Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance no 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (nos 2367, 3637).

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Erwan Balanant.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Devant l'enfant, la décision judiciaire n'est valable que si elle exprime un acte de solidarité et d'amitié. » Ces mots de Jean Chazal, extraits de L'Enfance délinquante, reflètent largement l'esprit de l'ordonnance du 11 septembre 2019 soumise à la ratification de notre assemblée. Alors que nous abordons l'examen de ce texte en séance publique, le groupe Dem se situe dans une démarche de mesure et de responsabilité face aux enjeux de la justice pénale des mineurs.

Derrière les jeunes délinquants, il y a des parcours de vie d'enfants malmenés, cabossés, en déshérence, mais il y a aussi des victimes touchées de plein fouet par la détresse et la violence de certains de ces mineurs, des victimes qui ne comprennent pas et qui ont besoin de tourner rapidement la page pour se reconstruire et avancer. Nous ne devons laisser ni les uns ni les autres dans l'incertitude face à leur avenir, pas plus, au-delà d'eux, que la société tout entière.

Monsieur le garde des sceaux, vous l'avez dit en commission des lois, « une sanction sans éducation est une machine à récidive ». Je veux ajouter qu'une condamnation pénale sans réparation civile à la hauteur de la souffrance des victimes est une machine à désespoir, une machine à faire perdre confiance dans l'institution de la justice. Nous devons donc placer le curseur de la justice pénale des mineurs au bon endroit, en trouvant le juste équilibre entre la prévention, la sanction parfois, l'éducation toujours, la réparation et la réinsertion.

De notre travail législatif découleront un nouveau regard et une nouvelle action de la justice pour des générations de mineurs. C'est pourquoi le groupe Dem salue le travail riche et dense effectué en amont de la publication de l'ordonnance. Elle s'inscrit dans le prolongement de plusieurs rapports, comme celui de la commission Varinard de 2008 – vous l'avez cité, monsieur le garde des sceaux – ou celui de la mission d'information conduite par nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier début 2019, dont je salue le travail remarquable et les conclusions, aussi formelles que remarquables.

Les principes cardinaux de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ont été remis en question. Leur lettre a ainsi évolué au fil des trente-neuf modifications du texte depuis 1945, qui se traduisent par une tendance au durcissement de notre politique pénale à l'égard des mineurs. La pratique judiciaire a également évolué, certains de ces principes se révélant largement inadaptés à l'évolution de la délinquance juvénile.

Face à une justice pénale des mineurs devenue complexe et illisible, l'ordonnance du 11 septembre 2019 représente indéniablement une modernisation substantielle du droit pénal des mineurs.

Nous saluons en particulier le raccourcissement de la durée moyenne de traitement des affaires, qui sera ramenée de dix-huit mois à un an. Un jugement sur la culpabilité sera rendu dans un délai maximal de trois mois. Cette audience permettra aux mineurs de bénéficier d'une mesure éducative sans décalage temporel entre la commission de l'infraction et la réponse apportée ; c'est primordial pour que le mineur prenne conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés et, dans de nombreux cas, pour qu'il renonce à tout passage à l'acte – car nous espérons évidemment que sa vie reprendra un cours normal. La réponse accélérée donnée au terme de cette audience bénéficiera également aux victimes, qui pourront être indemnisées plus rapidement.

L'établissement d'une présomption de discernement à l'âge de 13 ans vise à améliorer la protection octroyée aux enfants, cela n'a pas été assez dit par les opposants au texte. Monsieur le garde des sceaux, nous vous rejoignons pleinement sur l'opportunité de créer cette présomption et de lui conférer un caractère simple, l'appréciation casuistique in specie devant prévaloir en toute situation. Cependant, la présomption contraire, celle de non-discernement avant l'âge de 13 ans, nous semble également primordiale. Notre groupe suggérait en commission qu'elle soit rendue irréfragable afin qu'aucun enfant en bas âge ne puisse voir sa responsabilité pénale engagée.

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À l'issue du dialogue qui s'est engagé sur ce sujet, nous avons été convaincus par certains de vos arguments.

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Il reste qu'une telle mesure mettrait la France en conformité avec ses engagements internationaux, alors que le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a déjà relevé à plusieurs reprises nos manquements à cet égard.

Un autre point central de la réforme mérite notre attention. La codification de la justice pénale des mineurs améliorera la lisibilité des différentes règles applicables et, en conséquence, favorisera l'accès au droit et son effectivité ; nous nous en réjouissons. Toutefois, nous considérons, à l'instar du Défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et de l'UNICEF – Fonds des Nations unies pour l'enfance – , qu'il serait nécessaire d'aller plus loin et de créer un code des enfants regroupant l'ensemble des règles civiles, pénales et administratives applicables aux enfants et aux adolescents. En effet, c'est à partir d'une approche transversale que nous pourrons accorder aux mineurs une protection plus efficace et individualisée, prenant en considération les différents aspects de leur vie.

Nous devons également renforcer les synergies entre les différents acteurs de l'enfance. Par exemple, les situations de violence scolaire qui dégénèrent sont davantage liées à un manque de coordination entre les différents acteurs de l'éducation nationale, des services sociaux ou de la justice qu'à la nécessité de créer de nouveaux dispositifs de prise en charge.

Chers collègues, nous allons tourner ensemble la page de l'ordonnance du 2 février 1945, texte signé par le général de Gaulle dans un contexte de fin de guerre qui avait jeté à la rue des milliers d'enfants et d'adolescents. En déshérence parentale, ils avaient besoin d'une réponse, d'un soutien de la société, de retrouver le chemin d'un avenir plus serein. Comme a pu l'expliquer l'avocate Dominique Attias, l'ordonnance de 1945 « mettait en avant l'éducatif, même si on estimait que l'éducatif pouvait aller jusqu'à l'incarcération ». Avec le présent texte, nous sommes donc bien loin du durcissement annoncé ici ou là.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En effet.

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De l'ordonnance de 1945, il faut conserver, selon nous, la primauté de l'éducatif sur le répressif, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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… et je pense que c'est bien le chemin que nous prenons et l'objectif que nous allons atteindre en votant ce texte, dans quelques jours. Monsieur le garde des sceaux, nous adhérons pleinement et largement à cette réforme de la justice des mineurs, et nous vous remercions pour votre engagement en faveur d'une réponse pénale plus réactive, plus efficace, plus lisible. Une meilleure justice pour les enfants : nous le devons à notre société.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.

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Dans un entretien, en 2015, Pierre Joxe avait très justement décrit la réalité de la justice des mineurs : « des magistrats souvent débordés, des éducateurs exténués, des délais trop longs entre l'interpellation, le jugement et son application, des moyens insuffisants et en constante diminution ». Nous partageons ce constat, qui, durant la même période, avait conduit Christiane Taubira, alors garde des sceaux, soutenue par la majorité de l'époque, à projeter de codifier l'ordonnance de 1945.

Je formulerai deux regrets, deux inquiétudes et quelques observations.

Premier regret : nous débattons de la ratification d'une ordonnance et non d'un projet de loi. En 2018, l'annonce soudaine en séance publique du recours à une ordonnance pour réformer la justice des mineurs a provoqué colère et déception. Si, depuis lors, le ministère de la justice a fait beaucoup d'efforts pour faire revivre le débat parlementaire, la décision initiale de l'exécutif continue de peser et laisse ancrée l'idée que, par ce recours à une ordonnance, il voulait garder la main pour codifier l'ordonnance de 1945 en allant le moins loin possible. Un groupe de travail a été mis en place au ministère, avec l'administration de la chancellerie, que je salue ; toutefois, pour y avoir participé, je peux dire que cela ne remplace pas la discussion avec un ministre, que l'on peut convaincre plus facilement que son administration – entre personnalités politiques, il semble que ce soit plus aisé. Méfions-nous des effets délétères des ordonnances : outre que le Parlement se trouve dessaisi, les textes ne sont pas pour autant adoptés plus rapidement. Dès lors, monsieur le garde des sceaux, il était particulièrement important que vous soyez présent durant l'examen du texte par la commission des lois.

Second regret : sans doute aurait-il fallu débattre d'un code de la justice civile et pénale des enfants et des adolescents. La question du traitement de l'enfance délinquante est apparue, dès le début du XXe siècle, comme indissociable de la protection de l'enfance en danger. L'ordonnance de 1945, qui s'attache spécifiquement au traitement de l'enfance délinquante, n'exclut d'ailleurs pas cette approche. Dans le cadre de la mission d'information déjà évoquée, nous avons constaté les liens entre traitement de l'enfance délinquante et protection de l'enfance en danger, le public concerné pouvant du reste aussi être le même. La protection judiciaire de la jeunesse est toujours compétente au civil, le décret de 1975 n'a pas été abrogé, mais aucun financement n'est affecté à l'ASE – l'aide sociale à l'enfance. Il nous semble indispensable de clarifier ce point et d'organiser de manière plus lisible la prise en charge au titre de l'ASE et au titre du pénal, surtout lorsque la responsabilité pénale aura été fixée à 13 ans.

J'en viens à mes deux inquiétudes.

C'est au début du siècle dernier qu'a été abandonnée l'idée selon laquelle l'enfant serait un adulte miniature, devant donc être soumis aux mêmes règles que l'adulte. Sous l'impulsion de législations étrangères, la France, dans l'ordonnance de 1945, a franchi le pas avec l'édiction des grands principes de la justice de l'enfance et de l'adolescence : primauté de l'éducatif, atténuation de la responsabilité pénale, juridiction spécialisée. Le préambule de cette ordonnance mériterait, je crois, de figurer en première page du nouveau code de la justice pénale des mineurs, de même que la Convention internationale des droits de l'enfant. Il est vrai que l'article préliminaire du code rappelle ces principes et qu'à mon avis, son texte tend à les mettre en oeuvre.

C'est sur la question des moyens que l'inquiétude est la plus vive chez tous les professionnels. Tout doit aller plus vite, et tous redoutent de n'avoir ni le temps ni les moyens de mettre en place une prise en charge éducative. Les moyens matériels seront-ils au rendez-vous ? Prenons l'exemple de la promesse de l'ouverture de vingt CEF – centres éducatifs fermés – , engagement de campagne fort du Président de la République. Ces opérations sont difficiles à mener à bien. Dans mon département, l'unique structure de ce type a été supprimée, à l'initiative d'un maire et pour de mauvaises raisons. Depuis, plus rien… Les magistrats me disent pourtant qu'il manque un CEF dans le département le plus peuplé de la région Bourgogne-Franche-Comté, riche de deux tribunaux judiciaires. Le travail du juge sera-t-il facilité par la mise en place d'un outil lui permettant de savoir, après l'audience de culpabilité, de quelles capacités matérielles et humaines il dispose pour prononcer les diverses mesures éducatives et identifier les différents lieux d'accueil dont il pourrait avoir besoin ?

Je formulerai maintenant plusieurs observations sur le fond à partir des travaux de la mission d'information.

D'abord, la justice des mineurs fonctionne bien, au vu du taux de récidive : 65 % des enfants passés devant le juge n'y reviennent jamais. Nous le devons à l'engagement exceptionnel des professionnels que sont les juges des enfants, les greffiers, les éducateurs et les avocats. Ces derniers ne comptent pas leur temps pour accompagner les enfants tout au long de la procédure, nonobstant la faible rémunération dégagée, il faut le dire. Cette synergie des efforts fait qu'une réponse pénale est apportée dans 95 % des cas, au prix d'un stress quotidien épuisant. Le délai dans lequel la réponse pénale est donnée n'est pas satisfaisant : 45 % des sanctions et peines seraient prononcées après l'âge des 18 ans, disiez-vous, monsieur le garde des sceaux. On ne peut pas ignorer cette situation, pas davantage que l'état d'abandon dans lequel sont laissés les tribunaux qui s'occupent des mineurs. À ce titre, le présent projet de loi n'est pas un texte de renoncement.

J'observe ensuite que la délinquance des mineurs n'a pas augmenté dans notre pays depuis dix ans, la mission d'information a confirmé cette stabilité. Il est par ailleurs constaté une montée en puissance de la violence et le fait que des mineurs de plus en plus jeunes sont souvent utilisés comme petites mains par la criminalité organisée.

M. le garde des sceaux acquiesce.

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Troisième observation, la législation française est l'une des plus répressives d'Europe. Près de la moitié des sanctions prononcées à l'égard des mineurs sont des peines, alors que les mesures éducatives, compte tenu des principes internationaux, devraient être majoritaires. Hormis la Grande-Bretagne, la France est le pays européen qui incarcère le plus les mineurs. Rappelons-nous des propos de Robert Badinter, selon lesquels l'emprisonnement lui-même est « un mal plutôt qu'un remède ». Ce constat négatif d'un emprisonnement excessif valide d'autant plus l'objectif, que je partage, de la loi de 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui vise à le limiter. Mais cette observation ne signifie pas pour autant que notre groupe porte un regard systématiquement négatif sur les lieux de privation de liberté. Citons ainsi le quartier des mineurs du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, qui fonctionne bien, grâce à une structure adaptée et des surveillants pénitentiaires accomplissant un travail spécifique remarquable d'accompagnement, digne d'être salué.

Quatrième observation, le texte reprend des recommandations importantes qui figuraient dans notre rapport d'information, comme la procédure permettant de mettre en place une mesure éducative au plus près de la commission des faits et la fixation de la responsabilité pénale à l'âge de 13 ans. Quant à la question du discernement, nous aurons l'occasion d'en débattre.

En revanche, d'autres attentes subsistent.

La spécialisation du parquet, qui passe par le renforcement de la formation des magistrats, doit être absolument garantie.

M. le garde des sceaux en a parlé, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants n'ont pas à prononcer ou à prolonger la détention provisoire d'un enfant ou d'un adolescent ; c'est au juge des libertés et de la détention qu'il revient de le faire. Certes, ce dernier n'est pas spécialisé dans la justice des enfants, mais les mineurs ne sauraient avoir moins de droits que les majeurs et ce double regard est important.

Si l'audience unique constitue une procédure rapide et appréciée des parquets, y recourir doit demeurer exceptionnel. Des amendements vous seront proposés afin de conforter ce caractère exceptionnel, d'autant que nous avions constaté, dans le cadre de la mission d'information, qu'aucune statistique ne permettait d'apprécier la portée de l'audience unique, ni ses effets du point de vue des exigences de l'ordonnance de 1945. Les professionnels que nous avons rencontrés sont inquiets de la réforme, vous le savez, car ils redoutent le manque de souplesse de la procédure. Les magistrats, comme les avocats, veulent assurer le suivi du travail entrepris avec les mineurs qu'ils connaissent, et ils craignent de ne plus pouvoir préserver cet accompagnement, en raison du flux des dossiers.

Par réalisme et au regard des moyens nouveaux à mettre en place, nous proposons de reporter au 30 juin 2021 – et non plus au 1er octobre – la date d'entrée en vigueur du nouveau code. Ce geste est attendu par les professionnels, tous s'accordant à dire qu'ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre cette énième réforme de la justice. Il me semble de bonne politique de leur permettre d'être rassurés sur ce point, en leur laissant le temps de voir arriver les ressources humaines et les moyens matériels et informatiques annoncés ; convenir avec eux de la mise en oeuvre d'une réforme ne me paraît pas excessif.

En conclusion, je rappellerai ce que nous savons tous : la justice des mineurs ne se résume pas à un code. Même si le travail législatif que nous sommes en train d'accomplir est essentiel, la justice des mineurs repose avant tout sur l'engagement des professionnels, auxquels notre société doit dire sa reconnaissance. La justice des mineurs est tout autant une question de parcours, qui implique de se préoccuper de l'enfant dans de multiples directions et domaines, en particulier, comme je l'avais dit en commission des lois, l'éducation et le décrochage scolaire.

Pour conclure, je citerai Jacques Toubon, ancien défenseur des droits, qui tint un discours de responsabilité : « Vouloir charger la justice de tout ce que la société n'est pas capable de faire par ailleurs, c'est assurer à la fois l'échec de la société et celui de la justice. C'est plus spécialement le cas quand il s'agit de la justice pénale des mineurs. » Je souscris à ses propos et c'est dans cet état d'esprit que le groupe Socialistes et apparentés débattra d'un texte qu'il ne considère pas, je le répète, comme un renoncement à l'esprit de l'ordonnance de 1945.

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Je tiens d'abord à remercier nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier pour leur excellent travail, accompli il y a déjà plus d'un an et déjà salué en commission des lois. Leur rapport d'information a permis de disposer d'un état des lieux précis et clair de la justice pénale des mineurs et de ses besoins.

Au-delà des moyens financiers, nous examinons là un projet de loi important, tendant à codifier la justice pénale des mineurs, qui répond aux attentes de la société et des acteurs de terrain. Paul Auster a écrit : « Négliger les enfants, c'est nous détruire nous-mêmes. Nous n'existons dans le présent que dans la mesure où nous mettons notre foi dans le futur. » L'avenir du pays réside dans notre capacité à nous occuper de la jeunesse, plus particulièrement lorsqu'elle se trompe de chemin.

Usée et incapable d'apporter une réponse judiciaire cohérente dans un délai raisonnable, l'ordonnance du 2 février 1945 a fait son temps. Le groupe Agir ensemble souhaite profiter de la discussion générale pour briser les critiques formulées à l'encontre de cette réforme de l'ordonnance de 1945, au prétexte qu'elle se concentrerait uniquement sur la dimension répressive. La lecture des dispositifs démontre aisément, au contraire, que l'option éducative a été placée en priorité.

Tout d'abord, rappelons que des éléments fondamentaux de l'ordonnance de 1945 ne seront en aucun cas remis en cause : la majorité pénale à 18 ans ; le principe de l'atténuation de responsabilité ; la spécialisation de la justice des mineurs, qui permet au juge des enfants de conserver sa double compétence d'assistance éducative et de jugement des mineurs délinquants ; la priorité donnée à l'action et aux réponses éducatives, matérialisée par le fait qu'une peine n'est prononcée que par exception, si la mesure éducative se révèle insuffisante. Ces fondamentaux prouvent indéniablement que le volet éducatif n'est en rien ébréché par la réforme.

Ensuite, soulignons que le code de la justice pénale des mineurs ajoute une batterie de mesures tournées vers l'éducation. Par exemple, en lieu et place de la multiplicité des dispositifs créés au gré des réformes successives de l'ordonnance de 1945, une mesure éducative judiciaire unique est mise en place. Décomposée en modules, elle permettra d'encadrer les modalités du travail éducatif : l'insertion avec la scolarisation ; le placement, que ce soit en foyer, en famille d'accueil ou en internat scolaire ; la santé ; la réparation de l'infraction commise. La force du texte est qu'il propose un jugement adapté quant à la sanction : celle-ci est décidée en fonction de la personnalité du mineur, de son évolution et de la réitération des infractions. Concrètement, le jugement peut constater l'insertion du mineur par une déclaration de réussite éducative.

La nouvelle architecture de la procédure pénale applicable aux mineurs améliore considérablement le traitement réservé à la victime. En effet, dès l'audience d'examen de la culpabilité, la victime sera entendue et il sera statué sur sa constitution de partie civile ainsi que sur son préjudice. La victime pourra donc voir sa demande d'indemnisation tranchée dans un délai de trois mois suivant la saisine de la juridiction, contre dix-huit mois en moyenne actuellement.

Le sujet de la présomption simple d'irresponsabilité des mineurs de moins de 13 ans suscite des débats dans notre institution et notre société. On peut tout à la fois imputer une infraction à l'enfant et le déclarer irresponsable pénalement. Derrière cette apparente contradiction, il y a une définition rigoureuse et philosophiquement moderne de l'enfance : elle désigne le temps où l'individu apprend à devenir autonome et accède à la responsabilité. Ce temps doit être protégé, notamment en cas d'accident de parcours. Pour le dire simplement, rien de ce qui est fait dans ce laps de temps ne doit être totalement irrémédiable ; la délinquance juvénile est curable, et il convient de laisser ouverte la porte d'une nouvelle chance à la perfectibilité en herbe.

Enfin, la commission des lois a procédé à plusieurs ajustements, toujours dans le sens d'une meilleure protection des droits des mineurs délinquants, mais également de la société. Nous pensons notamment au fait de rendre obligatoire le prononcé d'une mesure éducative judiciaire provisoire dès le placement du mineur en détention provisoire et non pas seulement lors de sa libération. Cela garantira que le travail éducatif démarre le plus en amont possible, dès le placement en détention provisoire du mineur. Ce dernier se verra assurer une sortie de détention non pas sèche, mais accompagnée, en s'appuyant sur un projet de sortie auquel il aura été étroitement associé. Nous pensons aussi au fait de rendre obligatoire l'assistance du mineur par un avocat, y compris en audition libre, afin de garantir l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le groupe Agir ensemble, vous le savez, est singulièrement attaché à la recherche de mesures permettant de recentrer les tribunaux sur leur coeur de mission et d'améliorer la réponse pénale. À cet égard, nous ne pouvons que saluer, d'une part, que le juge des enfants puisse prononcer des peines à portée éducative sans qu'il soit nécessaire de réunir le tribunal pour enfants, et, d'autre part, que la sanction intervienne en douze mois maximum – trois mois pour le jugement sur la culpabilité et neuf mois maximum de mise à l'épreuve éducative. Actuellement, les procédures en la matière durent en moyenne près de dix-huit mois, ce qui est beaucoup trop long.

Le projet de loi prévoit l'instauration d'une nouvelle procédure en deux temps : la reconnaissance de culpabilité du jeune, qui doit intervenir dans les semaines qui suivent l'infraction ; le prononcé de la sanction, qui peut être différé dans le temps. La déclaration de culpabilité par un juge interviendra ainsi dans un temps beaucoup plus proche du moment de l'infraction ; le mineur, encadré par des éducateurs, sera ensuite mis à l'épreuve quelques mois, et c'est seulement à l'issue de cette période que le juge prononcera la peine, en tenant compte de son comportement.

Dans la continuité de ce que nous avions défendu lors d'une de nos niches parlementaires, nous approuvons tout particulièrement l'article L. 13-4 du code de la justice pénale des mineurs, en vertu duquel, conformément à l'article 10-1 du code de procédure pénale, la victime et l'auteur de l'infraction pourront recourir à la justice restaurative à l'occasion de toute procédure concernant un mineur.

Pour conclure, il est illusoire de penser que la justice – qui découvre souvent les jeunes délinquants à l'âge de 14 ou 15 ans – pourra résoudre les problèmes sans l'appui des parents, des écoles, des entreprises, des centres de formation voire de l'armée. C'est toute la société qui doit se mobiliser sur le sujet sans céder aux passions. Un mineur délinquant est avant tout un mineur en détresse ; si la société n'a pas à payer le prix de cette détresse, il faut néanmoins tout mettre en oeuvre pour donner à ces jeunes de plus belles perspectives que les prétoires. En conséquence, le groupe Agir ensemble votera bien évidemment en faveur du projet de loi.

Applaudissements sur quelques bancs LaREM.

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« L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres ; rien n'est moins sensé que d'y vouloir substituer les nôtres. » Cette citation de Jean-Jacques Rousseau reflète, selon nous, l'esprit qui doit guider l'écriture d'un code de la justice pénale des mineurs.

À la suite de l'adoption de l'amendement de la précédente garde des sceaux déposé sur le projet de loi de programmation 2018-2022, un groupe de travail a pu être constitué, à la demande de notre groupe. Il était en effet indispensable que les parlementaires puissent participer à la rédaction de l'ordonnance, sur un sujet aussi primordial. Je tiens donc, en préambule, à saluer Mme Nicole Belloubet, qui a mené à bien cette concertation ; notre groupe est heureux d'avoir pu impulser cette méthode de travail, qui, s'agissant d'ordonnances, permet au moins d'associer le Parlement, plutôt que de l'exclure totalement. Il est rare que la ratification d'une ordonnance fasse l'objet d'un débat ; c'est une expérience à renouveler – même si, bien entendu, nous aurions préféré éviter le recours à une ordonnance.

Nous n'avions pas voté contre l'amendement gouvernemental et nous avions proposé cette méthode car nous étions conscients de la nécessité d'une réforme de la justice pénale des mineurs, déjà trop souvent repoussée, afin que les textes soient clarifiés, modernisés et qu'ils gagnent en lisibilité.

Au regard de ces objectifs, nous saluons la volonté d'une procédure plus claire, d'une mesure éducative unique et de la détermination d'un seuil d'âge. Mais une réforme de l'ordonnance de 1945 ne saurait se limiter à cela.

Ce que nous faisons de la justice pénale des mineurs est profondément philosophique ; c'est aussi la traduction juridique de convictions politiques. Ainsi, historiquement, l'ordonnance de 1945 constitue l'aboutissement de la prise en compte progressive de la nécessité d'attribuer un statut spécifique à l'enfance délinquante. Dès lors, le choix a été fait de faire primer l'éducatif sur le répressif, principe qui a acquis une valeur constitutionnelle. Ce choix ne relève pas de la naïveté ni de l'angélisme, mais de la certitude que l'enfant délinquant étant un adulte et un citoyen en devenir, il est indispensable de tenter de lui montrer un meilleur chemin.

Forte de ces convictions, la justice pénale des mineurs n'en est pas pour autant plus laxiste : une réponse pénale est apportée à 93 % des affaires. Loin de l'agitation potentielle des débats, il nous incombe donc de nous interroger collectivement sur les réponses possibles à apporter à ces mineurs. Nous devons laisser de côté les clichés pour ne pas réduire la discussion à une opposition frontale entre les partisans de l'éducation et ceux de la répression. Loin de la médiatisation du sentiment d'insécurité, nous devons garder à l'esprit que l'éducation prend du temps.

En ce sens, la procédure de la césure nous paraît être une bonne chose, les trois phases proposées de la culpabilité, de l'éducation puis, si besoin, de la sanction, font sens dans une progressivité de la réponse pénale centrée sur les modules éducatifs.

En ce qui concerne le seuil d'âge en deçà duquel un enfant bénéficie d'une présomption de non-discernement, nous pensons également que le texte apporte une certaine clarification. En revanche, sur le fond, il n'y aura pas vraiment de différence avec ce que prévoit l'article 122-8 du code pénal ; en effet, le juge reste in fine décisionnaire. À titre personnel, je pense que cette présomption devait devrait être irréfragable car cela constituerait une réelle protection supplémentaire pour les enfants.

Pour ce qui est des peines, nous devons également garder à l'esprit que la détention provisoire et la prison doivent être le dernier recours, leur apport éducatif n'étant évidemment que très modéré.

En définitive, la plus grande nouveauté apportée par le texte est celle de la place du parquet, qui se substitue à l'instruction obligatoire. Ce processus doit encore faire ses preuves, toujours dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Tous ces éléments, bien sûr, doivent être pensés dans le respect des principes directeurs qui gouvernent la justice pénale des mineurs. Or, pour être pleinement respectés, les principes ne doivent pas souffrir de trop d'exceptions. Cependant, s'ils sont constamment réaffirmés en théorie, ils subissent un aléa procédural et pratique lié au manque de moyens.

Plus encore que pour la justice des majeurs, nous ne pouvons nous contenter de palliatifs au manque de moyens. Et c'est ici que le bât blesse avec cette réforme. En effet, si, au fond, elle semble satisfaisante, l'enjeu majeur sera dans sa mise en oeuvre, à moyens quasi constants. Nous avons bien entendu, monsieur le garde des sceaux, ce que vous proposez, mais vous savez pertinemment que ce sera insuffisant : le manque de parquetiers vous oblige à prévoir des cas dans lesquels ils pourraient ne pas être spécialisés ; le manque de moyens alloués à la PJJ – la protection judiciaire de la jeunesse – nous fait grandement craindre l'échec du temps de césure éducatif ; vous envisagez le recours à des moyens de vidéo-audience, etc.

La question du respect des délais est elle aussi préoccupante. Tous les acteurs de terrain s'en inquiètent, d'ailleurs. Dans un monde où la justice ne souffrirait pas d'un manque de moyens chronique, la procédure que vous proposez, dans des délais plus rapprochés, serait très positive pour les mineurs ; néanmoins, dans le monde que vous nous imposez, il est permis d'en douter. De plus, les failles restent nombreuses. Je pense au domaine sanitaire : j'ai rédigé en 2009, déjà, un rapport d'information sur la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes mineures ; la situation était alors déplorable et, depuis lors, rien n'a changé.

Je souhaite également insister sur un point qui nous semble constituer une vraie lacune de cette ordonnance : rien de spécifique n'est prévu pour les réitérants ou les récidivistes. Or nous pensons que, globalement, la justice pénale des mineurs fonctionne plutôt bien. En effet, près de 80 % des mineurs qui passent devant un juge ne le revoient jamais. En revanche, pour les autres, les difficultés se cristallisent : multitude d'infractions de gravités diverses, réponses trop différées, passage du mineur de juge en juge sans plus aucun repère et enlisement, au fur et à mesure, dans la délinquance. Dans ce cas de figure précis, la réponse doit être beaucoup plus rapide et prioritaire, voire prononcée par une chambre spécialisée : cette réaction judiciaire plus prompte permettrait de proposer une pédagogie et un accompagnement ayant du sens par rapport à l'acte commis, afin d'en éviter la réitération.

Enfin, il semble très important de souligner que, si nous traitons ici des conséquences, nous ne devons pas négliger les causes. En effet, tenter d'endiguer la délinquance juvénile suppose une réflexion approfondie sur ses origines : l'échec des institutions traditionnelles que sont l'école ou la famille, la montée en puissance de ce que le juriste Denis Salas a appelé la « délinquance d'exclusion » ou encore l'absence de prise en charge adaptée des mineurs en difficulté sont autant de problèmes complexes et structurels sur lesquels la société tout entière doit s'interroger.

J'évoquerai en dernier lieu la Nouvelle-Calédonie, qui se caractérise par une forte implication des jeunes dans des faits de délinquance : un quart des personnes mises en cause ont moins de 18 ans, et ce taux a augmenté de manière constante ces dernières années. Dans le contexte de la préparation de la présente réforme, nos collègues Philippe Dunoyer et Philippe Gomès ont insisté sur la nécessité de prendre en compte les spécificités locales, sociales et culturelles de la Nouvelle-Calédonie, notamment le rôle particulier de la coutume, condition nécessaire à une meilleure appréhension et à un meilleur traitement de la délinquance des mineurs dans ce territoire. Ils saluent donc l'introduction, dans le texte, de deux mesures préconisées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie dans son avis sur le projet d'ordonnance : la participation des personnes issues de la sphère coutumière aux différentes étapes de la procédure pénale pour mineurs et la garantie d'une représentation du mineur, même en l'absence d'un avocat. Comme pour la mise en place de peines d'intérêt général au profit d'institutions de droit coutumier en Nouvelle-Calédonie, ces nouvelles dispositions démontrent l'intérêt d'une prise en compte par l'État de recommandations émises au niveau local dans le domaine de la justice.

Pour conclure, nous regrettons que ce débat commence un jeudi, soit entrecoupé de l'examen de plusieurs textes et soit miné par les conditions sanitaires – il aurait mérité un peu plus de considération. Toutefois, au-delà de ces modalités d'organisation, loin d'examiner un texte technique, nous entamons une discussion qui engage les générations à venir et qui nous oblige car elle touche aux fondements de nos valeurs communes.

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Comme beaucoup ici, je tiens à souligner que réformer le droit pénal des mineurs par ordonnance pose clairement un problème démocratique. Si, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le recours aux ordonnances pouvait s'expliquer, je ne vois rien, de nos jours, qui justifie cette manière, devenue systématique, d'écrire la loi. Je reconnais bien volontiers, monsieur le garde des sceaux, que vous n'y êtes pour rien et que l'ancien avocat que vous êtes aurait certainement préféré un projet de loi en bonne et due forme pour discuter de ce sujet fondamental pour l'avenir du pays, puisqu'on parle de la jeunesse, pour la préservation de la sécurité de nos concitoyens, puisqu'on parle de droit pénal, et même pour la défense de notre civilisation, puisqu'on parle d'éducation.

Je reconnais aussi que la réécriture du droit pénal concernant les mineurs, pour lui donner plus de clarté et pour simplifier les procédures, le tout ayant pour objectif de juger plus vite les mineurs délinquants et d'espérer leur retour dans le droit chemin le plus rapide possible, va plutôt dans le bon sens, …

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… tout comme la mesure qui consiste à fixer à 13 ans la présomption de discernement.

Une autre raison, et non des moindres, aurait dû nous permettent de nous féliciter de ces travaux sur le droit pénal des mineurs : l'échec patent des politiques dans ce domaine depuis des décennies, plus particulièrement depuis une dizaine d'années. Comme le montrent toutes les statistiques et, plus important, comme le vivent une grande partie de nos concitoyens, la délinquance des mineurs ne cesse de progresser en volume et en intensité, et, plus grave, la récidive est elle aussi en augmentation.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non !

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Or la délinquance des mineurs est un fléau qui démoralise nos compatriotes et nos forces de l'ordre. Comment ne pas le comprendre quand, bien souvent, à peine l'agression, le vol ou la dégradation commis, elles peuvent retrouver son auteur au coin de la rue et même parfois en train de les narguer. Sur ce point, je ne me fais pas trop d'illusions, le code pénal, qu'il concerne les mineurs ou les majeurs, reste une boîte à outils dont on peut faire ce que l'on veut, y compris ne pas l'utiliser, comme c'est malheureusement souvent le cas. L'essentiel n'est en effet pas tant dans le texte que dans le choix politique presque assumé de rendre les dispositions concernées inopérantes par défaut d'instruction. Or je crains qu'à presque tous les niveaux, du garde des sceaux à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, en passant par les juges pour enfants, la culture antipénale voire de l'excuse soit encore la norme ; …

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Il y a même des gens qui refusent de se présenter devant le juge quand ils sont convoqués : vous par exemple !

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… cette culture montre depuis des années ses limites et même une dangerosité dont les premières victimes sont les jeunes délinquants eux-mêmes.

La délinquance juvénile semble devenue une sorte de formation initiale avant d'intégrer la délinquance adulte, la quasi-impunité pénale étant trop souvent analysée comme une impunité morale, le passage à l'âge de 18 ans remettant les compteurs à zéro. Or cette culture est devenue tellement idéologique que vous ne serez pas capables d'en sortir ; en effet, pour en sortir, il faudrait par exemple que la notion de sanction soit inscrite dans le code pénal des mineurs. Une transgression de la loi mérite une sanction, sanction évidemment adaptée en fonction de l'âge de l'auteur. Des travaux d'intérêt général doivent devenir possibles dès l'âge de 13 ans.

Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Les chantiers de jeunesse : Maréchal, nous voilà !

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Hier, à 13 ans, nos parents commençaient leur vie active ; …

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… aussi, je crois que les délinquants peuvent tout à fait supporter des TIG.

Autre proposition qui, avec d'autres, va sans doute animer nos débats : il est devenu nécessaire d'abaisser la majorité pénale à 16 ans. En effet, il est urgent que ceux qui commettent, à 16 ans passés, des actes d'une particulière gravité soient jugés comme des adultes.

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Il est temps de faire sortir des tribunaux pour enfants, des jeunes qui n'en sont plus, ces mineurs parfois dangereux et, pour certains, enkystés dans la criminalité. Oui, ces jeunes symbolisent tous les échecs – éducatifs, sociétaux, politiques, familiaux – , mais les honnêtes gens, notamment ceux qui vivent dans les quartiers populaires, n'ont pas à en subir quotidiennement les conséquences. Bien sûr, pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans, le juge pourra toujours, par une décision motivée, décider d'appliquer le code pénal des mineurs. Pour les plus de 16 ans, il peut déjà déroger exceptionnellement à l'excuse de minorité ; nous proposons donc simplement d'inverser la logique.

Le temps m'étant compté, je ne peux évoquer deux sujets fondamentaux, peu ou pas traités par cette ordonnance : la responsabilisation des parents…

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… et, bien sûr, le cas des mineurs isolés.

Pour conclure, je ne suis pas de ceux qui voulaient sacrifier l'ordonnance de 1945 et je considère qu'il est normal que les mineurs aient le droit à un régime plus souple, diversifié et orienté d'abord sur l'éducatif, tout en permettant au juge d'être répressif si les faits et la personnalité de l'auteur le demandent.

Nous voterons donc pour ce texte, …

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM

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… tout en sachant que, sans changement radical d'orientation politique, cette boîte à outils prendra la poussière, ce qui risque d'empirer, hélas, la délinquance des mineurs.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

On n'est plus à Fréjus…

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'entends répondre, brièvement s'entend, à chacun d'entre vous.

Monsieur Bernalicis, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… vous avez été le premier à intervenir dans la discussion générale. La disposition sur le discernement, pour moi, est mieux qu'une limite d'âge, mieux qu'une limite sèche. On peut avoir davantage de discernement à 12 ans qu'à 14. Ce que vous omettez dans votre raisonnement – et c'est franchement dommage parce que, sans cela, nous pourrions être d'accord – , c'est que, parfois, un enfant de 12 ans a besoin de justice, souvent, d'ailleurs, parce qu'il est issu, comme vous l'avez rappelé, d'un milieu carencé sur le plan éducatif. Peut-être cet enfant de 12 ans a-t-il besoin qu'un juge s'arrête un instant sur sa situation, qu'un agent de la PJJ l'accompagne. Je ne comprends pas votre raisonnement en la matière mais nous allons pouvoir en débattre longuement.

J'en profite pour remercier les uns et les autres d'avoir souligné à quel point, en dépit de la procédure choisie, nous avons pu discuter en commission. Je remercie donc tous ceux qui m'ont remercié ; …

Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… ça fait toujours du bien à entendre – une petite caresse furtive sur un ego fragile sans doute…

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Buffet, là encore, mais quel dommage ! Un de nos témoins privilégiés, M. Balanant, a souligné que nous avions été d'accord à maintes reprises en commission des lois. Pourquoi donc nous séparons-nous à cet instant ? Pourquoi chacun reprend-il son chemin pour des raisons de posture idéologique, politicienne ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Sur un certain nombre de points, je suis toutefois certain que nous parviendrons à nous entendre.

Votre groupe, ce matin, a défendu une motion de rejet préalable qui a été repoussée. Sur les deux inquiétudes dont vous nous avez fait part, et que je juge légitimes, je vais essayer de vous rassurer. D'abord, cette réforme est le fruit de la concertation avec plus de 1 000 intervenants : ministres, parlementaires, spécialistes de la protection de l'enfance – je l'ai évoqué déjà et je regrette de ne pas vous avoir convaincue. Second point d'alerte, les principes fondamentaux de la justice pénale sont non seulement respectés mais réaffirmés à l'article préliminaire : ils restent donc notre seule boussole.

Sur de tels sujets, monsieur Savignat, nous pouvons tomber d'accord. Nous avons des divergences, certes, et c'est bien normal – c'est d'ailleurs ici le lieu privilégié pour les exprimer, dans le cadre du débat démocratique. Le sujet qui nous préoccupe nous appelle tous à assumer une responsabilité politique. Le groupe Les Républicains répond à cet appel et je m'en félicite.

J'ai peu de chose à vous dire, monsieur Balanant, parce que vous êtes d'accord avec nous.

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà qui me conduit à abréger mon intervention, et je suppose que vous m'en serez reconnaissant. Je retiens toutefois l'importance du volet éducatif.

Madame Untermaier, la délinquance des mineurs n'a pas augmenté – je le répéterai dans un instant à la dernière oratrice. Cette délinquance a changé – peut-être d'ailleurs comme toute la société. Je m'efforcerai de vous redire, au cours de la discussion, quels moyens nouveaux nous avons mis à disposition de l'institution judiciaire pour que cette réforme entre en vigueur sans difficulté.

Monsieur Houbron, il y a, vous le savez, une cohérence entre la PPL améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, que nous avons défendue et qui a été votée ici en première lecture, et le présent texte. Nous voulons une justice systématique, nous voulons une justice rapide, nous voulons une justice proportionnée.

Monsieur Zumkeller, vous déclarez que rien n'est prévu pour les récidivistes et les réitérants. La nouvelle procédure permet une réponse pénale plus proche : elle permettra de réduire la part des réitérants, qui atteint actuellement 16 %.

Madame Le Pen, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… quel privilège pour moi de vous entendre enfin. Voilà bientôt six mois que je suis garde des sceaux, je vous ai vue quelques minutes à chaque séance de questions au Gouvernement. Vous avez dit ce matin, pour critiquer la politique du Gouvernement en matière sanitaire, que vous ne compreniez pas les décisions prises pour les sports d'hiver, alors que nous passons ensemble des journées côte à côte au Parlement – à vrai dire je vous y ai peu vue.

Sourires sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'était le mensonge du matin.

Je note également que vous avez édulcoré votre discours de Fréjus à mon encontre, celui dans lequel vous m'aviez consacré vingt minutes en me comparant à « Christiane Taubira en pire ».

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce qui fait que, quand j'ai reçu Mme Taubira à la chancellerie, je l'ai appelé Mme Dupond-Moretti en mieux.

Sourires. – M. Erwan Balanant et M. Jimmy Pahun applaudissent.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je sais que vous me réservez quelques peaux de banane, comme celles que vous avez naguère jeté à ses pieds, vous et les vôtres.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il y a le mensonge du matin et il y a ceux de cet après-midi : vous les enfilez comme les perles. Sur les chiffres, vous mentez. Vous pouvez égrener des chiffres de la récidive, et vos électeurs sont sans doute attentifs et gourmands, mais vous mentez, madame : ce ne sont pas les bons, pas plus que ceux relatifs à la délinquance. Nous le savons ici, et vous le sauriez si vous aviez été présente ce matin, où ils ont été évoqués à de nombreuses reprises.

Votre programme, grosso modo, c'est la prison de 7 à 77 ans.

Rires sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais là, je ne sais quelle faiblesse vous touche, vous seriez d'accord avec nous. Franchement, je vous en félicite, car cette loi est une bonne loi. Le répressif, quoi que l'on fasse, pour les gamins, ça ne marche pas ; il faut d'abord de l'éducatif, ainsi que des réponses rapides, afin que les victimes soient immédiatement prises en considération.

Vous avez déposé un amendement qui me chagrine. J'ai dit que nous nous voyons peu ; nous nous sommes plus vus au palais de justice de Paris. J'étais avocat, vous n'avez de cesse de le rappeler, mais vous aussi, vous l'avez oublié ; nous étions avocats tous les deux et ce n'est pas un déshonneur, ce n'est pas le mien en tout cas. Cet amendement significatif, dont je vais parler un instant, me ronge. Je vais faire appel à l'un de mes souvenirs et puis je vais me rasseoir. Une femme seule dans la difficulté élève trois enfants ; son mari est parti. Deux de ses enfants suivent des études et ne posent aucun problème, mais l'un des trois est délinquant, ce qui peut arriver à d'autres – j'ai dit ce matin que nous parlions des enfants, de nos enfants. Vous voudriez, madame, que cette femme soit privée de ses prestations sociales. Alors je vais vous dire : on est ce que l'on dit et parfois on dit ce que l'on est.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 129 et 83 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 129 .

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L'article préliminaire évoque les principes poursuivis dans ce code. Les principes sont très importants ; j'en ai parlé dans la discussion générale car je compte bien que ceux-ci se déclinent dans le code, et non les exceptions à ces principes, inscrits dans un article préliminaire pour se faire plaisir. Les principes, j'y crois ! C'est pourquoi, chaque fois que le garde des sceaux se prévaut des principes pour répondre à des amendements de la droite ou de l'extrême droite, je suis d'accord ; mais il faut aller au bout de la rédaction de cet article préliminaire puis en tirer toutes les conséquences.

Nous proposons donc, par cet amendement, d'ajouter dans l'article préliminaire une référence à la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, dont on a fêté récemment les trente ans, ainsi que de rappeler ce que dit l'ordonnance de 1945 – c'est déjà à peu près le cas dans l'article tel qu'il est rédigé à ce stade, mais il convient d'être précis, de sorte que tout soit bien clair pour la suite.

Je profite de ce premier amendement pour vous faire observer, monsieur le garde des sceaux, qu'une présomption irréfragable à 14 ans ne signifie pas que l'enfant de 12 ans ne pourra pas voir un juge. C'est ne pas connaître la justice des enfants ! Par qui l'assistance éducative est-elle prononcée si ce n'est pas par un juge ? C'est même l'essentiel de son activité ! Il y aura demain aussi une présomption irréfragable ! C'est simplement que nous imposons de manière absolue que des sanctions pénales ne soient pas infligées en dessous d'un certain âge. Cela ne signifie pas qu'il n'y a rien, seulement qu'il ne faut pas utiliser les peines et les sanctions, comme dans d'autres pays.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 83 .

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Il vise à modifier l'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs afin de rappeler la nécessité que celle-ci conserve sa spécificité et qu'elle privilégie l'éducatif. Nous proposons une nouvelle rédaction de cet article afin d'y faire référence expresse au préambule de l'ordonnance du 2 février 1945, à la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier son article 24, relatif aux droits de l'enfant.

Nous considérons qu'une réforme du droit pénal des enfants délinquants doit rester fidèle aux principes humanistes et pragmatiques de ces différents textes fondateurs. Ces textes soulignent également que les enfants ont droit à la protection. Tout enfant en conflit avec la loi est un enfant en danger, et la justice pénale des mineurs ne devrait être considérée que dans un continuum avec la protection de l'enfance. Cet amendement, faisant explicitement référence aux textes fondateurs des droits de l'enfant, vise à réaffirmer que l'enfant délinquant doit rester un enfant et qu'une réponse équilibrée et éducative doit lui être apportée.

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La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

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Nous en avons déjà débattu en commission. Nous sommes d'accord, monsieur Bernalicis, nous croyons tous aux principes, et c'est justement pourquoi nous les rappelons dans l'article préliminaire : les principes de l'ordonnance de 1945, la primauté de l'éducatif sur le répressif, l'atténuation des peines pour un mineur, la spécialisation. Je crois qu'il faut s'en tenir à ces grands principes.

Vous souhaitez ajouter une référence au préambule de l'ordonnance, qui n'a pas un caractère normatif et qu'il me semble donc difficile d'ajouter dans l'article liminaire. De même, vous souhaitez ajouter une référence à la Convention internationale des droits de l'enfant.

Votre idée, si je comprends bien, est en réalité d'affirmer l'intérêt supérieur de l'enfant ; plus loin, nous présenterons, comme de nombreux groupes, un amendement introduisant cette notion dans l'article préliminaire.

À ce stade de nos débats, je donne donc un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. le rapporteur a tout dit et nous sommes exactement sur la même ligne à ce sujet ; je n'en dirai pas plus car je m'exprimerais sans doute moins bien que lui. Avis défavorable.

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Comme l'a dit le rapporteur, l'article préliminaire n'a pas nécessairement une portée normative. S'il en avait une, le tribunal de police pouvant prendre des sanctions contre des mineurs, puisque c'est une dérogation au principe de spécialité. Vous voyez donc pourquoi nous sommes aussi attachés aux principes et à leur déclinaison par la suite.

En ouvrant le code, l'article préliminaire est la première chose sur laquelle on tombera. N'importe quel étudiant ou élève magistrat, n'importe quelle personne s'intéressant à la justice pénale des mineurs lira ce premier article. C'est pourquoi il me semble important d'y rappeler à la fois les principes en question mais aussi le parcours de construction historique – 1945, 1989, les lois fondamentales de la République – et de le mettre en perspective, d'en rappeler le sens. Le législateur ferait ainsi oeuvre utile pour tout le monde, pour tous les citoyens. Je suis vraiment favorable à ce que les principes soient énumérés, qu'on ne se contente pas d'évoquer l'« intérêt supérieur de l'enfant » ; l'article préliminaire est d'ailleurs très long. Souvent la manière dont est rédigée la loi fait qu'on en oublie le sens et la trajectoire historique.

La rédaction que nous proposons n'est pas optimale car nous aurions pu remplacer le mot « mineurs » par le mot « enfants », comme le proposent nos collègues communistes, ou encore ne pas parler d'« enfance délinquance » mais d'enfance en conflit avec la loi… Il y aurait moyen d'améliorer le dispositif.

Les amendements nos 129 et 83 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 127 .

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Nous souhaitons remplacer le mot « mineurs » par le mot « enfants » et ajouter que les mesures ont un sens « de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation », afin de préciser leur objectif.

Peut-être sommes-nous arrivés à un consensus sur le mot « enfants », le garde des sceaux ayant dit son attachement à ce terme dans son propos liminaire. Ce serait cohérent avec les structures judiciaires actuelles puisque nous avons un juge des enfants, un tribunal pour enfants, peut-être, un jour prochain, un tribunal de police pour enfants, qui sait… Que l'on ait un code de la justice des enfants – « de l'enfance » aurait même été encore mieux – me semble aller dans la bonne direction.

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Nous avons déjà eu en commission le débat sur le terme « mineurs » et son remplacement par le terme « enfants ». Le premier semble juridiquement plus adapté.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

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On le trouve en beaucoup d'endroits, que ce soit dans le code pénal, le code de procédure pénale et même le code de l'action sociale, où l'on parle de « mineurs en danger ». Il ne faut donc pas s'en affranchir. En outre, il est rappelé que cela ne dégrade pas la protection du mineur que de le qualifier ainsi plutôt que d'« enfant ». L'avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Puisque nous écrivons la loi, il faut choisir le terme le plus adéquat. Vous voulez « enfants », « adolescents » et « préadolescents ». Mais comment distingue-t-on l'enfant de l'adolescent et du préadolescent ? Il existe certes le tribunal pour enfants mais, comme on évoque là les généralités, « mineurs » est le terme le plus adéquat. Nous n'allons pas nous battre pour des questions sémantiques, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… d'autant que ce n'est pas parce qu'on dit « mineurs » qu'on ne pense pas « enfants ».

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Vous soulignez vous-même qu'il y a une confusion, monsieur le garde des sceaux. Selon les circonstances, dites-vous, on choisit le terme le plus adapté – « enfants » ou « mineurs » – , mais quel est donc le terme le plus adapté ? Puisque le mot « mineurs » vous semble le plus approprié sur le plan juridique, pourquoi ne proposez-vous de renommer le tribunal pour enfants « tribunal pour mineurs » ?

Si, à l'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, article qui n'a pas de portée normative, on n'est pas capable d'écrire le mot « enfants », alors nous pouvons bien nous arrêter là tout de suite ! Il me semble, quant à moi, que c'est précisément à cet endroit du texte que le terme doit apparaître.

Quant au mot « adolescents », vous aurez peut-être noté que nous l'avons supprimé de nos amendements depuis les travaux en commission. Nous admettons, en effet, qu'il nous obligerait à entrer dans la définition des différents âges et que le mot « enfants » semble le plus clair, notamment parce que c'est celui qui est utilisé dans la Convention internationale des droits de l'enfant.

Enfin, monsieur le rapporteur, permettez-moi de préciser un point afin d'éviter que ce débat ne tourne mal !

Exclamations sur divers bancs.

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Lorsque vous donnez l'avis de la commission, ne commencez pas systématiquement par : « Nous en avons déjà discuté en commission », sous-entendant ainsi que nous vous soûlons, que vous ne répondrez pas longuement et qu'on va passer à la suite !

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Je commence à avoir un peu l'expérience de cette boutique.

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Le Parlement n'est pas une boutique ! On aura tout entendu !

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Croyez-moi, nous n'aurons pas un bon débat si vous procédez comme ça ! D'autant que vous vous trompez : nous n'avons pas déjà discuté du sujet en commission puisque j'ai modifié l'amendement, précisément pour supprimer le terme « adolescents ». Vous ne l'avez même pas remarqué !

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Monsieur Bernalicis, permettez-moi de vous rappeler que nous ne sommes pas ici dans n'importe quel lieu. L'Assemblée nationale ne saurait être qualifiée de « boutique ».

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

L'amendement no 127 n'est pas adopté.

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Je suis saisie de cinq amendements, nos 128 , 18 , 96 , 344 et 402 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 96 , 344 et 402 sont identiques.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 128 .

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Par cet amendement, nous proposons de préciser, dès l'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, conformément à la Convention internationale des droits de l'enfant, qu'un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans – ça va mieux en le disant – et que l'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour tout acte ou décision le concernant.

J'ai cru comprendre, d'après les propos du rapporteur, que certains amendements de cette discussion commune avaient été considérés d'un bon oeil par la commission. J'imagine qu'ils portent également sur la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, à laquelle nous sommes très attachés, ce dont nous nous sommes largement expliqués en commission. Nous serions donc satisfaits que cette notion soit inscrite dans l'article préliminaire.

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Vous aurez remarqué, cher collègue Bernalicis, qu'après avoir rappelé que nous avions déjà abordé le sujet en commission, j'ai pris le soin de vous répondre avant de me rasseoir ; il ne s'agissait donc aucunement d'une réponse sèche !

Au-delà du choix entre les termes « enfants » ou « mineurs » – dont nous avons, pour le coup, largement débattu – , les amendements nos 96 , 344 et 402 , que nous allons examiner dans un instant, abordent, en effet, la question de l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est pourquoi, monsieur Bernalicis, je vous invite à retirer votre amendement à leur profit.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il me semble avoir déjà répondu : avis défavorable.

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Je ne comprends pas, madame la présidente. Ne s'agissait-il pas d'une discussion commune ?

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Si, mais j'ai commis une erreur. Je propose que nous achevions la discussion de cet amendement puis que nous reprenions la discussion commune.

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D'accord.

Je maintiens mon amendement car il comporte deux dimensions, dont l'une n'est pas reprise dans les amendements identiques suivants.

L'amendement no 128 n'est pas adopté.

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Nous reprenons donc la discussion commune.

La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 18 ainsi que le no 96.

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Il a pour objet d'inscrire, dans l'article préliminaire, le grand principe de la justice des mineurs, consacré par le droit international et la Convention internationale des droits de l'enfant : l'intérêt supérieur de l'enfant. Serait ainsi ajoutée la phrase suivante : « Dans toutes les décisions, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

Quant à l'amendement no 96 , il reprend la proposition d'Alexandra Louis d'insérer les mots « dans leur intérêt supérieur » dans l'article préliminaire.

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La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement no 344 .

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Nous revenons à un sujet qui nous importe beaucoup : l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme de nombreux autres groupes – ce dont nous réjouissons – , le nôtre est très attaché à ce principe, dont nous avons longuement débattu en commission des lois, dans le but de trouver la rédaction la plus adéquate.

Je précise que l'article préliminaire d'un code est très important : c'est bien sûr le premier qu'on lit, mais surtout celui qui permet de lever un doute ou d'apporter un éclairage en cas de difficulté d'interprétation d'une disposition ; il donne le ton de tout le code. C'est pourquoi il nous tenait à coeur que l'intérêt supérieur de l'enfant apparaisse aux côtés des grands principes rappelés à l'article préliminaire : la primauté de l'éducatif sur le répressif, l'atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l'âge et la spécialisation des juridictions pour mineurs.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 402 et donner l'avis de la commission sur les autres.

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Il est identique aux deux précédents, que Mmes Untermaier et Louis ont fort bien défendus.

Je suis défavorable à l'amendement no 18 et favorable aux amendements nos 96 et 344 , identiques au mien.

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Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je demande le retrait de l'amendement no 18 – à défaut, l'avis sera défavorable – au profit des amendements identiques nos 96 , 344 et 402 , auxquels le Gouvernement est favorable.

L'amendement no 18 est retiré.

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Je suis évidemment ravie que ces trois amendements identiques aient reçu un avis favorable de la part du rapporteur et du garde des sceaux, et que la notion d'intérêt supérieur de l'enfant soit intégrée dans l'article préliminaire, mais vous savez bien où je veux en venir. Je regrette qu'une approche différente ait prévalu la semaine dernière, lors de l'examen de la proposition de loi visant à réformer l'adoption. Je sais bien que ce texte relevait du code civil, alors que nous discutons maintenant de la justice pénale des mineurs, mais une harmonisation aurait été bienvenue entre les deux textes. Il aurait été bon, la semaine dernière, de mentionner l'intérêt supérieur de l'enfant, ce que le Gouvernement n'a malheureusement pas souhaité.

Les amendements identiques nos 96 , 344 et 402 sont adoptés.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 238 et 53 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement no 238 .

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Il a été déposé à l'initiative de Fabien Di Filippo et il est défendu.

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La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement no 53 .

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Déposé par le groupe Les Républicains, il vise à préciser que la levée de l'excuse de minorité peut être décidée pour un mineur de plus de 16 ans en fonction de la gravité des faits qu'il a commis et de sa personnalité. Le juge jouira ainsi d'une libre appréciation.

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Sur l'amendement no 238 , l'avis est défavorable.

Quant au no 53, je pense qu'il est satisfait. Monsieur Pauget, je vous renvoie aux dispositions de l'article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs, selon lequel il est possible, à titre exceptionnel, d'écarter l'atténuation de la peine pour un mineur de plus de 16 ans. La précision proposée ne paraît donc pas nécessaire. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ma position est identique, pour exactement les mêmes raisons.

Les amendements nos 238 et 53 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 7 .

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Il a déjà été examiné par la commission des lois mais j'ai souhaité qu'il soit discuté à nouveau en séance publique. Il me paraît en effet important de préciser que la justice des mineurs appelle une juridiction spécialisée et que le juge des enfants est compétent au civil et au pénal. En commission, vous avez choisi de ne pas l'indiquer dans l'article préliminaire. Je ne doute pas vous maintiendrez cette position, ce que je regrette. Je souhaite en tout cas entendre réaffirmé, dans le débat parlementaire en séance publique, qu'il est essentiel que la justice des mineurs appelle une juridiction spécialisée et que le juge des enfants est compétent au civil comme au pénal.

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Nous sommes d'accord : le juge des enfants est compétent au civil et au pénal. Toutefois, le projet de loi concernant la justice pénale des mineurs, il ne serait guère opportun d'apporter cette précision dans le texte : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement partage cette position. Le code de la justice pénale des mineurs ne remet pas en question, vous le savez, l'office de protection des mineurs en danger du juge. Ce code prévoit la possibilité pour le parquet de saisir le juge des enfants en vue d'une assistance éducative, que des poursuites pénales soient ou non engagées. Votre amendement est par conséquent satisfait, madame Untermaier, et le Gouvernement y est défavorable.

L'amendement no 7 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 277 .

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Il vise à rappeler la primauté de l'éducatif sur le répressif et le fait qu'il ne saurait y avoir de sanctions ou de peines sans que des mesures éducatives aient été tentées au préalable. Il est important de l'écrire noir sur blanc pour qu'il n'y ait jamais l'ombre d'un doute.

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Je voudrais vous rassurer, monsieur Bernalicis : il ne fait aucun doute que l'article préliminaire donne la primauté à l'éducatif sur le répressif. Rappelons les termes de l'article L. 11-3 du code de la justice pénale des mineurs : « Les mineurs déclarés coupables d'une infraction pénale peuvent faire l'objet de mesures éducatives et, si les circonstances et leur personnalité l'exigent, de peines. » Le caractère subsidiaire de la peine étant clair, j'estime que votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Dussé-je vous énerver, monsieur Bernalicis, ce que vraiment je ne veux pas, …

Sourires

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… je me permets de rappeler que nous avons déjà abordé cette question, essentielle, en commission. Les articles L. 11-2 et L. 11-3 devraient vous rassurer totalement. L'avis est défavorable.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oh !

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… car les mots « peuvent faire l'objet de mesures éducatives » et « si les circonstances et leur personnalité l'exigent » laissent le champ libre à l'interprétation. M. le rapporteur a déclaré que la peine était subsidiaire mais le texte ne le précise pas explicitement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais si !

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Dans la pratique, c'est bien le cas, ce dont il faut se réjouir, mais le code n'interdira pas expressément d'attribuer des peines si des mesures éducatives n'ont pas été essayées.

D'ailleurs, de nombreuses exceptions sont prévues dans le code, permettant de passer directement à la peine, en audience unique, le parquet estimant que le tribunal pour enfants peut être saisi. J'entre sans doute là dans la technique mais c'est la réalité.

Le tribunal de police nous a beaucoup occupés en commission, vous le savez, monsieur le garde des sceaux. Or, au tribunal de police, il n'y a pas de primauté de l'éducatif sur le répressif.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bon !

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En voilà une exception !

Cela va mieux en le disant et en l'écrivant : la primauté de l'éducatif sur le répressif doit sous-tendre l'intégralité du code. De toute évidence, ce n'est pas votre objectif politique. Je comprends donc que vous soyez défavorable à l'amendement !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'ai tellement envie de vous convaincre que j'y reviens deux secondes et puis après… Je n'ai pas non plus le goût de l'effort inutile !

En matière de détention, la liberté est la règle et la détention provisoire est l'exception. Cela n'interdit pas à un JLD – juge des libertés et de la détention – de placer quelqu'un en détention.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ici, la primauté est l'éducatif, mais cela n'interdit pas les sanctions dans certaines circonstances exceptionnelles, à titre exceptionnel – je le répète – ou exceptionnellement, si vous préférez l'adverbe !

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous ne voulez pas l'entendre car vous voulez faire de nous d'affreux liberticides voulant absolument enfermer en prison les petits, les enfants, les adolescents. C'est de la caricature ! Lisez le texte de manière objective !

L'amendement no 277 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 130 .

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Il est marrant que vous ayez pris en exemple le fait que les JLD puissent prononcer la détention provisoire à titre exceptionnel.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vais me jeter par la fenêtre !

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Il se trouve que les maisons d'arrêt comptent une proportion non négligeable de gens en détention provisoire, ce qui est un problème fondamental ! On voit comment une exception devient un problème central dans la gestion pénitentiaire. Mettons cela de côté parce que, finalement, votre argumentation va plutôt dans mon sens.

Revenons donc au présent amendement, qui crée une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale avant 14 ans et laisse la possibilité d'une appréciation du discernement au-delà de cet âge. En fait, nous admettons la capacité de discernement tout en excluant la possibilité d'une peine pour les mineurs de moins de 14 ans. Ce faisant, nous nous alignons sur les pratiques d'un certain nombre de nos partenaires européens.

Vous dites avoir entrepris une codification que personne n'avait voulu faire depuis trente ans, avoir travaillé, rencontré plein de gens. Or le meilleur signal à donner pour montrer que les choses progressent et que l'existant s'améliore serait précisément d'inscrire dans la législation cette présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale avant 14 ans.

Comme vous l'avez vous-même indiqué dans votre réponse à la discussion générale, monsieur le garde des sceaux, cela ne veut pas dire que l'on ne peut rien faire quand un mineur est âgé de moins de 14 ans, mais cela signifie que, dans ce cas, on ne peut faire que des mesures civiles d'assistance éducative en milieu ouvert ou renforcées. Ces mesures, qui ne sont pas anodines ou cosmétiques, constituent l'essentiel de l'activité des juges des enfants. En assistance éducative classique, un professionnel se rend une fois par mois au domicile de la famille pour accompagner les parents et l'enfant. Je reviendrai plus tard sur les autres mesures.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Eh oui !

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… cet amendement est relatif à la question importante de l'âge de la responsabilité pénale du mineur. En l'occurrence, vous souhaitez que cet âge soit fixé à 14 ans et qu'une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale prévale auparavant.

Dans le cadre du code de la justice pénale des mineurs, nous prévoyons, vous le savez, une présomption de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans et, a contrario, une présomption de discernement pour les mineurs plus âgés.

Pour ma part, je suis persuadé que la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale est une bonne chose en matière de justice pénale des mineurs. Le juge des enfants doit pouvoir apprécier finement la situation d'un mineur de 12, 13 ou 14 ans, âges qui constituent une zone un peu grise dans laquelle des enfants du même âge peuvent avoir des niveaux de maturité différents.

Cependant, telle que vous l'envisagez ici, la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale serait contre-productive par rapport au but recherché. Il me semble pertinent d'avoir un débat contradictoire sur le discernement du mineur concerné et, en même temps, l'appréciation du juge sur le degré de maturité de ce mineur et une éventuelle levée de la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale.

Faisons confiance à cette justice spécialisée. Laissons les juges des enfants faire du cousu main dans ces situations et apprécier finement que tel enfant de moins de 13 ans est discernant et que tel autre de 14 ans ne l'est pas. Nous devons garder cette souplesse très importante en matière de présomption simple. L'avis est donc défavorable.

À seize heures vingt, M. Sylvain Waserman remplace Mme Annie Genevard au fauteuil de la présidence.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Bernalicis, je ne sais combien d'amendements à venir portent sur cette même question, dont la rédaction diffère parfois d'un mot ou d'une virgule. Je vais essayer de vous répondre une fois pour toutes.

Nous avons choisi une présomption de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans, sans rien d'irréfragable. Pourquoi ? Car ce serait contraire à ce qui régit l'évolution d'un enfant.

Veuillez retenir, si vous le voulez bien – l'impératif m'est interdit lorsque je m'adresse à vous – que ce n'est pas le code qui connaît l'enfant, mais le juge ! Ce n'est pas le texte, mais le juge ! Certains gamins de douze ans ne peuvent pas être laissés sur le bord de la route et ont besoin de justice, je le répète ! À l'inverse, on va convenir que certains enfants de 14 ans n'ont pas le discernement de gamins de 11, 12 ou 13 ans ! Il faut laisser au juge le soin d'apprécier ! Vous ne pouvez pas tout rigidifier ! Qu'est que c'est que cette conception administrative, ultra-serrée, ultra-rigide ? On parle de gamins, d'enfants !

M. Ugo Bernalicis rit.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Riez si vous le voulez, autant que vous voulez ! Ce n'est pas une justice avec des textes et des tampons ! Enfin, c'est extraordinaire cette conception ! C'est le juge et non pas le code qui connaît l'enfant, je vous le dis ! Je suis défavorable à cet amendement et à tous ceux que vous avez déposés dans le même sens !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

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En réalité, je ris parce que, au fond, je suis triste.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous allez me faire pleurer !

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Mais oui ! Vous réitérez vos arguments et je vais réitérer les miens tant qu'il le faudra parce que je ne désespère jamais.

Un enfant de 12 ans a besoin de justice, dites-vous. La présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale ne l'empêchera pas d'aller voir le juge ; la seule différence est qu'il ne pourra se voir appliquer que des mesures civiles. En ayant la capacité d'évaluer le discernement de l'enfant de moins de 14 ans, bénéficiant d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale, le juge ajustera la mesure éducative en fonction de la situation. Il pourra prononcer une mesure éducative simple ou renforcée, prévoir la venue d'un professionnel au domicile de la famille une fois par mois ou une fois par semaine, décider de faire intervenir plusieurs professionnels, etc. En fait, c'est ce qu'il fait déjà.

Je n'invente rien mais j'affirme une chose : il ne faut pas basculer dans le bloc pénal. Vous pouvez dire que j'ai une position dogmatique ou idéologique sur le sujet. Je préfère idéologique car cela veut dire que j'ai des idées. Or oui, je poursuis une idée : un enfant de moins de 14 ans ne doit faire l'objet d'aucune mesure pénale. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Vous pouvez dire que c'est rigide, strict, etc.

Pourquoi cela m'a-t-il fait rigoler ? Parce que vous avez vous-même créé un délai rigide, strict, bureaucratique, avec un tampon : l'audience d'examen de la culpabilité devra avoir lieu dans les trois mois – pas trois mois et un jour ou trois mois et deux jours mais trois mois. Je garde mes autres arguments pour plus tard.

L'amendement no 130 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de trois amendements, nos 138 , 109 et 300 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 109 et 300 sont identiques.

La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 138 .

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Cet amendement d'appel, qui fixe la majorité pénale à 16 ans, ne manquera pas de vous faire réagir, monsieur le garde des sceaux, mais, je vous en prie, mettons de côté les caricatures et laissez-moi vous expliquer.

En fait, nous pourrions inverser toutes vos réponses à M. Bernalicis. Pourquoi ce que vous jugez possible pour les moins de 13 ans ne le serait-il pas pour les plus de 16 ans ?

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Dans la discussion générale, l'un des orateurs – je ne sais plus lequel – a déploré qu'on ne fasse pas confiance aux magistrats dans ce texte. Quant à vous, monsieur le garde des sceaux, vous venez dire qu'il fallait laisser au juge le soin d'apprécier la situation.

Les mineurs de moins de 13 ans sont présumés incapables de discernement mais, dans certains cas, cette présomption peut être écartée par le juge. Je n'aurais pas trouvé stupide ou inintéressant, au titre d'un certain parallélisme des formes, de pouvoir envisager qu'un mineur de moins de 16 ans ne bénéficie pas de l'excuse de minorité dans certains cas, compte tenu de certaines circonstances, de l'infraction, du délit ou du crime commis et, bien sûr, de la personnalité du mineur concerné.

Si j'insiste, c'est que je vous ai bien entendu, en commission et encore ce matin en séance, répéter votre attachement à ce qu'un mineur reste un mineur et qu'il soit, le cas échéant, jugé comme tel.

En discutant avec des juges des enfants, j'ai été frappée par le fait qu'ils étaient tous attachés à l'idée de juger un mineur comme tel – disant cela, j'abonde dans votre sens. Cependant, ils admettaient aussi que, dans des cas exceptionnels, certains mineurs ne se comportaient pas comme des enfants et que leurs dossiers mériteraient d'être examinés au cas par cas par les magistrats concernés.

Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez dit que le magistrat devait apprécier finement la situation d'un mineur. Ce que l'on peut apprécier de façon fine pour les moins de 13 ans, on peut l'apprécier, me semble-t-il, de façon tout aussi fine pour les plus de 16 ans.

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La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 109 .

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Cet amendement de mon collègue Éric Ciotti vise finalement à prendre en compte la construction de l'adulte. L'enfant n'est pas le même à 10, 11, 13, 16 ou 18 ans, âge auquel le citoyen français acquiert enfin la plénitude de ses droits. Il s'agit de considérer que la responsabilité pénale se construit progressivement : avant 13 ans, la présomption d'irresponsabilité s'applique ; entre 13 et 16 ans, une minorité pénale est en quelque sorte reconnue et c'est le juge des enfants qui se prononce ; à partir de 16 ans, on passe à la majorité pénale mais le dossier reste étudié par le juge des enfants ; au-delà de 18 ans, on atteint la pleine majorité pénale. Le processus est graduel, comme se construit la responsabilité des individus.

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La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 300 .

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah !

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… je suis désolée de vous avoir privé hier de ma présence lors de votre éructation haineuse et assez étonnante, il faut bien le dire, de la part d'un ministre appartenant à un Gouvernement qui a fait une priorité de la lutte contre la haine.

Permettez-moi de vous faire remarquer que, si vous passiez autant de temps à travailler à l'amélioration de la justice qu'à parler de moi de manière obsessionnelle ou à pister des amendements déclarés irrecevables, nos compatriotes se sentiraient sûrement beaucoup plus en sécurité.

Enfin, permettez-moi de vous rappeler – car vous êtes un jeune ministre ou au moins un ministre récent – que je n'ai pas à vous rendre de comptes, …

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Moi non plus !

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Rendez des comptes aux juges, madame Le Pen, ils vous cherchent !

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… ni sur ma présence ni sur mes absences dans cet hémicycle. Je vais même vous apprendre quelque chose d'incroyable, tiré directement de la Constitution : ce n'est pas à moi de vous rendre des comptes ici dans cet hémicycle, mais c'est à vous, ministre, de rendre des comptes à cette assemblée !

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Je n'applaudis pas, mais il faut reconnaître qu'elle a raison !

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Venons-en à mon amendement. Je pense en effet qu'il faut fixer la majorité pénale à 16 ans. Bien sûr, le tribunal pourra, d'une part, toujours prendre en considération l'âge de l'auteur des faits, et, d'autre part, recourir aux dispositions du code de la justice pénale des mineurs, y compris pour les personnes âgées de 16 à 18 ans, dans des cas précis et motivés. Vous avez dit que la société a changé ; il faut évidemment adapter notre droit en conséquence.

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Il sera défavorable.

Madame Ménard, je voulais vous remercier pour le positionnement de votre amendement. Votre proposition ne nous convient pas, mais je voudrais vous convaincre que nous pouvons atteindre autrement le but que vous poursuivez. Vous voulez que, par principe, un mineur de 16 ans soit jugé comme un majeur.

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Pour notre part, nous voulons qu'un mineur de 16 ans soit considéré comme un mineur, mais en laissant au juge une liberté d'appréciation quant aux règles d'atténuation des peines.

À cet égard, je vous renvoie à la lecture de l'article 121-7 du code de la justice pénale des mineurs : « Si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu'il n'y a pas lieu de faire application des règles d'atténuation des peines ». Dans des cas très précis, en fonction de la personnalité du mineur et du cas d'espèce, le juge peut déjà priver un mineur de 16 ans du bénéfice de l'atténuation de minorité, c'est déjà possible.

Ce qui est très dérangeant dans ces amendements, c'est que vous vouliez faire d'une exception, un principe. Par principe, un mineur de 16 ans ne peut être considéré et jugé comme un majeur. Il est cependant possible de déroger à la règle dans des cas très précis, après une appréciation très fine du juge.

En réalité, vous amendements me semblent satisfaits par les dispositions actuelles du code de la justice pénale des mineurs.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le « jeune ministre » va s'adresser à la représentation nationale…

Sourires.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… pour rappeler qu'à 16 ans, on n'est pas majeur. Vous ne voudriez pas qu'un garçon de 16 ans puisse voter, n'est-ce pas ? Alors pourquoi voudriez-vous qu'il soit traité comme un adulte ?

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'ai entendu vos propos, madame Le Pen : vous n'acceptez pas que je dise publiquement ici, où nos débats sont sans doute retransmis, que je ne vous vois jamais à l'Assemblée nationale. C'est pourtant vrai : depuis six mois que je suis ministre, je vous aperçois cinq minutes par semaine, pendant les séances de questions au Gouvernement, puis vous disparaissez !

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Vous n'êtes pas le garde des sceaux, mais le garde-chiourme !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous avez raison de dire que vous n'avez pas de comptes à me rendre, pas plus que je n'ai de comptes à vous rendre. Je dis donc ce que je veux, librement.

Protestations sur les bancs du groupe LaREM.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quant au reste, votre crainte s'explique aisément : vous savez que, connaissant un peu la matière pénale, je peux affirmer que votre programme, dans ce domaine, équivaut à zéro ! Ce sont toujours les vieilles histoires, telles que celles que nous avons encore entendues hier après-midi. Vous n'avez rien à nous offrir, madame, sauf du rêve et de la matraque – et du rêve avec de la matraque. Et nous devrions être convaincus que si, ce qu'à Dieu ne plaise, vous accédiez un jour au pouvoir, il n'y aurait plus de délinquance dans notre pays !

Arrêtons là ces chicayas : j'ai dit ce que j'avais à vous dire. Je vous ferai tout de même remarquer, très aimablement et respectueusement, que c'est vous qui avez commencé, en me consacrant vingt minutes de votre discours à Fréjus – c'était évidemment beaucoup plus simple, puisque je n'y étais pas. J'ai dû beaucoup vous manquer ! Maintenant que je suis là, nous pouvons discuter. Nos dissensions personnelles ont toutefois peu d'intérêt.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Ménard, nous avons déjà évoqué cette question en commission – car vous, pour le coup, êtes toujours présente à l'Assemblée nationale, et je sais le travail que vous y faites : il y a quelques différences entre l'une et l'autre !

M. Rémy Rebeyrotte applaudit.

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D'abord, les défenseurs de ces amendements s'appuient sur l'idée selon laquelle la délinquance des mineurs augmenterait, ce qui n'est pas avéré.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout à fait !

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Ensuite, on explique aux enfants de 16 ans qu'ils ont une obligation d'éducation ou de formation jusqu'à leurs 18 ans, parce qu'on considère que les individus âgés de 16 à 18 ans sont encore en construction et qu'ils doivent donc être traités comme des mineurs, et non pas comme des adultes. Toutes les lois que nous votons depuis des années visent précisément à prolonger l'éducation et la formation le plus longtemps possible.

Ces amendements vont donc à contresens de l'évolution de la société. Je m'y oppose avec force.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LaREM. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.

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Certains, au début de nos débats, reprochaient à ce texte d'être trop répressif. On nous dit maintenant qu'il serait trop laxiste, ce qui me fait penser que nous avons sans doute trouvé un équilibre.

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Parlons de la majorité pénale à 16 ans. Qui est-on, à cet âge ? On n'est pas un adulte. Or vous expliquez qu'il faudrait, par principe, juger un mineur de 16 ans comme un majeur. De nombreux spécialistes expliquent pourtant à longueur de temps que les jeunes deviennent matures de plus en plus tard, contrairement à ce que vous prétendez, et que le fait qu'ils commettent davantage d'infractions – ce qui reste à démontrer, aucun chiffre n'ayant été avancé, dans notre hémicycle, pour prouver cette assertion – , ne signifie pas qu'il faudrait y répondre en leur appliquant la justice des adultes.

Je ne crois pas à une telle solution, qui me semble illusoire. Quelle est l'idée qui la sous-tend ? Qu'il faudrait punir et enfermer davantage. Rappelons pourtant que le juge des enfants dispose de tous les outils nécessaires pour sanctionner un mineur quand il le faut, en y ajoutant systématiquement un volet éducatif. Vous voulez priver les enfants des mesures éducatives, alors qu'elles permettent précisément de les réinsérer et de les remettre sur le droit chemin ! Une telle mesure serait un contresens et irait à l'encontre de vos objectifs de lutte contre la récidive.

Luttons contre la récidive en éduquant nos enfants et les sanctionnant quand il le faut : ainsi respecterons-nous nos principes tout en étant efficaces.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Je me délecte de la façon dont Mme Louis, et peut-être un peu aussi le garde des sceaux, manient l'art de la caricature. Je me garderai bien de prétendre leur retirer ce droit. Notre amendement, néanmoins, n'est pas aussi caricatural qu'ils le disent : il ne vise pas à appliquer brutalement aux mineurs de plus de 16 ans une justice identique à celle qui prévaut pour les adultes, mais à introduire une phase intermédiaire pendant laquelle le mineur encourt la même responsabilité qu'un majeur, tout en continuant à relever du juge des enfants. La transition intervient de façon progressive. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'à 16 ans, on n'est pas encore un adulte. Seulement, on n'est plus tout à fait un enfant non plus.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est vrai : on est un mineur.

L'amendement no 138 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos 109 et 300 ne sont pas adoptés.

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L'amendement no 111 de M. Éric Ciotti est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Il est assez baroque de voir M. Ciotti déposer un amendement identique à celui de M. Taché, même si ce dernier n'a pas été soutenu. Avis défavorable.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

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Je suis défavorable à cet amendement car, comme vous le savez, je prône la création d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale. J'ai expliqué pourquoi tout à l'heure.

Il est très intéressant de vous voir prendre à partie Mme Le Pen, monsieur le garde des sceaux – je pourrais même trouver cela sympathique – , mais nous comprenons très bien pourquoi vous le faites. À votre place, je serais moi aussi gêné…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis ravi !

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… que Mme Le Pen soutienne mon texte et qu'elle le dise à la tribune : j'aurais également très envie de surjouer le désaccord.

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Parce que vous ne surjouez jamais vos désaccords, vous ?

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Finalement, c'est avec gourmandise que je me souviens que vous dénonciez avant-hier une convergence secrète entre le Rassemblement national et La France insoumise.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La preuve !

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Pardonnez-moi de vous dire que la convergence éclate précisément sous nos yeux ! Même quand Mme Le Pen dépose des amendements pour demander que les mineurs de plus de 16 ans soit jugés comme des majeurs, au lieu de dire « non, non et trois fois non », vous répondez que c'est déjà possible dans certains cas. Et vous vous en réjouissez ? C'est votre point de vue. Je ne le partage pas.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous n'étiez pas né que j'étais déjà contre le Front national !

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Vous devriez, me semble-t-il, revenir au fond du débat et assumer vos positions jusqu'au bout, dans le respect de la représentation nationale. Vous n'êtes pas là pour nous donner des leçons, …

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne suis pas prêt à en recevoir de vous non plus !

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… mais pour nous rendre des comptes. Nous vous le rappellerons autant de fois que de besoin, au risque de vous être désagréable.

S'agissant de la présomption d'irresponsabilité pénale, comme cela a été dit, …

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… les chercheurs considèrent que l'enfance dure jusqu'à un âge très avancé. Certains vont même jusqu'à dire que le cerveau ne devient mature qu'à partir de 30 ans.

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Vous le voyez : même pour moi, cela peut être compliqué !

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Je tiens à répondre à l'assertion selon laquelle l'augmentation de la délinquance des mineurs à laquelle nous entendons répondre à travers ces amendements ne serait pas réelle. Je ne disserterai pas sur le fait de savoir si le sentiment d'une hausse de la délinquance est justifié.

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Simplement, vous savez qu'on peut faire dire à peu près ce que l'on veut aux chiffres et qu'une baisse des condamnations n'est pas forcément synonyme d'une baisse de la délinquance. Si la judiciarisation des mineurs n'a pas débouché sur davantage de condamnations, c'est aussi parce que, ces derniers temps, la justice a développé et employé de plus en plus fréquemment des alternatives aux poursuites. Peut-être cette précision est-elle de nature à mettre tout le monde d'accord : on peut interpréter les chiffres pour en déduire une augmentation, une baisse ou une stabilité de la délinquance, mais il y a une explication très logique à cela.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Ménard, les statistiques auxquelles vous faites référence ne sont pas mes chiffres : ce sont les chiffres.

Monsieur Bernalicis, je n'ai sans doute aucune leçon à vous donner, mais je n'en ai pas non plus à recevoir de vous. Vous n'êtes pas l'arbitre des élégances.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous n'étiez pas né que je m'opposais déjà au Front national !

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Vous êtes donc un dinosaure de la politique !

L'amendement no 111 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de trois amendements, nos 54 , 6 et 85 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement no 54 .

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Rédigé par les membres du groupe Les Républicains, il vise à inscrire dans le code de la justice pénale des mineurs que « l'excuse de minorité peut être écartée par le juge pour les mineurs de plus de seize ans, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation ». La libre appréciation de chaque cas serait ainsi laissée au juge.

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La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 6 .

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Je m'étonne que ces amendements, dont les finalités sont complètement opposées, soient regroupés dans une discussion commune.

Au risque de vous irriter, monsieur le garde des sceaux – je vous prie par avance de m'en excuser – , je reviens sur la question de la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale que nous souhaitons, à travers cet amendement, fixer à 13 ans. Nous faisons bien sûr confiance au juge des enfants et nous sommes, nous aussi, du côté de l'intelligence : il est évidemment indispensable que la sanction soit laissée à l'appréciation du juge chaque fois que cela est possible. Simplement, la possibilité de n'engager la responsabilité pénale qu'à partir d'un certain âge a été introduite dans plusieurs législations étrangères : les Belges, les Portugais et les Néerlandais, qui sont aussi intelligents que nous et font tout autant confiance à l'intelligence collective, ont posé la question de la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale.

Par ailleurs, si je vous rejoins concernant le discernement, Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, a expliqué en 2018 à la mission d'information sur la justice des mineurs, dans une longue étude sur cette question, « qu'en-dessous d'un certain âge, un enfant, s'il peut avoir compris et voulu son acte, » – le juge peut décider de cela, j'en conviens – « a, en revanche, difficilement une telle compréhension de la procédure pénale dans laquelle il se trouve impliqué ». Ce dernier constat vaut d'ailleurs probablement pour certains majeurs. Or cette compréhension constitue un aspect essentiel du discernement et de son appréciation.

C'est pourquoi je m'appuie sur l'avis du Défenseur des droits : je comprends la nécessité de signifier à l'enfant qu'il a fait quelque chose de mal et qu'il doit être convoqué devant le juge pour cette raison, mais cela ne me semble pas incompatible avec le caractère irréfragable de la présomption d'irresponsabilité. Cette dernière simplifiera le travail du juge, qui se prononcera en matière civile, pourra mobiliser les crédits de l'ASE et prendra des mesures éducatives. La situation actuelle se caractérise par un manque de clarté et de lisibilité, alors que les conséquences d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale ne seraient finalement pas si graves et ne doivent pas nous faire peur : la situation du mineur concerné fera toujours l'objet d'un traitement judiciaire.

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La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 85 .

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Nous défendons nous aussi la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale. La manière dont Mme Ménard a utilisé vos arguments en faveur de la présomption simple pour défendre l'abaissement de la majorité pénale à 16 ans m'inquiète d'ailleurs encore un peu plus et me renforce dans l'idée de déposer cet amendement.

En commission, le rapporteur a justifié sa préférence pour la présomption simple en soulignant que, comme la direction de la protection judiciaire de la jeunesse le lui avait signifié, « l'hypothèse d'une présomption irréfragable aurait eu pour conséquence une impossibilité de principe d'apporter une réponse pénale à des faits commis par un mineur de moins de 13 ans ». Faut-il rappeler que l'absence de poursuite pénale ne signifie pas une absence de réponse de l'institution ? C'est là, je crois, le coeur de la discorde : nous estimons qu'une réponse de l'institution est nécessaire, mais qu'elle ne passe pas par la voie pénale.

Au reste, si, comme vous l'assurez, l'ambition du texte est bien de rester fidèle à l'ordonnance de 1945, c'est-à-dire au principe selon lequel la réponse de la justice doit toujours faire primer l'éducatif, la création d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité incitera les juges à proposer des mesures éducatives toujours plus innovantes, et pas simplement pour les enfants de moins de 14 ans.

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Je répéterai les propos que j'ai tenus en commission. C'est sur ce point que nos opinions divergent – quoique pas fondamentalement, en réalité. Le fait, pour certains mineurs, de comprendre qu'ils ont commis une infraction pénale et qu'une sanction est prise peut présenter un intérêt pour eux.

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Exactement ! Et il faut bien parler de discernement, parce que cela conduit à la responsabilité pénale. Le fait de mettre des mots sur des situations avec clarté peut s'avérer utile pour un mineur.

Le problème que pose la présomption irréfragable par rapport à la présomption simple, c'est qu'elle retire toute souplesse et toute possibilité d'appréciation concrète de la situation du mineur, qu'il soit âgé de 10, de 12 ou de 14 ans.

À l'inverse, la présomption simple permet au juge de prendre une décision en fonction de critères bien définis. Par exemple, s'il veut retenir la responsabilité pénale d'un mineur de moins de 13 ans, il devra motiver sa décision, ce qui suppose qu'il dispose des arguments lui permettant de considérer, à partir des éléments en sa possession, que le mineur est en situation de comprendre, capable de discernement. En réalité, la présomption simple, qui va plutôt dans le sens de la protection des mineurs de moins de 13 ans, apporte de la souplesse. Il ne me semble donc pas pertinent de rendre irréfragable la présomption de non-discernement.

L'amendement présenté par M. Pauget me semble satisfait. Une nouvelle fois, je vous demande de vous reporter à l'article L. 121-7 du présent code sur la question de l'atténuation des sanctions – et non de l'excuse de minorité, comme il est indiqué de façon impropre dans l'amendement. Il ne me semble donc pas pertinent d'insérer dans cet article la phrase que vous proposez.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout à fait.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est défavorable pour les raisons que vient d'évoquer M. le rapporteur. Nous pourrons revenir ultérieurement sur le sujet.

Je parlais tout à l'heure de dogmatisme. Ce qui vous fait peur, en réalité, c'est le mot « pénal », lequel recouvrirait selon vous les pires horreurs.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quand un gamin de 8 ans fait une bêtise, papa ou maman lui expliquent pourquoi il ne faut pas agir ainsi. C'est la réponse éducative. Mais ils le privent aussi de télévision. Ça, c'est ce qu'on appelle la réponse pénale. Comme ce mot l'indique, il s'agit de donner une peine. Le tout est de savoir laquelle ! Selon moi, dès lors qu'un gamin est en mesure de comprendre une sanction, qu'il est « discernant » comme on dit aujourd'hui, eh bien il peut la recevoir et, parfois, elle peut même lui être utile.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas le code pénal qui connaît l'enfant, mais le juge. Certains juges décideront de ne pas infliger de sanction pénale parce que l'enfant n'est pas capable de discernement, d'autres estimeront en leur âme et conscience qu'elle est utile.

Il se trouve que j'ai beaucoup fréquenté, en tant qu'avocat, les juridictions pour mineurs.

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Et je n'étais sans douter pas né, à l'époque !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'ai exercé cette activité depuis 1984.

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Je vous le confirme, je n'étais pas né ! Mais Marie-George, elle, l'était !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Untermaier, on ne peut pas dire que ces lieux ne sont pas nimbés de bienveillance : cela, vous pouvez au moins me l'accorder. Au sein de la justice de notre pays, celle qui s'occupe des enfants est en général – et même toujours, devrais-je dire, si j'en crois les souvenirs que j'en ai – bienveillante.

Il ne faut pas avoir peur des mots. Je ne veux pas que l'on avance dans ce dossier en prenant des postures idéologiques qui nous feraient dire : « Mon Dieu ! Le pénal pour des enfants de moins de 13 ans, quelle hérésie ! » Non, pas du tout. Ça peut être utile. Priver de sanction pénale un enfant qui en a besoin serait, je me permets de le dire – pardonnez ma familiarité – , à côté de la plaque.

Ce qui nous guide, c'est l'intérêt de l'enfant. Or celui-ci passe parfois par une sanction pénale : le dire ne fait pas du garde des sceaux que je suis un ultra-répressif.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'essaie de trouver, sur ces questions, un chemin d'équilibre et qui soit favorable aux gamins dont nous avons la responsabilité lorsqu'ils passent devant la justice de notre pays.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Je comprends que l'amendement no 54 est, in fine, satisfait si l'on se rapporte aux dispositions auxquelles vous avez fait référence. Cependant, puisque nous posons dans cet article les grands principes du texte et que la loi se doit d'être intelligible, il ne nous paraît pas inutile de rappeler que, dans un cadre bien défini, à titre d'exception au principe général, le mineur de plus de 16 ans peut voir la règle d'atténuation des peines levée.

Ce serait en effet un message fort pour protéger tous ces jeunes mineurs qui, parce qu'ils ont envie d'imiter les grands, suivent des meneurs et se retrouvent bien souvent exploités, évidemment à des fins délictueuses parce que ceux qui les utilisent savent qu'ils relèvent de la juridiction des mineurs. À notre sens, il serait bon de poser ce principe au début du texte sans pour autant chercher à le généraliser puisque, sauf erreur de ma part, cet amendement a été rédigé avec toutes les précautions nécessaires.

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Au fil de nos échanges j'en viens à m'interroger, je l'avoue, sur la pertinence de la présomption simple puisque vous ne cessez de nous dire que le discernement du juge est le seul qui vaille. C'est bien pour cette raison que nous souhaitons rendre la présomption irréfragable.

M. le ministre proteste.

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Vous n'avez cessé de répéter depuis tout à l'heure que le juge devait décider et que ce serait très bien ainsi.

Vous nous avez parlé de souplesse, monsieur le rapporteur. Je crois à celle dont on peut faire preuve lorsque l'on doit choisir une réponse ou une autre. Je crois un peu moins à la souplesse des principes – qui, au passage, ne sont pas pour moi des postures. Les grands principes, et je pense que vous en serez d'accord avec moi, monsieur le ministre, ce sont ceux auxquels on croit ; d'où, parfois, une certaine rigidité.

Ici, nous ne jugeons pas des personnes. Je ne suis pas là pour juger de votre sincérité ni de votre engagement. Nous faisons la loi, c'est-à-dire que nous examinons la situation en nous demandant comment faire pour que, demain, nos concitoyens soient jugés dans de bonnes conditions. Oui, nous avons parfois des désaccords, et encore heureux ! C'est bien normal. Mais lorsque nous prenons la parole, ce n'est pas pour juger qui que ce soit. Nous sommes à l'Assemblée nationale.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Qui ai-je jugé ? De quoi parlez-vous ?

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Nous ne nous engageons pas par dogmatisme. C'est une question importante qui a été posée. Je suis très satisfaite que vous ayez prévu une présomption simple. Il n'était pas facile de faire accepter ce choix car, on le sait bien, ce type de mesure, en politique, suscite immédiatement un emballement de la part de certains, qui crient à l'impunité parce qu'ils ne connaissent pas le sujet.

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L'annonce de la mesure a d'ailleurs suscité des attaques – que je me suis moi-même employée à contester – de la part de la droite, qui considérait qu'elle ouvrait la voie au règne de l'impunité. On ne peut donc pas parler de dogmatisme.

Que la présomption soit simple ou irréfragable, cela ne change finalement pas grand-chose. Les seuils ont de toute façon été fixés dans le code : des mesures éducatives pour tous les mineurs à partir de 10 ans, la prison à partir de 13 ans. Que le juge considère que le mineur est capable de discernement ou non, il devra toujours appliquer cette échelle des sanctions. Ce qui va changer, avec cette condamnation pénale prononcée par le juge, c'est que la sanction ou la mesure éducative seront inscrites dans le casier judiciaire du mineur.

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C'est pourquoi, dans un souci de clarté, il conviendrait de préciser que pour les mineurs de moins de 13 ans, la décision relève du juge des enfants, au civil, tandis qu'au-delà de 13 ans elle relève de la justice pénale – et tant pis pour les exceptions, car il n'est pas toujours possible de prévoir des mesures dérogatoires.

M. Ugo Bernalicis applaudit.

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Ce débat autour de la présomption simple et de la présomption irréfragable, que nous avons déjà eu en commission, est très intéressant car il revient à interroger – sans jugement de ma part, bien sûr – la confiance que nous accordons à nos magistrats.

Tout d'abord, il est important de dire qu'en général les présomptions irréfragables s'accordent mal à la matière pénale. En effet, derrière tout dossier pénal, il y a des personnes.

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Eh oui !

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Or, dès lors qu'il y a de l'humain, l'automaticité est très peu adaptée. Il faut donc donner au juge une possibilité d'appréciation.

Je veux surtout revenir sur l'inquiétude dont a fait part ma collègue Cécile Untermaier. Dans la pratique, le passage devant un juge est vécu différemment par un mineur, même âgé de 12 ans et demi – il m'est arrivé d'en accompagner – , lorsque le magistrat porte sa casquette pénale. Cela peut même avoir une vertu pédagogique. Qui est le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour le mineur, sinon le juge ? Il me semble important de rappeler que le juge connaît le mineur, qu'il l'a suivi, qu'il s'appuie aussi sur les informations transmises par les éducateurs, parfois même sur des expertises.

Enfin, il ne faudrait pas oublier que la présomption simple constitue un véritable progrès.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais ils ne veulent pas l'entendre !

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Jusqu'à présent, on se posait en réalité très peu la question du non-discernement. La plupart du temps, ces gamins de 12 ans étaient jugés, et leur responsabilité pénale pouvait être engagée. Dorénavant, ce sera au procureur de démontrer que le mineur est capable de discernement, et non l'inverse. J'irai plus loin : le débat sur le discernement se posera plus souvent à propos des enfants de 13 ans et demi. Peut-être que, pour certains jeunes de cet âge, l'absence de discernement sera invoquée par l'avocat et que l'approche sera ensuite différente.

Comme je l'ai souvent dit en commission, je rappellerai pour conclure que l'idée qui sous-tend la présomption simple est la nécessité de faire confiance aux magistrats qui font du bon travail et qui connaissent bien ces mineurs.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Pourquoi fixer un délai de trois mois, alors ? Vous n'avez pas confiance dans les magistrats ?

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J'écoute ce débat avec intérêt. Depuis le début, je préférais que la présomption de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans soit rendue irréfragable. Cependant, comme vient de le dire justement Mme Untermaier, cela ne va pas changer grand-chose, en réalité. Ce qui est important, c'est que le vote auquel nous allons procéder constitue un réel progrès.

Monsieur Bernalicis, cessez de prendre votre tête entre vos mains, vous êtes ridicule. Alors qu'il n'existait aucun seuil jusqu'à présent, on en a fixé un à 13 ans, ce qui me semble une solution équilibrée.

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Comme l'a dit Alexandra Louis qui connaît bien la question puisqu'elle a été avocate auprès de jeunes, le juge et l'avocat pourront ainsi mener un réel travail éducatif.

Si je reste toujours en faveur d'une présomption irréfragable, je tiens à souligner que le principe de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans marque un grand progrès. C'est la réalité, et c'est ce qu'il faut retenir. Si, chaque fois qu'un progrès est réalisé, on dit que nous n'avançons pas sous prétexte que nous aurions pu aller plus loin, eh bien, en effet, nous n'avancerons jamais. La responsabilité politique consiste, pour la majorité, à souligner les progrès réalisés et pour l'opposition, à admettre parfois, quand c'est le cas, qu'une décision a permis d'améliorer la situation.

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Madame Faucillon, je ne pense pas avoir été discourtois ou incorrect à votre égard. Je me suis simplement permis de dire que, selon moi, vous adoptiez une posture dogmatique, et j'ose espérer que vous me concédez la liberté d'exprimer de tels propos dans le cadre de nos échanges.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vais vous donner un exemple d'effet pervers que peut avoir la présomption irréfragable. Dans nos rues, il y a des gamins de 12 ans qui commettent des vols. Ils sont recrutés en raison de leur irresponsabilité pénale. C'est terrible, mais on ne pourra pas l'empêcher. Ce qui est encore pire, c'est que des gamins de 12 ans arrivent chez le juge en prononçant des mots que je ne puis répéter ici – mais que vous pouvez imaginer – parce qu'ils savent qu'aucune sanction ne sera prononcée contre eux. Si vous considérez cela comme un progrès, votez ce que vous proposez ; mais, pour moi, c'est un recul.

Les mots prononcés par ces gamins, je vous les dirai car je m'en souviens. Ce sont des mots qui nous choquent et nous dérangent, parce qu'ils signifient que des gamins de 12 ans ont intégré l'idée que, grâce à leur impunité, tout leur était permis. Je pense qu'il n'est pas souhaitable de mettre dans leur tête l'idée qu'ils peuvent voler sans craindre d'être sanctionnés – ni pour nous, ni pour eux. Voilà pourquoi je préfère une solution pragmatique à une solution dogmatique.

Il ne faut pas avoir peur des mots. Je l'ai déjà dit, votre collègue Alexandra Louis le sait ; et de nombreux autres parmi vous, dont Naïma Moutchou, ont été avocats et connaissent cette justice consacrée aux enfants, …

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… comme la connaissent de nombreux magistrats : ce n'est pas une justice où l'on sent la malveillance, bien au contraire ! Je pense vraiment que les juges des enfants regardent les gamins avec beaucoup de bienveillance. Mais, je vous le dis avec beaucoup de courtoisie, madame la députée, si vous pensez qu'il est bien qu'un gamin de 12 ans soit persuadé de n'encourir aucune sanction après avoir commis des délits, votez ce que vous avez envie de voter : c'est votre choix, et je ne le conteste pas.

Les amendements nos 54 , 6 et 85 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 84 .

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Le fait de fixer un âge, en l'espèce 13 ans, pour la reconnaissance de la responsabilité pénale est bien sûr un progrès…

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… puisque aucun seuil n'était fixé jusqu'alors en France. Mais vous avez tout de même éprouvé le besoin, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, de reconnaître une présomption, mais seulement simple, de non-discernement avant 13 ans.

Je reprends l'exemple de M. le ministre, celui de cet enfant de 12 ans que certains – parfois ses propres parents – utilisent à des fins délictuelles : si nous prévoyons une présomption irréfragable d'irresponsabilité avant 13 ans, cet enfant sera tout de même suivi. Il n'y a pas d'un côté le pénal et, de l'autre, rien, le vide absolu ! Vous avez souligné vous-même, monsieur le ministre, l'importance du processus éducatif, et cela vaut d'autant plus pour un enfant manipulé par ses parents ou par d'autres. Votre exemple n'est donc pas très probant.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

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Je m'inquiète de la tournure du débat : c'est, dites-vous, l'enfant embrigadé par une bande – ou par n'importe qui d'autre qui le sait dans l'impunité – , qui devrait être sanctionné, et non celle ou celui qui l'a manipulé… C'est tout de même dingue comme raisonnement, monsieur le ministre !

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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Mais non, ce n'est pas ce qui a été dit, voyons !

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Si on considère qu'un mineur ne dispose pas de tous les éléments pour appréhender le réel, notamment s'il a moins de 13 ans – ce que vous faites en prévoyant une présomption de non-discernement – , il faut en tirer toutes les conséquences. Autrement dit, l'éducatif et le civil doivent primer sur le répressif, donc sur le pénal. Loin de nous, d'ailleurs, l'idée de dire que le pénal est le mal absolu : je n'ai aucun problème avec le principe de la peine. En plus, pour tenir le discours qui est le mien, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul besoin d'être avocat, magistrat, parent ou d'avoir 65 ans – je ne connais pas votre âge, monsieur le ministre, personnellement j'en ai 31.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je n'ai pas 65 ans…

Sourires.

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Nul besoin de tout cela, disais-je : il suffit d'avoir des convictions et des idées. Quel que soit leur âge, tous les parlementaires sont légitimes à se prononcer sur ces sujets en raison même de leur fonction. Je tiens à le rappeler parce que je vois, au fil des interventions, qu'il y a des procès en légitimité, ce qui n'est pas acceptable dans cet hémicycle.

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J'ai trouvé très intéressant ce qu'a dit Marie-George Buffet. Le droit pénal, c'est bien sûr la peine, mais, à l'échelle d'une société, cela dépasse la notion de peine parce que c'est aussi ce qui définit les interdits. Et définir l'interdit à destination des jeunes n'est pas complètement stupide à mon sens.

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La définition de l'interdit peut être décorrélée de la peine, notamment dans certains cas. Vous avez travaillé vous aussi, ma chère collègue, sur la question du harcèlement scolaire, et vous êtes bien placée pour comprendre que je sois favorable à une qualification pénale de ces actes… Mais comme je suis aussi pour l'irréfragabilité de la présomption avant 13 ans, je vous laisse imaginer la torsion qui s'opère dans mon cerveau, pourtant déjà pas très équilibré.

Sourires et exclamations.

Sourires.

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Je savais, monsieur Schellenberger, que vous acquiesceriez, avec votre assurance habituelle. Mais, plus sérieusement, madame Buffet, la définition de l'interdit dans une société me semble importante, car c'est ce qui la protège. La présomption, même simple, est déjà une avancée et devrait permettre de dire à un enfant : « Ce que tu as fait est interdit par la société. » Il ne s'agit pas de l'envoyer à Cayenne, …

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… mais de lui proposer des mesures éducatives qui vont lui permettre d'évoluer et de ne pas recommencer. La question est donc tout aussi intéressante que délicate.

L'amendement no 84 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l'amendement no 153 .

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Auparavant, monsieur le président, je veux faire une remarque sur l'organisation de la discussion. Je ne comprends pas que l'amendement no 54 de nos collègues LR et l'amendement no 6 de Mme Untermaier, qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, aient été regroupés dans une discussion commune, alors que mon amendement no 153 , qui a exactement le même objet que l'amendement no 84 de Mme Buffet, soit discuté séparément de lui. S'ils avaient été débattus dans une seule et même discussion, M. le ministre n'aurait pas eu à se lever une nouvelle fois pour se contenter de dire « défavorable » : la discussion aurait pu être commune, cela aurait été préférable pour tout le monde. C'est incompréhensible et un peu à l'image, malheureusement, de l'ensemble de nos débats, qui s'interrompent tel jour et reprennent tel autre. Cela ne grandit vraiment pas nos travaux.

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C'est de la justice par intermittence ! Les débats sont vraiment saucissonnés !

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Mon amendement a donc exactement le même objet que le précédent. Le juge doit pouvoir décider puisque c'est son métier, j'entends bien ; mais je rappelle qu'il n'est pas le seul dans cette affaire : il faut aussi écouter les psychiatres, les psychologues – il n'y en a déjà plus beaucoup – , bref, tous ceux qui nous disent qu'avant 13 ans, une condamnation pénale ne sert à rien. Eux aussi méritent d'être écoutés.

Je n'ai été ni juge ni avocat, mais j'ai commis en 2009 – je pense que vous étiez né, monsieur Bernalicis – un rapport sur le suivi psychiatrique des mineurs sous main de justice, dans lequel je soulignais l'absence d'un tel suivi car l'ordonnance de 1945 n'en prévoit pas. Or il ne l'est malheureusement pas davantage dans votre texte, monsieur le ministre. Vous ne tenez compte que du juge et non de l'aspect psychiatrique – et Dieu sait, pourtant, combien il est important. Ce n'est pas anodin car, en-dessous de 13 ans, il s'agit d'enfants : je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. Le juge aura, quoi qu'il arrive, tout loisir de prendre une décision adaptée, mais celle-ci ne saurait être une sanction pénale.

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Nous avons déjà eu ce débat en commission, mais j'apporterai deux précisions : le juge ne sera pas seul à décider, contrairement à ce que vous dites, puisqu'il va s'appuyer sur des documents – recueils socio-éducatifs ou expertises, même médicales s'il y a lieu – qui lui permettront d'apprécier concrètement et finement la notion de discernement, y compris au terme d'un débat contradictoire. Il ne sera évidemment pas le seul à décider.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. le député Zumkeller avait pressenti la réponse du Gouvernement, et il avait raison : défavorable.

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Ce n'est pas acceptable ! Pourquoi le ministre se contente-t-il à nouveau de dire « défavorable » ? Vérifiez la manière dont sont organisés les débats, monsieur le président !

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Monsieur Zumkeller, je vous rappelle que la présentation d'amendements au sein d'une discussion commune est déterminée par l'endroit du texte qu'ils visent à modifier et par le fait qu'ils soient mutuellement exclusifs – autrement dit, l'adoption de l'un fait tomber les autres. S'il y a ici un problème particulier nous pourrons en reparler, mais, jusqu'à présent, je n'ai jamais constaté d'aberrations dans cette ingénierie légistique, dont le service de la séance se charge très bien.

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Mon amendement a exactement le même objet que celui de Mme Buffet !

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Il y a cinquante nuances d'amendements sur la thématique de l'âge : ces amendements sont séquencés dans l'ordre qui convient. Je vais donc mettre le vôtre aux voix…

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Vous souhaitez vous exprimer sur l'amendement ? Nous n'allons quand même pas disserter à l'envi sur le point que vous venez de soulever…

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Non, monsieur le président, mais quand même : si je ne puis m'exprimer je demanderai une suspension de séance, et je crois que nul n'a à y gagner.

Je voulais simplement dire que mon amendement est exactement le même que le no 84 de Mme Buffet.

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J'en prends bonne note : nous en rediscuterons à tête reposée.

L'amendement no 153 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir les amendements nos 239 , 23 et 24 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Je vais en effet défendre l'amendement no 239 de mon collègue Di Filippo et les deux dont je suis l'auteur : tous trois tendent à établir la responsabilité pénale à partir de 16 ans, tout en conservant le principe de discernement en deçà. Il s'agit de faire évoluer la thématique dont nous discutons. Deux sujets intéressent notre société, l'abaissement de l'âge minimal pour le droit de vote en deçà de 18 ans et le permis de conduire à partir de 16 ans. Dès lors, il n'y a pas de raison d'évacuer la question de la responsabilité pénale à partir de 16 ans.

Les amendements nos 239 , 23 et 24 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 230 .

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Cet amendement de repli vise à faire tomber l'excuse de minorité dans les cas où le mineur a eu un rôle de leader lors de la commission d'un délit ou d'un crime, par exemple « lorsqu'il a initié un crime ou un délit exécuté par un ou plusieurs majeurs ». Cela ne signifie pas qu'il serait jugé comme un adulte – il le serait encore par un juge pour enfants, avec toute la bienveillance que cela suppose – , mais que la peine encourue serait la même que pour un adulte. Dans le cas précis que je vise, il me semble en effet que l'excuse de minorité pourrait tomber.

L'amendement no 230 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 133 .

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Il vise à préciser la rédaction de l'article L. 11-2 du code de la justice pénale des mineurs, dont plusieurs expressions semblent maladroites, voire malheureuses, et qui paraît lacunaire. Il évacue par exemple la notion de sanction – alors qu'elle est le pendant légitime de la faute intentionnelle – , de même que celle de réparation du dommage commis envers la société.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout se trouve à l'article L. 11-2. En ce qui concerne la référence aux dommages causés à la société, toute infraction est un dommage à la société. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on dit souvent que le procureur représente la société. Votre proposition est donc superfétatoire. Pour le reste, l'article L. 11-2 mentionne que « les décisions prises à l'égard des mineurs tendent à [… ] la prévention de la récidive et à la protection de l'intérêt des victimes ». Avis défavorable.

L'amendement no 133 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 134 et 86 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 134 .

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L'article L. 11-2 précise que la justice des mineurs est notamment rendue avec l'objectif de protéger l'intérêt des victimes, ce que nous proposons de supprimer, non pas que nous entendions mettre de côté cet aspect mais parce qu'il est abordé à d'autres endroits dans le texte, et c'est très bien ainsi.

Je vous renvoie à la citation que j'ai faite de la Défenseure des droits qui soulignait, dans le dernier avis qu'elle a rendu, il y a dix jours, le fait que le traitement des mineurs était de plus en plus aligné sur celui des majeurs.

Ses propos concernent spécifiquement l'article L. 11-2, au sujet duquel elle écrit : « Si la Défenseure des droits salue la rédaction de l'article préliminaire qui rappelle les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs, elle observe que, dans la rédaction de l'article L. 11-2, l'objectif éducatif est immédiatement tempéré par ceux de lutte contre la récidive et de protection de l'intérêt des victimes. Ces objectifs sont légitimes » – je le pense aussi – , « mais il est regrettable, là encore, que le message soit ambivalent et n'affirme pas pleinement la primauté de l'objectif éducatif. »

Il ne vous aura pas échappé que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, je partage l'avis de la Défenseure des droits. Il ne doit pas y avoir de de confusion en la matière, et les choses doivent être disjointes. L'intérêt supérieur de l'enfant ne peut pas être tempéré par l'intérêt de la victime ou par toute autre considération. L'un et l'autre doivent être examinés séparément et ne doivent donc pas figurer dans le même article.

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L'amendement no 86 de Mme Marie-George Buffet est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Avis défavorable sur ces deux amendements. Il est extrêmement important de faire figurer la protection de l'intérêt des victimes dans cet article, ce qui est notamment l'objet des mesures éducatives et, en particulier, du module de réparation. La prise de conscience par le mineur de l'intérêt de la victime participe de sa construction.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'ai du mal à vous comprendre. D'une part, il y a parfois des victimes mineures ; d'autre part, comment voulez-vous expliquer à un gamin le bien-fondé de la procédure judiciaire qui le vise, sans lui faire comprendre que les faits qu'il a commis ont pu entraîner des dommages pour les victimes ? Franchement, parfois, je désespère – et défavorablement.

Sourires.

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Puisqu'à tant de reprises vous avez fait l'éloge de la nuance, monsieur le ministre, permettez-moi de vous préciser que nous parlons ici de la protection de l'intérêt de la victime et non de l'intérêt, pour l'enfant, de comprendre les dommages qu'il lui a causés et qui justifient réparation.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela va de pair !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non !

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Je suis évidemment d'accord sur le fait que les mesures de réparation sont utiles pour la victime, certes, mais avant tout pour l'enfant. C'est un postulat, voire un principe auquel je suis attaché.

Vous me parlez des victimes mineures. Soit. Mais, en l'occurrence, il est question ici des décisions prises à l'encontre des mineurs mis en cause, sauf au civil – où ils ne peuvent l'être formellement – , champ exclu de ce débat dont on voit ainsi la pauvreté, puisqu'il est malheureusement cantonné au pénal.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est important de rappeler que, quand on parle de la primauté de l'éducatif et de l'intérêt supérieur de l'enfant, ce n'est pas exclusif de la protection de l'intérêt de la victime, et je ne pense pas qu'il faille opposer ces deux notions ; je pense même qu'elles sont complémentaires.

Par ailleurs, dans de nombreux dossiers, les victimes sont des mineurs, et il est très important qu'elles soient considérées et prises en compte. L'un des progrès contenus dans ce projet de code est que la victime y a sa véritable place dans une procédure judiciaire qui, pour beaucoup, est souvent un parcours du combattant.

De nombreux progrès ont été faits en ce sens ces dernières années, et il est important que ce code confirme que les mesures éducatives et la protection des victimes fonctionnent ensemble.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Les amendements nos 134 et 86 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 299 .

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Vous avez évoqué – et c'est tout à votre honneur, monsieur le garde des sceaux – la situation de ces enfants qui n'ont parfois que 12 ans mais qui expliquent au juge à qui ils sont présentés qu'ils se fichent totalement de son avis puisqu'ils ne risquent rien.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il est tout à fait nécessaire qu'en plus de la dissuasion, de la protection de l'intérêt des victimes et de la réadaptation des mineurs, l'article mentionne explicitement que les mesures prises à l'endroit de ces derniers ont aussi vocation à les sanctionner.

En cohérence avec vos propres propos, nous proposons donc d'ajouter la sanction parmi les objectifs des décisions pénales prises à l'égard des mineurs.

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Ce que vous proposez est redondant. Les décisions peuvent concerner des mesures éducatives, mais aussi, évidemment, des peines. Il n'est pas utile de le préciser. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est évidemment redondant : qu'est-ce qu'une décision pénale qui ne serait pas une sanction ? Par définition, une décision pénale est une sanction. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

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Le mot « sanction » figure à trente-huit reprises dans ce projet de code, et on ne peut donc ignorer que des sanctions sont prévues. Le juge des enfants dispose d'une boîte à outils, qui comporte des outils civils ou pénaux, c'est-à-dire des mesures éducatives et de vraies peines, une distinction et une gradation étant établies par le code.

Cela étant, toutes les décisions du juge, y compris les sanctions, doivent être prises dans l'idée que l'éducatif prime sur le répressif. C'est pourquoi je ne comprends pas que l'article L. 11-2 mentionne l'intérêt des victimes, lequel ne converge pas toujours avec l'intérêt du mineur. Je ne suis pas opposé à la défense de l'intérêt des victimes, bien entendu, je vous suggère simplement de le traiter à part.

Les victimes sont d'ailleurs prises en compte dans d'autres articles, notamment pour ce qui concerne leur capacité à agir, à telle ou telle étape de la procédure. Mais, si vous le voulez, vous n'avez qu'à faire un code dédié à la prise en charge des victimes !

L'amendement no 299 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 110 et 301 .

La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 110 .

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L'article L. 11-3 du futur code de justice pénale des mineurs dispose que le mineur déclaré coupable d'une infraction pénale peut faire l'objet de mesures éducatives et, à la double condition cumulative de circonstances et de personnalité qui l'exigeraient, de peines.

Cette double condition cumulative va largement réduire les possibilités du juge. Les mesures éducatives doivent évidemment être prioritaires mais, si les circonstances venaient à l'exiger, pourquoi ajouter la condition de la personnalité, et inversement ? Nous considérons qu'en la matière il faut laisser davantage de liberté d'appréciation au juge.

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La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 301 .

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Puisque le rapporteur et le garde des sceaux sont si attachés à expurger le texte des éléments superfétatoires, il m'apparaît que les termes « si les circonstances et leur personnalité l'exigent » sont, en l'occurrence, totalement superfétatoires, puisque dans toute décision judiciaire prise à l'encontre de toute personne, ces deux éléments sont pris en compte. Je propose donc la suppression de ces mots.

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Nous avons un vrai désaccord de fond, monsieur Schellenberger. L'amendement de M. Ciotti que vous avez défendu veut faire primer le répressif sur l'éducatif. C'est contraire à la primauté de l'éducatif sur le répressif réaffirmée dans l'article préliminaire. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous avez tort de considérer qu'il y a dans cet article une redondance. Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel, et ce n'est pas rien, a en effet érigé en principe fondamental, reconnu par les lois de la République, « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité ».

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si ce n'est pas une référence pour vous, ça n'est pas grave ; pour le Gouvernement, le Conseil constitutionnel est une référence.

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La loi pénale doit être claire et précise, surtout quand elle s'adresse à des mineurs. Quand on en vient à répéter des termes à plusieurs reprises dans des contextes contradictoires, qui viennent complexifier leur compréhension, on fait une loi bavarde.

Si les articles précédents disent déjà les choses clairement, il n'y a pas lieu de les répéter de façon moins claire. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que vous faites de l'amendement de M. Ciotti, et il n'y a pas de restrictions à apporter aux mesures que peut prendre le juge à l'encontre d'un mineur délinquant.

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Je suis favorable à ce que l'on inscrive dans ce code tout ce qui a trait à son fonctionnement, pour éviter les renvois au code de procédure pénale, même si c'est redondant et si les procédures sont identiques : cela permettra une appréhension globale des dispositifs propres à la justice des mineurs.

Cela doit être écrit noir sur blanc, même si cela figure déjà dans la loi fondamentale de la République. Cela permettra à celui qui lit le code et qui n'a pas toutes les décisions constitutionnelles en tête de pouvoir facilement le mettre en oeuvre et l'appliquer.

Cela étant, et cela m'arrache la bouche de le dire, mais vous donnez raison à Marine Le Pen, monsieur le ministre, car il s'agit ici du travail du juge, et vous auriez pu rajouter cette phrase que l'on sort à toutes les sauces : « Faites confiance aux juges ! »

C'est la raison pour laquelle je proposais d'indiquer clairement qu'il y avait une primauté des mesures éducatives sur les mesures répressives, plutôt que cette référence aux circonstances.

Tel qu'il est rédigé, la rédaction de l'article n'établit aucune gradation, et si, dans les faits, cette gradation existe, on le doit à la jurisprudence, et notamment à celle du Conseil constitutionnel ; mais cela n'a jamais été inscrit clairement dans la loi.

Je déplore que vous n'ayez pas accepté cette proposition, car vous ne seriez pas dans la nasse dans laquelle vous vous trouvez actuellement.

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Je considère l'argument du garde des sceaux totalement inopérant car, par définition, le principe constitutionnel prime sur la loi. Il n'y a donc aucun intérêt à réinscrire ce principe dans la loi, d'autant que, si nul n'est censé ignorer la loi, a fortiori nul n'est censé ignorer la Constitution.

Les amendements identiques nos 110 et 301 ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir les amendements nos 123 , 124 et 125 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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L'amendement no 123 vise à préciser que la gravité de l'infraction est prise en compte, afin que la peine prononcée soit juste. En effet, les seuls termes de « circonstances » et de « personnalité » du mineur ne sont pas suffisants.

L'amendement no 124 est un peu différent. Nous l'avons rappelé, aucune peine ne peut être prononcée contre un mineur âgé de moins de 13 ans. Si le devoir du législateur est de faire en sorte que les enfants délinquants ou criminels puissent avoir un avenir et être évidemment réhabilités, il consiste aussi à prévoir des dispositifs protégeant la société des personnes dangereuses, y compris lorsqu'il s'agit d'enfants, même très jeunes.

L'objet de l'amendement no 125 est de revenir sur le principe d'exclusion de toute peine pour les mineurs de moins de 13 ans, dans le cas de la commission d'un crime.

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L'amendement no 123 vise à préciser l'article L. 11-3 du nouveau code en insérant les mots « la gravité de l'infraction ». Cet ajout serait surabondant, car l'article évoque les « circonstances ». La gravité de l'infraction faisant partie des circonstances pouvant conduire à une peine, l'amendement est, à mon sens, satisfait. Je vous demande donc de le retirer, sans quoi l'avis sera défavorable.

Je suis très défavorable à l'amendement no 124  : aucune peine ne doit être prononcée contre un mineur de moins de 13 ans. Vous avez rappelé qu'une réponse était apportée aux infractions, sous la forme d'une mesure éducative. On ne laisse aucune infraction sans réponse.

S'agissant enfin de l'amendement no 125 , nous avons déjà répondu, au cours d'un long débat, à la question de savoir s'il est possible de considérer que le mineur est discernant. L'avis est donc défavorable également.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le premier de ces trois amendements est audacieux. La gravité de l'infraction est, bien sûr, l'un des éléments pris en compte pour le prononcé des peines, et ce depuis que la justice existe.

J'entends un « Ah ! » qui est peut-être de circonspection ; mais, pour un crime ou un délit de basse intensité commis par un gamin, la sanction n'est évidemment pas la même que pour une infraction grave. Il existe une gradation des peines liée à la gravité des faits, laquelle est l'un des premiers éléments pris en considération. L'âge, la personnalité et la récidive, tout cela entre également en jeu. Tout le monde sait cela, et je suis défavorable à l'amendement no 123 , qui me semble un peu hors-sol.

Quant aux amendements suivants, nous allons nous répéter : l'impossibilité de prononcer une peine à l'égard d'un mineur âgé de moins de 13 ans doit demeurer un principe absolu, conformément au principe constitutionnel d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, aux dispositions de l'ordonnance de 1945 reprises ici, à l'impossibilité de placer un mineur de moins de 13 ans en détention provisoire et à la présomption de non discernement des jeunes enfants établie par le code de justice pénale des mineurs. Un mineur de moins de 13 ans peut, s'il est reconnu coupable et discernant, être condamné à une mesure éducative, qui est une sanction. Les choses sont claires ! Je suis donc défavorable à ces amendements.

Monsieur Bernalicis, si vous avez recensé trente-neuf occurrences du mot « sanction » dans le texte, sachez que vous en avez compté une de trop…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… et, surtout, que le mot « éducatif » ou « éducative » y apparaît entre cent soixante-six et cent soixante-huit fois.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si l'on se fonde, comme vous le faites, sur un critère quantitatif, on en conclut que la priorité est l'éducatif.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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Je me pose seulement la question de la proportionnalité de la réponse à l'acte commis. Je veux bien que les mineurs qui commettent des crimes soient rares, mais cela arrive.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela peut arriver, oui.

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Imaginons – nous sommes dans l'imaginaire depuis tout à l'heure : vous vous appuyez sur des cas, à moi d'en convoquer un – un enfant de moins de 13 ans qui aurait commis un crime, disons un assassinat – cela peut arriver. Y aura-t-il une proportionnalité entre l'acte commis et la mesure éducative ? Voilà ma question !

Pour que l'enfant – tout le monde s'accordera à dire qu'un mineur de moins de 13 ans est un enfant – prenne conscience de son acte, ne faudrait-il pas un peu plus qu'une mesure éducative ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Que vous faut-il, madame Ménard ? La prison ?

Les amendements nos 123 , 124 et 125 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Vous m'avez oublié, monsieur le président !

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Vous aurez à nouveau la parole, je m'en excuse si je vous ai oublié. Ne vous inquiétez pas, je suis sûr que nous vous entendrons à nouveau.

Je suis saisi de deux amendements, nos 137 et 315 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 137 .

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Monsieur le président, vous ne m'accordez aucun privilège, vous ne me faites aucune fleur en me donnant la parole : vous appliquez simplement notre règlement.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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Pourquoi dites-vous : « Je suis sûr que nous vous entendrons à nouveau » ? Ne prenons pas ce chemin alors que tout se passe bien jusqu'à présent !

Mêmes mouvements.

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J'ai le règlement à côté de moi, il est prêt, mais je ne l'ai pas encore utilisé.

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Nous vous écoutons, monsieur Bernalicis, si vous voulez défendre l'amendement dont Mme Obono est la première signataire.

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Nous proposons d'interdire le prononcé d'une peine à l'encontre des mineurs de moins de 15 ans et non plus de 13 ans comme actuellement. Le principe de gradation, dont se prévaut le garde des sceaux sans pour autant l'insérer dans son code, est essentiel.

Dans le domaine pénal, il y a trois étages pour les mineurs : les mesures éducatives, les sanctions éducatives et les peines. Plus le mineur avance en âge, plus la justice peut utiliser des outils répressifs, puisque l'âge s'accompagne a priori – je dis bien « a priori – d'une maturité plus grande : non pas une maturité complète, mais une maturité supérieure.

Il est possible de conserver la notion de discernement, à condition qu'elle soit favorable à l'enfant à qui des faits sont reprochés.

Monsieur le ministre, j'ai parlé des sanctions, non pas pour dire qu'elles étaient absentes, pas assez ou trop nombreuses, mais pour souligner qu'elles existaient, alors que Mme Le Pen avait affirmé, lors de la discussion générale, qu'il n'y en avait pas, ce qui n'est pas vrai, puisque le mot apparaît à trente-huit reprises – j'avais déjà dit trente-huit, mais ce n'est pas grave. Quant à l'éducatif, il faut additionner les occurrences « éducatif » et « éducative » pour obtenir le bon total, qui est donc un peu plus élevé que celui que vous avez indiqué. Mais là n'est pas le problème.

Le texte reconnaît la primauté de l'éducatif, …

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… mais les exceptions aussi. Et je suis là pour pourchasser les exceptions au nom du respect des grands principes.

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La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 315 .

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Il va dans le même sens que le précédent, mais il remplace l'âge de 13 ans par celui de 14, afin de nous mettre en conformité avec les normes internationales, qui recommandent, au-delà du débat que nous venons d'avoir, de tenir compte de la maturité émotionnelle, mentale et intellectuelle pour déterminer le seuil de responsabilité pénale. Celui-ci ne doit pas être trop bas afin de s'assurer que l'enfant puisse supporter les conséquences morales et psychologiques de cette responsabilité pénale.

Ce sujet est au centre du débat que nous avons depuis une heure. Nous proposons d'augmenter l'âge en dessous duquel il est impossible de prononcer une peine de 13 à 14 ans.

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Avis défavorable sur ces deux amendements. Nous avons déjà débattu de cette question.

Madame Cariou, un mineur peut être condamné à une peine s'il a au moins 13 ans : l'ensemble du code retient opportunément cette référence de 13 ans, ce qui est cohérent avec la nouvelle définition de l'âge de la responsabilité pénale, que nous avons adoptée tout à l'heure.

L'article L. 11-3 dispose que des peines peuvent être prononcées à l'encontre d'un mineur âgé d'au moins 13 ans, mais seulement « si les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent ». Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous nous sommes déjà expliqués en long, en large, en travers et en carré sur cette question. Je suis défavorable à ces amendements.

Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d'une dizaine de minutes.

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Nous finissons la discussion de ces deux amendements avant de suspendre la séance.

La parole est à M. Ugo Bernalicis.

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Nous sommes favorables à une présomption irréfragable pour les mineurs âgés de moins de 14 ans ; pour ceux qui sont âgés de 14 à 15 ans, seules des mesures éducatives doivent être décidées ; pour les mineurs âgés de plus de 15 ans, des peines peuvent être prononcées. On pourrait peut-être retenir une échelle de 14, 16 et 18 ans pour les trois seuils de gradation. Cette hiérarchie, plus cohérente, se rapprocherait en outre de celle de nos voisins européens, qui privilégient davantage que nous l'éducatif sur le répressif ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant.

Nous insisterons sur ce point déterminant autant de fois qu'il sera nécessaire, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous aussi !

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Autrement, chacun exposerait son point de vue une fois ; après quoi l'on se dirait au revoir et vous repartiriez avec votre texte. C'est la tentation, je le sais bien : nous sommes ici dans une chambre d'enregistrement, et beaucoup de gens pensent, comme je le dis souvent, que le débat à l'Assemblée nationale est un emmerdement temporaire : il faut bien y passer, mais si l'on pouvait s'en passer, ce serait mieux.

Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Ce n'est pas parce que vous le pensez que tout le monde le pense ! Arrêtez !

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Je récuse totalement ce point de vue, car nous vivons dans un État de droit et une démocratie grâce au Parlement. Donc, respectons-le !

Respectons également le fait que le Parlement, constitué de l'Assemblée nationale et du Sénat, est le lieu où l'on parle. Cette manière civilisée de pointer des désaccords et de débattre évite d'en venir aux mains.

Je suis pour que l'on parle le plus possible. Cela tombe bien, des séances sur ce texte sont prévues jusqu'à la semaine prochaine, afin que nous puissions examiner de manière approfondie tous les amendements qui ont été déposés.

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Soyons calmes, développons nos arguments en long, en large et en travers, et étudions tous les cas de figure : tout le monde en sortira grandi.

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Plutôt que de faire des leçons de morale, il faudrait parler du fond !

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Vous ne pouvez pas vous contenter des réponses que vous faites, monsieur le ministre. Nous avons peut-être déjà discuté de ce sujet, mais le débat va durer, parce qu'il porte sur des questions sensibles. Respectez les parlementaires qui déposent des amendements et qui veulent discuter avec vous du fond des amendements et ne vous contentez pas de dire que vous avez déjà donné votre avis !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si, si !

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Ce n'est pas cela, un débat parlementaire. Il y a des amendements de rejet, des amendements de recadrage et d'autres qui visent à affiner le texte, donc chacun d'entre eux a son utilité. Autrement, on arrête la discussion et on adopte les articles tels quels. Monsieur le ministre, nous allons encore débattre de la justice pénale des mineurs, car ce sujet est extrêmement sensible. Parlons tranquillement, sans balayer les propositions contenues dans les amendements !

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Si vous voulez travailler sur le fond, prenez la parole plutôt que de vociférer de la sorte !

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Monsieur Bernalicis, s'il vous plaît.

La parole est à Mme Elsa Faucillon.

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Je m'associe aux remarques de mes collègues Ugo Bernalicis et Émilie Cariou.

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La commission, composée des parlementaires qui en sont membres, a examiné le texte. Puis, il y a la séance publique. Notons que la commission n'a pas siégé très longtemps au regard du nombre d'amendements déposés. Le temps de discussion des amendements est tout à fait normal, monsieur le ministre, voire très bref pour un sujet aussi important.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas un temps normal, je vous dis que c'est toujours les mêmes questions !

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Non, en fait. D'abord, vous ne répondez pas aux mêmes députés. Je ne me concerte pas avant la séance avec le député d'en face pour savoir s'il va déposer le même amendement que moi. Je fais mon travail de députée avec mon groupe.

Sur cette matière délicate, vous choisissez de ne pas répondre. Je comprends les collègues qui regrettent que l'on ne discute pas du fond, mais qu'ils prennent la parole et nous débattrons au micro, à moins qu'ils ne préfèrent parler entre eux pour noter nos prises de parole comme des jurés. Chacun fait comme il veut, mais je n'aime pas les petites interventions hors micro.

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Quant aux réponses qui se contentent de nous reprocher de poser les mêmes questions, elles traduisent un problème avec le débat parlementaire, ce qui est préoccupant.

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Je trouve l'intervention de Mme Cariou assez désagréable. Madame Cariou, je me suis levé et je pense vous avoir répondu sur le fond concernant le débat relatif à l'âge – 13 ans ou 14 ans.

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Vous auriez donc pu considérer que le procès que vous nous faites sur l'absence de réponse n'était plus approprié. Si vous aviez été présente dès le début des débats, vous auriez constaté que ce sujet a déjà été évoqué une bonne quinzaine de fois. J'ai pris la peine de me lever pour vous répondre, parce que je sais que vous n'étiez pas là avant, afin de vous apporter une réponse circonstanciée sur le fond.

Ne me reprochez pas de ne pas l'avoir fait ! Je trouve ce comportement tout à fait particulier.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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C'est le fonctionnement de l'Assemblée nationale !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'ai un infini respect pour le Parlement, et je pense le démontrer tous les jours. Je procède à des concertations et à des consultations, …

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… je me rends dans l'hémicycle et en commission, chaque fois que c'est nécessaire ; ma porte est ouverte ; je reviens parfois sur des amendements que j'avais envisagés ; je prends en considération ce que l'on me dit, d'où que cela vienne.

Outre que vous n'êtes donc pas l'arbitre des élégances, si vous me posez trente fois la même question, vous aurez trente fois la même réponse.

Les amendements nos 137 et 315 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.

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La séance est reprise.

La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 2 .

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Il a déjà été longuement discuté en commission des lois, et j'ai lu le rapport. Néanmoins, nous avions envisagé de réfléchir à informer le juge des enfants et le parquet spécialisé des décisions du tribunal de police concernant des mineurs.

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Le débat a effectivement déjà eu lieu en commission, mais je répondrai à la question concernant le tribunal de police. Les contraventions des quatre premières classes ne relèvent pas vraiment du juge des enfants, qui doit plutôt intervenir dans les cas plus techniques. Mieux vaut conserver la procédure actuelle. L'avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Effectivement, nous avons déjà évoqué ce point en commission, mais je réponds car je ne veux fâcher personne. J'avais déjà eu l'honneur de vous dire que le tribunal de police est compétent pour juger les contraventions de faible gravité, tandis que le juge des enfants examine les contraventions de cinquième classe seulement. La procédure devant le tribunal de police est appropriée et protectrice pour le mineur : elle prévoit l'assistance obligatoire d'un avocat, la présence des représentants légaux, une publicité restreinte et la possibilité d'interjeter appel devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel. L'avis est donc défavorable.

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Pour éviter de répéter l'échange que nous avons eu en commission, j'avais pris soin de restreindre ma question. Le mot « continuité » est à la mode – on parle par exemple d'un continuum de sécurité. J'estime qu'on peut établir une continuité entre les contraventions des quatre premières classes, qui ne sont pas anodines, et la suite des événements portés au dossier unique de personnalité de l'enfant concerné. Il s'agirait de transmettre la décision du tribunal de police au juge des enfants, qui constitue avec les éducateurs un dossier unique de personnalité – mais peut-être cela relève-t-il du domaine réglementaire.

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De nombreux amendements concernent le tribunal de police, car il est mentionné tout au long du texte. Malheureusement, comme nous vous l'avons dit en commission, monsieur le ministre, un amendement ne suffira pas à réformer son rôle, puisqu'il en faudrait un chaque fois qu'il est cité. En ce domaine, je veux remettre des arguments sur la table.

Je partage avec de nombreux professionnels du droit l'avis que la vertu pédagogique d'une amende est presque nulle. Il n'en va pas de même de la perspective d'être reçu par un juge, y compris pour une infraction contraventionnelle. Vous disiez tout à l'heure qu'une réponse de la justice était nécessaire et que le gamin devait faire l'objet d'une prise en charge. Le magistrat peut prononcer une mesure éducative à la place d'une contravention. Dans notre esprit, ces mesures doivent être fonction de l'âge, raison pour laquelle nous avons également déposé de nombreux amendements sur ce sujet. Cette démarche permettrait de considérer le parcours global de l'enfant afin de connaître les raisons pour lesquelles il a commis cette infraction. Ne pourrait-on envisager des mesures d'assistance éducative en lien avec la famille, pour impliquer celle-ci ?

Je le répète : le juge des enfants adopte un point de vue global et ne considère pas seulement les faits – heureusement, d'ailleurs ! Il creuse, prend l'environnement en considération, cherche à faire évoluer la situation. Il est donc indispensable que toute infraction, dès la contravention de première classe, relève de la compétence du juge des enfants. De plus, une amende pose le problème de savoir qui la paiera, puisque l'enfant n'a pas forcément d'argent. La faire payer aux parents soulève d'autres difficultés. Il est beaucoup plus intéressant de remettre le dossier entre les mains du juge, tant pour l'enfant qu'au regard des principes que l'on défend.

L'amendement no 2 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 43 , 347 et 400 .

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 43 .

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La spécialisation des juridictions constitue un des principes directeurs du droit pénal des mineurs. Au regard des pouvoirs importants conférés aux juges des libertés et de la détention, cet amendement vise à spécialiser l'un d'eux dans les affaires impliquant des mineurs, partout où c'est possible.

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Adopter la proposition défendue dans ces amendements identiques serait une belle avancée pour le fonctionnement de la justice pénale des mineurs. Placer quelqu'un en détention provisoire, c'est-à-dire le priver de sa liberté, relève d'une décision grave, tout particulièrement lorsqu'elle concerne les mineurs. Pourtant, le nombre de mineurs placés en détention provisoire a explosé ces dernières années. Pour rendre une justice plus fine, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, nous proposons que les mineurs relèvent d'un juge des libertés et de la détention spécialisé. Il interviendra pour les placements en détention prononcés avant le jugement de culpabilité.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 400 .

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Mme Buffet avait déposé cet amendement en commission et il avait été repoussé, parce que nous n'avions pas encore pris en considération toutes les questions que pose l'impartialité du juge des enfants en matière de détention provisoire. Le texte évoluant dans le sens d'une spécialisation du juge des libertés et de la détention, j'ai déposé cet amendement identique.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mon avis sur cette question a beaucoup évolué. Je me rappelle avoir, à titre d'exemple, évoqué la possibilité pour le tribunal correctionnel de décider d'un placement en détention lorsque l'affaire faisait l'objet d'un renvoi à la demande de la défense, ou parce que le dossier n'était pas en état d'être jugé. Rien n'interdit alors au tribunal de statuer ultérieurement sur le fond. Cependant, je suis sensible à vos arguments. La position du Gouvernement ayant évolué, son avis sera favorable à ces amendements identiques.

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Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra évidemment ces amendements. Je voudrais toutefois poser une question, dont j'espère qu'elle n'a rien d'impertinent : en pratique, on manque beaucoup de JLD dans les territoires. Comment sera-t-il possible de spécialiser certains d'entre eux ? Je veux non pas susciter une polémique, mais savoir si, dans le cadre des quotas que vous avez envisagés, vous avez l'intention d'en augmenter le nombre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je note que vous posez cette question après que j'ai donné un avis favorable sur ces amendements identiques. L'eussiez-vous posée auparavant, ma réponse eût été la même : nos services ont évidemment été avertis de ce problème. En outre, les chefs de juridiction donneront des habilitations, et des formations spécifiques seront dispensées. J'espère avoir répondu de manière satisfaisante à votre légitime interrogation – je vois des hochements de tête qui me rassurent sur ce point.

Sourires.

Les amendements identiques nos 43 , 347 et 400 sont adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 103 .

L'amendement no 3 de Mme Cécile Untermaier, est défendu.

La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 103 .

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Il va dans le même sens que ceux qui viennent d'être adoptés, puisqu'il concerne la formation des magistrats.

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Nous avons déjà eu ce débat en commission des lois ; comme Mme Cariou n'y siège pas, je lui répondrai néanmoins. Les magistrats bénéficient de sept mois de formation initiale dans ce domaine ; vingt-et-une heures concernent l'assistance éducative, et vingt-quatre heures le rôle pénal du juge des enfants. Pendant leur année de stage, les élèves magistrats doivent passer cinq semaines dans une juridiction pour mineurs et une semaine en immersion dans un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse. Tout magistrat qui souhaite accéder à la fonction de juge des enfants reçoit une formation d'un mois, composée de deux semaines d'apports théoriques et de deux semaines de stage. Ces amendements identiques sont satisfaits, je demanderai donc leur retrait ; à défaut l'avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis. La formation est naturellement déjà prévue. Les amendements sont satisfaits, comme M. le rapporteur vient de l'exposer.

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Ils sont évidemment satisfaits pour le moment, mais les amendements visent à inscrire l'obligation de formation dans la loi. Le programme de l'École nationale de la magistrature peut changer, comme les règlements. Notre proposition tend à préciser que la spécialisation est nécessaire et requiert une formation initiale et continue.

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Je m'étonne de la réponse du rapporteur. Dans le rapport d'information qu'il a rédigé avec Mme Untermaier, il déplore que la formation dispensée soit insuffisante, notamment pour les magistrats du parquet. Il affirme qu'elle doit être renforcée, en particulier dans les petites juridictions, où les parquetiers de permanence sont amenés, par exception, à prendre la place des parquetiers spécialisés dans la justice des mineurs. Je soutiens donc l'inscription dans la loi d'une formation, afin de garantir au mineur que le magistrat qu'il a en face de lui dispose de tous les éléments nécessaires, en particulier d'une bonne connaissance du code en cours de correction, pour appliquer les principes que nous définissons ici.

Les amendements identiques nos 3 et 103 ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 139 .

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Je suis sûre qu'il donnera lieu à un avis favorable, puisqu'il vise également la spécialisation des magistrats, par la suppression des mots « le procureur général ou » dans l'article L. 12-2 du code de la justice pénale des mineurs. Il s'agit de décharger le procureur général afin qu'il se concentre sur d'autres missions, tout aussi essentielles. La spécialisation des acteurs ainsi recherchée est mieux adaptée à la justice des mineurs. Il est préférable que seul un magistrat du ministère public spécialement chargé des affaires concernant les mineurs remplisse les fonctions du ministère public dans les affaires qui les concernent. En réalité, c'est d'ailleurs souvent le cas dans les tribunaux, où un substitut est généralement dévolu aux affaires impliquant des mineurs.

Sourires.

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Malheureusement pas, monsieur le président. Il faut, à mon sens, laisser au procureur général la possibilité d'intervenir quand les circonstances l'exigent. Mais dans l'immense majorité des cas, c'est vrai, ce sont bien des magistrats spécialisés qui rempliront les fonctions du ministère public.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

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J'ai retrouvé le passage du rapport d'information de M. Terlier et Mme Untermaier que j'évoquais : « Il existe également un parquet spécifique chargé des questions de justice pénale des mineurs ; 54,8 % des affaires poursuivables impliquant des mineurs aboutissent à une procédure d'alternative aux poursuites décidée par le procureur. » On note que celui-ci occupe une place particulière ! « La spécialisation du parquet pour mineurs apparaît donc amplement justifiée et pose la question de la formation initiale et continue des magistrats qui y exercent. En effet, si les juges des enfants bénéficient d'une formation spécifique, ce n'est pas le cas des magistrats en charge de ces questions au sein des parquets. Lors de son audition par la mission, Mme Anaïs Vrain, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, a regretté qu'il n'y ait pas de formation obligatoire pour le parquet des mineurs, le dernier affecté étant souvent chargé de ces questions. Les juges des libertés et de la détention et les juges d'instruction qui doivent connaître des dossiers impliquant des mineurs devraient également bénéficier d'une formation spécifique. »

Et le rapport de formuler cette proposition : « Accroître la formation spécifique des magistrats des parquets pour mineurs et envisager une spécialisation de ces magistrats sur le modèle des juges des enfants ». Je ne fais que lire votre rapport !

M. le rapporteur sourit.

L'amendement no 139 n'est pas adopté.

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Les amendements identiques nos 19 de Mme Cécile Untermaier et 104 de Mme Émilie Cariou sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

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J'aimerais entendre M. le rapporteur, si c'est possible, sur le sort réservé à ses propres propositions. Nous nous sommes interrogés, car c'est sur leur base que nous avons déposé des amendements du même type – les nôtres ne sont pas placés au même endroit du texte, pour des raisons diverses et variées… Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que la formation initiale est suffisante…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais oui !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

… mais vous disiez le contraire dans ce rapport, et vous demandiez une spécialisation. Je ne comprends pas : que faut-il faire ? À moins que vous ne soyez plus d'accord avec le contenu de votre propre rapport ?

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Monsieur Bernalicis, parfois, après des auditions, on formule des propositions que l'on croit pertinentes parce qu'elles paraissent alors justifiées ; plus tard, d'autres éléments, d'autres informations modifient l'état de nos connaissances. Il n'est pas impossible de changer d'avis !

Les amendements identiques nos 19 et 104 ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 141 .

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Cet amendement vise à supprimer la mention selon laquelle le mineur « participe au choix de son avocat ». Cette formulation paraît vague ; on en ignore le sens et la portée véritables. Écrire que le mineur « effectue le choix de son avocat » serait plus clair – et n'empêche nullement le mineur de solliciter une tierce personne, par exemple son représentant légal, pour l'aider dans ce choix s'il l'estime nécessaire.

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L'assistance par un avocat est obligatoire : si le mineur n'effectue pas le choix, il sera de toute façon assisté. De plus, il n'est pas toujours en mesure de procéder à ce choix. Gardons sa souplesse au texte. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce que vient de dire le rapporteur me paraît la logique même. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

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Le texte garantit la présence de l'avocat à tous les stades de la procédure. Le mineur « participe » au choix de son avocat ; c'est un choix que l'on ne peut pas confier au mineur seul, car cela dépend aussi de son degré de maturité. Un exemple : des policiers m'ont raconté que, lors d'une garde à vue, un mineur avait demandé à être assisté par Jacques Vergès, parce qu'il l'avait vu à la télévision. Évidemment, ce n'était pas possible, et il avait fallu faire désigner un avocat.

Ce qui est important, c'est que le mineur soit systématiquement associé aux décisions qui le concernent, notamment le choix de son avocat, et que l'avocat soit toujours présent. Il peut être désigné par les représentants légaux ou par le bâtonnier.

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Vous m'avez mal comprise, je crois, monsieur le rapporteur : je ne mettais pas en cause la participation de l'avocat. « Effectuer le choix » me paraît plus clair que « participer au choix ».

Madame Louis, ce mineur avait envie d'être défendu par Me Vergès : lui a-t-on posé la question ? Peut-être aurait-il accepté.

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Cela aurait été un peu difficile : il était décédé !

L'amendement no 141 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 140 rectifié .

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Un même avocat devrait suivre les différentes procédures. J'ai entendu ce que l'on m'a répondu en commission, et j'en ai discuté à nouveau avec des avocats qui défendent des mineurs. Ils me disent qu'il n'est pas si facile de joindre les dossiers et que le texte devrait aller plus loin, en autorisant la communication des pièces des différents dossiers, afin que l'avocat ait une vision globale. Il est plus simple pour tout le monde que le mineur n'ait qu'un seul avocat pour toutes les procédures qui le concernent, tant en matière civile qu'en matière pénale. Imaginons un mineur qui aurait un avocat au civil et deux autres au pénal, alors que le magistrat a, lui, une appréhension globale puisqu'il a l'ensemble des éléments à sa disposition.

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Nous avons eu ce débat en commission : votre amendement est satisfait, puisque l'article L. 12-4 du code de la justice pénale des mineurs prévoit que, « dans la mesure du possible, le mineur est assisté par le même avocat à chaque étape de la procédure ». Dès lors que la justice civile n'est pas exclue, cette possibilité concerne le civil comme le pénal.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Parfois, la lassitude me gagne, monsieur Bernalicis…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous êtes revenu une fois encore sur la question du terme de « mineur », « enfant », « adolescent ». Il faut croire que, si on n'a pas dit trente fois une chose, on ne l'a pas dite du tout… Mais passons.

Le choix de l'avocat en assistance éducative n'a pas sa place dans un texte consacré à la justice pénale des mineurs. On ne peut pas tout confondre en permanence ! Je n'oserais certainement pas dire que vous êtes de mauvaise foi, mais tout de même ! Rien n'empêche le mineur de choisir le même avocat dans deux procédures de nature distincte. Je suis défavorable à cet amendement qui confond tout.

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Nous ne confondons pas tout ; en revanche, le rapporteur me dit que l'amendement est satisfait, que ce sera le même avocat pour le civil et le pénal ; et le ministre nous dit que ça n'a rien à voir… Pour nous, ce serait bien qu'il y ait une continuité, et cela va mieux en le disant ! Nous n'avons pas proposé la suppression de l'expression « dans la mesure du possible » : on sait bien comme cela se passe dans le monde réel. Bien sûr que c'est « dans la mesure du possible », et non pas quelque chose d'impératif. Mais la rédaction actuelle ne nous apprend pas grand-chose. Quand on codifie, on essaye d'écrire des éléments auxquels on se raccrochera – notamment en matière pénale.

S'agissant des termes « enfant » et « adolescent », notez, monsieur le ministre, que nous avons retiré ce second mot. Nous avons refait tous nos amendements, c'est un petit peu de boulot quand même… Remarquez-le, simplement. Mais je le redis pour que vous l'ayez bien en tête : en effet, par cohérence, chaque fois que le mot « mineur » apparaîtra, nous proposerons d'écrire « enfant ». Et nous aurions pu faire deux amendements, si nous avions vraiment voulu vous embêter… On est sympas, puisqu'on a tout mis dans le même !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

On ne prête qu'aux riches, que voulez-vous !

L'amendement no 140 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l'amendement no 67 .

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L'article L. 12-4 reconnaît l'avocat comme un acteur spécialisé, et pose le principe du maintien d'un même défenseur à chaque étape de la procédure. Nous proposons d'aller plus loin en prévoyant que « dans la mesure du possible et sans préjudice de son libre choix, le mineur est assisté du même avocat si d'autres procédures interviennent ultérieurement ».

En effet, la continuité est importante non seulement pour une même affaire, mais aussi pour comprendre le parcours d'un mineur lorsque celui-ci est impliqué dans différentes affaires. Outre son rôle, classique, de défense, l'avocat d'un mineur doit prendre en considération la fragilité de l'enfant et adapter sa pratique en conséquence. Sa relation avec son jeune client est donc fondamentale.

C'est la raison pour laquelle nous pensons que la continuité du suivi du jeune délinquant par le même avocat dans les différentes affaires qui le concernent permettrait au défenseur de mieux le comprendre et de mieux saisir ses particularités.

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L'amendement est satisfait. Le passage au pluriel « les procédures » me semble sans effet. Dès lors qu'il y aura une procédure, l'avocat devra être le même. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

L'amendement est satisfait. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes évidemment tous attachés à ces mots : « dans la mesure du possible », et au respect du libre choix de l'avocat, idéalement le même tout au long de la procédure.

En pratique, c'est bien ce qui se passe : quand un avocat est désigné pour défendre un mineur, il est désigné pour tous les autres dossiers. Dans la vie judiciaire, il arrive bien sûr qu'un avocat quitte un barreau pour un autre ; cela entraîne un changement d'avocat… Faisons confiance aux praticiens, aux juridictions, pour que tout se passe au mieux. Mais dans le texte, le principe de l'assistance par un avocat et le principe selon lequel cet avocat reste normalement le même sont inscrits dans le texte. Cela me paraît une bonne chose.

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J'ai proposé tout à l'heure d'inscrire le principe d'un même avocat pour le civil et le pénal ; on m'a dit que ce n'était pas la même chose. Ici, l'amendement propose de mettre le terme de « procédure » au pluriel. Ce n'est pas une subtilité juridique : il y a différentes étapes dans une même procédure – notamment l'audience de culpabilité, puis l'audience sur la peine – et ce que l'article L. 12-4 prévoit, c'est un même avocat tout au long d'une même procédure. Mais dans l'idéal, dans la fameuse « mesure du possible » – nous ne demandons pas la lune ! – il faudrait aussi que l'avocat soit le même pour toutes les procédures.

Vous ne voulez pas, vous nous dites que nos amendements sont satisfaits : mais, si tel est le cas, alors cet article, tel qu'il est rédigé, ne sert à rien.

L'amendement no 67 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 150 .

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Il vise à exclure, dans tous les cas de figure, sans exception, le recours à la visioconférence dans le cadre des procédures judiciaires concernant un enfant. J'ai déjà rappelé mon opposition à son utilisation dans les procédures relatives à une personne majeure et je la réitère, plus vigoureusement encore, s'agissant d'un mineur.

À cet égard, je reprendrai les mots que M. le garde des sceaux a prononcés hier lors de l'examen du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, lorsque nos collègues de droite ont proposé une extension de l'usage de la visioconférence. Il a indiqué qu'il convenait d'avoir la personne incriminée en face de soi pour voir si elle sue, observer ses mains ou la position de ses pieds, comment elle se comporte, bref, qui elle est, afin de mieux la cerner et de mieux la considérer. Pour ma part, je crois profondément à tout cela.

Je crois aussi que la visioconférence a des vertus. Je la pratique d'ailleurs très souvent. Mais, en matière judiciaire, elle ne convient ni aux auditions ni aux jugements. Certes, je n'ai jamais été auditionné dans un tel cadre et je touche du bois…

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Je ne sais pas si ça ne saurait tarder. Je ne l'espère pas ! Mais, quoi qu'il en soit, j'estime que la représentation nationale s'honorerait à sanctuariser l'interdiction du recours à la visioconférence au moins pour les procédures judiciaires concernant un enfant.

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Nous avons eu ce débat en commission et nous vous avions assuré partager vos inquiétudes. Nous ne souhaitons pas que la visioconférence soit utilisée à tort et à travers. Nous avions d'ailleurs voté un amendement qui visait à exclure son recours dans le cadre d'une prolongation de détention provisoire.

À ce stade, l'usage de la visioconférence dans une procédure concernant un mineur n'est autorisé que pour une prolongation de garde à vue. Et il me paraît utile que l'on puisse y recourir dans ce cas très spécifique. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. le rapporteur vient de vous répondre très précisément. En commission, nous avons évoqué les hypothèses dans lesquelles cette utilisation est en réalité tout à fait favorable aux mineurs, comme en cas d'éloignement du procureur devant se prononcer sur le cas très particulier de la prolongation de la garde à vue.

Je rappelle aussi que l'usage de la visioconférence est impossible dans le reste de la procédure. Il ne faut donc pas avoir peur de tout et fantasmer sur tout. Je vous renvoie aux dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale. Je le répète, la visioconférence peut être utile et apparaît souvent favorable aux mineurs, notamment en cas d'éloignement du procureur. Il n'est donc pas nécessaire de nous dire une fois de plus que, s'agissant des mineurs, la justice doit être rendue en présence de la personne incriminée.

Par ailleurs, je note avec beaucoup d'intérêt, et j'en suis très flatté, que vous avez parfaitement retenu les mots que j'ai prononcés hier et que vous avez faits vôtres. Les choses progressent !

M. Rémy Rebeyrotte sourit.

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Je suis peut-être celui qui vous écoute avec le plus d'attention, monsieur le ministre ! Je n'ai d'ailleurs jamais dit que j'étais en désaccord total, complet et permanent avec vous. Bien au contraire. J'étais même plutôt en accord avec le discours que vous avez prononcé que vous êtes entré dans vos fonctions au ministère de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah !

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J'espère que nous aurons la réforme du parquet telle que vous la souhaitez. Certes, vous n'en avez donné que les grandes lignes et j'en attends le détail, mais mon a priori est plutôt positif. Il ne s'agit donc pas de progression : mes premières impressions étaient déjà bonnes et tant mieux !

S'agissant de la visioconférence, il me semble que, si le magistrat est dans l'incapacité d'accomplir un acte, la liberté doit être la norme et la contrainte l'exception. Les choses fonctionnent de cette manière dans de nombreuses situations. J'estime donc que, s'il est impossible de dépêcher un magistrat pour se prononcer sur la prolongation de la garde à vue d'un enfant, la norme doit redevenir la liberté et qu'elle est préférable au recours à la visioconférence – à laquelle je suis complètement opposé en matière judiciaire.

Par ailleurs, même s'il est vrai que nous ne sommes pas très nombreux à cet instant dans l'hémicycle – je ne le reproche à personne – , tous les députés présents ne sont pas membres de la commission des lois et n'ont donc pas nécessairement assisté aux échanges d'arguments que nous avons eus. Il est donc possible que je convainque certains collègues de la majorité par mes propos, de la même manière que j'ai pu être pénétré par ceux du garde des sceaux et les faire miens.

L'amendement no 150 n'est pas adopté.

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La parole reste à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 155 .

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L'article L. 13-2 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 11 septembre 2019, prévoit : « À moins que le présent code n'en dispose autrement, la juridiction compétente, la procédure applicable ainsi que les mesures et peines encourues sont déterminées selon l'âge du mineur à la date des faits ». Cet amendement vise à supprimer les mots : « À moins que le présent code n'en dispose autrement », car cette disposition ne doit souffrir d'aucune exception. On ne peut poser un principe en y dérogeant constamment.

En effet, il est toujours possible d'évoquer de bonnes raisons. S'agissant de la visioconférence, par exemple, quelqu'un disait qu'elle est utile lorsque le procureur se trouve à deux heures de distance de la personne incriminée. Je ne sais pas d'où vient cette idée et j'espère que certains Français ne résident pas à deux heures de route d'un tribunal ! L'on pourrait aussi évoquer le covid-19 comme exception. Il n'en faut aucune !

Dès lors que l'on pose des principes, comme la primauté de l'éducatif sur le répressif, la spécialisation des juges, ou l'excuse atténuante de minorité, il convient de les suivre jusqu'au bout et de les décliner. Dans le cas contraire, affirmer dans le titre préliminaire des « principes généraux de la justice pénale des mineurs » revient simplement à se faire plaisir si on réduit ensuite ces principes à une dimension cosmétique. Du reste, c'est cet article qui permet les exceptions : sinon, elles seraient impossibles. Le défenseur des droits a d'ailleurs affirmé que, si les principes affichés dans le titre préliminaire sont très positifs, le texte ne fait ensuite qu'égrener des exceptions.

C'est regrettable, car une exception finit toujours pas être utilisée. Comme l'a rappelé le ministre tout à l'heure, la détention provisoire, par exemple, qui devait être utilisée à titre exceptionnel, est devenue l'une des plus grandes pourvoyeuses de personnes dans les établissements pénitentiaires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article L. 13-2 du code de la justice pénale des mineurs dispose bien, monsieur Bernalicis, que « les mesures et peines encourues sont déterminées selon l'âge du mineur à la date des faits ». Mais il est vrai qu'il convient de prévoir certaines exceptions. En l'espèce, elles ne sont qu'au nombre de trois.

Premièrement, l'article L. 513-3 du même code prévoit la possibilité pour la personne incriminée, mineure au moment des faits et devenue majeure, de demander une audience publique.

La deuxième dérogation, figurant à l'article L. 122-1, permet de prononcer des heures de travail d'intérêt général à l'encontre d'un mineur âgé de 16 à 18 ans qui avait entre 13 et 16 ans au moment des faits.

Enfin, l'article L. 121-7 autorise d'écarter à titre exceptionnel les règles d'atténuation de la peine liées à l'âge.

Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je n'ai rien d'autre à ajouter. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Rappelons-le à nouveau à ce stade des débats, car cela me paraît important : une application trop rigide de certains principes ne me paraît pas souhaitable. Nous sommes évidemment très attachés à la prise en compte de l'âge de la personne au moment des faits qui lui sont reprochés, mais les exceptions à ce principe sont très encadrées.

De plus, les travaux d'intérêt général sont une sanction intéressante et adaptée à certains mineurs : supprimer cette exception les en priverait.

En outre, et ce n'est pas une conviction mais une réflexion, l'allongement des délais de prescription de certains délits et crimes va potentiellement amener le tribunal pour enfants à juger des personnes pouvant être âgées de plus de 40 ou 50 ans et pour qui lever l'excuse de minorité pourrait être justifié.

Quoi qu'il en soit, si le principe est indispensable, il est toujours nécessaire d'y adjoindre des exceptions de sorte de s'adapter à la pratique pénale, matière qui, selon moi, ne devrait pas être rigide.

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Les trois exceptions énumérées par M. le rapporteur ne se valent pas, la troisième recueillant ma plus grande désapprobation étant donné qu'elle consiste à écarter l'excuse d'atténuation de minorité. Nous savons bien que, lorsque des exceptions existent, elles sont invoquées. Et je ne comprends pas que vous ne voyiez pas de problème à poser un principe tout en y dérogeant.

Ce texte aurait pu être l'occasion de réaffirmer des principes plutôt que de reprendre des exceptions qui figuraient déjà dans l'ordonnance de 1945. En l'espèce, on n'avance pas !

La situation est la même s'agissant de la césure du procès, que vous instaurez tout en prévoyant la possibilité de se contenter d'une audience unique. Celle-ci apparaîtra au magistrat comme un moyen d'aller vite dans la gestion des flux de dossiers au lieu de prendre le temps nécessaire à l'établissement de la peine – et encore, il s'agit d'une césure de trois mois entre le prononcé de la culpabilité et celui de la peine, avec la possibilité de la prolonger une fois.

Aussi, je ne veux aucune exception ! Je souhaite que les principes s'incarnent et se déclinent dans l'intégralité du code.

L'amendement no 155 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de trois amendements, nos 75 , 161 et 142 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 75 et 161 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 75 .

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Il vise à sanctionner d'une amende de 15 000 euros la divulgation de l'identité ou de l'image d'un enfant mis en cause ou condamné dans une procédure pénale. Il s'agit ici de respecter les principes fondateurs de la justice des enfants, en considérant le jeune délinquant comme une personne à la fois en danger et en devenir. Notre volonté est donc de réaffirmer le modèle protectionniste de l'enfance délinquante en appliquant le principe de la protection de l'enfant au moment des faits.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 161 .

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Le groupe La France insoumise propose également de rappeler dans le code de la justice pénale des mineurs que la divulgation de l'identité ou de l'image de l'enfant est punie par la loi.

De mémoire, on nous a dit en commission que cette disposition figure déjà dans le code pénal. Je vous redonnerai donc notre conception de ce que devrait être un code complet qui se suffise à lui-même : il convient d'éviter autant que possible de faire, dans un code, des renvois vers d'autres codes en y précisant toutes les dispositions utiles.

Le principe est le même lorsque nous demandons d'inscrire la possibilité, pour un mineur, de choisir son avocat et, dans la mesure du possible, que celui-ci le représente dans les différentes procédures qui peuvent le concerner. Il me semble que le code pénal prévoit déjà une telle disposition, mais, par souci d'intelligibilité, il nous paraît cohérent de la faire figurer dans le code de la justice pénale des mineurs. Un code est un outil quotidien pour de nombreux praticiens et futurs praticiens et il doit aussi être accessible aux Français désireux de comprendre son contenu.

Enfin, je précise au passage que cet amendement vise aussi à remplacer le mot « mineur » par le mot « enfant ».

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 142 .

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Cet amendement me tient à coeur, car il vise à ce que le principe de l'interdiction de divulguer le secret de l'instruction ne reste pas lettre morte : cette infraction doit être assortie d'une sanction afin d'assurer son effectivité.

Certains organes de presse se font les spécialistes de la divulgation du secret de l'instruction : il conviendrait vraiment de faire cesser cet état de fait. Cela passe, selon moi, par des sanctions adaptées. Vous le savez mieux que moi, la divulgation de telles informations peut avoir des conséquences très graves.

Cette question a également trait à la bonne administration de la justice.

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Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

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Il est défavorable.

L'article L. 13-3 du code de la justice pénale des mineurs dispose qu'« en aucune circonstance, l'identité ou l'image d'un mineur mis en cause dans une procédure pénale ne peuvent être, directement ou indirectement, rendues publiques ». Vous souhait est d'ajouter à la suite de cet article les dispositions relatives aux sanctions applicables, ce qui ne me semble pas pertinent, car il en existe en réalité plusieurs, suivant la gravité de la divulgation.

L'article L. 513-4 du même code prévoit ainsi une amende de 15 000 euros pour la publication du compte rendu des débats, de tout texte ou de toute illustration concernant l'identité et la personnalité des mineurs délinquants. L'article L. 413-14 prévoit quant à lui une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende en cas de diffusion de l'enregistrement audiovisuel d'une audition. Et l'article 35 ter de la loi de 1881 contient également des dispositions applicables en cas de l'image d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale.

Il n'est pas possible de toujours rappeler l'ensemble des sanctions prévues par la loi. J'estime qu'il convient de rappeler le principe, puis de procéder à des renvois vers les dispositions applicables en cas de manquement.

L'amendement no 75 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.

Les amendements nos 161 et 142 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 174 .

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Il vise à réintroduire la possibilité, pour les magistrats, de procéder à une remise à parents. Je me suis fait réexpliquer la situation pour être sûr de me faire bien comprendre et, peut-être, pour vous convaincre.

Pourquoi réintroduire la remise à parents – je précise que je ne propose pas de supprimer l'avertissement judiciaire pour autant ? Parce qu'elle est l'acte, aussi symbolique puisse-t-il paraître, de remettre les enfants à leurs parents. Il est vrai que, dans le cadre de l'avertissement judiciaire, les parents sont également censés être présents en tant que représentants légaux du mineur, mais ils ne sont que les destinataires indirects du message envoyé par le magistrat, à la différence de la remise à parents, qui place au coeur de la disposition la responsabilité éducative des parents. Elle permet aussi de faire comprendre au mineur que le juge n'est pas la seule autorité : il ne peut pas faire non plus ce qu'il veut à la maison. Cette mesure remet donc chacun à sa place en renvoyant la justice et les parents à leur autorité respective.

Il faut aussi prendre en compte un aspect pratique : après deux avertissements, si je ne metrompe, il faut passer un palier dans les mesures appliquées. La remise à parents pourrait être essayée, quand les autres auront échoué ou avant celles-ci, en fonction de l'appréciation que le magistrat a de la situation, appréciation à laquelle il faut faire confiance.

La prétendue simplification de l'avertissement judiciaire, qui fusionne les deux mesures précédemment existantes, n'en est pas une. Il s'agit en réalité d'une diminution de la boîte à outils du magistrat. Il ne coûterait politiquement pas grand-chose – voire rien du tout – de réintroduire cette mesure, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si, si !

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… qui elle serait très utile à la pratique quotidienne des professionnels, surtout des magistrats.

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Avis défavorable, comme en commission. Vous avez du reste vous-même exposé les raisons pour lesquelles nous y sommes défavorables. Nous voulions moderniser les termes figurant dans le code de la justice pénale des mineurs pour que ceux-ci en comprennent mieux le sens. L'avertissement judiciaire remplace ainsi l'admonestation et la remise à parents. Je rappelle que la remise à parents consiste en une rencontre du magistrat avec les parents, au cours de laquelle le juge leur rappelle leur rôle éducatif. De la remise à parents, mesure symbolique, nous sommes passés à un véritable avertissement judiciaire, lequel, à mon sens, a plus de portée et est mieux compréhensible par le mineur.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le code de justice pénale des mineurs a un objectif de simplification et de meilleure lisibilité pour tous – mineurs, victimes, familles, citoyens. Or de quoi parlons-nous ici ? D'une sanction. Elle est belle, la sanction : « Je te remets à tes parents. » Tu parles d'une sanction ! Pour les parents, ce n'est pas très agréable et pour le gamin non plus, car c'est le remettre à sa place naturelle. Vous qui êtes sensible aux mots – sur un seul mot, vous faites dix amendements – , vous comprendrez que je préfère une sanction libellée « avertissement judiciaire » à une appelée « remise à parents ». C'est plus clair.

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Il s'agit d'une mesure éducative, monsieur le garde des sceaux ; une mesure pénale, certes, puisque c'est une sanction, mais une mesure éducative. Je le répète, car les mots ont un sens. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi conserver uniquement l'avertissement judiciaire permet une simplification ou une meilleure lisibilité. Cela ne change rien : avant, il y avait l'admonestation et la remise à parents ; désormais, il y a l'avertissement judiciaire. Les parents sont là, mais on ne peut plus leur remettre leur enfant.

Pourtant, le rôle du juge est aussi d'apprécier la situation afin de comprendre la problématique de l'enfant car, comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, l'environnement familial est souvent carencé. Le fait de pointer du doigt la réalité dans le cadre de la remise à parents permet de remettre chacun à sa place. Le magistrat rappelle ainsi aux parents : « Vous êtes l'autorité vis-à-vis de l'enfant », signifiant ainsi à l'enfant que l'autorité du juge n'est pas la seule qui s'exerce sur lui, et qu'il ne peut pas faire ce qu'il veut le reste du temps. C'est tout de même assez clair.

Si les magistrats qui nous ont aidés à rédiger ces amendements nous les ont proposés, c'est qu'ils y voient un intérêt dans leur pratique quotidienne et considèrent la suppression de la remise à parents du code de justice pénale des mineurs comme un problème. Et puis, qu'est-ce que l'admonestation ? C'est dire : « Ce n'est pas bien, ce que tu as fait. » Si je suis votre raisonnement, monsieur le garde des sceaux, ce n'est pas vraiment une sanction non plus, mais c'est déconsidérer le juge des enfants et sa capacité à se faire entendre. Je le répète donc solennellement : la remise à parents serait un outil positif dans la boîte des mesures éducatives à la disposition des magistrats.

L'amendement no 174 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 175 .

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Il vise à rendre le juge pour enfant seul compétent en audience de cabinet pour prononcer un avertissement judiciaire, au nom du principe de spécialisation de la justice des mineurs. L'article L. 111-2 du code de la justice pénale des mineurs dispose que le tribunal pour enfants et la cour d'assise des mineurs peuvent prononcer un avertissement judiciaire, mais aussi que l'avertissement peut également être prononcé par un tribunal de police. Or il faut rappeler – nous l'avons peu fait jusqu'à présent – que les magistrats du tribunal de police ne sont pas des magistrats spécialisés.

Cela pose problème : on prévoit des mesures spécialisées, mais les magistrats eux-mêmes ne le sont pas. Nous avons pourtant souligné dans l'hémicycle l'importance d'avoir des magistrats spécialisés ayant suivi une formation. Les mesures éducatives doivent être accompagnées de tout un dispositif incluant la prise en considération de l'environnement de l'enfant. Or ces mesures ne peuvent pas être prononcées par le tribunal de police tel qu'il est prévu aujourd'hui. D'ailleurs, nous proposons également que les amendes de la première à la quatrième classe soient prononcées par le juge des enfants, ce qui réglerait la situation.

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Avis défavorable. S'il est pertinent de laisser au tribunal de police la possibilité de prononcer les contraventions de la première à la quatrième classe, il ne serait pas raisonnable de ne pas l'autoriser à prononcer des avertissements judiciaires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Bernalicis, tout est dans tout, et réciproquement. On a du mal à vous suivre ; en tout cas, moi, j'en perds mon latin. Vous voulez supprimer la possibilité, pour le tribunal de police, de prononcer un avertissement judiciaire, c'est-à-dire le priver de la possibilité de prononcer une mesure éducative ; vous l'autoriseriez donc seulement à prononcer une peine, ce qui est défavorable pour le mineur. C'est ahurissant. Défavorable.

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C'est la beauté du débat parlementaire : des choses qui peuvent paraître ahurissantes hors contexte prennent une tout autre logique quand on les explique.

Vous n'avez peut-être pas bien entendu la défense de mon amendement, monsieur le garde des sceaux, mais je propose que le tribunal de police ne soit pas non plus compétent pour prononcer les amendes de la première à la quatrième catégorie. L'avertissement judiciaire, pour avoir toute sa portée, doit être prononcé par une juridiction spécialisée, sans quoi il ne sert à rien – ou alors, il est mal fait : or je ne suis pas pour que les choses soient mal faites. Par cohérence, je suis donc défavorable au fait que le tribunal de police puisse prononcer une contravention de la première à la quatrième classe, comme au fait qu'il puisse prononcer un avertissement judiciaire. Vous voyez, monsieur le garde des sceaux, quand on fait un effort, on comprend la logique.

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Comme l'ont dit M. le rapporteur et M. le garde des sceaux, l'avertissement judiciaire est une mesure intéressante dans de nombreux cas, car elle est favorable au mineur. Concernant le tribunal de police – et l'on aura compris qu'il vous intéresse beaucoup, monsieur Bernalicis – , je rappelle qu'une contravention de quatrième classe, c'est une amende de 135 euros. Il faut savoir de quoi on parle : si vous franchissez au volant une ligne continue, votre cas sera traité par le tribunal de police. Or ce n'est pas parce qu'on commet une contravention qu'on a un pied dans la délinquance et qu'il faut déclencher immédiatement un suivi éducatif !

Faisons la part des choses entre les différents parcours : la justice des mineurs est une justice sur mesure qui permet de s'adapter à chacun, et il me semble dans l'intérêt de tous d'en rester à cette répartition. Nous sommes attachés à la spécialisation des juridictions – nous avons même déposé un amendement à ce sujet concernant le juge des libertés et de la détention, sur lequel nous sommes tous tombés d'accord – , mais il faut faire preuve de mesure et même, permettez-moi de le dire, de bon sens.

Mmes Nicole Dubré-Chirat et Catherine Kamowski applaudissent ainsi que M. Rémi Rebeyrotte.

L'amendement no 175 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l'amendement no 415 .

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Je le défends pour ma collègue Agnès Thill ; c'est le même que celui de notre collègue Bernalicis. J'ai du mal à suivre le raisonnement de Mme Louis, qui nous explique un jour qu'il faut spécialiser les juridictions, et le lendemain qu'il ne faut plus les spécialiser.

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Nous ne sommes pas contre la sanction en elle-même. Nous estimons seulement qu'il s'agit d'une justice particulière et qu'il revient au juge des enfants de l'appliquer. Il me semble que nous sommes assez logiques.

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Ce n'est pas tout à fait le même amendement que celui de M. Bernalicis. Nous partageons votre préoccupation, mais il y a un intérêt à maintenir les compétences – au demeurant limitées – du tribunal de police concernant les amendes de première à quatrième classe et l'avertissement judiciaire. Vous le savez, le juge des enfants rencontre actuellement des difficultés pour assurer certains dispositifs ; il faut lui donner la compétence sur les affaires qui nécessitent véritablement son intervention, sans quoi l'on engorgera le tribunal pour enfant. Ce n'est pas ce que nous recherchons. Pour les infractions les moins complexes, il est donc souhaitable de maintenir la compétence du tribunal de police. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

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Dites-le clairement : c'est une question de moyens. Nous le dénonçons depuis le début. Vous n'êtes pas responsable de l'état de la justice depuis vingt ans, mais vous devez maintenant prendre les choses en main. Nous avions dénoncé le fait que le projet de loi de Mme Belloubet n'était pas suffisamment financé. Si les juges des enfants avaient suffisamment de moyens, nous n'en serions pas là. Reconnaissez-le et avançons sur le sujet, au lieu de camoufler le problème. Nous avons la justice la moins financée d'Europe ; il serait temps de se mettre autour de la table pour offrir des moyens à la justice française, et principalement à la justice des mineurs.

L'amendement no 415 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 306 .

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Il vise à compléter l'article L. 111-2 du code de la justice pénale des mineurs concernant l'avertissement judiciaire qui peut être prononcé par le juge des enfants, le tribunal des enfants ou le tribunal de police. J'ai en effet une interrogation. L'article tel qu'il est écrit permet de prononcer cinq, six, dix avertissements judiciaires ; il n'y a pas de limite au nombre d'avertissements prononcés. Certes, l'éducatif doit primer sur le répressif pour les mineurs, mais, lorsqu'on arrive à cinq avertissements, je considère qu'il faut passer à autre chose. C'est l'objet de l'amendement qui propose d'ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Un mineur peut cumuler un nombre maximum de cinq avertissements judiciaires. »

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Avis défavorable. N'indiquons pas au juge le nombre maximal d'avertissements judiciaires qu'il peut prononcer, afin de ne pas limiter sa capacité à statuer en fonction des éléments dont il dispose.

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Faisons-lui confiance : après avoir prononcé un, deux voire trois avertissements judiciaires – ce qui, dans la réalité, n'est jamais le cas – , il passera à autre chose, si je puis m'exprimer ainsi. Il ne me paraît pas pertinent de le restreindre dans son action.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Goulet, même si j'entends vos préoccupations, je pense qu'il faut laisser au juge le soin d'en décider. Vous proposez qu'au-delà de cinq avertissements judiciaires, il soit obligatoire de passer à une sanction d'ordre supérieur. Mais cela reviendrait à remplacer le sixième avertissement judiciaire par une espèce de peine plancher – encore que votre proposition soit de nature un peu différente. L'idée me chagrine.

Je vous demande le retrait, pour laisser le juge disposer de l'éventail d'outils le plus large possible ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement no 306 est retiré.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 145 .

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L'article L. 112-2 du nouveau code de justice pénale des mineurs instaure des mesures – que vous appelez des modules – , en vue de l'accompagnement individualisé du mineur, afin de le remettre dans le droit chemin.

Parmi celles-ci, une, notamment – le couvre-feu applicable aux mineurs – , est de bon sens. Je propose toutefois de ramener son début de vingt-deux heures à vingt heures. C'est une évidence : il ne faut pas permettre à un mineur de traîner dans la rue tard le soir. Cette mesure permettra aux parents ou aux responsables légaux du mineur de le surveiller.

Ma proposition est d'ailleurs en parfaite adéquation avec le couvre-feu que vient d'annoncer le Premier ministre, qui débutera le 15 décembre.

Sourires.

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Évidemment, c'est par plaisanterie que je dis que l'amendement est déjà satisfait.

Plus sérieusement, sous l'impulsion de la présidente de la commission des lois, nous avons déjà fait passer l'heure de début du couvre-feu de vingt-trois heures à vingt-deux heures ; cela me semble suffisamment contraignant. Je rappelle qu'il s'agit d'une mesure éducative et non d'une assignation à résidence. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Effectivement, madame Ménard, nous parlons ici de mesures éducatives. Avec votre proposition, comment ferait-on, pour les activités extrascolaires ? Pour le cours de judo de vingt heures trente ? Et puis, des démarches d'insertion importantes peuvent aussi être prévues à ces heures-là. Je suis donc défavorable à votre amendement.

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Ces mesures d'éducation doivent aussi avoir valeur de sanction, au moins un peu. Si l'on interdit au mineur concerné d'assister au cours de judo de vingt heures trente, il pourra toujours aller à un autre, dans la journée du mercredi ou du samedi. Il faut que la mesure garde un sens !

Monsieur le ministre, quand certains maires ont décrété des couvre-feux pour les mineurs de moins de treize ans, savez-vous qui s'est réjoui ? Les mères, car elles n'ont parfois pas de prise sur leurs gamins.

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Si elles n'ont pas de prise, il ne faut pas qu'elles fassent faire du judo à leur enfant !

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Quand une mesure administrative – ou judiciaire, en l'occurrence – les aide à remplir leur rôle de parent, elles sont ravies. C'est bien là la réalité.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'entends bien que de telles mesures ont été adoptées dans certaines villes, et que certaines mères en ont été contentes. Toutefois, madame Ménard, il vous faut comprendre que la justice des mineurs repose sur l'individualisation. Nous ne pouvons donc pas instaurer le couvre-feu généralisé que vous appelez de vos voeux – si j'ai bien compris.

Je parlais de cours de judos, mais il peut s'agir aussi de démarches d'insertion : la situation dépend de chaque gamin. Ne restreignons donc pas encore les horaires, d'autant plus que nous parlons ici de mesures éducatives.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous répète donc que je suis défavorable à votre amendement.

L'amendement no 145 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 288 .

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Le groupe La France insoumise propose de supprimer les alinéas 25 et 26 de l'article 3, introduits en commission, et qui concernent les fouilles. Ceux-ci permettent « au personnel des établissements relevant du secteur public ou habilité de la protection judiciaire de la jeunesse » d'inspecter les chambres des enfants et de contrôler leurs effets personnels. Pour nous, cette disposition va à rebours de la logique qui doit prévaloir dans ces établissements, où l'éducatif doit primer sur le répressif.

Après l'adoption de l'amendement instaurant cette disposition en commission, nous avons discuté avec les organisations syndicales. Celles-ci avaient obtenu le retrait d'une mesure similaire lors du comité technique ministériel – CTM. Même si, bien sûr, je pense que nos débats et la loi doivent primer sur tout, un tel retrait montre que le Gouvernement était alors plutôt défavorable à cette mesure. C'est en commission qu'il a changé d'avis – puisque le ministre a alors donné un avis favorable à cette mesure. Cela m'étonne.

En permettant de telles fouilles, nous accorderions aux éducateurs de ces établissements les attributions de surveillants d'établissement pénitentiaire. Si je comprends votre logique, je n'y suis absolument pas favorable, puisque les mesures éducatives doivent rester la norme, et que ces fouilles bouleverseraient les rapports entre éducateurs et enfants.

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Je laisserais volontiers Antoine Savignat répondre, puisque cette mesure a été introduite à la suite de l'adoption d'un de ses amendements.

Monsieur Bernalicis, je vous rappelle que le dispositif reprend une demande des éducateurs, qui souhaitent pouvoir éviter l'introduction d'armes ou de stupéfiants dans les établissements. Il sera, de plus, entouré de garanties suffisantes : le mineur sera présent ; le contrôle sera seulement visuel – il ne s'agit pas de fouilles ; enfin, les principes de nécessité et de proportionnalité seront rappelés. C'était un bon amendement de notre collègue Antoine Savignat. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Au secours ! Vraiment, au secours ! Monsieur Bernalicis, quand un gamin entre dans un self, vous ne voulez donc pas permettre aux éducateurs de regarder dans ses effets, pour s'assurer qu'il n'y a pas un couteau, une arme ? D'abord, cette disposition était demandée par les éducateurs eux-mêmes. Je ne vous comprends pas. Vous démontrez que vous êtes complètement hors-sol ! Qu'y a-t-il de gênant à regarder le sac d'un gamin, pour connaître son contenu ? Je ne vois pas. Sans doute que nous ne vivons pas dans le même monde. Au bout d'un moment, c'est désespérant !

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Gardons espoir, monsieur le ministre.

La parole est à M. Ugo Bernalicis.

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Nous sommes d'accord, monsieur le ministre : nous ne vivons pas dans le même monde. Nous n'avons ni le même parcours, ni le même âge ; nous sommes très différents, si bien que nos représentations du monde le sont aussi.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ça, c'est sûr !

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Et puis, vous êtes au Gouvernement alors que je suis dans l'opposition.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Et c'est mieux comme ça !

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Pourtant, il ne s'agit pas ici de mon avis – dont on pourrait se moquer, puisque je ne suis pas grand-chose – , mais de celui des deux organisations syndicales les plus représentatives du secteur, puisqu'elles sont majoritaires à elles deux.

Ces fouilles n'existaient pas jusqu'à présent : pour autant, ces établissements rencontraient-ils des problèmes majeurs ? Étaient-ils à feu et à sang ? Non. Des règlements intérieurs interdisent déjà les objets que vous visez ; quand des éducateurs tombent dessus, des mesures sont prises.

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Si, bien sûr que si. La seule question est donc de savoir s'il faut procéder à des fouilles préalables, à des fouilles a priori.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il s'agit non pas de fouilles, mais d'un contrôle visuel !

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Soit, « des contrôles visuels », si vous voulez être plus précis.

Mais je vous connais, la prochaine fois, vous proposerez des fouilles, pour les mêmes raisons. De texte en texte, c'est comme cela depuis trois ans !

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Non, n'ouvrons pas cette porte, parce que l'éducatif doit primer sur le répressif, y compris dans cette matière. Point.

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Et oui, dans mon monde, ce sera comme cela, monsieur le ministre.

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Monsieur Bernalicis, j'avoue ne pas trop comprendre. Vous avez un enfant en bas âge, je crois ; moi, j'ai une fille de 10 ans. Maintenant qu'elle a un peu grandi, il m'arrive d'entrer dans sa chambre pour regarder ses affaires. Cela me semble cohérent avec son âge.

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Non, c'est la même chose – nous parlons ici d'enfants, dans des centres, qui peuvent être amenés à commettre des bêtises. Les éducateurs doivent pouvoir procéder non pas à une fouille, mais à une inspection. Avec une fouille, on imagine la police retourner toutes les affaires, on pense aux perquisitions – mais vous savez ce que c'est.

Rires.

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Je suis désolé de vous contredire : quand on inspecte la chambre d'un enfant, il s'agit encore d'éducation et non de sanction. Soyez raisonnable ! Dans les colonies de vacances aussi, les éducateurs peuvent inspecter les affaires des enfants – c'est normal, il est dans la logique des choses que ceux-ci fassent des bêtises. Pourquoi, alors, en faire une mesure répressive, nous présenter comme de dangereux dictateurs ? Soyez mesuré ! Vous vous discréditez, alors qu'il vous arrive d'avoir raison, et qu'il m'arrive d'être d'accord avec vous. À force d'outrances, nous n'avons plus envie de vous écouter.

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Je ne vous oblige à rien, monsieur Balanant !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais si, nous sommes obligés de vous écouter, au moins un peu !

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Cette mesure correspond à une demande des professionnels, pour se protéger et protéger les autres mineurs accueillis dans ces centres fermés. Un sac peut tout contenir – une arme, ou des produits stupéfiants. Quand une personne prend un avion, ou entre au Palais-Bourbon, son sac est contrôlé.

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Je parle non pas des sacs des députés, mais de ceux des visiteurs. Il en va de même quand on entre dans un supermarché ou un centre commercial.

De plus, privilégier l'éducatif, c'est aussi faire comprendre aux mineurs que, dans ces centres, il y a une autorité, un règlement, des adultes responsables qui préservent les mineurs présents en s'assurant qu'aucun objet dangereux n'y est introduit.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Très juste !

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M. Savignat vient de présenter de manière extrêmement juste l'intérêt de la mesure.

Quand on parle de justice pénale des mineurs, il faut cesser d'opposer la répression avec l'éducation, puisque la sanction, quand elle est appliquée avec mesure, s'intègre dans un parcours éducatif. De plus, et surtout, il s'agit ici de protéger des mineurs – parfois d'eux-mêmes, puisque certains peuvent se faire du mal – , ainsi que les agents qui travaillent au quotidien avec eux. Il nous appartient de donner aux éducateurs cette possibilité pour leur permettre de bien faire leur travail.

Ce contrôle visuel n'est donc pas une mesure punitive ; il vise à permettre que tout se passe dans les meilleures conditions. Nous avons donc eu raison d'adopter cette bonne proposition de notre collègue Savignat et nous devrions tous en convenir.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mes services me communiquent l'information suivante – à bon entendeur, salut : la semaine dernière, après la disparition d'un gros couteau dans la cuisine d'un self, il a fallu attendre quatre jours pour que les gendarmes mènent une perquisition.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est long, quatre jours !

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On peut en faire, des choses, en quatre jours !

L'amendement no 288 n'est pas adopté.

L'amendement no 362 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 176 portant article additionnel après l'article 3.

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Il est proposé que la dispense de mesure éducative ou la déclaration de réussite éducative ne puissent pas être inscrites au B1 du casier judiciaire du mineur. Vous m'avez expliqué en commission que ces inscriptions étaient positives pour le mineur, et que le bulletin no 1 du casier judiciaire était réservé aux magistrats. Moi, je crois que ce qui est vraiment positif pour le mineur, c'est d'avoir un B1 vierge, et non une inscription prétendument positive. Ce que l'on peut proposer de plus favorable, en cas de réussite éducative, ce serait donc de ne rien inscrire.

Je défends de nouveau cette proposition avec vigueur, d'autant qu'aujourd'hui un tas de choses sont inscrites non seulement au B1 mais aussi au TAJ, le fichier de traitement d'antécédents judiciaires, et qu'il faut se lever tôt pour obtenir leur effacement. Vous me direz qu'il y a des effacements automatiques, mais on a constaté à l'occasion de nombreux contrôles qu'ils n'avaient pas eu lieu. Quant aux effacements à la demande, soit ils prennent un temps certain, soit ils n'aboutissent pas.

Nous avons affaire à des mineurs : il faut, pour certaines matières, qu'il y ait des limites à l'inscription au casier judiciaire.

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J'espère présenter mes arguments avec la même vigueur que M. Bernalicis. L'effacement des mesures de dispense ou des déclarations de réussite éducative est déjà prévu au bout de trois ans par l'article L. 631-3 du code de la justice pénale des mineurs. Nous ne parlons que du bulletin no 1, c'est-à-dire d'une partie du casier judiciaire exclusivement réservée aux magistrats et aux établissements pénitentiaires. Il est important que ces personnes disposent d'un accès à l'historique judiciaire du mineur. En outre, vous l'avez évoqué, il me semble qu'une dispense ou une déclaration de réussite joue plutôt en faveur du mineur. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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Si je ne me trompe pas, pour les cas concernés, la version initiale de l'ordonnance de 1945 ne prévoyait pas d'inscription au B1. Autrement dit, vous proposez d'y inscrire quelque chose qui ne l'était pas. Je le répète : la mesure la plus favorable pour le mineur serait que rien ne soit inscrit au B1. S'il doit un jour se retrouver de nouveau face à un magistrat, cela donne l'assurance qu'il bénéficiera d'un regard neutre.

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Je ne comprends pas votre logique, monsieur Bernalicis. Imaginons qu'une mesure éducative soit prononcée et que l'enfant concerné se soit bien comporté : si aucune trace de cette réussite n'est conservée au B1, et que, malheureusement, quelques mois ou années plus tard, il y a récidive, le juge saura que l'enfant a précédemment été condamné sans être informé qu'il a bien accepté les mesures d'éducation et l'accompagnement. Il risque alors de prononcer une sanction plus sévère, s'il n'est pas persuadé que le mineur acceptera sa peine et saura travailler sur lui-même.

En refusant l'inscription au B1, vous réduisez finalement les chances de l'enfant de poursuivre sa réinsertion et de réussir son parcours. C'est dommage, et j'avoue que j'ai du mal à comprendre le sens de votre amendement au regard de votre philosophie.

L'amendement no 176 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 76 .

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Avant d'en venir à l'amendement, monsieur le président, permettez-moi de dire à Mme Ménard que, lorsqu'un enfant se rend dans un club, qu'il participe à une activité culturelle, qu'il se trouve dans un lieu de socialisation en présence d'encadrants souvent bénévoles, cela aide beaucoup les mères. Il faut qu'ils aient le temps de le faire.

M. Erwan Balanant et M. Bruno Questel applaudissent.

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L'amendement vise à réintroduire l'obligation, supprimée par l'ordonnance du 11 septembre 2019, de convocation du mineur et de ses représentants légaux, dans un délai maximal de cinq jours ouvrables, devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse désigné pour la mise en oeuvre de la décision, car il faut prendre en charge au plus vite le mineur faisant l'objet d'une mesure éducative.

Comme le note l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, « la chancellerie reconnaît ainsi que l'État est dans l'incapacité de tenir ses propres engagements et donc y renonce. Le projet Taubira faisait passer ce délai de 5 à 15 jours ! Le texte Belloubet supprime purement et simplement cette obligation ». « On argumente que le décret d'application reprendrait ce dispositif aujourd'hui législatif », ajoute-t-il, mais, selon lui, cela constituerait bel et bien un recul.

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Avis défavorable. Je l'ai dit en commission : les mesures éducatives sont exécutoires et le mineur ne quitte pas le tribunal sans une convocation. Votre amendement est donc satisfait. Un délai de convocation sera prévu dans la partie réglementaire du code. Ce délai qui existait auparavant ne permettait pas, pour autant, de réduire les délais de prise en charge. Seuls des moyens accrus permettront de résoudre cette difficulté, et il me semble le Gouvernement a consenti des efforts importants en ce sens.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable. L'amendement me paraît satisfait.

L'amendement no 76 n'est pas adopté.

L'amendement no 55 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 177 .

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Il vise à supprimer les interdictions de paraître et d'entrer en contact, avec la victime ou les coauteurs ou complices, de la liste des mesures éducatives judiciaires, car ces interdictions s'apparentent selon nous à des mesures de sûreté qui ne devraient être prononcées que dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Les uns et les autres parlaient de multiples risques de confusion tout à l'heure : il y a totale confusion en l'espèce lorsque l'on range des mesures de sûreté parmi des mesures éducatives, où elles n'ont en aucun cas à se retrouver.

Rien n'empêche de toute façon le magistrat, lorsqu'il discute avec un jeune de mesures éducatives, de lui dire qu'il ne veut pas qu'il se rende ici ou là, ou qu'il rencontre un tel. C'est déjà ce qui se fait, et le juge ne passe à une véritable mesure de contrôle judiciaire que si ses consignes ne sont pas respectées. Si vous laissez ce genre de dispositions dans une liste de mesures éducatives et que les enfreindre n'emporte pas de conséquences, vous créez une confusion avec le véritable contrôle judiciaire.

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Avis défavorable. La possibilité de prononcer une interdiction de paraître ou d'entrer en contact avec la victime dans le cadre d'une mesure éducative est pertinente, car elle permet de protéger les victimes sans prononcer une peine ou un contrôle judiciaire à l'encontre du mineur auteur de l'infraction. Cher collègue, votre amendement est contre-productif : il va inciter à prononcer des contrôles judiciaires ou des peines.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

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C'est tout à fait ce que je disais, monsieur le rapporteur. Vous allez dans mon sens : vous créez une confusion entre ce qui relève du contrôle judiciaire, avec tout ce que cela implique, et les mesures éducatives. Je suis opposé à cette confusion. Si vous souhaitez une véritable interdiction, il est préférable de demander que soit prononcé un contrôle judiciaire.

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Vous êtes défavorable à la justice pénale !

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Si l'on en reste à de l'éducatif, le magistrat peut dire les choses à l'enfant au cours de la discussion durant laquelle il fixe ses obligations. Les magistrats m'expliquent en tout cas que c'est ce qu'ils font aujourd'hui. Cela pose-t-il un problème majeur ? Non ! Si les consignes ne sont pas respectées, le magistrat dispose d'éléments pour une réponse graduée : il peut passer à quelque chose qui n'a rien à voir, au contrôle judiciaire, avec tout ce qu'il représente, mais il doit conserver toute sa valeur spécifique.

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Les interdictions font aussi partie de l'éducation. En l'espèce, elles visent également à protéger d'éventuelles victimes et à éviter que le mineur ne retrouve des personnes qui ont sur lui une mauvaise influence. Avec ces mesures, nous sommes donc au coeur de l'éducatif, même si elles peuvent aussi s'appliquer dans le cadre du contrôle judiciaire, mais avec d'autres buts.

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Ces interdictions, il faut pouvoir les sanctionner. Cela fait partie du processus éducatif. Monsieur Bernalicis, il ne suffit pas que le juge dise à un mineur qui a emprunté un parcours de délinquance qu'il serait bien qu'il n'aille pas à tel endroit. Dans la réalité, cela ne marche pas comme cela. Parfois, ça ne fonctionne pas s'il n'y a pas de sanction. Il ne faut pas avoir peur de la sanction ; elle fait partie du processus éducatif.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

L'amendement no 177 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 143 .

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Il vise à interdire au mineur sous mesures éducatives judiciaires non seulement d'entrer en contact avec la victime, mais également d'entreprendre toute démarche dont la finalité viendrait à aboutir à un contact avec cette victime. Il s'agit de sanctionner la tentative d'entrer en contact au même titre que le contact effectif.

L'amendement no 143 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 144 .

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Selon les infractions et le dommage causé à la victime, dans le but de la protéger, il peut être utile de prévoir que les personnes responsables puissent être mises à distance.

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Avis défavorable. Vous souhaitez que l'interdiction d'entrer en contact avec la victime ou les coauteurs ou complices pour une durée d'un an au maximum puisse valoir pour « un an ou plus ». Cela reviendrait à ne fixer aucune limite dans le temps, ce qui poserait des problèmes

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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L'interdiction serait en tout état de cause limitée par la durée de la sanction. C'est logique.

L'amendement no 144 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 147 .

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Le 5o de l'article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs prévoit « une interdiction de paraître pour une durée qui ne saurait excéder un an, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par la juridiction, à l'exception des lieux dans lesquels le mineur réside habituellement ». Cette interdiction ne peut pas s'appliquer aux mineurs de moins de 10 ans. On ne comprend pas bien pourquoi, si cela se révèle pertinent.

Le 9o du même article prévoit « l'obligation de suivre un stage de formation civique, d'une durée qui ne peut excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi ». De la même façon, la disposition ne s'applique pas aux mineurs de moins de 10 ans. Là encore, en fonction de la gravité de la faute commise, il me semble tout à fait possible d'adapter le stage de formation civique à l'âge de l'enfant. Les stages doivent évidemment avoir des objets différents selon que l'enfant est âgé de 8 ou 15 ans. Il serait à mon avis regrettable de se priver d'une telle mesure, surtout si elle est efficace.

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Madame Ménard, nous parlons de mineurs de moins de 10 ans. De toute façon, ils ne seraient pas tenus pour pénalement responsables. Je ne suis pas sûr qu'un enfant de moins de 10 ans puisse vraiment comprendre ce que l'interdiction de paraître peut recouvrir. Mon avis est très défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Ménard, il ne faut pas exagérer ! Franchement, de qui parle-t-on ? De mineurs de moins de 10 ans… J'ai évoqué devant Mme Le Pen les personnes âgées de 7 à 77 ans. Cela vous fait sourire… Nous y sommes, à deux ans près. Tout ce qui est excessif est insignifiant, vous le savez parfaitement !

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Je vous parle d'un stage de formation civique, qui peut évidemment être adapté à l'âge de l'enfant…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non !

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Si ! Je n'ai pas d'idée de ce que peut être une sanction adaptée mais, quand j'étais à l'école primaire, on gardait – pendant la récréation – les enfants qui faisaient des bêtises pour la corvée de nettoyage du tableau : c'était parfaitement adapté à leur âge ! Si la famille est défaillante, la justice peut adapter les mesures d'éducation, en prenant l'âge de l'enfant en considération, pourquoi se l'interdire ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Ménard, vous savez que vous avez été excessive, alors vous décidez de nous parler d'un tableau à effacer… Pardonnez-moi, mais votre amendement concerne une interdiction de paraître pour un enfant de 9 ans ! Il ne s'agit pas d'effacer la craie sur un tableau !

L'amendement no 147 n'est pas adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :

Suite de la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l'Assemblée nationale

Serge Ezdra