La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2018 (nos 235, 273, 264 rectifié, 266 rectifié).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 14, examiné par priorité.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol.
Monsieur le président, l'article 14 vise à abroger le IX de l'article 209 du CGI – code général des impôts __, qui contient un dispositif, créé par l'ancien rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez, visant à conditionner la déductibilité des intérêts dans le cadre de l'acquisition de titres de participation, afin d'éviter des comportements d'optimisation fiscale. Je serai très brève.
Voici un cas pratique : une société américaine qui souhaite acquérir une société allemande utilise à cet effet une holding située en France, où elle souscrit un emprunt et où elle déduit les intérêts – vous voyez que ce mécanisme favorise largement la société américaine. Avec ce dispositif, les intérêts sont déductibles à la condition que la société acquéresse, française par définition, soit celle qui prend les décisions relatives aux titres. Cette démonstration pouvant se révéler parfois contraignante pour une société qui voudrait se développer par croissance externe, il avait été prévu qu'il soit possible de démontrer que ces décisions étaient décidées plus tôt dans la chaîne de participation, notamment au niveau de la société mère, à condition que la société décisionnaire soit située elle aussi en France.
Il se trouve que le droit européen interdit toute discrimination à l'égard de sociétés étrangères faisant partie de l'Union européenne. La tolérance selon laquelle les décisions relatives aux titres peuvent être prises par la société mère ne saurait donc continuer à s'appliquer aux seules sociétés françaises.
Le Gouvernement nous propose ici de supprimer le dispositif anti-abus. D'autres options sont proposées, qui donneront lieu à certains amendements.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie et des finances, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, chers collègues, l'article 14 supprime le dispositif qui encadrait, en la rendant moins attractive, la déductibilité des charges financières afférentes à l'acquisition de certains titres de participation, lorsque le pouvoir de décision sur les titres acquis ou le contrôle de la société cible ne sont pas exercés en France, comme cela vient d'être rappelé.
Rappelons que le montant déductible au titre de l'article 209 du CGI restera pris en compte pour le calcul du plafonnement des charges financières des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, qu'elles appartiennent ou non à un groupe fiscal, et que l'article 14 ne supprime donc pas l'intégralité de ce dispositif, mais seulement le traitement différencié qu'il prévoyait pour les entreprises étrangères. Ce faisant, il s'inscrit dans le droit fil de l'article 13 et nous ne pouvons qu'en saluer la sagesse, tant le risque financier que représenterait une incompatibilité de l'article 209 du CGI avec le droit européen grèverait lourdement nos ressources budgétaires – je n'y reviens pas.
Bien que la mesure concernée ait été inspirée par la volonté d'encourager l'investissement dans les entreprises françaises, nous devons veiller à ne pas enfreindre le principe de la liberté d'établissement, édicté par le droit européen, afin de ne pas subir les aléas judiciaires que nous avons déjà évoqués.
Je souhaitais dire deux mots à propos de cet article, car c'est moi-même, alors rapporteur général, qui avais introduit ce dispositif dans la dernière loi de finances rectificative de 2011. On avait alors observé que, puisqu'il existait en France une possibilité de déduction totale des intérêts, des entreprises françaises servaient de supports pour des montages d'acquisition de titres de participation opérés par des sociétés mères opérant hors de France, lesquelles utilisaient ainsi un véhicule situé en France. D'où le montage qu'a très bien présenté Mme Peyrol.
Nous avons eu une discussion à ce sujet en commission des finances et avons parfaitement admis qu'il existait, comme le rapporteur général nous l'a du reste lui-même indiqué, un risque juridique de contentieux – nous ne pouvons d'ailleurs ignorer, après avoir tant parlé de contentieux ces dernières heures, qu'il faut être très prudents. Nous avons donc tous reconnu qu'il convenait, si nous souhaitions conserver ce dispositif, d'éliminer les risques de contentieux européen, et nous nous sommes attelés à une rédaction, qui sera présentée par le rapporteur général ou par un autre collègue. En tout cas, plusieurs amendements convergent en ce sens et j'espère que le Gouvernement nous suivra sur ce point.
J'ajoute que, malgré le plafonnement, introduit en 2013, de la déductibilité des intérêts dans le cadre d'une franchise de 3 millions d'euros, ce dispositif me semble être encore utile.
Ça commence à devenir surréaliste et on peut se demander ce que nous faisons ici : on aura presque envie de se dire, à l'issue de ces débats, qu'on pourrait peut-être confier à l'Union européenne le soin d'écrire la loi de finances ; cela nous éviterait au moins de trembler devant les risques de décisions éventuelles de Bruxelles.
Le IX de l'article 209 du code général des impôts, qui encadre la déductibilité des charges financières afférentes à l'acquisition de certains titres de participation, actuellement en vigueur, permet que les charges ne soient pas déductibles si ce rachat est décidé de l'étranger. Soyons très clairs : en réalité, cette disposition vise ou visait à protéger nos entreprises françaises de tout raid en provenance de l'étranger. Cette considération me semble mériter encore retenir notre attention, compte tenu de ce que nous savons. Or l'article 14 du projet de loi de finances vise précisément à supprimer le IX de l'article 209 du CGI, ce qui revient donc à exposer nos entreprises françaises à la cupidité des prédateurs de la finance mondialisée.
Notre amendement tend à supprimer cette suppression, c'est-à-dire à maintenir en l'état l'article 209 du code général des impôts. En effet, après avoir lu l'argumentation sous-tendant l'article 14, qui évoque un doute sur la compatibilité de l'actuel dispositif avec le droit de l'Union européenne, on se dit objectivement que, si l'Union européenne nous empêche de protéger nos entreprises des raids étrangers, il n'y a plus qu'à tirer l'échelle. Pour notre part, nous ne souhaitons pas le faire, mais nous considérons que le simple risque que vous évoquez, qui pour l'instant ne s'est pas réalisé, ne suffit pas à justifier que nous nous privions de cette protection légitime.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement identique no 1190 .
L'article 14 propose de supprimer un dispositif d'encadrement de la déductibilité des charges financières, communément appelé « amendement Carrez ». Ce dispositif empêche actuellement la déduction des charges financières afférentes à l'acquisition de certains titres de participation, lorsque le pouvoir de décision sur les titres acquis ou le contrôle de la société cible est effectivement exercé en France. Cela concerne soit la société cessionnaire, soit une autre société de groupe établie en France.
Vous voulez donc supprimer un dispositif qui permet pourtant de limiter des dérives de plus en plus mal acceptées par nos concitoyens, à savoir le recours à l'optimisation fiscale, qui n'a d'autre intérêt que celui d'augmenter les profits, ou les pratiques délibérément abusives des entreprises pour éviter le dû paiement de l'impôt.
Vos justifications nous apparaissent donc fragiles, sinon absurdes. Vous prétendez qu'il faut supprimer le dispositif Carrez parce qu'il existe un doute quant à sa conformité avec le droit européen. Ce raisonnement ne tient pas la route : soit l'article 209 du code général des impôts est, dans sa rédaction actuelle, contraire ou partiellement contraire aux règles européennes, soit il ne l'est pas. De plus, vous jugez que la portée d'encadrement de ce dispositif est limitée. Dans ce cas, pourquoi décider de le supprimer plutôt que de le renforcer, compte tenu de l'importance de la lutte contre l'optimisation et l'évasion fiscales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Madame Le Pen, contrairement à ce qu'indique l'exposé sommaire de votre amendement, le dispositif visé par l'article 14 n'entend pas empêcher le rachat des sociétés françaises décidé par des sociétés étrangères ; il s'agit d'un outil de lutte contre l'optimisation, qui vise à empêcher de loger artificiellement des charges déductibles en France. Ce n'est donc pas la même chose.
Le droit français dispose tout de même déjà d'outils performants, que veulent précisément renforcer d'autres amendements qui seront examinés plus tard. Il me semble préférable d'aller vers un renforcement du droit français plutôt que de nous trouver dans une situation très inconfortable.
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement.
Rappelons rapidement le contexte : M. Carrez avait fait voter cet amendement parce qu'on avait constaté que les multinationales logeaient leur endettement en France – ce qui représente des centaines de millions d'euros, pas des petites sommes. Des sous-holdings françaises servent ainsi à loger l'endettement en France pour restructurer à l'étranger. Voilà la situation.
Il ne s'agit donc pas, pour ces entreprises, madame Le Pen, de kidnapper des boîtes françaises. Elles ne veulent pas les acheter, mais simplement se servir de la France, où le taux d'impôt sur les sociétés est très élevé ; la créance d'impôt se valorise ainsi dans le résultat consolidé, considérant qu'il est avantageux de loger des charges là où l'impôt est très élevé.
Je trouve tout de même dommage d'abandonner le dispositif Carrez sans contrepartie. Je pense que nous pouvons rechercher des solutions alternatives, lesquels feront l'objet d'amendements que nous examinerons plus tard.
Surtout, nous attendons du Gouvernement qu'il nous indique clairement sa feuille de route pour négocier à Bruxelles des directives sur l'IS – l'impôt sur les sociétés – , car il en existe très peu aujourd'hui, et peut-être même pour modifier les traités sur certains points.
Il n'est pas possible que la Cour de justice de l'Union européenne condamne et sanctionne régulièrement les dispositifs anti-abus que la France essaie de mettre en oeuvre depuis quinze ans. C'est un vrai problème de glissement de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Pascal Saint-Amans, qui travaille sur ces questions d'érosion des bases fiscales, a été entendu par la commission des finances. Selon lui, la solution – à laquelle nous souscrivons – est de baisser les taux d'impôt sur les sociétés, mais aussi d'assainir l'assiette. Il est temps de nous atteler vraiment à ce problème.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Madame Le Pen, je pense, comme Mme Cariou, que vous vous trompez de combat : les dispositifs Carrez visent à protéger les finances de la France pour éviter que des sociétés françaises ne servent, dirai-je, de porteur de valises à d'autres, désireux d'y loger des charges. Voilà de quoi il est question aujourd'hui.
Nous qui, à la différence de vous, voulons avancer en Europe, nous voulons que l'on se mette d'accord avec nos partenaires européens et adapter le droit français pour maintenir cet objectif tout en ayant une ambition européenne. C'est bien l'objet de l'article 14 et des amendements que nous examinerons. Je remercie Émilie Cariou d'avoir soulevé ce problème et posé la question, afin que nous puissions trouver une solution à l'amiable.
Monsieur le ministre, puisque vous êtes un Européen convaincu, nous serions effectivement très intéressés de savoir quels sont les travaux engagés aujourd'hui sur l'assiette taxable de l'impôt sur les sociétés. Les situations sont en effet très diverses en la matière. On parle beaucoup du taux et on reproche à la France d'en appliquer un trop élevé – ce qui est peut-être le cas – , mais le plus gênant, dans la compétition ou dans l'ouverture des marchés observée aujourd'hui, c'est l'assiette taxable. C'est bien sur ce point que doivent porter nos efforts, afin que nous puissions avoir une vraie discussion avec nos partenaires européens.
Nous sommes dans une situation paradoxale : tout le monde dit que le dispositif est bon mais qu'il faut quand même le supprimer, parce qu'il ne serait peut-être pas conforme aux règles européennes. Vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous vous donniez deux ans pour taxer les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – , et qu'au-delà de ce délai, vous reconnaîtriez que l'Union européenne avait échoué et en tireriez les conséquences. Combien d'années vous donnez-vous pour que l'harmonisation fiscale européenne se fasse vers le haut, et non pas vers le bas, et donc pour réformer ces traités européens – puisqu'il le faut – , à l'unanimité des États membres ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Plutôt que de supprimer le dispositif, comme il est prévu à l'article 14, cet amendement vise à le faire évoluer pour le rendre compatible avec le droit européen, sans lui faire perdre son caractère opérationnel. Il prévoit que la gestion effective des titres sera réservée à la seule société en ayant fait l'acquisition, en supprimant l'extension aux sociétés françaises liées. Nous avons travaillé sur ce sujet avec Mme Cariou – qui présentera son propre amendement dans un instant – et j'espère que vous y ferez droit.
Je formulerai une observation. Au vu de mon expérience, il me semble que nous avons plutôt régressé, ces quinze dernières années, sur le sujet de l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Comme l'ont dit Émilie Cariou et Valérie Rabault, il est vraiment urgent de réengager les travaux. Le discours général se veut rassurant, prétendant que des groupes de travail seraient à l'oeuvre pour harmoniser l'assiette, que des réunions se tiendraient. J'observe au contraire que nous nous écartons de l'objectif année après année et que, de surcroît, nous subissons en permanence des contentieux européens. Ce chantier doit donc être prioritaire pour vous, monsieur le ministre, et je souhaiterais que nous-mêmes, en commission des finances, nous puissions nous en saisir.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement identique no 1040 .
Ces amendements identiques témoignent de notre volonté commune de progresser. Je suis d'accord avec le président Carrez : l'assiette sur laquelle repose l'impôt sur les sociétés favorise les arbitrages des plus malins, ce qui pénalise sérieusement les finances publiques. Or, comme personne ne veut être lésé et que tout le monde redoute ces arbitrages, on privilégie une vision plus rétrécie, au sein même de chaque pays, alors que nous voulons développer l'Europe. Nous nous retrouvons dans une situation paradoxale, tiraillés entre l'Europe d'un côté et les contraintes liées à l'assiette de l'impôt sur les sociétés de l'autre. Cet amendement tend à trouver un compromis juridique pour maintenir la solution Carrez tout en adoptant une approche protectrice, si je puis m'exprimer ainsi, au titre du droit européen.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement identique no 1202 .
Je m'exprimerai lorsque tous les amendements auront été présentés, pour pouvoir être plus précis.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 1332 .
Nous avons déposé deux amendements, nos 1202 et 1332 , pour rendre le dispositif Carrez compatible avec le droit de l'Union européenne. L'amendement no 1332 tend à assimiler à une société établie en France toute société sise dans un État membre de l'Union européenne ; dans ce cas, la déduction d'emprunt sera admise. L'amendement no 1202 est plus large en ce qu'il supprime toute référence à un périmètre géographique. Cependant, dans les deux cas, il s'agit bien d'encadrer la déduction des charges financières, dès lors que l'endettement financier sert à l'acquisition de filiales qu'on ne détient pas. La distinction tient à la notion de contrôle : soit l'on admet le processus entre sociétés européennes et l'on encadre les déductions d'emprunts dès lors que la société qui exerce le contrôle est extra-européenne, soit l'on n'admet plus la déduction qu'en l'absence de contrôle par une société étrangère.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements en discussion commune ?
La commission n'a pas rendu d'avis à proprement parler puisqu'elle a demandé, à l'issue de ses travaux, que soit engagée une nouvelle réflexion sur le sujet. Cela étant, je le répète, nous avons engagé une démarche commune pour trouver une issue juridique à un dispositif qui présente un danger. Par conséquent, à titre personnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur les amendements nos 870 , 1040 , 1202 et 1332 , en attendant que le ministre s'exprime et nous présente les solutions qu'il juge les plus efficaces, de façon à surmonter les risques juridiques et pallier les éventuels inconvénients. Et je précise que je suis défavorable à l'amendement no 875 .
Il est défavorable aux quatre premiers amendements et s'en remet à la sagesse de l'Assemblée sur l'amendement de Mme Cariou. Je répondrai plus globalement par la suite à toutes les questions qui ont été posées sur les assiettes – l'assiette commune, l'assiette consolidée et les négociations en cours à propos de la fiscalité européenne et internationale.
L'amendement no 875 n'est pas adopté.
L'amendement no 1332 est adopté et l'article 14 est ainsi rédigé.
Un vendredi soir à vingt-deux heures, après des dizaines d'heures de débats, me paraît le bon moment pour vous parler de la fiscalité internationale. Comme je vous sens tous en pleine forme, motivés, passionnés par le sujet, je me ferai un plaisir de vous présenter l'état d'avancement des travaux.
Sourires.
Les plus avancés sont ceux conduits à l'échelle européenne dans le domaine appelé « BEPS » – base erosion and profit shifting, ou lutte contre l'érosion de la base fiscale et le transfert des bénéfices. Ce sujet majeur nous occupe depuis plusieurs années – nous venons d'ailleurs de parler du second aspect de la question. Les travaux ont été initiés au sein de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, puis transcrits dans la directive dite « ATAD », établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale. Celle-ci a été adoptée et il faut désormais la transposer en droit français. Pour ce qui est de la lutte contre l'érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices, la situation est donc claire : l'OCDE a travaillé, l'UE a pris la directive, et il ne nous reste plus qu'à la transposer en droit français.
Se pose ensuite la question de l'assiette taxable de l'impôt sur les sociétés pour disposer d'une base commune au niveau européen. Deux types de travaux sont engagés, concernant respectivement l'assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, avec le projet de directive ACIS, et l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, avec le projet de directive ACCIS. Les travaux sont en cours, mais ne nous cachons pas que nous ne sommes pas au bout de nos peines pour parvenir à un compromis sur le sujet. C'est ce qui a amené le président de la Commission européenne, M. Juncker, à émettre l'hypothèse que les décisions en matière fiscale puissent ne plus être prises à l'unanimité mais à la majorité qualifiée. Nous étudions en ce moment les avantages et les inconvénients de cette proposition.
Le troisième dossier est celui de l'harmonisation fiscale européenne au niveau de la zone euro puis des vingt-sept. J'ai lancé, il y a très exactement cinq mois, un groupe de travail sur ce sujet au niveau franco-allemand pour aboutir à une convergence fiscale en matière d'impôt sur les sociétés en France et en Allemagne. Je me donne jusqu'à la fin de l'année 2018 pour que ce groupe de travail aboutisse et que la convergence des impôts sur les sociétés entre la France et l'Allemagne serve ensuite de référence à tous les États membres de la zone euro ainsi qu'à tous ceux de l'Union européenne. Je ne vous cache pas qu'il faut aussi attendre la nature de la coalition qui sera installée en Allemagne et choisie par Mme Merkel ; le nom de mon homologue au ministère des finances aura évidemment aussi son importance. Quoi qu'il en soit, sur la base de cet accord franco-allemand, nous élargirons le processus pour parvenir à une convergence fiscale.
Je voudrais que chacun comprenne bien l'intérêt que revêt cette convergence fiscale. Il s'agit d'abord d'éviter le dumping fiscal et de mettre dans un coin, je n'hésite pas à le dire, tous les États qui le pratiquent, jusqu'à en faire un modèle économique inacceptable.
Il n'est pas acceptable qu'un pays comme l'Irlande ait fixé son taux d'impôt sur les sociétés à 12,5 % et que cela lui serve de modèle économique. En effet, ce modèle économique n'est pas soutenable au niveau européen, car il conduirait certains pays à percevoir des niveaux de recettes fiscales totalement insuffisants pour financer leurs services publics. Rappelons que nous comptons fixer le taux de l'impôt sur les sociétés à 25 %. Comparez ce taux avec celui de l'Irlande ! Imaginez, en termes de recettes fiscales, ce qui se produirait si tout le monde s'alignait vers le bas ! Nous livrerons ce combat politique, même s'il est difficile, car le moins-disant ne peut pas être la perspective européenne, ni dans le domaine social ni dans le domaine fiscal.
Je dirai aussi un petit mot s'agissant des fiscalités internationales et de l'état des lieux en matière de fiscalisation des GAFA. Je souhaite que l'Europe devienne le premier continent économique à se doter d'un outil fiscal pour taxer les géants du numérique. C'est un enjeu complémentaire mais tout aussi majeur : je le répète, il n'est pas possible qu'une entreprise fabriquant du matériel agricole dans le sud de la France et dégageant un chiffre d'affaires assez faible paie ses impôts locaux et son impôt sur les bénéfices, alors que, dans le même temps, Amazon, qui livre des pièces détachées et récolte toutes les informations possibles grâce aux données que lui fournissent nos portables, ne paie pratiquement pas d'impôts en France. Ce qui a le plus de valeur aujourd'hui, à savoir les données, est le moins taxé. C'est intenable, du point de vue de la justice comme de celui de l'efficacité fiscale.
La Commission européenne a élaboré une proposition étudiant toutes les options. Celle de la France, qui consiste à retenir pour base le chiffre d'affaires, est la plus simple et elle s'appuie sur des données immédiatement disponibles, car on connaît le chiffre d'affaires de Google, d'Amazon et de Facebook en France. À partir de la base taxable, on peut fixer un taux puis déterminer une clé de répartition entre les différents États membres. Beaucoup critiquent cette option, estimant que le chiffre d'affaires n'est pas la base de référence adéquate. Très bien, mais que proposent-ils ? De rester les bras croisés et de ne pas décider. Quand on ne décide pas, en Europe, l'Europe recule et le populisme progresse.
Je refuse catégoriquement ces arguments qui ne tiennent pas la route et ne sont que des prétextes à l'immobilisme en Europe.
Nous verrons ensuite si les autres grands États sont prêts à nous rejoindre. Je pense en particulier aux États-Unis, qui ont bien mesuré le problème, y compris pour eux, de l'absence de taxation des données numériques. L'enjeu crucial est double, voyez-vous : réussir l'harmonisation fiscale européenne pour favoriser la fluidité économique au sein de l'Union européenne, en particulier de la zone euro ; parvenir à fiscaliser les données car, là où il y a de la valeur, il doit nécessairement y avoir des impôts pour financer les biens publics.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, LR et MODEM.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
L'important est d'harmoniser les bases fiscales. La fameuse directive ACCIS a tout de même pris beaucoup de retard, c'est le moins que l'on puisse dire. Je ne veux pas incriminer le précédent gouvernement – je n'y étais pas et je ne sais pas à qui est imputable le retard. Est-ce la faute des Allemands ? Des Français ? D'autres ? En tout cas, nous n'avons pas vraiment avancé dans l'harmonisation des bases. C'est la clé qui importe, davantage que les taux, dont la fixation est libre. L'harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés permet de répondre aux difficultés de traitement fiscal de tel ou tel type d'intérêts. Pour l'instant, nous en sommes encore loin, d'où les difficultés que nous rencontrons.
Par ailleurs, en ce qui concerne le BEPS, l'érosion de la base fiscale, l'ACCIS est une partie de la réponse mais ce n'est pas toute la réponse. La véritable réponse serait de réformer la fiscalité du secteur du numérique. Hier je vous ai proposé de revoir la définition de l'établissement stable parce qu'il faut un établissement stable, faute de quoi on a affaire à des bouts de succursales pour lesquels on n'arrive pas à fixer les choses.
Je regrette que la France ne soit pas plus active sur ce type de sujets. Je ne dis pas que vous n'êtes pas actif d'une manière générale. Le Gouvernement fait certes progresser les choses, mais j'estime qu'il fallait essayer de tracer la voie et de montrer un bout du chemin, comme elle sait le faire sur d'autres sujets.
Nous en venons à l'amendement no 19 , portant article additionnel après l'article 14.
La parole est à M. Éric Straumann, pour le soutenir.
Le dispositif proposé est extrêmement généreux puisqu'il conduirait à accorder un avantage fiscal massif aux investissements dans certains pays en développement. Très honnêtement, je crains une optimisation par des maisons mères détenant des filiales de production dans des pays en développement, notamment dans des secteurs comme le textile ou le matériel hi-fi. Au final, ce dispositif pourrait donc servir à financer une dépense fiscale d'optimisation de l'activité. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 19 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 15.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol.
Cet article concerne la taxe sur les transactions financières, sujet à la fois technique et polémique. Le sujet est technique parce que la base taxable, en l'espèce, est particulièrement volatile et complexe, et que toute modification de la loi peut avoir des effets rapides sur la stabilité des marchés financiers. C'est également un sujet qui fait polémique parce qu'il s'agit de la participation de la finance au budget de l'État et à l'affectation de ressources à l'aide au développement.
Notre assemblée avait décidé, l'année dernière, d'étendre la TTF aux transactions « intraday » à partir du 1er janvier 2018. L'article 15 vise à revenir sur cette décision. Il remet en cause le principe selon lequel la taxe s'appliquerait au moment de la livraison du titre, c'est-à-dire au moment de son inscription sur le compte titre, ce qui remet en cause le transfert de propriété. La Cour des comptes, dans un référé assez récent, a pointé la difficulté technique de mise en oeuvre de cette taxe sur les transactions « intraday ». Le gouvernement précédent avait également mis cette difficulté en avant.
Au-delà de cette mesure, nous débattrons, je n'en doute pas, de l'opportunité de rehausser également le taux de la TTF. Là encore, je crois qu'il s'agirait d'une décision contraire à notre intérêt, qui est de voir la place de Paris profiter du Brexit. C'est d'autant plus vrai que le taux a déjà été relevé de 0,2 à 0,3 % l'année dernière. Ce serait un mauvais message politique, à l'effet budgétaire aujourd'hui inconnu.
Enfin, je profite de cette tribune pour signaler qu'il est simpliste de penser que la TTF est un impôt pesant sur la finance. En réalité, il pèse sur les personnes qui investissent dans nos 110 plus grandes entreprises, notamment à travers les PEA, les plans d'épargne en actions.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.
Nous soutiendrons l'article 15, d'abord parce qu'il faudrait éviter d'envoyer des signaux négatifs pour l'attractivité de la place de Paris, comme l'a rappelé notre collègue Peyrol, ensuite parce que la taxe sur les transactions financières « intraday », outre qu'elle alourdit la fiscalité sur les transactions financières, est techniquement difficile à mettre en place.
De ce point de vue, je voudrais dénoncer une illusion fréquente chez les partisans d'une fiscalisation accrue des transactions à l'intérieur d'une même journée. Il faut garder en tête que les marges, sur ces transactions, sont si faibles que la TTF décourage totalement ce type d'opérations. Pourquoi pas, si l'on veut lutter contre les transactions de très court terme, mais la base taxable va s'évaporer et, dès lors, le produit de l'impôt sera beaucoup plus maigre.
Cela dit, il nous importe que le financement de l'aide publique au développement soit ambitieux et que l'objectif de 0,7 % du revenu national soit atteint dans un horizon raisonnable. Cependant cette politique d'aide au développement ne doit pas être corrélée à la fiscalité des transactions financières. En particulier, le gel de la taxe sur les transactions financières ne doit pas avoir de conséquences sur nos objectifs en matière de financement de l'aide au développement. Décorréler ces deux sujets permettra de dépassionner les débats et donc de mener des politiques cohérentes et ambitieuses dans ces deux domaines : la finance et l'aide au développement.
L'exploration de pistes de financement innovantes nous semble capitale, tout comme la convergence au niveau européen, qui permettrait à la fois de lever plus de fonds et d'éviter de pénaliser l'attractivité des pays disposant de ce type de taxe.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et REM.
Avec l'article 15, mes chers collègues, nous abordons un sujet majeur, qui illustre une nouvelle fois les choix politiques. Sa portée est forte, et pas seulement sur le plan symbolique, puisqu'on touche ici à la question de la régulation du secteur financier, de ses dérives, de ses méfaits, de son emprise. Le terme « régulation » n'est pas très utilisé par ma famille politique ; il appartient plutôt au lexique habituel des libéraux. Nous avons le sentiment qu'avec cet article, vous décidez résolument de lui tourner le dos. On touche évidemment aussi, avec la TTF, au financement des priorités politiques et à nos responsabilités au niveau international. Je pense à la transition énergétique, absolument nécessaire, à la lutte contre le réchauffement climatique et à l'aide publique au développement.
Nul doute que, comme moi, vous avez été sollicités par nos concitoyens sur cette question des transactions financières, tant ils plébiscitent cet outil, qu'ils considèrent comme un moyen concret de ralentir la surchauffe du secteur financier et de concourir au bien commun. J'avais le sentiment que le sujet de la taxe sur les transactions financières transcendait les clivages politiques traditionnels. Nous sommes nombreux sur ces bancs, quelle que soit notre appartenance politique, à avoir milité pour le renforcement de cet outil. Je suis curieuse de voir ce qu'il en sera ce soir.
Il est proposé aujourd'hui de revenir sur l'une des avancées arrachées en toute fin de la législature précédente, obtenue démocratiquement, votée par la représentation nationale, qui visait à étendre le champ de la taxe sur les transactions financières aux opérations dites « intraday ». Tout occupés à jouer des coudes avec le Brexit et en vous réfugiant derrière une hypothétique taxe européenne, vous proposez ainsi aux Français de les priver de 2 à 3 milliards d'euros de recettes qui permettraient pourtant de financer les priorités que j'évoquais.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
J'ai du mal à comprendre pourquoi nous sommes autant obnubilés par la finance, par cet argent qui rend fou. Comme si l'on avait oublié la crise de 2008 et la dérégulation, qui a contraint la communauté internationale à dépenser 2 000 milliards de dollars pour lutter contre une spéculation devenue complètement dingue, plus 500 milliards de dollars pour tenter de relancer l'économie, ce qui n'est toujours pas le cas !
Et voilà qu'on se dit que le Brexit, qui met la place de Londres en difficulté, est l'occasion pour la France de récupérer quelques banques d'affaires. On oublie nos engagements dans le domaine de l'aide au développement et tous les efforts consentis dans ce domaine au plan européen, en particulier par la France, qui a été leader dans ce domaine. La taxe sur les transactions financières, notamment la taxation des transactions « intraday », ce sont entre 3 et 5 milliards d'euros qui permettraient de tenir l'engagement du Président de la République de 0,55 % d'aide au développement – ces dernières semaines, il n'a cessé d'être question de cet engagement. Le budget de l'aide au développement qui va bientôt nous être présenté augmente de 100 millions d'euros. Pour arriver à 0,55 % promis par le Président Macron, il faudra trouver 6,2 milliards d'euros dans les cinq ans qui viennent, soit 1,2 milliard chaque année.
Comment allons-nous faire ? Nous disposons de cet outil exceptionnel : la taxe sur les transactions financières, notamment « intraday ». Continuons pour faire en sorte de disposer…
Il y a eu des moments, lors de la législature précédente, où droite et gauche ont su se rassembler. Cela devrait vous parler : le dépassement des clivages, cela existe quand le sujet le mérite, et c'est éminemment le cas de celui-ci. Nous avons, au cours de la législature précédente, voté la taxe « intraday » et nous avons augmenté son taux. J'ai en mémoire que vous avez commencé cette mandature-ci en amputant l'aide publique au développement de 140 millions. J'ai en mémoire aussi le fait que le Président de la République, à l'issue d'une rencontre avec le fondateur de One, M. Bono, s'est engagé à porter ce budget à 0,55 % du PIB à la fin de la législature.
Ce que vient de dire M. Pancher est parfaitement exact. Voulons-nous respecter les engagements réitérés du Président ou allons-nous au contraire dès ce soir commencer à tout détricoter ? Telle est la question qui nous est posée. J'avoue que, quand j'entends qu'au respect de cet engagement on préfère assurer l'attractivité de la place de Paris pour, tirant parti du Brexit, en faire la première place financière européenne, les bras m'en tombent. On ne peut pas opposer ainsi finance et développement.
Dans quelques jours, quand nous débattrons de l'immigration, vous serez les premiers à dire qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, même si nous devons en prendre toute notre part, pour reprendre la phrase de Michel Rocard. À ce moment-là, vous vous demanderez comment on fait pour que ces gens ne viennent pas ici, pour qu'ils restent de l'autre côté de la Méditerranée, pour que ces hommes et ces femmes ne fuient pas leur pays. Eh bien, on soutient leur développement ! Si l'on ne le fait pas, il est évident qu'ils viendront.
Je conclus. Puisque vous voulez faire comme les Anglais ou plutôt les surclasser, surclassons-les donc dans ce qu'ils ont de meilleur ! Or ce qu'ils ont de meilleur, ce n'est pas la City ; ce qu'ils ont de meilleur, c'est qu'ils consacrent depuis longtemps 0,7 % de leur PIB au financement du développement, respectant ainsi leurs engagements internationaux.
Au fil de toutes ces heures de débat, vous avez, par vos votes, offert plus de 4 milliards d'euros de déductions fiscales aux très riches. Vous le justifiez en prétendant que cet argent va servir l'économie du pays, l'investissement dans les entreprises françaises. Nous pensons que ce ne sera pas le cas, mais imaginons que ce le soit. En quoi une taxe sur les transactions « intraday », c'est-à-dire les transactions à haute fréquence, la spéculation, l'inverse de l'investissement de long terme dans l'industrie française, en quoi cette taxe vous dérange-t-elle ? À moins que vous ne reconnaissiez que tout ce que vous nous avez dit depuis le début ne tient pas la route et que vous ne croyez pas vous-mêmes que l'investissement servira le long terme, mais qu'au contraire il alimentera la bulle spéculative !
Notre collègue Pancher l'a rappelé, la crise de 2008 fut la conséquence d'une bulle spéculative, et nous sommes à nouveau dans cette situation actuellement : toute dérégulation, tout ce qui va dans le sens du développement de la spéculation boursière renforce la bulle spéculative et nous rapproche jour après jour d'une crise majeure. Donc soit vous êtes honnêtes, envers nous et envers vous-mêmes, et vous pensez que les cadeaux fiscaux aux plus riches vont servir l'investissement, et dans ce cas il faut maintenir la taxe « intraday », soit vous la supprimez et vous admettez que votre politique n'est que cadeaux aux plus riches.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je souhaite faire un petit rappel.
Cette taxe sur les transactions financières a été créée par Nicolas Sarkozy dans une loi que j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, en mars 2012. À l'époque, j'avais objecté que, si la France était le seul pays à créer une telle taxe, ce serait contre-productif pour les emplois financiers dans notre pays. On m'avait alors dit de ne pas m'inquiéter, en m'assurant qu'avant la fin de 2012, l'Allemagne en aurait créé une. Nous avons attendu, attendu, attendu et nous sommes toujours les seuls. Le stamp duty britannique, créé en 1694, n'a absolument rien à voir.
Il y a exactement un an, Michel Sapin disait, écoutez bien : …
Vous citez les grands auteurs !
Sourires.
… « J'ai également la conviction que créer une taxe sur les transactions financières dans un seul pays serait inefficace [… ]. D'où la nécessité de travailler d'abord au niveau européen, puis peut-être international. Au niveau européen, nous avons franchi un pas considérable le 10 octobre dernier – il parlait de 2016 – ; cela n'avait rien d'évident puisque les dix pays ont donné leur accord à une extension de l'assiette ». Monsieur le ministre de l'économie et des finances, on a régressé : les dix pays ne sont plus que six ou sept. Chers collègues, la France est donc le seul pays européen à supporter cette taxe ! Le Gouvernement considère, dans sa sagesse, qu'elle soulève certes des problèmes – mais pas trop – pour les actions cotées ; l'appliquer aux transactions infra-journalières, qui, de surcroît, soulèvent des problèmes techniques énormes, constitue une véritable aberration. Soit on l'instaure au plan européen, soit on s'abstient de la créer.
Je propose de revenir à la taxe telle qu'elle a été créée en mars 2012, avec un taux de 0,1 %.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement identique no 42 .
Monsieur le ministre, si le Gouvernement nous explique comment il s'y prend pour consacrer 1,2 milliard supplémentaire, cette année, au budget de l'APD – l'aide publique au développement – , il n'y a aucun problème ! Je rappelle tout de même, chers collègues, que le budget de l'APD s'élevait à 8,6 milliards d'euros en 2016. Je rappelle que la promesse du Président de la République – 0,55 % du revenu national brut en 2022 – impliquerait d'y consacrer 14,6 milliards.
La différence est donc de 6 milliards, soit une augmentation annuelle nécessaire de 1,2 milliard. Or la hausse prévue est à peine de 100 millions d'euros, chers collègues. Je ne fais pas une « fixette » sur l'« intraday », cher Gilles Carrez, mais viendra le moment où il faudra trouver des solutions pour accroître les moyens de l'APD.
Si l'on ne consacre pas d'aides conséquentes au développement, il ne sert à rien de pleurnicher à propos du réchauffement et de l'immigration climatiques, de la ruée du Sud vers le Nord, ou de vouloir renvoyer tout le monde. Certes, je me rends évidemment compte que la France est un pays d'avant-garde dans ce domaine et qu'elle a su entraîner des pays européens, mais est-il utile de baisser la garde pour le moment ? Telle est la question qui mérite vraiment d'être posée dans le cadre de ce débat.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement identique no 133 .
On a l'impression de se retrouver toujours face aux mêmes arguments de la vision et de la philosophie ultralibérales. C'est un petit peu la course au moins vertueux : les autres ne le font pas, donc il ne faut pas le faire non plus, sinon cela nous handicapera ; les autres polluent, alors pourquoi définir des normes afin de préserver la santé si c'est un handicap pour nous ? Il en est un peu de même avec le maintien des transactions intra-journalières.
Faut-il rappeler qu'elles relèvent de la spéculation et qu'elles contribuent à séparer le monde de la finance de celui de l'économie réelle ? Faut-il rappeler – je veux, pour ma part, le faire avec force – que la finance est un secteur de services, au service des autres secteurs de l'économie et non à son propre compte ? De plus, notre économie a besoin de stabilité, vous le savez. Connaissez-vous des entreprises qui ont besoin d'actionnaires moins d'une journée, quand ce n'est pas moins d'une minute ? Je passe sur le fait que les transactions sont parfois réalisées par des ordinateurs programmés seulement pour le profit. Je pense, quant à moi, que des films comme Le Loup de Wall Street devraient passer de la catégorie « oeuvres inspirées de faits réels » à celle de la science-fiction.
Bien sûr, on va nous rétorquer que c'est complexe. Je veux bien l'entendre mais je suis sûre que le génie français permettra de résoudre les difficultés, de la même manière que le Gouvernement cherche manifestement à tout prix à résoudre la complexité du prélèvement à la source, qui demeure, hélas, dans ses cartons.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement identique no 901 .
Cet amendement vise en effet à supprimer l'article 15. Au regard des enjeux majeurs soulevés par la taxe sur les transactions financières, l'instrumentalisation du référé de sept pages de la Cour des comptes paru en juin dernier nous paraît hors de propos. Pour une fois, vous vous empressez de reprendre ce rapport, afin de justifier la dislocation de la taxe sur les transactions financières – hier, lorsque nous avons abordé d'autres éléments pointés par la Cour des comptes, votre empressement fut moins évident… Selon nous, cet empressement traduit un certain manque de courage politique de votre part : vous vous réfugiez derrière des considérations techniques alors même que des systèmes de taxation intra-journalières existent ailleurs. Je m'appuie, quant à moi, sur la proposition de M. Carrez : oui, battons-nous pour qu'une telle taxe soit appliquée à l'échelle européenne !
Regardons de plus près le rapport de la Cour des comptes à ce propos. Il n'affirme pas que la taxe sur les transactions financières est inutile ni qu'il faut supprimer le dispositif. En substance et en toute honnêteté, il considère que son déploiement s'est arrêté au milieu du gué : soit elle ne va pas assez loin, soit elle va trop loin. Et c'est cette dernière lecture politique que vous faites, d'une manière d'ailleurs cohérente avec votre positionnement lorsque vous étiez membre des Républicains, monsieur le ministre. Nous, parlementaires, mais aussi nombreux représentants d'associations, acteurs syndicaux et membres de la société civile, faisons une autre lecture : nous considérons que la taxe sur les transactions financières doit aller beaucoup plus loin.
Rappelons, pour conclure, qu'il existe plus de quarante taxes sur les transactions financières dans le monde et que la finance est tout de même loin de s'être écroulée.
La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l'amendement identique no 1107 .
Je vais répéter sur ce que viennent de très bien dire Mme Faucillon et M. Pancher. Encore une fois, sur ce sujet-là, un accord est possible, qui dépasse très largement le clivage gauche-droite : sur une telle nécessité, nous pouvons nous retrouver.
Vous savez très bien quel souhait le Président de la République a émis pour l'aide publique au développement. Par cet amendement de suppression, nous vous donnons l'occasion de vous y conformer – c'est assez rare, profitez-en !
Je souhaite ajouter que, si ce travail n'est pas fait, vous allez vous mettre dans une situation assez compliquée. Jusqu'ici, vous nous avez expliqué que vous vouliez orienter l'épargne vers l'investissement productif, ce qui justifiait la mise en place de la flat tax, la transformation de l'ISF – l'impôt de solidarité sur la fortune – en IFI – impôt sur la fortune immobilière. En l'occurrence, nous sommes très loin de cela : il n'est pas question ici d'investissement productif mais d'opérations qui s'effectuent dans la journée, intra-journalières, dont la visée est donc purement spéculative. Du reste, s'il faut vraiment s'aligner systématiquement sur le moins-disant fiscal, allez jusqu'au bout de la logique et supprimez carrément la taxe sur les transactions financières !
Au-delà du rapport de la Cour des comptes, j'observe aussi que nous sommes les seuls à avoir mis en place une taxe sur les transactions financières et que personne n'en est mort. Nous sommes si peu morts que nous sommes aujourd'hui suffisamment attractifs pour être dans la bagarre en vue d'accueillir les Français de la City. C'est dire à quel point cette taxe ne fait peur à personne, qu'elle ne constitue ni un souci ni un objet de contentieux. Ne nous limitons pas systématiquement, allons jusqu'au bout de nos idées et faisons en sorte de dépasser ce clivage gauche-droite, sur un sujet qui le mérite amplement !
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l'amendement identique no 1191 .
Dans ses propositions pour l'Europe présentées le 26 septembre à la Sorbonne, Emmanuel Macron annonçait vouloir une taxe européenne sur les transactions financières, dont le produit serait affecté à l'aide au développement. L'ébauche d'une telle taxe a été mise en oeuvre en France au début du quinquennat de François Hollande mais, sous l'effet du lobby bancaire, son champ d'application est resté limité.
En effet, en France, la TTF est restée très peu ambitieuse. Son assiette est trop réduite, son taux, actuellement fixé à 0,3 %, est bien en deçà de ce qui était suggéré voilà quarante-cinq ans par James Tobin. De plus, la taxe française ne touche pas aux transactions les plus spéculatives comme le trading à haute fréquence, dans le cadre duquel les transactions sont effectuées en quelques millisecondes par des logiciels fondés sur des algorithmes scrutant le niveau des cotations boursières ou financières – cela représente 40 % du volume quotidien échangé sur les marchés d'actions européens.
En 2016, selon la Cour des comptes, la TTF a rapporté 947 millions. Pour Clara Jamart, coordinatrice de plaidoyer d'OXFAM, l'élargissement de l'assiette aurait pu rapporter entre 2 et 4 milliards supplémentaires par an à l'État. La taxe devait être améliorée au 1er janvier 2018, avec une taxation des transactions dites infra-journalières. Le projet de loi de finances que nous étudions prévoit d'abandonner cette mesure avant même son entrée en vigueur. Je vous invite à maintenir dans l'assiette de la TTF les transactions infra-journalières en supprimant l'article 15.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Sur l'article 15, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements identiques ?
Je fais partie des parlementaires qui, lors de la législature précédente, ont fait voter des amendements, contre l'avis du Gouvernement, s'agissant de la corrélation entre la taxe sur les transactions financières et l'aide au développement, afin d'essayer de mettre en place un système vertueux. Les impasses dans lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui, qu'elles soient de nature technique ou en considération de la cohésion européenne – Gilles Carrez vient de les souligner – me font vraiment penser qu'il faut un nouveau type de relations, qu'il importe de mettre un terme à la schizophrénie – c'est, en quelque sorte, ce qu'a critiqué Jean-Noël Barrot tout à l'heure.
Rires.
Mais ce n'est pas grave parce que cela se soigne, sauf pour ceux qui ne savent pas qu'ils le sont ! Voilà ce qui me différencie de certains !
Sourires.
C'est pourquoi j'ai récemment organisé une table ronde entre le milieu bancaire et les ONG, afin d'essayer de voir quels types de nouvelles relations pouvaient être établies entre ces deux camps, qui ne s'étaient pas franchement rencontrés jusqu'alors, en tout cas jamais sous l'égide de l'Assemblée nationale. Au-delà des postures de certains – car cela existe, comme la schizophrénie – , des points de vue se sont rapprochés entre des gens qui ne s'en contentent pas, qu'ils oeuvrent dans le milieu bancaire ou dans celui des ONG. Je leur ai clairement dit que cette rencontre ne visait pas à réaliser une bonne action un jour, mais à travailler dans la durée afin de mettre en place de nouvelles relations. Très honnêtement, je crois que c'est à travers ce dialogue que nous parviendrons à faire cesser de ce que j'ai appelé la « schizophrénie infernale » entre les deux catégories, d'un côté ceux qui essaient d'aller plus loin en matière de TTF, de l'autre ceux qui s'efforcent de récupérer de l'aide au développement à travers ce moyen.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'émettrai un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Je vais expliquer pourquoi ce sera également mon cas, pourquoi nous estimons nécessaire d'abroger le projet de taxe intra-journalière.
La taxe sur les transactions financières fonctionne bien, son rendement est de 947 millions d'euros et elle traverse les clivages droite-gauche, Olivier Faure l'a indiqué : instaurée par Nicolas Sarkozy à un taux de 0,1 %, elle a été prorogée par François Hollande à un taux de 0,2 % pour atteindre 0,3 % à la fin du quinquennat précédent. Elle fonctionne bien parce qu'elle est simple et claire, et que l'autre place financière européenne, Londres, applique exactement la même taxe sur les transactions financières – un stamp duty, ou droit de timbre – , ce qui évite tout risque de concurrence.
La taxe « intraday » – dont la création a été décidée, et qu'il convient maintenant d'abroger – , elle, ne fonctionnera pas, d'abord parce qu'aucun autre pays européen ne l'a mise en place. Si, au moment même où nous sommes en train de faire revenir des emplois à Paris, où un certain nombre de grandes banques et de compagnies d'assurances anglo-saxonnes ont annoncé qu'elles allaient s'installer à Paris, louer des bureaux, créer des emplois directs et indirects, nous indiquons que la France sera le seul pays européen à instaurer une taxe « intraday », nous ferons fuir les investisseurs.
De plus, il ne faut pas s'y tromper, ce n'est pas la finance qui sera taxée, mais les entreprises, sur lesquelles le coût de la taxe sera répercuté immédiatement. Cela rendra toutes les opérations de financement des entreprises plus coûteuses, et ce sont nos entreprises qui seront perdantes, avec un retentissement sur notre croissance et nos emplois.
J'ajoute que la Cour des comptes, qui n'est pas suspecte d'esprit partisan, a expliqué en juin dans un référé que, techniquement, nous ne pouvions mettre en place une telle taxe, tant les mouvements financiers infra-journaliers étaient importants.
Pour toutes ces raisons, en particulier pour protéger l'attractivité de la place de Paris et compte tenu du coût que cela entraînerait pour nos entreprises, nous vous demandons de renoncer à cette taxe.
Les remarques de M. Pancher sur le financement de l'aide publique au développement sont très justes. Il s'agit d'un enjeu majeur pour notre pays, qui recouvre non seulement la coopération économique, mais aussi, vous le savez tous, la lutte contre le terrorisme et la lutte contre l'immigration illégale. Nous devons aider les pays qui nous sont proches à se développer, particulièrement en Afrique, à commencer par les pays les moins avancés de la bande sahélienne, conformément à l'ambition du Président de la République. L'engagement de porter l'aide publique au développement de 0,37 % à 0,55 % de notre richesse nationale d'ici à 2022 sera tenu. Il vaut mieux qu'il soit financé sur des bases solides plutôt que sur une taxe qui a peu de chances d'être mise en place. Là encore, cela dépasse les clivages partisans, puisque l'un des moyens de financement de l'aide publique au développement est la taxe sur les billets d'avion, mise en place par Jacques Chirac. Comme quoi tous les présidents de la République française sont pareillement attachés à l'aide publique au développement.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM, MODEM et LC.
Depuis 2014, je m'intéresse à ce sujet et j'ai l'impression de revivre chaque année le même débat. Philosophiquement, nous pourrions tous être satisfaits par une taxe « intraday », mesure d'équité et d'égalité. Mais nous nous heurtons à des difficultés techniques, déjà évoquées l'année passée. Je pense que nous avons tort d'aborder à chaque fois le sujet de la taxe sur les transactions financières en même temps que celui du financement de l'aide publique au développement, aussi légitime celui-ci soit-il. On se rend compte que la décision prise l'an passé est techniquement inapplicable. Or nous avons en effet une responsabilité, et nous ne nous grandissons pas lorsque nous votons des textes inapplicables.
Je me souviens des débats sur la taxe Tobin, lorsque j'étais encore étudiant, il y a quelques décennies.
Un doux rêve, comme l'étaient alors les mesures écologiques. Mais la France est aujourd'hui en pointe dans ces deux domaines. Nous pouvons tous et toutes être fiers de cet acquis : nous avons réussi à instaurer une taxe sur les transactions financières, ce qui était loin d'être acquis il y a encore quelques années.
Toutefois, il faut prendre garde à ne pas aller trop loin. Le monde évolue vite, très vite – on l'a vu au Royaume-Uni. Je salue la bonne foi et l'engagement qui sous-tendent ces amendements appelant à aller plus loin et à maintenir la taxation des transactions intra-journalières, mais je crains que ce que nous y gagnerons ne soit globalement perdu, au final, sur la TTF. Alors prenons le temps d'examiner les choses, de ne pas perdre de l'argent sur ce qui me paraît important et ce qui, je crois, fait consensus entre nous : l'aide aux pays en voie de développement !
Et nous devons aussi avoir le courage de contrôler les sommes dévolues à cette aide. Il est de notre devoir à la fois de contribuer à ce que tous les pays s'engagent sur ce type de taxe, et de nous efforcer – c'est le sens de cette législature – , de nous montrer beaucoup plus allants dans le contrôle de l'argent accordé.
Nous avons énormément de progrès à réaliser en la matière et cela représenterait une source d'économies importantes.
Bien sûr, il faut que la finance participe à la solidarité nationale et aussi à la solidarité de la France envers les autres pays. Un collègue a expliqué tout à l'heure que d'autres pays avaient instauré la taxe « intraday » ; j'aimerais bien en récupérer la liste, que je n'ai pas réussi à trouver.
Pourquoi les autres pays n'ont-ils pas mis en place une telle taxe ? Si vous appliquez un taux de 0,5 % aux micro-transactions, dont la rentabilité est très faible, plus aucune transaction n'a lieu. Si vous voulez en faire une taxe de rendement, il vaut mieux abaisser le taux à des niveaux très faibles, afin que les transactions soient soutenables ! Mais ce n'est pas ce dont il a été question ce soir.
Une étude universitaire de Jean-Édouard Colliard, que nous n'avons pas auditionné, a été mentionnée lors de la table ronde organisée par notre excellent rapporteur général. Elle reconnaît que l'introduction de la taxe sur les transactions financières en 2012 n'a pas eu d'effet dramatique sur les volumes – ils ne se sont pas cassé la figure. Toutefois, alors que les grandes entreprises n'ont pas vu la qualité de leurs liquidités évoluer, les petites entreprises ont davantage souffert. Ne réfléchissons pas de manière aveugle sur ces sujets, car les effets redistributifs sont importants !
Comme l'a rappelé le ministre, il faut une base solide si nous voulons financer l'aide au développement et il faut une convergence entre pays, en matière non seulement de fiscalité mais également de politique d'aide au développement.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe REM.
Exclamations.
On nous a expliqué que l'argent public rendu aux plus riches allait servir les entreprises françaises. Il n'en est rien ! M. Le Maire vient de le confirmer lui-même, en expliquant que la quantité des transactions intra-journalières était telle qu'il était techniquement impossible de les taxer. Cela veut dire que l'argent du capital, quand il circule, le fait tellement vite qu'il ne sert pas aux investissements productifs du pays mais permet de renforcer la rente et d'accroître le capital des plus riches.
Monsieur Le Maire, nous n'avons pas la même lecture de l'analyse de la Cour des comptes. Cette dernière n'a jamais indiqué que la taxe était impossible à mettre en oeuvre ; elle a juste précisé qu'il fallait réaliser une étude d'impact pour analyser la façon dont elle devait être mise en place. Avant de supprimer la taxe, suivons donc les conseils de la Cour des comptes : faisons cette étude d'impact, et nous verrons bien !
En tout cas, si vous votez contre ces amendements, vous affirmez que ce budget est un budget pour les ultra-riches, pour qu'ils continuent à gagner toujours plus d'argent.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe REM.
Si je comprends bien, chers collègues de la majorité, vous auriez tellement aimé être généreux, mais ça ne va pas être possible !
Protestations sur les bancs du groupe REM.
Ça ne va pas être possible parce que c'est compliqué techniquement, parce que les spéculateurs vont trop vite. Je suis tellement lassé par ce discours, que l'on nous tient depuis si longtemps. Je suis tellement fatigué par ceux qui n'ont jamais de bras, de ceux qui ne font jamais rien.
Mais actons le fait qu'il soit impossible de mettre en place la taxe « intraday » – tout à l'heure, quand nous proposerons d'augmenter le taux de la TTF, vous nous direz encore que l'on ne peut rien faire. Comme vous voulez agir, malgré tout, pour l'aide au développement et que vous ne pouvez pas vous mettre en contradiction avec ce qu'a affirmé avec force le Président de la République, vous allez devoir trouver de l'argent ailleurs. Ce ne sera pas l'ISF, ce ne sera pas la flat tax, ce ne sera pas la TTF. Quoi alors ? La TVA ? L'impôt sur le revenu ? Ce seront donc les Français qui travaillent qui devront payer l'aide au développement, parce que vous n'aurez pas voulu la faire financer par ceux qui ont de l'argent et qui spéculent. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés ; j'ai bien du mal à vous suivre.
Je ne sais pas si je vais oser… Et si ! Certains parmi vous possèdent une culture biblique et me comprendront ; ceux qui sont socialistes, ou qui l'ont été, me comprendront aussi. Dans la nuit d'hier : flat tax. Cet après-midi : ISF. Ce soir : TTF. Se renier trois fois, cela porte un nom.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement no 654 .
Tout à l'heure, Gilles Carrez a repris l'histoire de la taxe sur les transactions financières. Je voudrais rappeler aux parlementaires les plus anciens qu'une proposition de loi portant création d'une taxe sur les transactions financières, cosignée par des députés communistes, avait été déposée dès 2007. Je dis donc à Olivier Faure que ce sujet a animé nos débats et que, sur tous les bancs, nous avons eu la volonté d'y arriver, nul ne peut le contester. Gilles Carrez a aussi cité Michel Sapin, qui exprimait ses doutes sur l'augmentation du taux. Je m'en souviens puisqu'à l'époque, monsieur Faure, j'avais justement déposé un amendement tendant à l'augmenter.
Vous vous en souvenez donc.
Bastien Lachaud a évoqué l'analyse de la Cour des comptes. Le présent amendement vise précisément à reporter au 1er janvier 2019 l'extension de l'assiette de la TFF aux transactions « intraday ». Nous verrons bien si nous y arrivons.
Je rejoins Bruno Le Maire sur un point : si la France est le seul pays européen à instaurer une telle taxe, cela lui posera des difficultés sur le plan de la compétitivité.
Avec cet amendement, nous n'écartons pas d'un revers de main la possibilité d'inclure les transactions « intraday » dans l'assiette de la TTF. Nous n'écartons pas non plus la possibilité d'améliorer le financement de l'aide publique au développement, que nous ne pouvons laisser s'effondrer. Pour autant, ne mettons pas en place une usine à gaz ! Dans la dernière phrase de son rapport, la Cour des comptes invite le Gouvernement à engager des consultations pour lever les dernières difficultés en vue d'une application rapprochée. Je demande au ministre d'avancer sur ce dossier, en concertation avec ses homologues européens.
Vous n'avez pas répondu à une question que je vous ai posée, monsieur le ministre. Il y a un an exactement, Michel Sapin, nous expliquait qu'il fallait au moins neuf pays de l'Union européenne pour généraliser la taxe sur les transactions financières, que dix pays avaient été trouvés et qu'ils étaient parvenus à un accord. Je voudrais savoir où l'on en est aujourd'hui.
D'autre part, vous nous avez indiqué qu'il n'y avait pas de problème de compétitivité parce qu'une taxe équivalente à la TFF, la stamp duty, était en vigueur à Londres depuis des siècles. Sauf que le problème n'est pas Londres, monsieur le ministre : après le Brexit, ce sera la concurrence entre la place financière de Francfort et celle de Paris.
Alors, monsieur le ministre, n'éludez pas la question : quand les Allemands vont-ils créer à leur tour une taxe sur les transactions financières ?
Je vous assure, mes chers collègues : lorsqu'une taxe n'existe que dans notre pays, c'est nécessairement une mauvaise taxe, et il faut la supprimer.
Une note de légèreté dans ce débat très technique. M. Faure a choisi une référence biblique. Pour ma part, à cette heure avancée, je pense à un vers de la deuxième strophe de Booz endormi, de Victor Hugo : « Il était, quoique riche, à la justice enclin ». Non, il n'y a pas de honte à être riche en France, encore moins si l'on contribue, par son capital, à créer de l'emploi et à faire vivre des familles. Les mesures visant au bon usage du capital en vue de moderniser nos entreprises améliorent notre compétitivité. Ce n'est pas la rente de situation qui y concourra.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
L'amendement no 654 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 86 |
Nombre de suffrages exprimés | 82 |
Majorité absolue | 42 |
Pour l'adoption | 66 |
contre | 16 |
L'article 15 est adopté.
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l'article 15.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 898 .
Dans la continuité de nos amendements précédents, nous proposons, par celui-ci, de consolider la taxe française sur les transactions financières et, partant, de redonner à notre pays un rôle précurseur en la matière. Il nous paraît indispensable d'aller plus loin dans l'application de cette taxe bénéfique pour la société, afin de financer l'aide humanitaire et de limiter la spéculation.
Rappelons simplement que la renonciation à l'extension de la taxe sur les transactions financières telle qu'elle est prévue à l'article 15 privera notre budget de 2 à 4 milliards d'euros. Actuellement, le rendement net de ce prélèvement est limité par sa déductibilité de l'impôt sur les sociétés. Notre amendement vise à rendre la taxe non déductible du résultat imposable. Cela permettrait de consolider les rentrées fiscales et de financer nos priorités, à savoir l'appui à la lutte contre le réchauffement climatique et l'aide publique au développement.
Je vous fais observer qu'il serait incohérent de rendre la taxe non déductible de l'IS car, de fait, elle ne l'est pas actuellement. D'après l'article du CGI qui a institué la TTF, celle-ci pèse en réalité sur les clients des intermédiaires financiers, ainsi qu'un référé de la Cour des comptes l'a parfaitement établi : elle est liquidée par les prestataires de services d'investissement, qui répercutent immédiatement son coût. Il est difficile de demander l'abrogation d'une disposition qui n'est pas en vigueur…
L'amendement no 898 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 807 .
Nous ne vous proposons rien de moins que de libérer, délivrer l'assiette de la TTF.
Sourires.
C'était pour voir si vous suiviez…
Aujourd'hui, les entreprises françaises concernées par la TTF sont au nombre de 109, presque exclusivement des entreprises du CAC 40. Par cet amendement, nous proposons que les entreprises dont la capitalisation boursière excède 500 millions d'euros prennent en charge la TTF, ce qui permettra d'en augmenter largement le rendement. Ce dispositif a déjà été instauré en Italie.
Les entreprises concernées sont, je le crois, suffisamment solides pour absorber une petite taxation de leurs transactions financières. Elles contribueraient ainsi, en ces temps d'austérité pour le peuple, à la solidarité nationale. Lorsque la baisse des APL, les aides personnalisées au logement, a été annoncée, l'une de nos collègues a déclaré en substance : « Ils ne vont quand même pas pleurer pour 5 euros ! » Nous pouvons tous convenir, je pense, qu'il est possible de demander un petit effort aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 500 millions d'euros sans que cela soit très grave.
Alors que la France souhaite accueillir un sommet sur le climat en décembre prochain, deux ans après l'accord de Paris et à la veille de la COP23, avec l'objectif de rendre concrètes les avancées de la COP21, il faut avoir le sens des priorités. Nous vivons une époque de concentration extrême des richesses. Il est de notre devoir, de votre devoir, de lutter contre cette concentration, à l'échelle de la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
En fixant le seuil à 500 millions d'euros, vous faites entrer dans le champ des entreprises visées un certain nombre de grosses PME, figurant parmi celles qui fournissent le plus d'emplois. Je ne pense pas que ce dispositif serait très efficace. Avis défavorable.
L'amendement no 807 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 43 , 897 , 1085 et 1198 rectifié .
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement no 43 .
Chaque fois que je reviens d'Afrique, où je participe souvent à des actions de coopération, je me dis que nous n'avons jamais vécu dans un monde où l'on rencontre à la fois autant de pauvreté et autant de richesse. C'est de la folie ! Appelons un chat un chat : nous croulons sous le fric de la spéculation financière ! Sachant que cette spéculation entraîne une crise complètement dingue – les événements de 2008 en sont le meilleur exemple – , vous ne pouvez pas nous reprocher de réfléchir à la manière de réguler le système.
Certes, je comprends bien que la France ne peut peut-être pas tout faire toute seule avec ses petits bras, mais je sais aussi qu'elle n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle se met en tête, en donnant l'exemple, de tirer l'Europe, pour que l'Europe tire le monde à son tour.
D'autre part, je vous ai bien écouté, monsieur le ministre : vous affirmez que le Président de la République tiendra ses promesses. C'est heureux ! Mais, pour que notre aide publique au développement atteigne 0,55 % du revenu national brut, il faudrait mettre 1,2 milliard d'euros sur la table dès cette année pour l'AFD, l'Agence française de développement. Or le projet de budget prévoit à peine 100 millions d'euros. Nous allons tous nous retrouver avec le nez rouge de Pinocchio au milieu du visage, mes chers collègues !
Monsieur le ministre, je reviendrai l'année prochaine à la même séance, …
… afin de vous dire que nous n'avions rien mis sur la table pour 2018 et pour vous réclamer 1,5 milliard d'euros pour l'exercice suivant. Vous me répondrez de nouveau que le Président tiendra ses promesses. J'aimerais savoir où nous allons trouver 1,2 milliard d'euros pour l'aide au développement. Dans la mesure où nous avons abandonné l'extension de la TFF aux transactions « intraday », je propose par conséquent, par cet amendement, d'augmenter un petit peu son taux, afin que nous disposions des moyens nécessaires pour accroître notre aide publique au développement.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement identique no 897 .
Il consiste à porter le taux de la TTF de 0,3 à 0,5 %. L'objectif est d'améliorer le rendement de la taxe pour servir deux causes aussi importantes que légitimes : aider le Gouvernement à tenir sa promesse de porter les crédits de l'aide publique au développement jusqu'à 0,55 % du revenu national brut d'ici à 2022, tout en accroissant les recettes de l'État. Avec cette augmentation du taux de la taxe, les recettes supplémentaires seraient considérables. La TTF a rapporté au total 1,45 milliard d'euros à l'État en 2017. Avec un taux à 0,5 %, on peut estimer que nous obtiendrions 1 milliard supplémentaire, voire un peu plus selon certaines projections.
En outre, dix ans après l'une des pires catastrophes financières du capitalisme et alors que tout est redevenu comme avant dans le monde de la finance, la lutte contre la spéculation reste encore et toujours indispensable.
Enfin, ultime argument, en portant le taux de la TTF à 0,5 %, nous l'alignerions sur le taux de la taxe appliquée sur la place financière de Londres – sachant que le taux en vigueur s'élève même à 1 % à Dublin. Comme vous le constatez, nous avons encore de la marge.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l'amendement identique no 1085 .
L'aide public au développement, c'est l'accès à l'eau, à la santé, à la nutrition, à l'éducation. Mais, visiblement, cet argument ne vous convainc pas. Aussi vais-je essayer d'en utiliser un autre, qui parlera davantage à vos esprits tournés vers la gestion, ou la bonne gestion si vous préférez.
S'il fallait se poser la question en ces termes, je vous dirais que l'argent que nous allons dépenser pour l'aide publique au développement en 2017 ou en 2018 est autant d'argent que nous allons économiser les années suivantes. Nous parlons du terrorisme, du défi climatique, du défi migratoire, mais, si nous ne faisons rien maintenant, tous ces problèmes vont s'accroître de manière exponentielle, chacun d'entre nous le sait. Ne pas agir aujourd'hui, c'est reporter à demain des coûts qui seront infiniment supérieurs.
Puisque vous avez le souci de la bonne gestion, augmentons le produit de la taxe sur les transactions financières en portant son taux à 0,5 % dès ce soir ! Nous atteindrons peut-être ainsi, à la fin de cette législature, l'objectif fixé et réitéré par le Président de la République.
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l'amendement identique no 1198 rectifié .
La taxe sur les transactions financières génère 1,5 milliard d'euros de recettes, dont 800 millions sont affectés à l'aide publique au développement, …
… notamment en faveur de la santé mondiale et de la lutte contre le réchauffement climatique. La loi de finances pour 2017 avait prévu d'étendre cette taxe aux transactions infra-journalières à partir de janvier 2018, mais l'article 15 du présent projet de loi de finances, que vous venez de voter, tend à supprimer cette mesure. La TTF finance notamment la lutte contre les grandes pandémies comme le sida, la tuberculose et le paludisme, ainsi que la vaccination et la lutte contre le changement climatique. Les moyens restent cependant trop limités pour répondre aux besoins élémentaires des populations en matière de santé et d'urgence climatique. Pour y faire face, cet amendement vise à porter le taux de la taxe de 0,3 à 0,5 %. Je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La commission est défavorable à la modification du taux, tant à la hausse, comme cela vient d'être préconisé, qu'à la baisse, comme il est proposé dans certains amendements que nous examinerons un peu plus tard.
Il est défavorable, mais je vais répondre aux questions qui m'ont été posées.
Après avoir porté le taux de la taxe de 0,2 à 0,3 %, nous avons constaté que son rendement n'avait pas augmenté à proportion. En d'autres termes, le rendement marginal est particulièrement décroissant au fur et à mesure que l'on augmente le taux de la taxe. Il y a donc fort à parier que, si nous le portions à 0,5 %, nous aurions un effet très négatif sur l'attractivité et un rendement relativement faible.
Monsieur Carrez, cela fait effectivement des mois et des mois que nous négocions une taxe sur les transactions financières au niveau européen, pour financer des projets environnementaux. La conclusion que j'ai tirée de cet exercice est que les coopérations renforcées ne sont pas la solution en matière fiscale. Dix États font partie de ladite coopération renforcée, parmi lesquels la France, la Belgique, l'Italie, l'Espagne et les Pays-Bas. Mais cela ne fonctionne pas, pour une raison simple : dès que l'on approche du but, les États membres de la coopération renforcée comprennent que la mise en place de la taxe va les défavoriser par rapport aux autres États membres de l'Union européenne. Par conséquent, on reporte systématiquement la mise en place de la mesure.
C'est pourquoi le Président de la République a fait une autre proposition, plus judicieuse selon moi : étendons à tous les États européens soit la taxe sur les transactions financières actuellement en vigueur en France, soit celle qui existe au Royaume-Uni !
En tout cas, le principe de la coopération renforcée ne me paraît pas la bonne solution, car on achoppe très vite sur le fait que la taxe créerait une distorsion fiscale entre les États membres.
Je souscris aux propos du ministre. Les députés du groupe La République en marche sont tous favorables au financement de l'aide au développement. Toutefois, en liant cette politique aux discussions sur la taxe sur les transactions financières, on manque l'objectif.
De plus, nous parlions tout à l'heure de responsabilité et de sérieux juridique. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je vous invite à écouter les professionnels du droit, ainsi que les associations, les ONG et les professionnels du secteur financier, que nous avons auditionnés. Ils disent tous que, si nous augmentons le taux, l'assiette va se réduire et nos recettes seront moins élevées.
C'est un sujet complexe mais, comme je l'ai dit hier, il ne faut pas se cacher derrière la complexité. Soyons leader sur le sujet au niveau européen, mais travaillons-y avec sérieux et sens de la responsabilité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Le Président de la République a dit qu'il fallait s'occuper des réfugiés. On fait comment ?
Les amendements identiques nos 43 , 897 , 1085 et 1198 rectifié ne sont pas adoptés.
Tout paraissant excessif au Gouvernement, il faut bien prévoir des amendements de repli. Si 0,5 % est un taux trop élevé, nous proposons, avec cet amendement, un taux de 0,4 %, en espérant finir par rencontrer votre générosité, qui se cache bien, monsieur le ministre… Je veux bien que l'on nous dise que cette taxe finira par voir le jour, mais j'ai entendu ce discours pendant cinq ans, de la part de ma propre majorité et du gouvernement que je soutenais.
Je préfère vous prévenir, chers collègues : on va vous faire le même coup et, dans cinq ans, vous regretterez de n'avoir rien fait. Vous pouvez aussi décider d'être en conformité avec vos annonces. Respectez vos engagements, c'est si important pour vous ! Respectez aussi ceux qui, à l'autre bout du monde, sont en train de mourir !
Je ne cherche pas à tirer des larmes ; je ne dis malheureusement que la vérité. Vous connaissez cette phrase : « Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance. » On pourrait aussi dire : « Si vous trouvez que le développement coûte cher, essayez le sous-développement. » C'est ce que l'on essaie depuis des années, pour quels résultats : mouvements migratoires, terrorisme, famine, etc. ; autant de fléaux sur lesquels nous n'avons pas encore les moyens d'agir.
Je reprendrai les propos de Bertrand Pancher : cela peut paraître naïf de le dire ainsi, mais, à voir le monde dans lequel nous vivons, ces milliards qui s'échangent, n'éprouvez-vous jamais une forme de dégoût, alors que des gens continuent de crever à l'autre bout du monde ?
Exclamations sur quelques bancs du groupe REM.
Cela ne vous pose jamais de problème ? Moi si ! Alors, pour dormir tranquille, je propose une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières.
Depuis près d'une dizaine années, monsieur Faure, il y a un malentendu sur le sujet et nos discussions se répètent pratiquement à l'identique, parce qu'on lie la taxe sur les transactions financières à l'aide au développement. Nous partageons en grande partie ce que vous venez de dire. Cependant, cette taxe n'existant que dans notre pays, elle n'est pas le bon vecteur pour dégager les ressources nécessaires à l'aide au développement.
À l'inverse de ce que vous proposez, mon amendement vise à revenir au taux initial de 0,1 % car il est nécessaire d'étendre cette taxe à un certain nombre de pays européens. Je tiens d'ailleurs à vous poser une question précise, monsieur le ministre, vous qui connaissez parfaitement l'Allemagne : je souscris complètement à vos propos sur les limites des coopérations renforcées, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous n'avons toujours pas pu obtenir de nos amis allemands qu'ils adoptent une taxe de ce type ; en effet, s'ils le faisaient, la question serait réglée.
Nous avons organisé, pendant la dernière législature, des réunions avec nos collègues du Bundestag près de deux fois par an. Il était frappant de constater que, en dehors des membres de Die Linke, tous les autres collègues, y compris les membres des Grünen – quand ils étaient représentés – , étaient tout à fait opposés à cette taxe. Et je suis obligé de constater le résultat : tous les ministres qui se sont succédé depuis le mandat de Nicolas Sarkozy nous ont tous promis que l'Allemagne l'adopterait dans six mois ou un an. Alors, monsieur le ministre, pourquoi n'a-t-on pas bougé d'un iota ?
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis défavorable aux amendements tendant à modifier le taux actuel de la taxe, que ce soit à la hausse ou à la baisse.
Il est défavorable, mais je tiens à répondre à Gilles Carrez. D'abord, nos amis allemands n'aiment pas les taxes. Ensuite, ils font exactement le même pari que nous : le Brexit a eu lieu, et ils sont peut-être un peu plus pragmatiques.
Ce ne sont pas des centaines mais des milliers d'emplois qui sont en jeu. J'ai l'impression que tout le monde n'a pas pris conscience de l'enjeu que peut représenter le fait de devenir demain la première place financière européenne. En ce qui concerne l'emploi, la création de richesse, l'attractivité et la réputation mondiale, c'est absolument considérable.
Je ne ferai pas le procès de qui que ce soit, mais notre partenaire allemand a parfaitement compris qu'il valait mieux que ce soit Francfort plutôt que Paris. J'aimerais que l'on comprenne qu'il vaudrait mieux que ce soit Paris plutôt que Francfort.
Puisque le ministre évoque Francfort, je voudrais lui poser une question. Il se trouve que les Allemands souscrivent des contrats de coalition. Or il se trouve que l'article 1er du contrat de coalition entre le SPD et la CDU, auquel il vient d'être mis un terme, prévoyait l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Chacun aura pu constater qu'il a été bien appliqué ! Monsieur le ministre, savez-vous si, dans le cadre de la future coalition…
Cela sera peut-être plus compliqué avec le FDP, en effet, mais savez-vous si le sujet est au moins abordé ?
Les propos de M. Le Maire sont un peu inquiétants : si l'Allemagne ne le fait pas, il ne faut pas le faire car nous sommes en concurrence avec les Allemands. Je croyais que l'Europe, c'était la coopération entre les peuples. Non, c'est la concurrence ! Dont acte : nous sommes en concurrence avec les Allemands. Ainsi, parce que Siemens n'a pas voulu que la France garde ses parts dans Alstom, nous en avons cédé une partie à Bouygues et avons perdu la capacité de faire valoir, à l'avenir, nos droits sur l'avenir de l'industrie française qu'incarnait Alstom. De la même manière, parce que l'Allemagne ne veut pas créer une taxe, nous ne la créerons pas. Si c'est ça l'Europe, ce n'est vraiment pas très réjouissant.
Monsieur Lachaud, j'apprécie votre idéalisme, digne des romantiques allemands,
Sourires
mais il se trouve que, y compris en Europe, dans les rapports entre États, il peut malheureusement y avoir de la compétition, de la dureté, parfois même de la brutalité, …
… car chacun défend son peuple et ses concitoyens.
Madame Rabault, la seule chose que je peux vous dire, sans dévoiler les secrets de nos discussions, c'est que le ministre des finances allemand défend le strict respect des règles budgétaires avec plus d'ardeur que l'idée d'une taxe sur les transactions financières au niveau européen.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1354 rectifié .
Cet amendement porte sur le nouveau barème applicable aux cartes de séjour. On a instauré la carte de séjour pluriannuelle, mais la carte temporaire d'une durée maximale d'un an existe toujours. Après cette réforme, la taxe à payer pour le renouvellement de cette dernière est passée de 87 à 250 euros depuis le 1er novembre, soit une augmentation de 187 %, ce qui crée de réelles difficultés, sur le terrain, pour les demandeurs de titre de séjour. Mon amendement prévoit de revenir au montant antérieur en plafonnant cette taxe à 87 euros.
Je suggère au rapporteur général de retirer cet amendement pour la simple raison qu'il est assez éloigné des articles dont nous discutons ce soir. Nous pourrions peut-être réexaminer le sujet ultérieurement.
Nous l'avons déposé à cet endroit car c'est un amendement portant article additionnel, et nous ne savions pas où l'introduire !
Je veux bien le retirer si vous vous engagez à examiner le sujet. Le montant des différentes taxes a été fixé par décret, mais l'augmentation du montant des taxes pour les cartes de séjour d'un an est complètement déraisonnable.
L'engagement est pris, monsieur le rapporteur général !
L'amendement no 1354 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 130 .
L'amendement no 130 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin.
L'article 2 a trait à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu à hauteur de l'évolution de l'indice des prix, hors tabacs, entre 2016 et 2017, soit 1 %. À titre de comparaison, cette indexation n'était que de 0,1 % en 2016. Cette mesure a un coût – évalué à 1,1 milliard d'euros – , qu'il faut assumer, pour plusieurs raisons.
La première est que ce budget est un budget de revalorisation du pouvoir d'achat et de baisse des prélèvements obligatoires. Il est donc important de défendre les mesures de baisse de l'impôt. C'est ce que nous faisons, en diminuant la fiscalisation des revenus du travail pour l'ensemble des Français.
La deuxième est qu'il s'agit d'une mesure de justice sociale et fiscale. Le gel du barème fait en effet mécaniquement entrer les catégories les moins aisées dans le champ de l'IR – l'impôt sur le revenu.
La troisième répond à la philosophie de ce budget comme de toute l'action du Gouvernement : il s'agit ici non pas de pratiquer la politique du énième rabot, …
… mais d'opérer des transformations profondes, ce qui implique de ne pas passer par le gel du barème de l'impôt sur le revenu.
Petit rappel rapide : entre 2011 et 2016, l'inflation cumulée a été de 5,8 %, quand la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu sur la même période était de 1,5 %. Cela concerne les deux majorités qui nous ont précédés : le budget de 2012, qui prévoyait le gel du barème, était un budget de droite ; le budget 2013, qui prévoyait la même mesure, était un budget de gauche. Nous ne faisons ni l'un ni l'autre ; nous voulons seulement être justes et efficaces.
La mesure contenue à l'article 2 est traditionnelle dans un projet de loi de finances. Je ne reviendrai ni sur le débat sur les tranches dans notre histoire fiscale – nous avons tout connu – ni sur leur nombre – je crois que nous examinerons des amendements assez intéressants sur le sujet. Cet article permet de rompre avec la tendance haussière qui avait caractérisé les précédents quinquennats : les prélèvements obligatoires sur les ménages avaient augmenté de 35 milliards de 2011 à 2017, dont 14,7 milliards au titre du seul impôt sur le revenu, selon le rapport général du budget de l'année dernière.
Alors que l'impôt sur le revenu concerne 17 millions de foyers fiscaux et a généré 71,8 milliards d'euros de recettes fiscales en 2016, l'article 2, tel qu'il est proposé, évitera une hausse de 1,1 milliard de l'impôt sur le revenu pour les Français, en prévoyant, grâce à l'indexation sur l'inflation, une revalorisation de 1 % des différentes tranches – le gel du barème pendant les précédentes législatures a été évoqué. Il traduit aussi de manière concrète l'engagement du Président de la République de rendre du pouvoir d'achat aux Français. C'est pourquoi le groupe MODEM votera cet article.
Nous avons toutefois déposé plusieurs amendements visant à marquer notre souhait de rompre avec le changement opéré ces dernières années au détriment de la politique familiale, laquelle a été battue en brèche par la modulation des allocations familiales et par les baisses successives du quotient familial.
Nous considérons que la politique familiale doit être universelle car chaque enfant est une richesse pour l'avenir de notre pays, et espérons que ces sujets pourront être abordés dans le futur avec bienveillance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.
Je ne viens pas donner des leçons de droit fiscal à des gens qui en savent certainement beaucoup plus que moi sur le sujet. Je veux seulement formuler un certain nombre de remarques.
À l'origine, l'impôt sur le revenu répondait à un objectif social de redistribution et de progressivité – surtout après la réforme de 1948. Mais on peut s'interroger aujourd'hui sur l'aptitude de cet impôt à répondre à l'impératif de redistribution au vu de son poids marginal dans le PIB – 2,5 %, soit deux fois moins qu'il y a une trentaine d'années. On peut s'interroger également sur l'équilibre entre l'impôt sur le revenu et la TVA, leur poids relatif allant du simple au double, compte tenu de leurs fonctions respectives en termes de progressivité et de redistribution.
Mais il faut surtout remarquer l'extrême complexité de notre système fiscal, lequel, on le sait, est aujourd'hui enseveli une accumulation de régimes dérogatoires, niches, mesures de déduction et autres dispositions.
Voici où je veux en venir : il conviendrait de procéder à une réforme fondamentale de notre fiscalité. Cette réforme devrait être menée autour de plusieurs principes : outre la simplification, la volonté de faire primer l'esprit d'initiative, socle de la création de richesses et d'emplois, au détriment de l'esprit de spéculation, qui consiste à créer des richesses qui n'existent pas. Je sais bien qu'il est extrêmement difficile de toucher à cette machine kafkaïenne, mais c'est indispensable et, en plus, j'observe que le Gouvernement s'est placé sous le signe de la nouveauté et de la modernisation de la société française. Il y a là un grand chantier qu'il faudrait lancer. En tout cas, je l'appelle de mes voeux.
Le groupe Les Républicains comprend tout à fait la logique consistant à indexer le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation, mais on peut tout de même regretter cette démarche. En effet, vous vous targuez de redonner un treizième mois aux Français, mais vous utilisez pour le faire des subterfuges bien compliqués : vous augmentez la CSG et les taxes sur les carburants, vous changez la fiscalité des plans épargne logement et des comptes épargne logement et, en parallèle, vous supprimez la taxe d'habitation pour essayer de compenser – et encore, pas pour tout le monde car les 20 % des Français les plus riches la paieront toujours, ceux qui payent déjà 70 % de l'impôt sur le revenu.
Il y avait une solution plus simple et plus compréhensible pour tous : ne pas augmenter l'impôt sur le revenu. On aurait même pu imaginer que, dans un esprit de simplification, le Gouvernement le baisse de 10 % comme notre groupe le propose. Baisser les impôts, c'est encore la manière la plus facile de redonner du pouvoir d'achat aux Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente.
La séance est reprise.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement no 651 rectifié .
Il s'agit d'un sujet qui me tient à coeur depuis de longues années : celle d'instituer un impôt universel. Vous savez parfaitement que le nombre de Français qui s'acquittent de l'impôt sur le revenu diminue chaque année : nous l'avons notamment constaté au cours du quinquennat précédent.
La difficulté réside dans le fait qu'il existe – on le sent monter dans le pays – un vrai problème de consentement à l'impôt. Une rupture est en train de s'opérer entre celles et ceux qui payent l'impôt et qui ont le sentiment, parfois injustifié mais assez répandu, qu'ils participent seuls au fonctionnement du pays et au financement des efforts de solidarité, et les autres, qui ne le payent pas et qui ne se sentent pas complètement insérés dans la République, avec une conscience forte de leur citoyenneté.
Si je fais cette proposition, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, c'est parce que le lien entre l'impôt et le citoyen est quelque chose de fort : Marc Blondel parlait souvent à ce propos de « cordon ombilical ».
On va me dire que les Français payent la CSG et la TVA. C'est exact, mais la première est fléchée vers la protection sociale, et l'on paye la seconde dès que l'on achète un bien de consommation, même si l'on est chinois.
Selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « une contribution commune est indispensable », qui doit « être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Chacun doit donc faire un effort, en fonction de sa capacité contributive, pour participer à la solidarité nationale. C'est la raison pour laquelle je vous propose l'instauration d'un impôt universel. Je fais confiance à vos services, monsieur le ministre, pour lisser intelligemment le dispositif, de manière à aboutir à une imposition progressive, universelle et bien entendu adaptée, même si c'est de façon symbolique, aux revenus les plus faibles. Il s'agit donc d'un symbole, mais d'un symbole fort.
La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
Monsieur Vigier, si je peux être séduit par l'idée, la mise en place d'un tel dispositif serait compliquée. Je vous propose donc, si vous en êtes d'accord, de retirer votre amendement, afin que vous puissiez, au sein de l'Assemblée nationale, continuer à réfléchir à cette question.
Première observation : si je comprends bien votre amendement, son adoption aurait également pour conséquence de relever le niveau d'imposition de ceux qui, à l'heure actuelle, sont assujettis à l'impôt sur le revenu. De ce point de vue, si vous me permettez cette remarque, votre amendement est mal rédigé.
Deuxième observation : jusqu'à 61 euros, l'administration fiscale, comme le prévoit la législation, ne demande pas le recouvrement de l'imposition. Par conséquent, il faudrait d'abord changer cette modalité de recouvrement pour pouvoir ensuite faire payer une certaine somme à des gens qui sont très modestes – ce qui me semble d'ailleurs contradictoire avec ce que vous préconisez à longueur de débats, notamment à propos des retraités.
Troisième observation : il faut d'abord réaliser une étude d'impact. Même si le symbole est important, il ne faudrait pas que le coût du recouvrement soit supérieur à celui des sommes recouvrées. Il faut en effet que des agents publics soient affectés à cette tâche et qu'un système administratif mis en place. Or si, en définitive, le symbole coûte plus cher que le recouvrement de l'impôt, nous allons être confrontés à un problème de dépense publique.
Il est vrai que l'idée peut être intéressante. Je vous accorde que, si tout le monde paye la CSG et la TVA, ce n'est pas la même chose que le consentement à l'impôt sur le revenu. Il faudra un jour s'interroger sur cet impôt, mais ce n'est pas, pour l'instant, le choix qui a été fait par le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, il me semble préférable, monsieur Vigier, que vous retiriez votre amendement pour travailler, avec l'ensemble des groupes politiques, sur cette question : l'administration fiscale est à votre disposition.
Il faudrait aboutir à une modernisation de notre système fiscal.
Vous avez prononcé des mots importants, monsieur le ministre « consentement à l'impôt ». C'est un sujet important.
Et il est aussi vieux que la République !
J'ai bien noté votre ouverture et votre volonté de travailler sur le sujet, et vais donc retirer mon amendement no 651 rectifié .
Une remarque tout de même, s'agissant du coût du recouvrement. Cela fait quelques années que l'on me sert l'argument. Si l'on met en place les systèmes informatiques adéquats, le coût de l'établissement des rôles financiers ne sera pas démesuré. Il en va de même de l'envoi d'un courrier électronique. Vous pouvez donc dire à vos services, monsieur le ministre, que, s'agissant de cet aspect, nous avons déjà la réponse.
Pour le reste, je suis naturellement prêt à travailler avec vous et vous remercie de votre esprit d'ouverture.
L'amendement no 651 rectifié est retiré.
L'impôt sur le revenu représente aujourd'hui moins de 20 % des ressources du système fiscal français : son rendement est faible et il est, de plus, inégalitaire. Notre amendement vise donc à modifier les tranches d'imposition afin de rendre cet impôt plus progressif.
Nous souhaitons en effet instaurer un système fondé sur quatorze tranches, au lieu des cinq existant actuellement. Ce faisant, nous souhaitons revenir sur la décision prise par MM. Sarkozy et Fillon, jamais remise en cause par la suite, de faire porter la majeure partie de l'effort sur les classes moyennes. Avec notre nouveau barème, tout le monde paierait, mais à hauteur de ses moyens. En effet, chacun doit participer, même de manière symbolique, au financement des services publics qui assurent la cohésion sociale.
Nous souhaitons également, par cet amendement, atténuer l'effort auquel sont soumis les contribuables de la classe moyenne en augmentant, en contrepartie, l'imposition des plus hauts revenus. Il s'agit donc d'une mesure de justice fiscale et sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 834 .
Cet amendement va dans le même sens, puisqu'il vise à renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, la CSG et la TVA pèsent beaucoup plus lourd sur les revenus des Français que l'impôt sur le revenu, lequel est – ou plutôt était – , avec l'ISF, le seul impôt progressif, c'est-à-dire pouvant contribuer à la réduction des inégalités.
La part de l'impôt progressif représente moins de 6 % de l'ensemble des recettes fiscales, ce qui place la France parmi les pays de l'OCDE tirant la plus faible part de leurs recettes d'un impôt de ce type.
L'impôt sur le revenu a peu à peu perdu de sa progressivité, ce que l'amendement no 834 vise à corriger. Cet impôt a été peu à peu rongé par la multiplication des mesures dérogatoires et des niches fiscales dont l'utilisation permet aux ménages les plus riches de réduire leur montant d'imposition et d'être en définitive, en pourcentage de leurs revenus, moins fortement imposés que les classes moyennes et les classes moyennes supérieures.
L'impôt sur le revenu concentre aujourd'hui de très nombreuses critiques : un grand nombre de personnes le jugent trop opaque et trop complexe. Il est donc indispensable de le rendre plus lisible et plus juste afin de favoriser la baisse effective de la fiscalité pesant sur les ménages de la classe moyenne. Nous devons faire ce travail avant que soit mis en place le prélèvement à la source et que soit effective la fusion avec la CSG, qui menace gravement la pérennité de cet instrument de justice fiscale.
Cet amendement est voisin des précédents : il s'agit de créer de nouvelles tranches dans le barème de l'impôt, de façon à en augmenter la progressivité et le rendement.
L'un des reproches récurrents que ses détracteurs adressent à l'impôt sur le revenu est que, du fait de la progressivité du barème, seule une petite fraction des foyers fiscaux acquitte une partie importante de l'imposition correspondante. Seuls 18 des 36 millions de ménages que compte notre pays sont imposables. Ce constat traduit surtout, selon nous, le fait que notre société est malade de ses injustices.
L'amendement no 979 vise donc à créer de nouvelles tranches dans le barème de l'impôt, afin de mieux prendre en compte les capacités contributives des ménages les plus fortunés. Nous proposons ainsi d'appliquer un taux de 70 % à la fraction des revenus supérieure à 1 million d'euros.
Quelques-uns d'entre vous jugeront sans doute ce taux excessif et penseront qu'à force de trop les taxer, les contribuables concernés risquent de se décourager. C'est précisément notre but : décourager l'accumulation de richesses pour encourager la solidarité, lutter contre la spoliation des richesses afin de favoriser leur répartition.
Jusqu'à présent, aucune étude n'est parvenue à démontrer qu'une augmentation des taux de prélèvement progressif entraînait une fuite des contribuables. L'exemple des pays scandinaves montre également qu'une fiscalité progressive plus lourde que la nôtre n'est pas incompatible avec une certaine qualité de vie et que sa mise en place n'a pas pour effet de déclencher un exode massif des catégories aisées.
Pour conclure, il est également possible de se référer à l'histoire de France : le taux marginal a pu atteindre 90 % pendant l'entre-deux-guerres, pour se stabiliser au cours des Trente Glorieuses autour de 70 %, comme nous le préconisons dans cet amendement. La stabilisation à un tel niveau n'avait pourtant pas, tout au long de cette dernière période, bridé les taux de croissance économique, lesquels atteignaient 4 % à 5 % par an. À l'inverse, les politiques de diminution massive des impôts progressifs menées depuis bientôt vingt ans n'ont en rien permis de relancer la croissance.
La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 426 .
Il s'agit tout simplement de baisser l'impôt sur le revenu de 10 %. Ce sujet a déjà fait l'objet d'un certain nombre de discussions. Nous pensons qu'il est juste de baisser l'impôt qui a le plus augmenté, depuis 2012, pour les ménages.
Vous allez me dire que le coût de cette mesure est important. C'est vrai. Nous pensons, pour notre part, qu'il ne faut pas supprimer la taxe d'habitation, car sa disparition coûtera à terme plus cher que la baisse de 10 % de l'impôt sur le revenu. En outre, environ 20 % des Français ne payent pas la taxe d'habitation et, après la réforme envisagée, 20 % continueront à la payer. Par conséquent, 40 % des Français ne seront pas concernés par votre mesure. Il serait donc plus juste, plus efficace et plus clair de baisser de 10 % l'impôt sur le revenu, ce qui permettrait aux Français, qui ont été surfiscalisés ces dernières années, de retrouver un niveau de fiscalité plus normal.
Les trois premiers amendements, qui visent à instaurer de nouvelles tranches, auraient pour effet de dépasser le taux de 66,6 %, au-delà duquel le Conseil constitutionnel considère que l'imposition est confiscatoire et censure en conséquence les dispositifs. La commission est donc défavorable à ces amendements.
S'agissant de l'amendement présenté par M. Woerth, c'est un peu l'inverse, même si la commission y est également défavorable : il favorise en effet les foyers fiscaux qui relèvent des plus hautes tranches du barème. Je pense que nous nous éloignons des équilibres auxquels nous sommes parvenus s'agissant des 470 000 foyers fiscaux qui relèvent des tranches à 41 % et à 45 %.
La commission émet donc, concernant ces quatre amendements, un avis défavorable, mais pour des raisons différentes.
Il est également défavorable aux amendements visant à créer un nouveau barème – dans l'un d'entre eux, on envisage même quatorze tranches. M. le rapporteur général a souligné les risques d'inconstitutionnalité de ces dispositifs.
Je réponds au président Woerth, ainsi qu'à tous les membres du groupe Les Républicains ayant déposé des amendements visant à diminuer l'impôt sur le revenu, que le Gouvernement a effectivement fait un choix fiscal.
La baisse de l'impôt sur le revenu coûterait à peu près 10 milliards d'euros, soit une somme équivalente à la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des Français. Ces deux réformes ont un coût pour les finances publiques. Pour le reste, c'est affaire de choix politique.
Comme l'a souligné M. le rapporteur général, le dispositif proposé par M. Woerth limiterait la progressivité du barème. Plus largement, on peut considérer – pour faire écho à la question posée tout à l'heure par M. Vigier – que l'impôt sur le revenu soulève des questions qu'il faudra régler, dès lors que la moitié des Français ne le payent pas.
Le Gouvernement a fait un choix fiscal différent du vôtre : nous souhaitons faire en sorte qu'un maximum de contribuables puissent bénéficier de la baisse de fiscalité, en partant du principe qu'il fallait combiner les mesures. Nous avons donc souhaité à la fois instaurer le prélèvement forfaitaire unique – PFU – et réformer l'ISF et la taxe d'habitation.
Je remarque d'ailleurs que la démonstration proposée par Éric Woerth concernant la baisse d'impôt – dont bénéficieraient surtout les plus aisés, quand bien même beaucoup de ménages modestes, mais aussi appartenant aux classes moyennes ou à leur partie supérieure, payent l'impôt sur le revenu – , même si je la respecte, provient d'un côté de l'hémicycle qui n'est pas celui où siègent les représentants de la majorité.
Nous avons fait le choix de réviser des impôts qui sont considérés comme frappant les ménages mais qui, en fait, handicapent la vie des entreprises – d'où la mesure concernant l'ISF et l'instauration du PFU – tout en faisant en sorte que des impôts « grand public », comme la taxe d'habitation, baissent.
On ne peut pas nous reprocher de faire quelque chose qui serait à la fois pour les riches et contre eux ! La révolution fiscale que nous annonçons pour les cinq années de ce mandat est à la fois une révolution fiscale locale – nous avons eu le débat hier et nous l'aurons à nouveau au sujet de la taxe d'habitation – et la fin des impôts idiots qui brident la compétitivité de nos entreprises.
Pour des raisons qui tiennent donc tant aux finances publiques et à la stratégie fiscale qu'à la progressivité de l'impôt, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements.
Sur l'amendement no 426 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Il s'agit effectivement, monsieur le ministre, d'un choix qui relève de la stratégie fiscale et non des finances publiques. Pour notre part, nous assumerions de ne pas supprimer la taxe d'habitation pour un certain nombre de Français. Je répète qu'en réalité, 40 % des gens ne seront pas touchés par votre mesure : 20 % qui ne payaient pas la taxe d'habitation et 20 % qui continueront à la payer.
Par ailleurs, peut-être y a-t-il une hyperconcentration de l'impôt sur le revenu, et c'est probablement une erreur fondamentale, mais une réduction de 10 % pour tous ceux qui le paient, cela me paraît très juste, vu ce qu'il s'est passé au cours des cinq dernières années. Je signale également que, à la question du taux de l'impôt sur le revenu, doit être ajouté celle de la CSG, que vous augmentez de 1,7 point. Cela donne donc des niveaux d'imposition très élevés.
Je vais abonder dans le sens du président de la commission des finances. Monsieur le ministre, si vous vouliez toucher un maximum de monde, il y avait une solution très simple : plutôt que de supprimer la taxe d'habitation pour 80 % des Français, il fallait baisser la CSG, qui touche tout le monde. Cette mesure était d'ailleurs inscrite dans le programme du ministre de l'économie et des finances lorsqu'il était candidat à la primaire. On aurait alors touché tous les Français et répondu à votre préoccupation.
Je sais, monsieur Abad, que vous connaissez bien le ministre de l'économie et des finances, puisque vous l'avez soutenu à la primaire, ce qui ne fut pas mon cas.
Il s'agit d'un débat très intéressant, de même que celui sur la CSG et sur la TVA. C'est la confrontation de visions fiscales différentes. Il ne faudrait toutefois pas laisser croire qu'il n'y aurait que la CSG, dont la hausse concernerait tout le monde – ce qui n'est évidemment pas le cas du fait de la suppression des cotisations salariales – , la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu, car votre projet fiscal prévoyait aussi l'augmentation de la TVA.
Cette augmentation de 2 points de la TVA toucherait tout le monde, …
… à commencer par les foyers les plus modestes.
Certes, les produits de première nécessité ne seraient pas concernés, mais, comme nous avons eu l'occasion de le dire hier, la consommation des gens modestes ne se limite pas aux produits de première nécessité ; il leur arrive d'acheter des voitures, de voyager, de payer des études à leurs enfants… Autant de choses qui ne relèvent pas nécessairement du taux de TVA réduit.
Si vous, vous proposez d'augmenter de 2 points la TVA et de baisser l'impôt sur le revenu – et l'on peut comprendre pourquoi – , la majorité, elle, propose l'inverse : la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers. Le président Woerth a raison de dire que cette baisse de la fiscalité ne bénéficiera pas à tout le monde : si l'on en croit sa démonstration, 40 % des Français ne seront pas touchés ; mais cela veut dire que 60 % vont en profiter. Or l'impôt sur le revenu, il n'y a pas 60 % des Français qui le paient. Même si la démonstration du président Woerth est à considérer, on ne peut donc pas dire que la taxe d'habitation touche moins de monde que l'impôt sur le revenu ; c'est plutôt le contraire.
Par ailleurs, l'augmentation de la CSG concernera aussi les revenus du capital, ce qui ne serait pas le cas de la hausse de TVA ; cela rapportera même 1,5 milliard. En outre, elle n'affectera que les personnes qui touchent plus de 2 500 euros net, puisqu'il y aura compensation par la suppression de la taxe d'habitation. Enfin, elle profitera à l'intégralité des salariés de ce pays.
Je ne dis pas que ce débat est médiocre. Je dis qu'à niveau de dépenses à peu près similaire, nos mesures fiscales toucheront plus de monde, notamment plus de familles modestes et de familles populaires, que la stratégie fiscale de baisse de l'impôt sur le revenu couplée à une augmentation de la TVA.
Le ministre de l'action et des comptes publics a raison de dire que ce débat est très intéressant. Il permet en effet de présenter la vision que vous, Les Républicains, auriez présentée aux Français, au travers de votre budget. En gros, vous auriez fait le choix d'avantager les contrats d'assurance vie supérieurs à 150 000 euros, de supprimer l'impôt sur la fortune immobilière, qui concerne les patrimoines supérieurs à 1,7 million d'euros – et non les classes moyennes – , et de baisser de 10 % l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire de privilégier nettement les classes les plus riches. Vous auriez aussi fait le choix d'augmenter en revanche la TVA, qui est un impôt non redistributif.
On nous accuse de faire un budget pour les riches, mais on voit bien, avec vos propositions, ce qu'aurait été un véritable budget pour les riches. La comparaison permet de souligner que le budget que nous présentons aujourd'hui est en réalité un budget pour les classes moyennes – nous aurons l'occasion d'en reparler avec la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des contribuables. Un budget pour les classes moyennes, d'un côté, un budget pour les riches, de l'autre : notre discussion permet de mettre en évidence cet aspect.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Sourires.
Oui, monsieur le ministre, c'est un choix. Je ne vois pas pourquoi vous évoquez la TVA, mais puisque vous le souhaitez, parlons-en. Le choix que nous avions fait était axé sur la compétitivité. Il s'agissait de financer des baisses de charges patronales au-delà de ce qui était prévu par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE.
Vous avez raison, monsieur le ministre : ce n'est pas la même chose que ce que vous voulez faire. Vous, vous voulez un CICE « moins » quand nous, nous voulons un CICE « plus ». Pourquoi ? Parce que nous croyons que le coeur du problème, c'est l'économie, ce sont les entreprises. Or les grandes oubliées de votre budget, contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce sont précisément les entreprises. Le CICE n'est pas augmenté, c'est pire : il est en réduction par rapport à ce qu'il aurait dû être.
Cela veut dire que vous augmentez le coût du travail, alors qu'il faudrait plutôt le réduire. C'est la réalité ; il n'y a pas d'erreur de ma part. Ce n'est qu'un constat froid et objectif que je porte sur votre mesure.
Les entreprises sont donc les grandes oubliées de ce budget, alors que nous, nous pensons qu'il faut les mettre au centre, avec ceux qui ont le plus payé depuis 2012, à savoir les ménages assujettis à l'impôt sur le revenu. Ce sont eux qui ont été le plus « matraqués », comme on dit ; et c'est pour eux qu'il faut, compte tenu de l'amélioration de la conjoncture et des rentrées fiscales, retrouver le chemin de la justice.
Vous dites que la dépense est la même, mais c'est faux : la suppression de la taxe d'habitation, telle que vous la concevez, coûtera 10 milliards d'euros – sur trois ans, certes, mais 10 milliards d'euros tout de même – , tandis que la baisse de 10 % de l'impôt sur le revenu représenterait 7 ou 7,5 milliards. Ce n'est pas la même chose.
Notre premier choix, ce sont donc les entreprises, notre deuxième, les ménages qui ont le plus payé d'impôt : il faut leur rendre de l'argent.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le débat est vraiment très intéressant : il s'agit de la confrontation de deux programmes fiscaux.
Monsieur Woerth, nous avons eu cette discussion avant-hier : votre TVA n'était pas sociale. La TVA sociale, c'était en 2007. Ce que vous proposiez, dans votre projet législatif, c'était une augmentation de 2 points de la TVA et une diminution de 6 milliards des cotisations sociales.
Non, cher Éric Woerth, le projet législatif que Les Républicains défendaient prévoyait un abattement sur les salaires : 6 milliards de baisses des cotisations sociales et 8 milliards de baisses des cotisations patronales.
Nous, nous proposons quelque chose d'assez différent, à savoir 13 milliards de baisses de cotisations sociales, pour que le travail paie. Nous doublons donc le montant des abattements que vous proposiez en même temps que l'augmentation de la TVA et nous proposons de transformer le CICE en un allégement de charges pour ceux qui touchent jusqu'à 2,5 fois le SMIC.
Je vous le dis franchement : il n'y a plus que les députés de l'opposition pour penser que nous ne faisons rien pour les entreprises ; en général, on nous reproche plutôt l'inverse !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Il n'y a plus que les députés de l'opposition pour penser que nous n'avons pas supprimé ce qui entrave l'action dans l'entreprise, alors que nous avons voté la création du prélèvement forfaitaire unique et la fin de l'ISF,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
ce que personne n'avait osé faire depuis la création de ce dernier.
On ne peut pas tout faire. Le choix que nous avons fait, c'est de supprimer de la taxe d'habitation pour 80 % des Français, non de baisser de 10 % l'impôt sur le revenu pour les 40 % d'entre eux qui y sont assujettis.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 87 |
Nombre de suffrages exprimés | 87 |
Majorité absolue | 44 |
Pour l'adoption | 16 |
contre | 71 |
L'amendement no 426 n'est pas adopté.
Je vais tenter de me substituer à mon éminent collègue Jean-Louis Bourlanges, bien que je n'en aie ni le talent ni l'éloquence.
Nous discutons de l'impôt sur le revenu ; c'est une très bonne chose que l'article 2 instaure une indexation de son barème sur l'inflation. Depuis 1945, l'impôt sur le revenu tient compte de la composition du ménage, en vertu d'un principe simple : à niveau de vie égal, taux d'imposition égal. Autrement dit, l'imposition tient compte du nombre de personnes qui constituent le ménage.
Au cours de la précédente législature, des abattements ont progressivement été instaurés sur le quotient familial. L'intention était noble : il s'agissait de rendre l'impôt plus progressif – c'était un choix politique. Toutefois, la méthode n'était pas la bonne, car nous avions d'autres moyens d'assurer la redistribution : l'impôt sur le revenu, les droits de succession et l'ISF – désormais, l'impôt sur la fortune immobilière, l'IFI. C'est pourquoi Emmanuel Macron déclarait, en avril dernier, qu'il souhaiterait revenir sur ces abattements si les conditions étaient favorables et que nous en avions les moyens. Or nous n'avons pas les moyens de revenir à la situation de 2012, car cela coûterait 1 milliard d'euros. Ce que nous proposons, c'est de revenir très progressivement à la situation de 2012, en abaissant progressivement les abattements. Le coût serait de 200 millions d'euros pour 2018. Cela permettrait d'envoyer un signal aux familles.
Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser dire que vous supprimez l'ISF : c'est faux, puisqu'il en reste une part, qui va toucher l'immobilier, dont les résidences principales, et que vont devoir payer celles et ceux qui, par exemple, ont acquis une résidence par héritage. Vous avez fait une partie du chemin, ce qui est tout à fait louable, mais il en manque un bout.
S'agissant de l'amendement no 3 , il s'agit de revenir sur la diminution de l'avantage maximal en impôt résultant de l'application du quotient familial. L'abaissement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial a en effet concerné près de 800 000 foyers appartenant essentiellement à la classe moyenne – à laquelle vous êtes si attaché, monsieur le ministre. L'amendement que je défends au nom de mon collègue Marc Le Fur et d'un grand nombre de députés Les Républicains vise à remédier à cette situation.
Abaissement par deux fois du quotient familial, mise sous condition de ressources des allocations familiales, suppression de la demi-part de quotient familial pour les veufs et veuves, imposition de la majoration de retraite de 10 % dont bénéficiaient les retraités qui avaient élevé au moins trois enfants, retard de la prime de naissance : ce sont 4,6 milliards d'euros qui ont été pris aux familles au cours du dernier quinquennat.
En proposant de relever le quotient familial de 1 512 euros à 1 527 euros, comme le prévoit l'article 2, le Gouvernement ne prend pas la mesure du choc fiscal encaissé par les familles durant le précédent quinquennat, ni de ses conséquences.
Selon une étude de l'INSEE, 785 000 bébés sont nés en 2016, soit 34 000 de moins qu'en 2014, et l'indice de fécondité est passé de 2 à 1,93 enfant par femme. Il fallait remonter plus de dix ans en arrière, en 2004, pour retrouver un indice de fécondité de ce niveau.
Nulle surprise sur ce point : comme le savent bien les démographes, l'attitude de fécondité des populations est liée au degré de confiance dans la politique familiale et dans sa pérennité. Or cette confiance a été rompue ; il nous incombe donc de la rétablir.
La ministre des solidarités et de la santé, Mme Buzyn, a d'ailleurs récemment déclaré qu'elle souhaitait entamer, « avec le Parlement et l'ensemble des acteurs », une réflexion « sur la politique familiale en général ». En rétablissant le quotient familial à son niveau de 2012, l'occasion est donc ici donnée au Gouvernement de montrer que la natalité est pour lui un véritable enjeu pour l'avenir de notre nation.
À travers cet amendement, il lui est également proposé de faire coup double, si j'ose dire : rétablir le quotient familial et maintenir ses objectifs de réduction des déficits en excluant de cette disposition les tranches supérieures assujetties à l'impôt sur le revenu, qui bénéficient déjà de hausses substantielles de pouvoir d'achat.
Merci, monsieur Ramadier.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
Ils posent tous la question de la politique familiale, laquelle est plus large que le champ visé par l'article.
Un débat devra avoir lieu sur le sujet, mais un amendement comme celui que l'on vient de présenter représente un coût de 1,7 milliard d'euros d'ici à 2021. Vous mettrez certainement en regard de cette somme les problèmes de fécondité que l'on a évoqués, mais ces amendements soulèvent une difficulté que l'on ne peut résoudre ainsi, d'autant qu'ils favoriseraient tout de même les familles les plus aisées.
Dans l'attente d'un débat plus large sur la politique de la famille, je suggère donc un retrait de ces amendements ; faute de quoi l'avis serait défavorable.
Je remercie les différents groupes politiques d'avoir rouvert le débat sur le quotient familial, peut-être avec un peu plus d'esprit de responsabilité du côté du MODEM, ne serait-ce que pour le gage.
Le groupe Les Républicains, dois-je le rappeler, a de son côté gagé le rétablissement du niveau du quotient familial par une augmentation du prix du tabac de 4 euros par paquet.
J'imagine donc, puisque je connais votre sérieux sur les questions budgétaires, qu'il s'agit d'un amendement d'appel.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
M. Barrot, lui, propose un gage dont il n'ignore sans doute pas la difficulté, puisqu'il consiste à supprimer le taux réduit applicable au logement.
Quoi qu'il en soit, le débat est tout sauf médiocre et, comme vous l'avez très bien rappelé, monsieur Abad, je suis moi aussi attaché à la politique familiale, de même que beaucoup de groupes, tout jeunes qu'ils soient politiquement.
Je suis d'accord pour dire que la redistribution se fait autrement que via le quotient, et que, par exemple, le prix des cantines, des rentrées scolaires ou des garderies a aussi des conséquences pour les parents. Au cours du quinquennat précédent, la réforme du quotient a bousculé le pouvoir d'achat des familles, parfois au sein des classes moyennes et modestes.
Comme l'a très bien dit M. Ramadier, la ministre des solidarités et de la santé s'est engagée à se pencher sur la question. Je vous propose donc, dans un esprit constructif, cher président Vigier, de rouvrir ce débat lors de l'examen du PLFSS – dont certaines mesures touchant à la famille auront d'autres conséquences – , mais aussi en réfléchissant, comme l'a suggéré le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Olivier Véran, à la question de la fin de l'universalité, question qui d'ailleurs se pose en miroir de celle du quotient familial.
Le Parlement doit travailler cette année à la question du quotient familial, comme Mme la ministre des solidarités et de la santé l'y a invité, de façon que nous ouvrions ce chantier et celui des mesures pour la famille – qu'il faut évidemment promouvoir – ici même, l'an prochain. En fonction des conclusions qui en sortiront, chacun fera des choix politiques.
Pour des raisons qui tiennent aux gages, mais aussi pour des raisons politiques et en vertu d'une réflexion sur une politique qui a fait les belles heures de notre pays, je suggère le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Je veux apporter des clarifications sur notre volonté politique, mais aussi sur la réalité de la politique familiale aujourd'hui.
La Cour des comptes, dans son dernier rapport, rappelle que la France consacre 3,7 % de son PIB, soit 70 milliards d'euros par an, à la politique familiale, contre 2,8 % en moyenne dans l'Union européenne. Autrement dit, nous dépensons en moyenne 20 milliards d'euros de plus que les autres pays européens ne le feraient à notre place pour la politique familiale.
Vous avez invoqué la baisse de la fécondité, mais il faut aussi prendre en compte le fait qu'il y a aujourd'hui moins de femmes en âge de procréer compte tenu de la baisse de la fécondité intervenue il y a trente ans. Si l'on considère le nombre d'enfants par femme au bout de leur vie, on constate qu'il est plutôt en augmentation, avec 2,05 enfants : c'est une réalité qu'il est sans doute bon de rappeler, car les chiffres nous font parfois dire des bêtises.
Le Gouvernement, je crois, a à coeur de mettre en oeuvre une politique familiale efficace ; il a à coeur de s'assurer que les 70 milliards d'euros que l'on y consacre vont bien aux familles et que cette dépense les aide à assumer le coût que représente le fait d'avoir des enfants. Il entend aussi soutenir les familles les plus modestes, pour lesquelles nous devons agir en priorité.
Dans cette optique, la commission des affaires sociales lancera une mission en janvier prochain, mission à laquelle la commission des finances souhaite être associée. Nous pourrons ainsi réfléchir au volet social, redistributif et fiscal de tous nos outils de politique familiale, car c'est avec l'ensemble de ces outils que nous pourrons trouver des mesures efficaces, justes et adaptées à notre époque.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Nous aurons effectivement ce débat la semaine prochaine dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Je veux quand même rappeler que la politique familiale, à laquelle la France consacre en effet des moyens depuis plusieurs années, nous est enviée par tous les autres pays européens : cela prouve qu'elle est une réussite.
Par ailleurs, la branche famille est la seule branche de la Sécurité sociale à l'équilibre, alors même que c'est sur elle que l'on se sert le plus, puisque 4 milliards d'euros lui ont été retirés au cours des cinq dernières années.
Je prends acte de la mission annoncée par Mme la ministre des solidarités et de la santé. Cette mission entamera d'ailleurs ses travaux plus tôt que prévu puisqu'elle devrait être constituée dès la semaine prochaine, d'après ce que l'on nous a dit en commission des affaires sociales. C'est une bonne chose, car le chantier est vaste. Mais s'il faut attendre les conclusions de cette mission et la tenue d'un vrai débat sur la politique familiale, débat que je souhaite le plus rapide possible en fonction du travail de la mission, je suggérerai la semaine prochaine à Mme la ministre des solidarités et de la santé de surseoir à sa décision de baisser de 17 euros par mois la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
On ne peut pas dire, d'un côté, que l'on attend le résultat d'un débat pour décider d'une véritable politique familiale et, de l'autre, poursuivre les coups de rabot appliqués depuis cinq ans, lesquels ont conduit à amputer la politique familiale de 4 milliards d'euros.
Je souhaite donc que cette réflexion soit menée à son terme la semaine prochaine, et que soit prise la décision sage de retirer l'article 26 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est vrai que notre politique familiale est importante quant à son volume financier, madame de Montchalin, mais elle a quand même réussi, puisque la France possède le taux de fécondité le plus élevé d'Europe : nous partageons le même avis sur ce point, je suppose.
Ces amendements posent en effet la question plus générale de la politique familiale, monsieur le ministre, donc du débat sur l'universalité et sur d'autres thèmes encore.
Troisièmement, il faudra aussi se pencher sur la PAJE, au sujet de laquelle des améliorations peuvent sans doute être apportées dans le cadre du PLFSS.
Esprit de responsabilité pour esprit de responsabilité, donc, nous retirons l'amendement no 841 .
Merci, monsieur le président !
L'amendement no 841 est retiré.
Je considère qu'il s'agit d'un très bon amendement. Nos collègues ont d'ailleurs été constructifs, puisque le rétablissement du quotient familial proposé par le groupe Les Républicains aurait, lui, un coût de 1 milliard d'euros ; avec l'amendement qui vient d'être retiré, le saut n'aurait été que de 200 millions d'euros.
Mais, madame de Montchalin, la politique familiale, ce n'est pas seulement un pourcentage du budget de la France : c'est une ambition.
N'est-ce pas un facteur de compétitivité pour la France, par comparaison avec les autres pays européens, que d'avoir le taux de natalité qui est le sien ?
C'est là le fruit d'une politique ancienne, qui fut chère au général de Gaulle, monsieur le ministre, et cette politique est exemplaire.
Moi aussi, et même des petits-enfants.
Même si nous avons essayé, en vain, d'inverser les choses, cette politique a été malmenée au cours des cinq dernières années. Nous souhaiterions donc vraiment l'accompagner. L'amendement défendu par M. Barrot allait dans le bon sens à cet égard, car il me semble que des signaux doivent être envoyés.
« On verra, on va réfléchir », nous dit-on. Mais Emmanuel Macron a réfléchi en amont à un projet familial, j'imagine, de la même façon qu'il a réfléchi à un projet européen : j'espère qu'il n'attend pas le travail des parlementaires pour définir la politique familiale du quinquennat.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je remercie le président Fesneau et le groupe MODEM pour leur esprit de responsabilité. Je prends le retrait de leur amendement comme une invitation à associer l'ensemble de la représentation nationale au chantier important dont nous parlons.
Nous aurons le débat au cours de l'examen du PLFSS, monsieur Lurton, et nous l'avons d'ailleurs déjà eu en commission. Mais je ne puis vous laisser dire que le budget de la Sécurité sociale ne contient aucune mesure pour la famille. Tout en étant très proche de ce qui a été dit sur l'intérêt de la politique familiale pour notre pays, et bien qu'elle soit en effet une ambition, monsieur Vigier, l'amendement du groupe Les Républicains coûterait 1,076 milliard d'euros, et celui du MODEM 270 millions l'an prochain et quasiment 2 milliards en 2021. On peut dire qu'il y a une ambition aujourd'hui et s'occuper des finances publiques avant-hier, mais le fait est que l'ambition a parfois un coût. Il est vrai que le choix, ensuite, est politique.
Depuis le général de Gaulle, les choses ont un peu évolué.
Selon ses propres termes, il fallait « faire des enfants sur une grande échelle ».
Sourires.
Tout le monde aime de Gaulle, maintenant ! C'est quand même extraordinaire !
Chacun a été, est ou sera, monsieur Vigier…
Quoi qu'il en soit, depuis cinquante ans, des choses ont changé pour les familles et pour la politique familiale – je pense au drame social que sont les familles monoparentales, notamment celles qui sont pauvres. Ce sujet n'était pas celui des années 1950 et 1960. Bref, il nous faut aussi moderniser notre politique familiale pour accompagner ces familles-là, en particulier pour la garde d'enfants. Un délai de réflexion n'est jamais un temps perdu, monsieur Vigier, surtout quand le Parlement y est associé.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 1167 .
Vous le savez, mes chers collègues, nous sommes tout particulièrement attachés à la proportionnalité et à la progressivité de l'impôt sur le revenu.
Dans un rapport publié en 2011, le Haut Conseil de la famille indique que, plus les revenus d'un couple augmentent, plus ce couple opte pour l'imposition conjointe, ce qui affaiblit d'autant la progressivité de l'impôt.
À travers cet amendement, nous vous proposons donc de plafonner à 2 590 euros la part de réduction d'impôt résultant de l'application du quotient conjugal aux couples mariés ou pacsés. Cette mesure n'a rien de révolutionnaire : le Trésor l'a déjà étudiée en 2011, et il en a conclu qu'elle générerait 1,35 milliard d'euros de recettes supplémentaires. Cette estimation, qui date de quelques années, nécessiterait d'être revue, j'imagine à la hausse. Cela représenterait donc d'importantes recettes supplémentaires pour l'État.
M. le rapporteur général a montré son intérêt pour cette disposition en commission, tout en s'inquiétant de son impact pour les foyers concernés. Je m'efforcerai de le rassurer en rappelant que seuls 4 % des couples mariés ou pacsés, parmi les plus aisés évidemment, verraient leur impôt augmenter légèrement avec l'application d'une telle mesure. Nous pensons qu'ils peuvent supporter cette charge supplémentaire, et espérons ainsi, monsieur le rapporteur général, vous avoir rassuré et obtenir de votre part un avis favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je confirme, monsieur le député, que vous posez une question structurante pour notre fiscalité, puisqu'elle touche à la capacité contributive et aux charges de famille au sein du foyer fiscal.
Vous avez aussi posé la question des modalités actuelles d'imposition au sein du couple ; et celles-ci peuvent en effet avoir, il me semble, des effets dissuasifs sur la reprise d'activité par le membre du couple le moins payé.
Cela dit, mes inquiétudes demeurent. Pour vous donner quelques exemples, le plafonnement concernerait davantage les couples sans enfant – 67 % du total – et ceux avec trois enfants, dont les pertes moyennes de revenus seraient encore plus élevées que celles des couples sans enfant ou avec un ou deux enfants.
Outre le débat que le ministre vient d'annoncer, on ne peut pas s'engager dans ce type de réformes sans de véritables études d'impact : elles sont indispensables pour connaître l'incidence des mesures selon la composition des foyers.
Je vous suggère donc, monsieur Lachaud, de retirer cet amendement. À défaut, la commission y sera défavorable.
L'amendement no 1167 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1169 .
Cet amendement vise à mettre en place un nouvel impôt qui serait attaché à la nationalité française.
Il concernerait notamment les expatriés qui paient un faible impôt dans leur pays d'accueil. Ce serait donc une véritable révolution en matière de lutte contre la fraude fiscale.
Fondé sur le principe de taxation différentielle – le ressortissant français doit s'acquitter de la différence entre l'impôt effectivement payé à l'étranger sur son revenu perçu et celui qu'il aurait dû théoriquement acquitter s'il était résident sur le sol français – , cet impôt s'articulerait parfaitement avec les conventions bilatérales pour éviter les doubles impositions sur le revenu, tout en mettant fin au dumping fiscal entre les États.
C'est donc un dispositif non seulement d'efficacité fiscale et de lutte contre la fraude mais aussi de paix. Contrairement à ce que prêchent les ministres, M. Le Maire et M. Darmanin, baisser l'imposition des riches ne les a jamais fait rester en France.
En revanche, ce dispositif mettrait un terme définitif aux velléités d'évasion fiscale des plus aisés de ce pays. Il est inspiré du modèle en vigueur aux États-Unis, ce qui devrait rassurer les plus réfractaires, donc finir de les convaincre.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Avis défavorable. Ce qui vient des États-Unis ne me rassure pas toujours.
Sourires.
En l'occurrence, la domiciliation fiscale est un principe du droit fiscal français difficilement compatible avec cet amendement. Il demanderait une réforme de très grande ampleur.
Monsieur le rapporteur général, je pensais que les arguments de M. Ratenon auraient emporté votre accord car ils étaient on ne peut plus clairs.
Les parlementaires européens, je le rappelle, paient leurs impôts auprès de l'Union européenne, tout en étant assujettis à une taxation différentielle en France. Je ne vois pas au nom de quoi ce dispositif ne pourrait pas s'appliquer pour l'ensemble des expatriés.
Il s'agit là d'une mesure de justice fiscale, qui permettrait une réelle solidarité nationale entre l'ensemble de nos concitoyens, car tout expatrié peut revenir un jour en France et bénéficier des services publics français, notamment pour se soigner dans les hôpitaux – des exemples célèbres l'ont montré. Il est donc normal que l'ensemble de nos concitoyens contribuent de la même manière, où qu'ils vivent, à la solidarité nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 1169 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à clarifier l'imposition des revenus tirés de l'économie collaborative. On pense évidemment d'abord à tout ce qui relève de la location immobilière, au travers de plateformes bien connues. Aujourd'hui, cette imposition au réel relève de l'impôt sur le revenu, en tant que bénéfice industriel et commercial, selon le régime des micro-BIC. Toutefois, tous les Français qui utilisent ces plateformes ne déclarent pas réellement ou suffisamment ces revenus.
J'ai déposé deux amendements en ce sens : le second, qui concerne la déclaration par les plateformes de leurs revenus, sera examiné ultérieurement. Il s'agit ici de créer une franchise sur l'impôt sur le revenu, fixée en l'espèce à 3 000 euros, comme l'avait proposé le Sénat – elle pourrait être d'un autre montant – , qui permettrait à chacun de s'exonérer du paiement de l'impôt sur le revenu, jusqu'à un plafond correspondant à un bon usage des plateformes collaboratives, c'est-à-dire à la réalité des locations entre particuliers.
Cet amendement vise aussi à bien faire la différence entre les locations par les particuliers et l'hôtellerie dissimulée, c'est-à-dire les professionnels qui ne s'affichent pas comme tels et louent à tort et à travers des logements. Ils concurrencent directement les hôteliers, alors que les règles de l'hôtellerie ne s'appliquent pas à eux.
Cet amendement, présenté par Mme Duby-Muller, qui concerne l'économie collaborative et son développement, va dans le même sens. Il s'inspire de la proposition de loi relative à l'adaptation de la fiscalité à l'économie collaborative, déposée par nos collègues au Sénat. Il s'agissait d'instaurer un régime fiscal et social unifié, équitable pour cette économie, fondé sur un seuil unique de 3 000 euros. L'objectif est de permettre aux utilisateurs de plateformes en ligne d'être exonérés de certains revenus et, surtout, de tracer la frontière entre particuliers et professionnels. Cette frontière, parfois floue, complexifie l'application des règles fiscales et sociales.
En contrepartie de l'avantage fiscal proposé, il y aurait la déclaration automatique des revenus par la plateforme en ligne.
Ces deux amendements relèvent d'une même logique qui consiste à traiter différemment une opération, telle que l'achat d'un canapé ou la location d'un meublé, selon qu'elle est réalisée ou non par le biais d'une plateforme. Dans l'amendement de M. Abad, s'ajoutent les revenus liés à l'opération.
Ces propositions posent d'énormes problèmes juridiques. C'est la raison pour laquelle ces amendements, après le très long débat que nous avons eu en commission, ont recueilli un avis défavorable.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur Abad, en dehors de remarquer que vous augmentez encore le prix du tabac avec cette nouvelle fiscalité – ce qui est un peu contre-intuitif au regard de ce que je vous entends dire par ailleurs – , je peux comprendre vos propos ainsi que ceux d'une partie des parlementaires du Sénat. Réfléchir à la fiscalité des plateformes et des revenus qu'elles génèrent est une nécessité absolue. En revanche, il est curieux de vouloir lutter contre la non-déclaration des revenus en créant une exonération.
Quant au montant de 3 000 euros, le président Woerth a eu l'honnêteté de dire qu'il pourrait varier. La difficulté est que nous ne connaissons pas l'assiette de l'impôt, ce qui rend difficile le chiffrage d'une telle mesure.
Il me semble donc qu'il faudrait plutôt faire l'inverse : Bruno Le Maire et le Gouvernement défendent de faire porter l'effort sur la fiscalité des plateformes elles-mêmes, au terme d'une réflexion sur leur chiffre d'affaires et sur la base d'une meilleure connaissance des revenus générés, laquelle est rendue possible grâce à internet.
La question de l'incitation se posera par la suite, et nous conduira à réfléchir aux raisons d'exonérer les revenus d'une location d'un logement plutôt qu'un salaire.
J'émets pour ma part un avis défavorable sur ces deux amendements, tout en sachant que la question est très importante. Le Gouvernement a pris toutes les mesures pour la traiter, puisque Bruno Le Maire défend l'idée d'une fiscalité plus globale sur les plateformes. C'est la voie qu'il nous faut suivre.
Il est en effet étrange de commencer par créer une franchise pour taxer des revenus. Le régime micro-BIC s'applique à tous ceux qui ont de petits revenus accessoires. Je ne vois pourquoi les revenus d'une location meublée effectuée par le biais d'une plateforme seraient taxés différemment de ceux d'une location meublée selon des formes qui existent depuis la nuit des temps. Il en va de même des ventes de biens.
Il existe déjà plusieurs systèmes spécifiques : la vente de biens d'occasion, pour laquelle il y a déjà une tolérance ; le régime micro-BIC, qui permet à un vendeur professionnel de déclarer ses revenus, s'ils sont peu importants ; la location meublée. Aussi, je ne vois pas pourquoi l'on créerait une rupture d'égalité pour les personnes qui passent par les plateformes ni comment celles-ci seraient alors incitées à déclarer. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Cela ne fonctionne pas, donc il faut faire en sorte que cela marche.
Ce dispositif ne sera pas le seul à comprendre une franchise dans le domaine de l'imposition et de la fiscalité. Ce n'est donc pas une révolution ; c'est une mesure qui permettra d'entrer plus en douceur dans la fiscalité.
Surtout, dès l'instant où la déclaration automatique s'appliquera – nous proposerons de l'avancer au 1er janvier 2018 car elle est très importante – , il s'agira de mettre en place une fiscalité qui prenne en compte l'état d'esprit de ces plateformes et de l'économie collaborative.
Je suis d'ailleurs assez étonné de voir que l'économie numérique est très oubliée dans ce projet de budget, comme elle l'est par le Gouvernement de manière générale.
Dans le code du travail, il n'y a rien, absolument rien, sur l'économie numérique. Rien sur les salariés de l'économie numérique, qui sont aujourd'hui une forme de prolétariat au service de plateformes qui engrangent beaucoup de profits sur leur dos, souvent au détriment de leur sécurité. Il n'y a rien pour la protection de ces salariés.
De même, il n'y a rien dans ce projet de budget : quelques intentions, en ce qui concerne les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – mais rien de véritablement concret. Nous vous apportons là une solution concrète, un dispositif qui pourrait fonctionner.
Quant à l'achat d'un canapé, monsieur le rapporteur général, il ne s'agit pas encore d'un revenu.
Pour celui qui vend, c'est différent : le ministre y a répondu. Mais ne confondez pas les choses. Je parle des particuliers qui utilisent les plateformes numériques. Vous, vous parlez des GAFA qui engrangent des profits. Cela n'a rien à voir. Il y a d'un côté une taxation sur le chiffre d'affaires, sur laquelle les Européens n'ont pas l'air d'accord, mais qui vise toujours à taxer les revenus des GAFA.
De l'autre côté, il y a la fiscalisation de ceux qui ont des revenus au travers de l'économie collaborative. Ce sont deux sujets différents : je propose de ne traiter qu'une partie de la problématique.
Cet amendement vise à aligner le régime social et fiscal des indemnités versées dans le cadre d'un accord portant rupture conventionnelle collective. Le débat s'est déjà tenu en commission.
La disposition emportera des conséquences sur le plan social. Ces nouvelles indemnités bénéficieront d'un traitement social équivalent à celui des autres indemnités de rupture, un point qui a déjà été évoqué par le Premier ministre.
Aussi, j'invite monsieur le rapporteur général à émettre un avis favorable sur cet amendement du Gouvernement.
Il était utile de remédier à cet oubli : avis favorable, mais à titre personnel car la commission n'a pas examiné cet amendement.
L'amendement no 1359 est adopté.
Il s'agit de rétablir l'exonération d'impôt sur le revenu pour les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille.
On le sait, la suppression de cette exonération a entraîné une augmentation des impôts pour 3,8 millions de foyers fiscaux – de 300 euros par foyer fiscal en moyenne – et a soumis à l'impôt sur le revenu de nombreux foyers fiscaux jusqu'alors non imposables. Son rétablissement serait favorable aux classes moyennes et aux retraités.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 305 .
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 816 .
Conjuguée à celle de la demi-part pour les veufs et veuves, la suppression de l'exonération en question a contribué à faire augmenter les impôts de milliers de personnes âgées et à faire entrer dans l'impôt nombre de retraités modestes. Selon le président de l'Union nationale des retraités et des personnes âgées, pour certains, ces hausses d'impôt équivalent à un mois de pension.
La loi de finances rectificative pour 2014 a supprimé l'exonération d'impôt sur le revenu du salaire différé de l'héritier de l'exploitant agricole. Ce mécanisme n'est plus beaucoup utilisé, mais l'est encore, pour des personnes qui travaillent dans l'exploitation familiale. La situation de ces aides familiaux n'est déjà pas très confortable et il me paraît important de soutenir un dispositif qui, souvent, est le préalable à la transmission de l'exploitation agricole.
Cette exonération n'est plus justifiée, puisqu'il existe désormais un dispositif de taxation de droit commun adapté aux revenus différés. Ce dispositif dit du quotient permet d'atténuer la progressivité de l'impôt sur le revenu. Avis défavorable.
Cet amendement vise à exonérer les sommes versées par les descendants et ascendants à un proche en vue de permettre le financement de la prise en charge en structure des personnes dépendantes, au titre de la solidarité familiale et générationnelle.
L'amendement no 971 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 30 , 191 , 295 , 303 , 401 , 330 , 362 et 635 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 30 , 191 , 295 , 303 et 401 sont identiques, de même que les amendements nos 362 et 635 .
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 30 .
La défiscalisation des heures supplémentaires a été injustement supprimée en 2012 par la précédente majorité. Cette décision a été contestée, y compris à gauche, pour ses effets néfastes sur le pouvoir d'achat de nos compatriotes, en particulier des salariés les plus modestes.
Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République avait annoncé le rétablissement de l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Mais la mesure n'a pas été évoquée à nouveau, y compris dans l'allocution du Président de la République aux parlementaires réunis en Congrès à Versailles le 3 juillet dernier.
Étant donné l'importance de cette mesure, qui a fait la preuve de ses effets bénéfiques sur 9 millions de salariés, le présent amendement vise à traduire dans la réalité cette annonce faite aux Français au cours des derniers mois. En d'autres termes, monsieur le ministre, nous souhaitons vous aider à tenir cet engagement.
Je suis très heureux d'aborder à minuit trente-cinq, dans la nuit du vendredi au samedi, un amendement sur les heures supplémentaires : nous passons de la théorie à la pratique !
Sourires et applaudissements sur divers bancs.
Plus sérieusement, monsieur le ministre, nous attendons de vous que l'engagement se concrétise. Vous avez défendu à plusieurs époques la mesure que nous proposons et vous savez comme moi que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a été une triple erreur.
Une erreur économique, d'abord : on a supprimé le beurre dans les épinards, la partie du salaire qui était directement consommée, qui profitait à l'économie.
Une erreur éthique et philosophique, ensuite, fondée sur une conception malthusienne du travail : l'idée était de partager le travail, d'en créer davantage et, ainsi, de créer davantage de richesses.
Mais ce fut aussi et surtout une erreur sociale. La défiscalisation a été supprimée au motif qu'elle profitait aux cadres et aux classes moyennes supérieures. En réalité, elle profitait aux ouvriers, aux salariés et à toutes celles et tous ceux qui réinjectaient dans l'économie 100 à 150 euros par mois grâce à l'activité complémentaire que favorisait le dispositif.
Cette triple erreur originelle commise par le gouvernement socialiste de l'époque, qui voulait certainement se venger du sarkozysme, a définitivement coupé la gauche des classes populaires et des classes moyennes.
Nous voulons rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires parce qu'il y va de la place de la valeur travail dans notre pays et de sa reconnaissance pour toutes les classes et toutes les catégories de population. Vous êtes attendus, tout le monde est attendu sur ce sujet. Avant la campagne, la mesure faisait l'objet d'un large consensus politique au sein de cette assemblée. Je ne voudrais pas qu'après la campagne ce consensus soit rompu. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, des engagements concrets et un calendrier précis.
En effet, la défiscalisation des heures supplémentaires engage la valeur travail. Elle apportait aussi aux classes les plus modestes des ressources non négligeables. Nous savons tous ici que les personnes à faibles revenus appréciaient de temps de temps de pouvoir améliorer leurs fins de mois en faisant quelques heures supplémentaires. Cela fonctionnait très bien ; tout le monde y trouvait son compte, que ce soit au sein des entreprises ou des collectivités.
En proposant de rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires, cet amendement vise à tenir une promesse faite par l'actuel Président de la République pendant sa campagne électorale.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 303 .
L'occasion nous est donnée de corriger une erreur. Il a été mis fin pour des raisons purement idéologiques à un dispositif dont chacun a bien voulu reconnaître qu'il avait fait ses preuves. Si ma mémoire ne me trahit pas, son rétablissement faisait effectivement partie des promesses de campagne du Président. Nous sommes tous ici attachés au pouvoir d'achat ; or il s'agit d'une mesure forte qui redonnerait sans délai du pouvoir d'achat aux salariés. La possibilité s'offre à nous d'une décision consensuelle.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 401 .
Nous en venons à l'amendement no 330 .
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour le soutenir.
Le rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires devrait satisfaire M. le ministre, puisque cette mesure se situe dans le droit-fil de ce qu'il a toujours pensé.
C'est vrai.
C'est assez rare pour être signalé : le ministre n'a pas varié, se déclarant toujours favorable à ce dispositif, quel que soit le candidat qu'il soutenait – M. Sarkozy, puis M. Macron.
Vous avez d'ailleurs déclaré le 12 juillet dernier, monsieur le ministre, répondant à une question au Gouvernement de notre collègue Frédérique Meunier : « c'est cette majorité qui mettra en place la défiscalisation des heures supplémentaires ».
Il est temps d'accorder vos actes à vos paroles. Vous le voyez, nous sommes dans une opposition dite constructive : nous sommes là pour vous aider !
Sourires.
Vous pourrez obtenir un large consensus, sur tous les bancs de cet hémicycle, puisque c'est non seulement le Président de la République qui a promis la défiscalisation lors de la campagne, mais aussi votre ami et collègue du groupe majoritaire, M. Valls, lorsqu'il était candidat – tout comme M. Montebourg et les élus non inscrits qui siègent tout en haut de l'hémicycle, au-dessus de nous.
Mais pas M. Fillon !
Vous le savez, les heures supplémentaires défiscalisées représentaient en moyenne 500 euros de plus par an et par salarié. Elles permettaient à plus de 9 millions de salariés de mettre du beurre dans les épinards. C'était une mesure favorable à nos classes moyennes ; demain, elle pourrait permettre de leur redonner du pouvoir d'achat, bien plus que tout ce que vous pouvez inventer de nouveau. Reprenez donc ce qui a vraiment fait ses preuves !
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 362 .
À tout ce qui a déjà été dit, j'ajoute que la défiscalisation permet aux entreprises de s'adapter aux évolutions de l'activité, notamment dans les territoires de montagne et partout où l'on observe des pics d'activité et une concentration sur quelques mois des travaux dans le bâtiment.
On nous reproche parfois d'aller trop vite dans la mise en oeuvre du programme présidentiel ; ici, on nous reproche d'aller trop lentement. Rassurez-vous donc : tout viendra en son temps.
Il me semble par ailleurs que le Président a parlé d'exonération de cotisations sociales, non de défiscalisation, encore moins d'exonération fiscale et sociale.
C'est mieux !
Pour filer la métaphore, il n'a pas dit qu'il y aurait dans les épinards et du beurre et de la crème fraîche.
Sourires.
Je remercie M. Dumont d'avoir remarqué ma constance au sujet de cette mesure. C'était une grande mesure de Nicolas Sarkozy et le sujet de l'un de mes grands différends, comme M. Abad le sait bien, avec François Fillon, selon qui il ne fallait pas la rétablir.
Je tenais simplement à le préciser : il serait tellement dommage que vous n'ayez pas fait preuve à l'époque du zèle que vous mettez aujourd'hui à défendre la défiscalisation des heures supplémentaires.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est vrai de Mme Le Grip, comme de M. Forissier ; j'en suis tout à fait d'accord.
« Cela reviendrait à appuyer sur l'accélérateur et sur le frein en même temps », disait François Fillon, parlant aussi d'une mesure coûteuse qui n'a pas résolu le problème du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Je suis d'accord pour considérer que c'était de sa part une erreur.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cela étant dit, les heures supplémentaires défiscalisées avaient l'avantage d'encourager le travail. Elles posaient également la question du temps du travail – à cet égard, M. Abad a raison. Selon le raisonnement de François Fillon, dès lors que l'on supprimait la durée légale du temps de travail et qu'on renvoyait sa fixation, de même que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, à la négociation entre les salariés et les chefs d'entreprise, il n'y avait pas lieu d'inciter fiscalement les salariés à faire des heures supplémentaires. Je peux comprendre ce raisonnement, mais ce n'est pas le raisonnement que défend le Gouvernement dans ses ordonnances. Dans la trajectoire des finances publiques, nous avons prévu non pas une défiscalisation – M. le rapporteur général a tout à fait raison – mais, ce qui est encore plus généreux pour ceux qui travaillent, une suppression des cotisations sociales pour les heures supplémentaires.
En effet, le grand défaut de la défiscalisation des heures supplémentaires, c'est qu'elle ne profitait qu'à ceux qui payaient des impôts. Or, il y a parmi les salariés et les ouvriers des gens qui travaillent, qui font des heures supplémentaires, mais qui, par exemple, pour des raisons familiales, ne paient pas d'impôts. Or, la suppression des cotisations sociales pour les heures supplémentaires profite à tout le monde. Pour preuve, votre proposition coûte entre 1,5 et 1,7 milliard d'euros – gagée, encore une fois, sur le tabac ; quelle est cette manie ? –,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
tandis que la suppression des cotisations, inscrite dans notre trajectoire pour les finances publiques, coûte 3,5 milliards d'euros, somme qui sera redonnée aux salariés.
Nous redonnons du pouvoir d'achat aux salariés, grâce à la suppression de la taxe d'habitation et par la bascule entre les cotisations salariales et la CSG. Comme vous l'avez vu dans le projet de loi de programmation des finances publiques, nous vous proposerons dans les prochains budgets l'exonération des cotisations sociales. Je suis certain que vous la voterez, puisque le bénéfice pour les salariés sera le double de ce que vous proposiez en défiscalisant les heures supplémentaires. Pour toutes ces raisons, je suggère aux députés Les Républicains de retirer leurs amendements ; sinon, mon avis sera défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Je ne résiste pas au plaisir de vous reparler des heures supplémentaires et non pas de leur défiscalisation, mais bien de leur exonération de cotisations salariales, comme vient de le rappeler brillamment M. Darmanin. Je veux que vous l'entendiez de la bouche d'une « marcheuse », qui a fait toute la campagne, de celle d'Emmanuel Macron à la sienne. J'expliquais aux gens qui venaient me voir que ce n'était pas la même chose que ce qu'ils avaient connu sous l'ère Sarkozy.
J'ai lu l'exposé de vos motifs et y ai vu quelques petites erreurs, comme la référence à certaines branches d'activité. Il est bien évident que les heures supplémentaires profitent à toutes les branches d'activité, de la métallurgie au BTP, en passant par l'hôtellerie. Toutes les entreprises pourront bénéficier de cette mesure, notamment les TPE et les PME, dès que les mesures que nous prenons dans ce PLF auront de nouveau rempli leurs carnets de commandes et leur auront redonné du travail, de la confiance et des marchés, de manière à pouvoir offrir des heures supplémentaires à leurs salariés – ce qu'une entreprise qui tourne au ralenti ne peut pas faire.
Notre projet de loi de finances a donc pour objectif de redonner du travail aux entreprises et à leurs salariés. Laissons le temps à nos mesures d'opérer, afin qu'elles favorisent le retour des heures supplémentaires, sachant qu'elles seront limitées, puisque les ordonnances prises en vertu de la loi travail n'ont absolument pas cassé le code de travail : les heures supplémentaires restent toujours soumises à des plafonds hebdomadaires et mensuels.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous faire à chaque fois le coup du gage sur le tabac.
Dans ce cas, je vais vous ressortir tous les amendements que vous aviez déposés quand vous siégiez sur nos bancs et que vous aviez gagés sur le tabac.
Vous connaissez comme moi la pratique des gages dans cette assemblée. Ne soyez donc pas de mauvaise foi. Qui plus est, vous augmentez la fiscalité sur le diesel.
Il faut arrêter ce petit jeu qui n'a manifestement pas d'intérêt. Par ailleurs, j'ai bien compris ce soir que la défiscalisation des heures supplémentaires était enterrée. L'augmentation de la CSG, c'est pour tout de suite ; la baisse des cotisations sociales, c'est pour après ; la défiscalisation, elle, a disparu. Tout un pan de la réforme qui avait été proposée par Nicolas Sarkozy est en train de tomber.
Ce que vous avez dit ne tient plus. Le fameux « travailler plus pour gagner plus » est érodé ce soir. C'est une reculade en rase campagne. Votre défiscalisation des heures supplémentaires, c'est un peu comme la réforme de l'assurance chômage : vous avez fait de grandes annonces, mais vous aurez de petits résultats. Tout cela accouchera d'une souris. Ce sont les salariés, les ouvriers et les classes moyennes qui trinqueront une fois encore.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 80 |
Nombre de suffrages exprimés | 77 |
Majorité absolue | 39 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 64 |
L'amendement no 330 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à encourager l'installation de praticiens hospitaliers en zones de revitalisation rurale. Nous avons déjà eu un débat au sujet de l'abattement destiné aux médecins généralistes ; il s'agit cette fois de travailler sur la question de la désertification médicale. Monsieur le ministre, comme vous n'avez pas assisté à ce débat, je vous dis la même chose qu'à M. Le Maire : le plan sur les déserts médicaux est insuffisant et la question de la désertification médicale ne peut pas simplement trouver une réponse immobilière, avec la création de maisons de santé. C'est bien plus important que cela. Si nous voulons que les médecins reviennent dans les zones de revitalisation rurale, il nous faut mener une politique globale, incluant la dimension fiscale.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 617 .
Cet amendement, déjà présenté l'année passée, avait alors reçu un accueil assez favorable de la part de l'ensemble des groupes. Il s'agit d'étendre aux praticiens hospitaliers un dispositif qui existe pour les médecins de ville exerçant dans les ZRR, lesquels bénéficient d'une exonération fiscale sur leurs revenus. Ce dispositif fonctionne bien. J'en veux pour preuve le fait qu'il a été reconduit jusqu'en 2020, alors qu'il avait été initialement prévu jusqu'en 2015. Nous vous proposons donc de l'étendre aux médecins qui viennent exercer dans les hôpitaux en ZRR, car nous éprouvons des difficultés à rendre attractive l'installation des médecins dans ces centres hospitaliers. Il y a là un enjeu important d'accès aux soins dans l'ensemble de nos territoires.
… et n'avait pas été voté, mais je ne vais pas ergoter sur ce point.
Ces amendements ont été déposés dans le cadre de la première partie du PLF, ce qui signifie que les revenus versés en 2017 seraient exonérés. On tomberait donc dans l'effet d'aubaine, ce qui ne me semble pas souhaitable. Par ailleurs, le Gouvernement a présenté, le 13 octobre, son plan de lutte contre la désertification médicale. Le contexte est donc très différent par rapport à celui de l'an dernier. Avis défavorable.
La parole est à Mme Liliana Tanguy, pour soutenir l'amendement no 1147 .
Cet amendement concerne les navires de pêche immatriculés au registre international français, le RIF. L'article 49 de la loi pour l'économie bleue de 2016 modifie le code des transports en élargissant à certains navires de pêche les conditions d'immatriculation au registre international français. Si cette disposition n'est pas encore entrée en vigueur, cet élargissement aurait toutefois pour effet de permettre dans sa rédaction actuelle à tous les marins, au commerce comme à la pêche, embarqués à bord des navires sous pavillon RIF, d'être exonérés de l'impôt sur le revenu en bénéficiant du régime d'expatrié. Tel n'était pas le but recherché par l'élargissement de l'exonération aux navires de pêche : il s'agissait seulement de donner un cadre juridique à l'emploi des marins non résidents imposés par certains accords de pêche.
Cet amendement vise à modifier la disposition du code des impôts, en précisant les conditions d'application de l'exonération d'impôt sur le revenu. Il s'agit ainsi de maintenir cette exonération aux seuls navires armés au commerce et immatriculés au RIF, afin de prémunir la France contre un recours contentieux par la Commission européenne au motif que cette exonération constituerait une atteinte à la concurrence.
Avis favorable. Madame Tanguy, je voudrais souligner, devant la représentation nationale, votre engagement sur cette question.
L'amendement no 1147 est adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 547 rectifié , 546 et 618 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 546 et 618 sont identiques.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement no 547 rectifié .
Cet amendement a pour objet de favoriser l'usage des véhicules électriques dans les flottes d'entreprise. En approfondissant le sujet, j'ai pris conscience que 50 % des nouvelles immatriculations appartiennent au parc des entreprises.
L'objectif de cet amendement est également de diffuser les voitures électriques sur le marché par le biais de la revente, étant donné que ces véhicules sont revendus en moyenne trois ans après leur achat. Or le parc électrique ne représente aujourd'hui que 1 % du parc automobile. Nous vous proposons de neutraliser l'avantage en nature qui se répercute sur la feuille de paie des salariés et, partant, sur leur fiscalisation, sous la forme d'un abattement spécifique pour les véhicules qui émettent moins de 60 grammes de CO2 par kilomètre. Ce dispositif est budgétairement neutre.
Il faudrait déposer votre amendement plutôt dans le cadre du PLFSS. Les dispositions que vous voulez modifier relèvent de l'article L. 242-1 du code de la Sécurité sociale. Par ailleurs, permettez-moi de rappeler que le montant de la taxe sur les véhicules de société est modulé suivant les taux d'émission de dioxyde de carbone, ce qui est déjà une mesure assez incitative en faveur de véhicules peu polluants. Avis défavorable.
L'intention est louable, mais cela créerait un effet d'aubaine. Vous partez du principe que le véhicule d'entreprise procède du choix du salarié, étant donné que c'est lui que vous faites bénéficier d'un avantage fiscal. Or je pense que l'entreprise achète des véhicules propres si elle le souhaite, mais pas parce que le salarié pourrait en tirer bénéfice sur le plan fiscal. À mon avis, cette dépense fiscale n'aurait pas l'effet escompté. Je vous suggère de retirer votre amendement, à défaut de quoi le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Je retire mon amendement, mais je tiens à préciser, monsieur le ministre, que, si le salarié a le choix entre les deux véhicules, il ne prendra pas le véhicule électrique, parce que l'impact sur sa fiscalité est trop important.
L'amendement no 547 rectifié est retiré.
Chers collègues, il reste beaucoup d'amendements avant que nous en arrivions à l'article 3. Je vous propose soit d'accélérer pour terminer la série en cours, soit de lever la séance maintenant. Je soumets à votre magnanimité ce principe d'une accélération de nos débats.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 618 .
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
L'amendement no 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 414 .
L'amendement no 414 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement de mon collègue Marc Le Fur est défendu. Il vise à étendre le bénéfice de la « loi Coluche » aux dons réalisés par les professionnels de l'agriculture.
Monsieur Abad, je donnerai un avis défavorable, mais j'admets que l'amendement touche à des questions importantes. Nous avons reçu des associations, notamment les Restos du coeur, pour discuter de sujets qui concernent le ministère de l'agriculture. On va y réfléchir ; je propose donc le retrait. Si nous n'avons toujours pas trouvé de solution lors de la lecture suivante de ce texte ou l'année prochaine, vous pourrez nous proposer de nouveau cet amendement, mais nous allons mener une réflexion avec le ministère de l'agriculture.
L'amendement no 9 est retiré.
Cet amendement vise à réduire, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, le niveau de l'abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus, le faisant passer de 40 % à 20 %. On reprend ici l'une des propositions formulées par le Conseil des prélèvements obligatoires dans ses travaux sur les entreprises et les niches fiscales et sociales. Je rappelle que notre pays bat des records en matière de distribution de dividendes. Le présent amendement vise à contenir cette surchauffe qui menace l'économie et la cohésion sociale. Après l'adoption de l'article 13, qui a entraîné la suppression de la contribution de 3 % sur les revenus distribués, le Gouvernement est en quête d'une parade budgétaire pour ne pas y laisser trop de plumes ; avec cet amendement, nous lui proposons une solution clé en main.
L'amendement no 812 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
À la suite de l'article 90 de la loi de finances pour 2009 – c'était sous un Gouvernement proche de ma tendance, même si je n'étais pas à l'époque député – , la demi-part fiscale accordée aux personnes veuves pour tout enfant majeur indépendant fiscalement du foyer fiscal a progressivement été plafonnée. Je souhaiterais, par cet amendement, revenir sur cette disposition.
Nous devrions nous rendre compte que, quand une personne perd son conjoint, par exemple quand une femme devient veuve, les frais qui restent à sa charge demeurent identiques, et cette diminution des revenus est très mal vécue. Je vous propose donc de rétablir la demi-part fiscale des veufs et des veuves.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 310 .
Cet amendement a le même objet. Ce rétablissement s'impose par un souci de justice sociale. On peut convenir qu'il s'agit de corriger une décision qui s'est avérée malheureuse. Cette disposition est d'autant plus utile aujourd'hui que ces personnes, en fonction de leur situation personnelle, peuvent demain être affectées par la hausse de la CSG que vous avez décidée.
Je ne vais pas ajouter des arguments aux arguments, mais notre amendement va exactement dans le même sens. Il nous semble juste de rétablir la demi-part des veufs et des veuves, sachant que beaucoup de nos retraités veufs connaissent une situation financière précaire, que l'abandon de cette demi-part ne fait qu'aggraver.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 70 |
Nombre de suffrages exprimés | 67 |
Majorité absolue | 34 |
Pour l'adoption | 16 |
contre | 51 |
L'amendement no 818 n'est pas adopté.
Il est défendu, mais je note qu'à la suite de la suppression de l'ISF-PME, M. le ministre Bruno Le Maire a pris l'engagement de travailler sur l'IR-PME.
Défavorable également, mais M. Abad a raison.
L'amendement no 419 n'est pas adopté.
L'amendement no 428 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 774 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 200 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
C'est un amendement d'appel, qui vise à transformer la réduction d'impôt pour les personnes dépendantes hébergées dans un établissement délivrant des soins de longue durée en crédit d'impôt, afin que les foyers aux ressources modestes puissent bénéficier, pour partie ou en totalité, de cette disposition fiscale. Nous souhaitons engager le débat sur le sujet et connaître la position de l'exécutif et de la majorité sur cette mesure qui correspond à une forte attente populaire.
L'amendement no 831 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à élargir le crédit d'impôt relatif aux services à la personne. Il est proposé de le porter à 15 000 euros et de le plafonner à 21 000 euros.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1175 .
Comme nous en étions convenus lors de l'examen de l'article 9 de la loi sur les ordonnances relatives au code du travail, nous avons redéposé, au moment du PLF, cet amendement qui vise à faciliter le recours aux services à la personne. Le dispositif proposé permettrait aux personnes qui font appel à des services à la personne à domicile et qui doivent, à ce titre, bénéficier d'un crédit d'impôt, de ne pas mobiliser de trésorerie. C'est notamment important pour les personnes à faible revenu.
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 703 .
Cet amendement de ma collègue Valérie Beauvais va dans le même sens que l'amendement précédent. Le mécanisme du crédit d'impôt conduit chaque année, en France, 3,5 millions de ménages à recourir aux services à la personne et à réaliser une avance de trésorerie significative sur une période qui peut aller jusqu'à dix-huit mois. Permettre à un établissement financier de mobiliser ce crédit d'impôt immédiatement éviterait aux familles d'avoir à faire cette avance de trésorerie et permettrait à beaucoup plus d'entre elles de faire appel aux services à domicile. De plus, cela permettrait de lutter contre la fraude.
Je m'étais engagé, notamment auprès de M. de Courson, qui avait évoqué le sujet, à réfléchir à la question. Mais le système que vous proposez est toujours incomplet. Je vous propose de retirer vos amendements, afin qu'on puisse travailler ensemble à un système plus universel et plus contemporain. On lance d'ailleurs une mission sur le sujet, dont je partagerai les informations avec l'ensemble de la représentation nationale.
La difficulté de votre système est qu'il ne touche pas les personnes qui en ont le plus besoin – les personnes âgées et les familles – parce qu'il ne prend pas en compte les aides directes, notamment celles de la CAF. La mise en place d'un tel dispositif créerait des problèmes. De plus, la créance n'est pas garantie.
Attendons les conclusions de la mission et travaillons sur le contemporain des allocations afin de rendre le système plus universel. L'idée est bonne, mais tactiquement, votre approche me semble difficilement soutenable.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1168 .
L'amendement no 1168 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 575 .
C'est un amendement que nous avons adopté en commission, qui vise à rendre éligibles à la réduction d'impôt au titre des dons les mandataires sociaux, les sociétaires, les adhérents ou les actionnaires qui effectuent des dons auprès d'une fondation d'entreprise.
J'ai le plus grand respect pour M. le rapporteur général et pour la commission, mais cet amendement me gêne car – cela fera plaisir à M. Abad – le dispositif est gagé sur le tabac. Par ailleurs, ni la commission ni le Gouvernement n'arrivent à chiffrer cette mesure fiscale avec précision.
Peut-être, monsieur le rapporteur général, pourrait-on se mettre au moins d'accord sur le coût – idée intéressante lorsqu'on essaie d'équilibrer le budget de la nation – pour savoir si on doit le financer. Quitte à avoir un avis défavorable du Gouvernement, autant éclairer l'Assemblée. Il faudrait peut-être penser à autre chose que l'augmentation des prix sur le tabac, car j'aurais du mal à y consentir après toutes celles que j'ai refusées à M. Abad, qui nous passait le paquet à 35 euros en quelques heures.
Sourires.
Il serait plus raisonnable de réfléchir aux manières de financer cette mesure, si tant est que la majorité accepte cet amendement, qui nous reviendra certainement lors de la lecture suivante.
J'ai été très discourtois car il s'agit là d'un amendement de Mme El Haïry que nous avions adopté ; dans la précipitation, j'ai pris le micro, mais c'est à elle tout d'abord de décider du sort de l'amendement.
Je souhaite préciser que cet amendement correspond avant tout à l'élargissement juridique de la capacité de collecte des fondations d'entreprise. Il s'agit de mettre en cohérence les dispositions juridiques et fiscales. Ce n'est pas une révolution. En même temps, c'est un signal fort que nous enverrions. N'oublions pas que le mécénat d'entreprise est nécessaire : les finances publiques étant de plus en plus rares, nous avons besoin de permettre à des projets d'intérêt général de prendre corps. La place des mécènes et des entreprises donatrices devient de plus en plus grande ; si l'on ne permet pas aux fondations d'entreprise de continuer à donner, où va-t-on ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Distinguons le débat sur le fond et sur la forme. Sur la forme, madame la députée, il vaudrait mieux que vous retiriez votre amendement, pour que l'on réfléchisse sur le dispositif en vue de la prochaine lecture du projet de loi de finances, afin qu'il ne soit pas gagé sur le tabac. Il faut également mener une étude d'impact. On demande beaucoup au Gouvernement d'étudier l'impact des mesures qu'il propose, et c'est normal ; en l'occurrence, je ne suis pas capable de le chiffrer et je n'ai pas non plus entendu de chiffres dans la présentation que vous en avez faite.
Sur le fond, je comprends tout à fait votre argumentation ; simplement, les fondations ont aussi un intérêt d'image, à la différence des particuliers. Votre démonstration ne me convainc donc pas totalement.
Je vous propose de retravailler sur cette question, avec M. le rapporteur général, d'ici au prochain examen de ce texte par la commission. Je trouverais gênant que l'Assemblée adopte cet amendement sans disposer d'un chiffrage de son coût, sachant que ce coût est compensé par une augmentation des droits sur les tabacs, ce qui n'est pas la démarche la plus sérieuse qui soit.
Je le répète : je comprends vos arguments, cependant je maintiens l'avis défavorable du Gouvernement car je préférerais que nous y retravaillions ensemble.
J'ai bien compris que le Gouvernement est prêt à réfléchir à cette question. J'aimerais savoir si, sur une question beaucoup plus importante d'un point de vue social, à savoir le crédit d'impôt pour les gens qui accompagnent des personnes indépendantes, vous accepteriez aussi de réfléchir à une mesure de ce type. Cela vous permettrait de répondre à la question soulevée par l'amendement d'appel que j'ai défendu, et que vous avez balayé d'un revers de main.
L'amendement no 575 est adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1170 .
Cet amendement vise à rétablir l'équité sociale dans les réductions fiscales à l'impôt sur le revenu. Ces réductions sont octroyées par suite de dons octroyés par des particuliers à des candidats lors d'élections, ainsi qu'à des groupements et partis politiques.
Toutefois, comment justifier que la proportion de la réduction soit identique pour un simple salarié et pour une grande fortune ? Comment accepter qu'un tel dispositif soit détourné par les riches et les puissants ? L'amendement vise donc à appliquer à ces réductions le principe de dégressivité, de façon symétrique à ce qui se pratique pour l'impôt sur le revenu. La réduction serait ainsi de 75 % pour les dons inférieurs à 100 euros, et s'échelonnerait jusqu'à 20 % maximum pour les dons les plus importants.
L'amendement no 1170 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'espère obtenir avec cet amendement le même succès que Mme El Haïry avec le sien. Il s'agit, encore une fois, de l'économie numérique. Plus précisément, je pense qu'il serait bon que, dès le 1er janvier 2018, les plateformes en ligne aient l'obligation de déclarer automatiquement les revenus de leurs utilisateurs quand ceux-ci sont des particuliers.
En l'état actuel du droit, cette obligation doit entrer en vigueur au 1er janvier 2019, mais je pense qu'il est techniquement possible d'avancer cette date d'un an, puisque depuis 2016 les plateformes doivent envoyer à chaque contribuable le relevé des revenus perçus au cours de l'année fiscale. Ils devraient donc être en mesure d'envoyer les mêmes informations à l'administration fiscale.
Cet amendement n'aura pas nécessairement le même sort que celui de Mme El Haïry, ne serait-ce que parce qu'il n'a pas été adopté par la commission des finances.
La date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de ce dispositif avait été fixée compte tenu des difficultés que causerait son application. L'identification des personnes concernées, notamment, se heurte à l'emploi de pseudonymes par les usagers de ces plateformes.
Avancer cette date d'un an ne permettra pas de résoudre ces difficultés. Je maintiens donc l'avis défavorable de la commission.
L'amendement no 1099 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2018.
La séance est levée.
La séance est levée à une heure vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly