La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'administration générale et territoriale de l'État (n° 4524, tome III, annexe 3 ; n° 4525, tome I), aux sécurités (n° 4524, tome III, annexes 38 et 39 ; n° 4601, tome VIII ; n° 4525, tomes VII et VIII) et au compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (n° 4524, tome III, annexe 38).
La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Permettez-moi, pour commencer, de saluer la présence dans les tribunes de citoyens de la quinzième circonscription du département du Nord et plus particulièrement Tom Bécue, qui, pendant le premier confinement de 2020, alors qu'il n'était âgé que de 5 ans, a eu l'idée de créer une infirmière géante, prénommée Camille, pour célébrer nos soignants. Un tel engagement, à un si jeune âge, mérite pour le moins d'être salué et applaudi !
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Alors que nous examinons le dernier projet de loi de finances de la législature, je veux également saluer le travail des administrateurs de la commission des finances et en particulier celui de M. Raphaël Cazaux, qui m'a accompagné dans ma mission.
Avec 4,4 milliards d'euros de crédits en 2022, le budget de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" (AGTE) progresse de 4,5 % en crédits de paiement et de 5,4 % en autorisations d'engagement par rapport à l'année dernière. Rappelons que cette mission comprend trois programmes qui financent le réseau des préfectures, les fonctions support de l'administration centrale, ainsi que l'organisation des élections et le financement des partis politiques. La tenue des élections présidentielle et législatives en avril et juin prochains explique d'ailleurs en partie la hausse des crédits de la mission dans ce projet de loi de finances.
S'agissant du programme 354 Administration territoriale de l'État, doté de 2,4 milliards d'euros, soit la moitié des crédits de la mission, je constate une certaine stabilité de son budget et des emplois après deux années marquées par un changement de maquette budgétaire et par la réforme de l'organisation territoriale de l'État, tous deux ayant entraîné d'importants transferts.
Je note avec satisfaction le respect du premier engagement pris par le Comité interministériel de la transformation publique au mois de juillet dernier. Il était de « mettre fin à la baisse systématique des effectifs des services départementaux » ; or l'année 2022 sera en effet une année neutre, sans schéma d'emplois baissier, ce qui est appréciable. Il faudrait toutefois revenir sur une partie des baisses antérieures pour renforcer la présence de L'État dans les territoires. La dégradation des indicateurs de performance incite d'ailleurs à aller dans ce sens, les délais moyens d'instruction des titres d'identité ayant pratiquement doublé entre 2020 et 2021– ils demeureront élevés en 2022. Lors du Printemps de l'évaluation, j'ai dénoncé le manque de moyens humains des centres d'expertise et de ressources des titres (CERT) et l'inadaptation de certains de leurs outils informatiques. Ces difficultés concernent également les services des préfectures destinés aux étrangers. J'ai donc déposé un amendement visant à renforcer leurs moyens humains.
Je souhaite également appeler l'attention du Gouvernement sur la politique d'échange des permis de conduire étrangers. Au cours de mes travaux, j'ai constaté le manque criant de visibilité de l'administration territoriale, en particulier du CERT de Nantes, quant à la négociation et à l'entrée en application de nouveaux accords bilatéraux dont les répercussions pour l'administration, comme pour les usagers, ne sont guère anticipées. Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, il est urgent qu'un bilan exhaustif soit dressé dans la perspective d'une éventuelle remise à plat de cette politique.
J'en viens maintenant au programme 232 Vie politique, support budgétaire des élections présidentielle et législatives à venir. Ses crédits augmenteront de 12 % en 2022 par rapport à 2021, une hausse ayant déjà été enregistrée cette année du fait du double scrutin des élections régionales et départementales. Après le fiasco de l'acheminement de la propagande électorale lors de ces élections, permettez-moi de m'attarder quelques instants sur les mesures prises par le ministère de l'intérieur.
Concernant la mise sous pli à proprement parler, elle ne pourra plus être confiée à des prestataires privés et relèvera de nouveau des préfectures et éventuellement des communes par délégation. Cette pratique s'étant malheureusement perdue au fil des années, j'ai fait part de mon inquiétude à vos services, madame la ministre déléguée, concernant ses modalités pratiques, d'autant qu'elle exigera de mobiliser un grand nombre d'agents.
Quant à l'acheminement, qui a subi les défaillances les plus graves dans les régions dans lesquelles la société Adrexo était titulaire de l'accord-cadre, il fera l'objet d'un nouveau marché notifié d'ici au début de l'année prochaine. En application des règles de la commande publique, ce marché fera l'objet d'une mise en concurrence. Néanmoins, compte tenu des caractéristiques du marché postal et de l'élimination d'Adrexo, tout laisse penser que La Poste sera choisie. J'appelle de nouveau votre attention sur la nécessité de tenir compte des contraintes temporelles et de favoriser une bonne organisation afin d'éviter une nouvelle déconvenue, dont l'impact serait terrible pour l'adhésion de nos concitoyens à l'idéal démocratique.
Je termine avec le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur, qui sert de support budgétaire à l'administration centrale du ministère, hors police et gendarmerie. Il n'anime finalement qu'une seule politique publique, conduite par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), dont les crédits augmenteront de 4 millions, ce dont je me réjouis après leur baisse en 2021. Toutefois, cette hausse de 6 % en 2022 résultera principalement des mesures d'harmonisation en matière d'action sociale pour les agents, ainsi que d'une hausse des dépenses immobilières.
En conclusion, tout comme la commission des finances la semaine dernière, je vous invite à voter en faveur des crédits de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , qui assure des missions essentielles pour l'ensemble de nos concitoyens partout sur le territoire.
La parole est à M. Romain Grau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Les crédits de la mission "Sécurités " connaîtront, en 2022, une progression de plus de 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 6,8 % par rapport à 2021, pour atteindre 22,7 milliards. Ce budget confirme les efforts menés en faveur de la sécurité des Français depuis le début de la législature. En 2022, au terme d'une dynamique ininterrompue pendant cinq ans, les crédits de la mission auront progressé de 2,9 milliards, soit une hausse de 14,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Si l'on s'en tient aux seuls crédits de la police et de la gendarmerie, la progression est de 2,6 milliards, soit une hausse de 13,7 %. Les efforts auront été particulièrement massifs en matière d'effectifs, avec un plan de recrutement au terme duquel 6 415 emplois auront été créés sur le programme 176 Police nationale et 2 635 emplois sur le programme 152 Gendarmerie nationale. Tous ces efforts se sont particulièrement intensifiés depuis deux ans sous l'impulsion du Gouvernement. Le budget pour 2022 marque notamment, pour les forces de sécurité intérieure, le début de la mise en œuvre des mesures annoncées par le Président de la République à l'issue du Beauvau de la sécurité, dont l'objectif était de moderniser la politique publique de sécurité au bénéfice de la population, des policiers et des gendarmes.
Pour la police, un ensemble de mesures catégorielles sont inscrites dans le projet de loi de finances pour 2022 pour un montant de 15 millions. S'y s'ajoutent des mesures catégorielles nouvelles ne relevant pas du Beauvau de la sécurité, pour un montant de 1,75 million. Hors titre 2, le programme 176 Police nationale obtient un abondement supplémentaire de 493,2 millions en autorisations d'engagement, dont bénéficieront le fonctionnement, en particulier la formation, les moyens mobiles, les équipements, les systèmes d'information et l'immobilier. Ces crédits permettront notamment la généralisation des caméras-piétons, l'accélération du renouvellement des véhicules, la généralisation des terminaux Néopol et la poursuite, ainsi que l'approfondissement, du plan Poignées de porte.
Pour la gendarmerie nationale, les mesures catégorielles du Beauvau s'élèvent à 13 millions d'euros. Hors titre 2, ce sont 255,8 millions en autorisations d'engagement qui permettront d'améliorer la formation, les moyens de protection et d'intervention et le parc de véhicules. Je tiens à souligner que 20 millions seront consacrés à l'entretien courant et permettront d'améliorer la sécurisation des casernes, tandis que 70 millions contribueront au lancement de grands projets structurants pour la gendarmerie nationale en matière immobilière, tels que les projets de Balma ou de Satory.
Les recrutements se poursuivront au-delà de l'année 2022. Le président de la République a ainsi appelé au doublement, en dix ans, de la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique. Il conviendra de renforcer corrélativement les capacités de formation et de mieux planifier le remplacement des matériels et la maintenance des locaux. La prochaine loi de programmation pour les sécurités intérieures sera l'occasion de nous inscrire dans une vision de long terme, d'anticiper les besoins et de prendre en compte les réalités les plus pratiques et les instruments les plus sûrs pour réaliser l'ambition que nous nourrissons pour nos forces de sécurité intérieure et pour la sécurité des Français. Il conviendra aussi, en matière de ressources humaines, de nous pencher sur des sujets tels que la fidélisation des agents de la région parisienne ou la nécessaire revalorisation de la filière d'investigation.
J'en viens au programme 207 Sécurité et éducation routières. L'année 2020, avec ses confinements et ses couvre-feux, a été particulièrement atypique : 2 780 personnes ont perdu la vie sur les routes de France, soit 20,1 % de moins qu'en 2019 – un résultat jamais atteint depuis 1925 alors qu'il y a près de cent ans, le nombre de véhicules en circulation était près de cinquante fois inférieur. Alors que les déplacements reviennent aujourd'hui à la normale, l'enjeu est d'obtenir des résultats meilleurs qu'en 2019. À la fin du mois d'août dernier, 1 821 personnes avaient perdu la vie sur les routes en métropole depuis le début de l'année, soit 315 morts de moins qu'au mois d'août 2019. La politique de sécurité routière est donc efficace et doit être poursuivie. En 2022, les crédits du programme 207 Sécurité et éducation routières progresseront d'un tiers, principalement en raison de l'acquisition de kits de dépistage et de vérification pour les forces de l'ordre engagées dans la lutte contre l'usage de stupéfiants lors des contrôles routiers. Je rappelle que 13 % des conducteurs contrôlés dans les accidents mortels de la circulation sont positifs aux stupéfiants.
Quant au compte d'affectation spéciale "Contrôle de la circulation et du stationnement routiers" , dit aussi CAS sur les radars, ses recettes devraient s'élever à 1,5 milliard en 2022, en baisse de 4,7 %. Les crédits du programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière progressent cependant légèrement, principalement pour moderniser les radars automatiques.
Chers collègues, je vous invite à adopter les crédits des programmes Police nationale, Gendarmerie nationale et Sécurité et éducation routières, ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale "Contrôle de la circulation et du stationnement routiers" .
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Brahim Hammouche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais souligner le caractère singulier de la politique de sécurité civile, laquelle est largement décentralisée, ce qui explique un programme budgétaire faiblement doté en comparaison des autres programmes de la mission "Sécurités – " 570 millions en crédits de paiement pour l'année 2022. Ce sont les collectivités locales qui fournissent l'essentiel de l'effort, soit 5 milliards tous les ans, pour financer les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
L'État a certes un rôle subsidiaire pour ce qui est du budget de cette politique, mais il est un acteur essentiel dans la définition de sa stratégie nationale, dans l'acquisition et l'entretien des moyens aériens de la sécurité civile et dans la coordination des multiples acteurs – sapeurs-pompiers professionnels, sapeurs-pompiers volontaires, associations agréées, services de secours relevant du ministère de la santé, etc. L'État gère aussi les crises de trop grande ampleur pour être gérées au niveau local, telles que les inondations, les feux de forêt et les autres catastrophes naturelles. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur – DGSCGC –, dont j'ai bien sûr auditionné les représentants, est chargée de ces différentes missions.
Toutes les personnes que j'ai entendues me l'ont dit : les crises sont malheureusement de plus en plus fréquentes du fait du réchauffement climatique. Les feux de forêt en sont la triste illustration. L'épidémie de covid-l9, quant à elle, a considérablement fragilisé les associations agréées de sécurité civile, qui ont eu bien plus de travail au cours de l'année écoulée, mais bien moins de recettes, parce qu'elles ne pouvaient pas exercer leurs activités rémunérées pendant les confinements. En 2020, de nombreuses associations ont failli disparaître, mais le Gouvernement a décidé de leur accorder une aide exceptionnelle de 21 millions, ce qui a permis de les sauver. Cette subvention n'a pas été reconduite en 2021. J'espère que les associations agréées pourront diversifier leurs sources de financement et retrouveront leur équilibre d'avant la crise.
Un autre sujet majeur concerne la modernisation, urgente et nécessaire, des moyens aériens de la sécurité civile. En 2020, l'ancienne génération d'avions a été mise hors service à cause d'un défaut de construction. La nouvelle génération est en train d'être livrée : nous avons déjà reçu un avion en mars et un deuxième arrivera dans un mois, ce qui représente un coût total de 80 millions d'euros cette année ; un nouvel avion sera livré l'an prochain et un dernier en 2022. Grâce à cet effort d'investissement, les indicateurs de performance liés à la lutte contre les feux de forêt sont en constante progression.
C'est la modernisation de la flotte des hélicoptères qui nécessitera certainement le plus d'investissements dans les années à venir. En effet, la sécurité civile est censée disposer de trente-huit hélicoptères pour respecter son contrat opérationnel ; or quatre hélicoptères ont été perdus dans des accidents ces dernières années. Dans le cadre du plan de relance, il a été décidé – et c'est une excellente chose – de racheter deux hélicoptères, mais il en manquera encore deux. Je vous alerte donc sur le fait que ces hélicoptères manquants causent une sursollicitation des appareils existants, qui s'usent prématurément et coûtent très cher à entretenir. À moyen terme, il faudra donc faire un effort d'investissement supplémentaire pour réduire les dépenses de fonctionnement et améliorer nos capacités opérationnelles.
Je termine en évoquant un dernier enjeu qui a davantage trait à la prospective ou à la perspective d'avenir. Le système d'information et de commandement unifié de la sécurité civile, NexSIS 18-112, va enfin pouvoir être déployé, son lancement ayant été décalé d'un an du fait de la crise sanitaire. Il s'agit d'une véritable innovation, essentielle à la coordination, à l'interopérabilité et à l'efficacité opérationnelle des forces de sécurité civile. Aujourd'hui, chaque service d'incendie et de secours dispose de son propre système d'information, ce qui pose des problèmes de fiabilité et de sécurité des données. Grâce au nouveau système harmonisé, tout sera interopérable. C'est un vrai progrès, qui sera mis en œuvre progressivement et en priorité dans les départements d'Île-de-France, dans la perspective des Jeux olympiques de 2024. Nous pourrons ainsi montrer au reste du monde notre savoir-faire et faire rayonner notre modèle en matière de protection et de sécurité civile.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La mission Administration générale et territoriale de l'État regroupe les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère de l'intérieur, à ses fonctions support, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion. Elle retrace également les financements destinés aux partis politiques – cela a été précisé –, ainsi que les crédits affectés à l'organisation des élections.
En 2022, les crédits de paiement de la mission devraient connaître une hausse importante de près de 190 millions d'euros, soit une augmentation de 4,5 %, pour atteindre 4,4 milliards d'euros. La dépense progresse sur les trois programmes de la mission : les crédits du programme Administration territoriale de l'État augmentent de 52 millions d'euros, conséquence de la hausse des effectifs ; ceux du programme Vie politique intègrent une hausse de 55 millions d'euros, en raison du coût des élections présidentielle et législatives – l'année 2021 a elle aussi connu deux scrutins mais de nature différente ; enfin, les crédits du programme support Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur sont en hausse de 85 millions d'euros, du fait d'une hausse des dépenses en matière d'action sociale et d'immobilier.
La stabilisation des effectifs de nos préfectures est certes une bonne chose, puisqu'elle succède à plusieurs années de réductions. Il faudrait néanmoins sans doute aller plus loin, afin de redonner des marges de manœuvre et des capacités d'action à l'administration territoriale de l'État – je pense notamment aux préfectures, qui se sont longtemps vues déshabiller de leurs effectifs au profit d'administrations d'échelle régionale, dont le pilotage politique apparaît de plus en plus fuyant et inefficient.
De cette question dépendent la proximité et l'accessibilité de nos services publics, et surtout l'efficacité de l'action publique. Je rappelle à cet égard que les effectifs dédiés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales ont fortement diminué, passant de 2 841 ETPT – équivalents temps plein travaillés – en exécution en 2017 à 2 063 prévus pour 2022. Ainsi, on se rend compte que la hausse prévisible des effectifs ne se concentrera pas auprès des collectivités territoriales, alors que c'est là, au plus proche du terrain, auprès des élus et des projets locaux, que nous avons besoin d'État.
J'en viens au thème que j'ai choisi d'étudier plus particulièrement dans le cadre de l'examen du présent budget : l'organisation des élections régionales et départementales de 2021, en comparaison avec celles, présidentielle et législatives, qui auront lieu en 2022. Ce sont deux années particulières, permettant des comparaisons qui me semblent pertinentes.
Les élections de 2021 ont été singulières à plusieurs égards. Organisés dans un contexte de crise sanitaire, les deux scrutins se sont tenus le même jour et ont fait l'objet d'un report de trois mois, de mars à juin 2021 ; ils ont donné lieu à un niveau d'abstention qui n'avait jamais été atteint. Le coût de l'organisation des dernières élections régionales a été estimé à 170 millions d'euros, et des départementales à 148 millions. Les coûts supplémentaires occasionnés par la crise sanitaire ont représenté environ 35 millions d'euros, soit près de 10 % de la prévision initiale. En effet, l'État a assuré la fourniture d'équipements de protection sanitaire et s'est engagé à rembourser les parois de plexiglas achetées par les maires, tandis que les plafonds de campagne ont été majorés de 20 %. Dans l'ensemble, un tel surcoût ne me paraît pas disproportionné d'autant que, malgré la majoration des plafonds, les dépenses n'ont augmenté que de 10 %.
En revanche, de graves dysfonctionnements ont été constatés à l'occasion de la distribution de la propagande électorale. J'ai travaillé sur ce sujet avec mon collègue Jean-Michel Mis et nous avons remis il y a quelques jours à la commission des lois un rapport dans lequel nous formulons plusieurs propositions. Lors de l'examen des crédits en commission, nous avons insisté sur la prudence dont il faudra faire preuve, madame la ministre déléguée, dans le processus de réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale. Je pense en effet que ce qui est dans les tuyaux – ou ce qui était dans les tuyaux jusque-là – est une véritable usine à gaz, encore plus que ce qui a été imaginé concernant la mise en concurrence de la distribution. Attention ! On a un peu déshabillé les effectifs des préfectures pour ce qui est de l'organisation des élections ; elles ne sont pas, pour la plupart, à même de digérer la réinternalisation de la mise sous pli.
Madame la ministre déléguée, c'est sur ces éléments que je souhaiterais pouvoir vous entendre, en vous appelant à faire preuve de prudence au cours de ce processus de transition.
Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure spéciale, applaudit.
La parole est à M. Xavier Batut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Le 14 septembre dernier, à Roubaix, le Président de la République mettait un point final à huit mois de réflexion et d'échanges ayant eu lieu dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Traduction concrète de ces échanges, le trait principal du projet de budget de la gendarmerie pour 2022 est l'augmentation – hors dépenses de personnel – des crédits du programme 152 Gendarmerie nationale de 295 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 232 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente un effort majeur du budget de l'État envers les forces de gendarmerie.
Ces crédits supplémentaires devraient permettre de financer la modernisation des moyens de télécommunication de la gendarmerie, de favoriser la montée en compétence des gendarmes et d'améliorer les conditions de présence de ces derniers sur le terrain. Je me réjouis de cette hausse de crédits au profit de nos forces de gendarmerie, qui œuvrent nuit et jour sur 96 % du territoire national pour assurer la sécurité des Français. Depuis l'an dernier, l'effort a aussi été renforcé par les crédits du plan de relance en faveur du renouvellement des véhicules et des casernes de nos gendarmes. J'estime que ces efforts budgétaires devront être pérennisés dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), annoncée par le Président de la République.
S'agissant de l'investissement immobilier, je me félicite que le Beauvau de la sécurité ait permis de porter les crédits à 183 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 113 millions d'euros en crédits de paiement l'an prochain. J'estime qu'il convient de sanctuariser ces crédits dans la future LOPPSI. Il faudrait même aller plus loin et doter ce poste budgétaire de 300 millions d'euros par an. Si nous voulons que le parc immobilier de la gendarmerie redevienne viable et pour éviter sa dégradation irréversible, des investissements lourds et continus sont en effet nécessaires. J'ai déposé un amendement d'appel en ce sens.
Concernant les dépenses liées au personnel, j'appelle votre attention sur la nécessité d'inscrire en loi de finances les crédits nécessaires à la montée en puissance de la réserve opérationnelle. Le Président de la République a en effet annoncé que le nombre de réservistes, ces « gendarmes du dernier kilomètre », passerait de 30 000 à 50 000 d'ici 2025. J'ai déposé deux amendements à ce sujet.
Par ailleurs, comme je l'ai dit l'an dernier, il est impératif de redéfinir le périmètre de la mise en réserve des crédits budgétaires. Actuellement, le taux de mise en réserve appliqué par le ministère de l'économie et des finances s'élève à 4 %, hors dépenses de personnel. Cela entraîne un effet d'éviction sur les dépenses d'entretien des véhicules et des casernes. Un taux de mise en réserve réduit à 0,5 % est déjà appliqué actuellement, y compris hors dépenses de personnel, à certains programmes particulièrement contraints, en particulier Aide à l'accès au logement, Handicap et dépendance et Inclusion sociale et protection des personnes. Le budget de la gendarmerie étant lui aussi très contraint, je préconise pour le programme 152 l'application d'un taux de mise en réserve de 0,5 % au lieu des 4 % en vigueur.
Ensuite, je considère qu'il faut faire progresser les effectifs de la gendarmerie nationale, ainsi que les moyens associés à une telle hausse, au même rythme que la croissance démographique observée dans sa zone de compétence. Je rappelle que la croissance démographique, structurellement plus importante en zone gendarmerie, s'est encore accentuée de manière conjoncturelle dans les territoires périurbains et ruraux, à la suite des confinements successifs.
Enfin, il me paraît nécessaire de donner des marges de manœuvre budgétaires aux commandants de compagnie. J'ai donc déposé un amendement tendant à créer une dotation de fonctionnement au profit de cet échelon de commandement.
J'en viens à présent au thème de mon rapport : la « militarité ». Sans son statut militaire, la gendarmerie cesserait d'exister, et elle ferait disparaître avec elle son maillage territorial. Or elle est le dernier service public présent sur certains territoires. Ce modèle militaire, chers collègues, me semble absolument devoir être conforté ; je le dis ici devant vous et vous me direz que c'est une évidence. Pourtant – nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises –, il serait mis à mal s'il nous fallait commencer à compter les heures d'astreinte de nos gendarmes – ainsi que celles de nos pompiers, d'ailleurs –, comme semble le suggérer la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt rendu le 15 juillet dernier.
Enfin, toujours en lien avec la militarité, je voudrais revenir sur un dernier sujet, et non des moindres : celui des mutualisations de moyens au ministère de l'intérieur. On peut comprendre que dans un souci de bonne gestion et d'économies budgétaires, le ministère souhaite mutualiser nombre de fonctions entre les deux forces de sécurité intérieure ; c'est notamment le cas des achats, de la logistique, du numérique et du soutien automobile. Mais il ne faudrait pas que les mutualisations fassent perdre en autonomie, en efficacité et surtout en résilience ce qu'elles font peut-être gagner sur le plan financier. La mutualisation des moyens ne doit pas avoir pour effet de tirer la gendarmerie vers le bas.
Chers collègues, en évoquant la militarité dans mon rapport, je voulais aussi, encore une fois, rendre un hommage appuyé à nos 130 000 gendarmes d'active et de réserve qui, quels que soient les risques et les circonstances, agissent jour et nuit pour assurer la sécurité des Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le projet de loi de finances pour 2022 concrétise sur le plan budgétaire l'engagement du Gouvernement et de la majorité en faveur de la sécurité. Il s'inscrit dans la trajectoire amorcée en 2017, par laquelle les crédits de la police et de la gendarmerie auront bénéficié d'une hausse globale de près de 3 milliards d'euros, soit une croissance d'environ 14 % sur l'ensemble du quinquennat. Plus de 1 milliard d'euros supplémentaires seront engagés par l'État dès l'année prochaine, en intégrant les dotations prévues par le plan de relance. C'est donc tout naturellement que la commission des lois, dont je suis rapporteur pour avis, s'est prononcée favorablement sur les crédits de la mission "Sécurités" .
Cette évolution tire toutes les conséquences du Beauvau de la sécurité, qui a permis de mettre en lumière le dévouement de l'ensemble des forces de l'ordre, dont les missions au service de nos compatriotes se situent au cœur de notre pacte républicain. Ce moment d'échanges et de rencontres a également offert l'occasion d'objectiver les multiples difficultés auxquelles ces hommes et ces femmes sont confrontés au quotidien. Permettez-moi de saluer ici le travail accompli par les 250 000 policiers et gendarmes, notre force publique, « instituée pour l'avantage de tous », selon la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Cet effort budgétaire se décline aux niveaux humain, matériel ou encore immobilier.
Au niveau humain, notons le recrutement de 761 policiers et 185 gendarmes supplémentaires dans le cadre du plan de création de 10 000 emplois à l'horizon 2022. La progression des effectifs participe au renforcement de la présence des bleus sur le terrain, au contact direct de la population.
Au niveau matériel, l'effort budgétaire a permis le renouvellement du matériel dont disposent les forces de l'ordre, qu'il s'agisse de leurs véhicules d'intervention, des outils technologiques qu'ils peuvent ou pourront bientôt utiliser afin d'accomplir leur tâche – caméras-piétons, caméras embarquées et drones – ou de la rénovation des systèmes d'information et de communication – un travail essentiel.
Au niveau immobilier, la mise en œuvre de projets d'envergure permet de poursuivre la réhabilitation des commissariats et des casernes pour améliorer concrètement les conditions de travail de nos agents.
Bien sûr, ces enjeux budgétaires se conjuguent aux réformes initiées, discutées et adoptées par le Parlement depuis 2017. Ce travail législatif de grande ampleur, dont le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure constitue l'une des dernières grandes étapes, aura vocation à se poursuivre dès l'année prochaine, je l'espère, par l'examen d'une grande loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, j'ai choisi de consacrer mon intervention à l'activité des forces d'intervention spécialisées de la police et de la gendarmerie. L'action du RAID, de la brigade de recherche et d'intervention de la préfecture de police de Paris (BRI-PP) et du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est médiatisée lors des crises d'ampleur nationale – l'actualité des procès du 13 novembre 2015 nous le rappelle –, mais relativement méconnue le reste du temps.
J'ai eu le privilège de visiter chacune de ces unités dans leurs locaux, à Bièvres pour le RAID, à la préfecture de police de Paris pour la BRI-PP et à Versailles pour le GIGN. Présentes sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, ces trois unités d'élite accomplissent des missions de lutte antiterroriste et de lutte contre la criminalité organisée afin de prévenir ou mettre fin à des attaques ou des prises d'otages.
Selon le schéma national d'intervention mis en place en avril 2016, le RAID, la BRI-PP et le GIGN doivent agir à la suite de la mobilisation des forces de premier et deuxième niveau constituées par les forces d'intervention dites élémentaires et intermédiaires, chargées d'assurer l'intervention initiale dans les meilleurs délais.
Cependant, ces missions d'intervention constituent en réalité une part minoritaire de l'activité du RAID, de la BRI-PP et du GIGN. L'essentiel de leur activité s'étend à des tâches moins spectaculaires, relevant par exemple de l'assistance judiciaire ou de la protection des personnalités. La réussite de leurs opérations dépend notamment de leur capacité de projection, au regard de la dangerosité des situations auxquelles ces unités d'élite sont confrontées, ce qui soulève des enjeux tenant aux moyens budgétaires, humains et techniques dont elles disposent.
Si leur autonomie me semble devoir être préservée, l'approfondissement de leur coopération s'inscrit dans la perspective plus large du renforcement constant de leur efficacité. Je formule plusieurs préconisations afin d'atteindre cet objectif, à la lumière des échanges que j'ai pu avoir sur le terrain avec les responsables, mais aussi les membres de ces unités.
La sensibilité extrême et la diversité des missions qui incombent au RAID, au GIGN et à la BRI-PP impliquent des qualités physiques et morales hors du commun, que ce soit à l'épreuve de preneurs d'otages, de terroristes, ou plus quotidiennement de forcenés. Ce fut récemment le cas à Lyon, où le GIGN a interpellé un homme retranché qui avait préalablement tiré à plusieurs reprises sur les gendarmes. Je tiens à rendre hommage à nos forces d'intervention spécialisées et à leur témoigner la reconnaissance sincère de la représentation nationale.
La parole est à M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La sécurité civile joue un rôle essentiel dans notre pays, comme cela nous est rappelé à chaque crise que nous traversons. Les hommes et les femmes qui ont choisi d'y faire carrière se trouvent souvent en première ligne pour protéger nos concitoyens des catastrophes qui frappent le territoire, tant dans l'Hexagone que les outre-mer.
Certes, le budget consacré à la sécurité civile augmentera de 9,6 % en 2022 par rapport aux précédents exercices, soit environ 8 % d'augmentation si l'on prend en compte les perspectives d'inflation pour l'année prochaine. Il stagne pourtant sur l'ensemble de la législature, malgré l'engagement de dépenses d'investissement considérables, attendues de longue date et qui révèlent la vétusté de nos équipements.
Les crédits soumis à nos débats représentent une faible part de l'ensemble des dépenses consacrées à la sécurité civile : l'État finance à peu près un tiers de ce total, dans le cadre de ce programme, d'autres programmes du budget général et par l'intermédiaire de la fiscalité transférée aux collectivités. Ce sont ces dernières qui fournissent le plus gros effort en finançant notamment les services départementaux d'incendie et de secours, qui sont au cœur des missions de la sécurité civile.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je souhaite insister sur la préparation des acteurs de la sécurité civile outre-mer face aux nombreux risques naturels auxquels les collectivités ultramarines sont confrontées. Nos territoires sont fragiles à trois égards : du fait de leur éloignement de l'Hexagone ; du fait de la forte concentration de la population sur le littoral et, à l'exception de la Guyane, du fait de leur insularité, voire de leur multi-insularité. Les risques naturels auxquels ils sont soumis sont nombreux : séismes, éruptions volcaniques, cyclones, inondations par submersion marine, feux de forêt, recul du trait de côte, invasion d'algues sargasses, etc. Ils mettent à l'épreuve les effectifs de la sécurité civile, auxquels je veux rendre un hommage appuyé, comme nous l'avons fait en commission. Au fil des auditions menées pour préparer cet avis budgétaire, j'ai pu constater leur grand professionnalisme. Je regrette néanmoins que les moyens consacrés à la sécurité civile outre-mer ne soient pas encore à la hauteur des enjeux actuels, mais surtout des défis à venir, car sous l'emprise du changement climatique, certains événements naturels se feront plus fréquents et plus intenses dans les prochaines décennies et requièrent une préparation particulière.
L'avis budgétaire retient onze recommandations visant à renforcer la sécurité des populations exposées et plus largement à améliorer le fonctionnement de la sécurité civile en outre-mer. Permettez-moi d'insister sur quelques-unes d'entre elles : la première concerne l'accroissement des moyens de la sécurité civile outre-mer. Une réflexion est en cours à ce sujet au sein du ministère de l'intérieur, je souhaite vivement qu'elle aboutisse à un renfort de ses moyens à court terme pour assister les personnels des SDIS, parfois débordés par des sollicitations de plus en plus nombreuses.
Plusieurs recommandations ont trait au rôle des observatoires, essentiels à la meilleure compréhension des événements climatiques et à leur anticipation. L'installation d'une telle structure de plein exercice à Mayotte me paraît nécessaire, de même qu'un renforcement des synergies entre le personnel de ces structures et celui de la sécurité civile. Alors que le délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer a été supprimé, il importe de s'assurer que les missions qui lui étaient dévolues pourront être remplies par une structure analogue, par exemple par la mission d'appui aux politiques publiques de prévention des risques majeurs dans les territoires ultramarins, créée récemment.
Des efforts en matière de prévention doivent être faits. Il pourrait être pertinent de généraliser les « journées japonaises » développées en Guadeloupe et d'associer le personnel de la sécurité civile aux campagnes menées par les scientifiques des observatoires, afin de les sensibiliser aux risques naturels et à leur manifestation. D'autres recommandations de l'avis budgétaire concernent le bien connu fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, dont les modalités d'accès demeurent trop contraignantes, ainsi que les plans de prévention des risques naturels – PPR –, qui doivent être systématiquement élaborés et régulièrement actualisés. J'ai bien noté la généralisation de la communication satellitaire l'an prochain, je serais attentif à ce déploiement, dont l'intérêt a été souligné par le président et le directeur du SDIS de Mayotte. Pour ce qui concerne particulièrement le cent unième département français, si le risque que survienne un événement dramatique majeur est statistiquement faible à court terme, il existe néanmoins et un tel événement mettrait en danger la vie de nombreuses personnes. C'est pourquoi je demande solennellement la création sans délai d'une mission interministérielle pour intégrer au plus vite l'émergence du phénomène sismo-volcanique au PPR et au plan ORSEC (organisation de la réponse de sécurité civile).
Je suis convaincu que ces recommandations, travaillées avec les personnes auditionnées et détaillées dans l'avis budgétaire, nous permettront d'améliorer le quotidien du personnel de la sécurité civile tout en prévenant les ruptures d'égalité et d'assurer une meilleure protection des populations et des services essentiels dans les territoires ultramarins.
Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Christophe Euzet.
Je serai bref concernant la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , sur laquelle beaucoup a déjà été dit, pour me réjouir avec le groupe Agir ensemble de la progression globale des crédits qui lui sont attribués, que ce soit en matière d'exercice des libertés publiques – donc des actions d'organisation des élections – mais également en matière de continuité de l'État ou de déclinaison locale des politiques publiques de l'intérieur et d'administration territoriale de l'État.
Je me réjouis des mesures d'insertion consacrées aux personnes handicapées, de promotion de la laïcité, mais également du maintien du personnel en préfecture et en sous-préfecture, dans une période où la question de la présence humaine de l'État auprès des citoyens est d'une acuité toute particulière.
La mission Sécurités occupera l'essentiel de mon propos. On ne peut que se réjouir de l'augmentation substantielle des crédits alloués, à hauteur de 1 milliard d'euros, qui montre que le Gouvernement a pris la mesure du problème que pose aujourd'hui la sécurité pour nos concitoyens. Qu'il s'agisse de la gendarmerie, de la police, de la sécurité civile ou de la sécurité et de l'éducation routières, on voit poindre les premiers effets du Beauvau de la sécurité. Un projet pour la sécurité de 2030, en attendant l'adoption de la future LOPSI, fixe l'objectif d'un doublement des effectifs sur le terrain dans dix ans. Nous ne pouvons que nous en satisfaire.
Je pourrais égrainer les différents points de satisfaction : augmentation significative des crédits attribués à la numérisation, au perfectionnement du matériel et aux investissements immobiliers ; réalisation du plan « 10 000 jeunes » relatif à la gendarmerie et à la police et renforcement de la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, et des renseignements territoriaux. Nous n'avons pas encore parlé de l'augmentation des crédits attribués à des actions sociales, notamment en matière de logement, de la mobilisation de moyens pour lutter contre le suicide ou de l'amélioration de la formation des gardiens de la paix, dont la durée est portée à vingt-quatre mois.
Mais comme on le dit souvent dans cet hémicycle, l'argent ne fait pas tout, l'essentiel étant plutôt le fil conducteur, la logique idéologique qui guide la dépense. Cette logique se manifeste par un respect significatif de ce que l'on pourrait appeler les exigences républicaines : renforcement de la police de proximité, recherche perpétuelle d'amélioration de la transparence, optimisation de la formation qui doit conduire à une exemplarité renforcée, obsession de l'efficacité afin de mieux combattre la délinquance, d'optimiser l'emploi des forces sur le terrain et de mieux territorialiser l'action de l'État en matière de sécurité.
Elle se manifeste ensuite par des exigences sociales : accueil renforcé et amélioré des victimes, notamment grâce au guichet unique ; délais de traitement amélioré des enquêtes pour faire la lumière et juger plus vite les personnes qui ont commis un certain nombre de méfaits.
En dernier lieu, les exigences techniques relatives au temps présent ont déjà été rappelées : l'adaptation aux nouvelles technologies – notamment les moyens consacrés à l'amélioration de la lutte contre la cybercriminalité – et les nouvelles expertises, dont nous reparlerons en évoquant les crédits consacrés à la sécurité civile.
C'est ainsi que se construit la sécurité de demain. Aux yeux du groupe Agir ensemble, la situation s'améliore dans ce domaine, toujours dans le respect de nos principes républicains et organisationnels mais aussi de nos libertés fondamentales, à l'égard desquelles nous sommes extrêmement vigilants.
Je précise, madame la ministre déléguée, que notre collègue Alexandra Louis présentera un amendement d'appel visant à développer le recours aux travaux d'intérêt général – TIG. Quoi qu'il en soit, nous voterons bien volontiers les crédits de ces missions.
Tout d'abord, il me semble important de saluer l'évolution des crédits de la mission "Sécurités" , une augmentation non seulement nécessaire mais aussi salvatrice, tant la situation de nos forces de police et de gendarmerie est difficile actuellement. Quiconque prétendrait le contraire serait à l'évidence de mauvaise foi.
Nous devons cependant mener une réflexion plus large, notamment en nous interrogeant sur l'adéquation de ce budget avec les nombreuses réformes votées cette année. Nous avons effet adopté énormément de textes – les médias s'en sont largement fait l'écho – dont l'application demandera encore plus de travail de la part de nos forces de sécurité intérieure, de police comme de gendarmerie.
Or elles sont déjà en sous-effectif. Vous le savez, lorsqu'on discute avec les représentants de la police nationale et qu'on se rend sur le terrain, dans les commissariats, tous tiennent le même discours : « Nous sommes en sous-effectif. » Or nous leur confions des missions supplémentaires !
Il est important de prendre en considération cette situation et surtout de mettre fin à tout le travail obsolète qu'ils doivent accomplir, à toute cette « administrocratie », autrement dit à toutes les tâches administratives dont ils ont la charge mais qui, au fond, ne relèvent pas de leur cœur de métier. Je pense, entre autres, à la délivrance des procurations : il faudrait donner davantage de moyens aux préfectures pour qu'elles s'en occupent.
En outre, certaines heures supplémentaires n'ont pas encore été payées, même si un effort – qu'il faut également saluer – a été fait en ce sens au cours des dernières années. Il faut verser ces sommes le plus rapidement possible. Les heures supplémentaires étant, vous le savez, encore plus nombreuses le week-end, espérons que des manifestations de gilets jaunes – ou d'un autre type – ne se tiendront pas prochainement si nous ne voulons pas voir encore augmenter le crédit d'heures supplémentaires.
Si les taches indues étaient supprimées, il serait également possible de proposer plus d'heures de formation à nos policiers et à nos gendarmes. Or celles-ci seraient nécessaires sur certaines questions, par exemple les violences faites aux femmes, un sujet qui, je le sais, vous tient particulièrement à cœur, madame la ministre déléguée.
À ce propos, vous avez annoncé en commission l'expérimentation d'un dispositif de recueil de plainte chez autrui. À ce jour, cependant, nous ne savons pas dans quels territoires elle se déroulera.
Il est important que les territoires d'outre-mer y participent. Mes collègues Philippe Dunoyer et Philippe Gomès tenaient à vous rappeler la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie en la matière. Pourquoi ce territoire n'accueillerait-il pas l'expérimentation d'un tel dispositif ?
S'agissant de la sécurité civile, la proposition de loi relative à la valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers, déposée par Fabien Matras, suscite de fortes attentes. Alors que le texte issu de la commission mixte paritaire sera examiné dans trois semaines par notre assemblée, nous espérons que le budget sera à la hauteur. Nous sommes très préoccupés par le manque de moyens destinés à indemniser les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires – nous présenterons d'ailleurs un amendement sur cette question.
Concernant la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , nous espérons que le Gouvernement a tiré les enseignements des dysfonctionnements observés lors des élections régionales et départementales et que les prochains scrutins se dérouleront dans de meilleures conditions. La crise sanitaire n'est pas derrière nous, nous devons en être conscients.
Par ailleurs, notre groupe considère que la fraude documentaire représente un problème important. La commission d'enquête constituée à ce sujet avait démontré l'ampleur du phénomène. Pourtant, le taux de fraude documentaire détectée par les préfectures est encore très bas. Il faut se saisir rapidement de la question.
Après avoir appelé votre attention sur ces différents sujets de préoccupation, je tiens à saluer à nouveau l'augmentation des crédits de ces missions et j'annonce que le groupe UDI et indépendants les votera.
Nous sommes réunis cet après-midi pour répondre à une question : à la fin de ce quinquennat, l'État s'est-il doté d'un ministère de l'intérieur plus performant et plus présent dans les territoires ? Je dispose de cinq minutes pour tenter d'y répondre – cinq minutes pour deux missions et un compte spécial qui totalisent 27,53 milliards d'euros, soit 92 millions par seconde.
Sourires.
J'irai droit au but : le groupe Libertés et territoire salue l'engagement sans faille dont ont fait preuve l'ensemble des agents du ministère mais ne peut afficher le même soutien aux grandes orientations prises ces dernières années.
Je commencerai par la mission "Administration générale et territoriale de l'État" . Notre collègue rapporteure spéciale, Jennifer De Temmerman, a rappelé très justement le manque de moyens dont souffrent les centres d'expertise et de ressources et les faiblesses du plan Préfectures nouvelle génération. Ces failles ne font qu'accroître l'éloignement entre citoyens et administrations déconcentrées. Les moyens dédiés aux préfectures pour gérer les problématiques liées aux migrations, chroniquement insuffisants eux aussi, conduisent à des retards majeurs embolisant tout le système.
Je veux aussi insister sur l'organisation déplorable des élections en 2021 – le terme « désorganisation » serait même plus adéquat. En dehors de la responsabilité de la société Adrexo, notre groupe regrette le manque de réaction du ministère. Nous gardons en souvenir plusieurs réunions du comité de liaison parlementaire au cours desquels les dysfonctionnements ont été largement minimisés, presque niés. Ils étaient pourtant massifs. Des erreurs d'aiguillage inacceptables ont parfois conduit nos concitoyens à recevoir des enveloppes incomplètes, provenant de la mauvaise circonscription, voire pas d'enveloppe du tout. J'attends toujours, pour ma part, de recevoir la propagande électorale des dernières élections départementales et régionales – peut-être dois-je patienter encore un peu.
Après ce fiasco, il n'y avait d'autres choix que d'internaliser à nouveau la mise sous pli et de résilier le contrat avec Adrexo. Cependant, de nouvelles inquiétudes persistent sur le nouvel accord qui sera conclu pour la période 2022-2024. En résumé, le ministère de l'intérieur a vu sa présence dans les territoires s'amoindrir tandis que le lien avec les citoyens s'est tendu au point de rompre.
J'en viens au thème de la sécurité qui sature l'espace politique et l'agenda gouvernemental. Un nombre impressionnant de lois sécuritaires ont été soumises au Parlement depuis 2017. Beaucoup relevaient davantage de l'affichage, avec des mesures superfétatoires ou tendant au durcissement des peines, alors que c'est l'amélioration des conditions de travail des forces de sécurité qui était attendue. À cet égard, le Beauvau de la sécurité et votre projet de loi de programmation ressemblent davantage à des réflexions de précampagne électorale qu'à des propositions concrètement applicables avant la fin de ce quinquennat.
Avec le budget pour 2022 de cette mission, nous en venons enfin au concret, avec bien sûr du bon et du moins bon.
Nous souhaitons tout d'abord exprimer notre satisfaction : la hausse des crédits de la mission "Sécurités" est en grande partie dédiée à l'amélioration des moyens matériels. Nous avions dénoncé les conditions de travail déplorables des forces de sécurité, dont le matériel est défectueux, les véhicules hors d'âge et certains commissariats presque insalubres.
Le développement des drones à usage de surveillance de la population est cependant hautement problématique en raison de l'atteinte qu'il représente pour la vie privée. Nous vous avons à plusieurs reprises alertés sur cette question, mais ni les interpellations citoyennes ni la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions concernées de la loi relative à la sécurité globale ne semblent vous arrêter.
La mesure visant à proposer des billets de train gratuits aux policiers hors service mais armés nous dérange. Elle pourrait être dangereuse, incitant les policiers ne souhaitant pas avoir leur arme hors service à la prendre pour bénéficier de la gratuité. Par ailleurs, elle conduit progressivement les policiers à exercer leur fonction vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans être payés. Également démagogique à nos yeux, à quelques mois des élections, elle ouvre une boîte de Pandore. D'autres professions, les soignants par exemple, pourraient tout aussi légitimement en bénéficier en montant dans un train avec leur blouse blanche – pourquoi pas ? S'il s'agissait de lutter contre l'insécurité, il aurait été plus judicieux de renforcer fortement la présence policière dans les transports, sur leur temps de travail.
Enfin, nous sommes opposés au choix du tout-sécuritaire en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. La France mène une des politiques les plus restrictives…
…tout en étant le premier pays consommateur d'Europe. Il est peut-être temps de réfléchir à ce paradoxe. Un premier bilan de l'amende forfaitaire délictuelle pour consommation de stupéfiants dressé par les forces de l'ordre montre que les points de deal sont toujours là et qu'il est très facile pour les personnes de contourner la sanction. Combien de temps vous entêterez-vous et nierez-vous l'évidence ? Quand en finirez-vous avec des postures dépassées sur le sujet ?
En définitive, si nous voterons les crédits de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , les nombreuses réserves que nous avons exprimées nous amèneront à ne pas voter ceux de la mission "Sécurités" .
Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure spéciale, applaudit.
Comme les orateurs précédents, je vais tenter d'accomplir un miracle en parlant de deux missions budgétaires si vastes en un temps si contraint.
Je commencerai par la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , c'est-à-dire la gestion de nos préfectures et sous-préfectures. Faute de pouvoir entrer dans les détails, je ne serai pas très long.
Je tiens à dire que j'ai peu goûté l'argumentation du ministre de l'intérieur en commission des lois. Il nous expliquait alors que, puisque les effectifs étaient stables en préfecture, tout allait bien. Or nous savons bien que la stabilisation des effectifs est le fruit de réformes de mutualisation au niveau des secrétariats généraux et d'une réorganisation territoriale de l'administration de l'État et de ses services déconcentrés et que, si l'on observe la situation globale des administrations déconcentrées, le nombre de fonctionnaires est en baisse. Les propos du ministre sentent donc un petit peu l'arnaque.
La volonté, affichée par le précédent ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, de considérer de nouveau l'échelon départemental comme étant le plus important dans notre pays constituait pourtant un objectif politique assumé – et ce à la suite de la mobilisation des gilets jaunes qui réclamaient plus de services publics de proximité.
Aujourd'hui il n'en est plus du tout question puisque nous en sommes toujours au stade des maisons France Services, essayant de trouver le moyen, à travers différents systèmes de mutualisation, notamment avec le secteur privé ou avec d'autres entreprises publiques, de proposer un accueil commun parce que les effectifs de l'État – nous dit-on – ne sont pas la hauteur des enjeux.
Je tenais à dénoncer cette situation et à expliquer qu'il faut justement davantage de fonctionnaires dans les administrations déconcentrées parce qu'ils y ont toute leur utilité, au service de nos concitoyens.
Nous avons bien vu que le choix du tout-numérique présentait des écueils. Je rappelle souvent qu'en Seine-Saint-Denis – mais ce problème existe aussi ailleurs –, la prise de rendez-vous en préfecture ou en sous-préfecture pour les étrangers continue de se monnayer sur internet. Il est en effet possible aujourd'hui de revendre en ligne son rendez-vous pour l'obtention d'un titre de séjour. Une telle pratique constitue une infamie pour les services de l'État mais aussi pour la représentation nationale. Je ne sais pas combien de temps nous pourrons continuer à l'accepter.
Pour prolonger des débats qui se sont tenus lors de l'examen de la loi dite séparatisme – comme beaucoup l'ont appelée –, je tiens tout de même à rappeler que pas moins de 1 192 équivalents temps plein sont rémunérés par l'État qui, en vertu du concordat d'Alsace-Moselle, finance les cultes et paie leurs représentants.
Eh oui ! Ils assurent un excellent dialogue interreligieux en Alsace-Moselle ! C'est particulièrement efficace pour apaiser les tensions !
Ces 1 192 équivalents temps plein seraient plus utiles au sein du réseau des préfectures et des sous-préfectures. C'est là que nous en aurions besoin. Au passage, la laïcité ne doit pas s'arrêter aux portes de l'Alsace-Moselle.
J'en arrive à la question de la sécurité civile. Attention, nous vous avons déjà alertés en commission concernant la prévention des risques, notamment d'incendie. En raison du dérèglement climatique, la sécheresse est de plus en plus prononcée dans les massifs boisés du pays, si bien que le risque d'incendie va crescendo, comme d'ailleurs en Europe et dans le monde. Pourtant le budget ne suit pas. Il est même en baisse concernant le produit retardant alors qu'une anticipation et une planification en la matière sont nécessaires. Le changement climatique est bien là, il serait bon de s'en préoccuper et donc de prévoir plutôt que de subir.
J'en finis en abordant les questions de sécurité, particulièrement celles relatives à la police, et en mettant l'accent sur la formation. Vous avez peu ou prou recruté les 10 000 policiers et gendarmes annoncés, dans des conditions très chaotiques, en réduisant la durée de la formation à huit mois et abaissant fortement le niveau de recrutement par concours. Vous proposez maintenant de rétablir à douze mois la durée de formation. Cette décision se traduit par une hausse des crédits dédiés à la formation – une augmentation bien trop faible au regard du montant global des dépenses du ministère de l'intérieur, mais qui a le mérite d'exister.
En revanche, vous ne prévoyez aucun projet de construction d'écoles nationales de police. Où comptez-vous accueillir les personnes que vous prétendez vouloir former plus longtemps ? Les écoles de police sont déjà pleines à craquer ! La question se pose d'autant plus que vous incluez dans vos objectifs budgétaires la formation des futurs réservistes – puisque vous comptez créer une réserve opérationnelle. J'y suis d'ailleurs globalement favorable – même si nous procéderions d'une manière substantiellement différente de la vôtre –, mais il faut pour cela prévoir une formation initiale ! Où allez-vous les mettre, ces élèves ? Le document budgétaire qui nous est présenté ne prévoit que des dépenses de fonctionnement et ne contient aucune réponse sur ce point.
On y apprend d'ailleurs, au détour du chapitre relatif à la formation, qu'un des enjeux consiste à dupliquer les brigades de répression de l'action violente motorisées (BRAV-M) – vous savez, les types armés jusqu'aux dents qui circulent à moto pour taper les manifestants
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem
– dans toutes les directions départementales de la sécurité publique (DDSP) de France ! Personnellement, je suis radicalement opposé à l'existence de ces unités, et encore plus à leur multiplication dans tout le pays, particulièrement à Lille : je ne veux pas voir se généraliser ce type de brigades dont le mode d'action, dégradant pour la France, ne correspond pas à l'esprit de ce qui est censé être notre doctrine de maintien de l'ordre, laquelle consiste, aux dires du Gouvernement lui-même, à ne pas aller au contact. De grâce, cessez de développer les BRAV-M !
J'apprécierais d'ailleurs que nous en finissions avec la politique du chiffre, car j'en ai ras le bol d'écouter le ministre de l'intérieur égrener chaque mois des chiffres qui ne reflètent que l'activité de son ministère, laissant ainsi croire qu'il règne un climat anxiogène en France.
Ce climat anxiogène, c'est vous qui le créez en grande partie. J'espère que nous pourrons nous passer de vos services dès avril 2022 !
L'examen des programmes de la mission "Sécurités" est pour nous l'occasion de prendre acte, comme l'an dernier, de la hausse des budgets de la police nationale et de la gendarmerie. Le dernier budget du quinquennat s'inscrit toutefois dans un contexte particulier, après la clôture par le Président de la République du Beauvau de la sécurité et l'annonce d'une grande loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Dans son discours de Roubaix, le chef de l'État a mis l'accent sur la nécessité de renforcer la présence des forces de police et de gendarmerie sur la voie publique, sans toutefois s'engager dans une politique de recrutement : l'exécutif mise désormais moins sur la progression des effectifs que sur le réexamen des temps de travail, des cycles horaires et des mobilités, sur des procédures pénales plus courtes, sur le recours aux nouvelles technologies, ou encore sur l'amélioration de la formation. Cependant, toutes les évolutions promises restent pour l'heure cosmétiques.
La question des effectifs n'est pas soldée par la politique de recrutement conduite ces dernières années. Certes, celle-ci a permis d'opérer un rattrapage par rapport à la situation de pénurie antérieure. Deux écueils demeurent cependant : le recours massif aux réservistes, qui met en relief l'insuffisance de l'effort consenti, et l'ampleur des disparités territoriales dans la répartition des effectifs.
Le projet de loi de finances prévoit une montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, qui devrait être dotée de 50 000 réservistes en 2024. Mais il ne faudrait pas que les forces de sécurité reposent sur les réservistes, voire sur les gendarmes adjoints, comme c'est actuellement le cas dans les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), au détriment des forces professionnelles. Nous nous interrogeons par ailleurs sur la qualité de la formation dispensée aux réservistes et sur les moyens qui leur seront alloués, sachant qu'ils pourront porter une arme lors de certaines interventions.
Vous prévoyez en outre d'allonger de quatre mois la durée de formation des policiers et des gendarmes, dès l'année prochaine. Étant donné qu'une personne reçue au concours de gardien de la paix attend déjà parfois jusqu'à un an et demi avant d'intégrer une école de police, nous craignons de voir s'aggraver cet engorgement. Le projet de budget ne prévoit pas, en effet, de créer de nouvelles structures de formation.
Enfin, et surtout, le ministre de l'intérieur, à l'écouter, n'envisage pas davantage que le Président de la République de faire évoluer en profondeur les missions de la police. Pourtant, vous ne pouvez ignorer l'érosion de la confiance de nos concitoyens envers les acteurs et les actrices de la paix publique. Cette érosion est le fruit d'une doctrine de maintien de l'ordre qui crée des risques d'emploi excessif de la force, mais aussi du sentiment d'un manque de réactivité des services lorsqu'il s'agit d'intervenir localement ou de prendre en charge les victimes.
C'est tout le problème de l'encadrement d'une police débordée, désorientée et mal considérée, qui peine à trouver les moyens de répondre à une demande de sécurisation croissante. Nous ne répondrons pas à ces difficultés par le seul déploiement de nouvelles technologies ou par la rénovation des équipements, aussi utiles soient-ils : il nous faut bâtir une police et une gendarmerie qui se sentent toujours davantage investies d'une mission de service public et dont l'action ne soit pas seulement tournée vers la sécurité de l'État, mais s'exerce aussi au service de la population. Aussi faut-il rassurer policiers et gendarmes sur l'utilité sociale de leurs tâches quotidiennes et recréer, en particulier pour les policiers, un lien de confiance indispensable avec la population.
L'amélioration des conditions matérielles de travail s'impose. Je pense en particulier aux équipements qui ont manqué aux gendarmes de la compagnie d'Ambert durant la terrible tragédie de Saint-Just : lunettes à vision nocturne, boucliers de protection, ou encore matériel de transmission en zone blanche. Mais les dotations en matériel, bien qu'indispensables, ne suffiront pas à garantir l'amélioration des conditions d'exercice des métiers de policier et gendarme, qui se sont dégradées au fil des réformes, sous l'effet de l'imprécision des missions, des pesanteurs hiérarchiques, d'une surcharge de travail, parfois d'un sentiment d'inutilité…
…et d'une perte de sens, qui sont à l'origine d'une terrible souffrance : 24 % des policiers et gendarmes déclarent être confrontés à des pensées suicidaires.
Faute de déceler dans votre projet de budget l'intention de prendre à bras-le-corps la nécessité d'une profonde réforme de l'usage de la force publique pour renforcer le service public et pour améliorer concrètement et durablement les conditions de travail des acteurs et des actrices de la paix publique, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre ces crédits.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Les quatre programmes de la mission "Sécurités" progressent encore, en 2022, de plus de 4 %, pour approcher un total de 22 milliards d'euros, en tenant compte de l'apport de 191 millions d'euros inscrits dans la mission "Plan de relance" pour moderniser les équipements et les dotations à l'issue du Beauvau de la sécurité. Le plan de création de 10 000 emplois de policiers et de gendarmes lancé en 2017 se poursuit. Rappelons que, depuis 2020, la police bénéficie d'une enveloppe supplémentaire de 27 millions d'euros pour indemniser les heures supplémentaires et que les sapeurs-pompiers ont vu la prime de feu revalorisée de près de 100 euros nets.
En 2022, les moyens de lutte contre les trafics de stupéfiants – notamment à travers le développement des unités canines –, contre l'immigration irrégulière ou contre les violences faites aux femmes et la protection de l'espace cyber seront encore significativement renforcées, tout comme la protection des personnels, grâce à la généralisation des caméras-piétons.
Je profite de cette occasion pour saluer les récents apports du Parlement sur ces questions, notamment le travail de Jean-Michel Fauvergue et d'Alice Thourot en faveur de l'établissement d'un continuum de sécurité, ou encore celui de Fabien Matras en matière de sécurité civile. Ils ont défendu, aux côtés de la ministre déléguée et du ministre de l'intérieur, des propositions de lois qui feront date.
Les moyens sont également au rendez-vous en matière de sécurité routière, comme en témoigne le renforcement considérable du nombre de kits de dépistage de stupéfiants. Rappelons ici que le permis à points, utilisé dans plus de vingt pays européens, a permis de faire reculer l'accidentologie, notamment les accidents graves et mortels. D'autres pays européens réfléchissent d'ailleurs à son adoption. À titre personnel, je plaide depuis maintenant plusieurs années pour infliger une simple amende en cas de dépassement inférieur à 10 kilomètres par heure, afin d'assurer une plus grande équité et de mieux distinguer entre les fautes commises en fonction de leur gravité. Adapter le dispositif, oui ; y renoncer, certainement pas !
M. Jean Terlier applaudit.
La mission Action générale et territoriale de l'État enregistre elle aussi une progression de 4,5 %, pour atteindre 4,4 milliards d'euros. Je suis ravi que le Premier ministre ait choisi, en rupture avec la politique menée sous les mandats précédents, de « réarmer » le réseau des préfectures et des sous-préfectures, qui conjugue proximité et efficacité, tout en renforçant les fonctions support, notamment numériques. Ces dernières seront, elles aussi, mieux dotées, conformément aux engagements pris à l'issue du Beauvau de la sécurité : les crédits alloués à la lutte contre la délinquance, aux dispositifs de soutien à la vidéoprotection, aux quartiers de reconquête républicaine ou encore à la lutte contre le séparatisme progresseront fortement.
J'insiste à nouveau, en revanche, sur la nécessité de consacrer aussi des moyens à l'amélioration de l'accueil des citoyens en préfecture ou en sous-préfecture. L'accueil physique ou téléphonique doit être maintenu et l'accompagnement des Français dans leurs démarches ne saurait se limiter à leur indiquer une adresse internet commençant par « www.https:// » pour qu'ils aillent consulter le service demandé en ligne. Mes grands-parents ont cru que le « http », c'était un nouveau produit stupéfiant !
Sourires.
Enfin, la vie démocratique municipale, départementale et régionale a pu s'exprimer en 2020 et 2021, même dans des conditions difficiles, malgré une crise sanitaire aiguë. Je remercie tous les acteurs qui ont permis la tenue de ces scrutins. À ce propos, pourriez-vous, madame la ministre déléguée, faire un point sur le site www.maprocuration.gouv.fr, qui a été créé à cette occasion ? Chacun comprendra que d'importants crédits soient encore alloués au programme Vie politique en 2022, puisque – vous le savez peut-être – ce sera une nouvelle année électorale, au cours de laquelle nous vivrons des échéances nationales majeures.
Je ne saurai terminer sans rendre un hommage appuyé à tous ceux qui, sur le terrain, incarnent l'autorité de l'État au quotidien au plus grand bénéfice de tous nos concitoyens – préfets, sous-préfets, forces de l'ordre et de sécurité, sapeurs-pompiers, sans oublier les maires qui, on l'oublie quelquefois, exercent une part de l'autorité de l'État. Qu'ils soient tous remerciés pour leur engagement au service de l'intérêt commun. Je crois qu'ils seront satisfaits de la progression des crédits soumis à notre analyse. Le groupe La République en marche votera naturellement en faveur des crédits en question.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Après plusieurs années marquées par des attaques terroristes odieuses tout autant qu'effroyables, la sécurité est au cœur des préoccupations des Français. Le défi migratoire, la délinquance et les incivilités du quotidien devenues insupportables appellent des réponses fortes de la part des pouvoirs publics. Pour lutter efficacement contre l'insécurité qui préoccupe nos concitoyens, il faut des moyens. Tel est l'objet des crédits que nous examinons.
Permettez-moi d'abord de constater que la promesse présidentielle consistant à recruter 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires n'a été que très partiellement tenue. On ne dénombre en effet qu'un peu plus de 8 500 postes supplémentaires en cinq ans. Peut-être serez-vous tentée de contester ces chiffres, madame la ministre déléguée. Ce sont pourtant ceux que le ministre de l'intérieur a avancés pour répondre à Mme Rabault en avril dernier. Vous aviez par ailleurs promis 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires « sur le terrain ». Si l'on exclut donc les hauts fonctionnaires, les personnels administratifs et techniques et les ouvriers d'État, on aboutit à seulement 7 300 créations de postes.
Si nous saluons bien évidemment ces recrutements au sein des forces de sécurité intérieure, nous ne pouvons que déplorer leur caractère insuffisant. Le besoin de sécurité des Français augmente, en effet, à mesure que la violence s'accroît dans notre pays. Les statistiques publiques du ministère de l'intérieur sur l'insécurité et la délinquance parlent d'elles-mêmes : durant les neuf premiers mois de l'année 2021, comparativement à la même période en 2017, les homicides sont en hausse de 13 %, les coups et blessures volontaires de 31 % et les violences sexuelles de 83 % ! C'est peu dire que le bilan de votre ministère, en la matière, est mauvais.
Vous décrivez là une hausse des signalements !
Dans un tel contexte, les augmentations de moyens récemment décidées en faveur de nos forces de sécurité apparaissent essentielles. Les décisions qui font suite au Beauvau de la sécurité sont à cet égard d'autant plus bienvenues qu'elles étaient attendues depuis longtemps. Mais on ne peut que s'interroger sur cette attention soudaine portée à ceux qui œuvrent au quotidien pour notre sécurité, à quelques mois seulement d'une échéance électorale majeure. Cet effort en faveur des forces de sécurité intérieure, ne nous y trompons pas, est bien trop tardif. Les statistiques que je rappelais à l'instant témoignent de ce qu'il eût été nécessaire d'agir plus tôt pour enrayer une tendance inquiétante. Nous attendions ainsi avec impatience une loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, mais celle-ci n'est jamais arrivée en discussion. Le ministre de l'intérieur la présentera opportunément à la veille des prochaines élections, mais ce ne seront que des annonces qu'il faudra prendre comme telles.
Concernant la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , j'évoquerai pour commencer la question de la féminisation du corps préfectoral. On dénombre à peine plus de 40 % de femmes dans les primonominations au sein de la filière préfectorale, un ratio qui satisfait tout juste le seuil imposé par la loi, et il n'y a que 38 préfètes sur 132 postes, soit 28 % de femmes, les sous-préfètes ne représentant que 35 % des membres de leur corps. Nous sommes encore loin de la parité. Et le Gouvernement n'a pas réalisé d'efforts extra-légaux pour accélérer la féminisation de la préfectorale.
Qu'en est-il par ailleurs des préfets sans affectation territoriale ? Ces dernières années, ils ont représenté 50 % de l'effectif du corps préfectoral. Il s'agit d'un dévoiement de ce corps censé représenter l'État dans les territoires. Cette configuration traduit une situation de sureffectifs préjudiciable puisque le coût pour l'État est important. Elle résulte des nominations de proches par les chefs de l'État successifs… une pratique qui ne s'est pas éteinte avec Emmanuel Macron.
Elle n'a pas non plus commencé avec lui !
Le Président, qui prétendait pourtant incarner le nouveau monde, a nommé d'anciens conseillers de l'Élysée lors du mouvement préfectoral du 29 juillet 2020, tel Jean-Marie Girier, acteur clé de sa campagne présidentielle.
Évoquons ensuite la délivrance des titres par les préfectures : on observe une hausse des délais d'instruction, notamment pour les permis de conduire. Les effectifs apparaissent insuffisants pour assurer une réponse rapide aux administrés. Les outils informatiques de traitement des demandes sont par ailleurs soumis à une instabilité particulière, comme le relève le projet annuel de performances. Rien n'est dit dans votre projet de budget sur les moyens de résoudre ces carences.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains prônera l'abstention sur l'ensemble de ces crédits.
M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis, applaudit.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés se réjouit de la hausse considérable – près de 2 milliards d'euros – que connaît le budget du ministère de l'intérieur dans le projet de loi de finances pour 2022. Celle-ci s'inscrit dans une progression sans précédent de 3,4 milliards d'euros sur les cinq exercices budgétaires de la législature, auxquels il faut ajouter des crédits du plan France relance. Les crédits des quatre programmes de la mission "Sécurités" augmentent ainsi de 1 milliard d'euros : il s'agit de continuer de tenir compte des réalités du terrain, de prendre des mesures urgentes et concrètes, mais aussi d'anticiper les évolutions à venir. Tout cela s'inscrit dans le contexte du Beauvau de la sécurité, à l'occasion duquel le Président de la République a rappelé que la sécurité était la première de nos libertés. La politique menée en la matière doit être appréhendée dans son ensemble : depuis 2017, non seulement les effectifs n'ont cessé d'augmenter, mais c'est également le cas des moyens matériels. Ce budget 2022 est marqué par la continuité d'une action volontariste clairement affichée depuis le début de la législature.
Chers collègues, loin de moi l'idée de vous faire une liste à la Prévert des différents crédits, mais il me paraît important de dire les choses telles qu'elles sont : 500 millions d'euros sont prévus pour l'application des premières mesures du Beauvau de la sécurité en plus des crédits déjà négociés par le ministère de l'intérieur, à savoir 44 millions pour la formation, 200 millions pour le renouvellement des moyens mobiles, 78 millions de crédits de paiement affectés à la construction et à la rénovation immobilière ainsi que 114 millions consacrés aux projets stratégiques et numériques. Ces crédits permettront, entre autres, à la gendarmerie et à la police de continuer leur grande transformation – au bénéfice de la sécurité de l'ensemble des Français, mais aussi des forces elles-mêmes, qui, sur le terrain, sont mises à rude épreuve : il y a deux jours encore, plusieurs policiers ont été visés par des tirs dans le quartier de La Duchère, à Lyon.
Madame la ministre déléguée, notre groupe soutient aussi pleinement votre volonté de consacrer les crédits nécessaires à la lutte contre les violences conjugales, en permettant, par exemple, l'aménagement de locaux spécifiques pour assurer l'accueil des victimes en présence d'une assistante sociale et d'un psychologue, le recueil des plaintes en dehors du commissariat ou de la gendarmerie, ou la poursuite de la hausse du nombre des intervenants sociaux, passé de 270 en 2017 à 404 aujourd'hui.
Je tiens par ailleurs à aborder la question des rodéos motorisés, pour laquelle vous connaissez mon engagement et celui de mon groupe. Quels sont les moyens financiers et humains que ce budget alloue à la lutte contre ce fléau ? Je pense notamment à la réflexion en cours sur l'usage des drones. Les rodéos sauvages sont dangereux pour tout le monde ; ils engendrent de la violence, comme l'actualité l'a encore récemment montré, lorsque le maire d'une commune de 340 habitants dans le Calvados a été agressé alors qu'il s'opposait à un tel rodéo.
Les crédits destinés à la sécurité civile sont également très importants, puisque le programme se voit même allouer 54 millions d'euros supplémentaires. Notre groupe salue cette politique, essentielle pour protéger notre système de sécurité civile, dont l'efficacité est admirable. Il convient également de définir un cadre juridique approprié à ses missions : c'est notamment l'objet de la proposition de loi du député Fabien Matras, aux côtés duquel mon collègue Vincent Bru s'est particulièrement investi.
En ce qui concerne la sécurité et sur l'éducation routières, la baisse du nombre de morts sur les routes ne doit pas être le prétexte à un relâchement de nos efforts, car celle-ci est principalement due aux confinements et aux restrictions de circulation.
Avant de conclure, j'aimerais dire un mot de la mission "Administration territoriale et générale de l'État" , qui connaît elle aussi une hausse de crédits importante, de l'ordre de 5 %, pour atteindre 4,4 milliards d'euros. Cette augmentation doit notamment permettre de soutenir le réseau des préfectures et des sous-préfectures qui a fait un travail remarquable pendant la crise sanitaire, mais aussi dans la gestion de la sortie de crise, en matière de soutien économique et territorial, grâce notamment au plan de relance. Nous saluons l'absence de suppression d'effectifs ainsi que le renforcement du service « étrangers » dans certaines préfectures, qui était nécessaire. Enfin, nous souhaitons que ce budget contribue au bon déroulement des prochaines échéances électorales, et qu'il permette la nécessaire modernisation des modalités de vote que notre groupe appelle de ses vœux.
Par conséquent, mes chers collègues, notre groupe votera en faveur des crédits de ces missions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur les bancs du groupe LaREM.
En préambule, je constate une légère augmentation des crédits alloués à la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , dont le budget augmente de 5 % environ par rapport à 2021 ; nous regrettons cependant que la part consacrée à l'administration territoriale de l'État diminue, elle, de 5 %. Je concentrerai mes propos sur cette mission, sachant que ma collègue Marietta Karamanli évoquera plus particulièrement la mission "Sécurités " lors de l'examen des amendements.
Je ferai trois observations.
Premièrement, assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire de la République est un objectif essentiel de la mission, pour lequel nous devons consentir un effort constant et amplifié. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas contre ce budget.
Le projet de mutualisation de la gestion des fonctions et moyens étatiques n'est pas nouveau ; il se concrétise ici avec la création des secrétariats généraux communs départementaux, supposée mettre fin à la baisse systématique des effectifs. Ces derniers sont ainsi stabilisés pour la deuxième année consécutive, après la suppression de 1 300 emplois entre 2016 et 2018. Une telle sanctuarisation était indispensable dans la mesure où les services de l'État dans le département sont à la limite de l'effondrement.
L'État n'est pas assez présent sur nos territoires : le ressenti à ce propos est très fort. Il y a une véritable difficulté à accéder aux préfectures et aux sous-préfectures, qui concerne tout le monde, pas seulement les étrangers. Les maisons France services, dont nous saluons la création, ne sont pas là pour exercer les fonctions régaliennes de proximité dévolues aux sous-préfectures. Justifier la réduction des moyens d'accueil dans les sous-préfectures par l'absence de public, les titres étant désormais dématérialisés, c'est méconnaître la réalité du terrain et les effets de la fracture numérique. Les affres de la dématérialisation mettent par exemple les acquéreurs d'une voiture dans des situations invraisemblables.
Les grilles de ces bâtiments sont fermées désormais, faute de personnel, alors que la devise républicaine Liberté, égalité, fraternité qui orne leur fronton invite pourtant à l'accueil citoyen. Cela conduit nombre de nos concitoyens à renoncer à leurs démarches et alimente le fort sentiment de relégation et d'insécurité ressenti dans nos campagnes. La charge du présentiel revient finalement aux communes, mais son personnel ne peut y faire face et n'a pas les compétences pour instruire toutes les requêtes. Je ne fais pas le procès au Gouvernement de cette situation dont il a hérité ; cela étant, nous ne devons pas nous contenter de constater cet héritage mais, au contraire, travailler à améliorer la situation.
Renforcer les services de l'État dans nos campagnes est également essentiel sur le plan technique : pourquoi ne pas transférer une partie des services des finances publiques au sein des locaux des préfectures et des sous-préfectures afin de constituer de grandes maisons des services de l'État ? Nous essayons d'y travailler dans ma circonscription.
Ma deuxième observation porte sur la modernisation de l'action publique grâce à la numérisation. Celle-ci est une évidence, mais elle ne peut être menée à bien sans prendre en compte la fracture numérique et la nécessité de soutenir les démarches administratives effectuées en présentiel. Je rappelle que 27 % des Français n'ont pas d'accès à internet et que 33 % sont mal à l'aise avec cet outil. Dans un avis récent, le Défenseur des droits a pointé le manque d'information et d'accompagnement des usagers et la tendance des services préfectoraux à les orienter vers des prestataires privés pour réaliser leurs démarches. Seul un service en présentiel peut garantir l'égalité de tous devant le service public. Le train de la modernisation de l'action publique ne doit laisser personne sur le quai.
Troisième observation : en quinze ans, la zone gendarmerie compte 2 000 équivalents temps plein en moins et 2 millions d'habitants en plus. L'exode urbain est désormais une réalité. Fort opportunément, la gendarmerie contribue désormais au maillage du territoire : là où, jusqu'à hier, on parlait regroupement, on évoque maintenant le maintien des brigades. Je menais ce combat depuis plusieurs années, et je remercie donc le ministère de conduire cette politique de proximité. Il faut désormais y ajouter une politique de l'efficacité : les projets annoncés ne doivent pas prendre dix ans pour aboutir ; la création de réserves foncières doit être rendue possible ; il faut recourir à d'autres systèmes que la location, qui conduit l'État, par le prix des seuls baux, à payer trois fois le coût d'une construction.
Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure spéciale, et M. André Chassaigne applaudissent.
C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être avec vous pour présenter le budget du ministère de l'intérieur. Je veux commencer par vous prier d'excuser M. le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, que je représente : il est retenu par d'autres obligations.
Ce budget comporte trois missions : la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , la mission "Sécurités" à laquelle est rattaché le compte d'affectation spéciale "Contrôle de la circulation et stationnement routiers" , et la mission "Immigration, asile et intégration" . Comme nous l'avons fait avec le ministre de l'intérieur il y a quelques jours devant la commission des lois, je commencerai par me réjouir que, conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, le budget du ministère de l'intérieur connaisse, dans son ensemble, une augmentation exceptionnelle de ses crédits de 1,5 milliard d'euros.
Avec ces moyens nouveaux, le budget du ministère de l'intérieur aura enregistré, depuis le début du quinquennat, une augmentation de 3,5 milliards d'euros. Cet effort budgétaire historique doit bien sûr s'incarner dans des résultats sur le terrain, au bénéfice des Français, et il doit être visible pour les agents du ministère.
Dans un premier temps, il me revient de vous présenter les missions Administration générale et territoriale de l'État et Sécurités. La mission Immigration, asile et intégration sera examinée ultérieurement.
Les crédits de la mission AGTE enregistrent cette année une progression de 351 millions d'euros, plan de relance inclus. Cette mission est fondamentale pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, elle inclut le budget du réseau des préfectures et sous-préfectures qui font un travail remarquable dans cette période particulière de crise sanitaire. Elle comprend ensuite les crédits de l'administration centrale du ministère, indispensables pour venir en soutien et à l'appui de l'activité opérationnelle de nos forces. Elle abrite également les crédits destinés au financement de la vie politique et à l'organisation des élections, sachant que, comme cela a été rappelé, deux rendez-vous démocratiques majeurs auront lieu en 2022.
La modernisation de l'action publique est en place avec la nouvelle organisation territoriale de l'État déployée cette année : création des secrétariats généraux communs départementaux, nouveaux périmètres des directions départementales interministérielles du champ jeunesse et sports et de celui de l'emploi. La réforme de l'organisation territoriale mise en place cette année permettra d'améliorer à moindre coût le service rendu aux Français, mais aussi de rassembler l'État déconcentré autour du préfet. Ce dernier est renforcé par la réforme et par les dernières mesures annoncées lors des deux comités interministériels de la transformation publique (CITP) présidés par le Premier ministre.
Cette priorité se traduit dans la dépense de personnels et par trois actions majeures. Premier axe majeur : pour la deuxième année consécutive, les effectifs des préfectures et des sous-préfectures et secrétariats généraux communs sont maintenus au même niveau afin de soutenir l'administration déconcentrée et de renforcer son action – une action de proximité utile au cœur des territoires. La décision inédite de maintenir les effectifs deux années consécutives marque le terme de la forte déflation entamée depuis plus de dix ans, évolution qui avait conduit le réseau à perdre 25 % de ses effectifs. Au total, 454 emplois seront supprimés dans l'administration centrale au lieu de l'être dans les territoires, en préfecture ou en sous-préfecture. Cette mesure permettra de renforcer notamment le service des étrangers dans les préfectures pour accompagner notre action dans ce domaine.
Deuxième axe : la mission "Administration générale et territoriale de l'État" permet, dans les départements, de rapprocher les services des Français. Deux actions sont déjà engagées en vue d'atteindre cet objectif. Le ministère de l'intérieur a engagé le chantier de relocalisation de 1 500 emplois d'administration centrale qui seront installés dans des villes en dehors des grandes métropoles, hors de l'Île-de-France. Ces villes seront candidates pour accueillir ces emplois. De plus, vingt-trois postes d'experts de haut niveau et de directeurs de projet sont créés directement auprès des préfets. Ces personnels en cours de recrutement prendront leur fonction au plus tard en janvier 2022.
Enfin, la mission comporte un troisième axe notable relatif à la politique de ressources humaines pour 2022. Le ministère de l'intérieur prend en effet toute sa part dans le soutien à la jeunesse. Le financement du plan 10 000 jeunes est prévu, et, en la matière, les résultats sont atteints. Je veux souligner et saluer la forte mobilisation des préfets. Ce plan a permis à des jeunes issus de quartiers dits politiques de la ville d'accéder à des stages et à des postes d'apprentis.
Le budget de fonctionnement et d'investissement est aussi centré sur l'accompagnement et la réforme de l'administration territoriale. Il permettra d'engager une convergence de l'action sociale et du financement des chantiers immobiliers liés à la nouvelle organisation territoriale et à la sécurisation des préfectures.
Je veux dire rapidement un mot rapide sur la féminisation, car ce qui a été dit à cette tribune est faux.
Le 8 mars dernier, nous avons lancé avec le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, un grand plan concret de féminisation du ministère de l'intérieur, notamment avec le renfort des cycles Ariane et Ariane junior qui visent à trouver des viviers de candidates afin de pouvoir nommer toujours davantage de femmes. Le ministère de l'intérieur était historiquement très masculin, mais nous avons lancé un certain nombre de projets, en particulier des campagnes de recrutement à destination des femmes. Des podcasts et des événements permettent notamment de mettre en avant les femmes. Les résultats sont là : nous sommes passés de 25 % à près de 40 % de femmes nommées dans la préfectorale et aux directions des administrations. Je veux saluer ces femmes nommées pour leurs compétences.
Nous avons nommé un certain nombre de femmes à des postes extrêmement importants. Certaines d'entre elles sont des pionnières.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Élodie Jacquier-Laforge applaudit également.
Je veux par exemple citer le cas de Pascale Dubois qui a pris la tête des CRS, les compagnies républicaines de sécurité. C'est la première fois qu'une femme occupe ce poste. La féminisation du ministère de l'intérieur, singulièrement de la préfectorale, est bien au rendez-vous, dans la continuité des orientations du Président de la République.
Outre l'administration territoriale, la mission "Administration générale et territoriale de l'État" retrace les crédits nécessaires aux politiques transversales et de soutien aux missions du ministère. Il continue d'investir dans le domaine du numérique, par exemple, et il conduit des projets de grande ampleur en priorité au bénéfice des forces de sécurité intérieure. C'est le cas par exemple du réseau radio du futur (RRF), réseau à haut débit qui sera commun aux forces de sécurité et de secours. Je pense aussi à France alerte qui doit permettre d'alerter en temps réel les populations : cela a été évoqué précédemment.
Les systèmes d'information sont aussi essentiels pour la modernisation et la transformation des autres missions régaliennes. En matière de politiques d'accueil des étrangers en France par exemple, ils faciliteront les demandes de titres. Le déploiement de la nouvelle carte d'identité a débuté en 2021 : entre le 15 mars et le 30 août, nous avons reçu plus de 1,3 million de demandes. À ce stade, 950 000 titres ont été produits.
J'en viens au fonds interministériel de prévention de la délinquance. La vidéoprotection constitue une priorité forte, annoncée par le Président de la République lors de la clôture du Beauvau de la sécurité : les crédits qui y sont consacrés bénéficieront d'une augmentation significative. Ils progresseront de 10 millions d'euros ouverts au titre du plan de relance, ce qui portera le montant global du FIPD à 79,4 millions d'euros l'an prochain.
Grâce à cette action, les préfets investiront aussi le champ de la lutte contre l'islamisme et contre les différentes atteintes aux principes républicains en veillant à déployer les outils que vous avez inscrits dans la loi du 24 août dernier confortant le respect des principes de la République.
La mission Administration générale et territoriale de l'État retrace enfin les crédits nécessaires à l'organisation des élections au sein, bien sûr, d'un programme dédié. Le ministère a tenu compte des recommandations très pertinentes de votre mission parlementaire pour sécuriser les importantes opérations électorales de 2022. Afin que les dysfonctionnements constatés en juin dernier ne se reproduisent plus, des mesures correctives ont dès à présent été engagées par le ministère de l'intérieur. Le 13 août dernier, les différents lots qui liaient le ministère de l'intérieur à la société Adrexo ont été résiliés ; ils sont aujourd'hui en cours d'attribution. La mise sous pli ne sera plus assurée par l'administration, si les conditions de sa délégation à un prestataire ne sont pas jugées suffisamment sûres pour en permettre la maîtrise par les préfectures. Les contrôles tout au long de la chaîne logistique seront très fortement accrus. Des moyens correspondants à la bonne tenue des futures élections ont donc été budgétés. Ce programme comporte aussi les crédits nécessaires à la bonne organisation des scrutins de 2022.
Enfin, je veux rappeler le travail que nous menons concernant les procurations. Nous nous sommes engagés dans leur numérisation progressive. Au demeurant, cela a bien fonctionné lors des dernières élections, ce qui a notamment permis d'alléger significativement le temps que les forces de sécurité intérieure consacrent à cette mission.
J'en viens à la mission "Sécurités" . Au sein du budget du ministère de l'intérieur, les crédits de cette mission et de ses quatre programmes, Police nationale, Gendarmerie nationale, Sécurité civile et Sécurité et éducation routières sont bien évidemment les premiers bénéficiaires des augmentations prévues dans le projet de loi de finances pour 2022. Cela découle directement de la volonté du Président de la République et du Premier ministre exprimée à l'issue des travaux menés dans le cadre du Beauvau de la sécurité. En prenant en considération France relance, je peux vous dire que la progression des crédits de cette mission est supérieure à 1 milliard d'euros. Depuis le début du quinquennat, cela porte l'augmentation du budget de la mission "Sécurités" à 2,3 milliards d'euros.
Ces crédits, qui permettront de mettre en œuvre une partie importante des conclusions du Beauvau de la sécurité, concourent aussi à faire avancer nos priorités, avec Gérald Darmanin, pour la protection des Françaises et des Français.
Je mentionnerai à ce titre deux politiques : d'une part, la lutte intense contre les stupéfiants ;…
…d'autre part, la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, dont le Président de la République a fait la grande cause de son quinquennat – nous y reviendrons.
L'évolution des dépenses de personnel pour la police et la gendarmerie sera marquée par la volonté de respecter jusqu'au bout l'engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires au sein des forces de sécurité intérieure sur l'ensemble du quinquennat. Il faudra aussi lancer des mesures issues du Beauvau de la sécurité.
S'agissant des créations de postes au sein des forces de sécurité intérieure, le projet de loi de finances prévoit le financement de la dernière tranche du plan « 10 000 jeunes », qui permettra de renforcer la présence de policiers et de gendarmes sur le terrain, comme l'a souhaité le Président de la République. Ainsi, toutes les circonscriptions de sécurité publique, je dis bien toutes, connaîtront une progression sur la durée du quinquennat. Nos autres priorités, notamment celle relative au renseignement, bénéficient aussi de ce plan de création de postes de policiers et de gendarmes sur l'ensemble du quinquennat.
Le budget propose également un renforcement qualitatif de la présence sur le terrain de la gendarmerie grâce à la densification des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie. Ces unités d'intervention spécialisées seront mieux équipées et les personnels qui les composent plus qualifiés, les gendarmes adjoints volontaires étant remplacés par des sous-officiers.
Dans le sillage du Beauvau de la sécurité, les mesures dites catégorielles correspondent à un panier global de mesures salariales structurées autour de priorités stratégiques communes aux deux forces. Il s'agit de mieux valoriser les missions les plus exposées – dans les zones de montagne, par exemple –, d'accompagner la révolution managériale en reconnaissant la prise de responsabilité, ou encore de renforcer l'information et la promotion sociales.
L'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement correspond au souhait que nous formons, avec le ministre de l'intérieur, de traduire au plus vite les axes de progrès identifiés lors du Beauvau de la sécurité.
Un effort est consenti dès 2022 en matière de formation. Plusieurs mesures phares sont prévues, notamment l'augmentation du temps de formation initiale et du temps de formation continue, ainsi que le lancement des travaux pour la création de l'académie de police par laquelle tous les policiers auront vocation à passer à un moment ou un autre de leur carrière. Nous poursuivons nos efforts pour les policiers et pour les gendarmes, et pour une politique d'action sociale ambitieuse. Je pense à la question de la réservation de logements et à celles de la prévention du suicide ou de la gratuité des transports pour les policiers.
Je vois que mon temps de parole est écoulé, monsieur le président.
Le Gouvernement s'exprime comme il l'entend, mais un cadre un peu exigeant est tout de même fixé.
Je conclus donc en résumant mon propos.
Le budget du ministère de l'intérieur pour 2022 permettra de mieux répondre aux besoins de protection de la population, mais aussi aux besoins matériels des forces de sécurité – je pense en particulier au lancement des grands chantiers immobiliers.
Je reviendrai si vous le souhaitez, dans les réponses aux questions, sur la sécurité civile et la sécurité routière que je souhaitais absolument aborder en détail.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en venons aux questions. Pour ce qui est des temps de parole, cette fois, les choses sont claires : la durée des questions comme celle des réponses ne peut excéder deux minutes.
La parole est à M. Loïc Kervran.
Je profite de la publication du rapport annuel de la délégation parlementaire au renseignement, il y a deux semaines, pour évoquer le renseignement territorial, moins en tant que service qu'en tant que fonction.
Diverses raisons expliquent qu'il constituera un maillon absolument essentiel de la sécurité intérieure des années à venir. La première tient à l'évolution de la menace. Les services du renseignement territorial seront en effet amenés à jouer un rôle décisif pour contrer les subversions violentes, les violences collectives, les atteintes à la forme républicaine des institutions, mais aussi pour lutter contre le terrorisme, avec le développement d'une menace qui vient de ce qu'on appelle le bas du spectre.
Toutefois le renseignement territorial ne dispose pas aujourd'hui de son autonomie budgétaire. Ainsi, le budget du service central du renseignement territorial (SCRT) n'est pas isolé : il fait partie de celui de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). L'absence d'autonomie budgétaire constitue un handicap majeur pour la fonction renseignement territorial dont les moyens budgétaires dépendent finalement de plusieurs programmes distincts, alors que les besoins sont très importants, qu'ils soient techniques ou humains.
Madame la ministre déléguée, j'aimerais connaître votre point de vue sur la proposition de la délégation parlementaire au renseignement de créer des budgets opérationnels de programme (BOP) dédiés au renseignement territorial. Cela permettrait au SCRT, à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) et à la sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) de la gendarmerie de bénéficier d'une réelle sécurité budgétaire, mais aussi d'indicateurs de performance et de pilotage. La volonté politique exprimée par la représentation nationale pourrait ainsi être traduite en actes.
Je vais tâcher de vous répondre dans les deux minutes qui me sont imparties. Comme vous le savez, le renseignement territorial est rattaché à la direction de la sécurité publique. Cela favorise notamment une bonne intégration entre toutes les actions de sécurité publique au niveau local, mais cela permet également aux services de renseignement de bénéficier de locaux, d'équipements et de moyens pour leur fonctionnement quotidien octroyés directement à l'échelon local. Séparer, au sein de la sécurité publique, les seuls crédits destinés au renseignement territorial n'optimiserait pas cette gestion. Au contraire, cela rajouterait des tâches de soutien aux services opérationnels.
Plus globalement, l'insertion du renseignement territorial dans le programme Police nationale lui permet de bénéficier des moyens budgétaires importants alloués à ce programme. Cela rend possible une certaine agilité qui est essentielle pour les projets qui, par exemple, nécessitent un financement pluriannuel. Je terminerai en rappelant que, en tout état de cause, le renseignement est – et reste – une priorité du Gouvernement, et qu'il a encore bénéficié de renforts importants.
Comme cela a été dit, les crédits de la mission "Sécurités " ont été confortés sous l'effet du Beauvau de la sécurité et à la faveur du plan de relance. Il faut le reconnaître : c'est un signal fort. Ce dernier était attendu pour rattraper certains manquements observés les années précédentes en matière d'investissement et d'équipement, mais surtout pour adapter la gendarmerie nationale et la police nationale aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces de sécurité civile tout en assurant leur modernisation.
Ma question ciblera plus particulièrement l'entretien et la réhabilitation du parc immobilier de la gendarmerie nationale et de la police nationale. Vous le savez, les attentes des personnels, des militaires et de leurs familles sont très nombreuses et pressantes. Je prendrai un exemple qui me tient à cœur – il justifie d'ailleurs mon implication permanente et inlassable sur ce sujet. À Dijon, le quartier Deflandre est le siège de la gendarmerie pour la région Bourgogne-Franche-Comté. Les travaux nécessaires pour réhabiliter les logements et les installations opérationnelles sont estimés à 77 millions d'euros afin de fournir du chauffage tout l'hiver, d'apporter de l'eau chaude à tous les étages et de rénover l'isolation pour assurer plus de confort aux 400 familles qui sont logées sur place.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous garantir que les crédits nécessaires à la mise à niveau de l'ensemble du parc immobilier – autant les logements que les bureaux – seront sanctuarisés ? J'ai cru comprendre que la future LOPPSI pourrait intégrer cette dimension. J'irai aussi jusqu'à vous demander si une montée en puissance des crédits pouvait être envisagée afin d'accélérer les différents programmes immobiliers attendus.
S'agissant du lancement de grands chantiers immobiliers, je commencerai par rappeler que nous avons trois objectifs essentiels. Il s'agit tout d'abord de mieux accueillir les victimes – c'est un axe qui est ressorti du Beauvau de la sécurité. Deuxième objectif : améliorer le quotidien de la police et de la gendarmerie. Enfin, nous souhaitons monter en puissance sur les grands chantiers qui ont déjà été annoncés.
Votre constat nous semble juste. D'ailleurs, de nombreux rapports l'ont montré et le Beauvau de la sécurité l'a confirmé : dans le passé, l'immobilier de la police et de la gendarmerie a été sacrifié au bénéfice de mesures salariales. Dans la continuité du plan de relance, ce budget permet d'entreprendre un effort qui est vraiment important. Ainsi, je tiens à souligner l'augmentation sans précédent des crédits pour l'immobilier, avec 185 millions supplémentaires pour la police et 95 millions de plus pour la gendarmerie. En outre, l'accent est mis sur l'entretien et la maintenance des locaux en engageant, par exemple, un plan de sécurisation pour les commissariats et les casernes. Le troisième plan, dit « poignées de portes », voulu par le ministre de l'intérieur pour l'entretien des locaux des services et des équipements du quotidien participe aussi d'un effort de remise à niveau en matière de maintenance des locaux, notamment ceux que vous avez évoqués.
Sur le long terme, le ministère de l'intérieur voudrait étudier avec le ministère des comptes publics la faisabilité et la soutenabilité de certaines pistes innovantes, comme la création d'une foncière qui a notamment été suggérée par certains travaux parlementaires.
J'appelle les crédits de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , inscrits à l'état B.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l'amendement n° 1006 .
Je m'excuse de commencer par un amendement qui comporte une erreur matérielle. Cela n'aura échappé à personne : nous ne souhaitions pas supprimer le programme Vie politique. J'en suis désolée, mais je tenais à le présenter puisque, sur le fond, cet amendement est important. Il rejoint d'ailleurs une proposition faite par Mme la rapporteure spéciale en commission des finances qui concerne l'administration territoriale de l'État et les préfectures.
Au printemps dernier, en tant que rapporteurs spéciaux de la mission "Immigration, asile et intégration" , nous nous sommes penchés, avec Jean-Noël Barrot, sur les moyens des préfectures. J'avoue que ce que j'ai découvert en matière de qualité de service est pire que ce que j'imaginais : les usagers subissent des retards très importants qui rendent l'accès aux droits très difficile. Cela engendre un certain nombre de contentieux pour lesquels nous avons d'ailleurs produit des estimations chiffrées.
Avec Jean-Noël Barrot, nous avons proposé de renforcer les services dédiés aux étrangers dans les préfectures. Vous l'avez évoqué dans votre propos introductif, madame la ministre déléguée. Alors qu'on maintient les effectifs dans l'administration préfectorale, je m'interroge sur la manière dont vous comptez renforcer effectivement ces bureaux dans les préfectures. Le besoin est réel, les personnels sont fatigués et la rotation est importante dans ces services. Il y a une forme d'urgence à renforcer les effectifs pour rattraper un retard qui s'est accentué avec la crise sanitaire en matière d'instruction des demandes de titres de séjour pour les étrangers.
Nous partageons le même constat et la même volonté. Effectivement, les moyens ne sont pas à la hauteur de la tradition humaniste d'accueil qui est la nôtre. Notre collègue Bernalicis l'a évoqué : sur la plateforme permettant aux étrangers de s'inscrire pour être accompagnés dans la gestion de leur dossier, les créneaux disponibles sont si peu nombreux qu'on assiste désormais à un véritable trafic de rendez-vous. Il faut donc remettre de l'humain et des personnels pour régler ces dossiers qui, je le rappelle, sont ceux de personnes qui ont réellement droit à l'asile et qui sont maintenues dans l'irrégularité du fait du manque de personnel.
Si je souscris donc à l'esprit de votre amendement, je vous invite à vous replier sur celui que je vais présenter puisque, malheureusement, votre amendement vide par erreur entièrement le programme Vie politique – vu la tenue prochaine des élections, cela pourrait être un peu gênant…
Tout d'abord, je rappellerai que des renforts sont régulièrement affectés aux services chargés des étrangers pour leur permettre de mener à bien leur mission, et ce dans les meilleures conditions. Par ailleurs, l'amendement proposé reviendrait à mettre en cause de manière significative l'équilibre financier du programme 216 et notamment les moyens de fonctionnement de l'administration centrale.
Non, on ne s'en fout pas. Je veux rappeler que pour la deuxième année consécutive, il n'y aura aucune suppression d'emploi dans le réseau territorial des préfectures et des sous-préfectures. Cette décision inédite marque le terme de la forte déflation entamée depuis plus de dix ans et qui avait conduit le réseau à perdre 25 % de ses effectifs.
Depuis deux ans, des renforts en équivalents temps plein (ETP) ont donc régulièrement été affectés dans les services s'occupant des étrangers. Mais le principal sujet en interne au ministère de l'intérieur, c'est de pouvoir renforcer l'attractivité de ces services. Quatre leviers ont été identifiés pour améliorer leur fonctionnement : favoriser le déroulement de la carrière des agents et les fidéliser grâce à une approche indemnitaire plus favorable ; adapter les modalités du temps de travail avec la définition de cycles et le paiement des heures supplémentaires ; développer la formation pour les agents comme pour les cadres ; définir des parcours professionnels plus favorables pour les agents qui choisissent de s'engager dans ces services.
Au-delà des renforts sur le plan des moyens, il y a de nouvelles pistes d'amélioration des processus métiers et de l'organisation des services dans le cadre du déploiement de l'administration numérique pour les étrangers en France. Cela devrait aussi contribuer à la poursuite de la réduction des délais de traitement des demandes et à l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers étrangers – c'est une priorité, je vous rejoins sur ce point.
Enfin, je le disais en introduction, transférer les 9 millions d'euros et les emplois associés du programme 216 vers le programme 354 tel que le propose l'amendement remet gravement en cause l'équilibre financier du programme 216 et revient surtout à priver l'administration centrale des moyens de fonctionner correctement.
C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.
Pour la plupart d'entre nous, cela fait quatre années que nous siégeons sur ces bancs. Excusez-moi de vous le dire mais, au bout de quatre ans, on pourrait s'épargner les arguments de forme comme celui qu'on vient d'entendre…
…du type « Ah oui, mais vous avez pris 9 millions sur le programme de 216 du coup, si on le faisait vraiment, ce serait problématique pour l'administration ». On ne peut pas déposer d'amendement si on ne prend pas l'argent quelque part !
Nous ne sommes pas le Gouvernement, nous ne pouvons pas créer de nouvelles lignes de crédits ni des dépenses.
Madame la ministre déléguée, dites plutôt que vous ne souhaitez pas lever le gage parce que vous n'avez pas les moyens budgétaires pour le faire. Soyez honnête, mais arrêtez avec ces arguments de forme.
Je donne les arguments que je veux !
En plus, on gagnera du temps dans la discussion budgétaire et cela facilitera la compréhension de nos débats pour ceux qui nous regardent. Je tiens à bien leur rappeler que, pour déposer un amendement afin de renforcer les crédits d'un programme, il faut en prendre ailleurs, parce que nous ne sommes pas le Gouvernement ; seul ce dernier peut accepter l'amendement et lever le gage. Assumez ces discussions certes un peu techniques, mais quand même, au bout de quatre ans on pourrait avoir, au moins sur la forme, un débat de meilleure qualité.
MM. Maxime Minot et Mansour Kamardine applaudissent.
Monsieur Bernalicis, permettez-moi une petite remarque de vocabulaire : s'agissant d'un amendement de crédit, le Gouvernement ne peut pas lever le gage.
Ce n'est pas tout à fait pareil qu'en matière fiscale, où les parlementaires doivent prévoir une recette supplémentaire pour combler le surcroît de déficit.
La parole est à Mme Stella Dupont.
Merci pour ce rappel, monsieur le président. Madame la ministre déléguée, je vous remercie pour les précisions que vous avez apportées. Ce sujet mérite une attention globale et je partage tout ce que vous avez évoqué concernant la formation et l'évolution de carrière.
Permettez-moi d'insister : nous avons besoin de professionnels présents physiquement dans les bureaux des préfectures…
…et en particulier dans celles où les usagers rencontrent des difficultés extrêmement fortes entraînant des retards d'accès aux droits. Nous avons vraiment besoin de moyens humains dans les préfectures. Comme Mme la rapporteure spéciale l'expliquait, mon amendement pose question puisqu'il comporte une erreur matérielle. Je le retire,…
L'amendement n° 1006 est retiré.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 357 .
Cet amendement participe du même esprit. Il s'agit de renforcer les moyens de l'administration territoriale, et en particulier ceux des préfectures et des sous-préfectures.
Ne croyons pas que les citoyens ne s'intéressent pas du tout aux préfectures et aux sous-préfectures et que ce ne serait qu'une affaire d'élus. Elles participent beaucoup de la vie administrative et de la sécurité locales. Quand on voit les grilles de la sous-préfecture fermées, c'est anxiogène pour la population. D'ailleurs, pourquoi ne fait-on pas en sorte que la sous-préfecture ou la préfecture puisse être ouverte au même titre que les établissements France Services ? On ne demande pas qu'elles soient ouvertes toute la journée, mais que le matin, on ait au moins le sentiment de pouvoir entrer en ayant accès au guichet d'un service de l'État.
Il y a des avancées puisque vous sanctuarisez les effectifs, mais il me semble qu'il faut faire un pas en avant en augmentant les effectifs et en permettant à toutes les sous-préfectures et toutes les préfectures de renforcer l'accueil au guichet ; c'est le sens de cet amendement.
Je partage totalement votre constat. De mon côté, j'ai été un peu moins ambitieuse que vous – 100 millions je n'oserais pas en rêver. Mme la ministre déléguée l'a évoqué : face aux problèmes de recrutement dans les préfectures, il est important de définir une véritable stratégie pour redonner envie à nos agents d'exercer dans les CERT et dans les services dédiés aux étrangers.
Ce n'est toutefois pas suffisant : dès lors que des baisses d'effectifs ont eu lieu pendant plusieurs années, comment donner envie aux agents de s'engager dans une voie sans savoir combien de temps leur poste sera maintenu ? Il faut aller plus loin, il faut revenir sur les baisses des années précédentes et recréer des postes pour remettre de l'humain dans nos territoires.
Juste une petite chose : dans votre amendement, vous prenez les crédits dans l'action 03, Numérique, or le numérique pose question. Selon moi, on ne met pas assez d'argent pour avoir des outils efficaces. Par exemple, au CERT de Nantes que j'ai visité, les agents traitent les permis étrangers en bricolant à partir de l'application dédiée aux permis français. Or il y a quand même quelques spécificités qui ne vous échapperont pas, notamment sur le contrôle des documents produits. J'ai vu des agents faire des tableaux Excel à côté pour pallier l'inefficacité des outils numériques. Je ne suis donc pas vraiment favorable à la réduction des moyens. Au contraire, il faut mettre davantage d'argent pour avoir des outils numériques efficaces. Sur le fond, je partage néanmoins votre avis. La commission n'a pas examiné votre amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
Avis défavorable.
Affecter davantage de personnel aux sous-préfectures et aux préfectures et renforcer l'échelon départemental dans l'action de l'État était censé être une priorité. À effectifs constants, si vous renforcez des services en interne, le service des étrangers par exemple, cela signifie qu'il y a moins d'agents dans d'autres services, qui doivent pourtant continuer de fonctionner. S'il faut davantage de personnes au service des étrangers, cela doit se traduire par des recrutements supplémentaires et non par une ponction sur la bête, laquelle a déjà été bien dépecée d'année en année, comme la rapporteure spéciale l'a rappelé. Mais ce gouvernement, qui préfère les autosatisfecits permanents, explique que les chiffres sont stables. Tout ça, c'est de l'arnaque.
Je soutiens l'amendement. On n'a pas les moyens, donc, nous dit-on, on ne fait pas. Je vous présente une suggestion : l'examen d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) va être ouvert dans les prochains jours. Inscrivez donc les moyens nécessaires dans ce PLFR.
Je remercie Mme la rapporteure spéciale d'avoir une vision objective de la situation sur le terrain. De fait, la situation ne doit pas échapper à la vigilance de l'État et du Gouvernement. Les préfectures et sous-préfectures conduisent un travail remarquable, les préfets et sous-préfets sont aux manettes mais, dans une direction départementale des territoires (DDT), vous avez trois agents : comment voulez-vous qu'ils conduisent un travail crédible vis-à-vis des élus qui viennent les voir ou des particuliers qui rencontrent un problème ? Il convient de renforcer les préfectures et sous-préfectures ainsi que les services territoriaux dans nos campagnes, c'est essentiel. Voir un service ouvert participe du sentiment de sécurité. Or, aujourd'hui, seules les gendarmeries sont ouvertes.
L'amendement n° 357 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 789 .
Il concerne le même sujet : le manque de moyens, que j'ai pu constater en me rendant dans les CERT. Les agents m'ont dit qu'ils avaient probablement sous-évalué les besoins lors de la mise en place des centres de titres dans le déploiement du plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) en 2017. Je l'ai dit hier dans l'hémicycle, en matière d'immigration, nous devons avoir une stratégie globale, et un premier pas concret serait de renforcer les moyens pour les régularisations.
Cet amendement est moins ambitieux. Il ne coûte rien puisqu'il optimise les crédits. Il va en effet chercher sur la ligne « dépenses de personnel » de l'action État-major et services centraux du programme 216, Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur de l'argent qui n'est pas utilisé depuis 2018. On constate en effet une sous-exécution de ces crédits entre 16 et 30 millions depuis 2018. Je vous propose de prendre cet argent inutilisé de manière récurrente pour créer 254 ETP dans nos préfectures et sous-préfectures. Il s'agit, encore une fois, de remettre de l'humain dans nos territoires, pour nos concitoyens, les personnes concernées et nos agents au bord du burn-out.
Défavorable.
Il y a certes une question de nombre d'agents dans les préfectures et sous-préfectures, car c'est l'échelon de proximité, mais avant la question du nombre se pose celle de la qualification. Le travail des préfectures et sous-préfectures a beaucoup changé, l'outil informatique a modifié bien des choses et, parfois, le personnel n'est pas qualifié pour ces nouvelles missions. Celles-ci peuvent exiger une montée en compétences et un recrutement accru, en en sous-préfecture, d'agents de catégorie A spécialisés dans l'accompagnement territorial ou l'ingénierie précise plutôt que dans des tâches d'exécution qui ont disparu parce qu'elles ont été industrialisées et numérisées. Sur cet enjeu, l'État n'est pas réactif.
Cet amendement me semble pertinent car, si le chiffre n'est pas énorme, il concerne un sujet, la qualification des agents, sur lequel nous devons travailler. Il faut absolument placer à côté des sous-préfets des agents de catégorie A chargés de problématiques complexes. Cela devient urgent dans nos territoires.
J'entends bien la volonté du Gouvernement d'être plus performant, plus qualitatif, mais, pendant ce temps, que fait-on pour remédier aux défaillances ? Dans nos circonscriptions, nous sommes en permanence appelés à nous « dépatouiller », passez-moi le terme, pour résoudre des problèmes administratifs. Sommes-nous là pour suppléer les réponses que devraient apporter les services de la préfecture ?
Enfin, au moment où l'économie française redémarre et connaît des difficultés de recrutement, comment recruter quelqu'un qui ne reçoit pas son permis de conduire ou une personne qui est dans un entre-deux vis-à-vis d'une régularisation ? Comment aller de l'avant si l'administration n'a pas les moyens, ne peut répondre ? Les patrons en font les frais, partant l'économie, qui dysfonctionne : au final, c'est de la perte collective, pour les individus qui en souffrent comme pour les budgets des collectivités et de l'État.
Cet amendement, qui me semble intéressant et mesuré, vise en outre des crédits non consommés habituellement. J'y suis donc favorable.
L'amendement n° 789 est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 979 .
La France s'est mobilisée pour obtenir 736 millions des 5 milliards de la réserve d'ajustement au Brexit, et il convient désormais pour notre pays d'optimiser le retour financier de ce fonds européen. Pour répondre à cette ambition, des moyens sont nécessaires au profit du ministère de l'intérieur, désigné organisme intermédiaire pour la gestion du volet « frontières ». Ces moyens sont dévolus à la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , qui est l'administration assurant le financement des services de la direction générale des étrangers en France (DGEF).
Par ailleurs, cet amendement complète la mesure annoncée par le Premier ministre en juillet dernier au comité interministériel de la transformation publique. À la suite du succès de l'appel à candidature, la création d'un vingt-troisième poste d'expert de haut niveau a été décidée. L'amendement proposé vise donc à en assurer le financement sur le programme 354, Administration territoriale de l'État.
La commission n'ayant pas examiné cet amendement, je parlerai à titre personnel. Le Gouvernement souhaite mettre à jour les crédits de la mission pour tenir compte de l'allocation du fonds Brexit par l'Union européenne et pour créer un vingt-troisième poste d'expert de haut niveau. L'action État-major et services centraux a été sous-exécutée à chaque reprise lors des exercices précédents. Compte tenu des sommes en jeu, il ne semble pas opportun d'y apporter davantage d'argent. Par ailleurs, le recrutement d'experts de haut niveau n'est pas en soi une mauvaise chose mais, alors que les services au contact manquent de moyens et d'effectifs, ne serait-il pas plus judicieux – et je vous remercie tous d'avoir voté mon amendement – d'allouer cette somme aux CERT et au service des étrangers ?
Pour enfoncer le clou définitivement, l'amendement du Gouvernement ne prévoit pas de crédits en moins, contrairement aux nôtres, qui sont soumis à cette contrainte. Quand il y a un débat là-dessus, j'aimerais donc qu'on soit techniquement au point et qu'on arrête de s'envoyer des arguments fallacieux à la figure.
S'agissant de l'amendement, je rejoins l'avis de la rapporteure spéciale. Ce n'est qu'un expert en plus et ce n'est pas ce qui va changer la face du monde, surtout quand on voit la sous-exécution d'une partie des crédits de ce programme 216.
L'amendement n° 979 est adopté.
L'amendement n° 954 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 955 de Mme Anne-Laure Cattelot est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Ces amendements portant sur le FIPD, je profite de l'occasion pour rappeler que ce fonds conduit assez peu de prévention de la délinquance et sert essentiellement à de l'ingénierie en vue de mettre en place des caméras de vidéosurveillance un peu partout. Nous avons un ministre de l'intérieur qui se prend pour un VRP d'une société commerciale d'installation de caméras,…
…expliquant de ville en ville que la délinquance reculerait s'il y avait plus de caméras par ci, plus de caméras par là, comme pas plus tard qu'hier à Lyon. Vous en avez vous-mêmes fait un sujet d'actualité et le ministre en fait un sujet politique.
C'est une mauvaise dépense d'installer des caméras de vidéosurveillance.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous auriez bien besoin d'êtres humains sur le terrain, d'une police technique et scientifique renforcée, car le taux d'élucidation d'un officier de police judiciaire et d'un technicien de police technique et scientifique est bien meilleur que celui d'une caméra, alors qu'une caméra coûte un pognon de dingue : 15 000 euros à l'installation, sans compter l'entretien. Avec cela, nous pourrions remettre habilement des personnes sur le terrain et conduire un véritable travail de prévention.
Je ne peux laisser tenir de tels propos sans réagir. Tout d'abord, l'attaque personnelle contre le ministre de l'intérieur me paraissait dispensable : nous pouvons avoir des débats de bon niveau sur le fond sans insulter les uns ou les autres.
Mme Blandine Brocard applaudit.
Ensuite, c'est moi qui suis la ministre chargée du FIPD et de sa bonne exécution et je peux donc vous répondre très précisément sur ce qui est fait, notamment à travers le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) que je vous invite à visiter : vous serez utilement renseigné sur son action, notamment vis-à-vis des quartiers populaires.
Le FIPD contribue ainsi au programme Quartiers d'été, un programme efficace, plébiscité, qui permet de financer des associations…
Non, le programme n'est pas du tout sous-exécuté, au contraire : il est cofinancé avec les crédits du ministère de la politique de la ville.
Monsieur Bernalicis, nous vous écoutons quand vous parlez, écoutez les autres quand ils parlent ! C'est assez simple, il me semble.
Le programme Quartiers d'été est financé conjointement avec le ministère chargé de la politique de la ville. L'été dernier, le Président de la République s'est rendu à Chambord pour une restitution nationale de cette opération. Des associations comme Raid aventure organisation ont présenté la manière dont elles tissent des liens entre des jeunes de quartiers populaires et des services de polices, ce qui contribue à la prévention de la délinquance.
C'est aussi le FIPD qui finance les activités du comité des parents contre le harcèlement. Il nous permet de travailler avec le ministère de l'éducation nationale pour que les jeunes ne soient pas violents entre eux et pour que les services de police et de gendarmerie, les services sociaux et les services éducatifs soient plus accessibles, mieux connus des parents et des jeunes afin de mieux les protéger. Il est donc faux de dire qu'il n'y a pas de prévention de la délinquance.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre déléguée, vous avez annoncé 10 millions d'euros supplémentaires pour cette ligne budgétaire. Combien de caméras cette somme permet-elle de financer ?
L'État est effectivement présent pour aider les collectivités territoriales en ce qui concerne l'investissement, mais le fonctionnement de ces structures pèse ensuite entièrement sur le budget des collectivités territoriales.
L'amendement n° 955 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 268 .
Je ne suis pas du tout d'accord avec M. Bernalicis en ce qui concerne l'usage des caméras,…
…qui sont extrêmement utiles : cela se vérifie au quotidien dans toutes les villes qui en ont installé.
L'action 01 du programme 354 que je souhaite compléter vise notamment à prévenir la radicalisation. En août 2020, le ministre de l'intérieur a annoncé que plus de 8 132 personnes étaient recensées dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Compte tenu du fait qu'un grand nombre de terroristes auront bientôt fini de purger leur peine de prison et seront libérés, la France doit augmenter les moyens alloués à la prévention de la radicalisation. Pour rappel, parmi les condamnés, 42 personnes ont été libérées en 2020, 62 l'ont été ou le seront en 2021 et 50 en 2022, après avoir exécuté leur peine.
La constitution des unités de prévention pour la radicalisation (UPRA) pour isoler ces condamnés en prison, n'a fait que reconstituer, malheureusement, des petites cellules terroristes entre détenus radicalisés. Du reste, ces unités dédiées n'ont jamais été complètement étanches. Parmi les détenus terroristes islamistes qui doivent sortir de détention entre 2021 et 2023, on sait que certaines personnes présentent un profil encore extrêmement préoccupant. Il faut absolument mettre en place des instruments de suivi et d'accompagnement à leur sortie. Il est donc essentiel d'augmenter les crédits affectés à la prévention de la radicalisation, notamment en prison.
La commission n'a pas examiné cet amendement qui vise à renforcer les moyens de la prévention de la radicalisation. L'action 01, Coordination de la sécurité des personnes et des biens, sert à rémunérer des emplois dédiés dans les préfectures au pilotage de la sécurité, pour un total de près de 3 000 emplois auxquels viendront s'ajouter une cinquantaine d'autres en 2022. Le budget de cette action est ainsi en hausse de 1,7 %. Au sein de la mission, c'est plutôt le FIPD du programme 216, Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur, qui est l'outil le plus pertinent pour la prévention de la radicalisation.
À titre personnel, j'émets donc un avis défavorable.
Je reviendrai brièvement sur la question des caméras de surveillance. Monsieur Cordier, le prix de l'installation de caméras de surveillance varie beaucoup selon la nature des travaux et selon que la collectivité participe ou non au financement. Je ne puis donc faire de division sur la base d'un chiffre fixe pour vous donner le nombre précis de caméras qui seront financées avec le présent budget. J'espère néanmoins avoir répondu à votre question ; si tel n'est pas le cas, je me tiens à votre disposition.
Madame Ménard, nous pensons que la prévention de la radicalisation manquait surtout de moyens juridiques ; or ceux-ci ont été renforcés grâce à l'adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
La mobilisation des services de l'État autour du préfet et du procureur est totale. Elle se concrétise par des dissolutions d'association, par des fermetures de commerces séparatistes, par des refus de subvention et par tous les outils que nous avons évoqués, notamment la mobilisation autour des cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR). Des moyens budgétaires sont prévus pour accompagner cette mobilisation : le programme 354 contribue à cette politique transversale à hauteur de 28,8 millions d'euros en 2022, avec un plan de renfort de 10 ETP mis en œuvre en 2021 sur le programme 354 pour renforcer dans les préfectures les équipes des départements qui sont les plus touchés par ce phénomène de radicalisation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La prévention de la radicalisation est une question importante du programme 354, Administration territoriale de l'État, et m'amène à revenir sur un propos insupportable qu'a soutenu M. Bernalicis dans la discussion liminaire. La prévention de la radicalisation est un tout : elle repose sur les moyens que l'on accorde aux différentes instances qui sont créées dans les territoires, mais aussi sur les politiques de prévention. Considérer comme le fait M. Bernalicis que la République devrait promouvoir une religion d'athéisme et sortir de la laïcité contrevient à cette démarche de prévention de la radicalisation.
L'État laïc se doit d'avoir un dialogue avec les cultes : c'est essentiel. C'est pourquoi l'attaque systématique que vous menez contre le droit local en Alsace-Moselle et contre les moyens qui y sont alloués aux cultes pour des raisons historiques relève d'une démagogie insupportable : in fine, elle conduit à la radicalisation.
L'État laïc reconnaît la liberté de culte. La laïcité est une liberté et non l'imposition d'une autre religion, à savoir l'absence de religion, l'athéisme. Si on reconnaît les religions, si on organise un dialogue entre les cultes, les choses se passent plus simplement. Cette attaque populiste de votre part ne fait que soutenir la volonté de radicalisation que nous observons dans certains territoires !
Je rappellerai simplement à M. Schellenberger que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État dispose explicitement que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Le concordat en Alsace-Moselle constitue donc une dérogation à la loi de 1905.
Je réaffirme que je suis favorable à l'application de la loi de 1905 sur l'ensemble du territoire : non seulement en Alsace-Moselle, mais aussi dans une partie des outre-mer où quelques établissements de culte sont financés par la puissance publique.
Je ne prône pas un athéisme d'État, mais l'application de la loi de 1905.
L'amendement n° 268 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 270 .
L'action 02 du programme 354 couvre notamment le domaine du droit des étrangers : demande d'asile, titres de séjour, reconduite à la frontière, naturalisation.
Le transfert opéré dans cet amendement vise à permettre une meilleure application des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui sont le parent pauvre de la politique de l'immigration en France.
En effet, selon les chiffres fournis par le ministère de l'intérieur, entre janvier et juillet 2021, l'administration ne serait parvenue à expulser vers l'Algérie que 22 migrants illégaux sur les 7 731 obligations de quitter le territoire délivrées par les préfectures, Alger ayant concédé seulement 31 laissez-passer consulaires. Durant la même période, la France a renvoyé 80 Marocains sur 3 301 OQTF et 131 Tunisiens sur 3 424 OQTF.
Certains pays africains sont encore moins coopératifs. Ainsi, le Mali n'a délivré aucun laissez-passer consulaire depuis trois ans, et ce malgré les moyens de pression que nous avons sur ce pays avec l'opération Barkhane que nous conduisons sur son territoire. À ce propos, je regrette de n'avoir pas eu de réponse de la ministre des armées hier, lorsque je lui ai demandé si la France continuerait cette opération. En effet, la ministre avait menacé de retirer nos soldats si le Mali acceptait de recevoir sur son territoire des mercenaires russes, ce qui semble avoir eu lieu courant octobre.
La commission n'a pas pu examiner cet amendement qui tend à allouer 1 million d'euros à l'action 02 du programme 354, Administration territoriale de l'État, une action qui porte en réalité les emplois des centres d'expertise et de ressources titres, que l'on a déjà évoqués. Ces centres instruisent les demandes de carte nationale d'identité, de passeport, de permis et de carte grise ainsi que, dans les services destinés aux étrangers, les titres de séjour, d'asile et de naturalisation.
Ni cette action ni ce programme ne me semblent être les bons supports pour votre objectif. Si nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à avoir exprimé notre volonté de renforcer les moyens du programme 354, force est de constater que nos objectifs sont diamétralement opposés.
Défavorable également.
L'amendement n° 270 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Chapelier, pour soutenir l'amendement n° 391 .
Ce très bel amendement de ma collègue Alexandra Louis vise à développer les travaux d'intérêt général au niveau local et à lever un certain nombre de freins.
Le travail d'intérêt général est une peine très intéressante pour certains auteurs d'infractions en ce qu'elle permet de sanctionner mais également de réparer, voire de réinsérer. Le Gouvernement a mené différentes actions pour développer les travaux d'intérêt général et en faire la peine alternative phare.
Malgré plusieurs avancées législatives, il existe de nombreux freins à la création de postes de TIG. C'est pourquoi un soutien de l'État en direction des collectivités territoriales par une dotation fléchée rattachée au Fonds interministériel de prévention de la délinquance en préfecture est envisageable. Le TIG entre en effet dans le cadre du FIPD qui est destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance.
Je partage votre point de vue sur les travaux d'intérêt général. En outre, le FIPD est effectivement un outil pertinent pour prévenir la délinquance.
Toutefois, son budget de 69 millions d'euros a déjà été renforcé de 4 millions d'euros en 2022, ce qui est une bonne chose. Par ailleurs, vous avez proposé de prélever 1 million d'euros sur les crédits de l'action 02, Organisation des élections. Or nous avons eu quelques soucis avec l'organisation des élections, étant donné les circonstances actuelles, aussi je préfère que les crédits soient sanctuarisés afin d'assurer les meilleures conditions de vote pour nos concitoyens.
Avis défavorable, donc.
Même avis.
Je tiens à souligner l'intérêt de cet amendement, indépendamment du fait qu'il prélève certains crédits là où il ne le faut pas – mais nous en sommes tous réduits à cet expédient.
Les TIG sont essentiels. Les collectivités sont prêtes à jouer le jeu mais elles ont besoin d'être aidées, d'autant que le référent n'est pas toujours sur place. Je pense que le FIPD est un bon outil pour nouer le dialogue avec les collectivités locales au sujet des TIG, car le FIPD doit être une interface entre les collectivités territoriales, la justice et les préfectures.
Mon groupe soutiendra donc cet amendement.
L'amendement n° 391 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l'amendement n° 900 .
Je voudrais, par cet amendement, témoigner de l'action inestimable des commissaires à la prévention et la lutte contre la pauvreté et tenter de renforcer cette action.
Nous avons créé cette fonction en 2020 ; depuis, nous travaillons main dans la main avec eux. C'est l'échelon dont nous avons besoin pour mettre fin aux politiques en silos : les treize commissaires à la prévention et la lutte contre la pauvreté assurent à l'échelle de chaque région et sous l'autorité du préfet de région le pilotage interministériel, la coconstruction avec les associations et un partenariat étroit avec les collectivités locales. En fait, c'est ce dont on a toujours rêvé, cette synergie des efforts qui nous manque tant pour que nous soyons véritablement efficaces et que nous réclamons tous à cor et à cri.
La fonction de ces commissaires est de rompre la reproduction sociale de la pauvreté des enfants, d'assurer des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l'activité et de lutter contre les inégalités sociales de santé. Concrètement, on peut retenir l'obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans ; la lutte contre les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance ; la mise en œuvre par les départements du premier accueil social inconditionnel de proximité ; le dispositif Aller vers pour la vaccination, si nécessaire, des publics précaires ; l'accompagnement global des publics éloignés de l'emploi avec Pôle emploi et les départements ; le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) avec les conseils départementaux, Pôle emploi et les caisses d'allocations familiales, qui agissent ensemble et non séparément.
Et si tous ces acteurs essentiels dans le déploiement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – je pense ici aux commissaires – bénéficient de l'appui des services du préfet de région, aucun fonctionnaire ne leur est rattaché, ce qui rend très fragile leur action qui dépend des moyens des préfets. Pour poursuivre et concrétiser cette volonté décentralisatrice du Gouvernement, l'amendement vise à permettre à chaque préfet de région de rattacher pleinement un cadre A, chargé de mission, au commissaire à la lutte contre la pauvreté sous l'autorité duquel il se placerait.
L'amendement vise à renforcer les moyens des commissaires à la lutte contre la pauvreté qui, en effet, dans chaque région, jouent un rôle important car ils mobilisent l'ensemble des administrations concernées par les politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté. D'après le rapport d'étape consacré à cette stratégie nationale, une enveloppe annuelle de 28 millions d'euros a permis de soutenir plus de mille projets en matière d'insertion, de logement et d'alimentation.
Je regrette que l'amendement n'ait pas été adopté par la commission. J'y suis en effet d'autant plus favorable que vous prélevez 800 000 euros sur un programme dont on a déjà dit qu'il était sous-exécuté entre 18 à 30 millions d'euros chaque année depuis plusieurs années. Si nous avons prélevé 15 millions d'euros tout à l'heure, nous pouvons nous permettre sans remettre en cause les équilibres de la mission, d'aller chercher 800 000 euros pour ce travail capital.
Vous avez raison de saluer le travail réalisé par les commissaires à la lutte contre la pauvreté auprès de chaque préfet de région. C'est cette majorité qui les a créés et qui leur a octroyé tous les moyens nécessaires à leur action. Chaque commissaire à la lutte contre la pauvreté peut par ailleurs mobiliser les services régionaux et départementaux et l'ensemble des acteurs, et, s'il l'estime nécessaire, le préfet de région dispose de la capacité d'affecter un emploi auprès du haut-commissaire comme il peut le faire pour tous les services placés sous son autorité. Votre amendement étant satisfait, nous vous en demandons le retrait.
Je suis très consciente des efforts faits et la création de cette fonction est très bénéfique. Il faut toutefois vraiment renforcer les moyens dont disposent ces très bons acteurs de la prévention de la pauvreté car ils sont complètement débordés. Je retire mon amendement mais j'enjoins à tous les députés de se saisir de leur commissaire à la lutte contre la pauvreté, parce que beaucoup de parlementaires ne connaissent même pas son existence.
L'amendement n° 900 est retiré.
Les crédits de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , modifiés, sont adoptés.
Avant l'article 42
J'appelle maintenant les amendements portant article additionnel avant l'article 42.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 790 .
Cet amendement appelle l'attention sur la pratique de la mise à disposition des fonctionnaires rémunérés sur les crédits de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" . En effet, la moitié des mises à disposition ne donnent lieu à aucun remboursement de la part de l'organisme d'accueil, ce qui représente une perte de 8,4 millions d'euros pour le programme. C'est pourquoi je souhaite que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le sujet.
L'amendement n° 790 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 797 .
Il s'agit également d'une demande de rapport – vous savez bien que ce genre d'amendement n'a pour vocation que de susciter une réponse du Gouvernement sur un sujet qui nous interpelle, et c'est pourquoi j'aimerais que Mme la ministre déléguée, sans vouloir l'offenser, développe un peu plus ses réponses. Le présent rapport préciserait les conséquences budgétaires du déploiement des espaces France services dans le réseau des préfectures et sous-préfectures. Nous sommes nombreux à partager cette volonté de l'État de réinvestir les territoires afin d'être à la fois plus réactif, plus efficace et plus réaliste quant à leurs besoins. Ces points de contact doivent renforcer une offre de services publics de proximité qui soient de qualité. Nous manquons cependant d'informations sur deux points en particulier : d'abord, le nombre d'agents mobilisés et le nombre de recrutements prévu par le programme 354 ; ensuite, la répartition des 36 millions d'euros de financement consacrés à ce déploiement dans le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, de la mission "Cohésion des territoires" .
L'amendement n° 797 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'appelle les crédits de la mission "Sécurités" , inscrits à l'état B.
La parole est à M. Xavier Batut, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 804 .
Je défendrai dans le même temps l'amendement n° 805 , monsieur le président.
Ces amendements d'appel visent à rappeler au Gouvernement la nécessité de doter la gendarmerie de moyens supplémentaires, en particulier d'investir dans l'immobilier. Bien entendu, je ne souhaite pas priver la police nationale de crédits ni opposer ces deux forces de sécurité intérieure. Pour mémoire, l'article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose que, pour l'application de l'article 40 de la Constitution, « la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission ». Toute augmentation de dépense au sein d'un programme doit donc être impérativement gagée, pour qu'un amendement soit financièrement recevable et mis en discussion, sur un autre programme de la mission. Le gage ici appliqué pourra être levé par le Gouvernement.
Je considère, comme le soulignait mon prédécesseur, Aude Bono-Vandorme, dans son avis pour le projet de loi de finances pour 2020, que, « à défaut d'abondement budgétaire massif et durable, des modes innovants de gestion du parc immobilier deviennent incontournables ». Je partage ce point de vue : en triplant les crédits d'investissement, il serait possible de confier la gestion et l'exploitation du parc domanial à une société foncière. Je me félicite que le Beauvau de la sécurité ait abouti à porter pour l'an prochain les crédits à 183 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 113 millions d'euros en crédits de paiement, et qu'ils aient conduit aux efforts importants consentis dans le cadre du plan France relance et du plan « poignées de porte ». Il faudrait sanctuariser ces crédits dans la future loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et porter ce poste budgétaire à 300 millions d'euros.
Ils n'ont pas été examinés par la commission, aussi m'exprimerai-je à titre personnel. Les nombreuses visites que nous avons effectuées sur le terrain, cher collègue, ont bien démontré que nous étions préoccupés par la situation du parc immobilier de la gendarmerie. Il s'agit, vous l'avez précisé, d'amendements d'appel. Vous pourrez donc, à la suite des explications que nous donnera le Gouvernement, les retirer.
Cela étant, je ne peux qu'approuver la teneur de votre intervention. À moyen terme, le parc immobilier de la gendarmerie nécessitera des investissements lourds et continus. Ce pourra être précisément, vous l'avez suggéré, l'un des enjeux de la future loi de programmation de la sécurité intérieure. Vous avez également souligné que les efforts entrepris, notamment grâce au plan « poignées de porte », mais également grâce aux budgets alloués pour l'occupant ou bien pour le propriétaire quand l'État joue un de ces deux rôles, sont sans précédent depuis quinze ans. Eu égard à tous ces efforts et à ceux prévus par le PLF pour 2022, si vous ne retiriez pas vos amendements, j'y serai – à titre personnel, je le répète – défavorable.
Défavorable.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 923 .
Je présenterai également le suivant, le n° 924, si vous le voulez bien, monsieur le président, dans la mesure où ils portent sur le même sujet. Au sein de la commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre, j'avais insisté sur la nécessité de rendre commune à tous les agents la formation au maintien de l'ordre, et sur la nécessité de reprofessionnaliser les forces spécialisées face aux nouvelles configurations des foules. Le présent amendement vise donc à abonder les crédits destinés à la formation des agents. Loin d'être un sujet technique, il s'agit également d'améliorer l'attractivité des métiers et d'assurer une plus grande adéquation entre les besoins constatés et les moyens affectés. Le groupe Socialistes et apparentés, s'il note des progrès, considère qu'il est déjà possible de faire mieux tant les besoins sont importants.
Je partage, comme nous tous ici, votre souci de la formation des policiers, qui peut toujours être améliorée. Cependant, cette préoccupation est plus que jamais prise en compte par le Gouvernement, notamment dans le PLF pour 2022. J'en veux pour preuve la rénovation de la formation des gardiens de la paix, avec une nouvelle formation initiale d'une durée, précisément, de vingt-quatre mois. Par ailleurs, à compter de mars 2022, la durée de la scolarité des policiers adjoints sera portée à quatre mois. Des terminaux NEOPOL – nouvel équipement opérationnel pour la police – et des ordinateurs portables avec des applications professionnelles seront mis à disposition dans les écoles de police à partir de 2022. De manière générale, l'offre de formation continue de s'étoffer à de multiples égards. Et, à la suite du Beauvau de la sécurité, les dépenses de formation vont doubler, passant de 21 à 42 millions d'euros.
La commission n'ayant pas examiné ces amendements, à titre personnel, j'émets un avis défavorable.
Il vise à consacrer 8 millions d'euros à la réouverture d'une école nationale de police (ENP) – et, avec une telle somme, autant vous dire qu'il s'agirait d'une petite école. Ces 8 millions d'euros seraient prélevés sur le budget des caméras-piétons qui, je le rappelle, selon les données scientifiques internationales à notre disposition, ont un bilan avantages-coût nul. Cet argent serait donc bien mieux employé à rouvrir des ENP, étant donné que la formation initiale est censée être un objectif.
On entend d'ailleurs parler d'académie de police, d'une formation initiale de vingt-quatre mois. Or, en réalité, il y aura bien douze mois de formation initiale, les douze mois suivants devant être employés à une formation à la prise de poste au sein du service. On se contente par conséquent de décaler d'un an la titularisation de l'élève gardien de la paix. Une véritable formation initiale de vingt-quatre mois – deux ans – est donc essentielle afin que nous nous calions sur les standards européens et même internationaux en matière de qualité de formation des gardiens de la paix, des policiers de terrain, de proximité.
En effet, être policier, c'est un métier difficile dont l'exercice vous conduit à composer avec des situations très différentes – notamment quand vous êtes policier de proximité : dans le cadre de la police secours, vous êtes appelé pour un tapage nocturne ou diurne, puis pour un conflit intrafamilial, ensuite pour une bagarre à la sortie d'un bar, et pour que sais-je encore – porter secours à une personne sans abri, par exemple. Nous avons donc besoin de gardiens de la paix ayant reçu une formation de haut niveau.
Or, pour cela, nous avons besoin d'écoles, ce que je réclame depuis quatre ans. Pas une de plus n'a été ouverte. C'est tout à fait lamentable et cela montre votre niveau d'exigence concernant une police dont nous avons pourtant bien besoin.
Je ne désespère pas qu'au bout de la quatrième année, je le répète, cet amendement soit voté : nous avons tous intérêt à ce qu'il y ait davantage d'écoles de police.
D'abord, merci pour vos efforts de pédagogie, même si le ton est toujours aussi péremptoire depuis quatre ans. Ensuite, qu'il est difficile, cher collègue, de vous satisfaire, dans la vie ! Que la vie doit être triste, avec vous ! Vous nous réclamiez encore l'an dernier de passer de huit à douze mois et jamais un satisfecit pour ce qu'aura réalisé le Gouvernement. Vous nous reprochez nos nombreux autosatisfecit mais faites preuve, au moins, de la lucidité et de l'honnêteté intellectuelle qui doit présider à nos débats.
Je rappelais tout à l'heure que les dépenses de formation allaient passer de 21 à 42 millions d'euros, à savoir un doublement.
Voilà qui ne vous satisfait pas complètement, mais Rome ne s'est pas faite en un jour. Or nous faisons encore mieux que ce que vous demandiez l'an passé.
Nous ne nions pas qu'il faille continuer l'effort, et le Gouvernement le rappellera : il rappellera que ce sera au cœur de la politique de ressources humaines pour les cinq années à venir, objet notamment de la future loi d'orientation.
Mais, de grâce, faites preuve d'un peu d'honnêteté et de pondération quand vous examinez ces questions. C'est de personnes que nous parlons, derrière les chiffres. Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même avis.
C'est le problème des réponses exhaustives, monsieur le rapporteur spécial : elles suscitent de nouvelles demandes de parole…
Sourires.
Je vais remplir mon rôle de parlementaire et expliquer la situation de la formation initiale des policiers dans ce pays. Avant 2015, la formation initiale durait douze mois ; après les attentats du Bataclan, le Gouvernement s'est précipité et a recruté à tour de bras, constatant qu'il n'avait pas tenu sa promesse d'engager 10 000 policiers ; comme il n'a pas rouvert les écoles de police que Nicolas Sarkozy avait fermées, il a réduit le temps de formation de douze à huit mois afin d'avoir, au bout de trois ans, une promotion en moins dans les murs de l'école. Et là, vous venez nous expliquer que le retour à une formation de douze mois constitue un grand progrès. Mais non ! On ne fait que revenir à l'état d'avant 2015, c'est-à-dire à la normalité : vous ne faites que sortir de l'exception.
Pire encore, qu'a dit le Président de la République lors de son fameux Beauvau de la sécurité pour nous allécher sur la situation d'après 2022 – autant dire que cela sent l'arnaque comme dans tous les autres domaines ? Les éléments fondamentaux de la formation d'officier de police judiciaire (OPJ) seront dispensés au cours de ces douze mois ; or cette formation, qui est une qualification, est actuellement assurée hors de la formation initiale et dure environ quatre mois. Nous passons donc de huit à douze mois de formation en y incorporant quatre mois de formation d'officier de police judiciaire. En outre, on nous explique que tout le monde ne deviendra pas OPJ car il faut atteindre un certain niveau, mais que tout le monde aura suivi les cours. Cela sent complètement l'arnaque !
On double le budget de la formation, ce qui est très bien, mais seuls les crédits de fonctionnement – ceux du titre 3 – sont concernés et non ceux d'investissement. Or je vous parle de construire des murs à l'intérieur desquels seront accueillis les futurs gardiens de la paix.
Enfin, vous ne détaillez pas la ventilation des crédits de fonctionnement dans le projet annuel de performances. Dans les rares éléments qui nous sont transmis, on nous explique que c'est la formation des motocyclistes qui coûte le plus cher et qu'il faudra des BRAV-M dans tout le pays. Si c'est cela la formation initiale dont vous rêvez, ce sera sans moi !
Dans son discours de clôture du Beauvau de la sécurité, le Président de la République a annoncé l'allongement de la scolarité, preuve de l'importance qu'il accorde à la formation des policiers. On peut refaire l'histoire de la durée des formations depuis la création de la police nationale, toujours est-il que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, en 2017, la durée de la formation était plus courte que lorsque nous partirons en 2022.
Il faut saluer les efforts consentis ! Oui, nous avons allongé la durée de la scolarité des gardiens de la paix.
Monsieur Bernalicis, nous vous avons écouté, maintenant c'est au tour de Mme la ministre déléguée : c'est ainsi !
La durée de formation que nous avons retenue nous paraît adaptée pour accompagner les nouvelles recrues de la police nationale vers leur première affectation. Quand le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, a lancé les travaux du Beauvau de la sécurité, il a énuméré des axes de progression et a mentionné en premier lieu la formation. Nous étions parfaitement conscients des efforts à fournir dans ce domaine. C'est ce gouvernement et ce ministre de l'intérieur qui ont apporté des réponses aux problèmes de formation des policiers, en allongeant la durée de la scolarité des gardiens de la paix de huit à douze mois.
À ce renforcement de la formation initiale s'ajoute celui de la formation continue, à hauteur de 50 %. Nous créons en outre une académie, qui, en contribuant à cet effort consenti pour la formation, libérera des places dans les écoles de police.
Un agent recruté en 2022 dans la police nationale bénéficiera ainsi, après sa formation initiale, d'une formation professionnelle renforcée tout au long de la vie.
Des travaux sont en cours pour évaluer finement le besoin de places supplémentaires dans les écoles de police. Ces places pourront être créées dans le cadre d'une nouvelle école comme par l'extension d'écoles déjà existantes. Cette démarche sera formalisée dans le projet de loi d'orientation pour les sécurités intérieures qui, demandé par le Président de la République, sera présenté par le ministre de l'intérieur. L'école de police d'Oissel-sur-Seine, près de Rouen, recevra 24 millions d'euros pour sa rénovation.
Nous ne cessons de renforcer la formation continue, notamment pour le traitement des violences conjugales et le harcèlement de rue afin d'accompagner les policiers et les gendarmes dans l'apprentissage du traitement de ces problèmes. En effet, la formation continue est indispensable quand la formation initiale remonte à vingt ou trente ans. Les murs ne représentent pas l'essentiel de la formation.
Le plus important, ce sont les formateurs, leur pédagogie et la qualité de leur enseignement, non les murs ! Ceux-ci sont bien sûr indispensables, et nous allouons des moyens à cette dépense, mais on ne peut pas résumer la formation initiale et continue à une question de murs.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
L'amendement n° 766 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 921 .
Nous reconnaissons que le projet de loi de finances pour 2022 marque une évolution positive pour les crédits affectés à la sécurité de nos concitoyens. La mission Sécurités regroupe deux programmes, le 176, Police nationale, et le 152, Gendarmerie nationale. Il faut néanmoins être honnête et relativiser l'augmentation des crédits du fait de plusieurs éléments.
Tout d'abord, n'oublions pas l'inflation ! Celle-ci, estimée à au moins 1,5 % en 2021 et à 1,2 % l'année prochaine, annulera mécaniquement une part de la progression des crédits.
Ensuite, les crédits de paiement des dépenses de personnel des deux programmes, qui représentent 89 % et 84 % de l'ensemble des crédits, augmentent respectivement de 1,64 % et de 1,08 %. En 2022, les effectifs de la police devraient croître de 2 035 et ceux de la gendarmerie de 559 ETPT, soit 1,4 % et 0,6 %. Si l'évolution est globalement positive, les organisations syndicales ont noté qu'il n'y avait là qu'un rattrapage, certes incontestable.
C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés a déposé cet amendement, qui vise à créer 1 000 emplois supplémentaires de policiers.
Dans cet amendement, vous proposez de créer 1 000 emplois dans la police et de supprimer 1 000 emplois dans la gendarmerie, alors que l'amendement suivant tend à faire l'inverse.
Je connais l'histoire, mais il n'en reste pas moins que l'adoption de vos deux amendements conduirait à la stabilité des effectifs de la police et de la gendarmerie. Permettez-moi de souligner, certes sur le ton humoristique, la contradiction qu'ils représentent.
Là aussi, qu'il est difficile de vous satisfaire ! Les effectifs ont baissé jusqu'en 2015, toutes majorités parlementaires confondues ! Depuis 2017, ils ont augmenté. Nous nous sommes engagés sur un chiffre de 10 000 postes supplémentaires : à la fin de l'année, nous aurons voté une augmentation des effectifs quasiment égale à celle que nous avions promise.
En outre, si des efforts sont à faire – je pense que le Gouvernement précisera ce point –, ils doivent être ciblés, notamment sur la fidélisation des agents dans la région parisienne et sur les filières d'investigation : sur tous ces sujets, nous devons faire plus.
Pour toutes ces raisons, mon avis personnel est défavorable à ces deux amendements qui n'ont pas été examinés en commission.
Mme Blandine Brocard applaudit.
L'amendement n° 921 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 922 .
La présentation de ce deuxième amendement me donne l'occasion d'apporter quelques éclairages à notre rapporteur spécial. Vous connaissez très bien les exigences de la maquette budgétaire et celles de l'article 40 de la Constitution, qui empêchent les parlementaires d'engager de nouvelles dépenses. Cela nous impose de gager toute dépense, selon un principe qui s'impose ici, en séance, comme il s'est imposé en commission des lois.
Sans remâcher le passé, il convient d'avoir à l'esprit que le plafond d'ETPT de la mission "Sécurités" était de 149 965 dans le PLF pour 2007, de 143 714 dans le PLF pour 2012 et de 148 571 dans le PLF pour 2021. Dans ce PLF, il s'établit à 150 605 et n'a donc progressé que de 0,4 % entre 2007 et 2022. Certes, il convient d'être prudent : en quinze ans, les organisations, la répartition des missions, les activités des forces de police, les tâches administratives, le maintien de l'ordre et les poursuites des infractions ont été modifiés ; un constat s'impose néanmoins, celui de la quasi-stabilité des effectifs entre 2007 et 2022.
C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés défend cet amendement qui vise à créer 1 000 emplois supplémentaires dans la gendarmerie, comme le précédent le proposait pour la police.
Sourires.
Le devoir d'équilibre commande de supprimer d'un côté les dépenses que l'on souhaite augmenter de l'autre. Vous avez raison, nous connaissons le jeu, mais il est dommage de ponctionner le titre 2 de l'autre programme, car la somme des deux amendements en termes d'effectifs est nulle !
Vous auriez pu prendre les ressources ailleurs !
Deuxième point, vous avez raison sur l'évolution des effectifs depuis 2007, et nous comblons le trou creusé pendant trop d'années. Ce rattrapage est une bonne chose, nous pourrions tous nous en féliciter sur ces bancs. Prêcher pour la sécurité des Français est utile.
Vous me parlez d'évolution en pourcentage, mais je vous ramènerai au nombre de personnels : la gendarmerie en compte 110 000 et la police 140 000, et vous souhaitez en ajouter 1 000 dans chaque force. Rapportée à l'effectif total, votre proposition est insuffisante.
Même avis.
Votre réponse est un peu facile, monsieur le rapporteur spécial. Dire que 1 000 postes supplémentaires en un an ne sont rien, c'est reconnaître que 10 000 en cinq ans ne sont pas grand-chose.
L'amendement n° 922 n'est pas adopté.
Oui, monsieur le président, je présenterai ces deux amendements en même temps.
Ils visent à augmenter les crédits de la réserve opérationnelle de 45 millions pour les porter à 115 millions d'euros. En effet, les 71 millions d'euros inscrits en loi de finances ne suffiront pas à couvrir les dépenses liées à l'emploi de la réserve opérationnelle d'ici à la fin du mois de décembre 2021. En outre, la réserve sera sollicitée l'an prochain par la montée en puissance du commandement de la cybergendarmerie et par les missions attachées à la présidence française de l'Union européenne. Dans ces conditions, les crédits prévus par le PLF pour 2022 seront consommés à la fin du mois d'août. Il conviendra de sanctuariser l'augmentation de crédits de la réserve opérationnelle dans la future loi de programmation de la sécurité intérieure. Tels sont les objectifs de ces amendements d'appel.
Ces deux amendements, qui sont en effet d'appel, ont l'immense mérite de rappeler le rôle de la réserve, en particulier pour le fonctionnement quotidien de la gendarmerie nationale. Lors de nos visites communes dans les gendarmeries de France et de Navarre, nous vérifions, tâche à laquelle vos amendements nous renvoient, que les crédits alloués à la réserve opérationnelle sont progressivement sanctuarisés.
Dans ce domaine comme dans les autres, Rome ne s'est pas construite en un jour, donc nous pouvons souhaiter que cette sanctuarisation soit graduelle. Des progrès ont été accomplis, ce dont vous et moi pouvons nous féliciter.
Pour toutes ces raisons, j'émettrais un avis défavorable à ces deux amendements si vous deviez les maintenir.
La réserve opérationnelle est un élément majeur du dispositif de sécurité : déjà élevé en 2021, son financement sera maintenu l'an prochain. Notons que cet effort important a été calibré sur la base d'une année de mobilisation totale marquée, entre autres, par les contrôles opérés dans le cadre de la lutte contre le covid-19. Les conditions d'une montée en puissance supplémentaire seront envisagées en temps utile, lors de la prochaine LOPPSI.
J'insiste, la réserve opérationnelle offre un appui indispensable à l'application de la stratégie globale de sécurité, et l'accroissement de ses moyens, voulu par le Président de la République, reflète l'importance que nous lui accordons. Lors du Beauvau de la sécurité, le chef de l'État a fixé l'objectif élevé de porter à 50 000 le nombre de réservistes, dans l'optique d'augmenter la présence sur la voie publique et de répondre aux besoins et aux défis futurs. Dans un premier temps, en 2022, les efforts porteront sur la campagne de recrutement et sur la formation des nouveaux réservistes afin d'augmenter l'empreinte au sol et de renforcer les unités dès 2023.
Je le répète, le budget alloué à la réserve opérationnelle fera partie des thématiques phares de la prochaine LOPPSI. Les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2021, d'un montant de 70,7 millions d'euros, ont permis de maintenir son format actuel, avec le déploiement d'environ 1 800 réservistes par jour dès le premier semestre 2021. Ce niveau de dotation est reconduit dans le cadre du PLF pour 2022, tout comme les crédits qui y sont associés.
Voilà pourquoi il ne nous paraît pas nécessaire à ce stade, monsieur le rapporteur pour avis, de donner une suite favorable à ces amendements, que je vous demande de bien vouloir retirer.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense.
Nous serons néanmoins attentifs, lors de l'examen de la prochaine LOPPSI, aux moyens qui seront accordés à la réserve opérationnelle en vue de sa montée en puissance.
Vous pourriez vous parler au sein de la majorité, nous gagnerions du temps !
Il concerne le programme 161, Sécurité civile. J'ai évoqué tout à l'heure les enjeux liés au changement climatique et l'aggravation du risque d'incendie, lié au nombre croissant d'épisodes de sécheresse dans les massifs boisés de notre pays. Or les moyens pour y faire face ne suivent pas.
Cet amendement d'appel vise donc à nous doter d'un bombardier d'eau supplémentaire, lequel pourrait d'ailleurs être également utilisé par nos voisins européens s'ils en avaient besoin. En effet, quand une forêt brûle, même à l'autre bout du monde, c'est toute la planète qui pâtit d'une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et d'une baisse de la production d'oxygène : vous connaissez le rôle fondamental des forêts dans notre écosystème planétaire pour permettre la vie humaine.
Il est très regrettable que nous n'ayez rien anticipé en ce domaine, car ce n'est pas au moment où nous serons confrontés à des catastrophes, appelées à devenir de plus en plus nombreuses et importantes, qu'il conviendra de réagir. Voilà pourquoi je plaide pour l'allocation de moyens supplémentaires au programme 161 et l'achat d'un nouveau bombardier d'eau.
Monsieur Bernalicis, anticiper, ce n'est pas se précipiter. Vous souhaitez que nous achetions un nouveau bombardier d'eau mais, à en croire l'exposé sommaire de votre amendement, d'ancienne génération. Or, quand on investit, il convient non seulement d'être attentif aux quantités, mais aussi à la qualité.
Oui, nous anticipons, mais sans nous précipiter. Nous souhaitons véritablement moderniser notre flotte d'avions et d'hélicoptères :…
…comme je l'ai dit en présentant mon rapport, il s'agit d'un enjeu majeur. Des moyens supplémentaires sont effectivement nécessaires, à la fois pour améliorer l'efficacité opérationnelle de nos appareils et pour diminuer leurs coûts d'entretien, étant donné qu'ils sont vieillissants et sursollicités. Plusieurs contraintes allant au-delà des seules considérations budgétaires sont donc à prendre en considération.
Si vous souhaitez que nous achetions des modèles de nouvelle génération, nous y serons absolument favorables et nous anticiperons les choses. Mais, compte tenu de votre exposé sommaire et de votre intervention, je ne crois pas que l'adoption de votre amendement nous permettrait de moderniser notre flotte. L'avis est donc défavorable.
Même avis.
Si le problème porte seulement sur le modèle du Canadair, nous devrions pouvoir le résoudre assez facilement, monsieur le rapporteur spécial. L'exposé des motifs de l'amendement n'est pas très important : ce sont les crédits qui engagent.
Je constate donc que vous n'avez pas d'arguments contre ma proposition, à laquelle, en réalité, vous adhérez : il nous faut bien des moyens supplémentaires. À cet égard, peut-être existe-t-il un juste milieu entre anticiper et ne pas se précipiter. Vous nous dites qu'il faut attendre l'arrivée des Canadairs de nouvelle génération pour accroître notre flotte, mais que ferons-nous s'il y a des incendies l'année prochaine ? Vous justifierez-vous en disant que le nouveau modèle n'est pas encore sorti ?
Il existe tout de même un principe de réalité au nom duquel nous devrions pouvoir dégager des moyens supplémentaires dans ce domaine.
L'amendement n° 963 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement n° 677 .
Il vise à abonder l'action 13, Soutien aux acteurs de la sécurité civile. Dans ce domaine, la proposition de loi de Fabien Matras, que nous avons examinée il y a peu, a apporté certaines réponses, s'agissant notamment des pompiers volontaires et professionnels. Toutefois, comme cela a été rappelé lors du congrès national des sapeurs-pompiers de France, ce texte ne comporte pas d'éléments budgétaires. Par cet amendement, je vous propose donc de mobiliser 20 millions d'euros supplémentaires au bénéfice des acteurs de la sécurité civile, particulièrement les jeunes sapeurs-pompiers (JSP), pour ainsi mener une campagne nationale de recrutement et accroître les aides aux employeurs.
En effet, nous constatons un désengagement. Comme vous le savez, la durée moyenne de l'engagement est actuellement de neuf ans et, alors que nous comptions 204 000 pompiers volontaires, ce chiffre s'élève désormais à 193 000.
Il est donc nécessaire de fournir des efforts très importants, la mesure que je vous propose ici me paraissant juste et adaptée.
Nous sommes évidemment tous attachés à notre modèle : notre savoir-faire en matière de lutte contre les risques est absolument exemplaire et reconnu au niveau international – et pas seulement européen.
Par cet amendement, vous souhaitez majorer l'aide dont bénéficient les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires. Or il existe un grand nombre d'autres dispositifs que celui-là. Outre le label employeur, auquel vous faites référence dans l'exposé sommaire de l'amendement, des compensations financières sont définies avec les services départementaux d'incendie et de secours. Les employeurs bénéficient d'un abattement de 10 % sur les primes d'assurance dommages incendie et peuvent également avoir droit à un abattement d'impôt sur le revenu égal à 60 % du montant équivalent à la rémunération du pompier volontaire. Enfin, des financements sont également disponibles au titre de la formation professionnelle, ce qui est très important pour ces métiers de protection civile.
La commission n'ayant pas examiné cet amendement, j'émettrai donc, à titre personnel, un avis défavorable.
Même avis.
À l'instar de la réserve opérationnelle, dont nous parlions tout à l'heure, la sécurité civile constitue un élément indispensable qui doit être pérennisé et sécurisé et dont il convient d'accroître l'attractivité et la reconnaissance. Nous saluons le modèle français où même les volontaires sont des pros, tant pour leur engagement que leur efficacité.
Cela étant, vous le savez, certains territoires, notamment ruraux, ont d'énormes besoins de recrutement en raison du roulement plus rapide des effectifs auquel nous assistons aujourd'hui. Il convient donc de fidéliser et de reconnaître l'engagement des pompiers et, à cet égard, il me semble que l'amendement de notre collègue Morel-À-L'Huissier transcende largement les clivages politiques.
Nous avons de l'amour, de l'affection, de la reconnaissance pour nos pompiers, mais encore faut-il l'exprimer dans la durée. Il faut le faire pour les professionnels, qui ont passé un concours et qui disposent d'un statut et d'un rythme spécifique, tout à fait respectable. Il faut améliorer leurs conditions de travail, et la proposition de loi de Fabien Matras y contribuera sans doute : c'est en tout cas l'objet des échanges que nous avons actuellement, le groupe Les Républicains ayant formulé des propositions en ce sens. Il faut le faire aussi pour les JSP volontaires, les cadets, toutes les femmes et tous les hommes qui s'engagent au quotidien et qui assurent la continuité, non pas des soins, mais de la lutte contre les incendies et des secours aux personnes et aux biens – mission dont Dieu sait combien elle est devenue indispensable.
J'ajoute enfin que nos pompiers pallient des carences, notamment dans les déserts médicaux.
Ce sont tous ces éléments qu'il faut avoir en tête et qui expliquent pourquoi nous voterons cet amendement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez mentionné plusieurs mesures, mais pourquoi y a-t-il une crise des vocations ? Pourquoi le nombre de sapeurs-pompiers volontaires va-t-il diminuant ? Pourquoi des sapeurs-pompiers volontaires cachent-ils leur engagement à leurs employeurs potentiels ? Parce qu'ils ont peur de ne pas être recrutés. Voilà pourquoi il nous faut faire un geste en direction des employeurs. Dans le cas contraire, nous aurons un véritable problème dans nos territoires s'agissant des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires.
Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cet amendement, et Mme Karamanli, qui suit pour nous cette question, pourra également vous expliquer pourquoi.
Une belle proposition de loi a effectivement été votée, mais nous constatons des déceptions préoccupantes sur le terrain. En effet, tout ce dont nous avons discuté dans l'hémicycle n'a pas été suivi d'effet, notamment en ce qui concerne la bonification des trimestres de retraite ou encore l'attribution automatique du titre de reconnaissance de la nation après trente ans de service.
Nous avons véritablement besoin de fidéliser, d'encourager et de reconnaître le travail accompli par les sapeurs-pompiers ; c'est pourquoi nous voterons cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'amendement n° 677 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement n° 769 , que vous pourriez peut-être présenter en même que vos deux amendements suivants, monsieur Bernalicis ?
Ils ne portent pas du tout sur les mêmes sujets, monsieur le président.
Sourires.
Je vous l'accorde et tâcherai d'être concis.
Cet amendement concerne la question de la lutte contre les violences faites aux femmes, et plus précisément l'accueil des femmes victimes de violences dans les commissariats de police de notre pays. Tout le monde le sait sur ces bancs, nous assistons très régulièrement à des polémiques. Récemment, c'est le commissariat de Montpellier qui a été pointé du doigt et mis en cause. J'entends Mme la ministre déléguée répondre que des formations sont prévues et que tout se passe bien, alors qu'il est évident que non. Le groupe La France insoumise propose donc de muscler davantage notre politique dans ce domaine – qui fait consensus dans cet hémicycle – en prévoyant 10 millions d'euros supplémentaires en faveur de l'accueil des femmes victimes de violences dans les commissariats.
Comme vous, je suis très préoccupé par les violences faites aux femmes. Je me permettrai néanmoins de vous rappeler ce qui a été fait depuis quatre ans et l'ampleur des crédits inscrits dans ce projet de loi de finances.
Avec 230 millions d'euros, le ministère de l'intérieur fournit 80 % du budget interministériel dédié à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Comme vous le rappeliez tout à l'heure, le ministère a professionnalisé la mission d'accueil du public au sein de ses services, avec la nomination et la formation de référents d'accueil, personnes ressources spécifiquement formées à la prise en charge des femmes victimes de violences. À Paris, depuis 2019, ce sont 319 fonctionnaires de police qui ont participé à un stage relatif à l'accueil, à l'aide aux victimes et aux violences conjugales.
Par ailleurs, il importe de rappeler qu'un protocole des ministères de l'intérieur et de la justice systématise le dépôt de plainte et n'autorise qu'exceptionnellement le recours à la main courante.
Je rappellerai également que la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes incrimine le harcèlement de rue, avec l'introduction du délit d'outrage sexiste.
Enfin, et pour ne citer que quelques éléments, le Grenelle des violences conjugales a conduit le ministre de l'intérieur à proposer de nouvelles mesures visant à améliorer l'accueil et la prise en charge des victimes de ce type de violences.
Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté votre amendement.
Tout d'abord, contrairement à ce que vous insinuez, monsieur le député, le Gouvernement ne considère pas que tout va bien s'agissant des violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. C'est nous qui avons fait de cette question un sujet politique et qui l'avons placée sur l'agenda à un moment où aucun autre parti politique n'en parlait ni n'en faisait une priorité – voilà pour les faits.
Je vous rappellerai ensuite ce que nous avons fait en matière de formation. Nous évoquions tout à l'heure la formation initiale : 100 % des policiers et des gendarmes suivent désormais 120 heures de formation sur la question des violences sexistes et sexuelles – ce n'était pas le cas précédemment. Quant à la formation continue, le ministre de l'intérieur et moi-même avons fixé l'objectif de former 100 000 membres des forces de l'ordre sur cette question d'ici au début de l'année 2022.
Pour améliorer l'accueil des femmes dans les commissariats et dans les brigades de gendarmerie, nous avons créé, lors du Grenelle des violences conjugales, la grille d'évaluation du danger : constituée de quarante questions, elle doit permettre aux forces de l'ordre de mieux qualifier les violences vécues par les femmes, et ainsi de recourir utilement aux dispositifs existants que sont le téléphone grave danger, le bracelet antirapprochement ou l'ordonnance de protection.
Nous avons donné l'instruction que 100 % des plaintes soient prises, bien qualifiées et transmises au parquet ; plus de mains courantes, et évidemment pas de refus de plainte – ceux-ci ne sont pas permis par le code pénal, et tout refus de plainte fera l'objet d'une sanction.
Nous avons également créé la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr, qui mobilise 115 millions d'euros de crédits et sur laquelle des policiers et gendarmes répondent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept de manière gratuite et anonyme, sans que le site – doté d'un bouton de sortie – n'apparaisse dans l'historique, permettant aux femmes qui n'oseraient pas, ne pourraient pas ou ne voudraient pas se rendre dans un commissariat ou dans une gendarmerie de préparer une plainte afin que la justice puisse diligenter une information. Il est également possible de saisir la police en envoyant un texto au 114.
Nous avons dépassé les objectifs du Grenelle des violences conjugales. Nous nous étions engagés à installer 80 intervenants sociaux supplémentaires dans les commissariats et les gendarmeries ; nous sommes désormais à plus de 400, dont deux au minimum par département. Avant notre arrivée, certains départements n'étaient dotés d'aucun intervenant social ni psychologue.
Enfin, nous avons adressé une instruction aux directions générales de la police et de la gendarmerie pour leur demander que tout policier ou gendarme condamné pour des faits de violence conjugale ne soit plus en lien avec le public pour la saisie des plaintes ; jusqu'à présent, certaines personnes condamnées restaient en poste. Enfin, nous avons fait nommer des référentes sur les violences sexistes et sexuelles et sur les violences conjugales et intrafamiliales ainsi que trois responsables directement rattachés à la direction générale de la police nationale, à la direction générale de la gendarmerie nationale et à la préfecture de police.
Nous allons toujours plus loin pour renforcer la formation, l'amélioration et la prise en compte de la parole lors de l'accueil dans les commissariats. La dernière mesure annoncée par le ministre de l'intérieur est l'expérimentation du dispositif de « plainte chez autrui » : dans les départements du Vaucluse, du Pas-de-Calais, de la Haute-Corse, de la Sarthe, du Morbihan et dans plusieurs arrondissements de Paris, il permettra là encore d'aller vers les femmes qui souhaitent porter plainte quand elles ne peuvent pas ou ne veulent pas se rendre dans un commissariat ou dans une gendarmerie.
L'intention est là : vous avez lancé le Grenelle des violences conjugales et l'on voit que des dispositifs ont été mis en place. Cependant, on ne peut pas nier qu'il subsiste des difficultés dans les commissariats de police.
Personne ne le nie.
Certaines femmes refusent de s'y rendre parce qu'elles y sont mal reçues et que leurs plaintes ne sont pas prises. Il y a encore des situations graves ; tous les jours, les chiffres s'accumulent. On ne peut pas dire que la situation soit satisfaisante. Je note que vous faites des efforts, mais il reste beaucoup à faire.
J'ai défendu un amendement en ce sens dans la mission "Justice " du projet de loi de finances, mais il n'a pas été adopté. M. le garde des sceaux s'est engagé à mettre à disposition autant de téléphones grave danger qu'il le faut, mais il aurait été bon d'inscrire dans la loi le nombre de 5 000 téléphones, car le budget actuel n'est pas suffisant pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Pour parer à toute ambiguïté, je n'ai jamais dit que tout se passait bien ; c'est parce qu'il y a des problèmes que nous déployons toutes ces mesures. Si les dépôts de plaintes se passaient bien depuis toujours, il n'y aurait pas besoin de renforcer la formation, de créer une plateforme et un numéro de téléphone ou de proposer la plainte chez autrui. Je ne pense pas pouvoir être prise en défaut sur ce point.
Le problème des téléphones grave danger et des bracelets antirapprochement, sujet que je connais bien, tient moins à leur financement qu'à leur attribution : il y a, en France, plus de téléphones grave danger et de bracelets antirapprochement financés qu'attribués. Le problème n'est donc pas de financer l'augmentation du stock, mais de savoir comment l'utiliser : 1000 bracelets antirapprochement sont financés, or moins de 100 ont été attribués. Il faut donc que, sur le terrain, le personnel de la justice s'empare de ces nouveaux dispositifs, que les avocats les connaissent et les réclament et que les victimes sachent qu'ils existent. C'est pour cela que nous communiquons sur le sujet. Il n'y a pas de problème de budget.
Ce que vous dites sur les téléphones grave danger n'est pas exactement vrai : le projet annuel de performance de la mission "Justice " explique que la perspective d'attribution des téléphones est à la hausse, mais que le budget prévoit d'en financer le même nombre qu'à l'année n-1.
On parle de perspectives !
L'amendement propose d'anticiper cette hausse afin de respecter le principe de sincérité budgétaire. Si vous ne voulez pas l'entendre, que voulez-vous que je vous dise ? Visiblement, vous faites tout bien.
L'amendement n° 769 n'est pas adopté.
C'est un plaidoyer pour la police technique et scientifique, souvent la grande oubliée de la police : on parle d'elle lors d'affaires retentissantes, puis elle disparaît des esprits au profit d'autres unités. Certes, ses effectifs ont progressé, mais elle est de plus en plus utilisée par les services d'active pour améliorer le taux d'élucidation des affaires.
Je souhaite à la fois qu'il y ait davantage de policiers techniques et scientifiques et que ceux-ci disposent de davantage de moyens, d'où un amendement qui porte en même temps sur le titre 2 et sur le titre 3. Cette mesure serait de nature à améliorer le travail de la petite police judiciaire et de la police judiciaire tout court, sans compter qu'elle satisferait les revendications des syndicats de la police technique et scientifique, que je partage, car ils demandent une meilleure reconnaissance de leur statut et de leurs attributions. En effet, ils vont aussi sur le terrain, sans être reconnus comme des policiers d'active.
…car la police scientifique et technique est au cœur des évolutions de la sécurité intérieure. La maquette de performance de la mission "Sécurités " compte d'ailleurs un indicateur dédié à la généralisation de la police technique et scientifique ; bien sûr, il est possible d'accroître encore le recours à ces outils et les moyens qui y sont dévolus, ce que les forces opérationnelles réclament souvent au cours des investigations. Le problème que vous soulevez y est étroitement lié.
J'appelle de mes vœux un tel mouvement, qui pourra être l'un des enjeux de la future loi de programmation, et je suis sûr que le Gouvernement nous en dira plus dans les mois à venir. Mais, sur le plan budgétaire, tous les sous-indicateurs qui composent l'indicateur de généralisation de la police technique et scientifique augurent bien une hausse de la mobilisation des techniques de police scientifique.
La commission n'a pas examiné l'amendement ; à titre personnel, j'y suis défavorable.
L'amendement n° 964 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il porte sur le programme 161 Sécurité civile et vise à augmenter les moyens consacrés à l'investissement dans les produits retardants et aux exercices de prévention des risques, en complément des Canadair que j'ai cités tout à l'heure. Je le répète, l'anticipation est à la traîne, et il faudrait y consacrer davantage de moyens. Nous devrons sans doute nous en charger nous-mêmes à partir du mois d'avril 2022, vu les réponses qui sont données au banc.
L'amendement n° 771 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 276 .
Cet amendement d'appel vise à alerter le Gouvernement sur la sécurité routière : bien entendu, je ne souhaite pas priver la police nationale d'une telle somme.
Chaque année, en France, des milliers de personnes meurent sur les routes. Malgré des campagnes de prévention importantes, la question n'est toujours pas résolue. Les chiffres parlent d'eux-mêmes ; chaque année, l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière rappelle les facteurs des accidents de la circulation les plus graves. Un accident mortel sur trois est causé par une vitesse excessive ou inadaptée – c'est la première cause d'accident – ; un accident mortel sur quatre est causé par une alcoolémie positive du conducteur ; les stupéfiants multiplient par deux le risque d'être responsable d'un accident mortel, et par quinze lorsque la drogue est associée à l'alcool.
Bien que la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ait constitué une avancée majeure pour l'indemnisation des victimes d'accidents de la route, notamment grâce au principe de réparation intégrale des préjudices et au succès de la procédure amiable, il subsiste un vide juridique concernant d'autres aspects des accidents de la circulation. Il me semble important que le Gouvernement se donne les moyens de diminuer le nombre de décès et de blessés sur les routes et d'améliorer la protection des victimes directes et indirectes des accidents de la circulation.
J'ai bien noté qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Le Gouvernement vous répondra de manière plus précise.
Les crédits du programme Sécurité et éducation routières connaissent d'ores et déjà une hausse de plus d'un tiers, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour s'établir à environ 54 millions d'euros. L'exposé sommaire de votre amendement évoque la conduite sous l'emprise de stupéfiants ; la hausse des crédits que je viens d'évoquer devrait donc vous satisfaire, puisqu'elle est principalement liée à l'acquisition de kits de dépistage et de vérification utilisés par les forces de l'ordre lors des contrôles routiers dans le cadre de la lutte contre l'usage de stupéfiants au volant. En outre, 2022 sera l'année de la rédaction des nouveaux documents généraux d'orientation qui définissent, au niveau de chaque département, les orientations de la politique locale de sécurité routière pour une durée de cinq ans.
La commission n'a pas examiné cet amendement ; si vous ne le retirez pas, je serai défavorable, à titre personnel, à son adoption.
L'amendement n° 276 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 277 .
Pour revenir un instant sur l'amendement précédent, je reconnais que des efforts sont faits sur la prévention. En revanche, il faut absolument améliorer la protection des victimes directes et indirectes des accidents de la circulation.
L'amendement n° 277 est également un amendement d'appel. En octobre 2018, dans un entretien donné au Journal du dimanche, Christophe Castaner, nouveau ministre de l'intérieur, expliquait : « Je m'inquiète, par exemple, de la pression qui s'exerce à la frontière espagnole. Depuis le début de l'année, on a recensé en Espagne 48 000 entrées irrégulières en provenance du Maroc, une augmentation de 155 %. En un an, les non-admissions à la frontière franco-espagnole ont augmenté de près de 60 % dans les Pyrénées-Atlantiques. »
En visite dans les Pyrénées-Orientales le 5 novembre 2020, Emmanuel Macron avait annoncé son intention de doubler les effectifs de la police aux frontières en vue de lutter, notamment, contre le terrorisme ; il s'était rendu au poste frontalier du Perthus, où quelque 35 000 véhicules franchissent chaque jour la frontière entre la France et l'Espagne. Depuis neuf mois, cinq routes transfrontalières sont fermées par des blocs de béton sur arrêté préfectoral, au nom de la lutte contre l'immigration clandestine, le risque terroriste et le trafic de drogue. La frontière franco-espagnole est la deuxième porte d'entrée de l'immigration clandestine vers le territoire français derrière l'Italie, a indiqué le ministère de l'intérieur.
Monsieur le président, j'ai quelques secondes encore. Depuis janvier 2021, l'Espagne comptabilise 21 120…
Je vous redonnerai la parole tout à l'heure. Quel est l'avis de la commission ?
Je me référerai également aux propos du Président de la République dans les Pyrénées-Orientales pour vous dire que beaucoup a été fait, notamment depuis son déplacement de novembre dernier au Perthus et à Saint-Laurent-de-Cerdans, sur la quasi-totalité de la frontière franco-espagnole. Les crédits de l'action 04 Police des étrangers et des transports internationaux progressent déjà de 18 millions d'euros. Au total, l'action est dotée de plus d'1 milliard d'euros. Je ne vois pas ce que le transfert de 10 millions d'euros depuis les crédits de la police pourrait changer, sachant que l'effort se poursuit.
J'ai bien noté que l'amendement était un amendement d'appel. La commission n'ayant pas examiné l'amendement, si vous ne le retirez pas, je serai défavorable à son adoption.
L'amendement n° 277 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 278 .
Monsieur le président, en tant que députée non inscrite, je ne peux pas participer à la discussion générale ni poser de questions ; j'aimerais au moins pouvoir défendre les quelques amendements que j'ai déposés.
J'aimerais ajouter un chiffre : M. le rapporteur spécial dit que beaucoup d'efforts ont été faits, mais on a constaté une augmentation de 73 % du nombre d'étrangers en situation irrégulière interpellés dans les cinq départements frontaliers en 2021 par rapport à 2020.
Il reste beaucoup à faire ; c'est pourquoi cet amendement d'appel proposait d'augmenter les crédits.
L'amendement n° 278 est également d'appel. À l'occasion de la clôture du Beauvau de la sécurité, le Président de la République a annoncé un projet de loi de programmation pour les sécurités intérieures, qui devrait être présenté en Conseil des ministres au début de l'année 2022.
Le chef de l'État a indiqué vouloir « doubler en dix ans la présence de policiers et de gendarmes » sur le terrain, en prévoyant une enveloppe de 500 millions d'euros pour les premières mesures retenues dans le cadre de la consultation. Tout cela est très bien. Nous nous en félicitons, en nous demandant simplement pourquoi il a attendu la veille des élections pour une telle annonce. Comme le dit l'adage, mieux vaut tard que jamais !
Pour atteindre cet objectif de doublement des forces sur le terrain, le Président de la République indique en outre qu'« il faut dégager les policiers des tâches administratives, en développant les missions des personnels ». Je ne comprends pas vraiment : d'un côté, vous affirmez cela – et c'est très bien – ; de l'autre, le ministre de la justice complique encore un peu plus la procédure pénale, en rendant par exemple obligatoire la présence d'un avocat lors d'une perquisition.
Donnons enfin aux policiers les moyens de remplir leur mission, des moyens concrets et réels, pour qu'ils puissent assurer la sécurité de nos concitoyens, qui est, je vous le rappelle, la première des libertés !
Vous nous demandez pourquoi nous n'avons pas fait cela plus tôt. Je vous rappelle que nous sommes la première majorité à avoir augmenté les effectifs de la police et de la gendarmerie de 10 000 agents en une législature ; la hausse est de 6 415 pour la seule police. Je ne crois donc pas que nous ayons de leçon à recevoir.
« C'est vrai ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.
Quand le Président de la République indique qu'il veut doubler les effectifs sur la voie publique en dix ans, il poursuit le même effort ; vous devriez nous en féliciter et vous en féliciter pour notre pays et la sécurité des Français.
Je comprends bien qu'il s'agit d'un amendement d'appel, mais vous tapez un peu dans tous les sens. Vous avez raison, il faut augmenter les effectifs sur la voie publique, mais cela passe par des mesures ciblées. Vous avez raison, les tâches indues doivent être supprimées, mais c'est un rocher de Sisyphe depuis plus de trente ans dans la police nationale.
Il faut également cibler certains recrutements, en fidélisant les effectifs en région parisienne et en développant la filière investigation. Toutes ces mesures sont sur l'établi depuis cinq ans ; les travaux sont menés en coopération avec les syndicats de policiers.
Enfin, même si vous ne les avez pas repris oralement, vous formulez, dans l'exposé sommaire de votre amendement, des propos assez méprisants sur l'effort de rénovation de la tenue des policiers, la tenant pour vaine, accessoire. Or elle constitue un élément fondamental des conditions de travail, du point de vue des policiers eux-mêmes, qui prime ici ; elle influe sur la qualité de leur travail quotidien et donc sur la sécurité des Français. Même si vous ne les louez pas, nos efforts sur ce point sont également louables, pour notre pays.
L'amendement n'ayant pas été examiné en commission, c'est donc à titre personnel que j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Madame Ménard, dans le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, nous n'avons nullement voté pour la présence obligatoire d'un avocat lors d'une perquisition – même si j'y aurais été favorable, au fond. Nous avons simplement rendu cette présence possible ; c'est très différent !
Pas du tout la même chose ! L'avocat peut être présent, mais il peut aussi ne pas l'être. Lors de la plupart des perquisitions, l'avocat ne sera dont pas présent, car les personnes perquisitionnées soit n'auront pas le temps de le contacter, soit n'en ont pas.
Par ailleurs, j'en ai ras-le-bol d'entendre que la sécurité est la première des libertés. Si les libertés sont nombreuses – par exemple, la liberté d'aller et venir ou la liberté d'expression –, la sécurité n'en est pas une. La « liberté de sécurité » n'existe pas ! La sécurité peut éventuellement être un droit. Et encore, notre bloc de constitutionnalité ne reconnaît qu'un droit à la sûreté, c'est-à-dire le droit de ne pas être mis en cause arbitrairement par la puissance publique. Mais cela doit vous dépasser, madame Ménard.
L'amendement n° 278 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour soutenir l'amendement n° 803 .
Il vise à créer une nouvelle dotation destinée aux commandants de compagnie de gendarmerie, afin de leur donner des marges de manœuvre supplémentaires pour l'entretien et les petits travaux dans les brigades sous leur commandement.
Véritable outil de commandement, la dotation réduira considérablement le délai entre le moment où une panne ou une détérioration est constatée et celui où elle est réparée. En effet, à l'heure actuelle, la chaîne de décision exige de faire remonter l'information depuis la brigade concernée vers la compagnie, puis vers le groupement, le bureau de l'immobilier et du logement, voire le SGAMI – secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur – ou les bailleurs sociaux propriétaires fonciers, ce qui augmente considérablement le temps de prise en charge des réparations et, bien sûr, leur coût administratif et humain. J'estime que la proximité est un gage d'efficacité et de rapidité, mais aussi d'économie.
Nous demandons aux gendarmes d'être au plus près du terrain ; nous devons leur donner les moyens de régler les petits tracas du quotidien de casernement, auxquels ils sont confrontés, avec, bien sûr, leurs familles. Avec cette dotation de fonctionnement des commandants de compagnie, le Parlement permettrait aux gendarmes de bénéficier, dans chacune des 371 compagnies de métropole ou d'outre-mer, de 25 000 euros de budget pour cela.
Monsieur le rapporteur spécial, nous nous sommes déplacés ensemble dans tout le territoire et cette demande nous a systématiquement été présentée, comme à ceux de nos collègues qui se rendent dans les compagnies et les brigades de gendarmerie. Nous avons aujourd'hui l'occasion d'y répondre.
En effet, nous avons régulièrement fait le constat d'un tel problème au cours de nos nombreuses visites dans les brigades et les groupements de gendarmerie, tout au long de l'année qui vient de s'écouler, pour préparer ces travaux. Vous et moi avons également la même boussole : nous savons qu'en réglant les problèmes du quotidien, nous améliorerons les conditions de travail des gendarmes, leur faisant gagner en efficacité, au service de la sécurité des Français.
Mais le Gouvernement aussi a cette question à l'esprit ; je constate ainsi que, dans ce projet de budget, une dotation de fonctionnement courant d'un montant de 43,2 millions d'euros en autorisation d'engagement est prévue pour la gendarmerie ; elle permettra notamment de financer les fournitures de bureau, la papeterie, la documentation, les consommables, la reprographie,…
…la téléphonie, l'affranchissement, les frais de représentation et de relations publiques et la dotation de fonctionnement des unités élémentaires. C'est aussi l'esprit du plan Poignées de porte,…
…qui est, je le sais, très apprécié par toutes les forces de sécurité, y compris la gendarmerie. Un nouveau plan « poignées de porte », d'un montant de 25 millions d'euros sera également élaboré pour celle-ci en 2022.
Même pour les poignées de porte, tout est décidé au plus près des territoires !
Même si des efforts restent à faire, notamment en faveur de la décentralisation et même si je comprends vote amendement, je vous demande de le retirer ; à défaut, je formulerai un avis défavorable à titre personnel, la commission n'ayant pu l'examiner.
Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur spécial, quand vous soulignez l'importance de la tenue des policiers et des gendarmes, je suis entièrement d'accord avec vous. Mais il importe aussi que les locaux des policiers et des gendarmes soient dignes des fonctions régaliennes qu'ils exercent. Actuellement, ce n'est pas le cas pour beaucoup de compagnies de gendarmerie et de commissariats.
Depuis un certain temps, vous vous attribuez un satisfecit – avec vous, tout irait bien, vous auriez beaucoup fait. Eh bien, prenons l'exemple du grand commissariat de Chalon-sur-Saône. Sous la législature précédente, nous avions obtenu, grâce à M. Bernard Cazeneuve, des crédits pour en refaire l'électricité et les peintures. Au cours de cette législature, vous et votre collègue Raphaël Gauvain – que je salue – avez obtenu le financement de travaux d'isolation du plafond. Je vous le demande : si vous faites mieux, et allez plus vite, ajoutez aussi l'isolation des fenêtres.
Et les poignées de porte ! Comme cela, dans six législatures, le commissariat sera comme neuf !
Et puis, au cours du prochain mandat, vous construirez aussi un nouveau commissariat, dans le quartier des Prés Saint-Jean ; c'est une vraie nécessité.
L'amendement n° 803 n'est pas adopté.
Celui-ci porte sur le programme 161, Sécurité civile – je ne sais pas pourquoi nous alternons avec l'examen des amendements concernant le programme 152, mais peu importe.
Après avoir évoqué, dans le programme 161, les avions, puis les produits retardants et les exercices de prévention des risques, j'en viens aux moyens humains. Le budget en la matière stagne, or, un budget qui stagne, c'est un budget qui baisse, car il est mangé par l'inflation, notamment quand il s'agit de dépenses de fonctionnement, comme chacun sait.
L'amendement vise à abonder les crédits dévolus à la prévention des risques de sécurité civile, notamment les risques d'incendie.
Si nous alternons entre un sujet et l'autre, c'est parce que l'ordre d'examen des amendements dépend du montant des modifications de crédits qui y sont proposées, et non du programme concerné.
Faut-il donc que je propose des montants plus importants pour passer en premier ?
J'ai demandé que la discussion soit réorganisée de manière plus thématique ; cela rendrait les échanges plus cohérents et plus intéressants. Ce sera fait, mais pas aujourd'hui.
Quel est l'avis de la commission ?
Effectivement, vos amendements n 965 et 771 sont similaires et visent à retirer des crédits au même programme. Sachez que nous augmentons déjà les crédits affectés à la sécurité civile de 2,5 %, à périmètre constant. Dit de manière plus parlante, cela signifie que nous portons de 35,6 millions à 37,7 millions les crédits consacrés à l'action 11 Prévention et gestion des crises ; ce n'est pas rien !
On peut vous reconnaître de la constance…
…dans le désir de déshabiller la police et la gendarmerie, notamment, de leurs caméras-piétons – puisque c'est là que vous voulez prendre les financements. Selon nous, ce n'est ni justifié, ni justifiable.
Les sommes prévues pour les dépenses d'intervention et de fonctionnement de cette action ont augmenté de plus de 18 % par rapport à l'an dernier, ce qui a permis, pour donner des exemples concrets, d'ajuster les crédits dédiés au carburant des aéronefs, aux produits retardants et aux colonnes de renfort. Les crédits sont désormais adaptés aux besoins, comme me l'ont dit les personnes auditionnées – ce n'est pas une invention de ma part.
Enfin, si je suis d'accord avec vous sur la valeur prioritaire que doit conserver la gestion des crises – notamment des incendies de forêt –, je dois rappeler le principe de réalité. Le taux de prise en charge des incendies ne dépassant pas 5 hectares est passé de 91,5 %, en 2019, à 93,4 % en 2020 ; l'objectif pour l'année prochaine a été fixé à 96 %. On voit bien que les moyens déployés sont adaptés aux risques.
Enfin, tout à l'heure, vous ne m'avez pas bien écouté.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LR.
J'ai indiqué que si le budget global de l'État en la matière peut sembler plus léger, c'est parce qu'il est compensé par les services départementaux d'incendie et de secours. Après le principe de réalité, c'est là le principe de responsabilité, notamment budgétaire : ne pas imposer à autrui ce que l'on ne voudrait pas se voir imposer.
L'amendement n° 965 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement n° 795 .
Cet amendement de Matthieu Orphelin tend à engager 5 millions d'euros supplémentaires dans les mesures de prévention protégeant les cyclistes et les piétons. En France, 9 % des accidents mortels pour les piétons et 8 % de ceux touchant les cyclistes sont dus à un angle mort. Il est donc urgent d'aider les entreprises et les collectivités à améliorer les outils de réduction des angles morts pour les bus et les poids lourds – avec des miroirs, des caméras, des radars et ainsi de suite.
Je serai bref, même si cet amendement aussi soulève des questions très importantes. Nous partageons entièrement votre préoccupation sur le juste partage de l'espace public entre les différents modes de déplacement. Dans nos villes, la question se pose de plus en plus fréquemment et, hélas, violemment.
Cependant, force est de reconnaître qu'une hausse de 15 millions d'euros des crédits du programme 207 est déjà prévue par le présent projet de loi de finances. En outre, pour répondre aux nouveaux enjeux de la sécurité routière, les usagers vulnérables, parmi lesquels les piétons et les cyclistes, sont l'un des thèmes prioritaires pour la période 2018-2022 de la stratégie de la délégation à la sécurité routière, en matière de recherches et d'études. Je ne doute pas que les travaux menés permettront de prendre les mesures les plus pertinentes dans les mois à venir.
Enfin, vous évoquez une série de mesures susceptibles d'être prises rapidement : étendre les zones où la vitesse est limitée à 30 kilomètres par heure ; sensibiliser aux dangers des angles morts, généraliser l'apprentissage scolaire de la mobilité à vélo ; multiplier les radars, et ainsi de suite. Ces propositions mériteraient d'être examinées ici – même si elles relèvent souvent de la compétence des communes ou des communautés urbaines – mais pas dans le cadre d'un débat budgétaire, me semble-t-il.
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je suis défavorable à l'adoption de cet amendement.
L'amendement n° 795 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à augmenter les moyens consacrés aux secours d'extrême urgence. Comme vous l'avez expliqué tout à l'heure, monsieur le président, j'ai bien compris qu'il arrivait plus tard dans la discussion parce que le montant des crédits proposés était moindre. C'est à nouveau un amendement d'appel, parce que dans la construction du budget, il faut avoir en tête à la fois le principe de sincérité et des objectifs politiques.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez bien fait de me dire que dans la vie réelle, lorsqu'on est confronté à des difficultés, des crédits sont trouvés pour faire face à un événement imprévu, mais c'est quand même faire preuve d'une meilleure gestion budgétaire que de l'anticiper.
L'amendement n° 966 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il a pour objectif d'augmenter les crédits alloués à la prévention des suicides dans la police et dans la gendarmerie. La ligne budgétaire consacrée à cet objectif – que je partage – stagne, notamment pour la police ; elle reste égale à 1 million d'euros, sauf erreur de ma part.
J'ai vu sur les réseaux sociaux qu'une association de défense et de soutien aux policiers avait lancé une cagnotte Leetchi…
…pour pouvoir se payer une formation aux premiers secours en matière de soutien psychologique – parce qu'il existe une formation aux premiers secours dans ce domaine. Je trouve dommage qu'une association soit obligée de lancer une cagnotte en ligne pour financer une telle formation, alors que ce devrait être une politique publique ambitieuse et assumée. Au fond, je crois que le meilleur moyen de prévenir les suicides dans la police et dans la gendarmerie serait encore d'en finir avec la politique inique du chiffre, qui ne permet pas de trouver un sens profond aux nobles et beaux métiers de gardien de la paix et de gendarme.
Le drame des suicides des policiers et des gendarmes nous bouleverse tous. Le Gouvernement en prend toute la mesure et les institutions, qu'il s'agisse de la police ou de la gendarmerie, se mobilisent pour y faire face depuis de nombreuses années ; nous en sommes tous témoins sur ces bancs.
Pour ce qui est de la gendarmerie, je rappelle qu'au 1er août 2021, le dispositif d'accompagnement psychologique de la gendarmerie nationale (DAPSY) était composé de 43 psychologues cliniciens. Il comporte une instance centrale et un maillage national de 41 psychologues cliniciens, en métropole et outre-mer. Tous ces efforts ont été accrus dans les mois qui viennent de s'écouler pour faire face à l'augmentation que vous notiez entre 2015 et 2017. L'effectif des psychologues a presque triplé ces dix dernières années et un schéma directeur de renforcement du dispositif prévoit de le porter à 55 psychologues cliniciens d'ici à 2023-2024. À titre indicatif, sur la période 2010-2019, le taux moyen annuel de suicide des personnels de gendarmerie était de 25 pour 100 000 ; en 2020, le nombre de suicides a été de douze. C'est évidemment trop, toujours trop. Toutefois, c'est le taux de suicide le plus bas depuis qu'existe la base de suivi des actes suicidaires dans la gendarmerie nationale.
D'autre part, 233 psychologues ont été rémunérés et ont exercé des fonctions au sein de la police nationale en 2020. En outre, dans le cadre du plan de lutte contre le suicide, une ligne d'écoute externalisée a été créée en septembre 2019. Elle permet aux policiers et à leurs familles, qui souhaitent se faire assister par un service extérieur à la police nationale, de disposer d'un numéro vert pour s'épancher – si je puis dire – et faire part de leurs douleurs et de leurs difficultés, dans leur travail de tous les jours mais aussi plus largement dans leur vie. Pour toutes ces raisons, eu égard aux efforts déjà fournis, je suis défavorable à l'amendement.
La question délicate et difficile du suicide, notamment dans les forces de l'ordre, a fait l'objet d'une des séquences du Beauvau de la sécurité. Avec Gérald Darmanin, nous avons choisi de ne pas la retransmettre, contrairement aux autres, afin d'avoir une liberté de ton et de parole, dans le respect des familles, des proches et de la mémoire des personnes concernées.
C'est une évidence pour toute personne qui regarde ce débat, mais je ne peux décemment pas laisser dire que les suicides de policiers ou de gendarmes auraient pour cause une quelconque politique. Je ne dis pas qu'il y a des suicides ou du mal-être dans la police et la gendarmerie, parce que ce sont des professions sur lesquelles on tape sans cesse dans les médias,…
…parce qu'on dit des choses comme « la police tue » et parce que ce sont des professions difficiles, en contact avec les situations les plus problématiques. Les policiers et les gendarmes sont critiqués et sont parfois filmés contre leur gré durant leurs actions. Ce sont deux professions parmi les plus contrôlées dans l'exercice de leurs activités et pourtant, ce sont souvent sur elles que l'on jette l'opprobre.
Concrètement, le nombre de suicides et de tentatives de suicide serait en légère baisse. Certains disent que c'est grâce à l'accompagnement psychologique. En ce qui me concerne, je ne veux pas tirer de conclusions trop hâtives, parce qu'on sait que les causes en sont multiples. Mais sur la période 2010-2019, le taux de suicide – si on peut résumer ces actes en taux, ce qui est toujours un peu difficile – était de 25 pour 100 000 ; en 2020, il y a eu douze suicides. La gendarmerie a ainsi enregistré le chiffre – navrée de parler de chiffre pour un sujet aussi délicat – le plus bas depuis l'existence de la base de suivi, puisqu'une base existe pour constater effectivement l'évolution de ce phénomène.
Au-delà du caractère suspensif de la crise sanitaire, un dispositif abouti de prévention et d'accompagnement psychologique a été créé par la gendarmerie nationale : c'est le DAPSY, composé de 43 psychologues cliniciens, dont 41 conseillers techniques régionaux présents sur le territoire métropolitain et outre-mer. C'est une preuve de l'engagement du Gouvernement. Le dispositif comptera bientôt 55 psychologues. Au 12 octobre 2021, le nombre de suicides au sein de la police nationale était de 27 – ce sont évidemment 27 suicides de trop et je pense aux familles et aux proches des personnes concernées –, contre 30 l'année précédente à la même période.
En avril 2021, avec Gérald Darmanin, nous avons lancé un plan de prévention dans la gendarmerie, suite à ce qui avait été engagé par Christophe Castaner lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Le plan comprend quatre axes, dont un spécifiquement dédié à la prévention du risque de suicide. Il s'appuie sur des supports de communication et des guides qui permettent de sensibiliser les personnels aux facteurs de risque de suicide pour une meilleure prise en compte des signaux faibles, de renforcer l'information de la chaîne de commandement et de sensibiliser les élèves.
Un schéma directeur de renforcement du DAPSY, avec le dispositif « écoute défense », ainsi que d'autres mesures, sont en cours d'élaboration : un guide méthodologique pour l'étude de l'environnement professionnel après un suicide, pour identifier la présence en amont de facteurs de risques professionnels pour les autres personnels ; une formation à la détection des cas vulnérables, avec le programme dit Sentinelles ; le recours aux compétences des négociateurs régionaux dans la transmission d'informations sur la crise suicidaire auprès des unités ; le renforcement de la prise en charge des personnels qui ont fait une tentative de suicide par le passé.
En 2021, la police nationale s'est vue allouer un budget de 1 million au titre de la prévention du suicide ; il est reconduit en 2022. Il a permis de financer les actions du programme de mobilisation contre le suicide et d'améliorer les conditions de travail par le biais d'actions dites de convivialité, d'échanges et d'actions de communication sur la prévention du suicide.
Pour avoir travaillé sur ce sujet et être aux côtés des personnels en difficulté, je souhaiterais dire qu'au-delà des dispositifs que nous finançons, il s'agit d'un tabou. C'est bien un changement culturel qui est nécessaire pour reconnaître qu'on a le droit d'aller mal, qu'on peut recourir aux dispositifs existants et en parler à quelqu'un. On n'en est pas moins un policier ou un gendarme, un être humain fort, fiable et courageux, mais qui temporairement a besoin d'accompagnement. C'est aussi ce combat culturel que nous devons mener.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est vrai qu'en tant que parlementaires, nous disposons d'assez peu d'éléments sur le sujet, puisque nous n'avons que les chiffres qu'on finit tous par connaître, ceux des personnes qui sont passées à l'acte et se sont suicidées. Mais nous n'avons pas du tout d'éléments sur les tentatives de suicide. Vous venez de l'évoquer, il y a des cellules de crise, des prises en charge, etc., mais nous restons dans le flou.
Toujours est-il que je voudrais évoquer deux éléments. Premièrement, les principales victimes des armes à feu des policiers sont les policiers eux-mêmes. Il ne faut jamais l'oublier, surtout quand on parle de plus en plus d'utiliser les armes en dehors du service, notamment dans les trains. Je voulais apporter ce point au débat, parce qu'il me paraît déterminant.
Deuxièmement, la ministre déléguée a dit qu'il est tabou, dans la police, de dire qu'on va mal – c'est le cas dans beaucoup d'endroits, mais particulièrement dans la police. C'est vrai, je partage con constate qui est clair et net. Mais il y a une autre dimension : quand un policier ou un gendarme met fin à ses jours, aucun hommage républicain n'est rendu, avec les élus notamment, comme on peut le voir pour des policiers morts en service. Il y a peut-être là un progrès à accomplir, y compris par nous-mêmes : reconnaître que lorsqu'un policier ou un gendarme met fin à ses jours, ce n'est pas un tabou à mettre dans un coin, dont on ne doit pas parler, sauf pour un petit hommage aux familles par le biais d'un tweet. Je le dis très sincèrement, parce que l'absence d'une telle reconnaissance m'a choqué pendant les quatre années écoulées de mon mandat de parlementaire. Souvent, les collègues prennent des initiatives locales sous la forme de minutes de silence ou de réunions, mais rien d'institutionnel n'est prévu. Il n'y a jamais de reconnaissance – y compris de la part du politique – de ces agents, ces femmes et ces hommes qui, même s'ils ont mis fin à leurs jours, ont contribué à l'action de police.
L'amendement n° 768 n'est pas adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 767 . Et peut-être le suivant ?
Je veux bien faire des efforts, monsieur le président, mais ils ne portent pas sur le même sujet. L'amendement n° 767 vise à créer le programme Instauration d'un récépissé dans le cadre d'un contrôle d'identité. Je ne doute pas qu'il suscitera une petite réaction sur les bancs de la commission et du Gouvernement, et peut-être parmi mes collègues de l'autre côté de l'hémicycle.
MM. Romain Grau et Brahim Hammouche, rapporteurs spéciaux, sourient.
Pour améliorer les relations entre la police et la population, il serait peut-être temps d'instaurer le récépissé pour le contrôle d'identité, afin d'en finir avec les contrôles au faciès. Je connais la réponse habituelle : le contrôle au faciès est interdit par la loi, donc il n'y en a pas. Non !
L'État, certains services de police ou des policiers ont pu être mis en cause par des tribunaux, dans des jugements où il a été reconnu qu'il y avait des contrôles au faciès. Je ne vous ferai pas l'affront de vous citer en long, en large et en travers la remarquable étude du Défenseur des droits, qui a pointé du doigt l'existence de contrôles d'identité au faciès. Tout le monde peut convenir que ce n'est pas de la sorte que l'on va améliorer les relations entre la police et la population. Bien souvent, ce sont même des situations qui génèrent de la tension et qui finissent parfois par des délits d'outrage et de rébellion, comme se plaisent à le rappeler des organisations policières. Allons de l'avant sur ce sujet, soyons proactifs et améliorons la relation entre la police et la population.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous avez le sens de la persévérance et de l'effort ! Comme l'an dernier et comme l'année précédente, vous proposez la création d'un programme intitulé Instauration d'un récépissé dans le cadre d'un contrôle d'identité. L'amendement, que la commission a rejeté, soulève la question centrale du lien entre la police et la nation. Question fondamentale à laquelle, sur tous ces bancs, nous réfléchissons régulièrement, notamment en discutant avec les policiers.
Je suis défavorable à l'amendement qui, selon moi, ne permet pas un traitement efficace du sujet. D'une part, l'instauration d'une procédure écrite supplémentaire, alors que les policiers souffrent déjà d'un surplus de tâches dites périphériques – nous le disions tout à l'heure –, me semble de nature à compliquer les contrôles, voire à tendre les situations en ajoutant une couche de procédure.
D'autre part, du point de vue de la protection de la vie privée et des libertés individuelles, je suis quelque peu gêné par l'idée que l'on pourrait suivre les déplacements d'une personne et connaître l'intégralité de ses échanges avec la police. Cela impliquerait à tout le moins la création d'un nouveau fichier de personnes contrôlées et, comme je vous le disais déjà l'an passé, un comportement relativement liberticide. Quand je dis relativement, l'adverbe est de trop s'agissant de la liberté de déplacement des uns et des autres.
Enfin, le déploiement de 30 000 caméras-piétons, dont 23 000 en 2021 financées à hauteur de 9,6 millions par le plan de relance, apporte une réponse au problème fondamental que vous soulevez : la préservation du lien entre la police et la nation par le déploiement d'une capacité de contrôle du déroulement des interventions de la police nationale. Cet outil, sollicité tant par les forces de l'ordre que par les associations et par vous-même, je crois, est à mon sens un réel progrès. Si des questions techniques persistent, son déploiement est déjà en cours – renseignez-vous auprès des troupes – et il est bien accueilli par les uns et par les autres.
Même avis.
Je suis assez stupéfait par ce que je viens d'entendre sur la lourdeur administrative. Au sein du ministère de l'intérieur et du périmètre police et gendarmerie, on chiffre tout. Le moindre acte donne lieu à des rapports et des comptes rendus, matin, midi et soir. Tout est numérisé dans le LRP-PN (logiciel de rédaction des procédures de la police nationale) ou le LRP-GN (logiciel de rédaction des procédures de la police nationale), pour enregistrer telles et telles statistiques. La seule statistique qu'on n'a pas, c'est le nombre de contrôles d'identité : là, c'est une estimation. C'est quand même assez extraordinaire ! Vous dites que ce serait parce que la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) s'opposerait à ce qu'on crée un fichier supplémentaire ? Je n'ai pas l'impression que cet argument soit celui qui rebute le Gouvernement pour la création de fichiers divers et variés…
…à longueur de textes de loi, voire en dehors. En l'occurrence, ce serait plutôt protecteur vis-à-vis des citoyens, et non liberticide, mais nous n'avons sans doute pas le même point de vue.
Vous avez raison sur un point : peut-être qu'au fond, il faudrait faire moins de contrôles d'identité. On réglerait sans doute une partie du problème. Quant aux caméras-piétons, je ne suis pas favorable à leur déploiement, car vous êtes dans l'incapacité totale, monsieur le rapporteur spécial et madame la ministre déléguée, de faire la démonstration scientifique de leur efficacité.
L'amendement n° 767 n'est pas adopté.
C'est un amendement d'appel, qui n'a pas de rapport avec le précédent. Il vise à souligner qu'il serait peut-être temps de supprimer l'IGPN (Inspection générale de la police nationale) et l'IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale), de leur enlever les missions de contrôle de la déontologie des policiers et des gendarmes.
Je suis favorable au fait de confier à l'IGA (Inspection générale de l'administration) les missions de contrôle interne classiques, budgétaire notamment, communes à tous les ministères, pour qu'on en finisse une fois pour toutes avec ces instances. Il faut un contrôle externe efficace.
Quand j'entends le Président de la République dire qu'il faudrait créer un contrôle externe, je le perçois comme un pied de nez à la fonction de Défenseur des droits. Celui-ci assure le contrôle externe de la déontologie et de la sécurité, mais n'a pas de pouvoir de sanction disciplinaire sur les policiers et les gendarmes, alors même qu'il a pointé des manquements à la déontologie, largement avérés.
Il serait temps d'aller de l'avant, de cesser d'agiter des contrôles parlementaires pour faire plaisir aux uns et aux autres et surtout ne pas résoudre le problème.
Avis défavorable. La police doit tendre à l'irréprochabilité. Nous y souscrivons tous, mais vous cultivez la défiance à longueur d'amendements, dans ceux que vous défendez depuis quelques minutes.
Nous avons tous besoin de la police : nous le disons sur ces bancs, nous le répétons à chaque événement grave, mais à chaque occasion, vous remettez une pièce dans la machine pour susciter la méfiance à l'égard d'une institution ô combien fondamentale.
S'agissant du contrôle, les annonces faites à l'issue du Beauvau de la sécurité sont très satisfaisantes, contrairement à ce que vous affirmez. Les rapports de l'IGPN et de l'IGGN seront désormais rendus publics. Ces deux inspections sont des instruments au service des directeurs généraux ; elles restent des instances soumises au contrôle parlementaire, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), qui peut évaluer leur action.
Défavorable.
Une délégation parlementaire au renseignement, qui n'aura pas le temps de s'occuper des dossiers de fond et qui supervisera le contrôle déjà effectué par d'autres : ça sent l'arnaque à plein nez !
Je ne peux pas vous laisser dire que l'IGGN et l'IGPN donnent satisfaction. Elles ont accumulé un tel discrédit dans la population que cela constitue un problème fondamental. Les Britanniques ont mené la réforme nécessaire en créant une instance de contrôle complètement indépendante : cela fonctionne.
Enfin, je n'ai pas de défiance envers la police ; j'en ai envers le fonctionnement de l'IGPN, l'armement des policiers en dehors du service, les contrôles au faciès, le non-respect de la déontologie : ça, oui ! Mais nous voudrons toujours une police républicaine à la hauteur des enjeux démocratiques de ce pays.
L'amendement n° 770 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 279 .
Il s'agit encore d'un amendement d'appel. Investir dans le renseignement est plus que jamais utile pour lutter contre les atteintes à la sécurité de nos concitoyens et des institutions, et pour prévenir les troubles à l'ordre public.
C'est d'autant plus vrai que la France n'a pas les moyens de surveiller les personnes susceptibles de mettre en danger notre sécurité – même si je reconnais que des attentats ont été déjoués ces dernières années.
La France est le pays d'Europe le plus touché, puisqu'elle a connu 80 attaques, qui ont fait 330 morts, entre 1979 et février 2021. Sur l'ensemble des pays de l'Union européenne, Royaume-Uni compris, 44 % des attentats islamistes et 42 % de leurs victimes ont concerné notre seul pays.
Depuis les attentats commis par Mohamed Merah le 11 mars 2012, on recense 56 attentats islamistes ayant coûté la mort à 293 personnes, dont 18 enfants et adolescents. L'organisation État islamique est responsable de la moitié de ces attaques. Dès lors, on ne peut que regretter la faible augmentation des moyens alloués à l'action 01 Ordre public et protection de la souveraineté du programme 176 Police nationale, alors que la tension sécuritaire est de plus en plus palpable.
Vous déplorez la faible augmentation des moyens alloués au renseignement et proposez de les augmenter de 10 000 euros – j'ai dû lire deux fois l'exposé sommaire pour en être sûr.
Certes, mais même dans un amendement d'appel, vous proposez d'augmenter de 10 000 euros les crédits d'une action dotée de 1,5 milliard, qui connaît une progression de 24 millions !
C'est le moins que l'on puisse dire !
Par ailleurs, dans le cadre de la mission "Plan de relance" , la police bénéficie de 17,8 millions d'euros en autorisations d'engagement, au profit des services de renseignements, comme vous l'avez lu, du moins je l'espère.
La commission n'a pas examiné cet amendement, j'émets un avis défavorable à titre personnel.
Pour compléter l'excellent argumentaire de M. le rapporteur spécial, je souligne que des abondements ont été consentis au renseignement chaque année du quinquennat. En outre, on constate une hausse de 30 % des crédits alloués au programme 176, entre le budget pour 2018 et celui pour 2022. Enfin, des crédits supplémentaires ont été inscrits en faveur du programme 363 Compétitivité – 16,3 millions d'euros pour 2022. Le budget du renseignement a donc été augmenté de 57 % entre 2018 et 2022. On ne peut pas dire que nous l'avons négligé. Avis défavorable.
Je n'ai jamais été socialiste !
Dans un amendement d'appel, monsieur le rapporteur spécial, j'aurais aussi bien pu inscrire 1 euro : l'objectif d'un amendement d'appel est précisément d'appeler l'attention du Gouvernement sur la nature de la demande.
Certes, les budgets ont augmenté entre 2018 et 2022, mais dans une proportion moindre entre 2021 et 2022 que les années précédentes : voilà ce que je regrette.
L'amendement n° 279 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission "Sécurités" sont adoptés.
Après l'article 48
Je suis saisi d'un amendement n° 982 portant article additionnel après l'article 48. La parole est à M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis, pour le soutenir.
Je suis rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits du programme Sécurité civile. Tous les scientifiques que nous avons auditionnés sans exception ont appelé notre attention sur les risques qui pèsent sur les habitants du 101
Même si les risques sont très faibles à court terme, nous devons les prendre en considération et préparer le soutien national. Gouverner c'est prévoir,…
Je propose donc que le Gouvernement donne mission à une équipe interministérielle pour intégrer au plus vite dans les crédits de la mission "Sécurités" les risques sismo-volcaniques à Mayotte, qui viennent tout juste d'être inscrits au plan de prévention des risques naturels. Selon moi, le Gouvernement, le rapporteur spécial et l'ensemble des députés devraient naturellement soutenir le présent amendement.
Votre amendement n'a pas été examiné en commission. Vous évoquez un risque de phénomènes sismo-volcaniques à Mayotte. Il est nécessaire de les évaluer pour adapter si nécessaire notre réponse en matière de sécurité civile. Je donne donc, à titre personnel, un avis de sagesse.
Défavorable.
Que les choses soient claires entre nous, devant la représentation nationale : il s'agit de risques majeurs. Madame la ministre déléguée, j'aurais apprécié que vous expliquiez un minimum pourquoi vous êtes défavorable à cette proposition. Rester assise et dire seulement « défavorable », c'est un peu court quand il s'agit de protéger la population d'un risque majeur.
Je vais répondre, monsieur le député, avec grand plaisir, même si on me reproche depuis tout à l'heure de répondre trop longuement plutôt que trop brièvement.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
D'abord, depuis quatre ans et demi, le Gouvernement donne systématiquement un avis défavorable à toute demande de rapport. Si vous voulez discuter d'un sujet en particulier, mon bureau est ouvert, comme celui du ministre de l'intérieur.
Nous vous recevrons très volontiers pour parler de Mayotte ou de tout autre sujet qui vous plaira. Je suis heureuse de me lever pour le dire plus longuement : l'avis du Gouvernement à votre demande de rapport est défavorable, parce que nous ne voulons pas de rapports. Les parlementaires ont de multiples possibilités pour contrôler l'action du Gouvernement, mais nous ne pensons pas qu'un rapport par lequel le Gouvernement s'autocontrôlerait ou évaluerait quelque situation que ce soit, a fortiori dans les délais restreints qui sont les nôtres, puisse être efficace.
Je suis à votre disposition pour prolonger cet échange ultérieurement, si vous le souhaitez.
Vous l'avez compris, madame la ministre déléguée – tout le monde l'a compris – : il s'agit d'un amendement d'appel. L'objectif est d'évoquer la situation dramatique de Mayotte, que chacun connaît, mais au grand jour, et non dans le secret des cabinets ministériels, où se rendraient notre collègue Kamardine, pour Mayotte, ou les députés de telle ou telle circonscription d'autres départements concernés par une immigration incontrôlée.
L'objectif est de discuter au Parlement de ces sujets, au su de tous, afin que chacun comprenne les difficultés et les solutions proposées, en comparant ce que vous et les oppositions mettent sur la table. Il s'agit de résoudre tous ensemble des situations dramatiques pour les habitants des territoires concernés, comme pour les personnes migrantes en situation irrégulière, prises pour la plupart dans les griffes des réseaux de mafias et de passeurs.
Vous expliquez qu'on ne peut pas demander au Gouvernement de s'autocontrôler, mais que venez-vous de faire au sujet des hôpitaux ? Le ministre Véran vient de lancer une enquête sur sa propre administration, sur ses propres hôpitaux et sur ses propres ARS (agence régionale de santé), pour savoir s'ils ont vraiment fermé des lits ! Vous refusez d'établir le rapport demandé, au motif que vous ne voulez pas faire précisément ce que vous faites dans le domaine de la santé. C'est incohérent !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Constitutionnellement, le Gouvernement est à la disposition du Parlement : je veux bien répondre à toutes vos questions, aussi longtemps que l'Assemblée nous permet de discuter. Ce soir, vous examinerez les crédits de la mission "Immigration, asile et intégration" , à propos desquels nous parlerons sûrement de Mayotte.
Je ne peux pas laisser entendre que des échanges se dérouleraient dans le secret des cabinets : tel n'était pas du tout le sens de mon propos. De plus, le ministre de l'intérieur et moi-même étions présents lors de l'examen des crédits en commission. Un autre amendement a offert l'occasion de débats nourris concernant Mayotte. J'ajoute le plein engagement du ministre des outre-mer.
Pour vous répondre plus en détail, dans le respect du temps qui m'est imparti, je précise que le phénomène sismo-volcanique à Mayotte fait l'objet d'un suivi ad hoc, assuré par le réseau REVOSIMA (réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte) – comme vous le savez parfaitement. Ce réseau est établi et structuré.
Les outils de gestion de crise sont les mêmes que dans toutes les préfectures, ils sont notamment issus du plan ORSEC. Au-delà de la connaissance du risque, évalué par le REVOSIMA, on compte la planification ORSEC liée à ce risque et une mission d'appui de la sécurité civile. Cette dernière assiste les services de la préfecture, pour rédiger des documents de pilotage de l'action de l'État et des autres acteurs institutionnels, en cas de survenue d'un événement volcanique majeur. L'accompagnement est acquis pour les mois à venir, en tant que de besoin.
S'agissant de l'alerte des populations, vingt-trois sirènes ont été déployées à Mayotte en juillet 2021, pour un coût de 1,5 million d'euros, dont 0,7 a été consommé en 2020 et 0,6 en 2021. Les sirènes ont été testées, elles sont en marche.
Nous pouvons donc considérer que le dispositif de sirènes est effectif à Mayotte.
Pour renforcer la résilience des systèmes d'alerte, le déploiement d'un autre dispositif est prévu dans l'ensemble du territoire national à compter de juin 2022 : France alerte concernera également Mayotte.
Vous m'interpellez au motif que vous soulevez une question très importante, pour laquelle vous souhaitez obtenir une réponse détaillée, mais vous ne l'écoutez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Portez votre masque s'il vous plaît ! .
Vives protestations sur les bancs du groupe LR
Je déduis de votre comportement que la réponse ne vous intéresse pas et que vous ne faites que du cinéma !
MM. Bruno Questel et Jean-Jacques Bridey protestent.
Est-ce que je peux m'exprimer ? Il est inutile d'être désobligeants.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous l'êtes depuis quatre ans et demi : vous criez, vous parlez, vous mimez du violon, vous baissez votre masque. Soyez respectueux ! Crier sans cesse ne fait pas de vous de meilleurs députés !
J'en reviens à Mayotte, un sujet important : le dispositif France alerte permettra d'envoyer les informations directement sur les téléphones portables, afin d'être le plus efficace possible et de prévenir la population directement. Grâce à ce portail d'alerte, les autorités qui sont chargées de la gestion de crise pourront transmettre les messages d'alerte aux opérateurs téléphoniques, afin qu'ils soient distribués aux abonnés présents sur les zones de danger.
Il me semble avoir répondu à votre interpellation. Je le redis, publiquement : je suis disponible et vous pouvez me saisir,…
…ou poser une question au Gouvernement ou une question orale sans débat.
Mais nous avons posé des questions écrites et nous attendons les réponses !
Aujourd'hui comme tous les autres jours, les ministres sont à la disposition du Parlement pour vous répondre, si toutefois la réponse vous intéresse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La difficulté, madame la ministre déléguée, vient du fait que vous avez tout d'abord donné un avis défavorable, sans donner d'explications. Comme vous l'avez vous-même souligné, le sujet est grave,…
Les autres aussi sont graves.
…j'en veux pour preuve que vous avez été amenée à développer vos arguments. Par ailleurs, vous m'invitez à vous rencontrer dans votre bureau, mais je me suis déjà rendu plusieurs fois au ministère de l'intérieur ! Je viendrai,…
Mais oui !
…je répondrai très volontiers à votre invitation formulée publiquement. Souffrez cependant que je vous dise que le débat, en République, se tient dans cet hémicycle.
Je viens de vous répondre !
Aussi, lorsque je formule une demande d'explication, ne répondez pas en m'invitant à venir vous voir dans votre bureau,…
Je vous ai répondu !
…mais échangeons directement, quitte à ce que je vienne vous voir pour obtenir un complément d'information. Dans ce cas, je demanderai, dès demain, à votre cabinet de me fixer un rendez-vous avec vous pour évoquer cette question.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Fixons-le !
L'amendement n° 982 n'est pas adopté.
J'appelle les crédits du compte d'affectation spéciale "Contrôle de la circulation et du stationnement routiers" , inscrits à l'état D.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 926 .
C'est une fois de plus un amendement d'appel – je le précise à l'intention du rapporteur spécial. La politique du Gouvernement visant à augmenter le nombre de radars n'est pas la seule solution pour baisser le taux de mortalité sur les routes. D'ailleurs, les pays qui possèdent les taux de mortalité routière parmi les plus faibles d'Europe – la Suède, le Danemark – ne sont pas ceux qui possèdent le plus de radars : il y en a 1 717 en Suède et seulement 14 au Danemark, contre 4 400 en France, sachant que je ne dispose pas encore des derniers chiffres.
Cet amendement peut sembler contradictoire avec celui que j'ai défendu lors de l'examen des crédits de la mission précédente et je tiens à en donner la raison. Je suis totalement favorable aux limitations de vitesse, car la vitesse est la première cause de mortalité dans les accidents de la route en France,…
…aussi, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Cependant, 96 % des contraventions provenant des radars sont dressées pour de très petits dépassements de vitesse.
Il faut donc agir sur les différents tableaux. La France doit se préoccuper davantage de l'état de ses routes, de plus en plus inquiétant : classée en tête du classement du Forum économique mondial pour son réseau routier en 2012, la France n'est plus qu'à la dix-huitième place, selon les données de 2019.
L'amendement n° 926 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il concerne la sécurité routière : 192 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus afin d'augmenter le nombre de radars fixes sur les routes et de développer l'utilisation des radars embarqués dans des voitures banalisées, en confiant leur conduite à des sociétés privées, ce qui agace nos compatriotes. Savez-vous, madame la ministre déléguée, que 25 % des accidents de la route sont liées à l'état de nos routes, qu'elles soient nationales, départementales, communales ou intercommunales ? Le Forum économique mondial, qui s'occupe notamment d'observer l'état des routes dans un certain nombre de pays, a à cet égard placé la France en tête du classement des pays occidentaux en 2008. Or, en 2019, nous sommes passés à la dix-huitième place.
Ces 192 millions d'euros représentent une progression d'un peu moins de 10 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Cet amendement vise à les réaffecter aux collectivités territoriales, pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières.
Vous le savez, madame la ministre déléguée, cette question a fait l'objet de débats ces derniers jours : les automobilistes seraient des vaches à lait, des bonnes poires, ou encore des cochons de payeurs, comme on dit dans le département des Ardennes. La politique que vous avez mise en place – l'indemnité de 100 euros pour les automobilistes, les radars, les retraits de points – commence à agacer sérieusement nos concitoyens.
Rappelez-vous que le mouvement des gilets jaunes a émergé suite à l'augmentation du prix des hydrocarbures, mais également suite au matraquage fiscal…
…des mêmes automobilistes sur les routes. Cet amendement, qui vise à transférer 192 millions d'euros d'une ligne budgétaire à une autre, est cosigné par quarante collègues du groupe Les Républicains.
Vous proposez de transférer plus de 191 millions d'euros du programme 751 au programme 754, pour financer les dépenses de sécurité routière des collectivités territoriales. Les crédits du programme 754 sont bien évidemment utiles, comme vous venez de l'indiquer, et nous en sommes tous convaincus. Ils permettent en effet aux collectivités de réaliser des aménagements de sécurité routière.
J'appelle toutefois votre attention sur plusieurs points. D'une part, le montant inscrit au programme 754 est fixé en application de règles précises, rappelées dans le projet annuel de performance.
D'autre part, les dépenses des collectivités ne peuvent se faire au détriment du parc de radars. Ce dernier doit rester en l'état, et suffisamment dense pour remplir son rôle de modération de la vitesse, qui, comme l'a rappelé Mme Ménard, est la première cause de mortalité sur la route. La diminution de la vitesse constitue ainsi l'un des principaux facteurs de la réduction de la mortalité des accidents routiers. Par conséquent, limiter les moyens alloués à la politique de déploiement et d'entretien du parc de radars irait à rebours des connaissances disponibles sur la mortalité routière. Je suis donc défavorable à l'adoption de cet amendement.
Avis défavorable.
Notre collègue Cordier soulève une question importante, celle de l'entretien du réseau routier, qui n'est pas au mieux de sa forme dans un certain nombre de territoires. Les départements sont en partie chargés de ce réseau ; l'État l'est aussi, comme les communes et les villes. Si les compétences sont ainsi réparties, les moyens ne suivent pas forcément, le coût est élevé, et le réseau de proximité doit également être entretenu.
Vous l'avez compris, cette question renvoie à l'enjeu majeur qu'est la sécurité routière, ainsi qu'au signal à adresser à nos concitoyens qu'ils ne sont pas que des vaches à lait. Or, un certain nombre d'entre eux ont effectivement le sentiment d'être pris pour le cochon de payeur. Il est donc souhaitable de remettre à plat quelques éléments liés à la sécurité routière.
Madame la ministre déléguée, j'avais déposé, en 2018, une proposition de résolution appelant à des états généraux de la sécurité routière. Il m'avait été répondu que c'était envisageable, puis la crise sanitaire est survenue. Quelle suite sera donnée à ces états généraux de la sécurité routière, qui pourraient réunir les automobilistes, les motards, l'ensemble des protagonistes, l'État, les associations de victimes, les associations d'automobilistes ? Ils favoriseraient un véritable dialogue entre tous les acteurs et permettraient une approche constructive, et non pas uniquement répressive.
Cet amendement nous offre l'occasion d'évoquer ce que devrait être la prévention routière. Toujours plus de moyens sont destinés à développer les dispositifs des radars – désormais les radars privés mobiles banalisés embarqués –, qui suscitent de fortes réserves.
En effet, puisqu'ils sont banalisés, ils n'ont aucune vertu pédagogique, et peuvent s'apparenter à un piège pour les automobilistes – d'aucuns utilisent l'expression « pompe à fric » et je ne la renie pas.
Par ailleurs, le principe consistant à augmenter le nombre de véhicules en circulation dans des zones accidentogènes – puisque des contrôles de vitesse y sont réalisés – est très discutable, tant d'un point de vue sécuritaire que d'un point de vue environnemental.
Troisièmement, j'ai remarqué cet après-midi une annonce, dans mon département, visant à recruter des chauffeurs privés pour conduire ces voitures, avec la promesse d'un CDI et de 1 800 euros par mois. Or, c'est – directement ou indirectement – de l'argent public qui servira à les rémunérer, au moment où l'on a tant besoin de moyens pour les infirmières, les policiers, les enseignants, les universités, les services publics :
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
pensez-vous vraiment qu'allouer des dizaines ou des centaines de millions d'euros au recrutement de chauffeurs privés soit une priorité de l'action publique ? Je ne le crois pas.
J'ignore dans quel territoire vous vivez, mais chez moi, dans le département du Nord, le conseil départemental n'a jamais autant investi dans l'amélioration des routes départementales, réalisant beaucoup de chicanes, des coussins berlinois, des dos-d'âne, des feux intelligents. De plus, le plan de relance a également permis aux maires et aux présidents d'intercommunalités de valoriser leur patrimoine routier.
Je suis d'une zone frontalière avec la Belgique – la comparaison permet sans doute de se rassurer – et, monsieur Bernalicis, comme vous le savez, en Belgique, les nids-de-poule sont monnaie courante, tandis que dans les territoires – dans le magnifique Avesnois par exemple –, on roule parfaitement.
Les travaux existent partout et l'amélioration du patrimoine est continue.
Je tiens à cet égard à remercier l'État pour son investissement, dans mon territoire, d'un montant de 1 milliard d'euros sur la route nationale – la RN2, l'ancienne route reliant Paris à Bruxelles –, ainsi que pour une amélioration des transports du quotidien, sans oublier les assises de la mobilité, alors que certaines routes étaient à l'abandon depuis quarante ans, voire soixante ans.
Je ne sais pas ce que vous faites pour défendre votre territoire, mais, pour ma part, j'y parviens !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 20
Contre 36
L'amendement n° 117 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 908 .
Il me tient particulièrement à cœur, puisqu'il vise à lutter activement contre les accidents de la route. Il propose que tout jeune ayant atteint l'âge de 14 ans effectue, sur la base du volontariat, une demi-journée de prévention dans un centre de rééducation, afin d'échanger avec des victimes d'accidents de la circulation. L'âge de 14 ans me semble idéal, puisqu'il s'agit de l'âge légal pour passer le brevet de sécurité routière (BSR) ; il permet une réelle prise de conscience des dangers de la route.
De plus, cet âge précède d'un an celui permettant de débuter la conduite accompagnée, fixé à 15 ans depuis la réforme de 2014.
Certes, la prévention commence dès le plus jeune âge, notamment avec les attestations scolaires de sécurité routière (ASSR) de niveau 1 et 2, mais malgré tout, ces formations restent essentiellement théoriques et les mesures actuelles de prévention me semblent encore insuffisantes.
Il convient donc d'organiser des rencontres directes avec des accidentés de la route pour captiver et interpeller plus fortement les jeunes grâce au récit de ces expériences malheureusement très douloureuses. Comme dans tout domaine éducatif, l'apprentissage dès le plus jeune âge permet d'acquérir de meilleurs automatismes. Je le répète, cet amendement me tient à cœur ; il a été élaboré en lien avec des associations de protection des victimes des accidents de la route.
L'amendement n° 908 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les crédits du compte d'affectation spéciale "Contrôle de la circulation et du stationnement routiers" sont adoptés.
Nous avons terminé l'examen des crédits des missions Administration générale et territoriale de l'État et Sécurités et du compte d'affectation spéciale "Contrôle de la circulation et du stationnement routiers" .
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'immigration, à l'asile et à l'intégration (n° 4524, annexe 27 ; n° 4525, tome II ; n° 4526, tome VII).
La parole est à Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Le 9 juin 2021, lors de son audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France, François Gemmene, chercheur à l'université de Liège et expert sur les questions migratoires, a déclaré : « Vouloir empêcher les migrations d'exister, c'est comme vouloir empêcher la pluie de tomber. » Je souscris pleinement à ce propos, en ma qualité de corapporteure, aux côtés de Jean-Noël Barrot, des crédits de la mission "Immigration, asile et intégration" .
La façon dont notre pays gère les flux migratoires en dit beaucoup sur ce que nous sommes, nos choix, nos espoirs, nos craintes, notre identité. De ce point de vue, la législature qui s'achève aura permis d'incontestables avancées. En cinq ans, les crédits de cette mission sont passés de 1,4 à 2 milliards d'euros par an.
Les crédits dédiés à l'intégration ont plus que doublé. Ils permettent tant de financer l'apprentissage du français et de nos valeurs que d'appliquer le dispositif de reconnaissance de l'engagement des ressortissants étrangers pendant l'état d'urgence lié à la covid-19. En un an, ce dispositif a permis à plus de 12 000 étrangers de devenir français, en remerciement de leur engagement. Oui, je me réjouis que ces aides-soignantes, ces infirmières, ces livreurs, ces agents de sécurité soient désormais français et je salue votre engagement sur ce sujet, madame la ministre déléguée. Je me réjouis qu'ensemble nous nous employions à construire des passerelles plutôt que des murs.
Je dresse également un bilan favorable en matière d'accueil des demandeurs d'asile, sans méconnaître la difficulté du sujet ni le travail qu'il reste à accomplir. Néanmoins, je souligne les avancées. En plein cœur de l'été, nous avons été capables d'évacuer, dans des conditions périlleuses, 2 700 demandeurs d'asile afghans depuis Kaboul et de leur trouver un toit pour dormir à leur arrivée en France, grâce au travail quotidien remarquable des personnels des services de l'État français ainsi que des associations et à la création, depuis 2017, de plus de 30 000 places d'hébergement supplémentaires. Mais il faut poursuivre, renforcer et adapter notre action en matière d'hébergement.
Au sujet de l'instruction des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA –, regardons également le chemin parcouru. Notre majorité a décidé d'accroître son budget de 50 % depuis 2017, soit une hausse de 30 millions d'euros, et nous avons également décidé de recruter 200 personnes supplémentaires, portant les effectifs à exactement 1 003 équivalents temps plein.
La crise sanitaire a naturellement affecté son activité et les durées d'instruction méritent d'être réduites. Cette diminution des délais est l'objectif fixé qui devrait être atteint en 2022.
Depuis 2017, nous avons également donné un nouvel élan à l'éloignement aidé des étrangers en situation irrégulière, solution plus humaine, moins onéreuse et plus efficace que les éloignements forcés. D'un point de vue strictement financier, nous avons œuvré pour que les crédits de l'allocation pour demandeurs d'asile soient alignés sur les besoins. Cette année, la prévision budgétaire nous semble sincère.
Ce bilan positif doit nous encourager à persévérer car des difficultés demeurent, des carences existent – je le sais. Le parcours du combattant du demandeur d'asile ou du candidat à l'immigration économique est une réalité très concrète pour les personnes étrangères concernées, mais aussi pour les bénévoles et les professionnels qui les accompagnent.
Au premier chef, l'hébergement des demandeurs d'asile pose des difficultés. En dépit des progrès accomplis, des campements existent toujours et la situation sanitaire dans la région de Calais et sur le littoral nord est très préoccupante. Par ailleurs, je suis interpellée au quotidien par les difficultés inextricables d'accès des étrangers aux préfectures. Enfin, je vous fais part de mon désaccord avec la décision de maintenir le placement de nombreux étrangers en centres de rétention administrative – CRA – durant l'état d'urgence sanitaire, à l'heure où toutes les frontières ou presque étaient closes, rendant quasi impossible leur éloignement.
Si notre majorité a beaucoup fait, il reste encore beaucoup à faire. Néanmoins, depuis 2017, la direction suivie est la bonne et le budget proposé au titre de la mission "Immigration, asile et intégration" confirme des orientations constantes. Pour cette raison, je vous invite, avec Jean-Noël Barrot, à adopter ces crédits.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Après un ralentissement lié à la crise sanitaire, en 2021, les flux migratoires vers l'Europe ont nettement repris : 103 630 franchissements illégaux des frontières extérieures furent constatés durant les huit premiers mois, soit 64 % de plus que pendant toute l'année dernière.
En France, la pression migratoire aux frontières s'est fortement accrue. Elle se ressent principalement en Méditerranée centrale avec des arrivées de Libye et de Tunisie en hausse de 83 % par rapport à 2020. La Méditerranée occidentale est également source d'inquiétude avec des arrivées en augmentation de 50 % durant les huit premiers mois, les arrivées maritimes aux Canaries enregistrant une progression de 136 %.
Les demandes d'asile connaissent également un rebond. L'OFPRA a reçu 12 000 demandes d'asile au mois de septembre, ce qui correspond à sa capacité mensuelle maximale de traitement. La reprise des flux se répercute sur les côtes de la Manche : depuis le début de l'année, plus de 17 000 migrants ont réussi la traversée jusqu'en Angleterre, soit deux fois plus que lors de l'année 2020, et certains y ont perdu la vie, noyés. Vos gesticulations pathétiques – envoi aujourd'hui d'un émissaire à Calais, visite mensuelle de ministres – cachent mal votre absence de volonté politique de résoudre la crise migratoire à Calais.
Madame la ministre déléguée, il est temps que vous fassiez enfin preuve de courage : extirpez les migrants des griffes mortelles des passeurs ; expulsez les clandestins qui refusent de déposer une demande d'asile ; ouvrez des centres fermés pour examiner les situations ; interdisez les distributions sauvages de repas par les associations à proximité des zones économiques et des habitations, afin d'empêcher la mort de migrants, comme ce fut le cas, ce mois-ci, pour deux d'entre eux qui sont décédés dans la zone d'aménagement concerté Transmarck ; bref, appliquez la loi de la République à Calais. Les Calaisiens ne sont pas des sous-citoyens et les habitants de ma circonscription n'ont pas à subir plus longtemps votre angélisme. Comme tous les Français, nous avons aussi droit à la tranquillité.
Ainsi, 600 000 migrants attendent en Libye ; les réfugiés syriens sont plus de 4 millions à stationner en Turquie et représentent plus de 20 % de la population du Liban, pays plus instable que jamais ; l'Iran abrite 5 millions d'Afghans. Avec une augmentation de 3 % des crédits de paiement de la mission "Immigration, asile et intégration" et seulement 36,5 millions consacrés aux frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière, le Gouvernement n'a clairement pas pris la mesure des enjeux migratoires actuels et futurs.
L'enjeu central, c'est celui du devenir des étrangers qui n'obtiennent pas de titre de séjour ou qui ne sont pas protégés. Le taux d'exécution des mesures d'éloignement était de 13 % en 2019 et de 6 % en 2020. Incapable de faire exécuter ses propres décisions, l'État perd toute son autorité. Nous disposons d'un système complexe et coûteux d'examen des demandes d'asile comprenant une première instance, un recours juridictionnel et un pourvoi en cassation, système qui aboutit in fine au maintien des déboutés sur le territoire national ; c'est kafkaïen. En conséquence, toujours plus d'étrangers séjournent en France de manière irrégulière. Fin 2020, on dénombrait 383 000 bénéficiaires de l'aide médicale de l'État – AME –, soit 15 % de plus par rapport à l'année précédente. Le nombre véritable d'étrangers en situation irrégulière est évidemment plus élevé et ce chiffre n'inclut pas les clandestins recevant des soins à Mayotte.
L'incapacité de l'État à procéder aux éloignements s'explique tant par des raisons conjoncturelles, telles que l'exigence d'un test PCR négatif à l'embarquement et le refus de se soumettre à celui-ci, que structurelles. En effet, les personnes concernées détruisent tout moyen d'identifier leur nationalité et beaucoup d'États étrangers sont réticents à reconnaître leurs ressortissants et à délivrer les laissez-passer consulaires. Il est indispensable d'adopter une attitude ferme, la réduction de l'octroi des visas allant dans le bon sens. Mais il est aussi plus que temps de dénoncer l'accord dérogatoire franco-algérien de 1968. Du reste, une réforme simple pourrait être engagée pour faciliter l'identification des étrangers, en autorisant l'officier de police judiciaire – OPJ – à examiner les supports numériques. Qu'attendez-vous pour la proposer ?
D'autres raisons expliquant l'inexécution des mesures d'éloignement sont moins connues, notamment le fait que la chaîne administrative est sous pression et sous-dimensionnée : les services préfectoraux sont débordés par le nombre de décisions à rédiger de plus en plus complexes. Le très faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français – OQTF – donne aux agents un profond sentiment d'inutilité de leur travail. La présence accrue des personnes sortant de prison inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – FSPRT – en centres de rétention rend le travail des fonctionnaires de police particulièrement éprouvant. Des incidents graves se sont produits dans plusieurs centres. Vous devez mieux anticiper la fin de peine des détenus visés par une procédure d'éloignement pour éviter le passage en CRA. Les missions complexes de la police aux frontières incluent également l'investigation sur les filières d'immigration irrégulière et de traite des êtres humains et leur démantèlement. Vous devez ainsi leur allouer plus de moyens.
Enfin, c'est notre dispositif juridictionnel lui-même qui souffre d'embolie. Le contentieux des étrangers représente 40 % de l'activité des tribunaux administratifs, privant le justiciable d'une décision rapide sur d'autres contentieux, notamment fiscaux ou en matière d'urbanisme. Les magistrats administratifs s'interrogent sur l'utilité de consacrer 40 % de leur temps et du budget de la juridiction administrative à ce contentieux si, en définitive, les OQTF dont ils reconnaissent la légalité ne sont jamais exécutées.
En conclusion, madame la ministre déléguée, votre budget atteste du déni de réalité du Gouvernement face à l'ampleur des défis migratoires qui se profilent à l'horizon. C'est pourquoi, si la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits, je me suis prononcé contre leur adoption.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Pour le dernier projet de loi de finances initiale de cette législature, j'ai choisi de m'intéresser au contrat d'intégration républicaine – le CIR. Vous le savez, chaque année depuis son instauration par la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers, les 100 000 étrangers issus de pays tiers à l'Union européenne arrivant en France signent un CIR. Cet outil comporte trois volets : l'appropriation des valeurs de la République, la maîtrise de la langue française et l'insertion professionnelle de l'étranger primo-arrivant. Ce dispositif, au cœur de notre politique d'immigration et d'intégration, constitue la matérialisation de l'engagement de la personne arrivant en France de s'y installer. Sa dimension bilatérale est garante de l'autonomie et de la responsabilité des individus. Plusieurs évaluations ont d'ores et déjà été conduites, notamment par cette assemblée, mais il m'a semblé utile de proposer une vision globale de l'outil.
Mon premier constat est que le CIR est un outil particulièrement souple et adaptable. En cinq ans d'existence, il a déjà considérablement évolué, en particulier à la suite des recommandations du comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018.
Le bilan de cette modernisation est globalement positif, mais nous pouvons aller encore plus loin et je voudrais, chers collègues, vous dire comment.
Tout d'abord, l'individualisation des parcours proposée dans le CIR pourrait être renforcée. Il serait notamment utile de tenir compte davantage de la difficulté rencontrée par certains profils, en particulier les personnes qui n'ont jamais été scolarisées, à s'adapter à la situation d'apprenant en leur proposant un module « apprendre à apprendre » en amont des formations ou en adaptant la pédagogie proposée.
Pour la composante civique, deux évolutions appropriées sont envisagées pour l'année 2022. La première consiste à réduire le délai entre les blocs de la formation civique de quatre ou cinq mois à trois mois afin de réduire la déperdition du public entre la première et la dernière journée. La seconde consiste à former des prestataires de formation civique pour qu'ils bénéficient d'une meilleure connaissance de l'offre du service public de l'emploi. Cette recommandation va dans le sens d'une meilleure interconnexion entre les composantes civiques et le dispositif d'accès à l'emploi prévu par le CIR. Je salue enfin la réflexion engagée par le ministère de l'intérieur, dans une perspective de plus long terme, sur la création d'un document que l'étranger primo-arrivant signerait au terme du CIR et par lequel il s'engagerait à respecter les valeurs françaises.
Pour la composante linguistique, je suggère d'approfondir son lien avec le volet relatif à l'intégration professionnelle en dispensant, par exemple, des parcours de formation consacrés à l'apprentissage d'un vocabulaire spécifique à certaines filières professionnelles – l'hôtellerie, l'aide à la personne, le bâtiment. À plus long terme, une réflexion structurelle pourrait utilement être conduite sur l'esprit du CIR en matière d'apprentissage de la langue. Il pourrait ainsi passer d'une logique de moyens à une logique de résultats par laquelle on pourrait considérer que les objectifs du contrat sont remplis lorsque le niveau A1 du parcours linguistique est atteint. Lors des travaux de la commission des lois, Mme la ministre déléguée nous a signalé que cette piste d'évolution était à l'étude, ce dont je me félicite.
S'agissant de la composante « intégration sociale et professionnelle », je suis favorable à la création d'un outil regroupant les programmes d'insertion professionnelle les plus adaptés à ces publics et aux besoins du territoire dans un système d'information mis à disposition des prestataires spécialisés dans l'insertion professionnelle et intervenant à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Je suis également favorable à la nomination de conseillers Pôle emploi référents pour les personnes primo-arrivantes.
En matière d'intégration des réfugiés, madame la ministre déléguée, vous avez annoncé devant la commission des lois le lancement d'une plateforme de parrainages citoyens des réfugiés dans la perspective d'une meilleure intégration professionnelle. Je salue cette initiative et je vous invite à examiner une autre piste : celle de parrainages au sein des entreprises.
Chers collègues, je forme le vœu que ces pistes de réflexion permettront au CIR de poursuivre sa modernisation et que le Gouvernement tiendra compte des avis formulés par les rapporteurs.
Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale, et Mme Cendra Motin applaudissent.
Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Christophe Naegelen.
Pour évoquer la mission "Immigration, asile et intégration" , je veux tout d'abord partir d'une rencontre de terrain. Il y a quelques mois, j'ai visité les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les hébergements d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) du département des Vosges. Les rencontres que j'y ai faites se sont révélées particulièrement intéressantes et ont révélé les difficultés que nous rencontrons avec cette mission. Quand on discute avec les professionnels, quand on se penche sur le coût des dispositifs et sur la manière de travailler des intervenants, plusieurs constats s'imposent.
Tout d'abord, avec des crédits de près de 2 milliards, les moyens accordés à la mission sont incontestables. Ainsi, le département des Vosges bénéficie de plus de 8 millions pour la gestion des CADA et des HUDA. Pourtant, la question de l'efficacité et de l'efficience de ce budget subsiste, car, année après année, les lacunes sont toujours les mêmes. Je pense, en particulier, à notre grande difficulté de nous accorder avec nos voisins européens. Le groupe UDI et indépendants n'a de cesse de le répéter : aucune politique migratoire satisfaisante ne pourra être mise en œuvre sans le concours de l'Union européenne. Nous serons donc très attentifs à l'application du pacte européen sur la migration et l'asile, attendu depuis de nombreuses années. Je le redis, aucune politique migratoire européenne ne pourra être conduite sans ce pacte garant d'une véritable collaboration entre les États membres. L'échec des procédures prévues par le règlement de Dublin est une autre difficulté persistante, le taux de transfert des demandeurs d'asile atteignant à peine de 20 % actuellement.
Concernant les obligations de quitter le territoire français, nous reconnaissons que la loi a fait des progrès, en particulier quant à l'obligation de quitter le territoire dès le rejet de la demande par l'OFPRA, y compris dans le cas d'un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Cette mesure est complétée par l'assignation à résidence dans les dispositifs de préparation et d'aide au retour. Cependant, nous attendons toujours les effets concrets des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale : la prévision d'exécution pour 2022 est de 50 % seulement.
Autre question essentielle : la lutte contre les filières d'immigration irrégulière. La fraude documentaire ne paraît pas un sujet digne d'intérêt pour le Gouvernement, ce qui est pour le moins étonnant. La commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales de l'Assemblée nationale a pourtant démontré l'ampleur du phénomène. Malheureusement, les moyens consacrés à cette question sont toujours dérisoires au regard des enjeux. Le Gouvernement ne peut pas clamer sa volonté de mener une politique migratoire offensive et de réguler les migrations illégales sans prendre à bras-le-corps la lutte contre la fraude documentaire !
Il paraît en outre nécessaire de replacer notre discussion budgétaire dans le contexte de la reprise après la crise sanitaire. Nous nous interrogeons sur l'adéquation des moyens par rapport aux besoins : les délais des démarches administratives ont été considérablement allongés, les reconduites à la frontière sont très peu nombreuses et les affaires contentieuses s'accumulent. Tous ces éléments laissent présager de nombreuses difficultés. La reprise des flux migratoires est également patente, alimentée bien sûr par les récents événements survenus en Afghanistan.
Nous devons par ailleurs travailler à une meilleure intégration des immigrés en situation régulière et accroître l'attractivité de la France pour les étudiants internationaux. Au vu des crédits dédiés à l'intégration, il semble clair que nous ne sommes pas en mesure d'intégrer correctement ceux dont nous acceptons qu'ils restent sur le territoire national.
La mission Immigration, asile et intégration traduit, en réalité, une double problématique : notre pays n'investit pas assez dans la lutte contre l'immigration irrégulière et n'assimile pas convenablement les étrangers qu'il accepte d'accueillir. Compte tenu des questions à la fois structurelles et conjoncturelles ici soulevées, le groupe UDI et indépendants s'abstiendra lors du vote des crédits de la mission.
La mission Immigration, asile et intégration voit ses crédits augmenter de 3 % et atteindre 1,9 milliard d'euros, dont deux tiers sont dédiés à la prise en charge des demandeurs d'asile. Les principaux objectifs annoncés par le Gouvernement concernent le programme 303 Immigration et asile, soit l'essentiel du budget de la mission, et sont l'amélioration des délais de traitement et celle des conditions matérielles d'accueil pour les demandeurs d'asile. Si nous partageons pleinement ces objectifs, nous considérons que le budget proposé ne permettra malheureusement pas de les atteindre.
En juillet 2017, le Président de la République avait fait la promesse de donner un toit à tous les demandeurs d'asile dès la fin de cette même année. Alors que nous approchons de la fin du quinquennat, nous sommes très loin de cet objectif et les demandeurs d'asile constituent une part significative des sans-abri de notre pays. Seulement 59 % d'entre eux devraient être hébergés en 2021. Ce chiffre, bien qu'en hausse par rapport aux années précédentes, reste évidemment trop faible. Rappelons que la dernière loi de finances prévoyait d'héberger 65 % des demandeurs d'asile en 2021.
Dès lors, les députés du groupe Libertés et territoires sont très surpris de la cible ambitieuse fixée pour 2023 de 90 % des demandeurs d'asile hébergés. Comment, madame la ministre déléguée, comptez-vous atteindre ce résultat ? Il devrait être d'autant plus difficile à atteindre que le nombre de places d'hébergement augmente bien trop lentement par rapport aux besoins. Seules 800 places d'hébergement supplémentaires ont été créées au titre du plan de relance. Le Gouvernement annonce la création de 4 900 places supplémentaires d'ici au deuxième semestre 2022, mais il a décidé de subordonner ces créations à une évolution des dépenses liées à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) n'excédant pas les prévisions.
Il est ainsi précisé, dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2022 consacrée au budget de la mission : « Ces crédits incluent une provision de 20 millions d'euros en crédits de paiement pour couvrir un éventuel dépassement de l'ADA au-delà de 467 millions d'euros. S'il était avéré à la fin du premier semestre 2022 que ce dépassement ne devait pas se réaliser, cette provision serait utilisée pour la création de 4 900 nouvelles places d'hébergement : 3 400 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile et 1 500 places en centres d'accueil et d'examen des situations (CAES). » Il est très étonnant, voire inacceptable, que le Gouvernement choisisse de subordonner la nécessaire création de places supplémentaires d'hébergement au fait que le coût global de l'ADA n'excédera pas les prévisions – qui ne seront évidemment pas vérifiées. Il est donc acté qu'il manquera encore davantage de places. La situation d'un pays comme l'Afghanistan suffit à elle seule à le confirmer.
Il est bien évidemment nécessaire de raccourcir les délais de traitement des demandes d'asile, actuellement trop longs. Cette réduction doit passer par une hausse des moyens et non par une déshumanisation des jugements. Les avocats qui défendent les demandeurs d'asile se sont mis en grève début octobre et ont protesté devant la Cour nationale du droit d'asile. Ils dénoncent la dégradation inacceptable de la justice rendue par la CNDA, comme s'en est fait l'écho dans cet hémicycle mon collègue Sébastien Nadot, qui préside la commission d'enquête sur les migrations, constituée à l'initiative du groupe Libertés et territoires. La CNDA recourt de plus en plus souvent au rejet des demandes d'asile par ordonnance, sans même auditionner le demandeur d'asile, afin d'économiser du temps. Ce n'est pas notre conception du droit d'asile en France et nous proposerons, dans une autre mission budgétaire, un amendement visant à augmenter les moyens de la CNDA. Les moyens des préfectures devraient également être confortés dans ce domaine, comme l'a rappelé hier notre collègue Jennifer De Temmerman lors des questions au Gouvernement.
L'annexe au projet de loi de finances pour 2022 consacrée au budget de la mission "Immigration, asile et intégration" insiste sur le développement des centres de rétention administrative et sur l'ouverture de nouvelles places. Cette politique d'enfermement ne résout rien. Les durées de rétentions s'allongent et des problèmes de sécurité existent dans ces centres. Un incendie a récemment eu lieu au CRA d'Hendaye. L'année dernière, seulement 12 % des personnes retenues dans des centres de rétention administrative ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Il est nécessaire, par ailleurs, de consacrer davantage d'attention et de moyens à la prise en charge sanitaire et sociale des personnes enfermées dans les CRA, mais aussi de développer des solutions alternatives à ces centres.
Un mot, enfin, sur la récente décision du ministère de l'intérieur de durcir l'octroi de visas pour les ressortissants des pays du Maghreb. La solution choisie est-elle la plus adaptée pour régler les conditions de retour au pays de ressortissants en situation irrégulière ? Elle risque, au contraire, de pénaliser injustement un grand nombre de leurs citoyens, parfaitement légitimes à venir étudier dans notre pays, à y apporter leurs compétences ou à le visiter.
En définitive, le groupe Libertés et territoires votera contre les crédits de la mission "Immigration, asile et intégration" , qui ne permettront pas d'atteindre l'objectif de dignité de l'accueil des migrants sur notre sol, dans le respect des impératifs humanitaires dont nous sommes tous dépositaires.
M. Gérard Leseul et Mme Elsa Faucillon applaudissent.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 :
Suite de l'examen des crédits de la mission "Immigration, asile et intégration" .
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra