La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles, s'arrêtant à l'article 2.
Député depuis 2002, j'admets bien volontiers que notre règlement mérite d'être toiletté. Mais la réforme que nous examinons n'a pas fait l'objet d'un accord sur nos bancs, malgré de nombreuses réunions entre les groupes politiques de notre assemblée.
Nous sommes tous d'accord pour améliorer le travail parlementaire et pour combattre l'inflation législative – dont je veux toutefois rappeler qu'elle n'est pas toujours du fait des députés… Le Gouvernement y est pour beaucoup.
Mes collègues l'ont rappelé dans la discussion générale : à l'initiative de Nicolas Sarkozy, nous avons déjà amélioré la situation, grâce à la réforme constitutionnelle de 2008, puis à la réforme du règlement du 27 mai 2009.
Il faut aller plus loin, mais sans aller trop loin. Or, le texte qui nous est présenté va malheureusement trop loin. Il faut absolument préserver le droit d'amendement et les droits de l'opposition, en tenant compte de l'importance numérique des groupes ; chaque député doit également pouvoir s'exprimer individuellement, car chacun existe indépendamment de son appartenance à un groupe. C'est en tout cas ce que pensent les députés du groupe Les Républicains.
L'inflation du nombre de groupes depuis 2017 a contribué à l'augmentation des heures de séance – il n'est que de penser à la durée des explications de vote. J'estime que nous devrions relever le nombre de députés nécessaire pour constituer un groupe, et qu'en contrepartie, nous devrions donner plus de pouvoirs aux députés non inscrits.
L'article 2 prévoit que le premier vice-président de l'Assemblée nationale n'appartienne pas à la majorité, mais qu'il soit issu du groupe d'opposition le plus nombreux. Je ne reviendrai pas ici sur le psychodrame que nous avons vécu en début de législature, au moment de l'élection des questeurs. Cependant, je considère qu'avec l'explosion du nombre des groupes, la précision apportée par cet article est indispensable.
Notre collègue Sébastien Leclerc propose même que la parité soit respectée : c'est une bonne idée, à laquelle je souscris.
L'innovation introduite par l'article 1er de cette proposition de résolution était particulièrement intéressante : les présidents des groupes pourront désormais assister aux réunions du Bureau, dont les prérogatives sont essentielles. De la sorte, le président de l'Assemblée nationale et l'actuelle majorité contribuent à combler l'écart qui existait depuis plusieurs décennies entre le droit écrit et la pratique.
L'article 2, qui révise les règles en vigueur pour déterminer l'ordre de préséance entre les six vice-présidents de l'Assemblée nationale, a pour objectif de renforcer les droits des groupes d'opposition : dorénavant, le premier vice-président sera obligatoirement un député de l'opposition. Cette réforme est positive, puisqu'elle assure une meilleure visibilité du pluralisme interne de l'Assemblée nationale, et confère une certaine honorabilité démocratique à l'opposition parlementaire.
Il y a lieu de s'en féliciter. Georges Burdeau a écrit : « Comme l'ange des ténèbres et le prince de la lumière, l'opposition et le pouvoir participent du même principe. Ils naissent ensemble comme l'objet et son ombre ; ils sont les deux faces d'une même réalité, leurs destins sont liés. » L'opposition est l'autre moteur de la politique.
La majorité prétend créer un nouveau droit pour l'opposition. Elle exagère… C'est agréable, certes ; nous qui sommes aujourd'hui dans l'opposition ne nous plaindrons pas que le premier vice-président soit issu de nos rangs – et, lorsque nous serons de nouveau dans la majorité, cette disposition ne nous dérangera pas.
Le choix des vice-présidents respecte déjà un certain équilibre politique : c'était d'abord un usage, puis il a été introduit dans notre règlement. Mais soyons attentifs : je ne voudrais pas que le vote de cette disposition soit l'occasion pour la majorité de camoufler un incident survenu lors de la précédente désignation du Bureau de l'Assemblée nationale.
N'oublions pas qu'aujourd'hui, c'est Mme Annie Genevard, députée du groupe Les Républicains, qui est la première vice-présidente de notre assemblée. Elle le doit, non à je ne sais quelle disposition du règlement intérieur, mais à ses qualités, à son assiduité, ainsi qu'à une certaine malice de la majorité et à ses divisions. Voilà ce que vous cherchez à camoufler avec ce beau maquillage du règlement de notre assemblée : vos problèmes internes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 2 nous convient. Mais, comme l'a excellemment remarqué notre collègue Raphaël Schellenberger, on revient de loin : cette législature a commencé avec six vice-présidents issus des groupes de la majorité ! Les choses ont évolué, dans le bon sens, et que tous ceux qui y ont contribué soient salués.
Je reviens néanmoins sur cette notion de groupe que vous voulez instiller un peu partout. Vous introduisez les présidents de groupe dans le Bureau : pourquoi pas, ce n'est pas dramatique – mais cela rompt avec la logique de nos institutions. Si nous appartenons à des groupes politiques, c'est parce que nous estimons qu'ils sont un gage d'efficacité. Mais c'est devant le peuple – uniquement devant lui – que nous sommes responsables. Et ce n'est pas en tant que membre d'un parti ou d'un groupe : nous rendons compte de notre activité individuellement, et nos électeurs nous disent si nous avons bien travaillé, si nous devons continuer, ou si au contraire ils estiment qu'un autre doit prendre notre place. C'est cela, la démocratie !
En mettant en avant les groupes, vous suivez une logique bien précise : vous avez en tête la proportionnelle, donc la logique du groupe. Dans ce système, une partie des députés ne seront plus désignés par le peuple, mais par les partis : ce seront des apparatchiks, et la campagne qui comptera sera celle qui se déroulera dans les bureaux des partis politiques ! En fonction de son rang sur la liste, on sera sûr ou un peu moins sûr d'obtenir une place de député. Nous combattons cette logique ! Le rapport entre le député et le peuple doit être individuel : chaque Français doit identifier son député, doit pouvoir lui parler ; chaque Français doit avoir conscience qu'il exerce une influence sur ce député, et qu'il peut le sanctionner au terme de son mandat.
La logique de groupe est dans la tradition allemande, comme nous l'avions constaté lors de notre déplacement outre-Rhin, monsieur le président ; mais elle n'est pas dans la tradition française.
Je ne suis pas sûr, cher collègue, que nos amis conseillers régionaux de Bretagne aient le sentiment d'être des apparatchiks du seul fait que vous les ayez fait élire sur la liste que vous conduisiez… Je les interrogerai.
Est-ce bien le rôle du président de séance que de commenter les interventions ? J'y consens cette fois, parce qu'il est question de la Bretagne !
Sourires.
L'article 2 est adopté.
Nous souhaitons que l'Assemblée nationale soit accessible aux personnes en situation de handicap.
Nous remarquons qu'un élévateur avait été installé en 2012, mais nous proposons d'en améliorer la maintenance. L'hémicycle doit aussi devenir accessible ; il ne l'est pas aujourd'hui. Le service des affaires immobilières et du patrimoine étudie la possibilité de le rendre accessible aux personnes à mobilité réduite. La salle des séances, comme les salles de commissions, doivent être accessibles à toutes les personnes qui viennent à l'Assemblée. L'ascenseur de la rotonde permet l'accessibilité des personnes à mobilité réduite à la tribune de la presse ; celle-ci peut aujourd'hui accueillir des visiteurs en fauteuil roulant, mais en nombre très réduit. Tous ces faits révèlent de grandes lacunes de nos bâtiments.
Si notre amendement est adopté, il reviendra au Bureau de définir les meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs. Celui-ci devra s'atteler à améliorer l'accessibilité de toute l'Assemblée nationale : hémicycle, espaces communs, salles de réunion, salles de commission…
La parole est à M. Sylvain Waserman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
J'émettrai un avis défavorable à toute la série d'amendements – relatifs non seulement au handicap, mais aussi aux conditions de travail des collaborateurs, à la parité… – que nous abordons maintenant, pour des raisons de forme. En effet, le Conseil constitutionnel est clair : il considère que le règlement de l'Assemblée nationale ne peut comporter que des dispositions relatives à l'organisation ou au fonctionnement de l'Assemblée, à la procédure législative et au contrôle de l'action du Gouvernement. Lors de la réforme de 2014, il avait censuré toutes les dispositions relatives aux collaborateurs. Par conséquent, quelle que soit la sympathie que m'inspirent ces amendements, je ne pourrai qu'y être défavorable.
Sur le fond, le groupe de travail que vous avez présidé a rendu un rapport sur la prise en considération du handicap à l'Assemblée nationale. Je crois qu'une vingtaine de ses préconisations ont été reprises.
Il me paraît important d'éclairer notre assemblée sur les avancées majeures accomplies depuis un an : rénovation de la cour Montesquieu ; mise aux normes des ascenseurs ; mise en place dans plusieurs salles de commissions de dispositifs spécifiques, trop mal connus, pour les personnes malentendantes ; prise en considération des besoins des personnes en situation de handicap dans le projet de rénovation de l'hôtel de Broglie. S'agissant de l'adaptation de la communication, qui fait l'objet de l'amendement no 601 , il est prévu que les pages du futur site internet de l'Assemblée soient spécifiquement conçues pour être accessibles ; la réalisation, avec une association, d'un support d'information en audiodescription est également prévue.
La question du handicap nous tient tous à coeur. Beaucoup d'actions ont été validées par le Bureau, qui peut pleinement les mener, et qui s'est montré – vous nous le confirmerez – très à l'écoute des propositions du groupe de travail que vous avez présidé.
Reste que cette disposition n'a pas sa place dans le règlement et qu'elle serait de toute façon retoquée par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.
J'entends vos arguments, monsieur le rapporteur. Je défendrai néanmoins tous mes amendements, car il me paraît utile de soulever toutes ces questions. Le règlement traite du fonctionnement de notre institution et, à mon sens, ces amendements ont tous trait au fonctionnement de notre institution.
Les préconisations du groupe de travail que j'ai présidé ont, dites-vous, été favorablement reçues par le Bureau. C'est vrai. Mais entre un bon accueil et l'action concrète, en particulier sur certains bâtiments, il y a un pas qui n'a pas encore été franchi ! Voilà pourquoi j'ai déposé ces amendements.
L'amendement no 608 n'est pas adopté.
Il vise à installer des comptoirs d'accueil à hauteur modulable, ainsi qu'un accompagnement dédié aux personnes en situation de handicap qui se rendent à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, seul le comptoir d'accueil situé au 128, rue de l'Université est adapté.
Il faut donc installer, dans un des points d'accueil du Palais Bourbon, au moins un comptoir adapté, par exemple à hauteur modulable, qui tiendrait compte de la hauteur des fauteuils des handicapés. L'objectif reste cependant que des personnels formés soient présents pour accueillir les personnes en situation de handicap.
Cette proposition répond aux dispositions de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L'Assemblée nationale se doit de respecter les lois, dès lors qu'elle les adopte.
Cet amendement vise donc à fixer des objectifs d'amélioration des dispositifs d'accueil des personnes en situation de handicap.
Pour tenter de rapprocher le point de vue de M. le rapporteur, selon lequel ces amendements sortent du cadre fixé par le Conseil constitutionnel, et les légitimes propositions de M. Larive, je propose de préciser le nouvel article 20 bis, selon lequel « le Bureau définit les conditions de mise en place d'un dispositif de prévention et d'accompagnement en matière de lutte contre toutes les formes de harcèlement et de discrimination ».
Je répondrai à cette proposition lorsque nous discuterons de cet article, en donnant un avis favorable à l'un des amendements.
L'amendement no 604 n'est pas adopté.
Il vise à favoriser l'accès des personnes en situation de handicap aux informations diffusées par l'Assemblée nationale, en fixant trois objectifs à l'action du Bureau.
Premièrement, nous proposons que la traduction en langue des signes des travaux parlementaires soit plus systématique, pour agir en faveur des personnes malentendantes ou sourdes. Actuellement, seule la séance des questions au Gouvernement est traduite en langue des signes. Nous voulons étendre ce dispositif au discours de politique générale du Premier ministre, aux discussions des motions de censure ainsi qu'aux travaux publics des commissions d'enquête.
Deuxièmement, concernant les personnes malvoyantes et aveugles, la disponibilité de l'information en braille permettra à l'Assemblée nationale d'adapter ses modalités d'accueil et d'améliorer ainsi les conditions de travail des salariés de l'Assemblée. Actuellement, il n'existe dans nos locaux aucun document d'information en braille. Pourquoi ne pas éditer en braille le fascicule d'accueil des visiteurs Bienvenue à l'Assemblée nationale ?
Par ailleurs, nous proposons d'enrichir l'audioguide existant en lui ajoutant une version dotée d'une audiodescription. La création et la mise à disposition d'une maquette tactile permettront en outre aux visiteurs aveugles ou malvoyants de comprendre rapidement la configuration des lieux visités.
Troisièmement, nous voulons améliorer le niveau d'accessibilité des travaux parlementaires mis en ligne sur le site internet de l'Assemblée nationale. Le logiciel Easy Publish permet la traduction audio pour les personnes malvoyantes. Nous devons aussi nous pencher sur l'accessibilité numérique, qui concerne les personnes malvoyantes et aveugles, ainsi que les personnes malentendantes ou sourdes.
S'agissant des premières, nous devons adapter non seulement les tableaux en résumant leurs contenus, mais aussi les images, en les associant à des résumés explicatifs. Cet amendement vise aussi à adapter le support vidéo, en y associant systématiquement des comptes rendus écrits, à l'intention des personnes malentendantes.
Bien que ces amendements n'entrent pas du tout dans le champ du règlement intérieur, vous tenez à les défendre ?
Heureusement que l'article 45 de la Constitution ne s'applique pas au règlement intérieur, car tous ces amendements auraient été jugés irrecevables…
L'amendement no 601 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 647 .
En attendant que le nouveau règlement ne soit voté, souffrez que nous défendions nos amendements. Nous en avons le droit.
Cet amendement traite d'un sujet très important s'agissant des discriminations, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il est également issu des propositions d'un groupe de travail sur les conditions de travail et le statut des collaborateurs parlementaires.
Nous proposons que le Bureau favorise par tous les moyens l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière salariale. Des écarts de rémunération élevés subsistent en effet entre les femmes et les hommes. Notre Assemblée n'y fait pas exception. Or, comme l'a rappelé Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les écarts salariaux sont souvent les symptômes d'autres inégalités de carrière. C'est pourquoi nous proposons de travailler selon plusieurs axes, afin que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes soit respectée dans notre assemblée.
Par politesse, je ne ferai pas de rappel au règlement. Vos propos, monsieur le président, reflètent les difficultés liées à votre réforme du règlement.
Vous nous dites qu'il est intéressant de discuter de certains sujets. Pour ma part, j'ai tendance à considérer que ces amendements n'ont rien à faire dans le règlement de l'Assemblée nationale. Pour autant, ils traitent de sujets qui méritent d'être discutés dans l'hémicycle. Or votre réforme, sous prétexte d'efficacité, va nous priver de ces espaces de discussion.
Une vraie réforme du règlement aurait peut-être consisté à créer ces espaces pour discuter de thématiques isolées, tirées des textes de loi, afin de rendre ensuite plus efficace la discussion des amendements, un par un. Ces débats, structurés et structurants, permettraient de faire apparaître et de formaliser les clivages politiques.
Or vous n'avez malheureusement pas souhaité faire cette proposition dans votre réforme du règlement.
L'amendement no 647 n'est pas adopté.
Il vise à ce que le Bureau garantisse que tous les députés employeurs respectent les références salariales éventuellement décidées lors de la négociation collective entre les représentants des collaborateurs parlementaires et l'association des députés employeurs, que je préside.
Celle-ci est chargée d'une négociation collective avec les représentants des collaborateurs parlementaires, portant spécifiquement sur les référentiels salariaux. Aujourd'hui, bien que ce mode d'organisation soit largement majoritaire, tous les députés n'ont pas opté pour une gestion déléguée auprès de la division de la gestion financière parlementaire. De plus, tous les députés employeurs ne sont pas membres de l'association censée les représenter dans les discussions avec les syndicats et les associations de collaborateurs parlementaires.
Pour les mêmes raisons de forme que précédemment, et malgré toute ma sympathie sur le fond, avis défavorable.
Je voulais intervenir sur l'amendement précédent pour préciser les écarts de rémunération entre femmes et hommes au sein de notre assemblée, qui justifient qu'une réflexion se tienne sur le sujet.
Le salaire horaire moyen des femmes est de 19,57 euros, contre 21,91 euros pour les hommes. Quant à la rémunération médiane, qui sépare une population en deux parties égales, elle s'élève à 18,30 euros pour les femmes et à 20,10 euros pour les hommes. En matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'Assemblée a donc encore du travail à faire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.
L'amendement no 636 n'est pas adopté.
Il vise à prendre en compte la portabilité de l'ancienneté dans la rémunération des collaborateurs parlementaires.
Vous dites que ce sujet n'a pas lieu d'être dans le règlement. J'estime au contraire que le respect des contrats de travail mérite pleinement d'y figurer, surtout pour une institution comme l'Assemblée nationale.
Il s'agit de maintenir le bénéfice de la prime d'ancienneté allouée à un collaborateur lorsque celui-ci change de député employeur. Aujourd'hui, un collaborateur perçoit une prime mensuelle d'ancienneté égale à 5 % du salaire de base, lorsqu'il justifie d'au moins deux années d'ancienneté auprès du même employeur, dans la limite de seize ans. Cette prime est revalorisée de 5 % tous les deux ans. Ainsi, en 2022, si le député employeur n'est pas réélu ou ne souhaite pas se représenter, ses collaborateurs qui souhaiteraient travailler pour un autre député perdraient tous les avantages liés à leur ancienneté.
Lors des auditions que j'ai menées, en tant que président du groupe de travail sur le statut des collaborateurs et des conditions de travail à l'Assemblée nationale, ce point a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des représentants syndicaux et associatifs des collaborateurs parlementaires. Nous souhaitons donc confier au Bureau la mission de définir de nouvelles modalités pour prendre en compte la portabilité de l'ancienneté dans la rémunération des collaborateurs parlementaires, quel que soit le député employeur pour lequel il travaille.
Je n'adhère pas nécessairement à l'amendement lui-même, mais il semble assez logique que les collaborateurs parlementaires soient évoqués dans le règlement. Ceux-ci exercent une fonction délicate, exigeante, en circonscription comme à l'Assemblée, qui est associée à une grande instabilité. Songez aux centaines de collaborateurs qui ont dû être licenciés au terme de la précédente législature.
Nous ne sommes pas des êtres éthérés : nous travaillons avec des collaborateurs, qui doivent être reconnus car, d'une manière ou d'une autre, ils concourent à l'activité du législateur. Les faire figurer dans le règlement ne me semble pas déplacé.
Je ne me prononcerai pas quant aux modalités, mais il ne serait pas inutile que M. le rapporteur puisse trouver une solution qui permette de telles évolutions.
Monsieur Le Fur, l'article 18 du règlement stipule que « les députés peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs parlementaires ». Les collaborateurs parlementaires sont donc mentionnés dans notre règlement depuis la dernière réforme.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. Sans revenir sur le risque de censure, je souligne que les dispositions relevant du droit du travail ou d'une négociation d'accords n'ont pas leur place dans le règlement de l'Assemblée, où le droit du travail s'applique pleinement. Très souvent, les collaborateurs parlementaires sont la clé de la réussite de nos mandats. Cependant, disons-le clairement, les modalités d'exercice de leurs contrats de travail n'ont pas leur place dans le règlement de l'Assemblée nationale
La portabilité de l'ancienneté, objet de l'amendement, est un vrai sujet, qui concerne quelques collaborateurs. Il faut cependant prendre en compte les continuités politiques, de député à député au sein d'une circonscription, ou à l'intérieur d'un département.
De telles dispositions existent déjà au Sénat. Les introduire à l'Assemblée serait une mesure de justice entre les deux chambres, d'autant que leur coût n'est pas très élevé.
L'amendement nous offre aussi l'occasion de débattre sur le sujet. La portabilité avait été évoquée en début de mandat. Dans les semaines à venir, il serait important de montrer que nous travaillons concrètement pour qu'elle devienne effective pour les assistants parlementaires, ainsi que pour les députés concernés.
Je pressentais l'avis défavorable du rapporteur. Ce débat me semble cependant important.
Nous pourrions essayer de prendre un engagement, afin que ce sujet fasse l'objet de décisions allant dans la direction indiquée par M. Larive, et que nous puissions nous adresser aux instances concernées au sein de notre assemblée.
Rappel au règlement
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58. Je m'étonne que, pour la deuxième fois depuis le début de cette séance, monsieur le président, vous répondiez vous-même à des questions soulevées dans la discussion. C'est inhabituel dans le fonctionnement de notre Assemblée.
Si vous teniez à ce point à participer aux débats, vous auriez dû être rapporteur du texte plutôt que d'envoyer un vice-président. Cela risque d'être compliqué si vous présidez et répondez en même temps.
Il est de mon devoir de faire respecter le règlement. Lorsqu'un collègue ignore que les collaborateurs sont mentionnés dans le règlement, il est de mon devoir de le lui faire savoir, même s'il est expérimenté.
Ce rappel au règlement n'avait aucun fondement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Après l'article 2
Nous nous associons à cet amendement en sachant que le problème ne sera pas résolu ce soir. Les collaborateurs sont cités dans l'article 18, il est vrai, mais de manière assez sibylline. Pourquoi ne pas nous engager à travailler sérieusement sur ce sujet qui dépasse la seule portabilité de l'ancienneté ? Nous pourrions prendre acte de la nécessité d'enrichir l'article 18 par les propositions présentées à l'instant et peut-être par d'autres.
Nous connaissons tous, sur ces bancs, le travail effectué par nos collaborateurs. Cela a été dit, la portabilité est reconnue au Sénat. Il serait intéressant que nous nous y intéressions. Ce sujet ne relève pas du règlement, mais je tenais à dire que nous nous en préoccupons tous.
L'amendement no 644 n'est pas adopté.
Certains de mes collègues ont bien compris le sens de ma démarche. Il s'agit de prendre l'engagement de respecter non seulement le fruit des négociations avec les collaborateurs mais surtout les contrats écrits et moraux qui régissent la relation entre ces derniers et les députés. C'est dans cet esprit que je continuerai à proposer quelques amendements.
Celui-ci tend à améliorer la prise en charge des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail des collaborateurs, notamment en circonscription. Pour les collaborateurs parisiens, les frais d'abonnement à un mode de transport public sont remboursés à hauteur de 50 % de la carte Navigo. Nous pourrions envisager le financement des frais liés à l'usage d'un véhicule dans certaines circonscriptions comme la mienne où les trajets sont récurrents. En effet, la deuxième circonscription de l'Ariège compte deux sous-préfectures – Saint-Girons et Pamiers – distantes de soixante kilomètres. Aujourd'hui, il est possible de faire supporter le coût de ces déplacements par l'avance de frais de mandat. Mais ce dédommagement reste à la discrétion de chaque député. Au nom de l'égalité, nous proposons que le Bureau envisage de prendre en charge le dédommagement total ou partiel de ces frais de transport.
Même réponse que précédemment.
Je ne prendrai pas d'engagement à titre personnel. Je suis rapporteur d'un texte réformant le règlement. Je n'ai aucune qualité pour m'engager au nom du Bureau qui est souverain en la matière. En revanche, tous les groupes politiques y sont représentés. Il leur appartient de mettre ce sujet sur la table. De nombreux dossiers avancent dans ce cadre, notamment sur des problématiques sociales. Choisissez le bon canal pour adresser votre demande. Malgré toute la sympathie que peuvent inspirer ces amendements, le règlement n'est pas le bon support.
L'amendement no 649 n'est pas adopté.
Cet amendement aurait peut-être sa place dans le règlement, puisqu'il concerne la représentation syndicale.
Les organisations représentant les collaborateurs et les collaboratrices parlementaires ont indiqué, au cours des auditions du groupe de travail sur les conditions de travail à l'Assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires, que la disponibilité pour participer aux discussions sur les problématiques sociales est une préoccupation majeure. Si des rencontres s'apparentant à la négociation sociale sont systématisées, il semble cohérent d'attribuer aux représentants des organisations un crédit d'heures, comme cela se fait ailleurs. À titre d'exemple, les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles bénéficient d'un crédit de cinq heures par mois pour exercer leur mission. Un système double pourrait être envisagé par le Bureau.
L'amendement no 651 n'est pas adopté.
Cet amendement tend à enrichir les modalités de décompte et d'aménagement du temps de travail des collaborateurs parlementaires. Outre l'amélioration des dispositifs existants tels que le régime des 35 heures avec heures supplémentaires ou le forfait jours, nous pourrions nous envisager l'adoption de nouvelles modalités de modulation du temps de travail. Puisque nos collaborateurs travaillent non pas 35 heures, mais souvent entre 35 et 39 heures, ils pourraient bénéficier de mesures compensatoires. L'amendement propose de confier cette réflexion au Bureau afin de répondre à l'une des revendications principales des collaborateurs que j'ai auditionnés dans le cadre du groupe de travail précité.
La majorité semble vouloir balayer d'un revers de main la série d'amendements portant sur le statut des collaborateurs qui, certes, n'ont peut-être pas leur place dans la réforme du règlement mais méritent discussion. Une fois de plus, vous voulez masquer ou faire oublier vos principales lacunes : vous êtes peu présents ; vous n'êtes guère impliqués dans le fonctionnement de notre maison, en conséquence de quoi, vous ne le comprenez pas et vos propositions de modification du règlement sont incohérentes.
La preuve : c'est un peu par accident que M. Larive est le président de l'association des députés employeurs. La majorité a bien voulu lui laisser la présidence de cette association importante, car ses membres n'ont pas été capables d'arriver à l'heure à la réunion. Un tel fonctionnement de la majorité n'est pas acceptable.
Je le répète : si cette discussion est balayée d'un revers de main, c'est seulement parce que vous êtes incapables d'être ponctuels.
M. Le Fur applaudit.
L'amendement no 653 , repoussé par la Commission, n'est pas adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 509 .
Cet amendement vise à permettre l'exercice effectif des prérogatives que les députés tiennent de l'article 24 de la Constitution. L'objectif est que le travail parlementaire gagne en qualité et en efficacité, impératif qui sous-tend la présente réforme du règlement de l'Assemblée nationale. Les services de l'Assemblée pourraient assumer une mission de formation, ainsi qu'ils le font presque en permanence pour les collaborateurs parlementaires, mais il serait indispensable que, durant cette formation, aucun texte ne soit discuté afin de garantir l'assiduité des députés.
Je parle par expérience. Dans les premières semaines après mon élection, je voulais suivre ces formations, mais c'était absolument impossible puisqu'au même moment se tenaient des dizaines de réunions. Il faut un sas de formation pour permettre aux parlementaires d'être de bons législateurs. On ne naît pas législateur et, une fois élu, on ne dispose pas nécessairement de la technicité qui permet de rédiger des amendements en étant bon sur la forme comme sur le fond.
L'amendement me semble satisfait. Des formations existent, qui sont dispensées en début de mandat. En revanche, il ne me semble pas souhaitable de les rendre obligatoires, car les députés perdraient la liberté d'y assister ou pas.
L'amendement no 509 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 692 .
Cet amendement reprend une proposition discutée à plusieurs reprises, ce qui justifie de l'inscrire dans le règlement. Il s'agit d'enjoindre au Bureau de prendre « les mesures nécessaires afin de garantir que des services de crèche et de halte-garderie sont mis à disposition pour les enfants de député ou députée, des fonctionnaires, des collaborateurs et collaboratrices, de tout agent employé par les services administratifs ou travaillant dans les locaux de l'Assemblée nationale ».
Cette mesure est très importante – chacun ici en a bien conscience – pour garantir l'égalité entre femmes et hommes. Le Sénat dispose d'une halte-garderie, le Conseil de l'Europe d'une crèche. Ce sujet est un serpent de mer. Dès 1991, Ségolène Royal avait formulé une telle demande. D'autres requêtes ayant le même objet ont suivi.
L'Assemblée nationale doit être exemplaire. Une crèche devait y être installée à la fin de l'année 2018 ou au début de 2019, mais nous avons appris par la presse le report de la mesure à la fin 2021, voire à 2022, ce qui ne nous rassure pas sur ses chances d'aboutir. En outre, il semble que cette crèche ne soit pas destinée à tous les agents travaillant au sein de l'Assemblée nationale, notamment aux femmes de ménage qui ont pourtant fortement besoin d'un tel service.
Le collège des questeurs a adopté une solution qui consiste non pas à créer une crèche au sein de l'Assemblée mais à réserver des places dans des établissements situés à moins de quinze minutes à pied. Le sondage qui a été envoyé à ce propos a reçu trente et une réponses.
De nombreuses actions ont été entreprises sur ce sujet, qui, une nouvelle fois, ne relève pas du règlement. Les choses avancent très vite, ce qui n'était pas le cas lors des précédentes législatures. Avis défavorable sur la forme, même si le fond mérite toute ton attention. Des progrès majeurs ont été accomplis ces derniers mois.
L'amendement no 692 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Pitollat, pour soutenir l'amendement no 536 .
Cet amendement vise à instaurer un dispositif de suivi des prises de parole dans cet hémicycle, mettant notamment en lumière la répartition entre hommes et femmes.
Dans les médias, 83 % des experts invités à s'exprimer sont des hommes. 70 % des porte-parole sont des hommes. Les prises de parole des femmes à la télévision représentent moins d'un tiers du temps de parole total.
Il n'y a pas de raison qu'il y en aille différemment dans cet hémicycle, puisque nous représentons les citoyens.
Nous devons mesurer la répartition des temps parole dans l'hémicycle, afin d'y assurer l'égalité entre les hommes et les femmes.
J'ai également une grande sympathie pour cet amendement. Le suivi que vous réclamez est nécessaire, mais il n'est pas pour autant besoin de l'inscrire dans le règlement. Il doit être fait, notamment en lien avec la délégation, pour que nous puissions mesurer l'ampleur des différences qui peuvent exister entre les femmes et les hommes.
L'initiative est positive, mais elle ne relève pas du règlement. Soit vous le retirez, soit j'émets un avis défavorable.
Vous faites référence à la délégation aux droits des femmes, mais ce n'est pas son objet.
L'amendement no 536 n'est pas adopté.
J'ai bien conscience que je ne vais pas me faire que des amis en le défendant. Je prie par avance mes excellents collègues de m'excuser, en particulier ceux des groupes GDR et LT.
Sourires.
En 1959, je le rappelle, il en fallait trente. Nous sommes passés à vingt en 1988, pour sauver le groupe communiste, autrement dit pour sauver le soldat Lecoq. C'était, à l'époque, une concession des socialistes.
Sourires.
Vu le résultat des élections de dimanche, si j'étais vous, je retirerais l'amendement !
En 2009, nous sommes passés à quinze. Cette fois, la concession venait de nous, et c'était pour sauver le soldat Dharréville.
Dans les deux cas, il s'agissait de permettre la création d'un groupe communiste et apparentés.
Cela n'a pas eu d'énormes conséquences au départ : il y avait quatre ou cinq groupes. Toutefois, nous en étions déjà à six sous la précédente législature, et nous en sommes désormais à huit.
ll y a tout de même un problème, car, plus il y a de groupes, plus chacun de ces groupes occupe du temps de parole, et cela ne fera que s'accentuer si nous allons vers la réforme que vous préconisez. Dans les commissions également, le temps de parole est réparti, de fait, entre les groupes.
Nous devons donc être raisonnables. Je propose de relever le seuil de constitution des groupes à trente députés, seuil peut-être un peu élevé, je veux bien en convenir.
En tout état de cause, le seuil actuel de quinze députés, qui a conduit à la création de huit groupes, complexifie la vie de notre assemblée.
Sourires.
Vous gardez la parole, monsieur Le Fur, pour soutenir l'amendement no 84 .
Il diffère légèrement du précédent. Il s'agit de fixer le seuil de constitution des groupes à 5 % des membres de l'Assemblée. Pourquoi peut-il sembler plus opportun de définir cette barre par un pourcentage, monsieur le président ? Parce qu'on nous promet une réduction du nombre de députés. Nous y sommes plutôt hostiles, vous le savez, mais le propre de toute activité humaine est d'anticiper. Donc, plutôt qu'un nombre in abstracto, fixons un pourcentage.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 221 .
Identique à celui que M. Le Fur vient d'exposer, il s'inscrit dans la même logique. Nous devons réfléchir à la constitution des groupes politiques et à leur nécessité. Quelle est la signification d'un groupe ? Que représente-t-il ? Est-ce une association d'amis, ou bien de députés partageant les mêmes idées, les mêmes convictions ?
Oui, voilà, une amicale parlementaire, comme il en existe sur de nombreux sujets !
Il faut être sérieux. L'expansion du nombre de groupes à laquelle nous avons assisté ces dernières années est dépourvue de sens. Le groupe Les Républicains comprend 104 membres. Un jour, monsieur le président, vous serez peut-être confronté, pourquoi pas, non pas à un groupe de cent, mais à quatre groupes de vingt-cinq !
Murmures sur les bancs du groupe LT.
Du point de vue technique, on multiplie ainsi les prises de parole, mais, à mon sens, cela ne reflète rien, même si certains peuvent se sentir mieux avec leurs amis ou les collègues d'une même zone géographique.
En avril, lors de la dernière session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe – je le dis devant la présidente de la délégation française – , nous avons modifié le règlement, en disposant qu'un groupe politique doit compter au moins vingt-huit membres, pour des raisons de crédibilité. En effet, la création d'un groupe supplémentaire soulève des questions budgétaires, au-delà de celles relatives au temps de parole et à l'organisation des prises de parole de chaque groupe.
Ici, dans une assemblée qui compte 577 députés, nous pourrions retenir un seuil de 5 % de l'effectif total, soit vingt-neuf députés. Ce ne serait pas considérable, monsieur le président, et cela laisserait de la place à la diversité.
Cet amendement logique, de bon sens, conforme à ce qui se pratique dans d'autres institutions, vise à éviter la naissance d'une pléthore de groupes divers et variés qui n'ont d'autre objectif que de rassembler des intérêts individuels.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est identique aux précédents. Par principe, il est tout à fait logique que les groupes soient constitués par des députés qui se rassemblent, et on ne peut guère imposer de limitations en la matière. Toutefois, nous devons nous interroger sur l'évolution en cours, à savoir une propension à la croissance du nombre de groupes, qui devient une source de complication pour le fonctionnement même de l'Assemblée, mais aussi pour la lisibilité de sa composition à l'extérieur.
Il nous arrive d'intervenir devant des lycéens ou des collégiens. Lorsqu'il y avait cinq ou six groupes à l'Assemblée, je pouvais expliquer qu'il y avait les communistes – qui représentent quelque chose de notre histoire politique – , les socialistes, les écologistes, les centristes, …
Sourires.
.. et l'UMP ou, désormais, Les Républicains. Maintenant qu'il y a huit groupes, je ne m'aventure plus à expliquer ce qu'ils sont, ni quelles sont leurs différences – je ne les connais d'ailleurs pas tous parfaitement.
Nous assistons à une déconnexion complète entre la réalité du paysage politique et des idées politiques et celle des groupes à l'Assemblée, avec une tendance un peu nombriliste qui peut être dangereuse.
Il convient donc de s'interroger sur de nouvelles règles de composition des groupes.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 382 .
Il y a effectivement une inflation du nombre de groupes. Le seuil de députés nécessaire pour former un groupe n'a cessé de baisser. Aujourd'hui, quinze députés peuvent en créer un, soit parce qu'ils partagent des convictions fortes soit pour des raisons plus techniques. Le règlement le rend possible, je n'ai pas à commenter ces raisons.
Quoi qu'il en soit, les groupes sont de plus en plus nombreux. Le règlement que la majorité votera mercredi ou jeudi prochain ne tiendra que si leur nombre reste celui que nous connaissons aujourd'hui, à savoir huit ou neuf, ce qui est déjà exceptionnel – c'est le plus élevé que nous ayons connu sous la Ve République.
Nous pourrions former des groupes qui fonctionnent avec, en leur sein, davantage de députés. Je n'ose imaginer ce qui se passera demain en cas d'éclatement des groupes actuels, ou après-demain, lorsque la représentation proportionnelle aura fait son entrée dans cet hémicycle, ce qui semble figurer au programme de certains. Si le seuil reste à quinze députés, le nombre de groupes augmentera encore, ce qui entraînera des difficultés de fonctionnement et, partant, une inflation du nombre d'amendements et un allongement des débats.
Cela pourrait d'ailleurs annihiler la réforme que vous souhaitez. Nous voyons bien que celle-ci ne repose pas uniquement sur les données présentes, mais aussi sur des éléments politiques qui devraient être mieux maîtrisés.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 563 .
D'après vos propos, chers collègues de la majorité, l'objet de la présente réforme du règlement est de rendre l'Assemblée plus efficace, de faire en sorte qu'elle examine plus rapidement certains textes, en évitant les longueurs – ce que nous désirons tous. À cette fin, vous entendez diminuer la capacité d'expression individuelle des députés pour la transférer à des groupes, en considérant que la base est non plus le député élu sur son territoire, mais le groupe politique auquel il appartient.
Pourquoi en est-on arrivé à cette extrémité ? Parce que, avec les huit groupes actuels, on n'arrive plus à gérer l'ordre du jour, les interventions des orateurs inscrits et l'ensemble des prises de parole, notamment si chacun doit intervenir sur tel ou tel amendement. Telle est la réalité.
Le coeur du problème est non pas le droit d'expression individuelle du député, qu'il exerce en prenant la parole ou en défendant un amendement, mais le nombre de groupes. Vous comprenez bien qu'il est très compliqué pour un député d'expliquer sur le terrain, notamment devant une classe, la composition des groupes et les différences entre tel groupe et tel autre. Il arrive que les membres d'un même groupe n'aient rien en commun ou que deux groupes se ressemblent à tel point que leurs membres figurent sur la même liste à une élection – je pense à celle qui a eu lieu il y a quelques heures.
J'ai le même problème : je ne parviens pas à expliquer la différence entre La République en marche et Les Républicains !
En définitive, monsieur le rapporteur, si vous voulez rendre les débats plus fluides sans nier le droit de chaque député à la parole, la seule solution est de diminuer le nombre de groupes. Au lieu de censurer l'expression des différentes sensibilités politiques, il faut favoriser la création de groupes qui représentent réellement de grands courants, non de petites chapelles. D'où le présent amendement, qui tend à fixer le seuil en la matière à 5 % des membres de l'Assemblée.
M. Raphaël Schellenberger applaudit.
Il s'agit d'un amendement de compromis, qu'il nous sera peut-être possible d'adopter. J'ai évoqué tout à l'heure un seuil de trente députés. Avec cet amendement, je suis plus sage, puisque je propose de fixer le seuil à vingt-cinq, …
… ce qui me paraît relativement raisonnable et épargnerait peut-être certains d'entre nous.
Mes chers collègues, les groupes peuvent être un peu plus nombreux tout en admettant la diversité en leur sein. Pour notre part, nous sommes des partisans de la diversité. Dans un groupe, les membres sont sur la même ligne globalement, mais pas nécessairement sur tous les sujets.
Moralité, vingt-cinq me paraît un bon chiffre. Le relèvement du seuil à ce niveau irait dans le bon sens. Pierre-Henri Dumont l'a dit excellemment, cela rendrait l'activité de l'Assemblée plus efficace et plus pertinente, en mettant fin à la dispersion que nous connaissons aujourd'hui.
Ils soulèvent une vraie question, qui a été débattue, notamment au début des réflexions menées avec tous les présidents de groupe sous l'égide du président de l'Assemblée. Notre modèle actuel ne résisterait pas à ce que l'on pourrait appeler la balkanisation des groupes, à savoir une segmentation du groupe Les Républicains, du groupe La République en marche ou d'un autre en petits groupes de quinze.
Peut-être le terme « balkanisation » est-il un peu impropre, mais vous comprenez ce qu'il veut dire.
En tout cas, c'est un sujet important. Le choix qui a été fait, au vu de la configuration actuelle à huit groupes, est d'en rester à la règle en vigueur, qui permet une certaine richesse d'expression.
Je salue votre altruisme, monsieur Le Fur, puisque vous avez voté l'abaissement du seuil à quinze députés…
… pour sauver nos camarades.
Plus sérieusement, le relèvement du seuil à 5 % de l'effectif de l'Assemblée nationale aurait des conséquences très fortes sur le plan démocratique : la mesure reviendrait à rayer de la carte certains groupes, du jour au lendemain.
En l'état, les négociations ont abouti à la décision qui était, selon moi, la plus raisonnable : nous en tenir aux dispositions actuelles. J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LT.
La parole est à Mme Laurence Dumont.
Je donnerai la parole à quelques orateurs. L'Assemblée sera éclairée rapidement ; nous n'allons pas y passer la nuit !
C'est tout de même un sujet important, monsieur le président !
Je remercie tout d'abord nos collègues du groupe Les Républicains d'avoir eu la délicatesse d'envisager un seuil de 5 % des membres de l'Assemblée, ce qui correspond actuellement à vingt-neuf députés, soit précisément l'effectif du groupe Socialistes et apparentés. Nous l'avons échappé belle !
Plus sérieusement, je pense que le groupe Les Républicains prend le problème à l'envers. L'enjeu est non pas de relever le nombre de députés nécessaire pour constituer un groupe, mais de maintenir le droit de s'exprimer pour chaque député ; il ne faut pas rattacher ce droit au groupe. Je suis prête à prendre les paris, monsieur le rapporteur, la réforme du règlement telle que vous l'imaginez aura vraisemblablement un effet mécanique : la création de nouveaux groupes.
« Exactement ! », « Tout à fait ! », « Bien sûr ! » sur les bancs du groupe LR.
Si le seul moyen de s'exprimer dans l'hémicycle est d'être l'orateur d'un groupe, les groupes vont se scinder pour disposer de davantage de temps de parole et défendre leurs positions. Vous prenez un risque réel en limitant la parole à un orateur par groupe.
Chers collègues Les Républicains, je pense sincèrement que vous prenez le problème à l'envers. C'est en fait la proposition de résolution qui est mal rédigée.
Je trouve qu'en effet, nos collègues du groupe Les Républicains manquent un peu de prudence. Il faut reconnaître que la diversité fait la richesse de la vie politique et de la démocratie. Or, regardons la réalité en face : la diversité a été beaucoup malaxée ces derniers temps. La polarisation, résultat d'un certain nombre de mécanismes politiques, crée le vide et appauvrit singulièrement la démocratie. Au contraire, ici même, dans ce lieu singulier où se tiennent des débats importants, il faut que des sensibilités différentes puissent s'exprimer.
Jusqu'à preuve du contraire, mes chers collègues, nous constituons un groupe doué d'une sensibilité singulière. Nous sommes suffisamment nombreux pour prétendre pouvoir participer au débat, au concert démocratique de la nation. L'offensive que vous menez ici me semble assez inacceptable, pas seulement à notre égard.
Cher collègue Le Fur, vous nous avez fait la gentillesse de nous citer – je sais qu'il ne faut pas voir là d'intention malveillante. Il me semble qu'en de multiples occasions, la richesse qui peut naître de nos échanges, de nos contradictions, de nos débats a été démontrée. Elle est nécessaire. Chaque groupe doit se caractériser par une forme de cohésion. Si vous élevez le seuil de constitution d'un groupe, cette cohésion va s'étioler, voire disparaître, ce qui nous posera des problèmes d'un type nouveau. Comme cela vient d'être dit par notre collègue Laurence Dumont, il faut régler les problèmes d'une autre façon. La voie que vous nous proposez d'emprunter n'est pas la bonne.
La proposition que nous portons, au sein du groupe Les Républicains, a aussi pour objet de nous faire réfléchir sur notre travail – construire du sens commun,
Exclamations sur les bancs du groupe MODEM
Il est agaçant de constater qu'à chaque fois qu'on se sert de termes qui peuvent être utilisés dans d'autres circonstances, on essuie des ricanements…
Mêmes mouvements.
Il s'agit de construire du sens, de développer une vision de la société et d'en débattre. En effet, on peut avoir des visions différentes, parfois opposées. Nous avons tous notre perception du collectif, de la société, parce que nous sommes tous – cela a été dit abondamment, et nous y sommes attachés – des individualités. Chacun a un parcours singulier qui l'a mené jusqu'ici.
Cela étant, nous tenons à la place des groupes politiques. S'il n'y a pas un premier travail pour construire une vision commune de la société au sein des groupes politiques, la discussion au sein de notre hémicycle s'apparentera à un grand brouhaha. Nous devons réformer notre règlement parce que nos discussions deviennent parfois un grand brouhaha, parce qu'il devient trop complexe de percevoir la subtilité de la nuance existant entre un député du groupe Agir, qui finit ministre du gouvernement La République en marche, et, par exemple, un autre député occupant le même banc.
Exclamations sur les bancs des groupes UDI-Agir et LT.
De ce fait, on a besoin de clarifier les choses, de phases intermédiaires de médiation, de construction du projet commun – fonctions qui relèvent des groupes. Nous soutenons cet amendement parce que nous considérons que le groupe joue un vrai rôle, pas celui que vous affichez – un rôle politique et pas seulement technique.
Les amendements que nous vous soumettons tendent à redonner un vrai rôle politique aux groupes, là où vous cherchez à en faire des outils techniques dans le fonctionnement de notre institution.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je rappelle, en premier lieu, aux députés du groupe Les Républicains que c'est l'UMP – Union pour un mouvement populaire – qui a fait voter la réforme de 2009 – il faut avoir un peu de mémoire, en politique.
Je rappelle cela à l'intention des plus jeunes.
Deuxièmement – je ne dis pas cela parce que je suis le président du groupe Libertés et territoires – , j'ai bien senti que c'était le dernier-né, le Petit Poucet, qui semblait causer quelques problèmes. Si on place la barre à 5 % du nombre des membres de l'Assemblée, le groupe Socialistes et apparentés et le groupe UDI, Agir et indépendants ne tiendront plus qu'à un fil, puisqu'ils ont vingt-neuf membres. Il était élégant de votre part de fixer le seuil à vingt-neuf députés mais, s'ils perdent un membre, leur groupe disparaît. Peut-être votre grand fantasme est-il de revenir à trois ou quatre groupes parlementaires à l'Assemblée nationale ? Je ne pense pas que le débat démocratique s'en trouverait amélioré.
Troisièmement, je précise à l'intention de ceux qui nous écoutent que nous disposons d'une enveloppe financière constante. La création d'un groupe n'entraîne pas un euro de dépenses supplémentaires.
En effet, on réduit d'autant les moyens. Vous le savez bien, monsieur Le Fur, vous qui vous êtes intéressé au budget de l'Assemblée nationale.
Quatrièmement, nous venons d'examiner sept amendements de suite traduisant exactement la même volonté de lutter contre les groupes numériquement peu importants. C'est vous qui donnez l'exemple du bavardage !
Applaudissements sur les bancs du groupe LT, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Moi qui suis là depuis quelques années, je voudrais vous dire que ce bavardage…
Monsieur Schellenberger, je peux parler plus fort, ça ne me pose pas de problème !
Ce n'est pas comme cela que ça se passe, ici ! Seul M. Vigier a la parole !
Je serais heureux que vous me laissiez finir mon intervention, si vous le voulez bien. En tout cas, soyez assuré que nous répondrons à vos arguments.
Ce n'est pas le sujet ! Il nous est arrivé à tous, lors de l'examen d'un texte, de déplorer que des collègues défendent 100 ou 150 amendements de suite. Oui ou non ? Alors essaie-t-on, oui ou non, d'améliorer la qualité de la loi ? Ce n'est pas en élevant le seuil de constitution d'un groupe à 5 % de l'effectif de l'Assemblée et en réduisant le nombre de groupes parlementaires que nous y arriverons.
Enfin, un groupe parlementaire ne se constitue pas uniquement à partir de postures ou d'une association d'élus. Il repose sur des convictions, comme celles qui ont présidé à la création du groupe Libertés et territoires. Il me semble avoir entendu, dans le message que les Français ont fait passer hier dans les urnes – je crois que le président de l'Assemblée nationale en a également parlé aujourd'hui – qu'ils accordent une importance particulière aux territoires. Vous défendez tous les territoires. Pour notre part, nous avons voulu, à travers ce groupe, nous focaliser sur cette exigence très forte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Chers collègues du groupe Les Républicains, nous vous écoutons avec beaucoup d'attention, mais nous avons grand mal à vous suivre.
Vous manifestiez, il y a un instant, votre attachement au député baroudeur, à l'individu complètement détaché de son groupe ; vous voilà tout à coup attachés au groupe, prônant la fidélité, l'engagement indéfectible à celui-ci.
Vous revendiquiez votre attachement au pluralisme et aux droits de l'opposition, prêts à les défendre mordicus, et vous voilà sur le point de les refuser à tous ceux qui n'appartiennent pas à votre groupe. Enfin, vous proposez de relever le nombre de députés minimal pour constituer un groupe, alors que nous nous apprêtons à examiner un projet de loi constitutionnelle qui va réduire, vous le savez, le nombre de députés.
Vous appeliez de vos voeux ce projet de révision constitutionnelle il y a quelques heures, avant de commencer à examiner la proposition de résolution ; vous proposez à présent des règles qui vont complètement à son encontre.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous ne voterons évidemment pas ces amendements. Le raisonnement consistant à dire qu'il y a trop de groupes techniques, et qu'il faut relever le seuil de constitution des groupes pour qu'il y ait moins de groupes techniques, est une idiotie. Si vous augmentez le nombre de députés, il y aura encore plus de groupes techniques.
Par ailleurs, vous soutenez qu'un trop grand nombre de groupes entraîne un nombre excessif d'amendements. Comme l'a très bien dit Philippe Vigier, nous sommes en train de discuter de sept amendements du même groupe, donc ce raisonnement ne tient pas non plus.
Par les temps qui courent, me semble-t-il, il est bon d'avoir un certain pluralisme. Si nous ne l'avons pas à l'Assemblée, nous savons très bien où cela va se passer. Nous sommes donc opposés à ces amendements. Nous estimons que le seuil de quinze députés par groupe est cohérent et permet à chacun de s'exprimer. De surcroît, la réforme que nous examinons va réduire certains temps de parole et mettre fin à une forme de bavardage.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et LT.
L'amendement no 83 n'est pas adopté.
L'amendement no 81 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 718 .
« Ah ! » sur plusieurs bancs.
Je suis sûre que vous allez me suivre, notamment vous, monsieur Gosselin et madame Jacquier-Laforge qui, tout à l'heure, avez affirmé que l'harmonisation des règlements du Sénat et de l'Assemblée nationale – s'agissant, notamment des collaborateurs parlementaires – est à vos yeux une question de justice. J'espère que vous m'apporterez votre soutien.
L'article 6, alinéa 4, du règlement du Sénat dispose que « Les sénateurs qui ne sont ni inscrits, ni apparentés, ni rattachés administrativement à un groupe déterminé forment une réunion administrative représentée par un délégué élu par elle. »
« Ce délégué possède les mêmes droits qu'un président de groupe en ce qui concerne la nomination des commissions et des secrétaires du Sénat. La réunion administrative est constituée en vue de sa gestion sous forme d'association, présidée par son délégué et composée des sénateurs qui la forment. »
Mon amendement n'a d'autre objet que de transposer à l'Assemblée les dispositions du Sénat, afin que les députés non inscrits disposent des mêmes droits que les sénateurs non inscrits. Cela me paraîtrait juste et équitable ; ce serait une bonne chose pour la démocratie. Nous pourrions tous voter l'amendement.
Je ne répéterai pas que le texte comporte six avancées pour les non inscrits – je l'ai dit trois fois, et je pense que chacun l'a compris.
En revanche, je suis totalement opposé à cet amendement. Je respecte parfaitement le choix de nos collègues sénateurs, mais vous proposez d'instituer pour les non inscrits une sorte de délégué de classe qui aurait des droits assimilables à un président de groupe. Les groupes politiques ont un sens. Ils ont été consacrés par la réforme constitutionnelle de 2008. Personnellement, je pense que ce serait un contresens que de désigner un chef des non inscrits disposant de certaines prérogatives des présidents de groupe.
Je respecte votre opinion, mais j'y suis opposé.
Une fois n'est pas coutume, je soutiens l'amendement de Mme Emmanuelle Ménard. Il faut avoir été non inscrit pour mesurer l'importance qui s'attache à l'appartenance à un groupe, à une réunion administrative ou à une association. Quand on est non inscrit, c'est bien simple, on n'a aucun droit.
Monsieur le président, je salue votre initiative et me félicite que vous proposiez de nouveaux droits. Toutefois, cela demeure insuffisant. Il faut aller plus loin et assurer la même reconnaissance aux non inscrits et aux membres d'un groupe parlementaire classique. Nous sommes élus par le peuple, nous le représentons. L'Assemblée nationale doit être sa caisse de résonance.
Nous nous sommes demandé précédemment s'il y avait trop de groupes dans l'hémicycle. Au vu des résultats d'hier, il me semble qu'il n'y en a pas assez. Le premier parti de France est le Rassemblement national ; le troisième est EELV – Europe Écologie Les Verts. Ont-ils une représentation nationale ? Non. Ils n'ont pas de groupe.
La question aujourd'hui est celle de la représentativité. Je soutiens donc l'amendement de ma collègue Emmanuelle Ménard.
Monsieur le rapporteur, j'entends vos arguments. Je vous l'ai dit en commission, je veux bien le redire ici : je salue les quelques avancées du texte en faveur des non inscrits. Mais, encore une fois, ce n'est pas suffisant : un député non inscrit n'est pas un sous-député.
Et, comme je vous l'ai dit en commission, je ne vais pas faire appel à mon collègue Jean Lassalle qui, malheureusement, n'est pas là ce soir. Il le dirait peut-être mieux que moi, il vous le chanterait, ce qui aurait sans doute plus de poids. Le Sénat reconnaît les droits des sénateurs indépendants – qui n'appartiennent pas à un groupe – depuis 1921. Presque un siècle plus tard, nous pourrions peut-être nous aligner sur ces dispositions. Il ne me semble pas complètement aberrant d'affirmer qu'un député non inscrit pourrait avoir les mêmes droits qu'un sénateur non inscrit.
C'est une question de justice et d'équité. Je vais répéter ce que j'ai dit – j'ai peur de devoir le faire pendant plusieurs jours : je ne vois pas pourquoi un député non inscrit serait considéré par cette assemblée comme un sous-député. Or, actuellement, dans notre assemblée, un député non inscrit dispose de moins de droits que les autres.
L'amendement no 718 n'est pas adopté.
Nous abordons un autre sujet. Lorsqu'un groupe se constitue, il définit sa ligne politique et décide s'il appartient à l'opposition ou à la majorité. S'il déclare appartenir à l'opposition, il obtient certains droits et intègre le bloc qui pose, en l'état de notre règlement, la moitié des questions au Gouvernement le mardi et le mercredi. Comme il rejoint l'opposition, il réduit le nombre de questions attribuées aux autres groupes d'opposition et leur porte donc préjudice.
Or nous rencontrons parfois des situations paradoxales, puisqu'il arrive que des membres d'un groupe d'opposition rejoignent le Gouvernement. C'est très bien pour le ministre concerné, mais, chose étonnante, il est arrivé que ce soit le président du groupe ! Il faut donc fixer des critères. Nous laissons chaque groupe définir la notion d'opposition, mais nous considérons que les votes sur le budget, le financement de la sécurité sociale et la confiance au Gouvernement permettent d'en juger. Si une majorité du groupe vote positivement lors de ces trois scrutins, la qualité de groupe d'opposition ne peut plus lui être reconnue. Cela me semble cohérent.
Il faut établir un critère, qui s'apprécie non lors de la création du groupe, mais au fur et à mesure de ses votes. Il n'y a pas de procès d'intention instruit contre un groupe, mais on doit constater son opposition ou son soutien à la majorité. Les groupes en question sont parfois divers, certains de leurs membres se rattachant à la majorité et d'autres à l'opposition, mais il faut prendre en compte l'orientation de la majorité du groupe.
Comme plusieurs amendements allaient dans ce sens, nous avons organisé, à l'issue des travaux de la commission, une réunion spécifique avec l'ensemble des groupes, qui a débouché – je parle sous le contrôle de leurs représentants – sur un consensus, établissant que l'appartenance d'un groupe à l'opposition relevait de sa liberté.
Si, c'est cela le problème ! Si nous adoptions l'amendement, on pourrait dire à un groupe se considérant d'opposition qu'il a mal voté et qu'il appartient dorénavant à la majorité.
Cela existe dans certains domaines, mais ce n'est pas notre choix ni notre tradition parlementaire. Au Sénat comme à l'Assemblée, notre tradition consiste à reconnaître à chaque groupe politique la liberté de choisir son appartenance à la majorité ou à l'opposition, cette décision étant, comme vous l'avez montré, importante. C'est une question de liberté. Avis défavorable.
Mes chers collègues du groupe Les Républicains, je me demande si vous n'essayez pas de résoudre, à travers le règlement de l'Assemblée nationale, des problèmes que rencontre votre famille politique. Dans ce cas, vous prenez le mauvais chemin, car le règlement n'est pas fait pour cela et qu'il ne vous permettra pas d'y parvenir.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il y a à droite une tradition politique – différente de celle de la gauche où la diversité d'opinion a toujours pu, plus ou moins, s'exprimer – de bonapartisme. Vous voulez renforcer votre cohésion, en utilisant le débat sur ce texte. Mais il y a des débats aussi chez vous : reconnaissez-le et n'utilisez pas le règlement de l'Assemblée nationale pour trancher cette question.
J'ai cru comprendre que l'on parlait de notre groupe, si bien que je me permets d'intervenir. Si nous appliquions les critères prévus, notre groupe appartiendrait à l'opposition.
Quoi qu'il en soit, on ne peut pas adopter cet amendement, car il est contraire à l'article 4 de la Constitution, lequel dispose que les groupes se constituent librement, sans critères.
Non.
En 2006, Jean-Louis Debré, grand président de l'Assemblée nationale, avait essayé de fixer un critère, ce que le Conseil constitutionnel a refusé au nom de l'article 4 de la Constitution.
L'amendement no 172 n'est pas adopté.
L'amendement no 860 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 858 .
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l'amendement no 196 .
Reprenons le débat d'une autre façon : la Constitution prévoit, depuis 2008, la possibilité de reconnaître des droits spécifiques aux groupes d'opposition, ainsi qu'aux groupes minoritaires. La difficulté est qu'il n'existe pas de définition juridique des groupes minoritaires.
Aujourd'hui, est dit groupe d'opposition celui qui se définit comme tel. La procédure est purement déclarative. Les groupes minoritaires sont ceux qui ne se sont pas déclarés d'opposition, à l'exception de celui comptant le plus grand nombre de députés. En un mot, les groupes minoritaires sont les groupes de la majorité les plus petits. Le problème est que tout groupe minoritaire peut se déclarer groupe d'opposition, afin, par exemple, de bénéficier des droits spécifiques attachés à ce statut, sans s'opposer au Gouvernement. Il peut donc y avoir un véritable détournement de l'esprit de la Constitution et une usurpation possible des droits de l'opposition.
Il y en a d'ailleurs eu des exemples au début de cette législature, tout le monde s'en souvient.
Il nous faut trouver des critères objectifs pour combler cette lacune : l'absence d'une définition juridique de la notion d'opposition. L'amendement propose de définir un groupe minoritaire comme groupe dont la majorité des membres a voté soit la confiance au Gouvernement, soit le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale au cours d'une même session.
Nous serons presque tous d'accord pour considérer qu'un tel groupe ne pourrait honnêtement pas être reconnu comme un groupe d'opposition.
L'amendement offre une meilleure définition juridique. Aujourd'hui, le groupe d'opposition est défini politiquement par la déclaration de ses membres, mais le groupe minoritaire n'est défini qu'arithmétiquement. Il faut remettre du droit dans ce domaine.
Mme Dumont a bien exposé le problème. La Constitution, notre grande charte nationale, accordant des droits spécifiques à l'opposition et aux groupes minoritaires – ces droits sont importants, puisqu'ils concernent les temps de parole, les explications de vote et les moyens de fonctionnement – , il paraît logique que ces groupes soient définies. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Cela ne peut pas durer. Il ne peut pas y avoir tromperie sur la marchandise. Un groupe ne peut pas prétendre appartenir à l'opposition tout en soutenant le Gouvernement.
Chaque groupe, sur la base du volontariat, fait exactement ce qu'il veut politiquement et a le droit de rejoindre la majorité ou l'opposition. Mais puisque des droits découlent de leur statut, il importe de le définir clairement. Dans l'ancien monde et encore aujourd'hui en droit constitutionnel, dans la littérature et la jurisprudence classiques, bref, de façon communément admise, des critères assez simples existent : octroi ou refus de la confiance au Gouvernement à l'occasion d'une déclaration de politique générale ou d'une motion de censure, adoption ou rejet du projet de loi de finances initiale ou de financement de la sécurité sociale. Ces critères ne sont pas remis en cause dans les municipalités, les départements et les autres collectivités. Il serait bon qu'il en soit de même à l'Assemblée nationale. Cela éviterait les tromperies sur la marchandise et le détournement de nos institutions, comme cela est déjà arrivé et comme cela pourrait se reproduire. La clarté est toujours préférable à l'obscurité.
Il s'agit du même amendement visant à répondre à une lacune, que la pratique n'avait pas mise en lumière avant le début de cette législature. Depuis lors, nous avons constaté que l'esprit des textes pouvait être détourné à cause de leur manque de clarté et de cohérence. Certains se sont ainsi prévalus de la qualité de groupe d'opposition pour bénéficier de droits et d'avantages.
Nous avons intérêt à assurer la lisibilité de la démocratie par nos concitoyens et à empêcher les détournements que nous avons connus.
L'amendement vise donc à clarifier nos textes.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 68 .
Monsieur Dharréville, la constitution des groupes politiques et l'organisation de nos discussions structurent et influencent le débat public en France. Notre échange sur la nature des groupes est essentiel à la qualité du débat démocratique dans notre pays.
En outre, je vous invite à éviter les faux procès liés aux élections européennes du week-end dernier. En effet, le règlement a fixé une date limite de dépôt des amendements et, pour des raisons uniquement techniques, ceux-ci ont été élaborés avant le scrutin d'hier.
Monsieur le rapporteur, je ne serais pas aussi affirmatif sur les conclusions de la réunion du bureau élargi de la commission des lois de la semaine dernière. À mon sens, nous avons surtout constaté notre désaccord sur la définition du groupe politique. Nous ne sommes pas tombés d'accord sur la possibilité de définir les groupes d'opposition, mais nous avons constaté ce désaccord à l'unisson. Ce n'est déjà pas mal, mais c'était notre seule convergence.
Enfin, la définition de l'opposition n'est pas seulement une question de politique politicienne. C'est aussi une question de transparence démocratique. Les droits attachés aux groupes d'opposition contribuent à la transparence du fonctionnement de notre institution. Nous lui faisons davantage confiance quand, par exemple, l'un des postes de questeur est détenu par un membre de l'opposition, dont le contrôle est plus exigeant – ou du moins le supposons-nous – que des membres de la majorité.
L'opposition n'est pas une idée politique, mais une garantie démocratique.
J'ai plaidé pour que les groupes soient libres de choisir leur appartenance à la majorité ou à l'opposition. Il s'agit du même débat.
Si, car ces amendements peuvent conduire à considérer qu'un groupe peut basculer dans la majorité ou dans l'opposition à la suite de votes individuels.
Pour ma part, je suis attaché à la liberté des groupes politiques. Je suis attaché à leur liberté de définir s'ils sont dans l'opposition ou la majorité. Je suis attaché au fait qu'ils aient la pleine et entière liberté de le faire, indépendamment des votes qu'ils choisissent d'exprimer à telle ou telle occasion. L'avis de la commission sur les amendements est défavorable.
Nous avons eu ce débat en commission, à l'initiative de Laurence Dumont, qui est intervenue la première sur le sujet.
Je me réjouis que d'autres amendements s'inspirent du mécanisme qu'elle a proposé, fondé sur le vote soit de la confiance au Gouvernement, soit du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Monsieur le rapporteur, il y a méprise, si je puis me permettre. Sans doute ne nous sommes-nous pas exprimés correctement.
Il ne s'agit pas de vous demander d'imposer à quiconque une décision et une appartenance politiques. Bien entendu, les groupes politiques sont libres de s'exprimer et d'adhérer soit à la majorité, soit à l'opposition.
Encore faut-il qu'ils le fassent, et que ce choix soit caractérisé ! Dès lors qu'on donne des pouvoirs à un groupe politique, il est nécessaire que celui-ci adopte un positionnement clair. Nous nous éviterons ainsi de connaître à nouveau les situations évoquées tout à l'heure de façon elliptique, s'agissant de l'attribution des sièges à la questure ou d'autres responsabilités au sein de cette assemblée.
Monsieur le rapporteur, Mme Dumont vous a posé une question en commission. Je vais la poser à nouveau, car M. le président n'était pas là ce jour-là.
À l'heure actuelle, est-il normal qu'un groupe qui vote la confiance au Gouvernement, le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, se déclarer minoritaire et d'opposition ? Non, me direz-vous. C'est pourtant le cas, car notre règlement n'a pas tranché la question.
Monsieur le président, nous ne demandons pas grand-chose. Nous souhaitons une clarification, afin d'éviter que l'on joue à l'aveugle et que certains ne se livrent à des coups politiques indignes d'une démocratie du XXIe siècle.
Nous avons eu ce débat en commission des lois. Or, monsieur le rapporteur, le compte rendu que vous en faites n'est pas conforme à ce qui s'est passé.
Par le biais des amendements, nous faisons valoir que la réforme du règlement, pour l'essentiel, porte sur le renforcement de la place et du rôle des groupes politiques dans le fonctionnement de cette assemblée. Cette évolution appelle d'autres observations de notre part, relatives au droit individuel des députés à s'exprimer, à voter et à user de leur temps de parole comme ils l'entendent, mais tel n'est pas l'objet des amendements.
Le renforcement de la place et du rôle des groupes parlementaires dans le fonctionnement de l'Assemblée exige que leur statut vis-à-vis de l'exécutif – donc de la majorité – soit clairement défini, faute de quoi les droits dont jouissent les groupes d'opposition, par comparaison avec ceux du groupe majoritaire, ne sont pas respectés.
Si un groupe se comportant la plupart du temps comme un groupe de la majorité jouit du statut de groupe d'opposition ou presque, il bénéficie de droits sans rapport avec la réalité de son comportement politique.
Tel est le débat ouvert par les amendements. Ne les détournons pas de leur intention initiale.
Nous souhaitons simplement donner plus de clarté au fonctionnement de l'assemblée, afin qu'il soit conforme à la réalité des forces politiques qui la composent.
Par ailleurs, nous devons cette clarification à nos concitoyens, qui observent de très près la façon dont fonctionne l'Assemblée, quels que soient les résultats des scrutins nationaux.
Non seulement un groupe qui se déclare d'opposition tout en faisant partie de la majorité jouit de droits indus, mais il prive la véritable opposition d'une partie de son temps de parole.
Ce ne serait pas grave si cet état de fait était complètement neutre pour les groupes d'opposition, mais, en l'espèce, il s'agit d'un détournement, voire d'un vol de temps de parole.
Je le répète : en attribuant le temps de parole réservé à l'opposition à un groupe appartenant en réalité à la majorité, on prive les groupes d'opposition – qui s'opposent régulièrement à la majorité et au Gouvernement – de leur temps de parole et de leurs prérogatives. Il y a là un effet pervers antidémocratique.
J'en reviens à l'article 51-1 de la Constitution, qui, en un sens, établit une discrimination positive en faveur des groupes d'opposition et, de façon résiduelle, des groupes minoritaires.
La rédaction de l'article interdit de les mettre sur un même pied, comme vous le faites par erreur à la page 19 du rapport, monsieur le rapporteur, en évoquant dans la même phrase les « groupes d'opposition et minoritaires ».
La Constitution n'est pas rédigée ainsi. L'article 51-1 dispose que le règlement de chaque assemblée reconnaît des droits spécifiques « aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires ». Ceux-ci sont mentionnés de façon résiduelle.
Quoi qu'il en soit, un groupe d'opposition est défini par une déclaration politique. Sa définition ne pose aucun problème. Ce qui manque, c'est la définition du groupe minoritaire, qui doit reposer sur des critères.
Avant d'en venir au vote, je vous demande de répondre devant la représentation nationale, monsieur le rapporteur : pour vous, des députés qui votent la confiance, ou le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, peuvent-ils se déclarer membres de l'opposition ? Oui ou non ?
Comme je l'ai fait observer en commission, le groupe majoritaire a d'ores et déjà mis en avant le dépassement du clivage gauchedroite.
À présent, si je comprends bien, nous procédons au dépassement du clivage majoritéopposition. Selon vous, tout cela se vaut. Eh bien non, tout cela ne se vaut pas ! Nous devons obtenir une réponse de votre part, monsieur le rapporteur. Il s'agit d'un point très important du débat.
Nous nous abstiendrons. Voici pourquoi. Voter la confiance n'implique pas que l'on adhère à l'ensemble de la politique du Gouvernement.
Il est possible que la contestation d'un texte de loi amène le Gouvernement à poser la question de confiance. Celle-ci n'engage pas pour autant un soutien global à la politique du Gouvernement.
Par ailleurs – je dis les choses comme je les sens, en m'appuyant sur ma modeste expérience et avec humilité – , si l'on prend l'exemple du vote d'un budget, par exemple celui de la sécurité sociale, il peut se produire qu'une année, pour des raisons particulières, un Gouvernement dans lequel on ne se reconnaît pas mène une politique que l'on accepte, pour un exercice budgétaire donné. On vote alors le budget. Si, l'année suivante, des coupes sombres sont décidées, on ne le vote pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM ainsi que sur les bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.
Dès lors, bien sincèrement, je ne vois pas comment on peut jongler d'une année sur l'autre, en étant successivement groupe minoritaire et groupe d'opposition.
Comme le rappelait tout à l'heure notre collègue Pierre Dharréville, nous pensons qu'il incombe aux groupes politiques d'assumer leurs responsabilités. Ils prennent, devant la nation, la décision d'être un groupe minoritaire ou un groupe d'opposition.
Mais en aucun cas, on ne peut classer un groupe, sur la base d'un simple vote, comme étant minoritaire ou d'opposition.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 17
Contre 49
L'amendement no 68 n'est pas adopté.
Monsieur le président, tous les groupes doivent pouvoir s'exprimer sur les amendements !
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l'amendement no 420 .
Cet amendement – ainsi que le suivant – vise à garantir la pleine liberté de vote et d'amendement à chaque député formant la représentation nationale. Il vise à le protéger de toute tentative de coercition extérieure qui limiterait sa capacité de déposer un amendement.
L'article 16 du règlement interne du groupe La République en marche précise : « Il est défendu, pour les députés de La République en marche, de cosigner une proposition de loi ou un amendement venant d'un autre groupe, sous peine d'être convoqué par le président de groupe ».
À ce sujet, j'aimerais citer des extraits des articles 26 et 27 de la Constitution – il s'agit bien de la Constitution de la République française, et non du règlement interne d'un quelconque groupe politique, celle-ci ayant un poids juridique supérieur à celui-là.
L'article 26 de la Constitution dispose : « Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. ».
Or il se trouve que l'extrait suscité du règlement interne du groupe La République en marche prévoit des poursuites, en l'espèce la convocation par le président du groupe, si un amendement n'est pas jugé acceptable à l'aune de la discipline ou de la doctrine majoritaires.
Par ailleurs, l'article 27 de la Constitution dispose : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »
Si je me suis permis de déposer cet amendement, ainsi que le suivant, c'est parce que l'extrait sus-cité du règlement interne du groupe La République en marche date du premier jour d'installation de notre assemblée.
Or il est contraire aux dispositions de la Constitution, ce qui en soi est proprement inacceptable pour des parlementaires. Il est tout à fait inacceptable que le groupe ait eu l'idée d'une telle discipline, et il l'est encore plus que des députés aient eu l'idée de s'y soumettre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans cette affaire, il y a deux coupables : le chef du troupeau et les moutons.
Madame Dumont, ma réponse à votre question est oui – le président Chassaigne l'a parfaitement illustrée à l'instant.
S'agissant de l'amendement no 420 , il est satisfait, depuis 1791, par les Constitutions qui se sont succédé depuis lors, notamment celle du 4 octobre 1958. J'en suggère le retrait, à défaut avis défavorable.
C'est la réalité. Il est évident que chaque député est libre de son vote. Il est évident qu'il s'agit d'un droit constitutionnel.
Enfin, il est évident que je ne me prononcerai pas sur le règlement interne de tel ou tel groupe politique.
Je tiens à rassurer M. Pradié. Le règlement du groupe La République en marche est en cours de modification.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Je n'irai pas jusqu'à lui promettre qu'on le consultera à ce sujet, mais je m'engage à lui en faire parvenir une copie dès qu'il sera adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le rapporteur, j'ai du mal à comprendre votre raisonnement. Vous affirmez que les dispositions constitutionnelles valent et, en même temps, vous ne contestez pas – notre collègue Questel vient de le confirmer – que le règlement interne d'un groupe politique de notre assemblée comporte depuis deux ans une disposition contraire à la Constitution, ce qui ne semble vous poser aucun problème.
Je répète avec fermeté qu'il ne s'agit pas uniquement de pointer du doigt les dispositifs imaginés par le groupe La République en marche pour contraindre ses députés.
Il s'agit de rappeler que le rôle du député est singulier, et que rien, notamment aucune discipline de groupe, ne peut le contraindre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'ai répète ce que j'ai dit à la fin de mon intervention précédente : dans cette affaire, il y a deux responsables, ceux qui sont à la tête du groupe, auteurs de l'idée absolument folle selon laquelle on peut limiter le pouvoir d'amendement des députés, et tous ces députés qui, dans le troupeau, l'ont acceptée sans rechigner, et auxquels il a manifestement fallu deux ans pour imaginer changer une règle.
Voyez-vous, chers collègues de la majorité, nous vous rendons service, en vous permettant de retrouver plus vite que prévu la liberté à laquelle vous avez droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce qu'a dit M. Pradié est extrêmement important pour notre débat, mais je l'inviterais à la modestie.
La question du mandat impératif s'est, encore récemment, posée à votre groupe.
Mais je me souviens d'une polémique qui a eu lieu pendant la campagne électorale de 2007 : le responsable d'un parti politique, dans une déclaration magnifique contre le mandat impératif reprochait à l'UMP d'avoir fait signer à ses candidats une déclaration sur l'honneur par laquelle ils s'engageaient à ne jamais voter une motion de censure, à ne jamais s'opposer à un budget, et j'en passe ; ce leader politique, c'était François Bayrou.
Aujourd'hui, la situation est inversée : dans le règlement intérieur qu'on nous propose, il existe un risque – je l'ai dit en présentant la motion de rejet préalable – de voir le mandat impératif s'installer, petit à petit, dans notre paysage politique.
Votre intervention, monsieur Pradié, est donc justifiée, non parce qu'il s'agirait de jeter la pierre à tel ou tel – je suis persuadé, et M. Questel l'a dit, que le groupe La République en marche va toiletter son règlement, qui a peut-être été écrit de façon hâtive – , mais parce qu'elle pose une question qui nous invite à rappeler collectivement que la libre détermination et la libre expression de chacun des députés doivent être assurées et consacrées dans cet hémicycle. Il ne saurait y avoir de subordination à un groupe ou à un parti, il ne saurait y avoir de tutelle exercée sur un élu, parce que notre légitimité vient du peuple, elle nous a été conférée par chacun de nos électeurs ; il ne saurait donc y avoir de contingentement de notre parole ni de notre vote, pas plus que de mise sous tutelle de chacun des électeurs que nous représentons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement no 420 n'est pas adopté.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l'amendement no 421 .
Si le précédent amendement visait à protéger le droit d'amendement, celui-ci vise à protéger le droit de vote. Je voudrais donc ajouter un complément. Que des erreurs aient été commises dans le passé, cher monsieur Habib, je n'en suis pas totalement comptable…
… – vous non plus d'ailleurs, et heureusement, parce que votre comptabilité serait plus lourde encore que la mienne.
Mais, sur ce sujet précis, il en va véritablement de la bonne santé démocratique de notre pays. Que l'on soit clair : nous sommes la représentation nationale. Or il n'y a rien de pire qu'une représentation nationale soumise à des disciplines, car cela fait crever notre démocratie. Et si, depuis quelques mois, ou plutôt depuis quelques années, notre parlement et plus particulièrement notre assemblée nationale ne reflètent plus totalement la diversité de notre pays, la diversité du peuple, c'est sûrement parce que nous avons eu tendance, les uns et les autres, à abandonner à des groupes politiques, à des partis politiques, peut-être parfois à des lobbies, une partie de notre individualité et de notre liberté. Or il y va véritablement de l'avenir de la représentation nationale.
Pour reprendre une phrase aussi épouvantable que celle qui a été citée, la garde des sceaux nous a dit, il y a quelques mois, ici, devant la représentation nationale, qu'un de ses objectifs était d'en revenir à la « pureté » de l'Assemblée nationale. Il nous faut précisément refuser toute pureté de l'Assemblée nationale, et conserver son absolue diversité et sa liberté, dont procèdent le droit de vote et le droit d'amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC.
Juste un mot : de même que j'ai exprimé, à l'instant, mon profond attachement à la liberté des groupes, il est évident que nous sommes tous attachés à la profonde liberté des députés, qu'elle s'exerce par des amendements ou par le vote, lequel est, je le répète, un droit constitutionnel.
J'attire cependant votre attention sur le fait que le règlement d'une association – un groupe politique étant, en fait, une association…
Si cela ne vous intéresse pas, on peut arrêter de débattre maintenant ! Laissez le rapporteur s'exprimer !
Vous seul avez la parole, monsieur le rapporteur ; je vous en prie, reprenez.
Le règlement d'un groupe politique n'est pas plus l'affaire du Bureau de l'Assemblée nationale que celui d'une association ; elle n'a pas à se mêler de la façon dont il est rédigé.
En tout cas, soyons très clairs, vos amendements sont satisfaits : personne n'a le droit de contraindre un député à voter ou à amender ; il a une liberté totale, absolue et réelle.
Je voudrais ajouter à l'excellent exposé de mon collègue Pradié que la majorité va introduire un fait nouveau dans l'hémicycle : la représentation proportionnelle. Dès lors que des députés vont arriver sur ces bancs en ayant été élus non plus sur leurs noms et pour ce qu'ils proposent dans leurs circonscriptions, sur le terrain…
… mais uniquement en fonction de leur capacité à être présents dans les couloirs des partis politiques, ils perdront, plus encore que ceux qui ont été élus grâce à un effet de vague, la capacité d'amender ou de voter un texte en leur âme et conscience, parce qu'ils seront redevables de leur siège non pas aux électeurs, mais uniquement à leur parti politique. On en arrive au mandat impératif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je trouve ce débat passionnant, mais ce que vous dites, chers collègues, aurait plus de portée si vous étiez un peu moins donneurs de leçons.
Je vous le dis très humblement : si j'ai été élu, c'est parce que j'ai été investi par La République en marche.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Mais oui, je vous le dis ; peut-être n'avez-vous pas conscience de cette réalité, mais moi, si. Du coup, je suis évidemment redevable, dans l'exercice de mon mandat, d'une certaine loyauté vis-à-vis du groupe. Je me suis engagé dans un mouvement collectif, et la conjugaison de la liberté collective et des libertés individuelles est une chose assez subtile ; l'histoire sociale de la France le prouve, d'ailleurs.
En plus, il y a dix minutes, presque tout le monde était prêt à admettre comme normal qu'un député qui ne vote pas pour le budget, alors qu'il est membre de la majorité, soit sanctionné voire exclu du groupe majoritaire.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Certes, ce ne sont pas les propos précis qui ont été tenus, mais je suis en phase avec ce qu'André Chassaigne a brillamment rappelé et avec les propos du rapporteur. J'ajoute simplement mon humble avis : n'étant député que depuis deux ans, je découvre, et j'essaie d'exercer à la fois, d'une part, ma sincérité et mon libre arbitre, et, d'autre part, la loyauté que je dois à mon groupe. C'est ainsi que je vis mon mandat.
Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que le règlement doive entrer dans des précisions aussi subtiles que celles dont nous débattons. Il faut faire la part des comportements spontanés et de la sincérité de chacun. Mon sentiment, c'est que la spontanéité et la sincérité manquent beaucoup dans l'hémicycle.
Il y a une différence fondamentale, monsieur Descrozaille, entre la loyauté et la soumission. Si nous sommes ici, sur les bancs du groupe Les Républicains, quelques députés à ne pas avoir basculé d'un côté ou de l'autre, à avoir été élus sur des terres de gauche quoiqu'étant de droite, c'est parce que nous sommes loyaux, voyez-vous. Pour autant, nous ne sommes pas soumis.
Vous avez raison, le débat est passionnant. Vous jugez sûrement que c'est par esprit polémique que je pointe du doigt le règlement intérieur du groupe La République en marche. Mais c'est beaucoup plus profond que cela : il s'agit, par le type de disposition que je dénonce, de transformer l'Assemblée nationale et la représentation nationale, et dans le pire des sens. Si la représentation nationale, notre assemblée, ne continue pas à vivre de ses individualités, elle ne représentera plus rien, et il ne faudra pas s'étonner qu'il y ait de plus en plus de défiance à notre égard.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 421 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 627 .
Cet amendement, dont la première signataire est ma collègue Lorho, va peut-être sembler très terre à terre par rapport à la discussion précédente. Il s'agit d'associer les non inscrits à l'attribution des places dans l'hémicycle. Selon le règlement actuel de l'Assemblée, l'attribution des places revient exclusivement aux groupes. Je ne revendique pas un droit mais je soulève simplement une question de courtoisie : pourquoi ne pas associer à la répartition des places l'ensemble des députés, y compris les députés non inscrits ?
Par souci de cohérence avec le vote qui vient d'avoir lieu, en vertu duquel il n'y aura pas de représentants des non inscrits et pas de pseudo-groupe, je donne un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement no 627 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 561 .
Il a un objet assez simple : la création d'« intergroupes ». Vous comprenez bien qu'avec la logique que vous déployez dans cette réforme du règlement, qui vise à cornaquer la parole, en particulier dans les gros groupes d'opposition, il est nécessaire que nous puissions exprimer nos différentes sensibilités et disposer d'un juste temps de parole, correspondant à la représentation que les Français ont décidé de donner à tel ou tel groupe politique.
C'est donc un amendement de défense, monsieur le rapporteur, de nature à faire respecter les équilibres politiques dans cette assemblée. Il permettra par exemple à un groupe aux effectifs suffisamment nombreux de créer, selon ses sensibilités internes, les courants qui le traversent, différents petits groupes, lesquels lui donneront ensuite délégation, par exemple afin d'être représentés au Bureau par un président unique ou de bénéficier de moyens pour la gestion de leurs collaborateurs.
Vous comprenez qu'il s'agit ainsi de pointer du doigt l'absurdité de la réforme que vous nous proposez : elle voudrait qu'un groupe comme Les Républicains, qui compte plus de 100 députés, ne dispose que de cinq minutes dans les discussions générales, ne puisse inscrire qu'un seul orateur sur chaque article et ne soit autorisé à défendre qu'un seul amendement parmi une série d'identiques, c'est-à-dire qu'il ait les mêmes droits qu'un groupe d'opposition ou minoritaire de quinze ou vingt députés. Nous entendons ainsi dénoncer le déséquilibre que vous introduisez dans la représentation choisie par les Français.
Le principe des groupes politiques est inscrit dans notre règlement depuis 1910 et est accompagné d'une règle : l'appartenance à plusieurs groupes est exclue. En créant des intergroupes, vous créeriez soit une double appartenance, soit un statut différent pour une entité différente, qui ne serait pas un groupe politique mais une espèce de confédération de groupes politiques. D'où mon avis défavorable. Cette disposition n'apporterait que confusion et divergerait largement de la philosophie parlementaire qui est déployée depuis 1910.
Je m'étonne de cette succession d'amendements contradictoires. On nous expliquait tout à l'heure qu'il fallait un seuil minimal de 10 % voire de 5 % pour constituer un groupe, afin d'éviter qu'il n'y en ait trop. On nous dit maintenant qu'il faut autoriser la constitution d'intergroupes réunissant plusieurs petits groupes. Cela me paraît contradictoire, …
… à moins d'admettre qu'il s'agit de permettre aux deux plus grands groupes de notre assemblée, La République en marche et Les Républicains, de bénéficier de plusieurs sous-groupes et de devenir des intergroupes, dont on ne dirait plus qu'ils sont des groupes. Je ne sais pas très bien à quoi cela correspond, mais cela ne me paraît pas de bonne facture…
On nous expliquait en outre, il y a un instant, que les députés de chaque groupe doivent disposer de la liberté de vote. Ce serait heureux ! Je reconnais qu'ils ne l'ont pas, mais cela ne résulte pas d'une disposition réglementaire. Bien souvent, dans tel ou tel groupe – majoritaire ou pas – , on dit qu'il faut absolument voter de façon identique, faute de quoi c'est de la division. En réalité, un groupe comme le nôtre autorise des formulations d'appréciations différentes sur un texte et des votes différents – pour, contre et abstention – , sans que cela l'empêche de partager une même philosophie politique.
Bref, l'objet du règlement n'est pas de réglementer le comportement de chaque député. Si le comportement de tel ou tel ne correspond pas à ce qu'on pourrait attendre de lui, ses espérances politiques à l'égard de son parti en feront les frais, voilà tout.
Enfin, j'entendais tout à l'heure M. Habib dénoncer le fait que l'on soit parfois obligé, dans un groupe de cette assemblée, de ne pas signer un texte que l'on approuve. C'est exactement ce que prévoyait, encore récemment, le règlement du groupe socialiste. Je ne l'ai pas regardé depuis longtemps, mais je me souviens de M. Lurel, ensuite devenu ministre, qui voulait présenter, sur les outre-mer, exactement la même proposition de loi que la mienne. Or on lui a dit : « Il n'en est pas question, tu en déposes une autre et tu la fais signer par tes camarades. » Ce sont de mauvaises pratiques, et les mauvaises pratiques doivent se régler par de la politique, pas par du règlement.
Votre intervention, monsieur le président Lagarde, est agaçante : peut-être n'avez-vous pas suivi l'intégralité des débats, dans cet hémicycle, depuis le début de la soirée ?
Il n'y a pas de contradiction dans ce que nous vous avons proposé. Vous mettez sur le même plan des discussions qui ne sont identiques, qui interviennent à des moments différents, après que certaines propositions nous ont été refusées.
Nous pointons plusieurs choses, depuis le début. D'abord, il existe un problème dans la structuration, l'efficacité et la pertinence de notre travail, qui est lié à la multiplication des groupes et à l'absence de clarification dans leur construction. Ensuite, les réponses de la majorité ne permettront pas d'apporter une solution à ce problème et contribueront même à l'amplifier.
L'amendement de mon collègue Dumont, qui a été clairement défendu, est cynique : il vise à mettre le doigt sur le risque que vous encourez. Vous jouez à un jeu qui risque de ralentir encore plus nos débats parlementaires. Quand le groupe Les Républicains se divisera en cinq groupes, …
… non pas parce que nous aurons du mal à nous mettre d'accord mais parce que cela sera la seule façon pour nous d'obtenir un temps de discussion générale et d'expression représentatif de notre poids politique dans cet hémicycle, cela n'arrangera en rien le fonctionnement de notre assemblée.
Vous tentez en vain de démontrer une forme d'incohérence alors que notre vision du fonctionnement de notre institution tend au contraire à préserver notre bien le plus précieux : la démocratie, fonctionnant selon les règles de la Ve République, auxquelles nous sommes particulièrement attachés.
Permettez-moi, cher collègue, de vous rappeler qu'il n'y a pas d'interventions agaçantes : il n'y a que des interventions de députés.
Sourires.
L'amendement no 561 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 245 .
Je serai brève. Cet amendement, dont la première signataire est Mme Karamanli, concerne l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le Conseil de l'Europe a pris un certain nombre d'initiatives afin d'assurer le suivi de l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme – la CEDH – dans l'ensemble des États membres, en incitant les parlements nationaux à s'approprier le travail mené par cette juridiction. Nous proposons ici qu'il en soit rendu compte, en séance publique, à l'Assemblée nationale.
Je suis très heureux de lire un amendement sur ce sujet car j'ai l'honneur de faire partie de la délégation à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où je siège à la commission des questions juridiques et des droits de l'homme ainsi, précisément, qu'à sa sous-commission sur la mise en oeuvre des arrêts de la CEDH. J'ai donc eu l'occasion de travailler sur le sujet.
Les décisions de la CEDH sont suivies par le Conseil de l'Europe et font l'objet de rapport du ministère de l'Europe et des affaires étrangères français. En revanche, nous autres députés n'avons absolument pas la possibilité de produire nous-mêmes un rapport, et ne pouvons que nous faire l'écho des travaux des autres institutions. Nous avons d'ailleurs travaillé sur ce sujet lors de la dernière session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui doit elle-même progresser sur ce point.
L'avis est donc défavorable, malgré mon attachement pour ce sujet, parce que la solution proposée ne me semble pas opérante.
Cet amendement est le bienvenu car notre assemblée est un peu en arrière de la main sur la question de la situation des droits de l'homme. Dans nombre de démocraties, les parlements disposent de commissions ou de sous-commissions chargées des droits de l'homme, tandis que, chez nous, ce sujet est finalement peu pris en compte.
L'on pourrait ajouter à la proposition de Marietta Karamanli le contrôle parlementaire de ce qu'on appelle l'« examen périodique universel », à savoir l'analyse par l'ONU – l'Organisation des Nations unies – de la situation des droits de l'homme dans tous les pays, y compris en France. On constate, dans le dernier rapport concernant notre pays, que les autres États s'inquiètent, pour ne citer que deux items, « du manque de respect des droits des migrants et demandeurs d'asile et des droits des mineurs non accompagnés » ainsi que « du manque de respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme » – je vous épargne le reste de la liste. Ils formulent également des recommandations : la France y est par exemple invitée à consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide publique au développement – on en est loin !
Il apparaît donc que l'effectivité des droits de l'homme n'est pas une question théorique, même en France ; soyons francs, le Parlement pourrait utilement se saisir de la question.
L'amendement no 245 n'est pas adopté.
Il a pour objet d'inscrire dans notre règlement une bonne pratique de la commission des lois : lorsque l'Assemblée nationale est appelée à rendre un avis sur une nomination envisagée par le Président de la République, le rapporteur devrait être issu d'un groupe autre que le groupe majoritaire et devrait lui adresser un questionnaire.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 830 .
Je défends cet amendement de notre collègue Molac qui vise à renforcer les droits des groupes d'opposition en leur réservant le poste de rapporteur lorsqu'une commission permanente est saisie pour avis préalablement à une nomination en vertu de l'article 29-1 du règlement. Confier le poste de rapporteur à un groupe minoritaire ou d'opposition constituerait un gage de transparence et d'absence de complaisance lors de ces nominations personnelles. Le contrôle parlementaire en sortirait renforcé, ce qui serait une bonne chose en ces temps d'antiparlementarisme galopant.
Nous sommes tous convaincus de l'intérêt d'une audition préalable, par les commissions permanentes, des personnalités proposées à nomination. Le présent amendement propose d'améliorer ce dispositif en prévoyant l'envoi d'un questionnaire préalable permettant d'éclairer le choix et le vote des commissaires, comme le fait déjà une commission.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 831 .
Cet autre amendement de Paul Molac vise à mieux préparer et à rendre plus transparente la procédure d'audition par une commission permanente d'une personnalité dont la nomination est envisagée par le président de la République. Il vise à insérer deux phrases afin d'étendre la pratique ayant cours en commission des lois : sa présidente adresse un questionnaire à la personnalité concernée, dont les réponses sont transmises aux membres de la commission avant l'audition. Ce mécanisme permet aux députés des différents groupes de préparer les auditions et d'effectuer un véritable travail de fond. Ce temps d'analyse préalable s'abstrait de l'immédiateté, qui ne permet pas toujours de prendre le recul nécessaire à une bonne prise de décision.
Je suis un peu partagé sur ces amendements, pour une raison simple. Nous voulons promouvoir, dans le règlement, le principe d'une profonde liberté dans le fonctionnement des commissions ; nous ne voulons pas qu'il s'immisce dans leur fonctionnement, sauf en ce qui concerne leur gouvernance, leurs bureaux devant à la fois refléter la pluralité politique, avec une représentation de la totalité des groupes politiques, et s'efforcer de respecter la parité. Nous avons choisi, dans ce texte, de ne réglementer l'infra-commission en aucun cas, pour deux raisons : d'abord, comme cela a été dit, parce que c'est la pratique actuelle ; ensuite pour ne pas déroger au principe. Cela dit, sur le fond, nous avons beaucoup de sympathie pour l'idée déjà mise en place par la commission des lois, dont c'est l'usage.
J'émets donc un avis de sagesse. S'il s'agit de conserver la cohérence du règlement, je serais plutôt tenté de dire non, pour ne pas nous immiscer dans le fonctionnement des commissions. En revanche, sur le fond, la mesure proposée n'est pas choquante et correspond à une pratique de longue date.
Pour avoir participé aux discussions de 2008, je souhaite souligner que le fond du problème est de ne pas imposer l'obtention d'une majorité qualifiée pour une nomination. Cela signifierait en effet l'application du fait majoritaire : pour peu qu'il y ait discipline de vote, comme cela arrive dans 99,99 % des cas, la procédure que nous avons souhaitée pour améliorer le contrôle de l'exécutif ne serait pas opérante.
Néanmoins, pour revenir aux amendements présentés, notamment le no 82, il nous paraîtrait sain d'institutionnaliser une pratique en la rendant réglementaire. En 2008, je le rappelle, nous avions eu le même débat à propos de la présidence de la commission des finances : son attribution à l'opposition devait-elle être de droit et inscrite dans le règlement, ou continuer à relever de la pratique ? D'une majorité à l'autre, d'un coup de sang à l'autre, d'un énervement à l'autre, la pratique peut changer. En l'occurrence, il s'agit des nominations proposées par l'exécutif – et pas de n'importe qui dans l'exécutif, puisqu'il s'agit du Président de la République – puis soumises à notre avis. La majorité ferait un geste démocratique fort en acceptant, pour éviter les nominations relevant du copinage – on en a connu par le passé – , que le rapporteur de la commission saisie appartienne systématiquement à un autre groupe que celui de la majorité.
Cela me paraît relever du bon sens, et je veux remercier le rapporteur de faire appel à la sagesse de l'Assemblée. Je me permets, en concluant, de le faire moi aussi. On peut toujours affirmer que cela se fera toujours ainsi, mais la commission des lois, demain – dans sa configuration ou dans une autre, puisque les choses ne sont pas éternelles – , pourrait changer d'avis demain. Je préfère que les droits soient garantis dans le règlement plutôt que par une pratique qui reste aléatoire.
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
C'est effectivement la pratique retenue par la commission des lois depuis le début de la législature : nous nommons un rapporteur d'opposition pour rédiger un questionnaire, les questions étant différentes selon la personnalité proposée à la nomination, pour des fonctions nécessairement différentes selon l'autorité en cause – autorité administrative indépendante, Conseil constitutionnel, etc. – ; il envoie son questionnaire et, une fois qu'il a reçu les réponses, il les transmet à l'ensemble des membres de la commission. C'est une pratique très éclairante pour préparer l'audition de la personnalité dont la nomination est envisagée.
Je pense toutefois que, pour le responsabiliser, c'est vraiment au rapporteur de rédiger le questionnaire et non pas au président de la commission, comme le prévoit l'un des amendements.
J'ai en outre la conviction qu'il faut laisser à chaque commission la liberté de s'organiser et d'adopter ce genre de pratique ou pas. Je suis comme le rapporteur : loin de me déjuger et de considérer que ma pratique n'est pas la bonne, je ne veux toutefois pas l'imposer à l'ensemble des commissions.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
Je vous propose la solution suivante, monsieur Zumkeller : de votre amendement no 82 , nous retiendrions la mesure essentielle, à savoir le fait que la commission « nomme » et non pas « peut nommer » un rapporteur de l'opposition ; en revanche, par respect du principe selon lequel on ne s'immisce pas dans le détail du fonctionnement de la commission, nous supprimerions le troisième alinéa de l'amendement.
Si vous acceptiez cette modification, je donnerais un avis favorable sur cet amendement, en demandant aux auteurs des autres amendements en discussion de les retirer, faute de quoi j'émettrais un avis défavorable.
L'amendement no 82 , tel qu'il vient d'être rectifié, est donc ainsi rédigé : « À la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 29-1 du règlement, les mots : "peut nommer" sont remplacés par le mot : "nomme". »
La parole est à M. Michel Zumkeller.
Nous acceptons bien entendu cette modification, l'essentiel étant d'inscrire le mot « nomme » dans le règlement.
Puisque notre amendement n'évoquait pas la non-appartenance du rapporteur au groupe majoritaire et ne prévoyait que la transmission du questionnaire par le président de la commission et non par le rapporteur, l'amendement no 82 , tel qu'il vient d'être rectifié, nous semble aller dans un sens meilleur. Je retire donc notre amendement.
L'amendement no 302 est retiré.
La proposition du rapporteur ne tranche pas le débat puisqu'elle laisse la possibilité de nommer un député membre d'un groupe minoritaire, donc de la majorité, plutôt que de l'opposition, cette dernière option étant la seule logique, à en croire la présidente de la commission des lois. On maintient ainsi la confusion, dans le règlement, entre groupes d'opposition et groupes minoritaire. Levons-la, comme nous y invite l'amendement no 831 de M. Molac.
J'allais pour ma part vous proposer une solution susceptible de mettre tout le monde d'accord : adopter l'amendement no 630 de Mme Lorho, dont je suis cosignataire.
L'amendement no 82 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 630 .
Dans la continuité de la discussion précédente, je propose de remplacer les mots « appartenant à un groupe d'opposition ou à un groupe minoritaire » par les mots « n'appartenant pas au groupe majoritaire ». Cela présenterait l'avantage non seulement d'évacuer le problème des groupes d'opposition mais aussi de permettre aux députés non inscrits de participer au processus en étant nommés rapporteurs sur les propositions de nomination par le Président de la République.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'avis est défavorable, pour les raisons que j'ai déjà évoquées.
Juste un petit décryptage : « n'appartenant pas au groupe majoritaire », c'est exactement la même chose qu'« appartenant à un groupe d'opposition ou à un groupe minoritaire », si ce n'est qu'on permettrait aux députés non inscrits d'être nommés rapporteurs ; or la probabilité de l'être alors qu'ils ne sont pas représentés dans une commission me semble assez faible. L'amendement est donc inopportun.
L'amendement no 630 n'est pas adopté.
L'article 3 tend à assurer la représentation des députés non inscrits au sein des commissions spéciales.
En 2009, on a fixé l'effectif total d'une commission spéciale à soixante-dix membres et le nombre maximal de ses membres appartenant à une même commission permanente à trente-quatre. Par ailleurs, les commissions spéciales peuvent s'adjoindre au plus deux membres choisis parmi les députés non inscrits.
Par le biais de cet article, il est proposé de transformer cette faculté en obligation. Ce changement est louable puisque la pratique nous a montré que la participation de deux députés non inscrits à une commission spéciale n'a pas été systématiquement assurée, surtout sous les précédentes législatures. Ainsi, parmi les six commissions spéciales qui ont été créées sous la XlVe législature, une seule comptait deux députés non inscrits, tandis que deux n'en comprenaient qu'un et que trois n'en comportaient aucun. Depuis le début de la XVe législature, les trois commissions spéciales créées comprenaient chacune un député non inscrit. Prévoir cette obligation va dans le bon sens.
J'interviendrai bien entendu au titre des non inscrits puisque c'est une discipline que je connais bien maintenant…
Je me demandais si, par hasard, ce règlement allait nous sortir un petit peu de l'obscure lumière silencieuse dans laquelle nous avons choisi de nous placer. J'ai gardé en mémoire quelques lueurs d'histoire : du temps de la Constituante, dont l'oeuvre a été retouchée par les cinq Républiques – mais pas tellement, en réalité – , que le député est élu au suffrage universel par le peuple souverain, au-delà de ses différences, qu'il est le représentant du peuple, qu'il incarne une parcelle de la nation ; quelques alinéas plus loin, il est même indiqué que celui qui essaie de tordre de force la volonté d'un député peut encourir des peines très lourdes.
Lorsque je suis arrivé ici, il y a déjà longtemps, j'ai été surpris parce que je m'étais fait une autre idée du député. Je pensais, comme l'ont écrit nos glorieux aînés, qu'on pouvait changer les choses par le verbe et la plume, mais je me suis rendu compte qu'on ne changeait évidemment pas grand-chose.
Moi qui n'ai jamais fait l'objet d'aucune nomination particulière – dont je n'ai d'ailleurs pas besoin – , je demande simplement si, avec mes collègues non inscrits, je pourrais avoir à peine un petit peu plus de place dans nos débats, comme un député tel que l'imagine la plupart de nos concitoyens.
Lorsque j'entends nos collègues non inscrits s'exprimer, je songe souvent à ce mot de Bonaparte : « Les aigles vont seuls et les dindons ensemble ». Rassurez-vous ainsi !
Rires.
Sourires.
Sourires.
Je voulais uniquement complaire à M. Lassalle en lui soufflant cette citation pour qu'il en fasse le meilleur usage !
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 224 .
L'amendement no 224 est retiré.
L'article 3 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 3.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard – qui peut prendre aussi pour elle les propos que j'ai adressés à M. Lassalle – , afin de soutenir l'amendement no 637 .
Je suis rassurée, monsieur le président, et je vous remercie : je pensais que vous ne me comptiez pas parmi les aigles et j'en étais vexée.
Pour vous complaire, cet amendement, qui vise simplement à assurer la bonne information des députés non inscrits afin qu'ils puissent, comme tous les autres, exercer leur mission le mieux possible, est défendu.
Je rassurerai M. Lassalle en récapitulant d'une traite les avancées majeures de ce texte concernant les députés non inscrits. Il les aura ainsi bien à l'esprit.
Aujourd'hui, les non inscrits peuvent participer aux trois types de commissions, mais ce n'est pas un droit ; désormais, tel sera le cas.
Aujourd'hui, c'est la majorité qui choisit qui représente les non inscrits ; désormais, le principe du tourniquet s'appliquera, ce qui constituera un progrès essentiel.
Aujourd'hui, enfin, aucune prise de parole ne leur est possible lors des débats organisés sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution ou sur les motions de censure ; désormais, cela leur sera garanti. Ces nouveaux droits, gravés dans le règlement, sont autant d'avancées pour les non inscrits.
Sur l'amendement, j'émets un avis défavorable. Nous en restons aux acquis de la proposition de résolution, sans aller plus loin.
M. le rapporteur juge acquis le principe du tourniquet, mais je souhaite apporter une précision, la majorité des députés ne le connaissant sûrement pas. Très récent – il date de moins d'un an – , il a été instauré sans aucune concertation avec les députés non inscrits : il nous a été imposé sans que nous ayons jamais été associés à sa définition ; ce n'était pas la règle, et ça l'est devenu.
Vous nous feriez un grand plaisir en considérant les quatorze députés non inscrits comme suffisamment adultes et responsables pour définir entre eux leurs propres règles de fonctionnement, sans qu'elles leur soient imposées par quelque instance que ce soit.
Je ne sais d'ailleurs pas laquelle a décidé un jour d'instaurer la règle du tourniquet. Est-ce le service de la séance, le Bureau, la Conférence des présidents ?
L'amendement no 637 n'est pas adopté.
Le corapporteur d'application – nous demanderons d'ailleurs une évolution de son statut dans les articles à venir – appartient à l'opposition et est nommé au même moment que le rapporteur de la commission. Or les commissions spéciales, qui réunissent des membres de plusieurs commissions permanentes, ne disposent pas de cette fonction. Elles traitent pourtant souvent de textes variés et complexes, et aboutissent à des textes législatifs conséquents dont l'application nécessite un suivi.
Par cet amendement, nous souhaitons créer un parallèle avec les commissions permanentes, en prévoyant qu'un corapporteur d'application, appartenant à l'opposition, soit également désigné dans les commissions spéciales.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 384 .
Mon intervention sera dans la même veine.
La possibilité de désigner un corapporteur d'application disposant de pouvoirs d'investigation non négligeables et qui, en fonction du travail, sous certaines conditions – même si c'est un peu compliqué – , peut s'appuyer sur les administrateurs des commissions, constitue une avancée de ces dernières années en matière de reconnaissance des droits de l'opposition.
Curieusement, en l'état, il n'est toutefois pas possible d'en désigner un dans les commissions spéciales. Or, comme l'a dit Cécile Untermaier, des textes relèvent de ces commissions ad hoc alors qu'ils nécessitent une vision plus large sur certains points et qu'ils pourraient être étudiés par une commission permanente. Par parallélisme, il nous semble donc important de pouvoir désigner un corapporteur d'application dans les commissions spéciales. L'opposition y gagnerait et, au-delà, la qualité d'application des textes ; en effet, généralement, faut-il le rappeler, les relations de travail entre rapporteur et corapporteur d'application sont courtoises, et intéressantes, et elles s'exercent au profit des textes.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 714 .
Comme cela a été dit, il s'agit de doter les commissions spéciales d'un corapporteur d'application, pour améliorer leurs travaux.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Je connais votre attachement à la fonction de corapporteur d'application, madame Untermaier.
Il s'agit d'une question importante. Depuis 2014, il est possible de nommer un corapporteur issu de l'opposition. Dans la proposition de résolution, nous proposons de systématiser cette disposition.
Il n'en reste pas moins que ces amendements pointent, en quelque sorte, un angle mort, …
… puisque les commissions spéciales n'ont pas de corapporteur d'application.
La commission des lois a plutôt statué négativement à ce sujet.
Je défendrai cependant, après l'article 36, un amendement un peu différent mais résolvant le problème, que voici : « Lorsqu'une loi a été examinée par une commission spéciale, le rapport d'application ou d'évaluation mentionné aux alinéas 1 et 3 [de l'article 1455-7] est présenté aux commissions permanentes compétentes par deux de leurs membres, dont l'un appartient à un groupe d'opposition. » Nous systématiserons ainsi la fonction.
Sur le fond, à titre personnel, je considère que le sujet est important et je suis plutôt favorable à ces amendements, mais il me semble préférable d'adopter, au moment opportun, celui dont je viens de vous donner lecture. Je vous propose par conséquent de les retirer à son profit.
Je remercie M. le rapporteur pour ses explications.
Je n'oublierai jamais une expérience intéressante, lors du précédent quinquennat : la mission de suivi consécutive aux travaux de la commission spéciale sur la fameuse loi Macron ; elle fut mise en place sans que nous sachions exactement sur quelle disposition du règlement nous nous fondions. Il me semble donc utile de systématiser ce dispositif, pour suivre l'application de textes complexes et souvent importants.
Mme Nicole Trisse applaudit.
L'amendement no 252 est retiré.
Le rapporteur reconnaît l'existence d'un angle mort, ce qui témoigne de notre accord de fond. Compte tenu de l'engagement qu'il vient de prendre et en communion avec Cécile Untermaier, je n'éprouve aucune difficulté à retirer mon amendement. Peu importe l'article auquel cette disposition sera inscrite ; l'essentiel est d'être cohérent et que cet angle mort disparaisse.
L'amendement no 384 est retiré.
L'amendement no 714 est retiré.
Je serai très bref. La proposition de résolution comporte un dispositif de revivification du droit des pétitions, avec deux seuils : 100 000 signataires pour un examen en commission ; 500 000 pour un examen en séance publique. Cet article concerne l'attribution directe des pétitions à la commission concernée dès le premier seuil, ce qui met fin au monopole de filtrage dont la commission des lois disposait jusqu'à présent. Cela étant, depuis le début de la législature, nous avons pris l'habitude d'un renvoi systématique aux commissions concernées dès que la pétition semblait présenter un intérêt suffisant. Il s'agit donc de tirer les conséquences réglementaires d'une pratique établie, et j'ai le sentiment que cela va dans le bon sens.
L'article 4 est adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 833 .
La commission des affaires étrangères et la commission de la défense nationale et des forces armées sont souvent amenées à examiner des textes portant sur des problématiques proches voire identiques. C'est pourquoi, au Sénat, une seule commission regroupe les thématiques de ces deux commissions.
Nous avons proposé que les traités de défense soient examinés par la commission de la défense et non par celle des affaires étrangères, mais la solution la plus pertinente consisterait à fusionner les deux.
Nous regrettons, du reste, qu'une réflexion sur la réorganisation des commissions n'ait pas été entreprise dans le cadre de ce texte car leur travail est un élément structurant de l'activité parlementaire.
Ceux-ci et les suivants concernent un même thème : l'évolution du périmètre ou des modalités de travail des commissions permanentes. Or cela ne fait pas partie du champ de la proposition de résolution ; en la matière, nous n'avons donc pas mené de grandes concertations et de grands travaux avec les présidents de commissions.
Le président Ferrand, compte tenu de cette série d'amendements, a décidé de mettre sur pied des groupes de travail, mais en vue de la prochaine législature, pour nos successeurs, afin de donner le temps à la concertation et d'examiner, le cas échéant, les équilibres à modifier.
C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. Ce faisant, je ne me prononce pas sur le fond, mais je me verrais mal argumenter sur telle ou telle limite de périmètre avant que cet exercice de concertation ait eu lieu. C'est la position que nous avons arrêtée en commission, et je la renouvelle en séance publique.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je retire mon amendement.
Je note avec intérêt que le réexamen du périmètre des commissions n'est pas à l'ordre du jour. D'où probablement – mais je ne voudrais pas me laisser aller à une interprétation trop personnelle – le fait qu'il ne soit pas non plus envisagé d'augmenter le nombre de commissions permanentes, sujet qui relève de la Constitution et sur lequel je vous sens très prudent, monsieur le rapporteur. Cela dit, si je comprends bien, c'est non pour le moment, mais il n'est pas exclu que le sujet entre par une autre porte d'ici à quelques mois ?… Votre regard me le confirme, monsieur le rapporteur !
Il s'agit de regrouper, comme l'a fait le Sénat avec beaucoup de succès depuis maintenant plusieurs années, la commission des affaires étrangères et la commission de la défense, les deux ayant bien souvent partie liée. Je peux ainsi témoigner, pour représenter notre assemblée à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN – l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord – , qu'y siègent des membres des deux commissions ; si nos collègues du Sénat sont coordonnés, ce n'est pas notre cas, ce qui ne me paraît pas une bonne pratique, a fortiori s'agissant de ce qu'on appelle le « domaine réservé » du chef de l'État, dans lequel le rôle des commissions législatives est un peu limité.
Il s'agit surtout de proposer que la commission des affaires européennes devienne une commission permanente, ce qui induit, dans notre esprit, que tout projet de transposition passerait par elle. En effet, une partie de la surtransposition des directives européennes, véritable maladie spécifiquement française, s'explique par le manque de coordination entre les travaux du Parlement européen, ceux de la commission des affaires européennes et ceux des commissions saisies au fond.
Plus globalement, étant entendu que le vote de notre groupe sur la proposition de résolution tendant à modifier le règlement dépendra des orientations ou des engagements pris s'agissant d'une future révision constitutionnelle, nous estimons nécessaire, d'une part, de retravailler le périmètre et le nombre des commissions, et, d'autre part, d'autoriser le travail en sous-commission, ce qui favoriserait la qualité législative, et garantirait l'expression de la diversité et d'une forme de contre-pouvoir.
Cela étant, au risque de trahir votre pensée, monsieur le rapporteur, j'imagine bien que renvoyer cette réforme à la prochaine législature est une manière d'éviter de froisser certaines susceptibilités en ne remettant en cause aucun périmètre de pouvoir. Notre organisation n'en reste pas moins obsolète et appelle des améliorations – je peux le dire car c'est ma quatrième législature – , bien que nous ayons progressé en passant de six à huit commissions.
Nous proposons la transformation de la commission des affaires européennes en commission permanente, ce qui permettrait à ses membres d'être plus disponibles pour se pencher sur des questions qui nécessitent un investissement important. Le nombre des commissions permanentes étant limité à huit, nous proposons de fusionner la commission des affaires étrangères et la commission de la défense, dont les champs d'intervention sont relativement proches.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 247 .
Nous considérons, nous aussi, que la commission des affaires européennes doit devenir une commission permanente. Nous espérons du reste que, dans le cadre de la future révision constitutionnelle, nous aurons le loisir d'augmenter le nombre des commissions.
J'ai déjà exprimé ma position : avis défavorable, au motif que je propose de ne pas toucher au périmètre des commissions.
Je ne suis pas d'accord avec ces amendements car le nombre de commissions est trop faible. Il faudrait les fractionner pour qu'elles puissent se spécialiser et nous permettre de faire réellement notre travail de contrôle, d'évaluation et, le cas échéant, d'enquête. La commission des affaires étrangères, par exemple, est compétente dans toutes ces matières : « Politique étrangère et européenne ; traités et accords internationaux ; organisations internationales ; coopération et développement ; francophonie ; relations culturelles internationales ». Quant à la commission de la défense nationale et des forces armées, elle couvre tout ce champ : « Organisation générale de la défense ; liens entre l'armée et la Nation ; politique de coopération et d'assistance dans le domaine militaire ; questions stratégiques ; industries de défense ; personnels civils et militaires des armées ; gendarmerie ; justice militaire ; anciens combattants ». Excusez du peu ! Je considère donc que nous devons prendre modèle sur le Bundestag, qui dispose de seize commissions permanentes, et que nous éclations les compétences des commissions ; c'est en effet en nous spécialisant que nous ferons un travail parlementaire de qualité.
Je voudrais répondre à nos collègues qui s'étonnent ou regrettent qu'il n'y ait pas suffisamment de commissions. Douze, ce ne sera déjà pas simple à gérer pour les petits groupes, et d'autant moins si la réforme constitutionnelle diminue de 30 % le nombre de parlementaires, ce qui, par homothétie, conduirait à ramener à dix l'effectif minimal par groupe. Comment un petit groupe de dix ou onze députés parviendra-t-il à être représenté dans douze ou treize commissions ? En regard, n'oubliez pas, cher collègue, que le Bundestag, c'est 750 députés, c'est-à-dire plus que 577 et même le double de ce qui nous attend peut-être – nous verrons, nous n'en sommes pas là…
Votre proposition est donc bien gentille, mon cher collègue El Guerrab, mais la réalité est parfois têtue.
Il s'agit d'un amendement proposé par nos collègues calédoniens, Philippe Dunoyer et Philippe Gomès, qui vise à la création d'une commission permanente des outre-mer.
Nous avons entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, mais il s'agit d'un sujet très important. En effet, même si la délégation aux outre-mer fait bien son travail, elle ne dispose pas nécessairement des prérogatives nécessaires. Il est très souvent essentiel que nos collègues d'outre-mer soient présents et interviennent quand on examine certains textes, notamment en commission des lois. Une commission permanente permettrait de traiter plus en profondeur les sujets ultramarins, tout en valorisant ces territoires et leurs représentants.
Afin de ne pas créer de commission supplémentaire, nous proposons également de fusionner la commission de la défense et la commission des affaires étrangères.
Il est très proche de celui de M. Dunoyer.
Si une commission permanente doit être dédiée aux outre-mer au terme de la démarche qu'a proposée le président de l'Assemblée, c'est d'abord que la France, avec ses 2,5 millions d'habitants répartis sur l'ensemble des continents, est le seul pays où le soleil ne se couche jamais, et que cette diversité doit pouvoir s'exprimer d'une autre manière. C'est en tout cas ce que je ressens après être arrivé ce matin de Fort-de-France et avoir dû siéger huit heures dans cet hémicycle, en écoutant et en participant, sans avoir dormi, pour présenter le présent amendement.
Tous nos collègues ici présents et d'autres sont sensibilisés, je le sais, aux réalités ultramarines, mais ils admettent que ce sont des questions complexes qui ne sont pas toujours correctement prises en compte dans nos discussions – je l'ai encore constaté lors des débats sur la loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale. Je le dis dans un esprit fraternel : nous avons le sentiment d'être tenus à l'écart. Ce n'est pas par racisme ou mépris ; c'est la conséquence structurelle de l'organisation de nos débats, qui fait que notre sort finit souvent par se régler à la marge, par une petite ordonnance, une sorte d'ensoleillement sur la Nouvelle-Calédonie ou la Guadeloupe, après une négociation parfois mortifère et nauséabonde avec un ministère pour tenter d'obtenir quelque chose, sans réflexion globale, sans vision d'ensemble, donc sans aucun sens.
Je vous propose une mesure de reconnaissance, à déterminer ensemble. Peut-être une commission permanente permettrait-elle d'appréhender de manière globale les enjeux liés aux pays d'outre-mer, ce qui leur permettrait de mieux exploiter leur diversité et leur potentiel, afin de contribuer à la richesse nationale et mondiale.
Sur le fond, ma réponse sera la même : je propose de ne pas revoir le périmètre des commissions.
Je tenais néanmoins à vous remercier d'avoir porté la parole des outre-mer ce soir en défendant ces amendements. Vous l'avez dit, nous sommes attachés aux enjeux de l'outre-mer mais pas forcément conscients des difficultés – M. Letchimy vient de les illustrer magnifiquement – qu'un député d'outre-mer peut rencontrer pour participer à nos travaux.
C'est donc un peu à contrecoeur que je donne un avis défavorable sur ces amendements, non sans vous avoir redit que nous sommes attachés aux outre-mer et que, de manière très concrète, très pragmatique, il y a sûrement des choses à revoir dans notre manière de travailler.
Monsieur le rapporteur, je comprends votre position, que vous avez justifiée tout à l'heure en expliquant que le président de l'Assemblée a proposé d'entamer un travail de réflexion sur le périmètre des commissions permanentes. Je demande non pas que l'on apporte une réponse durant cette législature ou que l'on formule des injonctions pour l'avenir, mais simplement que le dossier de l'outre-mer ne soit pas oublié.
Je ne voudrais pas risquer un rappel au règlement de la part de M. Schellenberger en répondant directement à M. Letchimy…
Sourires.
Étant en très étroite communion de pensée avec l'auteur du texte évoqué,
Sourires
je ne pense pas prendre trop de risques en affirmant que, lorsque nous nous réfléchirons à la question du périmètre des commissions, nous porterons évidemment un regard particulier sur les outre-mer. Je lui en parlerai – il n'est guère éloigné d'ici – et je suis sûr qu'il sera de mon avis…
L'amendement no 731 est retiré.
Ces amendements nous rappellent que la représentation nationale, qui représente l'ensemble du territoire national, y compris les départements, régions et territoires d'outre-mer, doit mener une réflexion à leur sujet. Il convient de travailler à la question. Leur consacrer une commission permanente peut être une manière d'améliorer les choses, mais c'est aussi prendre le risque de les « cornériser » en renvoyant tous les sujets les concernant à cette commission, alors qu'il s'agit souvent de sujets transversaux qui concernent la nation tout entière. Certains sujets spécifiques à l'outre-mer, comme celui de l'immigration à Mayotte, dont nous avons récemment débattu en commission des lois, éclairent le législateur et lui permettent d'anticiper de prochaines évolutions pour le reste du territoire, qu'il s'agisse d'autres départements ou territoires d'outre-mer ou de la métropole. S'il est vrai que le législateur doit sans doute prêter plus d'attention à la réalité des outre-mer, je ne suis par conséquent pas certain qu'il faille pour autant leur dédier une commission permanente car ce serait priver le législateur d'un débat régulier à ce sujet.
En tout cas, chacun aura compris que la situation de nos compatriotes d'outre-mer est un enjeu réel et sérieux à mieux prendre en considération.
L'amendement no 85 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 32 .
Contrairement aux précédents amendements portant article additionnel après l'article 4, celui-ci ne vise pas à redéfinir des périmètres de commission mais à revoir notre conception du droit commercial. Celui-ci relève actuellement de la compétence de la commission des lois. On peut comprendre que la sécurité juridique des transactions commerciales fut un élément essentiel de la construction de l'État mais la nature des relations économiques et des engagements juridiques a évolué, la société a changé, à tel point que le droit commercial concerne dorénavant davantage les travaux de la commission des affaires économiques que ceux, relatifs à l'État régalien, au démembrement de l'État ou à la Constitution, de la commission des lois. La question dépasse celle du périmètre d'une commission puisqu'elle renvoie à la conception de la place du droit dans certains pans de notre société. Afin de soutenir le développement économique, cet amendement tend par conséquent à faire glisser le droit commercial du champ de compétence de la commission des lois vers celui de la commission des affaires économiques.
C'est le même : défavorable, toujours pour une raison de forme et non de fond, puisqu'il tend à modifier le périmètre des compétences des commissions.
L'amendement no 32 n'est pas adopté.
L'amendement no 832 , auquel j'ai fait allusion il y a un instant, tend à ce que les traités relatifs à la coopération en matière de défense soient examinés au fond par la commission de la défense nationale et des forces armées, ce qui ne ferait que renforcer la légitimité de cette dernière. La réorientation de l'examen des traités de défense vers la commission de la défense nous paraît logique et pertinente en raison de la compétence développée par ses membres dans ce champ spécifique. L'expertise de la commission des affaires étrangères est peut-être moins affinée en la matière. Je regrette par exemple que l'examen de l'accord entre la France et la Belgique relatif à la coopération dans le domaine de la mobilité terrestre, dont l'approbation a été adoptée en séance publique la semaine dernière, n'ait pas été examiné par la commission de la défense. Quant à la commission des affaires étrangères, elle ne serait pas totalement dépourvue puisqu'elle pourrait continuer à se saisir pour avis de ces traités.
Par l'amendement no 834 , nous souhaitons que chaque groupe politique remplisse pleinement et efficacement sa mission en commission, en pouvant y assurer la continuité de son travail législatif. Il nous semble par conséquent nécessaire, en plus des députés titulaires de chaque commission permanente, d'y nommer un député suppléant par groupe politique. En effet, en l'absence des députés titulaires, qui peuvent être ponctuellement conduits à défendre un texte dans une autre commission ou qui peuvent être absents pour des raisons liées à l'exercice de leur mandat, il serait important de permettre au groupe politique d'être, malgré tout, représenté lors de l'examen d'un texte en commission. La présence d'un député suppléant, qui disposera des mêmes droits que le député titulaire quand aucun député titulaire ne pourra être présent en commission, permettra l'expression du pluralisme, principe garanti par notre Constitution.
Mon groupe soutiendra l'amendement no 832 de notre collègue Favennec Becot. Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé votre souhait, qui est aussi celui du président, de ne pas modifier ce qui relève du domaine constitutionnel. À présent, vous refusez de revoir le périmètre ou le nombre des commissions. Or, en l'espèce, la commission des affaires étrangères ne réalise pas un travail efficace lorsqu'elle se prononce sur des accords de défense ; si j'osais, j'irais jusqu'à dire qu'elle se couvre de ridicule. La spécificité des sujets est telle qu'ils échappent à la commission des affaires étrangères.
Nous avions là l'occasion de corriger cette erreur. J'espère que nous saurons la saisir à nouveau lors d'une éventuelle révision constitutionnelle. Pour siéger à présent à la commission de la défense, je réalise que certains sujets, du fait de leur spécificité ou de leur technicité, n'entrent pas dans le champ de compétence de la commission des affaires étrangères.
Les règles relatives à la composition des bureaux des commissions permanentes ne sont pas satisfaisantes car elles ne permettent pas d'assurer la représentation systématique de tous les groupes politiques, en particulier lorsqu'ils sont nombreux. Ainsi, sous cette législature, huit groupes siègent dans notre hémicycle, ce qui représente un record depuis 1958 ; il conviendrait d'en tenir compte.
Cette réforme était donc nécessaire. Désormais, les groupes qui ne disposent pas de représentant au bureau d'une commission permanente pourront désigner l'un de leurs membres appartenant à cette commission pour participer aux réunions du bureau, sans droit de vote. Cette mesure concerne d'abord les groupes minoritaires et de l'opposition : même lorsque leurs effectifs sont réduits, ils seront représentés au bureau des commissions, ce qui leur permettra de rester informés. Cette mesure est positive en ce qu'elle permet aux formations minoritaires et de l'opposition de participer de manière constructive aux travaux parlementaires.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 659 .
Nous proposons, par cet amendement, que, quand aucun d'entre eux ne fait partie du bureau d'une commission permanente, les députés non inscrits puissent désigner un de leurs membres appartenant à cette commission pour participer, sans droit de vote, à ses réunions. Je me permets d'insister sur la formulation que nous avons retenue : ce seront les députés non inscrits qui pourront désigner l'un des leurs. Il est en effet important, je le répète, qu'ils puissent s'organiser librement ; il convient de ne pas ajouter aux inconvénients de n'appartenir à aucun groupe, celui de se voir systématiquement imposer des règles de fonctionnement par les instances de l'Assemblée nationale, sans être consulté.
Monsieur le rapporteur, si je comprends bien la rédaction de l'article, vous proposez que les groupes qui ne disposent pas d'un représentant au bureau d'une commission puissent désigner un membre de leur groupe pour y siéger sans voix délibérative. Nous en revenons au débat entre administration politique et administration institutionnelle. Ne serait-il pas plus simple d'inscrire que chaque groupe dispose d'un représentant sans droit de vote ? Chaque groupe disposerait alors d'un représentant au bureau et, à côté, le bureau organiserait l'administration de la commission. La rédaction actuelle crée une distorsion entre, d'un côté, les groupes qui disposent d'un vice-président ou d'un secrétaire pour assurer le fonctionnement de la commission, et, de l'autre, ceux qui ne disposent que d'un représentant au bureau de la commission, sans droit de vote, chargé d'assurer une représentation politique et non plus institutionnelle.
Je m'en veux de ne pas avoir remarqué plus tôt cette maladresse, car j'aurais pu alors déposer un amendement.
Deux sujets bien distincts ont été évoqués par les deux intervenants.
Monsieur Schellenberger, actuellement, tous les groupes n'ont pas accès au bureau des commissions. Nous avons choisi de ne pas révolutionner la gouvernance des commissions mais de systématiser l'accès des groupes qui n'y étaient pas représentés, sans leur donner voix délibérative. Cette solution est plus pragmatique : sans procéder à un big-bang de la gouvernance des commissions – nous conservons les équilibres et les représentations politiques – , nous permettons aux petits groupes de participer au bureau des commissions, alors qu'ils en étaient jusqu'à présent exclus. Remarquons que cette pratique est déjà en vigueur dans plusieurs commissions.
Madame Ménard, nous avons refusé la représentation des non inscrits par un délégué et l'existence d'un quasi-groupe des non inscrits. Par cohérence, nous refusons le présent amendement, même si nous reconnaissons votre engagement.
L'amendement no 659 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 510 rectifié .
La répartition des présidences des commissions à la proportionnelle des groupes se fait depuis longtemps au sein de la Diète fédérale d'Allemagne. Il s'agit là d'« une courtoisie qui ne coûte pas cher », pour reprendre les mots de Joseph Barthélemy, mais dont le mérite serait d'accorder quelque visibilité au pluralisme interne du Parlement. Ainsi, l'Assemblée nationale poursuivrait le mouvement engagé en 2007 avec l'attribution de la présidence de la commission des finances à l'opposition parlementaire. À moyen terme, une telle innovation serait facilitée par une légère augmentation du nombre de commissions, dont le nombre est strictement contingenté depuis 1958.
Les présidents de commission sont élus à la majorité. Nous pourrions réfléchir à bouleverser l'organisation, comme vous le proposez, mais pas au détour d'un amendement d'ajustement. L'avis est défavorable.
L'amendement no 510 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour soutenir l'amendement no 801 .
Il tend à prévoir, pour le bureau des commissions permanentes, la même règle de parité entre les femmes et les hommes que celle qui prévaut pour le Bureau de l'Assemblée nationale. La volonté existe certes, mais nous aurons encore plus de chances de réussir si nous écrivons cette règle. Nous pouvons regretter qu'il soit difficile d'appliquer la parité à l'Assemblée, en particulier pour l'exercice des plus hautes fonctions, celles de président et de président de groupe.
On le constate aussi à d'autres niveaux, par exemple celui des présidences des intercommunalités – mais je ne développe pas davantage. Bref, il y a encore, on le voit bien, beaucoup de chemin à parcourir ; je vous invite à commencer par les bureaux des commissions.
Il existait en effet une certaine asymétrie : tandis qu'il était écrit que le Bureau de l'Assemblée est constitué en « s'efforçant » d'atteindre la parité, aucune règle ne s'appliquait aux bureaux des commissions. Si aucun de nous ne se satisfait de l'impossibilité de garantir la parité, il convient au moins de demander que le bureau de chaque commission « s'efforce » de la respecter. L'avis est donc très favorable.
L'amendement no 801 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 513 .
En 2007, le Président de la République avait souhaité que la majorité permette à l'opposition de présider la commission des finances, comme c'est le cas, au Bundestag, de très longue date. En 2009, on a cristallisé cet usage dans le règlement de l'Assemblée nationale afin de faire suite à la révision constitutionnelle de 2008.
Le budget de la sécurité sociale excédant celui de l'État, il serait opportun que la présidence de la commission des affaires sociales soit, de même, attribuée à l'opposition ; en l'espèce, le « parallélisme des formes », pour reprendre l'expression de Jean-Jacques Urvoas, s'impose, d'autant que la fonction de rapporteur général de cette commission a été créée durant la précédente législature. Il s'agit de donner à l'opposition davantage de pouvoir, de visibilité et de capacité de contrôle.
Il est défavorable. Nous progressons déjà s'agissant des premières vice-présidences des commissions.
L'amendement no 513 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 107 .
Nous défendons ici la possibilité de créer des sous-commissions – j'y ai fait précédemment allusion – , comme tous les parlements modernes ayant un tant soit peu de pouvoir ou, en tout cas, une capacité de travail supérieure à celle que nous offre notre organisation actuelle.
Nous avions commencé à en débattre dans le cadre de la révision constitutionnelle avortée de l'été dernier. La sous-commission présente l'avantage de permettre à plusieurs députés de se spécialiser. L'un de nos collègues – M. El Guerrab, je crois – a souligné combien le champ de compétence de chaque commission peut être large, trop parfois pour que nous puissions embrasser de façon suffisamment technique et approfondie les sujets que nous souhaitons y aborder.
Si les autres parlements du monde se sont dotés de cette possibilité, cela ne doit pas être sans raison. Je sais combien est sensible, dans cette assemblée – je ne parle pas seulement de l'actuelle législature – , la question de la présidence des commissions, avec l'accompagnement matériel de la fonction et le personnel qui y est affecté. Ces problèmes n'auraient pas à être soulevés lors de la création de sous-commissions, lesquelles permettraient, sans aucun coût pour la République ni avantage pour ceux qui les présideraient, de travailler dans de meilleures conditions.
La mesure ne présenterait qu'un seul inconvénient : certains présidents de commission se sentiraient lésés dans leurs prérogatives. Mais, je le répète, le dispositif fonctionne très bien ailleurs ; pourquoi cela ne serait-il pas le cas en France ?
L'amendement me semble poser un problème constitutionnel : alors que, selon notre texte fondamental, les textes de loi doivent être soumis à une commission saisie au fond, la sous-commission serait en quelque sorte subdéléguée pour examiner les amendements.
L'idée est néanmoins intéressante et mériterait d'être creusée soit dans le cadre de la réforme constitutionnelle, en cas de blocage, soit au niveau de l'organisation des commissions.
À ce stade, l'avis est défavorable.
L'amendement no 107 n'est pas adopté.
Il vise à inscrire dans notre règlement l'interdiction pour une commission permanente de tenir une réunion pendant qu'un texte dont elle a été saisie est en discussion dans l'hémicycle.
Pour être bref et clair, nous proposons d'inscrire la mesure dans le règlement, sachant que certains présidents de commission – notamment la présidente de la commission des lois – veillent déjà à la faire appliquer. Si le rapporteur me donne des assurances en ce sens, nous retirerons l'amendement, car nous ne sommes pas là pour graver nécessairement des interdictions dans le marbre du règlement.
C'est une question de bon sens : si l'on veut s'investir entièrement dans un dossier et défendre sa position, il ne faut pas tenir deux réunions en même temps.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l'amendement no 72 .
Il s'agit, comme les précédents, d'un amendement de bon sens : même si le problème ne se pose pas souvent, quand il survient, il est gênant. Si nous voulons tous l'éviter, le plus simple est de le prévoir dans le règlement. On ne peut pas être à deux endroits en même temps, c'est tout ! L'inscrire dans le règlement ne coûtera rien à personne et assainira notre fonctionnement, ce qui ne pourra qu'être profitable à notre assemblée.
Vous avez raison, mes chers collègues : il faut de toute évidence éviter des réunions simultanées. Mais les présidentes et présidents de commissions gèrent l'agenda au mieux, de sorte que des conflits de ce genre sont rares ; …
… quand il y en a, la manière de les résoudre doit être laissée à l'appréciation de chaque commission et relever de son organisation interne plutôt qu'être gravée dans le marbre du règlement.
Cela dit, je le répète, nous sommes tous d'accord sur le fond : la simultanéité est un mode de fonctionnement absurde car il exige de nous un don d'ubiquité que nous n'avons pas.
Si ces amendements ne sont pas adoptés, j'en déposerai donc un qui dotera les parlementaires du don d'ubiquité !
Sourires.
Sérieusement, au-delà de la boutade, même si la présidente de la commission des lois est particulièrement vigilante, on a pu observer quelques cafouillages – mais je ne lui jette pas la pierre. En outre, la mesure présentera d'autant plus d'intérêt si l'on crée une procédure d'adoption législative en commission : comment envisager qu'on légifère en même temps en commission et dans l'hémicycle ? Je ne sais pas si le cas est vraisemblable, mais il ne me paraît pas impossible.
J'appelle l'attention du rapporteur : le sujet n'est pas mince et, en la matière non plus, on ne peut s'en remettre à la pratique. En effet, le cas ne se produit – c'est malheureusement arrivé au cours de la présente législature et d'autres – que lorsque le Gouvernement souhaite faire passer un texte rapidement ou deux textes simultanément en commission et dans l'hémicycle ; chaque fois, c'est donc sous la pression de l'exécutif que des députés, membres d'une commission, se trouvent dans cette situation. Ainsi, inscrire la mesure dans le règlement, c'est nous protéger de cette pression.
Je sais bien que le texte ne fera pas l'objet d'une seconde lecture, mais nous parlons d'une disposition de pur bon sens et qui n'aurait rien coûté. Si les cas dont je parle ne sont pas courants, ils concernent toujours des textes importants et dont l'exécutif veut faciliter l'examen. Je trouve dommage que nous ne nous donnions pas la possibilité de dire à l'exécutif qu'il doit mieux planifier les travaux. Je le répète, ce ne sont pas la majorité actuelle et le gouvernement actuel qui sont visés, mais toutes les majorités et tous les gouvernements que j'ai vus se succéder.
Il s'agit non seulement d'une question de fait, mais bien d'une question de principe.
Peut-être la rédaction des amendements qui mentionnent le cas de la commission saisie pour avis est-elle un peu lourde, la multiplication des saisines pour avis ayant plutôt tendance à compliquer l'organisation de l'examen des textes. Mais, a minima, l'interdiction faite à la commission saisie au fond de siéger au moment de la discussion en séance publique, c'est-à-dire l'amendement no 72 , me semble parfaitement acceptable.
J'irai encore un peu plus loin. Il me semble tout à fait contreproductif que les travaux en commission, de manière générale, puissent se tenir en même temps que les travaux en séance. Lors de l'examen dans l'hémicycle d'un texte qui m'intéresse, même s'il ne relève pas de la commission à laquelle j'appartiens, je suis obligée de courir d'un endroit à l'autre.
Voilà pourquoi j'ai proposé, lors de la discussion générale – ce sera l'objet d'un amendement que je défendrai ultérieurement – , que l'on scinde le temps législatif en trois : un tiers dédié au travail en commission, un tiers au travail en circonscription, un tiers au travail dans l'hémicycle. Cela nous rendrait beaucoup plus efficaces, contrairement aux apparences : peut-être étudierions-nous un tout petit peu moins de textes, mais nous travaillerions de manière beaucoup plus approfondie en commission, de sorte que nous arriverions bien mieux préparés dans l'hémicycle et que nous saurions exactement ce sur quoi nous votons.
L'amendement no 72 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 124 .
Le sujet est similaire : il s'agit cette fois de la simultanéité entre réunions de commission et scrutins publics sur l'ensemble d'un texte dans l'hémicycle.
Je suis surpris que les amendements précédents n'aient pas été adoptés : il est tellement évident que l'on ne peut pas tout faire en même temps ! Cela n'aurait pas été une concession immense de la part de la majorité.
On demande aussi aux députés d'être présents en commission au moment du vote par scrutin public solennel dans l'hémicycle, alors qu'il me paraîtrait de bon aloi que l'on nous épargne au moins de courir d'une réunion de commission – parfois située au 101, rue de l'Université – à l'hémicycle, d'interrompre cette réunion, de rater l'examen de certains amendements ou l'audition de personnalités invitées. Je m'adresse particulièrement aux membres de la majorité, dont l'absence, à la différence de celle des membres de l'opposition, peut jouer sur le résultat du vote. La disposition que nous proposons devrait donc s'imposer d'évidence.
L'idée est aussi – nous y reviendrons à l'article 13 bis – de regrouper les scrutins solennels au même moment de la semaine, de sorte que nous puissions être tous présents, puisque nous saurons à quel moment auront lieu les votes, distincts des explications de vote. J'espère que vous serez sensible à notre proposition à ce sujet, monsieur le président.
Si elle ne devait pas être adoptée, le présent amendement nous éviterait au moins de devoir être en commission au moment des scrutins solennels, dont tous nos électeurs peuvent être témoins.
Vous parlez d'une évolution considérable des pratiques, dont la systématisation a été permise par un amendement adopté en commission : le regroupement de l'ensemble des votes solennels au même moment, par exemple le mardi après les questions au Gouvernement, si l'on se conforme à l'usage, et, en tout état de cause, dans des conditions à définir par la conférence des présidents. Je n'ai pas fréquemment vu des réunions de commission organisées en même temps qu'un vote solennel. Le regroupement dont je viens de parler me semble résoudre le problème.
Je donnerai un avis défavorable car je ne souhaite pas que le règlement entre dans ces détails et prévoie des contraintes de ce type, même si je suis d'accord pour dire qu'il n'y a pas lieu d'organiser une réunion officielle de commission au moment d'un vote solennel.
L'amendement no 124 n'est pas adopté.
Moi aussi, je suis un peu surpris du refus du rapporteur de vouloir encadrer les choses. On a organisé le grand débat…
J'y reviendrai !
L'une des avancées conquises dès le début de cette législature concerne la déontologie. Il est appréciable que la notion de conflit d'intérêts ait enfin traversé les portes du Palais Bourbon. Mais, comme le notait la déontologue dans son dernier rapport, il manquait un registre public, sur lequel le député en situation de conflits d'intérêts pourrait s'inscrire, lorsque serait traité par l'Assemblée nationale, en commission ou dans l'hémicycle, un sujet susceptible de faire naître une telle situation. Cela existe déjà au Sénat. Nous nous devions de combler ce retard.
Cette réforme en prend acte, et c'est heureux, puisque l'article 6 prévoit que le député inscrit sur le registre public mentionné au troisième alinéa de l'article 80-1-1 est considéré comme étant présent en commission, dans les conditions définies par le Bureau.
L'article 6 est adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 28 mai 2019, à une heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra