit la plus efficace du point de vue diplomatique, à quelques jours du prochain sommet de l'OTAN – mais nous en reparlerons prochainement en commission.
En tout état de cause, l'occasion nous est donnée d'interroger le futur de l'Alliance atlantique. Son rôle comme son fonctionnement posent problème. Au moment où les discussions pour une politique européenne de sécurité restent incertaines, je poserai donc la question simplement : l'OTAN est-elle un frein à une Europe-puissance qui parlerait d'une voix forte et agirait avec efficacité sur les grands problèmes géopolitiques et les grands conflits du monde ?
Il semble que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le chef de la diplomatie, Josep Borrell, et le président du Conseil européen, Charles Michel, souhaitent chacun accroître la capacité de l'Europe à peser au côté des États-Unis, de la Chine et de la Russie. Saisissons donc cette opportunité !
Ces différents constats énoncés, et malgré toutes les interrogations qui subsistent, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et UDI-Agir. – Mme Liliana Tanguy applaudit également.
La Macédoine du Nord a toujours fait preuve de bonne volonté en s'engageant militairement aux côtés de ses alliés et en exprimant le désir de conduire des opérations de maintien de la paix. Sa volonté d'adhésion à l'OTAN concrétise l'important travail entrepris depuis plusieurs années avec ses voisins pour surmonter, de manière pacifique et durable, des différends anciens et persistants.
Il faut le reconnaître, la signature de l'accord d'amitié, de bon voisinage et de coopération avec la Bulgarie, en 2017, celle de l'accord de Prespa avec la Grèce, en 2018, et l'important travail d'apaisement mené avec Tirana au sujet de la minorité albanaise présente sur le territoire macédonien concourent à la paix dans la région et méritent d'être salués.
Néanmoins, ce pays de 2 millions d'habitants ne consacre que quelque 100 millions d'euros par an à sa défense et équipe ses 8 000 soldats de matériel militaire désuet. Il sera difficile de rendre ce matériel hérité d'une autre époque compatible avec celui utilisé par la majorité des forces de l'OTAN. L'apport militaire de la Macédoine du Nord est donc à relativiser.
De plus, au vu de l'état actuel de l'OTAN et de la violente crise politique qu'elle traverse, la présente discussion doit être l'occasion pour nous de réfléchir non seulement à la nécessité même d'élargir l'Alliance, mais aussi à son futur. En effet, le diagnostic est sans appel : le leadership et la solidarité de l'OTAN sont aujourd'hui en pièces.
Les désengagements et les volte-face successifs de Donald Trump constituent la preuve que le regard de nos alliés américains n'est plus tourné vers l'Europe, mais bien vers le Pacifique. Si ces désengagements se sont accélérés sous l'actuel président américain, ils n'ont rien de passager puisque l'administration Obama avait déjà exprimé la volonté de placer l'Asie au centre de la politique étrangère américaine.
Les Américains n'ont donc plus la volonté de travailler avec les Européens dans le domaine de la sécurité du continent, mais nous devons voir dans cette évolution l'opportunité de collaborer entre pays européens pour instaurer une vraie politique de défense européenne, voire une alliance interarmées au niveau européen. Sans oublier nos relations avec les États-Unis, qui restent nos alliés dans nombre d'autres domaines, nous devons prendre nos responsabilités et apprendre à marcher de manière autonome.
Car la solidarité au sein de l'Alliance atlantique ne relève plus que d'une vue de l'esprit. En témoigne la manière dont le retrait des États-Unis en Syrie et l'invasion militaire turque dans une zone où la France dispose pourtant d'intérêts incontestables ont été décidés de manière unilatérale, alors même que la concertation et la coordination politiques sont consacrées par l'article 4 du traité.
Dès lors, soit l'Alliance atlantique décide de redéfinir profondément sa finalité, soit elle disparaîtra et entraînera dans sa chute la sécurité d'une partie de notre continent. Dans tous les cas, l'Europe et la France n'ont pas le temps d'attendre. Si nous souhaitons demeurer maîtres de nos destins, nous n'avons pas d'autre choix que d'accélérer la construction d'une Europe de la défense, dotée à la fois d'une industrie militaire de premier rang et d'une véritable capacité d'intervention nous permettant d'agir dans l'éventualité où notre allié américain déciderait de nous faire défaut. La France doit travailler avec un noyau de pays réellement conscients des dangers et souhaitant pleinement s'engager. Quant aux États qui ont pris l'habitude de bloquer toutes les avancées en matière de défense européenne au motif que seule l'OTAN devrait primer, ils se rendront rapidement compte que le parapluie américain ne sera peut-être pas toujours ouvert et qu'il est dans leur intérêt que l'Europe puisse assurer sa sécurité de manière autonome.
Quoi qu'il en soit, le groupe UDI, Agir et indépendants votera ce projet de loi, en espérant que l'OTAN sorte rapidement de la crise qu'il traverse et que les États européens prendront enfin leur destin en main.
L'examen du projet de loi autorisant la ratification de l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN intervient dans un contexte de fragilisation non négligeable de l'Alliance atlantique. Pourtant, malgré les terribles coups de canif portés au contrat, malgré les propos tenus, l'Alliance n'a pas perdu en attractivité.
L'Union européenne et ses alliés ont des intérêts conjoints à la stabilisation des Balkans occidentaux, et l'adhésion de la Macédoine du Nord fait partie intrinsèque de ce processus entamé il y a vingt ans et qui a connu depuis des avancées significatives que vous avez rappelées, madame la secrétaire d'État. Je tiens à détailler les conséquences directes de l'adhésion pour les pays des Balkans occidentaux eux-mêmes.
Il est essentiel de souligner tout d'abord les efforts qui ont été réalisés par la Grèce et par la Macédoine du Nord pour parvenir à s'entendre : c'est la volonté et la détermination de la Macédoine du Nord à entrer dans l'OTAN – et dans l'Union européenne – qui ont rendu les discussions possibles entre ces deux pays. Cette perspective leur a permis de trouver un accord sur le nom « Macédoine du Nord », entériné dans l'accord de Prespa signé entre la Grèce et ce qui était encore alors l'ex-République yougoslave de Macédoine, le 17 juin 2018 – un accord historique qui mettait fin à plusieurs décennies de conflits et de litiges.
J'ai à coeur de vous faire part d'un souvenir ancien qui en témoigne. Comme certains d'entre vous le savent, j'étais, jusqu'à mon élection comme députée, productrice de cinéma. Le premier film que j'ai produit – avec des Anglais – , Before the Rain, réalisé par Milcho Manchevski et tourné dans la future Macédoine du Nord, mettait en scène les conflits potentiels entre Macédoniens de Macédoine yougoslave d'origine albanaise et de religion musulmane, et Macédoniens de Macédoine yougoslave de religion orthodoxe. Récompensé par un Lion d'or à Venise et nominé aux Oscars comme meilleur film étranger, il a fait à l'époque l'objet de tractations politiques infinies au moment d'inscrire le nom « République de Macédoine » au générique du film. C'était en 1993. Je vous rappelle qu'à l'époque du conflit yougoslave, la République yougoslave de Macédoine était le seul territoire considéré comme géostratégique par les Américains et qu'ils y avaient envoyé des troupes.
Je tenais ainsi à rappeler à quel point se mettre d'accord sur le nom de Macédoine du Nord, qui touche à l'identité des peuples, a pu être long et difficile. Les conséquences de l'accord de Prespa ont été déterminantes en Grèce : dans le domaine électoral, le gouvernement a subi des revers politiques directement dus à cette décision et, paradoxalement, les populations macédoniennes ont également eu le sentiment que l'on bradait leur identité puisque, si 97 % des Macédoniens ont voté en faveur de l'accord de Prespa, ils n'étaient que 37 % à se rendre aux urnes. Les avantages issus de l'adhésion à l'OTAN peuvent contribuer à atténuer les ressentiments de part et d'autre. Mais il est impératif que les bénéfices issus de tels sacrifices soient directement visibles par les populations, et il est essentiel de les leur montrer aujourd'hui en franchissant la première étape que représente la ratification.
En matière économique, la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam rappelle dans son rapport que l'entrée de la Macédoine du Nord dans l'OTAN contribuera à garantir sa stabilité aux yeux des investisseurs et à donner aux jeunes qui en émigrent massivement l'espoir d'un avenir chez eux.
En matière politique, la Macédoine du Nord, en plus d'avoir réaffirmé des relations de bon voisinage avec la Grèce et avec la Bulgarie dans la perspective d'une adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne, bénéficiera d'un cadre de dialogue supplémentaire pour apaiser ses relations avec les autres pays voisins, notamment avec l'Albanie, déjà membre de l'OTAN, avec laquelle elle entretient encore des rapports difficiles.
En effet, l'un des sujets pouvant susciter des débats animés, voire des conflits dans la région, est l'idée de Grande Albanie. Le Kosovo et l'Albanie cherchent à promouvoir des actions communes afin de réduire la notion de frontière entre leurs deux pays, dans la perspective, notamment, de rapprocher les populations albanaises. Ce processus est, bien sûr, très mal perçu par la Serbie et créé également des difficultés sérieuses avec la Macédoine du Nord et avec le Monténégro. La question de la Grande Albanie concerne des territoires situés dans six pays : Albanie, Kosovo, Macédoine du Nord, Grèce, Monténégro et Serbie. Après l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN, trois des six pays concernés en seront membres, ce qui permettra de conforter leur positionnement pacifique : ils doivent alors respecter les articles du traité de l'Atlantique Nord, notamment les articles 1 et 2, relatifs au règlement des litiges.
Certains, en premier lieu le Président de la République, s'inquiètent de la capacité des parties à mettre en oeuvre l'article 5 du traité, qui instaure le principe de défense mutuelle ; mais qu'en serait-il si la Turquie ne faisait pas partie de l'OTAN et si nous refusions l'adhésion de la Macédoine du Nord ? La situation ne pourrait être que pire !
Même si le chemin proposé n'est pas aisé et que de nombreux intérêts inavouables, on le sait, sont en jeu, il serait terrible de jouer aux apprentis sorciers. Étant donné les avancées significatives que l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN permettrait en vue de la stabilisation des Balkans, le groupe Liberté et territoires votera en faveur du projet de loi de ratification.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je m'exprime en tant que responsable du groupe de suivi géographique de la commission des affaires étrangères pour la région des Balkans occidentaux. Les travaux que nous avons menés ces derniers mois ont beaucoup concerné le rapprochement de la Macédoine du Nord vis-à-vis de l'Union européenne ainsi que de l'OTAN. Je tiens avant tout à renouveler mes félicitations à la rapporteure, avec laquelle nous collaborons étroitement sur les sujets liés aux Balkans, et qui a présenté un excellent rapport.
Mme la secrétaire d'État a rappelé que la récente signature de l'accord de Prespa a ouvert à la Macédoine du Nord la voie du statut de trentième membre de l'Alliance. Permettez-moi de réitérer les compliments de notre assemblée aux exécutifs macédonien et grec pour cet accord historique. Et je salue la présence dans les tribunes du public de l'ambassadrice de Macédoine du Nord, Mme Jadranka Chaushevska Dimov.
Les progrès récemment accomplis par la Macédoine du Nord concerne de nombreux autres domaines : je pense à la modernisation de ses forcées armées, à la réforme de son secteur du renseignement ou encore à la lutte contre la corruption. Les rapports de progrès établis par l'OTAN le confirment, tout comme les rapports de la Commission européenne.
Face à ces constats, il me semble essentiel de rappeler pourquoi l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN représente un intérêt pour tous : pour nous, Européens, comme pour nous, Français. Cette adhésion, qui fait suite à celle d'autres États des Balkans, a vocation à consolider les efforts de stabilisation de la région par l'Union européenne et par l'Alliance. La Macédoine du Nord se trouve au carrefour des Balkans et constitue de ce fait un espace stratégique pour l'Europe, y compris pour la France. L'élargissement de l'OTAN, tout comme celui de l'Union européenne, doit viser une finalité stratégique : devant le désengagement américain et l'absence de coordination face à l'agression turque, un débat s'impose sur l'autonomie stratégique européenne.
Dans ce contexte, nous devons encourager le parcours euro-atlantique du pays ami qu'est la Macédoine du Nord.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le groupe UDI, Agir et indépendants votera bien sûr en faveur de l'adhésion de la Macédoine du Nord, mais je voulais saisir l'occasion pour vous faire part du fruit de ma réflexion : nous débattons d'une nouvelle adhésion, mais qu'est devenue l'OTAN ? Le Président de la République a parlé de « mort cérébrale », et un pays qui est théoriquement notre allié, la Turquie, continue, malgré un cessez-le-feu bidon, à bombarder nos alliés kurdes, à envahir leur territoire et y procéder à une épuration ethnique. Personne n'en parle, ni évidemment dans cet hémicycle – qui a pourtant voté à l'unanimité une proposition de résolution à ce sujet – ni dans la presse. L'OTAN est bien devenue un instrument pour combattre nos propres alliés : c'est ce qu'en a fait la Turquie.
Je souhaite que le Gouvernement, qui a nécessairement les mêmes informations que celles dont je dispose en tant que président du groupe d'études sur les Kurdes, informe l'Assemblée nationale de ce qui est en train de se passer réellement dans le Rojava, lequel continue à subir les assauts turcs, les bombardements d'avions turcs et donc d'avions de l'OTAN. Il me semblait que cela devait être rappelé ici. Cette discussion est surtout pour moi l'occasion d'interpeller le Gouvernement sur ce qui se passe actuellement au Rojava, malgré, je le répète, le cessez-le-feu bidon qu'on nous a annoncé.
M. André Chassaigne applaudit.
Tout d'abord, je remercie tous les orateurs pour la qualité de nos échanges. Nous avons ici un débat européen, mais dont la portée dépasse de beaucoup les frontières du continent.
S'agissant de l'OTAN, un débat stratégique est en effet nécessaire – cela rejoint vos propos, monsieur Lagarde. Hier s'est donc tenue une réunion, à Bruxelles, des ministres des affaires étrangères des États membres de l'OTAN. Jean-Yves Le Drian a proposé, soutenu notamment par Heiko Maas et plusieurs de nos alliés, que soit menée une réflexion stratégique pour revenir aux fondamentaux de l'OTAN, à ce qui en 1949 a contribué à sa création, afin d'assigner un rôle plus clair et plus stratégique aux partenaires européens au sein de l'Alliance et de pouvoir ainsi faire le point sur nos relations avec les grands partenaires mondiaux et sur les objectifs que nous nous fixons vis-à-vis de la Chine, de la Russie ou d'autres encore. Il s'agit aussi de hiérarchiser les éléments de cette réflexion : non pas d'établir un long catalogue de tout ce qui pourrait arriver à l'OTAN en fonction de tout ce qui se passe dans le monde, mais de définir les priorités que nous nous fixons.
S'agissant du point particulier que vous évoquez, monsieur Lagarde, vous savez que la France a condamné très fermement ce qui s'est passé au nord de la Syrie. S'est réunie il y a quelques jours la coalition contre Daech, activée par le président français et l'ensemble de nos alliés bien avant le présent gouvernement ; elle a eu une parole unanime qui ne minimise en rien la situation humanitaire, sécuritaire et stratégique constatée. Vous connaissez l'engagement du ministère concernant la protection humanitaire de la population kurde ; nous sommes très mobilisés à ce sujet. Le Président de la République, dans le cadre de l'entretien auquel nous avons tous fait référence, a posé très clairement la question de la cohérence qui doit être celle de l'OTAN face à de tels événements. Quant à d'éventuelles informations à communiquer à l'Assemblée, je pense que vous avez toute possibilité de les demander au ministère, mais aussi à toutes les autres instances publiques concernées.
Quoi qu'il en soit, je tiens à vous dire que la réflexion sur la défense européenne, sur l'autonomie stratégique de l'Europe et sur la capacité des Européens à être des alliés qui ne soient ni alignés ni inféodés, mais aptes à occuper une position stratégique, c'est l'ambition du Président de la République depuis le premier jour ; il l'a réaffirmée dans le discours de la Sorbonne, et nous agissons en ce sens avec nos partenaires.
Jean-Yves Le Drian a d'ailleurs proposé un chemin pour y parvenir, et des objectifs, à l'occasion de la réunion des ministres des affaires étrangères des États membres de l'OTAN qui se tenait hier à Bruxelles. La France a bien l'ambition, pour les prochains mois, que la réflexion qu'elle a ouverte débouche sur la clarification des objectifs, des moyens et, par conséquent, de la position européenne concernant les crises que nous connaissons, et dont les très graves conséquences humaines et humanitaires ne suscitent chez nous ni naïveté ni résignation.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 11 bis.
Je souhaitais obtenir un éclaircissement sur l'alinéa 6 de l'article, lequel dispose que : « Pour l'élection des délégués des établissements publics de coopération intercommunale avec ou sans fiscalité propre et des délégués des syndicats mixtes au comité du syndicat mixte, le choix de l'organe délibérant peut porter sur l'un de ses membres ou sur tout conseiller municipal d'une commune membre. »
Cela signifie-t-il qu'une commune devant désigner un délégué pour siéger au sein de l'EPCI, l'établissement public de coopération intercommunale, ou dans un syndicat mixte peut désigner un conseiller d'une autre commune ? Il s'agit sans doute là d'une mauvaise interprétation de ma part, mais je souhaitais que ce point fasse l'objet d'une clarification.
Les amendements identiques nos 497 de M. Patrick Hetzel et 752 de M. Vincent Thiébaut sont défendus.
La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales, pour donner l'avis du Gouvernement.
Pour répondre tout d'abord à la question du président Chassaigne, l'alinéa 6 a une signification assez simple, et dont j'estime qu'elle correspond bien au but du présent projet de loi : n'importe qui peut être délégué dans un conseil syndical dès lors qu'il est élu. L'objectif est de mettre fin à la pratique consistant à pouvoir déléguer ce rôle à un habitant n'étant pas membre d'un conseil municipal ou du conseil communautaire.
Nous partons ainsi du principe que tout membre de la famille des élus, qu'il soit conseiller communautaire ou non, dès lors qu'il est conseiller municipal d'une des communes adhérentes au syndicat concerné, peut y siéger. Nous garantissons donc bien la souplesse nécessaire – n'importe quel conseiller municipal peut siéger au conseil syndical – , tout en introduisant un verrou supplémentaire. Je sais que cette mesure ne sera pas universellement populaire, car la pratique existante pouvait permettre à certains élus qui arrêtaient…
… ou étaient battus, effectivement, de continuer à présider un syndicat. Je considère toutefois qu'il faut réserver ce rôle à ceux qui font partie de la famille des élus locaux : c'est selon moi une ligne rouge.
S'agissant des amendements identiques, j'émets un avis favorable. L'amendement no 1620 rectifié du Gouvernement, qui sera présenté ensuite, permettra la coordination nécessaire.
Je partage l'objectif affiché par M. le ministre de mettre fin à ce qui me semble être une incongruité, à savoir la désignation de n'importe quel habitant non élu pour siéger dans un syndicat mixte – car cette pratique existait.
En revanche, la rédaction proposée me semble susceptible d'avoir un effet pervers. Un élu ayant conduit une liste dans une commune et étant devenu conseiller municipal – sans être maire, sa liste n'étant pas majoritaire – pourrait en effet se faire élire au conseil communautaire et devenir président de l'EPCI…
… en ayant été désigné par une autre commune. Cela me semble quelque peu discutable.
En réponse à cette remarque, pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, la compréhension que nous avons de l'article et des amendements ? S'agit-il bien, pour un EPCI, de pouvoir désigner, pour siéger dans un syndicat mixte dont il est membre, un conseiller municipal qui n'est pas conseiller communautaire ?
Pourriez-vous donc nous repréciser le sens de l'article, qui engage celui des amendements sur lesquels nous allons voter ?
Nous partageons l'objectif affiché par le Gouvernement dans cet article : il était effectivement problématique que des personnes n'étant plus élues et n'ayant donc plus aucun lien avec le conseil municipal puissent représenter celui-ci au sein d'organismes étroitement liés à certaines politiques de l'EPCI. Les difficultés rencontrées concrètement sur le terrain concernent en réalité les petites communes, dont le seul représentant au sein de l'EPCI est le maire, qui, étant déjà fortement sollicité, ne souhaite pas nécessairement siéger dans tous les organismes extérieurs dont la composition dépend de la représentation au sein de l'EPCI – les syndicats mixtes, etc.
Faire siéger un conseiller municipal dans ces syndicats présente donc un intérêt, mais entraîne souvent un relâchement entraîne souvent un relâchement du lien entre la commune ayant désigné ce représentant et l'EPCI, dans lequel ce conseiller ne siège pas. Nous avons connu de telles situations pour certaines politiques – je songe par exemple à la gestion des milieux aquatiques confiée aux syndicats de rivière. Les syndicats mixtes se heurtent à la fois à des problèmes de quorum – les personnes n'étant pas forcément mobilisées, même si elles représentent l'EPCI – et à des difficultés de gouvernance, avec des tensions pouvant se manifester entre des syndicats comptant une majorité de conseillers municipaux non membres de l'EPCI et des EPCI qui avaient défini une ligne stratégique.
Ce sont ces difficultés que nous devrions tenter de résoudre. Le texte proposé ne le peut malheureusement pas, et je crains qu'il ne soit compliqué d'inscrire de telles mesures dans la loi.
Je souhaite bien expliciter le point sur lequel porte mon interrogation. Dans le cas où deux listes se présentent aux élections municipales, une personne inscrite sur la liste battue, et qui ne représente donc pas la commune à l'EPCI, peut-elle être désignée comme conseiller communautaire par une autre commune membre de l'intercommunalité, et donc éventuellement accéder à la présidence de l'EPCI ?
Cela existe déjà !
La personne pourra être désignée par l'EPCI, et non par une autre commune.
Elle pourra alors éventuellement présider le syndicat. Mais, dans ce cas, l'EPCI l'aura désignée en connaissance de cause.
La disposition proposée me semble présenter un intérêt. Dans le microcosme institutionnel local, un certain nombre – parfois un nombre certain – de syndicats, de conseils d'administration, ou encore d'établissements publics à caractère industriel et commercial – EPIC – gravitent autour des EPCI à fiscalité propre. En limitant aux seuls élus communautaires le champ des personnes pouvant être désignées dans ces institutions, on se heurterait à un problème de ressources humaines.
Dans ma communauté de communes, on compte cinquante conseillers communautaires, deux EPIC réunissant chacun une dizaine d'administrateurs et trois ou quatre syndicats qui comptent chacun une dizaine de conseillers syndicaux. On ne peut pas demander toujours aux mêmes, qui sont des élus bénévoles non indemnisés, d'être présents tous les soirs à des réunions. Il faut donc que nous puissions diversifier les personnes qui participent à l'administration de ces structures, à charge pour les EPCI à fiscalité propre de le faire en connaissance de cause.
Ainsi, chez moi – pardon de citer un exemple personnel – , on a désigné, pour le syndicat qui gère la collecte des déchets, des élus appartenant à une tendance politique opposée à celle de la majorité qui gouverne l'EPCI, mais cela se fait en bonne intelligence : ces élus sont désignés par l'EPCI et les choses se passent bien, même si les relations sont parfois un peu conflictuelles et tendues – du moins cela s'est-il fait en connaissance de cause. De toute façon, c'est l'EPCI qui possède le pouvoir de désignation : si les choses vont moins bien, il peut toujours décider de désigner quelqu'un d'autre.
Pour prolonger les propos de M. le ministre, je rappelle que le dispositif actuel permet de confier la responsabilité de présider, par exemple, un syndicat à quelqu'un à qui le suffrage universel municipal n'a pas été favorable – qu'il n'ait pas été réélu ou qu'il ne soit pas élu du tout.
Ce beau sujet, même s'il n'est pas très grand public,
Sourires
correspond à des réalités que nous pouvons connaître sur le terrain en tant qu'élus locaux. Le droit existant permet aux EPCI à fiscalité propre de déléguer un citoyen, élu ou non, dans un conseil syndical.
Le texte que nous examinons prévoit une mesure de souplesse, qui étend cette possibilité à tous les syndicats et à tous les EPCI, qu'ils soient ou non à fiscalité propre. Il lui adjoint une mesure de restriction : alors qu'il était jusqu'à présent possible de nommer n'importe quel citoyen – par exemple un ancien élu – dans ces conseils, l'intéressé devra désormais être conseiller municipal de l'une des communes membres de l'EPCI.
Plusieurs conversations se sont mêlées au fil de la discussion. Madame Pires Beaune, un conseiller municipal peut être désigné par l'EPCI, même s'il n'est pas dans la majorité issue du suffrage universel direct qui s'est exprimé aux élections municipales. C'est du reste déjà prévu par le droit actuel, lequel permettait même, jusqu'à présent, de nommer quelqu'un qui avait été battu et n'était même plus conseiller municipal. Il paraît toutefois compliqué de restreindre encore ce dispositif – faudrait-il, par exemple, s'en remettre à l'ordre du tableau, ou prévoir un vote conforme au sein du conseil municipal ? Mieux conserver la rédaction prévue.
Ces échanges rejoignent ceux que nous avons déjà eus au début de la rédaction du texte à propos de la représentation des élus. Ainsi, un conseiller municipal d'opposition qui serait conseiller communautaire peut déjà être élu président de l'EPCI – c'est encore la question des systèmes de majorité : on peut être minoritaire au conseil municipal tout en étant majoritaire au conseil communautaire, et vice versa.
On ne résoudra pas tout par la loi, mais nous commençons à installer l'entonnoir qui permettra d'éviter des pratiques assurant à certains syndicats de très vastes compétences, assortis de niveaux de rémunération un peu élevés. Le texte dont nous débattons étant consacré à l'engagement, il nous faut y assurer une certaine souplesse. De fait, les élus communautaires ne peuvent pas être partout – un conseiller communautaire doit parfois représenter l'EPCI dans une multitude d'organismes. Faire appel aux conseillers municipaux du terrain est aussi une manière de leur marquer de la considération et de leur donner un rôle concret. À l'inverse, nommer quelqu'un qui n'est pas investi d'un mandat local revient à contourner quelque peu la démocratie représentative locale. Il me semble donc que la rédaction proposée représente un bon équilibre.
L'amendement no 1620 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
L'article 11 bis, amendé, est adopté.
L'article 11 ter porte sur les éléments que doit fournir la CLECT, la commission locale d'évaluation des charges transférées, à savoir une estimation prospective des charges susceptibles d'être transférées par les communes à l'établissement concerné, ou par ce dernier aux communes. Je voterai cet article, mais je le trouve particulièrement bavard et un peu superflu.
En effet, si on a l'expérience des travaux d'une CLECT, on sait bien que c'est précisément ce qu'elle fait. À moins, donc, que le ministre ne précise autrement la pensée des rédacteurs de l'article 11 ter, ce dernier me semble inoffensif, mais pas spécialement utile.
Il rend automatique la mission d'analyse et de prospection financière de la CLECT préalablement à tout transfert de compétence. Il s'agit de clarifier et de rendre plus visibles les impacts financiers des transferts de compétences, ce qui aiderait significativement à la prise de décision.
Cet amendement, qui reprend, comme d'autres, une préconisation de l'Association des maires ruraux de France – AMRF – , a pour objet de renforcer le rôle de la CLECT en rendant automatique sa mission d'analyse et de prospection financière préalablement à tout transfert de compétence.
Le conseil communautaire et les conseils municipaux tiendront compte de ce rapport pour déterminer le montant de l'attribution de compensation versée par l'établissement à chaque commune ou, au contraire, de l'attribution négative due par une commune à l'établissement. On sait en effet que l'évaluation donne lieu à des débats nourris au sein des EPCI.
Défavorable. En effet, si le dispositif adopté en commission peut paraître bavard à M. Viala – ce que je peux entendre – , celui que préconisent les amendements apparaît quant à lui réducteur. En effet, il tend à systématiser une procédure qui, selon les compétences visées, n'est pas toujours utile.
Le texte issu de la commission est assez équilibré. Comme le montre l'expérience des mouvements de compétences importants qui ont résulté de la loi NOTRe, ou loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la CLECT intervient souvent trop tard : c'est lorsqu'on a décidé de transférer une compétence, dans un sens ou dans l'autre, que l'on prend conscience du montant de l'addition – un peu comme si, au restaurant, on choisissait son menu à l'aveugle pour ne découvrir qu'à la fin du déjeuner ou du dîner quel en est le prix.
Je m'étonne, de ce point de vue, du système d'intercommunalité à la carte qu'avait imaginé le Sénat et que nous avons, tous ensemble, remis en ordre : de façon plus incroyable encore, on était certain que l'addition serait salée, mais quasiment incapable de savoir à quel montant elle s'élèverait. Il me semble que nous remettons maintenant les choses à l'endroit. En matière de consommation, indiquer les prix sur le menu est une mesure de bon aloi !
Par ailleurs, monsieur Viala, faut-il que la CLECT se réunisse obligatoirement en amont ? La mesure proposée par le texte, qui vise à ne le prévoir que lorsque le conseil communautaire ou un tiers des conseillers municipaux de l'EPCI le demandent, me semble, je le répète, équilibrée et ne dispense pas la CLECT du travail qu'elle devra mener ensuite. Dans cette hypothèse, en effet, la mission de la CLECT devient prospective, conformément à la demande de l'AMRF. La mesure permet, avant de délibérer définitivement sur un transfert de compétences, quel qu'il soit, d'en connaître l'incidence sur les attributions de compensations et, le cas échéant, le CIF – coefficient d'intégration fiscale – , donc la DGF – dotation globale de fonctionnement.
Le système fonctionne bien. Il faut cependant veiller à éviter l'embolisation de la CLECT. Si l'on veut que le dispositif ne reste pas virtuel et que les prix figurant sur le menu soient sincères, il faut que l'ensemble des services de l'État et, le cas échéant, les CRC, les chambres régionales des comptes, puissent être très mobilisés à ce propos.
Je vous propose donc de nous en tenir à la rédaction issue de la commission des lois, que nous avions déjà légèrement revue. Je demande donc le retrait des amendements. À défaut, avis défavorable.
Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous : n'en rajoutons pas. En déclarant que l'article était un peu bavard, j'avais le souci d'éviter qu'il n'ouvre la voie à une consultation obligatoire ou quasi automatique de bureaux d'études spécialisés dans les finances des collectivités, qui font leurs choux gras de dispositions de cette nature, ce qui n'est pas souhaitable – s'ils ont des représentants dans les galeries de l'hémicycle, je vais me faire des amis ! Comme vous venez, du reste, de l'indiquer, les services des DDFiP – directions départementales des finances publiques – , de la CRC et des EPCI eux-mêmes, ainsi que les élus, sont en mesure de mener ces travaux. Cependant, si on leur attribue trop d'obligations, ils auront le réflexe de se tourner vers des structures privées qui facturent grassement des diagnostics en se faisant payer pour apprendre eux-mêmes pendant six mois ce que les élus savent depuis toujours et en formulant des préconisations qui, en fait, n'en sont pas. Voilà ce que j'avais dans ma ligne de tir.
Pour réagir aux propos de M. le ministre, je préciserai avec un sourire que nous ne sommes pas tout à fait du même monde : alors que vous êtes adepte des repas à la carte et allez choisir entre le foie gras et le homard, je suis, pour ma part, plutôt attaché au menu du jour.
Sourires et exclamations.
À l'ardoise !
Cela tient peut-être à mes racines auvergnates…. Le dispositif doit avoir un caractère automatique et systématique : il ne faut pas composer son menu à la carte, comme le prévoit l'article, en fonction des demandes formulées par l'EPCI ou par un tiers de ses membres.
Dans certains territoires très éclatés, les conditions posées peuvent paraître exorbitantes. Il faut en effet avoir conscience du fait que, pour un EPCI rassemblant 128 communes, un tiers des membres des conseils municipaux peut représenter plusieurs centaines de personnes. La mobilisation de la CLECT ne sera pas toujours facile.
Cette disposition reprend la proposition no 25 de l'agenda rural, très fortement soutenue par l'Association des maires ruraux de France.
Monsieur Di Filippo, le texte évoque un tiers des conseils municipaux, et non pas un tiers des conseillers municipaux. Ne vous inquiétez donc pas : les salles seront assez grandes !
L'article 11 ter est adopté.
Cet amendement vise à rétablir cet article dans sa version issue du Sénat. Il tend à accroître la part de sièges réservés aux maires au sein de la CDCI – commission départementale de la coopération intercommunale – , la portant de 40 % à 50 %, et à diminuer parallèlement la part des sièges réservés aux représentants des EPCI, la faisant passer de 40 % à 30 %. Ce rééquilibrage de la CDCI permettra de réaffirmer la place prépondérante de la commune dans la coopération intercommunale. Les EPCI ne sont en effet qu'un outil au service des communes. Il est donc légitime que les représentants des maires conservent une place majoritaire au sein des CDCI.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 1137 .
Je compléterai l'argumentation de mon collègue en insistant sur l'importance d'une meilleure représentation des maires ruraux qui, souvent, se sentent insuffisamment représentés, sinon écrasés, par les délégués de communes plus importantes.
Je rappelle à cet égard les résultats d'une consultation organisée sur la plateforme du Sénat ouverte aux élus locaux. Selon 60 % des répondants, l'intercommunalité marginalisait les communes rurales. Pour ce qui est de la composition des EPCI, les élus locaux sondés considèrent majoritairement – à 52,3 % – que les règles instaurées sont insatisfaisantes. D'où cet amendement, qui vise à une meilleure représentation de la ruralité. Il ne faut pas sous-estimer cette question, qui est une réalité dans les territoires ruraux. La voix des petites communes n'est pas entendue et cette situation crée de la frustration, parfois même une blessure.
Nous avons déjà eu ce débat hier. Je ne changerai pas d'avis, il est donc défavorable.
J'ai longuement évoqué le sujet hier soir en donnant des arguments de fond, donc, si vous le voulez bien, je ne recommencerai pas ce matin. L'avis est défavorable.
Je souhaite préciser, pour compléter les propos des précédents orateurs, que la mesure a été adoptée au Sénat, puis écarté en commission des lois, …
… ce qui serait « normal » selon Bruno Questel, à qui je laisse la responsabilité de ses propos.
Il me semble que, de manière générale, le texte réduit un peu le rôle de la CDCI. Ce n'est pas nécessairement très grave. Néanmoins, la CDCI offre un lieu de rassemblement, de pédagogie, de parole à propos des intercommunalités. Il me semblerait très intéressant, et essentiel pour relayer l'information, que ces discussions réunissent majoritairement des maires ruraux. Je regrettais déjà qu'au sein des intercommunalités les villes-centres écrasent les communes rurales. Faire un signe aux maires ruraux, en les invitant à la table des discussions pour évoquer des problèmes qui les concernent, ne coûterait pas grand-chose au Gouvernement.
Nous avons bien entendu hier soir les propos du ministre : sa position est cohérente.
Il ne s'agit pas d'opposer élus des villes et élus des champs, contrairement à ce qu'on prétend parfois. Simplement, si le territoire français, assez morcelé, compte moins de 36 000 communes à la suite de la création des communes nouvelles, il n'empêche que la commune doit rester la cellule de base démocratique. Je rappelle qu'elle est considérée par nos concitoyens comme le territoire le plus cohérent, et que les élus les plus respectés, encore aujourd'hui, sont bien les maires, à qui on peut facilement s'identifier.
S'il n'est pas question de remettre en cause l'intercommunalité, à laquelle je suis très attaché, ni de prôner le repli sur soi – j'ai moi-même oeuvré à la création d'une commune nouvelle dans mon département, la Manche – , les communes doivent rester la porte d'entrée principale de l'intercommunalité. Les communes, notamment rurales, doivent donc pouvoir s'exprimer au sein de la CDCI, une structure plutôt bien conçue – à la fois un forum et un lieu de conférences, où l'on donne son avis et où l'on prend des décisions.
Donner un peu plus de place aux communes rurales, ça ne coûte pas cher – si vous me permettez l'expression – et cela ne remet en cause aucun principe de base. Nous lançons donc une fois encore un appel pressant en faveur des communes rurales, qui sont la porte d'entrée à la fois de la démocratie et de l'intercommunalité.
Comme cela a été dit, cet amendement ne mange pas de pain.
Tout d'abord, les petites communes disposent aujourd'hui de moins de représentants que les grandes communes au sein des intercommunalités – ce qui se comprend – alors qu'il y a quinze ou vingt ans l'égalité était possible. Ensuite, lors des conférences territoriales qui se tiennent sous l'égide du président de région ou du préfet de région, les intercommunalités et les départements sont représentés mais le monde rural l'est peu. En outre, les pays, dont le maillage couvrait autrefois l'ensemble du territoire de ma région, offraient aussi un espace de dialogue, mais ils font aujourd'hui partie, pour la plupart, des communautés d'agglomération.
Or les territoires ruraux ont besoin d'un lieu d'échange, de respiration, car ils se sentent malheureusement peu représentés au sein des conférences territoriales – pourtant vraiment utiles puisqu'elles traitent de l'avenir stratégique d'un département, d'une région, d'un territoire. Il faut entendre cette demande, qui ne me semble pas très contraignante, loin de là. Donnons aux élus ruraux, en particulier aux maires, toutes les occasions possibles de s'exprimer.
Je constate que chacun prend la parole comme si la discussion n'avait pas déjà eu lieu hier soir. Je vais donc répéter ce que j'ai dit hier, en m'excusant auprès des députés qui étaient alors présents.
Premièrement, le projet de loi nous imposait de choisir entre deux options. Soit nous réformions les CDCI, en maintenant leur caractère obligatoire, la révision systématique des schémas tous les six ans et la procédure du passer-outre accordé aux préfets. Soit nous sortions l'arme lourde – et c'est le choix que nous avons fait – en mettant fin notamment à cette procédure du passer-outre, donc au passage en force du corps préfectoral, ainsi qu'à la révision tous les six ans, qui réduisait les commissions à un rôle consultatif et au pouvoir d'autoriser des adhésions ou des retraits de communes.
Sur ce point, nous sommes plutôt d'accord avec vous, monsieur le ministre.
En accord avec l'ensemble des groupes politiques, nous avons considéré que, puisque nous avions abouti à un schéma consensuel par certains aspects, il ne fallait pas toucher au mode de fonctionnement des CDCI. Les amendements semblent inoffensifs mais, comme l'a montré la discussion d'hier sur le poids respectif des conseils départementaux et des conseils régionaux, un tel débat peut vite mener à une remise en cause tous azimuts. Je propose donc que nous nous en tenions à la règle existante.
Deuxièmement, ne nous racontons pas de carabistouilles : la composition des CDCI n'est décidée ni par vous ni par moi, mais selon des règles établies par des collèges dans lesquels les associations d'élus pèsent de tout leur poids. Si certaines CDCI sont composées uniquement de maires de très grandes communes, c'est peut-être parce que l'antenne locale de l'AMF – l'association des maires de France – ou de l'AMRF n'a pas fait au préfet de proposition adéquate concernant l'arrêté de composition. Monsieur Gosselin, monsieur Chassaigne, convenez que c'est la pratique locale qui permettra de résoudre ce problème.
Justement ! Le député Dino Cinieri avait déposé un amendement, dont il était le seul signataire, visant à rendre obligatoire, à travers une modification de la rédaction du texte après l'article 8, une consultation des associations sur la composition des CDCI. Il n'a malheureusement pas pu le soutenir car il a dû s'absenter hier soir, mais, s'il l'avait fait, j'aurais accepté cet amendement – nous pouvons d'ailleurs y revenir si c'est nécessaire.
Je le répète néanmoins : le problème de la composition des CDCI ne se résoudra pas au niveau de la loi, mais au niveau de la pratique locale. Le préfet ne fait pas son marché au hasard, cette composition résulte d'un accord entre les associations d'élus – et souvent, pour être honnête, entre les grands élus locaux.
Je demande donc le retrait des amendements, dans une large mesure satisfaits par la décision de supprimer le caractère obligatoire de la révision tous les six ans – qui constituait le principal obstacle. À défaut, je maintiens mon avis défavorable.
L'article 11 quinquies A est adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 279 .
Le texte témoigne d'une volonté globale de renouveler intelligemment les modalités de la coopération locale. En la matière, on ne peut pas toujours passer par l'EPCI. Si des circulations de compétences entre les EPCI ont été rendues possibles, il faut également penser à favoriser la coopération infracommunautaire.
Jusqu'à une période récente, celle-ci se traduisait souvent par la création d'un SIVU – syndicat intercommunal à vocation unique. C'était le cas par exemple lorsque deux communes souhaitaient se partager un CPI – centre de première intervention – non intégré par souci de cohérence ou pour augmenter le niveau de formation des sapeurs-pompiers volontaires. La loi NOTRe a mis fin à cette pratique, ce qui est compréhensible car elle pouvait donner lieu, dans la gestion de compétences simples, à des procédures lourdes, par exemple la création d'un système d'indemnités.
L'amendement vise à améliorer le fonctionnement des conférences intercommunales, instances qui administrent la convention mise au point par deux communes désireuses de se partager l'exercice d'une compétence. Le droit actuel prévoit, pour la composition de la conférence intercommunale, un mode de désignation très strict – trois élus sont choisis par les conseils municipaux lors d'un vote à bulletin secret – qui peut créer des blocages. Dans le cas de la caserne des pompiers que j'évoquais tout à l'heure, il serait totalement incompréhensible que le maire, pour une raison ou pour une autre, ne soit pas désigné. Notre amendement vise à apporter un peu de souplesse dans ce processus.
Monsieur Schellenberger, vos premiers mots auraient suffi à me convaincre de la pertinence de votre amendement, qui prévoit un dispositif fluide et plein de bon sens. L'avis est favorable.
En effet, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.
Sourires.
L'avis est favorable.
L'amendement no 279 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l'amendement no 33 .
Cet amendement reprend l'idée de l'amendement CL511 que j'avais déposé en commission : il a pour objet d'ajouter une division au projet de loi pour tenir compte de l'adoption par le Sénat d'articles additionnels au sein du chapitre relatif au périmètre des EPCI sans lien avec cette thématique. Il est ainsi proposé de rassembler les articles 11 quinquies et 11 sexies au sein d'un même chapitre, intitulé « Adapter le périmètre des entités du bloc communal aux réalités locales ».
Comme indiqué hier, la notion de bloc communal n'existe pas en droit. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 33 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il évoque le cas de deux communes appartenant à un département différent et souhaitant fusionner. Au-delà de ce cas, il a été fait état, lors de l'examen de la proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, mais aussi au cours des législatures précédentes, de situations comparables, certes peu nombreuses mais bien réelles.
Le droit actuel prévoit que le Parlement a le dernier mot en l'absence de décision locale, autrement dit d'accord de l'un des deux départements. Or cette disposition n'a jamais été appliquée. Nous proposons donc de revaloriser le rôle des maires, ce qui nous semble opportun au lendemain du grand débat national, et demandons que la décision de fusion ne revienne plus au législateur– puisque celui-ci ne tranche jamais – mais soit prise au moyen d'un référendum local.
Je voudrais aussi souligner que l'absence de fusion bloque les projets communaux. Dans ma circonscription, en Charente, une commune de 280 habitants située à cheval sur deux départements souhaite depuis plusieurs années fusionner avec d'autres communes, en vain. Lorsqu'elle veut favoriser un projet dans son bassin de vie, aucun des deux départements ne prend de décision, non plus que le Parlement, ce qui conduit à un blocage.
Je tiens donc à alerter tous nos collègues sur ces situations qui nuisent au développement des territoires que nous appelons tous de nos voeux.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1110 .
C'est en quelque sorte un amendement de repli qui prévoit, plutôt qu'une consultation des habitants des communes souhaitant fusionner, une seconde délibération des conseils municipaux concernés, une majorité qualifiée des deux tiers déclenchant un décret en Conseil d'État afin de rattacher la commune au département voisin. Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires. Nous étions alors convenus qu'il était nécessaire de le trancher, un renvoi au législateur n'étant pas satisfaisant dans la mesure où celui-ci a bien du mal à prendre ses responsabilités face à ce type de question.
S'il rend la main au législateur en cas de désaccord entre les départements, le code général des collectivités territoriales, tel qu'il est actuellement rédigé, ne définit pas le cadre de la concertation préalable en cas de refus de l'un ou l'autre des départements. C'est exactement le problème qui s'est posé pour Saint-Palais-du-Né. Mme Duby-Muller, je crois, défendra d'ailleurs un autre amendement pour un cas similaire de sa circonscription.
Il nous faut donc trouver une solution, et celle que nous proposons, que ce soit à travers l'amendement no 1109 ou l'amendement no 1110 , nous paraît raisonnable : elle ne confisque pas le pouvoir des petites communes, contrairement à l'amendement no 1504 du rapporteur, qui donne une sorte de droit de veto aux départements, alors que l'un d'eux, dans le cas de Saint-Palais-du-Né, n'a même pas cherché à engager une négociation équitable avec les maires, qu'il n'a même pas reçus dans son assemblée délibérante. L'idée est de débloquer de situations de ce genre à travers une solution équitable pour les communes, dans les conditions que je viens d'exposer.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 137 .
Pourquoi le territoire d'une commune nouvelle devrait-il nécessairement être situé dans un seul département ? C'est là une vraie question. Les collectivités territoriales, l'exemple des EPCI le montre, peuvent tout à fait être à cheval sur deux départements ; a priori, cela ne pose donc aucun problème pour la gestion budgétaire des choix politiques.
Du point de vue électoral, le problème ne pourrait se poser, en réalité, que pour les élections sénatoriales.
Et pour les législatives ?
Dans ma circonscription, une commune nouvelle est ainsi à cheval sur deux circonscriptions électorales : il n'y a aucune difficulté à y installer deux bureaux de vote pour les élections cantonales ou régionales.
Reste la question des pouvoirs de police du maire, agent de l'État. Si les élus locaux décident librement de créer une commune nouvelle dans les conditions dont nous parlons, éclairés sur les difficultés que peut soulever l'exercice des pouvoirs de police – qui alors relèveraient de deux préfets – , pourquoi les en empêcher ? Peut-être pouvons-nous répondre à cette question de façon pragmatique.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir son amendement no 1504 et donner l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
Plusieurs collègues, notamment du groupe La République en marche, ont regretté la lourdeur d'une disposition qui fait porter au législateur la responsabilité de régler des différends somme toute territoriaux. Cette disposition, je vous propose donc de la supprimer, pour renvoyer chacun à la liberté que lui confère le principe de libre administration des collectivités locales et à la compétence qu'il a, par exemple, de créer une commune nouvelle. Cela dit, monsieur Schellenberger, une commune nouvelle est une commune, et une commune ne peut être à cheval sur deux départements.
L'assignation des limites du territoire départemental, enfin, requiert l'accord des départements concernés. La solution proposée par les trois amendements précédents ne tourne donc pas, comme on dit.
Pour qu'une commune nouvelle soit à cheval sur deux départements, il faut que les deux conseils municipaux des communes qui fusionnent et les deux départements soient d'accord, dans le respect d'une liberté à la fois collective et individuelle.
Je suggère par conséquent le retrait des amendements nos 1109 , 1110 et 137 ; à défaut, l'avis serait défavorable. Et évidemment, je suis favorable à l'amendement que j'ai déposé en mon nom.
Sourires.
Je vais m'efforcer de refaire un peu de pédagogie. Le grand principe qui préside à la création des communes nouvelles est en effet, monsieur Schellenberger, la liberté dont jouissent les conseils municipaux, dans le cadre de la démocratie représentative locale, pour choisir leur sort ; nous n'allons pas refaire le débat sur ce point. Il existe par ailleurs des solutions de consultation, mais je n'entre pas dans le détail.
Deuxièmement, deux communes situées dans deux départements différents peuvent décider de fusionner en une commune nouvelle ; cela non plus, je ne propose pas de l'interdire en tant que tel. Toutefois, selon un autre principe que vous connaissez et sur lequel nous restons vigilants, aucune collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre. Si, dans le cas dont nous parlons, les deux conseils municipaux sont compétents pour modifier les limites du territoire communal – moyennant, tout de même, un arrêté du représentant de l'État, bien entendu – , ils ne le sont pas pour modifier les limites du territoire départemental, lesquelles relèvent, d'une part, du conseil départemental et, de l'autre, du législateur, c'est-à-dire de vous. Autrement dit, deux conseils municipaux ne peuvent pas modifier les limites du département sans l'accord de son assemblée délibérante, ce qui me semble de bon aloi.
Troisième chose, la comparaison avec les EPCI est-elle recevable ? Non, car un EPCI est un établissement public et non une collectivité territoriale ; et, selon un principe intangible en vigueur depuis 1789, et auquel je crois, une collectivité en contient – si j'ose dire – toujours une autre, un peu à la façon des poupées russes.
Quarto, pour répondre directement à votre question, le fait qu'une commune soit à cheval sur deux départements pose-t-il problème ? La chose, au-delà de sa complexité – mais, à la rigueur, elle ne serait pas la première à n'être pas simple – , est-elle faisable ? La réponse est non.
S'agissant d'abord des élections, vous avez oublié celles que vous connaissez le mieux, monsieur Schellenberger : l'élection des députés. Imaginez une commune nouvelle, à cheval sur l'Eure et sur l'Eure-et-Loir…
… – dont je salue plusieurs députés présents sur vos bans – , issue d'une fusion entre Nonancourt et Anet. Je me réjouirais que M. Marleix devienne, par la même occasion, député de l'Eure, où il serait reçu avec les égards et l'amitié qui s'imposent…
Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LR et LT.
Sourires.
Plus sérieusement, la circonscription d'un député d'Eure-et-Loir déborderait donc sur l'Eure ? Les élus locaux qui nous regardent ne manqueraient sans doute pas de trouver cela bizarre.
Le vrai problème, cependant, n'est pas électoral : il concerne l'exercice d'un pouvoir régalien. Si un trouble à l'ordre public survient dans la commune nouvelle, devra-t-on se référer aux anciennes limites communales pour savoir lequel des deux préfets de département est compétent ? Franchement, cela ne paraît pas raisonnable, à l'heure où l'on prône la simplicité et où le corps préfectoral se voit confier des responsabilités importantes. La même question se pose pour les parquets : un parquet serait compétent du côté des numéros impairs de la rue, et un autre du côté des numéros pairs ? Bref, la seule solution est que tout le territoire d'une commune soit situé dans un seul département.
Certains parlementaires, je le sais bien, ont fait preuve d'innovation en suggérant que ce soit le siège de la mairie qui détermine le département d'affiliation.
Cela n'aurait aucun sens, ce serait gravissime ! Vous avez raison, monsieur le ministre !
Cela revient à constater qu'on n'est pas d'accord pour décider, au terme d'une délibération, d'être rattaché à un département plutôt qu'à un autre.
D'autre part, de quel département relèveraient les communes éligibles à la DETR, la dotation d'équipement des territoires rural, et à la DSIL, la dotation de soutien à l'investissement local ? Faudrait-il imaginer un prorata avec une clé de répartition proportionnelle ?
Pardon, mais tout le problème, dans les cas de blocage dont nous parlons, est précisément qu'elles n'arrivent pas à choisir !
C'est bien ce que je propose : à un moment, il faut savoir trancher, sans quoi on entre dans des difficultés sans fin et on fait n'importe quoi. Or je ne laisserai pas faire n'importe quoi sur de tels sujets, car cela abîmerait le bloc communal et le bloc départemental ; très franchement, ce ne serait pas glorieux.
Je propose donc, en premier lieu, qu'il demeure possible de créer des communes nouvelles à cheval sur deux départements. Deuxièmement, lorsque les deux conseils départementaux concernés sont d'accord – ce qui, précisons-le, correspond tout de même à la majorité des cas observés jusqu'à présent – , les limites communales et départementales sont modifiées de droit, le préfet publiant alors un décret à cet effet. Mais, en cas de désaccord sur ce point entre les conseillers des deux départements – comme entre les deux conseils municipaux lorsqu'il s'agit de modifier le territoire communal, d'ailleurs – , il n'y a aucune raison de passer outre l'avis des conseillers de l'un ou l'autre département, puisque la démocratie représentative n'admet aucune hiérarchie : la création de la commune nouvelle n'est alors pas possible, malheureusement. Il n'y a, je crois, pas d'autre solution, quelle que soit l'innovation envisagée.
Reste l'idée de laisser les parlementaires trancher. Des députés de tel département soutiendront donc la création de la commune nouvelle, quand ceux de tel autre ne seront pas d'accord. De fait, sur la proposition de loi de Mme Gatel relative aux communes nouvelles, les clivages n'étaient pas politiques mais géographiques. M. Schellenberger est omniscient, je le sais bien, mais comment un député du Bas-Rhin peut-il savoir si une commune a plutôt vocation à basculer du côté de l'Eure ou de l'Eure-et-Loir ? Imaginez aussi que, l'Assemblée ayant adopté une disposition, le Sénat, en commission mixte paritaire, défende une position différente. Comment joue-t-on alors le sort de la commune ? Aux dés ou à pile ou face ?
Ce que vous dites ne correspond pas à la réalité, monsieur le ministre !
Si, monsieur : je ne fais que rappeler le droit en vigueur et le fonctionnement de nos institutions ; ne nous racontons pas d'histoires.
Dernier argument, pour faire massue et tapis de bombes – si vous me passez les expressions – , votre assemblée n'est pas saisie d'une loi territoriale toutes les semaines ! En clair, pour dire les choses sans détours, nous ne parlons ici que de deux cas, qui concernent, d'une part, la Savoie et la Haute-Savoie, et, de l'autre, la Charente et la Charente-Maritime. Puisque nous débattons d'un projet de loi territorial, l'article 45 ne fait pas obstacle à vos amendements. Mais une fois décidée, à partir d'avril prochain – début d'un nouveau cycle en la matière – , la création d'autres communes nouvelles, faudra-t-il attendre le prochain texte territorial pour régler les problèmes qui peuvent se poser ici ou là ?
Je suis un militant des communes nouvelles, à condition que les conseils municipaux concernés en expriment la volonté – monsieur Corbière, vous passerez le message à Mme Taurine, à qui je n'avais pas répondu sur ce point hier soir – , sans intervention autoritaire des représentants de l'État ; mais, dès lors que les deux conseils départementaux ne sont pas d'accord, je propose de laisser telles quelles les limites des territoires départementaux et communaux. Évitons tout objet juridique mutant, qui de surcroît porterait atteinte à l'intérêt général des habitants des communes, où l'on voit mal comment seraient assuré l'ordre public, exercée l'autorité judiciaire ou même calculées les péréquations que vous votez pour les finances communales.
L'avis est donc défavorable sur les amendements nos 1109 , 1110 et 137 et favorable sur l'amendement no 1504 .
J'entends bien vos arguments, monsieur le ministre, mais nous ne parlons ici que de quelques cas. Deux communes, respectivement situées dans mon département, l'Eure-et-Loir, et le Loir-et-Cher – dont mon ami Pascal Brindeau, qui siège derrière moi, est député – , voulaient fusionner. Celle du Loir-et-Cher n'ayant pas d'école, les enfants sont en effet scolarisés dans celle de l'Eure-et-Loir. Les conseils municipaux étaient d'accord mais pas les conseils départementaux ; d'où un blocage qui pénalise surtout les habitants. Peut-être le recours à un référendum local serait-il intéressant dans ces cas d'exception.
Quoi qu'il en soit, deux députés peuvent très bien être élus d'une même commune nouvelle : c'est mon cas, une commune de ma circonscription ayant fusionné avec la commune d'une autre circonscription.
Mais dans le même département !
Certes, mais mon collègue et moi nous retrouvons tous deux dans les mêmes manifestations : les choses se passent très bien, la situation ne me paraît pas être un drame absolu et elle ne le serait pas non plus, je crois, si la commune nouvelle était à cheval sur deux départements. Si une commune nouvelle résulte de la fusion de deux communes situées dans des départements différents, alors, bien entendu, il faut modifier les limites des territoires départementaux. Et l'intérêt supérieur de tout département, selon moi, est de tenir compte du voeu des communes qu'il contient. Lorsque les conseils municipaux donnent leur aval, il est donc dommage de ne pas aller jusqu'au bout du chemin.
M. Raphaël Gérard et Mme Sandra Marsaud applaudissent.
Dans ma circonscription, il y a 85 % de communes nouvelles, dont l'une est à cheval sur deux départements. L'été dernier, nous avons d'ailleurs travaillé sur le texte relatif aux communes nouvelles.
Pour créer de telles communes, il faut le rappeler, le volontariat est la règle, car il n'est pas si facile, pour des communes – qu'elles soient deux ou dix – , de s'associer. Avant la création, dans ma circonscription, de la commune nouvelle à cheval sur deux départements, ceux-ci se sont mis d'accord pour modifier leurs territoires respectifs, mais la chose n'est pas si simple. De plus, entre les législatives et les départementales, le calendrier électoral n'est pas le même, de sorte qu'il est très difficile de surmonter un désaccord entre deux départements. Cela explique que, chaque fois, nous ayons buté sur un tel désaccord, repoussant la solution à l'examen d'un autre texte territorial.
En l'absence de volontariat, en tout cas, il est très difficile de s'associer dans des projets territoriaux. Renvoyer à l'Assemblée une décision qui ne concerne que quelques communes est donc un problème, car la représentation nationale n'a pas à s'occuper de la vie des communes au quotidien.
Oui, car ils me semblent importants dans un texte qui entend défendre la ruralité et redonner un pouvoir de décision aux maires. N'oublions pas l'épisode que nous avons connu l'an dernier autour des ronds-points…
Quel rapport ?
… ni les habitants de la ruralité, qui sentent bafouée en permanence leur capacité à prendre des décisions.
Je maintiens que la rédaction de l'amendement no 1504 est terrible puisqu'il entérine la mise sous tutelle des communes rurales par les départements. Si nous devions aller jusqu'à adopter cet amendement, ce que je ne souhaite pas, il faudrait au moins, monsieur le ministre, que vous le sous-amendiez afin qu'un décret prévoie les modalités d'une véritable concertation en amont de la décision des départements. En Charente-Maritime, par exemple, une telle discussion n'a pas pu avoir lieu et la décision va s'imposer aux habitants de Saint-Palais-sur-Mer et, par contrecoup, à ceux d'Archiac.
Je serai très brève. Je suis tout de même surprise qu'on puisse défendre des amendements de cette nature ; même s'ils présentent l'intérêt de nous éclairer sur certains problèmes locaux, la mesure qu'ils contiennent ne saurait figurer dans la législation. Je remercie M. le ministre d'avoir aussi bien démontré l'absurdité que représenterait une commune nouvelle à cheval sur deux départements. Ce n'est pas envisageable, il y va de la régularité de nos institutions.
Ce que je trouve en revanche très pertinent, c'est de supprimer l'intervention du législateur. La modification de la limite d'un département, semble-t-il, ne sera plus décidée par arrêté ministériel mais par arrêté préfectoral. Nous sommes dans la bonne voie : la première chose à faire au moment de la création d'une commune nouvelle à cheval sur deux départements est de rencontrer les présidents des deux conseils départementaux pour en discuter avec eux. Je reconnais que ce n'est pas facile, mais on peut parvenir à les convaincre. Les députés du groupe Socialistes et apparentés, en tout cas, s'opposent donc fermement aux trois premiers amendements et soutiennent celui défendu par le rapporteur.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'amendement no 1504 est adopté ; en conséquence, l'article 11 quinquies est ainsi rétabli.
L'amendement no 761 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11 sexies, amendé, est adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 702 , portant article additionnel après l'article 11 sexies.
Nous demandons que, deux mois avant l'examen du budget municipal, soit présenté un rapport dressant l'état des lieux des sources d'émissions de gaz à effet de serre, des pollutions, de la production de déchets, de l'état de la biodiversité etc. L'idée est simple : vous l'avez compris, nous souhaitons que, à travers la planification écologique des politiques locales, soit engagée sans attendre la bifurcation écologique qui nous paraît indispensable.
Voilà une belle proposition mais le problème est son applicabilité dans l'ensemble des communes de France et de Navarre, je pense qu'Arnaud Viala sera d'accord avec moi. Elle nécessiterait l'appel à de nombreux bureaux d'études, ce qui serait très coûteux pour les communes, même si ces missions, vous avez raison, sont essentielles. Compte tenu, donc, de la difficulté à appliquer une telle mesure, je demande le retrait de l'amendement ; sinon j'émettrai un avis défavorable.
Il s'agit à mes yeux d'un amendement d'appel : en effet les mobilités sont une compétence décentralisée – et nous avons encore avancé en la matière récemment – , la distribution de l'eau, l'assainissement et la gestion des déchets sont également des compétences décentralisées depuis très longtemps. Dans un conseil communautaire, en réalité, la plupart des matières dont on délibère ont trait à l'écologie : la nature des compétences transférées implique de fait un débat sur l'écologie. Ajoutons : que les PCAET – plans climat-air-énergie territoriaux – sont des documents obligatoires et prescriptifs ; que les SCOT – schémas de cohérence territoriaux – obligent à organiser un grand débat sur l'écologie ; que les PLUI – plans locaux d'urbanisme intercommunaux – imposent de concevoir en amont un PADD, ou projet d'aménagement et de développement durable ; qu'on ne peut lancer PLH – un programme local de l'habitat – sans évaluer son empreinte écologique. Par conséquent, si l'on y regarde bien, votre amendement est largement satisfait dans les faits et même en droit.
M. Alexis Corbière conteste.
Vous pouvez faire un peu de politique et me faire signe que non, mais, si l'on reste sérieux et pragmatique, il est, je le répète, satisfait. Je vous demande donc de le retirer.
Vous maîtrisez sans doute mieux que moi certains points, monsieur le ministre, et, concernant la décentralisation de nombreuses compétences, vous avez raison. De là, toutefois, à considérer que l'amendement est satisfait et que sur chacun des points que vous avez évoqués on a une visibilité concernant l'émission de gaz à effets de serre et ses conséquences écologiques, vous allez trop loin. J'admets que mon amendement s'apparente à un amendement d'appel. Une agence nationale devrait néanmoins pouvoir soutenir les communes qui souhaitent, sans que cela nécessite un surcroît de moyens, cette visibilité pour que les bonnes décisions soient prises. Je maintiens mon amendement afin qu'il puisse être dit, d'un point de vue politique, que la discussion sur le sujet aura eu lieu.
L'amendement no 702 n'est pas adopté.
L'article 11 septies, s'il peut paraître anecdotique à certains, traduit toutefois bien le sens général du texte. Il prévoit que, dans les communes de moins de 100 habitants, le conseil municipal est réputé complet dès lors qu'il comporte au moins cinq membres ; pour les communes de 100 à 499 habitants, ce chiffre passe de onze à neuf membres. Cette disposition a une vertu : avec le temps, l'usure, la mobilisation exigée des élus, il peut arriver que des conseils municipaux soient moins garnis qu'ils ne l'étaient juste après leur élection. L'objet est donc ici de simplifier leur fonctionnement.
J'interviendrai brièvement, monsieur le ministre, pour vous remercier de cette disposition de souplesse, qui correspond beaucoup mieux à notre vision que certaines de nos propositions de réduction définitive du nombre de conseillers municipaux.
En revanche, sans vouloir revenir sur un débat qui nous a beaucoup occupés la nuit dernière, je souhaite à nouveau poser la question suivante : une fois que le scrutin proportionnel sera en vigueur dans les communes de moins de 1 000 habitants, comment le présent dispositif s'appliquera-t-il aux listes entières ?
J'ai repris dans cet amendement une idée des maires ruraux, dans un souci d'évaluation. Je me range toutefois à la position du Gouvernement. Si nous votons ce projet de loi, les maires ruraux ne pourront plus nous dire : nous n'arrivons pas à trouver des conseillers municipaux, nous avons du mal à trouver des personnes engagées. On pourrait considérer qu'il s'agit ici d'un amendement d'évaluation : si, dans quelques années, les maires ruraux ne se plaignent plus parce qu'on aura créé des conditions favorables à l'engagement des citoyens au service de leur commune, alors nous devrons cette réussite au Gouvernement et à notre travail de législateurs. Je retire mon amendement.
L'amendement no 1566 est retiré.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 379 .
Nous proposons de créer une nouvelle strate, celle des communes de 500 à 999 habitants, qui compteraient treize conseillers municipaux ; les communes de 1 000 à 1 499 habitants en compteraient pour leur part quinze. Cet amendement se situe dans le droit fil de votre projet. En effet, la difficulté ressentie dans les communes de moins de 100 habitants l'est également dans les communes de moins de 1 000 habitants. En outre, notre proposition favorise le pluralisme : si on l'adopte, il sera plus facile de proposer deux listes concurrentes.
Le ministre l'a évoqué hier soir et ce matin de façon très claire : réduire le nombre d'élus serait un très mauvais signe donné à nos concitoyens. L'avis est défavorable.
Il est défavorable, sur celui-là et sur ceux qui suivront – à moins qu'ils ne soient retirés – , pour plusieurs raisons.
D'abord, réduire le nombre d'élus serait le début du commencement de la diminution du nombre de communes rurales. Je ne dis pas que c'est ce que vous voulez, madame Untermaier, …
Le texte prévoit déjà une diminution du nombre de conseillers municipaux !
Non, et c'est l'intérêt de notre proposition : nous ne réduisons pas le nombre d'élus.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et FI.
J'avais pourtant cru comprendre que vous vouliez réduire le nombre de députés !
Oui, madame la présidente.
Il s'agit seulement de permettre qu'un conseil municipal soit incomplet, ce qui signifie qu'un mandat peut s'achever sans que le nombre de conseillers municipaux soit suffisant pour travailler mais qu'on peut retrouver le nombre d'élus qui convient lors du mandat suivant. Alors que si vous décidez de diminuer le nombre d'élus municipaux, c'est irréversible.
Ensuite, une telle mesure entraînerait de nombreux effets pervers : si vous diminuez le nombre d'élus, vous diminuez le nombre d'adjoints, proportionnel au nombre de conseillers municipaux. Encore une fois, si l'on veut réhabiliter la place de la commune, je préfère que nous adoptions les dispositions que nous proposons, de nature à réenchanter l'engagement. Je préfère par conséquent que nous prenions des mesures de souplesse : aujourd'hui, quand un conseil municipal n'est pas complet, il est confronté à de très nombreux tracas juridiques, politiques et administratifs, ne serait-ce que pour l'élection du maire et de ses adjoints ; or le présent texte permettra de contourner, de surmonter ces difficultés.
Enfin, la question de l'incomplétude ne se pose que pour les communes dont le conseil est élu suivant la règle du panachage, pas pour celles dont le conseil est élu au scrutin proportionnel. Dès lors que vous avez une liste complète à la proportionnelle, aucun poste ne sera ensuite vacant. En 2020, les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants seront élus suivant la règle du panachage et, en 2026, ce sera le cas des conseils des communes de moins de 500 habitants, conformément à ce que nous avons voté hier soir.
Je ne reprendrai pas la parole sur les amendements suivants, mais, je le répète, j'y suis défavorable.
J'irai dans le même sens que le rapporteur et le ministre, avec toutefois une nuance. Je suis en effet assez dubitatif sur le contenu de l'article. Dans les faits, on risque, dans les communes de moins de 100 habitants et dans celles de moins de 500 habitants, d'avoir des conseils municipaux incomplets. Le résultat ne sera donc pas si éloigné, de fait, de celui qu'aurait eu l'amendement présenté par nos collègues socialistes. Or je suis plutôt favorable à ce qu'on maintienne le nombre d'élus. Cela demande du volontarisme, un plus gros travail au moment de la composition des listes, d'aller voir les habitants, les citoyens, famille par famille, certes ; mais, pour qu'une collectivité fonctionne bien, il faut qu'elle soit comme imprégnée dans la population, le plus largement possible, et plus on a d'élus, mieux l'imprégnation se fait.
J'en profite pour observer que votre discours est différent au niveau national pour lequel vous voulez réduire le nombre de députés, ce qui aura un effet négatif d'un point de vue démocratique.
Je suis assez en désaccord avec votre argumentation, monsieur le ministre, qui consiste à considérer que si l'on diminuait le nombre d'élus municipaux par strate de population, on donnerait un signe très négatif, qui serait, selon vous, le début du commencement de la fin des petites communes rurales. Quelle réalité vivent les élus ruraux depuis le début du mandat en cours ? Certains ont eu des difficultés à constituer une liste complète. Certes, le phénomène n'est pas nouveau et on peut toujours y parer. Mais ce qu'on constate de plus en plus, c'est que, dans les petites communes de 50 ou 100 habitants, tout le travail municipal repose sur le maire et ses adjoints, plus éventuellement un ou deux conseillers municipaux auxquels on arrive à donner des responsabilités ; les autres élus, autour de la table du conseil, se sentent relativement peu intéressés par les affaires quotidiennes de la commune et finissent, pour nombre d'entre eux, par démissionner en cours de mandat, les conseils devenant ainsi, au fil du temps, de plus en plus incomplets.
Il faut tenir compte de cette situation, même si l'examen de ce texte n'est peut-être pas la bonne occasion pour le faire, je vous rejoins sur ce point. Il convient d'entendre ce que dit à ce sujet l'Association des maires ruraux de France : dans les communes rurales, il sera de plus en plus difficile d'avoir un conseil municipal complet pendant un mandat entier. Et je ne pense pas que le scrutin de liste à la proportionnelle soit la solution.
Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais je souhaite clarifier un point, pour éviter toute confusion sur le sens de mon amendement. Le groupe Socialistes et apparentés s'est toujours réjoui qu'il y ait 500 000 élus locaux en France. L'amendement vise non pas à réduire le nombre de conseillers municipaux, mais à rétablir une proportion entre le nombre de conseillers et la population dans une strate donnée. Nous considérons que la différence entre les communes de 500 habitants et celles de 1 500 habitants est telle, notamment en matière de ressources humaines, qu'il convient de diminuer de deux le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 500 à 1 000 habitants.
Je souscris aux propos de M. Chassaigne : ce n'est pas nous qui voulons réduire le nombre d'élus, qu'ils soient locaux ou nationaux.
Les parlementaires ont un rôle à jouer dans les territoires. Il est essentiel de tenir un discours de vérité.
Au-delà, je souscris aux propos de M. Brindeau : il existe un problème réel au niveau des conseils municipaux. Les communes rurales qui comptent peu d'habitants doivent réfléchir à une façon un peu différente d'associer la population. Dans une petite commune, un conseil municipal ne peut pas fonctionner de la même manière que dans une commune de 2 500 habitants. La notion de démocratie directe et celle d'association de la population, comme vous les avez introduites à l'article 1er, me paraissent très pertinentes.
L'amendement no 379 n'est pas adopté.
Il vise à étendre aux communes de moins de 1 500 habitants la dérogation en vertu de laquelle le conseil municipal est considéré comme complet, même s'il n'est pas composé du nombre de conseillers municipaux fixé conformément au tableau de l'article L. 2121-2 du CGCT – le code général des collectivités territoriales – , dès lors que neuf conseillers municipaux au moins ont été élus lors du renouvellement général du conseil municipal ou d'une élection complémentaire.
Il est identique : il vise à étendre aux communes de moins de 1 500 habitants la dérogation en vertu de laquelle le conseil municipal est considéré comme complet, dès lors que neuf conseillers municipaux sont à même de siéger. Les élections municipales partielles, dont l'enjeu est parfois le renouvellement d'un ou deux conseillers municipaux, ne suscitent guère l'enthousiasme des électeurs. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elles représentent une contrainte, mais elles ne constituent pas un grand moment de démocratie locale. La mesure que je propose permettrait de fluidifier les choses.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Monsieur Rebeyrotte, quel que soit le nombre de candidats ou de sièges à pourvoir, les élections sont toujours un grand moment démocratique.
J'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements, ainsi que sur les amendements suivants.
Défavorable.
Je soutiens là encore la position du rapporteur et du ministre, car cette mesure n'irait pas dans la bonne direction. Du reste, hier, lorsque j'ai proposé que l'on puisse présenter des listes incomplètes dans le cadre d'un scrutin proportionnel, tout le monde a jugé que c'était impossible et inconstitutionnel. Pour votre part, vous proposez des conseils municipaux incomplets. Est-ce davantage conforme à la Constitution ? Je n'en suis pas certain. Il convient d'en rester aux règles en vigueur. De telles adaptations conduiraient à une forme d'entre-deux, ce qui n'est jamais souhaitable.
Je souhaite apporter quelques précisions par rapport aux propos qui viennent d'être tenus.
D'abord, pourquoi des conseils municipaux incomplets et non des listes incomplètes ? L'objectif est bien que le conseil municipal soit complet lorsque les élections municipales ont eu lieu. Nous avons d'ailleurs prévu deux suppléants pour remplacer des membres du conseil municipal, afin qu'il ne soit pas toujours nécessaire d'organiser de nouvelles élections en cas de démission ou de problème. Dans les communes rurales, il est difficile de trouver des candidats, on le sait, mais aussi de mobiliser les électeurs. J'ai en tête des cas précis dans lesquels il a fallu organiser des élections partielles plusieurs dimanches de suite parce que le quorum n'était pas atteint. D'où cette disposition relative à l'incomplétude du conseil municipal.
Ce débat n'altère en rien notre volonté de réduire le nombre d'élus nationaux. On peut estimer qu'il est trop élevé, pour diverses raisons, relatives aux pouvoirs et aux moyens, mais aussi liées à l'histoire. En 1986, on est passé de 491 députés élus au scrutin uninominal…
… à 577 députés élus à la proportionnelle. Puis, lorsqu'on est revenu au scrutin uninominal, on en est resté à 577 députés. On peut donc se poser des questions. Toutefois, ce point est l'objet non pas du présent texte, mais de la révision constitutionnelle, que nous examinerons un jour, je l'espère…
Sourires.
Si l'on accepte des conseils municipaux incomplets pour certaines strates de population, je ne vois pas pourquoi l'on ne pourrait pas relever le seuil d'application de la mesure. Ce qui est en jeu, c'est le principe, non les strates concernées. Si l'on considère que le conseil municipal doit être de toute façon complet pour les actes importants de la vie municipale, en particulier les élections, il ne doit y avoir aucune dérogation possible. En revanche, dès lors que l'on prévoit une dérogation, pourquoi ne pas l'étendre aux communes de la strate de 500 à 1 500 habitants, qui connaissent elles aussi les situations en question ?
Ce débat montre que l'abaissement à 500 habitants du seuil à partir duquel les élections municipales se font à la proportionnelle, que vous avez adopté hier, était précipité.
Il vise à permettre la mise d'une commune sous la tutelle du sous-préfet lorsqu'il est constaté, au cours des trois mois qui précèdent un renouvellement général, que le conseil municipal a perdu plus de la moitié de ses membres.
Je comprends votre argumentation, mais on ne peut pas revenir sur l'assouplissement prévu à l'article 11 nonies, que nous allons examiner ultérieurement. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement no 68 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Baudu, pour soutenir l'amendement no 1520 .
Il vise à apporter une issue aux déboires vécus par certaines communes de moins de 1 000 habitants lorsque des démissions massives de membres du conseil municipal interviennent. En effet, lorsque ces démissions concernent plus de la moitié du conseil municipal, le maire peut se retrouver en situation minoritaire à l'issue des élections complémentaires. Dans un tel cas, en l'absence de démission du maire, les démissions et élections complémentaires peuvent s'enchaîner sans que cela résolve les difficultés d'origine, ce qui conduit alors à un dysfonctionnement chronique de la gestion communale, particulièrement problématique lorsque cela se produit en début de mandat. Dans le droit actuel, la seule issue consiste en une décision de révocation du maire ou de dissolution du conseil municipal, prise en conseil des ministres. Nous proposons d'introduire dans le code électoral une disposition prévoyant qu'il est procédé à la réélection du maire et des adjoints après chaque élection complémentaire concernant plus de la moitié des membres du conseil municipal.
Je demande le retrait de l'amendement, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment : veillons à ne pas créer, pour résoudre des cas isolés, un dispositif risquant de déstabiliser les maires au cours de leur mandat.
Je dois vous avouer que je me suis posé des questions sur cet amendement. Vous avancez l'argument de la démocratie, et on peut l'entendre. Néanmoins, les maires ne sont pas responsables devant le conseil municipal comme le Gouvernement l'est devant l'Assemblée nationale – les communes fonctionnent depuis l'origine ou presque selon ce principe, conforme à l'esprit du code général des collectivités territoriales.
L'amendement réglerait effectivement le cas que vous évoquez, mais mettrait tous les maires à la merci d'élections partielles provoquées par une grappe de démissions du conseil municipal.
Il vise à traiter le cas où plus de la moitié de ses membres démissionnent !
Cette proportion peut être rapidement atteinte, à plus forte raison si le conseil municipal compte sept membres.
On peut sans peine imaginer que quatre conseillers municipaux marquent leur désaccord à l'occasion d'un débat budgétaire un peu difficile ou d'une discussion relative à l'urbanisme ; s'ils décident de démissionner, cela provoquera une élection partielle et entraînera la démission du maire.
Je suis cependant embarrassé car votre raisonnement, monsieur Baudu, est frappé au coin du bon sens : si les conseillers élus lors du scrutin partiel sont tous des opposants au maire, il y a un problème démocratique.
En même temps, vous êtes tous bien placés pour savoir qu'à la différence des élections générales, les élections partielles ne modifient pas toujours les équilibres : si un certain nombre de députés démissionnent et que des élections législatives partielles sont organisées – excluons les cas dans lesquels le député est remplacé par son suppléant – , cela modifiera éventuellement la composition des groupes politiques, mais cela ne débouchera pas sur l'adoption d'une motion de censure ou sur un vote de défiance à l'issue d'un discours de politique générale. Certes, comparaison n'est pas raison, mais vous comprenez ce que je veux dire.
Cet amendement peut paraître séduisant au premier abord, mais il me semble qu'il modifierait l'économie même du CGCT en ce qui concerne le fonctionnement du conseil municipal. Je suis arrivé à cette conclusion, même si elle ne m'apparaissait pas évidente au début car je trouvais le dispositif intéressant. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Pour aller dans le même sens que vous, monsieur le ministre, je signale qu'il y a aussi un problème démocratique : au moment des élections générales, le candidat en tête de liste est celui qui se présente au poste de maire ; c'est lui que la population élit.
Si, au cours du mandat, quelques conseillers municipaux – par exemple quatre membres d'un conseil municipal qui en compte sept – peuvent prendre le pouvoir en faisant tomber le maire que la population a voulu mais dont eux ne veulent plus, cela posera un véritable problème du point de vue de la démocratie. Ou alors, il faudrait que l'on organise de nouvelles élections générales, pour que la population puisse dire qui elle veut comme maire.
Formellement, c'est le conseil municipal qui élit le maire, mais, en réalité, c'est la population qui indique aux conseillers municipaux la personne qu'elle souhaite voir à ce poste. Avec cet amendement, quelques individus au sein du conseil municipal pourraient faire fi de ce que pense la population, mettre le maire dehors et le remplacer par quelqu'un d'autre.
Il s'agit, selon moi, d'un amendement de bon sens, qui n'a vocation à traiter qu'un nombre limité de situations particulières. J'en cite une très concrète, que j'ai vécue dans ma circonscription. Un maire a été totalement absent pendant plus d'une année ; il n'a pas participé à la gestion municipale, mais n'a pas démissionné. Cela a entraîné la démission de tous les membres du conseil municipal sauf lui. Une élection partielle a été organisée. Personne ou presque n'était d'accord pour qu'il reste maire, mais il l'est resté, de facto.
Si la totalité d'un conseil municipal est en désaccord avec le maire mais ne peut pas le remettre en cause en cours de mandat – pour des raisons valables, dont nous pouvons discuter – , cela pose là aussi, de mon point de vue, un problème d'ordre démocratique.
J'entends bien qu'il s'agit de situations très particulières et que la mesure peut induire certains risques.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour conclure le débat sur cet amendement.
Pour le conclure, je ne sais pas, mais au moins pour y participer.
Je suis opposé à la conception de M. Pupponi, qui va dans le sens d'une forme de présidentialisation du maire. Je ne suis pas d'accord. Le maire est élu en conseil municipal, par l'équipe municipale. Je ne suis pas favorable à ce qu'il n'y ait pas de conséquence pour le maire s'il est minoritaire dans son conseil municipal. Le maire ne peut pas être seul contre tous les autres, sachant qu'ils ont été eux aussi élus par la population, même si la candidature de tous est dans une certaine mesure incarnée par la tête de liste !
Ce débat est fondamental. Nous modifions progressivement la nature des élections municipales et du conseil municipal, qui sont des réalités anciennes. Nous allons vers une personnalisation à outrance du mandat du maire, les autres élus étant réduits à un rôle second. Je ne suis pas d'accord avec cette évolution, car cela débouche bien souvent – nous en sommes témoins – sur des situations d'autoritarisme.
Pourquoi les gens sont-ils de moins en moins enclins à se présenter sur des listes ? Parce que c'est souvent assez casse-pieds, avouons-le ! Être adjoint revient souvent à se soumettre aux décisions du maire, en ayant peu de pouvoir ; ce n'est pas très motivant !
Il est donc nécessaire de rétablir de la collégialité et de la démocratie dans le conseil municipal, qui est un lieu de délibération collective.
Je voudrais remercier un collègue : celui qui vient régulièrement me dire que nous devrions pratiquer ça à La France insoumise. Je vous remercie, cher collègue, pour votre intelligence. Je me félicite d'être intervenu parce qu'à chacune de mes prises de parole, vous brillez par vos propos particulièrement pertinents, je vous l'assure. Il faudrait vous mettre sous cloche !
Exclamations sur divers bancs.
Monsieur Corbière, nous pouvons parfaitement assumer, avec sérénité, de ne pas être d'accord sur ce point. Je considère pour ma part que les maires ont besoin de voir protégée leur faculté de décision.
Une telle mesure obligerait à revoir l'ensemble du CGCT. Le maire a énormément de pouvoir propre ; je ne suis pas favorable à ouvrir la voie à des minorités de blocage l'empêchant d'avancer.
Je le dis pour avoir été maire, la beauté de ce mandat réside aussi dans la capacité qu'il offre de décider.
De toute façon, il n'y a pas beaucoup d'intermédiaires entre le maire et la population : quand un maire commence à faire des bêtises, croyez-moi, il est très vite rattrapé par sa corde de rappel, à savoir sa relation directe, sans intermédiaire, avec la population et les citoyens.
Monsieur Brindeau, pour répondre à votre intervention portant sur un cas d'espèce, je rappelle que les procédures de suspension et de révocation des maires existent. Encore faut-il que nous en soyons saisis, y compris par les parlementaires. Si ces derniers saisissent le ministre de l'intérieur et moi-même, puisque nous avons compétence commune en la matière, d'une procédure de suspension ou de révocation du maire, sans passer par la dissolution du conseil municipal, nous lançons de toute évidence une enquête d'instruction.
Un parlementaire peut aussi porter la situation à la connaissance du préfet. Un maire qui disparaîtrait complètement de la circulation, pardonnez-moi l'expression, donnerait un signal clair qu'une procédure de révocation contradictoire peut entrer en instruction. Une telle procédure a d'ailleurs récemment été enclenchée dans un cas très particulier, n'est-ce pas monsieur Schellenberger ?
L'amendement no 1520 n'est pas adopté.
L'article 11 septies est adopté.
La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 766 .
Dans le tunnel d'examen au titre de l'article 88 du règlement, la commission a adopté cet amendement de M. Marleix, que je tenais donc à présenter, même si je rejoins totalement les explications du ministre sur l'impossibilité d'acter que la démission d'un certain nombre de conseillers municipaux puisse remettre en cause la légitimité du maire élu.
Il faut toutefois trouver une solution. Je demanderai donc à M. le ministre de bien vouloir examiner avec M. Marleix dans quelle mesure, alors que son amendement avait été adopté en commission…
Non, le ministre vient de dire qu'il fallait régler ce sujet. Il faut que cette question soit étudiée par le Gouvernement et les parlementaires qui ont pu être saisis de telles situations dans leur circonscription.
Je maintiens mon avis défavorable sur ce sujet, pour les raisons que j'ai précédemment indiquées. Peut-être faudra-t-il laisser à la commission mixte paritaire le soin de rétablir cet article.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir présenté cet article. En effet, sans son intervention, il n'aurait pas été examiné malgré l'avis favorable de la commission pendant l'examen au titre de l'article 88.
L'amendement tend à prendre en considération le cas de figure inverse de celui que nous examinions précédemment. Nous avons évoqué la situation d'une opposition municipale qui, volontairement, à l'occasion notamment d'une démission liée à un cumul de mandats – car une règle nouvelle que nous devons intégrer dans le fonctionnement de la démocratie locale – venait à organiser un jeu politicien local.
Dans le cas qui nous occupe, à l'inverse, des démissions se seraient accumulées de longue date et le maire, alors même qu'il est peut-être seul dans son conseil municipal, gère les affaires de la commune – isolément, donc.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, contrairement à la procédure que vous citiez tout à l'heure pour les communes de plus de 1 000 habitants, aucune démarche ne permet convoquer des élections locales. Un vrai problème démocratique se pose donc. Autant le cas précédent nous invitait à gérer un problème politicien – je ne suis pas intervenu à ce moment – , à savoir une volonté locale de faire exister un débat démocratique à un moment où on peut considérer qu'il n'est pas opportun, autant dans celui-ci il n'y a plus de démocratie locale et il faut trouver une règle pour la faire revivre.
La forme de ces deux amendements est différente mais l'esprit est le même. Ils visent à permettre de continuer à travailler lorsqu'un nombre important de démissions met en question le rôle du maire, isolé dans sa commune. Je suis d'accord pour avoir un débat sur la prise en considération de la taille des communes – de plus ou de moins de 1 000 habitants. J'ai entendu la proposition du ministre sur la possibilité de travailler à nouveau sur ce sujet dans le cadre de la commission mixte paritaire, afin de débloquer des situations qui s'imposent trop souvent à nous dans nos territoires.
L'amendement no 766 n'est pas adopté.
Il vise à rétablir l'article 11 octies du Sénat, selon lequel l'élection du maire peut avoir lieu lorsqu'un conseil municipal est incomplet, avec une limite d'incomplétude de 10 %. La commission des lois a supprimé cet article, mais nous considérons que son rétablissement est utile. J'ajoute que nous venons de décider que les conseils municipaux pouvaient être incomplets, ce qui, à mon avis, rend cet article indispensable au titre de la coordination.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 402 .
Je reprends à mon compte les propos de M. Viala : il s'agit d'un amendement de simplification, attendu par les maires locaux.
L'amendement no 868 de M. Raphaël Schellenberger est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Je ne répéterai pas les explications déjà formulées : avis défavorable sur les trois amendements.
Avis défavorable.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment l'élection du maire pourra avoir lieu dans les conseils municipaux rendus incomplets par la disposition que nous avons votée à l'unanimité trois articles plus haut ?
L'amendement no 490 n'est pas adopté.
Je veux d'abord exprimer ma satisfaction à propos du déroulement des débats en commission des lois, dont je ne suis pas membre. Par chance, je n'étais pas en séance quand les articles concernant l'eau et l'assainissement ont été votés, ce qui a pu faciliter la fluidité des échanges.
Je veux présenter un acte de contrition : n'étant pas membre de la commission des lois, j'ai sans doute insuffisamment préparé l'examen du texte.
Celui-ci souffre d'une carence en particulier, que j'aurais dû identifier dès les débats en commission des lois, ou que d'autres auraient dû relever : la démocratie participative y est très insuffisamment prise en considération – vous me répondrez, mais je pense que le projet de loi ne comporte rien de fondamental sur son développement.
Dans les communes les moins grandes, les communes rurales au sens de l'INSEE – de moins de 2000 habitants et situées en dehors d'un espace urbain – , nous pourrions envoyer des signaux pour impulser une meilleure participation des citoyens. Tel est l'objet d'amendements que j'ai déposés et dont nous discuterons ultérieurement, mais que j'ai malheureusement déposés pour l'examen en séance et non en commission des lois, où l'échange aurait sans doute été plus enrichissant qu'il ne le sera ici. J'appelle vraiment votre attention sur ce point : nous devons donner des signaux et instaurer des outils permettant une meilleure prise en considération de la parole du citoyen. Il s'agit de faire en sorte que les clivages qui peuvent exister, entre des populations nouvelles et des populations anciennes, entre des opinions diverses, soient mieux entendus.
Comme le président Chassaigne, je veux souligner que la démocratie participative est la grande absente de ce texte. Par maladresse, j'avais cru déposer un amendement sur l'article 11 septies, qui a été placé après l'article 31 bis sans que je sache pourquoi – on me l'expliquera – , visant à donner plus facilement la parole aux citoyens pendant le conseil municipal : ce serait le minimum. Aujourd'hui c'est très codifié et compliqué, mais nous pourrions être beaucoup plus audacieux.
Le groupe La France insoumise a déposé plusieurs amendements sur ce sujet, sur les référendums locaux demandés par les citoyens, afin que la population soit en permanence consultée.
Encore une fois, je trouve mes chers collègues que votre conception du conseil municipal est extrêmement centralisée, autour de la personnalité du maire, qui détient selon moi des pouvoirs trop importants dans le collectif que constitue le conseil municipal. Vous proposez en revanche bien peu d'idées pour que le citoyen puisse intervenir et se faire entendre au conseil municipal, de sorte que la démocratie soit en permanence une entité vivante, et pas seulement un rendez-vous électoral !
Cher collègue, je vous remets à votre tour la médaille du député le plus malin de la République en marche !
Ce projet de loi est d'abord l'occasion d'exprimer toute notre sympathie envers les maires réunis en congrès porte de Versailles, comme à tous ceux qui les secondent : conseillers municipaux, adjoints, collaborateurs. Dans les zones rurales notamment, ils sont vraiment les forces de la République, sur lesquelles nous pouvons nous appuyer, et c'est important.
L'article 11 nonies concerne un point qui devrait faire l'objet d'un large consensus. Le conseil municipal doit être au complet pour l'élection du maire, sauf pour la première élection, au soir du renouvellement général. Cependant, la vie communale n'est pas un long fleuve tranquille : quelquefois, après quatre ou cinq années de mandat, particulièrement dans les petites communes, où les évolutions de carrière, de vie, voire d'opinions, ont pu provoquer quelques démissions. Or il est nécessaire de réunir le conseil municipal pour l'élection du nouveau maire, si le précédent a décidé de passer la main ; s'il est incomplet, il faut renouveler l'ensemble des manquants. Il nous semble que cette procédure est normale pendant les quatre premières années, mais pas lorsqu'on se trouve à moins d'un an des élections municipales.
Dans ma circonscription, comme dans toutes les autres, nous sommes à quelques mois du renouvellement des conseils municipaux ; …
… or une élection complémentaire va se dérouler au mois de décembre dans une commune pour pouvoir procéder à l'élection du maire.
Je pense qu'il n'est pas très sérieux de convoquer une élection complémentaire en décembre alors que les élections générales doivent se tenir en mars.
M. Raphaël Schellenberger applaudit.
Je veux répondre aux interventions de M. Chassaigne et M. Corbière au sujet de l'association du peuple au fonctionnement des communes et des intercommunalités. L'article 1er concerne les EPCI ; nous l'avons amendé en commission puis en séance de telle sorte qu'il mentionne très précisément « l'association de la population à la conception, la mise en oeuvre ou à l'évaluation des politiques de l'établissement » public, lors du premier débat des EPCI après un renouvellement général des conseils municipaux.
Sur la question des communes elles-mêmes, monsieur Corbière, je vous incite à consulter l'amendement no 243 à l'article 23, déposé par Mme Guerel, qui tend à associer les populations à toutes les questions communales, selon un dispositif assez bien calibré.
L'article 11 nonies est adopté.
Au deuxième alinéa de l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales, nous proposons d'ajouter, après le mot : « locales », les mots : « ainsi que tout citoyen ayant manifesté sa volonté de participation », et, après le mot : « proposition », les mots : « d'un de ses membres, inviter à participer à ses travaux, avec voix consultative, toute personne dont l'audition lui paraît utile et demander la transmission des documents qu'elle juge nécessaire ». Notre objectif est de restaurer une souveraineté communale, grâce à une meilleure association des citoyens aux décisions de la commune.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 1140 .
Voici le premier d'une série de trois amendements visant à développer ce qu'on peut appeler une démocratie participative ou active. Je propose là de créer, dans les communes rurales, une commission consultative des services au public de proximité. L'évolution n'est pas sans importance sur le plan idéologique : je parle de service au public, et pas uniquement de service public. Il me semble en effet indispensable que l'on associe la population, qu'il y ait une consultation, de la concertation et de la coconstruction à propos des services qu'on apporte au public, aujourd'hui très insuffisants ou très menacés dans les petites communes. Je suis certain que c'est par le dialogue qu'on parviendra à lever des obstacles.
Je demande le retrait des deux amendements en discussion, ainsi que des deux amendements nos 1138 et 1139 de M. Chassaigne, qui seront appelés dans un instant. Chers collègues, je vous ai renvoyés tout à l'heure à l'amendement no 243 de Mme Guerel déposé à l'article 23, qui propose un dispositif adapté, tandis que les vôtres ne sont pas bien calés sur le texte.
En outre, certains dispositifs que vous évoquez existent déjà. Rien n'interdit aux maires de créer des commissions. Je l'ai fait moi-même : pendant un an, la commission Bourgtheroulde 2050 a rassemblé des groupes de travail autour de certains thèmes.
Enfin, il revient aux maires qui refuseraient de collaborer avec la population et les associations de l'assumer devant la presse locale et, le cas échéant, lors d'un renouvellement général : si un maire ou une municipalité sont réfractaires à la démocratie participative, ils en répondront le moment venu devant le suffrage universel.
Avis défavorable.
Je ne répondrai que sur l'amendement no 1140 .
M. le rapporteur a cité l'article 1er. En l'écoutant parler de la démocratie, me revenait la phrase, que je crois de Marguerite Yourcenar : « Quand on consent aux mots, on consent aux actes. » Il ne suffit pas qu'un article exprime une bonne intention ; si c'est possible, il faut la concrétiser.
Au reste, monsieur le rapporteur, j'étais certain d'entendre l'argument que vous avez utilisé : un maire peut déjà créer des dispositifs de concertation et de collaboration avec la population, certains le font déjà. Depuis le début du débat, nous cherchons à envoyer des signaux, en facilitant la possibilité d'agir de telle ou telle manière.
Reste que la création, dans les communes rurales, d'une commission consultative des services au public de proximité doit être imposée. Nous devons envoyer des signaux forts, si nous voulons davantage associer la population à l'action du maire et du conseil municipal. Les amendements nos 1138 et 1139 ne sont pas aussi impératifs.
L'échange est intéressant. Néanmoins, monsieur le rapporteur, il ne suffit pas de nous répondre que le maire peut déjà créer une commission. Notre action consiste à fixer un cadre légal permettant aux citoyens d'avoir plus de force si le maire refuse de leur en donner. Votre conception paternaliste, selon laquelle les citoyens doivent attendre du maire qu'il consente à agir, en prévoyant des recours en cas de refus, épuise les Français ; de cette façon, cela ne marche pas. Pour notre part, nous pensons qu'on fera de la bonne besogne si l'on fixe un cadre législatif permettant à ceux qui veulent être sollicités de ne pas attendre le bon vouloir du maire. Mon rôle est non de solliciter la bonne volonté de tel ou tel individu, mais de permettre aux citoyens d'avoir des droits nouveaux. J'ajoute que l'article 23, que vous ne cessez d'invoquer, est bien maigre au regard des idées que nous vous soumettons.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 1138 .
Sourires.
J'ai été élu conseiller municipal en 1977, je suis resté maire pendant vingt-sept ans et je suis toujours conseiller municipal.
Pendant cette période, j'ai essayé d'instaurer des pratiques un peu différentes. Je me suis rendu compte qu'il était non seulement opportun, mais extrêmement positif d'organiser ce que j'ai appelé des « conseils de village ». Cela permettait, dans une commune qui rassemblait beaucoup de hameaux épars – ces « villages autour du bourg », comme on dit chez nous – , de rassembler ceux-ci par groupe ou par grappe, afin de créer des échanges, puis une concertation permettant de faire remonter des propositions au conseil municipal. Cela se fait de nos jours au niveau des conseils de quartiers, dans les villes de plus de 80 000 habitants.
C'est pourquoi je propose de favoriser, sans l'imposer, la création de conseils de village. On offrira ainsi des perspectives. Je répète qu'il ne suffit pas d'avoir raison dans les mots ; il faut aussi ouvrir quelques portes si l'on veut transformer les mots en actes.
Je n'aimerais pas vous donner l'impression que je ne veux pas du tout vous écouter, monsieur Chassaigne. J'ai bien lu votre amendement, dont je rappelle les termes : « Dans les communes rurales [… ], chaque bourg ou hameau ou groupement de hameaux, composé d'un minimum de cinq habitations distinctes, principales ou secondaires, peut se doter, à l'initiative de ses habitants, d'un conseil de village. » Cette faculté existe déjà. Or vous dites vous-même que nous devons nous en tenir aux mots. Dès lors qu'une possibilité existe déjà, il n'est pas utile de l'inscrire dans la loi ; on la rendrait trop bavarde, ce qui nous arrive, hélas, trop souvent.
Avis défavorable.
Je salue ces amendements ; si je n'en approuve pas nécessairement la lettre, je partage du moins leur objectif.
Nous verrons comment évolue le débat, mais le citoyen me semble très absent du bloc communal et intercommunal. En tant que législateurs, nous devons veiller à ce qu'il soit pris en compte dans l'application de la loi. Dès lors, le conseil municipal doit essayer – c'est généralement le cas – d'associer le citoyen à son action. Notre rôle de législateurs est évidemment de travailler tant pour les maires et les élus, qui se dévouent, que pour nos concitoyens.
Une des difficultés que rencontrent les maires est le manque de formation. Être maire ne s'invente pas. Cela consiste non seulement à aller devant la population, mais à réfléchir au moyen d'associer celle-ci à son action. Nous défendrons des amendements, dans le cadre limité d'une habilitation par ordonnance, mais j'espère que le ministre entendra nos propositions visant à proposer aux maires, pendant les premiers mois de leur mandat, une formation sérieuse à la participation des citoyens.
Je ne vais pas en faire un fromage – en l'espèce, une fourme d'Ambert – ,
Sourires
mais enfin, monsieur le rapporteur, ces derniers jours, le ministre et vous-même avez dit plusieurs fois que vous vouliez inscrire dans le projet de loi des préconisations, sans les imposer, j'en dresserai la liste. On peut envoyer des signes, disiez-vous, pour resserrer le lien entre les élus et la population. Plusieurs articles créent ainsi des possibilités, qui n'ont rien d'impératif. Vous ne pouvez donc pas m'opposer cet argument !
Je soutiens vraiment les amendements du président Chassaigne, celui-là et le suivant. Il faut en effet éviter que, dans notre pays, certains élus ou certains citoyens soient moins considérés et moins respectés que d'autres. Je m'explique. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, on a imposé des comités de quartier, des conseils citoyens, au motif que les élus de ces quartiers n'écouteraient pas bien la population. Souvenez-vous du discours, légèrement suspicieux, qui présidait à cette décision ! Pensez-vous que, dans les secteurs ruraux, les élus écouteraient davantage les habitants ? Pourquoi imposerait-on une consultation citoyenne dans certains quartiers de France et non ailleurs ? Le problème est partout le même : parfois, il faut malheureusement remettre les élus à l'écoute des citoyens.
À cet égard, il n'y a aucune différence à établir entre les communes. Les propositions du président Chassaigne me semblent par conséquent aller dans le bon sens.
Nous ne sommes pas dans un cadre coercitif, où nous chercherions à imposer des obligations.
… qui tend à introduire dans la loi un sujet que nous pourrons évoquer, sur la base et en appui du dispositif proposé, dans toutes les communes concernées. Après quoi, il reviendra à chaque municipalité d'agir ou non, et, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, d'assumer sa position, lors d'un renouvellement général. Si l'amendement est adopté et se maintient jusqu'à la dernière lecture, il existera au moins un dispositif légal dont les citoyens pourront se prévaloir pour engager des processus de coconstruction des politiques publiques, quelle que soit la taille de la commune. À titre personnel, donc, j'émets un avis favorable.
Je pourrais être favorable si sa rédaction était modifiée, mais nous ne pouvons pas statuer sur des « communes rurales, telles que définies par l'institut national des statistiques et des études économiques ».
En revanche, nous pourrions donner une base légale à un dispositif facultatif réservé aux communes dépassant un seuil de population, par exemple 3 500 habitants. Cela se fait tout le temps en droit, …
… mais ce n'est pas à l'INSEE à définir les communes concernées par un dispositif.
Il importe de rappeler le droit en la matière. Pour le reste, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée nationale.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Je rappelle toutefois qu'il ne s'agit pas d'une petite affaire. C'est à vous de voir si vous voulez rectifier la rédaction par un sous-amendement.
L'amendement no 1138 est adopté.
L'amendement no 1139 de M. André Chassaigne est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Sagesse.
L'amendement no 1139 est retiré.
Je vous remercie de cet accueil, mes chers collègues.
L'article 12 A vise à renforcer les modalités de concertation et de partage d'informations sur les questions de sécurité. Chacun sait, et M. Chassaigne, qui fut maire pendant de longues années, …
Sourires.
… l'a rappelé : sur ce sujet, il y a des rencontres fréquentes – et c'est heureux – entre les forces de police ou de gendarmerie et les élus locaux. L'article renforcera donc un ensemble qui fonctionne plutôt bien, disons-le. Il permettra surtout aux élus municipaux de disposer d'un meilleur niveau d'information et de savoir comment l'État travaille en symbiose avec les collectivités locales sur la sécurité et la tranquillité publiques.
La question se pose particulièrement aux parlementaires franciliens, régulièrement interpellés sur ces sujets. Monsieur le ministre, vous le savez, le niveau de délinquance à Paris…
… est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Il est important d'apporter des réponses précises à nos concitoyens, qui ne manquent pas de nous interpeller à ce sujet.
Ce bilan permettra d'apporter chaque année des informations précises, d'objectiver et de rationaliser notre connaissance des différents types de délinquances. Ces informations seront évidemment précieuses pour les élus locaux, et contribueront à la qualité du débat public sur un sujet central pour nos concitoyens. Cela permettra aux différentes forces de sécurité et aux préfets de dire les choses, d'objectiver des débats qui parfois ne le sont pas totalement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas entendu d'applaudissements ! Il avait bien besoin d'encouragements !
Pour toutes ces raisons, j'invite mes collègues à voter en faveur de cet article.
Quant à moi, je ne parlerai pas en tant que candidat à une élection municipale,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
mais au nom de notre groupe, pour indiquer, d'abord, que l'article comporte un problème rédactionnel majeur. Je vous en lis le début : « À la demande du maire, le représentant de l'État ou son représentant ». Le représentant du représentant de l'État : à la fin, tout ça n'est plus tellement représentatif ; c'est là un problème de forme.
Mais le coeur de mon intervention porte sur le fond, monsieur le ministre. Nous risquons de rigidifier un dispositif à géométrie variable, qui, comme l'a souligné notre collègue Griveaux, fonctionne déjà bien. À trop vouloir uniformiser, on va rendre le rendez-vous formel, le vider de tout contenu et tout sens.
Nous sommes nombreux ici à avoir été maires ou à être élus de communes de petite taille. Il est inimaginable de demander à un préfet, à un sous-préfet, à un directeur de police ou à un colonel de gendarmerie de parcourir 300 ou 400 communes chaque année, pour participer à une réunion qui dure un quart d'heure, au cours de laquelle, inévitablement, il présentera des statistiques départementales, régionales ou nationales, et ne répondra à aucune des questions relatives à la sécurité posées par les élus.
En réalité, actuellement, le chef de brigade, le responsable local de la police ou le sous-préfet, selon la taille de la commune, les habitudes de l'élu, son mandat – maire, conseiller départemental ou parlementaire – donnent déjà des informations précises sur ce qui se passe dans le territoire. L'article, pour moi, est mal écrit et repose sur une fausse bonne idée.
L'article semble réveiller les vocations municipales…
On comprend bien quelle est l'intention du Gouvernement…
Du Sénat !
Bon : l'intention du législateur. Dans les grandes communes, le lien fonctionne relativement bien. En revanche, dans certaines communes rurales, selon les relations personnelles entre les représentants de la gendarmerie et le maire, la situation est différente. Parfois, nous remontent, à nous, parlementaires, des informations selon lesquelles les interpellations des maires restent sans réponse. Ce sont là des questions de personnes, je pense.
Je rejoins les propos de M. Viala à propos d'une autre difficulté. S'il s'agit de présenter des statistiques nationales, c'est intéressant en soi, mais cela ne fera pas avancer le débat sur le territoire, la commune.
L'intention sous-jacente est de renforcer, en particulier dans les petites communes, le lien entre la gendarmerie et les municipalités ; c'est important, et cela correspond à une demande de l'ensemble des élus. En revanche, le cadre proposé est trop rigide, ce qui suscite quelques interrogations.
Il est fondamental d'organiser un dialogue non pas seulement entre le maire et le représentant de l'État, mais aussi entre ce dernier et le conseil municipal. Souvent, le maire entretient un dialogue avec la police et la gendarmerie, mais ce n'est pas toujours le cas des élus municipaux, en particulier ceux de l'opposition.
Pour moi, un tel dialogue ne devrait d'ailleurs pas s'arrêter là. Nombreux sont les exemples de préfets qui vont dans les conseils départementaux, les conseils régionaux une fois par an, afin de dialoguer avec les élus sur la politique de l'État.
On peut comprendre qu'ils ne se rendent pas dans chaque petite commune ; dans ces cas, les réunions pourraient avoir lieu lors d'une réunion intercommunale ou cantonale. Quoi qu'il en soit, il me semble important que le représentant de l'État vienne devant les élus et qu'un dialogue constructif ait lieu, pas seulement avec le maire.
Je suis plutôt favorable à l'article 12 A ; il faudra peut-être en élargir le champ d'application, nous verrons. En tout cas, il va dans le bon sens.
Je rappelle que, sur l'ensemble du territoire français, chaque année, chaque communauté de brigades de la gendarmerie réunit les maires ou leurs représentants pour un compte rendu. Une rencontre a lieu – cela se passe ainsi partout, du moins je l'espère – , et un rapport écrit sur l'activité de la communauté de la communauté de brigades est même produit. Il permet au conseil municipal, par la suite, de débattre.
Je salue cette évolution : alors que cela ne se pratiquait pas il y a quelques années, c'est devenu, me semble-t-il, systématique.
Plusieurs points ont été abordés.
Madame la présidente Rabault, l'article ne résulte pas d'une initiative gouvernementale, mais d'amendements déposés par des sénateurs, membres du groupe LR comme du groupe Socialiste et républicain, d'ailleurs.
Monsieur Pupponi a raison : des rapports sur l'activité des services de l'État dans le département sont présentés aux conseils généraux – c'est même une obligation légale. C'est une vieille pratique républicaine : le rapport est présenté par le premier représentant de l'État dans le département, le préfet.
Par ailleurs, les amendements sénatoriaux étaient particulièrement mal rédigés. Je vous rafraîchis la mémoire : il y était écrit que le « commissaire de police » – si c'est un commandant fonctionnel qui exerce les responsabilités, tant pis – serait obligé de se rendre une fois par an au moins, à la demande du maire, devant le conseil municipal ! En commission des lois, les députés ont collectivement décidé de remettre de l'ordre dans cette affaire. C'est pour cela, monsieur Viala, que le texte fait référence au « représentant de l'État ou son représentant » ; car en droit, plutôt que d'utiliser les mots « le préfet, le sous-préfet ou le préfet de région », on parle de « représentant de l'État dans le département ». La formule semble redondante mais ne l'est pas, car le préfet est libre de déléguer la tâche à la personne qu'il souhaite – aussi bien un fonctionnaire de police, qu'un militaire de la gendarmerie ou un membre du corps préfectoral, le cas échéant.
Vous avez toutefois raison de poser la question suivante, monsieur Viala : faut-il instituer un dispositif légal pour que ce dialogue ait lieu ? Dans l'absolu, cela relève de l'instruction gouvernementale. Vous avez parlé de la gendarmerie. Le général Lizurey, lorsqu'il était directeur général de la gendarmerie nationale, a restauré la fonction de sous-officier référent pour la commune – même s'il peut bien évidemment y avoir, ici ou là, des exceptions, des lieux où le dispositif ne fonctionne pas. En tout cas, cela ne relève pas de la loi, mais de l'organisation interne de l'État.
Cinquième point, comme le ministre Griveaux l'a rappelé, les élus demandent un débat démocratique, qui dépasse, comme M. Pupponi l'a aussi souligné, le seul cadre de la relation entre le maire avec le représentant de l'État, pour inclure l'ensemble des élus – parlementaires compris, parfois. Par exemple, hier soir, certains députés ont expliqué que les parlementaires voulaient être associés aux travaux des CDCI – les commissions départementales de coopération intercommunale – , et ont présenté des amendements à cet effet. Il ne faut pas méconnaître d'autres pans de l'activité de l'État dans le département, notamment en matière de sécurité.
L'article 12 A permettra, lors des conseils municipaux, ouverts au public, où la presse est présente, de ménager un temps durant lequel le préfet ou son délégué présentent l'activité dans la circonscription de sécurité publique, quelle qu'elle soit. Cela me semble aller dans le sens de ce qui est attendu ; au Sénat, en tout cas, la proposition semblait faire l'unanimité sur tous les bancs. Je vous propose donc de maintenir la rédaction actuelle de ce bon article, et j'émets par avance un avis défavorable sur tous les amendements dont il fait l'objet.
Je ne me répéterai pas, mais je rappelle tout de même qu'à l'occasion de chacun des projets de loi sur la sécurité que nous avons examinés ces dernières années, la question du niveau d'information du maire a fait l'objet d'un débat, jamais entièrement tranché. Encore aujourd'hui, à ma connaissance, il n'a pas encore été décidé si et quand le maire devait être informé de l'identité de présumés terroristes, ce qui crée des difficultés réelles. Et le présent article ne concerne pas les informations de cette nature, de toute évidence, puisque le choix a été fait de présenter le rapport devant l'ensemble du conseil municipal.
Enfin, concernant l'expression « le représentant de l'État ou son représentant », à chaque fois que le « représentant de l'État » est mentionné, il va de soi que le préfet peut désigner un délégué, selon ce qu'il juge opportun. Allégeons un peu la rédaction.
Pour ma part, je considère que l'échange doit être obligatoire et automatique. En matière de sécurité, il est de plus en plus question de coproduction, et les maires sont au coeur du dispositif, même si la sécurité appartient au domaine régalien. Je pense que le représentant de l'État désigné par le préfet, commissaire ou gendarme, doit présenter l'action de l'État devant le conseil municipal et fournir un rapport. La sécurité dans les communes dépend en grande partie des moyens des collectivités territoriales. Lorsqu'un maire décide d'engager des moyens financiers pour la police municipale et pour la vidéoprotection, il doit y avoir un échange institutionnalisé, obligatoire et automatique.
Aux termes de l'article tel qu'il a été adopté par la commission des lois, le représentant de l'État présente l'action de l'État en matière de sécurité et de prévention de la délinquance devant le conseil municipal et à la demande du maire. Toutefois, comme M. Viala, je pense que, pour les territoires ruraux, il conviendrait de donner une vision d'ensemble de cette action, et que, pour cela, l'échelle territoriale pertinente est l'EPCI. Il faut par ailleurs laisser la possibilité aux communes d'une certaine taille – par exemple, celles de plus de 20 000 habitants – de bénéficier d'une présentation devant le conseil municipal, à la demande des maires.
Le débat a déjà eu lieu et le ministre a été clair : l'avis est défavorable sur l'ensemble des amendements.
Même avis.
Je souhaite apporter trois précisions.
Monsieur Viala, concernant les individus radicalisés ou inscrits au fichier S, une circulaire du ministère de l'intérieur prévoit que les maires soient informés de l'état de la menace. Cette information a lieu selon les modalités prévues dans la loi SILT – renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – et est organisée par des textes réglementaires, selon les prescriptions du ministère de l'intérieur.
Nous avons effectivement modifié l'article en retenant la rédaction « le représentant de l'État ou son représentant », afin de ne pas exclure les zones couvertes par la gendarmerie, qui sont précisément l'objet du présent texte, les communautés de commune et les communautés d'agglomération étant peu souvent situées en zone police.
Enfin, le choix d'informer le conseil municipal et pas seulement le maire ajoute à l'intérêt de l'article. Le maire, qui entretient une relation privilégiée avec le préfet, le commandant de police ou encore le colonel ou le gradé de gendarmerie, sera informé, tout comme les conseillers municipaux, dont ceux de l'opposition, qui jusqu'à présent ne disposaient pas forcément des informations, au contraire des élus de la majorité chargés de traiter ces questions dans l'exécutif municipal. Ainsi tous les conseillers municipaux bénéficieront-ils d'une information parfaite sur le degré de menace, l'action de l'État, de la police et de la gendarmerie sur le territoire. C'est salutaire, parce que nous contribuons tous à la mission de sécurité publique.
Nous convenons tous que la lutte contre la délinquance relève de l'action conjointe des maires et des autorités de l'État, notamment les autorités de police. Cependant, les propos qui viennent d'être tenus m'inspirent deux observations.
À Paris, d'abord, la délinquance n'est pas seulement le fait des Parisiens : Paris est une ville centre dans laquelle se déroulent de nombreuses manifestations et, samedi après samedi, on voit des manifestations dégénérer.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
On ne saurait donc prétendre que la délinquance est particulièrement importante dans la capitale car, encore une fois, elle n'y est pas le fait des seuls Parisiens.
Par ailleurs, la lutte contre les délinquances de toute nature s'inscrit dans le cadre d'une action commune du préfet de police et de la municipalité parisienne. Rappelons à notre éminent collègue Griveaux que le préfet de police siège régulièrement au conseil de Paris, devant les membres duquel il peut donc intervenir régulièrement sur ces sujets.
Je partage l'avis de M. Houlié, tout en précisant que je n'étais pas favorable à la création du fichier S pour une raison simple : tout d'abord, il ne s'agit pas vraiment d'un fichier.
C'est le FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
Surtout, je souhaite bon courage au commissaire de police ou commandant de gendarmerie à qui il reviendra d'annoncer au maire qu'il figure lui-même dans ce fichier…
Sourires.
Encore une fois, je ne veux pas m'immiscer dans le débat municipal parisien mais, chère collègue Pau-Langevin, la délinquance de l'Aveyron n'est pas non plus qu'aveyronnaise, et cela vaut sans doute pour tous les départements !
Sourires.
Vous n'êtes pas encore ministre de l'intérieur, monsieur Houlié, mais lorsque vous le serez, ce qui arrivera sûrement, …
… il faudra clarifier la circulaire, car les maires ne disposent pas des informations en question.
On trouve de tout à Paris, même des députés de l'Essonne qui présentent leur candidature à la mairie, et l'on s'en félicite – j'en reste là sur ce sujet.
Nous avons déposé des amendements que vous n'avez pas jugés recevables, mais je suis assez d'accord avec M. Pupponi : soyons prudents concernant ces informations. Peut-être vous choquerai-je mais j'estime, sur un autre sujet, que les auditions de responsables des forces de police, par exemple, pourraient être l'occasion d'aborder les techniques utilisées. Ainsi, nous sommes opposés à l'utilisation récurrente des LBD, les lanceurs de balles de défense, car nous pensons qu'ils sont un facteur préoccupant de blessures. Nous préconisions que le conseil municipal puisse éventuellement faire connaître son souhait que les matériels de cette sorte – que le Défenseur des droits juge dangereux et dont le bilan est terrible – ne puissent pas être utilisés sur le territoire de sa compétence.
Et que les conseillers se rendent au conseil municipal avec un gilet pare-balles ?
Nous pourrions imaginer d'autres types de relations avec les forces de l'ordre, en permettant par exemple au conseil municipal de donner son avis sur les techniques utilisées plutôt que cette forme à nos yeux impraticable de délation – avouons-le – s'apparentant à des rumeurs fondées sur des éléments non vérifiés concernant la présence de tel ou tel dans un fichier. Vous savez vous-même, monsieur Houlié, que bien des personnes peuvent se trouver dans ce fichier pour d'innombrables raisons et que, derrière la lettre S, devenue impressionnante, se cachent beaucoup de réalités. Cette mesure constituerait bien davantage un élément de déflagration dans le débat local que d'information pour assurer la sécurité.
L'article 12 A est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 380 .
Lorsque nous l'avons défendu en commission des lois, cet amendement était mal rédigé ; nous vous en proposons donc une version plus consensuelle et plus souple. Le problème est le suivant : les maires, autorité de police, déposent plainte auprès des services de gendarmerie ou du commissariat, à la suite de quoi ils ne reçoivent plus de nouvelles. Or il arrive qu'ils se trouvent face à face avec la personne mise en cause, d'où une situation difficile, surtout si elle est prolongée. Nous jugeons donc indispensable, parce le maire n'ose pas le faire, que le procureur, dans le respect du caractère contradictoire de l'enquête, puisse, à l'issue de l'enquête, informer le maire, ès qualités, du classement sans suites de la plainte ou, au contraire, de l'engagement de poursuites.
Cela nous semble essentiel. Une telle situation ne se produit pas souvent mais, lorsque c'est le cas, elle est très difficile pour les maires, en particulier en milieu rural ; il ne faut donc pas les laisser seuls, sans nouvelles des suites données au dépôt de plainte. Il ne s'agit pas d'un traitement de faveur mais d'une simple information, que bon nombre de citoyens devraient également recevoir dès lors qu'ils déposent plainte, d'ailleurs.
Cet amendement a en effet été rejeté en commission avant d'être modifié à la marge. Je vous renvoie au bel amendement que le Gouvernement défendra à l'article 15 quater, qui satisfera pleinement vos légitimes préoccupations. Je demande le retrait.
Il est identique. Nous avons pris l'engagement de réécrire la disposition mal rédigée du Sénat ; c'est ce que nous ferons tout à l'heure.
Oui, même si je regrette que nous ne puissions pas nous rassembler autour d'un amendement parlementaire plutôt que d'un amendement gouvernemental.
L'amendement no 380 est retiré.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 1391 .
Quoique relevant du même esprit que le précédent, cet amendement est rédigé de manière légèrement différente : il vise à ce qu'un maire ayant effectué un signalement soit informé des suites données à celui-ci. Je conviens que ce principe ne devrait pas relever de la loi et qu'il devrait aller de soi, mais ce n'est pas le cas, d'où la mention que nous proposons d'ajouter. Je comprendrai que vous nous opposiez l'argument selon lequel le principe en question ne relève pas de la loi, mais il doit être appliqué partout.
Je ne connais pas un maire, madame Rabault, qui, en l'absence de nouvelles, n'irait pas lui-même s'enquérir des suites données à son signalement. Là encore, je vous renvoie à l'amendement que le Gouvernement présentera à l'article 15 quater.
L'amendement no 1391 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Bruno Questel, pour soutenir l'amendement no 1180 rectifié .
À la suite d'une demande formulée par plusieurs groupes en commission, j'ai déposé cet amendement, ainsi rédigé : « Après chaque renouvellement général, le représentant de l'État dans le département et le procureur de la République territorialement compétent reçoivent les maires afin de leur présenter les attributions que ces derniers exercent au nom de l'État et comme officiers de police judiciaire. À compter de leur désignation, les maires et les adjoints sont destinataires d'une carte d'identité tricolore attestant de leurs fonctions. » En effet, ils n'obtiennent cette carte que sur demande et la situation n'est pas uniforme à l'échelle nationale. Il s'agit donc de formaliser ce processus pour densifier la légitimité des fonctions en question.
Cette demande nous a en effet été adressée à de nombreuses reprises par des présidents d'associations départementales constatant que la situation variait selon les pratiques préfectorales. Cet amendement a le mérite de l'uniformiser ; l'avis est donc favorable.
Nous avons eu un long échange en commission sur le volet de la formation des maires, et nous avons considéré que l'information initiale qui leur est fournie ne tient pas suffisamment compte de la dimension d'agent de l'État propre à la fonction. Nous soutiendrons donc cet amendement judicieux.
L'amendement no 1390 , qui suit et dont je suis l'auteure, diffère légèrement de celui-ci car il précise que la réunion avec le tribunal de grande instance a lieu dans les trois mois qui suivent le renouvellement du conseil municipal afin d'informer les maires de leurs droits et obligations, et de l'ensemble des dispositions afférentes au rôle d'OPJ – officier de police judiciaire – , qu'ils sont parfois contraints d'exercer dans des conditions particulières.
Permettez-moi cette anecdote. Dans une commune de ma circonscription, les gendarmes sont intervenus dans le cadre d'une perquisition, en l'absence d'OPJ. Ils ont donc appelé le maire afin qu'il remplisse ce rôle ; or il s'est trouvé être le seul à ne pas porter de gilet pare-balles, et les gendarmes l'ont mis en garde.
En clair, certains maires se trouvent dans des situations difficiles voire dangereuses. C'est la raison pour laquelle j'ai ajouté, par rapport à la proposition du rapporteur, le délai de trois mois, afin qu'on soit sûr que l'information est fournie et que les élus, anciens ou nouveaux, aient un échange et sachent exactement ce qu'ils peuvent faire, comment ils sont protégés et à quels droits ils peuvent prétendre dans le cadre de leur mission d'OPJ, puisqu'ils ont à l'exercer dans leur commune.
J'approuve tous vos propos, madame Rabault. Par anticipation, cependant, je demande le retrait de l'amendement no 1390 que vous vous apprêtiez à défendre car il confie aux tribunaux de grande instance la tâche d'organiser la réunion d'information. Il convient plutôt qu'elle incombe aux parquets et aux procureurs car, hors acte d'enquête où le magistrat instructeur exerce son autorité, l'autorité de tutelle des officiers de police judiciaire – y compris lorsqu'ils sont policiers ou gendarmes – est naturellement le procureur. L'amendement du rapporteur, qui confie explicitement cette tâche au représentant de l'État et au procureur, cible les responsabilités concernées.
Quant à votre deuxième argument concernant le délai, il est judicieux. Je vous propose simplement de préciser par une instruction du ministre de l'intérieur aux préfets, dans un cas, et par une circulaire de la garde des Sceaux, dans l'autre, que la réunion doit avoir lieu pendant le premier trimestre qui suit le renouvellement général.
Encore une fois, j'approuve votre proposition mais il me semble possible de la satisfaire sans amender le projet de loi.
Je souhaite qu'il soit noté au compte rendu des débats que M. Griveaux a quitté l'hémicycle !
L'amendement no 1180 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 1390 .
L'amendement no 1390 est retiré.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement no 339 .
En défendant cet amendement, je pense aux maires qui cesseront leur mandat dans quelques mois et qui y renoncent parce qu'ils ont subi des agressions et des violences morales ou physiques. Certes, madame Rabault, le maire est bien un officier de police judiciaire, mais il l'est s'il a prêté serment devant un tribunal. Or, le plus souvent, les tribunaux en question le considèrent comme une personne ordinaire, ne bénéficiant pas de la présomption dite « de bonne foi » lorsqu'il s'exprime et rapporte les faits qu'il a subis.
Je souhaite que l'écharpe bleu, blanc et rouge soit une écharpe de protection, pas seulement juridique. Je vous propose de créer une sorte de bouclier républicain, de sorte que lorsqu'il s'exprime oralement, le maire soit considéré de la même manière que son policier municipal, dont le rapport écrit n'est pas contesté. Dans la procédure accusatoire du droit français, on commence par penser – cela vaut pour les gardes-chasses, les policiers municipaux, les gendarmes et tous ceux qui détiennent une autorité – que celui qui écrit a raison.
D'expérience, ce n'est pas toujours le cas, si j'en crois des exemples survenus dans mon département. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cet amendement, qui serait un beau symbole pour l'ensemble des élus, quitte à ce que la commission mixte paritaire en fasse autre chose. En tout état de cause, il me semble nécessaire de présumer que les propos et les écrits d'un maire sont de bonne foi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'entends, je comprends et j'admets la pertinence du raisonnement. La difficulté tient aux violences que pourrait subir tout un chacun dans la vie quotidienne, après lesquels il devrait apporter lui-même la preuve des faits qu'il rapporte. L'adoption de la mesure que vous proposez créerait une forme de privilège, si je puis dire, accordé aux élus sous la forme d'une inversion de la charge de la preuve en droit pénal. Je propose donc le retrait de l'amendement. Il faut certes travailler sur cette question, mais pas dans ce cadre.
Je vois cet amendement comme un amendement d'appel, parce que la notion de présomption de bonne foi n'est reconnue à aucune catégorie de citoyens. En droit pénal, dans une affaire de viol, on ne regarde pas la fragilité de la personne pour présumer qu'elle est de bonne foi, mais on évalue certains facteurs, la fragilité pouvant être l'un d'entre eux, comme le lien de subordination. Je suis le premier à défendre les élus, mais les présumer, de par leur fonction, de bonne foi, ce n'est pas prendre la question par le bon bout. Le bon bout, c'est conserver le caractère aggravant des peines pour les agressions contre les personnes dépositaires de l'autorité publique.
Du reste, même adopté, votre amendement serait inopérant par certains aspects, parce que la charge de la preuve, en droit pénal, incombe toujours à l'accusation, non à la défense, vous le savez.
Pour ces raisons, il n'est pas opportun d'adopter l'amendement, que je considère comme un appel au bon sens et au discernement des officiers de police judiciaire et des parquets, lorsque ceux-ci décident de classer sans suite, de déclencher une enquête préliminaire ou de nommer un magistrat instructeur en l'absence de constitution de partie civile. Je vous demande donc de retirer l'amendement.
J'entends vos arguments, mais je demande simplement qu'un maire, un adjoint au maire ou un conseiller municipal délégué bénéficient de la même protection qu'un policier municipal de la commune.
Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, monsieur le ministre, sur la notion d'inversion de la charge de la preuve et du bon ou du mauvais bout d'appréhender la question. Lorsqu'un procureur ou un parquetier reçoit un rapport signé d'un policier municipal, il considère que le policier a raison – même si celui-ci s'expose à des sanctions ou à une condamnation en cas de mensonge. Je souhaite que le maire bénéficie du même cadre juridique.
La présomption de bonne foi est nécessaire, car un maire agressé n'est pas toujours cru. Ce n'est pas normal ! Si un agent de police dit avoir été victime d'un outrage de la part d'une personne, celle-ci est condamnée, même en l'absence de témoin. On croit l'agent de police ! La France a tendance à protéger davantage les fonctionnaires que les élus.
Je tiens à saluer un maire de ma circonscription, Christian Arveuf, qui a été très violemment agressé lundi dernier, simplement parce qu'il avait demandé au conducteur d'une voiture traversant son village à très vive allure de ralentir près de l'école. Le conducteur s'est arrêté, est descendu de la voiture et l'a violemment matraqué. Il s'est cependant rendu au congrès des maires et était dans nos murs hier. Je lui ai demandé quelles seraient les suites.
Il m'a répondu que cela dépendrait de sa capacité à prouver qu'il avait annoncé sa qualité de maire. Quand je lui ai demandé s'il avait fait état de sa fonction, il m'a répondu qu'il avait dit au conducteur qu'il était le maire de la commune et qu'il lui demandait de ralentir dans le village. Après avoir prononcé cette phrase, il a été violemment agressé. Comment pourra-t-il démontrer qu'il a bien dit qu'il était le maire de la commune ?
Ce n'est pas l'objet de l'amendement !
En tout cas, il y a de vraies difficultés : sa parole sera-t-elle crue ou non ?
Il y a peut-être un problème dans la rédaction de l'amendement, mais il serait opportun, pour le moins, que Mme la garde des sceaux adresse une note aux procureurs.
C'est ce qu'elle a fait il y a dix jours.
Les élus se font très souvent insulter – cela m'est arrivé. Quand j'étais maire, un inspecteur de l'éducation nationale s'est fait caillasser dans ma commune. Après avoir appelé la police, je me suis rendu sur place, où je me suis fait insulter. Les délinquants ont tenté de mettre le feu à ma voiture, car ils me connaissaient. Je les ai interpellés et les ai remis à la police, présente sur les lieux, mais le procureur les a relâchés, au motif qu'ils étaient pris de boisson. Deux heures plus tard, ils étaient dans leur quartier à se vanter d'avoir insulté le maire et de pouvoir faire ce qu'ils voulaient. C'est cela aussi la vraie vie !
Les parquets ne considèrent pas que les insultes réitérées à l'encontre d'un élu soient d'une extrême gravité ! Cela diffuse une image dramatique dans les territoires : quand un délinquant, qui a insulté voire frappé un maire, est relâché deux heures après, imaginez quel message est envoyé à ces quartiers !
Il y a un vrai sujet. L'amendement n'est peut-être pas parfait, mais il faut trouver une solution pour que la République protège les élus comme les fonctionnaires : l'élu, dès lors qu'il est officier de police judiciaire, doit être protégé.
L'amendement no 339 n'est pas adopté.
Il est le fruit d'une longue concertation entre l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, les représentants de la profession du cirque et des fêtes foraines et le ministère de l'intérieur.
L'amendement no 1464 , accepté par la commission, est adopté.
Il modifie le code de procédure pénale, afin de permettre aux agents de police judiciaire adjoints, c'est-à-dire les policiers municipaux, de pratiquer un contrôle d'identité administratif. Ce contrôle s'accomplirait sur les ordres et sous la responsabilité du maire, officier de police judiciaire. L'amendement répond à un grand besoin des policiers municipaux en milieu urbain, car, en l'état actuel du droit, ils ne peuvent pas effectuer de contrôles d'identité.
L'article 78-6 du code de procédure pénale autorise déjà les policiers municipaux à relever l'identité des contrevenants pour dresser un procès-verbal. Nous ne pensons pas qu'il faille aller au-delà : l'avis de la commission est défavorable.
Défavorable.
Vous ne me voyez pas bien, madame la présidente, parce que cela fait plusieurs fois que je vous demande la parole et vous m'ignorez !
Je suis tout à fait d'accord avec l'amendement déposé par mon collègue Pauget, d'autant que j'avais déposé le même, retoqué par le service de la séance.
Il y a un vrai problème, et M. le ministre de l'intérieur souhaite d'ailleurs développer une étroite collaboration entre la police nationale et les polices municipales. Accorder à la police municipale le droit de procéder à des contrôles d'identité apporterait une grande aide à la police nationale, souvent débordée et privée de moyens. La police nationale souhaite que soit approfondie la coopération avec les polices municipales, qui, dans certaines villes, disposent de moyens importants pour travailler sur le terrain.
J'ai déposé plusieurs amendements : un identique à celui de M. Pauget, retoqué je ne sais pourquoi, disais-je, et d'autres à l'article 15 et plus loin. Ils visent à étendre les prérogatives de la police municipale. Le projet de loi a pour objectif de donner plus de moyens aux maires et de les soutenir, mais ils ne peuvent pas faire grand-chose de leur pouvoir de police, en tout cas dans les grandes villes, s'ils ne sont pas aidés par la police municipale. Donner plus de prérogatives aux maires passe aussi par donner plus de prérogatives aux polices municipales.
Je reviens sur la coproduction de la sécurité, doctrine admise par le précédent ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, puis reprise par son successeur, Christophe Castaner.
La coproduction de la sécurité ne doit pas se retrouver uniquement dans les moyens, mais également dans les actes. Que la police municipale ne puisse pas, en dehors des procès-verbaux, procéder à un contrôle d'identité, constitue une rupture dans la chaîne de coproduction de la sécurité.
J'aurais dû expliquer mon avis défavorable, mais je l'avais détaillé en commission. Je tiens à expliquer les raisons de cet avis, qui vaudront pour les amendements que nous examinerons cet après-midi. Ce projet de loi traite du pouvoir de police propre du maire, volet sur lequel il comporte beaucoup d'avancées, comme vous pouvez le constater. Par ailleurs, le Gouvernement élabore un autre texte, dont le canevas ressemble à celui d'une LOPSI – loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – , qui s'appuiera sur le livre blanc de la sécurité intérieure et traitera de tous les aspects de la sécurité. Il intégrera, dans ce que l'on appelle le continuum de sécurité, les polices municipales et la sécurité privée, qui présentent des enjeux pour le bloc communal. Les consultations pour la rédaction du livre blanc ont débuté, et le ministre de l'intérieur présentera un texte l'année prochaine.
Dans le présent projet de loi, les dispositions portent sur les pouvoirs d'OPJ du maire. Quels sont-ils ? La loi les définit déjà, et des questions de formation se posent, comme l'a rappelé la présidente Rabault. Quant à la police administrative, je pense que nous en discuterons cet après-midi. En tout cas, nous vous proposons de ne pas légiférer dans ce texte sur les polices municipales en tant que telles.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement : il ne s'agit pas d'un rejet de fond, mais d'un désaccord sur le vecteur.
L'amendement no 119 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
En application de notre nouveau règlement, j'exerce mon droit de déport sur l'article 13 et les amendements sont il fait l'objet, et m'interdirai de prendre part aux scrutins. Mon passé professionnel n'est un secret pour personne : j'ai exercé pendant plus de vingt ans dans le secteur des débits de boissons et plus de dix ans dans ses syndicats, et je conserve des parts minoritaires dans une société familiale.
Après avoir demandé l'avis de la déontologue de l'Assemblée nationale, je participerai aux discussions, afin d'y apporter mes connaissances et mon expérience, dans l'optique d'éclairer les débats, comme chacun d'entre vous dans vos domaines professionnels respectifs. C'est fort de nombreuses années d'expérience comme adjoint d'un maire et de la légitimité tirée du mandat que nos concitoyens m'ont confié par l'élection, que je prends part à la discussion sur l'article.
L'article 13 confère aux maires qui le demandent les pouvoirs de sanction administrative du préfet, en cas d'« urgence à agir », notion importante. Attention toutefois au double tranchant de cette mesure : il faut encadrer la nouvelle faculté pour protéger à la fois les élus contre les recours, et les professionnels contre les sanctions abusives, politiques ou personnelles.
La création de la commission des débits de boissons apporte une protection aux maires car ses décisions seront collégiales. C'est du bon sens ! Ce même bon sens doit s'appliquer à la notion d'urgence à agir. Si la rédaction actuelle du texte permet une autorisation rapide, voire immédiate, quelle valeur d'urgence a une fermeture prononcée plus d'un mois après les faits ?
Pensons également aux dommages collatéraux pour les salariés, les clients et la vie sociale. Ne faudrait-il pas un délai de prévenance quand la fermeture sanctionne des faits trop anciens ?
En conclusion, le maire doit pouvoir appliquer rapidement la loi en cas de trouble à l'ordre public ; pour autant, il faut rassurer les professionnels et leur garantir qu'ils ne seront pas victimes d'exemples ou de stratégies politiques. En cela, l'article peut être encore amélioré.
Nous assistons à un moment exceptionnel de la vie du Parlement : le registre des déports sert pour la première fois, et il s'avère encore plus incompréhensible qu'au moment de son élaboration. Je ne vous incrimine pas, cher collègue Blanchet, bien au contraire : nous avons eu des échanges très intéressants en commission des lois ; nous connaissions votre passé professionnel grâce à une recherche sur Google, pour ceux qui n'étaient pas encore au courant ! Vous n'avez pas eu raison à chaque fois lors de nos échanges. Quoi qu'il en soit, nous atteignons le comble de l'absurde, puisque vous annoncez votre déport avant de développer vos idées sur le sujet, au demeurant tout à fait pertinentes et intéressantes, même si nous ne les approuvons pas toutes. Ce mode de fonctionnement s'avère ridicule.
Le principe du déport est intéressant et important. Vous me permettrez une pointe d'humour. Notre collègue Blanchet s'est montré très pertinent en commission, où il est intervenu pour nous expliquer la situation du secteur, qu'il connaît bien. Mais, sur ce sujet, tous ceux qui fréquentent un peu trop les débits de boissons devraient également se déporter…
Rires et applaudissements.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra