La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi ratifiant l'ordonnance no 2017-17 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense (no 481).
La parole est à Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, je tiens, à l'occasion de la dernière étape de l'examen de ce texte, à renouveler mes remerciements à l'ensemble des députés, de la majorité comme de l'opposition, qui ont suivi avec beaucoup d'attention ce projet de loi.
M. Rupin et Mme Hennion ont soutenu les avancées que nous avons proposées, notamment sur la clarification des périmètres d'intervention du nouvel établissement Paris La Défense. Mme Le Grip et M. Schellenberger ont participé de manière constructive à nos débats. La vigilance exercée par M. Peu quant à l'équilibre des relations entre les différentes collectivités au sein de l'établissement nous aura permis d'expliquer plus précisément quelle était notre volonté en tant que législateur et quelles étaient selon nous les conditions de réussite du développement du territoire de La Défense Seine Arche.
En amendant le projet de loi de ratification de cette ordonnance tout en préservant les grands équilibres du texte, nous avons affirmé notre confiance en la capacité des collectivités qui assureront demain la gouvernance du nouvel établissement à mettre en oeuvre la coopération nécessaire à tout projet territorial.
Nous reconnaissons ainsi le rôle et la compétence des élus locaux qui font tant pour l'aménagement du territoire. Nous témoignons aussi une confiance particulière envers les élus des Hauts-de-Seine, qui ont fortement contribué à l'identité de ce territoire extrêmement dynamique, avec ses nombreux étudiants et ses entreprises dont le potentiel de développement a largement nourri l'attractivité de la capitale, et qui continue de constituer un enjeu majeur de développement économique dans les années à venir.
Nous donnons aux élus du département et des communes de Courbevoie, Puteaux, Nanterre et La Garenne-Colombes, mais également, et c'est à noter, à ceux de la Ville de Paris, de la métropole et de la région, la possibilité de définir, sur le périmètre des opérations d'intérêt national de La Défense et de Seine Arche, un avenir commun reposant sur la modernisation et l'ouverture de ce territoire. Il s'agit de créer davantage de liens entre les collectivités, d'animer des projets communs et de redonner toute sa place au premier quartier d'affaires européen sur la scène internationale.
Plusieurs projets récents participent déjà de cette dynamique, à l'image de l'U Arena et des Jardins de l'Arche. J'espère que les années à venir permettront de constater qu'ils étaient les prémices d'une collaboration durable entre les acteurs locaux au profit de leur territoire, dans le respect de leur positionnement politique.
Nous avons pu amplement le constater, il reste beaucoup à faire pour les habitants et les usagers. Les auditions des élus des collectivités concernées et du préfet de région ont montré que chacun mesurait les défis qui restent à relever.
La réforme que nous nous apprêtons à adopter définitivement remet ainsi les élus au coeur du projet et de l'ambition que nous portons pour La Défense : c'est une opportunité, mais aussi, à plusieurs égards, une lourde responsabilité.
Soyons tout à fait transparents : les difficultés liées à l'insuffisance des investissements au cours des dernières décennies, notamment pour entretenir la dalle et les nombreuses infrastructures qui la desservent, constituent aujourd'hui l'un des principaux motifs de cette réforme. Les collectivités s'engagent, dans le cadre de l'ordonnance, à financer la remise aux normes devenue urgente, à hauteur d'au moins 360 millions d'euros sur dix ans.
Leur capacité à moderniser et à sécuriser le quartier historique, à rénover ses accès et à l'ouvrir sur les territoires environnants constitue le défi principal ; elle conditionnera l'appréciation de cette réforme dans l'avenir. La responsabilité des collectivités est donc importante, tout comme l'est notre confiance qu'elles y parviendront : elles ont tout à y gagner.
Toutefois, ce financement, qui a longtemps fait défaut, ne pourra tout justifier ni tout permettre. Je le redis à la tribune, comme je l'ai dit à l'ensemble des acteurs concernés et encore répété aux sénateurs en CMP : un projet d'aménagement ne peut réussir que dans la concertation et la recherche d'une forme de consensus. On ne construit pas un projet commun sans prendre en considération l'avis de chacun des acteurs impliqués dans la gestion du territoire, surtout dans le cadre d'une opération d'intérêt national.
Si tous les élus auditionnés en sont conscients, ils doivent désormais apporter les gages de leur capacité à s'inscrire dans le dialogue. Ils seront accompagnés dans cette démarche par le préfet de région, dont ce sera le rôle. Nous veillerons à ce que la volonté du législateur, telle que nous l'avons rappelée à plusieurs reprises, soit respectée.
Nous avons pu dégager un consensus en commission mixte paritaire, et j'en remercie M. Darnaud, rapporteur au Sénat. C'est dans cet esprit, et animée du souhait que nous partageons tous, malgré certaines divergences, de voir réussir ce territoire, que je souhaite que le texte qui nous est soumis soit adopté et l'ordonnance ratifiée. Nous clôturerons ainsi plus de deux ans de travaux préparatoires et répondrons aux fortes attentes exprimées en faveur de ce territoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense sont aujourd'hui soumises à votre examen.
L'accord trouvé avec les sénateurs n'a modifié le texte que pour étendre la compétence du nouvel établissement en matière de filiales. Je vous en rappelle ici les grandes lignes. Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 55 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, qui a habilité le Gouvernement à « prendre par ordonnance [… ] toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet : 1° la création d'un établissement public local associant l'État, le département des Hauts-de-Seine, ainsi que des collectivités territoriales et leurs groupements, dont certaines et certains à titre obligatoire, pour l'aménagement, la gestion et la promotion du territoire de « Paris La Défense » ; 2° la définition des pouvoirs spécifiques attribués à l'État ; 3° la définition du périmètre d'intervention géographique de cet établissement, en concertation avec les communes concernées ; 4° la substitution de cet établissement à l'établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense et à l'établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche. »
Cette réforme vise à mettre en place un pilotage unifié du quartier de La Défense, premier centre d'affaires européen, pour répondre aux enjeux de développement et d'attractivité auquel il fait face. Il s'agit concrètement, en fusionnant les deux établissements actuels – l'établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche, l'EPADESA, et l'établissement public de gestion de La Défense, dénommé Defacto – de mettre fin à cette séparation des fonctions qui a largement fait preuve de son inefficacité.
Aujourd'hui, nous achevons ce processus qui mènera à la création, au 1er janvier 2018, d'un établissement public local unique se substituant aux deux établissements. La décentralisation de ce nouvel établissement, assumée par l'État, confie pleinement la responsabilité du développement de La Défense aux collectivités territoriales. Seront ainsi représentés à son conseil d'administration le département des Hauts-de-Seine, qui sera majoritaire, ainsi que les communes de Courbevoie, Nanterre, Paris et Puteaux, la région Île-de-France et la métropole du Grand Paris. Par l'intermédiaire du préfet de région, l'État restera présent au sein de l'établissement pour assurer la coordination entre l'action de l'État et celle de l'établissement.
L'ordonnance prévoit également le transfert à titre gratuit des droits, biens, obligations et personnels de l'EPADESA et de Defacto au nouvel établissement. À la suite du débat parlementaire, il n'y a désormais plus aucune exception à ce transfert, ce qui permettra à l'établissement d'exercer pleinement ses missions.
S'agissant de la question des périmètres, la représentation nationale a simplifié le texte tout en en conservant l'esprit. L'établissement public Paris La Défense exercera ainsi ses compétences sur deux secteurs distincts. À l'échelle de l'opération d'intérêt national Seine Arche, il interviendra comme un établissement public d'aménagement de fait : il sera doté d'une capacité d'initiative, ce qui lui permettra notamment de reprendre les opérations lancées par l'EPADESA sans que cette capacité n'exclue celle des collectivités compétentes. En revanche, à l'échelle de l'opération d'intérêt national de La Défense, l'établissement sera doté de compétences exclusives en aménagement et en gestion.
De ce point de vue, le texte de l'ordonnance ne bouleverse pas les équilibres actuels, qui pourront évoluer – les périmètres sont modifiables par décret – , par souci de cohérence et surtout pour tenir compte du consensus entre les collectivités.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, nous voici donc au terme du processus législatif qui verra, le 1er janvier 2018, la naissance d'un établissement public unifié, « Paris La Défense ».
En moins d'un an, le Parlement aura réussi, malgré le renouvellement des deux chambres, à trouver un large consensus sur un sujet d'importance nationale. Quatrième quartier d'affaires mondial, premier quartier d'affaires européen, La Défense mérite en effet un outil mieux adapté à ses enjeux, alors que le Brexit nous amène à relever de nouveaux défis.
Grâce au travail approfondi réalisé par les deux rapporteurs, au Sénat Mathieu Darnaud au Sénat et ici Isabelle Florennes, dont je tiens à souligner l'excellent travail et l'esprit d'ouverture, les différentes étapes ont été franchies sans difficulté majeure. L'examen du texte, en commission, en séance publique puis lors de la réunion de la commission mixte paritaire – qui a débouché le 6 décembre sur un accord – a fait apparaître une convergence de vues sur l'essentiel.
En adoptant définitivement le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 3 mai 2017, nous permettrons au nouvel établissement public de prendre pleinement la responsabilité de l'aménagement et de la gestion de ce territoire si particulier. La mission de l'établissement public Paris La Défense sera essentielle, non seulement pour rendre ce territoire encore plus dynamique et attractif, mais aussi plus accueillant, plus vivant, plus fonctionnel pour ses habitants et ses usagers. Il s'agit aussi de conforter son action au service d'une ambition nationale.
Le transfert du pilotage aux collectivités – pilotage qui leur est d'ailleurs redonné plutôt que transféré – constitue le deuxième axe fondamental de l'ordonnance. S'il fallait le rappeler une ultime fois, toute une série d'infrastructures, à la charge de l'État, n'ont pas été entretenues comme il l'aurait fallu ces dernières années. L'exemple des quatorze tunnels, dont l'état laisse fortement à désirer, est à cet égard tout à fait probant. L'État n'ayant pas assumé ces missions, il appartient désormais aux collectivités territoriales, au premier rang desquelles le département des Hauts-de-Seine, de financer et de mener à bien les aménagements et les rénovations nécessaires.
En contrepartie, il faut permettre au nouvel établissement public de fonctionner le mieux possible et veiller à la cohérence du dispositif. À cet égard, le groupe Les Républicains est particulièrement attaché au respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Malgré quelques divergences d'approche, nous avons réussi à trouver un point d'équilibre sur la faculté de créer des filiales, en adoptant un amendement du sénateur Darnaud, qui reprend la rédaction de l'article 3 adoptée par le Sénat, proposition que j'avais moi-même formulée en commission.
La possibilité pour l'établissement public Paris La Défense de créer des filiales ou d'acquérir des participations, sous certaines conditions, permettra ainsi d'approfondir la décentralisation de la gestion et de la gouvernance de ce territoire. Le compromis trouvé en CMP est un signal adressé aux investisseurs potentiels, ainsi qu'un atout non négligeable pour l'attractivité. Il est donc sage que nous ayons réussi à surmonter nos petites divergences dans l'intérêt de ce projet.
Nous n'avons pas réussi à trouver un accord parfait entre les deux chambres sur l'articulation entre la responsabilité autonome du nouvel établissement public, d'une part, et l'intervention du représentant de l'État, d'autre part, mais des pas essentiels ont été franchis – je pense en particulier à la question de la propriété des parkings. La convergence de vues de nos deux assemblées a permis de trouver une solution.
Le choix de deux périmètres, l'un exclusif en matière d'aménagement et de gestion sur le quartier historique de La Défense et l'autre, non exclusif, pour l'aménagement du territoire Seine Arche est aussi le fruit de l'équilibre trouvé à la faveur des navettes, tout comme l'élargissement des compétences de gestion en matière de sécurité des biens et des personnes, avec la possibilité de recourir à la vidéoprotection, mais également des compétences en matière de circulation routière ou de propreté des voies et des espaces publics.
Au terme d'un long débat, riche en épisodes, le groupe Les Républicains votera en faveur du texte issu de la CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense arrive aujourd'hui au terme de son processus législatif.
Il a été porté dans un but et un seul : instaurer une gestion globale et harmonisée du quartier de La Défense pour en renforcer l'attractivité et mettre fin à l'absurdité du millefeuille territorial et à la gestion kafkaïenne, si vous me le permettez, dont il souffrait.
En effet, jusqu'alors deux établissements se concurrençaient pour ne pas avoir à résoudre les problèmes du quotidien. Nous financions deux institutions qui se renvoyaient les responsabilités les plus urgentes. Il n'était plus possible d'accepter que la population ou les entreprises aient à subir encore une fois une panne du réseau d'éclairage sur l'axe principal, comme il y a cinq ans, sans qu'aucune instance ne prenne en charge la réparation. Il convient d'agir maintenant pour éviter le pire.
Nous nous félicitons donc que la CMP soit parvenue à un accord, ce qui nous permet aujourd'hui de procéder à la lecture définitive du texte en vue de son entrée en vigueur dès le 1er janvier 2018.
Nous nous réjouissons également de voir que ce projet a suscité sur le terrain un large consensus de la part de toutes les parties prenantes et de tous les acteurs impliqués sur ce territoire – l'État bien sûr, les collectivités locales, les divers représentants des établissements successifs ainsi que les acteurs économiques et les habitants du périmètre.
Les difficultés sont finalement surmontées dès lors que le projet nourrit une grande ambition comme c'est le cas ici.
Le nouvel établissement doit réaliser les deux desseins qui ont présidé à sa naissance : un vaste mouvement de rénovation pour réaliser les investissements reportés depuis trop longtemps ; l'amélioration de l'attractivité de la place financière pour en faire l'un des plus grands centres d'affaires mondiaux à même de concurrencer les places de New York, Londres, Singapour, Shanghai ou Séoul.
Le quartier de La Défense a beaucoup évolué depuis sa création : il abrite désormais le siège de quelques-unes des plus grandes entreprises françaises, mais il regroupe aussi des universités, des établissements d'enseignement qui forment nos jeunes, des centres commerciaux, des immeubles et des quartiers d'habitation. Tout ceci doit être pris en compte pour favoriser un développement harmonieux pour chacun. Je suis convaincue que le nouvel établissement sera en mesure de répondre aux deux enjeux que j'évoquais plus tôt.
En première lecture, grâce à l'excellent travail de notre rapporteure, Isabelle Florennes, nous avions oeuvré pour faire en sorte que le nouvel établissement dispose de tous les instruments de gestion nécessaires à son développement. Il faut donner clairement les moyens, tous les moyens, à l'établissement public Paris La Défense de favoriser le développement de ce territoire.
Il s'agit d'une opportunité unique de gagner en efficacité, en réunissant les deux anciens établissements – EPADESA et Defacto – en un seul, dont l'objectif principal sera de créer une place financière à dimension internationale. La fusion doit être opérée en concertation et en bonne entente, mais nous savons les acteurs très investis et soucieux que les projets en cours – et ils sont de grande ampleur – ne pâtissent pas de la réorganisation.
Ces objectifs sont partagés ainsi qu'en témoigne l'accord trouvé sur une stratégie de développement pluriannuelle, soutenue par un plan d'investissement sur dix ans.
Efficacité de la gouvernance, pour répondre plus vite et plus simplement aux demandes, attractivité du quartier, pour accompagner son développement, et ceci au service d'une ambition nationale, tels sont les maîtres mots qui ont guidé l'élaboration de ce texte.
C'est pourquoi le groupe Mouvement démocrate et apparentés votera en sa faveur.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, deux semaines après l'examen en première lecture dans cet hémicycle du projet de loi ratifiant l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense, du fait des différences d'appréciation avec nos collègues sénateurs, nous voici à nouveau réunis pour adopter le texte proposé par la CMP.
À l'exception de l'article 1er qui vise à ratifier l'ordonnance, de l'article 7 qui prévoit d'intégrer les parcs de stationnement dans les équipements transférés au nouvel établissement et de l'article 8, de coordination, pour lesquels les votes étaient conformes, restaient en discussion les dispositions prévues par les articles 2, 3, 4, 5 et 5 bis.
Je ne doute pas que la plupart des dispositions adoptées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale auraient convenu à la chambre haute s'il y avait eu une deuxième lecture ; ces dernières ont d'ailleurs été bien accueillies par les sénateurs membres de la commission mixte paritaire. Je pense notamment à l'élargissement des compétences de l'établissement public en matière de sécurité des biens et des personnes, qu'il s'agisse de la vidéoprotection ou de la circulation routière.
Quant aux dispositions qui pouvaient susciter des divergences – par exemple, la définition des périmètres d'intervention ou la possibilité de créer des filiales et d'acquérir des participations dans des sociétés publiques locales – , elles ont fait l'objet d'un consensus.
Je tiens donc, au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, à saluer le travail de la commission mixte paritaire ainsi que le vôtre, madame la rapporteure, qui ont permis d'atteindre l'objectif en réunissant les conditions de l'écoute et du dialogue, préalables indispensables à la conciliation.
Au fond, mes chers collègues, nous avions tous conscience qu'il était devenu nécessaire de moderniser le quartier d'affaires de Paris La Défense. Le déficit de coordination entre les différents acteurs locaux et l'État durait depuis déjà près de vingt ans. Cette situation regrettable entravait la réalisation des investissements attendus pour remplacer les équipements et les infrastructures dont la vétusté a été dénoncée à plusieurs reprises par la Cour des comptes.
Je souhaite donc saluer l'ensemble des parlementaires qui ont travaillé sur ce sujet. Quelles que soient nos sensibilités politiques, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée, en commission des lois ou en séance publique, nous avions en commun de rechercher l'équilibre entre la nécessité de décentraliser la gouvernance de Paris La Défense et celle de permettre une réelle coopération territoriale.
Je crois que nous y sommes parvenus. Après la fusion des deux établissements chargés de la gestion et de l'aménagement de ce territoire pour n'en former qu'un seul au 1er janvier 2018, Paris La Défense sera plus fonctionnel et plus accueillant pour tous ses usagers.
À l'heure où le Brexit offre des opportunités économiques historiques et où il nous appartient de promouvoir un urbanisme durable, écologique, au service de la qualité de vie de nos concitoyens, ce texte est à même de donner les moyens à Paris La Défense d'être compétitif en tant que pôle financier de dimension mondiale et de faire de ce site un véritable lieu de vie du XXIe siècle, plus partagé, plus vert et plus innovant. C'est la raison pour laquelle nous voterons ce texte.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, il nous est demandé aujourd'hui d'adopter le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense, à la suite des travaux de la CMP du 6 décembre dernier.
Pour le groupe Nouvelle Gauche, ce projet doit être apprécié au regard de la feuille de route qui avait été fixée par l'ancienne majorité et qui comportait quatre points : premièrement, la création d'un établissement public local ayant pour mission l'aménagement, la gestion et la promotion du territoire de « Paris La Défense » et associant l'État et plusieurs collectivités territoriales, dont le département des Hauts-de-Seine ; deuxièmement, la définition des pouvoirs spécifiques attribués à l'État ; troisièmement, la délimitation du périmètre d'intervention géographique de cet établissement public, en concertation avec les communes concernées ; enfin, la substitution de cet établissement public à l'EPADESA et à Defacto.
Cette feuille de route reposait sur l'idée audacieuse de procéder à une décentralisation du premier quartier d'affaires d'Europe, en suivant deux axes principaux : rationaliser la gouvernance et la carte territoriale ; mieux définir les compétences et les responsabilités des différents acteurs locaux.
L'ordonnance crée donc un nouvel établissement public à compter du 1er janvier 2018, chargé d'une double mission d'aménagement et de gestion. Son conseil d'administration sera composé de dix-sept membres, dont neuf représentants du département des Hauts-de-Seine, des représentants d'autres collectivités et deux personnes qualifiées nommées par le Gouvernement. En cela, la feuille de route est respectée.
Néanmoins, le refus de la majorité d'assurer le pluralisme dans la représentation du conseil départemental des Hauts-de-Seine n'est pas acceptable. L'amendement qu'a porté notre groupe en première lecture ne constituait pas une atteinte à l'esprit décentralisateur de l'ordonnance, il visait à en renforcer l'esprit démocratique. Et, comme un pied de nez à cette exigence de pluralisme, le conseil départemental des Hauts-de-Seine a déjà fait savoir que ses représentants seraient tous issus de la majorité.
Le deuxième point de la feuille de route concernait les pouvoirs spécifiques attribués à l'État. Sur ce sujet, nous sommes satisfaits du contenu de l'ordonnance.
Le troisième point de la feuille de route portait sur le périmètre de l'établissement et le rôle donné aux communes dans la définition de celui-ci. Le groupe Nouvelle Gauche s'oppose à la rédaction actuelle de l'ordonnance qui permettra à l'établissement public Paris La Défense d'intervenir en matière d'aménagement sur une grande partie du territoire de la commune de Nanterre sans être contraint de passer une convention avec celle-ci, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'EPADESA.
Lors de la CMP, les sénateurs socialistes ont souhaité maintenir cette obligation de conventionnement, mais ils n'ont pas été entendus. Je souligne ici un risque constitutionnel : les représentants du département des Hauts-de-Seine étant majoritaires au sein du conseil d'administration de Paris La Défense, la collectivité départementale pourrait être amenée à exercer de fait une tutelle sur la commune de Nanterre.
Le dernier point de la feuille de route prévoyait que l'établissement Paris La Défense se substitue à Defacto et à l'EPADESA. C'est le cas dans l'ordonnance et cela permettra de simplifier l'architecture administrative du quartier. Toutefois, cet objectif de rationalisation ne va pas à son terme. Alors que l'examen du projet de loi a permis de passer de trois à deux périmètres d'intervention de l'établissement public, l'article 3 introduit de nouveau de la complexité. Ainsi, l'établissement public Paris La Défense pourra créer des filiales ou acquérir des participations dans les sociétés publiques locales. C'est à coup sûr la porte ouverte à la création de nombreuses structures qui complexifieront l'action publique.
Pour terminer, le groupe Nouvelle Gauche regrette le calendrier de ratification de l'ordonnance. D'une part, la Cour des comptes, dans un rapport qui n'a pas été rendu public mais dont la presse s'est fait l'écho, estime que la décentralisation du quartier se fait de manière trop rapide, ce qui empêche de dresser un inventaire rigoureux du patrimoine transféré au nouvel établissement public. D'autre part, un recours a été déposé devant le Conseil d'État par le comité d'entreprise de l'EPADESA, fondé sur l'absence de concertation avec les collectivités territoriales avant la création de cet établissement, concertation qui est pourtant une obligation légale. Or la ratification de l'ordonnance, qui devrait intervenir avant la décision du Conseil d'État, fera tomber la procédure.
En résumé, le groupe Nouvelle Gauche considère que l'examen parlementaire du projet de loi n'a hélas pas permis que l'ordonnance du 3 mai 2017 suive la feuille de route votée par la précédente majorité. C'est la raison pour laquelle il ne votera pas sa ratification.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteuse, monsieur le vice-président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, l'ordonnance qu'il nous est aujourd'hui demandé de ratifier de façon définitive crée au 1er janvier 2018 un établissement public Paris La Défense, qui fusionne les deux établissements actuellement chargés de la gestion et de l'aménagement du quartier d'affaires. L'esprit dans lequel est créé cet établissement public ne nous convient pas. Le projet lui-même nous semble problématique.
Sur l'esprit, d'abord, ou l'état d'esprit, cette ordonnance a pour but d'attirer encore plus de financiers qui envisagent de quitter la City de Londres à cause du Brexit pour continuer leurs oeuvres en Europe continentale. Selon le rapporteur du texte au Sénat, « Le Brexit est une chance pour notre économie et constituerait une opportunité historique pour le quartier de La Défense. » L'argument a été régulièrement repris lors des débats en commission et en séance publique, lors de la première lecture, comme il l'a encore été tout à l'heure. Quelle image peu amène – et pour le coup assez éclairante – de l'Europe que vous construisez ! Tels des vautours sur la carcasse du Royaume-Uni qui trépignent pour s'en partager les restes, vous vous employez à attirer les multinationales, les banques et les entreprises, …
… paradigmes emblématiques de l'Europe de la concurrence, cette Europe sans principes, dont les membres se réjouissent à l'idée de tirer profit de la défection d'un des leurs.
Nous sommes résolument contre cet état d'esprit et contre l'existence de quartiers d'affaire hors sol. En l'espèce, il s'agit non d'un quartier d'excellence et d'innovation – ce qui serait bon pour notre pays – , mais d'un projet de concentration de l'affairisme entre banques et grandes entreprises du CAC 40. Ces quartiers favorisent l'entre-soi, la collusion, et déconnectent les professionnels de la finance des réalités quotidiennes qu'ils sont censés servir. Ils constituent à nos yeux le symbole de cette finance qu'il faudrait définanciariser et mettre au service de l'intérêt général, d'une économie dont les maîtres mots devraient être la relocalisation et la transition écologique. Mais votre majorité a choisi au contraire de privilégier une finance qui tourne à vide, dans sa bulle, sans même tenter sérieusement de la réguler, alors que, scandale après scandale, de LuxLeaks en Paradise papers, ses méfaits ne cessent d'être dénoncés.
Plus fondamentalement, nous nous opposons à ce projet de loi car il consacre encore, selon nous, le démantèlement de l'État. Vous souhaitez en effet confier pleinement la responsabilité du développement de La Défense aux collectivités territoriales, en particulier au département des Hauts-de-Seine, qui sera majoritaire au conseil d'administration.
Seul le préfet de région continuera de représenter l'État. Au nom d'une idéologie libérale destructrice, de mise en concurrence entre les territoires, vous prétendez ainsi nier le rôle stratège de l'État dans l'aménagement du territoire. La réintroduction du pouvoir de créer des sociétés publiques locales d'aménagement, lesquelles pourront ne pas respecter le code des marchés publics dans le cadre de leur mission de service public, en est un exemple.
Nous nous interrogeons également sur vos motivations quant au fait de confier totalement la gestion de ce quartier aux collectivités, dont celle du département des Hauts-de-Seine. Vous créez une distorsion entre les collectivités. Comme le confiait Patrick Jarry, maire de Nanterre, au Parisien le mois dernier : « Si le futur établissement peut finalement s'affranchir du périmètre historique pour conduire des opérations d'aménagement sans concertation ou même sur avis simple de la commune concernée, il fait peu de doute que cela contrevienne au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. » En effet, 400 hectares de la commune de Nanterre, laquelle ne dispose que d'une voix dans le conseil d'administration, tomberont sous la gouvernance de ce nouvel établissement.
Si, à l'origine, il était prévu qu'une convention soit passée entre la commune et le département, vous avez balayé cette possibilité d'un revers de main. Les décisions du département pourront s'imposer à la commune, sans aucune délibération du conseil municipal, et les efforts de notre collègue Stéphane Peu pour garantir un véritable pluralisme, une diversité, ont été eux aussi repoussés.
Tout cela, alors qu'il aurait été plus simple de choisir la métropole pour niveau de gouvernance. Votre décision n'a, pour nous, aucun sens. Elle n'est même pas justifiée par un souci de bonne gestion. Le Monde a révélé que la Cour des comptes avait demandé au Gouvernement de différer sa réforme. Dans un rapport provisoire dont le contenu n'a toujours pas été publié, les magistrats fustigent « une opération précipitée sur des bases juridiques incertaines et fragiles aux dépens des intérêts de l'État ».
Du point de vue social, ce projet suscite tellement d'inquiétudes auprès des salariés que le comité d'entreprise de l'un des deux établissements, l'EPADESA, a intenté un recours contre l'ordonnance. Les salariés se sentent « pris en otage d'un projet qui ressemble fort à un cadeau du gouvernement précédent au département des Hauts-de-Seine et à un désengagement annoncé de l'État ».
Vous admettrez que, dans ces conditions, nous soyons contre le projet, ce projet flou d'un gouvernement qui a refusé d'attendre les avis des différents spécialistes et d'écouter les collectivités territoriales. Pour l'ensemble de ces raisons, nous refusons de voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, vous nous conviez ce matin à ratifier définitivement l'ordonnance qui instaure le nouvel établissement public unique dénommé « Paris La Défense », au 1er janvier 2018.
En d'autres termes, vous souhaitez que nous donnions notre blanc-seing aux petits arrangements trouvés en commission mixte paritaire entre les majorités de nos deux assemblées, entre le nouveau et l'ancien monde, dans ce qu'il a de plus détestable : les relations toujours borderline entre la sphère politique et celle de l'argent, qu'a connues ce département.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous ne nous livrerons pas à cet exercice. Nous ne pouvons souscrire, en effet, aux conclusions d'une commission qui passe par pertes et profits les objections formulées par la plupart des groupes parlementaires et par un certain nombre d'élus locaux.
Ces objections sont de deux ordres.
Elles portent en premier lieu sur le périmètre d'intervention du nouvel établissement public Paris La Défense. Vous le savez, celui-ci reprendra le périmètre historique de La Défense, à l'intérieur du boulevard circulaire, mais il pourra également s'en affranchir pour conduire des opérations d'aménagement sur un territoire beaucoup plus vaste, sans concertation ou sur avis simple des communes concernées.
Nous vous avons proposé d'instituer une obligation pour le futur établissement public de signer une convention avec les communes sur le territoire desquelles il sera compétent, car, contrairement à ce qui a été dit ici même, ainsi qu'en commission, la reconduction des conventions antérieures avec le nouvel établissement ne sera pas automatique. L'affirmation est inexacte sur le plan juridique, ce que nous pourrons malheureusement vérifier dans les prochains mois. Vous avez refusé d'apporter aux communes concernées cette garantie minimale.
Cette situation n'est pas acceptable. Afin de ne pas contrevenir au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, vous auriez dû a minima retenir notre amendement qui prévoyait de requérir l'avis conforme des communes concernées sur les projets d'aménagement.
En second lieu, la composition du conseil d'administration telle qu'elle est prévue, avec une majorité absolue pour le département des Hauts-de-Seine, pose un réel problème démocratique. Aux termes de l'ordonnance, sur les six collectivités représentées, une d'entre elles dispose de la majorité absolue, donc de la possibilité d'imposer ses décisions à toutes les autres. Là encore, nous avions proposé de corriger ce choix à la marge, en garantissant une représentation pluraliste du département des Hauts-de-Seine, comme cela se fait habituellement dans les établissements publics d'aménagement.
Vous nous avez alors opposé le principe de la libre administration des collectivités, que vous veniez de piétiner en repoussant l'amendement précédent. Il existe pourtant dans la législation française de nombreuses dispositions prévoyant l'obligation de représentations pluralistes. Cela semblait tomber sous le sens et nous n'aurions pas proposé de nouvelle rédaction si le conseil départemental des Hauts-de-Seine n'avait pas eu l'imprudence – sans attendre la promulgation de la loi – de désigner ses représentants, exclusivement issus de sa majorité. C'est ainsi que le département des Hauts-de-Seine réinvente le système du parti unique.
En effet ! Le quartier de La Défense a toujours fait saliver la droite des Hauts-de-Seine et flatte aujourd'hui les délires mégalomanes de ceux qui veulent profiter du Brexit pour faire de La Défense le nouvel eldorado des affaires. Il faut dire qu'en matière d'affaires, la droite des Hauts-de-Seine en connaît un rayon !
Conflits d'intérêts, financements illicites, enrichissement personnel… De Charles Pasqua, aux Ceccaldi-Raynaud, en passant par Patrick Balkany, l'histoire de la droite dans ce département a toujours été celle « d'un clan qui trafique de l'argent », selon la formule utilisée par les journalistes Davet et Lhomme dans un ouvrage de 2013.
On mesure l'enjeu que représente aujourd'hui pour leurs successeurs l'opportunité de faire main basse sur le quartier de La Défense et de le conserver dans leur chasse gardée. Nous regrettons que l'actuelle majorité se fasse le complice d'une telle opération.
Nous refuserons donc résolument de voter ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, en septembre 1958, a été créé l'établissement public d'aménagement de La Défense. Il s'agissait d'un établissement public d'État. Le texte en discussion propose qu'au 1er janvier 2018, soixante ans après, la gestion et l'aménagement du premier quartier d'affaires européen qu'est La Défense, soit confié aux collectivités territoriales.
Cette ordonnance est le fruit de nombreux débats, de vastes négociations, de dizaines d'auditions menées pour que toutes les parties prenantes soient entendues, et qu'au regard des enjeux du texte, une décision juste et pragmatique soit prise.
Le 6 décembre, la commission mixte paritaire a réussi à s'accorder sur une version définitive du texte, sur laquelle nous serons appelés à nous prononcer dans quelques instants. Nous avons eu des discussions constructives, qui témoignent d'une volonté partagée de clôturer ce processus.
Une nouvelle fois, le compromis a été un leitmotiv : dans cet esprit, à l'initiative des sénateurs, nous avons modifié l'article 3 du projet de loi, afin de donner la possibilité à l'établissement public Paris La Défense, dans un cadre bien défini et sous certaines conditions, de recourir à des filiales pour engager une politique d'attractivité sur ce territoire.
À l'heure où nous nous apprêtons à avoir un dernier échange sur ce texte, il me semble important de rappeler les enjeux de l'ordonnance.
D'abord, nous sommes à un tournant historique en matière d'attractivité. Les négociations sur le Brexit ont franchi un nouveau pas avec la conclusion, il y a quelques jours, d'un accord financier entre Bruxelles et Londres. Notre pays a obtenu l'organisation des Jeux olympiques de 2024 et notre métropole est en train d'émerger véritablement, sous l'impulsion d'un dynamisme économique et international retrouvé pour notre pays.
C'est dans ce cadre que doit s'inscrire l'avenir de La Défense. Pour épouser ces tendances, le quartier doit bénéficier d'un pilotage de long terme, avec une puissance et une célérité d'action retrouvée, ainsi que d'un financement solide.
À court terme, cela signifiera intégrer les équipes de Defacto et de l'EPADESA dans une aventure commune qu'elles sont, je le crois, prêtes à mener ensemble. À moyen terme, cela signifiera remettre sur pied ce quartier, qui ne peut plus se permettre un tel niveau d'insécurité et de vétusté en sous-sol. À long terme, enfin, cela signifiera mettre en oeuvre une véritable politique de promotion et d'attractivité pour que les talents et les entreprises du monde entier aient envie de s'installer à La Défense, mais aussi pour que la vie soit plus harmonieuse sur le site historique de la dalle, et bien sûr aussi avec les communes limitrophes. La Défense peut faire sa mutation et devenir un exemple de développement protéiforme, à la fois des activités économiques mais aussi sociales, culturelles ou éducatives.
Ensuite, ce texte témoigne d'une évolution politique dans la conception de l'aménagement des territoires. Nous pouvons avoir un État stratège qui fait confiance aux collectivités pour oeuvrer à l'intérêt général et relever les défis précités. C'est pourquoi nous soutenons la pleine décentralisation de l'aménagement et de la gestion de ce quartier, sous l'attention constructive et objective du préfet de région, qui conservera des prérogatives qui nous semblent suffisantes et importantes.
Cela dit, nous ne devons pas en rester là concernant l'organisation territoriale en Île-de-France, et il devra aussi être tenu compte des prochains débats sur l'organisation de la métropole parisienne dans la réflexion sur l'attractivité économique du quartier de La Défense.
Ce texte, enfin, est empreint d'un pragmatisme qui est cher au groupe La République en marche. En créant un établissement unique, nous dynamisons la prise de décision et l'action. La situation qui s'était installée, faite de désaccords permanents et ternie par une confusion dans les attributions et les responsabilités, n'était plus tenable. Unifier, c'est également simplifier.
Le groupe La République en marche défend l'équilibre politique et opérationnel de ce projet de loi de ratification de l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense. La commission mixte paritaire a aisément trouvé un consensus, et je vous invite à l'imiter, chers collègues, en votant pour ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 125 rectifié portant article additionnel après l'article 4.
L'amendement no 125 rectifié n'est pas défendu.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 8 , portant article additionnel après l'article 4.
C'est un grand plaisir pour moi que de défendre l'amendement no 8 , que vous avez eu la bonne idée de déposer, madame la présidente, et qui a été cosigné par de nombreux collègues. Il a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport – arme, certes relative, aux mains des députés de l'opposition, à laquelle nous recourons encore une fois – sur la gestion de la contribution pour l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des élèves et étudiants. Comme plusieurs d'entre nous l'ont affirmé hier soir, nous restons extrêmement dubitatifs, pour ne pas dire plus, quant à la pertinence et à l'efficacité d'un dispositif confiant aux CROUS – centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – la collecte de cette nouvelle contribution, à charge pour eux d'en reverser ensuite une part aux établissements d'enseignement supérieur. Cette tuyauterie nous semble à la fois un peu complexe et, à certains égards, susceptible de nourrir quelques interrogations, voire quelques suspicions. En tout état de cause, nous souhaiterions, pour être à même de mesurer l'effectivité et l'efficacité d'un tel dispositif, que la représentation nationale soit éclairée, en disposant, un an après l'entrée en vigueur du présent projet de loi, d'un rapport sur la gestion de cette contribution.
La parole est à M. Gabriel Attal, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission.
Votre amendement me semble satisfait par l'article 7 adopté en commission, lequel prévoit un rapport sur l'impact global du projet de loi, rapport qui s'attachera aussi à évaluer les effets et la répartition du produit de la contribution nouvelle que nous avons adoptée hier. En conséquence, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Testé, premier orateur inscrit sur l'article.
Une circulaire du 22 juillet 2015 relative à la « mise en oeuvre d'une période de césure » a permis d'ouvrir l'année de césure à l'université. Jusqu'à cette date, cette parenthèse utile, qui permet à un étudiant d'effectuer un stage, un séjour à l'étranger, un service civique ou une action humanitaire était surtout courante dans les grandes écoles. À l'université, cela restait une pratique périlleuse et méconnue, car rien ne garantissait une réintégration dans l'année supérieure. Et, en dépit de cette circulaire, prendre une année de césure à l'université n'est toujours pas chose aisée et nombre d'étudiants abandonnent face aux difficultés. Il apparaissait donc nécessaire de renforcer ce droit.
C'est chose faite avec l'article 5 de ce texte, qui inscrit dans la loi l'année de césure. L'étudiant pourra ainsi, après la conclusion d'une convention avec son établissement, suspendre, pour une durée maximale d'une année universitaire, sa présence dans l'établissement pour exercer d'autres activités qui lui permettront d'acquérir des compétences utiles pour sa formation ou de mener un projet personnel, professionnel ou linguistique. Cela lui permettra, en outre, de se doter d'un maximum d'atouts pour intégrer le marché du travail. Avec ce projet de loi, l'année de césure sera désormais ouverte à tous les étudiants, quels que soient leur université, leur niveau d'études ou leur projet. La possibilité pour les étudiants de bénéficier d'une année de césure en licence s'en trouve facilitée.
Cette reconnaissance traduit la volonté du Gouvernement de placer le projet personnel et professionnel de chaque étudiant au coeur de son parcours universitaire et de lui permettre d'adapter en conséquence son rythme d'études. D'ailleurs, selon l'enquête la plus récente du Bureau national des élèves ingénieurs, 77 % des étudiants tirent un bilan personnel très positif de leur année de césure, laquelle permet d'obtenir une première expérience professionnelle, de mûrir un projet ou de s'assurer de sa cohérence. C'est pourquoi cet article, à l'instar du projet de loi dans son ensemble, va dans le bon sens pour nos étudiants.
Cet article va permettre d'inscrire dans la loi l'année de césure. Tout étudiant pourra en bénéficier, dès le premier cycle et même entre l'année d'obtention du baccalauréat et sa première année dans l'enseignement supérieur. C'est pour nous un pas de plus vers la personnalisation des parcours de formation, déjà évoquée à l'article 1er. Définir dans la loi l'année de césure permet qu'elle ne soit pas vue comme une année « pour rien ». En outre, en en faisant un élément valorisant, on l'inscrit définitivement comme une année utile du parcours de formation.
En tant qu'ancien vice-président d'une université, chargé des questions d'orientation, de réussite et d'insertion professionnelle des étudiants, je peux vous assurer qu'un dispositif de césure bien construit est de nature à favoriser le développement personnel de l'étudiant et lui permettre de gagner en autonomie. La césure responsabilise à la fois les étudiants, qui s'engagent, et les établissements d'enseignement supérieur, avec lesquels ils signeront une convention, comme le prévoit cet article. La césure pourra avoir lieu à différentes étapes du parcours de formation. Quel que soit le moment choisi par un étudiant pour demander à bénéficier de ce dispositif, cela constituera une expérience majeure, qui lui permettra de gagner en maturité et de faire avancer son projet personnel ; ce sera aussi l'occasion de découvrir de nouveaux horizons et d'acquérir, à coup sûr, de nouvelles compétences.
L'étudiant pourra interrompre sa formation pour mener une action de bénévolat, effectuer un service civique, conduire un projet associatif ou d'entrepreneuriat étudiant, ou encore occuper un emploi. Dans tous les cas, l'expérience de césure devra faire l'objet d'une restitution et, surtout, être valorisée. De fait, cette restitution pourra, entre autres, être valorisée au travers d'un bilan de compétences adapté.
Enfin, les recruteurs, les employeurs potentiels devront considérer la césure comme un élément de la formation tout au long de la carrière, et non comme une année de plus, sans apport. Cela renvoie à la formation tout au long de la vie, sujet qui fera l'objet de travaux législatifs dans le cadre de la grande réforme de la formation professionnelle inscrite à notre agenda de 2018.
Cet article est l'occasion pour moi de vous faire percevoir le caractère irréel de cette discussion. Vous imaginez donc une année de césure ! Notre collègue Fugit précise qu'elle doit être inscrite dans le parcours de formation, et qu'elle sera peut-être, à terme, considérée comme un critère de qualification supplémentaire. Non ! Ce n'est pas du tout ainsi que les choses se passent. Les études doivent être menées d'un bout à l'autre, sans interruption. Si quelqu'un s'en va, c'est uniquement parce qu'il a perdu pied…
… non pas intellectuellement mais, le plus souvent socialement : 73 % des étudiants travaillent aujourd'hui, un peu ou parfois beaucoup, pour pouvoir se payer leurs études. Parmi eux, 68 % travaillent à plein temps à longueur d'année ; autrement dit, ils doivent concilier leur emploi et leurs études. Je laisse là ces chiffres pour vous faire réfléchir à une exigence qui constitue la prémisse de notre raisonnement : nous avons besoin qu'un maximum de jeunes aillent à l'université. De fait, plus le niveau du pays s'élèvera, plus nous serons forts, car la seule matière première dont nous disposons, c'est la matière grise. Nous nous accorderons sans doute sur ce point, mais vivez-le socialement ! Les enfants des ouvriers, des salariés, des employés sont les plus nombreux, parce que leurs parents constituent la classe sociale la plus nombreuse. C'est pourquoi il faut accourir pour les aider socialement dans leur parcours d'études. Nous avions proposé une allocation d'autonomie, que nous avions chiffrée à 800 euros mensuels. Permettez-moi de vous dire qu'avec 800 euros, on ne fait pas de césure ! On effectue ses études sans s'arrêter, et on rend compte à sa famille et au pays des efforts que l'on a consentis. J'achève sur un mot : revenons au réel social. Le réel social, c'est l'extrême difficulté de poursuivre des études sérieuses tout en travaillant. Je l'ai connu dans le secondaire, avec jusqu'à 100 % des élèves d'une classe de lycée professionnel qui travaillaient le soir et les week-ends. Eh bien, permettez-moi de vous dire que ce sont les conditions les plus désastreuses pour étudier. Pourtant, ces jeunes le font. Pensons à eux à cet instant et rendons-leur hommage.
Mobilité internationale, engagement associatif, expérience professionnelle, apprentissage linguistique, éclaircissement du projet professionnel, et j'en passe : l'enquête 2008 du Bureau national des élèves ingénieurs révèle une très forte satisfaction des étudiants ayant pu effectuer une année de césure. Je rappelle, puisqu'il a été beaucoup cité dans nos débats, que c'est une tradition dans un pays comme l'Australie.
Parce qu'elle permet d'élargir les horizons de l'étudiant et de sortir du schéma d'études purement linéaires, l'année de césure est un progrès indéniable pour la professionnalisation, l'expérience, l'internationalisation et l'épanouissement de nos étudiants. Inscrire dans la loi cette possibilité qui n'existe aujourd'hui que par la circulaire du 23 juillet 2015 et permettre ainsi d'en étendre le champ d'application est donc l'une des avancées que nous applaudissons dans le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants.
L'article 5 prévoit que tout étudiant pourra, à sa demande et avec l'accord du président ou du directeur de l'établissement dans lequel il est inscrit, suspendre temporairement, pour une durée maximale d'une année universitaire, sa présence dans l'établissement pour exercer d'autres activités lui permettant d'acquérir des compétences qui seront utiles pour sa formation aussi bien que pour un projet personnel ou professionnel. Je pense au service volontaire européen, ouverture au travers d'une expérience dans un autre pays de notre continent, ou à la conduite d'un projet associatif.
Le groupe Les Républicains n'est pas contre le principe d'une année de césure, mais souhaite que celle-ci ne donne pas automatiquement lieu au versement des bourses, lequel pourrait être fonction du projet présenté par l'étudiant. Nous proposerons par ailleurs d'encadrer le dispositif en prévoyant un point d'étape au cours de l'année universitaire afin de permettre un meilleur suivi.
Dans la continuité de nos échanges, et pour illustrer certains des amendements que notre groupe vous présentera, j'aimerais rappeler de quoi nous parlons exactement : de la possibilité, pour un étudiant, de prendre éventuellement une année pour travailler, accumuler de l'argent en vue de financer ses études ? Quel constat d'échec ! D'autres solutions existent, et sont intellectuellement défendues depuis des années par le mouvement progressiste, par le mouvement étudiant, notamment l'allocation d'études, évoquée tout à l'heure par le président Mélenchon.
Un de nos collègues affirme que ce peut être l'occasion de voyager, d'élargir son horizon. Dans ce cas, maintenons le système des bourses : comment voyager et s'émanciper si on n'a pas les moyens matériels de le faire ?
À défaut, on reproduira l'inégalité qui fait que seuls les fils des catégories les plus aisées pourront mettre à profit cette année-là, tandis que ceux des catégories modestes, boursiers, ne le pourront pas.
Voilà qui pose problème. C'est la raison pour laquelle je vous propose, si vous conservez cette idée de césure compte tenu des quelques avantages qu'elle peut comporter, de maintenir le système des bourses pour ceux qui en bénéficient. À défaut, c'est en réalité une trappe à inégalités que vous ouvrez, une justification du décrochage de certains étudiants. En effet, on sait très bien que si les conditions matérielles ne sont pas réunies pour que l'année de césure soit vraiment un élément d'enrichissement d'un cursus de formation, celle-ci sera non pas une césure mais une rupture, un point de non-retour. Nous ne voulons pas être responsables de cela.
Comme mes deux collègues du groupe La République en marche qui sont intervenus avant moi, je défends l'année de césure. Je souscris à leurs arguments, mais je voulais vous parler plus précisément de la nouveauté introduite dans cet article : la possibilité de prendre une année de césure entre le baccalauréat et les études supérieures.
Au cours des auditions, nous avons écouté des étudiants, et nous avons constaté que ce type de demande peut répondre à différentes attentes. Certains étudiants souhaitent acquérir plus de maturité ou plus de compétences, par exemple dans une langue étrangère, avant de commencer leur cursus. D'autres étudiants peuvent avoir besoin de temps pour peaufiner leur projet d'orientation, y réfléchir. Certains hésitent entre deux voies, et pourront peut-être, grâce à des stages, faire leur choix. Ceux qui constatent que leur affectation initiale ne correspond plus à leur attente pourront, l'année suivant leur expérience, se réinscrire sur la plate-forme pour formuler de nouveaux voeux.
Nous devons donc imaginer un système à la fois souple pour les étudiants et simple à gérer pour les universités, un système qui à la fois maintienne une garantie de place après le retour de l'année de césure et permette de changer de domaine le cas échéant.
Par ailleurs, l'étudiant qui reçoit son affectation dès le mois de juin et qui a le projet de partir directement pour une année de césure entière doit pouvoir valider sa convention au plus vite, afin de ne pas avoir à retarder son projet et, surtout, de libérer une place pour permettre à un autre candidat de suivre des études dans la même voie.
Toutes ces possibilités permettront aux étudiants des promotions futures de personnaliser eux-mêmes leur formation en y intégrant des séjours à l'étranger ou des passages par le monde professionnel.
Pour conclure, je suis confiante sur la façon dont les étudiants se saisiront de ce dispositif et dont les établissements l'encadreront. Je voterai cet article.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je souhaite prendre quelques instants pour expliquer la philosophie de cet article 5 et préciser certains éléments.
Premièrement, les étudiants étant bien inscrits dans les établissements au cours de l'année de césure, ils relèvent du droit commun, comme les autres étudiants, et c'est vraiment notre objectif. Si certains d'entre eux sont boursiers, ils continueront de bénéficier de leur bourse ; je le dis afin de vous rassurer sur ce sujet. Je tiens vraiment à insister sur ce point.
Deuxièmement, l'année de césure peut en effet avoir plusieurs objectifs. Ceux-ci sont définis et validés au travers d'une convention passée avec l'établissement où l'étudiant est inscrit. Je souhaite ainsi rassurer par anticipation tous ceux qui pensent que les établissements, après la signature des conventions, ne se préoccuperont plus du devenir de leurs étudiants. Ce n'est évidemment pas la façon dont fonctionnent les universités : dans ces établissements, comme dans les écoles, voilà bien longtemps que nous prenons soin de nos étudiants.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Nous en venons à présent aux amendements à l'article 5.
La parole est à M. Gabriel Attal, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 64 .
L'amendement no 64 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 106 .
Comme vient de le dire notre collègue Frédéric Reiss, le groupe Les Républicains n'est pas du tout hostile au principe d'une année de césure ni sceptique quant à la pertinence d'inscrire ce principe et ses modalités dans la loi par cet article 5. Plusieurs orateurs l'ont dit, cette année offre de nombreuses possibilités, à condition d'être utilisée de façon efficace et pertinente, pour enrichir un parcours de formation, notamment universitaire.
Il est prévu à l'alinéa 3 de l'article 5 qu'une convention conclue entre l'étudiant et l'établissement définisse l'objet et les finalités de cette suspension de formation ainsi que les modalités de restitution. Nous souhaitons par l'amendement no 106 compléter cet alinéa, car quelquefois les choses vont mieux en les disant et en les écrivant dans la loi, en précisant que cette restitution peut être faite au cours de l'année, à la demande de l'établissement. Prévoir un point d'étape, inscrire cette possibilité dans le texte même de cet article 5 nous semble important : il doit y avoir un suivi, un encadrement.
Madame Le Grip, comme vous l'avez rappelé, les modalités de l'année de césure sont définies dans une convention passée entre l'étudiant et l'université. Dans le texte tel qu'il est rédigé aujourd'hui, rien n'interdit que la restitution soit faite au cours de l'année ; c'est donc autorisé. Si l'université et l'étudiant considèrent qu'il y a lieu de prévoir une restitution en cours d'année, ce sera inscrit dans la convention. L'avis est donc défavorable sur cet amendement.
Je profite de cette discussion pour dire que cet article du projet de loi constitue un progrès majeur pour les étudiants. La possibilité d'effectuer une année de césure au cours d'un cursus est attendue, plébiscitée par l'ensemble des étudiants qui entendent faire une pause dans leur parcours, aller découvrir un autre pays ou une autre région, faire un stage, avoir une première expérience professionnelle ou encore découvrir un autre établissement à l'étranger.
Je m'étonne que vous puissiez nous enjoindre de revenir dans le réel, monsieur Mélenchon, car les étudiants ont une réelle envie de s'ouvrir, de découvrir d'autres choses avant de terminer leurs études.
Je m'étonne en outre que votre groupe, qui a fait adopter un amendement – et nous l'avons voté – dont l'objet est de donner à l'université une fonction d'émancipation, d'ouverture sur le monde, rejette aujourd'hui cet article, qui répond précisément à cet objectif.
Avis défavorable.
L'année de césure est une bonne chose, dans la mesure où elle permet à l'étudiant de mieux moduler le cours de ses études. Cette possibilité est d'ailleurs déjà offerte dans un certain nombre de cursus, vous le savez.
Il faut néanmoins que ce dispositif soit calé dans le cadre de l'année universitaire, c'est-à-dire par semestre. On ne peut pas laisser à l'étudiant la liberté de faire ce qu'il veut, de faire une césure de quelques jours ou de quelques mois. C'était l'objet d'un amendement précédent que je n'ai pas pu défendre.
J'apprécierais qu'au cours des discussions on n'impute pas aux autres des raisonnements qui ne sont pas les leurs. Vous vous étonnez, monsieur le rapporteur, de la contradiction qu'il y aurait entre ce que nous sommes en train de dire et la volonté d'émancipation. De grâce, soyons un peu plus sérieux !
De quoi parlons-nous ? Nous parlons non pas du parcours récréatif de je ne sais quel jeune…
… qui aurait la possibilité de s'offrir une année pour découvrir le monde et autre bla-bla extrêmement marqué socialement, mais du fait que nous rompons avec l'idée qu'un parcours à l'université est un parcours qualifiant, dont les étapes sont déterminées par les pédagogues et par les conseils disciplinaires. Si le cursus est en trois ans, qu'on doit apprendre telle ou telle spécialité ou telles ou telles matières, alors c'est en trois ans. S'il en faut quatre, il vaut mieux le dire avant.
En revanche, même si nous ne savons pas comment cela va se passer, nous ne pouvons pas, de manière insidieuse, imaginer que chacun ajoute une année à son cursus en fonction de sa méditation personnelle. Pour ma part, je suis en désaccord complet avec cette possibilité. Une qualification renvoie à un référentiel, et un référentiel, c'est un contenu et un parcours. S'il faut plus de temps pour ce parcours, alors prévoyons plus de temps. Je défends par exemple le bac professionnel en quatre ans au lieu de trois, car trois ans, c'est une erreur. Si vous insérez dans un cursus une année de césure, elle sera nécessairement déterminée socialement, et j'y reviens parce qu'il me semble que c'est le fond de l'affaire.
Mes chers collègues, notez ce que vous-mêmes êtes en train de dire, et, j'en suis persuadé, de bonne foi : l'année de césure permettra au jeune de s'ouvrir, de se rendre dans un autre pays, ce qui enrichira sa qualification. Ah bon ? On ajoute donc par l'année de césure une qualification, on alourdit le parcours au sein du référentiel. Et ne me dites pas le contraire ! Les diplômes ont été pensés avec un contenu et selon des référentiels précis. Les commissions spécialisées, les universitaires qui les établissent savent ce qu'ils font, ils réfléchissent avant de le faire. Ils n'incluent pas n'importe quoi dans un cursus pour n'importe quelle durée.
Par ailleurs, avec cette dimension personnelle, vous ajoutez un élément à la qualification. Un collègue a dit tout à l'heure que ce serait pris en compte au moment de l'évaluation. Il faudra donc faire une césure pour améliorer son bilan. Je vous mets en garde contre l'engrenage que vous mettez en place. La bonne volonté ne suffit pas quand on est législateur. Il faut se tenir à des règles fermes et universalisables. Sinon la bonne volonté est surprise par la façon dont quelqu'un ici ou là s'empare du dispositif en ayant imaginé autre chose.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je souhaite simplement rassurer M. Mélenchon. J'ai la chance de fréquenter toutes les semaines l'université, donc les étudiants. Cette année de césure a été mal comprise : il ne s'agit pas d'une année folklorique, comme cela a été décrit. C'est au contraire une année dont le contenu sera discuté avec les pédagogues et l'environnement universitaire, et ce contenu correspond à ce qu'on appelle des compétences.
Certes, il faut obtenir des diplômes, mais l'embauche ne se fait pas uniquement sur ces derniers : elle s'appuie aussi sur ce qui a été vécu au cours de la préparation d'un diplôme. La césure offre enfin l'occasion, je l'ai dit tout à l'heure, d'aller à l'étranger, car on trouve toujours des moyens, par exemple les bourses offertes par les régions. Cette pratique existe d'ailleurs déjà ; elle va simplement devenir officielle.
La césure est aussi l'occasion de découvrir un métier, pour éventuellement se dire que ce n'est pas celui qu'on veut faire, et se réorienter l'année suivante, par exemple vers l'agroalimentaire ou la santé. C'est donc une chance inouïe, et ce sera demain un élément majeur dans le curriculum vitae de nos étudiants.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Je suis très surpris des propos tenus par le président Mélenchon. Soyons clairs : dans ce monde ouvert du XXIe siècle, que tous ici nous appelons de nos voeux, les qualifications et les savoir-faire sont certes essentiels – vous avez tout à fait raison, monsieur Mélenchon, et nous devons être rigoureux sur ce point. Notre éducation nationale et notre formation professionnelle nous incitent à l'excellence en la matière.
Mais le savoir-être, l'apprendre et l'ouverture d'esprit comptent aussi. La possibilité de partir, en France ou à l'étranger, permet de développer le savoir-être, qui est très important dans l'évolution de notre société, de nos carrières et de notre civilisation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
J'aimerais réagir aux propos légèrement caricaturaux tenus par M. Mélenchon.
J'ai été ministre de l'enseignement professionnel, je sais de quoi je parle !
Nous connaissons les parcours de nos étudiants. Ils sont très variés, selon les filières mais aussi selon la façon dont ils construisent leur parcours, en formation et parfois en période de césure, d'un an ou de quelques mois si nécessaire. Nos étudiants ne méritent pas de faire l'objet de propos caricaturaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Vives protestations sur les bancs du groupe REM.
L'amendement no 106 n'est pas adopté.
Nous prenons acte des propos tenus par Mme la ministre. L'élaboration de la loi est ainsi faite que le débat parlementaire éclaire sa signification. Si je vous ai bien comprise, madame la ministre, un étudiant en année de césure demeure inscrit à l'université et conserve donc le bénéfice de sa bourse.
En effet, monsieur Mélenchon.
Alors notre amendement est superflu. Je ne comprends pas, madame la députée qui vous êtes exprimée à l'instant, pourquoi vous qualifiez mes propos de caricaturaux. Ils s'inscrivent dans une certaine idée de la qualification à l'université.
Je m'adresserai également à notre collègue qui évoquait tout à l'heure les compétences – chacun ici a bien entendu le terme de « compétences ». Selon lui, l'année de césure, destinée à offrir une ouverture sur le monde – comme si cela était socialement à la portée de tout un chacun ! – rajouterait aux compétences acquises.
Je formulerai deux remarques sur ce point. D'abord, tous n'y auront pas accès. Or l'esprit de la loi, en particulier de celles relatives à l'éducation nationale, veut que chacun puisse accéder à la même qualification dès lors qu'il a suivi le parcours afférent prévu par la loi. Y ajouter des notions subjectives telles que l'ouverture au monde dont tel ou tel aura bénéficié équivaut à modifier le contenu du diplôme.
Par ailleurs, les mots « compétence » et « qualification » ont chacun un sens distinct. Nous autres, Français, avons résisté pendant des années, et jusqu'à présent, aux pressions de l'OCDE visant à nous faire remplacer les qualifications par les compétences. « Qualification » est le mot des Français ! Cela s'évalue, une qualification, sur le fondement des référentiels des diplômes !
Il ne s'agit pas de caricatures mais de faits, notamment de batailles intellectuelles dans lesquelles les Français, de droite comme de gauche, se sont opposés au système universitaire anglo-saxon. Si vous décidez que tout cela n'a plus de valeur, chers collègues de la majorité, …
C'est votre droit ! Mais alors il faut le dire sans mélanger les notions ni faire croire aux gens qu'elles sont identiques, car une compétence et une qualification, ce n'est pas la même chose ! S'il existe un référentiel et que vous réussissez les épreuves afférentes, alors vous êtes qualifié et vous obtenez votre diplôme. Si on ajoute à cela des éléments subjectifs, on augmente l'attente à l'égard du diplôme et on ruine sa valeur universelle.
J'admets qu'on ne soit pas d'accord avec moi, mais respectons le point de vue de chacun ! Mes propos ne relèvent nullement de la caricature. J'ai été ministre de l'enseignement professionnel et je me suis battu contre l'OCDE, qui voulait à tout prix faire avaler aux Français le remplacement des qualifications par les compétences, donc la ruine de notre système d'enseignement professionnel.
Permettez, chers collègues de la majorité, que j'en parle avec passion, car je ne comprends pas que l'on tourne la page de dizaines d'années d'efforts, consentis par des universitaires et des intellectuels de tous bords pour défendre des valeurs à présent piétinées au détour d'une caricature à propos de mes caricatures !
Sourires.
Cet amendement vise à inscrire clairement dans la loi la possibilité qu'un étudiant boursier en césure conserve ses droits à une bourse de l'enseignement supérieur. Le système de formation ayant grandement évolué, les suspensions de formation en vue de réaliser un stage en France ou à l'étranger, ou encore un service civique, sont actuellement très appréciées, voire exigées dans certaines filières.
Dès lors que cette année hors les murs participe pleinement à la formation de l'étudiant et que celui-ci respecte les conditions préalablement définies en concertation avec son établissement, le versement des bourses ne doit pas être suspendu. Il serait injuste que des étudiants boursiers soient privés du droit à effectuer une année de césure au motif qu'ils seraient privés de ressources faute de versement de leur bourse.
Cet amendement vise à rappeler que l'attribution des bourses a pour objectif de rendre réelle la méritocratie républicaine, laquelle suppose la réduction des inégalités réelles et matérielles. Il s'inspire de la circulaire no 2015-122 du 22 juillet 2015 relative à la mise en oeuvre d'une période de césure, qui offre la possibilité de conserver le bénéfice de la bourse sous certaines conditions.
En outre, il titre les conséquences de l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi aux termes duquel « l'appréciation du maintien ou non, pendant la période de césure, des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux se fera dans les conditions de droit commun », y compris pour les néobacheliers.
Il ne va pas dans le même sens que les deux précédents. Comme je l'ai indiqué lors de mon intervention sur l'article, nous souhaitons encadrer le dispositif de césure. Cet amendement tend à conditionner le versement de la bourse à des critères de droit commun, notamment l'assiduité, ce qui permettrait aux établissements de s'assurer que l'année de césure est véritablement utilisée à bon escient.
Je puis vous assurer, chers collègues – devançant Mme la ministre, de sorte que ces propos figureront deux fois au compte rendu de nos débats – , qu'en l'absence de mention contraire dans la loi, le droit commun s'applique. Par conséquent, les étudiants boursiers pourront tout à fait continuer à percevoir leur bourse lors de leur année de césure, selon des modalités précisées dans la convention qui les lie à leur établissement.
J'indique par ailleurs calmement à M. Mélenchon qu'il ne s'agit pas d'imposer une année de césure aux étudiants ni de les jeter hors de l'université sans se préoccuper de ce qu'ils feront. Je répète que des conventions seront signées afin de préciser le dispositif.
Il s'agit uniquement d'ouvrir un droit nouveau. Je ne comprends pas pourquoi l'ouverture d'un droit nouveau aux étudiants désireux d'effectuer une césure vous gêne. Il s'agit d'une possibilité, d'un droit, pas d'une obligation. Je suggère donc le retrait de ces amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'indique à la suite de M. le rapporteur qu'en l'absence de mention contraire dans le projet de loi, les étudiants inscrits dans un établissement pendant leur année de césure relèvent du droit commun, comme le souhaitent les signataires de ces amendements.
Plus généralement, j'ai indiqué à plusieurs reprises que le plan Étudiants, ainsi que ce projet de loi qui en est issu, ont été élaborés dans le cadre d'une concertation ayant donné lieu à plusieurs centaines d'heures de réunion. Bien entendu, des représentants de toutes les associations étudiantes, des lycéens, des parents d'élèves et des personnels étaient autour de la table tout au long de cette concertation, qui a duré trois mois. L'année de césure a fait l'objet d'une demande unanime de tous les participants.
S'agissant d'un autre sujet lui aussi largement évoqué au cours des débats, nous travaillerons dès le mois de janvier, avec l'ensemble des organisations représentant les étudiants, à la mise en place d'une aide globale d'autonomie. Je tenais à l'indiquer précisément. Je suggère donc le retrait de ces amendements. J'émettrai sinon un avis défavorable.
Ces amendements nous amènent à nous interroger sur la nature de la césure. Il est évident qu'elle peut masquer un abandon des études ou un manque de sérieux. Si en revanche elle constitue une opportunité offerte à l'étudiant de parfaire sa formation et d'acquérir des compétences supplémentaires, il est évident que les étudiants boursiers intéressés doivent conserver le bénéfice de leur bourse.
Il ne faut pas opposer la césure et la qualité de l'enseignement, qui est garantie par la plaquette de présentation dont l'étudiant prend connaissance lors de son inscription. L'arbitrage incombe au responsable pédagogique, qui est responsable de la qualité des enseignements mais aussi de celle de la vie de chaque étudiant dont il a la charge. L'étudiant boursier pour lequel la césure constitue une opportunité de formation doit continuer à bénéficier de sa bourse. C'est très simple !
Je dois avouer que mon état d'esprit chemine au cours de nos échanges. J'espère que nul n'a pris ombrage de la passion des propos tenus tout à l'heure. Je suis néanmoins de plus en plus gêné, au point de contredire les propos que j'ai tenus tout à l'heure au sujet du système que nous nous apprêtons à mettre en place.
Vous avez qualifié nos propos de caricaturaux, chers collègues de la majorité. J'ai été enseignant en lycée professionnel pendant vingt-deux ans. Nous savons fort bien que les stages effectués par les élèves varient beaucoup, en matière de qualité et de localisation, en fonction du milieu social des parents. Dès lors, la qualité de l'année de césure dépendra du milieu social d'origine. Vous évoquez des voyages à l'étranger, mais en vérité, qui a la capacité d'en faire ?
Non, chère collègue ! Croire que n'importe quel étudiant, quel que soit son milieu social d'origine, peut partir à l'étranger pendant un an, voilà qui est complètement caricatural – pour reprendre votre terme ! Vous vivez sur une autre planète !
Selon la qualité de l'année de césure, du voyage à l'étranger ou d'une éventuelle expérience professionnelle dans une entreprise, on obtiendra une qualification et une reconnaissance différentes, donc un diplôme dont la nature changera beaucoup en fonction des possibilités dont on aura disposé !
Vous faites exploser le cadre national de la formation universitaire ! Il faut admettre qu'il y a là un problème majeur ! À moins que l'année de césure ne soit distincte de la formation, son intégration dans le parcours universitaire aboutira à creuser les inégalités !
Vous en êtes tout de même conscients, chers collègues de la majorité ? Vous ne cessez de qualifier nos propos de caricaturaux, mais vous avez bien saisi que l'université comporte une dimension de reproduction des inégalités sociales !
Chers collègues qui affirmez être tous les jours en contact avec les étudiants, vous n'allez pas me faire croire que ces jeunes filles et ces jeunes gens, issus de milieux sociaux différents, vivent la même chose, effectuent les mêmes stages professionnels et ont le même rapport aux voyages à l'étranger que vous ne cessez de nous vanter !
Vous devez entendre mes propos ! Je mesure, au fil de nos échanges, ce à quoi vous procédez : en vérité, il s'agit d'une explosion du cadre national des diplômes ! Il y a là quelque chose de très dangereux dont je dois avouer que je n'avais pas bien pris la mesure initialement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
S'agissant de l'année de césure, nous ne l'avons jamais réduite à la possibilité de voyager à l'étranger, comme vous l'affirmez à la suite de M. Mélenchon, monsieur Corbière ! Je précise au passage qu'il existe des aides pour les étudiants qui partent à l'étranger durant une année de césure, y compris pour les étudiants en difficulté sociale et dépourvus de moyens.
Soyez sympathique, monsieur Corbière, laissez-moi parler s'il vous plaît ! Par exemple, certaines fondations proposent des aides, les régions aussi.
Prévoir la possibilité d'une césure, que chacun sera libre de prendre ou pas, constitue un plus et non un moins. Il s'agit d'un plus destiné à ceux qui veulent s'en saisir, qui n'enlève rien aux autres.
Nous prévoyons de valoriser les acquis des étudiants et d'en dresser le bilan afin de les aider à en tenir compte et à s'en servir dans la préparation de leur insertion professionnelle. D'ores et déjà, si un étudiant s'investit particulièrement dans un engagement citoyen, s'il est élu syndical ou élu dans un conseil d'administration, une commission de formation ou un conseil académique, tout cela est valorisé, ce qui ne vous gêne pas, monsieur Corbière – moi non plus, d'ailleurs, j'en suis même très content !
Il s'agit d'un plus pour eux, pas d'un moins pour les autres.
Quant à la notion de compétences, qui vous a quelque peu agacé, monsieur Mélenchon, je voudrais vous rassurer. J'ai enseigné pendant de nombreuses années et, comme M. Berta, j'ai régulièrement reçu mes étudiants. L'approche par compétences est une approche pédagogique nouvelle qui est appelée à prendre de l'ampleur. Des référentiels de compétences ont même été mis en place au niveau des quarante-cinq mentions de licence générale. N'y voyez là rien de négatif : il s'agit simplement de valider des niveaux d'acquisition différents, selon que l'on se trouve en master, en licence, etc.
L'approche par compétences n'a pas été instaurée contre les universités françaises. Au contraire, ce sont les universitaires français qui défendent et utilisent ce concept, faisant évoluer ainsi la pédagogie en développant une approche par projets et programmes. L'enseignement s'est transformé depuis l'époque où vous étiez ministre, monsieur Mélenchon.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
La parole est à Mme Fabienne Colboc, pour soutenir l'amendement no 167 .
Cet amendement ne plaira pas à la France insoumise car il vise à valoriser l'expérience acquise durant l'année de césure. À son retour, l'étudiant passe un entretien d'explicitation, réalise un bilan de compétences, devant un enseignant. Si l'établissement reconnaît que le projet mené par l'étudiant pendant l'année de césure lui a permis d'acquérir des compétences ou des connaissances en lien avec les unités d'enseignement de sa filière, il doit pouvoir lui attribuer des crédits dans le cadre du système européen de transfert et d'accumulation de crédits, dit ECTS.
Le présent amendement vise donc à valoriser l'engagement citoyen et la personnalisation des parcours et d'envisager une nouvelle manière de vivre le parcours universitaire. Cette disposition permettrait de favoriser l'émancipation de l'étudiant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Les conditions de valorisation de l'année de césure, notamment en termes de crédits ECTS, seront définies par la convention qui sera signée entre l'établissement et l'étudiant. Le projet sera alors examiné de près par la direction des études de l'établissement, en lien avec l'étudiant lui-même. Si ce projet permet d'acquérir des compétences et une expérience qui sont en cohérence avec la formation, il pourra être valorisé sous la forme de crédits ECTS qui seront pris en compte pour la délivrance du diplôme.
Il s'agissait là d'un amendement d'appel, madame Colboc. Compte tenu des précisions que je viens de vous donner, et qui seront consignées au compte rendu de nos débats, je vous invite à le retirer. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 167 est retiré.
L'article 5, amendé, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 5.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 94 .
Cet amendement vise à combler un vide juridique en assimilant les stagiaires des écoles labellisées « Grande école du numérique » aux stagiaires de l'enseignement supérieur. En effet, environ 400 formations bénéficient aujourd'hui du label en question, créé en 2015. Il s'agit de formations courtes et qualifiantes aux métiers du numérique, destinées aux jeunes personnes sans diplôme, aux demandeurs d'emploi ou aux personnes en cours de reconversion professionnelle.
En l'état actuel du droit, les étudiants suivant ces formations ne bénéficient pas d'exonération de cotisations sociales lorsqu'ils suivent des stages. La législation actuelle relative aux stages en entreprise prévoit deux statuts : celui de stagiaire de l'enseignement supérieur, réservé aux étudiants classiques, qui permet de bénéficier d'une gratification de stage exonérée de cotisations sociales et celui de stagiaires de la formation continue, dont certains bénéficient d'une prise en charge par un tiers et ne perçoivent pas d'indemnités de stage puisqu'ils sont indemnisés par un financeur durant toute la durée de leur formation.
Or certains étudiants désireux de suivre un cursus « Grande école du numérique » ne parviennent pas à obtenir de financement. Ils subissent donc une double peine au moment de suivre leur stage : ils ne sont pas financés par un tiers et les entreprises rechignent à les indemniser car leur gratification n'est pas exonérée de cotisations sociales.
J'ai bien compris l'objectif que vous poursuiviez au travers de cet amendement, mais il me semble dépasser le champ du présent projet de loi. Peut-être aura-t-il davantage sa place dans le cadre du texte relatif à la formation professionnelle. Je vous invite à le retirer, sinon j'y serai défavorable.
Même avis.
Nous ne voterons pas cet amendement, mais je voudrais dire à M. Fugit que je suis bien conscient des changements intervenus depuis le temps où j'étais ministre. Seize années ont passé. Merci de me le rappeler !
Là n'est pas la question. Penchons-nous plutôt sur l'évolution générale de l'idée que nous nous faisons de notre système – dont certains peuvent considérer qu'il ne vaut rien – et de la différence entre les notions de compétences et de qualifications. Si vous vous fondez sur les compétences, vous entrez dans un autre système, celui des certificats de compétences. L'Union des industries et métiers de la métallurgie – l'UIMM – et d'autres organisations patronales dans différentes branches n'ont cessé d'exercer des pressions pour que l'on introduise ce mécanisme. Vous êtes assez bon connaisseur, mon cher collègue, pour savoir que les mots compétences et qualifications n'ont pas le même sens.
Par ailleurs, nous venons d'entendre le rapporteur, comme Mme Colboc, dire que l'année de césure pourrait donner lieu à une validation des acquis de l'expérience. Je connais bien ce dispositif pour l'avoir moi-même créé et étendu à deux ans, mais n'oublions pas qu'il correspondait à une pratique professionnelle. Là, vous voulez proposer à des étudiants, pour améliorer leurs résultats, de valider de nouvelles compétences. L'intention est louable, je le reconnais bien volontiers, et je n'ai pas l'intention de mettre en doute votre bonne foi, mais vous mettez en péril une forme de parcours qui était très claire et égalitaire pour tous les jeunes.
Il existe des maquettes, qui prévoient un certain nombre d'années d'études au cours desquelles des qualifications sont acquises et évaluées, non pas à la tête du client mais en fonction d'un savoir disciplinaire, comme l'a expliqué M. Castellani. Une licence s'obtient en trois ans, un point c'est tout : l'étudiant n'a pas à la rallonger d'une année pour se faire bien voir ou bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience. C'est de transmission des valeurs disciplinaires – au sens de la discipline étudiée – que nous parlons. Le parcours doit être le même pour tous, au risque de creuser les inégalités sociales et de mettre fin à l'égalité entre les diplômes car ils ne seront plus les mêmes selon qu'ils auront été obtenus en trois ou en quatre ans, si l'étudiant y a intégré un parcours personnel.
Le dispositif avait une cohérence, que vous voulez bouleverser.
L'amendement no 94 n'est pas adopté.
Actuellement, les étudiants en formation uniquement à distance ne peuvent faire de stage en raison de la réglementation. Or, dans un contexte de montée en puissance de l'e-éducation, il serait pertinent de prévoir aussi l'intégration de stages aux cursus de formation en ligne.
La loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, complétée par le décret du 27 novembre 2014, précise les modalités d'application des périodes de formation en milieu professionnel et des stages. Ce décret indique qu'un « volume pédagogique d'enseignement effectué en présence des élèves ou des étudiants [… ] de deux cents heures au minimum par année d'enseignement » est nécessaire. À travers ce texte, la volonté du législateur était d'assurer un accompagnement pédagogique effectif de qualité, d'améliorer le statut des étudiants stagiaires et de lutter contre les dérives.
La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique dispose : « Les enseignements mis à disposition sous forme numérique ont un statut équivalent aux enseignements dispensés en présence des étudiants ». Cela induit un certain nombre d'évolutions du code de l'éducation. Tel est l'objet de cet amendement.
Comme vous l'avez rappelé, madame Sanquer, un stage doit être assorti de 200 heures d'enseignement. J'ai récemment signé un décret pour que 50 heures d'enseignement au moins aient été effectuées en présence des étudiants – ce qui laisse 150 heures d'enseignement à distance.
L'enseignement à distance est une nouvelle forme de pédagogie très intéressante, mais les rapports humains restent indispensables.
Je vous invite à retirer votre amendement, sinon j'y serai défavorable.
L'amendement no 95 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l'amendement no 171 .
Cet amendement tend à renforcer l'information relative au dispositif issu de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Elle donne aux étudiants la possibilité de faire valoir les compétences, connaissances et aptitudes qu'ils ont acquises dans un cadre extra-scolaire.
Il est en effet important de valoriser l'engagement, en particulier l'engagement associatif, en informant mieux les étudiants sur les possibilités de l'intégrer à leur cursus.
La loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a permis aux étudiants de faire valoir des compétences, des connaissances, des aptitudes qu'ils auraient acquises dans le cadre d'un engagement citoyen, par exemple le service civique.
Aujourd'hui, les établissements ont l'obligation d'informer leurs étudiants de ce dispositif. Vous souhaitez renforcer l'information, et je partage votre souci car je suis très attaché au service civique. Notre pays a plus que jamais besoin que les jeunes s'engagent, mais il doit leur en donner les moyens. Nous en débattrons plus largement dans les prochains mois.
Avis favorable.
Même avis.
Toutes les situations doivent être prises en compte. Certains étudiants, qui souhaitent interrompre quelque temps leurs études, pourront le faire grâce au maintien de leur bourse. D'autres n'en ont pas envie et peuvent n'avoir, au contraire, qu'une hâte, celle d'achever leurs études pour entrer enfin dans la vie active.
Bien sûr, rien n'obligera les étudiants à profiter d'une année de césure, mais qui l'employeur choisira-t-il, entre l'étudiant qui aura pu mettre à profit une année de césure pour enrichir ses compétences et celui qui ne l'aura pas fait ? Certains étudiants sont de jeunes parents, et ont besoin de trouver un emploi rapidement pour nourrir leur famille. Ils subiront une discrimination du fait de n'avoir pu prendre une année de césure.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Ceux qui souhaitent s'interrompre auront la liberté de le faire, c'est tout !
Cela peut arriver ! Je suppose que, pour avoir tous passé des entretiens d'embauche, vous en connaissez les difficultés.
Mêmes mouvements.
À vous entendre, personne n'aurait la moindre difficulté en France à passer des entretiens d'embauche. Nous ne vivons décidément pas dans le même monde !
Il serait bien, de temps en temps, de voir le côté positif de nos propositions. Cela nous permettrait de progresser plus sûrement que si nous nous en tenions à cette vision sinistrée des études, des étudiants et de la jeunesse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
L'amendement no 171 est adopté.
Cet amendement relève de la même logique que les amendements nos 94 et 95 que j'ai précédemment défendus. Il vise à permettre à l'entreprise qui accueille un stagiaire dans le cadre de la formation professionnelle continue non financée par un tiers de bénéficier d'une exonération de charges sur la gratification qu'elle lui verse. Afin d'éviter les abus, il est prévu de limiter la durée du stage à six mois maximum.
Madame la ministre, j'ai bien compris que vous alliez prochainement signer un décret pour modifier les dispositions du code de l'éducation, mais cela ne répondra pas aux problématiques que nous avons soulevées.
Nous souhaitons poursuivre nos échanges dans les prochains jours, afin de trouver une solution avant la lecture du texte au Sénat.
Comme je l'ai dit tout à l'heure à propos d'autres amendements, ce sujet me semble relever de la réforme de la formation professionnelle. Je suis certain qu'une étude aura lieu dans ce cadre. Notre collègue Sylvain Maillard, ici présent, sera sans doute très attentif à ces questions.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis.
Je souhaite préciser un point car nous n'avons peut-être pas tous compris le sens de notre fonction. Nous sommes ici pour légiférer, donc pour examiner toutes les implications possibles des textes dont nous discutons. Oui, j'assume de ne pas être là seulement pour m'intéresser à ce qui est positif dans vos propositions. Je suis là pour envisager tout ce qui peut arriver à la suite de l'adoption d'une loi. Cela s'appelle légiférer.
L'amendement no 84 n'est pas adopté.
Les étudiantes enceintes ont besoin d'un règlement de scolarité adapté, évidence qui n'est pas reconnue par tous les établissements d'enseignement supérieur. En effet, aujourd'hui, rien n'oblige ces derniers à mettre en place pour elles un régime d'études spécial. Des établissements ne mettent pas en place de régime spécial ; dans d'autres, les étudiantes doivent passer par une série de contrôles supplémentaires de leur état imposée par l'établissement.
Si le code de l'éducation impose de plein droit un régime spécial d'études pour les personnes malades ou en situation de handicap – je me permets de rappeler ici qu'une grossesse n'est ni une maladie ni un handicap – , il prévoit aussi un régime spécial d'études, de plein droit, pour les sportifs de haut niveau. En l'occurrence, cela pourrait peut-être se rapprocher de la réalité d'une grossesse, mais cela n'est pas confirmé sur le plan juridique.
C'est pourquoi, avec les cosignataires de cet amendement – que je remercie pour leur contribution – , je propose d'instaurer l'obligation, pour tout établissement d'enseignement supérieur, de mettre en place un régime spécial d'études, de plein droit, pour les étudiantes enceintes.
Outre qu'en adoptant cet amendement nous ferions cesser une discrimination, cette proposition est cohérente avec l'objectif du texte, à savoir l'amélioration de la réussite des étudiants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
En demandant aux établissements de mettre en place un régime d'études adapté pour les étudiantes enceintes, madame Brugnera, vous soulevez un point tout à fait important. Cette préoccupation me semble tout à fait légitime. J'émets donc un avis favorable sur votre amendement.
Même avis.
Je vous félicite, ma chère collègue, d'avoir eu l'idée de proposer cet amendement, que bien évidemment nous voterons. En effet, sous le prétexte d'un universalisme totalement abstrait, les circonstances sont innombrables où l'on oublie de telles conditions naturelles – car il faut le temps que ça se fasse.
Sourires.
J'ai connu beaucoup de disciplines où l'on faisait comme si cela n'existait pas. Eh bien si !
C'est une très bonne idée, que nous soutenons – ce qui vous prouvera que nous savons aussi écouter.
L'amendement no 87 est adopté.
Lorsque je militais dans une organisation syndicale étudiante ou que j'avais des responsabilités nationales dans une organisation de jeunesse, j'ai toujours été favorable au principe de l'année de césure.
J'entends les objections qu'a formulées tout à l'heure Jean-Luc Mélenchon sur le plan académique mais, en l'occurrence, nous parlons d'autre chose : comment, dans un parcours de vie, dans un parcours citoyen, dans un parcours d'émancipation, une année de césure peut-elle aussi contribuer à ce que des jeunes, en transition vers l'âge adulte, s'engagent au service de la collectivité ? C'est l'objet de cet amendement. Afin de contourner l'article 40 qui, vous l'aurez remarqué, nous ligote ici un peu les mains, je demande au Gouvernement de nous remettre un rapport.
Nous avons voté la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté. Je demande que l'on regarde précisément ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel à ce moment-là mais je crois bien que ce fut le cas de l'article 14 – jugé comme un cavalier législatif – , permettant de reconnaître sous forme de crédits ECTS l'engagement associatif des étudiants, notamment le service civique.
Non, il n'a pas été censuré !
Le dispositif a donc été confirmé ? Très bien.
Cette loi a été l'occasion d'un deuxième progrès avec le compte d'engagement citoyen permettant, avec un engagement de 200 heures dans une association, quel que soit le bénévolat exercé, de disposer de 20 heures de formation professionnelle sur le compte personnel d'activité.
Le présent amendement a pour objet de demander au Gouvernement de nous fournir un rapport, d'ici à six mois, permettant d'évaluer l'impact que pourrait avoir la prise en compte de l'engagement associatif et citoyen des étudiants pendant l'année de césure sur le compte d'engagement citoyen, donc sur le compte personnel d'activité.
Elle est défavorable à cette demande de rapport – M. Juanico, d'ailleurs, m'en voudrait si ce n'était pas le cas puisqu'il m'a reproché en commission de demander un rapport au Gouvernement.
Sourires
Cet amendement était surtout pour vous l'occasion de faire passer un message après qu'un autre amendement avait été déclaré irrecevable – et je pense qu'il est passé. Encore une fois, il est nécessaire de renforcer l'engagement et les moyens permettant de s'engager sous toutes les formes, en particulier pour les étudiants, avec l'année de césure : il sera possible d'accomplir un service civique et de le valider en tant qu'expérience et compétence.
Nous aurons un grand moment de réflexion sur l'engagement dans les mois qui viennent. Telle est la volonté du Président de la République et du Gouvernement. Nous pourrons continuer à avancer dans cette voie. Je vous prie donc de bien vouloir retirer voter amendement. À défaut, j'y serai défavorable.
Monsieur le député, les activités permettant d'acquérir les 20 heures inscrites sur le compte d'engagement citoyen sont : l'engagement de service civique, le volontariat associatif, le volontariat international en administration, le volontariat international en entreprise, le service volontaire européen et le volontariat de solidarité internationale. Un certain nombre de dispositifs existent donc déjà.
Bien sûr, je suis tout à fait favorable à l'idée d'examiner cette question avec vous, mais pas sous la forme d'un rapport. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, sinon j'y serai défavorable.
Nous, les Républicains, regardons cet amendement no 126 avec un oeil bienveillant et intéressé. Les parlementaires de l'opposition ne disposent pas de tant de leviers que cela : demander au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement permet de braquer les projecteurs sur un sujet de préoccupation, de passer des messages.
Qu'un focus particulier soit porté sur l'année de césure et sur son utilisation à des projets personnels, tournés vers des activités de bénévolat associatif, humanitaire, civique, cela nous semble tout à fait essentiel. C'est en particulier à cela que pourrait utilement servir l'année de césure que nous sommes en train d'inscrire dans la loi.
J'en profite pour dire que nous sommes extrêmement réservés, pour ne pas dire plus, sur l'idée que l'année de césure puisse éventuellement déboucher sur l'attribution de crédits ECTS supplémentaires, comme cela a été esquissé de manière un peu vague. Pour le coup, on basculerait dans une dimension parfaitement inopportune : les ECTS sont tout de même très encadrés sur le plan européen et une année de césure ne doit pas déclencher ce qui pourrait s'apparenter à une attribution supplémentaire de crédits ECTS.
Vous le savez, Dieu sait que nous sommes favorables à l'engagement citoyen et au bénévolat, mais nous le sommes surtout à la qualité de l'enseignement. La priorité doit aller à la continuité et à la qualité de l'enseignement.
Comment articuler les deux ? Il ne faudrait pas que l'option offerte aux étudiants de faire du bénévolat perturbe les études. On ne peut pas faire n'importe quoi : la continuité de l'enseignement s'impose, de même que la priorité donnée aux études. Tout cela doit se faire de façon cohérente, sous l'autorité du responsable pédagogique qui, comme le nom l'indique, est responsable de la qualité de l'ensemble.
Nous ne sommes pas opposés au bénévolat dans le cadre de l'année de césure, mais cela ne peut se faire que sous l'autorité du responsable pédagogique et à l'issue de la licence. Je vois mal un étudiant de première ou deuxième année interrompre ses études pour faire un certain nombre de mois de bénévolat à droite et à gauche.
Je ne suis pas opposé à ce que le Gouvernement nous remette un rapport sur le sujet, mais, une fois encore, selon moi, il faut tenir compte prioritairement de la qualité et de la continuité de l'enseignement.
Je suis naturellement en complet désaccord avec cette proposition.
Monsieur Juanico, vous avez bien voulu rappeler que mon objection était académique, qu'elle portait sur la valeur académique du parcours réalisé.
J'en reviens à mon point de départ : une parfaite égalité quant à la qualification implique forcément un parcours évalué dans la maquette de départ en nombre d'années et en contenus. Si vous donnez à des adjuvants une valeur qualifiante, vous changez la nature du diplôme. J'admets que l'on puisse avoir une telle idée, mais la nature en serait en l'occurrence changée.
Du reste, par qui la valeur qualifiante sera-t-elle évaluée ? Forcément par un individu singulier qui en décide. Or ce n'est pas acceptable. La validation de l'acquis de l'expérience concerne une trajectoire professionnelle. Elle ne peut pas être injectée au milieu d'un parcours universitaire qui, même si cela choque, n'est pas une affaire d'évaluation par l'étudiant lui-même. Celle-ci relève des autorités académiques, dont c'est le métier d'évaluer le contenu d'une licence ou d'une maîtrise. On n'y ajoute pas, à sa sauce, une année de césure, dans laquelle on mettrait un peu de ceci et de cela et, surtout, de l'engagement civique.
En effet, si vous ajoutez l'engagement civique, on n'a pas fini de discuter de sa nature. Personnellement, je considère que l'engagement politique appartient au domaine de l'engagement civique, et du plus haut niveau, mais il ne me viendrait jamais à l'esprit de dire que je vais l'ajouter dans ma qualification. C'est absurde ! Restons-en à des parcours de qualification évalués d'après des contenus, des référentiels et des maquettes. C'est à ce prix que l'égalité républicaine régnera. On ne peut procéder selon la tête du client, selon l'inspiration de tel ou tel pédagogue pouvant éventuellement faire pression ou selon le jeune lui-même. Non ! On apprend à être médecin en apprenant la médecine !
Une fois n'est pas coutume, je suis en profond désaccord avec Jean-Luc Mélenchon.
Les parcours universitaires et d'enseignement supérieur ne sont pas linéaires : nous devons être capables d'en tenir compte. Ces derniers jours, nous avons beaucoup évoqué le taux d'échec en premier cycle, mais nous avons oublié de préciser qu'à bac plus six, nous avons aujourd'hui 80 % de diplômés, ce qui signifie que certains parcours sont plus longs que d'autres. Il faut aussi compter avec le droit à l'échec et celui de repartir. Je pense que l'année de césure peut aussi être utile – mais je n'y reviens pas.
Je suis un farouche défenseur des droits du Parlement et des rapports parlementaires, qui sont de très grande qualité. Vous avez bien compris, monsieur le rapporteur, que cet amendement était pour moi un moyen d'aborder la question de l'engagement citoyen des étudiants, de sa valorisation et de sa reconnaissance. Je le retire donc et je suggère à M. Studer, qui préside la commission des affaires culturelles et qui m'écoute attentivement, d'inscrire au nombre des travaux que nous menons ensemble en bonne intelligence, en 2018, la question de la valorisation du parcours citoyen dans l'enseignement supérieur – mais aussi de façon plus large, car ce parcours doit être continu, commençant dès le plus jeune âge et se poursuivant tout au long de la vie.
L'amendement no 126 est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 6.
La parole est à M. Napole Polutele.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je tiens à vous dire combien je partage vos préoccupations et les objectifs de ce projet de loi. Je déplore néanmoins qu'il n'offre pas de réponses à certaines situations spécifiques et qu'il manque d'ambitions pour l'outre-mer.
Il ne prend pas suffisamment en compte les élèves de l'hémisphère Sud, dont le calendrier est calé sur l'année civile, spécialement ceux dont l'univers quotidien n'a rien à voir avec celui de la métropole. Je pense évidemment aux jeunes de Wallis-et-Futuna – mais pas seulement.
Je souhaite rappeler à la représentation nationale que cette petite collectivité se situe à 20 000 kilomètres de la métropole, à 3 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie et à 4 000 kilomètres de la Polynésie française. Elle est entourée exclusivement de pays anglophones et elle a cette particularité que son calendrier scolaire est en phase avec celui de la Nouvelle-Calédonie.
Les élèves qui, après avoir obtenu leur baccalauréat au mois de décembre, décident de venir étudier en métropole, doivent donc attendre huit mois avant d'entamer leurs études. Ils pourraient certes aller étudier en Nouvelle-Calédonie, à 3 000 kilomètres de chez eux, ou en Polynésie française, à 4 000 kilomètres, mais vous comprendrez, chers collègues, que tout cela occasionne des dépenses importantes pour leurs parents. Il faut par ailleurs songer au fait que 80 % de la population de ce territoire n'a pas de revenus réguliers.
Les élèves de Wallis-et-Futuna sont donc livrés à eux-mêmes pendant huit mois, et ils ne peuvent compter sur aucun dispositif pour les aider à surmonter leurs difficultés, ni pour préparer leur départ vers la métropole. C'est pour remédier à ces difficultés que j'ai déposé un certain nombre d'amendements, afin d'apporter un « plus » à ces élèves.
Madame la ministre, j'espère que, dans le cadre de ce projet de loi, qui est très important, nous pourrons trouver ensemble des solutions ambitieuses pour les étudiants de Wallis-et-Futuna, qui sont un peu les oubliés de la République.
L'intervention précédente montre parfaitement, de notre point de vue, les limites de ce projet de loi, et les problèmes qu'il pose – limites et problèmes qui ne sont qu'accentués en outre-mer, comme l'a bien montré notre collègue.
La priorité devrait être de corriger les inégalités économiques, au bénéfice des familles, des étudiants et des étudiantes à bas revenus. Lors de l'examen des articles, nous n'avons pas cessé de souligner que vous introduisez une sélection qui ne dit pas son nom. Elle va pénaliser encore davantage les familles, les étudiants et les étudiantes des classes populaires. Cela a été rappelé, il y a un instant encore, à propos de l'année de césure.
Je tiens, pour réaffirmer l'état d'esprit qui est le nôtre, à rappeler que nous ne faisons aucun procès d'intention au Gouvernement, même si, au terme « réussite », nous préférons celui d'« émancipation ». Nous souhaitons évidemment que toutes les jeunes et tous les jeunes aient accès au savoir ou à des expériences enrichissantes à l'étranger. Nous pensons en revanche que le rôle de la législation nationale est non pas seulement d'affirmer cette intention, mais de proposer des moyens concrets de corriger les inégalités – car elles existent. De notre point de vue, votre projet de loi, loin de remédier aux inégalités sociales, culturelles et éducatives, les renforce, notamment en outre-mer.
L'introduction de l'année de césure, en ouvrant des parcours à la carte, va privilégier celles et ceux qui disposent déjà d'un capital. C'est particulièrement évident pour les séjours à l'étranger, même si les bourses sont maintenues : ce n'est pas évident de vivre à Londres ou en Australie avec une bourse correspondant aux standards français. Toutes celles et tous ceux d'entre nous qui ont fréquenté l'université savent que les difficultés majeures, notamment pour ceux qui font de longues études, ce sont les difficultés économiques.
Or vous ne faites rien pour combler ces inégalités et pour garantir une réussite à toutes et à tous.
Le retrait assez prématuré, il y a quelques minutes, de l'amendement de M. Juanico nous a privés d'une éventuelle réponse de Mme la ministre à l'excellente question posée à la fois par Constance Le Grip, au nom du groupe Les Républicains, et par le président Jean-Luc Mélenchon, au nom de La France insoumise.
J'aimerais, madame la ministre, que vous précisiez ce que sont, dans l'esprit du Gouvernement, le statut de cette année de césure et son articulation avec le parcours académique.
Nous sommes tous favorables à ce qu'il puisse y avoir une forme d'aération dans le parcours d'enseignement supérieur, à la faveur de l'année de césure. En revanche, nous serions extrêmement défavorables à ce que cette année de césure donne lieu à l'attribution de crédits ECTS.
C'est l'occasion pour moi de souligner, sur ce point, la parfaite convergence entre Les Républicains de cette rive et les républicains de l'autre rive. L'intervention de Jean-Luc Mélenchon a montré qu'il avait conservé une forme de classicisme académique sur cette question. Peut-être est-ce dû à son expérience de ministre délégué à l'enseignement professionnel au temps de Lionel Jospin et de Jacques Chirac.
Sourires.
Je souhaite intervenir dans le prolongement de notre collègue de Wallis-et-Futuna. Nous sommes évidemment favorables à ce que les règlements universitaires soient adaptés aux conditions locales de l'outre-mer. Les conditions ne sont pas les mêmes en outre-mer et en métropole – du reste, elles ne sont pas les mêmes au sein même de la métropole. Cela ne revient pas à démanteler l'enseignement ou à lui enlever sa cohérence, mais à améliorer sa qualité, en l'adaptant aux conditions locales.
C'est exactement ce que nous avons proposé hier pour la Corse. M. le rapporteur nous a opposé la Constitution, mais cela n'a rien à voir. Nous demandions l'application de la loi du 22 janvier 2002, qui prévoit l'adaptation des conditions d'enseignement. On nous a répondu que le Gouvernement n'avait pas à demander l'autorisation à la Corse. Nous n'attendons rien de tel : nous demandons que la Corse puisse, conformément à la loi, adapter certaines dispositions, afin de mieux coller aux réalités du terrain. Ce sont exactement les mêmes problématiques qui se posent en outre-mer, et nous sommes tout à fait favorables à ce que, dans ces territoires, l'enseignement supérieur et la vie des universités s'adaptent aux conditions locales.
Je sens qu'il faut que je m'explique sur un point : j'en reviens à la question de la qualification, pour que nous nous comprenions bien.
Il existe en France un Centre d'études et de recherche sur les qualifications, dont le siège est à Marseille. C'est bien la preuve que la qualification peut faire l'objet d'une appréciation objective.
Prenons le cas des diplômes professionnels, car ce sont des diplômes qui ne mentent pas : à la sortie, soit on sait faire, soit on ne sait pas faire. Et, si on ne sait pas faire, cela se voit tout de suite, notamment quand on travaille sur une machine qui vaut plusieurs centaines de millions d'euros – car il y en a – et qu'on manipule une matière première.
Au demeurant, d'une certaine façon, tous les diplômes qui sanctionnent la fin des études supérieures sont des diplômes de qualification professionnelle. Quand on finit son droit et que l'on se destine à devenir avocat, il vaut mieux avoir bien compris l'usage du droit – il en va de même en médecine. Voilà pourquoi je fais preuve de « classicisme », comme vous dites. Le classicisme, en la matière, est une revendication de ma famille idéologique et politique, parce que le diplôme doit pouvoir être évalué d'après son contenu, pour entrer dans les conventions collectives.
Dès lors que le diplôme est surchargé de toutes sortes de choses que l'on ajoute de sa propre initiative, ou par la fantaisie d'un pédagogue, sa nature change. C'est pourquoi je suis hostile à ce que l'on ajoute à la notion de « qualification » celle de « compétence », qui n'a rien à voir avec elle, comme je suis hostile à ce que l'on change le contenu d'un diplôme, car il ne peut plus, dès lors, être inclus automatiquement dans une convention collective. Or les conventions collectives articulées sur le système universitaire, cela s'appelle la République sociale. Cela signifie que ce que vous avez acquis a une valeur d'échange, et pas seulement une valeur d'usage. Il y a une valeur d'usage et, parce qu'il y a une valeur d'usage, il y a une valeur d'échange dans les conventions collectives.
C'était une revendication de gauche et j'ai été extrêmement satisfait, puisque vous évoquiez cette époque, que le Premier ministre Lionel Jospin et le Président de la République Jacques Chirac l'aient acceptée. Après tout, c'est avec des civils qu'on fait des militaires.
Sourires.
S'agissant de l'année de césure, il me semble qu'elle donnera au jeune une expérience qui complétera ses études. Pour une étudiante qui se destine à devenir infirmière, passer six mois dans un service d'urgences ou au SAMU peut s'avérer très bénéfique d'un point de vue humain, même si cela n'est pas sanctionné par un diplôme.
S'agissant des questions posées par nos collègues du Pacifique, nous savons bien que la distance et le calendrier scolaire posent des difficultés particulières aux étudiants de ces territoires. Notre collègue de Wallis-et-Futuna a très bien exposé les difficultés économiques auxquelles sont confrontés les habitants de cette collectivité. J'aimerais toutefois rappeler que nous avions défini, dans la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, une méthode de travail pour prendre en compte ces différences.
Nous avions posé le principe selon lequel il fallait, en dépit des différences de situation, tendre vers l'égalité entre les divers territoires d'outre-mer et la métropole. Pour ce faire, nous avions convenu d'élaborer dans tous les domaines, entre la collectivité et l'État, des contrats de convergence définissant le chemin à suivre pour arriver à l'égalité. Il me semble que cette méthode de travail est la plus efficace et qu'il faut engager une concertation entre les diverses collectivités d'outre-mer, le ministère de l'éducation nationale et le ministère des outre-mer, en vue d'organiser le parcours de ces jeunes, ainsi que la répartition des frais supplémentaires qu'occasionne leur venue en métropole. Les frais de transport sont déjà en partie gérés par l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité – LADOM – , mais il faut avoir une vision plus globale.
Vous avez parfaitement raison de souligner les difficultés spécifiques que rencontrent les étudiants du Pacifique, qui sont beaucoup plus éloignés de la métropole, mais je ne suis pas sûr, en l'espèce, que nous soyons en mesure de régler la question autrement que par les contrats de convergence.
Dans le prolongement de l'intervention de Mme Pau-Langevin, je tiens à vous dire que le ministère des outre-mer, le ministère de l'éducation nationale et celui de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation travaillent, dans le cadre des assises des outre-mer, à l'entrée en application concrète de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. Nous examinons notamment les dispositifs spécifiques que nous pourrions proposer aux étudiants ultramarins.
Je vous indique par ailleurs qu'il est possible, dans un certain nombre de formations, de démarrer l'année universitaire au second semestre, ce qui peut être une solution pour tous les territoires ultramarins de l'hémisphère Sud. Même si cela ne concerne pas directement Wallis-et-Futuna, nous travaillons aussi à la mise en place de conventionnements avec des universités francophones plus proches des territoires ultramarins, de manière à élargir l'offre de formation proposée aux étudiants de ces territoires. Nous travaillons également à la création de doubles diplômes avec ces universités francophones de proximité. Le double diplôme a cet avantage de préserver les droits d'inscription des diplômes français pour les étudiants ultramarins.
Vous le voyez, nous sommes déjà en train de travailler dans plusieurs directions avec Annick Girardin, et j'irai bientôt à la rencontre des différents présidents d'université des territoires ultramarins pour travailler avec eux.
Nous passons à l'examen des amendements à l'article 6.
Votre amendement no 66 , monsieur Attal, est rédactionnel ?
L'amendement no 66 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le projet de loi ne prévoit aucune extension à la Polynésie française des dispositions du nouvel article L. 841-5 du code de l'éducation, introduit par l'article 4 du projet de loi. Or l'université de la Polynésie française exerce, en tant qu'opérateur de l'État, les missions normalement dévolues à un centre régional des oeuvres universitaires et scolaires – CROUS – en métropole.
La non-extension de ces dispositions privera l'université de la Polynésie française des ressources nécessaires à l'animation et à l'amélioration de la qualité de la vie étudiante sur son campus, sachant qu'il est prévu par ailleurs que les cotisations au Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes – FSDIE – ne pourront plus être prélevées en même temps que les droits d'inscription aux diplômes. Ainsi, les dispositions visant à améliorer le quotidien des étudiants ne seraient pas applicables aux étudiants polynésiens alors qu'elles le seraient à leurs homologues métropolitains. Cela constituerait une véritable rupture de l'égalité des chances et enfreindrait le principe d'égalité de traitement.
Pour mémoire, le nombre d'étudiants inscrits en Polynésie française s'élève à 3 352 pour la présente année universitaire. Avec un effectif d'étudiants stable et un taux moyen de boursiers de 40 %, la perte de financement s'établirait à 143 988 euros par année universitaire.
Le présent amendement a donc pour objet d'étendre et d'adapter les dispositions de l'article L. 841-5 du code de l'éducation à la Polynésie française. Il prévoit également le versement de la contribution à l'université de la Polynésie française.
Les compétences en matière d'action sociale sont partagées. La Polynésie française contribue également, par son action en matière de logement étudiant, de protection sociale et de transports, à la politique sociale en faveur des étudiants.
L'amendement a pour objet d'étendre à la Polynésie française les dispositions relatives à la nouvelle contribution. Cela soulève une question au regard de la répartition des compétences entre l'État et la collectivité. Je laisse le soin au Gouvernement de nous donner un éclairage technique sur ce point.
Je vous invite à retirer votre amendement, madame Sanquer, car il n'est pas recevable. En effet, en vertu de la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, il est impératif que cette disposition soit prise par la Polynésie française. Nous allons bien sûr nous mettre en relation avec les autorités compétentes, de telle sorte que ces dispositions soient transposées. Nous n'avons pas le droit, dans le cadre du présent projet de loi, de mettre en place une contribution applicable sur le territoire de la Polynésie française.
J'ai bien entendu votre argumentation, madame la ministre, mais j'aimerais que l'échange se poursuive. Mes collègues proposeront une autre rédaction lors de l'examen du texte au Sénat. Je retire l'amendement.
L'amendement no 31 est retiré.
Afin de mettre fin à l'exclusion de la Polynésie française du dispositif conventionnel qui permet aux élèves des classes préparatoires aux grandes écoles de bénéficier d'une inscription à l'université et d'équivalences, nous demandons que les alinéas 2 et 3 du VIII de l'article L. 612-3 du code de l'éducation nationale, tels qu'ils résulteront du présent projet de loi, soient applicables en Polynésie française.
Rappelons que ce régime mixte est applicable en Nouvelle-Calédonie. Il serait souhaitable qu'il le soit en Polynésie française, dans un souci d'égalité par rapport aux autres territoires de la République. En effet, l'ordonnance du 14 janvier 2015 portant extension et adaptation dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de la loi no 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche prévoit, dans son article 11, la mise en place d'un tel dispositif pour la Nouvelle-Calédonie, et ces dispositions sont également applicables dans les collectivités d'outre-mer.
En outre, je rappelle que la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoit, en son article 9, que l'assemblée de la Polynésie française est consultée sur les projets d'ordonnances prises sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution. Or l'assemblée de la Polynésie française n'a pas été consultée sur cette ordonnance par le ministre compétent de l'époque, ce que je ne peux que regretter. L'amendement vise donc à réparer un oubli : il permettra à la Polynésie française de bénéficier des mêmes dispositifs que ses voisins et, ainsi, de respecter l'égalité réelle dans les outre-mer.
Il s'agit de nouveau d'une question ayant trait à la répartition des compétences entre l'État et le gouvernement de la Polynésie française. Je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement avant de me prononcer.
Madame la députée, vous avez raison de constater que l'État n'est pas compétent dans les mêmes matières en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie : il est compétent pour l'enseignement supérieur universitaire en Polynésie française, alors qu'il l'est pour l'enseignement supérieur, sans autre précision, en Nouvelle-Calédonie. Or, comme l'amendement porte à la fois sur les classes préparatoires aux grandes écoles, les sections de techniciens supérieurs et les formations universitaires, cette assemblée n'est pas, là non plus, en mesure d'apporter des modifications en la matière. De même que précédemment, je propose que nous travaillions pour que ces dispositions soient applicables en Polynésie française, comme elles le seront, potentiellement, en Nouvelle-Calédonie. Je vous invite à retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable car il n'est pas recevable.
Je suppose que la position de la commission est la même que celle du Gouvernement, monsieur le rapporteur ?
Oui, je demande le retrait de l'amendement et, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'ai bien entendu vos arguments, madame la ministre, mais, en l'espèce, ce n'est pas une question de répartition des compétences entre la Polynésie française et l'État : c'est bien vous qui pouvez étendre à la Polynésie française la possibilité donnée aux étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles de bénéficier d'une inscription à l'université. Je maintiens l'amendement.
Pour cela, il faudrait modifier la loi organique, car c'est elle qui précise que l'État est compétent pour l'enseignement supérieur universitaire. Cela illustre d'ailleurs le fait qu'il vaudrait mieux éviter d'ajouter en permanence des termes dans les textes de loi, comme cela a été fait avec le mot « universitaire », car plus on en ajoute, plus on crée de cas particuliers.
Vous pouvez constater, à travers cet exemple ponctuel, qu'il est nécessaire d'adapter les lois, car il est très difficile de faire entrer la diversité des situations dans une loi centrale et monolithique.
L'idée est non pas de démonter la France ou de réformer pour le plaisir de réformer, mais de poser qu'une loi doit être adaptée le mieux possible aux réalités locales. Une loi est faite pour évoluer. Il faut donc la faire évoluer dans un sens pertinent et de manière maîtrisée. C'est pourquoi nous sommes tout à fait favorables à ce que des moyens légaux, réglementaires et de gestion accrus soient attribués, au minimum, aux territoires d'outre-mer et à la Corse – je ne parle pas de l'évolution de la structure de l'État-nation en métropole : c'est aussi un sujet important, mais ce n'est pas celui du jour.
La parenthèse est utile.
Premièrement, vous avez raison de rappeler, madame la ministre, que la loi organique est la loi organique. Si elle est dénommée ainsi, c'est que ce n'est pas une loi comme les autres.
Deuxièmement, tout le monde est évidemment d'accord pour qu'un effort de rattrapage soit fait, pour que l'on tende vers l'égalité la plus complète. Mais veillez à ne pas demander des choses trop contradictoires, mes chers collègues : d'un côté, qu'il y ait des lois organiques et des lois à la carte en fonction des territoires ; de l'autre, que la loi soit la même pour tous.
Il faut donc en revenir aux principes de base, notamment celui selon lequel la République est une et indivisible – au sens de son peuple, mais pas nécessairement, en tout cas plus maintenant, au sens de ses institutions. Car les dérogations, si je puis dire – je ne voudrais pas employer un terme inapproprié – , ou les cas particuliers diffèrent considérablement les uns des autres. Nous venons de tomber sur un exemple précis : des dispositions applicables sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie française – je dis « française » car elle le sera au moins jusqu'au référendum ; nous verrons ce qui se passera à ce moment-là – ne le sont pas à Wallis-et-Futuna, et nous nous demandons pourquoi.
En l'espèce, il est question de la Polynésie française, dont le territoire – nous devrions tous nous en souvenir – est aussi étendu que celui de l'Europe dans sa totalité. On peut donc comprendre que la situation insulaire et l'éloignement par rapport à l'Hexagone justifient des mesures particulières. Cependant, nous aurions intérêt à disposer d'une loi-cadre, c'est-à-dire de modèles transposables, car, si nous élaborons autant de statuts particuliers qu'il y a de territoires insulaires, nous allons sans cesse nous heurter à des situations de cette nature.
Vous dites, monsieur Castellani, qu'il faut pouvoir évoluer d'une loi à l'autre. Mon cher collègue, avec toute l'amitié que je vous porte, cette idée est un peu singulière : si l'on doit modifier les lois organiques à mesure que nous rédigeons les lois, nous allons nous retrouver dans une situation tout à fait spéciale pour ce qui est de l'organisation du territoire !
Pour finir, le plus souvent, la transposition des lois votées dans cet hémicycle est soumise à l'approbation de l'assemblée du territoire considéré – je ne crois pas me tromper en le disant ; c'est vrai, en tout cas, pour la Nouvelle-Calédonie française. Le mécanisme évoqué à ce stade allait dans ce sens.
Monsieur Castellani, si vous demandez que l'Assemblée change les lois organiques en lois ordinaires, vous allez avoir des surprises.
L'amendement no 30 n'est pas adopté.
Le présent amendement a pour objet de faire respecter la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française en matière d'enseignement supérieur.
L'alinéa 3 de l'article 6 du projet de loi prévoit l'extension à la Polynésie française des nouvelles dispositions introduites par l'article 1er, ce qui reviendrait à modifier l'article L. 683-2 du code de l'éducation. Cette extension aurait en effet pour conséquence d'attribuer au ministre chargé de l'enseignement supérieur certaines compétences qui relèvent de la Polynésie française. En effet, si l'État est compétent en matière de formations supérieures universitaires, la compétence en matière de formations supérieures non universitaires a été transférée à la Polynésie française.
Aucune des dispositions du nouvel article L. 612-3 qui confèrent à « l'autorité académique » le pouvoir de mettre en place et de définir les modalités de sélection pour les sections de techniciens supérieurs ou d'instaurer des quotas de bacheliers technologiques ou professionnels pour l'accès aux sections de techniciens supérieurs ne peut être étendue sans mesure d'adaptation. Afin d'étendre ces nouvelles dispositions à la Polynésie française, il est indispensable de préciser la notion d'autorité académique compétente en Polynésie française lorsqu'il s'agit de formations post-baccalauréat non universitaires.
Comme cela a été indiqué précédemment, l'État est compétent en matière d'enseignement supérieur universitaire en Polynésie française. Par conséquent, l'autorité académique ne peut pas fixer de règles concernant les places dans les formations non universitaires. L'amendement me semble apporter une précision utile. Avis favorable.
Madame Sanquer, il y a une divergence d'appréciation sur la portée de la modification apportée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 683-2 du code de l'éducation. Si vous pensez qu'elle risque de remettre en cause les compétences actuellement exercées par le vice-recteur de Polynésie française en matière de formations post-baccalauréat non universitaires, le Gouvernement est disposé à s'en remettre à la sagesse de la représentation nationale pour lever toute inquiétude à ce sujet.
Cet amendement s'inscrivant dans la même logique que le précédent, il appelle le même commentaire. M. Mélenchon, avec son savoir encyclopédique, le sait très bien : l'idée n'est pas de faire autant de lois qu'il y a de territoires. La loi sert à fixer des principes et des objectifs sociaux, économiques ou culturels. Pour atteindre ces objectifs, les chemins peuvent différer d'un territoire à l'autre. Certains territoires particuliers peuvent donc adapter les lois pour parvenir aux mêmes objectifs. Ce débat est beaucoup plus large et comporte de nombreux enjeux, mais on ne pourra pas y échapper, comme en témoignent les résultats des dernières élections en Corse.
Je soutiens l'amendement de Mme Sanquer. Toutefois, je souhaite préciser, sans ouvrir le débat sur le sujet, que la Nouvelle-Calédonie dispose d'un statut singulier au sein de la République. L'accord de Nouméa signé en 1998 par les formations politiques et l'État a été constitutionnalisé : le Congrès s'est réuni à Versailles et a décidé d'introduire le dispositif particulier qui nous régit dans la Constitution de la République française.
Parmi tous les territoires ultramarins, la Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui le seul à disposer du droit à l'autodétermination. Le peuple calédonien est souverain : il a la capacité, s'il le décide, de sortir de la République ou d'y rester. Ce droit n'est aujourd'hui pas ouvert à d'autres parties du territoire de la République. Nous acceptons les lois-cadres, si le Parlement les juge pertinentes, mais la Nouvelle-Calédonie continuera de toute façon à emprunter un chemin singulier.
Je suis conscient que ce n'est pas le coeur du sujet, mais profitons de ce débat pour préciser les principes. Notre collègue de Nouvelle-Calédonie a absolument raison de rappeler la situation particulière de ce territoire. Comme ce dernier entre dans une période un peu spéciale, il est important que les propos tenus ici soient entendus là-bas. Personne ici n'a l'intention de remettre en cause, si peu que ce soit, et par quelque biais que ce soit, le statut actuel et les pouvoirs actuels du congrès du territoire. Le reste appartiendra au peuple calédonien – puisque c'est ainsi que vous l'avez nommé, même si cela a fait, à l'époque, l'objet d'un débat.
Il y a un peuple calédonien, distinct du peuple français, parce que nous avons admis le fait colonial lorsque nous avons signé l'accord. Si nous ne l'avions pas fait, nous ne formerions qu'un seul peuple. La situation est différente dans les territoires où personne n'a établi qu'il y a eu un fait colonial. Cela change tout car, dans ce cas, le peuple français est un et indivisible.
Monsieur Castellani, je partage votre analyse de la situation. L'unité et l'indivisibilité de la République signifient celle de son peuple. Pour parvenir à la pleine expression de la souveraineté du peuple, on peut passer par des chemins institutionnels différents, tout en étant uni dans le même cadre républicain.
Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir nous excuser de discuter de sujets qui ne concernent pas directement le présent amendement, mais il s'agit là de thèmes sur lesquels nous aurons à débattre pendant quelque temps encore. De toute façon, le résultat des élections en Corse crée une situation nouvelle, qui nous oblige à y réfléchir attentivement, en prenant le temps de la préparation, pour ne pas être enfermés dans des situations inextricables, comme cela arrive à des voisins malheureusement moins bien préparés que nous.
L'amendement no 28 est adopté.
Cet amendement vise à mettre en place un dispositif conventionnel entre le gouvernement polynésien, le vice-recteur et le président de l'université, pour aménager l'application de la loi dans le respect des compétences organiques statutaires.
La parole est à M. Napole Polutele, pour soutenir l'amendement no 252 .
Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps les sous-amendements nos 252 et 253 .
Dans la même logique de répartition des compétences, ce sous-amendement a pour objet de mettre en place un dispositif conventionnel entre le vice-recteur et la Polynésie française, afin de déterminer les modalités d'application de l'article L. 612-3 du code de l'éducation aux sections de techniciens supérieurs.
Dans la même logique, le sous-amendement no 253 vise à mettre en place un dispositif conventionnel entre la Polynésie française et le vice-recteur destiné à aménager l'application de la loi dans le respect des compétences organiques statutaires.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les deux sous-amendements ?
Même avis.
L'amendement no 29 est retiré.
Il convient de prendre en compte la particularité calédonienne. Notre calendrier universitaire s'inscrit dans un cadre différent de celui de l'Hexagone, puisqu'il est soumis au climat austral. La procédure d'inscription prévue dans le projet de loi serait complètement rédhibitoire pour les étudiants de notre pays. Le présent amendement vise à prendre en compte cette particularité propre à notre hémisphère. La procédure d'inscription doit être adaptée à la façon dont l'université organise son année.
Cet amendement aurait dû être rectifié car, dans sa rédaction actuelle, il aurait pour effet que l'ensemble de la procédure nationale s'adapte au calendrier universitaire propre à la Nouvelle-Calédonie.
Il faudrait le rédiger ainsi : « Pour l'accès aux formations d'enseignement supérieur en Nouvelle-Calédonie, la procédure de préinscription visée par le I de l'article L. 612-3 est adaptée ». Le Gouvernement est défavorable à l'amendement dans sa rédaction actuelle.
Un sous-amendement a été déposé, que Mme Sanquer va peut-être défendre. Il répond peut-être aux préoccupations de Mme la ministre.
On m'informe que ce sous-amendement a été déclaré irrecevable.
Je vous propose de suspendre la séance pour corriger la rédaction de l'amendement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.
La séance est reprise.
La parole est à M. Philippe Gomès, pour présenter une version rectifiée de l'amendement no 51 .
L'amendement no 51 rectifié vise à insérer l'alinéa suivant, après le deuxième alinéa de l'article L. 684-2 du code de l'éducation : « Pour l'accès aux formations d'enseignement supérieur en Nouvelle-Calédonie, la procédure de préinscription visée par le I de l'article L. 612-3 est adaptée afin de respecter le calendrier universitaire propre à la Nouvelle-Calédonie. »
Favorable.
L'amendement no 51 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.
Il s'agit, là encore, de prendre en considération les particularités de la Nouvelle-Calédonie. À cet égard, il nous paraît inenvisageable que l'article L. 612-3 puisse s'y appliquer de la façon qui est prévue.
En effet, en Nouvelle-Calédonie, le vice-recteur n'est pas chancelier des universités. Ce n'est donc pas le vice-rectorat qui contrôle les universités : le contrôle est directement effectué par le ministère de l'enseignement supérieur. Pour cette raison, il nous paraît nécessaire que cette administration du second degré qu'est le vice-rectorat ne puisse pas, d'autorité, sans concertation aucune, à la fois prononcer l'inscription des étudiants et définir les capacités maximales d'accueil des filières, d'autant que le vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie ne dispose pas du service dédié permettant d'effectuer les analyses nécessaires et de prendre les bonnes décisions.
C'est la raison pour laquelle nous proposons d'écrire, à travers cet amendement, que « le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie doit, avant de prononcer l'inscription d'un étudiant à l'Université de la Nouvelle-Calédonie ou de fixer les capacités d'accueil maximales des filières de formation de cette Université, obtenir l'accord de son président ».
Ces deux points relèvent bien de la compétence de l'État, et donc de celle du vice-recteur, sur délégation du ministre de l'enseignement supérieur. Avis défavorable.
L'objectif de l'État est de jouer pleinement son rôle de régulateur. C'est donc le vice-recteur qui, par délégation du ministère de l'enseignement supérieur, prononcera l'inscription des étudiants et fixera les capacités d'accueil. Toutefois, comme cela a déjà été rappelé, il le fera dans le cadre de discussions avec l'ensemble des chefs d'établissement du territoire concerné. Avis défavorable.
Je tiens à rappeler le cas particulier de la Nouvelle-Calédonie, qui est compétente en matière d'enseignement primaire et secondaire, public ou privé. Seul l'enseignement supérieur est resté entre les mains de l'État. Si le primaire public et privé et le secondaire public sont gérés, pour une part, par le vice-rectorat, la compétence de l'État est réduite à quatre domaines : les programmes – la loi conférant à la Nouvelle-Calédonie une capacité d'adaptation – , le contrôle pédagogique, les diplômes, qui restent de la compétence de l'État, et la formation des maîtres. Tel est le cadre juridique des compétences réparties entre la Nouvelle-Calédonie et l'État.
Il n'est pas souhaitable de décider que, dans ce contexte particulier, l'État exerce sa compétence de la même façon qu'il le fait partout sur le territoire de la République. Cela n'est pas possible. Je l'ai dit : le vice-recteur n'est pas chancelier des universités et le vice-rectorat ne dispose ni des éléments nécessaires ni du service dédié.
Je vous demande de m'entendre, madame la ministre : comme cela a été le cas pour la question du pourcentage de baccalauréats généraux et de baccalauréats technologiques dans les IUT et les BTS, pour laquelle une concertation est prévue entre le vice-rectorat et l'université, il conviendrait d'inscrire dans la loi, à défaut de l'accord du président, au minimum une concertation sur les deux points visés par l'amendement entre le vice-rectorat et l'université. C'est le minimum pour prendre en considération le cadre particulier dans lequel l'État exerce sa compétence en Nouvelle-Calédonie.
Bien que je sois hostile au projet de loi, nous voterons cet amendement défendu par notre collègue de la Nouvelle-Calédonie-Kanaky.
Dans la Constitution, le nom du territoire est « Nouvelle-Calédonie » !
Précédemment, j'ai dit « la Nouvelle-Calédonie française » : il est bon d'appeler ce territoire par tous les noms qui conviennent à nos compatriotes sur place, pour ne froisser personne.
Vous avez raison de souligner que la situation y est très particulière. Vous m'entendriez dire des choses encore plus surprenantes si nous venions à parler de l'enseignement primaire. Lors du débat sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, j'avais été conduit à approuver le fait que les investissements des écoles privées puissent être pris en charge par l'État puisque ce sont elles qui assurent l'égalité d'accès à l'enseignement dans la plupart des tribus.
Je recommande donc à la ministre et au rapporteur d'entendre la parole du collègue de Nouvelle-Calédonie-Kanaky. Il s'efforce, sur chaque point, de faire respecter sa spécificité. Il me semble qu'à l'approche de l'année référendaire nous devons faire très attention à tout ce que nous faisons.
Je tiens à faire part de la gêne que suscite en moi cette discussion, qui porte sur des territoires dans lesquels les autorités locales ont des pouvoirs plus importants qu'ailleurs et où les compétences sont souvent partagées. Ce qui me gêne, c'est que nous évoquions, sur ces sujets, la collaboration entre l'État et la collectivité sans connaître l'avis de celle-ci. Il serait utile pour nous de connaître celui, en la matière, du ministre polynésien de l'éducation, qui est compétent sur tous ces sujets, ou du responsable de l'éducation en Nouvelle-Calédonie. Nous travaillons dans le flou, ce qui n'est pas agréable.
Je remercie beaucoup M. Mélenchon de l'aide qu'il m'apporte dans la première partie de sa réponse. En revanche, s'agissant de la seconde partie, je tiens à vous rappeler, monsieur le député, que le nom « Nouvelle-Calédonie » est fixé par la Constitution de la République française. La Nouvelle-Calédonie a la capacité, si elle le décide, de le modifier, dans le cadre d'une loi du pays qu'elle adopterait à la majorité des trois cinquièmes. Cette possibilité n'ayant pas été utilisée, je vous demande de bien vouloir considérer qu'en République le droit s'applique et que le droit, aujourd'hui, s'agissant du nom de ce territoire, c'est de l'appeler « Nouvelle-Calédonie ».
Madame la ministre, pour en revenir à notre sujet, qui est plus prosaïque, c'est, concrètement, le vice-recteur qui fixera la capacité maximale d'accueil dans les filières des universités, alors qu'il n'a pas l'autorité pour le faire, puisqu'il n'est pas chancelier des universités et qu'il ne dispose pas non plus des services dédiés. C'est une question de bon sens. Il me semble donc nécessaire, s'agissant des capacités d'accueil dans les filières, de poser à tout le moins le principe d'une concertation entre le vice-rectorat et l'université.
J'ai bien compris que le mot « concertation » apparaît dans les discours, mais c'est en tant que principe qu'il a été inscrit dans les textes, s'agissant du pourcentage des bacs généraux et technologiques dans les IUT et les BTS. Il est important de faire de même pour guider les relations entre le vice-rectorat et l'université lorsqu'il s'agit de fixer les capacités maximales d'accueil des filières. Mon amendement pourrait être rectifié en ce sens.
L'amendement no 52 n'est pas adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements portant articles additionnels après l'article 6.
La parole est à M. Napole Polutele, pour soutenir l'amendement no 40 .
Madame la ministre, cet amendement, qui est surtout un amendement d'appel, vise à exprimer les inquiétudes que j'ai déjà développées devant vous, s'agissant des bacheliers de Wallis-et-Futuna. Le Gouvernement doit en effet prendre la mesure des difficultés que ces bacheliers rencontrent du fait qu'ils sont presque livrés à eux-mêmes durant le laps de temps, trop long – huit mois – , qui les sépare de la rentrée scolaire en métropole.
Il convient, madame la ministre, de réfléchir avec la ministre des outre-mer, le président de l'université de la Nouvelle-Calédonie et celui de la Polynésie française à des solutions permettant de remédier aux difficultés que rencontrent ces élèves, en les préparant à ce long voyage et à la rencontre avec un nouveau pays, qu'ils ne connaissent pas parce qu'ils n'ont jamais voyagé.
Je comprends bien la problématique que vous exposez : en raison du décalage du calendrier universitaire, les jeunes Wallisiens ont, durant de longs mois, du temps disponible qu'ils pourraient mettre à profit. Nous avons répondu en commission qu'ils ont la possibilité de se rendre en Nouvelle-Calédonie mais, comme vous l'avez alors rappelé, ce territoire est situé à plus de 3 000 kilomètres.
Mme la ministre, que j'ai écoutée attentivement, a souligné qu'une réflexion est actuellement en cours sur le sujet : outre que des établissements, en métropole, permettent déjà à des étudiants de commencer leur année au second semestre, le renforcement de la modularité, dans le cadre du plan étudiants, ouvrira des possibilités aux Wallisiens de poursuivre leurs études. Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice du travail que le Gouvernement engagera sur le sujet – car je ne doute pas qu'il le fera.
Je demande moi aussi le retrait de l'amendement, compte tenu de l'engagement du Gouvernement à travailler, dans le cadre des assises des outre-mer, sur la situation particulière des universités ultramarines et de leurs étudiants. Dans la logique du plan étudiants et du continuum de formation de bac moins trois à bac plus trois, des solutions spécifiques seront proposées. Si l'amendement n'était pas retiré, j'émettrais un avis défavorable.
L'amendement no 40 est retiré.
Cet amendement vise à corriger une injustice. Or je sais à quel point notre assemblée est sensible à la réduction des injustices et des inégalités.
Un chiffre fourni par l'université de la Nouvelle-Calédonie, particulièrement étonnant, a appelé mon attention : nous avons seulement 27 % d'élèves boursiers. En étudiant de nombreuses sources afin de savoir si ce taux est comparable à celui d'autres territoires ou à la situation des régions métropolitaines, j'ai appris qu'il est de 44 % au niveau national et qu'il oscille entre 50 % et 60 % dans les départements d'outre-mer. Je me suis donc demandé quelle curiosité juridico-financière fait qu'il y a aussi peu d'enfants boursiers en Nouvelle-Calédonie.
Bien évidemment, les plafonds de revenus et les niveaux des bourses sont fixés par rapport aux revenus et au coût de la vie de la métropole. Or le coût de la vie outre-mer, en général, et en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie en particulier, est nettement plus élevé. La dernière étude conduite sur le sujet par l'INSEE indique que le coût de la vie y est 1,7 fois supérieur à celui de la métropole.
Il me semble donc indispensable de réajuster, au moins dans les collectivités françaises du Pacifique, les plafonds de ressources et les montants des bourses par rapport au coût réel de la vie et au niveau de revenu de ces populations. Ce serait une mesure de justice à l'échelle du territoire de la République.
Monsieur Gomès, vous avez tout à fait raison de souligner l'invraisemblance que constitue le faible taux d'étudiants boursiers à l'université de la Nouvelle-Calédonie. Moi non plus, je ne comprends pas. Ce taux s'élève à 63 % à La Réunion, à 55 % en Martinique, à 61 % en Guadeloupe, à 58 % en Guyane et à 65 % à Mayotte. Je vous invite à retirer votre amendement, mais nous examinerons les raisons pour lesquelles le taux d'étudiants boursiers en Nouvelle-Calédonie est si faible, puisqu'il est même inférieur au taux national de 38 %.
Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. J'accepte bien évidemment votre proposition de travailler ensemble sur ce sujet, de sorte que les plafonds de ressources et les montants des bourses soit revus en fonction des réalités objectives de notre pays. Je retire mon amendement.
L'amendement no 53 est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 7.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
L'article 7 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 octobre 2020, un rapport présentant le bilan de cette loi. Pourquoi pas ?
Mais je ne vais pas vous annoncer ce que je surveillerai de près dans trois ans.
Permettez-moi d'insister sur un point : ce rapport devra comporter une étude sérieuse et documentée sur l'impact qu'auront eu les parcours personnalisés, l'année de césure et les autres dispositions de la loi sur la stabilité de la qualification attribuée aux diplômes et leur insertion dans les conventions collectives.
Je demande que l'on étudie cette question car de nombreux décideurs sont issus de l'enseignement général et se préoccupent donc assez peu des réalités de l'enseignement professionnel. À mes yeux, tout enseignement supérieur est un enseignement professionnalisant. Mais les diplômés de l'enseignement professionnel supérieur ont tendance à considérer leur diplôme comme le résultat de leurs dons : ils ont un peu tendance à oublier l'environnement social qui s'attache à la reconnaissance du diplôme.
Dans le rapport prévu à l'article 7, il faudra donc aborder cette question particulière de la qualification et de la reconnaissance des diplômes dans les conventions collectives. Pour ce faire, je vous propose de faire appel au Centre d'études et de recherches sur les qualifications – CEREQ – , à Marseille, qui effectuera des analyses de qualité à un bon prix, puisque nous le finançons déjà.
Je ne veux pas allonger outre mesure nos débats, qui ont déjà été fort longs. Je souhaite simplement nous féliciter du travail accompli, car cela fait quand même quelques années que nous attendons que les choses bougent un petit peu à l'entrée du système d'enseignement supérieur de notre pays.
L'article 7 prévoit donc un rapport – à ce sujet, je regrette que M. Juanico ait déjà quitté notre hémicycle, car je souhaitais lui dire que, pour moi aussi, les rapports rédigés par le Parlement sont absolument indispensables.
Par ailleurs, il existe un indicateur essentiel à mes yeux : le sacro-saint taux de réussite en première année de licence, qui oscille actuellement entre 30 % et 40 %. Le rapport montrera si nous sommes capables de faire bouger ce chiffre et si la meilleure orientation des étudiants que nous essayons de mettre en place nous permet d'être plus responsables dans nos activités quotidiennes à l'université.
Je profite également de ces dernières interventions sur l'article 7 pour rappeler que les députés du groupe Les Républicains ont défendu à plusieurs reprises, tout au long de nos débats, des amendements visant à demander au Gouvernement la remise de rapports au Parlement. Ainsi, nous aurions pu disposer régulièrement, et assez vite après la promulgation et l'application des premières mesures de la loi, d'un éclairage de nature à nous permettre d'évaluer la situation et, éventuellement, de rectifier le tir sur tel ou tel point.
Nous avons souhaité obtenir des informations très précises sur certains points : j'espère donc qu'elles figureront de manière exhaustive, détaillée et objective dans le rapport qui nous sera remis avant le 31 octobre 2020. Les éclairages demandés portent sur les phases de mise en oeuvre de la nouvelle plateforme Parcoursup, à propos de laquelle certains d'entre nous ont émis quelques réserves, ainsi que sur l'application du dispositif envisagé pour la collecte de la nouvelle contribution vie étudiante, qui suscite également quelques interrogations, s'agissant notamment du rôle des CROUS. Nous avons également insisté sur la nécessité d'avoir des éclairages sur l'adéquation entre les grandes lignes de la réforme du système d'orientation qu'envisage le Gouvernement, si j'ai bien compris, et les modalités d'inscription en première année d'enseignement supérieur.
Le groupe La République en marche est très attaché au suivi et à l'évaluation des lois en général, et de cette loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants en particulier. Nous sommes donc très satisfaits de cet article 7, qui prévoit la remise d'un rapport et que nous devons à notre rapporteur. Il est nécessaire que ce rapport dresse le bilan des innovations que comporte ce texte, telles que la nouvelle plateforme Parcoursup, les dispositifs d'accompagnement personnalisé, la contribution vie étudiante et l'année de césure.
L'article 7 résulte effectivement de l'amendement que j'avais défendu en commission pour demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport complet et exhaustif sur l'application de cette future loi. Ce rapport servira de base aux travaux que nous mènerons, en tant que députés, dans le cadre de notre mission d'évaluation de la loi et de contrôle des politiques publiques. Autrement dit, ce rapport sera une brique dans le nécessaire travail d'évaluation et de suivi que nous effectuerons et qui sera évidemment plus important.
Puisque c'est la dernière occasion qui m'est donnée de m'exprimer sur ce texte, permettez-moi de dire que j'ai été ravi d'en être le rapporteur. Cela a été un honneur pour moi. Je remercie le secrétariat de la commission des affaires culturelles, qui m'a accompagné. Je remercie aussi l'ensemble des députés, sur tous les bancs de notre hémicycle, pour les débats que nous avons eus. Je crois que nous avons toujours recherché une discussion sur le fond, dans l'intérêt des étudiants et l'intérêt général, même si chacun a évidemment défendu ses convictions personnelles et sa vision des choses.
Conformément à l'engagement du Président de la République, le projet de loi que nous allons adopter vise à mettre un terme, dès la rentrée prochaine, à la procédure de tirage au sort. Cette décision a été prise dans l'urgence, mais nous avons saisi l'occasion pour aller beaucoup plus loin et élaborer une vraie politique d'orientation, d'information au lycée et de personnalisation des modules d'enseignement à l'université. Tous ces éléments participent d'un seul et même objectif : faire réussir les étudiants de notre pays, à l'heure où 60 % d'entre eux échouent en première année de licence et où 20 % d'étudiants quittent chaque année le système universitaire sans diplôme, avec toutes les difficultés que l'on connaît. J'en suis donc convaincu : c'est un texte de progrès social majeur que nous allons adopter.
Puisque l'on parle d'évaluation et de suivi, je pense que nous pourrons constater, au cours des prochaines années, les effets positifs de ce texte sur la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UAI.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Je souhaite dire à M. Mélenchon, à Mme Le Grip – dont le groupe a effectivement demandé de nombreux rapports – et à tous les députés ici présents que la commission des affaires culturelles et de l'éducation se saisira de toutes les possibilités d'évaluer et de contrôler cette loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. Dans six mois, nous publierons un premier rapport sur son application, et dans trois ans nous élaborerons un rapport d'évaluation qui pourra effectivement s'appuyer sur le rapport demandé au Gouvernement à l'article 7.
Je remercie M. le rapporteur pour la qualité de son travail, ainsi que Mme la ministre et toutes les personnes impliquées dans l'élaboration de ce projet de loi. Nous avons pris nos responsabilités – c'est notre honneur – , et nous allons continuer à les assumer dans les semaines et les mois qui viennent en effectuant notre travail d'évaluation et de contrôle au plus près du terrain et des acteurs, lesquels seront extrêmement sollicités. La confiance n'exclut pas le contrôle : puisque nous avons beaucoup parlé de confiance, nous serons aux premières loges pour contrôler la bonne mise en oeuvre de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
L'article 7 est adopté.
Je voudrais d'abord remercier à travers vous, madame la présidente, les présidents de séance successifs qui nous ont accompagnés dans l'examen de ce projet de loi. Je remercie aussi, bien sûr, les présidents et rapporteurs des commissions saisies de ce texte, les présidents de groupe, les chefs de file, tous ceux qui ont participé aux travaux préparatoires, et enfin l'ensemble des députés qui ont contribué à l'enrichissement de ce texte par des amendements issus de tous les groupes.
Vous le savez, et je pense que nous en sommes tous convaincus : une meilleure orientation et un meilleur accompagnement de la réussite de nos étudiants sont essentiels. Nous avons besoin de plus en plus de jeunes diplômés et de jeunes qualifiés, parce que les diplômes et les qualifications protègent du chômage et que nous voulons être capables de redonner confiance à notre jeunesse pour qu'elle trouve au mieux sa place dans notre pays.
Je vous remercie tous d'avoir contribué à cet objectif, et je compte bien sûr sur vous pour être extrêmement exigeants et nous informer des difficultés qui pourraient être rencontrées, …
… de manière à ce que nous puissions travailler en confiance, en évaluant les dispositions de cette future loi et en les corrigeant si cela s'avérait nécessaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et UAI.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 19 décembre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2018 ;
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures quarante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly