La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi organique, s'arrêtant à l'amendement no 81 à l'article 3.
Il vise à supprimer, à la deuxième phrase de l'alinéa 3 de l'article, les mots « domiciliées dans au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer ».
Je reprends le débat là où nous l'avons laissé hier soir et propose de supprimer la condition selon laquelle les 150 000 citoyens présentant la pétition doivent résider dans au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer : l'exercice de pétition a trait à la démocratie représentative, dont le développement était l'une des revendications du mouvement des gilets jaunes.
Je comprends parfaitement que, pour rendre le sujet de la pétition légitime, on veuille qu'il intéresse l'ensemble du territoire, mais cette condition géographique pourrait devenir contre-productive. Je vais vous donner un exemple, qui, pour une fois, ne concerne ni l'Hérault, ni l'Occitanie, ni Béziers et qui parle à tous, le champagne. Celui-ci est produit dans cinq départements en France : si beaucoup de Français en sont amateurs, tous ne se sentiraient pas concernés par une question relative à sa production.
Un tel sujet, de nature économique et relevant de la compétence du Conseil économique, social et environnemental, ne pourrait pas faire l'objet d'une question posée au CESE à cause de l'obligation de répartition des pétitionnaires dans au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer.
Cette condition, trop stricte, aura donc parfois des effets démesurés et contre-productifs, car elle éliminera de nombreux sujets qui intéressent l'ensemble des Français. On pourrait abaisser le nombre de départements requis, même si je préférerais que l'on supprime totalement cette condition.
À la suite du débat que nous avons eu hier sur l'article 3, qui vise à simplifier le système de pétition, ce dont je me réjouis, et à permettre aux citoyens de saisir le CESE, il faut, comme vient de le dire Mme Ménard, aller plus loin dans la simplification et supprimer la condition de domiciliation des pétitionnaires dans au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer. L'établissement de ce seuil partait d'une bonne intention, mais il risque d'être mal compris ou facile à détourner par les pétitionnaires.
Afin de rendre le dispositif lisible et opérationnel, nous souhaitons maintenir la condition du nombre de pétitionnaires à 150 000 et éliminer celle de leur répartition géographique.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La condition géographique vise à ce que les questions adressées au CESE soient de portée nationale. Madame Ménard, votre exemple n'est pas bon : les Français sont attachés au champagne, et je suis certain que, sur un tel sujet, on trouverait des pétitionnaires dans trente départements.
En revanche, d'autres problèmes, beaucoup plus locaux, ne relèvent pas du CESE, mais des instances locales comme les collectivités territoriales ou le CESER – conseil économique, social et environnemental régional – pour une question d'intérêt régional.
Si la condition de répartition géographique des pétitionnaires est supprimée, des questions d'intérêt local seront adressées au CESE, qui se déclarera incompétent pour y répondre. Le résultat sera le développement d'un contentieux à l'initiative d'associations. L'idée de la pétition s'en trouvera abîmée, comme elle l'avait été à l'occasion des 700 000 signatures adressées au CESE par les opposants à la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Posons des règles claires ! La condition de la répartition des pétitionnaires dans au moins trente départements, qui existe pour les pétitions adressées au Sénat et à l'Assemblée, élimine les sujets locaux. Le règlement intérieur du CESE pourra arrêter la répartition entre les départements, comme les amendements de M. Euzet et du groupe Agir ensemble l'ont proposé hier.
L'avis est défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le Gouvernement donne un avis favorable à ces deux amendements identiques. Nous soutenons la suppression de la condition de domiciliation. Vous avez évoqué le champagne : cela nous a enthousiasmés, mais n'oublions pas le cidre, monsieur le rapporteur breton !
Et la Normandie, naturellement.
Je brûlais d'envie, madame Ménard, d'être enfin d'accord avec vous : ce moment est arrivé !
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre avis favorable, car la suppression de la condition de répartition géographique des pétitionnaires donnera beaucoup de lisibilité au dispositif. C'est aussi grâce à vous que nous sommes parvenus à abaisser le nombre de citoyens nécessaire pour adresser une question par voie de pétition au CESE de 500 000 à 150 000, ce qui rendra ce droit effectif.
Monsieur le rapporteur, rassurez-vous, rassembler 150 000 personnes pour signer une pétition ne se fera pas sur des questions très locales, loin de là. Un sujet qui rassemble 150 000 pétitionnaires préoccupe forcément une large part du pays. Ce seuil reste d'ailleurs élevé, d'autant qu'il faut connaître le CESE et l'utilité de le saisir. Il n'y aura pas de sitôt des milliers et des milliers de nouvelles pétitions sur le bureau du CESE tous les matins.
La suppression de la condition de répartition géographique simplifie le dispositif et clarifie la règle.
Je ne suis pas arc-bouté sur la condition de la répartition géographique, même si elle cadre le dispositif ; or fixer un cadre et des règles à un tel système lui offre une chance d'être effectif et pérenne.
Je ne crains pas du tout le nombre de pétitions adressées au CESE, je pense même que plus il y en aura, mieux cela sera, mais il serait opportun d'éviter les sujets de portée locale.
Monsieur Rupin, votre circonscription est à Paris : dans le quinzième arrondissement, il sera facile d'obtenir 150 000 signatures.
Mais non, ce n'est jamais arrivé ! Demandez donc au président de séance !
Les citoyens pouvant signer la pétition dès l'âge de 16 ans, vous verrez que le seuil pourra être atteint sur un sujet provoquant un grand émoi dans le 15e arrondissement.
Ce n'est d'ailleurs pas très grave. Nous faisons notre travail de législateur pour rendre la loi précise et claire, d'où mon opposition aux amendements, mais, sur le principe, je suis pour la pétition. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons mené un travail acharné avec M. le ministre de la justice pour abaisser les seuils à 150 000 citoyens et à 16 ans. On ne va donc pas me reprocher de vouloir faire obstacle aux pétitions, alors que nous avons largement oeuvré à assurer leur essor.
Monsieur le rapporteur, je me réjouis que vous évoquiez le 15e arrondissement, que vous connaissez et aimez autant que moi.
Monsieur le ministre, je suis ravie que vous ayez donné un avis favorable et que nous soyons d'accord, et je suis sûre que ce ne sera pas la dernière fois.
Il en faut une première !
Monsieur le rapporteur, vous avez jugé mon exemple du champagne non pertinent, au motif que l'on trouverait des Français habitant des départements différents pour signer une pétition le concernant. Je vais donc prendre un autre exemple, dont nous avons beaucoup parlé au cours des réunions de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, l'exemple des éoliennes. Dans ma circonscription, il y a un problème avec un projet d'éoliennes terrestres et un autre avec un projet d'éoliennes en mer. Même si une pétition visant à soumettre une question sur ces projets n'était signée que par des citoyens résidant en Occitanie, il serait de l'intérêt du CESE de l'étudier et d'y répondre, car elle aurait forcément une portée nationale. L'avis du CESE sur une question aussi importante aurait une valeur nationale, et serait donc utile dans d'autres parties du pays.
Je ne suis pas favorable à la suppression de toutes les conditions prévues – je suis par exemple opposée à l'abaissement des seuils – , mais celle de la répartition géographique des pétitionnaires est mauvaise.
Il a trait à l'abaissement à 16 ans de la condition d'âge pour signer une pétition. Je n'y suis pas opposé par principe et de manière frontale, mais j'ai déposé cet amendement d'appel pour débattre du sujet.
Tout d'abord, il faut veiller à ne pas entretenir de confusion – j'ai déjà fait part de cette préoccupation en diverses occasions hier – entre le rôle du CESE et la participation citoyenne d'une part, et le franchissement de la limite démocratique qu'est le suffrage universel qui donne sa légitimité au législateur, de l'autre.
Une pétition accueillie favorablement par le CESE pourrait entraîner un débat national, puis des modifications législatives. En effet, il s'agit de questions qui concernent la vie quotidienne ou d'autres sujets qui relèvent des pouvoirs publics. Nous devons donc veiller à éviter la confusion. Peut-être faut-il ouvrir le débat sur l'éventualité d'abaisser l'âge de l'accès à la citoyenneté, soit 18 ans aujourd'hui.
J'ai perdu mon deuxième argument, il me reviendra sans doute.
Sourires.
Quoi qu'il en soit, nous devrons être attentifs à la clarté de notre décision sur ce sujet.
Il s'agit d'un amendement des membres du groupe Les Républicains, dont le premier signataire est M. Philippe Gosselin ; en son absence, je le défends. Il s'inquiète également de l'abaissement à 16 ans de l'âge requis. Comme l'a dit M. Pascal Brindeau, vous donnez l'impression par cette mesure de poser indirectement la question de l'âge de la majorité, et d'instaurer une sorte de citoyenneté au rabais. L'apparition de ce sujet dans le cadre d'une discussion sur le CESE nous pose un problème. Aussi proposons-nous d'ériger un garde-fou, en limitant à 5 % des pétitionnaires ceux appartenant à la tranche d'âge 16-18 ans.
Avant d'aborder les arguments de fond en faveur de cette grande avancée démocratique, quelques éléments de contexte : le droit de pétition à l'Assemblée nationale et au Sénat ne comporte pas de condition d'âge, …
… non plus que le « droit d'interpellation populaire » de la région Île-de-France, dont la présidente, Valérie Pécresse, appartient à votre famille politique. La consultation sur le choix du nom de la région Occitanie était ouverte à partir de l'âge de 16 ans et la Ville de Paris a retenu le même seuil – on pourrait encore citer d'autres exemples. Je n'ai pas senti que nos institutions en eussent été déstabilisées.
Sur le fond, pourquoi adopter cette disposition ? Le Gouvernement et la majorité veulent adresser un message fort à la jeunesse. En effet, elle a souffert, et continuera sans doute à souffrir, des difficultés que la crise nous fait vivre. Comment demander aux jeunes de s'engager – en participant au service civique, au service national universel à partir de 15 ans, qui sera bientôt obligatoire, en oeuvrant dans des associations, en participant à la vie citoyenne – , si nous leur disons que leur avis ne nous intéresse pas, non plus que leurs signatures au bas des pétitions ?
Selon moi, le droit de pétitionner, tel que nous le définissons dans cet article, est très différent du droit de vote avec lequel vous craignez qu'il puisse être confondu. Nous adressons un message fort à la jeunesse ; je vous demande donc de retirer les amendements, sinon l'avis sera défavorable.
Il s'agit d'une disposition phare pour le Gouvernement. J'entends expliquer en deux petits mots le point de vue du garde des sceaux. Hier, un député siégeant sur vos bancs s'est levé pour dire que nous oubliions les personnes âgées.
Je lui ai répondu qu'il existe des citoyens d'un certain âge, qui ne sont exclus de rien puisqu'ils sont citoyens. Et vous envisagez d'exclure les jeunes de plus de 16 ans qui n'ont pas encore atteint l'âge de la majorité citoyenne ?
Les jeunes fréquentent les réseaux sociaux, discutent, s'expriment. Ils ne le font pas assez à mon goût, et certains s'éloignent de la chose publique, de la res publica, au sens noble. Cette mesure tend à les fédérer, à les faire participer à la vie démocratique de notre pays : c'est une belle avancée. On ne peut pas à la fois déplorer que les jeunes ne s'intéressent plus à la vie politique et faire en sorte qu'ils n'aient pas le droit à la parole.
Mme Laetitia Avia acquiesce.
Bien sûr, un gamin ou une gamine de 17 ans ne peut pas voter, mais ils ont des idées. Nous le voyons dans les familles : parfois l'adolescent intervient dans une discussion – nous ne lui répondons pas qu'il n'a rien à dire, nous essayons de l'y associer. Voilà le sens de cette disposition.
J'y suis attaché comme à la prunelle de mes yeux, parce qu'elle adresse un message fort à la jeunesse, qui nous regarde, qui parfois ne comprend pas notre action, parfois nous conteste, ou pire encore : nous lui disons que nous prêtons attention à ce qu'elle exprime. Or, en matière d'écologie par exemple, la jeunesse a de belles idées, novatrices, qui vont dans le bon sens – on ne peut pas ne pas l'entendre. Donnons-lui le sentiment – mais plus encore qu'un sentiment, il s'agit d'une réalité – que nous sommes à son écoute ! Nous pourrons ainsi nous réconcilier avec une jeunesse qui observe parfois le monde politique avec un regard que, sans doute, nous ne méritons pas. Pour ces raisons, j'émets un avis totalement défavorable à ces amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je préfère les débats nocturnes aux débats matinaux : mon deuxième argument m'est revenu. En commission, Mme Laurence Vichnievsky a considéré que la participation des 16-18 ans devrait être accompagnée d'un processus d'information et d'encouragement à l'instruction civique. En effet, sur divers sujets, les jeunes peuvent être exposés à certaines influences – nous sommes tous influençables, mais on l'est moins en vieillissant.
Vous évoquiez les réseaux sociaux ; les jeunes y sont très exposés. Or, il s'y dit tout et n'importe quoi, il est même possible d'y créer des pétitions en ligne sur tout et n'importe quoi – il existe des plateformes pour cela. L'encadrement en la matière est très faible, et donc très peu efficace, notamment concernant les lancements d'alerte aux pouvoirs publics.
Justement !
J'appelle donc à la prudence sur ce sujet. En outre, vous vous disiez attaché à cette disposition comme à la prunelle de vos yeux. Or, elle ne figurait pas dans le projet de loi organique initialement déposé par le Gouvernement dont l'article 3 ne faisait référence qu'aux « personnes majeures ».
Mais c'est nous qui avons défendu un amendement en commission afin de modifier cette disposition !
Sourires.
Bien sûr ! Je ne vous fais pas le reproche d'avoir envisagé une évolution du dispositif, néanmoins cela montre que la question mérite d'être posée. Encore une fois, la distinction entre la citoyenneté et la capacité d'exprimer une opinion doit être claire pour tous.
Je retire l'amendement ; l'objectif était que le débat ait lieu.
L'amendement no 201 est retiré.
Il a été déposé par le groupe, donc je ne le retire pas. Un peu comme M. Pascal Brindeau, j'estime que la question de la majorité citoyenne mériterait un vrai débat.
On l'a eu en commission !
J'ai des enfants, ils appartiennent à la tranche d'âge que nous évoquons. Les jeunes sont conditionnés par les réseaux sociaux qui les conduisent à réagir avec impulsivité, et avec moins de raison que de passion, c'est pourquoi je m'inquiète.
Je reproche qu'on leur laisse croire, à la faveur d'une réforme du CESE, que la société prendra en considération leurs réflexions et leurs choix. Comme lors de l'abaissement de la majorité de 21 à 18 ans, le sujet de la maturité de notre jeunesse mériterait un débat de fond entre nous, qui serait citoyen et démocratique : pourquoi les jeunes se désintéressent-ils des élections, pourquoi réagissent-ils en fonction des réseaux sociaux ?
Mon regret porte sur la forme ; je déplore qu'une telle décision soir prise au détour d'un amendement sur la réforme du CESE. Je maintiens donc l'amendement.
Plusieurs d'entre vous demandent la parole. Mes chers collègues, je rappelle que, selon le règlement, deux orateurs peuvent prendre la parole après que le rapporteur et le Gouvernement se sont exprimés sur un amendement. Je veux bien faire une petite entorse à cette règle, parce que nous sommes en début de matinée et que tout le monde est dans de bonnes dispositions.
M. le ministre de la justice sourit.
Néanmoins, je vous invite à respecter le règlement.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
J'insiste sur la nécessité de l'apprentissage de la citoyenneté. Des interventions ont lieu régulièrement dans les écoles, les lycées et auprès des étudiants. Il faut permettre aux jeunes d'entrer dans la discussion, d'émettre un avis qui compte sur les thèmes correspondant aux compétences du CESE.
En outre, il faut distinguer l'avis et le vote. À 16 ans, on peut avoir un avis sur ce qui importe en matière sociale, environnementale, économique : affirmer cela, ce n'est pas réclamer le droit de vote pour les jeunes de cet âge.
Enfin, les jeunes interviennent sur les réseaux sociaux parce que c'est dans leur culture ; pour autant, ce n'est pas la même chose que de participer à une pétition ou d'exprimer un avis sur un thème spécifique. Selon moi, l'un n'est pas exclusif de l'autre. Il me semble par ailleurs que l'encadrement du tirage au sort aboutira à une représentativité intéressante.
La disposition que nous avons retenue en commission constitue à mon sens une avancée importante et une incitation forte adressée aux jeunes d'affirmer leur présence dans le paysage politique.
Je salue les mots du garde des sceaux : ce n'est pas une révolution de permettre aux jeunes de plus de 16 ans de pétitionner – il s'agit de l'expression d'un avis.
Bien sûr !
Il me semble en effet plus que raisonnable d'afficher cette ouverture à la jeunesse : elle ne pose aucune difficulté.
Je ne perçois pas la validité des arguments qui lui sont opposés. Les jeunes ne seraient pas suffisamment formés, voire seraient déformés par les réseaux sociaux ; ils ne seraient pas capables de défendre des idées intéressantes. Mais nous demandons-nous si nous-mêmes en sommes capables, et si nous savons nous renouveler ?
M. le rapporteur applaudit.
Elle n'a pas tort !
Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés remercie le rapporteur et le ministre de ce progrès, pour le CESE comme pour les jeunes de 16 et 17 ans. Certes, ils vont sur les réseaux sociaux : c'est aussi pour se saisir de questions de société. Les mouvements de défense de la cause environnementale, et d'autres causes, l'ont montré récemment. Cette extension est une très bonne idée. Je rejoins Mme Nicole Dubré-Chirat concernant la différence entre l'avis et le vote. Je suis sûre que cette mesure contribuera à la formation de la pensée citoyenne, que nous encourageons.
Vous avez reproché au garde des sceaux que cette belle idée ne figurait pas dans le texte initial. Il ne vous aura pas échappé que ce dernier a été soumis au Conseil d'État au moment même où M. Dupond-Moretti était nommé garde des sceaux. Vous imaginez donc bien qu'il n'a pas tenu la plume qui a rédigé le projet de loi organique. Nous nous sommes rencontrés, nous avons travaillé et nous avons eu cette idée, que nous avons jugée formidable.
Je veux répondre à certains arguments que j'ai trouvés choquants. Monsieur Brindeau, je ne veux pas vous faire offense – d'autant que vous avez retiré votre amendement. Vous affirmez que les jeunes sont influençables.
Dans la société, beaucoup de personnes peuvent être influencées. Reportez-vous aux comptes rendus de nos débats : lorsqu'il s'agissait d'accorder le droit de vote aux femmes, certains députés ont objecté qu'elles étaient influençables.
M. Éric Pauget proteste.
Je sais que ce n'est pas la même chose, mais je ne pense pas que les jeunes soient si influençables.
Au reste, je préfère les voir s'engager en participant à une pétition cadrée par le CESE qu'errer sur les réseaux sociaux et signer des pétitions qui n'ont ni queue ni tête. Nous avançons. Il s'agit non de leur accorder un droit de vote mais de leur adresser un signal en leur proposant de s'engager, d'interpeller les pouvoirs publics et de travailler ainsi à la construction de la société de demain.
L'amendement no 110 n'est pas adopté.
Il me semble que j'aurai plus de mal à convaincre M. le ministre avec cet amendement dont l'objectif est pourtant simple, puisqu'il vise à réserver le droit de pétition aux Français. Pour éviter toute caricature, je vais expliquer ce qui l'a motivé.
J'ai regardé les chiffres : en 2019, il y avait un peu moins de 5 millions, plus précisément 4,9 millions de personnes étrangères vivant en France, …
… dont 4,2 millions n'ont pas acquis la nationalité française et 700 000 sont nées en France. Sur ces 5 millions de personnes, il sera très facile de trouver 150 000 pétitionnaires.
Dans un contexte de montée du communautarisme, que vous ne nierez probablement pas,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
je préférerais que la condition de nationalité française soit maintenue pour exercer le droit de pétition.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je ne prétends pas que tous les étrangers vivant en France soient rassemblés dans une communauté donnée. Je dis simplement que c'est une donnée qu'il faut prendre en compte et qu'il m'appartient, en tant que législateur, d'appeler l'attention du rapporteur et du Gouvernement sur ce point.
Compte tenu de ces chiffres, qui émanent d'une source objective, il me semble souhaitable d'encadrer le droit de pétition en le réservant aux seuls Français.
Mon amendement tend à préciser la notion de résident régulier, qui me semble trop générale, en précisant que peuvent être pétitionnaires, en plus des personnes de nationalité française, celles « disposant de la nationalité d'un des États membres de l'Union européenne qui résident régulièrement en France depuis plus de cinq ans ».
Dans la réalité de notre société, les résidents européens votent aux élections municipales.
« Et aux élections européennes ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Dans leurs territoires, certains font pleinement partie de la communauté. Ce serait une avancée de les intégrer au droit de pétition.
La parole est à Mme Nathalie Porte, pour soutenir l'amendement no 265 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à apporter une précision. L'adverbe « régulièrement », qui figure dans la rédaction actuelle, évoque une notion de temporalité. L'expression « de façon régulière » indiquerait clairement que le droit de pétition en question n'est ouvert qu'aux personnes en règle avec le droit des étrangers.
Madame Ménard, votre pressentiment est une réalité : je suis évidemment totalement défavorable à votre amendement. Vous maniez l'art de la prétérition, qui consiste à dire les choses sans les dire tout en les disant. On sait ce que vous envisagez. Vous n'y venez pas franchement ni clairement, mais quand même…
Les étrangers ont-ils, oui ou non, apporté un certain nombre de choses à l'économie de notre pays ? Oui.
« Oui ! » sur plusieurs bancs des groupes LaREM et SOC.– Mme Laetitia Avia et Mme Cécile Untermaier applaudissent.
Participent-ils à la vie sociale de notre pays ? Oui.
Mêmes mouvements.
Voilà deux raisons qui font, madame Ménard, que je suis plus que défavorable, hostile à votre amendement no 31 .
Les amendements nos 272 et 265 appellent les mêmes réserves de ma part. Ce qui me gêne est ce qu'ils pourraient sous-entendre. Les étrangers qui sont dans notre pays, en situation régulière – car sinon, de quoi parle-t-on ? – apportent à l'économie de notre pays une participation quotidienne qui n'est pas mineure. Je rêve qu'un jour, nous disposions d'une véritable enquête qui révélerait tout ce que les étrangers ont donné à la France dans tous les domaines, et pas seulement en matière économique. Nous ne pouvons pas oublier que notre pays a eu besoin des étrangers qui y résident, et qu'il en a encore besoin.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC.
D'un mot, pour clarifier les choses : je n'ai jamais nié, et nul ne niera jamais ici que les étrangers qui vivent dans notre pays en situation régulière lui apportent une contribution économique ou sociale. Mais ce n'est pas parce qu'on contribue à l'économie d'un pays qu'on y possède tous les droits.
Tous les droits ?
J'ajoute qu'il faut se poser la question de la réciprocité. Un Français qui travaille dans un pays étranger n'a pas forcément la possibilité d'y voter, d'y signer des pétitions ou de s'engager dans certaines activités. Ainsi, un Français vivant aux États-Unis ne peut pas entrer dans l'armée américaine.
En d'autres termes, il existe des droits qu'un pays réserve à ses citoyens et cela ne me choque pas. Comme ça, les choses sont claires.
Un Français a plus de droits en France que ceux qui ne sont pas Français et qui, s'ils veulent les exercer, doivent faire l'effort d'acquérir la nationalité française.
Le texte du Gouvernement prévoyait trois éléments d'identification des pétitionnaires : nom, prénom et adresse postale. En commission, j'avais déposé un amendement visant à y ajouter l'adresse électronique, d'une part parce que les pétitions peuvent être signées par voie électronique, conformément aux dispositions de la loi du 24 juin 2020 pour la confiance en l'économie numérique, dite LCEN, que nous avons votée, et, d'autre part, afin de permettre un meilleur contrôle de l'identité des pétitionnaires, leur date et lieu de naissance. On évitera ainsi le recours à de faux comptes.
En commission, le débat a porté moins sur des éléments d'identification que sur le niveau de norme. Nous nous sommes dit qu'il n'appartenait peut-être pas à loi organique de fixer ces éléments. Entre la commission et la séance publique, j'ai travaillé avec les services de la Chancellerie et le rapporteur pour trouver un « atterrissage ». Je propose de supprimer la référence au nom, au prénom et à l'adresse postale, et de laisser un décret préciser les éléments d'identification des pétitionnaires.
Par cet amendement, monsieur le garde des sceaux, le groupe LaREM vous exprime sa confiance. Nous proposons en effet que vous fixiez par voie réglementaire les éléments permettant de contrôler l'identité des pétitionnaires, en espérant que vous reprendrez tous ceux que nous avons évoqués lors de nos débats.
Avis favorable. La précision est utile. Le décret est l'instrument adéquat et la solution pourra se décliner jusque dans le règlement intérieur du CESE. L'idée est aussi d'utiliser la plateforme FranceConnect. Nous bénéficierons ainsi de toutes les garanties.
Vous avez parlé d'atterrissage : il s'agit d'un atterrissage en douceur auquel le Gouvernement est évidemment favorable. Quand nous avons évoqué le texte en commission, nous nous sommes interrogés sur le niveau de garantie du vote électronique. Vous apportez la solution idoine. Il paraît excellent de renvoyer à un décret en Conseil d'État la détermination des informations qui seront recueillies auprès des signataires pour garantir leur identification.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 32 .
Cet amendement sera plus facile. Il vise à compléter l'alinéa 3 par la phrase suivante : « Ces données sont soumises au droit à la rectification. » Il s'agit de permettre aux signataires des pétitions de bénéficier de la législation sur la protection des données personnelles afin d'écarter toute possibilité de réutilisation de ces données dans un contexte autre que la procédure de pétition.
M. le rapporteur ne manquera pas de m'objecter que l'amendement est satisfait, mais dans le contexte que nous connaissons, marqué par la pratique du phishing ou hameçonnage, certaines précisions ne semblent pas inutiles.
Sourires.
Avis défavorable. Je confirme que l'amendement est satisfait. Le RGPD, le règlement général sur la protection des données, garantit le droit de rectification. Il serait inutile et bavard d'ajouter dans la loi organique une indication figurant dans la loi ordinaire.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis que M. le rapporteur. Il est inutile d'apporter une telle précision dans la loi organique.
Mme Laetitia Avia applaudit.
L'amendement no 32 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement du groupe Les Républicains, dont M. Philippe Gosselin est le premier signataire. Afin d'assurer une identification sincère des pétitionnaires, nous proposons de mentionner expressément dans le texte que « le système d'identification assure leur authentification incontestable tout en garantissant la protection des données personnelles ».
Il est satisfait par l'amendement no 280 de Mme Avia, que nous avons adopté il y a quelques minutes. Je vous suggère de le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 112 est retiré.
L'amendement no 33 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 191 .
Il propose que l'avis rendu par le CESE sur les pétitions recevables soit transmis aux commissions parlementaires compétentes afin qu'une suite puisse leur être donnée.
Il ne s'agit pas d'inscrire cet avis à l'ordre du jour de l'Assemblée – cela ne serait pas constitutionnel ou du moins cela ne relève pas de la loi organique dont nous discutons – , mais d'éviter de donner à nos concitoyens le sentiment que leurs pétitions ne sont que des voeux sans portée réelle qui se perdent ensuite dans les méandres du débat public. La transmission automatique de l'avis à une instance formelle du Parlement permettrait d'associer pleinement celui-ci au dialogue citoyen auquel nous sommes très attachés.
Je suis extrêmement favorable à ce principe ; le CESE – je pense à ses avis en général et à ceux qu'il rend lorsqu'il est saisi d'une pétition – doit être connecté avec la représentation nationale. Néanmoins, comme vous l'avez dit, monsieur Brindeau, le projet de loi organique ne peut pas contraindre l'agenda du Parlement. Avis défavorable. J'encourage toutefois les présidents des commissions et les groupes politiques à se saisir des avis du CESE, et à travailler activement et sans relâche avec celui-ci.
Même avis : c'est au CESE qu'il appartient de se prononcer sur les suites qu'il convient de donner aux pétitions, et non au Parlement. Défavorable.
Ce n'est pas le sujet, madame la secrétaire d'État. Le CESE est effectivement un filtre ; s'il entend donner suite à une pétition, il la transmet aux présidents des deux assemblées.
Monsieur le rapporteur, nous avons pris soin de vérifier si l'amendement présentait un risque d'inconstitutionnalité en contraignant l'ordre du jour de l'Assemblée. La réponse est non : l'avis sera simplement transmis à l'une des commissions permanentes, qui fixe elle-même son ordre du jour, ce qui rend le dispositif constitutionnel. La commission montrera qu'une suite a été donnée à la pétition, même si elle ne la retient pas pour proposer une évolution législative. Nous indiquons ainsi à nos concitoyens que les pétitions ne restent pas lettre morte.
L'amendement no 191 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, pour soutenir l'amendement no 147 .
Cet amendement, dont notre collègue Laurianne Rossi est la première signataire, est soutenu par le groupe La République en marche. Il entend conforter la compétence du CESE en matière de traitement des pétitions en prévoyant qu'il connaît et instruit celles qui sont adressées au Parlement en vertu de l'article 4 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et qui entrent dans son champ de compétence. Le CESE serait saisi préalablement avant d'y donner éventuellement suite.
Il ne me semble pas qu'il s'agisse d'un amendement du groupe LaREM, à moins que le nombre de ses membres n'ait fortement diminué ! J'ajoute, monsieur le président, que Mme Dubré-Chirat n'en était pas cosignataire.
Vous avez raison, monsieur Balanant. Cependant, en tant que cosignataire moi-même, je considérerai que l'amendement – excellent, au demeurant – est défendu.
Sourires.
Le président est taquin.
Il me semble que, lorsque les pétitionnaires s'adressent à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ils souhaitent que nous examinions effectivement le sujet posé. Comme je l'ai indiqué en commission, je suis assez réservé. Madame Dubré-Chirat, je vous demande de retirer un amendement… que vous n'avez pas signé, mais puisque M. le président l'a fait.
Sourires.
Le droit de pétition n'a pas vocation à être exercé uniquement auprès du CESE, mais également auprès de nombreux pouvoirs publics. Il s'agit d'un droit d'interpellation hérité de la Révolution. Il ne serait pas logique que l'Assemblée s'en dessaisisse au profit du CESE.
Même avis défavorable.
L'amendement n'est pas retiré, car il a été déposé par Mme Rossi.
La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Le groupe Socialistes et apparentés s'opposera à cet amendement. Nous considérons que l'Assemblée nationale ne peut pas déléguer son droit de pétition ; ce serait une dérive. Cette proposition suscite une très grande inquiétude chez les députés, qui se verraient alors dessaisis du pouvoir d'instruire les pétitions que les citoyens adressent légitimement à leurs représentants.
Dans la continuité des propos de Mme Untermaier, je considère qu'il faut maintenir les canaux prévus par les institutions. Le projet de loi organique vise à démultiplier les moyens par lesquels nos concitoyens pourront saisir les institutions. Quand le Parlement est saisi par les mécanismes de la démocratie représentative, il ne faut pas que cette saisine soit transférée au CESE ; de même, lorsqu'une pétition est transmise au CESE, c'est à lui de décider des suites qu'il convient de donner, et non au Parlement. Chacun a son rôle. Cela multiplie les possibilités qu'ont nos concitoyens de se saisir de la chose publique.
L'amendement no 147 n'est pas adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement no 290 portant article additionnel après l'article 3.
Il vise à autoriser la présentation des avis du CESE devant les assemblées par l'un de ses membres.
C'est exactement ce que prévoit aujourd'hui l'article 5 de l'ordonnance de 1958 : « Le Conseil économique, social et environnemental peut désigner l'un de ses membres pour exposer devant les assemblées parlementaires l'avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis. » Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Demande de retrait.
L'amendement no 290 est retiré.
L'article 4 est important, parce qu'il permet en particulier au CESE de recourir à la consultation des Français par tirage au sort, en garantissant que les participants soient représentatifs de la société. Je salue bien évidemment cette mesure qui fait écho au succès rencontré par la convention citoyenne sur le climat.
Cet article est donc important, parce qu'il vient renforcer notre démocratie, sa vitalité et la diversité des engagements citoyens dans la vie du pays. Personne ne peut nier que les crises que nous traversons et la nécessité de repenser le long terme nous imposent de nouvelles consultations d'ampleur. C'est d'ailleurs pourquoi je tiens à plaider, dans l'hémicycle, pour le déploiement d'une convention citoyenne sur l'Europe.
Vous me demanderez, pourquoi l'Europe ? Pourquoi pas la santé, l'éducation ou encore l'emploi ? Précisément parce que l'Europe touche à l'ensemble de ces sujets, parce que cette crise est venue démontrer que les réponses aux défis de notre époque ne peuvent plus être exclusivement nationales. Nous devons par exemple à l'Europe 40 % de notre plan de relance, soit 40 milliards d'euros.
Pourquoi une convention citoyenne ? Parce que l'Europe est l'affaire de chacun des citoyens de ce pays. Notre devoir est de faire vivre cette démocratie européenne, au fond si jeune.
Dans un an et quatre mois, la France assurera la présidence de l'Union européenne. En amont de cette présidence, nous devons faire vivre le débat européen dans notre pays, pour savoir ce qui rassemble et ce qui sépare. Plus que jamais, nous devons mobiliser toutes les forces vives du pays pour que cette présidence permette à la France de mettre en avant des propositions fortes pour l'Europe de demain. Je crois que cela passe par une convention citoyenne.
Mme Laetitia Avia et M. Pacôme Rupin applaudissent.
Il s'agit d'un amendement d'appel. Nous souhaitons ajouter la notion d'indépendance aux garanties prévues en cas de consultation publique ou de recours au tirage au sort.
Monsieur le rapporteur, j'ai conscience qu'il est difficile d'introduire cet amendement dans le « préambule » relatif à diverses garanties que la commission a déjà adopté à votre initiative, aussi je suis prête à le retirer à condition que vous nous présentiez les autres moyens par lesquels vous envisagez, je crois, de garantir cette indépendance.
Il est le fruit d'une discussion en commission. Nous avions proposé un pilotage indépendant des consultations organisées par tirage au sort afin d'éviter toute confusion entre les travaux du CESE et ceux des conventions citoyennes. La convention citoyenne sur le climat s'est organisée sur ce modèle, un comité de pilotage indépendant permettant de garantir que le CESE, lieu d'accueil de la convention, n'était ni son organisateur, ni l'entité chargée du pilotage des travaux.
M. le rapporteur nous a fait part, en commission, alors que nous défendions nos propres amendements, de son idée d'exposer à l'alinéa 2 les grands principes relatifs à la consultation du public par le CESE. Nous souhaitons désormais trouver un terrain d'entente. C'est le sens de cet amendement.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Lors des auditions et des réunions de commission, nous avons réalisé un important travail sur les enjeux de sincérité et de transparence, lesquels revêtent, comme vous l'avez souligné, une importance primordiale pour le succès d'une consultation. Une consultation qui serait, dès le départ, frappée du sceau de l'insincérité, ne pourrait pas fonctionner ; tout le monde s'en détournerait, participants comme espace public, et même les élus se poseraient des questions. Cela ne marcherait pas.
Nous avons donc travaillé la question, et nous sommes parvenus à un premier « atterrissage » grâce aux termes « sincérité », « transparence », « égalité » et « impartialité ». L'indépendance, elle, est difficile à inscrire dans ce « chapeau » qui vaut pour tout le reste du texte.
Pour garantir cette indépendance, j'ai déposé l'amendement no 211 qui sera appelé ultérieurement en même temps qu'un amendement identique dont vous êtes signataire, madame Forteza, avec les membres du groupe Écologie démocratie solidarité. Je propose que le CESE, lorsqu'il sera saisi, demande à la CNDP, la Commission nationale du débat public, laquelle possède une expertise sur le sujet, de nommer des garants chargés d'apprécier le respect des conditions que nous avons énoncées. Vous constatez que nous reprenons ainsi le montage qui a permis d'organiser la convention citoyenne pour le climat : la désignation d'un comité d'organisation et de garants.
Je ne vois pas ce que nous pourrions ajouter pour donner toutes les chances de réussite à ce joli projet de mener des consultations citoyennes associant les citoyens de façon vraiment sincère. Je demande le retrait des amendements au profit de l'amendement no 211 , qui permettra de résoudre la question des garanties.
Il différera un peu de celui du rapporteur. Madame Untermaier, avec l'amendement no 123 , vous souhaitez inscrire dans la loi organique le principe d'« indépendance ». Les garanties déjà prévues, fruit du travail de la commission, reprennent la jurisprudence du Conseil d'État et elles nous semblent suffisantes. Toutefois, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Eh oui, tout est possible, et parfois les choses changent.
Je suis plus réservée sur l'amendement no 160 : sur le fond, nous ne sommes pas en désaccord, mais la rédaction me semble introduire de la confusion. Je demande le retrait. À défaut l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Je m'interroge sur la volonté de certains d'entre nous d'inscrire l'indépendance à l'article 4. Il me semble qu'elle est déjà assurée par la collégialité du CESE, institution diverse et représentative. Le CESE est, bien sûr, institutionnellement lié au pouvoir politique, mais il fonctionne de façon suffisamment indépendante pour organiser de manière sincère la participation des citoyens au débat public. Les garanties existantes me paraissent donc suffisantes.
Merci, madame la secrétaire d'État, de vous montrer ouverte aux demandes des parlementaires. Le rapporteur propose de faire de la CNDP un garant : c'est une proposition qui me paraît pertinente. Je retire donc mon amendement.
L'amendement no 123 est retiré.
Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir pris en considération nos inquiétudes. Votre proposition nous convient parfaitement. Je retire mon amendement.
L'amendement no 160 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 84 .
Dans le prolongement de la discussion précédente, il s'agit de s'assurer du caractère objectif de la « représentativité appropriée » mentionnée à l'alinéa 2, en ajoutant les qualificatifs « juste » et « équitable ».
Votre intention est louable, mais le travail effectué en commission satisfait entièrement votre demande.
Demande de retrait, ou avis défavorable.
L'amendement no 84 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons de compléter ainsi l'alinéa 2 : « Cette définition assure également une représentation équilibrée du territoire de la République, et notamment des outre-mer, et garantit que la différence entre le nombre d'hommes et de femmes constituant le public associé ne soit pas supérieure à un. »
Il est indispensable que tous les territoires, en particulier les territoires ultramarins, soient bien associés aux travaux du CESE.
Cet amendement est issu des travaux de la commission. J'ai été alerté très tôt sur cette question des outre-mer ; elle était donc au premier rang de mes préoccupations. Mme Avia, M. Rupin et d'autres avaient par ailleurs souligné l'importance du respect de la parité. Je m'étais engagé à prendre en considération ce double problème. Nous réglons ici les deux questions en même temps.
Le rapporteur l'a dit : vous souhaitez tous, à la suite des discussions en commission, préciser les modalités de la représentativité. Cet amendement a le mérite d'avoir un double effet en étant à la fois favorable aux territoires ultramarins et à la parité. Avis doublement favorable.
Avant de mettre ces amendements identiques aux voix, j'indique que leur adoption ferait tomber des amendements qui devaient être appelés ultérieurement, nos 36 et 35, tous les deux de Mme Emmanuelle Ménard, et 114 de M. Philippe Gosselin.
Toujours dans le même esprit, il s'agit de garantir l'indépendance des travaux des conventions citoyennes. Nous demandons donc que la publication des rapports issus de ces travaux soit assurée de façon autonome. C'est encore une façon de ne pas confondre les travaux du CESE et ceux des conventions citoyennes.
Avis défavorable. Il y a une erreur matérielle : l'alinéa que vous souhaitez supprimer est l'alinéa 5, et non le 3. Par ailleurs, votre demande sera satisfaite par l'amendement no 212 , qui prévoit, comme je m'y étais engagé en commission, que les résultats des consultations sont publiés séparément.
Même avis.
L'amendement no 158 est retiré.
L'amendement no 85 vise à préciser que l'information mise à disposition du public doit être « complète » plutôt que « suffisante », cette dernière notion étant subjective. Il revient au « public associé » de décider quelles informations sont pertinentes et doivent retenir son attention.
De la même façon, le caractère « raisonnable » du délai laissé au « public associé » paraît subjectif. Je souhaite donc inscrire dans la loi que ce délai ne peut être inférieur à trois semaines. Il faut que les personnes qui donneront leur avis disposent du délai nécessaire à la réflexion. Il y va du sérieux des avis rendus.
Le texte que vous souhaitez modifier par l'amendement no 85 vous paraît peu clair et mal écrit. Pour information, nous n'avons fait que reprendre la jurisprudence du Conseil d'État… Les termes en question me paraissent donc appropriés.
Quant à l'amendement no 86 , la loi organique n'est pas le lieu adapté pour une telle précision. Les délais seront adaptés en fonction des consultations. Le respect des garanties que nous entendons inscrire au nouvel article 4-1-1 de l'ordonnance de 1958 servira de cadre.
Avis défavorable sur les deux amendements.
Mêmes avis défavorables. S'agissant du premier amendement, nous pouvons nous fier à la jurisprudence du Conseil d'État. Sur le second, le « délai raisonnable » permet aussi de s'adapter à la question posée. Ne figeons pas trop les choses, en tout cas, je ne pense pas qu'il faille le faire dans la loi organique.
Ces deux amendements sont presque rédactionnels.
Le premier vise à préciser que les résultats « et » les suites envisagées sont publiés, plutôt que les uns « ou » les autres. Pourquoi publier les résultats mais pas les suites à donner ? Même s'il n'y a pas de suites à donner, il est intéressant de le savoir. Et comment publier les suites à donner sans les résultats ? Je ne cherche pas la petite bête, mais un simple « et » me paraîtrait plus judicieux.
Le second vise à supprimer la notion de « moment approprié ». Il n'y a pas besoin d'écrire dans la loi organique quelque chose d'aussi flou et d'aussi totalement subjectif. Le CESE appréciera le délai nécessaire pour rendre public consultations et avis.
Monsieur Brindeau, la préoccupation que vous exprimez en présentant l'amendement no 203 est satisfaite par l'inscription du principe de transparence dans le nouvel article 4-1-1 de l'ordonnance de 1958.
S'agissant de l'amendement no 204 , la formulation que vous entendez supprimer permet, sans fixer de délai, de s'assurer que la publication n'est pas retardée pour des motifs inappropriés, par exemple.
Dans les deux cas, la rédaction reprend la formulation de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui organise les consultations administratives. Juridiquement, c'est donc solide, il n'y a aucune crainte à avoir.
Je suis défavorable aux deux amendements.
Je suis favorable à l'amendement no 203 . Il serait de toute façon absurde de consulter le public sans rendre public le résultat de cette consultation. En la matière, le partage de l'information doit être total. Vous n'avez pas tort de vouloir préciser les évidences.
Avis défavorable, en revanche, sur l'amendement no 204 . Comme je l'ai dit tout à l'heure à Mme Ménard, il ferait perdre de sa souplesse au dispositif.
Monsieur le rapporteur, j'entends que vous avez repris la rédaction du code des relations entre le public et l'administration, mais ce n'est pas parce que le droit positif est mal écrit sur un sujet que le législateur doit s'abstenir de rédiger avec davantage de précision. Madame la secrétaire d'État, je ne vois pas pourquoi on n'informerait pas aussi le public des suites que l'on compte donner aux consultations. Il faut que les deux soient publics : les résultats et les suites. L'alternative proposée par la rédaction actuelle laisse au CESE un pouvoir d'appréciation qui lui permet de rendre public les uns ou les autres.
Il s'agit de s'assurer qu'une suite sera donnée aux travaux des conventions citoyennes constituées à partir d'une procédure de tirage au sort. Pour obtenir un engagement citoyen, nous savons bien qu'il est nécessaire que le Gouvernement, ou le commanditaire de la consultation s'engage, en amont, à reprendre d'une manière ou d'une autre les propositions qui en seront issues et à ce qu'elles trouvent une traduction dans les politiques publiques – il faut au moins que les travaux concernés fassent l'objet d'une réponse. Nous proposons en conséquence que, dans les six mois suivant la publication des rapports, une stratégie de mise en oeuvre des résultats de la consultation publique soit présentée par le Gouvernement.
Je comprends votre point de vue, mais il convient de ne pas faire de confusion. L'article 4-1-1, que le projet de loi vise à insérer dans l'ordonnance de 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental, a trait aux consultations publiques et ne se limite pas aux conventions citoyennes ou aux tirages au sort. Les avis qui résulteront des consultations publiques pourront concerner des sujets qui ne demanderont pas un engagement immédiat du Gouvernement. Il n'est pas nécessaire de l'obliger à répondre dans les six mois aux résultats d'une consultation relative au long terme. Laissons-lui la latitude de faire le partage entre les sujets à traiter immédiatement et les autres.
Je suis défavorable à l'amendement.
Madame la députée, vous souhaitez que les résultats d'une consultation publique puissent donner lieu, dans les six mois, à une stratégie de mise en oeuvre présentée par le Gouvernement. Votre objectif est louable et nous partageons votre volonté de voir les consultations citoyennes suivies d'effet. Dans le cas contraire, nous ne chercherions pas à renforcer leur spectre et leur traitement. Il est vrai que c'est à la condition – discutée en commission – de respecter nos institutions et notre Constitution. Or selon la Constitution – mais, vous savez cela mieux que moi – , le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation.
Par conséquent, votre amendement reviendrait, en quelque sorte, à imposer au Gouvernement de déterminer sa politique en fonction des résultats d'une consultation. Pour ce motif, qui s'ajoute aux arguments de M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Je souhaite insister, car il s'agit véritablement d'une bonne pratique observée par les démarches de participation citoyenne dans le monde. Dans des pays tels que les États-Unis ou le Royaume-Uni, le gouvernement est obligé de répondre aux pétitions qui lui sont adressées. Je ne veux pas imposer quoi que ce soit au Gouvernement, mais je souhaite qu'il annonce s'il retient les propositions issues des consultations. De cette façon une suite, même négative, est donnée aux travaux effectués qui sont ainsi pris au sérieux et considérés de manière responsable. J'estime qu'il s'agit de la seule façon d'engager les citoyens à participer aux consultations. Je maintiens mon amendement.
L'amendement no 156 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5 qui prévoient en particulier la procédure de tirage au sort. Il est vrai qu'en comparaison avec ce qui avait été annoncé initialement, il ne reste plus grand-chose puisque le CESE « peut » recourir à la consultation du public en organisant « le cas échéant » une procédure de tirage au sort. Néanmoins, je m'interroge sur le principe.
Premièrement, le CESE a pour mission de produire des études, ce qui suppose une compétence, critère sur lequel sont d'ailleurs choisis ses membres. Or le tirage au sort ne garantit nullement l'apport des compétences nécessaires à l'élaboration de ces études.
Deuxièmement, je m'interroge sur la question de la représentativité. Le tirage au sort ne la garantira pas, même si vous avez inclus quelques éléments de représentativité territoriale.
Il y a enfin une question de légitimité. Pour ma part, je ne me sens pas représenté par des personnes tirées au sort. Je considère que les élus peuvent parler en mon nom, mais j'ai un problème de fond – et c'est pour cette raison que je soutiens cet amendement – avec le fait qu'une personne tirée au sort puisse le faire. J'estime que si nous développons un jour ce principe il finira par se retourner contre la démocratie représentative elle-même. Nous considérerions ainsi que n'importe qui choisi dans la rue peut, en définitive, avoir la même efficacité que quelqu'un qui se bat pour ses idées et qui est élu en leur nom.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
Je regrette vraiment, monsieur Aubert, que vous n'ayez pas été présent en commission et au cours des auditions, car je crois que vous auriez complètement évolué sur ce sujet, d'autant plus que je sais que vous travaillez vos dossiers et que vous êtes sincère.
Tout d'abord, c'est de la consultation citoyenne dont nous parlons, qui est une nouvelle prérogative que nous donnons au CESE. Il ne s'agit pas des études et des avis qu'il rend habituellement, mais de leur enrichissement par une consultation citoyenne. Il y a donc toute légitimité à ce que des citoyens y participent, en vue de nourrir ce travail ou d'apporter un témoignage.
S'agissant ensuite du tirage au sort, nous avons apporté des garanties en la matière. À cet égard, je répète que les dispositifs de l'article 4-1-1 que nous souhaitons insérer dans l'ordonnance de 1958 ne concernent pas exclusivement les tirages au sort. Il sera également possible de consulter des citoyens en dehors de cette procédure, par exemple en constituant un panel – nous laissons au CESE la liberté de choisir son mode de consultation.
Quant à la représentativité, vous confondez cette notion avec celle de représentation. Nous sommes effectivement la représentation nationale, mais des citoyens peuvent également être représentatifs d'un avis ou d'un état de la société. Ici réside la différence entre la démocratie consultative et la démocratie représentative. Il convient de ne pas opposer l'une et l'autre ; elles sont complémentaires. Leur interaction constitue d'ailleurs une démocratie continue, qui permet de combler l'interstice électoral, la période séparant deux élections, pour continuer à nourrir les politiques publiques.
Je sais que certaines personnes au sein de votre famille politique nourrissent des craintes à l'égard de la démocratie consultative. J'estime pour ma part qu'elle est une richesse, un apport, et qu'elle permet de guider les décisions des représentants du peuple que nous sommes et que nous devons rester.
Je serai brève pour que mes propos ne soient pas redondants avec ceux du rapporteur. Il ne s'agit pas, monsieur Aubert, d'une question de représentation ; nous parlons d'une assemblée consultative. La consultation du public et de participants tirés au sort a vocation à enrichir les travaux du CESE ; elle ne vise en aucun cas à s'y substituer.
Par ailleurs, le rapporteur l'a rappelé et d'autres parlementaires le confirmeront certainement, nous avons recours au tirage au sort depuis longtemps dans notre pays. Nous ne devons pas en avoir peur, mais plutôt en faire bénéficier le CESE dans le cadre de cette réforme d'envergure.
Que, sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée nationale, on n'entende pas le besoin immense de consultation et de représentativité qu'expriment nos citoyens me paraît un peu étonnant dans la période actuelle. Pour ma part, il me semble important d'exprimer un avis fortement défavorable à votre amendement.
Je vais donner la parole à M. Aubert, à M. Rupin puis à M. Bernalicis avant que nous ne passions au vote.
La parole est à M. Julien Aubert.
Nous avons d'abord un problème de conception. Vous me parlez de démocratie consultative, mais je rappelle que la démocratie c'est le pouvoir au peuple.
Et kratos !
Oui ! Le pouvoir revient au peuple. En France, c'est le peuple qui est souverain. Ce sont les principes de la République. En conséquence, la consultation n'est pas un pouvoir. L'idée de démocratie consultative m'apparaît donc comme un oxymore. Soit les gens que vous tirez au sort ont le pouvoir et, dans ce cas, c'est de la démocratie ; soit il s'agit uniquement d'une consultation et cela ne constitue pas un pouvoir.
Vous me parlez ensuite de représentativité, en faisant la distinction avec le concept de représentation. Or le CESE est lui-même organisé et composé afin de garantir sa représentativité. Il est censé représenter les corps intermédiaires et les forces sociales, et la présence d'anciens élus contribue également à sa représentativité. En fait, en instaurant le tirage au sort, ou l'idée selon laquelle le public choisi pourrait améliorer la représentativité du CESE, vous critiquez, en voulant le renforcer, le fondement de sa légitimité. Au fond, vous dites que le CESE n'est pas totalement représentatif de la nation.
Mais si ! Car si le CESE était totalement représentatif de la nation, il n'aurait pas besoin d'un second panel de personnes jugées suffisamment représentatives pour le renforcer.
Plutôt qu'un tirage au sort, pourquoi ne pas laisser venir tous ceux qui souhaitent participer ? Nous avons effectivement connu la crise des gilets jaunes et lorsque j'ai organisé des débats, durant cette période, je n'ai pas opéré un filtrage à l'entrée en disant qu'il nous fallait dix femmes, …
Dommage…
… deux personnes en situation de handicap, ou trois agriculteurs. J'ai ouvert les portes en disant : « Vient qui veut. » Au fond, il s'agit de la vraie concertation, celle à laquelle participent les personnes qui veulent s'engager.
Quoi qu'il en soit, je vous le répète, j'estime que le tirage au sort est contradictoire avec le CESE et la démocratie.
Je comprends vos réserves, monsieur Aubert. D'une certaine manière, nous avons déjà eu le débat hier avec les membres de votre groupe sur les pétitions. Vous avez le sentiment qu'il pourrait y avoir une concurrence entre des méthodes, qui permettent à des citoyens de s'exprimer et d'interpeller le CESE ou les responsables politiques, et notre rôle, qui est de représenter le peuple au sein de l'Assemblée nationale après avoir été élus au suffrage universel.
Pour ma part, je crois davantage à une complémentarité qu'à une concurrence. Tout comme je crois que le succès de la convention citoyenne pour le climat a démontré que tirer au sort 150 citoyens, qui ne seraient peut-être pas venus à l'une de vos réunions, mais qui se sont retrouvés dans une situation qui les amenait à donner leur avis en tant que citoyens, sans nécessairement vouloir apporter une touche idéologique…
Certains peut-être, monsieur Aubert. Mais, d'une certaine manière, la qualité de leurs travaux ainsi que leur médiatisation, qui a provoqué des débats dans le pays, m'apparaissent plutôt comme une bonne nouvelle pour la démocratie.
Certes, comme vous, je ne crois pas que le tirage au sort réglera tous les problèmes, mais emparons-nous de ces nouvelles manières d'alimenter et d'enrichir le débat public. Tout cela me semble être de bon augure.
Vous pouvez l'enlever pour prendre la parole. Vous faites comme vous voulez. Vous êtes libre, monsieur Bernalicis !
Sourires.
Il est très chic !
Le débat sur le tirage au sort est très intéressant. Le tirage au sort est effectivement utilisé depuis très longtemps dans notre pays, mais ce que ne dit pas Mme la secrétaire d'État, c'est que c'est le cas dans un lieu où l'on donne du pouvoir au peuple : les procès d'assises. Les jurés tirés au sort prennent une décision qui peut avoir pour conséquence l'emprisonnement d'une personne pour plusieurs années. Il ne s'agit pas d'une petite décision ; elle est d'autant plus grande que la justice est rendue au nom du peuple français.
Nous pouvons d'ailleurs regretter qu'en matière pénale nous fassions reculer le recours aux cours d'assises en créant les cours criminelles départementales, alors que concernant le CESE on nous dit : « Le tirage au sort, c'est génial. On l'instaure » ! Peut-être y a-t-il une dissonance cognitive au sein du Gouvernement…
Sourires.
Quoi qu'il en soit, saisissons l'opportunité qui nous est donnée s'agissant du CESE.
Là où je rejoins Julien Aubert, c'est pour dire qu'une consultation n'est bien qu'une consultation. Pour ma part, je regrette que nous ne donnions pas davantage de pouvoir aux citoyens tirés au sort. Un certain nombre de députés ont proposé que des personnes tirées au sort fassent partie de la composition permanente du CESE : dans cette configuration nous aurions eu quelque chose d'intéressant, cela aurait donné plus de pouvoir au peuple.
Ne croyez pas qu'il y ait moins de représentativité grâce au tirage au sort qu'il n'y en a dans cet hémicycle.
Incontestablement, nous représentons le peuple, mais nous ne sommes pas complètement représentatifs. Dire le contraire serait un abus, car à regarder la sociologie de l'Assemblée nationale et celle du pays, nous constatons tout de même une légère différence ! Oh, une très légère différence ! Prenons donc garde aux concepts que l'on utilise.
J'estime que ce serait une bonne chose d'associer de plus en plus de citoyens tirés au sort. De cette manière, un nombre croissant de personnes seront impliquées qui, si on ne les avait pas sollicitées par ce moyen, ne se seraient pas spontanément intéressées à la vie publique.
C'est le cas des jurés d'assises. L'an dernier, un de mes amis a été tiré au sort pour faire partie d'un jury. Il n'aurait jamais participé spontanément à un procès d'assises, il ne s'y serait jamais intéressé.
Eh bien, il y a participé et il en est sorti grandi. J'estime qu'on en sort grandi démocratiquement lorsqu'on associe le plus de personnes possible.
Monsieur le rapporteur, vous avez la parole, mais il nous faut avancer et j'avais annoncé que nous procéderions au vote après l'intervention de M. Bernalicis.
J'ai insisté pour prendre la parole parce que le sujet est important, monsieur le président. Nous devons avoir ce débat.
Monsieur Aubert, la démocratie, c'est le peuple, certes, mais la démocratie ne se résume pas au principe de l'élection.
Telle est la confusion que vous faites, monsieur Aubert. Nous avons besoin, cela a été dit, d'une articulation avec la possibilité de consulter le public.
Le professeur Denis Baranger, éminent constitutionnaliste que nous connaissons tous et que la commission des lois a reçu à plusieurs reprises, écrit : « La démocratie participative n'est pas une forme de démocratie directe. Elle est une forme de discussion politique entre des citoyens et des gouvernants. » C'est ce dialogue constructif qu'il faut défendre. C'est cela, tout simplement, que nous entendons instaurer. Il ne faut pas en avoir peur ; il ne faut pas penser que cela va altérer le fonctionnement de la représentation nationale. Bien au contraire, celle-ci disposera, grâce à ce dialogue constructif, d'outils qui l'aideront à prendre ses décisions.
Sourires.
L'amendement no 170 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 232 .
C'est un excellent amendement de notre collègue Éric Diard. Il est défendu avec enthousiasme, coeur et générosité.
Avec amour, gloire et beauté !
Je ne doute pas que mes propos auront sur vous une influence déterminante !
Sourires.
Je suis sûr que cela a convaincu tout le monde !
Quel est l'avis de la commission ?
Avec générosité, je donne un avis défavorable, comme je l'avais fait en commission.
J'en suis fort marri ! C'est le premier amendement que je défends de la journée…
Sourires.
Je donne moi aussi un avis défavorable. Je vous prie de m'en excuser, monsieur Gosselin, je n'aime pas que vous soyez fort marri !
Sourires.
L'amendement no 232 n'est pas adopté.
L'amendement no 221 de M. Erwan Balanant est un amendement de coordination.
L'amendement no 221 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 125 .
Nous avons évoqué cette question précédemment. À titre personnel – tel est également le sentiment de mon groupe – , j'avoue ressentir une certaine irritation à lire dans les textes qui nous sont soumis, y compris des textes importants relatifs aux institutions comme celui-ci, des termes genrés tels que « Premier ministre », « président de l'Assemblée nationale » et « président du Sénat », plutôt que « Gouvernement », « présidence de l'Assemblée nationale » et « présidence du Sénat ». Il conviendrait de réfléchir à une approche moins genrée, laissant davantage d'avenir aux femmes.
Nous en avons effectivement déjà discuté. Vous le savez, madame Untermaier, je suis favorable à ce que nous en débattions dans le cadre de la révision constitutionnelle. Je vous invite à retirer votre amendement.
L'amendement no 125 est retiré.
Il vise à associer plus étroitement le Parlement à l'action du CESE – nous avons déjà débattu de cette question hier. Le CESE est souvent désigné comme la « troisième assemblée de la République », et il ne semble pas absurde que l'action d'une institution appelée à devenir la « chambre des conventions citoyennes » ou le « carrefour des consultations publiques » soit partagée avec des parlementaires, ni qu'une coopération s'établisse entre le Parlement et le CESE, comme il en existe une entre l'Assemblée nationale et le Sénat pour l'élaboration des lois. Ce serait d'ailleurs conforme au principe de coopération entre le Gouvernement, le Parlement et le CESE évoqué à l'article 70 de la Constitution.
À l'instar du Conseil constitutionnel, le CESE pourrait être saisi par soixante parlementaires aux fins de recourir à la consultation du public. Cette disposition aurait le double avantage de renforcer la coopération entre les chambres parlementaires et le CESE et de faciliter le recours à la consultation du public. Cela augmenterait l'activité du CESE – souvent critiqué pour le caractère pour le moins anémique de son travail – et contribuerait éventuellement à renforcer sa légitimité, ce qui n'est pas négligeable.
C'est juste. Une partie de l'Assemblée a adopté, contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur, un amendement ouvrant la saisine du CESE à soixante députés ou soixante sénateurs. Dans cette logique, nous devrions adopter également le présent amendement, qui vise à permettre à soixante députés ou soixante sénateurs de demander au CESE de recourir à la consultation du public. Si nous voulons être cohérents avec le vote que nous avons émis hier soir, après de longs débats, nous devrions tous voter cet amendement.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 124 .
Nous avons effectivement longuement débattu de cette question hier. Plusieurs d'entre nous ont défendu la constitutionnalité de l'amendement évoqué par M. Pauget, et le groupe Socialistes et apparentés l'a voté. J'estime moi aussi que nous devons, par cohérence, adopter l'un des amendements en discussion commune pour donner la possibilité soit à une minorité de parlementaires, soit à soixante parlementaires de demander au CESE de recourir à la consultation du public.
Par ailleurs, si nous nous en tenions à la saisine par soixante députés ou sénateurs ou par une minorité de parlementaires, cela permettrait d'éviter l'emploi des termes genrés « président de l'Assemblée nationale » et « président du Sénat ». Les sénateurs auront probablement l'occasion de revenir sur ce point.
Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion commune ?
Nous n'allons pas recommencer notre débat d'hier, déjà trop long selon moi. Je tiens néanmoins à préciser que la possibilité donnée au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat de saisir le CESE aux fins d'organiser une consultation du public est une avancée issue de nos travaux en commission ; elle ne figurait pas dans le texte initial. Je le répète – j'ai l'impression d'être un peu gaga : …
Sourires.
… une telle disposition ne passera pas le filtre du Conseil constitutionnel. En outre, le bureau de l'Assemblée pourra tout à fait décider de faire droit à une demande minoritaire. Je demande le retrait des amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je ne souhaite ni prolonger les débats ni répéter ce qui a été dit à plusieurs reprises – ce qui m'exposerait au bon mot de M. Aubert. Il reste que, dans la droite ligne de l'avis exprimé hier par le garde des sceaux et de celui donné à l'instant par le rapporteur, j'émets moi aussi un avis défavorable.
Je constate que les auteurs des amendements ne souhaitent pas les retirer.
La parole est à M. Éric Pauget.
Effectivement, je ne retire pas mon amendement, car nous étions exactement dans la même configuration hier soir. D'aucuns ont essayé alors de faire du droit constitutionnel préventif, certains techniciens ou hauts fonctionnaires nous disant que la disposition ne passerait pas le filtre du Conseil constitutionnel.
Hier soir, nous avons exercé nos prérogatives de législateurs, nous avons adopté une disposition et nous verrons si le Conseil constitutionnel la bloque ou non. Nous devrions, de la même manière, adopter le présent amendement, et nous verrons bien ensuite ce que sera le filtre du Conseil. Je trouve assez original que l'on fasse du droit constitutionnel préventif !
Je crois pour ma part que nous sommes dans une configuration différente de celle d'hier. Nous avons adopté alors une disposition donnant la possibilité à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le CESE. En l'espèce, il s'agit de déterminer quelles autorités peuvent demander au CESE d'engager une consultation du public. On entre donc dans les modalités opérationnelles.
Si l'objectif du texte est de donner davantage de pouvoirs au CESE, il faut lui laisser la prérogative, lorsqu'il se saisit d'un sujet, de choisir par quel moyen il souhaite mener ses travaux : le rapport d'une de ses commissions ou d'un autre de ses organes, une consultation du public ou tout autre mode de participation citoyenne. Il n'appartient pas aux députés que nous sommes de lui imposer l'organisation d'une consultation du public sur tel ou tel sujet. D'autant plus que l'Assemblée a elle aussi pleinement la faculté de consulter le public, qu'elle a d'ailleurs déjà utilisée, notamment sous l'impulsion de la présidente de la commission des lois.
Que chaque institution reste dans le cadre de ses prérogatives. Il revient au CESE de déterminer les sujets sur lesquels il entend recourir à une consultation du public, sachant que nous avons déjà ouvert au Gouvernement, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat la possibilité de lui en demander une.
J'observe avec beaucoup d'intérêt ces élans en faveur du renforcement de la démocratie participative dans notre pays ! C'est très beau ! Même si certains prêchent peut-être avec la foi des derniers convertis…
Je voterai bien évidemment ces amendements, car il importe que les parlementaires puissent saisir directement le CESE. J'appelle néanmoins votre attention, mes chers collègues, sur le fait que nous avons déjà la possibilité de saisir la Commission nationale du débat public. Or combien de fois l'avons-nous fait depuis que nous avons cette faculté ? Zéro. Ces élans sont formidables, mais commençons par agir avec les outils et les moyens dont nous disposons.
L'expérience récente nous a montré qu'il fallait prendre avec des pincettes les arguments relatifs à la constitutionnalité des textes. De nombreux textes présentés comme parfaitement constitutionnels ont été largement censurés. Des dispositions censées ne pas passer le filtre du Conseil constitutionnel l'ont finalement passé. Délibérons, déterminons ce que nous souhaitons, et voyons ce qu'en dira in fine le Conseil constitutionnel.
Étant à l'origine de l'amendement adopté hier soir qui étend la saisine du CESE à soixante députés et soixante sénateurs, je considère que l'argument de la constitutionnalité n'est pas le bon. En revanche, je souscris totalement à l'analyse de Mme Avia : chaque institution doit rester dans son rôle. Hier soir, nous avons estimé que l'Assemblée devait légiférer, conformément à son rôle. Nous n'avons effectivement pas à préjuger de la constitutionnalité d'une disposition. Mais, à mon sens, il n'appartient pas aux députés de décider si le CESE doit procéder ou non à une consultation du public ; c'est le rôle de ce dernier. Je ne voterai donc pas ces amendements.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement no 38 .
Il est très important aux yeux du groupe Libertés et territoires. J'ai beaucoup insisté sur cette question lors de la discussion générale. Nous souhaitons que le CESE puisse recourir à tous les modes de concertation possibles – il en existe de nombreux. Il ne faudrait pas restreindre son rôle à l'organisation de conférences ou de conventions citoyennes.
Les conférences citoyennes faisant appel au tirage au sort – je ne suis pas intervenu quand M. Aubert l'a évoqué – sont un outil de concertation intéressant, mais ce n'en est qu'un parmi d'autres ; ne nous limitons pas à cet outil. Par ailleurs, ces consultations citoyennes ont certes donné de bons résultats, mais j'appelle votre attention sur le fait que leurs propositions ont été immédiatement contestées par de grandes organisations ou de grands mouvements, voire par le grand public.
Il est bon de veiller à ce que nos concitoyens soient éclairés, mais encore faut-il qu'ils le soient totalement.
Nous avons déposé cet amendement afin que le CESE puisse organiser toutes sortes de débats, de concertations, en choisissant les formes les plus adaptées aux questions soumises.
L'article 4 prévoit des consultations citoyennes, qui ne prennent pas forcément la forme, vous en conviendrez, monsieur Pancher, de tirages au sort – d'autres types existent.
Quant aux consultations non citoyennes, elles ne sont pas visées par cet article. En effet, le CESE n'a pas besoin de fondements légaux particuliers pour en organiser ; sur ce point, il organise ses travaux comme il le souhaite.
L'avis est donc défavorable.
Je rappelle que les consultations citoyennes organisées par le CESE n'ont pas toujours été très concluantes. L'article 4 vise donc à les encadrer.
Même avis.
Je vous remercie pour ces précisions. Il aurait été utile de recenser dans ce projet de loi organique les outils de concertation dont le Conseil économique, social et environnemental peut se saisir – même si le compte rendu des débats permettra de les indiquer clairement.
Il faut veiller à ce que le CESE puisse se saisir de ces outils sans limitations. Vous savez que ses dotations budgétaires sont limitées, alors que des débats bien organisés et structurés nécessitent un minimum de moyens. Il aurait donc été intéressant d'évoquer ces questions – en tout cas, vos précisions nous rassurent sur l'évolution du rôle du CESE.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 113 .
Sourires.
Je ne vise évidemment pas sa personne, mais son souhait que le CESE favorise toutes les formes de débat possibles.
Comme je l'ai dit hier, les membres du groupe Les Républicains sont tout à fait favorables à ce que le CESE bénéficie d'une place visible au sein de nos institutions. Il doit être le lieu d'un débat public, national, de consultations ; il doit pouvoir être identifié sans le moindre doute.
Cela étant, la consultation du public, par la voie – par le biais, allais-je dire, car nous sommes nombreux à y voir un biais – du tirage au sort pose des difficultés.
Cela créera une concurrence de légitimité avec les membres du CESE. Ce type de consultation, une fois le débat lancé, risque de court-circuiter d'autres travaux, notamment ceux du Parlement – même si vous objecterez qu'il n'est pas prévu de toucher à la Constitution ni de rendre obligatoires les consultations par tirage au sort avant d'engager le moindre travail en commission à l'Assemblée.
L'intérêt de ce type de débat public est d'intéresser largement ; sa limite est qu'il peut servir à tordre le bras au Parlement, l'obligeant à inscrire à l'ordre du jour tel ou tel débat, avec un contenu et selon un calendrier qui ne sont pas les bons.
Si je ne récuse pas certains résultats de la convention citoyenne sur le climat, nous sommes nombreux à douter de la pertinence de plusieurs des propositions qu'elle a présentées, dont certaines ont été retenues.
En résumé, nous disons « oui » à un CESE qui occupe toute sa place, et est facilement consultable, mais « non » à l'association de citoyens tirés au sort, en tout cas pas sous la forme prévue par le projet de loi organique. Il est vrai que cela revient à amoindrir la portée de l'article 4 tel qu'il est souhaité par le Gouvernement.
Défavorable. Je le répète – un amendement ultérieur permettra de clarifier ce point – , outre que le tirage au sort est facultatif – nous ne sommes pas obsédés par ce format – , d'autres consultations seront possibles.
Pour autant, nous souhaitons l'encadrer de manière suffisamment souple pour qu'il puisse se déployer.
Même avis. Je ne peux m'empêcher de rappeler l'attachement du Gouvernement à la procédure du tirage au sort.
En outre, en mémoire de votre collègue Claude Goasguen, grand spécialiste des droits grec et romain, je rappelle qu'aux racines mêmes de la démocratie grecque, la Boulè intégrait cinquante citoyens tirés au sort. Pour les modernes comme pour les anciens, donc : avis défavorable.
Je vous remercie sincèrement, madame la secrétaire d'État, pour cet hommage à notre défunt collègue Claude Goasguen, passionné par le droit des institutions romaines et la démocratie athénienne.
Cela étant, comparaison n'est pas raison. Ne nous gargarisons pas de références à la démocratie athénienne, qui, je le rappelle, ne concernait que quelques milliers de citoyens. La condition du reste des habitants – j'allais parler de res nullius, comme les Romains – n'était guère enviable – je pense aux questions de patrimoine, entre autres.
Si ces comparaisons font partie de l'imaginaire républicain, elles nous placent souvent très loin de la réalité historique : un projet de rétablissement de la démocratie athénienne telle qu'elle a réellement existé susciterait dans les rangs de la majorité comme dans les nôtres bien des oppositions.
Monsieur le rapporteur, si j'entends bien que le recours au tirage au sort n'est qu'une faculté, je m'inquiète de la voir placée entre les mains du Gouvernement – le texte prévoit en effet qu'une telle procédure pourra être organisée « à l'initiative » du CESE ou « sur la demande du Gouvernement ».
Sans faire de procès d'intention – ni imaginer un programme caché de combat ou d'action de votre part – un Gouvernement pourrait instrumentaliser cette faculté, et rendre le recours à celle-ci obligatoire pour le CESE.
Le tirage au sort n'est qu'une possibilité parmi d'autres, complémentaire d'autres formes de consultations. En outre, des garanties en matière de représentativité sont prévues dans le texte.
Il me semble nécessaire de disposer de l'avis de citoyens, et il n'y a pas à craindre que l'Assemblée se voie dépossédée de ses missions ou remise en cause.
En somme, le tirage au sort permet d'ouvrir le débat à un élément important, quoique pas exclusif d'autres contributions : l'avis des citoyens, et répond ainsi à une demande forte. N'ayons pas de craintes excessives : cette faculté ne remet pas en question la légitimité des uns et des autres.
La consultation permet d'enrichir la qualité des décisions. Il faut donc renforcer la démocratie participative – ce qui ne revient évidemment pas à remettre en cause la démocratie représentative.
La consultation, cher Philippe Gosselin, nous la renforçons grâce à tous les outils à notre disposition. Le tirage au sort pour créer un panel de citoyens en est un, utilisé dans toutes les démocraties du monde.
Ce ne sera pas le seul de la multitude d'outils à la disposition du CESE, comme indiqué tout à l'heure par le rapporteur. Je pense aux débats publics – lançons-en, puisque nous en avons la possibilité – ou à la consultation des experts – il n'est parfois pas nécessaire de consulter tout le public – ou encore aux sondages. N'opposons pas les outils entre eux, par pitié, saisissons-nous en plutôt !
Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, je ne suis pas convaincu qu'il soit nécessaire d'inscrire dans ce texte que le CESE a la faculté d'organiser des conférences citoyennes. À supposer que le bureau de cette institution ne puisse pas déjà procéder ainsi, la question relève du règlement intérieur de cette chambre, et non pas du domaine de la loi, selon moi.
« Eurêka ! nous avons trouvé l'alpha et l'oméga de la démocratie avec les conférences citoyennes », dites-vous à la suite du Président de la République. Mettons cet outil en lumière, mais n'oublions pas qu'il y en a d'autres.
L'amendement no 113 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 210 .
Il est issu des travaux de la commission. En effet, il existait une petite confusion sur la notion de consultation citoyenne – les débats nous le montrent bien. Tel qu'il était écrit, l'article 4 laissait penser qu'elle correspondrait au tirage au sort. Cet amendement de clarification modifie donc le texte en y insérant la phrase : « Il peut, le cas échéant, organiser une procédure de tirage au sort pour déterminer les participants de la consultation selon les modalités respectant les garanties mentionnées à l'article 4-1-1. »
Je comprends l'intention du rapporteur de préciser expressément la procédure de tirage au sort prévue à l'article 4-2 et de la soumettre aux garanties de l'article 4-1-1. À mon sens, le texte permet déjà cette lecture ; s'il le fallait, l'amendement le précise à nouveau. Avis favorable.
La formulation « Il peut, le cas échéant [… ] » est un peu surabondante. Dès lors qu'« il peut [… ] », les termes « le cas échéant » n'ont pas à être mentionnés dans le texte.
Je souscris aux propos de Mme Untermaier, qui correspondent à l'objet de mon amendement no 37 : la suppression de l'expression « le cas échéant », tout à fait imprécise et qui laisse entendre qu'il pourrait y avoir d'autres modalités de consultation du public, sans pour autant apporter de précision. La rédaction n'est pas satisfaisante.
Le tirage au sort bénéficie d'une défense monocolore, depuis les chaussettes rouges du rapporteur jusqu'au masque grenat de Mme le secrétaire d'État !
Très élégant ! C'est une marque de fabrique chez M. Aubert !
Une démocratie sans élection s'appelle une démocratie populaire. Mme le secrétaire d'État a parlé du tirage au sort dans la Grèce antique : c'était alors un acte religieux – les dieux choisissaient. Il faut donc faire attention aux comparaisons.
Le CESE n'est pas une assemblée, mais un conseil. Dans la Constitution, le Parlement est composé de deux assemblées. On ne parle donc pas de représentativité ou de représentation politique, mais d'études et de compétences. Mon amendement no 173 propose pour sa part de constituer une liste de personnes volontaires à partir de propositions des conseils régionaux et départementaux, ce qui permettrait d'associer les territoires et d'éviter une forme de détournement de la procédure.
Vous avez cité, non sans vous en enorgueillir, la convention citoyenne pour le climat. Elle était tout de même très encadrée : par sa présidente, ancienne militante de la Ligue communiste révolutionnaire ; par un conseiller de la CFDT, membre du think tank proche du PS Terra Nova ; par un rapporteur, ancien président d'un syndicat étudiant de gauche ; par plusieurs experts, qui conseiller social du premier secrétaire du PS, qui conseiller principal de Ségolène Royal, qui candidat aux élections européennes sur la liste de Benoît Hamon
Sourires sur quelques bancs
Il n'est donc pas étonnant que le résultat de cette consultation citoyenne soit idéologique, promouvant une écologie très éloignée de ce que pensent les Français – l'écologie n'est ni de droite ni de gauche !
Si nous procédons à des consultations, je souhaite qu'elles ne soient pas orientées politiquement et qu'on ne transforme pas le CESE en assemblée.
La remarque de Mme Ménard est pertinente. Je souhaite donc rectifier l'amendement no 210 en supprimant les mots « le cas échéant ».
Il vise à donner un pouvoir d'initiative aux citoyens pour susciter la réunion de conventions citoyennes par voie de pétition : 150 000 citoyens, dans trente départements, pourraient demander leur création. Lors des débats en commission, M. le rapporteur a argué que cette disposition serait inconstitutionnelle. Je n'en suis pas convaincue : l'article 69 de la Constitution ne définit pas précisément les conditions de saisine du CESE par voie de pétition, mais renvoie à une loi organique. Pourquoi ne pas indiquer dans la loi organique qu'une pétition peut déboucher sur la réunion d'une convention citoyenne ? Il n'y a pas ici d'inconstitutionnalité.
On peut également objecter qu'une telle mesure donnerait trop de pouvoir aux citoyens. Rappelons que l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 indique bien que tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à la formation de la loi. Je ne vois donc pas en quoi l'amendement serait inconstitutionnel, et j'attends des arguments de fond pour justifier un avis défavorable.
Je suis désolé, mais je n'ai pas d'autres arguments que ceux exposés en commission. Je comprends qu'il s'agit d'une demande de nombreux acteurs et chercheurs sur la participation citoyenne. Je l'entends, et vous connaissez mon engagement sur ces questions.
En tant que rapporteur de la commission des lois, je me dois toutefois de rappeler qu'un projet de loi organique est contraint par le cadre constitutionnel. De plus, il ne faudrait pas laisser penser que nous procédons à une révision constitutionnelle à bas bruit : cela pourrait frapper d'insincérité l'ensemble du texte. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Par simple curiosité intellectuelle, je voudrais savoir quelle disposition de la Constitution vous fait dire que l'amendement est inconstitutionnel.
Nous retrouvons ce fameux argument d'autorité de la Constitution. Le texte que nous examinons recèle une contradiction : on y met des modalités de consultation – la convention citoyenne – qui ne seraient pas inconstitutionnelles, mais toute proposition supplémentaire visant à organiser le débat public et la consultation est bizarrement considérée comme inconstitutionnelle.
Comme je l'ai indiqué hier à propos de l'amendement no 245 , je ne vois pas quelle disposition de la Constitution interdirait de confier au CESE le rôle d'organiser plus largement la participation citoyenne, alors même que l'article 4 du texte que nous examinons vise à lui donner de nouveaux pouvoirs pour ce faire.
Il ne faudrait pas limiter la consultation citoyenne aux conventions. Nous avons eu ce débat en commission : nous devrions travailler, dans la perspective de la deuxième lecture, à l'élaboration d'un amendement consensuel permettant de donner définitivement au CESE plus de liberté pour organiser la participation.
Je suis hostile au tirage au sort : sur le fond, je ne suis donc pas d'accord avec vous. Cependant, l'amendement m'irait très bien s'il précisait que la consultation du public est également organisée lorsqu'une pétition le demande.
Au plan juridique, rien dans la Constitution n'empêche l'adoption de l'amendement. Le Conseil constitutionnel est certes le gardien de la Constitution, mais il n'est qu'un Conseil. Je sais bien que tout se perd, mais c'est le Parlement qui détient la souveraineté du peuple : c'est nous qui faisons la loi. Puisque Mme le secrétaire d'État a des lettres…
Et un masque !
… qu'elle me permette de citer Bismarck : « On a peur de commettre un suicide par peur de la mort. » À force d'avoir peur du Conseil constitutionnel, nous ne faisons plus la loi ; nous crions avant d'avoir mal. Le Conseil constitutionnel n'a d'ailleurs que la légitimité que lui donne la Constitution, celle que le pouvoir constituant lui a donnée.
Gardons-nous d'aller trop loin dans l'intériorisation de la servitude ! C'est un ancien élève d'une école administrative qui vous le dit : sachez ne pas écouter vos conseillers lorsqu'ils vous soufflent que c'est anticonstitutionnel, monsieur le rapporteur : libérez-vous de vos énarques, et faites la loi !
Sourires
Venant de vous, monsieur Aubert, c'est savoureux !
Nous avons déjà eu ce débat hier, mais je vais le redire : je n'ai pas peur du Conseil constitutionnel, je suis simplement attentif à sa jurisprudence, qui peut nous éclairer. Cela dit, il ne faut pas confondre la création d'une mission supplémentaire et celle d'un outil. Pour ce qui est de la consultation citoyenne, il s'agit clairement d'un outil servant à l'accomplissement des missions. L'amendement qui nous est ici proposé vise en réalité à confier une nouvelle mission au CESE, ce que la Constitution ne permet pas. C'est pourquoi je vous confirme mon avis défavorable.
L'amendement no 157 n'est pas adopté.
Cet amendement, qui constitue la variante d'un principe que j'ai déjà défendu et que nous avons rédigé en concertation avec l'association Démocratie Ouverte, propose qu'en amont d'une convention citoyenne, il soit publié une lettre de mission indiquant aux citoyens qui s'impliquent la question posée, mais aussi les suites législatives, réglementaires ou référendaires qui seront mises en oeuvre, ceci dans un souci de clarté.
Je comprends le sens de cet amendement et je partage la préoccupation qu'il exprime : c'est ce qui nous a conduits à rédiger le nouvel article 4-1-1 que nous insérons après l'article 4-1 de l'ordonnance no 58-1360 du 29 décembre 1958 : il offre des garanties en termes de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité – des garanties qui se trouveront renforcées par un amendement que nous examinerons prochainement, portant sur la nomination de garants. En tout état de cause, l'objet de la lettre de mission que vous proposez se retrouvera dans l'information garantie aux participants ; ce n'est certainement pas dans le projet de loi organique qu'une telle disposition a vocation à figurer.
Le procédé de la lettre de mission ne me paraît pas adapté aux consultations et participations du public prévues par le projet de loi. En effet, les suites de ces consultations se matérialisent avant tout par l'avis du CESE. Or, celui-ci n'étant investi ni du pouvoir législatif, ni du pouvoir réglementaire, ni du pouvoir référendaire, il lui est difficile de s'engager sur les suites concrètes qui seront données à une consultation. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Cet amendement est porteur d'une grande ambiguïté et va complètement à l'encontre de ce que nous souhaitons. Certes, l'idée d'une lettre de mission est séduisante dans l'objectif d'apporter plus de clarté quant aux suites données à une consultation. Cependant, la suite donnée à une consultation, autrement dit ce qui en est attendu, c'est précisément l'avis du CESE ! Celui-ci n'a aucunement vocation à se transformer en « pré-législateur », en législateur de second ordre, possible ou hypothétique.
Je ne suis pas opposé à ce que le CESE voie son rôle consultatif évoluer et éventuellement se trouver renforcé, mais chacun doit s'en tenir à sa mission : le CESE n'est ni une troisième chambre, ni une assemblée – ce n'est pas le rabaisser que de rappeler ses véritables prérogatives – et chacun doit rester à sa place. Selon moi, cet amendement porte en lui les germes d'un dépassement des compétences du CESE que nous ne souhaitons pas et qui, à, périmètre constitutionnel constant, pourrait poser problème. En tout état de cause, la frontière entre les compétences des uns et des autres doit rester fermement tracée.
Notre amendement était un amendement d'appel et je suis sensible aux arguments du rapporteur, qui nous indique que notre proposition sera de toute façon prise en compte dans un autre cadre. Je voulais surtout insister sur la nécessité qu'il y ait une réponse donnée aux consultations du public, qui vont se multiplier dans les années à venir et qui ne doivent pas rester lettre morte. Actuellement, de nombreuses instances émettent des avis qui ne sont pris en compte ni par le législateur, ni par le Gouvernement, et je crains que les conventions citoyennes ne suivent le même chemin. Je retire mon amendement, mais je défendrai dans mes prochaines interventions l'idée qui le sous-tend.
L'amendement no 161 est retiré.
Nous proposons d'insérer, après l'alinéa 4, l'alinéa suivant : « Lorsqu'il recourt à la procédure de tirage au sort pour déterminer les participants d'une consultation publique, le Conseil demande à la Commission nationale du débat public de nommer un ou plusieurs garants tenus à une obligation de neutralité et d'impartialité. Ces garants veillent au respect des garanties prévues par le présent article. » La mise en place de garants vise à assurer la parfaite neutralité et l'impartialité du processus de consultation publique, et permettra de garantir au Conseil une expertise complémentaire et indépendante.
Cet amendement constitue l'aboutissement de l'accord que nous avons trouvé avec le rapporteur afin de donner un rôle à la CNDP dans le cadre des consultations publiques, tenant compte du savoir-faire de cette instance en matière de démocratie participative et d'organisation des débats. Il vise à garantir l'indépendance des travaux des conventions citoyennes que nous avons appelées de nos voeux, et je suis très heureuse que nous soyons parvenus à ce point d'équilibre.
Cet amendement vient compléter le dispositif extrêmement important que nous avons voté en commission. Il répond à la préoccupation exprimée par bon nombre de commissaires aux lois et de personnes auditionnées par la commission, à savoir assurer le respect des garanties mises en place par la rédaction de l'article 4-1-1 de l'ordonnance de 1958.
Le contrôle doit reposer sur des garants indépendants, qui pourront également faire des propositions à l'adresse des organisateurs de la consultation – ce qui répond aux préoccupations des acteurs de la société civile travaillant sur les consultations citoyennes. Si nous avons choisi la CNDP, c'est qu'elle nous a semblé être la bonne institution compte tenu de son rôle consistant à donner des conseils en matière de consultation publique, et du fait qu'elle a déjà la possibilité de nommer des garants dans le cadre de ses missions.
Ne pas préciser qui nomme les garants reviendrait à laisser au CESE le choix d'en décider, ce qui n'est pas souhaitable au regard du principe d'indépendance que nous nous efforçons de garantir. Cela enverrait un signal négatif sur la qualité des consultations qui pourraient être organisées par le CESE, alors même qu'un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'engager cette procédure. L'absence de la précision prévue par cet amendement pourrait constituer la pierre d'achoppement de l'ensemble du dispositif prévu par le projet de loi. C'est pourquoi je souhaite vivement qu'il soit adopté.
Je crains fort que nous n'achoppions, monsieur le rapporteur… Si le Gouvernement est évidemment sensible à l'objectif consistant à garantir l'indépendance de la procédure de tirage au sort, les amendements proposés ne lui semblent pas opportuns. Prévoir que le CESE demande à la Commission nationale du débat public de nommer des garants pour organiser la procédure de tirage au sort revient, quoi qu'on en dise, à créer une forme de rapport d'autorité entre la CNDP et le CESE, en faveur de la première – un rapport hiérarchique qui nous semble d'autant plus inapproprié que la CNDP a été créée par la loi, alors que le CESE est prévu par la Constitution.
Par ailleurs, les principes de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité sont clairement affirmés par le nouvel article 4-1-1 de l'ordonnance de 1958. J'ajoute, enfin, que le CESE, de par sa composition et son fonctionnement, présente également des garanties d'indépendance, qu'il a démontrées à l'occasion de l'organisation de la convention citoyenne pour le climat. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Si ces amendements peuvent sembler intéressants à première vue, je ne suis pas sûre que leur adoption soit opportune dans le cadre du dispositif que nous examinons. On ne peut pas dire que la CNDP ait montré jusqu'à présent qu'elle possédait la vitalité et l'agilité nécessaires au débat public – il est même permis de penser que si nous étions dans le cadre d'une réforme constitutionnelle, nous serions peut-être en train de débattre de l'opportunité de maintenir cette instance…
Une trop grande lourdeur du dispositif n'a rien qui puisse nous aider à aller dans le sens de cette agilité absolument nécessaire au renforcement de la participation citoyenne : ce n'est pas en créant un millefeuille institutionnel où les institutions seraient censées garantir mutuellement leur indépendance que nous atteindrons les objectifs que nous nous sommes fixés.
Enfin, je rappelle que le CESE ne nous a pas attendus pour être une institution indépendante : faire en sorte de conjuguer, dans le respect des principes d'indépendance et d'impartialité, les intérêts et les aspirations de différentes parties, c'est son ADN ! Le groupe LaREM votera donc contre ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je n'ai pas pu m'exprimer tout à l'heure, mon amendement no 192 étant tombé. Le rapporteur, avec raison, a pris soin de préciser que le tirage au sort n'était que l'une des possibilités offertes au CESE pour recourir à la consultation du public. C'est pourtant cette procédure que le texte entend encadrer le plus, ce qui est contradictoire et tend à lui conférer une importance particulière. Si l'on veut permettre aux citoyens qui n'ont d'autres qualités que d'être des citoyens de s'exprimer, loin des débats d'experts et des débats politiques, il faut s'en tenir à un tirage au sort strict, en utilisant les listes électorales, comme on le fait par exemple pour les jurés de cours d'assises. Mais dès lors qu'il y a panélisation, on ne peut plus parler de tirage au sort. De deux choses l'une : soit l'on s'en tient au sort, au sens grec ou romain du terme, et il n'y a pas d'encadrement ; soit il y a panélisation, et je mettrai à profit la navette pour que les termes de « tirage au sort » soient supprimés.
Un vrai problème juridique se pose : il me paraît difficile d'établir un rapport de dépendance, sinon un rapport hiérarchique, entre un organe d'essence constitutionnelle et un organe qui n'émane que de la loi. Le premier ne peut être supprimé qu'au prix de procédures complexes, à l'inverse du deuxième, car ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire. Je ne dis pas que les jours de la CNDP sont comptés, mais tout de même…
À cela s'ajoute un problème de cohérence. La réforme, me semble-t-il, tend à définir un bloc de consultations destinées à recueillir des avis de la société civile par le biais du tirage au sort ou de modalités de représentation institutionnelles – branches professionnelles, syndicats, etc… Si le CESE devait demander à la CNDP de désigner des garants et qu'en plus, un comité de pilotage était institué, cela rendrait le système extrêmement confus. N'allons pas trop loin : j'entends bien qu'il faille de la neutralité et de l'impartialité, mais il faut aussi de l'exemplarité, de l'intelligibilité…
Quand une région demande l'avis de la CNDP, des garants sont nommés mais cela n'implique aucun rapport hiérarchique. Vous confondez deux choses, monsieur Gosselin.
Qu'est-ce qui a fait le succès de la convention citoyenne ? Le comité de gouvernance et les garants. Toutes les personnes qui, en France et à l'étranger, s'intéressent à ce type d'expérimentation démocratique s'accordent pour dire que cela ne peut pas fonctionner sans garants. Si nous nous en passons, nous inscrirons dans la loi une injonction qui restera sans effet.
Je comprends vos réticences à l'égard de la CNDP – autorité administrative indépendante qui ne figure pas dans la Constitution, précisons-le – , j'entends les critiques de certains, mais j'estime qu'elle fait un travail remarquable. Il est arrivé que le CESE organise des consultations citoyennes sans garants, mais elles se sont mal passées : elles sont apparues illégitimes et insincères. Nous devons encadrer de manière souple et agile ces expérimentations qui apporteront beaucoup à notre démocratie.
Il s'agit de prévoir que les résultats des consultations organisées par le CESE fassent l'objet d'une publication distincte de celle de ses avis.
L'amendement no 212 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 88 .
Notre amendement vise à s'assurer que les présidents des deux chambres transmettent les résultats des consultations aux parlementaires.
Votre amendement est satisfait. Les avis sont publics. Ils sont consultables sur le site du CESE, qui prend en outre soin, depuis peu, de les envoyer directement aux parlementaires.
L'amendement no 88 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
Il s'agit ici de calquer le fonctionnement du CESE sur celui de l'Assemblée nationale ou du Sénat, par souci de parallélisme.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 200 .
On ne cesse de répéter depuis le début de la discussion, et il me semble que cela fait consensus, que le Conseil ne doit pas devenir une troisième chambre, qu'il ne saurait y avoir de confusion entre la représentation nationale et une institution destinée à appuyer la décision publique et à renforcer le débat public. Je suis donc opposé au changement de dénomination des « sections » du CESE en « commissions permanentes », terme utilisé au Parlement et dans les assemblées départementales, qui tirent leur légitimité du suffrage universel. C'est une simple question de sémantique, mais le symbole a souvent son importance.
Le terme de « commission » n'est pas réservé aux assemblées élues. Il est aussi utilisé dans les entreprises, les associations. Le terme ancien de section renvoie davantage à une organisation administrative. Il ne correspond plus à la réalité du travail du CESE. Ce changement de dénomination n'implique pas un changement de légitimité.
Je salue le souci de précision dont fait preuve M. Brindeau dans ses amendements. La sémantique a une importance majeure quand on écrit la loi. Mais ce terme de « commission » ne me semble pas introduire de confusion. Il correspond à une volonté de simplifier l'organisation de cette instance au profit d'un système plus lisible. Avis défavorable.
L'amendement no 200 n'est pas adopté.
L'amendement no 222 de la commission est un amendement de coordination.
L'amendement no 222 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 276 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 22 .
Il s'agit de supprimer l'alinéa 3. Le recours à la procédure simplifiée risque d'infléchir le principe de représentativité du CESE et donc de dénaturer sa vocation.
Cette procédure simplifiée permettra au CESE de donner des avis beaucoup plus rapidement. La réforme du règlement de notre assemblée montre qu'une telle démarche porte ses fruits. Et ce dispositif a été adopté par le Sénat depuis longtemps. Citons l'étude d'impact : l'objectif de cette procédure d'urgence est de « contribuer à la rénovation du CESE, en évitant que les autorités susceptibles de le consulter renoncent à le saisir parce qu'il ne serait pas en mesure de se prononcer dans de brefs délais. » Nous savons en effet que certaines réticences s'expliquent par l'impression que le CESE rend ses avis avec retard, ce qui n'est pas toujours vrai.
L'amendement no 22 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 233 .
Soit dit en passant, cet amendement aurait presque pu être soumis à discussion commune. Son objectif est de limiter, pour les raisons déjà évoquées, le recours à la procédure simplifiée. L'Assemblée nationale y recourt ; le Sénat aussi, de temps en temps ; mais je dois reconnaître que cette procédure, accélérée et parfois quelque peu bâclée, n'est pas toujours celle qui sied le mieux à l'opposition ni, tous bords confondus, au traitement de certains sujets. Travailler sereinement, dans de bonnes conditions, nécessite de ne pas confondre vitesse et précipitation.
Pour la même raison, il est défavorable.
L'amendement no 233 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 21 .
Je rebondis sur ce que vient de dire Philippe Gosselin : la procédure simplifiée s'est un peu trop banalisée au sein de l'Assemblée. Puisque vous souhaitez la conserver s'agissant du CESE, cet amendement vise à empêcher l'ingérence du Gouvernement dans le recours à cette procédure. En effet, la rédaction de l'article 5 pourrait laisser croire que, même lorsque l'avis est le fruit d'une auto-saisine du CESE, le Gouvernement aurait la possibilité de décider seul de recourir à la procédure simplifiée.
Cela correspond au droit en vigueur. Nous n'inventons rien : nos débats en commission, puis en séance, auront mis en évidence ce qui était déjà l'intention du législateur. Il n'est donc pas nécessaire d'adopter cet amendement. Je demande son retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je souscris entièrement aux propos du rapporteur. Votre engagement, madame Ménard, me conduit toutefois à préciser que nous pouvons d'ores et déjà vous rassurer au sujet d'une éventuelle ingérence du Gouvernement dans le fonctionnement du CESE. L'article 6 de l'ordonnance du 29 décembre 1958 relative au CESE stipule clairement que son bureau peut recourir à une procédure simplifiée « à la demande du Gouvernement ou de l'assemblée parlementaire à l'origine de la consultation ». La modification du texte que vous proposez n'a donc ni pour objet ni pour effet d'empêcher une ingérence.
Enfin, pour dissiper vos dernières inquiétudes, la décision finale en matière de recours à la procédure simplifiée appartient toujours au CESE. Encore une fois, aucune ingérence du Gouvernement dans les travaux du CESE n'est à craindre. Par conséquent, avis défavorable.
L'amendement no 21 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l'amendement no 182 .
Cet amendement vise à étendre le délai dont disposera la commission compétente pour émettre un projet d'avis. Afin que celui-ci soit plus nourri, passer de deux à trois semaines serait raisonnable.
Je comprends cette préoccupation, car elle a été exprimée par certains acteurs du CESE. Compte tenu de leur organisation actuelle, deux semaines représentent très peu de réunions de travail pour ces commissions. Un certain nombre de leurs membres m'ont dit qu'une troisième semaine entraînerait une réelle différence dans la qualité des avis. Par conséquent, avis favorable.
Madame Florennes, vous entendez rétablir un délai de trois semaines dans le cadre de la procédure simplifiée. Le délai de deux semaines que propose ce texte paraît tout de même assez raisonnable pour que le CESE soit en mesure de se prononcer dans de bonnes conditions, et cette accélération de la procédure permettra d'accroître l'efficacité du CESE, ce qui est l'objectif que nous poursuivons tous. Avis défavorable.
L'amendement no 182 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l'amendement no 178 .
Cet amendement, élaboré de concert avec le mouvement associatif, vise à ce que la parole des associations soit bien prise en compte. Nous proposons donc de compléter la deuxième phrase de l'alinéa 3 de l'article 5 par ces mots : « et, après approbation, le transmet au bureau pour sa validation ».
En effet, la validation in fine du projet d'avis par le bureau garantirait qu'il soit soumis à des représentants de toutes les composantes du CESE, alors que la taille de certains groupes n'est pas suffisante pour qu'ils soient systématiquement représentés dans les commissions au moment des travaux. De ce fait, l'avis adopté en commission ne peut être considéré comme adopté par l'ensemble du CESE.
Vous souhaitez introduire une nouvelle étape dans la procédure d'adoption des avis, en contradiction avec l'objet même de cette réforme. En outre, le CESE ne recourt pas toujours à la procédure simplifiée. Vous compliquez les choses alors que le CESE a besoin d'aller plus vite et que nous allons le lui permettre. La procédure simplifiée fonctionne bien ; nous le constatons, à l'Assemblée, au sujet d'un certain nombre de textes qui ne nécessitent pas un débat en assemblée plénière. Avis défavorable.
Cet amendement a été doublement soutenu, puisque Mme Rilhac s'était également proposée pour le faire. Néanmoins, avis défavorable.
L'amendement no 178 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 234 .
Si l'on admet une procédure simplifiée, il faut qu'un minimum de membres du CESE puisse demander un vote en assemblée plénière. Le projet de loi organique fixe ce seuil à un tiers des membres. Étant donné que leur nombre va diminuer, étant donné que nous allons rendre plus courant le recours à la procédure simplifiée, il serait normal, souhaitable et démocratique qu'un nombre plus restreint de ces membres – ce qui, en réalité, donne lieu à davantage de possibilités – puisse demander que l'ensemble du CESE s'exprime. Cela reviendrait à faire plus, d'une manière différente, à permettre une écoute plus forte et plus attentive.
Ce serait contre-productif. La méthode de travail du CESE repose sur le consensus ; donner ce pouvoir à quinze membres, ce serait le donner à certains des groupes composant le CESE, qui seraient ainsi en position de force par rapport aux autres. En revanche, le seuil d'un tiers suppose un certain consensus pour ne pas aller trop vite, pour soumettre le sujet en cause à l'assemblée plénière. Cet amendement ne va pas dans le bon sens et ne s'inscrit pas dans l'esprit du fonctionnement du CESE. Avis défavorable.
Je partage entièrement l'avis du rapporteur sur le fond de cet amendement. J'ajouterai qu'en termes de profondeur, son contenu relèverait plutôt du règlement ou du décret que de la loi organique. Avis défavorable.
L'amendement no 234 n'est pas adopté.
Cet amendement de forme vise à instaurer un délai de dix jours ouvrés pour la transmission, par le CESE, de ses avis définitifs. Nous devrions d'ailleurs contraindre aussi d'autres organes à transmettre leurs rapports ou leurs avis en instaurant des délais.
Ce n'est absolument pas nécessaire : les avis sont publiés sur le site du CESE. Avis défavorable.
L'amendement no 277 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je sais ce que répondra M. le rapporteur, mais cet amendement vise à assurer la publicité des avis du CESE transmis au Premier ministre, au président de l'Assemblée nationale ou au président du Sénat. Depuis le début de l'examen de l'article 5, nous débattons sur ce point. M. le rapporteur nous assurera que ces avis sont bien publiés. Cependant, afin de répondre à notre préoccupation, mieux vaudrait le graver dans le marbre de la loi.
Comme s'en doute Mme Avia, il sera défavorable.
L'amendement no 167 n'est pas adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
Les auteurs de cet article souhaitent reconnaître le CESE comme instance consultative de premier plan : lorsqu'il sera consulté au sujet d'un projet de loi, le Gouvernement devra s'abstenir de procéder aux autres consultations habituellement prévues. Ce dispositif reléguerait de facto au second plan les autres instances, de l'avis desquelles on pourra désormais se passer. Ce n'est évidemment pas souhaitable. Le CESE doit rester une simple assemblée consultative. C'est pourquoi je demande la suppression de l'article 6.
J'aimerais comprendre l'objectif et l'enjeu de cet article. Dans l'étude d'impact, dans l'avis du Conseil d'État, on voit que le Gouvernement n'a pas donné de liste précise des avis dont il pourrait se passer s'il saisissait le CESE. Il est même dit que se dispenser de ces autres avis pourrait inciter le Gouvernement à recourir davantage au CESE, histoire de donner du travail à celui-ci. Je résume à grands traits, mais telle est bien l'idée qui ressort des documents que l'on nous a fournis au sujet de l'article 6.
À mon avis, nous pouvons nous permettre une complémentarité en la matière ; nous pouvons nous permettre que le Gouvernement sollicite les organismes qu'il a obligation de consulter lorsqu'il élabore tel ou tel texte, et qu'il ait en prime l'avis du CESE. La pluralité des avis n'est pas si grave que cela : elle contribuerait plutôt à nous éclairer. Ce serait plus intéressant que de nous restreindre à l'avis du CESE, en vertu, d'ailleurs, d'arguments plutôt étranges : on nous dit qu'il faut que le CESE monte en charge ! S'il ne s'agit que de cela, ce n'est pas très subtil.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 126 .
En commission des lois, il avait été proposé qu'une liste des instances écartées par ce dispositif nous soit communiquée lors de l'examen du texte en séance publique.
Nous ne comprenons pas que l'on veuille se priver de l'avis d'instances spécialisées. Quid, par exemple, du Comité national de l'eau ou du Conseil national de la transition écologique, le CNTE ? Est-ce à dire qu'ils doivent disparaître à terme ?
Selon toute probabilité, en dépit des demandes insistantes sur de nombreux bancs, nos amendements ne seront pas adoptés. Nous, parlementaires, n'aurons alors plus d'autre recours que d'auditionner les représentants de ces instances. C'est un message que je leur adresse : qu'ils viennent nous trouver lors de l'examen des textes !
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 194 .
Nos collègues l'ont dit en substance : nous comprenons mal l'objectif de cet article qui, sous couvert de simplification, fait du CESE une sorte d'interlocuteur unique et obligatoire dans le cadre du processus législatif. On retombe dans la confusion que je m'efforce de dénoncer ; à défaut de nos têtes, il faut que nos textes y échappent. Je ferai seulement remarquer que l'étude d'impact associée à ce projet de loi organique est totalement lacunaire au sujet de ce dispositif, dont Cécile Untermaier vient pourtant d'évoquer les conséquences : un certain nombre d'instances nationales seront exclues des consultations à venir.
L'amendement no 235 de M. Éric Diard est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Je comprends que la rédaction initiale de cet article 6 ait suscité des craintes. En commission, j'avais prévenu que je demanderais sa suppression s'il restait en l'état. L'avis du Conseil d'État est clair : il s'y trouvait des lacunes.
Mme Dubré-Chirat et moi-même, ainsi que d'autres parlementaires, avons travaillé avec la Chancellerie à faire en quelque sorte atterrir cet article. Sa nouvelle rédaction exclut du dispositif les instances participant au dialogue social, ainsi que toutes celles où les collectivités territoriales sont représentées. En modifiant ainsi le texte, nous avons répondu à un grand nombre de vos interrogations.
Madame Untermaier, vous craignez pour le CNTE. J'ai regardé sa composition : les collectivités territoriales y sont représentées ; il n'est donc pas visé par cette subrogation. Nous disposons de la sorte d'un certain nombre de garanties. Pour autant, il serait bon qu'au cours de la navette parlementaire, le Gouvernement puisse nous fournir une liste un peu plus précise. Mais, je le répète, alors que j'étais au départ très sceptique vis-à-vis de cet article, notre réécriture, adoptée en commission, lui fait tenir la route. Par conséquent, avis défavorable.
Avis défavorable sur cette série d'amendements. Le Gouvernement entend néanmoins les inquiétudes, les questionnements et la requête du rapporteur, et s'engage à travailler cette question dans le cadre de la navette pour apporter les clarifications nécessaires en vue de la deuxième lecture du texte.
À l'appui des propos du rapporteur, je souligne que le travail réalisé en commission et avec le cabinet du ministre, ainsi que l'initiative de M. Gosselin, qui a présenté un amendement issu de l'AMF, l'Association des maires de France, et de Régions de France, l'association des régions de France, ont permis de clarifier cet article, qui s'inscrit pleinement dans une perspective de simplification et intègre des garanties, certes limitées mais néanmoins importantes, concernant certaines instances. Peut-être faudra-t-il s'assurer que la liste existante ne comporte pas d'oublis, mais cet article aura du moins évolué au cours de la négociation qui a eu lieu entre la commission et les différents acteurs concernés. Nous voterons donc pour cette amélioration de l'article 6 et contre les amendements de suppression.
La sagesse serait de supprimer cet article jusqu'à ce que nous disposions de tous les éléments qui nous permettront de nous prononcer. Dans l'étude d'impact, le Gouvernement explique que ce dispositif permettra de réduire le travail que représente pour les cabinets ministériels le fait de solliciter les organismes visés. C'est tout de même énorme ! Les organismes en question doivent en effet rendre un avis – c'est le cas de ceux qui sont évoqués dans l'exposé sommaire accompagnant les amendements de nos collègues, comme le Conseil national de l'air ou le Comité national de l'eau qui, dans des domaines particuliers, rendent des avis spécifiques et plus techniques que ceux que pourrait rendre le Conseil économique, social et environnemental, et qui peuvent en outre être complémentaires.
On entend déjà la petite musique. Depuis tout à l'heure, je fais des allers-retours entre l'hémicycle et la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, et je pressens qu'on ne tardera pas à nous dire que tel conseil dont la saisine préalable était jusqu'à présent obligatoire n'a plus être saisi puisque c'est désormais le CESE qui le sera, et qu'il faut donc supprimer ce machin. Voilà comment on supprime des commissions qui rendent pourtant des avis techniques éclairés et qui pourraient peut-être mettre en lumière des dysfonctionnements, des problèmes susceptibles de déranger une majorité ou un gouvernement.
Ne nous racontez donc pas qu'il s'agit de donner plus de travail au Conseil économique, social et environnemental, comme le prétend l'étude d'impact du Gouvernement. La sagesse voudrait que le CESE rende certes des avis, mais qu'ils viennent s'ajouter à ceux qui sont déjà rendus actuellement, afin d'éviter une concurrence, une compétition entre les avis rendus, et de créer une véritable complémentarité.
Je salue le travail de coconstruction que nous avons tous essayé de faire sur cet article 6 – vous évoquiez tout à l'heure, madame Dubré-Chirat, le travail réalisé avec les propositions de l'AMF, de l'Assemblée des départements de France et de Régions de France, qui visaient notamment les compétences du Comité des finances locales et du Conseil national d'évaluation des normes. Il est nécessaire de conserver pour les collectivités territoriales des organes de consultation qui ont fait leurs preuves. Personne ne prétend cependant qu'il faille garder tous les « comités Théodule » existants. Sans leur faire offense, il faut reconnaître qu'on ne peut pas à la fois les garder et renforcer, comme cela peut sembler légitime, le rôle du CESE. Il faudra donc trouver le juste milieu.
Au moins, à ce stade, les collectivités ont-elles été entendues et ont-elles obtenu satisfaction. La navette viendra enrichir les débats et les propositions, et je fais confiance au Sénat, grand conseil des communes de France, pour préciser certains éléments en la matière. Peut-être suis-je mal placé pour le dire – même si nous avons sauvé ce que nous devions sauver – , mais nous devons nous garder du travers consistant à allonger une liste qui doit rester limitative. De fait, une liste expansive viendrait contredire ce que nous affirmons par ailleurs. Un vrai travail de réécriture de l'article 6 s'impose.
L'article 6 est adopté.
La parole est à Mme Catherine Kamowski, première inscrite sur l'article 7.
L'article 7 de ce projet de loi organique propose de réduire le nombre des membres du CESE, afin de rendre à ce dernier souplesse et efficacité dans son rôle constitutionnel. Le nombre de ses membres passerait donc de 233 à 175, essentiellement par la suppression de la catégorie des « personnalités qualifiées », dont le choix et la désignation relevaient jusqu'à présent davantage du fait du prince que de la juste représentation des corps intermédiaires.
Comme précédemment, les modalités de présentation et de désignation de ses membres par les organisations et les associations seront définies par un décret en Conseil d'État. Nous en espérons un renouvellement et une modernisation du dialogue indispensables à l'intérieur de la société française pour éclairer la décision publique.
Nous avons tout particulièrement veillé à ce que soit assurée la représentation des outre-mer, composante essentielle de la République dans sa diversité, comme nous avons veillé à ce que la parité hommes-femmes dans la composition finale du Conseil soit approchée. Cela paraît évident, mais la précision est toujours utile.
Enfin, nous proposons de permettre au CESE, dans le cadre des règles ici définies, de proposer avant chacun de ses renouvellements des évolutions de sa composition, avec la création d'un comité où les parlementaires seront largement présents. Cette souplesse est bienvenue, car le CESE pourra ainsi tenir compte des évolutions de la société française.
Pour finir, cet article modernise la représentation du CESE en fixant les grands équilibres propres à assurer la présence des grands courants de notre société dans le processus de la décision publique afin d'éclairer encore mieux l'État, le Gouvernement, le Parlement et les administrations dans la conduite des affaires publiques.
Nous en arrivons à l'article 7 de ce projet de loi organique, qui fixe la composition du Conseil économique, social et environnemental. Mes collègues représentant les outre-mer et moi-même formulerons plusieurs propositions pour assurer une meilleure représentation de nos territoires dans cette institution. Je souhaite réellement que cette représentation, qui donnera de la visibilité à chaque territoire d'outre-mer au sein du Conseil, soit maintenue. Il y va en effet de la visibilité de nos territoires et de nos populations, ainsi que de la prise en compte de nos spécificités et de nos problématiques locales dans les travaux du CESE. C'est essentiel, car nous avons besoin de tous les territoires. Ce débat a eu lieu dans le cadre de l'examen du texte en commission avec Mme Maina Sage et nous allons pouvoir le poursuivre avec nos différents amendements.
Je tiens à consacrer un focus tout particulier aux outre-mer. En effet, si la réforme vise à une représentation aussi large que possible, elle n'évoque pas les territoires en tant que tels. Or, un département ou une région de la France hexagonale ou continentale ne saurait se comparer avec un territoire d'outre-mer, quel qu'en soit le statut. Ainsi, la Polynésie, dont le territoire est aussi vaste que l'Europe – même si la partie immergée de cette dernière est évidemment beaucoup plus limitée – n'a rien de commun avec un département métropolitain, qu'il soit beau comme la Manche ou qu'il le soit moins, comme d'autres dont je tairai les noms. La Guyane, où nous nous trouvions en mission voilà peu avec Mme la présidente de la commission des lois, est un département français grand comme le Portugal ou l'Autriche, et les enjeux n'y sont pas les mêmes qu'ailleurs. Il est donc important de porter une attention particulière à nos compatriotes ultramarins et de veiller à ce que les territoires et leur diversité, qui totalisent en outre – et ce n'est pas rien ! – 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, soient représentés. Nous devons garder à l'esprit que cette attention n'est pas la même que celle que nous pouvons porter à un département ou une région de la France continentale. Différentes propositions ont été formulées à cet égard, mais il importe d'envoyer ce message, et il faut aussi qu'il soit reçu et pris en compte.
Nous en venons aux amendements à l'article 7.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement no 279 .
Vous aurez compris que la proposition que je vais exposer n'est pas partagée par les membres de mon groupe ni par ma famille politique. À titre personnel, cependant, je crois à la force d'une bonne représentation citoyenne par tirage au sort. Ma proposition, que je crois audacieuse et moderne, permet d'enrichir la démocratie.
Je propose d'aller plus loin que ce que prévoit la consultation citoyenne ponctuelle en transformant le CESE, dont une moitié des membres seraient désormais, à titre permanent, des citoyens tirés au sort sous l'égide du Conseil constitutionnel. J'ai l'intime conviction que cette formule nous ferait entrer dans le XXIe siècle et permettrait de répondre aux attentes citoyennes de nos populations.
Je me fonde, à cet égard, sur mon expérience d'élu local. Ma commune dispose en effet, outre le conseil municipal légitime, démocratiquement élu, de diverses instances et outils tels que des conseils de quartier ou de développement, pour lesquels nous avons systématiquement fait appel à des citoyens choisis par tirage au sort pour la durée du mandat. C'est très enrichissant pour la démocratie locale.
Vous aurez compris que je suis, moi aussi, plutôt favorable au tirage au sort, mais il s'agit ici d'un complet changement de nature. Il est tout à fait légitime de porter cette idée, qui participe au débat, mais le modèle proposé est bien différent du tirage au sort lié à la participation de citoyens à une convention citoyenne ou à une consultation particulière sur un sujet spécifique et pour une durée brève et déterminée. Choisir une personne par tirage au sort pour une durée de cinq ans et pour traiter de sujets nationaux qui exigent un travail très important revient en quelque sorte à institutionnaliser cette personne et à lui conférer une légitimité différente de celle qui échoit à celles qui sont tirées au sort pour une simple convention citoyenne. Ce n'est pas du tout la même chose.
À cela s'ajoute une question pratique : comment feront ces citoyens tirés au sort ? En effet, le travail du CESE n'est pas de la même nature que la participation à une commission extra-municipale de votre commune, qui ne se réunit pas chaque semaine, voire plusieurs fois par semaine.
Il existe un risque réel d'institutionnalisation de ces personnes tirées au sort, ce qui leur ferait perdre, par là même, leur fraîcheur de citoyens n'appartenant pas au sérail de ceux qui prennent les décisions politiques.
Le tirage au sort de citoyens pour le CESE serait contre-productif : des tirages au sort ponctuels me semblent préférables, comme ils semblent préférables aux grands défenseurs de la démocratie participative, notamment universitaires, qui ne sont pas favorables à des tirages au sort pour toute la durée d'un mandat. Avis défavorable à l'amendement, même si j'en comprends le principe – celui-ci, toutefois, est plus pertinent au plan local.
Il s'agit, monsieur Pauget, d'un amendement chamboule-tout, puisqu'il viendrait bouleverser l'équilibre qui préside à la nouvelle composition du CESE. Comme le rapporteur, je ne peux y être que défavorable, principalement parce que la réduction de 25 % de l'effectif des membres du CESE pour parvenir à 175 permet une représentation équilibrée des forces économiques, sociales et environnementales, tout en respectant l'engagement du Président de la République.
Je note toutefois – je suis sincère – que les avis au sein de votre groupe sont, sinon divergents, du moins différents, ce qui est enrichissant. Vous souhaitiez aller beaucoup plus loin : je ne l'oublierai pas. Avis malheureusement défavorable.
Je ne disais pas cela pour vous : je pensais plutôt à M. Aubert.
L'amendement suivant, le no 291, que je défends en même temps, concerne la notion de citoyenneté, que nous avons évoquée hier soir : elle y est supprimée.
Il ne faut pas avoir peur du peuple : il faut au contraire lui faire confiance et s'en inspirer.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cela a déjà été souligné : les jurés des cours d'assises sont tirés au sort, alors qu'un procès peut parfois durer longtemps. Or on a trouvé, en matière judiciaire, une manière moderne de faire face à une durée longue. Un pays comme la France doit être en mesure d'assurer, pour une instance comme le CESE et pour toute une mandature, la participation de citoyens par tirage au sort. Je ne proposerais pas un tel outil pour une représentation véritablement démocratique – la représentation nationale.
J'ai bien conscience d'avoir déposé un amendement « chamboule-tout » : la réponse ne sera pas apportée aujourd'hui. Je tenais toutefois à prendre date en ouvrant le débat, afin que nous recourions un jour à ce type d'outil démocratique.
Comme M. Pauget, ma vision à ce sujet diffère de celle de mon groupe, du rapporteur et du Gouvernement. Nous passerons à côté de la réforme si nous ne modifions pas davantage la composition du CESE. Certes, le texte réduit le nombre de ses membres, mais cela ne suffit pas à moderniser sa composition. Si je ne suis pas entièrement d'accord avec l'amendement de M. Pauget, il a le mérite d'ouvrir le débat : nous devons, avant la nouvelle lecture du texte, travailler sur ce sujet ambitieux.
Je préférerais une moindre réduction du nombre des membres du CESE, à condition qu'on prévoie l'entrée en son sein – puisqu'un équilibre a été trouvé avec le président et les membres du CESE, ce que je peux comprendre – de nouvelles catégories désignées de manière nouvelle. Ce serait un signe de cette modernisation de l'institution que M. Pauget appelle de ses voeux.
L'amendement no 279 n'est pas adopté.
L'amendement no 291 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'ai déposé plusieurs amendements qui visent à changer la composition du CESE proposée dans le texte. Ce premier amendement tend à représenter à égalité toutes les catégories.
Il est vrai qu'historiquement – cela est compréhensible – les représentants des syndicats salariés et patronaux ont eu un poids prépondérant par rapport aux autres représentants. Mais aujourd'hui, une plus grande diversité préside à la manière de s'engager dans la société civile organisée, notamment par le biais d'associations ou dans le cadre du travail mené au plan social. Ces nouvelles formes d'engagement ont toute leur place au sein du CESE : c'est la raison pour laquelle je propose une répartition égalitaire entre les différentes catégories qui y seront représentées.
Nous examinons bien, en ce moment, l'amendement no 257 .
Nous sortirions alors complètement et de l'esprit du CESE et de l'esprit de la réforme, qui est de redonner de la force, voire du dynamisme à l'organisation de la société civile – tel est l'objet de toutes les dispositions que nous avons adoptées – , tout en faisant de l'institution le carrefour de la participation citoyenne, mais pour des périodes données sur des sujets précis.
Le risque, en institutionnalisant les personnes tirées au sort, ne serait-il pas de les pourvoir d'une trop grande légitimité ? Ce serait un changement complet de paradigme, voire un chamboule-tout, comme l'a souligné Mme la secrétaire d'État.
Je suis malheureusement défavorable à l'amendement, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur. Il reviendrait à mettre en place des tirés au sort professionnels qui seraient intégrés directement au CESE pour avoir participé à un consultation publique. Tel n'est pas l'esprit du texte, dont l'équilibre serait ainsi mis à mal. Avis défavorable.
M. le rapporteur a raison : je n'ai pas défendu le bon amendement, ce que je vais faire en quelques mots – d'autant que j'y suis très attaché.
L'amendement no 257 vise à donner la possibilité au CESE d'intégrer, en sus des membres désignés selon l'équilibre prévu dans le texte, des membres permanents choisis parmi les participants aux consultations du public définies à l'article 4 du projet de loi. Reconnus par leurs pairs pour la qualité de leurs travaux, ils seraient élus au nombre de deux, trois ou quatre parmi les 150 ou 200 participants des futures conventions citoyennes. Donner la possibilité à une personne tirée au sort, qui a donné six mois de son temps pour travailler sur un sujet, de poursuivre son engagement au sein du CESE, permettrait de reconnaître l'utilité de ces conventions, tout en apportant une plus grande diversité à l'institution.
L'amendement no 257 n'est pas adopté.
Je ne m'en suis pas cachée au cours de la discussion générale : la meilleure réforme du CESE me paraîtrait être sa suppression. À défaut, j'aimerais en diminuer encore le nombre de membres, pour en améliorer le rapport coût-efficacité. Tel est le premier objet de cet amendement.
Il vise également à créer au sein du CESE une cinquième catégorie, qui est oubliée : celle des retraités, qui se sont sentis floués ou mis sur la touche, au début du quinquennat de M. Macron, en raison de l'augmentation de la CSG qui les a frappés de plein fouet. Or les retraités représentent le quart de la population française. Prévoir des représentants des associations de retraités au sein du CESE serait une façon élégante de rétablir l'équilibre en leur faveur.
La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour soutenir l'amendement no 144 .
C'est vrai, les retraités sont les grands oubliés de ce projet de loi, alors qu'ils sont 17 millions et représentent 14 % du PIB. Ils ont donc toute leur place au sein du CESE : il convient, à cette fin, de modifier sa composition.
Nous avons déjà débattu, hier, de la question des retraités, qui est légitime. N'oublions pas toutefois que le CESE a vocation à représenter la société civile organisée, qui comprend les salariés – ce que, par définition, ne sont plus les retraités – , le secteur économique, celui de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, et des représentants des associations environnementalistes.
Il est possible d'imaginer que, dans le cadre de la troisième catégorie, le tableau qui sera alors dressé de la société civile lors du renouvellement fasse une place à des représentants des retraités. Il ne convient pas, toutefois, d'inscrire une telle disposition dans le texte. Avis défavorable aux deux amendements.
Madame Ménard, le Gouvernement ne peut être que défavorable à la réduction à 117 du nombre des membres du CESE et à la création d'une cinquième catégorie, celle des représentants des associations de retraités. La réduction de 25 % du nombre des membres du CESE pour parvenir à 175, divisés en quatre catégories, assure, me semble-t-il, un bon équilibre.
Je crois savoir, de plus, pour vous avoir écoutée avec attention hier, que vous prévoyez, comme Mme Kéclard-Mondésir, une représentation des retraités que je trouve quelque peu étrange. Comme le rapporteur l'a souligné, l'âge des membres du CESE n'étant pas défini par le texte, un grand nombre d'entre eux peuvent déjà être retraités. Si nous commençons à raisonner par tranche d'âge, il faudrait également prévoir une représentation des jeunes, des moyennement jeunes, des jeunes retraités, des vieux retraités, au risque de faire du CESE une chambre des catégories socio-professionnelles – CSP.
Avis défavorable aux deux amendements.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, permettez-moi d'être étonnée, tant par vos réponses que par les arguments développés par le rapporteur ! Il ne s'agit pas de créer une catégorie socio-professionnelle : si les retraités sont effectivement déjà représentés par le biais des associations, il forment tout de même une catégorie pleine et entière, qui participe à l'activité économique du pays…
Tout à fait.
… tout autant que les salariés ! Ne serait-ce qu'en termes bassement matériels, comme le pouvoir d'achat, c'est une catégorie que l'on ne peut mettre de côté, d'autant qu'avec le vieillissement de la population en France, son effectif va croissant. On ne peut donc balayer cette proposition d'un revers de main, en disant que dans ce cas, il faut prévoir une catégorie pour les jeunes et une pour les vieux : ce n'est pas en ces termes que la question se pose.
Les retraités sont pleinement acteurs de notre vie, et comme l'espérance de vie ne cesse d'augmenter, il y a, de fait, de plus en plus de retraités qui sont partie prenante de l'activité économique et sociale en France. Ce n'est pas parce que l'on est retraité que l'on ne fait plus rien ! En outre, beaucoup de retraités continuent de travailler – même si c'est parfois un choix, c'est hélas souvent par nécessité. Il me semble donc qu'ils constituent une réelle catégorie, comme celle des salariés, des patrons, des syndicats, et qu'ils devraient être traités comme tels et représentés au sein du CESE.
Madame la secrétaire d'État, vous dites que le Conseil n'est pas une chambre des CSP. Formellement, ce n'est en effet pas le cas. Cependant, l'idée de départ consistait à associer les différentes CSP et forces vives – raison pour laquelle il y avait, jusqu'à présent, des sections représentant le patronat, les syndicats, la vie associative. S'il ne s'agit pas exactement de CSP au sens où l'entend traditionnellement l'INSEE, convenez qu'on s'en inspire tout de même fortement !
Ensuite, les retraités ne sont pas une catégorie comme les autres – non qu'ils soient des citoyens à part, mais ils jouent un rôle important dans la société en raison de leur implication et de l'aide qu'ils peuvent apporter à leurs enfants salariés et chefs d'entreprise, en assurant la sortie de l'école pour les petits-enfants, par exemple. Enlevez les retraités des associations, des ONG, de l'humanitaire et des sorties d'école : on s'en rendra très vite compte !
Vous le savez, je défends la présence de jeunes dès 16 ans au sein du CESE, même si j'y apporte quelque tempérament, en émettant certaines réserves et en proposant d'encadrer le dispositif. Je veux bien que l'on ne crée pas de catégories d'âge – même s'il ne faut pas confondre âge et citoyenneté – , mais si l'on souhaite ouvrir le CESE à des jeunes dès 16 ans, c'est bien que l'on identifie une catégorie d'âge ! Et dans ce cas, pourquoi ne le ferait-on pas pour d'autres, qui sont certes un peu plus loin des 16 ans, parfois passés depuis bien longtemps, mais qui comptent et souhaitent aussi pouvoir être représentés ?
Bref, vos arguments ne sont pas très convaincants.
La diminution du nombre de membres du CESE était un engagement du Président de la République. S'il est toujours difficile de diminuer le nombre de membres d'une assemblée, un équilibre a été trouvé avec les membres du CESE pour assurer une représentation relativement harmonieuse de chaque catégorie.
D'autre part, les citoyens, qu'ils soient retraités ou salariés, jeunes ou seniors, ont la possibilité d'intervenir, à travers les pétitions, les consultations et, si d'autres venaient à être réunies, des conventions citoyennes. Ils peuvent donc tout à fait être consultés, et il y a un grand intérêt à utiliser ces possibilités.
Quant aux retraités, même s'ils représentent un nombre important de personnes, il me semble difficile d'en faire une catégorie, car il est délicat de créer des catégories d'âge à l'intérieur des catégories représentatives du CESE. Beaucoup de retraités sont inscrits dans des associations ; ils peuvent aussi être représentés par ce biais.
Il existe une divergence de fond entre notre position et celle du Gouvernement et du rapporteur s'agissant de l'équilibre du texte. Sur la question de la composition, vous nous renvoyez à celle des différents collèges, arguant que les différentes catégories d'associations ou de représentants de la population seront définies par décret afin de permettre plus de souplesse et d'adaptabilité aux circonstances.
Depuis sa création, l'histoire du Conseil économique, social et environnemental est marquée par l'objectif de représenter, à un moment donné, les forces vives – entendues au sens large. Celles-ci peuvent évidemment évoluer, mais nous n'imaginerions pas sortir certains grands corps et catégories représentés au CESE, comme les organisations syndicales des salariés ou des employeurs. Cela n'aurait aucun sens.
Par principe, je soutiendrai donc tous les amendements visant à réinscrire dans le texte de la loi organique les différents types d'associations ou de catégories.
S'agissant de la notion de retraité, je crois qu'il y a une confusion. Vous nous répondez que les retraités peuvent être représentés à travers d'autres catégories : ce n'est pas le sujet ! Il se trouve qu'en France, les retraités représentent une partie de la population qui, de par son statut, participe à la vie économique et sociale et reflète certaines préoccupations, comme la dépendance et la prise en charge du grand âge, qui – par essence – ne sont pas les mêmes que pour les personnes de 30 ou 40 ans. Les retraités sont des acteurs économiques et sociaux, et il est donc aussi légitime de vouloir assurer la représentation des associations chargées de la défense ou de la promotion des intérêts des retraités que de prévoir la représentation des syndicats de salariés ou des associations de protection de l'environnement. Pour moi, cela relève exactement de la même logique.
J'entends bien que vous êtes sur la même longueur d'ondes que M. Brindeau, monsieur Gosselin, mais nous ne sommes pas du tout sur la même ligne ! Je vais donc rappeler mon point de vue, et je vais même me servir du vôtre : c'est justement parce que les retraités sont des acteurs économiques et qu'ils sont au coeur de bien des activités associatives et d'autres organes de représentation, comme l'a très bien dit Mme Ménard, qu'ils ont déjà vocation à être représentés au sein du CESE. Je ne crois donc pas qu'il y ait de confusion.
Comme Mme Dubré-Chirat vient de le rappeler, les retraités ont la possibilité d'être représentés au travers des membres au titre de la cohésion nationale et territoriale : on sait combien ils sont engagés au sein de la vie associative, notamment en matière de protection de la nature et de l'environnement. C'est justement parce qu'ils sont souvent au coeur de l'activité économique et sociale de notre pays qu'ils vont pouvoir, au titre de ces missions, rejoindre le CESE.
Par ailleurs, madame Ménard, j'ai trop de respect pour le Parlement pour balayer des amendements d'un revers de main : j'argumente chaque fois, j'essaie de donner mon point de vue et réponds rarement en donnant simplement un avis favorable ou défavorable.
Monsieur Brindeau, vous semblez vouloir revenir à une liste de membres qui serait déterminée. C'est ce qui a toujours existé dans l'histoire du CESE, mais cela comporte un risque. En effet, cette liste n'a été revue que deux fois, dont une à la faveur d'une révision constitutionnelle qui a ajouté le terme « environnemental » dans le nom du Conseil. En dehors de ces deux cas, il n'a jamais été possible de faire évoluer cette liste. Or le monde bouge, le pays bouge…
… et la société civile organisée se transforme, de plus en plus rapidement. C'est pour cela que nous avons décidé de créer des blocs. Associés au comité consultatif que nous allons créer tout à l'heure, ils permettront de calquer au plus près l'évolution de la société.
S'agissant des retraités, je vous invite à aller consulter la liste des représentants et conseillers sur le site internet du CESE. Vous constaterez que les retraités sont représentés : il y a un représentant de la CGT des retraités ; la fonction publique est représentée par un attaché territorial retraité. Je cite ces deux exemples, mais il y en a d'autres ! Je pense donc que c'est un faux débat, et l'avis de la commission sera défavorable sur tous les amendements de ce type.
Il propose de rétablir le nombre de représentants liés aux activités de la nature et de l'environnement. Nous comprenons que l'équilibre de la répartition, fruit de négociations, soit délicat, mais l'environnement est un enjeu structurant et l'une des grandes priorités de nos sociétés. Afin de l'affirmer clairement, nous souhaitons conserver le nombre de ces représentants, et ne pas le diminuer dans la même proportion que le nombre de membres du CESE.
S'agissant de l'amendement de M. Rupin, nous avons déjà eu le débat tout à l'heure.
Madame Forteza, je ne partage pas votre diagnostic. Nous n'avons pas appliqué la règle de trois pour définir la nouvelle répartition. Si cela avait été le cas, le nombre de représentants de l'environnement, aujourd'hui de vingt-six, aurait été réduit bien davantage.
Sommes-nous d'accord sur le fait que la question de l'environnement rejoint en réalité celle de la transition écologique ? Bien. Il me semble qu'aujourd'hui, les enjeux liés à la transition écologique sont bien représentés au CESE, d'abord à travers les salariés et les organisations syndicales, qui sont de plus en plus sensibles à cette question, et ensuite dans le troisième collège, celui de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, avec des organismes, des personnes qui travaillent sur l'environnement et pensent la transition. Il y a donc 26 membres au titre de l'environnement, et nous avons même adopté un amendement de précision en commission pour leur garantir encore un peu de plus de représentativité.
Enfin, il ne faut pas oublier que nous confions au CESE l'organisation des consultations citoyennes. Cela permettra de conforter l'attention portée aux enjeux de transition sur le long terme.
Nous devons respecter cet équilibre, fruit d'une négociation au sein même du CESE ; il me semble être le bon et si nous le touchons, nous risquons de faire s'écrouler le château de cartes. Avis défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, que nous sommes heureux de retrouver, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.
Je suis moi aussi très heureux de vous retrouver, monsieur le président !
Sourires.
J'entends vos arguments, mais nous pensons effectivement qu'un équilibre a été trouvé et, comme l'a très justement dit M. le rapporteur, y toucher risquerait de faire s'effondrer le château de cartes. Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
Je comprends que les équilibres trouvés découlent d'une discussion avec le CESE – il est d'ailleurs logique qu'elle ait eu lieu, s'agissant de la réduction du nombre de ses membres – et c'est évidemment une bonne chose que vous ayez trouvé un accord.
La composition du CESE fait l'objet de nombreux amendements, car plusieurs d'entre nous estiment que l'on pourrait aller plus loin dans sa transformation. Je suis pour ma part favorable à une moindre réduction du nombre de ses membres au profit d'une meilleure représentation des secteurs que nous avons évoqués, comme l'écologie, ou encore des associations de retraités et des consultations citoyennes – sans modifier l'équilibre que vous avez réussi à négocier concernant les catégories déjà représentées au CESE, mais en permettant d'en ajouter. Nous pourrions avoir ce débat à l'occasion de la deuxième lecture. Une telle démarche serait plus intéressante qu'une simple réduction du nombre de membres qui n'a, selon moi, pas de sens politique très fort.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps le no 40. Ces amendements ont tous deux pour objet une légère augmentation – de seize personnes – du nombre de membres du CESE, ce qui permettrait d'accueillir au sein de cette assemblée des représentants de la société civile des territoires, notamment des structures de concertation obligatoires comme les conseils de développement. Nous pensons que le CESE verrait la qualité de ses travaux améliorée si des représentants de cette société civile organisée sur les territoires y participaient. Les deux amendements proposent d'intégrer seize de ces représentants ; l'amendement no 39 propose que la moitié d'entre eux soient issus de conseils de développement, alors que l'amendement no 40 ne précise pas les différentes catégories dont ces nouveaux membres devraient être issus.
Nous avons reçu les membres de la représentation nationale des conseils de développement et connaissons la qualité de leur travail. Mais je ne vois pas l'intérêt d'ajouter des représentants de ces conseils alors que l'article 1er incite à une collaboration renforcée entre les CESE et les instances consultatives locales. Pourquoi d'ailleurs se limiter aux conseils de développement ? Pourquoi ne pas intégrer les CESER ou les conseils de quartier, entre autres ?
Nous nous retrouverions dans une situation inextricable. Avis défavorable.
Si j'osais paraphraser le Président Chirac, je dirais que trop de catégories tuent la catégorie ! L'un des objectifs du texte consiste à réduire le nombre de membres du CESE afin d'assurer davantage d'efficacité et de fluidité. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 128 .
J'ai une attention particulière pour le garde des sceaux, car je vais lui proposer d'ajouter une catégorie supplémentaire !
Sourires.
Il s'agit de la celle des universitaires, auxquels je suis très attachée car leur nature indépendante participe à l'enrichissement de la réflexion. Il s'agit d'un amendement d'appel : je n'ai aucune illusion quant à la suite qui lui sera donnée. D'ailleurs, je le retire.
Je souhaitais simplement lancer un signal : il est extrêmement important que les universitaires, qui nourrissent la réflexion en travaillant sur la recherche fondamentale, y soient associés. Il me tenait à coeur de le dire ici, alors qu'ils n'apparaissent pas en tant que tels dans le texte et que l'université souffre beaucoup actuellement. Il est important de dire aux universitaires que nous pensons à eux lorsque nous parlons du Conseil économique, social et environnemental.
L'amendement no 128 est retiré.
Sourires.
Je partage en effet l'avis de mon collègue Pacôme Rupin : il est possible d'ajouter quelques représentants sans modifier l'équilibre qui a été trouvé. Par ailleurs, même si une négociation a eu lieu à ce sujet au sein du CESE, le législateur peut tout à fait prendre la décision de revenir sur un point particulier.
Cet amendement propose d'ajouter des acteurs du secteur numérique, qui sont aujourd'hui mal représentés au sein du CESE car ils ne s'organisent pas en syndicats, mais plutôt en associations ou en réseaux d'entrepreneurs. De ce fait, les travailleurs concernés par les nouvelles formes de travail – travailleurs indépendants, des plateformes ou encore travailleurs dits du clic – ne sont pas suffisamment représentés. En outre, le numérique devient un enjeu de société. Les questions qu'il soulève créent de plus en plus souvent la polémique : c'est le cas de la reconnaissance faciale, du contact tracing ou encore, cette semaine, de la 5G. Nous aurions besoin du point de vue des associations spécialisées sur ces sujets.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, chers collègues, que vous souhaitez tous ajouter des membres sans toucher à l'équilibre. Il serait difficile de vous donner satisfaction à tous, car nous arriverions à un CESE pléthorique ! Je répondrai en même temps à Mme Forteza et à Mme Untermaier, même si cette dernière a retiré son amendement, car il portait sur un sujet intéressant. Je préciserai d'abord qu'il existe une section éducation au sein du CESE. Il est tout à fait possible d'envisager que, dans le cadre des quatre groupes que nous avons définis, le comité qui dressera un état des lieux de la société civile organisée au moment de décider du renouvellement des membres, choisisse d'ajouter des universitaires et un représentant du monde numérique, par exemple. En revanche, nous ne pouvons pas commencer à ajouter ces catégories dans le texte, sans quoi nous n'aurions jamais fini. Outre les universitaires et les acteurs du numérique, on m'a demandé d'ajouter des représentants du monde juridique, au travers d'un amendement à venir prochainement, ou encore du monde de la chasse et des artisans pêcheurs….
Oui, c'est extrêmement intéressant ; mais pour que les membres du CESE soient représentatifs de la société civile organisée et que cette représentation soit cohérente, il convient de renvoyer ce travail de composition à un deuxième temps. Avis défavorable.
Chacun met en avant ses centres d'intérêt. Je le comprends parfaitement – si on ne le fait pas ici, où le fera-t-on ? Mais même si Mme Untermaier a retiré son amendement, il me semble que ce sont dix catégories au total que l'on nous demande d'ajouter. Ce n'est plus le CESE que nous appelions de nos voeux ! Avis défavorable – et sans préjuger de l'avenir, j'indique dès à présent que le Gouvernement ne pourra souscrire à aucun ajout de nouvelles catégories.
L'amendement no 162 n'est pas adopté.
Les amendements nos 127 de Mme Michèle Victory et 117 de M. Aurélien Taché sont défendus.
Il vise à clarifier le texte en précisant que la différence entre le nombre des femmes et celui des hommes ne peut être supérieure à un, afin d'inscrire réellement la parité dans le texte.
Quel est l'avis de la commission, madame – pardon, monsieur le rapporteur ?
Nous parlons de parité : vous pouvez m'appeler madame, cela ne me pose pas de problème !
Sourires.
Monsieur Becht, votre amendement ne fonctionnerait pas, mais il est en réalité satisfait. Le texte prévoit déjà en effet que « Chaque organisation, association ou autorité veille à ce que la différence entre le nombre des hommes et celui des femmes qu'elle désigne ou propose ne soit pas supérieure à un. » Votre amendement est donc bien satisfait, et il n'est pas possible de le retenir tel qu'il est rédigé : vous imaginez aisément qu'une association ne comptant qu'un seul membre devra choisir entre femme et homme. En outre, du fait des équilibres existants, la parité est aujourd'hui quasiment respectée au sein du CESE.
Au fond, la seule différence entre M. le rapporteur et moi-même tient au fait que pour ce qui me concerne, je souhaite que l'on persiste à m'appeler monsieur : depuis cinquante-neuf ans, je m'y suis habitué !
Rires sur divers bancs.
Quant à l'amendement, j'y suis totalement défavorable.
J'entends bien ces arguments. Je rappelle néanmoins que dans l'avis qu'il a rendu, le Conseil d'État indiquait qu'il serait préférable de mentionner l'objectif de parité, qui n'apparaît pas clairement dans la rédaction actuelle du projet de loi. C'est bien de le dire et vous avez raison, l'amendement est satisfait, mais c'est encore mieux de l'écrire.
L'amendement no 226 n'est pas adopté.
Je reviens une dernière fois à la charge au sujet de cet article 7 ! Je m'en tiens pour ma part à ce que je croyais être l'ambition de départ : transformer le CESE, le moderniser, en faire une chambre citoyenne. Je ne reviendrai pas sur le sujet de la réforme constitutionnelle.
Nous aurions pu au moins faire évoluer la composition du CESE sans risque d'inconstitutionnalité, et changer ainsi son image. Cet amendement propose que des citoyens issus des conventions citoyennes siègent au CESE, afin d'en modifier la composition et, pour le coup, d'apporter une véritable nouveauté – ce qui, selon moi, n'est pas le cas de l'article 7.
Je ne partage pas votre analyse, cher collègue. Le texte est porteur d'une nouveauté et d'une véritable avancée. Je vous rappelle qu'au titre de l'article 9, le CESE pourra aussi faire participer des citoyens aux travaux de ses commissions. Par ailleurs, je ne comprends pas le mécanisme que vous proposez au travers de cet amendement : celui-ci créerait deux catégories de conseillers, ceux désignés par la société civile organisée telle qu'on l'envisage aujourd'hui, et ceux qui seraient élus à l'issue de conventions citoyennes. Comment cela pourrait-il fonctionner ? Lors de la première convention citoyenne, un certain nombre de citoyens seraient élus, puis lors d'une deuxième, d'autres le seraient à leur tour et rejoindraient les premiers … mais jusqu'où ? Un seuil maximal serait-il défini ? Dans ce cas, comment ferait-on sortir ceux qui auraient été élus en premier ? J'avoue ne pas comprendre comment un tel dispositif pourrait fonctionner.
Je le redis, l'élection de citoyens tirés au sort constituerait une rupture avec le modèle démocratique de la représentation nationale. En tant que parlementaires, nous sommes élus pour représenter le peuple et prendre des décisions. Le CESE n'a pas pour rôle de prendre des décisions, mais d'éclairer le débat, d'émettre des avis et d'être une aide à la décision publique et politique. Avis défavorable.
Vous faites preuve d'imagination, monsieur le député, et je m'en félicite. Mais ceux qui siègent au sein du CESE sont déjà des citoyens, non ? Penser autrement traduirait une conception bien singulière de la citoyenneté ! Que puis-je vous répondre d'autre que « défavorable » ?
C'est un point extrêmement important qui est soulevé par notre collègue Pacôme Rupin. Cette question a déjà été évoquée de diverses manières au cours de nos débats. Lors de votre audition, monsieur le ministre, j'avais moi-même évoqué la possibilité que des citoyens tirés au sort deviennent membres du CESE. Vous m'aviez alors convaincue qu'on ne peut être tiré au sort que pour assurer une fonction ponctuelle, comme c'est le cas des jurés d'assises.
Le mécanisme proposé par Pacôme Rupin me semble avoir le mérite de répondre à l'objection que vous aviez soulevée. L'idée est que des citoyens tirés au sort dans le cadre d'une convention citoyenne du type de la convention climat élisent en leur sein un certain nombre de personnes – peut-être deux, on n'a pas besoin qu'elles soient une trentaine – pour qu'elles soient d'une certaine façon les ambassadeurs de cette convention au sein du CESE. On peut envisager de limiter la durée de cette mission, soit par voie de sous-amendement soit au cours de la navette. En tout état de cause, il ne me semble pas que cette proposition mérite d'être balayée d'un revers de main. Elle est au contraire susceptible, au prix de quelques aménagements temporels – on peut imaginer une durée d'un an pour assurer le suivi de la convention au sein du CESE – d'injecter un peu plus de citoyenneté dans la composition du CESE. Je vous invite à réfléchir toutes et tous sur cette proposition pour que nous puissions avancer en ce sens.
L'amendement no 254 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra