La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 1977 deuxième rectification, portant article additionnel après l'article 4.
Elle s'est prononcée sur 155 amendements au cours de la séance. Je suggère que nous maintenions le même rythme, afin d'examiner la suite du texte dans de bonnes conditions.
L'amendement no 1977 deuxième rectification et plusieurs amendements suivants ne sont pas défendus.
L'amendement no 2567 de M. Serge Letchimy est défendu.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'amendement no 2567 n'est pas adopté.
Les deux amendements suivent la même logique. Dans la perspective du devenir incertain de certains dispositifs d'exonération fiscale pour les entreprises en Corse, tels que la zone de revitalisation rurale, ZRR, et le crédit d'impôt pour investissement en Corse, CIIC, et pour tenir compte de la double contrainte structurelle – la Corse est une île et une montagne – qui touche toutes les entreprises locales, il est essentiel d'aller plus loin et d'étendre les bénéfices du régime de la zone de développement prioritaire, ZDP, aux entreprises existantes. Ce régime ne serait plus réservé seulement aux entreprises créées après le 1er janvier 2019.
Monsieur Castellani, je vous laisse la parole pour soutenir également l'amendement no 594 .
Il vise à étendre le dispositif sur une année supplémentaire en amont, pour en faire bénéficier les entreprises créées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 dans les mêmes conditions que pour celles créées l'année suivante. Actuellement, la mesure ne concerne que l'année 2019 ; nous souhaitons que les mêmes dispositions s'appliquent aux entreprises créées en 2018. Nous avons été fortement sollicités car le dispositif est efficace, et nous voulons éviter les distorsions de concurrence entre entreprises.
Les deux premiers amendements me semblent satisfaits : pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, c'est le régime de la ZRR qui s'applique ; pour celles créées depuis lors, c'est celui de la ZDP – ou, d'ailleurs, celui de la ZRR si les intéressées le préfèrent.
Quant au troisième amendement, il susciterait un effet d'aubaine qui ne serait pas acceptable puisqu'il rendrait des entreprises déjà implantées éligibles à des exonérations créées pour en attirer d'autres. Je demande donc le retrait des amendements nos 2396 et 2368 et donne un avis défavorable à l'amendement no 594 .
Ces dispositifs sont très importants pour l'activité économique en Corse ; loin de retirer les amendements, je voudrais donc les défendre plus avant. Le Gouvernement devrait prendre conscience du fait que nous voulons stimuler la vitalité économique de l'île et rendre le fonctionnement du marché plus juste. Les entreprises implantées en Corse sont soumises à des contraintes que ne connaissent pas leurs homologues continentales. Nous demandons de mettre les conditions de la concurrence à niveau afin de conforter le développement de la Corse, qui profiterait à tout le monde.
Il vise à supprimer le dispositif Pinel, qui représente une niche fiscale coûteuse pour l'État et s'avère inefficace en matière de mise à disposition de logements locatifs accessibles.
Sourires sur les bancs du groupe LT.
Ce n'est pas le rapporteur général qui nous contredira puisque, dans son rapport d'application de la loi fiscale présenté en juillet dernier, il réitère les critiques formulées à l'encontre de cette niche en 2018, malgré les ajustements réalisés. Vous évoquez, monsieur le rapporteur général, les « dérives d'une dépense fiscale coûteuse, [… ] dont les contreparties associées à l'avantage fiscal ne font l'objet d'aucun contrôle ».
Le coût de la mesure est estimé à 6,9 milliards d'euros entre 2019 et 2035. La Cour des comptes estime que le coût annuel pour les finances publiques d'un logement de 190 000 euros bénéficiant du dispositif Pinel est deux à trois fois plus élevé que celui d'un logement social comparable. Elle souligne également « l'impact économique limité » du dispositif comme moyen d'accroître le nombre de logements locatifs accessibles. Enfin, elle en pointe le caractère inégalitaire puisqu'il permet aux riches d'augmenter leur patrimoine tout en réduisant leurs impôts.
Néanmoins, l'abrogation du dispositif Pinel ne doit pas se faire au détriment de certaines catégories qui en bénéficient actuellement. C'est donc une sortie sécurisée que l'on propose d'organiser, accompagnée d'un redéploiement des crédits en faveur des populations suivantes : les personnes en situation de handicap, les personnes âgées ou celles qui réalisent un achat dans le cadre d'un bail solidaire.
Je n'ai pas demandé l'abrogation pure et simple du dispositif Pinel ; j'ai fait part de mes remarques, dont nous tirerons les conséquences lorsque nous évoquerons la prorogation de la mesure jusqu'en 2021. Une suppression sèche en cours de route ne serait pas opportune pour les bénéficiaires. J'émets un avis défavorable.
Quelques mots sur ce dispositif que je connais bien. Je ne demanderai pas la parole pour fait personnel, mais je veux souligner qu'au moment où nous avons pris la mesure, nous traversions une crise aiguë de la construction, qui exigeait de fluidifier les parcours résidentiels et de soutenir tous les segments du logement – le logement social comme intermédiaire – ainsi que le mécanisme d'accession à la propriété, dont il a été question hier et cet après-midi. Il faut avoir une vision globale de la politique du logement plutôt que de s'intéresser à un seul dispositif fiscal, comme le fait malheureusement la Cour des comptes dans son rapport.
Il peut être nécessaire d'adapter le dispositif, de revoir le zonage ou d'autres points ; nous en débattrons en examinant les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». En tout cas, c'est grâce à ce dispositif que nous avons amélioré les chiffres de la construction et que, dans les zones tendues, bien des personnes des classes modestes ont pu se loger. Le supprimer à ce stade me paraît donc largement prématuré.
L'amendement no 2108 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement no 2394 .
C'est un amendement rédactionnel qui vise à modifier les dispositifs d'aide à l'investissement locatif afin de les rendre cohérents avec nos objectifs ambitieux en matière de lutte contre l'artificialisation des sols.
Il n'est pas tout à fait rédactionnel puisqu'il tend à recentrer le dispositif Pinel sur le bâtiment collectif. Surtout, il n'a pas sa place en première partie de la loi de finances, car il aurait un effet rétroactif. Je vous propose de le retirer et de le déposer en deuxième partie, où nous aurons ce débat.
L'amendement no 2394 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
L'amendement no 137 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marjolaine Meynier-Millefert, pour soutenir l'amendement no 2515 .
Il a pour objectif d'étendre le dispositif Denormandie, qui permet de bénéficier d'une réduction d'impôt pour un investissement locatif consistant à rénover un logement ancien en améliorant sa performance énergétique d'au moins 30 % ou à réaliser deux types au moins de travaux parmi les cinq suivants : changement de chaudière, isolation des combles, isolation des murs, changement de production d'eau chaude, isolation des fenêtres. Je note d'ailleurs, sans vouloir être mesquine, qu'ici, on trouve que le changement des fenêtres sert à quelque chose !
Le dispositif, qui s'applique aujourd'hui uniquement dans certaines zones – notamment les villes bénéficiaires du programme national action coeur de ville – , permet aux ménages de s'engager dans un parcours de rénovation énergétique multiforme. Pour rejoindre la trajectoire de lutte contre le changement climatique à la hauteur de nos ambitions, il faut massifier la rénovation énergétique. Avec un dispositif Denormandie étendu à tout le territoire – et conditionné, pourquoi pas, à la rénovation globale – , nous disposerions d'un autre outil que le crédit d'impôt pour la transition énergétique – CITE – pour aider les ménages des neuvième et dixième déciles à prendre ce chemin.
Je sais que vous ne me donnerez certainement pas de réponse positive ce soir, mais j'aimerais que vous regardiez si le dispositif peut avoir du sens et que vous en étudiiez la portée.
Le problème, madame Meynier-Millefert, est que ce débat relève de la deuxième partie du projet de loi de finances. Si nous l'adoptions en première partie, la mesure aurait un effet rétroactif l'année même de son application.
Je vous invite donc à retirer l'amendement pour le déposer en deuxième partie.
Le projet de loi de finances, c'est un peu compliqué : les trois quarts des amendements sont refusés parce qu'ils ne rentrent pas dans les clous ; tantôt ils relèvent de la première partie, tantôt de la deuxième. Je ne suis pas spécialiste, j'ai une idée à proposer et j'espère que vous pourrez l'étudier en me pardonnant de m'être trompée de partie !
L'amendement no 2515 est retiré.
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l'amendement no 2852 .
L'objet de cet amendement est de lever les freins identifiés depuis la création du dispositif fiscal Denormandie, qui ouvre droit à des exonérations fiscales pour des travaux de rénovation dans le bâti ancien, et d'inciter ainsi les propriétaires et bailleurs à rénover les logements situés en coeur de bourg afin de les remettre sur le marché. Cette proposition figure dans le plan d'action « Nos campagnes, territoires d'avenir », présenté par le Premier ministre le 20 septembre dernier.
Je suis désolé, mais c'est encore un débat qui relève de la deuxième partie. Je vous invite à retirer l'amendement.
Monsieur le rapporteur général, je vous remercie pour cette invitation, que je suivrai avec plaisir.
L'amendement no 2852 est retiré.
L'amendement no 15 de M. Fabrice Brun est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
Défavorable également.
L'amendement no 15 n'est pas adopté.
Il y a tant à dire sur cet article que deux minutes n'y suffiront pas ; mais j'aurai l'occasion de m'exprimer lors de l'examen des nombreux amendements.
Sur la forme, la réforme de la taxe d'habitation ne répond pas à une demande des collectivités territoriales mais sa suppression était une promesse du candidat Macron, une promesse électoraliste, certes populaire, en tout cas très mal préparée à en croire le rapport Richard-Bur.
Je rappelle votre engagement de soumettre au Parlement un projet de loi spécifique pour réaliser cette réforme fiscale – un engagement non tenu, donc. Je rappelle également votre engagement de nous communiquer des simulations avant que nous n'entamions l'examen du projet de loi de finances. Or nous les attendons toujours. En d'autres temps, monsieur le secrétaire d'État, vous aviez réclamé de telles simulations et vous aviez raison. Nous les avons alors obtenues…
Pas toutes.
… et j'espère qu'il en sera de même ici.
Sur le fond, j'y reviendrai lors de l'examen des amendements, je puis déjà affirmer que le dispositif que vous proposez va provoquer une rupture grave du lien entre le citoyen et sa commune. On va substituer au dernier impôt local universel un impôt national – vous allez nationaliser la taxe d'habitation. Vous vous étiez engagé à supprimer la taxe d'habitation pour 80 % de la population alors que, désormais, tous les citoyens seront concernés – vous faites donc un cadeau aux 20 % de la population les plus aisés. Au passage, vous ne prévoyez aucune mesure pour améliorer le pouvoir d'achat des 5 millions de Français qui ne paient pas la taxe d'habitation.
De nombreuses questions restent à ce jour irrésolues, en particulier celle de la compensation à l'euro près. Je prends l'exemple de ma commune : le conseil municipal, souverain, a augmenté le taux en 2018, malgré un travail de rationalisation des dépenses au cours des années précédentes, impliquant notamment le non-remplacement des personnes parties à la retraite. Or la compensation ne sera calculée qu'en fonction des taux de 2017.
Pour ce qui est de la revalorisation des valeurs locatives, elle sera fondée, pour la taxe d'habitation, sur une règle qui n'est pas celle pour laquelle, d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous vous étiez battu à mes côtés, quand nous souhaitions inscrire dans la loi que la revalorisation soit fonction de l'indice des prix à la consommation harmonisé – IPCH – de novembre à novembre. Comme mon temps de parole est écoulé, j'y reviendrai ultérieurement.
Sourires.
La suppression définitive de la taxe d'habitation à l'horizon 2023 permettra de redonner du pouvoir d'achat aux Français, c'est un fait et nous nous en réjouissons. Mais cette réforme bouleverse l'architecture de la fiscalité des collectivités territoriales. Si nous approuvons le transfert, depuis le département vers les communes, de la taxe foncière sur les propriétés bâties – TFPB – , nous nous interrogeons sur l'affectation aux établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – d'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée – TVA – car elle ouvre la voie, de fait, au financement des EPCI par une fiscalité nationale, donc sans assise territoriale.
Nous pensons – nous l'avons déjà suggéré – que d'autres mécanismes pourraient être prévus, par exemple une combinaison de taxe foncière et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE. En effet, si l'on raisonne à l'échelle du bloc communal, le nombre de territoires surcompensés se réduit considérablement, tout comme les sommes en jeu. En outre, l'ajustement pourrait concerner les dotations et fonds de compensation multiples, ce qui permettrait de simplifier les dispositifs. Il serait donc intéressant, monsieur le secrétaire d'État, de poursuivre l'exploration de ces pistes en 2020 ; nous avons déposé un amendement en ce sens.
Par ailleurs, la suspension des mécanismes de lissage des taux de taxe d'habitation de 2020 à 2023, si nous en faisons une bonne lecture, nous laisse perplexe. À notre sens, aucun obstacle technique ne s'oppose à leur maintien. Par contre, interrompre la période d'harmonisation des taux contribue à maintenir le déséquilibre parfois très fort entre les contribuables d'un même territoire, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas l'objectif poursuivi par le Gouvernement. Enfin, nous approuvons l'objectif consistant à procéder au plus vite à la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation.
Nous souhaitons donc que la suppression de la taxe d'habitation, profitable à tous nos concitoyens, n'ait pas pour conséquence d'affecter négativement le dynamisme des ressources des collectivités territoriales.
La suppression de la taxe d'habitation est une triple erreur.
C'est une erreur parce qu'elle affaiblit considérablement, voire supprime, le lien entre les citoyens contribuables et les élus locaux, en particulier dans les départements, les intercommunalités et les communes où la part des locataires au sein du parc de logement est importante – dans certaines communes, cette proportion atteint 60 %, 70 % et même 75 % ; dans la petite ville de chez moi, Vitry-le-François, elle est de 85 % !
La suppression de la taxe d'habitation est également une erreur parce qu'elle va se traduire, à moyen terme, par une aggravation des charges pesant sur les entreprises. En effet, la part de la fiscalité locale pesant sur les entreprises va considérablement augmenter puisque l'on va réduire celle pesant sur les ménages – le rapport était auparavant de 60 40 ou de 50 50, selon les communes et les intercommunalités.
C'est enfin une erreur sociale. Cette réforme est-elle juste, comme le prétend le Gouvernement ? Elle ne l'est pas. Chers collègues, avant cette réforme, les 20 % de Français les plus modestes ne payaient pas de taxe d'habitation – c'est une moyenne nationale, vous trouverez des communes où ce taux atteignait 30 % voire 40 %.
Et la taxe d'habitation d'environ 20 % des contribuables était plafonnée à 3,44 % de leur revenu fiscal de référence. Donc, en fait, 40 % de la taxe d'habitation était déjà fonction du revenu. Ce qu'il fallait faire, c'était précisément augmenter la part des citoyens dont la taxe d'habitation est fonction de leurs revenus. Aussi allez-vous soulager les plus aisés de toute taxe d'habitation alors qu'ils pouvaient parfaitement s'en acquitter et vous n'en soulagerez pas les plus modestes, puisque eux ne la payaient pas.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qu'ont dit nos collègues mais il est vrai que nous abordons là une question de fond, si bien que la réforme proposée aurait dû faire l'objet d'un projet de loi spécifique, que nous aurions pu véritablement discuter et amender. Or cette réforme, complexe, fait ici l'objet d'un article de vingt-huit pages, prévoyant un jeu de vases communicants entre collectivités. On supprime la taxe d'habitation ; on va chercher le manque à gagner du côté des départements ; en compensation, on va attribuer à ceux-ci une fraction de la TVA ; donc on baisse les recettes. Cela sans compter que les recettes de l'impôt sur le revenu vont baisser, elles, de 5 milliards d'euros. Baisse des recettes, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut hélas dire, concrètement : suppression de postes de fonctionnaires, suppression des services publics. Or ce n'est pas notre état d'esprit.
L'État veut prendre la main sur tout et se fait centralisateur ; c'est lui qui va tout décider à la place des communes, à la place du Parlement le cas échéant. Les communes sont lésées parce qu'elles n'auront plus de leviers financiers, elles ne pourront plus prendre de décisions, puisque, je le répète, c'est l'État qui décidera pour elles.
Nous ne sommes donc pas d'accord avec la manière dont la réforme est présentée, et nous aurions préféré examiner en profondeur un projet de loi spécifique.
Il est vrai que cet article peut paraître quelque peu complexe, épais, trapu. Pourtant, il prévoit des mesures assez simples : suppression définitive de la taxe d'habitation, revalorisation du pouvoir d'achat de 723 euros par foyer en moyenne, …
… soit une baisse des prélèvements de 17 milliards d'euros.
Ensuite, l'article assure aux 35 000 communes, sans exception, la même autonomie financière et fiscale qu'auparavant. Elles disposeront de la même liberté dans la fixation du taux ; l'assiette fiscale sera identique ; la dynamique des bases sera conservée ; elles pourront décider d'exonérations. Nous nous attachons à donner aux maires le pouvoir dans leur commune.
Pour les intercommunalités et les départements, c'est un peu différent, puisqu'ils vont toucher, après l'entrée en vigueur de la réforme, une part de TVA égale au montant – exactement – qu'ils touchaient auparavant. Ce sera pour eux une recette à la fois nationale et dynamique. La réforme n'aura pas d'effet sur les régions, sinon un effet marginal.
On constate dans la presse, depuis un certain temps, que certains dramatisent, considérant que la suppression de la taxe d'habitation sera une catastrophe, que son impact sera phénoménal. Bref, ils essaient d'opposer les collectivités territoriales et l'État. Or je suis certain que les élus locaux ont compris, d'une part, que nous maintenons le dynamisme de leurs ressources et qu'ils vont pouvoir monter leurs projets, et, d'autre part, que nous redonnons du pouvoir d'achat à leurs administrés, qui vont évidemment réinvestir l'argent dans leur territoire, ce qui est également une bonne nouvelle pour l'économie locale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 5 est lourd de conséquences sur l'autonomie des collectivités en matière financière. Il entérine la suppression de la taxe d'habitation et prévoit la réforme du financement des collectivités territoriales. Soit dit en passant, je n'en comprends pas l'urgence, puisque je rappelle que la réforme ne sera applicable qu'à partir de 2021. Voter des dispositifs qui n'entreront en vigueur qu'en…
Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Cazeneuve, je vous demande de me laisser m'exprimer.
Cet article renferme un réel paradoxe. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que la plupart des grandes collectivités territoriales ont signé un contrat, un engagement avec l'État, le pacte de Cahors, qui vient à échéance en 2020. Quel mauvais procès leur faites-vous donc pour ne pas tenir vos engagements tout en leur demandant de tenir les leurs ?
Je vous explique : la non-revalorisation des bases forfaitaires, en 2020, figure dans le texte. Pour mémoire, en 2018, la revalorisation a été de 1,2 % ; en 2019, de 2,2 %. Or l'engagement à une revalorisation systématique avait été pris puisqu'il est inscrit dans la loi de finances pour 2017. Le fait que vous n'y procédiez pas en 2020, c'est le non-respect de la parole de l'État, et cela se traduira par une perte de 250 millions d'euros pour les collectivités territoriales.
En outre, le gel des différents taux de la taxe d'habitation – sur les résidences principales et sur les résidences secondaires – , au titre de 2020, à leur niveau de 2019 et le maintien du gel du taux concernant les résidences secondaires jusqu'en 2022 correspondent à une perte de 80 millions d'euros par an, soit, sur deux ans, 160 millions d'euros. Ces dispositions ont également un impact sur les taux de la taxe spéciale d'équipement – TSE – et de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations – GEMAPI – , additionnelles à la taxe d'habitation.
Au total, la suppression de la taxe d'habitation est loin d'être neutre pour les collectivités territoriales, contrairement à ce que vous affirmez.
Mme Véronique Louwagie applaudit.
Je rappelle que la promesse du candidat Macron ne concernait que 80 % de la population. Pourquoi ce zèle, désormais, en faveur des 20 % les plus riches ? Car si le gain consécutif à la suppression de la taxe d'habitation sera de 723 euros par foyer en moyenne, il sera de 1 158 euros pour les 20 % de foyers les plus aisés, qui sont au nombre de 6,3 millions. Ceux-ci capteront à eux seuls 44,6 % des 17,6 milliards d'euros dont sera amputé le budget de l'État du fait de cette réforme. Ce sera donc 8 milliards pour ces personnes qui ont déjà bénéficié de cadeaux comme la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – , le prélèvement forfaitaire unique, etc. Pourquoi donc ces 20 % bénéficieraient-ils de la suppression de la taxe d'habitation alors que cela ne faisait pas partie de la promesse de campagne ? Dans votre plan de communication, vous vantez une réforme juste ; je constate qu'elle est, en fait, profondément injuste.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
C'est bien de respecter ses promesses, il faut le faire. Mais celle-ci coûte vraiment très cher et crée une grande confusion. Au moment où vous privatisez La Française des jeux, vous commencez à nationaliser les impôts locaux… C'est tout de même une drôle de manière de faire ! Et c'est le contribuable national, le consommateur, celui qui paie la TVA qui va, au bout de la chaîne, supporter la charge liée à la suppression de la taxe d'habitation. Car, après l'affectation aux communes de la part départementale de la TFPB, après celle d'une fraction de TVA aux départements et aux EPCI, il faudra bien que l'État comble les 10 ou 15 milliards d'euros manquants.
Tout cela est-il le fruit d'une vision globale de la fiscalité locale ? Je ne le crois pas. L'article 5 n'est que la compensation de la décision que vous avez prise de supprimer la taxe d'habitation, rien d'autre. Ce n'est pas une vision de la fiscalité locale, ni du financement des collectivités locales.
C'est finalement assez curieux d'avoir supprimé la taxe d'habitation. On ne cesse d'en appeler aux circuits courts : il faut être proche du terrain, manger et produire en circuit court. Eh bien ! le circuit court fiscal, c'est la taxe d'habitation : une taxe qui permet de créer un lien entre, d'une part, un impôt et son taux, et, d'autre part, les réalisations du maire ou du président de l'EPCI.
L'article 5 montre bien que, de votre choix, résulte quelque chose d'extrêmement confus. C'est une sacrée couche de complexité supplémentaire.
Tout d'abord, on va passer de dégrèvements à des exonérations. Or l'AMF – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – était plutôt favorable aux dégrèvements, qui permettent, d'une certaine manière, d'être totalement compensé, et de laisser vivre l'impôt supprimé, même si c'est de manière virtuelle.
Ensuite, vous introduisez un coefficient correcteur, parce qu'il faut évidemment corriger les choses. Vous conservez une taxe d'habitation pour les résidences secondaires, ce qui est aussi assez curieux. Le résident secondaire est celui qui consomme le moins de service public. Normalement, il ne coûte pas grand-chose – par exemple, ses enfants ne fréquentent pas l'école locale – , mais c'est à lui que vous faites payer la taxe d'habitation.
Vous avez aussi décidé de ne pas indexer les bases. Heureusement, monsieur le rapporteur général, un amendement permettra de les réindexer. Vous gelez les taux de la taxe d'habitation à 2017 pour les compensations, alors que des élus ont décidé – en dépit du célèbre #BalanceTonMaire, ce choix leur revient – de réexaminer le taux de leur commune en 2017, en 2018 ou en 2019. Ils avaient le droit de le faire ; ils ont le droit d'avoir leur propre vision des recettes dont ils ont besoin pour financer leurs investissements.
Bref, je pense que vous faites une erreur, non seulement pour les collectivités locales, dont nous avons tant besoin, mais aussi, au fond, pour les Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis particulièrement fier d'être devant vous pour tenir l'engagement pris par le Président de la République de supprimer la taxe d'habitation pour tous les Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis fier parce que c'est une promesse tenue. Vous l'avez dit, monsieur le président de la commission des finances : il est important de tenir ses engagements.
Je suis également fier parce que, depuis que je fais de la politique – et cela fait, malheureusement pour moi, un petit moment – , d'aussi loin qu'il m'en souvienne, l'ensemble des élus locaux, des associations d'élus et des parlementaires ont toujours considéré que la taxe d'habitation était un impôt particulièrement injuste.
Le Président de la République a estimé que la meilleure façon de réparer cette injustice était non pas d'en passer par des exonérations, mais, tout simplement, de supprimer la taxe d'habitation. Cette suppression amène à rebattre les cartes du financement des collectivités locales.
Nous allons supprimer cet impôt. Nous le faisons de manière progressive. Pendant les premières années de cette suppression, les collectivités locales sont compensées par dégrèvement. Les maires ont pu constater que les douzièmes de fiscalité sont restés strictement identiques, et que leurs évolutions n'étaient liées qu'à des mouvements naturels et classiques – en aucun cas, à la suppression pour les contribuables d'un tiers, puis de deux tiers de la taxe d'habitation.
Nous allons supprimer la taxe d'habitation en faisant en sorte de tenir un second engagement du Président de la République, pris le 24 novembre 2017 devant le congrès des maires de France. J'ai la mémoire de cette date, particulière pour moi – ce fut une belle journée. Je pense à l'engagement de donner aux collectivités des ressources durables, justes et dynamiques. Avec cette réforme, nous tiendrons cet engagement.
Il y aura des ressources durables. Dans le temps qui lui était imparti, Mme Pires Beaune n'a pas eu le temps de faire état de certaines de ses interrogations, dont la presse spécialisée s'est fait l'écho, sur la nature de la recette de compensation que nous allons attribuer aux collectivités. Ce sera une recette fiscale qui transitera par le compte d'avances. Nous avons veillé à ce que la perte de la taxe d'habitation pour les collectivités ne soit pas compensée par des dotations, parce que nous savons d'expérience que, lorsqu'une exonération de fiscalité est compensée par des dotations, ces dernières s'amenuisent avec le temps. Je me tourne de nouveau vers le même groupe politique, car Mme Valérie Rabault en avait fait la démonstration à l'occasion de l'examen de plusieurs projets de loi de finances. C'est la raison pour laquelle nous procédons à une compensation par voie fiscale.
Nous donnons aux collectivités des recettes dynamiques. Les communes auront la quasi-totalité de la taxe foncière, qui a un caractère dynamique. Nous donnons aux départements et aux intercommunalités une fraction de la TVA, recette elle aussi dynamique. Sur une période longue – je ne parle pas des trois ou quatre dernières années – , la TVA connaît une croissance d'environ 3 % par an, 2,91 % pour être précis, ce qui est bien évidemment supérieur à l'inflation pour chacune des années. Cela permettra aux collectivités locales de faire face à l'évolution de leurs dépenses.
Enfin, nous garantissons une compensation à l'euro près par le mécanisme du coefficient correcteur que vous avez évoqué, les uns et les autres.
Dans quelles conditions allons-nous faire cette réforme ? Elle concerne les résidences principales, car c'est l'engagement du Président de la République. Elle sera appliquée en 2021. Cela me donne l'occasion de vous répondre, madame Dalloz : si nous introduisons des dispositions applicables en 2021 dans la loi de finances pour 2020, c'est avec un double objectif.
Le premier est de permettre aux candidats aux élections municipales de 2020 de savoir dans quel cadre financier et avec quel type de recettes ils peuvent réfléchir à leur prochain mandat et construire leur programme. Pour nous, cette démarche correspond aussi à ce que doit être une relation de confiance et de transparence avec les élus et les futurs élus.
Second objectif : nous donner le temps de conduire un certain nombre de travaux que nous devons réaliser d'ici à 2021. Par exemple, comme vous le savez, le potentiel fiscal et financier des collectivités dépend de multiples facteurs, dont la nature et l'assiette fiscale de ces mêmes recettes à l'échelle des intercommunalités. Nous avons en tête l'exemple de 2018, première année de stabilité globale des dotations : la mise en oeuvre des nouveaux périmètres d'intercommunalité, en 2017, s'était traduite par des modifications artificielles des potentiels fiscaux, ce qui avait eu un impact sur l'accès aux dotations de péréquation. Nous ne voulons pas que la suppression de la taxe d'habitation modifie de manière artificielle des potentiels fiscaux.
Nous disposerons d'une année, soit pour en modifier le calcul, soit pour neutraliser l'impact de la suppression de la taxe d'habitation. Cela prémunira les communes contre des évolutions inattendues de leurs dotations, notamment en matière de péréquation.
Nous le faisons avec une mécanique que nous souhaitons la plus simple possible : l'affectation d'une fraction de TVA pour compenser la taxe foncière des départements ; l'affectation d'une fraction de TVA pour compenser la taxe d'habitation des intercommunalités – celles-ci garderont un pouvoir de taux sur la taxe foncière et sur la cotisation foncière des entreprises ou CFE, la CVAE étant régie par d'autres modèles ; enfin, l'affectation aux communes de la totalité de la taxe foncière, à l'exception de la fraction intercommunale.
Cela me permet de vous apporter une réponse, monsieur Bruneel. Les communes auront un pouvoir de taux sur la totalité de la taxe foncière. Il ne concernera pas uniquement l'assiette communale actuelle, mais bien le total des taxes foncières d'aujourd'hui – communale et départementale – qui seront demain une seule taxe foncière pour les communes. Les communes conservent donc le pouvoir de taux. Vous pouvez nous reprocher l'absence de pouvoir de taux s'agissant de la fraction de TVA affectée aux intercommunalités et aux départements, mais vous ne pouvez rien dire de tel s'agissant de la taxe foncière dont disposeront les communes.
Nous avons diffusé les simulations nécessaires. J'ai en tête l'intervention de Mme la présidente Valérie Rabault lors de la discussion générale. Elle a remercié les services de Bercy…
… pour la transmission du tableur Excel qui permet d'avoir accès à toutes les informations. Peut-être, madame la présidente, auriez-vous dû partager ce document puisque, visiblement, tout le monde n'en a pas disposé ? Mme Pires Beaune nous a fait ce reproche.
Monsieur Pupponi, j'entends votre remarque. Pour être complet, je vous indique que nous avons précisé par courrier aux présidents des délégations aux collectivités territoriales ainsi qu'aux présidents des commissions des finances des deux assemblées que les simulations était disponibles.
Nous avons même ajouté – nous l'avons signalé de même aux associations de maires – que les directeurs départementaux des finances publiques avaient instruction de notre part de communiquer aux maires, dans leur département, l'intégralité des simulations qu'ils demanderaient.
Les coefficients correcteurs – vous voyez que j'y viens – se calculent de la manière la plus simple possible. Nous prenons le produit de la taxe d'habitation des communes et le produit de la taxe foncière, et nous faisons un produit en croix – j'y parviens moi-même, c'est dire que vous devriez tous y arriver.
Pour les communes surcompensées, nous appliquerons un coefficient correcteur pour qu'elles touchent la même somme, à l'euro près. Cette forme de prélèvement à la source sera conservée dans le compte d'avances pour financer les communes sous-compensées, ce qui garantira le caractère fiscal des recettes.
J'ajoute quelques points techniques, si vous me le permettez. Avec votre accord, cela me permettra de ne pas y revenir lors de l'examen des amendements.
Selon les chiffres actualisés, la totalité de la taxe d'habitation des communes sur les résidences principales s'élève à 16 milliards d'euros ; la totalité de la taxe foncière des départements s'élève à 15 milliards d'euros.
J'utilise les chiffres actualisés, madame Dalloz. Sans cela, ce serait 15 milliards pour la taxe d'habitation des communes, et 14 milliards pour la taxe foncière des départements. Pour être précis, les chiffres actualisés donnent respectivement 16,1 milliards de taxe d'habitation d'un côté et 15,2 milliards de taxe foncière de l'autre. On voit donc qu'il manque 900 millions d'euros. Nous les compenserons de deux manières pour rester en recettes fiscales.
Nous affecterons un peu plus de 300 millions d'euros de frais de gestion, dans le compte d'avances, à la compensation des communes sous-compensées. S'agissant de Paris, qui a un statut spécial en tant que ville et département, nous la traiterons comme un département en lui affectant une fraction de TVA, ce qui garantira le dynamisme de la recette – sachant qu'elle a d'autres ressources dynamiques, notamment les droits de mutation à titre onéreux.
Comment calculerons-nous la compensation ?
S'agissant des départements, nous considérons que leur situation n'était pas évoquée lorsque la loi de programmation des finances publiques a été adoptée ; ils ont donc pu faire jouer leur pouvoir de taux. Nous retiendrons en conséquence les valeurs locatives de 2020, auxquelles nous appliquerons le taux de 2019.
Pour les communes et les intercommunalités, la loi de programmation des finances publiques était transparente : elle prévoyait que la compensation serait calculée sur la base de 2017. Il n'y a pas de mensonge, il n'y a pas d'opacité : ce point a été tranché, après un débat, par la loi de programmation des finances publiques.
Nous appliquerons donc le taux de 2017 aux valeurs locatives de 2020, lesquelles seront revalorisées à hauteur de 0,9 %. Je suis convaincu, madame Dalloz, que vous remercierez le rapporteur général et la majorité d'avoir pris cette initiative et d'avoir su nous convaincre d'aller dans ce sens. C'est le bon chemin, car il nous permet de tenir complètement nos engagements.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.
J'en viens à des points très techniques.
Le fait de calculer un coefficient correcteur et de l'appliquer aux recettes des collectivités, qui sont dynamiques ne serait-ce qu'en raison de l'évolution des bases, permet de garantir une compensation ayant elle-même un caractère dynamique. C'est important, en particulier pour les communes sous-compensées.
Par ailleurs, je rappelle que la taxe d'habitation porte un certain nombre d'autres taxes. C'est d'abord le cas de la GEMAPI. Il s'agit d'une somme modique à l'échelle nationale – 150 millions d'euros – , qui sera répartie sur la taxe foncière, la taxe sur les résidences secondaires et la CFE. La taxe d'habitation porte aussi des taxes additionnelles pour le financement des établissements publics fonciers locaux. Ces taxes seront compensées par la dotation de l'État. Enfin, nous devrons mener une réflexion sur la contribution à l'audiovisuel public.
En outre, nous avons prévu un mécanisme de liaison des taux entre la taxe foncière des particuliers et la CFE notamment, de manière à nous prémunir contre toute évolution de taux disproportionnée d'un impôt à l'autre.
Je conclus en évoquant la révision des valeurs locatives. Nous avons considéré que l'ampleur du chantier technique que nous menions était telle qu'il était préférable d'engager ultérieurement la révision générale des valeurs locatives, de manière à bien dissocier les deux chantiers. Cela permettra aussi de mettre fin aux polémiques infondées selon lesquelles la révision des valeurs locatives aurait servi à financer la compensation de la taxe d'habitation.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Rappel au règlement
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour un rappel au règlement.
Je précise, s'il en est besoin, que les rappels au règlement ne peuvent plus être fondés sur son article 58.
Je formule celui-ci sur le fondement de l'article 49, alinéa 1, du règlement. Nous ne pouvons pas travailler dans de bonnes conditions, dans la mesure où nous ne disposons pas des simulations qui nous avaient été promises en commission. Nous avions demandé en commission si nous aurions ces informations préalablement à l'examen en séance. Or nous apprenons à l'instant, de la bouche de M. le secrétaire d'État, qu'elles ont été communiquées par le Gouvernement au président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Je demande une suspension de séance de sorte que nous puissions obtenir ces simulations avant l'examen des amendements à l'article 5.
Mme Marie-Christine Dalloz et M. Alain Ramadier applaudissent.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.
Article 5
Pour la sérénité des débats, et parce que l'article 5 porte sur un sujet important, il me semble nécessaire d'apporter quelques éclaircissements.
J'ai indiqué tout à l'heure que des simulations avaient été transmises. Je vais formuler les choses de manière plus précise, afin de lever toute ambiguïté. D'une part, nous avons indiqué à un certain nombre de responsables du Parlement comment récupérer ces simulations. D'autre part, nous les avons transmises aux associations d'élus – qui, certes, ne sont pas parlementaires. La principale d'entre elle a récupéré le fichier correspondant le 4 octobre dernier.
Je prends l'engagement, mesdames, messieurs les députés, de fournir dans la journée de demain l'ensemble des simulations aux présidents de groupe, comme nous les avons fournies aux associations d'élus.
Certes, monsieur de Courson, mais le débat sur le projet de loi de finances ne sera pas terminé et il y aura, en outre, une deuxième lecture. Nous avons, vous et moi, connu de nombreux projets de loi de finances, et j'ai souvenir de l'examen de l'un d'eux, il y a quelques années, au cours duquel une réforme tout aussi importante que celle-ci, inscrite non pas dans le texte initial, mais dans un amendement, avait été adoptée, sans aucune simulation.
Cela avait effectivement été un peu compliqué…
Je vais vous préciser, un peu plus tard dans de la soirée, les dates auxquelles les simulations ont été diffusées. Je prends l'engagement d'adresser demain aux présidents de groupe – charge à eux de vous les transmettre – les simulations qui ont été transmises aux associations d'élus au début du mois d'octobre.
Rappel au règlement
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour un rappel au règlement.
En vertu de l'article 49 du règlement, n'est-ce-pas ?
Je voudrais formuler une autre proposition, monsieur le secrétaire d'État. Il est bon que vous nous envoyiez demain les simulations, mais pourquoi ne pas réserver l'article 5 pour la journée de lundi ? Cela nous laisserait tout le week-end pour les étudier.
Je participais tout à l'heure à une table ronde avec toutes les associations d'élus et je leur ai demandé si elles avaient reçu les simulations. Elles m'ont répondu que non. Je veux bien vous croire, monsieur le secrétaire d'État, mais pourquoi ne croirais-je pas aussi les associations ?
Surtout, pourquoi sommes-nous les derniers, nous, les parlementaires qui devons voter l'article, à avoir ces simulations ? C'est quand même fort de café !
Article 5
Je vois plusieurs demandes de parole. Mes chers collègues, vous aurez la possibilité d'intervenir sur les amendements de suppression, qui sont nombreux.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 126 .
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes, sur ces bancs, un certain nombre de parlementaires expérimentés en matière de réforme de la fiscalité locale. La réforme de la taxe professionnelle, que vous avez mentionnée en répondant à Charles de Courson, constitue un cas à part. En toute logique, lorsque l'on modifie un impôt comme la taxe d'habitation et, du même coup, le financement des collectivités locales, la moindre des choses serait que les parlementaires qui travaillent sur le sujet disposent des simulations. En l'espèce, on nous demande de voter les yeux fermés !
J'ai bien entendu – je vous en fait compliment – les éléments de langage que l'on vous a rédigés et que vous servirez sans doute à toutes les assemblées générales d'élus dans les départements, mais nous sommes nous aussi expérimentés et nous ne nous laisserons pas enfumer par de beaux arguments, qui veulent nous faire croire que tout va bien et que la vie est belle.
Pour montrer qu'il y a quelques loups dans votre réforme, je prendrai un exemple. Aujourd'hui, dans certaines communes défavorisées, les bailleurs sociaux bénéficient d'exonérations ou d'abattements de taxe foncière, qui ne sont pas compensés par l'État. La taxe foncière des départements transférée vers ces communes en difficulté fera-t-elle également l'objet de ces exonérations ou abattements non compensés ? Si tel est le cas, ces communes subiront des pertes.
J'ai posé la question au ministre lors de son audition, je l'ai posée au rapporteur général en commission, je la pose à nouveau. Il s'agit d'un cas précis et concret. Nous ne pouvons pas savoir comment seront traitées ces communes tant que nous n'aurons pas les simulations les concernant. Sans ces informations, nous parlons dans le vide.
Rappel au règlement
Je m'exprime sur le fondement de l'article 49, alinéa 1, du règlement.
Je vous ai bien écouté, monsieur le secrétaire d'État, et je suis quelque peu choquée par cette manière de procéder. Vous avez envoyé les simulations aux associations d'élus, ce qui me paraît tout à fait normal, mais il n'est pas normal que les parlementaires n'aient pas été en même temps destinataires de ces documents.
La semaine dernière, lors de l'examen de l'article 5 en commission des finances, quand nous avons réclamé les simulations, personne ne nous a dit qu'elles étaient disponibles.
Je reprends donc la proposition de notre collègue Christine Pires Beaune : réservons l'article 5 pour lundi. C'est tout à fait possible, puisque nous sommes amenés à discuter de cette première partie du projet de loi de finances jusqu'à lundi soir – il nous reste environ 1 400 amendements à examiner. Il est entendu que les simulations nous seront transmises demain. Nous pourrons donc travailler ce week-end et être pleinement éclairés lorsque nous aborderons l'article 5 lundi.
Je demande une suspension de séance afin que les représentants des groupes débattent de cette possibilité.
Mme Marie-Christine Dalloz et M. Alain Ramadier applaudissent.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.
Article 5
Mes chers collègues, je propose que nous poursuivions la discussion des amendements de suppression, cependant que M. le secrétaire d'État et les présidents de groupe voient comment procéder. Cela nous permettrait de ne pas perdre trop de temps, les amendements de suppression relevant d'une démarche politique qui ne nécessite pas le document dont nous parlions.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je souscris à votre proposition, monsieur le président. Je vais même vous dire comment nous pouvons y donner suite encore plus rapidement.
À la fin du mois de septembre, Jacqueline Gourault et moi-même avons adressé aux présidents de la délégation aux collectivités territoriales de chacune des chambres et à ceux des deux commissions des finances un courrier leur indiquant que les simulations seraient bientôt disponibles et leur transmettant des données nationales consolidées, notamment le nombre de communes qui, sans application du coefficient correcteur, seraient sous-compensées ou surcompensées, par strate démographique, par typologie de commune et par strate de collectivité.
Cette synthèse des simulations, consolidée au niveau national, couvre cinq pages, ce qui est relativement court. Ces pages sont en cours de reproduction, grâce au service de la séance de l'Assemblée nationale, et vont être distribuées à l'ensemble des présents, afin que vous puissiez les avoir sous les yeux.
À la suite de ce courrier, mon cabinet a envoyé un e-mail aux services des commissions des finances. Pour la commission des finances de l'Assemblée nationale, il s'agit du message suivant, rédigé par mon collaborateur ici présent et adressé le 30 septembre à vingt-trois heures seize : « Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et moi-même vous avons transmis par courrier les premières simulations consolidées au niveau national » – c'est ce que je viens d'évoquer. Nous y indiquons aussi que « des simulations individuelles, collectivité par collectivité, sont disponibles afin de mesurer les incidences de la réforme concernant la suppression de la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale » et que « ces simulations seront accessibles sur une plateforme sécurisée de la DGFIP, la taille du fichier ne permettant pas de transmission par courriel ». Aux fins de consultation de cette plateforme, mon cabinet invitait les services de la commission à nous transmettre les adresses électroniques des administrateurs intéressés, en précisant que les simulations étaient « réalisées à partir des données datant de 2018, en l'absence d'une connaissance détaillée des bases fiscales plus récentes ».
Le 1er octobre, à neuf heures et neuf minutes, nous avons reçu un courriel des services de la commission des finances de l'Assemblée nationale, adressé à mon collaborateur, disant : « Merci pour ton message. Nous attendons avec impatience ces simulations. » Suivaient les coordonnées électroniques de trois administrateurs en vue de l'accès au fichier.
Le 1er octobre à vingt heures cinquante-six, mon cabinet indiquait à la direction générale des finances publiques les coordonnées des trois administrateurs de l'Assemblée nationale pouvant avoir accès aux simulations commune par commune.
Je donne ces précisions pour montrer que le Gouvernement a communiqué les possibilités d'accès à ces simulations commune par commune.
Je répète que les données consolidées par strate et relatives aux communes surcompensées et sous-compensées sont en cours de reproduction et vont vous être distribuées.
Par ailleurs, si vous en êtes d'accord, je peux faire en sorte que, dans la soirée, les collaborateurs présents des groupes politiques – je propose de passer par eux parce qu'ils sont là et connaissent les députés de leur groupe présents en séance – soient destinataires non du fichier Excel que vous avez déjà, mais de celui présentant les simulations jusqu'en 2024, afin de diffuser celles-ci le plus rapidement possible aux présents.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.
Rappels au règlement
Monsieur le secrétaire d'État, je ne mets personne en cause, je n'accuse personne. Vos explications sont précises et importantes. Mais le résultat est que nous, députés, n'avons pas reçu ces simulations.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Il y a malheureusement eu un dysfonctionnement ; la question n'est pas de savoir à qui la faute ; toujours est-il que nous ne les avons pas.
Dans ce contexte, il me paraît plus raisonnable de reporter l'examen de l'article 5.
Nous n'allons pas voter les yeux fermés, sans avoir vu les simulations, un article aussi important ; moi, en tout cas, je ne le ferai pas ! Qu'on nous les donne ; nous les étudierons, et nous voterons sur l'article en connaissance de cause. Je le répète, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de voter à l'aveugle sur un sujet aussi important. Ce n'est pas raisonnable !
Oui, sur le fondement de l'article 49, alinéa 1, du règlement. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire mon collègue. Je ne suis pas membre de la commission des finances, mais je travaille aussi sur ces dossiers. Au sein de la commission, des questions ont déjà été posées sur le fait que les simulations n'avaient pas été transmises. Je ne remets pas en cause, moi non plus, la bonne volonté du Gouvernement, ni la manière dont il fonctionne, mais je ne peux pas travailler sans ces simulations. Je propose donc à mon tour que l'examen de l'article 5 soit reporté à lundi prochain.
Sur le fondement de l'article 49, alinéa 1, également, monsieur le président.
Je remercie M. le secrétaire d'État de la précision des éléments qu'il nous a donnés ; je ne doute pas de la bonne foi du Gouvernement. Je voudrais simplement avoir un petit mot pour les services de la commission des finances de l'Assemblée. Avec quelque 2 000 amendements, vous savez le travail qu'ils ont ; de petits loupés sont donc possibles. Mais je veux rendre hommage à la qualité du travail des administrateurs de la commission des finances.
Applaudissements sur tous les bancs. – M. le rapporteur général applaudit également.
Peu d'entre nous seraient capables de fournir une telle quantité de travail – je parle d'expérience.
À l'article 5, monsieur le secrétaire d'État, vous envisagez un transfert de 15 milliards d'euros ; cela fait beaucoup d'argent, et les enjeux sont importants. Est-il possible de reporter l'examen de l'article à lundi ?
Je salue votre démarche consistant à nous faire distribuer une note de synthèse qui nous permet de nous faire une idée ; mais, avec 35 000 communes, nous aurons aussi un gros fichier à étudier. S'il n'est pas possible de reporter à lundi l'examen de l'article, pouvez-vous donc nous donner des gages du fait qu'en vue de la deuxième lecture, nous serons en mesure de discuter avec vos services, et avec la direction générale des collectivités locales, des éventuels bugs que feraient apparaître les simulations afin de pouvoir les corriger ?
Madame Rabault, je ne veux pas préjuger des travaux du Sénat sur l'article 5, mais je ne serais pas surpris que celui-ci en sorte modifié
Sourires
et reste donc en discussion. Vous avez ma parole : si, sur le fondement des éléments que nous allons vous envoyer entre ce soir et demain, il apparaît nécessaire de discuter parce que l'un ou l'autre d'entre vous aurait repéré une difficulté que nous n'aurions pas vue – cela peut arriver – , la discussion aura lieu, et je serai au banc du Gouvernement pour la mener.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour un rappel au règlement.
Je suis tout de même étonnée. Monsieur le secrétaire d'État, vous étiez au banc du Gouvernement lundi, lorsque nous avons entamé l'examen du projet de loi de finances. J'ai défendu la motion de rejet préalable. Je vous ai alors fait part, et vous avez entendu, du fait que nous n'avions pas reçu les simulations. Nous nous connaissons pourtant assez bien – je n'hésite pas à le dire – pour que vous puissiez, dans une situation comme celle-là, m'envoyer un petit mot notant que c'est curieux, que vous avez pourtant transmis les éléments.
Je ne comprends pas, et, je le répète, je m'étonne. Surtout s'agissant d'une réforme aussi importante ! Je le dis sans hésiter, je pense que c'est une faute : vous auriez dû envoyer un e-mail au rapporteur général et au président de la commission des finances, mais également à chaque responsable de groupe politique chargé de suivre cette réforme.
Mme Caroline Fiat applaudit.
J'entends vos réponses, monsieur le secrétaire d'État, et ce n'est pas contre vous que je m'élève ; mais comment pouvons-nous défendre des amendements dont la pertinence risque d'être remise en cause par les éléments dont nous prendrons connaissance ensuite ? Comment le débat de ce soir peut-il être fondé alors que nous n'avons pas toutes les données ? C'est tout simplement une question de bon sens !
Pourquoi parler ce soir si nous parlons pour rien, puisqu'il faudra y revenir plus tard ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne tenterai pas de faire la synthèse ; j'essaierai simplement d'être objectif.
Vous avez tous raison de vous plaindre de ne pas avoir eu les données en question. Toutefois, nous pouvons tous reconnaître que la faute n'en incombe pas au Gouvernement, mais plutôt à un problème de tuyauterie, à un défaut de communication.
Je ne suis pas d'accord avec vous, madame Rubin : ce ne sont pas les données détaillées qui vont remettre en question la pertinence des amendements.
Non ! Le mécanisme de cette réforme de la fiscalité locale est évidemment global, et c'est à la lumière de ce mécanisme global que les amendements prennent tout leur sens.
Par conséquent, l'absence de données détaillées n'empêche pas la discussion des amendements sur cet article qui ne porte pas sur des communes nommément précisées, qu'il s'agisse des vôtres ou des miennes, mes chers collègues.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
On doit pouvoir déjà avancer en bonne intelligence, sans esprit polémique.
Certes, je le reconnais, la discussion sera plus précise à la lumière de ces données, et nous serons alors encore plus pointus dans nos analyses – a fortiori lors de la prochaine lecture.
Je regrette vraiment qu'il soit impossible de reporter l'examen de cet article à lundi, monsieur le secrétaire d'État, et que nous n'ayons pas été destinataires bien plus tôt de l'ensemble des éléments évoqués parce qu'il est important pour nous de pouvoir travailler en toute connaissance de cause sur un article qui fait déjà vingt-cinq pages. Cela étant dit, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous fournir des éléments qui vont nous éclairer et je prends acte de votre réponse. Il n'en demeure pas moins qu'on ne peut travailler dans de bonnes conditions en étant informés que partiellement, et de surcroît quelques instants seulement avant l'examen de l'article.
Premier point : dans la suite de ce qu'a dit Valérie Rabault – et c'est moins la présidente de groupe qui parlait que l'ancienne rapporteure générale de la commission des finances – , j'admets que quand vous avez un texte d'une telle ampleur à analyser, avec plus de 3 000 amendements, en y passant des nuits et des week-ends entiers, ne pas voir un courriel interne qui transmet seulement un lien n'est pas une faute. Quand vous êtes noyé sous une telle masse de documents, il est humainement impossible d'approfondir ce qui ne paraît qu'un simple message administratif, qui de surcroît n'a pas été envoyé en copie – ce que je regrette, car cela aurait été la bonne solution – aux rapporteurs généraux et aux présidents des commissions de finances des deux assemblées. C'est ainsi. L'erreur a été commise, mais visiblement sans aucune intention de la part du Gouvernement de cacher ces données… Sinon il n'aurait pas envoyé un lien pour les consulter.
Second point : la proposition de la présidente Rabault de poursuivre l'examen de l'article dans ces conditions, en sachant très bien qu'en nouvelle lecture, le moindre de ses alinéas aura été modifié par le Sénat, est la bonne solution. Et nous avons l'engagement du secrétaire d'État qu'il y aura un débat approfondi sur les éventuels éléments nouveaux que ferait apparaître l'analyse de ces données. Retrouvons donc une certaine sérénité, et que surtout personne ici n'accuse personne parce que ce n'est vraiment pas le lieu quand les gens travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas et M. Jean-René Cazeneuve applaudissent.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 47, alinéa 1 car je pense que la Conférence des présidents est compétente pour constater le problème et se prononcer en conséquence. Ce n'est de la faute de personne, et aucun d'entre nous n'a incriminé les administrateurs – nous connaissons trop le travail qu'ils doivent fournir. Mais je trouve tout de même culotté d'affirmer que le contenu d'un fichier trop lourd pour être transmis par courrier électronique puise être étudié instantanément sur les bancs ! Ce n'est pas que nous ne vous faisons pas confiance – quoique… – , mais il a déjà fallu crier famine la semaine dernière pour avoir le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale quarante-huit heures avant son examen en commission, et là nous ne disposons même pas des documents pour examiner cet article en séance publique ! Si pour vous les débats parlementaires se résument à cela, pas pour nous : nous, on aime bien étudier les textes avec les pièces jointes.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. François Pupponi dans la série de rappels au règlement, puis j'espère que nous pourrons reprendre l'examen de la série d'amendements.
Je tiens à dire à M. Saint-Martin que nous devons tirer les leçons de plusieurs expériences passées en matière de réforme de la fiscalité locale. Il y a les principes énoncés dans le texte, et puis il faut aller vérifier si leur application concrète, commune par commune, aboutit aux résultats espérés. Or on s'aperçoit alors souvent que ce que l'on pensait de bonne foi en sortir n'apparaît pas. On rectifie alors le texte en conséquence, puisque les savants calculs effectués au préalable n'ont pas produit les effets attendus. C'est comme ça. Nous l'avons tous expérimenté.
Je ferai une contreproposition à celle de la présidente Rabault : si nous ne pouvons reporter l'examen de cet article à lundi, ce que je peux comprendre, reportons-le à demain soir, ce qui nous laisserait au moins la journée pour étudier les simulations et pouvoir dire en toute connaissance de cause ce que nous pensons vraiment de ce texte. On perdrait peut-être une journée, mais on a déjà perdu cette soirée. Mais si vous faites preuve de mauvaise volonté, on peut jouer à l'obstruction. Il faut être raisonnable. Nous ne sommes pas, nous députés, responsables du fait que les documents adéquats ne nous ont pas été communiqués. Nous ne saurions donc en subir les conséquences. Ceux qui « n'ont pas pu » nous les envoyer doivent aussi accepter de faire un effort.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un rappel au règlement sans doute.
Rires.
Je crains que cet article n'existe pas dans le règlement, mais veuillez poursuivre si votre intervention touche au déroulement de la séance.
Je comprends que certains collègues souhaiteraient disposer de simulations complètes, mais je tiens à rappeler que cette réforme ne s'appliquera qu'à partir de 2021 et qu'il ne s'agit, ce soir, que d'en voter les grands principes – lesquels sont néanmoins détaillés avec précision dans les vingt-cinq pages de l'article 5. Nous savons bien que des cas particuliers pourraient apparaître, cela a été dit, mais nous disposons d'un an, d'ici à l'examen du projet de loi de finances pour 2021, pour les examiner et procéder aux ajustements que M. Pupponi vient d'évoquer Nous avons à ce stade connaissance des grands principes de la réforme et nous pouvons comprendre comment elle va se dérouler. Et s'il y avait quelques couacs, on aurait toute l'année prochaine pour rectifier la loi si nécessaire.
Suite à ce qu'ont dit Valérie Rabault et le rapporteur général, je précise que je ne mets pas en cause le Gouvernement. Une erreur a pu altérer la transmission de ces données ; peut-être que les bons niveaux de transmission n'ont pas été choisis ; peut-être que votre ministère, monsieur le secrétaire d'État, n'a pas suffisamment appelé l'attention sur l'importance du message ; peut-être n'avons-nous pas suffisamment tendu l'oreille… Qu'importe : ni la qualité des administrateurs ni la bonne volonté des uns et des autres ne sont en cause. Nous éclaircirons tout cela en temps voulu pour que le couac, si c'en est un, ne se reproduise plus.
La seule question qui se pose maintenant, c'est de savoir si les députés considèrent ou non qu'ils disposent de suffisamment de données pour discuter, au minimum, des amendements de suppression. Je pense que chaque groupe doit avoir une opinion là-dessus. Il faut essayer de procéder sereinement, sachant que l'heure de discussion qui nous reste avant la levée de séance ne nous permettra pas d'aller bien loin dans l'examen des amendements sur l'article. Si nous ne voulons pas gâcher cette heure, il faut soit passer à un autre article, soit avancer sur l'examen des amendements de suppression. Peut-être que les whips des groupes pourraient se réunir pour voir ce qu'ils ont envie de faire.
La proposition du président de la commission des finances me paraît tout à fait pertinente. C'est d'ailleurs celle que j'avais esquissée tout à l'heure. Je crois en effet qu'il est ce soir possible d'examiner les amendements de suppression puisque la connaissance des données commune par commune ne modifierait pas la position de celles et ceux qui les ont déposés.
Article 5
Cet amendement propose de supprimer l'ensemble des dispositions de l'article 5, ce qui, vu la confusion qui continue de régner sur le sujet, laissera le temps au Gouvernement, après des négociations avec les associations d'élus locaux, de proposer, dans le cadre d'une loi de finances spécifique, une réforme de la taxe d'habitation plus respectueuse de l'engagement, pris vis-à-vis des communes par le Président de la République et le Premier ministre, de compenser à l'euro près sa suppression.
En raison de son importance et de ses implications multiples, cette réforme aurait dû faire l'objet d'un projet de loi dédié, seul à même de respecter le travail des parlementaires, représentants du peuple. Cette condition fondamentale n'a pas été respectée.
Sur le fond, en supprimant la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, l'exécutif et sa majorité ont mis le doigt dans un engrenage fatal puisque cette décision tend à réduire la capacité des élus locaux à agir, à fragiliser l'autonomie des collectivités et, in fine, à distendre le lien entre les citoyens et leurs représentants. Tout cela constitue en effet une forme de recentralisation latente.
Alors que cet outil fiscal était déjà très fragilisé, le Gouvernement veut le supprimer entièrement pour les résidences principales. Cela réduira à nouveau de quelques milliards la contribution de ménages aisés au financement de l'action publique.
De plus, en guise de compensation, l'exécutif propose le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB. On peut légitimement douter du surcroît d'autonomie qui serait ainsi accordé à l'échelon communal. Les départements, quant à eux, perdraient gros avec cet outil fiscal sur lequel ils avaient une capacité à agir. Et la compensation de cette perte de ressource par une fraction de TVA ne fera qu'institutionnaliser un peu plus un impôt particulièrement injuste.
C'est pourquoi le groupe GDR demande la suppression de cet article.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 817 .
L'article 5 tend à supprimer totalement la taxe d'habitation sur les résidences principales alors qu'il était prévu au départ que cette mesure – appliquée chaque année par tiers à partir de 2018 – ne concernerait que 80 % des ménages. Elle est maintenue en revanche sur les résidences secondaires, même si elle finira probablement par porter un autre nom. Je rappelle que le produit de cette taxe représente 22 milliards d'euros.
Je vois au moins trois inconvénients à cette suppression.
Le premier inconvénient est la rupture du lien financier entre les habitants et leur collectivité. Dès lors, et connaissant la relation qui unit un maire avec les habitants de sa commune, on peut craindre que ces derniers n'accroissent leurs demandes en matière d'infrastructures locales.
Deuxième inconvénient : les communes risquent de faire peser sur les seuls propriétaires l'évolution de la fiscalité car elles ne disposeront plus que du levier de la taxe foncière pour conserver leur autonomie fiscale. C'est un point très important.
Troisième inconvénient : le gel de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives retenues pour l'établissement de la taxe d'habitation. Certes, un amendement adopté en commission des finances permettrait une revalorisation de 0,9 %, mais le compte n'y est pas, ni par rapport à l'année passée où il était de 2,2 %, ni par rapport à cette année où il devrait probablement se situer entre 1,1 % et 1,3 %. Il y aura donc une perte pour les collectivités.
Quant à la référence aux taux appliqués en 2017 pour le calcul de la compensation, vous nous répondez, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle correspond à ce qui avait été annoncé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. Vous avez raison, mais la suppression de la taxe d'habitation ne devait alors concerner que 80 % des ménages. Les collectivités ont donc fait évoluer leur taux en croyant que la taxe continuerait à s'appliquer aux 20 % restants. La référence aux taux de 2017 s'applique désormais à l'ensemble des ménages, ce qui n'est pas tout à fait la même chose – sur deux ans, la perte pour les collectivités atteint 160 millions d'euros.
Reste la question du dégrèvement transformé en exonération. Comme vous le savez, le dégrèvement est la seule méthode qui assure à une collectivité la certitude d'obtenir une compensation à l'euro près dans la durée. Je comprends donc l'inquiétude exprimée par les élus locaux.
Vous prévoyez par ailleurs – ce sera mon dernier point – …
… une évaluation du dispositif de coefficient correcteur en 2024. Je ne peux que soutenir une telle volonté – il est pertinent et judicieux d'évaluer les politiques et nous nous plaignons régulièrement de ne pas le faire suffisamment…
Je termine, monsieur le président. Mais je m'inquiète que cette évaluation du coefficient correcteur en 2024 ne soit le moyen, pour le Gouvernement, de remettre en cause l'ensemble du dispositif à cette date. C'est pourquoi je propose, au travers de cet amendement, de supprimer l'article 5.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 913 .
À compter de 2021, les communes percevront la part départementale de la taxe foncière sur le bâti, à savoir 14,2 milliards d'euros, en lieu et place des 15 milliards d'euros perçus avant 2019, ce dernier chiffre ne tenant pas compte de l'actualisation à venir. Vous avez inventé un mécanisme de compensation comprenant à la fois des surcompensations et des souscompensations, lequel est une usine à gaz. Après une brève lecture des données que vous avez communiquées, nous obtenons 17 381 communes surcompensées au-delà de 10 000 euros et 10 721 communes souscompensées : le mécanisme du coefficient de corrélation est donc un élément à étudier de près.
À compter de 2021, les départements, en contrepartie de la perte de ce qui constituait pourtant le seul impôt restant à leur main, se verront affecter une part de TVA. Il en résulte une perte totale de pouvoir sur l'établissement du taux d'imposition et l'effacement de tout lien fiscal entre la collectivité et son territoire. Les départements n'auront plus aucune maîtrise de leurs recettes fiscales. Voulez-vous donc, monsieur le secrétaire d'État, supprimer les départements ? Dans la mesure où cette réforme ne va pas dans le sens d'une simplification, nous avons l'impression que c'est l'intention qu'elle cache.
Je rappellerai également que la TVA est variable et sensible à un retournement de conjoncture. En 2008 et en 2009 – nous étions alors majoritaires – , la crise économique a provoqué une chute colossale de ses recettes. Les départements sont conscients du danger et ne sont pas dupes ; ils craignent qu'un jour, vous ne compensiez plus la perte de recettes au même niveau.
Enfin, à l'heure où le Gouvernement prétend renouer avec les territoires et instaurer un dialogue avec eux, il semble que l'ensemble des collectivités territoriales et des associations d'élus – notamment celles qui représentent les départements – , avant même de critiquer la complexité de cette tuyauterie, ressentent la suppression de la taxe d'habitation comme une trahison.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Quels que soient les chiffres ou les compensations – qui sont en effet une véritable usine à gaz et je ne sais si nous serons en mesure de les étudier d'ici à demain – , nous souhaitons supprimer les dispositions de cet article pour la simple raison qu'elles sont injustes, …
… contrairement à ce qu'affirme M. le secrétaire d'État. Je le répète : les 20 % de foyers qui ne devaient pas, à l'origine, bénéficier de la suppression de la taxe d'habitation représentent à eux seuls 8 milliards d'euros sur les 17 milliards de recettes qui vont être amputées. À l'inverse, les 16 % des foyers les plus modestes qui étaient exonérés de la taxe d'habitation ne tireront aucun bénéfice de la mesure. Elle est par conséquent injuste.
Il est vrai que quand vous ne payez pas un impôt, il est difficile de bénéficier de sa suppression…
La suppression de la taxe d'habitation porte par ailleurs un coup à l'autonomie financière des collectivités territoriales, la seule marge de manoeuvre restante ne provenant que de la taxe foncière…
… et pesant donc sur les propriétaires – même si nous ne pleurerons pas sur le sort de certains d'entre eux.
Ne serait-ce que pour ces deux motifs, nous sommes favorables à la suppression de cet article. Et nous attendons désormais d'étudier les fameuses compensations, afin d'élaborer des amendements pertinents.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le rapporteur général ne peut-il pas se lever ? Ce n'est pas respectueux !
Je donnerai quelques explications pour répondre notamment aux arguments de Mme Louwagie et à ses inquiétudes quant à l'existence, dans le texte, d'une clause de revoyure en 2024. J'estime au contraire que cette dernière est rassurante, car un tel système de compensation tient compte au minimum de la dynamique des bases, à la différence des systèmes figés comme le fonds national de garantie individuelle des ressources – FNGIR – qui posent certains problèmes et mériteraient parfois d'être revus. Cette clause de revoyure doit donc davantage être vue comme une clause d'assurance que comme la menace d'une remise en cause de la compensation, que nous n'envisageons en aucune manière.
Je le dis avec l'humilité dont doivent faire preuve, sur de tels sujets, aussi bien les parlementaires que les membres du Gouvernement. Nous pouvons prendre des engagements politiques, les inscrire dans la loi et les tenir, mais nous savons que d'une loi de finances à l'autre, les choses peuvent changer.
Je citerai à dessein un exemple datant d'une période où peu d'entre vous étaient parlementaires et concernant un gouvernement que je soutenais. Lorsque Dominique Strauss-Kahn a supprimé la part salaire de la taxe professionnelle pour l'année 2000, celle-ci a été compensée, en 2001, par un dégrèvement, puis, en 2002, par une allocation de compensation, avant d'être depuis intégrée à la dotation globale de fonctionnement – DGF. Cela illustre la malléabilité de ces sujets. Nous estimons ainsi qu'accrocher la compensation au compte d'avances des collectivités territoriales par l'affectation de la taxe foncière aux communes et d'une fraction de la TVA aux départements s'avérera plus solide que d'opter pour une dotation, comme cela a pu être le cas par le passé, ou même pour un dégrèvement.
S'agissant des communes surcompensées, que Mme Dalloz évoquait, leur nombre s'élève à environ 24 700. Elles se situent souvent en zone rurale ou périphérique. La raison en est assez simple : nous savons que dans ces communes, le taux de la taxe d'habitation est plus bas que dans les communes urbaines, et en moyenne inférieur au taux de la part départementale de la taxe foncière, qui est calculé à l'échelle du département. À l'inverse, les communes souscompensées sont plutôt urbaines. Nous allons ainsi opérer, grâce au coefficient correcteur, une forme de prélèvement à la source sur les communes surcompensées de façon à assurer, par l'intermédiaire du compte d'avances, la parfaite compensation des communes souscompensées.
J'ajouterai à cela deux précisions. Nous avons décidé que si une commune, touchée par le coefficient correcteur parce que surcompensée, faisait le choix – qui serait politiquement légitime – d'augmenter son taux de taxe foncière, la recette en découlant serait intégralement perçue et exonérée de l'application du coefficient correcteur. Il est important pour un élu de pouvoir bénéficier de la totalité d'une recette nouvelle votée, sans que cette dernière ne soit écrêtée.
Nous avons également inscrit dans le texte que pour les 7 275 communes dont la compensation serait inférieure ou égale à 10 000 euros, le coefficient correcteur ne serait pas activé. Et il en va de même des 7 000 communes de moins de 1 000 habitants dont la compensation est supérieure à 10 000 euros. Nous savons tous, en effet, qu'il peut être très intéressant, pour ces petites collectivités, de bénéficier d'un bonus fiscal de quelques milliers d'euros sans modifier les taux d'imposition et donc sans faire peser de charge nouvelle sur le contribuable.
S'agissant enfin de la TVA, évoquée par Mme Dalloz, il est vrai que son produit est fluctuant. Mais si on excepte le cas de la crise – structurelle – de 2008, pendant laquelle il a diminué, on observe, sur le long terme, une dynamique positive permanente. Et en cas de nouvelle crise systémique, l'État répondra, nous le savons, toujours présent. Nous avons en outre prévu une clause de sauvegarde pour que, comme dans le cas des régions, qui reçoivent une fraction des recettes de la TVA en lieu et place de la DGF, le montant de la TVA versé aux départements et aux intercommunalités ne puisse jamais être inférieur à celui qui sera accordé en 2021 – la première année de mise en oeuvre du dispositif. La fixation d'un tel plancher est importante compte tenu de la dynamique positive des recettes de la TVA, même si elle n'empêcherait pas des fluctuations en cas de crise systémique.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable à ces amendements de suppression.
On nous avait promis une grande réforme, nous obtenons malheureusement, avec l'article 5, une vaste usine à gaz. La réalité est que la constitutionnalité de cet article est en question car, les départements perdant leur dernière ressource propre, il est possible de considérer qu'ils ne disposeront plus de leur autonomie financière et fiscale et ne seront plus capables de lever l'impôt.
Pour avoir été moi-même président de département, s'agissant des compensations, et au-delà des questions de l'actualisation des bases ou de la définition du taux, je constate que la déresponsabilisation est toujours encouragée. Car, en réalité, celles et ceux qui n'ont pas augmenté leurs taux de taxe foncière ces dernières années obtiendront une compensation moins importante que celles et ceux qui l'ont fait. Or inciter les collectivités à la dépense est une erreur à l'heure où nous leur demandons la sobriété.
À la fin des fins, ce sont les Français qui trinqueront. Ce qui nous a été présenté comme une suppression de la taxe d'habitation se transformera en effet certainement en hausses de la taxe foncière voire de la TVA. De manière tout à fait regrettable, nous prendrons ainsi d'un côté ce que nous aurons rendu de l'autre.
En récupérant les fichiers, j'ai réalisé un tableau croisé dynamique – j'adore ça –
sourires
portant sur les 10 721 communes souscompensées. Sauf erreur de ma part – je ne suis pas spécialiste des collectivités locales – , cela signifie que les autres communes payent pour elles.
Or si certains départements comportent très peu de communes souscompensées – c'est le cas de celui dont je suis élue, le Tarn-et-Garonne, où j'en dénombre huit – , d'autres en comptent énormément, ce qui signifie que les communes y seront très nombreuses à attendre de l'argent des autres. Comment traite-t-on donc de ce phénomène ?
Je n'ai pas regardé ce qu'il en est pour les Pyrénées-Atlantiques, monsieur le président.
Plusieurs questions vous ont été posées, monsieur le secrétaire d'État, sans que vous n'y répondiez.
Première question : quelle année de référence choisissez-vous pour calculer la compensation ? Vous répondez « 2017 », mais que dites-vous aux 6 000 communes ayant augmenté le taux de leur taxe d'habitation en 2018 ou 2019 ? Vous leur dites : « c'est pour votre pomme ! », et de cela, vous vous en expliquerez devant le Conseil constitutionnel.
Deuxième question : comment compensez-vous le manque à percevoir des derniers 20 % des ménages bénéficiant de la suppression de la taxe d'habitation ? Vous ne pouvez plus retenir les chiffres de l'année 2017 car, à l'époque, vous prévoyiez de maintenir la taxe d'habitation pour ces ménages.
Troisième question : dans la mesure où l'assiette fiscale n'est seulement déterminée par le taux, mais aussi par les abattements, que dites-vous à une commune qui a supprimé ou créé des abattements en 2019 ? Allez-vous en tenir compte ou les ignorer ?
Quatrième question : comment compensez-vous la perte de recettes pour les départements ? Vous allez le faire à hauteur des recettes perçues en fonction du taux de 2019. C'est-à-dire que vous créez une rupture entre les départements, compensés en référence au taux de 2019, et les communes et intercommunalités, qui le sont en fonction du taux de 2017, même si elles les ont augmentés depuis.
Vous acceptez donc de prendre en compte les augmentations de taux des départements, mais pas celles des communes et des intercommunalités : on ne comprend plus ! Tout cela finira devant le Conseil constitutionnel !
En outre, comment allez-vous gérer la question des abattements pratiqués par les départements, sachant que certains en ont supprimé en 2018 ou 2019 et que d'autres en ont créé ? Voilà quelques-unes des questions soulevées par nos collègues.
Quand vous affirmez qu'il est plus intéressant de percevoir la TVA que la taxe foncière sur les propriétés bâties, vous vous gardez bien de dire que le chiffre que vous avez cité ne prend en compte que les cinq dernières années. Sur les dix dernières années, le foncier bâti représente un point de plus.
Il faut aussi évoquer la question des coefficients de revalorisation. Nous avons découvert votre tour de passe-passe consistant à calculer la compensation sur des bases non revalorisées : comment cela va-t-il évoluer dans le temps ?
Une multitude de questions restent en suspens, auxquelles vous n'avez pas répondu.
Bien que le sujet soit compliqué, je vais essayer d'apporter quelques éléments de réponse. Monsieur de Courson, je citerai tout d'abord l'excellent travail que vous avez réalisé avec M. Christophe Jerretie sur l'autonomie financière et l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. J'encourage nos collègues à consulter vos conclusions : l'autonomie financière ne change pas, qu'il s'agisse des départements, des intercommunalités ou celle des communes.
M. Charles de Courson proteste.
L'autonomie fiscale, c'est autre chose. Je rappelle que, contrairement à l'autonomie financière, ce n'est pas un principe constitutionnel. Mais de toute façon, celle des communes restera identique : elles conserveront la liberté de fixer les taux et les bases. On ne peut donc pas dire que l'autonomie fiscale des communes diminue !
En revanche, c'est le cas des départements et des EPCI, pour autant que l'on puisse leur attribuer la notion d'autonomie fiscale. Il est vrai que les départements perdent un des derniers impôts sur le taux duquel ils pouvaient agir.
Je comprends l'argument du lien entre les citoyens et la commune ; il est très important de le maintenir, car les premiers voient bien les services auxquels ils ont accès et les impôts qu'ils payent. Mais du point de vue fiscal, le lien entre les citoyens et le département est ténu ; si nous pouvions faire un sondage sur la fiscalité locale, demandant aux gens ce qu'ils versent au département, ce que le département coûte et quelles actions il mène, nous aurions de grosses surprises – vous le savez bien.
M. François Pupponi proteste.
Les régions en apportent la preuve. Elles reçoivent une fraction de TVA, …
… et sont donc dans une situation similaire à celle que nous proposons pour les départements et les EPCI.
Se portent-elles mal ? Non. Ont-elles des ressources dynamiques ? Oui. Sont-elles capables d'établir des programmes et de trouver les investissements pour les financer ? Oui. Les citoyens sont-ils en mesure de juger leur travail ? Évidemment que oui !
On peut s'accrocher à des principes, mais il faut aussi faire preuve d'honnêteté.
Il est président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ? Ce n'est pas croyable !
Dans la suite des propos de Mme Valérie Rabault, je voudrais poser quelques questions, parce que des zones d'ombre demeurent. Dans le département de la Savoie, nous avons effectué un travail à partir de vos propositions, avant de recevoir les simulations. Si on met en balance les communes souscompensées et surcompensées, le département devra transférer aux communes 12 millions d'euros des recettes perçues au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, dans le cadre du mécanisme de l'article 5.
En clair, il s'agit encore d'un mécanisme de péréquation. Or le département de la Savoie contribue déjà à hauteur de près de 30 millions d'euros au FPIC – fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – et de 16 millions d'euros pour les péréquations départementales. Encore une fois, on enlève donc aux collectivités une partie des ressources que lui fournit le contribuable local, alors même que les contraintes locales, dans ce département de montagne, engendrent des surcoûts.
Je voterai les amendements de suppression, mais en attendant je voudrais répondre à certaines affirmations que j'ai entendues dans ce débat. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que la TH – taxe d'habitation – était un impôt particulièrement injuste. C'est vrai, nous le dénoncions depuis longtemps, mais en considérant qu'elle l'était parce que les valeurs locatives cadastrales étaient obsolètes. Nous avions donc entamé la révision de ces valeurs, avec vous d'ailleurs, en menant dans cinq départements une expérimentation dont les conclusions sont désormais connues. Vous avez pourtant interrompu le processus, et maintenant vous renvoyez la révision des bases locatives à 2026, c'est-à-dire aux calendes grecques. Vous avez jeté le bébé avec l'eau du bain : il fallait rectifier les valeurs locatives et faire aboutir la réforme. Nous aurions alors conservé un impôt local juste.
J'ai entendu M. Cazeneuve dire que les recettes, pour les communes, resteraient dynamiques. Dans la petite commune de 1 600 habitants dont je suis conseillère municipale, nous avons dû augmenter les taux d'imposition. Nous ne l'avons fait qu'une seule fois durant le mandat, mais pas de bol, c'était en 2018 – avant, nous avions fait des efforts d'ajustement. Si j'ai bien compris, prendre pour référence les taux de 2017, cela signifie que le produit que les habitants de cette commune payeront en plus à cause de l'augmentation du taux, ils ne le percevront pas dans le cadre du mécanisme de compensation. Je ne vois absolument pas comment le Conseil constitutionnel pourrait accepter cela !
Mmes Émilie Bonnivard et Marie-Christine Dalloz applaudissent.
Ensuite, monsieur le secrétaire d'État, je trouve vos propos sur la compensation et le dégrèvement un peu forts de café ! Si vous le permettez, je vais lire les propos que vous avez adressés au ministre d'État Gérard Collomb lorsque vous siégiez encore sur nos bancs, juste avant le 24 novembre 2017 – date que vous avez rappelée.
« Vous dites que l'exonération de taxe d'habitation sera traitée comme un dégrèvement, et c'est une bonne chose : le dégrèvement est la meilleure façon de compenser une recette fiscale perdue par les collectivités, puisqu'il s'agit, finalement, d'une substitution de l'État au contribuable local.
« La question qui se pose, en réalité, c'est de savoir si vous pouvez vous engager à inscrire durablement la compensation versée par l'État sous le régime du dégrèvement. »
J'étais d'accord avec vous : le dégrèvement constitue la seule façon de s'assurer une compensation à l'euro près, dans la durée.
J'en profite, monsieur le secrétaire d'État, pour vous dire que nous attendons le rapport prévu par l'article 33 de la loi de finances pour 2017, qui devait nous être fourni avant le 30 septembre, afin de nous permettre d'apprécier le coût pour les finances locales des mesures d'exonération et d'abattements d'impôts directs locaux.
D'abord, je découvre que les simulations arrivent petit à petit, mais que certains les ont et d'autres non.
Il faut donner le lien à tout le monde, que tout le monde puisse les consulter !
Si vous ne nous prévenez pas qu'il a été envoyé, nous ne pouvons pas le deviner ! Nous ne sommes pas connectés en permanence à notre messagerie ; nous sommes en train d'examiner les amendements !
Il faudrait essayer de travailler avec un peu de rigueur.
Par ailleurs, je reposerai à M. le secrétaire d'État une question que j'ai déjà posée au Gouvernement en commission, et au rapporteur tout à l'heure. Certaines communes perçoivent beaucoup de taxe d'habitation parce qu'elles sont très peuplées, mais peu de taxe foncière car elles abritent de nombreux bailleurs sociaux, souvent partiellement ou totalement exonérés. Et certaines communes ont refusé de voter l'abattement de 30 % dont bénéficiaient les bailleurs, tandis que le département l'avait accepté. Dans cette hypothèse, la part du produit de la taxe foncière sera-t-elle ou non reversée après déduction du montant de l'abattement ? C'est un cas concret ; nous posons des questions pratiques et nous aimerions bien obtenir des réponses !
Cela permettrait aux communes de savoir où elles vont ; je précise qu'à ce jour nous n'avons toujours pas la réponse, que nous attendons depuis deux semaines.
Je fais partie de ceux qui ont travaillé sur la réforme ; j'ai également rédigé des amendements pour améliorer le texte. Nous examinons des amendements de suppression. Je pense que l'article ne réserve globalement pas de surprises. Certains éléments ou nouveautés peuvent surprendre – nous sommes là pour en débattre.
Je vais apporter deux précisions sur le tableau de simulation. Je l'ai regardé – je le dis honnêtement, je l'avais à disposition. Il présente trois éléments : le montant des taxes d'habitation du département, le montant des taxes foncières et le coefficient correcteur. Techniquement, sa lecture n'apportera que peu d'éléments, si ce n'est l'identification des collectivités surcompensées et souscompensées. Vous allez tous le recevoir ; le lien a été transmis et il doit vous parvenir.
Une erreur a certainement été commise au sujet de ce fichier, mais ce n'est pas l'objet du débat. Nous sommes là pour débattre du fond de la réforme et chercher à l'améliorer. Si vous le permettez, ce serait bien d'avancer un peu.
En accord avec M. le secrétaire d'État, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, je vous propose, maintenant que nous avons examiné les amendements de suppression de l'article, de passer aux amendements tendant à supprimer certains alinéas, qui ne nécessitent pas d'avoir connaissance du résultat des simulations effectuées par le Gouvernement. Et puisque chaque député a désormais reçu le lien permettant de les télécharger, nous aurons toute la nuit pour étudier les données commune par commune.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. le rapporteur et moi-même avons envoyé le fichier aux membres de la commission des finances – je n'ai pas compétence pour l'envoyer à tous les députés. Il doit normalement vous être parvenu.
Merci, monsieur le président de la commission, cette information est importante. La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je voudrais apporter quelques précisions, même si elles ne viendront pas modifier l'avis défavorable sur les amendements de suppression.
Tout d'abord, M. Jean-René Cazeneuve a répondu la question de M. Damien Abad sur l'autonomie fiscale. Les décisions du Conseil constitutionnel de 2004 et 2009, rendues au sujet de la suppression de la taxe professionnelle, donnent une indication de ce que le Conseil constitutionnel considère comme relevant de l'autonomie financière. Selon lui, l'affectation d'une fraction d'un impôt national, d'un dégrèvement ou d'une allocation de compensation après suppression d'un impôt respecte l'autonomie financière des collectivités.
Nous parlons d'autonomie financière puisque, M. Cazeneuve l'a rappelé, l'autonomie fiscale des collectivités n'est, à ce jour, pas reconnue par la Constitution. Cela pourrait d'ailleurs faire l'objet d'un débat intéressant ; la révision constitutionnelle en donnera peut-être l'occasion.
Madame Pires Beaune, je n'enlève rien à mes propos de novembre 2017. Le dégrèvement est la solution que nous avons choisie pour compenser la taxe d'habitation pendant la période où elle est progressivement supprimée, ce qui explique que les douzièmes soient restés parfaitement égaux à ce qu'ils étaient malgré l'exonération d'un tiers puis de deux tiers de la TH.
Mais j'ai pu démontrer, en rappelant à Mme Dalloz et à Mme Louwagie l'exemple de la part « salaires » de la taxe professionnelle, que lorsqu'un dégrèvement est décidé pour une année, il n'est pas automatiquement reconduit l'année suivante – c'était aussi le sens de la question que je posais en 2017 à M. Collomb.
J'en profite pour répondre à l'allusion que vous avez faite tout à l'heure, madame Pirès Beaune, aux travaux que vous avez menés dans le cadre de la DGF. Selon moi, les principes que vous suiviez étaient bons mais les résultats obtenus n'ont pas été considérés comme suffisants par beaucoup d'élus car, justement, la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle avait été compensée une première année sous la forme d'un dégrèvement, et la suivante par une allocation de compensation, avant d'être enfin transformée en fraction de la DGF. En conséquence, certaines communes industrielles ont pu laisser croire qu'elles étaient mieux traitées que les autres.
Oui, mais c'était pour vous expliquer les raisons pour lesquelles je me suis opposé à la réforme que vous proposiez. Cependant je n'irai pas jusqu'à reprendre le terme que vous avec employé dans une revue spécialisée.
Quoi qu'il en soit, le dégrèvement constitue bien une bonne méthode de compensation, mais en période de transition, lorsque l'on peut en déterminer la durée d'application.
Enfin, Mme Valérie Rabault et d'autres – Mme Émilie Bonnivard notamment – ont posé la question du mécanisme de compensation entre collectivités souscompensées et surcompensées. Je veux insister sur le fait que les contribuables ne paieront pas davantage.
Supposons que dans une commune, le produit de la taxe d'habitation soit égal à 80 et celui la taxe foncière perçue par le département, à 100. Les contribuables paient alors 180 – je grossis le trait à dessein. Demain, la commune recevra du département le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Les contribuables continueront à payer 100 de taxe foncière, mais par le jeu du coefficient correcteur, la commune n'en percevra que 80 pour compenser la perte de la taxe d'habitation.
À l'inverse, certaines communes perçoivent 100 de taxe d'habitation, et les départements où elles se trouvent seulement 80 de taxe foncière. Elles sont alors souscompensées dans notre modèle. Ce qui aura été pris à certaines communes servira donc à financer les autres, la répartition se faisant au niveau national et non dans le département. Les sommes transiteront par le compte d'avance aux collectivités locales, géré par le Trésor public. De cette manière, elles pourront garder le statut de recette fiscale. L'opération est neutre pour les contribuables et pour les collectivités, qui garderont les mêmes recettes – indépendamment des évolutions de la base d'imposition – entre 2021 et 2020.
Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à la question relative aux abattements. Les abattements appliqués par les départements ne sont pas les mêmes que ceux des communes, ce qui entraîne un écart entre les assiettes de leurs impôts. Or votre réponse ne fait pas référence aux assiettes mais aux taux. En outre, certains abattements sont temporaires. Mettons qu'une commune ait institué un abattement facultatif d'une durée de vingt-cinq ou trente ans. Que se passera-t-il à l'issue de cette période ? Vous ne pourrez pas réévaluer l'assiette de la taxe d'habitation. Ainsi, l'abattement deviendra définitif, alors qu'il était supposé être temporaire. Je le répète, vous ne répondez pas à toutes ces questions.
Nous reviendrons sur ces questions lors de la discussion d'autres amendements que vous avez déposés, monsieur de Courson. La compensation n'est pas calculée à partir de l'assiette, mais à partir de la recette de la collectivité, ce qui constitue une garantie.
Nous menons par ailleurs un travail de reconstitution des bases d'imposition de la commune, qui comprennent la part de la taxe foncière actuellement versée aux communes, et la part qu'elles recevront des départements. La reconstitution tiendra compte des abattements. Je vous prie de m'excuser : je n'ai pas, à l'heure qu'il est, les éléments qui me permettraient de vous répondre plus précisément. Sachez toutefois que nous avons pris cette question en considération. Surtout, la compensation pour la première année, qui doit permettre que les comptes soient à l'équilibre, est calculée à partir des recettes et non de l'assiette.
Les questions seront nombreuses puisque nous découvrons les simulations sans nécessairement tout comprendre. La dernière colonne de la partie du tableau relative aux non-compensés est intitulée « produit de la taxe foncière commune après application du coefficient » ; un tel nom laisserait penser que les nombres sont le produit d'une multiplication ; eh bien non ! C'est une simple soustraction. À quoi sert donc le coefficient ?
Vous venez de faire la démonstration, madame Pires Beaune, que le coefficient est extrêmement simple.
Non, ce n'est pas la même chose. Dans le cas du FNGIR, le calcul du prélèvement ou du reversement doit prendre en compte à la fois les dépenses et les recettes de la commune. Par ailleurs, le FNGIR n'est pas révisable et il ne tient pas compte de l'évolution des bases d'imposition. C'est assez différent. Le système de coefficient que nous proposons protège mieux les communes.
Le fonctionnement du coefficient correcteur est extrêmement simple. Quand les recettes d'une commune sont de 8, et qu'elle reçoit un transfert de 10, le coefficient correcteur est de 0,8 – effectivement, cela revient à soustraire 2. Ce n'est pas plus compliqué que ça, c'est un produit en croix.
Ma question porte également sur la colonne « produit de la taxe foncière commune après application du coefficient ». Prenons le cas d'une commune où la surcompensation sera inférieure à 10 000 euros. Pourquoi, dans le tableau, un coefficient correcteur est-il appliqué dans ces cas ?
Nous avons pris la décision politique de ne pas appliquer le coefficient correcteur aux communes pour lesquelles la surcompensation est inférieure ou égale à 10 000 euros. Si le tableau qui vous a été distribué concerne l'ensemble des communes, c'est afin que chacun puisse comprendre le mécanisme et l'équilibre global du système. Toutefois, le coefficient indiqué ne sera pas appliqué à cette catégorie précise, et l'État prendra à sa charge la perte de recette globale qui en résultera.
La formule du coefficient correcteur utilisée dans le tableau est une suite d'additions et de soustractions ; elle est assez simple, comme l'a dit M. le secrétaire d'État.
Je crois que l'Assemblée est suffisamment éclairée. J'ai laissé se poursuivre le débat en dépit du règlement. Cela me semblait inévitable, au regard de la complexité et de l'importance de ces questions, comme du manque d'information des députés. Nous allons maintenant procéder au vote.
J'ai cru comprendre que M. Woerth avait proposé qu'une discussion sur les simulations ait lieu à l'issue de ce vote. Ce serait bienvenu, puisque les amendements que nous allons examiner maintenant leur sont directement liés. Une suspension serait-elle possible ?
Les simulations, en réalité, n'apprennent pas grand-chose. Elles ne donnent qu'un coefficient de passage qui prend en compte, pour chaque commune, le taux de 2017 et les bases imposables de 2020 de la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier non bâti, et la surcompensation ou souscompensation de la commune.
Il ne reste qu'une vingtaine de minutes, je serais d'avis de commencer à examiner les amendements suivants.
M. Woerth a dit ce que je comptais dire : les simulations portent exclusivement sur le coefficient correcteur. Pour cette raison, seuls les amendements relatifs à ce coefficient devraient être exclus de notre discussion de ce soir. Les suppressions d'alinéa proposées dans les amendements qui suivent n'ont rien à voir avec cela.
Je pense que nous allons beaucoup parler du coefficient correcteur, ou « coco », ce soir. Je comprends bien, monsieur le secrétaire d'État, que le coefficient qui apparaît dans le tableau peut être interprété comme le produit d'une multiplication. Toutefois, la formule inscrite dans le tableur qui nous a été communiqué est bien, je le maintiens, une soustraction.
Ce mécanisme de coefficient correcteur laisse penser qu'il sera possible dans le futur de minorer les sommes redistribuées aux collectivités. C'est d'autant plus probable que les variables d'ajustement s'épuisent.
Ou peut-être s'agira-t-il, à l'avenir, en minorant ce coefficient, de pénaliser les communes qui n'auraient pas respecté l'objectif de maintenir la hausse de leur dépense sous 1,2 %, par exemple ?
Je signale que mon fichier ne présente que les données pour les communes de Corrèze. Surtout, je pose une nouvelle fois la question au Gouvernement et au rapporteur général : quelle taxe foncière sera prise en compte pour le calcul de la souscompensation et de la surcompensation ? S'agit-il de la taxe après abattement ? Comment ferez-vous dans les cas où ces taxes font l'objet d'une exonération pour les communes et non pour les départements, ou l'inverse ?
J'ai moi aussi reçu un fichier comprenant uniquement les données relatives aux communes corréziennes, avant de recevoir le reste. Comme les communes sont classées par coefficient correcteur, le fichier n'est d'ailleurs pas très maniable.
Surtout, l'article 5 ne traite du calcul du coefficient correcteur qu'à partir de l'alinéa 375. Les amendements qui tendent à supprimer les alinéas qui précèdent peuvent donc être examinés tout de suite...
Suivons la proposition de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général, et commençons dès ce soir la discussion sur les amendements demandant la suppression des premiers alinéas de l'article 5.
Je suis saisi de six amendements identiques, nos 226 , 647 , 648 , 820 , 1025 et 1501 .
L'amendement no 226 de Mme Émilie Bonnivard est défendu.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 647 .
Nous touchons ici à un point important de la réforme. Vous vous étiez engagé à procéder à un dégrèvement au profit de 80 % des contribuables. Or vous choisissez finalement un mécanisme d'exonération dont bénéficieront tous les contribuables pour leur résidence principale. Tout le monde sait pourtant que les seuls dispositifs propres à assurer sur le temps long la compensation euro pour euro sont les dégrèvements. À chaque fois qu'ils ont été remplacés par des exonérations ou des abattements, les collectivités locales y ont perdu, puisque ces deux dispositifs reposent sur des chiffres figés, qui ne prennent pas compte des évolutions.
Comme nous avons été roulés dans la farine plusieurs fois de cette manière, nous sommes devenus suspicieux. Ma question est la suivante : pourquoi n'utilisez-vous pas un mécanisme de dégrèvement ?
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 648 .
Il est identique au précédent. Pour éviter les répétitions, je vais poser une nouvelle question. Prenons l'exemple d'une commune qui a transféré en 2018 une compétence à l'EPCI – établissement public de coopération intercommunale – dont elle fait partie et qui, en conséquence, a baissé le taux de la taxe d'habitation cette année-là. Comme la compensation sera calculée à partir du taux d'imposition de 2017, cette commune sera gagnante, et l'EPCI sera perdant. Une répartition est-elle prévue au sein du bloc communal ? Est-ce bien à partir du taux d'imposition de 2017 que sera déterminée la compensation reçue par la commune, et la fraction de la TVA attribuée à l'EPCI ?
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 820 .
En choisissant un mécanisme d'exonération plutôt que de dégrèvement, vous revenez sur un engagement de l'État – alors que vous l'aviez réitéré plusieurs fois. Vous indiquiez que vous procéderiez à une compensation intégrale. Ce ne sera pas le cas. Si vous comptiez vraiment le faire, vous auriez maintenu un mécanisme de dégrèvement. C'est ce que propose l'amendement.
Comme les précédents, cet amendement vise à rétablir le dégrèvement ; c'est important.
Je vais tenter d'expliquer la disposition – d'après ce que j'en sais – car il me semble qu'elle suscite l'incompréhension. La transformation du dégrèvement en exonération entrera en vigueur en 2021, c'est-à-dire l'année du transfert à l'État du produit de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la mise en place du nouveau schéma de financement en faveur des collectivités territoriales. Dans la mesure où le produit de la taxe d'habitation sur les résidences principales sera « nationalisé » en 2021, la transformation du dégrèvement en exonération n'aura pas de conséquences financières pour les collectivités territoriales puisqu'elles bénéficieront d'une compensation dans le cadre d'un nouveau schéma – qui n'est ni un dégrèvement ni une exonération – consistant à transférer la part départementale de la taxe sur le foncier bâti aux communes et une fraction de la TVA aux EPCI.
En clair, le débat tel qu'il se déroule n'a pas lieu d'être. L'État assume la compensation intégrale des collectivités sur ses propres ressources. Telle était ma tentative d'explication pédagogique. Avis défavorable.
Je n'enlèverai pas un mot des propos du rapporteur général. J'ajouterai simplement ceci : à M. Pupponi qui estime que le dégrèvement est la meilleure solution, je rappelle, comme le disait Mme Pires Beaune, que les compensations sous forme de dégrèvements peuvent varier d'une année à l'autre et qu'il n'est jamais garanti, vous le savez comme moi, que les dégrèvements durent ad vitam aeternam. Surtout, je ferai appel à vos souvenirs d'une vie antérieure : imaginez-vous vraiment un impôt qui n'existerait plus, que plus personne ne paierait et qui, pourtant, serait dégrevé et au titre duquel les services fiscaux procéderaient chaque année à la révision des valeurs locatives et calculeraient un produit théorique pour ensuite le compenser par l'État en tant que part « commune » ? Cela ne fonctionne pas. Vous conviendrez avec moi que le dégrèvement ad vitam aeternam d'un impôt qui n'existe plus et qui n'est plus payé n'a pas de sens.
Nous avons donc fait le choix, comme l'a dit le rapporteur, de financer la suppression de la taxe d'habitation par des économies sans créer d'impôt nouveau en affectant aux communes la part départementale de la taxe foncière, étant entendu que l'État se prive d'une partie de la recette de TVA pour financer la compensation des départements. Je le répète pour la quatrième ou cinquième fois ce soir : nous le faisons en utilisant le compte d'avances afin que les recettes perçues par les départements, les intercommunalités et les communes soient des recettes fiscales, et non des dotations ou des allocations. Je partage en effet votre point de vue : les dotations et allocations versées en compensation d'une exonération ont toujours fini par être sinon gelées, du moins souvent grignotées. Le système d'inscription sur le compte d'avances que nous proposons est donc beaucoup plus fiable.
Enfin, madame Pires Beaune, le taux de référence pour les communes comme pour les intercommunalités est celui de 2017. De ce fait, les communes qui ont réduit leur taux de taxe d'habitation percevront une compensation établie à partir d'un niveau de recettes supérieur au niveau qu'elles percevront en 2020. À l'inverse, les communes qui ont augmenté leur taux de taxe d'habitation depuis 2017 percevront une compensation qui, indépendamment de l'évolution des bases, sera inférieure.
Permettez-moi à mon tour d'apporter quelques précisions pour la bonne compréhension collective de cette réforme. On peut en effet, madame Pires Beaune, faire un procès d'intention en affirmant que le coefficient finira par changer, mais ce n'est pas ce que prévoient l'article et le projet de loi. Au contraire, le système prévoit un coefficient fixe calculé pendant l'année de basculement, qui s'appliquera à une base dynamique. Je comprends certes que ceux de nos collègues qui ont quelques années d'expérience des réformes fiscales derrière eux se méfient, notamment à cause du fonds national de garantie individuelle de ressources, le FNGIR. La mesure proposée, cependant, est le contraire du FNGIR ! Il ne s'agit pas d'une exonération fixe destinée à évoluer dans le temps sans tenir compte de la situation des communes mais d'une ressource dynamique qui suivra les évolutions de la commune et à laquelle s'appliquera le fameux coefficient. Encore une fois, le coefficient est fixe et la ressource est dynamique dans le temps. C'est la nouveauté et la force de cette réforme que d'assurer aux communes une ressource dynamique !
Je vous remercie pour vos explications, monsieur le secrétaire d'État, mais je n'ai pas bien saisi le point suivant : que se passera-t-il concrètement pour une commune ayant augmenté son taux de taxe d'habitation depuis 2017 ?
Pourriez-vous nous donner un exemple précis afin que nous comprenions mieux ?
Prenons le cas d'une commune dont des compétences auraient été transférées à l'intercommunalité en 2018, en 2019 voire en 2020. Par définition, lorsque l'on joue le jeu – comme c'est le cas dans ma circonscription – , les communes abaissent leur taux à due concurrence de la hausse du taux de la communauté de communes, de façon à ce que le contribuable paie toujours le même montant. Du moins est-ce ainsi que chez nous, nous gérons nos affaires.
Expliquez-moi donc ceci : le coefficient correcteur – le « coco » – sera-t-il donc maintenu sur la base de 2017 ? Ce serait totalement aberrant !
D'autre part, vous prétendez supprimer la taxe d'habitation et son assiette : il n'en est rien ! Comme vous le savez, l'assiette est la même pour le foncier bâti et pour la taxe d'habitation, moyennant un coefficient de 50 % pour le foncier bâti. Quoi qu'il en soit, les bases de la taxe d'habitation existeront toujours, ne serait-ce que parce que vous continuez à l'appliquer aux résidences secondaires. La question est donc la suivante : faudra-t-il recalculer chaque année le montant de la compensation en tenant compte de l'évolution des compétences réparties entre les communes et les intercommunalités ?
Pas du tout ! Le transfert de la compétence des écoles représente des sommes considérables ! Je suis bien placé pour le savoir car, à la différence du président Cazeneuve, j'ai géré ma communauté de communes pendant vingt ans ! Ne me racontez donc pas d'histoires !
Je pose au ministre une question à laquelle il ne répond jamais. Si la commune ou la communauté de communes ont supprimé l'un ou plusieurs des trois abattements facultatifs, expliquez-moi donc comment vous calculez le « coco » ?
Sans vouloir insister trop lourdement, nous posons la question – simple – des abattements. Quelle est par exemple la taxe foncière transférée du département à la commune avec ou sans abattements ? Je pense notamment aux abattements de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bailleurs. Cet élément n'est pas neutre car son évolution diffère au fil du temps. Nous devons savoir comment il sera traité sur dix ans. Comment sera-t-il tenu compte d'un abattement de 100 % appliqué pendant vingt ans et qui arrive à terme ? Comment la commune retrouvera-t-elle cette recette ? Voilà notre question. Le calcul étant effectué à un instant t, comment est-il tenu compte de l'évolution des abattements qui, dans certaines communes, est très importante ? Je voudrais que l'on nous réponde.
À ces trois questions je ferai trois réponses, dont une qui ne satisfera pas les auteurs de la question – mais il me paraît difficile de les satisfaire ce soir. Nous reviendrons sur la question des abattements demain à l'occasion de la présentation de plusieurs amendements. Sur le plan technique, je dirai ceci : nous savons reconstituer une base dite fictive tenant compte des abattements et susceptible de geler la situation pendant une période longue afin de prendre en considération la différence d'abattement entre les collectivités et de garantir la compensation en recettes, comme je l'ai déjà indiqué. Encore une fois, nous y reviendrons demain plus précisément.
Deuxième point, monsieur de Courson : j'ignore comment vous avez géré les transferts de compétences dans votre collectivité. La règle de droit commun ne consiste pas à modifier le niveau de perception des impôts par la commune ou la communauté de communes, mais tout simplement à modifier le calcul des allocations de compensation.
Peut-être gériez-vous les choses différemment, mais je vous dis que le droit commun consiste à agir sur les allocations de compensation. Il se trouve que j'ai moi aussi géré une commune pendant dix ans, et quelques autres aussi.
Vous appliquiez une fiscalité unique mais en fiscalité additionnelle, les choses sont différentes !
Enfin, madame Louwagie, qu'une commune ait augmenté ses taux ou qu'elle les ait baissés, elle percevra en 2021 une compensation calculée sur la base des valeurs locatives de 2020 auxquelles nous appliquerons le taux de 2017. En l'état actuel du texte, par conséquent, le bénéfice fiscal qu'obtiendra la commune en 2018 ou en 2019 du fait d'une augmentation de taux – je ne parle ici que de l'augmentation de taux, et non de la dynamique des bases – sera perdu.
À l'inverse, les communes ayant diminué leurs taux – elles sont certes moins nombreuses que celles qui les ont augmenté mais elles existent – connaîtraient en 2021 une hausse de leurs recettes à hauteur de leur niveau de 2020.
J'ignore si Mme Louwagie a obtenu une réponse à sa question. Je repose la mienne : une commune ayant augmenté son taux en 2018 connaîtra donc une baisse de recette ?
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures :
Suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 18 octobre 2019, à zéro heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra