Séance en hémicycle du mercredi 10 février 2021 à 21h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • génocide
  • haine
  • internet

La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures.

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).

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Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 870 à l'article 18.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 870 .

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Cet amendement pose la question suivante : faut-il différencier les sanctions selon que les victimes sont mineures ou majeures ? Nous avons adopté en commission un dernier alinéa concernant les faits commis à l'encontre d'une personne mineure, pour lesquels la peine encourue a été fixée au même niveau que celle encourue pour des faits commis à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, telle que prévue à l'alinéa 3 du futur article 223-1-1 du code pénal. Pour ma part, je ne pense pas qu'il faille différencier les peines et porter les mineurs au niveau des détenteurs de l'autorité publique. Je ne trouve pas cela très cohérent et suis donc favorable à la suppression du dernier alinéa de l'article 18.

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La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre IV du titre Ier, pour donner l'avis de la commission.

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Ne prenons pas cette habitude, monsieur de Courson : vous n'avez pas défendu le bon amendement ! Et je ne le défendrai pas à votre place, n'est-ce pas ?

Sourires sur les bancs du groupe LaREM.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela ne change pas grand-chose car le Gouvernement est également défavorable à vos autres amendements, monsieur de Courson !

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

L'amendement no 870 n'est pas adopté.

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L'amendement no 2501 de Mme Laetitia Avia, rapporteure, est rédactionnel.

L'amendement no 2501 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2110 et 2502 .

La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 2110 .

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Je profite de l'occasion pour souligner un problème de rédaction de l'alinéa, qui vise les faits « commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou des titulaires » : il serait en effet plus clair d'indiquer « ou titulaire ». Nous proposons ensuite de préciser que le mandat électif est, afin de désigner clairement les personnes concernées, notamment les parlementaires et les élus locaux qui doivent ainsi être protégés.

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La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2502 .

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Il a été très bien défendu par notre collègue Pierre-Yves Bournazel. Quant au souci rédactionnel évoqué, nous venons de le corriger, avec l'amendement précédent.

Les amendements identiques nos 2110 et 2502 , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 875 .

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Je l'ai déjà défendu et je connais déjà l'avis du ministre et de la rapporteure : tout va bien ! Plus sérieusement, comment justifier une majoration aussi forte des peines dans le cas où les faits sont commis à l'encontre d'un mineur ? Je ne comprends pas que l'on mette ces derniers au même niveau que les élus et les détenteurs de l'autorité publique visés par l'avant-dernier alinéa, avec une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. L'alignement des deux cas de figure ne me paraît pas convenable.

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Vous avez présenté, cher collègue, deux amendements de suppression d'alinéas. Le premier vise à supprimer la circonstance aggravante lorsque les faits sont commis à l'encontre d'élus ou d'agents publics. Le second, celui-ci, demande également la suppression de la circonstance aggravante, lorsque les victimes sont mineures cette fois.

Lors de la constitution d'un nouveau délit, il convient d'observer les catégories de personnes qui en sont plus particulièrement la cible. Plus celles-ci sont vulnérables, plus il est nécessaire de les protéger. C'est la raison pour laquelle nous avons identifié plusieurs publics cibles : les agents publics, les élus et les mineurs – ces deux dernières catégories ayant été ajoutées par des amendements adoptés par la commission spéciale. Ces publics sont en effet plus particulièrement la cible des pratiques dites de doxing – ou divulgation des données personnelles. Avis défavorable.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Les réseaux sociaux sont utilisés par beaucoup de jeunes, voire de très jeunes gens. Comme Mme la rapporteure vient de vous le rappeler, ils sont souvent la cible des pratiques visées par cet article. Les conséquences de ces actes sont dramatiques, conduisant parfois des mineurs au suicide, ne l'oublions pas. Il va de soi que ce texte doit protéger les élus bien sûr, mais aussi les personnes les plus fragiles, dont font partie les mineurs. Avis totalement défavorable !

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Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à mon objection. Vous traitez les mineurs comme les élus du peuple.

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Mais si ! Je vous rappelle que la sanction s'élève à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis à l'encontre d'un détenteur de l'autorité publique ou d'un mandat électif, et qu'elle est identique lorsque les victimes sont mineures. Ce n'est pas cohérent ! Prévoyez une sanction intermédiaire entre les faits commis à l'encontre des élus et ceux relevant du droit commun, mais n'alignez pas les mineurs sur les élus !

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Il ne s'agit pas de cela, mais de distinguer les mineurs des majeurs !

L'amendement no 875 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de quatre amendements, nos 1021 , 747 , 748 et 2128 , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 1021 de M. Julien Ravier est défendu.

La parole est à M. Robin Reda, pour soutenir les amendements nos 747 et 748 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Comme M. le garde des sceaux et Mme la rapporteure viennent de l'indiquer, il est particulièrement important de protéger les publics les plus vulnérables. Ces deux amendements ont pour but de renforcer les sanctions lorsque les personnes exposées sont en situation de handicap ou particulièrement dépendantes, pour ne pas ajouter de l'indignité à l'insupportable.

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L'amendement no 2128 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.

Sur l'article 18, je suis saisi par le groupe Libertés et territoires d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

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Je suis très sensible à ces quatre amendements. Ils sont rédigés différemment mais ont tous pour objectif d'intégrer, parmi les motifs de circonstances aggravantes, le fait que les actes sont commis à l'encontre de personnes vulnérables et handicapées. Si quatre rédactions différentes ont été proposées, c'est parce qu'elles cherchent toutes à désigner spécifiquement ce public. Malheureusement, aucune d'entre elles ne correspond à la rédaction du code pénal. Je ne vous cache pas que j'ai cherché à sous-amender les amendements proposés, mais les modifications auraient été trop substantielles pour faire l'objet de sous-amendements et permettre leur adoption.

Je vous invite donc à retirer ces amendements et à travailler avec les rapporteurs du Sénat. Cela me semble d'autant plus envisageable que les signataires sont principalement issus du groupe Les Républicains et qu'ils pourront travailler avec la majorité au Sénat – de concert avec Mme Ménard, qui me fait signe ! – pour aboutir à une rédaction plus proche de celle qui est habituellement employée pour désigner les personnes handicapées lorsque les faits commis à leur encontre font l'objet de circonstances aggravantes. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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Madame la rapporteure, soyez cohérente : acceptez ces amendements, qui seront modifiés au Sénat, plutôt que de les rejeter en bloc. Vous indiquerez ainsi au Sénat que vous approuvez l'intégration du handicap de la victime comme circonstance aggravante, et c'est ensuite le Sénat qui améliorera la rédaction. Mais ne dites pas que vous êtes défavorable à ces amendements parce que leur rédaction pose problème : sur le fond, ils sont tout à fait valables.

Les amendements nos 1021 , 747 , 748 et 2128 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement no 749 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir les amendements nos 1898 et 1895 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Je ne reviendrai pas sur l'essentiel de l'amendement no 1898 , qui rejoint les amendements défendus précédemment par M. Reda. Il s'agit d'ajouter des circonstances aggravantes lorsque les victimes sont des personnes vulnérables, ainsi que lorsqu'elles font l'objet d'une ordonnance de protection.

L'amendement no 1895 m'a été largement inspiré par ce qui est arrivé récemment à l'une de mes amies, Zineb El Rhazoui, qui a souvent été citée depuis quelques jours dans cet hémicycle. Mme El Rhazoui se trouve sous protection policière parce qu'elle fait l'objet de menaces de mort depuis l'attentat contre Charlie Hebdo en 2015. Un individu a cru bon de révéler sur les réseaux sociaux un certain nombre de données personnelles, exactes ou erronées, la concernant. Or la révélation de données – notamment l'adresse de son domicile, éventuellement celle de son lieu de travail ou de celui de son conjoint – relatives à la vie personnelle d'une femme sous protection policière et surveillée en permanence par des officiers de sécurité constitue immanquablement une mise en danger : c'est quasiment une condamnation à mort que l'on édicte lorsque l'on révèle ce genre de données au sujet d'une personne qui fait déjà l'objet de menaces de mort.

Il me semblerait logique que soit considéré comme une circonstance aggravante le fait que la personne au sujet de laquelle des données ont été révélées soit placée sous protection policière et, de ce fait, déjà privée de liberté – sachant que la révélation de données personnelles conduit à l'en priver encore davantage. Je demande donc que l'on retienne des circonstances aggravantes lorsque les données révélées concernent une personne placée sous protection policière ou judiciaire.

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Je comprends la situation que vous évoquez. Je souhaite dire tout d'abord qu'avec l'article 18 tel que nous le voterons, je l'espère, dans quelques minutes, la situation de Mme El Rhazoui aurait pu être mieux appréhendée et que le jugement rendu dans l'affaire la concernant aurait pu donner lieu à une condamnation plus satisfaisante. Depuis quelques heures, nous parlons d'un trou dans la raquette ; or dans le cas précis de cette femme qui se trouve dans une situation particulièrement difficile, la donne aurait pu être différente.

Vous proposez de retenir une circonstance aggravante lorsque la victime fait l'objet d'une protection rapprochée. La difficulté tient au fait que cette notion n'existe pas juridiquement. La protection rapprochée dont bénéficie Mme El Rhazoui correspond exactement, sur le plan juridique, à celle dont bénéfice une personnalité publique se déplaçant avec des gardes du corps, ou encore à la situation dans laquelle vous vous trouvez vous-même lorsque des officiers assurent votre protection pendant une réunion publique. Juridiquement, on ne parvient pas à distinguer ces situations. Or il faut veiller à cibler exactement les situations que nous souhaitons viser. La notion de protection rapprochée n'existant pas sur le plan juridique, il n'est malheureusement pas possible de voter cet amendement et d'ajouter la circonstance aggravante qu'il propose. Mais réjouissons-nous d'avoir trouvé le moyen de répondre à la détresse et aux nombreuses protestations qui ont fait suite à la décision de justice concernant l'affaire dont Mme El Rhazoui a été victime, qui a surpris un grand nombre de personnes. Nous allons pouvoir avancer réellement et changer la donne dans ce domaine. Demande de retrait ou avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout comme la distinction entre les personnes majeures et mineures est classique en droit français, celle entre les citoyens ordinaires – cette expression n'a rien de péjoratif dans ma bouche – et les élus, les dépositaires de l'autorité publique, est communément admise. Cela dit, il ne paraît pas souhaitable de démultiplier les circonstances aggravantes comme le propose votre amendement. Sur ce point, je suis d'accord avec Mme la rapporteure pour estimer qu'il est difficile de situer la limite entre les personnes qui auraient vocation à bénéficier de cet amendement et les autres : par exemple, incluriez-vous dans les premières une star de cinéma bénéficiant d'une protection ? Si vous évoquez un cas particulier très problématique, et qui ne peut nous laisser insensibles, on ne peut élargir les circonstances aggravantes comme vous le proposez. Pour des raisons à la fois techniques et juridiques, je suis opposé à cet amendement, même si j'en comprends parfaitement le sens.

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Je suis rassuré par ce qui vient d'être dit, à savoir que les actes de ce type ne resteront plus impunis, car ils ont des conséquences extrêmement graves : une fois que les données personnelles sont révélées, l'intimité de la personne est dévoilée et on ne peut revenir pas en arrière, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est vrai !

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… ce qui justifie que celui qui commet cette infraction soit condamné. Je prends bonne note des propos de Mme la rapporteure et de M. le ministre, et je retire mes deux amendements.

Les amendements nos 1898 et 1895 sont retirés.

L'amendement no 2134 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 116

Nombre de suffrages exprimés 107

Majorité absolue 54

Pour l'adoption 97

Contre 10

L'article 18, amendé, est adopté.

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La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 2092 .

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Par cet amendement, le groupe Agir ensemble souhaite permettre aux juges d'ordonner, à titre de peine complémentaire, la diffusion de la condamnation d'une personne reconnue coupable de faits de provocation à la commission d'un crime ou d'un délit. Il s'agit notamment de permettre aux juges d'ordonner cette obligation de diffusion d'une condamnation pour incitation à la haine sur les chaînes de télévision qui emploieront ou inviteront une personne condamnée, jusqu'à deux mois après sa condamnation.

En effet, alors que le renforcement des principes républicains exige de lutter contre les appels à la haine, il importe que les téléspectateurs et les auditeurs puissent avoir connaissance des condamnations prononcées contre des personnalités invitées ou employées par des chaînes de télévision.

Est-il en effet possible, à un an de l'élection présidentielle, de voir chaque jour à la télévision ou d'entendre à la radio des personnalités – je n'en cite aucune, bien sûr…

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… ayant été traînées à plusieurs reprises devant les tribunaux pour incitation à la haine et ayant été définitivement condamnées à ce titre ? Est-il normal de les laisser s'exprimer ainsi, impunément ?

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Cher collègue, vous savez que j'adhère philosophiquement à votre position et à votre amendement : il est effectivement permis de se demander pourquoi le dispositif existant pour la presse et pour les communications électroniques ne pourrait pas être étendu à la communication audiovisuelle, c'est-à-dire à la télévision. Cela dit, sur ces sujets extrêmement sensibles qui touchent à la liberté d'expression et à la régulation de l'audiovisuel, il est nécessaire d'évaluer deux choses. Il s'agit tout d'abord d'objectiver les faits, ainsi que la nécessité et le caractère opérationnel sur le plan technique des mesures que l'on souhaite prendre. Dans un second temps, il faut mettre autour d'une table tous les acteurs concernés, et les accompagner dans la recherche de solutions. C'est ce que nous avons fait à l'article 18, mais aussi à l'article 20, pour lequel le garde des sceaux a consulté les différents organes de presse, et aux articles 19 et 19 bis, pour lesquels nous avons largement consulté les acteurs du numérique pour voir ce qui pouvait être fait sur les plans opérationnel, technique et juridique.

Pour ce qui est de l'audiovisuel, je ne voudrais pas qu'on puisse nous reprocher de prendre une mesure aussi lourde de conséquences que celle-ci alors que nous n'avons pas organisé la moindre audition sur le sujet et que nous n'avons pas consulté les acteurs concernés. Je vous le répète, cette proposition est intéressante sur le plan philosophique, mais n'ayant pas pu examiner votre proposition de manière approfondie, je ne suis même pas en mesure de vous dire si sa rédaction est opérationnelle. Cela dit, si vous le souhaitez, je me tiens à votre disposition pour un travail en commun sur ce point.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement partage la position que vient d'exprimer Mme la rapporteure. En effet, cet amendement aurait pour effet de créer une charge pour toutes les chaînes de télévision qui inviteraient une personne précédemment condamnée – et franchement, cela me gêne.

Par ailleurs, cette proposition revient à créer une forme de responsabilité du fait d'autrui, en obligeant la chaîne concernée à supporter un préjudice à raison d'un fait qu'elle n'a pas commis – à moins de considérer qu'inviter une personne condamnée est en soi une faute justifiant une sanction, mais ce n'est pas l'état du droit.

Pour le reste, j'estime, comme Mme la rapporteure, que, si nous pouvons travailler sur ces questions pour l'avenir, cette proposition ne saurait être adoptée en l'état. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement, même s'il en comprend le sens – mais j'ai eu beau chercher qui vous pouviez bien viser au travers de cet amendement, franchement je n'ai pas trouvé, monsieur le député !

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Je voudrais juste ajouter un argument en faveur de mon amendement. Je comprends que l'affichage par une chaîne de télévision d'une bannière mentionnant la condamnation de l'un de ses salariés pour provocation à la haine ou incitation à la haine religieuse, par exemple, puisse avoir un coût constituant un dommage collatéral pour cette chaîne, puisque ce coût résulte d'un fait qu'elle n'a pas elle-même commis.

Cela dit, par une décision du 7 mai 2009, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré coupable du délit de provocation publique à la discrimination raciale, en qualité d'auteur principal, le directeur de publication d'une chaîne de télévision, en raison des propos tenus par un invité, lui-même condamné en qualité de complice. Dans ce cas, il est normal que le coût financier résultant de la diffusion de la bannière soit à la charge de la chaîne de télévision qui fait le choix d'employer une personne condamnée pour des propos incitant à la haine – a fortiori s'il y a récidive, ce qui est le cas de la personne à laquelle nous pensons tous.

Je vais maintenir ce qui me paraît être un amendement de bon sens. Vous savez que ce n'est pas mon habitude avec vous, monsieur le ministre, mais je tiens beaucoup à cet amendement car la situation me semble insupportable. C'est la même chose tous les soirs ! La semaine dernière, à peine avais-je allumé la télévision sur la chaîne à laquelle je pense que défilaient déjà tous les mots-clés de la haine et du racisme ordinaire… J'ai tenu deux minutes avant d'éteindre !

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LaREM

Ah non !

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… qui nous paraît de bon sens. De la même manière que les dirigeants d'une association sont responsables des faits commis par l'un de ses membres, on doit pouvoir envisager une forme de responsabilité de la chaîne de télévision qui invite ou emploie des gens qui font commerce de la haine, qui s'autoproclament professeurs de vertu alors qu'ils ont été condamnés pour ce motif, et qu'on est obligé de subir tous les jours. Ce ne serait pas une mauvaise chose qu'il y ait un peu de symétrie dans ce que l'on exige en termes de respect des principes de la République.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

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Je soutiens évidemment cet amendement déposé par M. El Guerrab et les membres du groupe Agir ensemble, car les arguments de la rapporteure et du ministre ne m'ont pas vraiment convaincu. Monsieur le ministre, j'entends bien la difficulté qu'il y a à considérer qu'une chaîne de télévision peut être responsable pour autrui. Cependant, il me semble qu'en permettant la diffusion de certaines images, une chaîne engage bien sa responsabilité, a fortiori quand elle invite à plusieurs reprises une personne ayant été condamnée pour avoir tenu des propos constituant une incitation à la haine raciale – j'appelle votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas de n'importe quelle infraction.

J'estime que, dans le cadre d'un texte ayant vocation à combattre les personnes s'exprimant contre les valeurs de la République, notamment par le biais de l'islamisme radical, il n'y a pas de raison objective pour que l'on ne fasse pas également en sorte de combattre la haine raciale, qui constitue un comportement fondamentalement opposé aux valeurs de la République.

Quant à vous, madame la rapporteure, contrairement à M. le ministre, vous dites être favorable sur le fond au principe de cet amendement…

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… mais vous estimez ne pouvoir vous prononcer sur l'opportunité de l'adopter, parce que vous n'avez pas été en mesure de mener des auditions et d'organiser des concertations avec les chaînes de télévision. Or c'est l'occasion ou jamais d'adopter une telle disposition car, disons-le franchement, il n'y aura pas dans les mois qui viennent d'autres textes susceptibles de nous permettre d'effectuer le travail auquel vous faites allusion.

Mes chers collègues, quand une personne condamnée pour avoir tenu des propos incitant à la haine raciale est invitée sur une chaîne de télévision dans les deux mois qui suivent sa condamnation – j'insiste sur ce délai de deux mois : la mesure proposée n'a pas vocation à s'appliquer ad vitam aeternam – , il me semble normal que la chaîne concernée signale aux téléspectateurs que ladite personne a été condamnée pour des propos incitant à la haine raciale. Une telle mesure me semble équilibrée et tout à fait conforme à l'objectif poursuivi par cette loi, à savoir renforcer les principes de la République.

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.

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Je veux d'abord dire à quel point je regrette que, sur un tel débat, on ait décidé d'appliquer la procédure du temps partagé…

Rires sur plusieurs bancs.

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… du temps programmé, voulais-je dire, qui nous empêche d'argumenter dans le détail comme il conviendrait de le faire. Je comprends que ce ne soit pas gênant pour ceux qui n'en subissent pas les effets, mais c'est vraiment un problème que toutes les opinions ne puissent s'exprimer.

Pour ce qui est de cet amendement, je le soutiens. On nous dit qu'il n'est pas parfait, ce qui est peut-être vrai mais, dans ce cas, il faut y voir un amendement d'appel dont la rédaction pourrait être revue avant la deuxième lecture. En tout état de cause, il a le mérite de mettre en évidence un réel problème : les propos insupportables qu'il vise – je pense notamment aux arguments suprématistes et néonazis – , qui ne pouvaient autrefois être tenus que dans le secret des arrière-salles, peuvent désormais l'être quotidiennement devant des centaines de milliers de téléspectateurs, ce qui n'a pas seulement des incidences sur les idées, mais aussi des incidences concrètes. Je rappelle en effet que l'extrême droite pratique aussi le terrorisme et qu'il arrive à certains de ses adeptes de tenter un putsch, comme on a pu le voir récemment aux États-Unis. Pour toutes ces raisons, je trouve que c'est une bonne chose que d'alerter sur cette question. Peut-être faut-il revoir la rédaction de cet amendement afin qu'il soit plus adapté au texte que nous examinons, mais, en tout état de cause, je le soutiens.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Agir ens.

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Philosophiquement, je partage la position exprimée par l'auteur de cet amendement. Cela dit, méfiez-vous, mes chers collègues ! J'imagine que nous pensons tous au même individu, qui officie régulièrement sur les chaînes d'info, et j'estime que ce serait lui faire un trop grand honneur que de le condamner ici.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Absolument !

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Il ne manquerait pas de faire des gorges chaudes d'avoir été honni par les élites du pays, et vous lui donneriez ainsi une tribune qu'il ne mérite pas. Que l'on saisisse le CSA – Conseil supérieur de l'audiovisuel – chaque fois que ce monsieur se rend coupable de débordements et qu'il soit condamné pour cela, c'est très bien…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà !

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… mais en attendant de trouver peut-être un jour une écriture plus adaptée pour régler le problème évoqué, méfiez-vous de l'effet boomerang de cet amendement !

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

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Cela vaut tout autant pour d'autres aspects de ce projet de loi !

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Nous venons de passer beaucoup de temps sur l'article 18, à discuter d'une infraction difficile à qualifier et à caractériser. En l'occurrence, il ne s'agit plus de chercher s'il existe ou non une intention malveillante, puisque cet amendement concerne des faits déjà condamnés, auxquels nous demandons simplement qu'il soit fait référence, ce qui manifestement vous paraît compliqué.

Or, les personnes régulièrement invitées sur des chaînes de télévision après avoir été condamnées pour les délits dont nous parlons contribuent à nourrir la haine. Il ne s'agit pas ici de liberté d'opinion ou de la liberté d'expression ; l'amendement de notre collègue fait référence à une personne déjà condamnée. Je veux bien qu'on parle d'un effet boomerang, mais dans ce cas, on ne doit plus condamner personne, ce qui est paradoxal !

Ensuite, vous nous dites qu'il n'y a pas eu de concertation avec les acteurs de l'audiovisuel. En revanche, sur l'article 19 bis, qui fait dix pages et ressemble à une proposition de loi, vous allez nous dire que vous avez fait de la concertation, alors qu'un Digital Services Act va être voté au niveau européen ! Vos arguments ne sont pas les bons ; même s'il faut réécrire cet amendement, ce serait bien qu'on puisse le faire dans le cadre de ce projet de loi.

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Nous comprenons très bien la philosophie de votre amendement ; nous comprenons aussi pourquoi et pour qui vous le défendez. Mais le fait de ne pas avoir consulté les acteurs concernés, les charges supplémentaires que cela pourrait induire pour les chaînes et la tribune qui serait ainsi allouée aux personnes ayant fait l'objet d'une condamnation, font que, en attendant une meilleure rédaction, nous voterons contre cet amendement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bravo !

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Vous savez à quel point nous sommes profondément attachés aux libertés fondamentales, nous l'avons rappelé notamment face à votre volonté de graver dans le marbre de la démocratie l'état d'urgence permanent.

La liberté d'expression est une liberté fondamentale. Cependant, l'incitation à la haine raciale et la provocation raciste ne relèvent pas de la liberté d'expression, ce sont des délits.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous sommes d'accord.

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La loi Pleven, la loi Gayssot, la Convention internationale du 21 décembre 1965… tous ces textes légitiment le fait que nous ne tolérions pas ces délits, …

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… encore moins quand celui qui s'y livre a quotidiennement feu vert sur les ondes pour le faire. Je souscris donc à l'amendement Zemmour…

« Ah » sur de nombreux bancs

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il va être content, vous lui faites un beau cadeau !

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… et je voterai cet amendement. Je me souviens d'où je viens et je sais à qui l'on doit de vivre dans un pays de liberté.

Rires sur plusieurs bancs LaREM.

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Non. À ceux qui, dans le sang et les larmes, ont résisté ! À ceux qui ont tiré, y compris de l'horreur des camps de concentration, l'énergie pour construire le programme du Conseil national de la Résistance. À ceux qui ont fait du devoir de mémoire le chemin de leur vie.

Protestations sur les bancs du groupe LaREM.

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Ce sont nos grands-parents autant que les vôtres ! Ça suffit, monsieur Jumel !

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Je ne dis pas que vos grands-parents… non, je ne donne pas de leçon. Je dis que notre chemin, c'est celui-ci et que nous voterons cet amendement.

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Mes chers collègues, je regrette que certains d'entre vous, intervenant en soutien à cet amendement, aient dit qu'ils avaient l'intention de le voter en pensant à une personne en particulier.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis bien d'accord !

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Dans cet hémicycle, nous ne votons pas de loi ad personam.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Mêmes mouvements.

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Nous ne prétendons pas faire montre d'une grande vertu générale, de grands principes, pour viser une seule personne, pour museler Éric Zemmour, disons-le.

Quand Éric Zemmour s'exprime, il est, comme toute personne, responsable de son expression devant les tribunaux. C'est la règle. Ne cherchons pas ici, de manière contournée, à faire semblant de modifier la loi générale pour prétendre régler des situations personnelles et individuelles.

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Essayons modestement de respecter les principes généraux dont nous disons si souvent être les défenseurs.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bravo !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pardon, monsieur le député, mais vous avez fait un extraordinaire cadeau à celui que vous avez cité. Il n'attendait que cela ! Il est aujourd'hui le martyr d'un Parlement qui veut absolument lui nuire ! Il vendait 350 000 exemplaires, il en vendra 600 000 grâce à vous. Voilà la réalité !

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous avez raison, la loi ne peut pas viser un individu, même si on pense sans doute la même chose de ce qu'il a pu écrire.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

De surcroît, il y a le CSA et l'article 131-10 du code de procédure pénale, qui prévoit déjà la diffusion dans la presse écrite ou sur internet, aux frais du condamné, de la décision de condamnation. J'ajoute que, chaque fois qu'il a dérapé, il a été poursuivi et condamné. Doit-on faire une loi spécialement pour lui ? Il en serait mille fois trop heureux !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, avis défavorable.

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Je souscris aux propos de Guillaume Larrivé et à ceux de M. le garde des sceaux. Vous avez raison, il ne faut surtout pas légiférer en fonction des personnes. En revanche, il serait préjudiciable de ne pas légiférer sur des thématiques qui posent un problème d'ordre général. Or nous faisons référence à des gens qui ont été condamnés définitivement pour des propos incitant à la haine raciale. À partir du moment où une condamnation a été prononcée, il serait regrettable, dans l'absolu, que le couperet donne le sentiment de tomber toujours du même côté ! La juridicité, la dureté de certaines peines entendues d'un côté, doivent pouvoir s'entendre de l'autre.

À partir du moment où l'on fait référence à une personne condamnée, ce n'est pas lui faire outrage que de diffuser l'information, au moyen d'un bandeau défilant indiquant qu'elle a été condamnée définitivement pour des actes de haine raciale.

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En un mot, puisque j'ai été journaliste, je ne soutiendrai pas votre amendement, qui jette le discrédit sur toute la profession. En revanche, quand s'attaquera-t-on au mal profond qui ronge bien plus sûrement que tout le reste nos principes républicains ? À quel moment réussira-t-on à travailler sur le fond ? À quel moment nous attaquerons-nous aussi à ceux qui dévoient le journalisme ?

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Il suffit que mon collègue Sébastien Jumel évoque le nom qui…

Rires sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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… depuis quelques instants est sur toutes les lèvres, pour que la fausse pudeur « républicaine » de toute une assemblée, qui d'ordinaire est prompte à refuser aux journalistes le droit de revendiquer leur liberté d'expression, …

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… nous dénie le droit, sur un ton inacceptable – je dis bien inacceptable – de soulever la question d'un condamné pour propos haineux ;

M. Philippe Vigier imite les intonations de M. Hubert Wulfranc. – Rires diffus sur plusieurs bancs

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c'est-à-dire le droit d'interpeller l'ensemble des citoyens sur les dangers relatifs aux appels à la haine. Autant notre débat était jusqu'à présent resté correct, autant, monsieur le ministre, votre comportement lors de votre réponse à mon collègue Sébastien Jumel était inacceptable.

Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

Rappel au règlement

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La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.

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Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1. Si vous avez fait un trop bon repas et que vous avez du mal à digérer, sortez, reposez-vous et restez tranquilles !

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Mais que les accents populaires d'Hubert Wulfranc provoquent l'hilarité, la moquerie, le mépris de classe, ça suffit !

Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et Dem.

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Ça suffit ! Nous devons pouvoir développer dans cet hémicycle des propos contradictoires !

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Je demande une suspension de séance, parce que les propos que j'entends dans les travées à l'égard de l'accent populaire de Saint-Étienne-du-Rouvray de mon collègue Wulfranc sont inacceptables ! Scandaleux !

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Il ne faut pas se victimiser en permanence, monsieur Jumel.

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On ne parle pas comme des bourges, nous ! On n'oublie pas d'où on vient !

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Vous ne disposez pas de la délégation de votre groupe, mon cher collègue. Il n'y a donc pas de suspension de séance possible.

Après l'article 18

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Ce débat est quelque peu surréaliste, d'autant qu'il a été suscité par un membre d'un groupe de la majorité. Vous avez dû voir le classement de The Economist sur l'état des démocraties dans le monde : la France vient d'y être reléguée dans la catégorie des démocraties défaillantes !

Si cet amendement était adopté, ce serait une ignominie démocratique à l'encontre de la liberté d'expression. Vous avez cité la cible, certains viennent de la confirmer : un journaliste, qui a des convictions. Et ces convictions méritent d'être défendues…

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Ce ne sont pas des convictions, ce sont des délits !

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… parce qu'elles correspondent à ce qu'attendent une partie des Français.

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Vouloir bâillonner la démocratie et la liberté d'expression est véritablement scandaleux !

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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Je dispose de la délégation du groupe GDR et souscris aux propos de mon collègue Sébastien Jumel. Nous discutons, dans le cadre d'un débat passionnant, démocratique, où chacun a sa manière de s'exprimer. Effectivement, quand Hubert Wulfranc a pris la parole, il y a eu quelques railleries et quelques moqueries ; je demande donc, pour calmer les esprits, une suspension de séance.

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Vous connaissez les règles, la suspension de séance sera décomptée du temps de parole de votre groupe.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.

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La séance est reprise.

La parole est à M. Charles de Courson.

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Chers collègues, vous connaissez la statue du célèbre auteur français qui se trouve à côté de l'Hôtel de Lassay ; c'est la statue de Voltaire. Vous connaissez aussi la citation attribuée à cet auteur : je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… mais je me battrai jusqu'à la mort…

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… mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. Telle est ma position. On doit combattre les idées mauvaises par ses propres idées ; c'est ainsi qu'on progresse dans une démocratie, et non en voulant interdire de s'exprimer – par des lois ou tout autre moyen – ceux qui n'ont pas les mêmes idées que soi.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

Rappel au règlement

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un rappel au règlement.

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Il se fonde sur l'article 55. J'apporterai une note discordante par rapport aux nombreuses interventions précédentes : je ne crois pas qu'Éric Zemmour – puisque c'est de lui qu'il s'agit – soit un dangereux terroriste. Il dénonce l'islamisme à longueur de journées.

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Cela ne touche pas à l'organisation de nos débats, madame la députée.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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Il me semble que vous traitez plutôt du fond. Le temps programmé ne vous le permet pas.

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Je traite bien de l'organisation des débats, plus particulièrement des interventions de mes collègues Guillaume Larrivé et Éric Ciotti, mais aussi de celle de M. le ministre : je les remercie, car ils ont eu le courage de rappeler la loi, et simplement la loi. Grâce à eux, et grâce à leurs interventions, la France n'est pas encore tout à fait le pays de la pensée unique.

Après l'article 18

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Nous sous sommes égarés par rapport à l'objet de l'amendement, qui ne vise pas un individu en particulier. L'objet n'est pas d'interdire quiconque de travailler ou de défendre ses idées – vous noterez que dans Valeurs actuelles ou Le Point, on lit des articles de personnes condamnées, qui continuent à travailler. En cela, je partage les propos de Charles de Courson : on est toujours plus efficace en opposant ses propres idées à des idées nauséabondes, qu'en essayant d'interdire ces dernières – ce qui revient à victimiser leurs auteurs, comme l'a souligné M. le garde des sceaux.

Cependant, je ne vois pas non plus d'inconvénient à ce qu'une peine complémentaire renforce la publicité de la condamnation. En communiquant clairement sur celle-ci, on procède à un rééquilibrage par rapport aux débordements des propos incitant à la haine. Pour avoir eu affaire à de tels débordements de la part de journalistes, je sais qu'il est difficile de faire entendre qu'une personne qui s'exprime sur un plateau a été condamnée pour diffamation.

M. M'jid El Guerrab applaudit.

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Cela vaut, y compris au sein de cette profession qui, par corporatisme, répugne à rendre publique la condamnation d'un confrère. Il me paraîtrait donc utile de publier cette information de façon plus pérenne, notamment sur les réseaux sociaux, pour que chacun connaisse le caractère diffamatoire, injurieux ou haineux de certains propos de ceux qui outrepassent la loi. La carte de presse est si facile à obtenir qu'elle n'est pas une garantie de moralité !

Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et UDI-I.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Une fois encore, je regrette qu'un nom ait été cité ; ce n'est pas l'objet de notre débat. On ne fait pas la loi contre une personne, quelle que soit la teneur de ses propos, fussent-ils critiquables à bien des égards.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je sais, monsieur Ciotti, que vous adhérez à certains propos de cette personne, et je suis certain que si vous étiez au pouvoir, la démocratie avancerait grandement ! Vous avez fait un petit pas de côté et hors sujet, mais j'aimerais répondre aux uns et aux autres dans le calme et, si possible, l'apaisement. J'ai été interpellé sur les mesures que nous prenions et comptions prendre. Il est donc utile de rappeler la règle : les journalistes s'expriment en toute liberté, fort heureusement ; si leurs propos soulèvent des difficultés, une condamnation peut intervenir pour injure ou diffamation. Nous connaissons ce régime.

J'ajouterai deux remarques. Tout d'abord, celui dont le nom a été cité n'a pas été condamné à une interdiction d'exercer son métier. Il n'a pas même été licencié par son employeur – ce qui est, tout de même, le problème.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ensuite, on a encore la liberté, dans notre pays, de changer de chaîne – et cela m'arrive très souvent.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Si on l'applique à internet, qu'est-ce qu'il se passe ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous défendez souvent la liberté d'expression, monsieur Jumel, et à juste titre. Quand on dérape, on est condamné : c'est très clair. Ce serait une erreur grave que de faire de la publicité à ce monsieur, et ce serait une erreur grave que de faire une loi contre lui seul. Cet amendement n'est donc pas adapté, et je vous demande de le rejeter.

M. Florian Bachelier applaudit.

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Je suis parlementaire depuis 2007, et c'est la deuxième fois que je rencontre un amendement ciblé contre une personne.

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La première fois, c'était contre M. Tapie : il s'agissait de taxer les indemnités perçues pour préjudice moral au-dessus d'un certain seuil. Aujourd'hui encore, nous parlons d'un individu précis ; ce faisant, nous lui offrons une tribune exceptionnelle.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, exceptionnelle !

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Il en rêvait, nous l'avons fait ! Le vrai problème est que, chaque fois qu'il est condamné, il gagne de l'audience.

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Chaque fois qu'il est victimisé, il gagne de l'audience. Voilà ce qui doit nous interpeller ; c'est l'état de notre pays ! Si son employeur ne l'a pas licencié, c'est qu'il lui fait gagner des parts d'audience tous les soirs.

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Nous devons combattre politiquement ce phénomène ; mais faire de cet individu un martyr, le victimiser ou lui donner une tribune, c'est renforcer son discours.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.

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Ce débat ne mérite pas la passion que nous y mettons. L'amendement présenté par M. El Guerrab ne vise pas un individu en particulier. Vous avez parfaitement raison, monsieur le garde des sceaux : la loi s'applique erga omnes, c'est-à-dire à tous. Malheureusement, vous faites trop d'honneur à celui dont il a été question, en affirmant qu'il serait le seul concerné.

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Hélas, il n'est pas le seul à s'être exprimé à la télévision après avoir été condamné pour des propos incitant à la haine raciale.

Le seul objet de cet amendement est d'instituer un parallélisme entre la presse écrite, où la peine complémentaire de publicité de la condamnation est déjà pratiquée, et les médias audiovisuels où elle ne l'est pas. C'est la seule chose que nous souhaitons, quelle que soit la personne concernée. Contrairement à ce que certains ont affirmé, cette mesure ne s'appliquerait pas à M. Zemmour, tout simplement parce que la loi n'est pas rétroactive. Elle ne concernerait que de futurs propos tenus par quiconque ayant été condamné pour incitation à la haine raciale.

Une fois encore, nous demandons uniquement qu'en matière de haine raciale, il existe un parallélisme entre ce qui est pratiqué dans la presse écrite et dans les médias audiovisuels. Il me semble – mais je peux me tromper – qu'avec ce projet de loi, nous voulons lutter contre tous ceux qui s'opposent aux principes républicains. Il me semble, et il semble aux députés du groupe Agir ensemble…

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… que la lutte contre la haine raciale relève du combat pour les principes de la République. La même règle doit donc s'appliquer aux médias audiovisuels et à la presse écrite. C'est ce parallélisme de forme que nous vous demandons de voter, sans débat passionnel, et sans viser personne en particulier.

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Beaucoup se sont exprimés sur l'amendement de nos collègues sans l'avoir vraiment lu : jamais ses co-auteurs n'ont cité qui que ce soit.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr que si, M. El Guerrab a parlé d'une personne « qu'il ne citera pas » !

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D'autres s'en sont chargés. Pire, vous affirmez vous-même, monsieur le ministre, que l'amendement vise une personne en particulier ; cela ne contribue pas à la sérénité des débats. Je le répète, tel n'est absolument pas l'objet de l'amendement. Je souscris aux propos de M. Becht : la mesure qu'il préconise pour l'audiovisuel existe déjà dans la presse écrite, où on sait parfaitement l'appliquer.

Il me semble également choquant, monsieur le ministre, de vous entendre déplorer la publicité donnée à ces affaires. La publicité d'une condamnation fait pourtant partie des sanctions qu'un juge peut prononcer. La presse publie bien des bandeaux faisant état de condamnations ! Cet amendement mérite qu'on y réfléchisse ; ne l'abîmons pas en prétendant qu'il vise une personne en particulier. Il serait dommage de se priver d'un débat sur la question de fond qu'il soulève.

Mme Sandrine Mörch applaudit.

Sourires sur plusieurs bancs.

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Mon intention n'est pas de susciter de la colère, ni de voir le M. le ministre faire les gros yeux. M. le président Becht l'a expliqué très simplement, …

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… dans la presse écrite, les condamnations des journalistes sont soumises à une obligation de publicité.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

On a compris, monsieur El Guerrab !

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Madame la rapporteure, je vous entends : mon amendement est sans doute mal écrit, et peut-être faudrait-il le retravailler pour lui donner davantage de force et de corps.

Monsieur le ministre, nous discutons d'un projet de loi visant à conforter les principes républicains. Depuis deux semaines, on insulte les femmes voilées,…

Protestations sur les bancs du groupe LR

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… on insulte aussi les petites associations en leur demandant de signer des chartes républicaines pour avoir le droit toucher une subvention de 500 euros. Il serait bon de rééquilibrer les choses en ce qui concerne la haine en ligne et à la télévision, sachant, comme me le souffle un de mes collègues, que, si personne – 100 000 téléspectateurs tout au plus – ne regarde en direct et en temps réel les chaînes d'information, elles sont énormément relayées et suivies sur les réseaux sociaux. Si demain on les obligeait à diffuser les bandeaux dont nous parlons sur ces réseaux sociaux, tous les jeunes comprendraient qui a été condamné, et à quoi.

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Tous les jeunes sauraient qui incite à la haine et qui dévoie la liberté d'expression. Car la liberté d'expression, ce n'est pas la liberté d'insulter. Personne n'empêche les gens de s'exprimer à la télévision, mais il faut rappeler qui a été condamné et à quoi.

L'amendement no 2092 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 2358 .

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Il s'agit de compléter dans le code pénal la liste des motifs justifiant le prononcé d'une peine complémentaire d'inéligibilité, en y incluant les délits visés par l'article 23 de la loi de 1881, notamment la provocation à la discrimination et à la haine.

Aujourd'hui, un élu qui utilise les réseaux sociaux pour délivrer un tel message pourrait être condamné, mais souvent longtemps après les faits, et à une peine manifestement insuffisante. Ce fut récemment le cas dans l'Aube, avec une amende de 2 000 euros pour provocation à la discrimination.

Offrir au juge la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité serait réellement dissuasif et permettrait de mieux prévenir de tels délits, qui portent atteinte aux principes de notre République. Car comment peut-on prétendre représenter dignement les citoyens quand on bafoue à ce titre les valeurs républicaines d'égalité et de fraternité ? Que fait-on de l'impératif d'exemplarité ?

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J'entends bien vos arguments mais vous venez de parler de possibilité pour le juge. Or, dans votre amendement, il n'est pas question de possibilité mais d'obligation, à quoi vous ajoutez le caractère automatique de l'inéligibilité en cas de condamnation. Cela contrevient au principe de proportionnalité : dans une décision du 8 septembre 2017, le Conseil constitutionnel a en effet indiqué que des peines d'inéligibilité obligatoires, en cas de condamnation pour certains délits prévus par loi de 1881, représentaient une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous suggère de retirer votre amendement. Au fond, vous nous proposez une espèce de peine plancher. Or, vous savez bien que ce n'est pas notre tasse de thé. Vous parlez d'inéligibilité obligatoire ce qui, je pense, est totalement inconstitutionnel. On ne peut pas imposer au juge de prononcer l'inéligibilité : ce peut être une possibilité, mais certainement pas une obligation.

L'amendement no 2358 est retiré.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 957 et 1724 .

L'amendement no 957 de M. François Pupponi est défendu.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1724 .

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Il s'agit de sanctionner plus durement qu'actuellement le délit d'usurpation d'identité numérique qui est l'un des moyens de détourner de l'argent, notamment pour les terroristes.

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Défavorable. Ce délit fait l'objet d'une jurisprudence stabilisée ; il est parfaitement incriminé et une évolution n'est pas nécessaire à ce stade, en tout cas, pas d'après les remontées que nous avons.

Les amendements identiques nos 957 et 1724 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de sept amendements, nos 151 , 32 , 873 , 2099 , 1765 , 1899 et 2323 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 32 et 873 sont identiques, de même que les amendements nos 1765 , 1899 et 2323 .

L'amendement no 151 de M. Julien Dive est défendu.

La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 32 .

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Cet amendement vise à permettre aux associations qui assistent les fonctionnaires et les agents chargés d'une mission de service public, de pouvoir se constituer parties civiles dans les affaires de violence, de voie de fait, injure, diffamation, harcèlement moral, discours de haine et contenu en ligne illicite dont ceux-ci sont victimes.

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Les amendements nos 873 de M. David Lorion et 2099 de M. Jean-Luc Poudroux sont défendus.

La parole est à Mme Catherine Osson, pour soutenir l'amendement no 1765 .

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Cet amendement a été travaillé avec l'Autonome de solidarité laïque – ASL – , association qui accompagne les enseignants en difficulté et à qui je veux rendre hommage, ayant moi-même bénéficié de leur accompagnement dans ma carrière précédente d'enseignante.

Il constitue un pas supplémentaire vers un renforcement de la protection et l'accompagnement des enseignants victimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, d'agressions et autres atteintes, ou de la diffusion d'images portant atteinte à l'intérêt physique ou psychique. En effet, il vise à permettre que les associations d'accompagnement, telle l'ASL, puissent se constituer partie civile aux côtés des enseignants qui déposeraient plainte, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas, puisque trop souvent ils sont seuls. Permettez-moi de vous dire, pour connaître, hélas ! des cas de collègues dans cette situation, que c'est un immense réconfort, tant du point de vue moral que juridique, que nous apporterons aux enseignants et à leurs familles.

Enfin, je tiens à remercier la rapporteure Laetitia Avia pour le travail de coconstruction que nous avons fait, qui a abouti aux sous-amendements qu'elle propose et que je soutiens pleinement.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Les amendements identiques nos 1899 de M. François Pupponi et 2323 de Mme Cécile Untermaier sont défendus.

La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur tous ces amendements et soutenir les sous-amendements rédactionnels nos 2719, 2711 et 2712 à l'amendement no 1765 .

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L'ensemble de ces amendements visent à permettre à des associations de se constituer partie civile dans le cadre de délits dont seraient victimes des agents publics. Ils ont tous le même objectif, mais il fallait trouver la rédaction adéquate. C'est pourquoi je demande le retrait des amendements nos 151 , 32 , 873 et 2099 au profit des amendements identiques nos 1765 , 1899 et 2323 , sous-amendés par les trois sous-amendements rédactionnels que je propose.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous me pardonnerez cet exercice de numérologie, mais le Gouvernement est favorable aux sous-amendements nos 2719 , 2711 et 2712 présentés par Mme la rapporteure, et donne un avis de sagesse sur l'amendement no 1765 ainsi sous-amendé. Il demande le retrait des amendements nos 151 , 32 , 873 , 2099 , 1899 et sur le numéro complémentaire, no 2323.

Sourires sur plusieurs bancs.

L'amendement no 151 , les amendements identiques nos 32 et 873 et l'amendement no 2099 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les sous-amendements nos 2719 , 2711 et 2712 , successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les amendements identiques nos 1765 , 1899 et 2323 , sous-amendés, sont adoptés.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

L'amendement no 2359 est retiré.

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La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir les amendements nos 1694 et 2096 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'encontre d'une personne en raison de son origine, de sa religion, de son ethnie ou encore de son orientation sexuelle, doit pouvoir être réprimé avec fermeté et certitude dans le cadre de ce projet de loi.

Les réseaux sociaux servent trop souvent de tribune à ces discours de haine. Outre qu'ils constituent une menace pour nos valeurs démocratiques, ils sont fréquentés par un grand nombre d'individus, notamment des jeunes. La lutte contre ces discours de haine est cruciale. Il ne s'agit pas de limiter la liberté d'expression mais bien d'empêcher que ces discours prennent une proportion plus dangereuse, notamment sous la forme d'incitation à la discrimination, etc.

En l'état actuel du droit, le juge peut décider de n'appliquer qu'une peine d'emprisonnement ou une peine d'amende. Nous estimons qu'au regard de la gravité de tels faits le juge ne doit plus avoir la possibilité d'écarter la peine d'emprisonnement.

Les amendements nos 1694 et 2096 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1434 .

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Cet amendement d'appel vise à interroger le Gouvernement sur l'articulation entre l'article 18 du présent projet de loi et l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale qui a été voté en première lecture ; en d'autres termes, sur l'avenir de l'article 24 à l'issue de l'adoption du présent projet de loi. La proposition de loi relative à la sécurité globale est-elle définitivement enterrée, ce que je souhaite ?

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Monsieur de Courson, j'ai vraiment le sentiment que cet article 24 vous manque ! Ce n'est pas le lieu de ce débat. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas un sentiment, c'est une certitude : cet article 24 vous obsède, monsieur le député. En réalité, vous pensez peut-être tirer un petit bénéfice de cela, l'article 24 ayant fait l'objet de quelques polémiques, ce qui n'est pas le cas de l'article 18. N'allez pas tout gâcher en nous rappelant l'article 24 : on ne va pas maintenant contaminer l'article 18 !

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C'est un amendement amusant, puisque la majorité a le choix : soit elle vote pour, afin de maintenir le vote qu'elle a émis en première lecture – auquel cas il conviendra que la rapporteure et le ministre nous expliquent comment les deux articles s'articulent ; soit elle vote contre, ce dont je me féliciterai puisque cela voudrait dire que c'est un enterrement définitif. Tel est le but de mon amendement.

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Je vais peut-être vous mettre d'accord ! La volonté du législateur n'est certainement pas d'entraver la liberté de la presse, celle des journalistes, ni non plus d'empêcher de simples citoyens d'alerter sur des dérapages isolés au sein de nos institutions. Cette liberté de la presse, je l'ai pratiquée pendant trente ans, notamment dans des zones de guerre où elle était constamment en danger, comme le Liberia, le Rwanda, le Kurdistan.

La France n'est pas un pays autoritaire, comme certains aimeraient le faire croire, et le législateur n'est pas non plus le seul à préserver notre démocratie : notre système démocratique est fait de contre-pouvoirs et de normes hiérarchisées. Les juges sont les garants de l'esprit de la loi. Nos discussions font foi et sont précieuses pour le juge qui interprète nos lois ; les agents de l'État ne pourront pas non plus s'en détourner lorsqu'ils les appliqueront.

Michel Debré, alors garde des Sceaux, disait : « Une constitution ne peut rien faire d'autre que d'apporter des chances aux hommes politiques de bonne foi. » Une démocratie, malgré tous les garde-fous juridiques imaginables, ne peut exister sans véritable volonté politique de la garantir.

Alors, monsieur le garde des sceaux, vous qui conduisez la politique pénale de la France, M. le ministre de l'intérieur oeuvrant pour assurer la sécurité des Français mais aussi garantir leurs libertés, pouvez-vous nous assurer que vous adresserez les circulaires adéquates aux préfets de notre territoire et des instructions générales au magistrats du parquet, afin que l'esprit de cette loi ne puisse jamais être détourné et que, dans la pratique, la liberté d'informer ne soit jamais entravée ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je veux vous rassurer, madame la députée, chaque texte de loi fait, une fois voté, l'objet d'une circulaire. Mais les procureurs généraux et les procureurs ont-ils besoin qu'on leur rappelle les grands principes que vous avez évoqués, notamment la liberté de la presse, à laquelle nous sommes tous tellement attachés ?

Oui, naturellement, il y aura une circulaire. Elle ne sera pas secrète, vous en aurez connaissance. Vous pourrez m'interroger sur ce qu'elle contient ou sur ce que, selon vous, elle aurait dû contenir.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Que se passe-t-il, monsieur de Courson ?

L'amendement no 1434 n'est pas adopté.

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Sur l'article 18 bis, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement no 2506 de la commission est rédactionnel.

L'amendement no 2506 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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L'amendement no 2505 de la commission est un amendement de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

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Monsieur le président, madame la rapporteure, messieurs les ministres, cet article 18 bis crée une circonstance aggravante lorsque des actes racistes ou discriminatoires sont commis par une personne détentrice de l'autorité publique. Parmi les provocations, injures ou violences figurent celles qui concernent le sexe, l'orientation sexuelle, le handicap : sur tout ça nous sommes d'accord.

En revanche, les discriminations au titre de l'identité de genre nous posent réellement problème, d'abord parce que cette notion n'est pas juridiquement établie…

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… ensuite parce qu'elle peut donner lieu à des dérives tout à fait baroques. J'en veux pour exemple des dispositions qui viennent d'être prises au Royaume-Uni. Savez-vous qu'au Royaume-Uni, dire qu'une mère « donne le sein » ou parler de « lait maternel » est considéré comme une discrimination de genre…

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… et que, pour éviter ce type de discrimination, on y propose de dire « donner la poitrine » et « lait humain ».

Si introduire dans la loi la notion de discrimination de genre doit aboutir à ce genre de dérives, eh bien ! je pense que ça mérite réflexion, et c'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas pour cet article.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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C'est la deuxième fois cette semaine que nous avons ce débat. Je vais donc répéter ce que j'ai déjà dit à vos collègues M. Breton et Mme Blin : nier l'existence de l'identité de genre et des discriminations qui lui sont liées constitue une double violence vis-à-vis des personnes transgenres et, si vous pensez que c'est une dérive que de reconnaître la situation dans laquelle sont un certain nombre de personnes du fait d'une identité de genre qui diffère de leur sexe d'attribution, grand bien vous fasse, mais ne venez pas dire que ça n'existe pas dans notre droit : notre droit est protecteur de toutes et tous.

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Si jamais notre société devait évoluer, j'aimerais pour ma part qu'elle évolue dans le sens de la Belgique, dont la vice-première ministre est une femme transgenre. Voilà un beau pays !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

L'amendement no 2505 est adopté.

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Je mets aux voix l'article 18 bis, tel qu'il a été amendé.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 175

Nombre de suffrages exprimés 158

Majorité absolue 80

Pour l'adoption 132

Contre 26

L'article 18 bis, amendé, est adopté.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Sur l'article 19, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 599 et 1435 , tendant à la suppression de l'article 19.

La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 599 .

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1435 .

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Nous avons déposé cet amendement de suppression parce que l'article ne prévoit pas de sanctions au cas où les hébergeurs et les fournisseurs d'accès à internet – FAI – refusent d'accéder à la demande des autorités. L'article est donc purement déclaratif : il se borne à rappeler des possibilités déjà existantes sans rendre ces mesures obligatoires. Dès lors, il risque d'être inefficace dans la lutte contre la propagation de contenus haineux sur internet.

Ne souhaitant pas contribuer à une prolifération législative inutile, nous demandons la suppression de cet article que nous jugeons inefficient : des règles qui ne sont pas assorties de sanctions, franchement, ça ne sert à rien.

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Si je vous comprends bien, monsieur de Courson, cet article n'est pas nécessaire parce qu'il n'y a pas de sanction, ce qui le rendrait inefficient. Vous souhaitez donc supprimer un dispositif parce qu'il n'emporte pas d'obligation.

Pourtant, ce dispositif, qui vise à lutter contre les sites miroirs, ouvre des possibilités qui n'existent pas dans notre droit. Actuellement, il faut, chaque fois, lancer neuf mois de procédure pour bloquer l'accès à ces sites. Il s'agit ici de simplifier les procédures pour aller plus vite. Et vous voudriez nous priver de cette avancé sous prétexte qu'il n'y a pas de sanction ? Je suis désolée, mais je trouve votre raisonnement particulier ! Avis défavorable.

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La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Monsieur le député de Courson, nous avons déjà eu cette discussion en commission. Aujourd'hui, les fournisseurs d'accès à internet sont prêts à bloquer l'accès aux sites qui sont identiques à un site bloqué la justice. D'ailleurs, ils obtempèrent immédiatement lorsque la justice leur demande de le faire. Ce qu'ils veulent, c'est une base légale qui permette à l'autorité administrative de leur demander de bloquer un site identique à un site bloqué par voie judiciaire.

C'est cette base légale que nous vous demandons de créer, pour traiter efficacement les problèmes, en restant dans le cadre de l'État de droit, sous le contrôle du juge. Il s'agit d'éviter de se retrouver dans l'incertitude et démuni face à des sites qui ont été bloqués quinze, vingt fois par la justice et qui ne cessent de réapparaître. Aujourd'hui, il faut six à neuf mois pour bloquer un site, mais il suffit de quatre à cinq jours pour qu'il réapparaisse, grâce à une simple extension.

Je pense que ce n'est pas ce que nous souhaitons, ni vous ni moi. C'est la raison pour laquelle il faut créer cette base juridique qui permettra aux FAI de le faire systématiquement.

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Monsieur le secrétaire d'État, vous nous demandez de voter un texte qui dit que l'administration peut demander aux hébergeurs de bloquer l'accès à ces sites mais, s'ils ne le font pas, il ne se passera rien puisqu'il n'y a pas de sanction. C'est pourquoi je dis que ce n'est pas un article de loi puisqu'il ne va rien modifier : si les hébergeurs de ces sites ne font rien, vous n'aurez aucun moyen de les sanctionner. Voilà pourquoi votre article 19 est inopérant, au sens juridique du terme.

Les amendements identiques nos 599 et 1435 ne sont pas adoptés.

L'amendement no 2507 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement no 2143 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1437 .

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Cet amendement visant à rappeler que, dans sa formulation actuelle, l'article ne crée aucune obligation pour l'autorité administrative d'empêcher l'accès aux sites illicites. Ainsi rédigé, l'article risque donc d'être inefficace pour lutter contre la propagation de contenus haineux sur internet.

Le présent amendement vise donc à remplacer « peut être » par « est », pour rendre l'article plus efficient, en faisant obligation à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la haine en ligne. Au moins nous voterions une norme, alors que ce que vous nous demandez de voter, ce n'est pas une norme ! Ce n'est pas de bonne législation que de légiférer à coups de « peut » !

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Ce n'est pas une question d'obligation. PHAROS – Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements – ne manque pas de réactivité et fait le job, mais c'est une question de pouvoirs, des pouvoirs conférés à l'autorité. C'est ce que nous nous proposons de faire avec ce texte : lui donner les pouvoirs d'agir. C'est la raison de ce verbe « peut ». Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Même avis.

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Vous nous demandez de voter un texte qui leur donne aussi le pouvoir de ne pas agir ! C'est cela que je critique !

L'amendement no 1437 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir l'amendement no 657 .

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Je propose, à travers lui, une nouvelle rédaction de l'alinéa 5 afin d'autoriser l'autorité administrative ou le bénéficiaire de la décision de justice à demander à toute personne susceptible d'y contribuer d'empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne qui reprendrait en totalité ou de manière substantielle un contenu jugé illicite par ladite décision. Il s'agit de reconnaître qu'entre le contenu et ceux qui peuvent agir, il y a bien plus que des hébergeurs ou des fournisseurs d'accès à internet : il y a aussi des navigateurs et d'autres acteurs qui protègent les sites, y compris parfois des sites d'État, et qui tronquent les adresses IP. Qu'il s'agisse d'une instance judiciaire ou administrative, se tourner vers ces acteurs pour demander la suppression de l'accès au contenu – et non pas celle du contenu lui-même – est une tâche très ardue, qui ne peut pas reposer uniquement sur les acteurs que nous avons préqualifiés comme hébergeurs ou fournisseurs d'accès à internet.

Je rappelle que cet amendement avait été adopté en commission dans le cadre du projet de loi sur l'audiovisuel dont l'examen a avorté, et je serais ravi qu'il puisse trouver ce soir une seconde vie.

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Cher collègue, je comprends pleinement le sens de votre amendement, qui s'inscrit dans la continuité des combats que vous menez contre la haine en ligne, en particulier contre des sites à caractère haineux qu'il convient de déréférencer.

La difficulté que soulève la présentation de cet amendement tient d'abord au fait que le texte initial permettait d'agir uniquement en direction des fournisseurs d'accès à internet. La commission spéciale a élargi son champ d'application pour toucher les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs. L'action visée s'inscrit dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, ou LCEN, qui distingue trois catégories juridiques d'acteurs : les FAI, ou fournisseurs d'accès à internet, les hébergeurs et les éditeurs. Or ceux que vous visez n'appartiennent pas à ces catégories. La procédure envisagée est une procédure judiciaire, qui suppose que soient identifiés des acteurs juridiques. La définition que vous proposez, qui est en effet très large, engloberait tous les cas : si la mesure s'applique à « toute personne susceptible d'y contribuer », elle pourra certes s'appliquer à des navigateurs, mais aussi à vous ou, par exemple, à M. de Courson s'il a des contacts rapprochés avec Google, …

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… ou encore à des hackers, ou à toute autre personne.

J'ai un grand respect pour les équipes de PHAROS et pour le travail phénoménal qu'elles accomplissent, mais on ne peut pas non plus attribuer à cet organisme des pouvoirs des pouvoirs exorbitants, excédant ceux dont dispose le juge, lequel ne peut agir qu'auprès des fournisseurs d'accès à internet et des hébergeurs.

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Il convient de répliquer exactement les compétences du juge, et je vous demande donc de retirer cet amendement, dont je comprends néanmoins l'objectif. Peut-être est-il préférable de travailler la question à la source, au niveau des compétences du juge, mais il ne faut surtout pas donner à l'autorité administrative des pouvoirs dont même un juge ne dispose pas.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

La question apparemment technique qu'aborde M. Bothorel est très importante pour ce qui est de la régulation et de la capacité de l'autorité judiciaire à bloquer certains sites. Actuellement, lorsque l'autorité judiciaire décide de bloquer l'accès à un site pour les internautes français, elle s'adresse aux fournisseurs d'accès à internet – Orange ou Free – , qui bloquent le site par l'intermédiaire de la box de connexion à internet dont dispose l'usager. La demande de M. Bothorel souligne le fait, qui doit tous nous préoccuper quant à l'efficacité et à l'effectivité de ce que nous votons, que certains nouveaux protocoles de connexion à internet ne permettent pas à la boîte de connexion de voir passer le flux, donc de savoir que vous êtes en train de vous connecter à un site interdit. Ainsi, le procédé technique de connexion offre de très nombreux moyens de contourner les blocages décidés par la justice : si nous nous contentons de dire que l'autorité judiciaire peut enjoindre à un fournisseur d'accès à internet le blocage d'un site, nous laisserons échapper 90 % du trafic, notamment parce que la configuration des navigateurs interdit aux fournisseurs d'accès de voir passer le trafic.

Cet amendement, qui semble très technique, soulève donc, en réalité, la question de l'utilité des mesures que nous votons : nous aurons beau voter une mesure, si elle n'a pas visé techniquement les bons intermédiaires, elle n'aura aucune effectivité. C'est une question essentielle.

L'amendement de M. Bothorel pose cependant deux problèmes. Le premier tient à ce qu'il vise l'autorité administrative sans donner au juge la même latitude – latitude dont il devrait pourtant disposer ; le deuxième, à la qualification juridique des personnes visées, l'amendement ayant pour objet de ne pas limiter le dispositif aux seuls fournisseurs d'accès à internet. En effet, si la formule « toute personne susceptible d'y contribuer » proposée par M. Bothorel prend en compte la multiplicité des intermédiaires – sans entrer dans le détail des protocoles employés sur le web – , elle pose néanmoins un problème de définition juridique des acteurs.

La rapporteure et le Gouvernement partagent la volonté de trouver une rédaction permettant d'atteindre l'objectif visé, qui est de bloquer certains sites. Monsieur Bothorel, je vous propose donc de retirer votre amendement, étant entendu que nous nous engageons à trouver, dans le cadre de la navette parlementaire, une nouvelle écriture d'une partie de l'article, afin de répondre à l'objet de votre amendement.

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Je ne ferai pas durer le suspense : compte tenu des explications données et des engagements pris, je retire l'amendement. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que cette réécriture interviendra bien pendant la navette parlementaire.

Madame la rapporteure, une coordination est en effet nécessaire avec la primodécision prise au stade de la justice, afin que les équipes de PHAROS puissent opérer dans les mêmes périmètres. Je le dis comme je le pense : de nombreux drames se sont déroulés en France ces dernières années et ces derniers mois, et je conserve intacte l'image des jeunes qui ont été assassinés au Niger en août dernier, et dont les familles ont vu les corps exposés, accompagnés de commentaires abjects qui ont fait l'objet, en fin d'année, de décisions de justice. Or ces décisions sont inopérantes, car l'acteur qui héberge ces contenus est capable de les déjouer en passant à travers les mailles des dispositifs technologiques que nous mettons en oeuvre pour éviter qu'ils soient accessibles.

Je compte donc véritablement sur votre implication pour que nous puissions retravailler ce dispositif dans le cadre de la navette, et non pas à l'occasion d'un nouveau texte qui viendrait plus tard, aux calendes grecques, afin qu'en amont de l'examen de ces dossiers, la justice et l'autorité administrative soient dotées des outils juridiques leur permettant de cibler les bons acteurs et de faire appliquer les peines qu'elles prononcent, de telle sorte que ces décisions ne restent pas symboliques.

L'amendement no 657 est retiré.

L'amendement no 2508 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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L'amendement no 1067 de M. Éric Bothorel est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Cet amendement semble très pertinent, car il permet de lutter contre le financement des sites à caractère haineux en rendant visible leur publication au moyen d'une liste tenue par PHAROS. Avis très favorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Avis favorable. Je précise que nous avions déposé un sous-amendement, qui a été jugé irrecevable parce que trop substantiel, mais qui permettait de préciser l'amendement de M. Bothorel en imposant aux acteurs de la publicité numérique de rendre publiques, lorsqu'elles existent, leurs relations commerciales avec un site qualifié de haineux par une décision de justice, avec ainsi qu'avec ses sites miroirs, dont la liste sera tenue par l'autorité administrative. Compte tenu de l'irrecevabilité du sous-amendement, j'émets un avis favorable sous réserve que nous puissions retravailler l'amendement dans le cadre de la navette parlementaire.

L'amendement no 1067 est adopté.

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L'amendement no 1628 de M. Éric Ciotti est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Cet amendement propose le retrait des contenus à caractère haineux, sous peine de sanctions à hauteur de 37,7 millions d'euros pour les plateformes qui ne les retireraient pas. Je tiens à souligner le sens de l'équilibre et de la proportion qu'exprime cette proposition ! Avis défavorable.

L'amendement no 1628 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 182

Nombre de suffrages exprimés 175

Majorité absolue 88

Pour l'adoption 175

Contre 0

L'article 19, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1807 , portant article additionnel après l'article 19.

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Mon collègue Meyer Habib et moi-même souhaitons, avec cet amendement, revenir sur une loi adoptée par le Parlement le 3 juin 2016 et qui avait pour objet de pénaliser la consultation habituelle de sites liés au terrorisme sans motif légitime – ce qui, bien évidemment, ne concerne pas, par exemple, les services de renseignements ou les journalistes. Cette loi ayant été censurée par le Conseil constitutionnel durant la précédente législature, nous avons voulu présenter à nouveau ce dispositif en tenant compte des observations du Conseil constitutionnel, afin d'éviter une nouvelle censure.

Cet amendement vise donc à ce que le fait d'utiliser ou de consulter abondamment les sites liés au terrorisme – on se souvient notamment des vidéos de Daech montant des exécutions, des martyrs ou des enfants de tel ou tel pays, à des fins d'embrigadement – devienne un délit.

La philosophie de cet amendement est de prévenir une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Il s'agit de dire aux Français qu'il est possible de sanctionner des gens qui sont en train d'adhérer à la sphère terroriste qui nous menace et nous attaque, car ces agissements ne relèvent pas d'une utilisation normale de la liberté de circuler sur internet.

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Monsieur Lagarde, il y a dans votre proposition un élément qui m'interpelle : comme vous venez de le dire vous-même, cette disposition a, par deux fois, été votée, puis censurée. Or la rédaction que vous proposez est strictement identique à celle qui fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité dont il a été saisi le 9 octobre 2017. Il ne s'agit donc pas ici d'un risque d'inconstitutionnalité, mais d'une certitude : on sait que cette disposition est inconstitutionnelle. L'avis est donc défavorable, bien entendu.

L'amendement no 1807 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l'amendement no 1922 rectifié .

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Cet amendement, auquel j'associe de nombreux parlementaires membres du groupe d'amitiés France-Arménie et du cercle d'amitié avec le Haut-Karabakh, vise à étendre les dispositions de la lutte contre la haine en ligne à l'apologie des crimes contre l'humanité et à la négation et la banalisation de tels crimes, en y incluant notamment les génocides reconnus par la loi de la République mais non condamnés par des juridictions françaises, comme le génocide arménien. Dans l'excellent dossier publié dimanche dernier par le Journal du dimanche, nous avons tous vu l'influence du régime turc et d'Erdogan sur la France. On y apprend notamment qu'Ankara encourage la création d'associations en vue d'imposer ses vues sur trois thématiques, dont la première est le génocide arménien, reconnu en France par une loi de 2001…

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… et qui, pour la Turquie, n'existe pas et n'a jamais existé.

Cet amendement imposerait notamment aux plateformes de lutter contre la diffusion de contenus niant le génocide arménien en ligne.

J'ai retenu une citation de Simone Weil, selon laquelle « croire en l'histoire officielle, c'est croire des criminels sur parole ». Si cela valait pour le régime nazi, cela doit valoir aussi pour le régime pro-turc d'Atatürk, dont se réclame Erdogan.

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Monsieur le président, afin d'adapter ma réponse, pouvez-vous me préciser si notre collègue a également défendu l'amendement no 1917  ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme vous le savez, si la France a reconnu le génocide arménien, une difficulté demeure pour assurer sa pleine reconnaissance juridique sur le plan pénal – ce qui serait la dernière marche. C'est un sujet sur lequel il faudra avancer au niveau judiciaire. Les dispositions que vous proposez visent à obliger les plateformes à retirer des contenus mais, aujourd'hui, seules des infractions pénalement répréhensibles peuvent faire l'objet d'une obligation de retrait. Or la situation que vous visez n'entre pas pleinement dans ce champ.

Je vous propose donc de retirer l'amendement no 1922 rectifié au profit de votre second amendement, le no 1917, qui vise à pénaliser le négationnisme, délit effectivement reconnu par nos lois. Cela nous permettra également d'aborder un sujet dont vous savez, pour être membre du groupe d'amitié France-Arménie, qu'il demande à être encore travaillé. Un travail tendant à une reconnaissance pleine et opérationnelle devant les juridictions du génocide arménien et de sa négation est d'ailleurs en cours, sous l'égide du président du groupe d'amitié, M. Jacques Marilossian et en concertation avec la chancellerie.

Je vous propose donc de retirer l'amendement no 1922 rectifié au profit de l'amendement no 1917 , tel que je l'ai sous-amendé. Cela nous permettra de viser une incrimination pénale qui existe déjà, celle visée à l'article 24 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Permettez-moi de répondre à la fois à l'amendement no 1922 rectifié et à l'amendement no 1917 , puisque leurs objets sont proches. En effet, ils concernent tous deux la lutte contre la haine en ligne : l'amendement no 1917 tend à punir l'apologie, la négation et la banalisation des crimes contre humanité ; le no 1922 rectifié vise spécifiquement le génocide arménien.

La lutte contre la négation et la banalisation des crimes contre l'humanité font évidemment partie des objectifs défendus par le Gouvernement à travers ce texte, il n'y a pas de débat sur ce sujet. Nous partageons donc bien entendu les préoccupations du député Ravier, son indignation et sa volonté de lutter contre toutes les formes de haine de l'autre. Toutefois, il nous semble que les deux amendements sont satisfaits, puisque ces principes sont déjà inscrits à l'article 19 bis du projet de loi, et plus précisément en son l'alinéa 10, lequel fait référence à l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881. L'amendement en discussion étant satisfait, j'en suggère le retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.

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Madame la rapporteure, je crois qu'il y a une petite confusion : la reconnaissance du génocide arménien figure déjà dans le droit français.

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La France a même été le premier pays à reconnaître ce génocide. Le problème juridique est ailleurs : si la France a reconnu deux génocides – le génocide arménien et la Shoah – , seule la négation de la Shoah est pénalement répréhensible. C'est cette ineptie juridique qu'il faudrait que l'on parvienne à régler.

L'amendement no 1922 rectifié de notre collègue Ravier permettrait de s'engager dans cette voie et d'avancer sur le sujet : puisque la France a reconnu deux génocides, ni la négation du premier ni la négation du deuxième ne doivent être autorisées dans notre pays. À un moment, il faut être cohérent avec ce que le Parlement a voté.

Nous connaissons bien le problème qui fut posé par la saisine du Conseil constitutionnel. Je rappelle, car j'ai vécu cette affaire, que ce sont des parlementaires français qui, à la demande du gouvernement turc, ont saisi le Conseil, afin d'empêcher la pénalisation de la négation du génocide. Voilà ce qu'il s'est passé dans notre pays, il y a seulement quelques années.

Personnellement, je soutiens donc l'amendement no 1922 rectifié . En se contentant de l'amendement de repli no 1917, qui ne vise pas spécifiquement le génocide arménien, on évite une fois de plus le sujet. Vous avez dit, madame la rapporteure, qu'un travail du groupe d'amitié France-Arménie était en cours : il serait vraiment temps d'aboutir, pour notre République et notre démocratie.

Mme Emmanuelle Anthoine applaudit.

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Excusez-moi de prendre un peu de temps, monsieur le président. Ce texte nous offre une occasion non pas d'essayer de pénaliser la négation du génocide arménien, mais simplement d'introduire une disposition qui permettrait de donner le droit aux plateformes de modérer des contenus qui nieraient ce génocide reconnu par la loi française. Loin de me sembler inconstitutionnelle, cette mesure permettrait même de contourner l'obstacle de l'inconstitutionnalité de la pénalisation du négationnisme – dont je suis d'ailleurs persuadé qu'un jour ou l'autre on parviendra à le lever, comme nous l'avons fait pour la Shoah avec la loi Gayssot, qui a un régime autoporté, de sorte que l'on n'est pas sûr qu'elle tienne vraiment sur le plan constitutionnel.

Bref, il faudra que l'on avance sur le sujet de la haine en ligne, et le texte nous offre une possibilité en ce domaine, et en ce domaine seulement : même si la négation du génocide arménien ne figure pas dans notre code pénal, les plateformes pourraient modérer les contenus ici visés. Pourquoi ne pas saisir la main que l'on vous tend sur ce point ?

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Je tiens à être très claire : mon propos allait exactement dans votre sens, monsieur Pupponi. Mais le problème réside ici dans la pénalisation. Je vous le dis franchement : introduire dans le texte le dispositif prévu par l'amendement no 1922 rectifié serait purement cosmétique, car celui-ci ne créerait pas de réelle obligation pour les plateformes.

Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.

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Si c'est cosmétique, cela ira bien avec le texte !

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Ce texte, c'est de la mauvaise cosmétique !

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En effet, on ne peut tout simplement pas demander aux plateformes de modérer des contenus qui, d'un point de vue pénal, ne sont pas illégaux. C'est bien là la difficulté, et c'est pour cela que, tout à l'heure, je vous disais qu'il y avait un travail à mener au niveau juridique – je le souligne d'autant plus volontiers que M. le garde des sceaux vient d'arriver. Le problème ne se situe pas du côté des plateformes mais du code pénal : c'est à ce niveau que le travail doit être mené. Je suis évidemment tout à fait favorable à la pleine reconnaissance du génocide arménien, mais au sein code pénal : on ne peut pas demander à des acteurs privés de modérer des contenus qui, à ce stade, ne constituent pas des délits.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Eh oui !

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C'est pour cette raison que je proposais d'adopter l'amendement no 1917 , surtout, d'avancer sur la reconnaissance pénale du génocide, pour que nous ne soyons plus confrontés à ce problème auquel, il faut en être bien conscient, l'amendement no 1922 rectifié ne changerait rien : si rien ne figure dans le code pénal à ce sujet, on ne peut pas obliger les plateformes à modérer les contenus dont nous parlons.

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Vous êtes en train de nous dire que la difficulté réside dans le fait que ce qui n'est pas pénalement répréhensible ne peut pas être contrôlé par les plateformes. Or nous proposons justement un dispositif qui leur permettrait de modérer ces contenus, qu'ils soient pénalement répréhensibles ou non. Pourquoi serait-ce si complexe à appliquer ?

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Je voudrais comprendre quelque chose. Aujourd'hui, le droit ne permet pas de modérer ce qui n'est pas pénalement répréhensible. Soit ! Mais l'objet de l'amendement de mon collègue Ravier est de modifier le droit pour créer une autre catégorie, qui viserait des contenus niant un génocide : même s'ils ne sont pas pénalement répréhensibles, dès lors que le génocide en question est reconnu par les lois de la République les plateformes seraient tenues de les modérer.

Je partage l'avis de notre collègue Pupponi : il faudrait qu'avant la fin de la législature, on parvienne à reconnaître une égalité de traitement pénal entre le génocide juif et le génocide arménien. Personne, ici, ne pourrait décemment soutenir que l'un serait moins grave que l'autre. Pourtant, la contestation de l'un est pénalisée et pas celle de l'autre.

Peut-être ne peut-on le faire à l'occasion de ce projet de loi, mais l'amendement de notre collègue vise, non à rendre le négationnisme répréhensible, mais à préciser que deux catégories de contenus doivent être modérées : ceux qui sont pénalement répréhensibles et ceux qui concernent les génocides. Un génocide, ce n'est pas banal, et la République française l'a reconnu : sa contestation doit donc être modérée, même en l'absence de sanctions pénales.

Aussi cet amendement me semble-t-il tenir la route. On nous dit que le juge constitutionnel censurera cette disposition : chers collègues, laissez le Conseil constitutionnel faire son boulot, et faisons le nôtre ! Si on n'adopte plus rien parce que l'on anticipe une censure, le Conseil devient législateur à notre place.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le droit, c'est la sécurité – la sécurité juridique, en l'espèce. Si nous sommes évidemment tous sensibles à cet amendement, à ce qu'il représente, notamment pour nos compatriotes et nos amis d'origine arménienne, la situation est claire : les acteurs du numérique ne peuvent pas se voir assigner une mission de lutte contre des comportements qui ne constituent pas des infractions pénales.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est la règle, c'est comme cela que les choses fonctionnent ! Dans une maison, monsieur Lagarde, on ne construit pas le toit avant les fondations : si vous souhaitez que les choses changent, travaillons ensemble à faire de la négation du génocide arménien une infraction pénale, cela simplifiera les choses. Mais, aujourd'hui, nous sommes là pour évoquer les valeurs de la République, pas pour créer des délits. Et, dans ce cas précis, la mesure que vous défendez comporterait des risques, à commencer par celui de l'insécurité. Entendez-le !

Voilà ce que je vous propose – et ce n'est pas une promesse de nuit qui ne verrait pas le jour : venez, discutons-en, travaillons ensemble. Vous avez tort de vouloir tout inverser, d'appeler à ce que des plateformes soient responsables du retrait de contenus qui ne constituent pas des infractions pénales : l'amendement part d'une excellente idée, j'entends bien, mais ce qu'il propose n'est pas réalisable ! On pourrait en discuter des heures et des heures mais, en l'état de notre droit, ce que vous souhaitez n'est pas possible. C'est comme ça !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous entendons évidemment ce que vous dites, mais considérez qu'il s'agit, d'une certaine manière, d'un amendement d'appel. Il reste un an avant la fin de cette législature : tous les gouvernements précédents ont tenté de pénaliser la négation du génocide arménien ; il faut qu'on parvienne à le faire ! Alors quand, comment ? La question est posée. Quand allons-nous inscrire dans le droit français la pénalisation du génocide arménien – et éventuellement celui des Assyro-Chaldéens et autres chrétiens d'Orient tués en 1915 ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas aujourd'hui ! Ce n'est pas possible !

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L'engagement que vous prenez est important. Nous sommes prêts à discuter, mais encore faut-il vraiment le vouloir : tous les ans, au repas du CCAF – Conseil de coordination des organisations arméniennes de France – , le Président de la République annonce que nous allons pénaliser le génocide, mais le temps passe…

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Je comprends que l'on ne puisse pas permettre aux plateformes de modérer des contenus qui ne sont pas pénalement répréhensibles. Mais nous ne vous proposons ici qu'une seule chose : créer une catégorie spécifique pour un génocide reconnu par la loi française. Tout le monde sait que, pour toutes les familles concernées, la négation d'un génocide revient tout simplement à assassiner les victimes une deuxième fois. Honnêtement, ne même pas essayer me semble un signe de défiance à l'égard de cette cause noble et universelle.

La France est le pays des droits de l'homme, et cela fait longtemps que nous devons légiférer sur ce sujet. On pourrait au moins proposer un dispositif pour lutter contre la haine en ligne, afin d'éviter l'entrisme que j'ai évoqué tout à l'heure et qui s'affiche aujourd'hui sur la place publique. La volonté de la Turquie et d'Erdogan, c'est d'agir, à travers des associations, pour nier le génocide arménien, pour nier les minorités turques, et pour asseoir le personnage d'Erdogan. Je n'irai pas plus loin sur la question religieuse et l'islam radical, mais il est grand temps d'envoyer un signal.

Mme Agnès Thill applaudit.

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Monsieur le garde des sceaux, nous avons bien noté votre invitation à travailler : pourquoi pas ! Mais, puisque vous ne venez siéger dans notre hémicycle que depuis peu, je vous rappelle l'histoire dont nous parlons : comprenez que cela fait quinze ans que les majorités successives ne parviennent pas à faire en sorte que la négation d'un génocide reconnu par la République, dont vous conviendrez évidemment qu'elle est fondamentalement contraire aux valeurs de la République, soit pénalement réprimée et que l'action publique soit efficace sur le sujet.

Nous acceptons votre invitation à y travailler, et le débat se poursuivra au Sénat. Vous dites, monsieur le ministre, qu'on n'invente pas des délits ; pourtant nous venons de le faire, dans ce texte, s'agissant de la divulgation de l'adresse d'un fonctionnaire de la République !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela n'a rien à voir !

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Je vous invite donc, d'ici à l'examen au Sénat, à proposer la création d'un délit de négation du génocide arménien, car je pense que nous avons la possibilité de le faire. Et le Gouvernement serait ainsi le premier à y parvenir.

L'amendement no 1922 rectifié n'est pas adopté.

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Sur l'amendement no 1917 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir cet amendement qui fait l'objet d'un sous-amendement no 2715 .

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C'est le fameux amendement de repli qui permet d'étendre la lutte contre la haine en ligne à l'apologie des crimes contre l'humanité, à leur négation et à leur banalisation. Je n'ai qu'un regret, c'est que, dans ces crimes contre l'humanité et autres génocides, il n'y aura pas le génocide arménien.

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La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 2715 et donner l'avis de la commission sur l'amendement.

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Il permet de viser l'intégralité de l'article 24 bis de la loi de 1881. C'est un repli, mais ce n'est pas un petit pas puisqu'une pleine reconnaissance dans le droit pénal rend la chose complètement effective. Elle demande de passer par deux étapes, mais elle permet d'aboutir exactement à ce que vous visez. Avis favorable à l'amendement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement estime que l'amendement est satisfait. C'est donc une position de rejet.

Le sous-amendement no 2715 est adopté.

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Je mets aux voix l'amendement no 1917 , tel qu'il a été sous-amendé.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 167

Nombre de suffrages exprimés 164

Majorité absolue 83

Pour l'adoption 158

Contre 6

L'amendement no 1917 , sous-amendé, est adopté.

Applaudissements sur quelques bancs.

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La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 1753 .

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Il s'agit de modifier l'article 6 de la loi du 21 juin 2004, qui dispose que « les personnes mentionnées » doivent concourir à la lutte contre la diffusion des contenus visés « compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie, de l'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe [… ] ». Je propose d'ajouter, après la haine raciale, la haine religieuse.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes sur des dispositions extrêmement sensibles. La loi de 1881 nous dit qu'on ne peut inciter à la haine, injurier quelqu'un, appeler à la violence envers une personne en raison de sa race, de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre ou encore de son handicap, mais, en revanche, on peut critiquer une religion. De fait, je pense que nous sommes toutes et tous attachés au droit au blasphème. Or la rédaction que vous proposez introduit cette difficulté et ce doute : en proposant d'ajouter la « haine religieuse » et la critique de la religion, elle nous fait basculer dans ce que nous rejetons, à savoir l'interdiction du blasphème en France. Nous sommes donc sur une ligne de crête. Je comprends que cela n'a jamais été votre idée, et une première lecture de votre amendement m'avait fait penser : « Oui, pourquoi la n'est-elle pas écrite ainsi ? » ; mais à tête reposée on voit dans quoi on basculerait alors. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement ; à défaut l'avis serait défavorable, car il ne correspond pas à votre intention.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Il n'y a pas de débat sur le fond, monsieur Pupponi. Les dispositions de la proposition de loi de Mme Avia avaient, sur ce volet, été déclarées inconstitutionnelles, et nous avions par ailleurs des problèmes d'inconventionnalité. Si nous voulons un espace pour légiférer, nous sommes obligés de nous référer à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne – CJUE – , qui limite la capacité de législation des États aux atteintes à la dignité humaine. Selon notre analyse juridique de l'amendement, il sort du champ conventionnel et exposerait donc l'ensemble de la disposition à une inconventionnalité. Nous suggérons donc un retrait, faute de quoi l'avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai du mal à vous suivre. Je parle de l'article 6 de la loi de 2004, qui porte sur la confiance dans l'économie numérique. Cette loi interdit à ceux qui ont des réseaux en ligne de faire de la haine raciale ainsi que de la haine envers des personnes en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, et vous m'expliquez qu'on ne peut pas faire l'apologie de la haine de quelqu'un en raison de la race, du sexe ou de la relation sexuelle mais qu'on le peut en raison de la religion.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'antisémitisme serait donc possible. Si l'on ne mentionne pas la « haine religieuse », cela veut dire que l'antisémitisme est possible, puisque l'article dont je viens de citer un extrait liste tout ce qui est interdit.

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Comment, par rapport à la loi de 2004, sanctionnez-vous l'antisémitisme ou l'islamophobie ou la haine des chrétiens, puisque le mot « religieux » n'y est pas ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour clarifier les choses, il y a deux parties dans la loi de 2004. La première est l'exposé que vous visez, et, vous venez de le dire vous-même, vous souhaitez y inscrire une interdiction de haïr une religion ; mais haïr une religion, tenir des propos haineux envers une religion, c'est du blasphème, et nous revendiquons le droit au blasphème. Mais la suite de l'article vise les délits réprimés par notre droit, dont l'article 24 de la loi de 1881, qui touche les personnes et vise donc l'antisémitisme, et l'article 24 bis – que nous venons d'intégrer dans le dispositif – , qui vise le négationnisme. Bref, ce que vous souhaitez est dans le texte. Je vous appelle seulement à faire attention : en voulant ajouter ce que vous souhaitez pour en faire une mesure chapeau – et, encore une fois, je comprends votre intention – , vous introduisez l'interdiction de critiquer la religion et non la personne en tant que telle, au regard de sa conscience religieuse. Le problème tient donc à la façon dont vous avez rédigé l'amendement. N'oubliez pas non plus que nous avons manifesté récemment pour défendre le droit au blasphème.

L'amendement no 1753 n'est pas adopté.

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Les amendements identiques nos 1745 de M. François Pupponi et 1812 de M. Meyer Habib sont défendus.

Les amendements identiques nos 1745 et 1812 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 945 , 947 et 1452 , tendant à supprimer l'article 19 bis.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 945 .

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L'article 19 bis est le résultat d'un amendement déposé par le Gouvernement en commission spéciale. C'est une situation problématique dans la mesure où, comme cela a été souligné par une revue de ce secteur, Next INpact, il s'agit de la pré-transcription d'un règlement européen. Or cet article n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact puisque, je le répète, il est issu d'un amendement adopté en commission spéciale ; si bien que nous ne connaissons pas l'avis du Conseil d'État sur les dispositions qu'il contient. C'est très préoccupant car le Gouvernement a décidé l'examen du texte en procédure accélérée.

Cet article vise à pré-transcrire dans notre droit les grandes lignes de ce que l'on appelle à l'échelle européenne le Digital Services Act, le DSA. Un responsable d'un service social en France a fait part d'un certain nombre de doutes ; je le cite : « Les discussions sur le DSA débutant à peine, cet amendement sera juridiquement une sur-transposition de la directive e-commerce en vigueur et non une vraie anticipation du DSA dont on ne sait rien du résultat final. La démocratie européenne doit encore se prononcer. »

En effet, en décembre, la Commission européenne a présenté sa proposition de DSA, destinée à revoir la responsabilité des plateformes et à multiplier leurs obligations. Or cette proposition n'en est qu'au début de la procédure législative au sein de l'Union. La situation va donc conduire la France vers un texte contraire au droit européen existant, au prétexte, de surcroît, d'une mise en conformité avec un futur droit européen. Le plus simple serait de supprimer cet article pour le moment, le temps que le DSA soit décidé : nous pourrions procéder ensuite de manière normale à une transcription du règlement européen. Le faire maintenant, c'est prendre les choses à l'envers, d'autant que, je le rappelle de nouveau, nous n'avons ni étude d'impact, ni avis du Conseil d'État. Tout cela n'est pas très sérieux. C'est pourquoi il m'apparaît nécessaire de supprimer l'article.

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L'amendement no 947 de M. Patrick Hetzel est défendu.

La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement no 1452 .

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Comme vient de l'indiquer notre collègue, cet article, qui ne fait pas moins de dix pages, est arrivé en commission spéciale par voie d'amendement, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État. Tout comme l'article 18 remplaçait l'article 24, l'article 19 bis remplace une grande partie de la proposition de loi de la rapporteure visant à lutter contre les contenus haineux, invalidée, sur ces mêmes dispositions, par le Conseil constitutionnel. Vous revenez donc à la charge avec cet article.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé de sécurité juridique. Or le Gouvernement revient avec un texte assez bancal puisque les bases juridiques en sont très fragiles. Le projet Digital Services Act est quand même avancé. Il contiendra des progrès importants, sur la définition des hébergeurs notamment, puisque, aux termes de la directive commerce électronique de 2004, les hébergeurs sont relativement irresponsables. Le DSA permettra de différencier quatre catégories d'intermédiaires, parmi lesquelles les hébergeurs et les plateformes, et de proportionner les mesures en fonction de ces catégories, ce qui est aujourd'hui impossible puisque vous ne pouvez pas modifier une directive européenne.

Deuxième remarque, vous proposez, avec l'article 19 bis, que la France déroge au principe du pays d'origine, pourtant inscrit dans le traité instituant la Communauté européenne, en confiant le pouvoir de régulation au CSA et en faisant de la loi française la loi applicable. Vous l'avez dit, vous vous appuyez pour cela sur l'arrêt Omega du 14 octobre 2003 de la Cour de justice de l'Union européenne, qui a effectivement ouvert la possibilité de déroger à ce principe, mais pour une raison précise : si l'objectif est la protection de la dignité humaine. En l'occurrence, c'est bien le cas puisque vous faites référence à l'article 6 de la LCEN. Vous méconnaissez cependant les deux autres conditions, cumulatives, fixées par l'arrêt : les mesures doivent être ciblées et proportionnées. Or cela ne sera pas le cas puisque, une fois encore, vous ne pouvez pas modifier la directive européenne.

Par ailleurs, comment imaginez-vous gérer la compétition entre les différentes sanctions qui seront prononcées selon les pays à l'encontre d'une seule et même entité si chaque pays décide de faire comme nous, c'est-à-dire d'appliquer une législation nationale avant même que la législation européenne voie le jour ? Les compétitions entre les législations, les sanctions et les autorités compétentes seront inévitables puisqu'une même entité sera ciblée, mais encourra des sanctions différentes selon les pays.

Je vois que M. le secrétaire d'État ne m'écoute absolument pas ! C'est vraiment regrettable…

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Si, si !

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Comment ferez-vous pour transposer un texte qui n'est pas complètement prêt, mais qui constitue un cadre intéressant et équilibré, applicable à tous les pays, avec des contreparties et une autorité compétente unique ? J'ajoute qu'au début de l'année 2023, lorsque le texte entrera en application, nous reviendrons au principe du pays d'origine. Non seulement, pendant un ou deux ans, la France va donc déroger à ce principe de manière peu sécurisée sur le plan juridique – nous verrons bien si la Commission européenne et les États membres adressent des remarques au Gouvernement dans les douze à dix-huit mois qu'ils ont pour cela – , mais elle devra y revenir au terme de cette période. Au total, la sécurité juridique du dispositif n'est absolument pas assurée. Nous proposons donc la suppression de l'article 19 bis.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

De quoi parlons-nous avec l'article 19 bis ? Il s'agit d'un article essentiel pour la lutte contre la haine en ligne. Depuis le début de l'examen du projet de loi, nous avons adopté différentes dispositions qui visent à sanctionner les auteurs de contenus haineux, les pourvoyeurs de haine, mais nous devons aussi nous intéresser à l'outil grâce auquel ces contenus sont publiés et se propagent de manière virale.

Vous l'avez vous-même souligné au sujet de l'article 18, madame Dumas : la viralité des contenus et le fonctionnement des algorithmes soulèvent de véritables difficultés, auxquelles nous répondons par les dispositions de l'article 19 bis. Quand on veut lutter contre la haine en ligne, il faut s'attaquer aux auteurs des contenus haineux, mais aussi aux systèmes, sous peine d'agir en vain.

L'article 19 bis propose donc de fixer des obligations de diligence et de transparence aux plateformes. Il s'agit d'obligations de moyens, qui nous permettent de savoir comment les plateformes fonctionnent, de nous assurer qu'elles mettent en oeuvre les moyens nécessaires, d'auditer leur fonctionnement et d'évaluer leurs résultats. Grâce à cet article, nous pourrons désormais leur demander de corriger leur système s'il contribue à la propagation de contenus haineux. Nous avons toutes et tous constaté, en particulier sur Facebook et Twitter, à quel point les réseaux sociaux exacerbent les contenus haineux.

Quant aux difficultés que vous avez évoquées, monsieur Hetzel, je ne savais pas, avec tout le respect que j'ai pour vous, que vous étiez le porte-parole du directeur du lobbying de Facebook, dont vous avez tout à l'heure repris les propos à votre compte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est une évidence, ce réseau social n'est jamais très enthousiaste à l'idée d'être régulé. Je l'ai constaté à maintes reprises, il est le premier à publier des tribunes pour demander davantage de régulation et le premier à s'opposer aux mesures qui sont proposées.

Pour notre part, nous considérons, au-delà de la simple posture d'indignation, que nous avons la responsabilité d'agir. C'est la raison pour laquelle nous proposons des mesures pour avancer. Nous avons d'ailleurs déjà largement débattu de ces mesures lors de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Le cadre juridique était alors le même qu'aujourd'hui. Pour autant que je m'en souvienne, ici comme au Sénat, où les dispositions proposées avaient été entièrement adoptées, nous étions déjà dans le cadre du régime du pays d'origine : nous y avons dérogé au nom des atteintes à la dignité humaine.

Vous l'avez dit, madame Dumas, la possibilité de déroger au principe du pays d'origine repose sur certaines conditions : les mesures doivent être ciblées et proportionnées. C'est bien le cas des dispositions de l'article 19 bis, qui respecte la proportion grâce aux seuils qui ont été fixés, les très grosses plateformes constituant la cible prioritaire. En ce sens, nous nous inscrivons dans la continuité du DSA, qui fixe des obligations proportionnelles à la taille des plateformes. Comme l'a déclaré la Commission européenne, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».

Vous avez aussi demandé pourquoi il fallait avancer dans l'urgence. Tout simplement parce qu'il y a urgence. Nous devons arrêter de le nier. Cette urgence me saute aux yeux dès que j'ouvre un fil Twitter, et j'espère que vous la voyez aussi ! Avec la crise sanitaire et le confinement, les contenus haineux sont exacerbés et la violence explose sur les réseaux sociaux, ce qui crée un climat délétère pour nos jeunes. Alors oui, il y a urgence à agir !

Que se passera-t-il, demandez-vous, si tous les États prévoient des sanctions ? Eh bien nous pourrons déjà en conclure qu'il y a un véritable problème du côté des plateformes ! Je le répète, notre objectif n'est pas de les sanctionner, mais de les obliger à construire un cadre protecteur pour les internautes. Nous ne sommes pas les seuls à viser un tel objectif. Les Allemands et les Autrichiens travaillent également en ce sens. L'Autriche a récemment adopté une loi sur la lutte contre la haine en ligne, qui a été soumise à la Commission européenne. C'est donc sous l'impulsion du droit européen et en particulier du DSA, présenté le 15 décembre, que la France peut aujourd'hui avancer. Nous ne sommes pas seuls : nous sommes moteurs. Avis défavorable.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Je compléterai la réponse de Mme la rapporteure par quelques précisions techniques. En réalité, monsieur Hetzel, il y a deux sujets dans votre question. Le premier concerne le cadre juridique sur lequel nous nous fondons pour légiférer, la question étant de savoir si le projet de loi est conventionnel ou non. Rappelons, s'agissant de la proposition de loi présentée par Mme Laetitia Avia, que nous nous interrogions sur la question de savoir si, sur le même champ de contenus, nous pouvions imposer des obligations de moyens et que le Conseil d'État avait reconnu la conventionnalité du dispositif proposé par le texte. Vous demandez l'avis du Conseil d'État : il s'est donc déjà prononcé.

Ce qui a été censuré ensuite par le Conseil constitutionnel, ce ne sont pas les obligations de moyens, ni le caractère conventionnel des dispositions – il n'a d'ailleurs pas à se prononcer sur ce point – , mais l'obligation faite aux réseaux sociaux de retirer leurs contenus illégaux dans un délai de vingt-quatre heures. Le Conseil d'État considère pour sa part que cette disposition fait partie du champ d'habilitation du législateur français. L'article 19 bis ne pose donc pas de problème de conventionnalité. J'ai lu attentivement l'article du journaliste de Next INpact, Marc Rees, que vous avez cité, mais nos services juridiques ont un jugement différent compte tenu de l'avis du Conseil d'État sur la conventionnalité de la disposition, sur laquelle la France est donc habilitée à légiférer.

J'ajoute que l'Allemagne a elle-même légiféré sur la question de la haine en ligne et que la Commission européenne n'a pas relevé de caractère inconventionnel aux dispositions qu'elle a prises. Dans l'attente d'une législation européenne et compte tenu de l'interstice ouvert par la Cour de justice de l'Union européenne, il est donc possible pour les États de légiférer. Voilà pour le premier sujet.

Dès lors que nous savons que nous sommes habilités à légiférer sur la haine en ligne, reste à savoir s'il y a urgence ou non. Vous considérez, monsieur le député, que nous pouvons attendre le texte européen – je note que tous les députés Les Républicains ne partagent pas cet avis. Le Gouvernement estime quant à lui qu'il y a urgence. Nous sommes cependant contraints par un impératif de temps. Le texte du DSA ayant été présenté le 15 décembre par la Commission européenne, nous ne pouvons pas suivre un processus juridique idéal. Ce que nous faisons, c'est quasiment d'injecter une traduction de ce texte au sein de la législation française, le Conseil d'État ayant estimé que la base juridique était suffisante pour cela. Nous prévoyons en outre, à l'article 19 bis, une sorte de clause de fin de validité : dès lors que la législation européenne sera adoptée dans le cadre d'un règlement, elle écrasera la législation française.

Je crois qu'on ne peut pas faire mieux si l'on considère qu'il y a urgence à légiférer sur la haine en ligne. Si l'on pense, au contraire, que l'on peut attendre entre un et deux ans, soit le temps qu'il faudra au texte européen pour être adopté, alors on peut en effet adopter votre position. En tout état de cause, le Gouvernement est en droit de légiférer sur le plan juridique. Le Conseil d'État, dont vous demandiez l'avis, s'est prononcé de manière claire sur ce point. Voilà donc pour le second sujet.

Quant à savoir si c'est le pays d'origine ou le pays de destination qui doit prévaloir, permettez-moi, madame Dumas, de rectifier ce que vous avez dit, qui n'est pas totalement vrai. C'est en effet le pays d'origine qui prévaut, mais un système de mise à niveau, d'égalisation, est fort heureusement prévu entre le pays d'origine et le pays de destination. D'ailleurs, si le principe du pays d'origine prévalait sur la question de la haine en ligne, alors les dispositions que nous adopterions ne seraient jamais d'aucune utilité : la définition des contenus légaux et illégaux serait laissée à l'appréciation du pays de destination ; autrement dit, le législateur irlandais devrait embaucher des centaines de personnes pour examiner les contenus des vingt-sept États de l'Union européenne.

Un meilleur équilibre est évidemment prévu entre le pays d'origine et le pays de destination. En tout état de cause, ce n'est pas le pays d'origine qui prévaut, faute de quoi le système serait inopérant. La France, l'Allemagne et l'Autriche – j'ai eu l'occasion d'en discuter il y a quelques jours avec mon homologue autrichienne – ont d'ailleurs publiquement exprimé leur volonté de faire pencher cet équilibre du côté du pays de destination.

Pour conclure, nous pensons que la transcription que nous faisons du DSA au sein du cadre français reflète parfaitement la philosophie européenne s'agissant de la lutte contre la haine en ligne, tout comme d'ailleurs la volonté de la représentation nationale d'agir dans ce domaine. Je crois me souvenir que vous n'étiez pas en désaccord avec certaines dispositions de la loi Avia, madame Dumas. Vous vous êtes opposée à l'article 1er, mais pas aux dispositions relatives aux obligations de moyens. Étant donné l'urgence de la situation et la prégnance et le développement de la haine en ligne, en particulier ces derniers mois, nous avons tout intérêt à ne pas attendre le terme de la négociation du DSA, qui devrait s'achever d'ici un an ou un an et demi, et son adoption par le Parlement français. Il y a urgence à agir dès aujourd'hui.

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Monsieur le secrétaire d'État, les universitaires spécialistes du droit européen ne disent pas la même chose que vous. Selon eux, cet article pose clairement problème sur le plan juridique. Vous avez raison de souligner qu'il y a en réalité deux sujets dans ma question, mais notre principale préoccupation n'est pas là : le véritable problème est que vous récrivez unilatéralement les principes, toujours en vigueur, de la directive européenne e-commerce, adoptée en 2000, pour les appliquer au niveau français. C'est problématique du point de vue de la hiérarchie des normes et cela conduira nécessairement la France à adopter un texte en contradiction avec le droit européen.

Vous venez d'ailleurs le rappeler, les États membres suivent généralement la logique inverse : ils transcrivent le droit européen dans leur droit national. Or le Gouvernement nous propose aujourd'hui de faire exactement le contraire, ce qui fait courir à la France un risque énorme au regard de la hiérarchie des normes. Ce point a été souligné à plusieurs reprises. Un avis du Conseil d'État sur la procédure utilisée par le Gouvernement dans ce projet de loi serait, j'en suis certain, défavorable. Il y a donc un véritable problème, que vous ne pouvez pas ignorer.

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Quand vous êtes arrivé en commission spéciale avec votre amendement de neuf pages, nous avons été un peu étonnés, monsieur le secrétaire d'État ! Vous nous avez expliqué qu'il s'appuyait sur le règlement sur les services numériques, le DSA, mais ce règlement est en réalité à l'état de projet. Et quand nous vous avons interrogé sur la question de savoir lequel du pays d'origine et du pays de destination allait l'emporter, vous avez d'ailleurs reconnu que ce sujet faisait encore débat.

Nous vous demandons pourquoi le Gouvernement agit avec une telle précipitation et vous répondez qu'il est urgent de lutter contre la haine en ligne. Soit, le régime juridique actuel n'est sans doute pas idéal, mais combien de temps durera encore la finalisation du DSA ? S'il ne s'agit encore que de quelques mois, alors soyons sages et n'adoptons pas un texte qu'il nous faudra nécessairement modifier.

Voilà ce que je n'arrive pas à comprendre : si vous nous disiez que le projet de règlement n'aboutira pas avant trois ou quatre ans, alors d'accord ! Mais est-ce vraiment le cas ? Il faut que vous éclairiez la représentation nationale avant que nous votions.

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Monsieur le secrétaire d'État, je trouve très intéressant que vous parliez d'urgence. En juin 2019, quand nous avons commencé à débattre sur la proposition de loi de la rapporteure Mme Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, nous avons été plusieurs, sur ces bancs, à vous conseiller de ne pas y introduire certaines dispositions car elles ne manqueraient pas d'être invalidées, en particulier l'obligation de résultat faite aux plateformes quant au retrait en vingt-quatre heures des contenus manifestement haineux. Nous vous avions plutôt recommandé d'introduire une obligation de moyens permettant de s'attaquer aux sources du problème, notamment la viralité des contenus et les modèles d'affaires des plateformes numériques.

Ces mesures – réduire la viralité, par exemple – n'avaient rien à voir avec des sanctions et il était possible, à l'époque, de les faire appliquer. Mais vous nous aviez expliqué qu'il fallait attendre le texte européen. En juin 2019, au début de discussions qui ont mis un an à aboutir, vous répondiez donc à nos propositions qu'il fallait attendre, et vous avez fini par produire un texte qui a été invalidé.

Maintenant que le projet de règlement européen est très avancé, je trouve particulier que vous fassiez, en quelque sorte, le coucou. Il se trouve que certaines personnes ont – excusez-moi – un peu mieux travaillé que vous : elles ont élaboré un texte qui est très bien construit parce qu'il est le produit de négociations au niveau européen et parce qu'il recherche un véritable équilibre. Vous nous dites qu'il sera possible d'opérer un rééquilibrage entre pays de destination et pays d'origine ; vous n'avez pas tort, mais nous ne pourrons y arriver qu'au niveau communautaire, à travers un texte européen. Vous ne pourrez pas le faire en décidant seuls de votre côté, alors que nous ne sommes qu'à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne.

Vous avez d'ailleurs passé votre temps à nous dire, sur divers sujets, qu'il ne fallait surtout pas prendre de décisions avant l'Europe, par exemple s'agissant des droits voisins du droit d'auteur. Et là, voilà l'exemple que vous donnez : vous vous saisissez d'un texte travaillé par d'autres, mais vous n'en prenez qu'une partie et vous le déséquilibrez. Et vous vous félicitez d'être précurseurs et de travailler dans l'urgence ! Mais non, vous n'êtes pas précurseurs : vous ne l'avez pas fait quand on vous l'a demandé en 2019, et vous le faites à un moment où l'Europe a besoin de temps et de concertation ! Alors qu'un travail commun est en cours, les autres pays doivent se demander pourquoi nous prenons un bout du projet pour l'appliquer à notre législation nationale, alors même que sa base juridique n'est pas consolidée. Ce n'est pas la meilleure méthode si nous voulons convaincre d'autres pays !

Enfin, vous dites que l'Irlande et le Luxembourg, qui sont les deux pays d'origine des plateformes, ne pourront pas faire le travail tous seuls. Pourtant, le RGPD – règlement général sur la protection des données – fonctionne de cette manière ! Il a institué une autorité unique par État, mais elle est assortie de contre-pouvoirs : chaque autorité nationale n'agit pas toute seule dans son coin, la Commission européenne a son rôle à jouer. Or vous êtes en train de détruire tout cet équilibre.

J'imagine qu'il s'agit d'une énième opération de communication de votre part, mais le dispositif que vous proposez est fragile ; en outre, vous prétendez qu'il est urgent de l'instituer alors que vous l'avez refusé il y a deux ans. Ce faisant, vous mettez à mal le dispositif lui-même et, plus généralement, la construction européenne.

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Je ne pensais pas intervenir sur cet article et je pensais que nous serions déjà en train d'examiner l'article 21. En bon Auvergnat, je vais amortir mon voyage.

Sourires.

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Je travaille depuis plusieurs semaines avec notre collègue Jean-Louis Bourlanges à l'élaboration d'un rapport destiné à la commission des affaires européennes sur la transposition des directives européennes. Je ne souscris pas à l'argument selon lequel le dispositif ne serait pas en harmonie ou en accord avec le droit européen. Un pays peut toujours voter un texte de loi ; cela ne l'empêche évidemment pas, lorsqu'une directive européenne est adoptée, de se remettre au travail pour adapter s'il le faut la loi – ici, française – à la directive en question, …

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… ou plutôt, en l'espèce, au règlement.

Je ne pense pas que cela pose problème. Mais je crois qu'il peut y avoir un problème de méthode. Il faut savoir par exemple que demain matin, à dix heures quinze, aura lieu une réunion entre les commissions des affaires européennes du Bundestag et de l'Assemblée nationale. Elle réunira des experts afin d'approfondir la réflexion sur le sujet dont nous sommes précisément en train de débattre.

Par ailleurs, je rappelle que le traité d'Aix-la-Chapelle, dont je ne suis pourtant pas un adepte, stipule que l'Assemblée nationale et le Bundestag doivent aller le plus possible vers un travail partagé, de manière à anticiper l'écriture de certaines directives et à réfléchir en amont à leur mise en application.

Je m'étonne donc, du point de vue de la méthode, de la vitesse à laquelle vous voulez aller. Il y a urgence, certes, mais nous espérons que celle-ci n'est pas simplement le prétexte à une opération de communication.

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Le président Chassaigne soulève une question importante. Il nous faut clarifier un certain nombre d'éléments s'agissant à la fois du processus envisagé et de la méthode utilisée.

Tout d'abord, je rappelle à tous qu'il ne s'agit pas d'une directive mais bien d'un règlement européen, qui sera donc d'application directe et qui viendra écraser les dispositions nationales que nous aurons votées – mais celles-ci ont de toute façon pour objectif de suppléer aux dispositions communautaires. Pour mettre ceinture et bretelles, nous avons en outre prévu dans l'article une clause d'extinction au 31 décembre 2023, dans l'espoir que le Digital Services Act soit adopté d'ici là. Ainsi, l'ensemble des dispositions que nous proposons se trouvent dans le champ du projet de règlement européen.

Je parle d'espoir, mais je ne vous cache pas qu'à titre personnel, je suis un peu moins optimiste quant au calendrier. Quand on voit que sur la seule question des contenus à caractère terroriste, les discussions durent à l'échelle européenne depuis trois ans, on peut imaginer que s'agissant de la régulation générale de l'ensemble des services numériques, les choses risquent de prendre un peu plus de temps. Mais oui, il faut avancer, et oui, il y a urgence.

Par ailleurs, monsieur le président Chassaigne, vous avez posé une question essentielle, celle de la méthode. Non, nous n'avançons pas seuls, et je tiens à le dire. Depuis plusieurs mois et surtout depuis cet automne, nous travaillons main dans la main avec les commissaires chargés de ces textes à la Commission européenne, que ce soit Cédric O ici présent, Clément Beaune ou moi-même, ainsi que le Premier ministre lui-même, qui s'est rendu à Bruxelles pour échanger avec la présidente de la Commission le 23 octobre dernier et lui a indiqué notre volonté d'avancer à l'échelle nationale.

Sur le plan de la méthode et des rapports diplomatiques que nous entretenons avec la Commission européenne, nous avons donc bien entendu engagé le travail nécessaire. Il va d'ailleurs de soi que ce texte, comme la loi contre les contenus haineux sur internet avant lui, fera l'objet d'une notification envoyée à la Commission. Celle-ci rendra ensuite son avis quant à la compatibilité des dispositions que nous aurons votées avec les travaux qu'elle est en train de mener.

Je crois donc que, s'agissant de la méthode, nous sommes dans une bonne dynamique. Il était très important d'attendre qu'un projet de texte européen soit lancé. Madame Dumas, vous dites qu'en 2019, nous n'avons pas voulu avancer sur certains sujets. Mais oui, en effet ! Il fallait d'abord que nous sachions dans quelle direction voulait aller l'Union européenne. Maintenant que nous le savons, nous agissons sous l'impulsion du projet de Digital Services Act qui est désormais – vous l'avez dit vous-même – assez abouti pour que nous en fassions ici une réplique, dans notre projet de loi nationale.

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La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale.

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Je voudrais simplement rappeler que l'article 19 bis a été ajouté au cours de nos débats en commission spéciale. Je souhaite vraiment qu'il soit maintenu car je considère qu'il constitue un apport essentiel au texte. Il se nourrit des échanges approfondis qui ont été menés avec le Gouvernement, et ce depuis fort longtemps car, comme l'a rappelé la rapporteure Laetitia Avia, nous ne l'avons pas sorti brusquement de notre chapeau : il est issu d'un travail de longue haleine sur la régulation d'internet, sujet dont il est question depuis plusieurs années.

Une tentative lancée ici, à l'Assemblée nationale, avait d'ailleurs abouti à l'adoption d'une proposition de loi qui a été largement censurée par le Conseil constitutionnel. Nous en avons pris acte, mais nous avons été nombreux, sur différents bancs – peut-être pas tous – à dire que la lutte contre la haine sur internet – qui est aujourd'hui un des principaux vecteurs de haine – ne devait pas être abandonnée et que ce travail devait donc être poursuivi.

Je l'ai dit en commission spéciale et je tiens à le répéter : les dispositions que nous voulons introduire sont parfaitement cohérentes avec la conception que nous avons de la République. Certes, il existe des opérateurs privés qui établissent un certain nombre de règles, dont certaines peuvent même être l'objet d'un contrat passé avec les utilisateurs de leurs services, mais les lois de la République sont au-dessus des conditions générales d'utilisation. Celles-ci ne s'imposent pas à nos lois, c'est l'inverse, et nous avons là l'occasion de le dire.

Enfin, je le dis aux collègues qui – et ce n'est pas un reproche, bien entendu – n'ont pas pu participer aux travaux de la commission spéciale : tout au long des auditions que nous avons menées, des personnalités très variées nous ont dit qu'il serait souhaitable d'introduire dans le projet de loi des dispositions relatives à la haine en ligne.

Je le dis notamment à Patrick Hetzel et à Frédéric Reiss, qui ont déposé des amendements de suppression de l'article : les représentants des cultes ont été les premiers à formuler cette requête, et je me souviens leur avoir répondu, de concert avec la rapporteure Laetitia Avia, que nous comptions bien le faire. Nombre d'entre eux nous ont dit : « Faites-le ! », et l'un des représentants des cultes est même allé jusqu'à démonter l'argumentaire du Conseil constitutionnel qui avait conduit à censurer la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

D'autres personnes auditionnées ont dit la même chose et il était d'ailleurs frappant d'observer que l'ensemble des représentants des cultes approuvaient cette idée. En effet, qu'ils soient imams, rabbins, prêtres ou pasteurs, ils sont tous susceptibles d'être livrés à la vindicte, à des cabales et à des campagnes de haine sur internet, qui peuvent être aussi bien antisémites qu'islamophobes. Les obédiences maçonniques nous ont également dit, spontanément, qu'elles étaient victimes de la haine sur internet, tout comme l'Association des maires de France et les associations d'élus, et nous pourrions ainsi multiplier indéfiniment les exemples.

C'est donc bien la combinaison des articles 18, 19 et 19 bis qui permet selon moi de créer un arsenal juridique pour lutter contre ces agissements : il est absolument nécessaire de repousser nettement et franchement les amendements de suppression et de voter l'article 19 bis.

Rappel au règlement

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La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

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Au titre de l'article 58, pour fait personnel. Je ne l'ai pas évoqué tout à l'heure pour ne pas consommer trop de notre temps, puisque nous sommes en temps programmé, mais je trouve étonnant que Mme la rapporteure, lorsque je ne suis pas d'accord avec elle, m'accuse d'être responsable du lobbying chez Facebook. Je trouve un tel propos indigne d'une rapporteure de l'Assemblée nationale. Je tenais à le rappeler car nous faisons tous un travail sérieux.

Nous avons le droit – c'est l'honneur de notre assemblée – d'être en désaccord les uns avec les autres, mais je ne permettrais à aucun moment de faire à mon tour ce genre de remarque. Je trouve cela d'autant plus déplacé que vous êtes sans doute vous-même en train de faire du lobbying auprès du Gouvernement pour votre loi, la loi Avia. Quoi qu'il en soit, madame la rapporteure, je vous demanderai des excuses.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.

Article 19 bis

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Je voulais simplement dire deux choses.

Premièrement, je ne sais pas, monsieur le député, à qui vous faisiez référence en disant que certains ont moins participé que d'autres aux travaux de la commission spéciale. Pour ma part, je n'y étais pas représentante de mon groupe, Libertés et territoires ; je ne suis donc pas de ceux qui y ont le plus contribué, mais la haine en ligne, c'est un sujet que je connais bien. J'ai donc toute légitimité à intervenir pour en parler.

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Deuxième chose : vous vous flattez d'avoir accompli un travail formidable avec l'Europe mais, en réalité, vous avez repris une partie du formidable travail effectué par celle-ci. C'est pratique, pensez-vous, car on ne pourra pas reprocher à ces mesures d'être contraires à la législation européenne.

Or, ce faisant, vous détruisez l'équilibre issu des travaux européens. Vous ne prenez ni tout le cadre ni les contreparties. Vous choisissez ce qui vous convient en pensant que vous pouvez dire ensuite que vous avez bien travaillé. Non ! Premièrement, vous n'avez pas fait ce travail – ce n'est pas le plus grave, mais il vaudrait mieux le reconnaître. Deuxièmement, ce travail tient parce qu'il existe une discussion entre tous les pays et avec les interlocuteurs concernés.

Il est dommage que vous preniez le risque de fragiliser cet édifice. Quand vous défendiez votre texte contre la haine en ligne, vous prétendiez qu'il n'y avait aucun problème de constitutionnalité. Prenons rendez-vous pour voir si ces mesures ne posent aucun problème avec la Commission européenne et les autres pays – eux aussi peuvent vous faire des notifications. À ce moment-là, nous verrons si votre dispositif tient la route.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Puisque vous citez de nouveau le Conseil d'État, monsieur Hetzel, je vais me répéter à mon tour : le Conseil d'État s'est formellement prononcé sur la capacité à légiférer sur les obligations de moyens et sur le fait que c'était conventionnel. La réponse me semble très claire.

S'agissant de la temporalité espérée, monsieur de Courson, il a fallu trois ans pour que l'Union européenne se prononce sur les contenus à caractère terroriste, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure. L'adoption du DSA sera un élément très important de la présidence française de l'Union européenne, mais cela veut dire qu'un accord entre les parties prenantes n'interviendra pas avant la fin du premier semestre 2022, qui devra ensuite être transcrit dans la législation européenne. En étant très optimistes, nous pouvons donc espérer avoir un texte européen sur la haine en ligne d'ici à un an et demi. Compte tenu de l'urgence, nous préférons prendre ces mesures dès à présent, comme nous en avons le droit.

Madame Dumas, vous laissez penser qu'à travers cette pré-transposition, nous faisons du cherry picking, nous picorons ce qui nous plaît dans le texte européen. Je vous mets au défi de me dire ce que nous n'avons pas pris parmi les éléments structurants et d'équilibre de ce texte. Si l'amendement fait neuf pages, comme l'a relevé le député de Courson, c'est bien parce que nous avons repris la quasi-totalité des éléments.

Il y en a un que nous n'avons pas pris car nous nous concentrons sur la haine en ligne alors que le texte européen porte sur d'autres types de contenus. Il n'y a donc pas de déséquilibre au niveau des contre-pouvoirs et des interactions. La France a toute légitimité pour légiférer sur la haine en ligne, et elle le fait en respectant tous les contre-pouvoirs et les équilibres prévus par les textes européens en matière d'appel, d'encadrement et d'interactions entre l'autorité indépendante et la plateforme.

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Nous n'en sommes pas encore à examiner le contenu de l'article, mais nous discutons de la manière dont il a été écrit. À ce moment de cet intéressant débat, je voudrais réagir aux propos de ceux qui estiment que les rédacteurs du projet de loi n'ont rien fait, qu'ils se sont contentés de laisser l'Europe travailler avant de reprendre ensuite ce qui leur plaisait dans ces travaux.

Pardon, mais ce n'est pas la réalité. Pour avoir suivi de près ce dossier, je peux dire que notre rapporteure Laetitia Avia, dont vous connaissez la ténacité, a travaillé de façon très assidue avec le commissaire Breton. Le travail ne s'est pas fait tout seul en Europe : il a été fait en collaboration avec notre Parlement. C'est bien pour cela que nous pouvons bâtir à partir du DSA et ajouter notre pierre à l'édifice.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Les amendements identiques nos 945 , 947 et 1452 ne sont pas adoptés.

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L'amendement no 9 deuxième rectification de Mme Valérie Bazin-Malgras est défendu.

L'amendement no 9 deuxième rectification, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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L'amendement no 2509 de Mme Laetitia Avia, rapporteure, est rédactionnel.

L'amendement no 2509 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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Je suis saisi de quatre amendements, nos 2349 , 1629 rectifié , 2353 et 1819 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Sur l'amendement no 1629 rectifié , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 2349 .

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Toute publication – presse, radio, affichage, site internet – a un responsable des propos tenus, qui est en général le directeur de la publication. Lors de la rédaction de la loi pour la confiance dans l'économie numérique en 2004, il y avait des blogs, des forums et des pages personnelles mais pas encore de réseaux sociaux. À l'époque, les techniques d'anonymisation telles que le réseau Tor en étaient à leurs balbutiements.

La LCEN a créé le statut d'hébergeur de contenus qui exonère de toute responsabilité les sociétés qui hébergent des contenus créés par des tiers à deux conditions : elles doivent agir promptement pour retirer un contenu manifestement illicite ; elles doivent détenir et conserver des données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu. Or, contrairement à ce qui se passait en 2004, il est désormais à la portée de tous de s'inscrire sur un réseau social et d'y publier un contenu en utilisant des techniques pour masquer les possibilités d'identification.

C'est pourquoi je propose d'actualiser la LCEN en obligeant les hébergeurs de contenus à détenir des données permettant d'identifier vraiment l'auteur d'un contenu, s'ils veulent continuer à être exonérés de leurs responsabilités.

M. Guillaume Larrivé applaudit.

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Les hébergeurs pourront ainsi mettre en place des dispositifs en cascade afin de vérifier qu'ils détiennent des informations suffisantes. Si une adresse IP provient de Tor, par exemple, ils effectueront une vérification par téléphone ou par SMS.

Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre aussi l'amendement no 2353 , qui propose une approche différente. Il prévoit d'imposer aux plateformes une obligation de moyens pour s'assurer que les données collectées suffisent à une identification effective. La Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL – et le Conseil d'État définiront les données minimales qui doivent être collectées.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – MM. Christophe Blanchet et Guillaume Larrivé applaudissent également.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement no 1629 rectifié .

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Le présent amendement, qui vise à mettre fin à l'anonymat sur les réseaux sociaux, procède du même esprit que ceux que vient de défendre Blandine Brocard de façon excellente.

L'anonymat, qui permet de se masquer et de se dissimuler, autorise un véritable déferlement de haine. Le président de la commission spéciale a rappelé ce à quoi nous sommes confrontés : menaces, insultes, antisémitisme.

Le débat doit être ouvert car plusieurs solutions techniques sont possibles pour mettre un terme à cet anonymat, source d'impunité et d'irresponsabilité. En effet, les paroles et les actes diffusés sur les réseaux sociaux sont très rarement – pour ne pas dire jamais – poursuivis par l'autorité judiciaire, car c'est quasiment impossible.

Il faut traiter ce problème à la racine. Nous ferions considérablement avancer la protection des libertés et l'assainissement indispensable de ces réseaux sociaux si nous avions le courage de mettre un terme à cet anonymat qui est le vecteur de cette haine de plus en plus insupportable.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Blandine Brocard et M. Philippe Vigier applaudissent également.

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L'amendement no 2353 de Mme Blandine Brocard a donc été défendu.

La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement no 1819 .

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On ne peut pas continuer à parler de haine sur internet sans évoquer l'anonymat. La liberté d'expression et la protection des individus n'autorisent pas à déverser tant de haine, sous couvert d'anonymat.

Comme ceux qui viennent d'être défendus, cet amendement souhaite appeler l'attention sur cet anonymat qui permet le déferlement de haine en ligne. Chaque utilisateur doit donc pouvoir être identifié, tout comme dans l'espace public réel. Rien ne justifie qu'il soit possible de commettre une multitude d'infractions sur internet, sous couvert d'anonymat.

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Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements ?

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En réalité, il n'y a pas d'anonymat sur internet, mais un sentiment d'anonymat qui crée une impunité. Les plateformes disposent des éléments d'identification des auteurs de contenus, elles y sont même obligées par la loi de 2004.

Votre amendement no 2349 , madame Brocard, est donc satisfait par la LCEN où il est écrit que les plateformes « détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires. » La LCEN prévoit aussi les dispositions concernant la CNIL et le Conseil d'État que vous évoquez dans votre amendement.

Puisque les plateformes disposent des éléments d'identification, ceux qui pensent qu'ils peuvent dirent ce qu'ils veulent sur internet en se croyant à l'abri d'un pseudo pourraient être poursuivis. Le problème est que nous sommes dans un cercle vicieux : il existe un sentiment d'impunité ; très peu de plaintes sont déposées ; les enquêtes ne prospèrent pas car les plateformes ne coopèrent pas ; il n'y a pas de décision de justice, donc pas d'exemplarité.

Il faut inverser la tendance et créer un cercle vertueux. Il faut davantage de plaintes et des enquêtes qui prospèrent, donc que les plateformes coopèrent. Hier, nous avons eu une preuve que la clef est d'obliger les plateformes à répondre aux réquisitions judiciaires : cinq personnes ont été placées en garde à vue dans l'affaire Mila, la pression publique et médiatique exercée sur Twitter ayant abouti à leur identification.

Nous devons faire en sorte que les plateformes coopèrent rapidement dans tous les cas, même lorsqu'il ne s'agit pas de personnes médiatiques. Il faut donc sanctionner les plateformes chaque fois qu'elles ne coopèrent pas. Voilà ce que nous proposons dans cet article 19 bis, qui prévoit des sanctions pouvant aller jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires pour les plateformes qui ne coopèrent pas pour l'identification d'auteurs de contenus litigieux.

Un amendement à venir de notre collègue Pacôme Rupin demande que les plateformes aient un interlocuteur en France, qui sera chargé de la mise en oeuvre des réquisitions judiciaires.

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Actuellement, les réquisitions sont envoyées aux États-Unis où personne ne répond alors que les victimes sont obligées de traduire les documents à leurs frais. L'interlocuteur en France devra s'assurer que les plateformes coopèrent et répondent. Les enquêtes pourront alors avancer, d'autant qu'il existe un parquet spécialisé dans le numérique depuis le 4 janvier dernier. Nous pourrons alors inverser la donne, l'exemplarité des décisions de justice incitant au dépôt de plainte.

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Alors que les plateformes disposent des éléments d'identification, je le répète, l'amendement de M. Ciotti propose que toute personne désirant ouvrir un compte soit tenue de fournir une pièce d'identité. Les plateformes en rêvent : c'est la dernière donnée qu'elles ne possèdent pas encore et qui vaut de l'or pour elles !

Tout le monde s'était offusqué du possible transfert de données entre WhatsApp, Facebook et d'autres applications ; n'allons donc pas ouvrir nous-mêmes les vannes pour permettre aux plateformes de recueillir et de contrôler les pièces d'identité, d'autant que l'on dispose d'autres moyens, bien plus respectueux de nos droits et libertés personnels et individuels. Je répète : cinq personnes ont été placées en garde à vue hier dans l'affaire Mila. C'est une nouvelle preuve concrète de ce que les plateformes ont tous les outils nécessaires, mais ne veulent simplement pas, aujourd'hui, les activer. Demain, nous allons les contraindre : c'est tout le projet de l'article 19 bis.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Cédric O, secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

L'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements vaudra aussi pour les trois amendements suivants de Mme Blandine Brocard, nos 2350, 2352 et 2351, qui portent tous sur la question de l'anonymat.

Nous avons déjà eu ce débat à de multiples reprises. Pour reprendre vos termes, madame Brocard, on n'est pas anonyme sur internet. Comme le montre ce qui s'est passé avec Nadia Daam, quand on veut retrouver les gens, on les retrouve. Le problème n'est pas celui de l'anonymat : c'est celui de la procédure judiciaire permettant de retrouver les personnes.

Par ailleurs, je vous invite à lire le dernier livre de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, qui évoque les derniers travaux américains de recherche scientifique sur la question de l'anonymat. Ces travaux montrent que le niveau de violence ne varie pas selon qu'on écrit sous anonymat ou non. On peut le regretter et considérer que ce n'est pas normal, mais internet fonctionne de telle manière que les gens n'hésitent pas à proférer des menaces de mort, à insulter autrui ou à tenir des propos homophobes, y compris sous leur propre nom. Il y a probablement un problème de société, un problème de prise de conscience de nos concitoyens – je suis, comme vous, révolté par les gens qui tiennent ces propos derrière des pseudos – , mais la science montre que ces comportements ne sont en rien aggravés par l'anonymat. Le problème est donc ailleurs.

Pour revenir à la question des mécanismes d'anonymisation, dont traite l'un des amendements de Mme Brocard, l'adresse IP est loin d'être la seule manière d'identifier une personne : on peut passer par le code IMEI – International Mobile Equipment Identity – , par la géolocalisation, par les systèmes d'exploitation OS ou iOS. Il y a un faisceau d'indices qui fait que, même quand les gens s'abritent derrière un logiciel Tor, la justice sait les retrouver. Le dernier exemple en date est celui de l'identification des coupables de pédopornographie par les services de gendarmerie. Le problème n'a donc jamais été celui de l'anonymat ; c'est celui de la procédure judiciaire.

Avis défavorable à ces quatre amendements, donc, ainsi qu'aux trois suivants.

Mme Laetitia Avia, rapporteure, applaudit.

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Chers collègues, je vois plusieurs demandes de prise de parole. Nous sommes au coeur d'un sujet important et il faudra se donner le temps, demain matin, d'en débattre.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance à neuf heures :

Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

La séance est levée.

La séance est levée, le jeudi 11 février 2021, à zéro heure cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l'Assemblée nationale

Serge Ezdra