La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits relatifs à la santé (no 2301, annexe 38 ; no 2304, tome I) et à la solidarité, à l'insertion et à l'égalité des chances (no 2301, annexe 41 ; no 2304, tome II), s'arrêtant à l'amendement no 1611 .
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1611 .
Les inégalités d'accès à la santé sont en hausse, partout en France. C'est une menace sur le droit à la santé, qui n'est plus garanti pour tout le monde. Selon le ministère de la santé, les 10 % de Français les mieux desservis ont des possibilités d'accès aux médecins généralistes trois fois supérieures aux 10 % les moins avantagés. La situation est encore plus inégale dans l'accès aux spécialistes. Les communes rurales sont les plus touchées, mais les périphéries des grandes villes sont également affectées. Je pense bien sûr à mon territoire, La Réunion, où de nombreuses communes connaissent ce problème, mais je suis conscient qu'il existe des zones dans l'hexagone où la situation est plus préoccupante encore.
Les raisons de l'existence de ces déserts médicaux sont connues. Nous souhaitons, à travers le présent amendement, créer un nouveau programme, intitulé « Égalité territoriale de la santé », qui aura pour principal objectif de lutter contre les déserts médicaux en déployant sur le territoire un corps de médecins fonctionnaires. Il s'agira d'un nouveau débouché offert aux étudiants en médecine désireux de faire de leur profession un véritable service public.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Vous souhaitez créer un programme intitulé « Égalité territoriale de la santé » et le doter de 10 millions d'euros. Nous avons déjà débattu l'année passée dans l'hémicycle d'un amendement similaire. Je réitère ma position : la lutte contre les déserts médicaux est un sujet majeur – nous partageons cette préoccupation sur tous les bancs de l'hémicycle – mais je ne pense pas que le déploiement sur le territoire de médecins fonctionnaires représente une solution opérationnelle. Au cours de ce dernier mois, plusieurs dispositifs ont été adoptés. La commission n'a pas examiné le présent amendement, mais à titre personnel, j'y suis défavorable.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
La possibilité pour des médecins d'exercer en tant que salariés d'organismes publics existe déjà. Les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à s'engager dans la création de centres de santé, notamment dans les territoires qui connaissent des difficultés importantes en matière d'accès aux soins : 55 centres de santé ont ainsi été créés entre juillet 2017 et juillet 2019. De plus, dans le cadre de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, nous avons créé 400 postes de médecins généralistes, salariés des hôpitaux ou des collectivités, dans les territoires prioritaires. Dans les années à venir, je souhaite poursuivre et amplifier cette politique tout en soutenant les initiatives qui émanent des territoires eux-mêmes. En revanche, je suis réticente à une solution nationale unique car je pense qu'il faut adapter la réponse à chaque territoire ; c'est ce que nous faisons aujourd'hui. Avis défavorable.
La parole est à Mme Caroline Fiat, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, par le présent amendement, nous vous invitons à poursuivre la politique initiée par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, votée cette année. Vous avez créé des médecins salariés ; la ligne budgétaire proposée dans l'amendement permettrait d'ouvrir des postes supplémentaires. Bien sûr, il s'agit d'un amendement d'appel car nous ne souhaitons pas prélever des crédits sur le budget de la prévention. Cependant, sans vouloir être taquine, puisque ce matin 15 millions d'euros ont été économisés – bien malgré nous – , cet argent pourrait-il profiter à des médecins fonctionnaires ? L'amendement n'a pas été étudié en commission, mais pour ma part, je suis évidemment favorable à cette mesure.
L'amendement no 1611 n'est pas adopté.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1482 .
Il vise à créer un nouveau programme destiné à financer la prévention liée aux risques d'addiction, à la fois addictions aux substances psychoactives mais également addictions comportementales telles que le jeu. La consommation de substances psychoactives est responsable en France de plus de 100 000 décès évitables, par accidents et par maladies, dont près de 40 000 par cancers. Les conduites addictives interviennent ainsi dans environ 30 % des décès avant l'âge de 65 ans. Nous souhaitons augmenter le budget de la prévention des addictions, actuellement de 3 millions d'euros, pour le porter à 4 millions. Cela permettrait de créer un instrument politique transversal renforçant la prévention sanitaire en matière de lutte contre les addictions.
Vous proposez de créer un nouveau programme de prévention des risques liés aux addictions et d'abonder le budget correspondant de 1 million supplémentaire. Je suis très sensible à la question des addictions, qui s'inscrit parfaitement dans le programme de la prévention. Le problème exige une action énergique et votre amendement va dans le bon sens. La commission ne l'a pas examiné, mais à titre personnel, j'y suis favorable.
Monsieur Aviragnet, vous souhaitez créer un nouveau programme budgétaire destiné à financer la prévention liée aux risques d'addiction. Nous sommes évidemment tous d'accord avec l'objectif, mais d'une part, le programme 204 comprend déjà une ligne budgétaire dédiée à la prévention des addictions, et d'autre part, nous avons engagé des moyens très conséquents sur cette thématique dans le cadre du fonds de lutte contre le tabac. En effet, depuis 2018, ce fonds a été élargi à toutes les addictions et fait maintenant l'objet d'une dotation de 120 millions d'euros. En 2017, quand je suis arrivée au Gouvernement, ses moyens étaient très limités ; nous y avons fléché toutes les taxes liées à la hausse du prix du tabac. Le Gouvernement agit donc pleinement dans ce domaine. Avis défavorable.
Je sais que vous avez consacré des moyens à la prévention, madame la ministre, mais le problème des addictions est réellement important. Dans la mesure où il s'agit de substances interdites, les comportements à risque sont cachés, donc insuffisamment repérés. Il faut lutter contre ce phénomène car la jeunesse française est prise dans ces questions. Vous savez aussi bien que moi que quand on va à la sortie d'un collège du fin fond de la campagne française, on voit des jeunes fumer, on croise des adolescents en perdition. Au-delà de l'addiction psychique ou psychologique, on sait que ces comportements ont des incidences sur la santé physique, par exemple au niveau du système circulatoire. C'est un souci sur lequel nous devrions nous pencher sérieusement ; il y va de l'avenir de notre jeunesse.
L'amendement no 1482 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie pour soutenir l'amendement no 1698 .
Le présent amendement tend à augmenter de 2 millions d'euros les crédits alloués à l'action 12 « Santé des populations » pour lutter contre l'endométriose en France. Je souhaite également appeler l'attention du Gouvernement sur les traitements utilisés pour soulager l'endométriose, notamment le médicament Androcur dont le lien avec des risques accrus de formation de méningiomes a notamment été mis en évidence par l'étude de pharmacovigilance publiée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM – le 24 juin 2019. Les pouvoirs publics doivent se concentrer sur le sujet, et un débat pourrait être ouvert sur une éventuelle indemnisation des victimes. Les 2 millions d'euros permettraient la réalisation d'études sur les mesures à prendre pour accroître la prévention de l'endométriose et sur les médicaments utilisés comme traitements de ce problème de santé. La commission des finances a rejeté cet amendement dont je suis l'auteur, et j'espère qu'il recueillera l'avis favorable du Gouvernement.
Madame Louwagie, ces 2 millions aboutiraient à une sous-budgétisation, ce qui est contraire au principe de sincérité budgétaire. Cependant je souhaite m'arrêter sur la question de l'endométriose, qui représente un vrai sujet de préoccupation.
Je connais les difficultés des femmes face au diagnostic de cette pathologie et la complexité de leur parcours. Conscients du risque de méningiome lié à la spécialité Androcur et à son utilisation en dehors du cadre de l'autorisation de mise sur le marché, nous avons été vigilants sur l'encadrement de ce produit. Désormais, les prescripteurs remettent aux patientes une fiche d'information sur l'Androcur et ses génériques, et le risque de méningiome. La délivrance de ces médicaments en pharmacie est obligatoirement soumise à la présentation d'une attestation annuelle d'information signée par le patient utilisateur. Depuis le 1er janvier 2019, pour tous les nouveaux traitements, l'attestation doit être cosignée par le médecin prescripteur ; à partir du 1er janvier 2020, elle sera également à présenter aux pharmaciens pour les renouvellements. Des courriers d'information cosignés par l'assurance maladie et l'ANSM ont été adressés aux professionnels de santé et aux patients qui ont respectivement prescrit ou reçu de l'Androcur ou des génériques au cours des vingt-quatre derniers mois, pour les inciter à se rencontrer et à échanger sur les risques.
Par ailleurs, j'ai annoncé, le 8 mars 2019, la mise en place d'un plan d'action en vue d'améliorer la prise en charge et la connaissance de l'endométriose, avec trois axes de travail : mieux informer la population générale sur cette maladie, avec des campagnes d'information réalisées par des associations, les outils de communication de santé publique et le service sanitaire de terrain ; développer les moyens permettant de détecter plus précocement cette maladie afin de lutter contre l'errance diagnostique ; enfin, mieux accompagner les femmes et rendre leur parcours plus cohérent en y intégrant la question de la gestion des problèmes de fertilité. Pour y parvenir, je suis en train d'organiser les filières de prise en charge. Ces chantiers, qui incluent largement les différents acteurs du domaine, sont pilotés par la direction générale de l'offre de soins. Je rendrai compte de l'avancement de ce plan à la date anniversaire, en mars prochain. Vous pouvez donc compter sur ma mobilisation, mais je reste cependant défavorable à l'amendement.
L'amendement no 1698 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Josso, pour soutenir l'amendement no 1723 .
Madame la ministre, aujourd'hui, des parents et leurs enfants passent leurs journées enfermés dans les hôpitaux. Ils attendent avec angoisse des résultats médicaux, espérant un jour vaincre la maladie. Le corps médical est unanime : l'accumulation des perturbateurs endocriniens, la pollution à tous niveaux et la concentration des lignes à haute tension exposent injustement ces petits êtres fragiles à des cancers. Ce sont les terribles conséquences des effets cocktail. Les chiffres sont accablants : dans mon département, dix-sept cas dont quatre décès d'enfants sont à déplorer.
Puisque nous sommes ici pour parler de l'argent public, économisons, et anticipons, de manière intelligente et responsable. À votre avis, madame la ministre, ne doit-on pas miser sur la prévention pour éviter les soins lourds ? Favorisons le préventif plutôt que le curatif ! Les examens médicaux, les chimiothérapies, les radiothérapies : tout cela coûte à la collectivité des centaines de milliers d'euros – c'est aussi cela, la réalité. Madame la ministre, je vous soumets aujourd'hui un amendement de bon sens. Les parents isolés ou réunis dans des collectifs attendent un geste de votre part.
Affecter 1 million d'euros à l'action 11 « Pilotage de la politique de santé publique » pour prendre des mesures urgentes de prévention, c'est le minimum. À la suite de cette décision – je tiens profondément à formuler cette demande ici, au sein de l'hémicycle – , le Gouvernement doit lancer une mission sur les effets cocktail, les effets plurifactoriels et la chronicité dans les cancers pédiatriques. Madame la ministre, la situation est trop grave pour que vous fermiez les yeux !
La commission n'a pas examiné cet amendement qui propose une hausse de 1 million des crédits devant favoriser la coordination des recherches sur les effets cocktail, les effets plurifactoriels et la chronicité concernant les cancers pédiatriques. Cette année, comme l'année dernière, nous avons eu un débat sur les cancers pédiatriques et la hausse des crédits alloués à la recherche en la matière, un effort supplémentaire de 5 millions d'euros ayant été consenti dès 2019 et qui atteindra un total de 25 millions d'euros en 2023. Or un effort supplémentaire pourrait être fait pour favoriser la coordination des recherches sur les questions que vous avez mentionnées. À titre personnel, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.
Cette cause nous émeut tous et je pense que nombreux sont ceux qui, sur ces bancs, s'en sont emparés pour la faire avancer. Vous savez qu'une proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli a été adoptée cette année et a permis l'abondement des financements de la recherche, dans le cadre de la mission budgétaire défendue par ma collègue Frédérique Vidal.
Vous ciblez plus spécifiquement la recherche sur les effets cocktail. C'est évidemment un enjeu de santé publique majeur. Cependant nous le prenons en considération de façon pluridisciplinaire dans le cadre de deux alliances de recherche : l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé – Aviesan – et l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement – AllEnvi. Toutes deux contribuent à l'élaboration du plan national Santé environnement qui sera présenté au début de l'année prochaine par le Gouvernement.
Les enjeux de la recherche nous paraissent donc bien essentiels, j'y insiste, et nous y travaillons avec l'ensemble des acteurs. Toutefois, l'objet du programme 204 n'est pas de financer la recherche, vous le savez. Par ailleurs, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a lui-même un objet très spécifique, et adopter votre amendement reviendrait à le sous-doter.
Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement, du reste satisfait par le plan national Santé environnement puisqu'il mettra la recherche au premier plan, notamment concernant les cancers des enfants.
Je ne tiens pas du tout à ce que les fonds dédiés à l'indemnisation des victimes de l'amiante diminuent, bien évidemment, mais je ne vois pas comment faire autrement. C'est que les cancers pédiatriques sont vraiment un enjeu de santé publique !
L'amendement no 1723 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.
Je suis saisi de nombreux amendements portant article additionnel après l'article 78.
Les amendements nos 49 , 1727 , 1701 , 48 , 2233 , 59 , 2155 et 1768 peuvent être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 2155 fait l'objet des sous-amendements nos 2228 , 2324 , 2211 , 2227 , 2344 , 2237 , 2238 , 2239 , 2247 , 2261 , 2241 , 2234 , 2226 , 2373 , 2240 , 2236 , 2244 , 2245 , 2246 , 2346 , 2235 , 2243 , 2242 , 2262 et 2277 .
Les sous-amendements nos 2228 et 2324 d'une part, et nos 2226 et 2373 de l'autre, sont identiques.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement no 49 .
Les crédits alloués à l'aide médicale de l'État – AME – représentent près de 1 milliard d'euros. Le nombre moyen de bénéficiaires par trimestre a augmenté de 50 % en moins de dix ans. Aussi le présent amendement vise-t-il à remplacer l'AME par une aide médicale d'urgence – AMU. Comme c'est déjà le cas en Allemagne, la prise en charge serait limitée au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, aux soins liés à la grossesse et à ses suites, aux vaccinations réglementaires et enfin aux examens de médecine préventive.
Le présent amendement vise à supprimer l'AME pour la remplacer par une aide médicale d'urgence afin que chacun, dans une situation d'urgence vitale, puisse être pris en charge – bien sûr, car là n'est pas la question – mais en réformant un système à bout de souffle, qui a montré son caractère profondément injuste – une injustice entre les Français, et entre les étrangers en situation légale et les étrangers en situation illégale. L'AME est ainsi marquée par un paradoxe : elle offre plus de droits à ceux qui se trouvent en situation irrégulière qu'à ceux qui se trouvent en situation régulière, plus de droits qu'aux Français eux-mêmes.
Nous avons rappelé ce matin l'inflation des coûts de l'AME pour 2019 – 934 millions d'euros au moins, sans doute plus – ainsi que l'inflation des bénéficiaires – 75 000 au début des années 2000, plus de 330 000 aujourd'hui.
Il faut donc réformer profondément ce système et non pas s'en tenir à un artifice de communication laissant croire à un changement alors que vous ne faites que consolider le dispositif en vigueur, en modifiant très partiellement le panier de soins. À la faveur des polémiques, vous avez voulu donner le sentiment de faire une révolution alors que vous vous contentez d'un « en même temps » immobiliste – comme c'est du reste bien souvent le cas. Nous vous proposons, pour notre part, un vrai changement, une vraie réparation d'une injustice que ne supportent plus les Français.
J'ajouterai aux propos de nos collègues Trastour-Isnart et Ciotti, concernant l'AME, que le coût de 934 millions d'euros ne prend pas en compte toutes les dépenses de santé des personnes en situation irrégulière. Ainsi, les déboutés du droit d'asile sont couverts pendant douze mois par la protection universelle maladie – PUMA. En outre, ce montant ne prend pas en considération les personnes en situation irrégulière à Mayotte. Enfin, certaines personnes ne peuvent être comptabilisées au titre du dispositif des soins urgents dans les hôpitaux, car il arrive que ces établissements ne disposent pas des éléments nécessaires pour facturer, sans compter que, lorsqu'ils facturent, les créances sont dans un grand nombre de cas irrécouvrables. Aussi le coût total dépasse-t-il très nettement 1 milliard d'euros.
Nous ne proposons pas ici de supprimer l'AME mais de la recentrer vraiment sur les soins vitaux ou les soins urgents. Voilà qui répondrait à une attente forte de nos concitoyens et permettrait de garantir la soutenabilité du dispositif sur le long terme.
Ces amendements répondent d'ailleurs à la proposition 7 du rapport de la mission conjointe réalisée par l'inspection générale des affaires sociales – IGAS – et l'inspection générale des finances – IGF – sur l'aide médicale d'État, qui vise à instaurer, pour la prise en charge de soins non essentiels, dont la liste serait définie par voie réglementaire, un délai de carence de neuf mois. Pour votre part, vous vous approchez d'un dispositif qui reconnaît les soins vitaux ou urgents mais vous n'allez pas assez loin.
La commission a rejeté cet amendement auquel je suis bien entendu favorable à titre personnel.
Volontiers, monsieur le président. Véronique Louwagie et Éric Ciotti l'ont souligné : les Français s'acquittent d'une participation forfaitaire de 1 euro dans le cadre des consultations ou actes réalisés par un médecin. Il apparaît donc cohérent que les étrangers en situation irrégulière et qui bénéficient de l'AME soient tenus, au minimum, de contribuer au dispositif de soins que la France met à leur disposition. Mes amendements visent à conditionner l'accès à l'AME par le paiement d'un droit annuel, d'un montant de 100 euros pour les bénéficiaires majeurs dans l'amendement no 48 et d'un montant de 55 euros pour le no 59.
L'amendement no 2233 de Mme Véronique Louwagie est défendu.
Sur l'amendement no 2155 , je suis saisi par les groupes Socialistes et apparentés, La France insoumise et la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 2155 .
Avant de le présenter, je souhaite répondre aux amendements qui viennent d'être défendus.
Vous souhaitez, d'une façon ou d'une autre, restreindre l'AME aux seuls soins urgents ou conditionner son bénéfice par le paiement d'un droit de timbre. Or il ne s'agirait en aucun cas de mesures efficaces pour maîtriser la dépense. Au contraire, nous le savons, elles seraient de nature à dégrader les finances publiques tout en engorgeant les services hospitaliers, avec les risques sanitaires qui en découleraient. Comme cela est confirmé par le récent rapport de la mission conjointe de l'IGAS et de l'IGF sur l'AME et les soins urgents, il n'est recommandé ni de restreindre le panier de soins ni de proposer un droit de timbre.
Je rappelle en effet que soigner ces pathologies à temps, en ville, quand elles ne sont pas encore graves, est systématiquement moins coûteux pour la collectivité que de les prendre en charge à l'hôpital lorsqu'elles se sont aggravées. De la même manière, l'instauration d'un droit de timbre contribuerait à la hausse des dépenses publiques et n'entraînerait aucune économie, comme l'a montré l'introduction éphémère du droit de timbre en 2011.
La voie que nous avons choisie est différente. Nous souhaitons impérativement préserver ces dispositifs nécessaires pour soigner les personnes au meilleur coût pour la société et au bénéfice de la santé publique, mais également limiter au maximum les abus ou les détournements possibles. C'est sur cet équilibre que reposent les propositions du Gouvernement. Aussi le présent amendement vise-t-il à lutter contre les détournements abusifs et qui nuisent aux délais d'instruction et d'accès aux droits pour ceux qui en ont réellement besoin.
C'est pourquoi, afin de préserver l'AME et de soigner ces personnes au meilleur coût pour la société, nous proposons de renforcer les contrôles à l'ouverture des droits pour lutter contre les détournement des procédures à des seules fins d'accès aux soins. Le droit à l'AME sera conditionné par trois mois de séjour irrégulier sur le territoire, afin d'empêcher l'accès direct à l'AME des personnes qui arrivent en France avec des visas touristiques et qui sont ensuite prises en charge par l'AME dès l'expiration de leur visa. Le bénéfice de certaines prestations programmées et non urgentes pour les majeurs sera soumis à un délai d'ancienneté à l'AME. Pourront ainsi être concernées les prothèses de hanche ou de genou, la chirurgie de la cataracte, ou encore certains actes de kinésithérapie.
Dans les cas où un défaut de prise en charge pourrait entraîner pour le bénéficiaire des conséquences vitales, graves ou durables, il pourra néanmoins être dérogé à ce délai d'ancienneté, après accord du service du contrôle médical de l'assurance maladie. Je le répète, il est impératif de préserver ce dispositif respectueux de nos principes et nécessaire pour soigner ces personnes au meilleur coût pour la société, mais il est également de notre devoir d'en limiter au maximum les abus et détournements possibles : les propositions du Gouvernement reposent sur cet équilibre.
Face à l'amendement du Gouvernement qui prévoit la réduction de la qualité de l'accueil offert aux personnes migrantes, nous souhaitons, lorsque l'absence de prise en charge d'une personne malade est susceptible d'entraîner des conséquences vitales, graves ou durables sur son état de santé, que l'on puisse se passer de l'avis du service du contrôle médical, qui ralentit la prise en charge.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir le sous-amendement no 2324 .
Le présent sous-amendement vise à supprimer les alinéas 6 et 7. Vous nous avez expliqué ce matin, tout comme à l'instant, madame la ministre, que vous entendiez lutter contre ce que vous appelez le tourisme médical mais vous n'avez pas expliqué pourquoi vous diminuiez les crédits de 15 millions d'euros. La question est ailleurs : je me demande si vous allez continuer à tout accepter de manière aussi, comment dire… surprenante.
Cette année, nous avons tout eu : la suppression de la compensation, la non-indexation des retraites, et maintenant le recul sur l'AME. On se demande jusqu'où cela ira.
Je crois que la réalité est totalement ailleurs. Ces dispositions n'ont, en fait, pas d'autre utilité que de flatter l'électorat de l'extrême droite.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Bien sûr ! Vous ne faites que porter sur la place publique un débat sur l'immigration qui agite les peurs et fait grandir les fantasmes. Cela n'aura d'autre effet que de renforcer le score du Front national. Il suffisait d'ailleurs de regarder, ce matin, les bancs de l'extrême droite, de voir leurs grands sourires, leur jouissance, pour comprendre qu'ils seront les grands gagnants. Tout cela est vraiment regrettable pour l'avenir de notre pays.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir le sous-amendement no 2211 .
Il vise à préciser que les modifications d'octroi de l'AME souhaitées par le Gouvernement n'altèrent pas l'accès aux soins d'urgence somatique et psychiatrique des personnes non encore bénéficiaires de l'AME, en particulier durant le délai de carence nouvellement instauré, ou de la PUMA.
Les conditions d'existence des exilés, qui pour la moitié d'entre eux vivent dans la rue ou en hébergement d'urgence, sont extrêmement difficiles et délétères, quand elles ne sont pas indignes, pour leur santé physique et psychique. Leur méconnaissance de la langue et du système de santé retarde aussi considérablement l'accès aux soins. Or, comme l'indiquait le rapport du centre Primo Levi et de Médecins du monde, publié en juin 2018, 64 % des demandeurs d'asile sont sujets à divers psychotraumatismes liés aux violences dont ils ont été victimes ou témoins avant ou au cours de leur périple, ou encore à leur situation de grande précarité sociale et administrative.
Une prise en charge précoce est donc impérative pour éviter la « chronicisation » de l'état de stress post-traumatique et prévenir les altérations profondes de la personnalité, la dérégulation des affects, la somatisation ou les idées suicidaires.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 2227 .
Nous sommes hostiles au désir du Gouvernement de réduire l'accès à l'aide médicale d'État. Le sous-amendement no 2228 visait à supprimer purement et simplement le dispositif choisi par le Gouvernement ; celui-là vise à supprimer uniquement le délai de carence.
Il ne faut pas que les personnes qui se trouvent dans une situation sanitaire grave aient à attendre plus de trois jours avant de pouvoir avoir recours à l'aide médicale d'État. De façon très cohérente, nous soutiendrons ultérieurement un sous-amendement afin que l'accès à l'AME soit possible sans contrôle médical préalable.
Je rappelle que, selon Médecins du monde, seulement un cinquième de ceux qui ont droit à l'AME y ont recours. Autrement dit, le véritable problème massif en matière d'aide médicale d'État n'est pas la fraude, mais le niveau élevé de non-recours. C'est plutôt dans cette direction que le Gouvernement devrait travailler !
Mme Mathilde Panot applaudit.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir le sous-amendement no 2344 .
Le délai de carence est contraire aux valeurs communes de la France. Il est particulièrement inhumain de conditionner l'accès à certains soins spécifiques à un délai d'ancienneté du bénéfice de l'AME.
Nous proposons une solution qui serait positive tant du point de vue humain que du point de vue sanitaire, sans rien céder aux sirènes de l'extrême droite – sans s'en prendre donc aux étrangers en situation irrégulière. Les cas de tourisme sanitaire dont parle le Gouvernement sont anecdotiques, selon le rapport remis le mois dernier par l'IGAS et l'IGF. Il nous semble contraire à l'éthique et au droit à la santé de remettre en cause l'accès à la santé des bénéficiaires de l'AME alors qu'aucune preuve tangible n'est apportée concernant les supposés abus.
Je le répète, tout cela se retournera contre vous, et contre la démocratie.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir le sous-amendement no 2237 .
Il vise à transformer les modalités d'accès aux soins des personnes en situation irrégulière sur le sol français. S'il peut être tolérable de faire courir le délai de trois mois permettant l'ouverture des droits à compter du moment où le demandeur est en situation irrégulière, il semble en revanche inapproprié de conditionner l'accès à certains soins spécifiques par un délai d'ancienneté de bénéfice de l'aide médicale d'État.
De facto, ce délai supplémentaire sera certainement de nature à entraîner un encombrement des hôpitaux – en particulier des urgences, jusqu'alors plutôt épargnées. En effet, l'AME aiguille de fait les demandeurs vers les soins de ville.
L'amendement no 2155 du Gouvernement fait état d'un critère d'ancienneté du bénéfice de l'AME pour accéder à certains soins programmés, en laissant le soin à un décret de préciser ce délai. Ce chèque en blanc ne saurait être accepté, essentiellement pour des raisons de santé publique. De ce fait, dans la limite du champ constitutionnel, notre sous-amendement tend à préciser dans la loi que le délai fixé par décret ne pourra pas excéder un mois.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir le sous-amendement no 2238 .
Il s'agit d'un sous-amendement de repli : nous proposons que ce délai d'ancienneté ne puisse excéder non pas un mois, mais deux.
Vous avez bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel, et surtout de désaccord avec la proposition qui est faite. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait prévoir un contrôle médical préalable au bénéfice de l'AME. Il y a une indication, par exemple une indication chirurgicale, provenant de médecins. Ces derniers ne prescrivent pas des traitements ou ne décident pas qu'il faut opérer pour se faire plaisir, mais parce que les patients en ont besoin.
J'entends qu'il y a un dévoiement, par une minorité, mais faut-il pour cela tout changer à un dispositif dont la majorité a besoin ? Nous ne disposons même pas d'éléments chiffrés sur ce dévoiement ! En voulant envoyer un signal, ne sommes-nous pas en train de restreindre l'accès à l'AME, ne réduisons-nous pas, de façon déguisée, un panier de soins indispensables ?
Mme Jeanine Dubié, Mme Sylvia Pinel et M. Michel Castellani applaudissent.
La parole est à Mme Martine Wonner pour soutenir le sous-amendement no 2239 . Peut-être, madame la députée, pouvez-vous soutenir également le no 2247 ?
Comme vous le constatez, le sous-amendement no 2239 est encore une position de repli, le délai étant porté à trois mois.
Le sous-amendement no 2247 traite du même sujet en reprenant la proposition 7 du rapport de l'IGAS et de l'IGF, qui vise à « instaurer pour la prise en charge de soins programmés non essentiels » – il ne s'agit donc en aucun cas des soins urgents et des soins vitaux – « un délai de carence de neuf mois, avec dérogation possible en cas d'urgence ».
Ce délai de carence, dans le rapport, est donc de neuf mois en situation irrégulière. C'est exactement ce à quoi aboutit le sous-amendement : trois mois d'accès à l'AME, puis un délai d'ancienneté plafonné à six mois.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour soutenir le sous-amendement no 2261 .
Il est dans la même lignée. Afin de lutter contre les usages abusifs de l'aide médicale d'État, l'amendement du Gouvernement propose de subordonner la prise en charge de certaines prestations programmées et non urgentes des bénéficiaires majeurs de l'AME – j'ai bien dit majeurs – à un délai d'ancienneté de bénéfice de cette aide.
Seront concernées un certain nombre de pathologies qui n'engagent pas le pronostic vital, avec des actes tels que la pose de prothèses de hanche ou de genou, la chirurgie de la cataracte et des actes de kinésithérapie, mais aussi, et c'est important, des transports.
Notre sous-amendement vise à fixer dans la loi le plafond du délai d'ancienneté dans l'AME exigé pour l'accès à ces soins. Ce délai ne pourrait excéder neuf mois après l'ouverture des droits à l'AME, conformément aux recommandations du rapport de l'IGF et de l'IGAS d'octobre 2019.
Je rappelle que l'amendement no 2155 prévoit certaines dérogations et j'insiste surtout sur le fait que le rapport fait référence à neuf mois à partir de l'ouverture des droits, ouverture qui ne peut avoir lieu qu'à l'issue d'un délai de carence de trois mois, auquel le texte ne touche pas. Cela explique la différence entre notre sous-amendement et celui que vient de présenter Mme Wonner.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir le sous-amendement no 2241 .
Monsieur le président, permettez-moi de revenir un instant sur ce que M. Eliaou vient de dire : si l'on fixe un plafond de neuf mois, le délai de carence global est porté à douze mois, puisqu'il faut ajouter trois mois pour commencer à être bénéficiaire de l'AME. Cela exclut de fait un certain nombre de pathologies, peut-être même les accouchements !
Le sous-amendement no 2241 est rédactionnel. Il vise à préciser que le délai d'ancienneté du bénéfice de l'aide médicale d'État est calculé à partir de la première ouverture des droits.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir le sous-amendement no 2234 .
Dans la continuité des sous-amendements précédents, celui-là vise à encadrer le délai proposé par le Gouvernement, qui entend lutter fermement contre les détournements constatés.
Je ne suis pas médecin et, comme la majorité d'entre nous, je suis extrêmement attachée à l'accès aux soins de tous, en particulier des plus vulnérables. Toutefois, j'entends aussi les professionnels de santé, notamment ceux qui travaillent dans les permanences d'accès aux soins de santé, nous alerter sur la réalité des détournements et l'existence de filières. Il convient de s'attacher à lutter contre ces filières. L'exercice est difficile et complexe.
Le sous-amendement précise que le délai d'ancienneté court à partir du premier accès à l'aide médicale d'État et non à compter des renouvellements. Il peut être intéressant d'apporter cette précision qui correspond, je crois, à l'esprit du dispositif voulu par le Gouvernement.
Alors qu'aujourd'hui, seulement un cinquième des personnes qui ont droit à l'AME y ont recours, je l'ai déjà dit, tout ce que le Gouvernement trouve à faire, c'est d'inventer de nouveaux obstacles à l'accès à l'AME afin de décourager encore davantage les ayants droit : délais de carence, barrières administratives, contrôles médicaux préalables…
L'objectif du Gouvernement n'est pas véritablement budgétaire : il s'agit d'un symbole, d'un message, envoyé prétendument aux personnes étrangères qui viendraient s'installer en France motivées par l'AME, mais dont le véritable destinataire est l'extrême droite.
M. Christian Reboul, référent migration, droits et santé, à Médecins du monde déclare : « Jusqu'à présent, le principe d'accès aux soins des demandeurs d'asile n'avait jamais été remis en cause, eu égard à leur vécu ». Il ajoute : « Donc c'est une étape de franchie, même symboliquement. »
On commence par trois jours de carence et un contrôle médical, puis chaque année l'AME sera rognée ! Nous pouvons en faire le pari : ce n'est qu'un début, votre combat se poursuivra dans l'hémicycle l'année prochaine.
Christian Reboul poursuit : « Il y aura une aggravation des pathologies et une convergence vers les urgences. » Or, vous le savez, les urgences sont déjà surpeuplées. Elles ne parviennent pas à accueillir correctement tous les patients. Bref, on va précariser davantage des personnes qui sont déjà en situation de vulnérabilité, sachant que la moitié des habitants des campements sont des demandeurs d'asile…
C'est donc une mesure d'anti-fraternité que nous propose le Gouvernement. Elle n'est peut-être que symbolique, mais les symboles sont importants, et nous aussi les défendons !
MM. Jean-Hugues Ratenon et Éric Coquerel applaudissent.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir le sous-amendement no 2373 .
Réduire l'AME risque d'augmenter la morbidité et la mortalité chez les étrangers en situation irrégulière. Rien ne justifie une mesure qui met en danger des êtres humains, quelles que soient leur nationalité, leur origine et les raisons qui les ont amenés à migrer.
Je pourrais continuer sur ce sujet et répéter tout ce que j'ai déjà dit, mais ce ne serait pas utile, car la vérité est ailleurs : l'objectif de l'amendement, comme des mesures qui ont été examinées ce matin, est, une fois encore, de séduire l'électorat de l'extrême droite
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
Cela aura, comme toujours, des conséquences négatives. La démocratie en souffrira.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir le sous-amendement no 2240 .
L'amendement du Gouvernement introduit la notion « d'accord préalable » pour l'accès à certains soins. Les médecins conseil du service médical de l'assurance maladie auprès des caisses primaires seront désormais chargés de se prononcer sur ces accords préalables alors qu'ils n'ont jamais, jusqu'ici, traité les dossiers de personnes en situation irrégulière. Il semble pour le moins irréaliste de leur confier cette charge.
De plus, l'amendement introduit de facto un délai supplémentaire dans le traitement des dossiers : celui nécessaire pour décider de l'accord préalable. Parce que nous débattons de la santé de personnes en chair et en os, nous nous devons de fixer un délai maximal pour le traitement des dossiers. Le sous-amendement propose un délai d'un mois maximum à compter de la demande de soins pour rendre la décision relative à l'accord préalable.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir le sous-amendement no 2236 .
Il vise à maintenir l'accès aux soins tout en luttant contre les trafics et les comportements frauduleux de certaines filières. Nous voulons éviter un engorgement excessif des caisses primaires d'assurance maladie – CPAM – et des hôpitaux, qui seront demain seuls saisis des demandes d'AME. Nous proposons donc, a minima, que les renouvellements de droits restent possibles dans les structures actuellement compétentes, les centres communaux d'action sociale – CCAS – et les associations agréées notamment, ce qui permettrait d'apporter davantage de fluidité dans des parcours semés d'embûches.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir le sous-amendement no 2244 .
Dans la même lignée, il vise à corriger le vide juridique créé par l'amendement du Gouvernement.
Si l'on peut comprendre que la présence physique du demandeur soit nécessaire pour la première demande – est-elle cependant réaliste ? – elle ne paraît pas indispensable pour le renouvellement de droits.
Une fois ouverts, les droits à l'aide médicale d'État ne durent qu'un an, ce qui oblige à renouveler la demande au terme de cette période. Le sous-amendement propose de limiter les contraintes prévues par le Gouvernement aux premières demandes et de laisser les renouvellements à la responsabilité des associations agréées, auxquelles nous pouvons, je pense, faire confiance.
Nous proposons que les premières demandes d'ouverture des droits à l'AME soient effectuées selon les modalités prévues initialement par l'amendement du Gouvernement, mais que les renouvellements relèvent des établissements, des caisses primaires et des associations. Il s'agirait ainsi d'atténuer les conséquences de l'amendement, qui conduirait, d'après les acteurs de la société civile, à réduire le nombre de bénéficiaires de l'AME.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 2346 .
Les dispositions proposées par le Gouvernement à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles auront de graves conséquences sur l'instruction des demandes, qui se verra considérablement compliquée. Je veux donc, avec ce sous-amendement, éviter que le non-recours aux droits, d'ores et déjà problématique, ne soit accru.
Dans la pratique, les migrants en situation précaire accèdent aux droits qui leur sont reconnus grâce aux associations agréées : ce sont principalement elles qui, sur le terrain, vont au contact des possibles bénéficiaires, intervenant le plus souvent seules. Les priver de l'habilitation à instruire les demandes d'AME risque sérieusement de renforcer l'exclusion et le non-recours aux soins, et d'aggraver la situation des personnes concernées.
Le sous-amendement propose de rétablir les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale et les services sanitaires et sociaux dans la liste des instances auprès desquelles les demandes d'AME peuvent être déposées.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir le sous-amendement no 2235 .
Les migrants constituent une population très fragilisée, qui mérite et a besoin de notre accompagnement. Il convient de lutter contre le non-recours aux droits et de garantir le plein accès aux soins. Les acteurs sociaux traditionnels, les CCAS, les départements, les associations et les organismes agréés, doivent pouvoir recevoir et déposer les demandes d'AME aux côtés des personnes étrangères concernées par le dispositif.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir le sous-amendement no 2243 .
Il propose que les centres communaux d'action sociale et les services sociaux traitent les premières demandes d'ouverture des droits à l'AME, ainsi que les renouvellements.
La parole est à M. Raphaël Gauvain, pour soutenir le sous-amendement no 2262 .
Conformément à une recommandation du rapport IGAS-IGF, l'amendement du Gouvernement propose que le dépôt des demandes d'aide médicale d'État ne se fasse qu'auprès des CPAM, afin de lutter contre les abus.
Le sous-amendement propose que les étrangers en situation irrégulière puissent être accompagnés par les services sociaux ou les associations agréées dans leurs démarches de dépôt d'une demande d'AME.
Le sous-amendement propose de repousser l'entrée en vigueur des mesures proposées au 1er janvier 2021. Nous sommes tous d'accord pour dire que les détournements abusifs de l'AME ne sont pas acceptables, mais ils sont minoritaires, d'après le rapport de l'IGAS et de l'IGF.
La majorité des migrants sont des personnes en difficulté, qui n'ont pas accès aux soins, et la seule chose que le Gouvernement trouve à faire est de baisser les budgets et de limiter l'accès aux soins ! Ce n'est ni compréhensible, ni acceptable, ni sérieux.
La raison d'un tel amendement, je l'ai déjà dit, est ailleurs : elle est politique. Vous voulez, mesdames et messieurs de la majorité, plaire à l'électorat d'extrême droite
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement no 1768 , dernier amendement de la discussion commune.
Cet amendement, qui a été déposé avant celui du Gouvernement, est en partie satisfait, j'en ai conscience, mais en partie seulement.
Exiger des personnes en situation irrégulière qu'elles justifient d'une situation irrégulière de trois mois, et non d'une présence de trois mois sur le sol français, pour bénéficier de l'AME, est assurément un bon moyen de lutter contre les abus du tourisme médical.
Cependant, en l'état actuel des dispositions réglementaires, les contrôles sont largement insuffisants, voire défaillants. Pour des filières et des individus malintentionnés, il sera facile de présenter un justificatif de résidence de plus de trois mois dès lors qu'aucun visa ou titre de séjour français ne sera connu des CPAM. Il sera toujours possible, par exemple, de gagner la France par la route depuis un pays voisin.
L'amendement propose que le délai de trois mois débute à partir de la date de dépôt de la demande d'AME, à défaut de pouvoir présenter un visa ou un titre de séjour prouvant de façon certaine la situation irrégulière. Cette condition s'impose d'ailleurs déjà aux demandeurs d'asile : l'ouverture de leurs droits est examinée dans un délai de trois mois à partir de la date du dépôt de leur demande.
Si, comme je l'imagine, la voie législative n'est pas privilégiée, quelles mesures réglementaires envisagez-vous, madame la ministre, pour éviter les détournements que, malheureusement, le fichier Visabio ne pourra pas déceler ?
Seul l'amendement no 1701 visant à restreindre le périmètre de soins de l'AME aux soins urgents a été soumis à la commission, qui l'a rejeté. Je suis favorable, à titre personnel, aux trois amendements qui poursuivent cet objectif : les amendements nos 49 , 1727 et 1701 .
Je suis également favorable aux amendements nos 48 , 2233 et 59 , qui établissent un droit de timbre. Le rapport IGAS-IGF indique : « Une mise à contribution des bénéficiaires pourrait être envisagée sous forme d'un ticket modérateur très modique, mais ce serait une mesure symbolique ». Mais le symbole est d'une très grande importance, sur un sujet comme l'AME !
Quant à l'amendement no 2155 du Gouvernement, je regrette qu'un sujet aussi important et aussi attendu que l'AME fasse l'objet d'une révision au détour d'un amendement. Ce n'est pas, de toute évidence, la meilleure manière de procéder. Je regrette aussi le dépôt très tardif de cet amendement, dans la nuit.
Les trois mesures qu'il propose vont néanmoins dans le bon sens puisqu'elles permettront de réduire les risques de fraude en rendant l'accès au dispositif plus strict. La prise en charge de certains soins sera désormais conditionnée à un délai d'ancienneté plus long dans le dispositif. Bien qu'elles n'aillent pas assez loin selon moi, ces dispositions me paraissent intéressantes.
La commission n'a pas examiné l'amendement, mais j'exprime un avis favorable à titre personnel. J'espère toutefois, madame la ministre, dans la mesure où les conditions d'application des dispositions seront déterminées par décret, que le Gouvernement ne les videra pas de leur substance. Ce sont là des mesures ambitieuses, que je salue.
Sur tous les sous-amendements à l'amendement no 2155 , j'émets un avis défavorable. En effet, ils visent à restreindre la réforme, ou portent sur des points strictement réglementaires.
Mon avis est favorable, en revanche, sur l'amendement no 1768 , qui vise à renforcer la lutte contre la fraude, mais il me semble satisfait par l'amendement no 2155 , qui le ferait sans doute tomber en cas d'adoption.
Les amendements nos 49 , 1727 et 1701 visent à restreindre le panier de soins de l'AME pour la remplacer par une aide médicale d'urgence. Comme je l'ai déjà dit, l'ensemble des parties prenantes, notamment les professionnels de santé, considèrent que limiter ce dispositif serait une catastrophe pour la santé publique et l'organisation de notre système sanitaire, car cela contribuerait à surcharger nos urgences, qui n'en ont pas besoin. Je vous renvoie, sur le sujet, à la récente tribune de plus de 800 médecins et professeurs de médecine parue récemment dans le Journal du dimanche.
Et je citerai aussi l'Espagne, où la mortalité des migrants a augmenté de 15 % après la réduction du panier des soins délivrés aux urgences. Enfin, je vous renvoie au rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF, pour lequel « une réduction du panier de soins de l'AME paraît peu pertinente, y compris dans une perspective de diminution de la dépense publique ». La commission des affaires sociales n'a pas examiné ces amendements, mais vous aurez compris que j'y suis défavorable à titre personnel.
Concernant l'amendement du Gouvernement, il modifie considérablement les conditions d'ouverture du droit à l'AME en termes d'obligation de résidence, et propose de conditionner le bénéfice de certaines prestations par un délai, sans que l'on ait de précision sur la durée de celui-ci, après entente préalable avec l'assurance maladie. Si l'on peut comprendre les motivations du Gouvernement en termes de contrôle et de lutte contre les fraudes ou les abus, l'on ne peut qu'être très fortement préoccupé par les effets à venir de ces dispositions sur le terrain, sachant ce qu'il en est de la réalité de la situation sanitaire des personnes bénéficiaires de l'AME.
De l'avis unanime des acteurs de terrain, y compris des professionnels de santé, les personnes en situation irrégulière vivent dans une extrême précarité. Traiter le problème d'une telle manière ne peut avoir pour effet que d'aggraver considérablement leur situation en complexifiant leur prise en charge, et la lecture de l'alinéa 3 de l'amendement me laisse malheureusement craindre que c'est précisément l'objectif recherché puisque les associations et organismes à but non lucratif sont exclues de la liste des instances pouvant recevoir les demandes d'AME. La commission des affaires sociales n'a pas pu l'examiner étant donné qu'il est arrivé hier à vingt-trois heures, mais j'émets à titre personnel un avis défavorable. Pour ce qui est des sous-amendements, mon avis est favorable.
Quant aux amendements nos 48 et 59 , qui visent à instaurer un droit de timbre pour pouvoir bénéficier de l'AME, je rappelle encore une fois ce que j'ai indiqué dans mon rapport : l'IGAS et l'IGF ont fortement déconseillé une mesure de cette nature dans leur rapport en 2010. Cela n'avait pas empêché le gouvernement d'alors de l'introduire en 2011, pour faire marche arrière très vite car si le nombre de bénéficiaires avait certes diminué, si de nouvelles recettes fiscales avaient été enregistrées, les dépenses de santé avaient explosé du fait du report des soins sur les urgences. La commission n'a pas non plus examiné ces amendements, mais mon avis à titre personnel ne fait donc pas de doute.
Pour la clarté de nos débats, je rappelle que la commission des finances n'a été saisie que de l'amendement no 1701 , qu'elle a repoussé.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ainsi que sur les sous-amendements ?
Je me dois tout d'abord de revenir sur certains des propos qui ont été tenus, qui dénotent clairement une mauvaise compréhension. Monsieur Ruffin, monsieur Aviragnet, vous dites que nous proposons d'instaurer un délai de carence pour l'AME, mais celui-ci existe déjà : quand une personne entre irrégulièrement sur le territoire, elle ne peut déjà aujourd'hui accéder à l'AME qu'au bout de trois mois.
Le Gouvernement ne change donc rien à la situation actuelle pour les personnes en situation irrégulière. Le nouveau délai de carence de trois mois ne concerne que les personnes entrées de façon régulière avec un visa de tourisme et qui restent sur le territoire à l'expiration du visa. Il s'agit de viser une population dont on sait qu'elle vient sous couvert de tourisme pour se faire soigner.
L'objectif est clairement d'éviter ces abus, ce dévoiement du dispositif actuel. Cela ne changera rien pour ceux qui, par exemple, arrivent par bateau de la Méditerranée : ils n'ont d'ores et déjà accès à l'AME qu'au bout de trois mois. Et puis je précise bien qu'il ne s'agit pas du « début » de quoi que ce soit : il s'agit uniquement d'appliquer les recommandations du rapport IGAS-IGF. Nous avions dit que nous saisirions les inspections générales, nous l'avons fait. Elles ont fait des recommandations, nous les inscrivons dans la loi, il n'y a pas de raison d'aller plus loin. Il n'y aura pas de débat parlementaire l'année prochaine sur le sujet de l'AME.
En outre, je souhaite tout de même vous reprendre sur certains points, madame Wonner. Vous dites que l'obligation d'un accord préalable exclura de facto certains soins délivrés au titre de l'AME. Non, un accord préalable n'exclut en rien quoi que ce soit du panier de soins. Aujourd'hui, l'accord préalable est demandé pour un grand nombre d'actes dans le cadre de la PUMA, il s'agit seulement d'étendre ce dispositif à l'AME. Il s'agira d'actes non urgents, programmés. L'accord préalable de l'assurance maladie sera nécessaire pour qu'elle puisse en vérifier la justification médicale et la justification juridique – le droit de la personne à bénéficier de l'AME.
Vous dites aussi que la nouvelle mesure pourrait exclure des accouchements. Je le répète, qu'il s'agisse de la PUMA, y compris dans le cadre du délai de carence au titre de l'inscription aux soins urgents, ou de l'AME, tous les soins dispensés aux femmes enceintes et aux nouveau-nés dans notre pays sont totalement pris en charge par la couverture maladie universelle. Leur situation n'a jamais été sujet à débat sur ce plan. J'ajoute que le délai de carence pour l'accès à la PUMA ne concerne pas les enfants mineurs. Voyez que le Gouvernement prend vraiment des précautions pour éviter tout danger pour des populations vulnérables !
Quant à votre sous-amendement tendant à fixer un délai maximal d'un mois à l'assurance maladie pour donner sa réponse sur l'accord préalable, il serait en réalité moins-disant que l'état actuel du droit puisque celui prévoit un délai de quinze jours, et par dérogation de trois semaines. Je vous propose donc de le retirer pour ne pas faire moins bien demain que ce que fait l'assurance maladie aujourd'hui.
Madame Dupont, comme Mme Wonner, vous avez déposé un sous-amendement pour que l'accord préalable pour certains soins non urgents ne concerne pas les renouvellements. Mais tel qu'il est rédigé, il concernerait également des personnes qui auraient fait une demande d'AME, en auraient bénéficié pendant un an par exemple, puis, de retour sur le territoire dix ou vingt ans plus tard, formuleraient une nouvelle demande. J'en demande donc le retrait. Nous procéderons par décret, l'objectif du Gouvernement étant bien entendu que la procédure ne concerne que la première année : si l'AME est renouvelée l'année ou les années suivantes, le délai pour l'accord préalable ne sera plus justifié.
D'autres sous-amendements étant satisfaits, j'en demande raison le retrait. Ainsi, monsieur Hammouche, vous proposez d'inclure les soins psychiatriques dans la nomenclature des soins urgents, mais c'est déjà le cas, et heureusement ! Le ministère porte une attention très particulière au parcours des migrants, notamment sous l'angle des psychotraumatismes. Nous avons créé des centres de référence de prise en charge du psychotraumatisme, et des soins psychiatriques y sont évidemment dispensés en tant que soins urgents.
De la même façon, monsieur Da Silva, vous proposez de réinscrire dans la loi que le délai est de trois mois de séjour irrégulier. Vous m'interrogez par ailleurs sur les contrôles existants. Voici les renforcements prévus par voie réglementaire : il y a d'abord le croisement des demandes d'AME avec la base Visabio – le fichier des visas touristiques du ministère de l'intérieur – de façon à savoir si les gens qui demandent l'AME après la fin de leur visa l'ont déjà fait ou non, ce qui permettra de mieux instruire les dossiers ; et les contrôles seront aussi renforcés sur les hébergeurs multiples, c'est-à-dire sur toutes les personnes qui font des attestations d'hébergement à plusieurs demandeurs d'AME, car un tel comportement fait penser évidemment à l'éventualité d'une filière.
Enfin, j'en viens aux sous-amendements auxquels je suis favorable. Il en est ainsi du sous-amendement no 2261 de M. Eliaou proposant de fixer dans la loi un délai de traitement maximum de neuf mois pour les actes devant faire l'objet d'une demande préalable. Le décret fixera peut-être un délai moindre pour certains actes, mais je suis d'accord avec vous, monsieur le député, sur le fait de fixer un plafond à neuf mois. Je suis de même favorable au sous-amendement no 2236 de Mme Dupont car il faut que les renouvellements de demande d'AME puissent être effectués par l'intermédiaire des associations ou des centres communaux d'action sociale. Même avis pour le sous-amendement no 2262 de M. Gauvain qui permet aux demandeurs qui se présentent personnellement à la caisse primaire d'assurance maladie pour faire leur demande d'être bien entendu accompagnés par des représentants d'associations ou des travailleurs sociaux.
Avant de passer aux votes, et bien que nous ayons déjà longuement discuté de l'AME ce matin, je vais donner la parole à un ou deux orateurs par groupe, pour pouvoir laisser s'exprimer d'éventuelles divergences au sein des groupes.
La parole est à M. Claude Goasguen.
J'ai écouté la défense de toute la série de sous-amendements, et je constate que ce qui avait été décidé ce matin n'a pas été remis en cause. Vous prenez des mesures pour 15 millions, ce qui vous permet de dire, madame la ministre, que vous avez réformé l'AME… Mais quand on connaît le fonctionnement de l'AME et qu'on a lu très attentivement le rapport de l'IGAS, on sait bien que le problème est beaucoup plus grave.
Vous n'avez pas réussi à imprimer l'élan nécessaire. En effet, ce sont les contribuables qui payent les sommes nécessaires, plus de 1 milliard, inscrit à votre budget, mais ensuite, c'est en réalité la sécurité sociale qui gère. Or quel est votre pouvoir d'injonction à l'égard de la sécurité sociale ? Aucun ! Par conséquent, le contribuable donne ainsi à la sécurité sociale la possibilité de gérer tout ce dispositif sans véritable contrôle sauf celui qu'elle organise elle-même. Or vous savez très bien qu'elle est probablement la bien moins placée pour gérer ces fonds et en contrôler l'utilisation.
De plus, je voudrais bien savoir quelle serait la sanction en cas de non-respect des mesures que vous proposez. Étant un peu juriste, je sais que décider de dispositions législatives ou réglementaires sans sanctions est intéressant, certes, mais seulement pour les manuels de droit administratif.
On ne sait pas qui contrôle, il n'y a pas de sanction et, en plus, nous sommes dans le domaine de l'illégalité. Vous nous demandez de légiférer sur des gens dont vous ne savez rien. En effet, vous avez évoqué tout à l'heure les gens qui arrivent par bateau, mais eux ne demandent pas l'AME : étant demandeurs d'asile, ils demandent à ce titre la PUMA ! Je ne vois pas d'ailleurs comment on peut arriver à calculer le nombre d'immigrés clandestins en France pour dire qu'un cinquième bénéficie de l'AME. Un immigré clandestin, surtout s'il est conseillé par une association, n'aura pas la bêtise de dire quand il est entré si nous ne le savons pas !
Pas de contrôle, pas de sanction, des mesures censées s'appliquer à des personnes dont on ne sait rien : je suis bien obligé de vous dire que vous ne faites aucune réforme de l'AME.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je voudrais pour ma part revenir sur le thème de la limitation de l'AME aux soins d'urgence. Je crois qu'il doit être appréhendé sous le prisme d'une meilleure coordination et d'une meilleure harmonisation européenne car sinon, il y aura des distorsions d'attractivité migratoire. Il faudrait examiner les amendements correspondants en les comparant avec les dispositifs des autres pays européens, sachant qu'ils ont tous opté pour le panier de soins d'urgence.
Second sujet : l'acquittement d'un timbre – ce qui revient à un ticket modérateur. Il est vrai que ce n'est pas cette mesure qui équilibrerait les comptes, mais elle aurait une valeur symbolique extrêmement forte auprès de nos concitoyens, parce qu'il y a aujourd'hui un sentiment d'iniquité dans la population qui contribue au rejet de l'autre et aux tensions que notre pays connaît.
Mme Laurence Trastour-Isnart applaudit.
Dans le flou des débats, on mélange tout, en l'occurrence l'AME et la PUMA alors que ce ne sont pas les mêmes bénéficiaires. Pour ma part je me concentrerai sur l'amendement gouvernemental, qui propose des conditions d'ancienneté plus longue pour certaines pathologies.
Vous avez raison, madame la ministre, de dire qu'il faut lutter contre la fraude, si minime soit-elle. Le rapport remis par l'IGAS et l'IGF, expliquez-vous, identifie des filières. Commençons déjà par les traquer ! si elles sont connues, c'est d'abord à elles qu'il faut s'attaquer, pour enfin commencer à tarir le mal à la source.
Ensuite, trois mois de résidence stable sont déjà exigés pour pouvoir bénéficier de l'AME. Assurons-nous, lors de l'instruction des dossiers, que cette condition soit réellement respectée : peut-être cela évitera-t-il de proposer une mesure qui, sous prétexte de lutter contre quelques abus, empêchera des personnes ayant besoin de soins d'en bénéficier.
Enfin, vous avez indiqué que l'accès aux soins était soumis à une entente préalable, c'est-à-dire à la décision de plusieurs médecins : un médecin remplit une demande d'entente préalable, puis l'adresse au médecin-conseil, afin que la personne concernée bénéficie des soins. Il me semble donc souhaitable de prendre également en considération l'action des médecins, qui sont eux aussi responsables de la situation actuelle : ce sont bien eux qui pratiquent les interventions et remplissent les papiers !
Je prendrai quelques secondes pour dire combien je suis troublé par toutes ces discussions. Nous traitons d'hommes, de femmes et d'enfants malades. Sans doute des abus et des fraudes existent-ils, mais ce qui est certain, c'est que les gens bien portants ne cherchent pas à se faire soigner.
Je sais que tous les pays du Nord sont soumis à une pression migratoire considérable et que nous devons la gérer nolens volens. Il est également vrai que nous devons assurer la pérennité de notre système de santé, qui est par ailleurs un système magnifique. Mais en l'occurrence, la priorité doit être donnée à la santé d'hommes, de femmes et d'enfants malades et précaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, FI, SOC et GDR, et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement déposé par le Gouvernement s'inscrit dans le prolongement du rapport que lui ont remis, le 5 novembre dernier, l'IGAS et l'IGF, qui relève plusieurs abus dans le fonctionnement de l'AME. La synthèse du rapport précise bien qu'ils ne constituent « clairement pas un phénomène marginal » et qu'ils « renforcent de façon convaincante l'hypothèse d'une migration pour soins ».
L'amendement sur lequel nous devons nous exprimer s'inspire de cette analyse et des recommandations du rapport. Le groupe La République en marche y sera favorable.
Je rappelle en outre que notre groupe a déposé le sous-amendement no 2262 et est également favorable aux sous-amendements nos 2261 de Jean-François Eliaou et 2236 de Stella Dupont.
J'ai le sentiment que nous nous sommes, depuis ce matin, quelque peu fourvoyés dans nos débats. Comme l'indiquait M. Goasguen, nous ne sommes pas en train de revisiter le dispositif de l'AME, mais simplement de l'ajuster, pour lutter contre une forme de tourisme médical.
Il ne s'agit pas de revoir l'ensemble de l'AME. Le rapport IGAS-IGF a certes le mérite d'exister. Il soulève certaines questions que nous devrons certainement traiter dans les mois à venir pour apporter, éventuellement, d'autres ajustements. Je souscris d'ailleurs à l'ensemble de ces amendements, qui nous éclairent sur les dérives à éviter. Tel n'est toutefois pas l'objectif de la série assez construite d'amendements que vous avez listée ce matin et à laquelle le groupe UDI, Agir et indépendants sera favorable.
Si j'ai bien compris, madame la ministre, au délai de carence de trois mois s'ajouteront trois autres mois. Cela fait un délai de six mois. Sommes-nous d'accord ?
C'est incroyable !
J'entends bien que des personnes exagèrent et profitent du système. Il me semble tout de même que nous devons pouvoir, administrativement, faire la distinction entre des personnes qui viennent en France avec des visas touristiques et des personnes qui arrivent par bateau, des sinistrés de la Méditerranée, des gens exploités par des filières.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Celles-ci, me semble-t-il, n'ont pas à payer pour les autres. C'est ce minimum d'humanité qui doit nous animer.
Vous nous assurez ensuite qu'aucun débat sur l'immigration ne se tiendra l'année prochaine. Sans vouloir me montrer déplaisant, vous aviez affirmé l'an dernier que l'AME ne serait pas remise en cause, mais que faites-vous cette année ? Vous touchez à l'AME ! Dès lors, pour l'an prochain, je vous laisse seule juge…
Enfin, ces mesures, dont je répète qu'elles sont destinées à séduire l'extrême droite,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
concernent des êtres humains. Vous ne pouvez pas, ne serait-ce que pour cette seule raison, faire tout et n'importe quoi dans un but purement électoral.
Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, chers collègues, mais beaucoup de ceux à qui vous avez demandé de mettre un bulletin de vote « Emmanuel Macron » dans l'urne pour faire barrage aux idées du Rassemblement national se demandent de plus en plus pourquoi ils l'ont fait.
Rappelez-vous que vous n'avez pas pris position : vous avez servi Marine Le Pen !
Vous adoptez progressivement des mesures qui étaient autrefois l'exclusivité du Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
Voilà un peu plus d'un an, vous nous aviez présenté les centres de rétention comme l'alpha et l'oméga de toute politique d'accueil des migrants, y compris pour les enfants. Vous nous aviez assuré qu'une loi serait votée pour traiter de la situation de ces derniers. Nous l'attendons toujours. Dans l'intervalle, l'association Médecins du Monde signale une explosion du nombre d'enfants détenus dans des centres de rétention.
Alors que vous juriez l'année dernière que vous ne remettriez pas en cause l'AME, vous le faites cette année par le biais de cet amendement. La question, madame la ministre, n'est pas de savoir à quel point vous touchez à l'AME. L'important est que par cette démarche même, vous validez le discours du Rassemblement national, qui laisse penser que si les migrants viennent dans notre pays, c'est pour pratiquer ce que vous commencez vous-même à appeler un « tourisme médical ».
Les chiffres présentés dans le rapport de Caroline Fiat montrent pourtant précisément l'inverse : il n'y a pas, ou presque pas de fraude ni d'abus pour bénéficier des soins de santé en France. En réalité, en validant progressivement l'idéologie du Rassemblement national, vous vous engagez sur une pente qui vous amènera bien évidemment à aller plus loin encore l'année prochaine : vous vous appropriez les idées du Rassemblement national en leur appliquant une vision presque réformiste, mais vous finirez tout de même par les assumer entièrement.
Ne vous étonnez donc pas si, la prochaine fois que vous vous trouverez en face de Mme Le Pen – puisque j'ai cru comprendre que tel était le duel souhaité par le Premier ministre, que La France insoumise s'efforcera pour sa part de faire échouer – les électeurs préfèrent l'original à la copie !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
Il me semble que tous les groupes qui souhaitaient s'exprimer ont pu le faire…
Je voudrais d'abord rappeler quelques chiffres. L'AME représente 0,4 % des dépenses de l'assurance maladie. L'instauration du délai de carence que vous proposez permettra d'économiser 1,5 % de ces 0,4 % : ce n'est même pas l'épaisseur du trait.
Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires de l'AME reste stable depuis 2015 : il n'a pas augmenté depuis cette date.
En outre, le montant de l'AME progresse de 1,4 % par an depuis 2015, quand les dépenses globales de l'assurance maladie croissent de 2,5 %, principalement en raison de l'augmentation du prix des médicaments. Ces seuls chiffres montrent que, bien que nous discutions ici du projet de loi de finances, votre proposition n'est nullement de nature budgétaire ou financière : il s'agit uniquement d'une décision politique, comme certains des orateurs précédents l'ont souligné.
Elle s'inscrit dans un plan plus général consistant à miner les piliers de la politique humaniste de la France, et notamment le droit d'asile et l'accueil…
… tout en ouvrant les vannes de l'immigration économique pour satisfaire les besoins de main-d'oeuvre bon marché et peser à la baisse sur les conditions de travail et les salaires. C'est donc une mesure cohérente, à la fois ultralibérale et autoritaire.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Pour recadrer le débat, il me semble que les propos qui sont tenus ici comportent bien des exagérations et déploient une dramaturgie qui n'a pas lieu d'être au vu des soins prodigués, dans la réalité, aux personnes arrivant dans notre pays. Ils n'apportent rien au débat démocratique – au contraire, ils le dégradent.
D'autre part, lorsqu'on prétend vouloir lutter contre des idées qu'on juge non seulement injustes, mais également inopportunes, voire mauvaises pour la population, on ne fait pas la promotion, en le nommant à de multiples reprises, du parti qui les défend et que nous voulons combattre tout autant que vous.
Vives protestations sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
C'est vous qui en faites la promotion, par la politique que vous menez !
Tous les groupes ayant pu s'exprimer, la parole est à Mme la ministre, avant que nous procédions aux votes.
Je ne souhaite pas relancer le débat trop longuement, mais voulais répondre à plusieurs interventions, afin de rectifier quelques contre-vérités.
Monsieur Peu, vous dites que nos propositions répondent à un pur motif politique. Je vous dis qu'il s'agit d'une pure décision de responsabilité.
Les fraudes nuisent à l'AME, et c'est ce qui pousse certains à s'en emparer pour tenter de détruire le dispositif ! Les abus minent la confiance dans un dispositif essentiel
Exclamations sur les bancs du groupe FI
auquel nous sommes tous extrêmement attachés, je pense que la majorité en témoignera. C'est la raison pour laquelle nous ne touchons pas au panier de soins et ne créons pas de droit de timbre : nous tenons à l'AME, pour des raisons qui relèvent à la fois de la santé publique et du droit humanitaire.
Nous faisons de l'improvisation parce que le Président nous pousse à le faire !
En revanche, en tant que ministre chargée du budget de la sécurité sociale ou des soins des Français, je suis responsable de la bonne utilisation de l'argent que ces derniers consacrent à ce dispositif,
Mêmes mouvements
et j'estime qu'il est important de lutter contre la fraude.
Donc, il y a un an, ce n'est pas vous qui étiez en charge de ce budget.
Monsieur Aviragnet, vous parlez d'un délai de carence de six mois, mais non ! L'accès à l'AME suppose une présence d'au moins trois mois sur le territoire français. Ce qui est nouveau, c'est que nous proposons d'appliquer aux personnes entrées en France avec un visa touristique un délai de trois mois avant d'accéder aux soins. Tant qu'elles disposent d'un visa touristique, ces personnes ne bénéficient pas de l'AME : elles ont une assurance privée, qui prend en charge leurs soins. Le délai de carence ne sera donc pas de six mois, mais bien de trois mois, comme c'est déjà le cas pour les personnes entrant sur le territoire en situation irrégulière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
Madame Dubié, les accords préalables s'appliquent à de très nombreux actes dans le cadre de l'assurance maladie et nous ne faisons que les étendre à l'AME– ce sera le cas, par exemple, de certains actes de kinésithérapie, de rééducation ou de chirurgie bariatrique. Nous ne faisons donc qu'acter le fait que l'accord préalable, qui peut être requis dans le cadre de la PUMA pour les transports ou les médicaments chers, puisse désormais l'être aussi dans le cadre de l'AME. Cela ne me semble pas être une mauvaise pratique.
Monsieur Pauget, vous dites que nous sommes le pays le plus généreux et que les autres pays limitent l'aide aux soins urgents mais, en fait, nous sommes le pays le plus vertueux. Nous sommes, en effet, le seul qui dispose d'un budget spécifique pour les soins aux étrangers malades et qui soit en mesure d'assurer la traçabilité des dépenses – dans tous les autres pays, elles sont incluses dans les dépenses d'assurance-maladie et nul ne sait si elles sont réservées aux soins urgents.
Je suis médecin et je connais les médecins : face à un malade, on ne se préoccupe pas de savoir s'il a accès à des soins urgents, mais on le soigne ! Les pays qui affirment facialement que l'aide est réservée aux soins urgents n'ont, en réalité, aucun moyen de le vérifier et leurs systèmes ne permettent aucune traçabilité. En outre, certains pays, comme l'Allemagne, ont certes une politique générale, mais cette politique peut connaître de grandes différences d'un Land à l'autre. Le rapport de l'IGAS montre très bien que la France n'est, en la matière, ni le mieux-disant ni le moins-disant, mais qu'elle a cette vertu – au nom de laquelle je m'oppose à l'idée de fondre les dépenses de l'AME dans l'assurance maladie universelle – que nous sommes capables d'assurer une traçabilité et de travailler à l'efficience de notre dispositif en humanité et responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 12
Contre 67
L'amendement no 1701 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 2211 est retiré.
Le sous-amendement no 2247 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 2261 est adopté.
Le sous-amendement no 2240 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 2246 est retiré.
Le sous-amendement no 2346 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 2235 est retiré.
Le sous-amendement no 2262 est adopté.
Le sous-amendement no 2277 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 65
Contre 14
Je suis saisi d'un amendement du Gouvernement, no 2156 rectifié, qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Sur cet amendement, je suis saisi par les groupes Socialistes et apparentés, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement.
Il tend à introduire un délai de carence de trois mois pour l'accès à la protection universelle maladie des demandeurs d'asile, qui bénéficient aujourd'hui de règles dérogatoires plus favorables que celles qui s'appliquent aux autres assurés. Ils peuvent en effet être affiliés à l'assurance maladie dès le dépôt de leur demande d'asile, alors qu'un Français ou un ressortissant étranger en situation régulière n'exerçant pas d'activité professionnelle est soumis à un délai de carence de trois mois.
Le Gouvernement alignera donc par décret les conditions d'accès aux droits sur celles qui s'appliquent aux autres assurés, notamment aux Français qui reviennent sur le territoire national. L'amendement vise à ce que, pendant le délai de carence, les demandeurs d'asile aient accès aux soins urgents, qui incluent notamment les soins hospitaliers vitaux, le traitement des maladies infectieuses et les soins délivrés aux femmes enceintes et aux nouveau-nés. En outre, le délai de carence ne sera pas applicable aux enfants mineurs.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir le sous-amendement no 2280 .
Il vise à reporter au 1er janvier 2021 l'entrée en vigueur du délai de carence pour l'accès des demandeurs d'asile à la protection universelle maladie.
À vous écouter, madame la ministre, je me demande qui sera concerné par la mesure proposée, dont sont exclus les enfants et les soins d'urgence. Qu'est-ce donc que cet amendement ? À qui veut-on faire plaisir ? Aucune population n'est réellement concernée, car les gens qui arrivent en bateau et qui ont été repêchés en Méditerranée ont besoin de soins urgents et ne viennent pas pour se faire poser je ne sais quelles prothèses !
L'amendement no 2156 du Gouvernement propose d'aligner les règles de prise en charge de santé des demandeurs d'asile sur celles qui s'appliquent aux assurés sociaux de droit commun. Ainsi, un délai de trois mois de résidence stable en France sera nécessaire pour que les demandeurs d'asile puissent bénéficier de la PUMA. Cet alignement me semble favorable et juste, la différence de traitement entre les assurés sociaux et les demandeurs d'asile étant, en effet, tout à fait incompréhensible.
En outre, cette réforme permettra de lutter contre le détournement de notre système de couverture de soins pour les étrangers. Elle envoie un signal nécessaire à toutes les personnes qui souhaitent venir en France pour se faire soigner gratuitement, ce qui, je l'espère, contribuera à réduire le tourisme médical. La commission ne s'étant pas prononcée sur cet amendement, j'émettrai, à titre personnel, un avis favorable.
Puisque la mesure proposée par le Gouvernement est nécessaire, je ne souhaite pas repousser son entrée en vigueur et j'émets donc – toujours à titre personnel, puisque la commission ne l'a pas examiné – un avis défavorable au sous-amendement visant à la différer.
J'aimerais qu'on m'explique pourquoi ces amendements du Gouvernement sont déposés si tard, alors que le budget a été préparé durant des mois, qu'il revient tous les ans et qu'on sait très bien quand il revient. Pourquoi donc cette improvisation de dernière minute ? Pour quels motifs y a-t-il subitement urgence à propos de l'aide médicale d'État ? Peut-on nous expliquer pourquoi la situation devient grave au point qu'il faille improviser des amendements et demander aux députés de se positionner dans la minute ? Comment se fait-il que le Parlement, dans sa sagesse, obéisse immédiatement – car c'est bien ce qui se passe – à des ordres venus d'en haut ? Ce que nous voyons n'est pas une assemblée législative qui réfléchit et prend le temps de mesurer ce qu'elle fait, mais une assemblée qui répond aux ordres du Président de la République ! En vérité, il s'agit ici d'un changement d'orientation. Vous faites de la basse politique et agitez de petits chiffons pour faire diversion et division. C'est nocif.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Au motif de lutter contre les détournements de procédure en matière de droit d'asile, le Gouvernement propose, avec cet amendement, une mesure qui risque d'aggraver considérablement et brutalement les conditions faites aux demandeurs d'asile. Il s'agit en effet de limiter la prise en charge de ces derniers aux seuls soins urgents et d'instaurer en conséquence un délai de carence, alors que les demandeurs d'asile bénéficient jusqu'à présent de la PUMA lorsque leur demande est en cours d'instruction, sans condition de résidence de trois mois.
Comme le soulignent tous les acteurs de terrain, les demandeurs d'asile, dans leur extrême majorité, arrivent souvent dans notre pays après un parcours difficile qui les a fragilisés physiquement et psychiquement. L'adoption de cet amendement aura donc pour effet de retarder leur prise en charge éventuelle et risque d'aggraver leur état de santé. La commission n'ayant pu examiner cet amendement, je ne peux émettre qu'un avis personnel, qui est défavorable.
Le sous-amendement no 2280 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 50
Contre 14
L'amendement no 2156 est adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 2197 du Gouvernement.
Comme je l'indiquais la semaine dernière en commission des affaires sociales, cet amendement vise principalement à fusionner les deux instances qui composent le dispositif de prise en charge des victimes de la Dépakine : le collège d'experts et le comité d'indemnisation.
Cette fusion, qui va dans le sens de la résolution adoptée par l'Assemblée le 19 juin, doit permettre une accélération du traitement des dossiers en évitant que ceux-ci soient examinés deux fois, par deux instances. Elle facilitera en outre le travail des experts, en mettant fin aux problèmes de frontières de compétences entre les deux instances, et réduira les coûts de fonctionnement du dispositif.
Par ailleurs, afin de clarifier le périmètre d'indemnisation pour les victimes, une présomption d'imputabilité à un défaut d'information va être instaurée : les malformations congénitales seront présumées imputables à un manque d'information de la mère sur les effets indésirables du produit lorsqu'il aura été prescrit à compter du 1er janvier 1982 ; les troubles du développement comportemental et cognitif le seront lorsque le produit aura été prescrit à compter du 1er janvier 1984. Les victimes pourront ainsi être indemnisées plus aisément.
Comme je l'ai déjà dit ce matin lors de l'examen des crédits de la mission, je soutiens cette réforme, qui avait d'ailleurs été suggérée ici-même au printemps dernier lors de l'adoption à l'unanimité de la résolution portant sur cette question. Je resterai attentive à un certain nombre d'aspects, notamment le respect du contradictoire, qui a constitué une difficulté dans le cadre de la précédente procédure. Je serai également vigilante sur le caractère effectif de l'accès des familles à cette indemnisation, eu notamment égard au nombre de dossiers reçus aujourd'hui par rapport au nombre de ceux qui pourraient l'être. La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis favorable à titre personnel. Je remercie le Gouvernement d'avoir entendu le Parlement.
L'amendement no 2197 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 594 , 1350 , 1411 , 1497 , 898 , 593 , 1351 et 1498 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 594 , 1350 , 1411 et 1497 sont identiques, de même que les amendements nos 898 , 593 , 1351 et 1498 . La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 594 .
Après le vote l'année dernière par l'Assemblée d'un orange budgétaire concernant la prévention, nous souhaitons aller un peu plus loin en évaluant les dépenses de prévention, notamment au niveau des collectivités locales. Cet amendement vise donc à demander un jaune budgétaire qui nous permettra de connaître l'année prochaine l'ensemble de ces dépenses.
Il s'agit de marquer, tout comme vous l'avez fait, madame la ministre, notre attachement à la promotion de la santé. À travers cette vision complète que rendrait possible un jaune budgétaire, nous espérons aussi pouvoir évaluer les dépenses engagées à différents niveaux : celles de l'État, des collectivités territoriales, mais aussi des différents acteurs et opérateurs en matière de santé. L'idée est également d'identifier d'éventuels doublons et d'être encore plus efficace dans l'appréciation de ces dépenses.
Je souhaite recontextualiser cette demande de jaune budgétaire, qui fait écho au virage d'envergure que constitue la consécration de la prévention comme un pilier de la stratégie nationale de santé – dont nous vous sommes reconnaissants, madame la ministre. Pour assurer sa réussite, des outils de guidance sont nécessaires. Comme le notait le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie en juin 2017 à propos de la prévention, « il y a autant de périmètres d'action en matière de santé publique que de types d'interlocuteurs et cela aux différents échelons. Les périmètres des acteurs étatiques, des acteurs de la sécurité sociale, des collectivités locales ou des acteurs privés ne sont pas superposables ».
En clair, l'organisation et le financement de la prévention se caractérisent par leur dispersion. La création de ce jaune permettrait de retracer les financements des différents acteurs ainsi que les différents types de financement, afin d'apprécier les moyens d'intervention qui seront mobilisables, et cela de façon pluriannuelle. Cet outil permettra au Parlement de mieux appréhender, évaluer et contrôler la déclinaison de la politique de prévention et sa mise en oeuvre.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 898 .
Il vient d'être défendu, monsieur le président, puisque la commission avait adopté celui de Mme Tamarelle-Verhaeghe.
Pouvons-nous considérer que l'amendement no 593 a été défendu, monsieur Isaac-Sibille ?
Quel est l'avis de la commission sur ces deux séries d'amendements identiques ?
Nous sommes d'accord pour envisager la création de jaunes budgétaires qui assureraient une meilleure information du Parlement. Il faut cependant distinguer les deux séries d'amendements. Les quatre premiers amendements proposent un examen plus large, puisqu'ils étendent le jaune aux organismes complémentaires, qui ne sont pas nécessairement des organismes publics. Il nous semble difficile de demander des informations à des organismes extérieurs pour alimenter le jaune. L'avis est donc défavorable sur les quatre premiers amendements, sachant que ceux qui ont été examinés par la commission ont été repoussés. Il est en revanche favorable sur les quatre suivants.
Je partage avec l'ensemble des députés qui s'intéressent à ces enjeux de prévention l'objectif de transparence concernant la politique que nous menons. De ce point de vue, le document de politique transversale consacré à la prévention en santé, créé et présenté cette année dans le cadre du PLF, marque un progrès certain. Cette nouvelle annexe budgétaire du PLF nous permet de disposer d'une vision transversale des politiques de l'État concourant à la prévention et de tous les moyens qui leur sont allouées. Vingt-quatre programmes budgétaires et 3 milliards d'euros seront ainsi mobilisés en 2020 sur le budget de l'État.
Toutefois, comme vous l'avez mentionné, la prévention ne s'arrête pas aux crédits de l'État ; elle est évidemment au coeur des politiques financées dans le cadre du PLFSS. Nous avons besoin de recul pour nous approprier pleinement ce nouveau support qui, après cette première édition, a bien sûr vocation à être développé et enrichi dans les années à venir. Une annexe commune qui regrouperait le travail déjà préparé dans l'annexe 7 du PLFSS et le document de politique transversale serait me semble-t-il une piste à explorer. Le format précis reste à définir dans le cadre des règles existantes pour les deux textes financiers.
Au vu de cet état des lieux, j'émets un avis de sagesse concernant l'amendement no 898 et les amendements identiques, qui visent à élaborer un document rassemblant l'ensemble des moyens dédiés. En revanche, je demande le retrait de l'amendement no 594 et des amendements identiques, car il me semble compliqué d'intégrer à ce document les financements des organismes extérieurs à la sphère publique.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 1429 .
Cet amendement de mon collègue Philippe Berta concerne les maladies rares. Il vise à demander un rapport au Gouvernement sur le financement et l'évolution du financement des centres de référence maladies rares – les CRMR. On peut en effet se demander ce que deviennent ces financements. Dans le cas de la mucoviscidose, par exemple, la somme de 19 millions qui est allouée devrait permettre de financer l'ensemble des postes nécessaires dans les 42 CRMR, soit 551. Or ces centres ne disposent que de 165 postes. Il y a donc une déperdition. Même si le financement est voté, les sommes n'arrivent pas forcément jusqu'aux CRMR. Dès lors, il me semble important d'élaborer un rapport sur le suivi de ce financement.
La commission n'a pas examiné cet amendement, mais je partage votre préoccupation au sujet des maladies rares. Il serait intéressant d'obtenir un état des lieux permettant d'évaluer la situation et de réfléchir à ce qui peut être amélioré concernant le financement et son suivi, par exemple un meilleur fléchage ou de nouveaux fléchages. À titre personnel, je suis donc favorable à cet amendement. Il se résume certes à une demande de rapport, mais nous avons besoin d'un tel diagnostic.
La France s'est dotée, comme vous le savez, d'un plan national maladies rares, dont la troisième édition couvre la période 2018-2022. Près de 780 millions d'euros lui ont été alloués sur cette durée. J'en ai déjà dressé un état des lieux cette semaine lors du congrès organisé par la Fondation des maladies rares. De vraies avancées ont été enregistrées au cours de cette première année d'application du plan.
Les crédits versées aux CRMR au titre de la MIG – mission d'intérêt général – font l'objet d'un suivi annuel grâce à l'outil PIRAMIG – pilotage des rapports d'activité des missions d'intérêt général. Dans certains cas, on observe un décalage entre le moment où les crédits MIG sont alloués et celui où ils sont versés aux CRMR – des critiques sont formulées par les centres à ce sujet. Le ministère rappelle, lors de chaque envoi de la dotation aux établissements, qu'il est nécessaire de bien flécher ces financements vers les centres. Je comprends cependant l'inquiétude des familles, des associations et des médecins concernant l'utilisation de ces crédits. J'émets donc un avis de sagesse sur cette demande de rapport.
Il est vrai que la France est un modèle pour un grand nombre de pays en matière de prise en charge des maladies rares. Nous avons instauré des filières et des centres de référence qui leur sont consacrés et fléché des budgets. Mais les CRMR déplorent des problèmes de budget. Il semblerait que les services hospitaliers s'accordent des frais de structure importants sur les budgets alloués à ces CRMR, dont le rôle est absolument décisif dans le domaine de la formation, de la recherche et du soin.
Comme le disait Mme Louwagie, il serait très utile d'établir un diagnostic, un état des lieux, qui pourrait même prendre la forme d'une mission d'information menée conjointement par la commission des affaires sociales et la commission des finances, pour s'assurer que l'argent public, dont le fléchage est décidé par le Parlement, finance bien les CRMR. Ils en ont besoin pour la formation, la recherche, ainsi que pour les soins prodigués aux personnes victimes de maladies rares. Elles sont 8 millions en France, dont mon petit-fils, à qui je pense aujourd'hui.
Madame la ministre, je vous remercie d'avoir entendu les inquiétudes dont nous avons fait part à l'occasion de cet amendement. Cette question relative aux CRMR est légitime, étant donné que des financements que nous votons dans le cadre de différents textes ne semblent pas arriver jusqu'à leurs destinataires. Nous sommes là dans notre rôle d'interpellation, mais également de contrôle. Je souscris donc pleinement à cette idée de mission confiée à plusieurs commissions, ainsi qu'à votre avis de sagesse, que je propose à mes collègues de transformer en avis favorable.
On sent à votre réponse, madame la ministre, qu'il y a une légère distorsion, ou à tout le moins un manque de réactivité, de la part des services hospitaliers affectataires des crédits, dans la distribution des moyens alloués aux CRMR. Sur ce sujet, l'alerte n'est pas seulement donnée par les centres : tout le monde est conscient que nous devons trouver une solution.
J'en parlais à l'instant à Marc Le Fur – et ce matin avec Gilles Lurton – , c'est là une vraie préoccupation, car les familles concernées sont dans l'attente de solutions. Sur les 8 millions de personnes atteintes de maladies rares, il y a 75 % d'enfants. On ne peut pas laisser ces familles sans réponse.
L'état des lieux ici proposé est, pour elles, un premier pas vers plus de justice et plus d'équité. Il est essentiel que nous soyons éclairés sur le fléchage des financements qui vont aux centres de référence, et sur les délais dans lesquels ils sont versés.
M. Daniel Labaronne applaudit.
Je vous remercie donc, madame la ministre, de l'avis de sagesse que vous avez émis.
Mme Constance Le Grip applaudit.
L'amendement no 1429 est adopté.
Nous proposons que le Gouvernement évalue, six mois après la promulgation de la présente loi, l'opportunité d'intégrer l'AME dans le régime général de la sécurité sociale, afin d'assurer la pérennité de cette aide et d'affirmer nos valeurs humanistes et de fraternité.
Nous voulons rappeler, avec cet amendement, que nous sommes opposés à l'instauration d'un délai de carence avant l'accès aux soins pour les demandeurs d'asile comme à la restriction du panier de soins de l'AME.
Remettre en cause l'AME s'apparente selon nous à un renoncement éthique, car nous abandonnerions alors l'inconditionnalité du soin. Ce serait également un renoncement en termes de santé publique, car l'AME permet d'éviter la propagation de maladies et les épidémies.
La parole est à Mme Caroline Fiat, rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement no 1614 .
Comme vient de le dire M. Bricout, l'amendement consiste en une demande de rapport, puisqu'il nous est impossible de proposer directement l'intégration de l'AME dans l'assurance maladie. Il a été proposé par Médecins du monde, mais toutes les associations concernées, ainsi que le Défenseur des droits, ont approuvé, lors des auditions préalables à la rédaction du rapport, l'idée qu'il contient. Il nous épargnerait en tout cas des débats que nous préférerions ne pas avoir.
Je ne pense pas qu'il faille intégrer l'AME dans le régime de la sécurité sociale. Le rapport de l'IGAS et de l'IGF le souligne, une telle modification serait difficilement acceptable dans un contexte de maîtrise de la dépense consentie pour la protection des étrangers en situation irrégulière.
Une telle expansion présenterait aussi de nombreuses difficultés techniques, énumérées dans le rapport de l'IGAS et de l'IGF, auquel je vous renvoie. La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis donc défavorable.
Je serai brève, car j'ai déjà évoqué le sujet tout à l'heure : l'architecture actuelle nous donne une vision transparente de l'AME et nous permet de la piloter en responsabilité. Je suis donc défavorable à l'intégration de l'AME dans la PUMA, car cela nuirait à la transparence, et je crois que nous devons prendre nos responsabilités.
Par ailleurs, une telle mesure n'améliorerait pas l'accès aux droits, car elle créerait encore plus de défiance chez nos concitoyens, qui financent l'assurance maladie à travers leurs cotisations. L'avis est donc défavorable.
Ce qui compte, pour moi, c'est l'accès effectif aux soins des personnes en situation irrégulière, raison pour laquelle nous mettons en place la démarche du « aller vers », avec l'augmentation du budget des PASS – permanences d'accès aux soins de santé – et des expérimentations telles que le premier rendez-vous pour les primo-arrivants, destiné à bien les orienter dans le parcours de soins.
L'IGAS et l'IGF, madame la rapporteure spéciale, préconisent aussi l'intégration de l'AME à l'assurance maladie.
La grande différence, madame la ministre, tient à ce que les bénéficiaires de l'AME, qui n'ont pas de carte Vitale, doivent accomplir de lourdes démarches administratives et essuient régulièrement des refus de soins. Il faut donc rendre plus simple le dispositif d'accès à la couverture maladie et à la part complémentaire. Surtout, la possession d'une carte Vitale et l'accès à l'assurance maladie ouvrent l'accès à la prévention, sujet dont je sais qu'il vous est cher. Je ne vois donc pas pourquoi les intéressés n'auraient pas droit à cette prévention, d'autant qu'elle générerait, in fine, des économies, dès lors qu'il vaut mieux prévenir que guérir.
Sur l'amendement no 1702 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale, pour soutenir cet amendement.
Déposé par le groupe Les Républicains, il tend à demander au Gouvernement de remettre avant le 1er septembre 2020 un rapport sur l'évolution du coût total de la couverture de soins des étrangers en situation irrégulière. Nous avons beaucoup parlé de l'aide médicale d'État, dont le budget, 934 millions d'euros, ne prend pas en compte, notamment, les soins urgents, dotés de 40 millions d'euros. Cette somme, insuffisante, laisse à la charge des hôpitaux un solde de 30 millions d'euros.
Le budget de l'AME ne prend pas non plus en compte le dispositif spécifique à Mayotte, dont nous ignorons le coût, ni la PUMA dont bénéficient les demandeurs d'asile déboutés de leur demande dans les douze mois qui la suivent.
Il serait également intéressant de vous entendre, madame la ministre, sur un sujet qui a été abordé mais dont vous n'avez pas parlé : les soins urgents que les hôpitaux ne peuvent facturer à des personnes en situation irrégulière, faute de renseignements pour le faire.
Je pense aussi aux facturations qui, adressées à des étrangers en situation régulière – mais aussi, parfois, irrégulière – , ne sont jamais réglées, si bien qu'elles deviennent des créances irrecouvrables. Les montants considérés sont importants.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement nous remette un rapport d'ici au 1er septembre prochain, en vue d'obtenir un état des lieux sur les coûts des dispositifs dont je viens de parler.
Défavorable également.
Je veux apporter quelques clarifications sur ces différents coûts. D'abord, les dépenses de soins des étrangers en situation irrégulière sont déjà retracées dans le programme 183, via l'AME et les soins urgents. Ces dépenses vous sont présentées de manière transparente ; le rapport de l'IGAS et de l'IGF souligne même que la France est le pays le plus transparent en matière de dépenses de soins pour les étrangers en situation irrégulière.
Quant aux demandeurs d'asile, ils ne sont pas en situation irrégulière tant que leur demande n'est pas définitivement rejetée : cela justifie qu'ils aient accès à la PUMA. Il n'est donc pas pertinent de suivre les dépenses de soins qui leur sont délivrées avec celles qui concernent les étrangers en situation irrégulière.
Le recensement des dépenses de soins des personnes en situation irrégulière a par ailleurs été mené dans le cadre du rapport relatif à l'AME, remis par l'IGAS et l'IGF et rendu public cette semaine. Un nouveau rapport n'est donc pas nécessaire : avis défavorable.
Enfin, nous avons déjà prévu de lancer un groupe de travail interministériel qui se penchera sur la façon de mieux recouvrer les créances dont vous avez parlé.
Il ne s'agit que d'une demande de rapport, madame la ministre. Nous avons pu débattre de l'AME pendant plusieurs heures, alors que ce débat, auquel on avait fermé la porte, avait été en partie tronqué les années précédentes. Reste que nous devons pouvoir le fonder sur des données concrètes, sinon nous ne ferons que nous renvoyer des chiffres. Or, dans les documents que vous nous transmettez, des données manquent.
L'idée, donc, serait d'aller un peu plus loin, de façon que nous disposions de ces éléments avant le prochain débat budgétaire. Les conditions actuelles de notre discussion sont en effet assez surréalistes, des amendements gouvernementaux nous étant arrivés, sans que nous ayons pu en débattre en commission et sans étude d'impact, sur des sujets qui ne sont pas des moindres.
Nous souhaitons donc, ici, être informés du véritable impact de l'évolution des dispositifs telle qu'on peut l'observer. Ma collègue Louwagie l'a dit, les pratiques d'un certain nombre d'hôpitaux ne correspondent pas forcément à ce qui est retracé dans les documents, qu'il nous faut donc compléter pour avoir une vision bien plus large.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 5
Contre 28
L'amendement no 1702 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 1693 .
La santé des migrantes et des migrants est souvent perçue comme la source d'une charge considérable pour notre société. Selon un fantasme populaire, les migrants propageraient des maladies infectieuses et chercheraient avant tout à venir en Europe pour soigner les pathologies lourdes dont ils sont atteints.
Doit-on rappeler que les personnes qui arrivent sur notre sol sont les rares survivantes d'un processus de sélection impitoyable et que, en dépit des idées reçues, elles sont en meilleure santé que la grande majorité des personnes de leur pays d'origine ?
La dégradation de leur état de santé est également le fait de la stigmatisation et du rejet dont elles font l'objet en France. En condamnant un prétendu « tourisme médical », nous avons notre responsabilité dans la stigmatisation de ces populations. Les migrants seraient ainsi des profiteurs super informés, arrivés en masse sur notre territoire pour frauder notre système de santé, que l'on taxe désormais d'être trop généreux.
Les mots ont un sens, il est important de le rappeler. Bien sûr, je ne nie pas que le système soit parfois dévoyé. Mais de combien de personnes parlons-nous ? De qui ? Comment ? Le rapport de l'IGAS et de l'IGF ne m'a pas apporté les réponses que j'attendais sur ce sujet.
Mes chers collègues, notre méthode m'interroge. Je ne sais pas combien de personnes seront concernées par la mise en place d'un délai de carence, ni s'il sera efficace pour lutter contre la fraude et le dévoiement. Et je ne sais pas non plus s'il permettra de faire des économies.
Dans ces conditions, mon amendement vise à demander une évaluation de l'impact budgétaire des mesures que nous venons de voter.
De manière générale, je suis favorable à tous les amendements qui contribuent à améliorer l'information du Parlement. Cette information, en l'espèce, me paraît devoir être substantiellement accrue s'agissant de l'AME : j'ai eu l'occasion de le dire l'année dernière, et je le répète cette année.
Le rapport de l'IGAS et de l'IGF, publié très tardivement, formule différentes propositions, dont le Gouvernement a repris quelques-unes. Il serait très intéressant, en tout cas, de disposer d'une étude d'impact sur le coût des dispositions visées.
La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis donc favorable.
Je vous demande de retirer l'amendement, car il est déjà satisfait. En effet, le Gouvernement a pris le soin d'évaluer le coût financier pour le budget de l'État de l'accès aux soins urgents des demandeurs d'asile pendant les trois premiers mois de leur présence sur le territoire ; il est de l'ordre de 20 millions d'euros.
Le montant des crédits alloués aux soins urgents a donc été ajusté par un amendement de crédit défendu par le Gouvernement ce matin, qui tire les conséquences des annonces en matière de lutte contre les fraudes et les abus faites lors du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration qui s'est tenu hier.
L'amendement no 1693 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1700 .
C'est un amendement de repli. Alors que l'amendement précédent avait pour objet la rédaction d'un rapport sur le coût pour les finances publiques des nombreuses dépenses de santé des personnes en situation irrégulière sur tout le territoire, le rapport demandé par cet amendement ne concerne que les étrangers en situation irrégulière à Mayotte. Il serait bon de disposer d'un état des lieux pour ce territoire.
Je précise que la commission des finances a rejeté cet amendement. À titre personnel, j'y suis bien évidemment favorable.
L'avis du Gouvernement est défavorable. Je voudrais m'exprimer sur Mayotte, puisque j'ai déjà été sollicitée à ce propos ce matin. Le centre hospitalier de Mayotte ainsi que les centres de santé et dispensaires qui lui sont rattachés prennent en charge la très grande majorité des soins du territoire – la médecine libérale est peu développée. L'établissement a pour spécificité d'être en quasi-totalité financé par une dotation globale de fonctionnement, versée par l'assurance maladie, qui s'élève à 210 millions d'euros en 2019.
Les personnes en situation irrégulière s'acquittent de forfaits correspondant au quart du tarif réel des soins qui leur sont dispensés, à l'exception des soins urgents, des soins aux mineurs et des soins aux femmes enceintes. Le montant total de cette participation s'est élevé à 900 000 euros en 2018, contre 850 000 euros en 2017. Le rapport que vous demandez ne me paraît donc pas nécessaire.
J'ai bien entendu votre réponse, madame la ministre. Toutefois, le rapport « L'aide médicale d'État : diagnostic et propositions » de l'IGAS qui nous a été transmis n'a pas traité de Mayotte, puisqu'il s'est concentré sur l'AME. Or il est de notoriété publique que le nombre de personnes en situation irrégulière à Mayotte est considérable. L'impact sur le budget et son évolution – vous l'avez dit, le montant de la participation est passé de 850 000 euros à 900 000 euros – est inquiétant. Il nous faut pouvoir suivre la situation. La demande de rapport de Mme Louwagie me semble donc bienvenue.
La situation à Mayotte demande une attention particulière. Il serait intéressant de disposer de ces informations dans neuf mois ; nous pourrons envisager des mesures dissuasives s'il s'avère qu'il y a des abus à Mayotte.
L'amendement no 1700 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
J'appelle les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », inscrits à l'état B.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, pour soutenir l'amendement no 2196 rectifié .
Le présent amendement a pour objet de majorer de 30 millions d'euros les crédits du programme 304. La protection de l'enfance est restée pendant trop longtemps un angle mort des politiques publiques. Les dispositifs existants d'accompagnement des enfants sont très fortement inscrits dans une logique curative et non préventive. Sur les 7,8 milliards d'euros de dépenses de protection de l'enfance des conseils départementaux, plus de 6 milliards correspondent aux dépenses de placement. Nous sommes incapables d'enrayer les inégalités de destin qui pèsent sur les enfants protégés. Quelque 73 % des enfants placés ont des parents séparés ; 25 % des personnes sans domicile fixe sont d'anciens enfants placés.
Sous l'impulsion du secrétaire d'État Adrien Taquet, les différents acteurs se sont mis en mouvement, ils ont partagé une même dynamique de travail tout au long du premier semestre. Une grande concertation nationale a été menée pendant quatre mois avec l'ensemble des acteurs. Les enfants ont pu participer à une consultation en ligne, les contributions collectives et individuelles ont été nombreuses, en plus des travaux et missions menés par les parlementaires.
La stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022 qu'Adrien Taquet a présentée le 14 octobre s'inscrit dans un partenariat renouvelé. La contractualisation entre l'État et les départements est un vecteur pertinent, qui a bien fonctionné dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Elle permet de respecter les compétences de chacun tout en établissant des engagements communs visant à améliorer les systèmes de protection de l'enfance.
Sur les crédits du ministère, 50 millions d'euros seront fléchés vers la contractualisation, dont 30 millions de crédits nouveaux ouverts par cet amendement. Ils s'ajoutent aux 30 millions prévus dans le PLFSS pour 2020. Ces 80 millions d'euros permettront donc d'amorcer une première phase de contractualisation avec une trentaine de départements, partenariat inédit dans le domaine de la prévention et de la protection de l'enfance. Cette somme sera complétée grâce à l'engagement d'autres ministères en faveur de stratégie : l'augmentation du budget du ministère de la justice permettra la création de 70 postes de juge pour enfants et de 100 postes de greffier, et le ministère des outre-mer s'impliquera dans le travail des outre-mer participant à la contractualisation .
Ces crédits ont vocation à s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle ; ils augmenteront en 2021 et 2022 pour concerner progressivement l'ensemble des départements.
Cet amendement traduit les annonces faites par Adrien Taquet. Je salue les moyens supplémentaires alloués – 50 millions d'euros, dont 30 millions grâce à cet amendement. La méthode de contractualisation avec les départements est innovante et a fait ses preuves dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Je précise que la commission n'a pas pu examiner l'amendement. C'est donc à titre personnel que j'émets un avis favorable.
Vous avez tout à fait raison, madame la secrétaire d'État : cette politique est jusqu'à présent loin d'avoir les résultats escomptés. Je me félicite donc que les engagements pris par Adrien Taquet au mois d'octobre trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances. Ces 50 millions d'euros compléteront les 30 millions d'euros déjà prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui permettront de généraliser le bilan de santé pour les enfants pris en charge au titre de la protection de l'enfance et leur prise en charge psychologique par des équipes mobiles.
Je me félicite également parce que ces crédits vont permettre de déployer de nouvelles mesures telles que le soutien à la parentalité, dont on connaît l'importance : certains placements pourraient être évités, notamment en soutenant des parents dont les enfants sont en situation de handicap. Il est très important que l'État reprenne sa place dans ces politiques.
Si l'on additionne les 30 millions d'euros de crédits prévus dans le PLFSS, les 50 millions fléchés grâce à cet amendement, et les 12 millions d'euros alloués ce matin dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, on constate que l'État reprend sa place aux côtés des départements dans la politique de l'aide sociale à l'enfance. Nous devons parvenir à ce que ces enfants disposent des mêmes chances que tous les autres.
À la question de savoir si je suis favorable à l'amendement, je réponds donc par un grand « oui », et je vous remercie d'avoir tenu les engagements pris par Adrien Taquet.
La cause est noble et le sujet important, mais je m'interroge tout de même sur cet amendement, mesdames les secrétaires d'État. On ne peut qu'adhérer aux intentions qui l'inspirent, mais le financement alloué aux conseils départementaux sera-t-il pérenne ? Sera-t-il équitable ? Tous les conseils départementaux pourront-ils en bénéficier à terme ? J'ajoute, à titre d'exemple, que le coût de la prise en charge des mineurs non accompagnés est passé en quatre ans de 2 à 9 millions d'euros dans mon département ; en regard, le montant de 80 millions d'euros pour trente départements est donc bien en-deçà des surcoûts qui étranglent les départements.
Quant aux quatre idées défendues dans votre exposé des motifs, il faut expliquer comment elles sont concrètement déployées dans le cadre de la contractualisation, afin de les mettre en cohérence avec les autres politiques publiques – je pense à l'habitat, un thème dont je sais qu'il vous était cher lorsque vous étiez députée, madame Dubos, mais aussi à votre action en matière de prévention et d'innovation. Comment s'assurer, par exemple, que les innovations soient déployées sur l'ensemble du territoire de manière à ce que tout le monde y ait accès à terme ? Autrement, les départements capables d'apporter l'autofinancement nécessaire agiront tandis que les autres, déjà étranglés, ne le pourront pas. Pouvez-vous me rassurer sur ces points ?
L'amendement no 2196 rectifié est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, pour soutenir l'amendement no 2199 .
Cet amendement vise à abonder les crédits du programme 157 afin de financer l'effort de revalorisation exceptionnelle que déploie le Gouvernement pour soutenir le niveau de vie des personnes invalides. En avril prochain, un décret permettra de relever le plafond des ressources ouvrant droit à l'allocation supplémentaire d'invalidité, l'ASI, à 750 euros – contre 723 euros aujourd'hui. Cette allocation étant financée par le programme 157 du budget général de l'État, il semble plus cohérent de faire figurer la disposition dans le PLF plutôt que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'amendement no 2195 qui sera présenté dans un instant visera à réintroduire dans le projet de loi de finances les dispositions relatives à l'ASI qui ont été supprimées dans le PLFSS, dont l'article 55 prévoyait en effet une modification du mode de calcul de l'ASI, peu cohérent, et supprimait le recouvrement sur succession, ce qui constitue un véritable frein au recours à ce dispositif, alors que les montants financiers en jeu sont limités. Je vous remercie par avance d'adopter cette mesure favorable à nos concitoyens en situation d'invalidité.
Mme Michèle Peyron applaudit.
La commission n'a pas examiné cet amendement. Avis favorable à titre personnel.
L'amendement no 2199 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 2201 .
Je suis particulièrement heureuse de vous proposer cet amendement visant à réformer l'aide à la réinsertion familiale et sociale, l'ARFS. Il s'agit d'une aide financière destinée à accompagner le rapprochement familial des travailleurs immigrés âgés dits chibanis, qui partagent leur vie entre leur pays d'origine et des foyers de travailleurs migrants ou des résidences sociales en France. Cette aide qui existe depuis le 1er janvier 2016 n'est jamais montée en puissance en raison notamment de critères d'éligibilité trop restrictifs.
Je sais que ce sujet est très cher à plusieurs parlementaires ici présentes – en particulier Stella Dupont et Fiona Lazaar. Depuis le PLF 2019, nous nous employons à trouver la meilleure solution pour faciliter l'accès à la prestation en suivant les principales recommandations formulées l'an passé par Mme Dupont et suite à une mission de l'IGAS.
La réforme de l'aide a été élaborée à la lumière de ces travaux. Elle vise à supprimer la condition d'hébergement dans un foyer de travailleurs migrants ou dans une résidence sociale pour le maintien de l'aide, car il s'agit de l'un des principaux freins à l'accès des chibanis à l'ARFS. Elle vise également à simplifier les conditions de renouvellement et à mensualiser le versement qui, jusqu'ici, était annuel, afin de faciliter la vie quotidienne des bénéficiaires.
Pour anticiper la hausse du recours à l'ARFS que nous espérons, nous augmentons fortement les crédits qui lui sont affectés, d'une part en prévoyant dès aujourd'hui une majoration de 100 000 euros, mais surtout en doublant les crédits inscrits dans le PLF 2020.
Encore une fois, je suis très heureuse de présenter cet amendement. La nation doit reconnaissance et soutien à ces travailleurs qui nous ont tant apporté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La commission n'a pas examiné cet amendement auquel, à titre personnel, je donne un avis favorable. Il va en effet dans le sens des travaux du Parlement et de ceux que j'ai conduits dans le cadre de mes rapports spéciaux sur l'aide aux anciens migrants. Nous y reviendrons au fil des amendements suivants.
Je me félicite de cette mesure qui rétablit de l'égalité et affirme une fois de plus la reconnaissance envers l'engagement et le travail que les chibanis ont consenti en France et pour la France. L'année dernière déjà, nous étions parvenus à faire adopter un amendement sur ce sujet et une circulaire a été prise depuis l'été pour permettre aux chibanis, anciens travailleurs migrants, de bénéficier de la sécurité sociale sans condition de résidence lorsqu'ils viennent en France. Cette mesure très attendue par les chibanis rétablit l'égalité par rapport aux retraités français qui ont cotisé en France. Les moyens consacrés à l'ARFS et l'assouplissement de ses conditions constituent une avancée et une reconnaissance, encore une fois, de l'engagement et du travail de ces anciens. Merci à eux et merci au Gouvernement pour sa proposition.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'essaie de comprendre, madame la secrétaire d'État. Cet amendement repose à l'évidence sur de bonnes intentions, mais je m'étonne qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, un nouvel amendement gouvernemental nous soit présenté après le débat en commission. En outre, les hypothèses que vous retenez pour établir le montant de 100 000 euros ne sont pas claires. Cette mesure bénéficiait jusqu'ici à vingt-neuf personnes moyennant un certain coût. Quel nombre de bénéficiaires anticipez-vous pour aboutir à 100 000 euros ? Je voudrais comprendre pourquoi il vous est nécessaire de communiquer sur cette augmentation, sachant que ces crédits, comme le montre le tableau de financement, sont déjà inscrits dans le PLF ! S'agit-il d'un amendement de communication, puisque nous n'allons pas voter sur des règles qui relèvent du domaine réglementaire ? Nous nous félicitons en effet d'une mesure qui ne relève guère de nous. Je comprends certes l'intérêt de la mesure par équilibre avec ce qui s'est fait ce matin, mais je voudrais y voir plus clair : pourquoi en a-t-on besoin ? S'agit-il de 100 000 euros ? Pour qui et combien de personnes ? Pourquoi nous proposer cet amendement si les crédits sont déjà inscrits dans le PLF ?
M. Bazin a bien résumé les choses : le Gouvernement vient de nous présenter trois amendements et à trois reprises, la rapporteure a émis un avis à titre personnel parce qu'ils n'ont pas été examinés en commission. Les parlementaires sont astreints à déposer leurs amendements avant le vendredi à dix-sept heures, même quand le PLFSS ne leur parvient que le mercredi soir, par exemple. Le Gouvernement a pris l'habitude d'amender les textes au dernier moment. En l'occurrence, ces amendements ont certainement été réfléchis et vous deviez en disposer plus tôt. Les amendements de dernière minute compliquent les choses. « Pourquoi 100 000 euros ? »vous a demandé à juste titre M. Bazin. Le temps dont nous disposons est insuffisant pour étudier les amendements. L'idée est très bonne, mais la manière de procéder nous empêche de nous pencher dessus. Il devient bien difficile aux parlementaires de faire leur travail !
Les membres du Gouvernement prennent la parole quand ils le souhaitent, monsieur Bazin ; en l'occurrence, je n'ai pas été saisi de demande de parole. Nous passons au vote.
L'amendement no 2201 est adopté.
Cet amendement vise à rétablir les crédits dédiés au soutien à la politique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les outre-mer au niveau où ils étaient dans la loi de finances initiale pour 2019. Un amendement déjà adopté a réduit à due concurrence les crédits du programme 354 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Le Gouvernement confirme par ces amendements la sanctuarisation des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Je rappelle notre ambition très forte concernant cette priorité du quinquennat. Des annonces seront faites à l'issue du Grenelle sur les violences conjugales.
La parole est à Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 900 .
La commission des finances a adopté cet amendement d'appel qui visait à rétablir le crédit d'environ 25 000 euros. Compte tenu de l'amendement du Gouvernement, je propose de le retirer, car il devait être gagé par une reprise de crédits sur le programme 124. La proposition du Gouvernement est donc préférable, et j'y donne un avis favorable.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour soutenir l'amendement no 1412 .
L'amendement no 1761 est adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 1736 .
L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, constitue une garantie de ressources pour les personnes en situation de handicap. Les revenus de la conjointe ou du conjoint du bénéficiaire sont pris en compte dans sa base de calcul, ce qui crée de nombreuses difficultés morales et financières et est contraire au principe même de l'allocation, laquelle vise à garantir l'autonomie du bénéficiaire. Il est en effet impératif que l'AAH garantisse l'autonomie de la personne concernée quelle que soit sa situation familiale.
La plupart des associations soulignent également la situation très préoccupante des femmes en situation de handicap, qui se retrouvent en état de dépendance à l'égard de leur conjoint. C'est une situation tragique pour les femmes qui subissent des violences conjugales, en particulier lorsque la victime est moins indépendante que son conjoint sur le plan financier. Pour se mettre à l'abri, elle doit pouvoir quitter son logement. Or sa dépendance financière à l'égard de son conjoint lorsque l'AAH est réduite ou supprimée du fait des ressources dudit conjoint constitue un obstacle à sa mise en sécurité.
La mesure que je propose permettra aux 250 000 bénéficiaires de l'AAH vivant en couple de recouvrer leur autonomie financière et de bénéficier pleinement de l'augmentation de l'allocation. L'amendement vise pour ce faire à augmenter de 360 millions d'euros les autorisations d'engagement et crédits de paiement relevant de l'action 12 « Allocations et aides en faveur des personnes handicapées » du programme 157 « Handicap et dépendance ». Il vise également à diminuer à due concurrence le montant des crédits de l'action 17 « Financement des agences régionales de santé » du programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».
Vous soulignez, chère collègue, que la prise en compte des revenus du conjoint ou de la conjointe affecte le montant de l'allocation du bénéficiaire de l'AAH, et porte atteinte à l'autonomie ainsi qu'à l'indépendance des personnes en situation de handicap. Votre amendement est un amendement d'appel, dans la mesure où l'augmentation des crédits du programme 157 n'a pas d'effet direct sur les modalités de calcul de l'AAH, qui sont régies par le code de la sécurité sociale. Je suis moi-même attentive à cette situation préoccupante, et me pose des questions.
Vous évoquez une forme de discrimination dans l'exposé sommaire de votre amendement : ce sont des mots forts, mais l'histoire de cette allocation, de cette aide sociale, pose, dans le même esprit, la question de la différence de calcul entre un bénéficiaire qui vit chez ses parents et perçoit l'AAH à taux plein, et un autre qui vit en couple et peut percevoir une AAH partielle. La spécificité de l'AAH, qui, à la différence des autres prestations sociales, n'est pas une allocation familiarisée, réside dans le fait que les revenus du conjoint font également l'objet d'abattements spécifiques, ce qui peut être favorable aux allocataires. Tout cela est lié à l'histoire de cette prestation.
À l'heure de l'inclusion des personnes en situation de handicap, nous devons réfléchir à la révision de certaines modalités : la concertation qui s'ouvre dans le cadre de la définition du revenu universel d'activité – RUA – sera l'occasion de s'interroger sur cette question.
A contrario, regardons le chemin parcouru depuis deux ans : l'AAH a été revalorisée à 900 euros par mois, et 60 % des bénéficiaires en couple ont vu leur allocation augmenter, malgré les règles de calcul actuelles. Près de 11 milliards d'euros sont consacrés à cette allocation, ce qui est un effort sans précédent. La prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH doit faire l'objet d'une évaluation précise. Si l'on change les règles de calcul, l'allocation diminuera pour certains.
Profitons des concertations sur le RUA pour voir s'il y a matière à réviser le dispositif, notamment les règles de calcul de l'allocation.
J'émets un avis défavorable, mais suis très attentive à vos préoccupations.
L'AAH est une prestation sociale destinée à assurer des conditions de vie dignes aux personnes dont les ressources sont les plus faibles, du fait de leur situation de handicap. Son calcul, tout comme celui des autres minima sociaux, tient compte de l'ensemble des ressources du foyer de ses bénéficiaires, par souci de cohérence avec l'objectif prioritaire de lutte contre la pauvreté.
Pour autant, les modalités de prise en compte des ressources du conjoint, concubin ou partenaire d'un bénéficiaire de l'AAH sont plus favorables que celles de tous les autres minima sociaux, en raison de la prise en compte du handicap. Soyons précis : le plafond de ressources, qui augmente en valeur absolue, est supérieur à celui applicable à d'autres minima sociaux. Un abattement de 20 % spécifique, portant sur les revenus du conjoint, s'applique également. Le fait que le plafond de ressources prenne en compte les revenus du conjoint peut s'avérer favorable à l'allocataire en situation de handicap. Ainsi, dans le cas d'un allocataire de l'AAH ayant un emploi, mais dont le conjoint n'en a pas, les règles actuelles de conjugalisation lui permettent de cumuler son allocation à temps plein, en complément d'un SMIC, par exemple.
Si je ne nie pas qu'il puisse y avoir matière à débat sur l'articulation entre plusieurs types de solidarité, il ne faut pas oublier l'énorme effort de revalorisation de l'AAH consenti au cours du quinquennat, étant précisé que 1,1 million de personnes toucheront à plein cette revalorisation, dont 60 % vivent en couple. En tout état de cause, aucune personne ne verra ses ressources diminuer, contrairement à ce que j'ai pu entendre récemment de façon erronée.
Nous sommes sensibilisés aux conséquences des violences conjugales : auditionnée hier par la délégation aux droits des femmes, j'ai insisté sur la nécessité d'automatiser plus rapidement la reprise de l'AAH pour une personne mise en sécurité du fait de violences conjugales. Vous pouvez compter sur ma détermination en la matière.
Cependant, je suis défavorable à l'amendement pour les raisons que je viens d'évoquer.
Non, car je n'en suis pas la première signataire. J'entends vos préoccupations, que je connais. Ce sujet a toute sa place dans le Grenelle contre les violences conjugales : il faut en effet développer des mécanismes de versement automatique des prestations, car tout ce qui facilitera l'indépendance financière des femmes et leur sécurité sera positif.
Madame la secrétaire d'État, ce sujet n'est pas nouveau et a d'ailleurs suscité un long débat il y a deux ans. Bien que siégeant du côté droit de l'hémicycle, j'avais cosigné la proposition de loi de Marie-George Buffet sur ce thème. J'ai besoin d'être rassuré, madame la rapporteure spéciale, car lorsqu'on parle d'autonomie, on s'éloigne de la logique du revenu d'activité. Le Gouvernement doit préciser ses intentions sur le RUA, car si vous y mêlez le handicap, il y aura un problème : le « en même temps » n'est pas possible en la matière, parce qu'il créerait des biais énormes. Des personnes souhaitant faire jouer la solidarité d'une union seraient ainsi dissuadées de se mettre en couple à cause de la perte d'une partie de l'allocation, qui les rend pourtant autonomes ! Ce serait ubuesque au regard du projet de société que nous défendons.
Vous avez parlé des 60 % de gagnants, madame la rapporteure, qui profiteraient de la revalorisation de l'allocation, qui est une bonne chose, mais il y a aussi des perdants. Il faut que vous parliez des perdants ! Des personnes ont perdu de l'argent il y a deux ans.
Il n'y a aucun perdant !
Si, il y en a ! Nous en avons d'ailleurs reçu dans nos permanences. Si vous vivez dans un monde idyllique où il n'y a que des gagnants, c'est formidable, mais, dans la réalité, certaines personnes ayant un conjoint percevant des revenus ont perdu le bénéfice de l'AAH. Je ne suis pas le seul à pouvoir en témoigner ici, et le sujet mérite d'être traité. Je vous invite à individualiser cette allocation d'autonomie liée au handicap.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Les associations de personnes handicapées étaient inquiètes, mais la concertation sur le RUA avance bien avec elles, car nous avons donné des garanties sur l'absence de conditionnalité de l'allocation à la reprise d'activité, ce qui était demandé. Aujourd'hui, environ 80 % des personnes en situation de handicap affirment être dans l'impossibilité de reprendre un travail : nous voulons améliorer cette situation et accroître les possibilités de reprise du travail. Il est également demandé d'individualiser le RUA. Nous avons rassuré les associations, qui, grâce à cela, continuent à produire des contributions pour le revenu universel d'activité.
L'amendement no 1736 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1763 .
Il vise à revenir sur la décision de prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH. Comme l'a dit mon collègue Thibault Bazin, il n'y a, selon vous, que des gagnants, mais nous recevons, dans nos permanences, des personnes qui ont perdu de l'argent.
Il y a donc une difficulté.
Les critères de détermination du montant de l'AAH sont désastreux : madame la secrétaire d'État, je vous ai bien écoutée, si 60 % des personnes verront leur allocation augmenter, tel ne sera pas le cas pour 40 % d'entre elles, à cause de la prise en compte des revenus du conjoint.
Par cet amendement, nous vous proposons de revenir sur cette disposition, via la création d'une nouvelle ligne « suppression de la prise en compte des revenus des conjoints dans l'évaluation de l'AAH ».
Je ne vais pas développer les mêmes arguments que pour l'amendement précédent, mais les compléter. À la page 37 de mon rapport, je précise le montant de l'AAH, ainsi que le plafond de ressources pour un couple : si le revenu du conjoint n'évolue pas, il n'y a pas d'impact financier négatif sur l'AAH ; au contraire, il y a même une légère augmentation de quelques euros : on peut donc dire que l'AAH reste stable. Il importe de préciser qu'il n'y a pas de perte pour les couples qui bénéficient de l'AAH. Mme la secrétaire d'État avait d'ailleurs élaboré une grille qui évitait les effets de seuil et les baisses qui auraient pu en découler. La solution trouvée exclut cette possibilité. L'avis est défavorable.
Il sera également défavorable. Toutes choses égales par ailleurs, il n'y a aucun perdant ! Si les ressources de l'ensemble du foyer n'évoluent pas, il n'y a pas de perdant. Je tiens à le redire haut et fort. En revanche, 15 % des couples n'enregistrent aucun gain, à cause du plafond. Je tiens à rassurer tout le monde : toutes choses égales par ailleurs, il n'y a pas de perdants.
Nous vous enverrons les gens qui viennent nous expliquer le contraire !
Madame la secrétaire d'État, je vous fais confiance, mais, en tant que parlementaire, je reçois des bénéficiaires de l'AAH qui m'expliquent que, depuis que le salaire de leur conjoint est pris en compte, ils ont perdu 50, 100 ou 200 euros. Peut-on leur dire de vous contacter pour examiner leur dossier ?
Oui, tout à fait !
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de travailler avec les associations. Nous avons tous reçu, ou avons eu au téléphone – je me suis également rendu chez des personnes dont la mobilité est extrêmement réduite – des bénéficiaires de l'AAH dont l'allocation avait diminué. Lorsque le conjoint reçoit une augmentation de salaire, l'allocation peut être supprimée et le couple peut, au total, perdre des revenus.
Je ne soutiendrai pas l'amendement, car j'ai compris vos propos, mais nous resterons vigilants pour qu'aucun couple ne soit pénalisé, surtout que leurs revenus, on le voit, sont souvent modestes.
Madame la secrétaire d'État, les évolutions sont faibles entre 2018 et 2019, l'impact de la mesure s'étant produit l'année précédente. Vous employez l'expression « toutes choses égales par ailleurs » : c'est incroyable, car si le conjoint reprenait un travail ou bénéficiait d'une augmentation de salaire, la baisse de l'AAH serait légitime ? Il faut individualiser cette allocation, liée à l'autonomie de la personne. Autrement, il faudrait souhaiter que le conjoint ne bénéficie pas d'augmentation ! Vous imaginez la situation ? Il faudrait demander à l'employeur de ne pas augmenter le conjoint pour ne pas perdre tout ou partie de l'AAH ! Vous vous rendez compte des implications de ce « toutes choses égales par ailleurs » ? Elles peuvent être dramatiques ! J'ai reçu des témoignages de situations que vous dites ne pas connaître, mais nous pouvons vous adresser ces personnes, de manière à ce que vous vous rendiez compte que tout n'est pas aussi idyllique que vous le prétendez.
Je ne parle pas de situation idyllique, je parle de choses factuelles. Nous sommes le premier gouvernement à investir 2 milliards d'euros sur la durée d'un quinquennat afin de revaloriser l'AAH. Cette allocation est différentielle, oui, mais fléchée vers ceux qui en ont le plus besoin car il y a un double abattement par rapport à d'autres allocations. L'individualisation est quasi existante.
L'amendement no 1763 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à créer un programme budgétaire dédié à l'évaluation et à l'hébergement d'urgence des mineurs non accompagnés – MNA – au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il s'agit de consacrer par la loi ce qui n'est identifié qu'au sein des programmes annuels de performance – PAP – qui n'ont pas de valeur contraignante.
L'évaluation et l'hébergement d'urgence de jeunes dont la minorité n'est pas encore établie doivent être assumés par l'État, tandis que l'accompagnement des jeunes reconnus mineurs au titre de l'aide sociale à l'enfance est du ressort des départements.
L'amendement se contente de créer un véhicule de suivi : le montant transféré reste de 162 millions d'euros, celui annoncé dans le projet de loi de finances pour 2020.
Cet amendement vise à créer un programme budgétaire dédié à l'évaluation et à l'hébergement d'urgence des MNA. Il s'agit de consacrer par la loi ce qui n'est identifié qu'au sein des PAP qui n'ont pas de valeur contraignante.
L'évaluation et l'hébergement d'urgence de jeunes dont la minorité n'est pas encore établie doivent être assumés par l'État, tandis que l'accompagnement des jeunes reconnus mineurs au titre de l'aide sociale à l'enfance est du ressort des départements.
L'amendement se contente de créer un véhicule de suivi : le montant transféré reste de 162 millions d'euros, celui annoncé dans le projet de loi de finances pour 2020. Le retrait de crédits du programme 304 s'opère sur l'action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. »
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1353 .
Cet amendement cosigné avec de nombreux collègues appelle l'attention du Gouvernement sur la situation des mineurs non accompagnés. Tous nos départements souffrent d'une embolie terrible due à l'afflux des MNA, ce qui met en péril les autres politiques publiques qu'ils ont à conduire.
Dans mon seul département de Meurthe-et-Moselle, le nombre de MNA est passé de 100 à 500, certains n'étant pas vraiment mineurs et d'autres n'étant pas vraiment isolés. Cette phase d'évaluation est normalement du ressort de l'État. Il ne faut pas fermer les yeux sur ce sujet : l'État, qui gère la politique migratoire, dont il est beaucoup question dans ce débat budgétaire, doit assumer.
C'est l'État qui décide de faire entrer ou pas un certain nombre de mineurs isolés, et sa responsabilité est encore plus nette quand c'est lui qui les répartit sur le territoire, en les confiant à tel ou tel département – je ne vous parle pas de ceux qui se présentent d'eux-mêmes au bon bureau, dans l'immeuble du département… Il serait normal et juste que l'État prenne en charge le financement, surtout quand il demande aux départements d'accueillir des MNA.
Mon intervention sera dans le droit fil de celles de mes collègues. Cette question des MNA est très sensible et préoccupante pour les départements. L'amendement, budgétairement neutre, tend à améliorer la lisibilité des responsabilités qui incombent aux uns et aux autres. L'hébergement d'urgence des jeunes dont la minorité n'est pas établie incombant à l'État, il mérite un programme particulier.
Cet amendement identique a été déposé par Paul Christophe.
À la commission des finances, nous nous réjouissons souvent, avec le ministre de l'action et des comptes publics, de l'effort de sincérité entrepris depuis le début du quinquennat. Nous notons aussi des améliorations très nettes dans le projet de loi de finances rectificative dont nous venons de commencer l'examen. Cet amendement, neutre sur le plan budgétaire, va dans ce sens de la sincérité et de la clarification des comptes.
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l'amendement no 1802 .
En proposant la création d'un programme dédié, le présent amendement va dans le sens d'une plus grande sincérité des comptes mais il pourrait aussi avoir des vertus pédagogiques pour les départements, dont les pratiques peuvent être très variables en matière d'hébergement des MNA. La démarche pourrait être un moyen d'inciter les départements à harmoniser la présentation de leurs comptes.
Tout d'abord, je rappelle que le soutien de l'État en matière d'évaluation et de mise à l'abri des mineurs non accompagnés s'est affermi au cours des dernières années. En loi de finances initiale pour 2017, 16,5 millions d'euros y étaient consacrés. Ce poste s'élève désormais à 162 millions d'euros.
J'entends que cette somme ne serait pas toujours pas suffisante. L'État participe à hauteur d'environ 15 % à l'effort engagé par les départements chaque année pour la prise en charge des MNA. J'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec M. le ministre Adrien Taquet. Le problème principal réside, selon moi, dans la disparité des modalités de prise en charge entre les départements – une réalité évoquée à l'instant.
Vous indiquez que la participation de l'État en la matière est non contraignante. En réalité, elle découle d'un accord passé avec l'Assemblée des départements de France – ADF – en mai 2018. Les modalités de cet accord sont mises en oeuvre en vertu d'un décret et d'un arrêté pris en juin 2019. À cette aide pérenne s'ajoute un financement exceptionnel, prévu également par un arrêté d'août 2019, pour chaque jeune supplémentaire pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.
La création d'un nouveau programme n'ajouterait rien à ce qui a déjà été réalisé, et n'aurait pas de valeur contraignante en soi. Vous évoquez la nécessité de créer un véhicule de suivi, mais les informations contenues dans les documents budgétaires permettent déjà de comparer l'effort engagé par l'État en la matière d'une année sur l'autre.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis défavorable.
Pour compléter les propos de Mme la rapporteure spéciale, j'indique que les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont très clairs : l'État doit faire plus et mieux pour appuyer les conseils départementaux dans l'exercice de leurs compétences vis-à-vis des personnes se présentant comme des mineurs non accompagnés. Cet effort financier est maintenu en 2020 : 162 millions d'euros dans le PLFSS.
Ce débat me permet d'ouvrir une parenthèse sur les interrogations de M. le député, Bazin. Il existe une ligne spécifique pour les MNA et un amendement qui a été adopté permet de tenir l'engagement pris à l'égard de l'aide sociale à l'enfance : accompagner tous les départements qui veulent travailler avec nous grâce à l'enveloppe prévue pour 2020, 2021 et 2022.
Quant à ces amendements identiques, je demande leur retrait parce qu'ils sont satisfaits : les objectifs sont atteints, et la participation de l'État aux dépenses engagées par les départements au titre des MNA est inscrite au programme 304, précisément identifiée et justifiée – dans le projet annuel de performance pour le prévisionnel, puis dans les rapports annuels de performance pour l'exécution.
L'effort financier de l'État à l'appui de l'exercice par les départements de leurs compétences est bien inscrit en loi de finances. Le Parlement est pleinement informé du montant inscrit en projet de loi de finances puis du montant effectivement exécuté. Il serait contraire aux objectifs de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – de fragmenter le budget de l'État en autant de programmes qu'il existe de dispositifs. J'émets donc un avis défavorable.
Je n'ignore pas les efforts budgétaires consentis par l'État et les accords conclus avec les départements, ce qui n'empêche pas ces derniers de se retrouver dans des situations difficiles. Dans l'Oise, le nombre de MNA est exponentiel et leur prise en charge a coûté 20 millions d'euros au département en 2018. Même si l'État participe, ce sont autant de moyens qui ne peuvent pas aller à la protection de l'enfance qui, contrairement à la politique migratoire, est du ressort du département. L'exemple de l'Oise montre que les départements sont asphyxiés par ces dépenses liées à une politique qui est du ressort de l'État.
J'ai plusieurs demandes de prise de parole : j'aimerais que les interventions soient courtes, car la nuit va être longue !
Bien sûr, mais nous avons un règlement intérieur qui permet de gérer les équilibres.
La parole est à Mme Sylvia Pinel.
Madame la rapporteure spéciale, vous avez mal lu cet amendement qui, comme l'ont dit mes collègues, est neutre pour les finances publiques. Nous proposons de créer un programme budgétaire spécifique parce que, précisément, les programmes annuels de performance n'ont pas la même valeur contraignante, la même lisibilité et la même transparence.
Nous pourrions discuter des moyens que l'État consacre aux mineurs non accompagnés et de la répartition des compétences entre l'État et les départements dans ce domaine, mais ce n'est pas l'objet de cet amendement. Nous proposons de garder le montant prévu dans le projet de loi de finances pour 2020 mais de l'affecter à un programme spécifique.
Je pourrais comprendre que nous ayons un désaccord sur la répartition des compétences entre l'État et les départements en ce qui concerne les MNA, mais je ne comprends pas votre argument purement technique.
Notre souci n'est, en effet, pas d'ordre budgétaire puisque ces 162 millions sont déjà identifiés. Comme souvent, il faudra d'ailleurs sans doute augmenter cette enveloppe dans le projet de loi de finances rectificative, pour faire face à l'arrivée d'un nombre croissant de MNA dans les départements.
L'idée serait plutôt de demander à l'Assemblée des départements de France de recentraliser et d'évaluer les moyens consacrés aux mises à l'abri, mais ce problème d'organisation ne relève pas du débat budgétaire.
Quoi qu'il en soit, la création d'un nouveau programme ne permettrait pas d'harmoniser les dispositifs dans les départements. Pour ce faire, il faut en passer par une évaluation des prises en charge car le prix de journée, par exemple, peut varier du simple au quintuple d'un département à l'autre. La prise en charge de ces mineurs soulève de vrais problèmes qui ne seront pas résolus en déplaçant une ligne budgétaire.
Comme l'a fort bien expliqué Mme Pinel, notre souci est de clarifier les choses en identifiant le concours de l'État à la prise en charge de ces mineurs non accompagnés.
L'effort de l'État a été maintenu, dites-vous, madame la secrétaire l'État ? Cela contraste singulièrement avec la situation que vivent les départements, dont les dépenses explosent et qui doivent chaque année y consacrer des crédits supplémentaires.
Il faut que chacun ici ait bien conscience du coût pour les départements.
Cela dit, ces amendements sont techniques : ils demandent à identifier ces 162 millions dans le budget – sachant, comme cela vient d'être dit, qu'un budget rectificatif sera certainement nécessaire, car ce que vivent les départements sera vécu par l'État. On pourrait d'ailleurs ouvrir un débat ici, en un moment plus propice, sur le reste à charge non compensé que supportent les départements.
Ce que nous vous demandons, madame la secrétaire d'État, comme M. Labaronne l'a très bien dit, c'est de mettre nos départements en confiance. Vous savez qu'ils assument une masse importante de dépenses dites sociales, qui sont d'ailleurs plus ou moins compensées par l'État – mais c'est un autre débat.
Cet amendement, nous l'avons déposé à la demande de l'ADF. Peut-être pourrions-nous tout simplement répondre aux demandes de nos élus départementaux ! Vous l'avez parfaitement dit : un accord a été passé entre le Gouvernement et les départements, et a donné lieu, en juin dernier, à un décret puis à un arrêté définissant les modalités de son application. Allons donc au bout de la concrétisation de cet accord en créant ce nouveau programme. C'est neutre : nous ne débattons pas ici du montant des crédits, nous vous demandons simplement de concrétiser la réponse de l'État à la demande des départements et l'accord passé avec eux. Honnêtement, cela ne vous coûterait rien et pourrait rassurer nos collectivités et nos élus départementaux.
Nous ne contestons absolument pas l'effort financier consenti par l'État en faveur de la prise en charge des MNA. Par ailleurs, nous savons très bien que les dépenses budgétaires sont fléchées et identifiées au sein des programmes annuels de performance. Mais il faut aller vers un budget plus sincère, où les dépenses soient plus clairement identifiées, de manière à rendre plus compréhensible l'effort financier que fait l'État en faveur des MNA.
Définir une ligne budgétaire spécifique, grâce à la création d'un programme, rendrait cet effort plus lisible, plus pédagogique et plus accessible aux non initiés. La création de ce programme serait même utile à la communication du Gouvernement.
Comme cela a été dit, il s'agit d'une demande des départements, qui ne coûterait rien. Pour une fois que l'on peut satisfaire l'ADF sans que cela nous coûte grand chose, pourquoi nous en priver !
Je souhaite rassurer Mme Pinel : je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'amendements budgétaires, j'ai simplement rappelé les chiffres. Les moyens consacrés à l'accompagnement des départements dans la prise en charge des MNA ont été multipliés par dix. Une aide pérenne de 500 euros pas jeune a été créée, à laquelle s'ajoutent 90 euros pendant quinze jours, puis 20 euros par la suite. L'effort est donc considérable.
En outre, je vous ai donné mon sentiment personnel : grâce à l'ensemble important de documents budgétaires dont nous disposons, et à de nombreux travaux parlementaires sur ce sujet – Mme la rapporteure pour avis en a conduit l'année dernière, et je procède moi-même, chaque année, à une analyse attentive – nous avons des informations suffisamment complètes pour être pleinement éclairés.
Nous constatons tous, dans nos circonscriptions, que la situation de ces mineurs non accompagnés est extrêmement difficile. Les départements s'efforcent d'y remédier, avec l'aide très importante de l'État et en s'appuyant sur le travail de nombreuses associations – qui ne se traduit pas en termes budgétaires : ce sont des bénévoles qui, au quotidien, viennent en aide à ces jeunes. Or leur situation reste très insatisfaisante. De nombreux drames ont lieu, et leur quotidien est très difficile.
Il serait donc souhaitable de clarifier les choses du point de vue budgétaire et d'augmenter l'efficacité des actions sur le terrain. Mais la clarification est un préalable indispensable.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 1767 .
Il tend à transférer, au sein du programme 124, les dépenses de personnel des agences régionales de santé – ARS – vers celles du ministère pour 1 million d'euros, afin de permettre la création d'un service à compétence nationale chargé de développer les systèmes d'information utiles à l'ensemble des dix-sept ARS. Cet amendement n'aura aucune incidence sur les emplois et les crédits du ministère.
L'amendement n'a pas été examiné en commission, mais j'y suis favorable.
L'amendement no 1767 est adopté.
Il s'agit de deux amendements d'appel tout à fait symboliques. Ils proposent un transfert de crédits vers le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » afin de vous alerter sur les insuffisance du maillage territorial en matière de matériels de santé lourds, comme les IRM ou les scanners.
Les cliniques de l'ouest biterrois s'étonnent en effet que l'ARS ne semble pas prêter un grand intérêt à notre territoire, préférant privilégier systématiquement les demandes hospitalières, et renforcer l'hospitalo-centrisme montpelliérain. Pour atténuer la fracture territoriale, il est important qu'une IRM soit installée à Béziers, à la polyclinique Saint-Privat qui en a fait la demande. Elle reçoit de nombreux patients en situation d'urgence et en attente d'actes de chirurgie, notamment pour des cancers. Sa situation géographique est idéale pour les patients venant de la région de Clermont-l'Hérault, dans l'arrière-pays.
Quant à la clinique Causse, l'ARS vient de lui refuser l'installation du scanner qu'elle avait demandé, malgré le fait qu'elle ait reçu le plus grand nombre de votes favorables lors de la commission spécialisée d'organisation des soins. Ce refus est d'autant plus incompréhensible que cette clinique est la seule clinique chirurgicale de la région à ne pas disposer d'un scanner.
En termes de politique sanitaire, il est absolument indispensable de procéder à un rééquilibrage entre l'est héraultais, qui profite toujours de la métropole de Montpellier, et l'ouest du département. C'est véritablement une question d'équité.
Le dialogue de gestion avec les ARS s'établit sur une base bi-annuelle. La dotation de 2020 prend donc en compte l'entrée en vigueur d'un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens – CPOM – pour la période 2019-2023. Ce CPOM assure aussi l'équité entre les territoires à partir de l'analyse de leur besoins.
Augmenter la subvention pour charges de service public des ARS dans le cadre de la présente mission n'aurait pas d'influence directe sur l'ARS de l'Hérault en raison des modalités de financement exposées précédemment. D'autre part, il me semble indispensable de préserver les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », destinés en particulier à la lutte contre les violences conjugales. Je donne donc un avis défavorable à ces amendements qui n'ont pas été examinés par la commission.
Comme vous l'avez souligné, madame Ménard, il s'agit d'amendements d'appel dont l'objet ne relève pas du PLF. Le budget de l'État finance les plateaux techniques des hôpitaux et des cliniques, dans le cadre du PLFSS. Nous vérifierons, mais, d'après ce que nous a dit l'ARS d'Occitanie, les cliniques que vous citez n'ont pas demandé d'équipements, et l'ARS a autorisé l'installation d'une IRM à Agde, à une trentaine de kilomètres de Béziers. Avis défavorable.
Il est vrai que le sujet ne relève pas directement du PLF, et nous pourrions peut-être en parler hors de l'hémicycle. Je me contente donc de vous confirmer que la clinique Saint-Privat a bien demandé un IRM et que la clinique Causse a demandé un scanner. Une IRM a effectivement été attribuée à Agde, et une autre reste à attribuer. Quant au scanner, la clinique Causse vient de recevoir la décision la semaine dernière : c'est un refus, qui fait état de surcroît d'erreurs factuelles très malencontreuses, notamment sur la situation géographique de la clinique : l'ARS se trompe même de village ! Mais je pense que nous pourrons en parler en privé.
Je voudrais élargir le débat et appeler l'attention de Mme la secrétaire d'État sur la nécessité impérieuse que l'État soit présent en milieu rural, notamment auprès des petits hôpitaux locaux, les centres hospitaliers régionaux – CHR – , qui apportent un service de proximité de qualité.
Je connais bien le cas d'un hôpital qui a demandé un scanner pendant plus de cinq ans. Nous l'avons enfin obtenu ! Cela donne un avenir à cet hôpital, qui rayonne sur un territoire étendu : l'établissement devenant ainsi dynamique et attractif, il n'est plus menacé de fermeture.
Il faut vraiment entrer dans le détail. Je sais que vous le faites, madame la secrétaire d'État, mais c'est particulièrement nécessaire pour ces hôpitaux qui apportent un service de proximité de grande qualité. Mon territoire en compte deux d'une importance et d'un intérêt tout particuliers : à Brioude, dans l'est de la Haute-Loire, et au Puy-en-Velay, où se trouve un service de radiologie important, qui rayonne sur l'ensemble du département. Soyez plus que jamais attentive, madame la secrétaire d'État, à ces services de santé qui permettent de maintenir des populations dans des territoires fragiles du milieu rural.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1751 .
Cent quarante-trois mille enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré être victime de violences commises par son conjoint ou ex-conjoint. Parmi ces enfants, 42 % ont moins de 6 ans, soit 60 000 très jeunes enfants.
Dans 68 à 80 % des cas, l'enfant est présent lorsque la mère est violentée. En 2018, les violences conjugales ont causé la mort de 21 enfants, et 82 sont restés orphelins. La situation des enfants victimes de violences ou connaissant des situations de violences au sein de leur foyer est extrêmement préoccupante et constitue encore aujourd'hui un angle mort de la politique sociale.
Le Grenelle des violences conjugales a effleuré la question en formulant le souhait que le statut des enfants témoins de violences dites intrafamiliales soit aligné sur celui des enfants victimes de violences, afin qu'ils bénéficient du même régime. Mais cela nous semble insuffisant. Un accompagnement spécifique doit être organisé afin que le stress post-traumatique que subit la majorité de ces enfants soit traité et que les conséquences de ces violences pour leur santé psychologique, intellectuelle et émotionnelle soient réduites autant qu'elles peuvent l'être.
La gravité de la situation des enfants victimes de violences conjugales est effectivement de plus en plus reconnue. Enfin ! Les chiffres que vous rappelez, madame Fiat, nous mettent dans l'obligation d'agir.
J'ai eu l'occasion, lors d'une audition, d'interroger à ce sujet le groupement d'intérêt public « Enfance en danger » – GIPED. Une convention de partenariat a notamment été signée entre le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, qui gère le numéro 119, et le service « Violences femmes info », qui gère le 39 19.
Par ailleurs, la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfant présentée par le secrétaire d'État Adrien Taquet, que nous avons évoquée tout à l'heure, sera également un levier pertinent pour renforcer la sécurité des enfants.
Nous sommes nombreux à être mobilisés pour répondre à ce problème. Je pense notamment à Perrine Goulet, qui s'exprimait tout à l'heure, ou encore Jennifer De Temmerman, entre autres.
Nous devons y travailler avec les outils existants. La création d'un nouveau programme aboutirait à disperser les crédits consacrés à la protection de l'enfance. Cet amendement n'a pas été examiné en commission, mais j'émets, à titre personnel, un avis défavorable, tout en partageant votre intention et votre intérêt.
La lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants est une priorité du Gouvernement, qui annoncera prochainement un nouveau plan interministériel en ce sens.
Dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, il est prévu de renforcer le repérage, l'accompagnement et la prise en charge des enfants victimes ou exposés à des violences. La prise en compte globale de la situation de ces enfants implique la mobilisation de dispositifs relevant de différents ministères et de plusieurs missions – cohésion sociale, santé, justice, éducation nationale.
Pour ne parler que de ce qui est de mon ressort, nous avons passé une convention d'objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales qui comporte une action spécifique sur la parentalité. Nous examinerons les mesures qui paraîtront les plus pertinentes dans ce domaine. Les lieux d'accueil enfants-parents par exemple me semblent être un bon dispositif pour recueillir la parole des enfants.
Je demande le retrait de l'amendement, sinon avis défavorable.
Sur le fond, nous partageons complètement votre préoccupation, madame Fiat. Toutefois, votre amendement n'est pas au bon endroit.
Ce dont ces enfants ont besoin, c'est d'avoir accès à des psychologues et à des psychiatres, et d'être entourés. Je ne suis pas sûre que cette somme soit bien utile dans cette mission : cela relève plus du PLFSS, nous l'avons déjà évoqué.
Il ne faut pas oublier le Grenelle des violences conjugales, qui permet de faire remonter des préoccupations. Lors d'un tête-à-tête avec Marlène Schiappa, j'ai ainsi insisté sur la nécessité d'apporter un soutien à ces enfants, qui sont des victimes mais qui peuvent, par la suite, devenir les auteurs de violences. Il y a vraiment quelque chose à faire. Je ne pense pas que l'ouverture d'une ligne budgétaire soit la solution. Il faut mobiliser les ressources de la sécurité sociale, notamment les équipes mobiles psychiatrie précarité ou les nouveaux services de pédopsychiatrie – l'un d'entre eux a été ouvert dans mon département grâce à l'augmentation des crédits votée l'année dernière – dont l'utilité me paraît plus grande.
Madame Fiat, je partage totalement vos préoccupations, mais il faut aborder le sujet autrement. Si vous n'en faites pas partie, je vous invite à rejoindre le groupe d'études sur les droits de l'enfant et la protection de la jeunesse au sein duquel nous pourrions y travailler.
Madame Goulet, cet amendement avait été déposé sur le PLFSS : il a été déclaré irrecevable, et on nous a conseillé de le déposer sur le projet de loi de finances ! On fait ce qu'on peut, vous savez, on met les amendements là où on nous dit de les mettre. Le groupe La France insoumise est finalement assez sage.
Non, ce n'est pas nouveau, cela a toujours été.
J'entends ce que vous dites, je sais que le travail est fait, que le sujet est pris en compte, mais il n'y a pas de ligne dédiée dans le projet de loi de finances ! Vous émettez plein de bonnes idées que je soutiens entièrement, mais aucun financement n'est prévu. C'est ce qui m'inquiète, et qui justifie l'amendement. Les idées sont bonnes, et nous vous suivons, mais il faut les financer. J'en conviens, l'amendement aurait mieux trouvé sa place dans le PLFSS mais cela ne nous a pas été permis, donc je le maintiens.
L'amendement no 1751 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1752 .
Dans le même esprit que l'amendement précédent, il faut financer les bonnes idées du Gouvernement.
L'amendement no 1752 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1760 .
L'achat de protections périodiques dans les prisons représente un coût exorbitant pour les détenues. Comme le déclarait Ophélie Latil, de l'association Georgette Sand, il y a quelques jours lors d'une manifestation devant le ministère de la justice, « en prison, les femmes doivent parfois débourser 7,5 euros, voire 9 euros pour une boîte de tampons que l'administration pénitentiaire a achetée 2,5 euros à la supérette du coin ». Selon l'association, les établissements pénitentiaires prennent une marge au détriment des détenues. Ces dernières, qui ne peuvent pas toutes débourser de telles sommes, sont contraintes de recourir à des systèmes de protection qui sont inadaptés et peuvent mettre leur santé en danger.
L'amendement vise à obtenir une prise en charge totale par l'État des protections périodiques des femmes détenues. Pour une meilleure lisibilité du budget dédié aux droits des femmes, nous souhaitons que ces protections soient totalement financées par le budget que l'État consacre aux femmes.
J'entends vos préoccupations sur la condition des femmes en prison. Toutefois, si la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » comporte un programme 137 dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes, les objectifs de ce dernier visent avant tout à lutter contre les violences sexistes et sexuelles et à assurer l'égalité professionnelle et la diffusion de la culture de l'égalité.
Le financement public de protections hygiéniques pour les femmes détenues s'éloigne des dispositifs relevant de la mission. De nombreux ministères contribuent à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes – nous avons eu l'occasion d'en parler plusieurs fois aujourd'hui. Le programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » a notamment pour objet d'améliorer les conditions de détention des personnes incarcérées, et pourrait être un meilleur support pour cette mesure. Son pilotage pourrait ainsi relever du directeur de l'administration pénitentiaire.
En outre, il est nécessaire que les différents dispositifs portés par le budget de l'État demeurent cohérents et lisibles. À titre personnel, je sollicite le retrait de l'amendement. À défaut, j'y suis défavorable.
Madame la députée, vous posez une question importante, celle de l'accès des femmes en situation de vulnérabilité aux protections hygiéniques, en particulier des femmes détenues.
Ce sujet est évoqué dans le rapport sur la précarité menstruelle, remis très récemment par la sénatrice Patricia Schillinger à Marlène Schiappa. Il y est notamment proposé d'expérimenter pendant trois ans la gratuité des protections hygiéniques pour plusieurs publics – femmes en situation de précarité, femmes incarcérées, jeunes femmes scolarisées et étudiantes. Cette recommandation est actuellement étudiée par les ministères concernés afin de trouver la meilleure manière d'avancer sur le sujet, et j'y veillerai.
D'ores et déjà, le Gouvernement a décidé d'allouer des crédits, notamment au bénéfice des lieux d'accueil de jour, pour aider prioritairement les femmes à la rue. Pour ce qui concerne les femmes détenues, je m'engage à saisir la garde des sceaux afin de trouver une solution pour rendre les protections hygiéniques plus accessibles pour elles.
Je demande donc le retrait de votre amendement, sinon avis défavorable.
Compte tenu de l'engagement pris par Mme la secrétaire d'État, je retire l'amendement mais je serai très attentive à la suite !
L'amendement no 1760 est retiré.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1762 .
Vivre à Paris, dans une grande ville, en zone rurale en souffrant d'un handicap nécessite chaque jour de relever des défis inouïs. Le monde ayant été créé par les personnes valides, les personnes qui s'éloignent de la norme se trouvent exclues de certaines activités, de certains lieux, de certains emplois, de certaines rencontres, de certains déplacements.
Il est fondamental que l'État engage un plan réel d'investissements afin de mettre aux normes l'ensemble des établissements publics et des transports en commun, afin que plus jamais, dans un pays aussi riche que la France, on ne laisse des personnes de côté.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui vise à transférer 1 million d'euros de crédits de l'action 11 du programme 304 vers une ligne nouvelle intitulée « mise aux normes des espaces non accessibles aux personnes en situation de handicap ».
Votre amendement est un amendement d'appel, dans la mesure où nous sommes tous conscients que 1 million d'euros ne seront pas suffisants pour réaliser l'ensemble des travaux nécessaires afin de garantir l'accessibilité des transports publics et des établissements recevant du public – ERP.
Sur le fond, je tiens à préciser quelques éléments. L'inclusion sociale des personnes en situation de handicap est également un sujet qui me tient très à coeur.
L'accessibilité des ERP et des transports collectifs fait l'objet d'une obligation en vertu de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les difficultés de mise en oeuvre de ces dispositions ont donné lieu à de nombreux rapports. Je citerai notamment celui de la sénatrice Claire-Lise Campion, publié en 2014. La mise en conformité a effectivement pris un retard considérable et je comprends votre mécontentement sur ce point.
Depuis 2015, l'agenda d'accessibilité programmée a été instauré afin d'accélérer le mouvement de mise en conformité.
Je rappelle l'existence de la prestation de compensation du handicap – PCH. Près de 2 milliards d'euros sont ainsi dépensés chaque année afin de répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap. L'examen de la proposition de loi visant à améliorer l'accès à cette prestation, adoptée par le Sénat mardi dernier, sera également l'occasion pour nous d'étudier les leviers permettant de faciliter l'inclusion des personnes en situation de handicap.
Le suivi des agendas d'accessibilité programmé, ainsi qu'un travail de notre part sur la PCH seront, à mon avis, plus efficaces pour accélérer l'inclusion sociale des personnes en situation de handicap. Je demande donc le retrait de l'amendement, sinon mon avis sera défavorable.
L'accessibilité universelle, c'est le projet que je porte pour ouvrir le choix des personnes en situation de handicap dans tous les aspects de leur vie quotidienne. Ce projet engage la responsabilité de tous. Il ne s'agit pas d'une formule, il s'agit d'une réalité dans l'organisation de nos politiques publiques et dans notre système de solidarité.
Le dispositif des agendas d'accessibilité programmée – ADAP – , adopté en 2014, constitue une réponse pour intensifier le processus de mise en accessibilité de toute la chaîne du déplacement. Les ADAP ont permis de rendre accessibles près de 600 000 établissements recevant du public. Ajoutés aux 300 000 établissements neufs ou soumis à autorisation de travaux, obligatoirement accessibles depuis la loi de 2005, et aux 50 000 ERP anciens mis en accessibilité entre 2005 et 2015, près d'un million d'établissements sont accessibles avec ou sans dérogation, ou en voie de l'être. Ces chiffres confirment l'intérêt des ADAP dans leur rôle d'accélérateur d'accessibilité. L'État a intégré l'ensemble des ERP dans les ADAP. Leur mise en oeuvre doit relever d'une politique volontariste dans chaque ministère, ce qui n'est pas cohérent avec l'identification d'un budget propre au titre du ministère des affaires sociales.
De la même manière, dans le domaine des transports, les SDAP – schémas directeurs d'accessibilité programmée – sont un outil à la disposition des autorités organisatrices de transport volontaires, qui structurent la mobilisation des collectivités. La création plus récente des métros à Lille ou Lyon par exemple a permis que soit intégrée dès l'origine la question de l'accessibilité, dont le financement est bien antérieur à l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
Évidemment, nous devons poursuivre nos efforts sans relâche, être à l'écoute des personnes pour mieux prendre en compte la qualité d'usage et les cheminements pour articuler les différentes modalités d'accessibilité. Il importe aujourd'hui de créer les conditions du développement des services et des outils numériques à l'usage des personnes en situation de handicap. Ce sujet a connu des avancées dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités.
Enfin, j'ai pris l'engagement, lors du débat au Sénat sur la proposition de loi relative à la prestation de compensation du handicap, de réunir un comité stratégique s'intéressant aux transports, large dans sa composition, afin de trouver les voies d'une accélération de la résolution des difficultés de transport, qui ne doivent pas entraver les évolutions tant nécessaires en matière d'ouverture de notre société.
Si je partage bien sûr l'ambition de progresser encore sur l'accessibilité, la voie ne peut être celle d'un budget attaché au ministère des affaires sociales quand le handicap doit irriguer toutes les politiques publiques. En cela, je suis défavorable à votre amendement.
J'entends votre réponse, madame la secrétaire d'État. Chaque ministère, dites-vous, devrait prendre en compte le handicap.
Quand on parle de handicap, on pense souvent aux personnes à mobilité réduite. Mais, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, j'avais proposé qu'il y ait des agents du métro parisien qui maîtrisent la langue des signes, ou des dépliants de la SNCF ou de la RATP écrits en FALC – facile à lire et à comprendre – pour les personnes qui en ont besoin. Et tout a été rejeté dans cet hémicycle !
Je n'ai donc guère d'autre solution qu'un amendement d'appel pour appeler votre attention sur le sort réservé à nos propositions. Certes, la formation des personnels à la langue des signes a un coût, mais vous en conviendrez, le handicap ne se rapporte pas seulement aux personnes à mobilité réduite.
Je retire cet amendement d'appel, mais je souhaite que vous preniez conscience que tous ces amendements ont été rejetés. C'est bien dommage.
L'amendement no 1762 est retiré.
Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », modifiés, sont adoptés.
Cet amendement, qui fait suite à celui que j'ai soutenu tout à l'heure déverrouillant l'accès à l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants, vise à abonder les crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de 100 000 euros supplémentaires.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement no 1414 rectifié de la commission des affaires sociales.
Cet amendement vise à revoir les conditions d'éligibilité à l'ARFS. Mme la rapporteure spéciale et moi-même proposons une expérimentation dans les régions où les bénéficiaires potentiels sont les plus nombreux. L'amendement no 2200 que vient de défendre Mme la secrétaire d'État tend à supprimer la condition d'hébergement dans un foyer de travailleurs migrants ou dans une résidence sociale pour l'octroi de l'aide. Il s'agit de notre principale demande, aussi vais-je retirer mon amendement au profit de celui du Gouvernement, dans l'espoir de voir cette aide davantage accordée.
L'amendement no 1414 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1565 .
Votre proposition, madame la secrétaire d'État, fait suite à nos travaux parlementaires et je vous en remercie. Il s'agit d'un dossier difficile sur le plan technique, nécessitant de trouver des solutions afin de réviser les nombreux critères conditionnant l'octroi de l'ARFS, tels que les conditions d'hébergement, qui constituent un réel frein. Le montant de l'aide accordée est également une question importante : je comprends que vous prévoyez de l'augmenter grâce à l'accroissement des crédits du programme 304.
Votre proposition ne concerne que les renouvellements de demande, mais il est possible que cette augmentation de crédits permette au dispositif de toucher un plus large public d'un point de vue général. Je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, vous entendre sur ce point car, je le répète, les conditions actuelles d'octroi de l'ARFS apparaissent trop restrictives pour que cette aide soit accordée à toutes les personnes qui en ont besoin. Étant favorable à la proposition du Gouvernement et dans l'attente de votre réponse, madame la secrétaire d'État, je me tiens prête à également retirer mon amendement d'expérimentation.
L'amendement adopté au début de l'examen des amendements relatifs à cette mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » permet de déverrouiller l'accès à l'ARFS. Je vous propose maintenant de ne pas passer par la phase d'expérimentation préalable que vous proposez. Nous serons toujours capables de tirer les conséquences de cette mesure en examinant les crédits utilisés, et de l'améliorer si nécessaire. Vous êtes plusieurs parlementaires à être attentifs à ce sujet et je sais que vous ne manquerez pas d'interpeller le Gouvernement en cas de besoin. Nous serons à votre écoute.
L'amendement no 1565 est retiré.
L'amendement no 2200 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 2195 .
Il s'agit d'un amendement de coordination relatif à l'allocation supplémentaire d'invalidité.
Il est favorable à titre personnel, car l'amendement n'a pas été examiné en commission.
L'amendement no 2195 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 1748 .
Cet amendement porte sur le fonds d'appui aux politiques d'insertion – FAPI – instauré par l'article 89 de la loi de finances pour 2017. Quatre-vingt-neuf départements se sont depuis engagés dans ce cadre contractuel avec l'État, tandis que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, lancée en 2018, vient prolonger ce partenariat entre l'État et les départements. Le déploiement de cette stratégie a pour conséquence de rendre obsolète le cadre déterminé par l'article 89 de la loi de finances pour 2017. Cet amendement vise donc à abroger cette disposition. Les 50 millions d'euros dévolus au FAPI se cumuleront, à partir de 2020, avec les crédits dédiés à la contractualisation dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Cet amendement est la conséquence de la mise en oeuvre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les conventions qui ont été conclues avec l'État en 2019 s'ajoutent aux précédentes déjà signées avec les départements, dans le cadre du fonds d'appui aux politiques d'insertion. Dans une perspective de simplification, je suis favorable à titre personnel à la proposition du Gouvernement, qui n'a pas été examinée en commission.
L'amendement no 1748 est adopté.
L'amendement no 598 de M. Cyrille Isaac-Sibille est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement, qui me tient très à coeur, vise à la remise d'un rapport par le Gouvernement sur la prise en charge de la perte d'autonomie et de la dépendance. Comme je l'ai rappelé lors de l'examen du projet de loi de finances en commission, cette politique est à la charge de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales. Sa lisibilité est faible, comme l'ont montré les rapports cités dans l'exposé des motifs de cet amendement. Ce sujet mériterait toutefois d'être plutôt traité dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La dépendance est une question urgente et nous sommes en attente d'un projet de loi sur le grand âge et l'autonomie qui comprendrait un financement à la hauteur des besoins. Tous les territoires connaissent des difficultés sur ce sujet, qu'il s'agisse de l'attractivité, de la rémunération et de la reconnaissance des métiers, des ressources humaines disponibles auprès des personnes dépendantes, ou du maintien à domicile. Personnels de santé et familles attendent des mesures fortes, aussi suis-je favorable aux propositions qui vont dans ce sens.
S'agit-il, madame la rapporteure spéciale, d'un avis favorable à titre personnel ou au nom de la commission ?
Je suis effectivement très favorable à ce qu'on avance sur la question de la dépendance et je considère que cette demande de rapport est pertinente, mais, comme je l'ai dit certainement trop vite, elle devrait plutôt être formulée dans le cadre du PLFSS. Je demande donc, à titre personnel, le retrait de l'amendement, que la commission n'a pu examiner.
Que vous puissiez avoir un regard sur les mesures relatives au grand âge et à l'autonomie est effectivement nécessaire. Cependant, votre demande relève davantage du PLFSS. Nous ferons en sorte, lors du travail sur le grand âge et l'autonomie, que vous soyez impliqués dans l'élaboration du projet de loi et que vous ayez un regard sur l'évaluation et l'évolution des crédits alloués, lesquels devront répondre aux besoins concrets des personnes âgées. Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut j'émettrai un avis défavorable.
Comme M. Laqhila et moi-même ne sommes que cosignataires de cet amendement dont Cyrille Isaac-Sibille est l'auteur, nous le maintenons, même si nous avons bien compris les arguments qui nous ont été donnés.
L'amendement no 598 n'est pas adopté.
Ces amendements s'inspirent d'une proposition des organisations Oxfam, ATD Quart monde, Réseau Action Climat et Secours catholique-Caritas France.
Le premier vise à joindre au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale une annexe commune évaluant l'impact du budget sur les inégalités socio-économiques au sein de la population. Il s'agirait d'un jaune budgétaire dont l'intitulé serait « Impact des mesures budgétaires sur le pouvoir d'achat des ménages » et qui aurait pour objectif d'éclairer aussi bien les parlementaires que la société civile sur ce sujet. Il nous paraît essentiel de disposer d'une telle documentation dans la mesure où la transition écologique en cours et à venir est amenée à entraîner le bouleversement d'équilibres socio-économiques dont les conséquences doivent être anticipées au mieux lors de l'examen des textes au Parlement.
Le second amendement est de repli par rapport au premier et poursuit les mêmes objectifs.
Ces amendements ont été retirés après leur examen en commission pour être retravaillés. Ils visent à obtenir une meilleure mesure de l'impact des dispositions des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale sur le pouvoir d'achat des ménages. L'objet initial de ces amendements avait été jugé trop exigeant, trop large et insuffisamment opérationnel pour offrir une information plus transparente aux parlementaires et à la société civile – ce qui est effectivement important.
Les amendements que nous examinons aujourd'hui n'ont été que légèrement modifiés et j'estime qu'il reste difficile d'analyser la totalité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale sous le même prisme, au sein d'un unique rapport. Nous savons que chaque disposition fiscale ou sociale peut poursuivre plusieurs objectifs, parfois même concurrents, et que certaines mesures relèvent de la solidarité nationale. L'allocation aux adultes handicapés par exemple, dont nous avons parlé plus tôt, est à la fois une allocation de solidarité et une mesure de soutien au pouvoir d'achat.
Il me paraît donc délicat de valider en l'état ces amendements, même s'ils posent une question importante, car leur applicabilité est incertaine. Comme lors de l'examen en commission, je demande leur retrait et, à défaut, je rendrai un avis défavorable.
Je partage l'objectif général que poursuivent vos amendements. Il est impératif que nous mesurions plus systématiquement l'impact des mesures budgétaires sur les revenus des ménages modestes. Nous avons reçu, avec le Premier ministre, les associations à l'initiative du « Pacte du pouvoir de vivre » et je souhaite que nous creusions la faisabilité technique de vos propositions, s'agissant notamment de la méthode d'évaluation, laquelle reste à élaborer. Nous réfléchirons également à l'opportunité d'intégrer aux études d'impact des textes législatifs un volet systématique destiné à nos concitoyens aux revenus modestes. Dans la mesure où nous initions ce travail de réflexion, auquel nous souhaitons vous associer, je vous demande le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.
Il me semblerait effectivement intéressant de travailler à une méthode d'évaluation en s'appuyant sur les données dont dispose le Gouvernement, auxquelles s'ajouteraient celles de l'Institut des politiques publiques et des organismes indépendants. J'accepte de retirer ces deux amendements.
La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l'amendement no 1212 .
Nous arrivons au terme de cette discussion très riche. Pour détendre l'atmosphère, je vous emmène à 8 000 kilomètres d'ici et vous propose une baignade dans le lagon de Mayotte.
Mayotte est la collectivité la plus pauvre de notre République : 84 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté ; les salaires sont bas ; le SMIC est inférieur au SMIC national, malgré les promesses faites en 2015 par le précédent président de la République – nous attendons toujours l'alignement annoncé alors ; les minima sociaux sont presque inexistants ; le chômage des jeunes culmine à plus de 40 % ; le chômage est le principe, l'emploi l'exception. Si l'on parle d'égalité républicaine, on peut difficilement tourner le dos à cette population.
Par cet amendement, nous demandons l'élaboration d'un rapport étudiant l'impact d'une extension, au bénéfice de Mayotte, du chèque emploi service universel – CESU. Ce dispositif permettrait sans nul doute la création d'emplois nécessaires à l'épanouissement de la population.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
Vous demandez que le Gouvernement remette un rapport sur l'impact d'une mise en oeuvre du CESU à Mayotte. Vous avez rappelé à juste titre quelle était la situation sociale dans la collectivité. Toutefois, votre amendement me pose deux difficultés, l'une de forme, l'autre de fond.
Sur la forme, le débat relatif aux conséquences de l'extension du CESU au département de Mayotte devrait plutôt trouver sa place lors de l'examen du PLFSS.
Sur le fond, l'amendement mentionne « des exonérations et des dispositifs liés », sans plus de précisions. Or le CESU n'est pas, en soi, un support ou un mécanisme d'exonérations ; c'est une simplification des démarches déclaratives. Le débat que vous ouvrez peut tout aussi bien concerner la réduction d'impôt sur le revenu associée au CESU que les mécanismes de lutte contre la fraude et le travail illégal.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, afin que nous puissions en préciser la rédaction et discuter en nous fondant sur un véhicule législatif adapté.
Il est identique à celui de Mme la rapporteure spéciale.
Il convient tout d'abord de noter que la déduction forfaitaire des cotisations patronales en vigueur dans les départements d'outre-mer historiques est imputée sur le programme 138, « Emploi outre-mer », placé sous la responsabilité de la ministre des outre-mer. Les programmes 304 et 157 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » n'ont pas vocation à supporter le coût de cette déduction lorsqu'elle sera mise en oeuvre.
Sur le fond, le Gouvernement a bel et bien la volonté de déployer à Mayotte, à moyen terme, les dispositifs d'aide à l'emploi des salariés à domicile que sont le CESU et la déduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale, dans un objectif de simplification et de légalisation d'une activité encore largement informelle. Néanmoins, compte tenu de sa complexité, le dispositif ne pourra pas être transposé immédiatement, notamment en ce qui concerne le CESU préfinancé – autrement dit le tiers payant, qui permet de rémunérer directement le salarié – , car cela suppose que le conseil départemental soit en mesure de le gérer.
Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'entends vos propos, madame la secrétaire d'État. Mais, je vous le dis du fond du coeur, par les mesures que vous prenez, vous chassez les Mahorais de l'hôpital. Vous avez répondu à l'un de mes collègues qu'ils devaient s'orienter vers les soins en ville ; or il n'y a pas de médecins. On ne les accepte pas à l'hôpital, et ils sont exclus des dispositifs sociaux.
À présent, vous me faites la même réponse que m'avait donnée Mme Buzyn, dès 2017 je pense, dans une autre salle de l'Assemblée. Chaque fois qu'il est question de Mayotte, on renvoie à plus tard, sans donner de calendrier. Encore une fois, on exclut les Mahorais de tous les mécanismes sociaux.
On peut ne pas admettre que les Mahorais sont des Français à part entière. Cependant, les choix ont été faits : ils sont dans la République et méritent, dès lors, le même traitement que tous les autres. Vous ne pouvez pas répondre, décemment, « retrait ou avis défavorable ». Indiquez-moi un calendrier précis. Nous attendons depuis plusieurs mois ou plusieurs années. Chaque fois que l'on nous promet un dispositif, il ne vient pas.
Mon collègue Mansour Kamardine vous demande simplement un rapport, madame la secrétaire d'État. Cela ne vous coûterait rien, même si j'entends l'argument de Mme la rapporteure spéciale selon lequel la question relève plutôt du PLFSS.
Nous ne souhaitons qu'une chose : que Mayotte s'en sorte. Derrière le CESU, il y a l'idée d'emploi et d'insertion. Il s'agit d'examiner tous les points de blocage et de travailler ensemble, Gouvernement et Parlement, sur ces dispositifs. Un rapport aurait le mérite de creuser les choses. Vous avez rappelé votre intention de déployer un certain nombre de dispositifs à Mayotte, tout en relevant, en même temps, des difficultés en ce qui concerne le tiers payant. Cet aveu plaide pour que vous fournissiez des éléments à la représentation nationale et que nous avancions ensemble. Il faut que les Mahorais puissent s'insérer par l'emploi, grâce au CESU, formidable dispositif dont nous bénéficions en métropole.
L'amendement no 1212 n'est pas adopté.
Nous avons terminé l'examen des crédits des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la cohésion des territoires (no 2301, annexes 8 et 9 ; no 2298, tomes III et IV ; no 2292, tome IX ).
La parole est à M. François Jolivet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La politique du logement et de l'hébergement d'urgence demande du temps, de l'humilité et une détermination constante. C'est pour cela que, depuis deux ans et demi, votre majorité et vous-même, monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, ne cessez de travailler à sa refondation, au service des habitants, dans tous les territoires.
Je garde bien à l'esprit les défis immenses que doit relever cette politique, qu'il s'agisse de la situation en Guyane, où je me suis rendu au printemps, ou de celle révélée par le tragique effondrement de la rue d'Aubagne à Marseille. Tout nous invite collectivement à l'action.
Nous héritons, vous héritez de choix ou d'absence de choix qui placent des familles devant des obstacles. Je ne doute pas que les questions du logement, de l'hébergement et du cadre de vie seront au centre de nombreux débats à l'approche des élections municipales.
Aucune politique n'est possible sans des moyens associés – tel est précisément l'objet de cette séquence budgétaire. S'agissant des programmes faisant l'objet du rapport que j'ai produit, force est de constater que nos ambitions pour le logement ne sont pas que du papier : elles se traduisent par de vrais actes. La cohérence des politiques est la condition de la cohésion des territoires.
Mon rapport n'est ni complaisant ni accusatoire ; il me semble juste. Votre action porte sur des dispositifs destinés à accompagner des demandeurs de logement et d'hébergement. Je citerai le dispositif « logement d'abord », la poursuite du logement accompagné avec une baisse du taux de TVA pour les prêts locatifs aidés d'intégration – PLAI – ainsi que la hausse très significative des crédits dédiés à l'hébergement.
Je retiendrai aussi la paix retrouvée avec les acteurs du logement social, un pacte d'investissement ayant été signé avec eux. La réforme de la réduction de loyer de solidarité – RLS – menée en 2017 a engagé une réforme structurelle qui est aujourd'hui aboutie.
L'extension du rôle de l'Agence nationale de l'habitat – ANAH – avec la suppression programmée du crédit d'impôt pour la transition énergétique – CITE – est une autre réforme structurelle que vous soutenez.
L'année 2020 sera aussi celle de l'entrée en vigueur de la contemporanéité des aides au logement, encore une réforme structurelle dont vous êtes devenu le pilote en 2019, à la demande du Premier ministre.
L'examen des amendements permettra à chacun de s'exprimer sur des sujets qui suscitent des interrogations, comme le prêt à taux zéro – PTZ – et l'aide personnalisée au logement pour l'accession à la propriété – APL accession.
Ma mission de parlementaire est aussi celle d'un chasseur ou d'un « leveur de lièvres », si je puis me permettre cette comparaison. Monsieur le ministre, les auditions menées dans le cadre de mon travail de rapporteur spécial ont révélé une fragilité dans le modèle français de financement du logement social. On nous alerte sur un phénomène préoccupant : les taux négatifs sur les marchés internationaux, que l'on pensait passagers, semblent appelés à persister. Plusieurs institutions font ce diagnostic : l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – , France Stratégie, la Banque publique d'investissement – Bpifrance – ainsi que l'Union européenne, dans une note récente.
Ce qui est une bonne nouvelle pour l'État du point de vue des charges d'intérêt de la dette peut devenir une impasse à moyen ou long terme en matière de financement du logement social. Quelque 290 milliards d'euros sont conservés par la Caisse des dépôts et consignations, et 140 milliards par les banques de détail. Je remercie mon collègue Jacques Savatier pour sa vigilance sur ce dossier.
Le recours au secteur privé pour financer les opérations HLM – habitation à loyer modéré – n'est plus un tabou, mais je pense qu'il n'est pas compatible avec le principe d'universalité des prêts consentis par la Caisse des dépôts. Le bailleur de Châteauroux ou de Béziers doit se voir proposer les mêmes conditions financières que celui de Paris ou de Laon. C'est le corollaire du principe d'égalité, et donc du principe de péréquation.
Il faut trouver un modèle qui permette à la Caisse des dépôts et consignations – CDC – de continuer à financer sereinement le secteur du logement social, tout en garantissant une rémunération des épargnants supérieure à l'inflation.
Il semble incontournable d'autoriser la CDC à utiliser l'épargne réglementée pour effectuer d'autres placements à long terme et sans risques que le logement social, sous le contrôle du Parlement, afin d'augmenter sa marge.
Nous devons repenser la doctrine d'emploi des fonds d'épargne. L'entretien du patrimoine immobilier de l'État en est l'illustration : il souffre de notre myopie collective, selon l'analyse de notre collègue Jean-Paul Mattei, président du Conseil immobilier de l'État. Le constat est que l'État ne sait pas assumer ses responsabilités de propriétaire. Casernements de gendarmerie, de CRS et campus universitaires, par exemple, montrent que l'État porte parfois les habits d'un mauvais propriétaire, voire d'un marchand de sommeil, pour les fonctionnaires et militaires logés, ainsi que pour les étudiants. Si j'en crois les rapports d'Aude Bono-Vandorme et de Fabrice Le Vigoureux, ces affirmations sont véridiques.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas envisager la création d'une foncière publique ? Ce nouveau « métier » permettrait de recouvrer des marges – et pas à deux chiffres comme celles des fameux partenariats public-privé – PPP. Un symbole fort s'exprimerait : celui d'une reprise de la maîtrise de leurs équipements publics par les Français, sous le contrôle du Parlement. C'est un choix de société.
Pour préserver le modèle du logement social, il faut d'abord préserver son modèle de financement. Notre rôle politique est de maintenir l'attractivité des placements réglementés, en servant aux épargnants modestes une rémunération supérieure à l'inflation.
S'agissant du projet du projet de loi de finances pour 2020, je propose aux parlementaires d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La partie « Politique des territoires », dont je suis le rapporteur spécial, ne représente que 5 % des crédits de l'ensemble de la mission « Cohésion des territoires ».
L'année 2020 sera caractérisée par une légère hausse, de 1 %, des crédits versés à la politique des territoires.
Cette augmentation est due à deux effets de périmètre : la création de deux nouvelles actions dans le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » et la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, qui sera effective au 1er janvier 2020. Cette agence rassemblera le Commissariat général à l'égalité des territoires – CGET – , l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux – l'EPARECA – et l'Agence du numérique. Elle sera dotée de 10 millions d'euros supplémentaires pour répondre à ses besoins d'ingénierie.
Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », qui ne porte qu'une partie limitée de la politique publique globale d'aménagement du territoire, fera l'objet d'un changement de gouvernance majeur, avec la création de cette nouvelle agence.
Les modalités de contractualisation avec les collectivités territoriales seront en partie renouvelées avec le lancement de nouveaux contrats de cohésion, issus d'une démarche plus partenariale et plus englobante.
Le programme 112 fonde aussi la montée en puissance des maisons de services au public, qui seront transformées en de nouvelles structures plus qualitatives, nommées « France Service », en 2020. Une augmentation de près de 20 % de leur dotation a été prévue pour mettre en oeuvre cette promesse présidentielle.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » voit ses crédits augmenter de 43 % avec la budgétisation de deux nouvelles actions, la plus importante étant celle qui vise à réduire les écarts de développement entre la Guyane et la métropole.
De plus, conformément aux engagements du Président de la République, les crédits alloués au plan chlordécone sont augmentés à hauteur de 3 millions d'euros pour 2020. Cette hausse financera le renforcement des actions de contrôle des denrées alimentaires et la prévention auprès des autoconsommateurs. Je note également que cette action a déjà fait l'objet d'abondements complémentaires en gestion, qui ont porté les crédits prévus pour 2019 à 2,4 millions d'euros, conformément à ce que vous aviez évoqué en séance l'an passé, monsieur le ministre.
Enfin, les crédits de paiement du programme 147 « Politique de la ville » connaissent une légère baisse, de 2 %, du fait d'une diminution de l'inscription budgétaire des sommes versées en compensation des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines. En réalité, les crédits alloués aux différents acteurs de la politique de la ville, notamment dans le cadre des contrats de ville, restent stables – conformément à l'engagement pris de sanctuariser les crédits de la politique de la ville sur le quinquennat.
Je souhaite cependant appeler votre attention sur la volatilité des prévisions des compensations dues à la sécurité sociale, qui sont souvent bien inférieures à la réalisation effective, nécessitant des redéploiements importants au sein du programme. Il ne faudrait absolument pas que les crédits « politique de la ville » servent à corriger cette mauvaise prévision initiale.
L'engagement du Gouvernement en faveur des quartiers prioritaires se traduit également par la sécurisation du financement de la politique de rénovation urbaine. En effet, le Gouvernement a inscrit dans le PLF pour 2019 l'ensemble des autorisations d'engagement prévues pour le quinquennat, soit 200 millions d'euros, et poursuit dans le PLF pour 2020 l'inscription des crédits de paiement afférents. J'attends cependant une explication de sa part sur l'écart de 10 millions d'euros par rapport à la trajectoire présentée l'année dernière.
Je conclurai mon propos en vous précisant que les crédits de la mission « Cohésion des territoires » ont été adoptés par la commission.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
Le Gouvernement a poursuivi en 2019 le chantier de transformation de la politique du logement engagé en 2018. Plusieurs réformes d'envergure ont été initiées et seront poursuivies en 2020. Elles concernent avant tout les aides au logement, objet de l'essentiel des crédits du programme 109, soit 12 milliards d'euros en 2020, ainsi que la réduction de loyer de solidarité.
Ces réformes sont au bénéfice des ménages, en même temps qu'elles concourent à la réduction des dépenses publiques. En effet, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une diminution de 1,4 milliard d'euros de ces crédits par rapport à 2019. Cette baisse est notamment permise par la montée en puissance de la réduction de loyer de solidarité et l'entrée en vigueur de l'aide personnalisée au logement – APL – en temps réel.
La première réforme concerne la RLS ; ce mécanisme désormais bien connu vise à diminuer les loyers dans le secteur social, en compensation d'une baisse du niveau des APL. Les acteurs du secteur nous ont fait part d'une grande inquiétude à ce sujet, notamment en matière de construction et de rénovation de logements sociaux. Je suis satisfaite de vous informer que les accompagnements proposés aux acteurs du logement social, conjugués à leurs efforts collectifs, ont permis la réussite de la mise en oeuvre de la RLS.
J'avais exprimé des doutes en 2018 sur la possibilité de doubler les crédits de la RLS en les portant à 1,5 milliard d'euros en 2020. Je suis heureuse de constater qu'une concertation a pu aboutir à la réduction de ce montant à 1,3 milliard d'euros, avec des mesures d'accompagnement améliorées.
La deuxième réforme tient à la modernisation des APL, avec la mise en place d'un mode de calcul fondé sur les revenus contemporains, qui doit permettre une diminution de dépenses de 1,2 milliard d'euros en 2020. Cette réforme, initialement prévue pour l'été 2019, a été reportée suite à la complexité du chantier. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous indiquer si des mesures sont envisagées par le Gouvernement pour compenser sa non-réalisation en 2019 ?
Cette réforme fait suite à l'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Elle me paraît logique et cohérente, car les montants versés au titre des APL seront ainsi plus proches du cycle économique des allocataires. Ainsi, les personnes confrontées à des accidents de vie ou à des baisses notables de revenus, comme les nouveaux retraités, seront prises en charge plus rapidement.
Les personnes que nous avons auditionnées nous ont fait part de leurs inquiétudes quant à la situation des jeunes actifs. Je tiens à les rassurer : cette catégorie n'était pas soumise à l'évaluation forfaitaire, le montant d'aide qu'ils perçoivent sera adapté plus rapidement à leur situation réelle, sur douze mois glissants.
Je me félicite enfin de la hausse de 20 % des crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui s'explique par une contribution à la nouvelle prime pour la rénovation énergétique. La hausse de ce programme traduit les efforts du Gouvernement contre l'habitat indigne, en faveur de la rénovation des passoires thermiques ainsi que pour la revitalisation des territoires.
Je terminerai mon intervention en mettant en avant deux propositions clés de mon rapport budgétaire, qui feront l'objet d'amendements. La première vise à prolonger l'accès au dispositif prêt à taux zéro – PTZ – jusqu'au 31 décembre 2021 pour les accédants à la propriété des territoires ruraux et villes moyennes, afin de redynamiser ces zones. Cela permettrait également d'éviter les distinctions entre les zones détendues et les zones tendues, pour lesquelles ce dispositif a déjà été prolongé jusqu'en 2021.
Ma seconde proposition concerne le dispositif des APL accession, dont la suppression totale est prévue dès la fin de l'année. L'adoption à l'unanimité en commission des affaires économiques de mon amendement visant à prolonger ce dispositif d'un an témoigne de l'adhésion de mes collègues à ce projet. Je précise que les députés du groupe Socialistes avaient proposé en commission un amendement similaire et s'étaient également engagés sur ce sujet.
C'est la troisième année consécutive que je soutiens le rétablissement complet de ce dispositif qui est très redistributif et peu coûteux pour les finances publiques. Il permet à des ménages modestes de sortir du parc social tout en acquérant leur propre logement, ce qui laisse une place libre dans le logement social qu'ils occupaient. Il encourage la vente de logements sociaux à leur locataire ; or on sait qu'un logement vendu permet de produire au moins deux nouveaux logements. De plus, l'APL accession est limitée dans le temps et s'ajuste à la situation du bénéficiaire.
Pour rappel, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, s'inscrivait dans cette dynamique en créant un opérateur national de vente en charge de favoriser l'accession sociale.
La suppression de l'APL accession va à contre-courant de cette dynamique. Notons enfin que la Cour des comptes a souligné l'effet redistributif de l'APL accession et a proposé en 2016 son élargissement en relevant le plafond de ressources. Elle ajoute que le risque inflationniste est faible.
En conclusion, je rappelle que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » en ce qui concerne le logement, sous réserve des discussions à venir sur les dispositifs PTZ et APL accession.
MM. Nicolas Démoulin et Jean-Louis Bricout applaudissent.
La parole est à M. Patrice Anato, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
La commission des affaires économiques a examiné le 23 octobre les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ».
Nous nous sommes réjouis de constater que la dotation pour 2020 de ce programme est stable, avec près de 500 millions d'euros de crédits de paiement, qui permettront de continuer à appliquer la feuille de route du Gouvernement en matière de politique de la ville et d'accompagner l'action de la Grande Équipe de la réussite républicaine, lancée en juin 2019.
Le programme 147 traduit nos efforts pour assurer une réelle égalité des chances sur tout le territoire de la République. Il finance essentiellement plus de 20 000 actions mises en oeuvre dans le cadre des contrats de ville. Les crédits pour 2020 s'inscrivent dans la continuité de l'effort consenti en 2019, avec 416 millions d'euros de crédits de paiement.
Si les mesures de soutien à la cohésion sociale et à l'éducation représentent 70 % de l'enveloppe, je note avec satisfaction que celles en faveur du développement économique et de l'emploi croissent légèrement, pour dépasser les 57 millions d'euros. À l'occasion d'un déplacement à Soissons, j'ai constaté l'utilité et la diversité des programmes développés dans le cadre des contrats de ville : action sociale de quartier, aide à l'accès au droit, encouragements à l'initiative économique, sport et loisirs.
Parmi les mesures emblématiques de ce projet de loi de finances, je relève principalement le doublement des postes de coordonnateurs associatifs dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les postes « FONJEP » – Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire – , qui passeront l'année prochaine à plus de 1 500 ; la reconduction d'une enveloppe de 15 millions d'euros pour soutenir les grandes associations structurantes ; le financement des programmes de réussite éducative ainsi que des cités éducatives et le financement de 1 000 postes supplémentaires d'adultes-relais.
Néanmoins, les associations que j'ai auditionnées ont exprimé leurs regrets quant à la réduction du nombre de contrats aidés, dont elles ont souffert. Elles ont également déploré le poids important que représentent les démarches de demande et de gestion des subventions. Or, nous connaissons le rôle très important que joue le tissu associatif pour la cohésion, dans des territoires marqués par de fortes difficultés sociales. Ainsi, je me réjouis que le Gouvernement conduise un projet de simplification administrative en faveur des associations. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous indiquer l'état d'avancement de ce chantier ?
Comme vous le savez, la politique de la ville dépasse largement le seul périmètre budgétaire du programme 147. De nombreux programmes dits « de droit commun » ciblent directement les quartiers prioritaires de la ville – QPV – ou comportent un volet spécifiquement conçu en leur faveur. C'est le cas par exemple du programme de dédoublement des classes de CP et CE1, qui a été salué par les acteurs de terrain, quel que soit le territoire concerné.
Dans le domaine de la sécurité, le déploiement de moyens supplémentaires dans le cadre du dispositif des quartiers de reconquête républicaine – QRR – illustre également la complète mobilisation du Gouvernement.
Ce tour d'horizon ne serait pas complet si je n'évoquais pas le dispositif des emplois francs, réponse aux discriminations par l'adresse que peuvent rencontrer les habitants des quartiers populaires. Je trouve en effet inadmissible que de nombreux talents soient gâchés alors qu'ils constituent une véritable richesse pour notre pays.
Il est vrai qu'à ce jour, le bilan n'est pas à la hauteur de nos espérances, puisque seuls 12 000 emplois francs avaient été signés cet été, pour un objectif de 20 000 attendus fin 2019. Bien souvent, les entreprises et les potentiels bénéficiaires méconnaissent ce dispositif, qui se doit d'être davantage valorisé. J'observe néanmoins que l'objectif de 40 000 emplois francs signés d'ici à la fin de l'année 2020 reste accessible. Le nombre moyen de demandes a en effet doublé ces derniers mois et la généralisation du dispositif aux 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville lui offrira une plus grande visibilité.
Pour compléter ce panorama, je me suis également intéressé aux retombées possibles des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour nos quartiers, notamment en Île-de-France. En effet, le nombre d'emplois générés par la préparation et le déroulement de cet événement est estimé à 150 000 par le comité d'organisation des Jeux.
Je crois indispensable que, comme le suppose la notion d'héritage des Jeux, les habitants de nos quartiers puissent saisir ces opportunités et contribuer à l'accueil comme à l'organisation de ces événements. Nous devons nous organiser pour que l'expérience acquise dans ces emplois, mais aussi en tant que bénévole, soit valorisée et puisse s'inscrire dans un parcours de long terme.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour ce qui concerne la politique de la ville.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, la mission « Cohésion des territoires »…
… a une importance particulière par les actions qu'elle recouvre. Les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État », sur lesquels je suis saisi, représentent environ 2 % des crédits de la mission…
… et voient leur budget en hausse par rapport à la loi de finances pour 2019. Cela me conduit à émettre un avis technique favorable uniquement sur ces deux programmes, tout en exprimant plusieurs réserves. Cependant, je déplore la diminution globale des crédits affectés à la mission « Cohésion des territoires ».
Concernant les contrats de plan État-région – CPER – et dans le cadre des travaux d'élaboration de la nouvelle génération, le Gouvernement souhaite qu'un volet consacré aux coopérations entre les territoires soit inclus dans les futurs contrats.
Dans ce souci d'élargissement, il est vital que l'État apporte un soutien financier plus important aux projets structurants de nos régions, en particulier aux infrastructures routières et ferroviaires, piliers du développement des territoires.
Je pense tout particulièrement aux petites lignes ferroviaires qui voient leur existence menacée faute de moyens apportés par l'État.
J'en viens à l'agenda rural que le Premier ministre a présenté le 20 septembre dernier. Ce plan d'action en faveur des territoires ruraux reprend 173 des 200 propositions du rapport de la mission ruralité.
Je formule cependant deux regrets : d'abord, l'intégration trop tardive de ce dispositif dans le présent projet de loi de finances, même si Mme la ministre a indiqué que toutes les missions budgétaires seront mises à contribution dès 2020 ; mais surtout la réorientation de crédits préexistants vers la ruralité plutôt que l'octroi de nouveaux moyens budgétaires, alors que les territoires ruraux méritent un soutien beaucoup plus important de la part de l'État.
Concernant la couverture numérique, second pilier du développement des territoires, le Plan France Très Haut Débit doit permettre de couvrir l'intégralité de l'Hexagone en très haut débit d'ici à 2022. Le Gouvernement s'est aussi engagé à résorber les zones blanches de téléphonie mobile en cinq ans, et à déployer la 4G d'ici à la fin 2020 sur tous les pylônes existants.
Concernant l'accès aux services publics, le programme 112 apporte la contribution financière de l'État aux maisons de services au public – MSAP – , qui constituent un dispositif perfectible. Si, en termes quantitatifs, les objectifs de déploiement ont été atteints, certaines MSAP, vous le savez, ont été créées sans analyse préalable des besoins réels de la population. Aussi, les maisons France Service représenteront une amélioration qualitative certaine. Je déplore cependant que le plan de financement demeure aujourd'hui non défini.
Deux points de vigilance doivent être signalés : le développement de ces maisons ne saurait se faire en méconnaissance des services publics existants, notamment des trésoreries ; deuxièmement, les personnels, qui assurent un lien social, ne doivent pas faire les frais d'une politique visant à supprimer des services publics de proximité.
J'en viens à l'Agence nationale de la cohésion des territoires – ANCT. Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu'elle soit effective le plus rapidement possible sur le plan des moyens budgétaires et humains, ainsi qu'en termes d'organisation. Il y a un réel problème à cet égard.
J'exprime une vive inquiétude sur la réunion de toutes ces conditions au 1er janvier 2020. Vous le savez, monsieur le ministre, si ce projet de loi de finances prévoit un budget et un effectif pour l'ANCT, aucun texte réglementaire d'application n'a encore été publié.
Au niveau financier, en tant que nouvel opérateur de l'État, l'ANCT disposera en 2020 d'un budget de 49,67 millions d'euros. Quant à son fonctionnement, ne tombons pas dans le piège de l'usine à gaz. Attention aussi à ce que l'ANCT ne soit pas déconnectée de la réalité du terrain ! Nos élus locaux doivent rester décisionnaires des projets menés, tandis que l'agence devra assumer un vrai rôle de proximité, de soutien et d'expertise.
Le développement de nos territoires, dont l'État est le principal garant, est un impératif qui mérite une mobilisation budgétaire, humaine et politique de tous les instants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Louis Bricout applaudit aussi.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
Chaque année, la tendance se poursuit pour le budget de la mission « Cohésion des territoires » : les aides personnalisées au logement – APL – restent la variable d'ajustement. Elles demeurent cependant, et de loin, le principal poste de dépenses de la mission, puisqu'elles représentent 12 milliards d'euros, soit plus de 80 % du total.
Elles sont à nouveau en baisse de 1,4 milliard d'euros, après une diminution de 1,2 milliard en 2019, à la suite de la non-indexation et de la contemporanéisation des aides qui interviendra au 1er janvier 2020 – cette dernière mesure, que nous soutenons, devant rapporter environ 900 millions d'euros.
En 2018, nous nous étions opposés à toute baisse des APL avant changement du mode de calcul. Il aurait fallu d'abord changer ce mode de calcul, puis réfléchir éventuellement à une baisse. Vous avez fait l'inverse. Que ce soit dans le domaine du logement ou de façon plus générale, nous pensons que les économies durables et nécessaires ne peuvent venir que de réformes structurelles. Notre groupe en a proposé plusieurs tout au long des débats budgétaires.
De la même manière, nous affirmons que l'accompagnement des plus fragiles à travers les aides personnalisées au logement est nécessaire, mais nous soutenons l'idée que l'État ne peut et ne doit pas couvrir l'intégralité des dépenses, même des foyers les plus modestes, cela dans un souci de responsabilisation des citoyens face à la charge publique. C'est pourquoi nous proposerons de plafonner les APL à 95 % de la quittance de tout locataire qui en bénéficierait.
Sur la rénovation énergétique des logements, l'intention du Gouvernement est bonne, avec une hausse de 60 millions d'euros des crédits de l'ANAH, mais il faudrait aller encore plus loin. Or, la suppression du CITE pour les ménages les plus aisés, qui sont parfois des propriétaires bailleurs, envoie un message contraire.
De façon générale, si l'ambition du Gouvernement est grande sur le logement, ce budget ne permet pas d'atteindre les objectifs. Ainsi, l'augmentation de l'offre – que, comme vous, nous appelons de nos voeux – n'est pas au rendez-vous. Les mises en chantier de logements neufs ont reculé de 3,5 % sur les douze derniers mois.
J'en viens à l'Agence nationale de la cohésion des territoires. La mission budgétaire couvre la première année de cet établissement public demandé depuis de nombreuses années par notre groupe et dont le directeur candidat a été auditionné hier par notre assemblée. Elle sera dotée de 327 emplois et de 49 millions d'euros de budget, soit un budget constant, ce que nous regrettons. Nous aurions souhaité plus de moyens pour que cette structure soit une véritable agence de revitalisation rurale, ce qui ne sera malheureusement pas le cas.
Si cette agence marque le début de la rationalisation des opérateurs de l'État dans ce domaine, nous aurions souhaité que celle-ci aille un peu plus loin. Il est nécessaire d'amplifier le mouvement de rationalisation en intégrant l'ANAH, l'ADEME – Agence de l'environnement et le maîtrise de l'énergie – et l'ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine.
L'ANCT permettra aussi, je tiens à le souligner, d'associer les élus locaux aux politiques de cohésion de l'État, du fait de leur présence au conseil d'administration et au niveau territorial. C'est un élément nouveau, mais j'appelle votre attention sur un point : pour assurer la réussite de l'Agence, les élus devront réellement être associés aux prises de décision et ne pas seulement être mis – comme d'habitude – devant le fait accompli, car la cohésion des territoires ne se fera pas sans les élus locaux ni les parlementaires.
Les élus connaissent parfaitement leur territoire. Ils doivent donc avoir toute leur place dans l'organisation de l'agence. Aussi, je vous interroge, monsieur le ministre, sur votre ambition pour cette première année de l'ANCT, car nous éprouvons quelques inquiétudes. Quels seront ses axes de travail ? Quelles seront ses orientations ? Et surtout quelles actions seront menées pour aider les zones rurales ? Si l'urbain doit prendre tout, autant le dire tout de suite.
J'évoquerai enfin les zones de revitalisation rurale – ZRR. Au 1er juillet 2020, plus de 4 000 communes sur les 18 000 actuelles sortiront du zonage et, six mois plus tard, le 31 décembre 2020, les principaux dispositifs d'exonération fiscale arriveront à échéance s'ils ne sont pas renouvelés par le législateur. Alors que les ZRR représentent la seule mesure de discrimination positive pour nos territoires ruraux, quelles sont les propositions, notamment financières, du Gouvernement pour ne pas abandonner du jour au lendemain ces communes parfois très isolées ?
Bercy n'aime pas beaucoup les ZRR. Il faut une action politique forte afin de maintenir ce dispositif pour lequel nous nous battons bec et ongles depuis plusieurs années.
Pour conclure, je rappellerai que l'année 2020 verra la négociation de la nouvelle génération des contrats de plan État-région pour la période 2021-2027. Alors que l'État avait investi 14,3 milliards d'euros sur la session 2015-2020, je souhaite savoir combien il est prêt à mettre sur la table pour la prochaine génération de CPER, et notamment s'il a prévu des volets routiers, des volets numériques – 4G, 5G et fibre optique – et un volet ferroviaire.
M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis, applaudit.
C'est un beau mot que celui de cohésion. Il évoque le lien unissant les individus et les territoires, dans le respect de leurs particularités, de leurs contraintes, et suggère une harmonie de l'ensemble. Mais ce beau mot se heurte souvent aux réalités vécues. En avril dernier, le Président de la République avait reconnu « un profond sentiment d'injustice : injustice fiscale, injustices territoriales, injustice sociale » à l'origine des fractures qui se creusent dans notre pays, et appelé à un « nouveau pacte territorial. »
Celui-ci devrait s'incarner dans le très attendu projet de loi « décentralisation, différenciation et déconcentration ». Or, de ce pacte, on ne trouve pas de traduction dans le présent PLF.
La présente mission n'englobe pas toute la politique gouvernementale en matière d'aménagement du territoire. Néanmoins, comment ne pas voir un symbole dans le fait que celle-ci subit la plus forte baisse de dotation de tout le PLF, puisque les crédits de paiement diminuent de 7,53 % par rapport à 2019 ?
En avril, le Président de la République a aussi annoncé la création des « Maisons France Service ». Il s'agit en fait d'un changement de nom des MSAP, au moment où les Français commençaient à se les approprier. Au surplus, des questions demeurent sur le financement de leur généralisation dans chaque canton et sur leur montée en gamme.
Ces maisons, comme d'autres programmes, seront pilotées par la future Agence nationale de cohésion des territoires. Lors des débats, nous avons dit notre déception face à cet outil pourtant très attendu, dont nous regrettons le caractère recentralisateur, le mode de gouvernance et le manque d'ambition.
Comme prévu, l'ANCT ne bénéficiera pas de financements supplémentaires. Elle disposera de près de 50 millions d'euros, ce qui est loin des 150 à 200 millions du fonds d'amorçage préconisés par le rapport « Ruralités : une ambition à partager ».
En matière d'hébergement et d'accompagnement vers et dans le logement, nous reconnaissons une augmentation des crédits du programme 117, même si elle n'est, à périmètre constant, que de 8,5 millions d'euros en autorisations d'engagement par rapport aux crédits exécutés en 2018. En revanche, notre opposition est intacte s'agissant des mesures en direction du logement social et des APL, deux piliers fondamentaux de la solidarité dans le logement. Tout d'abord, rappelons que la baisse du montant des APL et la réduction de loyer de solidarité, bien que tempérées par le pacte d'investissement d'avril dernier, amputent tout de même les finances des bailleurs sociaux de 1,3 milliard d'euros. Ensuite, la décision du Gouvernement de s'attaquer à la trésorerie d'Action logement – une ponction de 500 millions d'euros en faveur du fonds national d'aide au logement et de 300 millions en faveur du fonds national des aides à la pierre – n'est pas tenable sur le long terme. Certes, Action logement dispose d'une importante trésorerie, mais de tels prélèvements menacent l'accomplissement de ses missions : accompagner les salariés dans leur mobilité résidentielle et professionnelle, mais aussi construire et financer des logements sociaux et intermédiaires, sans parler de la rénovation urbaine. Je sais pourtant, monsieur le ministre, votre engagement en la matière !
Les effets de votre politique se ressentent déjà sur les parcours résidentiels, avec une accession à la propriété retardée des particuliers résidant dans le parc de logements sociaux. Ces difficultés – nous l'avons dit et répété – sont le fruit d'un ensemble de décisions imprudentes, notamment la suppression de l'APL accession en 2017. Elles se perpétuent, dans ce PLF, avec le rabotage du PTZ dans les zones B2 et C.
L'existence du dispositif d'investissement locatif qui porte mon nom serait elle aussi questionnée. Pourtant, la perte de son efficacité résulte avant tout d'une inadéquation entre le zonage et la réalité de tension du marché actuel, mais aussi de contournements dont le dispositif fait l'objet dans les territoires tendus, notamment touristiques. Je vous invite donc, monsieur le ministre, à revoir le zonage et à donner à l'administration fiscale des instructions fortes l'incitant à s'intéresser à ces contournements.
Pour le dire autrement, nous avons l'impression que votre politique du logement et de la construction est guidée par une volonté d'économies dictée par Bercy plus que par une vision stratégique d'ensemble. Nous en voyons déjà les résultats, pour ne pas dire les limites : les autorisations de construction et les mises en chantier diminuent, laissant augurer une crise plus profonde de la construction dans les prochains mois.
Finalement, une question demeure : les moyens et les politiques mis en oeuvre concourent-ils à renforcer cette cohésion que nous appelons tous de nos voeux ? Il nous est permis d'en douter.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR.
L'aménagement et la cohésion des territoires sont, dans la conception de la République que nous défendons, semblables à notre devise : liberté, égalité, fraternité. Mais cette devise doit être concrétisée dans le monde réel. Et que commencez-vous par faire pour concrétiser notre devise nationale ? Vous baissez le budget de votre ministère, qui passe de plus de 18 milliards en 2017 à 15 milliards en 2020. Faire mieux avec moins, monsieur le ministre, cela ne s'est jamais vu ! Réduire aussi fortement le budget d'un ministère nommé « Cohésion », c'est détruire la puissance publique ; et détruire la puissance publique, c'est créer le désordre. Les citoyens et les citoyennes en sont comptables. Une école et un bureau de poste ont fermé par jour depuis dix ans. Les deux tiers des maternités ont fermé depuis quarante ans et le nombre de femmes résidant à plus de quarante minutes d'une maternité a doublé en vingt ans, alors que lignes de train et gares sont menacées de disparition. Il ne peut y avoir de République quand la liberté, l'égalité et la fraternité sont foulées aux pieds.
Monsieur le ministre, qui vit dans une société libre lorsque les citoyens sont condamnés à prendre leur automobile pour le moindre trajet vers un service public ou pour remplir leur frigo ? Dans notre pays, 600 000 personnes doivent faire quinze minutes de voiture pour trouver un distributeur de billets. Dans ces conditions – celles et ceux qui ont vécu dans des petites communes le savent – , l'obtention du permis de conduire est, dans certains territoires, une étape aussi charnière que celle du baccalauréat.
Monsieur le ministre, qui vit dans une société égalitaire quand l'accès aux soins varie fortement d'un département à un autre ? La densité départementale des médecins généralistes ou spécialistes varie d'un à huit entre les départements ruraux et les métropoles. De quelle société égalitaire parlez-vous lorsque vous baissez les APL de 1,2 million de personnes et en privez 600 000 bénéficiaires ?
Monsieur le ministre, qui vit dans une société fraternelle lorsque vous rompez les liens qui tissent notre pays ? Ce sont 25 000 associations qui ont disparu avec la suppression des contrats aidés, emportant parfois les derniers espaces de solidarité entre citoyens. Quelle fraternité encore lorsque les citoyens n'ont plus en face d'eux, pour leur répondre, des humains, mais des machines ? Dans notre pays, 15 % du territoire ne bénéficie toujours pas d'un accès efficace à internet et 13 millions d'habitants sont frappés d'illectronisme – soit un adulte sur cinq.
À cet égard, j'ai une pensée pour M. Duperret, ce Jurassien de 87 ans qui, n'ayant ni smartphone ni ordinateur, ne pouvait payer ses impôts en ligne. Son chèque lui a été retourné. La seule solution dont il disposait était de se rendre au centre des impôts, à trente kilomètres de son domicile. Mais combien de kilomètres M. Duperret devra-t-il parcourir en 2022, lorsque 989 trésoreries ou centres des finances auront disparu ?
Restera-t-il une gare en 2022 pour l'emmener jusqu'au centre des impôts ? À ce rythme, M. Duperret ferait mieux de prendre un TGV direction Paris pour se rendre directement au ministère des finances, à moins que le prix pharaonique du billet ne l'en empêche.
Comprenez que dans ces conditions, il est irresponsable de diminuer toujours plus les services présentiels. Dématérialiser l'accès aux droits revient à les rendre caducs. Pire, la dématérialisation renforce les inégalités d'accès aux droits et aux services que nous finançons toutes et tous. En aucun cas, elle n'est une solution miracle, elle est au mieux une illusion. Vous pensez pouvoir tout résoudre avec un nouveau logo, les maisons France Service. Ce cache-misère ressemble étrangement aux maisons de services au public créées en 2014, dont vous ne faites que changer le nom. Mais ces manoeuvres ne trompent personne. En 2019, 20 % de la population des communes de moins de 30 000 habitants résident toujours à plus de vingt minutes d'une maison de services au public. Votre politique comptable qui fait disparaître les transports et l'ensemble des services publics maltraite les citoyens, sans compter les fonctionnaires en souffrance, las d'être dépossédés du sens de leur mission.
Nous sommes d'ardents défenseurs de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, et nous défendons ces valeurs profondément populaires. Mais c'est également l'écologie qui demande de renforcer l'accès aux services publics sur le territoire. Plus de services publics, c'est une place moins grande accordée à la sphère marchande, qui n'a que faire des considérations environnementales. Là où la République s'en va, ne manqueront pas d'arriver des prédateurs en tout genre, et parmi eux ceux dont la passion est de s'en prendre à nos milieux de vie.
Quand l'application concrète de ces principes universels est bafouée et l'accès aux réseaux qui garantissent une vie digne pour chacun, coupé, cela déclenche des insurrections populaires. Partout dans le monde, on assiste à une dégradation générale des conditions de vie par un modèle néolibéral dont vous êtes les plus grands partisans et artisans. Partout, les coupures d'accès aux réseaux mettent le feu aux poudres : taxe d'un service de communication au Liban, dégradation de l'accès à l'eau et à l'électricité en Irak, augmentation du prix des billets de transport au Chili, ou encore de l'essence en Haïti. C'est aussi ce constat qui a fait déborder le vase de la colère des gilets jaunes. Le mouvement a un an. Qu'avez-vous fait depuis ? Rien ou presque.
Ce pays est devenu une poudrière. Les citoyens n'en peuvent plus. Les gilets jaunes ont reconstruit la fraternité sur les ronds-points ; maintenant, nous entendons bien reconquérir la liberté et l'égalité.
Nous abordons les moyens alloués à la mission « Cohésion des territoires », une mission essentielle pour des champs d'intervention constitutifs de la dignité humaine et figurant au premier rang des préoccupations des Françaises et des Français. Il y aurait beaucoup à dire sur les volets que regroupe cette mission, mais le temps est compté ; je m'en tiendrai donc à trois aspects.
D'abord, on a coutume de dire, à raison, que la loi de finances révèle la vérité sur une politique et sur les choix correspondants. On peut parler et écrire beaucoup, on peut faire des « plans de com » chiadés, mais c'est le budget qui dit la vérité d'une politique. Or cette mission en général et le logement en particulier sont à nouveau les grands sacrifiés de la loi de finances.
Cette année encore, c'est l'un des principaux postes d'économie du budget de la nation : plus de 3 milliards d'euros de réduction de crédits depuis le début du quinquennat. Le logement aura été le grand sacrifié du budget depuis votre arrivée au pouvoir.
Mais comment justifier de telles décisions quand la crise du logement est à son paroxysme ? Près de 15 millions de nos concitoyens sont mal logés, selon les derniers chiffres de la Fondation Abbé-Pierre. Le logement est la principale cause de la dégradation du pouvoir d'achat des ménages – ce n'est pas moi qui ai rappelé ici que la question du pouvoir d'achat figure au premier rang des préoccupations des Français et n'était pas pour rien dans le mouvement qui a secoué notre pays ces derniers mois. Cette situation n'est pas digne de la sixième puissance économique mondiale. Les drames se succèdent et vos annonces régulières en matière de politique de la ville ou de lutte contre l'habitat indigne, quelle que soit la sincérité du propos, resteront des paroles vaines tant qu'elles ne se traduiront pas par des choix budgétaires autorisant une politique véritablement volontariste.
Prenons l'exemple de votre réforme des APL – deuxième point de mon intervention. La contemporanéisation, que vous présentez comme une avancée majeure et une mesure de justice sociale, représente un véritable tour de passe-passe sur le dos des plus modestes de nos concitoyens. Qui peut croire qu'une économie de 1,4 milliard d'euros sur les APL sera favorable à leurs bénéficiaires ? Bien que la baisse des APL de 5 euros ait été qualifiée, je le rappelle, de « connerie sans nom » par le Président de la République et de mesure « pas intelligente » par le Premier ministre, vous persévérez à raboter encore et toujours plus ces prestations. Pour reprendre une formule de l'immense romancier brésilien Paulo Coelho : « Une erreur constamment répétée, ce n'est plus une erreur, c'est un choix ». Votre choix est donc clair : vous vous attaquez au pouvoir d'achat des ménages modestes pour financer, entre autres, la suppression de la taxe d'habitation et la baisse de l'impôt sur le revenu – que les bénéficiaires d'APL, souvent, ne payaient pas. Drôle de façon de concevoir la solidarité nationale !
Les APL sont vitales aux 6,5 millions de ménages qui en bénéficient. Elles sont la condition pour se loger dignement, de véritables amortisseurs de l'augmentation des loyers et du coût de la vie. Elles sont un outil de lutte contre la pauvreté qui, cela nous a été rappelé ces derniers jours, ne cesse d'augmenter dans notre pays.
Vous nous direz que votre réforme permettra de répondre aux accidents de la vie. Mais – vous le savez mieux que quiconque – les événements imprévus sont déjà pris en compte dans le système actuel : perte d'emploi, arrivée d'un enfant, départ à la retraite, divorce… Une réactualisation des allocations est possible le mois suivant la déclaration faite à la CAF. La vérité est plus prosaïque : comme le révèle une étude de la CNAF datant de cet été, 1,2 million de personnes perdront, en moyenne, 1 000 euros par an de ressources, et 600 000 se verront couper leurs allocations. Se loger dignement coûtera donc encore plus cher pour les plus pauvres de notre pays, dont on sait qu'ils sont trop souvent la proie des marchands de sommeil.
Voici le troisième point de mon intervention : un an, jour pour jour, après le drame de la rue d'Aubagne, la lutte contre l'habitat indigne est une impérieuse nécessité. Nous pouvons certes nous féliciter d'avoir travaillé ensemble et d'avoir adopté, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ELAN, quelques dispositions fournissant des outils utiles – sans les énumérer, nous les avons tous à l'esprit. Ce n'est pourtant pas suffisant : cette lutte nécessite des moyens que la mission ne réunira pas, cette année encore. Je le regrette d'autant plus qu'en avril dernier, je présentais une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le logement indigne, qui traduisait les propositions de la Fondation Abbé-Pierre en un plan cherchant à éradiquer, en dix ans, les 600 000 logements insalubres de notre pays. C'est possible avec des règlements et des lois, certes, mais surtout avec un budget adéquat. J'avais des propositions précises en ce sens qui, malheureusement, n'ont pas retenu l'attention de votre majorité.
La mission « Cohésion des territoires » que nous examinons aujourd'hui vise à développer une stratégie d'accès exigeante aux services essentiels pour tous les Français du territoire. Elle finance des politiques intégratrices en matière de logement, d'aménagement des territoires, de rénovation énergétique, d'hébergement et d'insertion de personnes vulnérables ainsi que d'accès aux services publics. Le maire d'une commune rurale du Sud Gironde que je fus y trouve des réponses très concrètes aux problèmes quotidiens de nos concitoyens.
Les programmes intégrateurs visant à redynamiser les centres-villes, les centres-bourgs, les quartiers prioritaires et les territoires ruraux ont la part belle dans ce budget pour 2020. Ainsi, le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » permet de développer l'offre de logements en répondant aux besoins de chacun et en protégeant les plus fragiles, grâce au Fonds national des aides à la pierre, à l'objectif national de production de logements très sociaux, mais aussi à la baisse de la TVA de 10 % à 5,5 % pour certains types de logements sociaux.
Ce programme permet également de soutenir la construction et l'amélioration de l'habitat par des dispositifs fiscaux adaptés : dispositif Pinel, dispositif « Louer abordable », prêt à taux zéro et dispositif Denormandie – j'en profite pour vous saluer, monsieur le ministre.
Le programme 135 vise enfin à soutenir la réhabilitation du parc de logements privés : plan Action coeur de ville, projets de convention d'opérations de revitalisation des territoires, lutte contre l'habitat indigne. Autant d'actions qui soulignent l'importance du rôle de l'État aux côtés des collectivités territoriales et notamment du réseau des villes moyennes et des petites villes.
Ces programmes sont de nature à encourager la réhabilitation des centres anciens au côté des collectivités territoriales et ainsi à répondre aux enjeux de limitation de la consommation de l'espace et de la préservation des terres agricoles. Tout ceci doit concourir à répondre aux enjeux agro-écologiques d'aujourd'hui et de demain dont chacun, ici, mesure l'impérieuse nécessité. Comme l'a écrit Lamartine : « Ce n'est pas seulement du blé qui sort de la terre labourée, c'est une civilisation tout entière. »
En matière de politique territoriale, on notera que le programme 147 « Politique de la ville » prévoit la prorogation jusqu'en 2022 des 435 contrats de ville signés, qui concernent plus de 5 millions de personnes parmi les plus défavorisées du pays.
Je salue le budget consacré à la politique de la ville. Ce budget est sanctuarisé, comme s'y était engagé le Gouvernement, avec une accélération de la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain, le déploiement des cités éducatives et le renforcement des mesures en faveur du lien social. Notons également le fait que le dispositif des emplois francs, destiné à favoriser l'accès ou le retour à l'emploi, sera généralisé le 1er janvier 2020.
Afin de mettre en musique toutes ces politiques, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » crée l'Agence nationale de la cohésion des territoires – ANCT. Il s'agit d'un engagement fort du Président de la République. Il s'agit de donner les moyens à chaque territoire d'accéder aux ressources lui permettant de définir et de déployer des solutions adaptées à ses propres problématiques, notamment dans les territoires ruraux. C'est également dans ce programme qu'on retrouve l'initiative maisons France Service, qui apportera une plus grande proximité entre l'administration et les Français, consacrant le fait, chers collègues, qu'il ne peut y avoir de France à deux vitesses.
D'autre part, le logement reste évidemment une priorité du Gouvernement. Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » est ainsi le deuxième budget de cette mission. Il dispose de près de 2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, soit une augmentation de 5 %. Les crédits sont en hausse pour le logement adapté, cela dans la continuité des moyens engagés en 2019.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » représente la grande majorité du budget de la mission. Il est constitué à plus de 99 % des crédits alloués aux aides personnelles au logement. C'est un budget qui représente plus de 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour 2020. L'innovation majeure, je tiens à le souligner, est l'ouverture du droit et le calcul de la prestation sur la base du revenu actuel, et non plus sur celui de l'année n-2. C'est une mesure de justice sociale pour nos concitoyens, puisque les Français percevront désormais des aides ajustées et en temps réel. Nous mesurons, sur tous les bancs, l'importance des moyens alloués à l'accès au logement car, je veux le croire, c'est le premier des droits pour tous.
Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » s'inscrivent donc pleinement dans notre projet…
… qui se veut double : garantir la justice sociale, d'une part, et l'égal accès aux droits et aux services en tout point du territoire, d'autre part. C'est pourquoi les députés du groupe La République en Marche voteront les crédits de cette mission.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 :
Suite de l'examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra