La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Madame la ministre de la justice, c'est avec révolte que je m'adresse à vous. J'en appelle à votre humanité et à votre sens de la justice, pour mettre fin à un système qui punit plus lourdement le voleur de voitures que le voleur de vies.
Vendredi dernier, le tribunal correctionnel du Mans rendait un jugement inacceptable : il condamnait un grand-père, récidiviste et ayant commis un viol sur sa petite-fille âgée de 8 ans, à seulement huit mois de prison avec sursis, requalifiant son acte inhumain – ce crime – en agression sexuelle.
Lors du procès, le procureur déclarait ne pas avoir le moindre doute quant à la culpabilité du prévenu. Puisqu'il est nécessaire de le rappeler inlassablement, vu que rien ne change, rien n'évolue, je le redis : non, le viol n'est pas un délit ; le viol est un crime.
Applaudissements sur tous les bancs.
Il est même reconnu par les conventions internationales et européennes, ainsi que par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, comme un problème de société et de santé publique majeur.
Cette scandaleuse affaire de correctionnalisation nous laisse sans voix et nous prouve à nouveau que la loi Schiappa ne change rien à la situation judiciaire actuelle,
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe LR
extrêmement défaillante en matière de sanction des violences sexuelles sur mineurs.
Madame la ministre, alors que ce violeur incestueux encourait théoriquement vingt ans de réclusion pour viol devant une cour d'assises, il a été condamné par un tribunal correctionnel à huit mois seulement, et avec sursis !
Cette affaire nous rappelle l'urgence d'instituer un seuil d'âge, avec une infraction spécifique précisant que tout acte de pénétration commis par un adulte sur un enfant est un viol et doit, par conséquent, être jugé comme tel.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LR, SOC, GDR et FI.
Madame la ministre, je vous compte parmi les sages et je sais que vous êtes fine juriste. Comment, alors, expliquer à cette victime, si courageuse, …
Merci, madame la députée.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la députée, vous m'interrogez sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel du Mans à propos des faits d'agression sexuelle dénoncés par une jeune fille à l'encontre de son grand-père et commis voilà une dizaine d'années, alors qu'elle était âgée de 8 ans.
Comme vous le savez, j'ai pour principe de ne pas commenter une affaire judiciaire en cours.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Or, celle que vous évoquez est précisément en cours, car le parquet a décidé d'interjeter appel du jugement rendu en l'espèce par le tribunal correctionnel. Permettez-moi toutefois quelques observations générales sur cette affaire.
En dépit de l'ancienneté des faits, qui remontent à une dizaine d'années, et des dénégations du prévenu, il faut souligner que le tribunal a effectivement reconnu celui-ci coupable du chef d'agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par ascendant et n'a donc à aucun moment mis en doute l'absence de consentement de la victime au regard de son jeune âge au moment des faits.
Compte tenu notamment de l'âge actuel du prévenu, qui a plus de 70 ans, le tribunal a prononcé une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve. Cette peine, il faut le préciser, est inférieure à celle qui était requise par le parquet. C'est pourquoi ce dernier a décidé de faire appel.
Madame la députée, soyez assurée que la politique pénale menée en matière de lutte contre les infractions sexuelles commises sur mineur constitue une priorité pour mon ministère, comme je l'ai rappelé dans une récente circulaire de politique pénale à l'attention des procureurs généraux et des procureurs de la République. Par ailleurs, cette volonté s'inscrit dans le prolongement du vote par le Parlement de la loi du 3 août 2018, qui a fait évoluer la définition des infractions de viol et d'agression sexuelle.
Une mission d'évaluation va être confiée à Mme Alexandra Louis, qui fera avant l'été un bilan de la situation. Je vous rappelle enfin que la mise en place des tribunaux criminels départementaux permettra également une évolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, permettez-moi de dire aux absents qu'ils ont tort… et aux présents qu'il vaut mieux arriver à l'heure, afin d'éviter les allées et venues pendant les questions et les réponses.
Applaudissements sur divers bancs.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Depuis quatre mois, votre politique injuste et inefficace a plongé le pays dans le chaos.
Depuis quatre mois, vous avez été totalement incapable, avec votre ministre de l'intérieur, de restaurer l'ordre républicain sur tout le territoire national. Depuis quatre mois, votre ministre de l'intérieur a multiplié les ordres, les contrordres, les stratégies et les contre-stratégies, donnant l'impression que Beauvau était devenu un bateau ivre, sans capitaine ! Pire, depuis samedi, les hauts fonctionnaires, les préfets et les policiers de haut rang ont été pris pour cible, pour exonérer le pouvoir politique de ses fautes, de son incompétence et de son inconséquence !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui, nous voulons redire aux préfets, aux policiers et aux gendarmes, qui sont en première ligne de front contre la violence, notre soutien, notre considération et notre respect.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Cécile Untermaier et M. Joël Aviragnet applaudissent également.
Ils méritent mieux que de la lâcheté pour s'exonérer des fautes qui ont été commises !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ils méritent mieux et attendent aujourd'hui des chefs et des actes. Ces actes, nous vous les demandons ! Allez-vous, oui ou non, monsieur le Premier ministre, interdire samedi toute manifestation à Paris, à Toulouse, à Bordeaux, mais aussi dans tout le territoire national, notamment à Nice, où a été lancé un appel national à manifester par des groupes violents, alors que le président chinois et le président Macron doivent s'y rendre dimanche ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La violence et les émeutes ne sont hélas pas un phénomène nouveau. En 2005, vingt-cinq nuits et vingt-cinq jours de casse systématique ; à Villiers-le-Bel, du 25 novembre au 5 décembre 2007 ; à Grenoble, en 2010 ; examen de la « loi travail » : vingt-deux jours de violence !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Parfois un seul jour suffit pour la violence. Je pense au sommet de l'OTAN, en 2009 : en un seul jour, malgré la mobilisation de près de 11 000 policiers, les casseurs ont frappé.
Vous le savez bien, monsieur le député : entre le 1er et le 8 décembre, avec Laurent Nunez, nous avons fait le choix de revoir en profondeur la doctrine d'emploi du maintien de l'ordre. Depuis, de façon systématique, nous avons multiplié la mobilité, les interventions et les interpellations. Voilà la réalité !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous savons tous, au-delà de la polémique, qu'il y a une évolution dans les formes de violence.
Il y a une forme de dissolution de la citoyenneté car la seule revendication affirmée de ceux qui viennent casser est justement de contester l'essence même de la démocratie. Ces ultra-violents veulent casser la démocratie et nous devons répondre. Notre réponse est claire et le Premier ministre l'a rappelée lundi : la fermeté, qui s'imposera partout.
Monsieur le député, vous avez évoqué l'appel des gilets jaunes à l'ultra-violence samedi à Nice, avec une affiche honteuse montrant tout à la fois un casseur et un feu d'artifices. C'est totalement scandaleux. J'ai échangé hier soir avec Christian Estrosi, le maire de Nice, avec le préfet, et j'aurai une réunion d'état-major avec le préfet des Alpes-Maritimes ce soir. Nous ferons en sorte que tous les moyens soient prévus pour que, à Paris, à Bordeaux, mais aussi à Nice,...
.. il ne se passe pas ce que nous avons vécu à Paris. Monsieur le député, si vous le souhaitez, je vous propose de vous recevoir demain matin, avec vos collègues députés des Alpes-Maritimes, pour vous présenter le dispositif que nous arrêterons avec le préfet.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; j'y associe ma collègue Olivia Grégoire. Madame la secrétaire d'État, nous étions ensemble ce matin, dans le huitième arrondissement de Paris, …
... à la rencontre de commerçants de proximité et d'artisans. Hélas, la plus belle avenue du monde, les Champs-Élysées, et ses rues adjacentes ont été, une fois de plus, une fois de trop, prises pour cible par le mouvement des gilets jaunes,...
... devenus encore, ce samedi, complices des ultra-violents, avec des scènes de chaos et de guérilla urbaine.
Le bilan de l'acte 18 des gilets jaunes est lourd : 91 commerces dégradés sur les Champs-Élysées. Au total, 140 commerces et entreprises artisanales ont été touchés dans ma circonscription. Selon l'INSEE, depuis le début de ce mouvement, les pertes économiques en France se chiffrent en milliards d'euros !
Les grandes enseignes n'ont pas été les seules à être ciblées par ces chiens fous : ils s'appellent Patrick, propriétaire d'un salon de coiffure, Valentine, propriétaire d'une boulangerie ou encore Stéphane, concessionnaire automobile,...
... rue de Ponthieu, rue Montorgueil, boulevard des Italiens, tous à la tête de très petites entreprises, comptant moins de dix salariés.
Marqués par ces violences, en colère, des économies de toute une vie qui s'envolent, ils souhaitent que les pouvoirs publics apportent des réponses concrètes. Chômage technique, perte de chiffre d'affaires, impact psychologique : tous les secteurs d'activité ont été touchés.
Madame la secrétaire d'État, nous ne pouvons plus tolérer les dommages de ce mouvement. À Toulouse, à Bordeaux, comme partout ailleurs, nous aimons nos commerces et nous en avons besoin : c'est le poumon économique de la France !
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la survie de ces entreprises artisanales. Aussi ma question est-elle simple : comment l'État et les pouvoirs publics accompagneront-ils, dès maintenant et dans les semaines à venir, nos commerçants et nos artisans ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le député, j'étais à vos côtés, ce matin, dans les rues adjacentes aux Champs-Élysées, dont on ne parle d'ailleurs pas suffisamment. J'ai pu à nouveau constater le prix des violences sur le terrain : des commerces cassés, des salariés psychologiquement touchés, apeurés, qui n'osent pas revenir travailler. Au terme de dix-huit semaines, les dégâts se montent aujourd'hui à près de deux cents millions d'euros, avec des pertes de chiffres d'affaires qui pèsent sur notre PIB.
Nous n'avons pas attendu cette dix-huitième semaine pour intervenir auprès des commerçants et des artisans.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Depuis le 26 novembre dernier, Bruno Le Maire et moi-même avons mis en place la cellule de continuité économique avec des dispositifs inédits d'intervention auprès des commerçants et des artisans ;...
.. avec l'étalement des charges sociales et fiscales, dont ont déjà bénéficié 5 000 entreprises ; avec les mesures de chômage partiel soutenues par le ministère du travail pour 38 millions d'euros, qui ont bénéficié à plus de 5 000 entreprises et 75 000 salariés ; des autorisations facilitées pour le travail le dimanche ; un travail avec les assureurs pour faire en sorte que les dommages soient traités plus rapidement et les contrats lus avec une certaine bienveillance ;...
.. un travail avec les banques pour obtenir des facilités de trésorerie.
Ces dispositifs ont été renforcés en janvier et en février, allant jusqu'à des exonérations, au cas par cas, pour les commerces les plus touchés, car il serait illégitime qu'un seul de ces commerces ferme du fait des exactions commises pendant les manifestations.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Croyez bien que nous sommes à leurs côtés. Nous avons également prévu un système de relance du commerce avec 3 millions d'euros pour relancer l'animation. Si j'ai un message à vous donner, c'est de soutenir ces commerces de proximité en y allant le samedi, le dimanche et toute la semaine !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En tant que Réunionnais et fier de l'être, je voudrais au préalable faire part de mon indignation face aux propos de Mme Brigitte Bardot.
Applaudissements sur tous les bancs.
« Île du diable », gens « qui ont gardé leurs gènes de sauvages », « cannibalisme », « une population dégénérée » et j'en passe. Même si la cause animale est un sujet préoccupant, personne ne peut accepter de tels propos. Je rappelle que c'est le député réunionnais Younous Omarjee qui a mené la rude bataille contre la méthode barbare de la pêche électrique. Monsieur le président, je souhaiterais que dans cet hémicycle soient condamnées avec la plus grande fermeté ces injures raciales.
Applaudissements sur tous les bancs.
J'en viens à ma question qui s'adresse à M. le Premier ministre et qui concerne les sans-abri.
Le collectif « Les Morts de la Rue » a annoncé la semaine dernière que 566 SDF dont 13 enfants avaient trouvé la mort en 2018. L'Institut national de veille sanitaire nous indique, quant à lui, qu'ils auraient été quelque 3 000 dans ce cas. Quels que soient les chiffres, ce sont des êtres humains qui meurent abandonnés dans la plus grande souffrance dans les rues de France. Pourtant, en 2017, Emmanuel Macron avait promis qu'il n'y aurait plus une seule personne à la rue avant la fin de l'année.
Le constat est tout autre et cette situation va s'aggraver car votre politique d'austérité affaiblit nos politiques de solidarité.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
Assurer la dignité de toutes et tous est un devoir moral qui vous oblige ; ne pas y répondre, c'est nier la qualité d'être humain de ces personnes.
Monsieur le Premier ministre, il est temps de mettre en place une vraie politique sociale de protection humaine. Que comptez-vous faire pour éradiquer cette forme de maltraitance humaine, comme l'avait promis le président Macron ? Il ne suffit pas de se prendre en photo avec les SDF : il faut les sortir du couloir de la mort.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
Monsieur le député, vous aurez compris que l'ensemble de cet hémicycle ne peut avoir que mépris pour les propos qui ont été tenus à l'égard de nos compatriotes réunionnais.
Mmes et MM. les députés sur tous les bancs se lèvent et applaudissent.
Monsieur le député, je voudrais à mon tour condamner au nom du Gouvernement de la manière la plus solennelle et la plus ferme, les propos indignes qui ont été tenus à l'encontre de nos compatriotes réunionnais.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je le dis avec d'autant plus de solennité que le préfet a immédiatement déposé plainte contre ces propos qui ne peuvent être acceptés dans l'enceinte de la République et au regard de ce qui nous unit toutes et tous, partout sur le territoire.
Mêmes mouvements.
Monsieur le député, vous posez une question relative à l'ensemble de ces personnes qui sont dans la détresse, qui vivent dans la rue. Personne n'est dans la rue par choix. Aujourd'hui la rue tue, l'hiver mais aussi l'été.
C'est avec beaucoup d'humilité, parce que la situation est compliquée – ce sont encore plusieurs milliers de personnes qui dorment dans la rue – , mais aussi avec beaucoup de détermination que nous apportons des solutions à toutes celles et ceux qui sont dans la détresse.
L'année dernière, pour ne prendre que cet exemple, dans les rues de Paris, nous avions comptabilisé à peu près 3 000 personnes dans la détresse, à la rue. Cette année – et j'étais il y a quelques heures auprès des bénévoles qui ont effectué les recensements lors de cette Nuit de la solidarité – , c'est à peu près le même nombre, en légère augmentation même, qui a été constaté dans les rues.
En un an, qu'avons-nous fait ? Nous avons ouvert près de 3 000 places à Paris et près de 4 200 en Île-de-France. Depuis le 1er novembre, nous avons ouvert 15 000 places pour accompagner toutes celles et ceux qui sont dans la détresse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pourtant la situation reste difficile et nous continuerons à agir avec beaucoup de détermination, en continuant à ouvrir des places…
… y compris dans les bâtiments publics : mon ancien ministère a ainsi été transformé en centre d'hébergement d'urgence.
En même temps nous continuerons la mise en oeuvre du plan « Logement d'abord » pour conduire ces personnes des centres d'hébergement vers de vrais logements.
Beaucoup d'humilité mais une immense détermination…
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Président, ma question porte sur le Brexit et s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Mme May ayant fait savoir qu'elle demanderait aux Vingt-Sept une extension jusqu'au 30 juin de la période transitoire, il appartiendra au Conseil européen qui se tiendra demain de se prononcer sur cette demande. Je me permets donc de vous poser trois questions.
Première question : si l'on excepte le principe d'une extension destinée à permettre l'organisation dans les meilleurs délais d'un référendum ou d'élections générales anticipées, ce qui ne paraît pas être dans les intentions du gouvernement britannique, la France imagine-t-elle qu'une extension de cette sorte serait de nature à permettre de conclure un accord, ce que deux années de négociations patientes et continues n'ont pas permis de réaliser ?
Deuxième question : au cas où cette extension serait décidée, le Gouvernement partage-t-il l'avis selon lequel le Royaume-Uni, demeurant un membre à part entière de l'Union pendant la période concernée, pourrait se dispenser de participer aux élections européennes du mois de mai ? Dès lors que la Cour de justice de l'Union européenne estime qu'un État candidat à la sortie a le pouvoir de décider jusqu'à l'expiration de la période transitoire de demeurer un membre à part entière de l'Union européenne, comment le Royaume-Uni pourrait-il le faire sans avoir participé à l'élection des membres d'une des principales institutions de l'Union ?
Troisième question : l'Allemagne et la France, dont les discours ont été quelque peu dissonants ces derniers jours, sont-elles d'accord pour s'opposer ensemble à une extension de la période transitoire, qui serait tout à la fois moralement injustifiée, politiquement inutile et juridiquement périlleuse ?
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, UDI-Agir et LR.
Monsieur le député, la Chambre des communes a procédé à trois votes contradictoires. La seule certitude que nous puissions avoir aujourd'hui, c'est que la Première ministre britannique, Theresa May, vient d'introduire une demande d'extension de trois mois de la période de négociation prévue à l'article 50, jusqu'au 30 juin 2019.
Dans ce contexte, notre position est d'envoyer aux Britanniques un message simple et clair. Comme l'a dit Mme May elle-même à plusieurs reprises, il n'y a que deux options pour sortir de l'Union européenne : ratifier l'accord de retrait ou sortir sans accord. En cas de vote de l'accord de retrait, nous serons bien entendu ouverts à une extension technique de quelques semaines afin que les institutions britanniques finalisent la ratification du texte. En revanche, en l'absence de vote approuvant l'accord de retrait, le scénario central est la sortie sans accord : nous y sommes prêts.
Dans l'examen de cette demande d'extension et des dates, nous veillerons particulièrement aux intérêts de l'Union, ce qui nécessite trois choses : premièrement, que la prolongation ait pour objectif de finaliser la ratification de l'accord de retrait négocié ; deuxièmement, que le Royaume-Uni soit très clair sur le fait que l'accord de retrait entériné en novembre dernier ne sera pas renégocié et que son intégrité sera préservée ; troisièmement, que le Royaume-Uni ne participe pas aux prochaines élections européennes.
Une situation dans laquelle Mme May ne serait pas en mesure de présenter au Conseil européen des garanties suffisantes sur la crédibilité de sa stratégie conduirait à écarter la demande d'extension et à préférer une sortie sans accord.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe MODEM et LaREM.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, voilà un an, dans cet hémicycle, je vous demandais de sauver l'usine Ford Blanquefort.
Vous me répondiez que c'était un motif d'intérêt général. Un an plus tard, aucune solution n'a été trouvée et la fermeture du site est actée. Ce sont 850 emplois qui seront supprimés. Au total plus de 2 000 emplois seraient touchés sur le territoire aquitain – sans compter l'usine Getrag, située également à Blanquefort, détenue à 50 % par Ford, dont l'activité et les salariés seraient à leur tour menacés.
Cette décision de fermeture de l'usine Ford Blanquefort est choquante et inacceptable. L'usine Ford a perçu plus de 25 millions d'euros d'aide publique en 2013. Le bénéfice net de Ford a bondi de 65 % en 2017 pour s'établir à 8 milliards de dollars : 8 milliards de dollars !
Malgré des mois de lutte sociale, c'est Ford qui triomphe. Vous allez nous répondre que vous avez obtenu de l'entreprise qu'elle verse 20 millions d'euros, mais ce n'est pas suffisant : l'urgence n'est pas seulement que Ford assume le prix de sa décision mais, aussi, que les emplois perdurent.
Ce plan social n'a aucune justification économique et les salariés l'ont bien compris. Ils vont faire ce que vous n'avez pas eu le courage de faire : le contester devant le juge administratif.
Il est temps que l'État prenne ses responsabilités dans ce dossier et intervienne directement pour sauvegarder les emplois. Il faut arrêter de parler de revitalisation : il faut plutôt parler de réindustrialisation, notamment en permettant aux collectivités locales de disposer de la maîtrise gracieuse du foncier afin de mener à bien la reconversion du site.
Allez-vous continuer à regarder passer le rouleau compresseur du capitalisme financier et des licenciements boursiers…
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Si : lorsque le temps de parole est dépassé de huit secondes, je coupe le micro. Cela vaut pour vous comme pour les autres.
Vous le savez, nous ne gagnons en effet pas toutes les batailles
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Depuis un an que nous travaillons sur ce dossier auprès de Ford, nous en gagnons trois sur quatre. En effet, nous avons réussi à nous mettre au service des salariés, à faire en sorte que leur intérêt soit le plus possible respecté, de même que les intérêts industriels du site.
Ford engage 200 millions, en l'occurrence, et dans le plan social, et dans un plan de réindustrialisation…
… car, vous l'avez dit, l'entreprise a en effet refusé l'offre de Punch, celle-là même que nous avons défendue depuis douze mois.
Ces 200 millions permettent de sécuriser l'avenir des salariés dans un contexte qui, nous le reconnaissons, n'est pas très agréable mais cela n'en est pas moins probablement protecteur pour eux.
Nous travaillons également à la réindustrialisation du site. C'est pourquoi nous avons installé un comité de réindustrialisation qui commence à se pencher sur l'ensemble des dossiers, avec l'appui de la région, avec l'appui des élus locaux, vous le savez. Une réunion se tiendra demain pour examiner des projets en matière d'hydrogène, d'aéronautique, car l'industrie a aussi vocation à se transformer, à se réinventer.
Je ferai un pas-de-côté en rappelant que, dans notre pays, l'industrie crée plus d'emplois qu'elle n'en détruit, qu'un plus grand nombre de sites se crée qu'il n'en disparaît. C'est ce vers quoi il faut tendre à Blanquefort, où le taux de chômage est plutôt moins élevé que dans le reste de notre pays, ce qui est une très bonne nouvelle. Nous sommes complètement engagés dans ce processus de réindustrialisation.
Je préfère perdre des batailles et gagner la guerre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement – plus particulièrement le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye – a engagé depuis des mois la discussion avec les partenaires sociaux à propos de la future réforme des retraites.
La promesse présidentielle est claire : remplacer les 42 régimes existant par un système universel où un euro cotisé donne les mêmes droits.
Les partenaires sociaux ont unanimement salué la méthode de concertation qui doit permettre d'élaborer un modèle plus lisible et plus équitable, un véritable projet de société, très attendu par nos concitoyens, que nous élaborons ensemble.
Nous le savons tous, l'espérance de vie augmente et le défi du vieillissement est encore devant nous. En tant qu'ambassadrice des retraites, j'ai effectué un tour d'Occitanie, sur les marchés de ma région, huit étapes pendant lesquelles je suis allée à la rencontre des citoyens et, bien souvent, des seniors, qui fréquentent ces lieux de vie.
Vous le savez, la grande préoccupation, la priorité des personnes du troisième âge est de connaître leur avenir. La proportion des personnes âgées de plus de 75 ans passe, en deux générations, de 6 % à 15 % de la population, ce qui pose la question de la prise en charge du troisième âge, donc de la perte d'autonomie, et du double défi auquel le Gouvernement doit faire face : un défi quantitatif – il s'agit d'affronter la réalité démographique et l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes – et un défi qualitatif – il s'agit de faire évoluer le modèle actuel pour améliorer la prise en charge. Dès aujourd'hui, nous devons répondre au risque social de la perte d'autonomie.
Pouvez-vous nous éclairer sur les implications de ces deux chantiers préparés en parallèle par le Gouvernement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Les régimes de retraite par répartition, notamment, illustrent la nature de notre contrat social. Ils constituent l'un des éléments fondamentaux du pacte social que nous avons conclu et qui fait vivre notre pays. Les Français y sont légitimement attachés, vous y êtes attachée, je le suis également et je suis certain que c'est le cas de l'ensemble des parlementaires.
Pendant la campagne électorale, le Président de la République s'est engagé à étudier les voies et moyens d'une transformation de notre système de retraite de façon à maintenir notre système par répartition et à favoriser une forme d'unification de l'ensemble des régimes. Vous le savez, nous en comptons aujourd'hui 42. Les droits de nos concitoyens, lorsqu'ils passent d'un régime à l'autre, sont bien souvent un peu modifiés et leur conjugaison tout le long de la vie est un peu amoindrie.
Notre objectif, celui du Président de la République, le mandat qui a été donné au haut-commissaire sous la responsabilité de Mme la ministre des solidarités et de la santé, est de penser un nouveau système fondé sur la répartition, unifié, permettant une plus grande mobilité professionnelle – ce qui correspond d'ailleurs à la réalité de la vie économique actuelle – et dans lequel un euro cotisé, quelles que soient les situations, donne le même droit à pension. Bref, il s'agit d'une grande transformation.
Nous avons pris et nous prenons le temps d'une telle transformation. C'est pourquoi, dès le début de 2018, le haut-commissaire a été chargé d'une très grande mission de concertation, de discussion avec les organisations syndicales et patronales, avec l'ensemble des corps constitués qui sont intéressés par cette réforme.
Vous avez eu raison de dire que cette discussion, solide, …
… sérieuse, menée par le haut-commissaire avec l'ensemble des forces syndicales, avec l'ensemble des parties prenantes…
… a été saluée pour sa qualité, son sérieux et sa profondeur.
Comme le haut-commissaire l'a dit, il n'est pas question, dans le cadre de cette réforme, de modifier l'âge de départ à la retraite…
… puisque telle était la première partie de votre question.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Mais vous avez posé une deuxième question : celle de la prise en charge du vieillissement de notre population.
Vous avez raison : la population française vieillit, et vite. C'est probablement la plus profonde transformation démographique qu'ait connue notre pays.
Vous avez cité les chiffres : aujourd'hui, 1,5 million de Français ont plus de 85 ans ; dans trente ans, en 2050, ils seront plus de 5 millions. Qu'est-ce que cela signifie ? Que notre système social, et pas seulement celui de retraite, notre société tout entière doit s'adapter à un défi absolument considérable. Vous le savez, car c'est déjà vrai : nous vivons dans une société où ceux qui partent à la retraite doivent parfois prendre en charge les soins liés à la dépendance de leurs parents. Jamais cela ne fut le cas, jamais ! Traditionnellement, les actifs prenaient en charge les soins ou les demandes de leurs parents retraités mais, aujourd'hui, ce sont des retraités qui, parfois, doivent prendre à leur charge les soins liés à leurs propres parents qui sont parfois en situation de dépendance.
Nous devons totalement réorganiser, réadapter notre société à ce fait nouveau. À cette fin…
… nous aurons besoin d'une capacité de financement considérable pour investir dans des EHPAD, pour revaloriser les métiers qui sont au coeur de la prise en charge de la dépendance, pour faire en sorte que le reste à charge que les familles doivent assumer puisse diminuer – il est en effet élevé.
C'est là une priorité, l'une des angoisses les plus fondamentales que nos concitoyens expriment, y compris dans le cadre du Grand débat. Nous devrons donc organiser la transformation de notre société pour qu'elle prenne à sa charge ce fait nouveau.
Ce que je dis, en revanche, n'est pas nouveau. Cela fait très longtemps que l'on en parle. On a parlé d'un cinquième risque, on a parlé de différentes modalités de prise en charge… Malheureusement, en dépit des efforts consentis, parfois par les collectivités territoriales, souvent, par l'État, nous n'y sommes pas encore.
Dans ce contexte de vieillissement et d'un besoin considérable de financement, il est parfaitement fondé de se poser la question de savoir s'il faut travailler plus longtemps pour que le fruit de ce travail finance ces besoins considérables d'investissement et de prise en charge de la diminution du reste à charge. Ce qui m'inquiéterait serait que l'on ne se la pose pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Elle a d'ailleurs été explicitement posée par le Président de la République dans le cadre du Grand débat. C'est une vraie belle question politique. Eh bien, je vous propose que nous y répondions, que nous y travaillions
Exclamations sur les bancs du groupe LR
et que nous puissions trouver les voies et moyens de garantir notre système de retraite tout en finançant durablement, sérieusement, au-delà des mots et des incantations, les besoins considérables de transformation de notre société afin de faire face au vieillissement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Réforme des retraites
Madame la ministre des solidarités et de la santé, les Français, en particulier les futurs retraités, ne comprennent plus rien à votre réforme des retraites.
Ils comprendront encore moins après cette réponse du Premier ministre !
Jean-Paul Delevoye, nommé Haut-commissaire à la réforme des retraites sous votre tutelle, répète depuis des mois qu'il ne veut pas modifier l'âge de départ en retraite. C'était d'ailleurs une promesse de campagne du Président de la République, et il m'a semblé que le Premier ministre partageait ce point de vue.
Mais vous, madame la ministre chargée des retraites, vous êtes prononcée pour un report de l'âge de départ à la retraite, pour accompagner l'allongement de l'espérance de vie.
Les Français sont complètement perdus dans ces déclarations contradictoires, et le Gouvernement semble naviguer à vue sur cette question essentielle – comme vient de le confirmer l'intervention du Premier ministre.
Le Gouvernement n'a par ailleurs de cesse de rogner le pouvoir d'achat des retraités, avec la hausse brutale de la CSG et la désindexation des pensions de retraite.
Après des mois d'atermoiements et de cacophonie, et très peu de réponses concrètes, les Français ont le droit de savoir ce que vous préparez, réellement et sincèrement. Nous vous demandons aujourd'hui de sortir de l'ambiguïté et d'arrêter de botter en touche.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Quelle réforme de la retraite êtes-vous en train de préparer ? À quel âge les Français pourront-ils faire valoir leurs droits à la retraite ? Pourrez-vous garantir le niveau de leurs pensions ainsi que leur pouvoir d'achat ?
Madame la ministre, monsieur le Premier ministre, merci de répondre à la représentation nationale. Les Français veulent savoir : ce sont des questions centrales.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mesdames et messieurs les députés, la ligne du Gouvernement est très claire.
Rires et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe LR.
Le Premier ministre vient de l'exposer, et je vais le refaire avec mes mots.
La transformation de notre système de retraite exige de la confiance, de la lisibilité, de la justice et de l'équité. Jean-Paul Delevoye a indiqué que sur la question de l'âge minimum de départ, il s'en tenait aux orientations rendues publiques le 10 octobre dernier, et nous sommes sur la même ligne.
La priorité du Gouvernement, et tout le sens de cette réforme, est de créer un système universel de retraite plus lisible, plus équitable et plus juste. L'objectif est qu'un euro cotisé donne les mêmes droits à chacun, et c'est la condition pour que notre système, aujourd'hui trop complexe, s'adapte à l'évolution et à la diversité des carrières, pour continuer à protéger nos concitoyens à l'âge de la retraite.
Pour que le système soit parfaitement juste, nous devons également permettre à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent de continuer à travailler après l'âge légal de départ à la retraite, et d'avoir un avantage financier à le faire. Les pistes d'incitation auxquelles travaille le Haut-commissaire ont pour objet d'accompagner un phénomène de société – l'allongement de la durée de la vie – qui pose un défi pour notre pays comme pour nos voisins européens, et que nous devons relever collectivement.
Par ailleurs, les conclusions de la concertation sur le grand âge et la prise en charge de la perte d'autonomie seront rendues publiques d'ici à la fin du mois de mars. Un débat s'ouvrira à cette occasion sur le financement de ce nouvel enjeu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a décidé d'annuler ou de reporter son déplacement en Corse dans le cadre du grand débat national. Toute la Corse se souvient de sa première visite, marquée par une forme de condescendance, en complet décalage avec la situation politique apaisée et les demandes démocratiques claires émises par les insulaires.
Depuis lors, des visites ministérielles sont venues apporter quelques réponses ponctuelles utiles, mais servant d'alibi au refus de discuter sérieusement au fond de propositions structurelles formulées par les élus insulaires. Discuter de l'autonomie pour la Corse ne résoudrait pas les problèmes des insulaires, disent tous les ministres qui passent.
Or pour ne prendre que deux exemples très concrets, cela permettrait d'agir sur les prix des carburants, plus élevés de 10 centimes d'euros que sur le continent, ce qui pénalise familles et entreprises ; ou encore d'étendre le droit de préemption afin de lutter contre une spéculation foncière galopante qui empêche les résidents de se loger décemment.
Un statut clair reconnu à la Corse dans la Constitution permettrait de résoudre de manière autonome et décentralisée ces problèmes vécus quotidiennement par tous ceux qui vivent dans l'île. Oui, l'autonomie est la meilleure façon d'appliquer le principe d'égalité pour les territoires. C'est aussi la meilleure façon d'exercer le principe de subsidiarité pour être utile à la population.
Nous regrettons qu'à ce jour, l'État se comporte en concurrent des élus régionaux et territoriaux par une déconcentration offensive et quelque peu paternaliste, au détriment d'une vraie décentralisation libérant énergie et confiance.
Le débat sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires a malheureusement été très révélateur sur ce point. N'oublions pas que la crise actuelle est aussi celle d'un excès de centralisme face aux demandes des territoires. Nous savons que ceux de nos collègues qui sont enracinés, de même que toutes les associations d'élus, sont favorables à une clarification du droit à la différenciation afin qu'il ne devienne pas une nouvelle usine à gaz inapplicable, victime d'une centralisation excessive et étouffante.
Monsieur le Premier ministre, à l'aune du grand débat national qui s'achève, notre question est très simple : êtes-vous – oui ou non – pour un nouveau choc de décentralisation politique tel que fortement réclamé aujourd'hui par tous les acteurs ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Certes, les questions institutionnelles sont importantes, le Gouvernement en a pleinement convenu en proposant d'inscrire le statut de la Collectivité de Corse dans la Constitution.
Par ailleurs, vous savez très bien que la Collectivité de Corse est déjà la plus décentralisée de notre pays et dispose de nombreuses compétences.
Au-delà de ces questions, j'attache une grande importance à ce que nous avancions ensemble, avec l'ensemble des collectivités en Corse, sur des sujets concrets qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens et font partie de leurs principales préoccupations. C'est l'essentiel, et j'entends répondre aux besoins de nos concitoyens avec le même soin et la même attention où qu'ils vivent sur le territoire de la République.
J'étais en Corse à la fin de la semaine dernière, et j'ai pu y manifester le soutien de l'État aux projets essentiels pour le développement de l'île, qu'il s'agisse de santé, d'accès aux services publics ou de rénovation urbaine. À titre d'illustration, nous allons pérenniser le soutien financier à la seule clinique du sud de l'île, la clinique de l'Ospedale. Nous accompagnons la réhabilitation du centre-ville de Bastia, qui a d'ailleurs été lauréat de l'appel à projets « Réinventons nos coeurs de ville ». Nous amplifions la couverture numérique mobile et en fibre optique du territoire avec la Collectivité. Et l'association Inseme, qui accompagne les familles dont l'un des membres est hospitalisé sur le continent, sera reconnue d'utilité publique d'ici à quelques semaines ; grâce à l'intervention de Mme la ministre de la santé, un deuxième accompagnant sera pris en charge.
Enfin, un déplacement du Président de la République aura bien lieu en Corse dans le cadre du grand débat national. Il ne m'appartient évidemment pas d'en annoncer la date, mais je peux vous assurer qu'il aura lieu très prochainement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à neuf jours de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, et à la veille du Conseil européen réunissant les chefs d'État et de Gouvernement, le Parlement britannique se montre encore une fois, et de manière toujours plus critique, immobilisé par le funeste projet de Brexit. Encore une fois, les Britanniques démontrent au monde entier que cette chimère, ce rêve du repli sur soi, de l'isolationnisme, ne sont que naïves utopies.
La position pour le moins absconse du Royaume-Uni, ses hésitations permanentes, nous obligent à maintenir avec fermeté le calendrier établi. À la veille des élections européennes, au regard du fait qu'il n'y ait rien de neuf sous le soleil britannique, et considérant à titre personnel qu'il n'y a rien de pire que de ne pas décider, il n'y a aucune raison pour que les pays européens subissent l'incapacité britannique à décider. Il faut maintenir le cap et la date ! Maintenir le calendrier !
Il y a moins d'une heure, mes chers collègues, Theresa May demandait un report de la date butoir au 30 juin 2019 ! Impensable ! Devons-nous nous asseoir sur nos traités ? La seule décision que les Britanniques soient en mesure de prendre pour l'heure, n'est en réalité que celle de reporter ! Nous sommes donc de fait confrontés au chaos.
Quand, des deux côtés de l'hémicycle, aux nationalistes, aux europhobes, à ceux qui feignent de hurler aux loups, de s'égosiller, ou font semblant de pousser des hauts cris, à ceux qui n'ont à coeur que de tenir en permanence des discours de défection du projet d'unification de notre continent, disons-leur que leur discours liberticide, souvent alimenté d'infox, ne sont que mensonges éhontés et excitation des ferveurs extrémistes.
Exclamations sur les bancs des groupes LR, GDR et FI.
Dès lors, comment la France portera-t-elle un contrepoids progressiste face à ces périls qui émergent à travers notre continent ? Surtout, quelle sera la position tenue par la France lors du Conseil européen qui s'ouvrira demain, alors que Theresa May vient de demander le report du Brexit au 30 juin prochain ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le député, je voudrais compléter la réponse que j'ai apportée à M. Bourlanges, en retraçant pour l'information de l'Assemblée nationale, la séquence que nous vivons. Il y a eu un premier vote le 15 janvier dernier, sur le projet d'accord de retrait, que la Chambre des communes a repoussé. Un deuxième vote a eu lieu il y a très peu de temps, le 12 mars, à l'issue duquel la Chambre des communes a repoussé une deuxième tentative de Mme May, en dépit d'assurances complémentaires apportées par l'Union européenne. Le lendemain, la même chambre a refusé une sortie de l'Union sans accord et le surlendemain, cette même chambre a approuvé le principe d'un report de la date de sortie effective au-delà du 29 mars. Dans ces conditions, Mme May a tenté un troisième vote sur le même sujet, qui n'a pas été possible car le président de la Chambre des communes a jugé irrégulière cette nouvelle demande en vertu d'une jurisprudence qui remonte à 1604.
C'est dans ces conditions, qu'il était nécessaire d'expliquer que Mme May vient d'introduire, suite à ce refus, une demande de report de trois mois dans laquelle elle demande au Conseil européen d'endosser les documents de réassurance négociés avec le président Jean-Claude Juncker, annonçant alors que si le Conseil européen validait le complément et les documents de réassurance, elle proposerait un troisième vote, avec des éléments supplémentaires, avant le 29 mars. Me suivez-vous ?
« Non ! » sur les bancs du groupe SOC.
C'est ainsi que se déroule la séquence et qu'il faut la comprendre. J'ai indiqué la position du gouvernement français, je ne la reprendrai pas. Elle est claire, tout comme l'est le fait que l'enjeu de l'accord de retrait s'est déplacé de la politique européenne vers la politique intérieure britannique. Or, il n'appartient pas à l'Union européenne de jouer l'arbitre en matière de politique intérieure britannique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, nous discutons depuis lundi, à l'Assemblée nationale, de la réforme et de la modernisation du système de santé.
Si nous partageons a priori cette initiative générale, nous constatons que le sujet de la situation sanitaire des outre-mer n'est pas suffisamment pris en compte.
Pourtant, votre projet tend à régler le problème des déserts médicaux et à développer des projets territoriaux de santé. Or, s'il existe des déserts médicaux, c'est bien outre-mer. La situation est devenue très inquiétante en Martinique, particulièrement dans ma circonscription. Ainsi, lorsque des décès nécessitent l'intervention d'un médecin légiste, il faut attendre plusieurs jours sa venue car il n'y en a pas en Martinique. Quant aux projets santé, nos hôpitaux sont, vous le savez, structurellement déficitaires, et ils ne peuvent y répondre. Le bâti, par exemple, ne correspond pas aux normes de sécurité minimales.
Enfin, la formation des médecins aux Antilles et en Guyane ne dépasse pas le premier cycle et ne permet pas de répondre aux besoins et aux enjeux.
Madame la ministre, nous souhaitons pourtant que vous répondiez aux enjeux sanitaires d'outre-mer en développant plus de plateaux techniques de qualité, en permettant l'installation de jeunes médecins formés des outre-mer, et, par là même, en fixant nos populations ultramarines sur leur territoire d'origine, en favorisant leurs implantations dans nos déserts médicaux. Pour faire face aux besoins urgents de médecins et améliorer l'offre de soin, il nous paraît enfin nécessaire de recourir à la coopération sanitaire interrégionale et internationale dans nos zones géographiques respectives.
En Martinique, nous souhaitons ainsi renouveler des échanges avec des médecins cubains spécialisés dans certaines pathologies. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens dans le projet de loi relatif à la santé.
Madame la ministre, pouvez-vous répondre à nos préoccupations et à nos propositions ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Madame la députée, c'est vrai, les outre-mer font face à des défis de santé particuliers, notamment des difficultés pour accéder aux soins. Les engagements du Livre bleu ont été tenus et un fonds spécifique pour financer des actions de santé publique et de prévention en outre-mer a ainsi été créé. Nous ouvrons également un centre national de ressources en appui aux agences régionales de santé ultramarines. Nous proposons un nouveau modèle de financement des établissements adapté aux outre-mer. Plusieurs autres mesures concrètes se déploient comme l'ouverture de maisons de santé itinérantes, l'instauration du service sanitaire des étudiants en santé à partir de 2019, la création de postes d'assistants spécialistes – 200 postes ont été spécifiquement prévus pour les outre-mer.
Les assistants spécialistes sont des médecins. La philosophie du projet de loi est tournée vers l'accès aux soins dans tout le territoire et pour tous les Français, mais j'ai bien compris vos interrogations concernant les outre-mer et je tiens à vous rassurer.
Des mesures spécifiques sont prévues. Une agence régionale de santé verra le jour à Mayotte. Les articles 1 et 2 de la réforme tendent à renforcer la prise en compte de la dimension territoriale pour l'ensemble des études médicales, en permettant notamment de démarrer un parcours de formation dans une université de proximité même si elle n'a pas de faculté de médecine. Cette disposition devrait faciliter le fonctionnement des facultés d'outre-mer. Nous prendrons également en compte, dans la détermination des affectations pour les internes de troisième cycle, le projet des étudiants de s'installer outre-mer. Quant au dispositif de collaboration avec les médecins étrangers, que vous avez évoqué et qui s'inspire du modèle en vigueur en Guyane, il existe à titre dérogatoire, de manière exceptionnelle. Nous souhaitons l'évaluer au regard de la qualité des soins afin de le sécuriser et d'envisager de l'étendre à d'autres territoires ultramarins.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vendredi 15 mars, un Australien de 28 ans, militant d'extrême-droite se revendiquant du suprémacisme blanc, a ouvert le feu dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, arrachant cruellement à la vie cinquante fidèles musulmans âgés de 3 à 77 ans.
Pour faire suite à l'hommage rendu hier par le président de notre assemblée, Richard Ferrand, je tenais à mon tour, au nom de mes collègues parlementaires, à exprimer notre vive émotion face à cet attentat monstrueux et inhumain.
Applaudissements sur tous les bancs.
Nous témoignons notre profonde solidarité aux proches des victimes, au gouvernement et au peuple néo-zélandais, ainsi qu'à la communauté musulmane partout dans le monde.
Jamais un attentat terroriste visant les musulmans n'avait été aussi meurtrier en Occident. Après l'attaque, vous avez réagi, monsieur le ministre, avec force et célérité en appelant les préfets à la plus grande vigilance, et en renforçant la surveillance des lieux de culte dans tout le territoire national.
Nous devons lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes, de quelque obédience qu'il soit.
II y a un mois, face à la recrudescence d'actes antisémites, le Président de la République a annoncé, devant le Conseil représentatif des institutions juives de France, sa volonté de dissoudre certains groupuscules extrémistes. Cette volonté a d'ailleurs été confirmée ce matin lors du Conseil des ministres.
C'est dans cet esprit qu'en octobre dernier, j'avais saisi le Premier ministre, avec soixante-treize de mes collègues, pour obtenir la dissolution d'un groupuscule d'extrême-droite bien connu. Ce problème fait aussi l'objet de la plus grande attention de la part de notre commission d'enquête parlementaire sur la lutte contre les groupuscules d'extrême-droite, dont les travaux sont en cours.
Dans ce contexte lourd de menaces et d'angoisses, pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer les musulmans de France en indiquant les mesures que vous avez prises pour leur permettre d'exercer leur culte en paix et en sécurité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Monsieur le député, le Gouvernement s'associe évidemment à l'émotion suscitée par l'attentat meurtrier que vous avez évoqué. Vous l'avez dit, nous avons réagi immédiatement. J'ai demandé la protection de l'ensemble des lieux de culte, pour prévenir le risque du mimétisme, mais aussi celui que quelques esprits malades ne cherchent à venger les victimes.
Toute attaque, toute violence, quelles que soient les personnes visées, et quel que soit leur choix religieux, doit être fermement combattue. Nous avons empêché, depuis deux ans, trois attentats projetés par l'ultra-droite. Dans les trois cas, la tentative visait des lieux de culte, plus précisément des mosquées.
Tous les lieux de culte doivent être protégés. Je le dis fermement : en 2019, personne ne doit avoir peur à cause de son choix religieux.
Comme vous l'avez dit, monsieur le député, le Conseil des ministres a adopté ce matin ma proposition de dissoudre quatre associations qui pratiquaient un prosélytisme pro-djihad : le Centre Zahra France, la Fédération chiite de France, le Parti antisioniste, et France Marianne Télé.
Mais, comme vous l'avez dit également, le président de la République m'a aussi demandé d'étudier la possibilité de dissoudre quatre associations issues de l'ultra-droite : Bastion social, Blood and honour, Hexagone et Combat 18. La procédure est engagée. Je sais, monsieur le député, que vous nous aviez saisi, et je connais votre attention particulière à ce sujet.
Il nous faut aussi aider les lieux de culte et les mosquées. C'est la raison pour laquelle nous avons accompagné quatre-vingt-quinze projets, en mobilisant plus de 1,5 million d'euros afin que la sécurité de ceux qui ont choisi la religion musulmane soit garantie en France, comme celle de tous ceux qui pratiquent d'autres religions.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ma question, à laquelle j'associe mes collègues Jennifer De Temmerman et Agnès Firmin Le Bodo, s'adresse à Mme Schiappa.
Je souhaite, madame la ministre, rappeler les discriminations pour raison de santé dont sont victimes les personnes souffrant de diabète, particulièrement de type 1.
Aujourd'hui, en France, si vous souffrez de diabète, n'aspirez surtout pas à travailler pour l'armée, la police, ou la SNCF, même en tant que contrôleur ou secrétaire. Le monde du travail et, surtout, la prise en charge de la maladie ont pourtant considérablement évolué.
Il est évidemment important de veiller à la sécurité des personnes diabétiques et de ceux qui les entourent. Mais il est de notre devoir, aujourd'hui, de dénoncer une législation obsolète, et surtout d'en finir avec les idées reçues. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, nous ont d'ailleurs largement devancés sur ce sujet.
On peut grandir et vivre en bonne santé, être scolarisé, étudier, faire du sport, tout en étant diabétique. Plusieurs de nos grands sportifs nationaux, souffrant d'un diabète de type 1, peuvent apporter des médailles à la France. Mais ils ne peuvent pas entrer dans la police !
Un point positif : la législation très stricte concernant le permis de conduire va, semble-t-il, s'assouplir un peu. La circulaire est-elle d'ailleurs entrée en vigueur ?
Pouvez-vous, madame la ministre, indiquer aux personnes diabétiques ce que votre ministère compte entreprendre pour remédier à ce type de discriminations, et comment il compte communiquer pour une meilleure appréhension de cette maladie, trop souvent méconnue, et dont la perception est trop souvent erronée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.
Vous avez raison, madame la députée, de parler de cette maladie. C'est effectivement une lutte de tous les jours pour les patients. Je voudrais saluer l'engagement de ceux d'entre eux qui combattent contre certaines discriminations, de même que l'engagement des soignants, des proches, et des associations.
Vous m'interpellez sur les mesures. Notre première priorité est de sensibiliser afin de mieux anticiper les situations de vulnérabilité des personnes diabétiques. Notre deuxième priorité est d'améliorer leur prise en charge, afin d'éviter les complications. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a engagé la transition vers un nouveau modèle de rémunération forfaitaire pour la prise en charge du diabète, de type 1 comme de type 2. Cela permettra notamment la prise en charge forfaitaire de l'insuffisance rénale chronique, qui peut découler du diabète. Le forfait vise à transformer et à faciliter le suivi annuel des patients.
Notre troisième priorité répond plus particulièrement à votre question : c'est de garantir un accompagnement vers l'emploi, afin que les patients ne se voient pas opposer une incompatibilité de principe du diabète avec certaines professions. Vous le savez, le sujet est complexe, mais des avancées ont été réalisées, et d'autres le seront.
Un travail a été engagé par l'ouverture d'une conférence de consensus avec la Direction générale de l'aviation civile sur l'accès à l'emploi de pilote de ligne. Des mesures d'assouplissement sont en cours dans la police.
Il me paraît nécessaire, désormais, de dresser un état des lieux précis, de façon à ce que des avancées aient lieu dans toutes les professions. Nous avons prévu de lancer une mission conduite par l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de l'administration. Elle contribuera à définir un dispositif que nous voulons transparent afin d'assurer à tous une égalité de traitement. La médecine progresse, madame la députée, la société inclusive doit progresser également.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre du travail, 3,9 points, c'est la baisse effective du taux de chômage, toutes catégories confondues, au nord de ma circonscription, à Chauny, à Tergnier tout comme à Soissons, dans l'Aisne. Nous n'avions pas connu une telle embellie depuis bon nombre d'années ! Dans nos territoires, principalement ruraux, affectés par de nombreuses fermetures industrielles, la confiance est de retour pour les entreprises.
Depuis 2017, en France, notre industrie relève la tête, crée des emplois et investit pour retrouver sa compétitivité. À l'occasion de la semaine de l'industrie, il est utile de rappeler que la richesse d'une entreprise, c'est l'humain.
J'ai souvenir, madame la ministre, de votre passage à Soissons, notamment à Promeo, où nous avons rencontré une femme de 52 ans qui apprenait le métier de chaudronnier et qui a retrouvé sa dignité à travers la formation.
Vous avez pris de nombreuses mesures : je pense à l'allégement des charges, à la simplification administrative pour les entreprises, à l'amélioration du pouvoir d'achat des salariés grâce à la prime d'activité, à la suppression des cotisations sociales chômage et maladie sur la fiche de paie, à la défiscalisation des heures supplémentaires, à la prime exceptionnelle versée par les entreprises d'ici au 31 mars, à l'encouragement de l'apprentissage à travers les aides aux centres de formation d'apprentis – CFA – et la méthode « coûts-contrats », à la formation professionnelle, au fait de favoriser une bonne coordination entre les lycées de métiers, Pôle emploi, les missions locales et les entreprises, mais aussi aux actions en faveur des personnes en situation de handicap… Toutes ces mesures contribuent à lutter contre l'une des plus grandes injustices sociales : le chômage.
Depuis 2017, les réformes engagées, en concertation avec l'ensemble des acteurs socio-économiques, portent leurs fruits. Oui, le terreau est bon et ce jardin nécessite attention et méthode.
Madame la ministre, quels outils et quelles mesures complémentaires proposez-vous pour entretenir cette dynamique vertueuse et relever le défi du recrutement pour nos entreprises ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le député, je me réjouis des chiffres que vous avez donnés concernant votre circonscription : ils correspondent à ce début de décrue du chômage que nous constatons…
… et qui est lié à notre action. Depuis que nous sommes arrivés aux responsabilités, le taux de chômage national est passé de 9,7 % à 8,8 %. Il reste beaucoup à faire, mais la démarche est engagée.
Le sujet de l'emploi industriel est très important. En France, nous avons perdu un emploi industriel sur quatre en quinze ans. C'est une véritable hémorragie ! Or, l'année dernière, pour la première fois depuis 2000, nous avons recréé 9 500 emplois dans l'industrie. Avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, nous agissons au quotidien sur ce sujet, qui nous paraît d'autant plus prioritaire que chaque emploi industriel génère au moins trois emplois supplémentaires et qu'il irrigue tout le territoire, car les industries sont la plupart du temps situées dans les territoires ruraux et les petites villes.
Que pouvons-nous faire de plus ? L'accès au capital humain est essentiel. Pour ce faire, nous disposons de trois leviers.
Le premier levier concerne les métiers en tension, qui sont nombreux dans l'industrie. Vous avez cité les chaudronniers et les soudeurs, mais les conducteurs de ligne et les techniciens de maintenance sont dans la même situation. Dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, nous avons mis en place des préparations opérationnelles à l'emploi, qui permettent d'accéder directement à l'emploi et dont nous avons pu constater ensemble l'efficacité.
Le deuxième levier porte sur la prévision des compétences. Lors du Conseil national de l'industrie de mai 2018, les industriels et nous-mêmes avons pris des engagements en la matière. Ainsi, nous accompagnons déjà dix secteurs industriels dans une démarche de gestion prévisionnelle des emplois, afin qu'ils puissent construire avec nous les diplômes et les filières dont nous aurons besoin demain.
Le troisième levier concerne les CFA d'entreprise. Dans la droite ligne de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, de nombreuses entreprises sont en train de créer leur CFA ou en ont l'intention. C'est déjà le cas de Schneider, de Safran, d'Arc Holdings et du groupe Nicollin. Ces entreprises le font pour elles-mêmes et pour leur écosystème.
L'accès au capital humain est probablement la principale barrière, mais aussi le principal levier dont nous disposons aujourd'hui pour développer l'industrie. Nous allons réindustrialiser !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, la semaine dernière, le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France a appelé ses adhérents à « faire scandale et être prêts à arrêter la pratique des IVG », …
… utilisant cette menace comme un moyen de faire pression sur votre ministère sur un tout autre sujet.
En France, pays de Simone Veil où l'IVG est un droit garanti par la loi, on ne saurait laisser place à un tel chantage.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM, UDI-Agir, SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous avez d'ailleurs dénoncé, madame la ministre, une « prise en otage des femmes ». Je suis totalement d'accord avec vous.
Je veux rappeler que l'IVG constitue un acquis majeur et a marqué une étape essentielle dans la conquête de la liberté la plus fondamentale pour les femmes, celle de disposer librement de leur corps.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM, UDI-Agir, SOC, FI et GDR.
Simone de Beauvoir avait dit : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Quarante-quatre ans après la loi Veil, cette mise en garde est plus que jamais d'actualité, tant les attaques visant à remettre en cause l'IVG demeurent en France, en Europe et dans le monde. Il est donc essentiel de ne jamais baisser la garde et de toujours protéger la liberté de choix donnée aux femmes.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles suites le Gouvernement compte donner à cette affaire et quelles sanctions sont ou pourraient être envisagées pour condamner fermement cette prise de position absolument inacceptable ?
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM, UDI-Agir, SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mmes et MM. les députés des groupes MODEM, LaREM, UDI-Agir, SOC, FI et GDR se lèvent, de même que M. Bernard Deflesselles.
Comme vous, madame la députée, je juge évidemment ce communiqué du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France totalement scandaleux. Il menace d'un refus spécifique d'un acte – c'est déjà rare – , et pas n'importe lequel ! L'interruption volontaire de grossesse est un acte militant, un acte signifiant. Ce n'est pas digne d'un syndicat.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.
Dès que j'en ai eu connaissance, j'ai dénoncé le caractère inadmissible de ces menaces destinées à « se faire entendre » – je cite le communiqué. Vous l'avez dit, ces menaces vont à l'encontre du respect inconditionnel du droit à l'IVG garanti dans notre pays. Je regarde s'il peut s'agir juridiquement d'un délit d'entrave.
Ces nouvelles déclarations sont inacceptables de la part d'un syndicat qui entend représenter les gynécologues obstétriciens. Cette profession se doit d'être au plus près des souffrances des femmes et d'accompagner ces dernières, notamment dans ce moment très difficile et très douloureux qu'est l'interruption volontaire de grossesse. En aucun cas une telle prise en otage des femmes ne servira de levier de négociation avec mon ministère.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir et FI.
En aucun cas une telle prise en otage des femmes ne peut non plus servir à la médiatisation d'un dossier. En tout cas, si médiatisation il y a eu, elle ne met pas à l'honneur ce syndicat ni les professionnels qu'il représente. Je le regrette très sincèrement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 49 , portant article additionnel après l'article 3.
Rappel au règlement
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du Règlement. Nous venons d'apprendre que le porte-parole du Gouvernement, M. Griveaux, a annoncé que la mission antiterroriste Sentinelle serait utilisée pour appuyer les opérations de maintien de l'ordre, notamment en vue des manifestations qui auront lieu samedi.
Or la mission de l'armée n'est pas de maintenir l'ordre – métier qui nécessite un savoir-faire particulier. Le sujet nous paraît suffisamment important, grave, pour que la conférence des présidents soit saisie.
La loi du 11 février 2005 inscrit au sein du code de la santé publique l'obligation, pour les professionnels de santé, notamment ceux du secteur médico-social, de suivre, dans le cadre de la formation initiale et continue, une formation spécifique au handicap.
Mais force est de constater que cette disposition est peu appliquée faute de dispositions relatives à sa mise en oeuvre, comme ont pu le constater Mme Marianne Cornu-Pauchet et le docteur Philippe Denormandie dans leur rapport sur l'accès aux soins des personnes en situation de handicap et en situation de précarité.
L'amendement vise à rendre opérationnelles les dispositions de l'article L. 1110-1-1 du code de la santé publique, et à étendre leur bénéfice à la formation relative à la santé des aidants. En effet, on constate que la méconnaissance du handicap et de son impact sur la vie quotidienne des personnes rend le système de santé peu accessible aux personnes en situation de handicap. La formation des professionnels de santé est un enjeu important pour mieux faire évoluer leurs pratiques. Il s'agit de trouver le meilleur équilibre entre le refus de soins et une surmédicalisation, et de prévenir le renoncement aux soins.
L'amendement est aussi relatif aux aidants. Plus de huit millions d'aidants non professionnels, souvent familiaux, jouent aujourd'hui un rôle central dans l'aide et l'accompagnement d'un proche dépendant. Au cours de leur formation initiale et continue, les professionnels de santé et du secteur médico-social doivent être sensibilisés aux signes de fragilité des aidants afin de mieux prévenir les conséquences que peuvent par exemple avoir la fatigue ou le stress sur leur santé physique et psychique… Tous ces éléments méritent notre attention.
Depuis le début de nos débats, par exemple lorsque nous avons discuté du sujet la nuit dernière, nous avons beaucoup parlé de la formation initiale et continue du personnel médical – c'était l'enjeu des articles 2 et 3 – , mais nous n'avons absolument pas abordé la question des aidants familiaux.
Je pense au cas d'une maison spécialisée dans le traitement de la sclérose en plaque, dans le Jura. Il y a quelques années nous avons créé un village « répit famille » pour répondre aux besoins des familles épuisées qui gardent volontairement les patients à domicile. À côté d'une structure qui traite les malades, il existe un village qui permet aux aidants de se reconstruire pendant une semaine.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, je pense que nous devons pouvoir écrire, dans un projet de loi que vous présentez comme fondamental pour les professions médicales, que les aidants ont leur rôle à jouer dans la chaîne des soins, et que les médecins doivent aussi prendre en considération leur fatigue et l'usure liée au fait qu'ils assistent les malades au quotidien.
Il vise à rendre effective la formation des professionnels de la santé et du secteur médico-social en matière de handicap, et à la compléter par une formation sur le rôle des aidants familiaux et sur la santé de ces derniers.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait inscrit dans le code de la santé publique l'obligation d'intégrer dans la formation initiale et continue une formation spécifique au handicap. Force est de constater que cette disposition est en général peu appliquée.
Souvent les aidants s'épuisent. Il est donc important que les personnels de santé puissent s'en rendre compte et leur apporter les conseils nécessaires.
Alors que la loi du 11 février 2005 a inscrit dans le code de la santé publique l'obligation d'intégrer dans la formation initiale et continue une formation spécifique au handicap, cette disposition est appliquée de façon très insuffisante. Nous savons pourtant combien l'accès à la santé des personnes en situation de handicap est difficile.
Cette difficulté a plusieurs causes, parmi lesquelles la méconnaissance des handicaps, le manque de formations relatives aux besoins spécifiques, aux adaptations des outils, et aux dispositifs d'accompagnement des personnes en situation de handicap.
Si, dans le cadre de la loi, nous ne pouvons pas faire la liste de tous les thèmes qui devraient faire l'objet d'une formation, il nous revient de légiférer lorsque nous constatons qu'une disposition législative adoptée il y a dix ans n'est pas appliquée. En raison de sa nature spécifique, nous avons affaire à un sujet qui mérite de figurer dans la loi.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques.
Avis défavorable. Nous avons débattu de ce sujet hier, et nous avons considéré que le contenu des formations ne relevait pas de la loi qui fixe des principes fondamentaux.
Mme la ministre des solidarités et de la santé et Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation se sont engagées à écrire aux doyens pour leur faire part de l'ensemble des formations que les parlementaires veulent voir dispensées.
La question de l'accompagnement des aidants et du handicap est importante mais, vous l'avez tous constaté, il ne suffit pas de l'inscrire dans la loi pour que les choses évoluent dans la réalité.
Il me semble beaucoup plus important de prévoir que le parcours de l'étudiant lui permette de participer à des stages et à des formations sur le terrain : il en apprendra beaucoup plus qu'au cours de deux heures d'enseignement théorique. Et c'est aussi cela que nous faisons avec le projet de loi.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Tout d'abord, je réitère l'engagement d'inscrire la question des aidants et du handicap dans le courrier que j'adresserai aux doyens sur la formation initiale et continue.
Ensuite, je veux vous rassurer : ces thématiques figurent déjà au programme du diplôme d'État d'accompagnant éducatif et social, qui correspond à la formation des travailleurs sociaux.
Toutefois, parce que je ne souhaite pas que toutes les formations des professionnels de santé soient inscrites dans la loi, j'émets un avis défavorable aux amendements identiques.
L'appel à la prise en compte des aidants a été entendu depuis de nombreux mois. Je rappelle que, depuis le mois d'octobre, une mission a été confiée à M. Dominique Libault, qui traite de la question des aidants. Des réponses seront donc proposées très prochainement.
Je veux dire tout l'intérêt du groupe La République en marche pour ce sujet. Un travail est entamé et des réponses viennent. En revanche, ce n'est sans doute pas dans ce projet de loi qu'il faut inscrire des dispositions en la matière. Mieux vaut le faire dans un texte plus large, sans dissocier le binôme que forment aidants et aidés !
Madame la rapporteure, madame la ministre, j'entends tous vos arguments, cependant, nous avons le sentiment que vous nous présentez un texte relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, prétendument fondateur, tout en le vidant de sa substance.
J'en veux pour preuve le cas de la procédure de certification de l'article 3, qui fera l'objet d'ordonnances, ce qui exclut totalement le Parlement de la discussion.
Je constate aussi que, depuis hier, à chaque fois que l'on vous a demandé de prendre en compte un élément spécifique dans la formation, vous refusez de le faire. Nos suggestions ont pourtant tout leur sens puisque Mme la ministre s'engage elle-même à écrire aux doyens. Mais est-ce à elle de le faire ? Est-il suffisant de rédiger un courrier ? Les députés ont-ils encore un rôle à jouer à l'Assemblée, et peuvent-ils demander que soit expressément inscrit dans la loi que l'accompagnement des aidants doit faire partie du cursus de formation des futurs médecins ?
J'ai bien entendu votre réponse, madame la ministre. C'est la même que vous nous aviez apportée hier soir – à cette occasion, j'avais retiré l'un de mes amendements sur la formation aux enjeux de la vaccination.
J'insiste sur la question de la prise en charge médicale des personnes en situation de handicap. Il faut prendre cette situation en considération dans la formation, et aller au-delà du courrier que vous voulez envoyer aux doyens d'université.
De nombreuses personnes en situation de handicap se trouvent en situation de précarité en matière d'accès en soin du fait d'une prise en charge par le milieu médical qui n'est pas adaptée à leur handicap. Un véritable problème se pose, en particulier dans les hôpitaux et les services d'urgence.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI. – Mme Caroline Janvier applaudit aussi.
Dans le même esprit que les amendements précédents, il s'agit d'insérer un nouvel article L. 1110-1-2 dans le code de la santé publique afin d'y inscrire que les professionnels de santé et du secteur médico-social reçoivent, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant les dispositifs de couverture santé et les spécificités de la prise en charge des personnes en situation de précarité et des personnes en situation d'addiction.
Ces aspects doivent en effet être renforcés dans le cadre de la réforme des études de médecine prévue par le projet de loi, mais aussi dans les cursus des autres professions de santé, sociales et médico-sociales.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 243 .
On peut s'attendre à ce que Mme la ministre nous réponde qu'elle écrira à M. le doyen de la faculté, mais nous abordons un sujet qui n'est pas suffisamment souvent traité.
Au fil des années, les addictions ont évolué. Nous connaissions les addictions à l'alcool, au tabac, ou au jeu. Aujourd'hui, il faut compter avec les addictions à internet ou à la violence – ces dernières se sont en particulier développées grâce aux réseaux sociaux et à de nouvelles pratiques et de nouveaux usages. Une formation serait fort utile pour aider les médecins, en particulier les généralistes à traiter ces pathologies qui conduisent souvent ceux qui en sont victimes à la précarité.
Ce n'est pas parce qu'ils étaient dans la précarité qu'ils ont une addiction à soigner, mais parce que l'addiction était à soigner qu'ils sont tombés dans la précarité.
C'est, là encore, un sujet qui devrait nous sensibiliser.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 719 .
Il est essentiel de mieux informer les étudiants des problèmes que peuvent rencontrer les populations les plus fragiles. Il s'agit, par conséquent, de les former à prodiguer des conseils et des explications sur le financement des soins, sur les remboursements, afin de ne pas éloigner les publics les plus modestes de l'accès aux soins.
En ce qui concerne les addictions, si des dispositifs spécifiques existent, comme les numéros verts ou les centres de désintoxication, les médecins doivent être aptes à détecter les premiers signaux et à orienter leurs patients vers des structures adaptées.
Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi la formation des professionnels de santé et médico-sociaux aux spécificités de la prise en charge des personnes en situation de précarité et des personnes en situation d'addiction.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 778 .
Dans le cadre de la réforme des études de médecine, cet amendement vise à inscrire dans la loi la formation des professionnels de santé et médico-sociaux aux dispositifs de couverture santé et aux spécificités de la prise en charge des personnes en situation de précarité et des personnes en situation d'addiction, dans la perspective de toujours guider au mieux le parcours de soin de ces personnes fragiles.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1455 .
La parole est à Mme Caroline Janvier, pour soutenir l'amendement no 1872 .
Je comprends que l'on soit ravi de pouvoir inscrire dans la loi des formations concernant le handicap. Hier, je vous rappelle que nous avions parlé des violences faites aux femmes, qui est aussi un sujet majeur, en plus des addictions. Le nombre de sujets dont il faut absolument s'emparer dans le cadre des formations est effectivement très élevé. Pour autant, ce texte de loi est-il le lieu où dresser la liste de tous ceux que vous mettez en avant dans vos amendements ? A contrario, qu'advient-il des sujets qui ne sont pas portés et qui pourtant revêtent une égale importance ?
Donc, ce sera un avis défavorable. Je pense qu'il faut faire les choses réellement plutôt que de faire semblant.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous devons être attentifs à ne pas heurter toutes les personnes qui souffrent de pathologies qui ne figureront pas dans la liste, notamment les pathologies rares. Nous recevrons des demandes de toutes les associations de malades qui auront vu que les députés ne se sont pas préoccupés de telle ou telle pathologie !
Ce n'est pas ainsi que l'on conçoit un contenu de formation pour les étudiants en médecine. Nous devons veiller à ce que ces derniers aient une vision large de toutes les pathologies, en faisant en sorte qu'ils y soient confrontés. Les inscrire dans la loi n'est pas, à mon avis, le bon moyen de mettre en exergue l'attention que l'on porte à un sujet.
Je reviens à problématique des aidants et du handicap, et à la question fort légitime de M. Lurton. Effectivement, les personnes en situation de handicap rencontrent des difficultés pour suivre un parcours de soins simple et fluide. Mais ce n'est pas en inscrivant le sujet dans la formation des médecins que l'on améliorera ces parcours.
Au sein du conseil interministériel du handicap, où sont conviés tous les ministres, je m'attache, avec ma collègue Sophie Cluzel, à faciliter ce parcours de soins en créant, par exemple, des équipements adaptés aux personnes en situation de handicap. Ainsi, aujourd'hui, pour ce qui est du dépistage des cancers, les machines de radiologie et de mammographie ne sont pas adaptées aux femmes en fauteuil roulant. Tout cela ne relève pas de la formation et ce n'est pas parce que nous en ferons deux heures de cours supplémentaires que cela changera quoi que ce soit au parcours de ces personnes.
Adopter ces amendements serait utiliser de bien mauvais leviers pour aborder des thématiques extrêmement sérieuses, et nous ne manquerions pas de nous aliéner toutes les associations de malades dont la maladie ne serait pas inscrite dans ce projet de loi. Ce serait regrettable. Je suis donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe applaudit.
La parole est à Mme Barbara Bessot Ballot, pour soutenir l'amendement no 1386 .
Les médecins généralistes reçoivent souvent en consultation des personnes souffrant de pathologies psychiatriques : dépression, anxiété, angoisse... En milieu rural notamment, la désertification médicale fait qu'il y a peu d'étayage et de continuité des soins. L'idée était d'ajouter la psychiatrie au programme parce qu'en milieu rural, les dépressions, anxiétés ou angoisses sont très souvent traitées par la médecine générale. Il conviendrait donc que les étudiants reçoivent une réelle formation en la matière.
J'ai présenté un plan spécifique pour la psychiatrie, au dernier congrès de l'Encéphale, qui prévoit la formation des futurs médecins généralistes aux questions de santé mentale au sens large. Le Gouvernement agit pour faire de la santé mentale une priorité de la formation, car c'est essentiel, mais je ne souhaite pas l'inscrire dans la loi pour les raisons évoquées précédemment. Avis défavorable.
Même si ce n'est pas inscrit dans la loi, la psychiatrie est l'urgence des urgences. Il faudrait lui accorder des moyens mais, malheureusement, elle demeure le parent pauvre de la santé. Je ne sais si cela doit être inscrit dans loi, mais il faut vraiment s'en préoccuper et engager une réflexion sur la question. Ceux qui sont allés visiter des hôpitaux psychiatriques savent très bien le manque de moyens et de personnels qu'ils connaissent, sans oublier tous ces hospitaliers et ces professionnels qui sont en mouvement et ont fait grève pour obtenir des moyens supplémentaires.
Concernant la formation initiale des médecins généralistes à la santé mentale, je rappelle qu'aujourd'hui, un module de psychiatrie est généralement suivi en troisième ou quatrième année de la faculté. Puis, lors du troisième cycle de médecine générale, les médecins généralistes reçoivent à nouveau une formation, qui est plus qu'une simple initiation.
Toutefois, le mieux serait sans doute de dégager un stage entier, complet, pratique, non pas de formation théorique mais de formation réelle, « au lit du malade » comme l'ont dit classiquement – l'enseignement se fait aussi auprès des patients. Il s'agirait donc de revoir la maquette de médecine générale et de dégager au minimum six mois de stage afin de permettre aux internes qui suivent ce cursus de bénéficier d'un stage clinique précis, quotidien, dont il conviendrait de discuter avec l'institution psychiatrique.
Puisque nous parlons de psychiatrie, je veux en profiter pour dire que la suppression de la tarification à l'activité – T2A – , que nous soutenons, n'est pas l'alpha et l'oméga de la réponse à la question de santé publique. En fait, la dotation forfaitaire en psychiatrie produit, dans nos territoires, des inégalités très fortes en termes de dotation forfaitaire allouée aux établissements. Il y aurait besoin d'un rebasage pour corriger cela.
Par ailleurs, je veux vous faire part du témoignage, reçu il y a quelques jours à peine, de la famille d'un jeune adulte schizophrène. Les membres de la famille ont dû arrêter leur travail pour prendre en charge ce jeune adulte qui était sorti de l'établissement spécialisé ! Ils n'ont aucune info sur rien ! La formation des médecins libéraux, notamment en milieu rural, à l'orientation et au conseil des familles est donc une question centrale. Elle ne sera certes pas résolue par le biais d'un amendement, mais elle doit vraiment faire l'objet d'un politique publique globale et cohérente, car on constate un véritable déficit de connaissance, d'information et d'orientation de la part des médecins auprès des familles.
Bien que cela ait été excellemment exposé par Mme la ministre, je tenais à rappeler au nom de mon groupe qu'en voulant inscrire dans la loi certaines thématiques – certes éminemment importantes et sensibles, nous sommes tous d'accord sur ce point, qu'il s'agisse du handicap, de la psychiatrie ou de la précarité – ou encore en voulant entrer dans le dur sans être exhaustif, vous induisez une priorité des détresses. Or on ne peut prioriser les détresses : toutes doivent être prises en charge de la même façon. En tant que professionnels de santé, cela fait partie intégrante de notre vocation.
Je vous fais part de mon incompréhension par rapport à ces propositions. Je rappelle également, comme je l'ai dit hier, et le groupe est d'accord avec moi, que ce projet de loi propose une évaluation permettant de vérifier les compétences, les connaissances et la qualité de formation de nos jeunes. Cette évaluation répondra au souci de vérifier que toutes les compétences permettant le meilleur accompagnement de nos futurs professionnels de santé seront bien présentes. Notre groupe est défavorable à cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1386 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle Peyron, pour soutenir l'amendement no 579 .
Cet amendement vise à notifier les titres détenus sur les listes dressées par les organismes désignés à cette fin, aujourd'hui l'ordre national des infirmiers. Les infirmiers peuvent en effet détenir des titres de spécialités ou de pratiques avancées reconnus par le code de la santé publique. Il s'agit des seuls titres pouvant également être apposé sur les plaques professionnelles et ordonnances infirmières.
Il s'agit notamment de permettre aux organismes et aux usagers de vérifier la détention des titres de spécialité sur les tableaux de l'ordre infirmier. L'accès pour les tiers à de telles informations est nécessaire pour une orientation rationnelle des patients vers des professionnels adaptés. Il permet aussi de vérifier la réalité des diplômes de spécialisations et de pratiques avancées dans un environnement professionnel qui verra la multiplication à l'avenir des diplômes, notamment de pratiques avancées. C'est également une possibilité pour les professionnels de valoriser des formations complémentaires diplômantes.
Cet amendement est très important et très utile. Il répond à trois objectifs : sécuriser l'information donnée aux usagers et aux patients ; garantir le contrôle des diplômes obtenus par les infirmiers lors de l'inscription à l'ordre ; et, donc, éviter un exercice illégal de la médecine.
Je suis donc très favorable à votre amendement, madame Peyron.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 579 est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 1189 .
Nous proposons d'établir, à la place d'un brevet, un diplôme d'État de niveau licence, afin de permettre aux opticiens-lunetiers – c'est une profession – de s'inscrire dans le cadre du système européen LMD – licence-master-doctorat.
Cet amendement s'inscrit dans le cadre de votre projet de réforme du 100 % santé, qui garantirait à tous les Français un reste à charge zéro dans le domaine de l'optique. Alors que les ophtalmologues sont assez rares, les opticiens-lunetiers sont assez nombreux sur le territoire et ne demandent qu'à voir leur formation progresser. Ils ne veulent pas se borner à être des commerçants et des vendeurs de lunettes, ils souhaitent également intégrer une formation de type LMD.
Il y a en effet urgence à faire évoluer la filière de la santé visuelle. Comme cela a été dit en commission, un groupe de travail est mis en place, dans le cadre du 100 % santé, avec les acteurs de l'ensemble de la filière. Il me semble donc prématuré d'inscrire cette mesure dans la loi avant qu'il n'ait rendu ses conclusions. Avis défavorable.
Je trouve la mesure intéressante, puisqu'elle va dans le même sens que ce que propose le Gouvernement dans le cadre du 100 % santé. Mais nous ne souhaitons pas, monsieur Door, inscrire ce nouveau diplôme d'État en trois ans dans la loi car nous avons encore besoin de travailler le sujet avec les professionnels. Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – destinée à améliorer la filière visuelle va être lancée par le Gouvernement dans le cadre de l'évolution du 100 % santé. Nous sommes tout à fait en phase avec vous sur l'objectif et je vais proposer une modification du décret de compétences à l'issue de cette mission, mais nous avons besoin d'en attendre les conclusions. La formation des opticiens-lunetiers sera évidemment traitée dans ce cadre, mais je ne souhaite pas graver dans le marbre de la loi une formation finalisée en trois ans sans connaître encore exactement l'issue de la mission. Je demande donc le retrait de ces amendements.
Je veux expliquer l'état d'esprit qui est le nôtre en exprimant notre soutien à ces deux amendements. Le fait est qu'ils prennent en compte la pénurie dans les territoires : il n'y a pour ainsi dire plus de médecine scolaire, ou du moins est-elle bien malade, et la détection des problèmes visuels des enfants se fait dans des conditions de plus en plus mauvaises, et de plus en plus tardivement. Dans certains territoires, comme chez moi, à Dieppe, il y a six mois d'attente pour un rendez-vous chez un ophtalmo !
Oui, cela peut être plus. Ces amendements tiennent compte de la pénurie en proposant des délégations de tâches aux opticiens-lunetiers et une montée en gamme de leur formation. C'est légitime. Le groupe GDR votera donc ces amendements, car on ne peut rester sans rien faire devant ce constat de pénurie. En revanche, il faut veiller à ce que cela n'aboutisse pas, comme pour d'autres délégations de tâches, à une médecine à plusieurs vitesses : une pour ceux qui ont suffisamment de fric pour aller voir les médecins qui vont bien, et une autre pour ceux qui se rendront chez des praticiens aux qualifications moindres.
L'amendement de Jean-Pierre Door est de bon sens, madame la ministre. Vous nous dites que le 100 % santé, le reste à charge zéro va forcément avoir un impact sur la filière de la vision. On vous avait prévenus ! Mais vous n'avez pas entendu.
La réalité, aujourd'hui, c'est que dans certains territoires, le Haut-Jura par exemple, il est impossible de demander un rendez-vous à un ophtalmologiste. Essayez, madame la ministre, faites le test, même en tant que ministre de la santé : ils ne prennent plus de nouveaux patients ! Je vois réagir la présidente de la commission, mais j'ai moi-même fait le test. Nous sommes une dizaine à l'avoir fait !
Bref, aujourd'hui, il n'y a pas de possibilité d'obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste. Or l'emploi du temps des ophtalmologistes est à 80 %, voire à 85 % consacré à l'optométrie, chose pour laquelle un opticien aujourd'hui est très bien formé. Il n'est pas nécessaire de repousser les choses en lançant encore une étude.
Car le Gouvernement a une vraie spécialité : il demande des études sur tous les sujets ! Chaque fois qu'un nouveau problème est constaté, on lance une étude, qui va durer six mois, huit mois, un an… Voyez la réforme des retraites : cela fera bientôt deux ans qu'un Haut-commissaire a été nommé, et rien n'est sorti !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pourquoi n'auriez-vous pas le courage de dire que l'optométrie est dorénavant ouverte aux opticiens ? C'est simple et cela permettrait d'aller beaucoup plus vite, quitte à corriger ultérieurement, si votre groupe de travail devait conclure en sens inverse, ce que je ne crois pas une seconde. Il faut enlever l'optométrie du champ de compétences de l'ophtalmologiste pour que celui-ci puisse se consacrer pleinement à sa spécialité, les maladies de la vue et de l'oeil.
Madame la ministre, je vous ai entendue. Je pense que nous sommes en phase sur le fait que la filière visuelle doive être améliorée dans le cadre du fameux 100 % santé. Mais cela ne peut passer, dans l'immédiat, que par l'intégration des opticiens-lunetiers dans les dispositifs prévus pour les citoyens qui ont besoin d'être examinés sur le plan optique.
Je sais bien que cet amendement sera repoussé par la majorité. Ce que je souhaite savoir, c'est le délai dans lequel votre mission rendra ses conclusions : un mois, six mois, deux ans ? Il y a vraiment urgence. Or, une urgence, ça se traite en quelques semaines, pas plusieurs années.
Jean-Pierre Door a très bien dit les choses : on sait très bien qu'un rendez-vous chez un ophtalmo, c'est six à dix-huit mois d'attente. Son amendement propose en outre un moyen d'améliorer la formation des opticiens en la plaçant au niveau européen des LMD. Cela permettrait, madame la ministre, d'apporter une réponse à ceux pour lesquels il est de plus en plus difficile d'avoir accès à un ophtalmo, sachant que le fossé avec les autres se creusera davantage au fil du temps.
Pourquoi retarder les choses donc, alors qu'on sait parfaitement ce que doit contenir cette formation complémentaire pour faire passer les opticiens de bac +2 à bac +3 ? Et si vous retardez quand même, donnez-nous au moins un calendrier, parce que les territoires attendent ce message.
Monsieur Jumel, madame Dalloz, nous sommes tous d'accord sur la nécessité de faire évoluer cette filière. L'objectif est évidemment partagé. Mon ministère n'attend pas pour agir : je vous propose simplement de travailler dans la concertation. C'est ma méthode. Cela évite que des professionnels puissent se sentir bafoués par des textes de loi qui vont plus vite que leur temps d'appropriation des problèmes.
Je demande de laisser le temps à cette mission de faire son travail, précisant qu'elle rendra ses conclusions à la sortie de l'été au plus tard – si elle les rend avant, ce sera encore mieux. Mais nous n'attendons pas pour agir, puisque la proposition de loi déposée par Mme Firmin Le Bodo prévoit que les opticiens puissent mener des actions dans les EHPAD pour le renouvellement des lunettes, et que la commission des affaires sociales a adopté un article 19 ter sur les protocoles de coopération, à propos duquel j'ai dit que la priorité serait de travailler sur une forme de délégation de tâches dans la filière visuelle.
La mission que j'ai évoquée vise à modifier le décret de compétences d'ici l'été. C'est un travail que le ministère sait faire, car les métiers évoluent toujours. En attendant, protocoles de coopération et délégations de tâches vont être mis en oeuvre, comme cela a déjà été le cas dans le cadre du PLFSS. Plutôt que de devoir émettre un avis défavorable, je préférerais un retrait de votre part, monsieur Door, parce que je sais que vous me faites confiance !
Sourires.
Les étudiants en orthoptie, tenus d'effectuer un certain nombre de stages durant leur parcours, privilégient les stages en centre hospitalier universitaire ou en cabinet d'ophtalmologie parce qu'ils sont plus attractifs, étant soumis à une obligation de rémunération découlant d'une disposition spécifique du code de l'éducation. Mais ces étudiants se retrouvent souvent cantonnés à une mission d'assistance lors des consultations ophtalmologiques, au détriment de ce qui devrait être l'objet essentiel du stage, c'est-à-dire l'apprentissage des missions emblématiques de leur future profession que sont la rééducation et la réadaptation. Ces missions sont pourtant destinées à prendre de plus en plus d'importance à l'avenir en raison du vieillissement de la population et des enjeux de santé publique qui en découlent – je pense notamment aux priorités sanitaires que sont la DMLA – dégénérescence maculaire liée à l'âge – , le glaucome et à la rétinopathie diabétique.
Il s'agit donc que davantage d'étudiants trouvent un intérêt à s'orienter vers des stages en cabinet libéral d'orthoptie et, par la suite, vers une installation en tant qu'orthoptiste libéral, au coeur du suivi des patients. Cet amendement vise ainsi à réintégrer les orthoptistes libéraux dans le droit commun, c'est-à-dire au régime défini par l'article L. 124-6 du code de l'éducation, ce qui permettrait aux stagiaires de percevoir une rémunération équivalente à celle perçue en centre hospitalier universitaire ou en cabinet d'ophtalmologie. Je crois que c'est un amendement de bon sens.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 172 .
L'argumentaire est le même. Il s'agit en effet de rendre beaucoup plus attractifs les stages chez les orthoptistes afin d'irriguer plus convenablement tout le territoire.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 725 .
Les étudiants orthoptistes privilégient effectivement les stages à l'hôpital ou auprès d'ophtalmos libéraux, qui sont mieux encadrés et plus attractifs du fait de l'obligation de rémunération. Toutefois, ces stages sont essentiellement consacrés à une assistance lors des consultations ophtalmologiques. Les missions de rééducation et de réadaptation, qui constituent le coeur du métier d'orthoptiste, s'en trouvent marginalisées. Ces compétences pourtant fondamentales ne subsistent qu'au sein des cabinets libéraux d'orthoptie, alors même qu'elles seront de plus en plus nécessaires en raison du vieillissement de la population, comme l'a très bien rappelé Bernard Perrut.
Cette évolution permettrait de garantir un avenir à l'exercice libéral de la profession, de la rendre plus attractive pour les étudiants et d'apporter une réponse immédiate aux difficultés d'accès aux soins visuels, sachant qu'on manque d'ophtalmos dans nos territoires. L'amendement vise ainsi à réintégrer les orthoptistes libéraux dans le droit commun, lequel rend obligatoire une rémunération fixée à un niveau minimal de 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale pour tout stage supérieur à deux mois consécutifs.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 1188 .
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements identiques ?
Ces amendements paraissent certes de bon sens, mais si on les adoptait, ils pourraient avoir un effet inverse à celui recherché puisque les opticiens seraient alors dans l'obligation de mieux rémunérer leur stagiaire, ce qui risquerait d'entraîner une diminution du nombre de stages. L'avis est donc défavorable.
Sourires.
La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, pour soutenir l'amendement no 412 .
C'est un amendement d'appel, que je défends en tant que président du groupe d'études Thermalisme de l'Assemblée nationale. Il vise à créer dans le droit français un statut d'aide-kinésithérapeute, pour répondre à la pénurie inédite de masseurs-kinésithérapeutes dans les établissements thermaux.
Depuis plusieurs années, ces établissements, confrontés à d'importantes difficultés de recrutement, ont été contraints de recourir à des praticiens étrangers, belges et espagnols notamment. Mais ces recrutements demeurent insuffisants pour assurer les soins prescrits par les médecins thermaux. Il en résulte, dans un nombre croissant de cas, une incapacité à délivrer les soins, principalement ceux de massage, et par conséquent une perte de chance pour le patient, dont l'ordonnance de traitement n'est pas respectée. Il devient indispensable aujourd'hui d'apporter une solution à ce problème préjudiciable à la fois aux patients et aux établissements thermaux.
M. Sempastous a très bien défendu cet amendement issu du travail du groupe d'études Thermalisme, qu'il préside. Je veux juste lui rappeler combien je regrette que les centres de thalassothérapie ne relèvent pas des travaux de ce groupe…
Rires.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1322 .
Il vise à créer dans le droit français un statut d'aide-kinésithérapeute. Depuis plusieurs années, les établissements thermaux sont en effet confrontés à d'importantes difficultés de recrutement, malgré l'assouplissement qu'a constitué la validation, par ordonnance, des diplômes des masseurs-kinésithérapeutes étrangers.
Les établissements thermaux ne parviennent toujours pas à recruter suffisamment de salariés pour assurer les soins prescrits par les médecins thermaux, et il devient indispensable de dénouer la situation. Nous proposons de créer un statut pour des aides-kinésithérapeutes qui pourraient réaliser certains actes, bien sûr sous le contrôle des masseurs-kinésithérapeutes.
Ce statut existe déjà dans de nombreux États européens. Je rappellerai également qu'un diplôme de cette nature a été délivré autrefois dans notre pays, notamment à Aix-les-Bains.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 1703 .
Il vise à régulariser la situation existante en créant le statut d'aide-kinésithérapeute. Le manque de kinésithérapeutes, qui est de notoriété publique, conduit au recrutement de non-professionnels de la santé pour effectuer illégalement des actes réservés aux kinésithérapeutes. Cette situation n'est pas acceptable. Aussi est-il proposé de créer un statut d'aide-kinésithérapeute, sous le contrôle des masseurs-kinésithérapeutes.
Il est défavorable. En effet, les auditions auxquelles nous avons procédé n'ont pas fait apparaître cela comme une nécessité pour améliorer l'organisation des soins sur notre territoire, ce qui est l'objet du présent texte.
Le statut d'assistant médical, qui a été voulu par les médecins, vise à pallier l'insuffisance de la démographie médicale, afin de trouver le temps médical nécessaire pour soigner nos concitoyens. Mais la profession de masseur-kinésithérapeute est au contraire en forte croissance, avec 3,3 % de professionnels supplémentaires chaque année. Ils sont aujourd'hui 85 000.
Nous pouvons seulement déplorer la faible attractivité des établissements de santé pour ces professionnels : leur disponibilité est donc moindre dans les établissements que dans le secteur libéral. Mais créer un statut d'assistant masseur-kinésithérapeute ne rendrait pas les établissements de santé plus attractifs.
En revanche, nous proposerons, dans un prochain amendement, de créer pour les masseurs-kinésithérapeutes un statut mixte qui leur permettra d'avoir une activité libérale d'un côté, par exemple trois jours par semaine, et une activité hospitalière deux jours par semaine de l'autre. C'est ce statut mixte qui rendra de nouveau attractifs les établissements de santé. Mais je suis défavorable aux assistants masseurs-kinésithérapeutes, dont la création ne répond pas du tout à la même logique que celle des assistants médicaux.
Il vise à créer, pour les étudiants en deuxième cycle d'études médicales, un stage d'une durée de six mois au sein d'un service départemental d'incendie et de secours – SDIS.
Ce stage, qui permettrait de bénéficier plus facilement du statut de médecin sapeur-pompier volontaire, poursuit deux objectifs : faire face à la crise du volontariat que connaissent nos casernes en favorisant l'engagement des jeunes médecins dans les SDIS, et, à défaut de remédier à la désertification médicale, du moins permettre une prise en charge médicale d'urgence et de proximité.
Un peu comme les urgentistes, les sapeurs-pompiers volontaires se trouvent face à la crise de la démographie médicale alors qu'ils sont amenés à intervenir en urgence, notamment dans les zones sous-dotées. Que nos casernes aient un plus grand nombre de médecins sapeurs-pompiers volontaires contribuerait ainsi à améliorer la prise en charge des urgences de proximité.
Il est défavorable. La première partie de l'amendement me semble satisfaite, après l'adoption hier d'un amendement ouvrant les stages des étudiants en deuxième cycle d'études médicales à la totalité des modes d'exercice et à l'ensemble des territoires. Les étudiants pourront faire des stages dans les SDIS.
L'amendement no 1110 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 173 .
Il vise à ce que les acteurs de l'éducation thérapeutique et les professionnels de la relation d'aide soient inclus dans l'organisation des centres et maisons de santé. Parmi ces professionnels figurent les hypnothérapeutes, qui proposent aux patients une thérapie brève favorisant une prise de conscience et un lâcher-prise les soulageant durablement.
Ces professionnels ont une action préventive, puisque leur intervention peut permettre d'éviter un recours direct et systématique aux traitements médicamenteux. C'est pourquoi la structuration des soins de proximité et la constitution d'un collectif de soins doivent pouvoir intégrer des professionnels de la relation d'aide, dans le cadre de schémas d'intervention définis par ordonnance
Nous avons eu cette discussion en commission. Un centre de santé, comme n'importe quelle structure d'offre de soins, répond au souci d'une prise en charge médicale faisant intervenir différents professionnels de santé, du médecin à l'aide-soignant.
Les activités d'éducation thérapeutique ne sauraient se distinguer d'un métier relevant du champ médical, dont elles pourraient constituer un complément d'activité. Il importe de ne pas confondre pratique et praticien, d'autant qu'il n'existe à ce jour aucune certification. J'émets donc un avis défavorable.
Comme l'a indiqué Mme la rapporteure, rien dans la législation actuelle ne s'oppose à ce que des centres de santé recrutent, s'ils le souhaitent, des professionnels qui ne soient pas des professionnels de santé, par exemple des psychologues-psychothérapeutes. Il revient à chaque centre d'adapter ses recrutements en fonction de son projet de santé.
Je tiens toutefois à souligner que la pratique de l'hypnose est réservée aux professionnels médicaux que sont les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes.
L'amendement étant déjà satisfait, je donne un avis défavorable.
L'amendement no 173 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 174 .
L'amendement no 174 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir l'amendement no 320 .
Il en revient encore une fois au problème de la désertification médicale. Afin de pallier le manque de spécialistes, nous souhaitons que les sages-femmes aient une meilleure formation continue en matière d'exercice de premier recours, en particulier celles dont la formation initiale est ancienne. Surtout ne m'opposez pas qu'il s'agit du domaine réglementaire, car j'ai eu soin d'indiquer, dans la rédaction, que les modalités de la formation seront précisées par un décret.
Ce n'est pas ce que je comptais faire : en effet, l'amendement me semble satisfait. Avec le développement professionnel continu, les sages-femmes peuvent acquérir une telle formation. Avis défavorable.
Je ne comprends pas bien l'objet de cet amendement. Les sages-femmes ont aujourd'hui la compétence pour réaliser un suivi gynécologique non pathologique : elles effectuent le suivi de premier recours des femmes, par exemple pour les frottis. Si leur profession leur interdit de suivre les pathologies, elles ont donc le droit de réaliser un suivi médical standard.
Seules les anciennes générations de sages-femmes n'ont pas cette compétence. Dans ce cas, la réponse est apportée par le développement professionnel continu qui actualise leurs connaissances. Je donne donc un avis défavorable à l'amendement.
Comme vous le soulignez, madame la ministre, cette compétence peut s'acquérir par la formation continue, mais elle n'est pas obligatoire. Dans le contexte de désertification médicale, je crois important que son acquisition soit imposée dans le cadre de la formation continue.
L'amendement no 320 n'est pas adopté.
Il a pour objet de former les pharmaciens à l'aide médicale d'urgence et ainsi d'améliorer la prise en charge des urgences en renforçant le tissu des soignants de proximité.
Les pharmaciens font partie des professionnels ressources compétents en situation d'urgence. Fondées sur un raisonnement clinique partagé avec le médecin régulateur, sur le recueil d'indices guidé par une aide cognitive et sur la capacité à réévaluer leurs actes, les compétences de ces professionnels leur permettent de prodiguer des soins adaptés.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1661 .
J'ajouterai que dans les territoires sous-dotés, la diminution du nombre de médecins, et donc de prescripteurs, entraînera une baisse du nombre de pharmacies. Il est donc important que cette profession évolue, surtout sachant que les personnes qui ne trouvent pas de médecin se rabattent systématiquement sur les urgences.
Certes, une partie de la question peut être réglée par le biais de la formation des pharmaciens. Il me semble toutefois important de l'affirmer de façon plus volontaire, dans notre effort collectif pour résoudre la question du manque de médecins.
Seuls les établissements de santé sont autorisés à avoir des unités participant au service d'aide médicale urgente des SAMU, et seules les pharmacies à usage intérieur des établissements publics de santé peuvent exercer des missions d'approvisionnement et de vente en cas d'urgence ou de nécessité.
En commission, Mme la ministre a rappelé que la formation aux gestes et soins d'urgence est devenue obligatoire pour les professions de santé en 2006. Elle a été intégrée aux formations médicales et paramédicales initiales. Avis défavorable.
Je confirme que le pharmacien exerçant en officine est tenu de se former et de posséder l'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence de niveau 2, rendue obligatoire en 2006. Cette formation d'une durée de vingt et une heures relève de la formation continue de tous les pharmaciens. Avis défavorable.
Beaucoup de mes collègues qui participent à ce débat sont des médecins ou autres professionnels de santé. Tel n'est pas mon cas et, comme je l'ai déjà fait au sein de la commission dans affaires sociales, et avec le plus grand respect pour chacun, je ne peux m'empêcher de coiffer ma casquette de paysan et éleveur. Nous sommes peu nombreux ici à pouvoir porter un regard différent sur notre système de santé.
Comparons la médecine vétérinaire avec celle des humains : lorsqu'un éleveur fait appel au vétérinaire, que ce soit ou non en urgence, il arrive dans le quart d'heure suivant, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept !
Si nous bénéficions de cette grande qualité de service et de proximité, c'est grâce à l'organisation des vétérinaires eux-mêmes, qui ont créé des groupements vétérinaires. Il n'est pas utopique de penser qu'un service de santé humaine puisse fonctionner sur ce modèle, sauf à se satisfaire de soigner mieux les animaux que les humains.
Cet amendement marquerait le début d'une amélioration des services grâce à une mobilisation de tous les acteurs, et notamment des pharmaciens, afin de mieux assurer les urgences de proximité. Je souhaite qu'on le comprenne.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM.
Je précise que cette appréciation est personnelle et qu'elle n'engage donc que son auteur. Quoi qu'il en soit, les préoccupations de nos collègues sont à la fois légitimes et sincères.
Toutefois, je redoute qu'en multipliant les occasions de transférer des tâches nouvelles à des praticiens afin d'acter la pénurie, d'une part on accélère la mise en place d'une médecine à plusieurs vitesses, et d'autre part on légitime demain une situation de fait. Car il y a du flou sur la définition des hôpitaux de proximité ! Dans mon territoire, dois-je m'inquiéter pour le SMUR dans la vallée de la Bresle, ou pour le maintien des urgences ? Sur ce point, la ministre m'a rassuré et je ne mets pas sa parole en doute.
Bref, il y a de quoi s'inquiéter quant à la définition, demain, des hôpitaux de proximité. Si l'on multiplie les occasions de transférer ici ou là – aux ophtalmos, aux pharmaciens, plus tard aux infirmières – certaines tâches, je redoute que l'on donne naissance à des inégalités sociales et territoriales en matière d'accès à une médecine de qualité. Je le redoute, parce que ça, ce n'est pas la République.
Je veux donc vous mettre en garde contre cette éventualité. Je ne dis pas que c'est l'objectif des auteurs des amendements, mais je pense qu'une telle évolution est porteuse de ce danger.
J'entends bien l'argument qui vient d'être développé, et je suis bien conscient de ce risque. Mais la situation d'urgence est telle que l'injustice et l'inégalité ont déjà cours ! Mes chers collègues, quand on veut voir un ophtalmo dans le Jura ou dans les Pyrénées, on doit attendre six mois. Moi, dans le VIIIe arrondissement, j'ai obtenu un rendez-vous en quinze jours – mais avec un dépassement d'honoraires !
Alors effectivement, la situation n'est pas la même dans le VIIIe arrondissement qu'au fin fond des campagnes françaises. Nous sommes tous confrontés à cette situation. Il me semble donc que certains professionnels pourraient être mobilisés pour mettre fin à cette situation d'urgence.
Si l'on veut que cela reste de l'urgence, c'est-à-dire que la situation ne perdure pas, il faut quand même trouver une réponse. Or nous continuons à faire ici comme si nous vivions dans un pays normalement pourvu en médecins : par moments, je rêve !
Je rêve lorsque j'entends Mme la ministre nous parler de certification ! Pour les médecins, c'est génial, et je suis totalement favorable à ce que les patients puissent choisir entre un médecin certifié, qui a suivi des formations, et un autre qui n'a pas fait une telle démarche. Sauf que dans nos campagnes, ils ne pourront pas choisir, il n'y a pas de médecins !
Voilà où nous en sommes : c'est ça, la réalité.
Il arrive très souvent à un pharmacien de délivrer des remèdes de cheval… Mais je ne suis pas du tout d'accord avec la proposition de déléguer aux pharmaciens la réponse à cette situation d'urgence – bien que cela m'ennuierait presque d'être, pour une fois, d'accord avec M. Jumel.
Cela arrive… Bref, attention, vraiment, à ne pas confondre glissement de tâches et évolution des professions et des métiers.
Par ailleurs, je dois vous dire, très gentiment, que des pharmacies ferment régulièrement. Quand il n'y en aura plus dans les campagnes, devra-t-on aller chez le vétérinaire ?
M. Gilles Lurton applaudit.
Madame la ministre, l'examen de ce projet de loi sur la santé a lieu au moment où La Réunion est confrontée à l'une des plus longues épidémies de dengue de ces dernières décennies. Cette épidémie nous offre une sorte de cas pratique : c'est ce qui a motivé mon intervention dès cet article.
Le quatrième et dernier niveau du plan ORSEC a été déclenché depuis le mois de juillet, et nous sommes à la limite d'une épidémie de masse. Or nous avons appris aujourd'hui même que l'agence régionale de santé – ARS – de l'Océan indien venait de confier au secteur privé une part importante des analyses des échantillons de dengue, qui étaient jusqu'à présent réalisées par l'hôpital public. Cette décision unilatérale surprend, d'autant plus que le CHU de La Réunion s'est organisé pour faire face à l'afflux de patients et qu'il est capable d'analyser tous les échantillons.
Cette décision de l'ARS va coûter entre 200 000 euros et 300 000 euros au CHU et suscite beaucoup d'incompréhensions. Je crains qu'elle ne développe chez les acteurs de l'hôpital public le sentiment d'une double contrainte : ils doivent à la fois remplir des objectifs de rentabilité et de retour à l'équilibre et laisser une partie de leur activité au secteur privé !
Madame la ministre, cette substitution du secteur privé au secteur public correspond-elle à l'esprit du projet de loi que nous examinons ou en est-elle une contrefaçon ?
Nous en venons aux amendements. La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir l'amendement no 1736 .
L'amendement no 1736 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Julien Borowczyk, pour soutenir l'amendement no 838 .
Il s'agit d'un amendement de précision, puisque nous avons d'ores et déjà prévu que les nouvelles technologies soient incluses dans la formation. Je souhaitais préciser qu'il était absolument indispensable de prévoir une formation spécifique à la télé-médecine, et en particulier à la télé-consultation. En effet, une télé-consultation ne se passe pas comme une consultation en cabinet. Le but est de sensibiliser les étudiants à cette pratique. Cela vaut également pour la télé-expertise qui, je le dis à M. Aviragnet, permet précisément, à mon sens, d'apporter de la médecine, en particulier spécialisée, dans nos campagnes.
L'amendement est satisfait par le projet de loi, qui prévoit que la formation des professionnels de santé tient compte de la prospective en matière de technologie. Il a été repoussé par la commission.
Monsieur le député, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j'y serai défavorable, car s'il est évidemment important que les professionnels se forment au numérique comme au dossier médical partagé, je crains que cette phrase inscrite dans la loi ne devienne rapidement obsolète.
En réalité, les professionnels de santé doivent se former au progrès médical : c'est déontologique. Être toujours en phase avec les nouvelles techniques fait partie de leur formation initiale et continue.
L'amendement no 838 est retiré.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir l'amendement no 1738 .
L'amendement no 1738 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il apparaît nécessaire que la politique de santé assure une adéquation entre la formation initiale et continue des professionnels et une vision prospective en matière de développements technologiques. Cependant, de nombreux développements technologiques ne sont pas sans soulever des questions éthiques. Il convient donc que la formation initiale et continue des professionnels de santé prenne en compte ces aspects : tel est l'objet de cet amendement.
Il est défavorable, car l'amendement est satisfait par les obligations applicables aux professionnels en matière de déontologie ou de recommandations de bonnes pratiques.
Le même que Mme la rapporteure. J'ajoute, pour rassurer M. le député, que le projet de loi relatif à la bioéthique dont nous aurons à discuter dans quelques mois comprendra un chapitre dédié notamment à l'intelligence artificielle.
L'éthique de ces nouvelles technologies en médecine fera en effet partie des mesures prises au travers de la loi bioéthique. Aujourd'hui, tous les plans développant des nouvelles technologies – je pense au plan France médecine génomique 2025 – prévoient des groupes de travail qui planchent sur l'éthique qui s'impose en la matière. Leurs résultats s'imposent aux technologies qui sont déployées, comme les questions d'éthique s'imposent dans la formation initiale et continue des médecins. Telle est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
L'amendement no 1282 n'est pas adopté.
L'article 3 bis, amendé, est adopté.
La loi santé doit répondre aux enjeux territoriaux ainsi qu'aux besoins des patients, à l'écoute et en concertation avec les professionnels de santé.
Suite aux revendications des gilets jaunes, et après consultation des cahiers de doléances, nous avons tous constaté que les Français ne supportaient plus les inégalités.
En vue de favoriser une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire et de garantir l'égal accès aux soins de la population, la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – loi HPST – a instauré une aide à l'installation en faveur des étudiants et des internes en médecine : le contrat d'engagement de service public – CESP.
Il s'agit d'un dispositif qui fonctionne, et que l'on doit promouvoir afin d'inciter les étudiants et les internes, mais pas seulement eux, à y recourir.
Cette bourse de 1 200 euros bruts mensuels constitue un encouragement, mais elle doit être accompagnée d'autres mesures. En effet, le décloisonnement doit s'appuyer sur l'ensemble des professionnels de santé : arrêtons d'opposer la médecine hospitalière et la médecine de ville, c'est ensemble que nous pourrons construire les solutions de demain.
La liste des territoires qui pourront prétendre au CESP doit être établie en concertation avec les professionnels, les élus locaux et les présidents de département, qui vivent au quotidien sur ces territoires et connaissent parfaitement les bassins de vie, qui peuvent être très différents dans un même département.
Madame la ministre, je profite de cet article relatif au contrat d'engagement de service public pour faire plusieurs remarques, car l'article 40 de la Constitution nous empêche de déposer des amendements pour étendre ce dispositif.
Devant l'échec des mesures incitatives visant à favoriser l'installation des médecins dans les territoires sous-denses en matière d'offre médicale, nous devons réfléchir à des solutions pratiques dépassant l'opposition entre liberté et coercition.
Nous pourrions réfléchir à une extension du dispositif du CESP. Rappelons-en le principe : c'est un contrat proposé aux étudiants en médecine ainsi qu'aux internes en médecine, en vertu duquel ils perçoivent une allocation mensuelle de 1 200 euros. En échange, les bénéficiaires s'engagent pendant un nombre d'années égal à celui durant lequel ils auront perçu l'allocation, avec un minimum de deux ans, à choisir une spécialité moins représentée ou à s'installer dans une zone dans laquelle la continuité des soins est menacée.
Le nombre de contrats signés en 2016-2017 ne représente que près de 6 % du total des étudiants admis en deuxième année de médecine, soit 486 sur 8 124.
Pourquoi ne pas développer ce dispositif, qui lie incitation financière et régulation ? Il pourrait s'appliquer à une première installation à l'exercice dans un centre de santé, en conférant aux intéressés le statut de salarié. Cela est cohérent avec les aspirations de certains jeunes médecins et étudiants qui souhaitent consacrer peu de temps aux tâches administratives et être salariés.
Or un médecin, même salarié, et même salarié à temps partiel, est un médecin de plus sur le territoire.
Nous discutions ici même, il y a exactement dix ans, de la loi HPST, et précisément de la création des CESP : une bonne mesure, qui prévoit le versement d'une allocation aux étudiants et internes à partir de la deuxième année d'étude.
On constate qu'effectivement cette procédure est acceptée, et même plébiscitée. Vous lui apportez aujourd'hui des améliorations, on ne peut que s'en réjouir. Toutefois, il est important de noter que les seuls moyens financiers ne peuvent suffire : les jeunes médecins qui s'installent dans des zones sous-dotées s'engagent en effet dans un exercice difficile. Ils ont besoin d'un accompagnement humain. Ainsi, plus de 50 % des étudiants et internes signataires d'un contrat déplorent un manque d'accompagnement durant leur parcours. Que pourrions-nous faire pour mieux les accompagner et pour mieux les aider ?
D'autres difficultés nous ont été signalées : elles concernent en particulier les retards dans le versement de l'allocation ainsi, bien évidemment, que l'évolution des zones éligibles. Vous prenez précisément en compte cette évolution entre le moment où le contrat est signé et celui de l'installation, et le fait que la moitié des participants au dispositif ne soient pas forcément informés de ces changements. J'aimerais que sur ce point vous puissiez nous rassurer, afin d'assurer au mieux le suivi de ce dispositif.
Il est essentiel que ces bourses bénéficient en priorité, il faut le rappeler, à la médecine générale. Mais il ne faut pas oublier que des bourses ne pourront pas remplacer une revalorisation de cette dernière.
Il est bien sûr préférable que les étudiants venant des zones sous-dotées puissent en bénéficier en priorité s'ils souhaitent s'installer dans leur zone d'origine, car il s'agit du meilleur moyen de s'assurer qu'un médecin reste ancré dans son territoire.
Comme M. Perrut vient de le rappeler, la création du contrat d'engagement de service public remonte à la loi HPST, mais le département auquel j'appartiens avait été un précurseur – Mme Rist le sait. En effet, nous avons mis en oeuvre ce genre de contrat, à l'échelon départemental, bien avant que ce soit prévu par la loi HPST : à l'époque, le conseil départemental s'était engagé à instituer de tels contrats, avec succès puisque quelques dizaines d'étudiants en avaient signé.
Aujourd'hui, vous nous demandez de sécuriser ces CESP. Nous y sommes bien évidemment favorables, surtout en matière de modification du zonage : celles et ceux qui ont signé de tels contrats ne doivent pas être perdants si une modification du zonage intervient au cours de leurs années d'études.
Autre point qui me paraît important et que j'avais signalé un peu plus tôt dans la discussion, c'est que de tels outils sont nécessaires si l'on souhaite que les étudiants restent dans un territoire donné, surtout s'ils disposent de moyens limités : cela leur donne un peu d'oxygène pour s'engager dans ces études.
Surtout, il faut faire connaître le système. Je me suis rendu dernièrement à un forum d'orientation professionnelle destiné aux élèves de première et de terminale : aucune communication n'est faite sur ce point ! L'important, c'est de cibler les élèves en fin d'études secondaires, au moment où ils vont passer le bac et s'inscrire à l'université. Il convient de leur délivrer une meilleure information, et d'utiliser tous les moyens disponibles à cette fin.
L'article 4 vise à faciliter les débuts de carrière et répondre aux enjeux des territoires.
Je n'ai pas l'habitude de faire cela, mais j'ai reçu un appel de détresse d'un médecin de ma circonscription et je voudrais vous lire sa lettre. Voici ce qu'il écrit :
« Jeune médecin généraliste de 30 ans, je me suis installé sur la commune, à la maison de santé pluridisciplinaire le 1er octobre 2017 – c'est donc relativement récent. [… ] Le 1er juillet 2019, mon associé va prendre sa retraite après plus de trente-cinq ans de bons et loyaux services. Je vais me retrouver seul médecin sur la commune. [… ] Les communes alentours sont aussi victimes du désert médical depuis une dizaine d'années. Ainsi le médecin le plus proche de notre commune va également prendre sa retraite au 1er avril 2019, sans successeur.
Notre cabinet couvre un bassin de population de plus de 5 000 personnes, et je serai désormais le seul médecin. Les secrétaires doivent déjà refuser chaque jour une vingtaine de nouveaux patients. [... ] Nous effectuons, mon collègue et moi, quotidiennement chacun entre trente-cinq et quarante consultations par jour, et malgré cette forte activité nos délais de rendez-vous s'allongent inexorablement, de même que la grogne de la population.
À partir du 1er juillet, je ne pourrai pas, malgré la meilleure volonté du monde, assurer à la population une qualité de soins satisfaisante. Augmenter mon activité ne suffira pas à combler le tiers des demandes de notre patientèle, et réduira inévitablement la qualité des soins. »
Voilà ce qu'est le quotidien d'un médecin dans les territoires ruraux, madame la ministre. Je crois qu'il n'est pas le seul dans ce cas, mais je voulais citer son témoignage et lui rendre hommage. Il y a un tel désespoir dans cette lettre ! Il a écrit au directeur de l'ARS, ainsi qu'à l'ensemble des intervenants dans ce dossier. Il a fait toutes les recherches et démarches possibles auprès des réseaux spécialisés. Il a même fait appel à un cabinet de recrutement ! Ce qu'il dit, c'est qu'aujourd'hui les jeunes ne veulent pas s'installer dès la fin de leurs études, et qu'ils ne veulent surtout pas le faire dans les territoires ruraux, et ce malgré des conditions attractives.
Quelle réponse apporter à ce problème ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Cet article propose d'encadrer et de sanctuariser le contrat d'engagement de service public. Je souscris à cette idée. Je pense qu'il s'agit d'une bonne disposition et qu'il convient à la fois de lui donner de la visibilité et de la pérenniser.
La question sous-jacente est celle des zonages, qui se pose non seulement pour les médecins généralistes, mais aussi pour d'autres personnels médicaux. À l'heure actuelle, l'élaboration des zonages est en général confiée aux ARS, parfois conjointement avec les caisses primaires d'assurance maladie – CPAM. Les territoires ont peu droit de cité. Or je crois que si l'on s'engage, comme vous semblez le faire, vers des mesures uniquement incitatives, la question revêtira une importance encore plus aiguë, parce que les territoires qui auront été particulièrement proactifs et qui auront réussi à contrer une forme de désertification par des mesures ayant permis de fixer quelques professionnels de santé risquent de sortir des écrans radars et des zones sous-denses, alors qu'ils restent fragiles.
Il me semble donc qu'il faudrait assortir les mesures incluses dans cet article d'une meilleure prise en compte des réalités territoriales dans l'élaboration des zonages, et cela à travers la voix des élus. J'ai cette discussion depuis longtemps avec les représentants de l'ARS d'Occitanie et, pour certaines professions, avec ceux de la CPAM. Cela me semble capital.
Je crois que je n'en aurai jamais fini d'être surpris par la capacité de la haute administration à mettre la main sur des sujets qui ne la concernent pas au premier chef. Comment pouvez-vous, madame la ministre, nous présenter un chapitre II intitulé « Faciliter les débuts de carrière et répondre aux enjeux des territoires » en confiant l'exclusivité du dessin du zonage, puis de l'autorisation et de la validation des futurs CESP au Centre national de gestion, sur avis des agences régionales de santé ? Comment a-t-il pu échapper à la sagacité de votre administration que, peut-être, les élus et les acteurs médicaux des territoires avaient un avis à donner, parce que, peut-être, les questions de santé les intéressent au premier chef ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Madame la ministre, je me permets de vous poser plusieurs questions à l'occasion de l'examen de cet article.
Tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement, vous avez répondu à Mme Kéclard-Mondésir que vous aviez prévu un financement particulier pour l'outre-mer. Or, jusqu'à maintenant, nous ne savons pas de quoi il s'agit.
Dans le même temps, l'article 4 projette une politique territoriale en matière de santé. Nous n'y voyons pas clair. Vous savez pertinemment que, comme cela vient d'être rappelé, en la matière, la responsabilité des élus est aussi importante que celle des ARS. Centraliser le processus de territorialisation me semble une aberration.
En effet, les équipements hospitaliers se trouvent dans un état de grande précarité. Le CHU de La Meynard, en particulier, est dans un état lamentable. Dans le nord de la Martinique, non seulement il n'y a pas de médecins, mais la plupart des hôpitaux rencontrent des difficultés incroyables. Or le Gouvernement n'a jamais intégré le nouveau coefficient géographique afin d'assurer une meilleure prise en charge de certaines pathologies et de remédier à la concentration des patients dans ces hôpitaux, qui résulte des inégalités sociales.
Il est important pour nous de connaître avec précision le financement que vous allez instaurer et les nouveaux modes de calcul que vous allez utiliser pour prendre en charge les surcoûts hospitaliers actuels. Vous avez l'art de répéter que nous consommons près de 70 % des aides exceptionnelles aux hôpitaux, mais si tel est le cas, c'est qu'il existe un problème structurel !
L'article 4 prévoit en outre d'élargir le dispositif des contrats d'engagement de service public aux praticiens à diplômes étrangers hors Union européenne. La question que Mme Kéclard-Mondésir vous a posée tout à l'heure était très claire : compte tenu des manques que nous connaissons, les médecins cubains ou vénézuéliens auront-ils la possibilité de bénéficier de ce dispositif et de s'implanter dans des zones désertées sur le plan de la santé ?
Dans nombre de territoires, le sentiment d'abandon découle de l'addition des renoncements : mairies vidées de leur substance, CAF, CPAM, bureaux de postes déménagés, écoles de proximité abîmées… Souvent, la présence d'un médecin, même libéral, constituait le dernier symbole de la République. D'ailleurs, le journal Le Monde avait juxtaposé les données de démographie médicale et celles sur le vote : on constatait que partout où le déficit médical se creusait, la République reculait et ses ennemis progressaient. Il s'agit donc d'un symbole fort, que vous devez défendre et brandir à travers cette loi. D'une certaine manière, vous êtes attendus au tournant.
Nous pensons que si certaines mesures vont dans le bon sens, vous ne vous donnez pas les moyens de corriger réellement les inégalités territoriales. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il aurait fallu territorialiser, de manière volontariste et coercitive, la présence des médecins dans les zones où l'offre de soins est actuellement insuffisante. Il faudrait avoir ce courage politique.
Je pense aussi qu'il faudrait associer plus étroitement les élus à la détermination des zones tendues. Les conseils territoriaux de santé sont informés de l'existence de telles zones, mais ne sont pas associés à leur tracé. Quant aux maires, ils sont oubliés – même si le Président de la République semble redécouvrir leur utilité.
Enfin, pour mettre tout le monde en face de ses responsabilités, il faut que nous ayons en tête que les lois qui se suivent et se ressemblent – loi Bachelot, loi Touraine… – et qui, au bout du compte, ont toutes été guidées par l'austérité, ont accéléré le déménagement de nos territoires et la fracture territoriale et sociale en matière d'accès aux soins. Les groupements hospitaliers de territoires, ces mastodontes, et les fusions d'ARS en sont la plus flagrante illustration.
M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.
Le contrat d'engagement de service public est attractif, puisque 2 800 contrats ont été signés depuis la création du dispositif. Toutefois, il me semble important d'accompagner ensuite ces jeunes médecins qui s'installent dans des territoires difficiles. En effet, leur engagement est difficile à concrétiser et souvent rien n'est plus adapté, puisqu'il n'y a plus de médecin depuis un moment. De plus, il serait bon de pouvoir faire bénéficier du dispositif des étudiants qui viennent de zones sous-dotées pour qu'ils disposent d'un ancrage local et aient plus de facilité à s'installer.
Madame la ministre, je remets sur le tapis un sujet que j'avais déjà abordé avec vous et certains de vos collègues : il s'agit de la démographie médicale.
Il n'y a jamais eu en France autant de médecins qu'aujourd'hui. Certes, la population étant vieillissante, elle a davantage de besoins, mais comment appréhendez-vous le fait qu'il existe une telle disparité dans les dépenses de santé par habitant, par exemple entre la Côte-d'Azur et les territoires reculés du Nord-Pas-de-Calais ou la « diagonale du vide » ?
Je veux bien que l'on dise préférer les pratiques incitatives aux pratiques coercitives, mais, concrètement, quelle sera l'efficacité des mesures que vous envisagez ? Chaque Français pourra-t-il disposer d'un médecin traitant – ce qui serait le minimum ?
Le cas décrit par Marie-Christine Dalloz est édifiant : un médecin ne peut pas prendre plus de patients que de raison ; il n'y a que vingt-quatre heures dans une journée, sept jours dans une semaine.
Je le répète : comment appréhendez-vous l'efficacité des mesures, somme toute assez timides, que vous nous proposez ? Il faut que vous répondiez à cette question. C'est la condition sine qua non pour espérer nous convaincre ou pour vous opposer aux amendements qui seront proposés de part et d'autre de l'hémicycle.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 1291 .
Je précise que cet amendement, s'il aboutit à supprimer le contenu de l'article, n'est en rien une remise en question des contrats d'engagement de service public.
Dans son avis en date du 7 février sur le présent projet de loi, le Conseil d'État considère que les dispositions des articles L. 632-6 et L. 634-2 du code de l'éducation relatives aux contrats d'engagement de service public relèvent du domaine réglementaire, au motif qu'elles « ne relèvent ni des principes fondamentaux de l'enseignement, ni des principes fondamentaux du code de la sécurité sociale, ni des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, ni d'aucune règle ou d'aucun principe que la Constitution place dans le domaine de la loi ».
Le président Vercamer a considéré, dans sa rigueur intellectuelle et juridique, qu'il convenait d'emprunter ici la voie réglementaire, donc de laisser le soin au Gouvernement de fixer les conditions du contrat d'engagement de service public, tout en y associant étroitement les élus locaux, comme on vient de le dire.
Il y a des justifications, d'ailleurs exposées dans l'étude d'impact, à l'ancrage législatif des dispositions dont nous parlons, qui concernent les principes fondamentaux de l'enseignement et de la sécurité sociale, ainsi que le principe constitutionnel du droit d'accès à la santé.
D'autre part, votre amendement remettrait en cause les contrats en cours. Avis défavorable.
Défavorable également.
Je profite de cet amendement pour souligner combien cet article est emblématique, et combien il importe donc de faire figurer ses dispositions dans la loi.
Chacun a souligné l'intérêt du contrat d'engagement de service public. Quelques chiffres : voté dans le cadre de la loi HPST, ce dispositif, qui a mis du temps à se déployer, jouit aujourd'hui d'une vraie dynamique, avec 2 800 contrats signés. Ce contrat, je le rappelle, permet aux étudiants en médecine qui l'ont signé de percevoir un traitement de 1 200 euros bruts par mois. La demande va désormais s'accélérant, avec 600 contrats signés par an, soit bien plus qu'auparavant. Les 341 premiers signataires, au début des années 2010, sont maintenant installés en zone sous-dense, et ce mouvement, vous l'avez compris, va s'accélérer.
Nous évaluerons ce dispositif, que le présent article vise à élargir à d'autres professionnels, notamment les praticiens à diplôme hors Union européenne – PADHUE. Preuve à mes yeux de son excellence, 85 % des contrats signés aboutissent à une réelle installation en zone sous-dense. Le dispositif est donc plébiscité.
Le zonage, que certains remettent en cause, mérite quelques points d'attention. Les lieux d'exercice font l'objet d'une concertation avec les élus, les unions régionales des professionnels de santé, les fédérations hospitalières et les fédérations médico-sociales. Dans ce cadre, il est régulièrement révisé, puisque certains d'entre vous contestent qu'il reflète la situation dans les départements. En réalité, pour la population concernée, la nouvelle technique de zonage a permis de porter la couverture par les aides à l'installation de 7 % à 18 %. Vous le voyez, le zonage répond donc à la désertification médicale.
Quelle que soit votre force de persuasion, que je connais, et le ton de votre intervention, monsieur Grelier, vous avez tort de dire, me semble-t-il, que les élus sont les bons interlocuteurs pour le zonage. De fait, je ne connais pas un seul élu qui soit satisfait des zonages et affirme être en zone sur-dense !
Tous les élus que je pourrai consulter me diront qu'ils ont besoin de médecins dans leur territoire ! C'est pourquoi nous avons opté pour une méthodologie robuste, fondée sur l'âge moyen de la population, l'âge moyen des médecins et leur probable départ à la retraite ou l'offre de soins par les fédérations hospitalières. Je ne vois pas quel élu refuserait de profiter du zonage en affirmant que sa zone est sur-dotée !
Malgré ma volonté d'associer les élus, dont d'autres amendements témoigneront, je pense que ce serait ici une mauvaise idée. Je puis en revanche m'engager à réviser le zonage de façon très régulière, de façon qu'il s'adapte en permanence et n'entraîne pas d'effets pervers. Par exemple, il ne faudrait pas qu'une personne perde le bénéfice du contrat d'engagement de service public qu'elle a signé et sur lequel elle a bâti son parcours professionnel pour la raison qu'elle se retrouve tout à coup en zone surdotée. Cela, nous pouvons y veiller au cas par cas, et le Gouvernement s'y engage.
Je répondrai aux autres questions au fur et à mesure des amendements. Les PADHUE, monsieur Letchimy, y compris cubains, peuvent bénéficier du contrat d'engagement de service public s'ils obtiennent une autorisation d'exercice : c'est la seule condition.
J'aurai l'occasion de répondre à Mme la ministre en défendant mon prochain amendement. Je m'autoriserai seulement ici – et cela n'arrivera qu'une fois, monsieur le président, je m'y engage devant vous – quelques instants d'impertinence.
Sourires.
Je salue la rigueur intellectuelle et juridique du président Vercamer, mais enfin, depuis lundi, nous sommes nombreux à nous battre, dans l'hémicycle, pour empêcher le Gouvernement de soustraire une partie de la matière du présent texte au législateur que nous sommes afin de la transférer, via les ordonnances, au pouvoir réglementaire. Que ceux-là mêmes qui nous rejoignaient dans le combat contre les ordonnances en appellent, sur cet article, à dessaisir le Parlement au profit du pouvoir réglementaire, voilà qui m'étonne un peu.
Je ferai trois réflexions. Tout d'abord, madame la ministre, j'ai un autre critère à vous proposer pour le zonage. Je suis bien placé pour en parler car, dans ma circonscription, à Saint-Gaudens, le zonage, inadapté, ne tient pas compte de la réalité, en particulier des départs à la retraite des derniers médecins : je vous ai alertée plusieurs fois sur le sujet. Le critère que je vous propose, donc, serait tout simplement le nombre de personnes sans médecin référent : c'est ce qui reflète le mieux la situation telle qu'elle est vécue.
D'autre part, vous nous avez expliqué hier que, pour augmenter le nombre de maîtres de stage, vous aviez augmenté l'indemnité qui leur est versée. Puisqu'on veut augmenter le nombre de contrats d'engagement de service public, pourquoi ne pas augmenter alors le traitement versé aux étudiants qui les signent ? Cela renforcerait assurément leur attractivité. Si ça marche pour les médecins, ça marchera aussi pour les étudiants !
S'agissant enfin des élus, on se demande où ils sont associés dans votre projet de loi, qui ne prévoit pas moins de huit ordonnances !
Vous avez raison sur l'attractivité du CESP, monsieur Aviragnet, mais celui-ci s'adresse, comprenons-le bien, à des externes qui, au départ, touchent 150 euros par mois. Leur verser l'équivalent du SMIC, c'est donc augmenter leurs revenus de bien plus de 50 % – puisque vous faisiez allusion à la rémunération des maîtres de stage, portée de 600 à 900 euros. Pour un étudiant, le CESP est déjà très incitatif : tout à coup, il se voit verser un salaire qui est l'équivalent du SMIC. Porter la somme à 1 500 euros ne changerait rien, à mon avis, pour ces étudiants qui, du jour au lendemain, se voient verser un salaire, comme n'importe quel citoyen français qui travaille. Cela me paraît déjà raisonnable.
L'amendement no 1291 est retiré.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 848 .
Il s'agit d'associer les CRSA – conférences régionales de la santé et de l'autonomie – à l'établissement de la liste nationale de lieux d'exercice pour les étudiants ayant signé un CESP. Nous nous félicitons de l'augmentation du nombre de ces contrats.
L'intérêt des CRSA est qu'elles comportent huit collèges. Leur site internet est bien fait, et je suis allé le consulter hier soir. Il s'avère que, l'assemblée générale des CRSA étant généralement confiée à une commission permanente, les élus et les professionnels n'ont pas de lieu pour échanger les informations. Le présent amendement y pourvoirait, faisant des CRSA, à travers chacun de ses collèges, de véritables lieux d'échanges entre les professionnels et les élus. On recueillerait ainsi l'avis de tous.
Avant de soumettre au CNG – Centre national de gestion – la liste des zones concernées par le CESP, les ARS demandent déjà l'avis des CRSA. L'amendement me semble donc satisfait. Avis défavorable.
L'amendement no 848 n'est pas adopté.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 849 .
L'amendement no 849 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 8 , 71 , 25 , 54 , 122 , 154 , 508 , 595 , 732 , 783 et 1191 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 8 et 71 sont identiques, de même que les amendements nos 25 , 54 , 122 , 154 , 508 , 595 , 732 , 783 et 1191 .
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 8 .
C'est avec plaisir et bonheur que j'ai entendu, madame la ministre, votre déclaration d'amour aux élus territoriaux ; mais, comme vous le savez, l'amour exige des preuves. Je vous en propose quelques-unes à travers cet amendement. Celui-ci n'a pas pour objet de substituer ces élus ni les unions régionales de professionnels de santé – URPS – aux ARS et au CNG, mais de garantir leur consultation, notamment celle des présidents de conseil départemental, au cours de la procédure mise en oeuvre par les ARS.
Cela me semblerait de bon aloi, d'autant que, depuis la funeste loi NOTRe, certaines régions sont devenues immenses : je ne suis pas sûr que les ARS, depuis leur siège, aient une perception très juste de la réalité des territoires.
Cet amendement relève du bon sens. Nous le savons, les ARS et le CNG ne peuvent pas toujours avoir connaissance de la réalité des bassins de vie, qui ne recouvrent d'ailleurs pas forcément, sur le plan géographique, les bassins de santé. Il serait donc bon d'associer les URPS, les fédérations hospitalières et les conseils départementaux à cette réflexion essentielle : comment assurer le bon soin au bon moment et, bien sûr, au bon endroit ? Tel est, je crois, le slogan que nous devrions tous partager. Une connaissance très précise du terrain est nécessaire pour délimiter les zones éligibles au CESP.
Les signataires du contrat d'engagement de service public choisissent leur futur lieu d'exercice sur une liste nationale. Ces lieux sont situés dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante. Il est prévu que cette liste soit établie par le Centre national de gestion sur proposition des agences régionales de santé. L'objet de cet amendement est de prévoir que les ARS sollicitent également l'avis des unions régionales des professionnels de santé, compte tenu de leur connaissance précise des besoins du terrain, ainsi que des difficultés existantes et à venir.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 122 .
Comme vient de le dire notre collègue, cet amendement vise à ce que l'avis des unions régionales des professionnels de santé soit requis par les ARS en amont de l'établissement de la liste nationale des lieux d'exercice.
Il s'agit, comme viennent de le noter plusieurs collègues, de ne pas tenir les professionnels de santé à l'écart de l'élaboration du zonage, mais tout au contraire de les y associer. Cela me semble relever du bon sens.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 154 .
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 595 .
L'objet de cet amendement, identique aux précédents, est de prévoir que les agences régionales de santé sollicitent également l'avis des URPS avant d'établir la liste visée, compte tenu de la connaissance précise qu'ont ces dernières des besoins du terrain et des difficultés existantes et à venir.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 783 .
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 1191 .
Je réitère, madame la ministre, mon regret que l'on ait placé le CESP sous la tutelle des ARS. Ce regret, je l'avais formulé dès l'examen de la loi HPST, que les départements avaient d'ailleurs précédée en s'engageant à créer les CESP. C'est la loi HPST elle-même qui a repris cette proposition.
Il faut donc que les conseils départementaux et les représentants des professionnels de santé du territoire s'associent pour évaluer l'opportunité de créer des CESP et les moyens dont ils disposent pour ce faire.
Ils le faisaient ; ils pourraient le faire à nouveau. Ce serait beaucoup plus simple, et le dispositif serait beaucoup moins sous la coupe des ARS. Il faut libérer ces contrats entre élus, représentants des médecins et jeunes étudiants. Après tout, les étudiants relèvent aussi de la compétence des départements et des régions, comme les collèges et les lycées ! Laissons donc ces questions aux élus locaux et aux représentants des médecins.
Ils sont tous satisfaits : le diagnostic territorial est établi par l'ARS avec la CRSA, où l'on retrouve des représentants des collectivités territoriales, des URPS et de l'ordre.
En ce qui concerne les URPS, la loi du 26 janvier 2016 précise à l'article L. 1434-4 du code de la santé publique que les professionnels définissent avec l'ARS les zones d'exercice des CESP.
Avis défavorable.
En clair, ce qui est demandé, c'est que les élus jouent un rôle plus important dans la définition du zonage. Voilà le seul enjeu – puisque les CESP, ce n'est rien d'autre que des gens rémunérés pendant leurs études et qui contractualisent avec l'assurance maladie pour exercer en zone sous-dense.
J'en reviens donc à la réponse que j'ai faite à M. Grelier : si les élus étaient décisionnaires en matière de zonage, tous considéreraient que leur zone est prioritaire ! Or, la démographie médicale étant ce qu'elle est, il nous faut bien établir des priorités si nous ne voulons pas que 100 % du territoire français soit déficitaire en médecins généralistes.
Aujourd'hui, les élus sont consultés, au sujet du zonage, par la CRSA et par les comités régionaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, où la région et les élus locaux sont représentés.
Les instances de discussion avec les élus existent donc, mais les élus ne sont pas décisionnaires, pour les raisons que je vous ai exposées. Je préfère pour ma part que le zonage continue de dépendre d'un algorithme, perfectible sans doute, mais scientifiquement robuste, sinon chacun fera valoir ses arguments, qui seront toujours recevables puisque la démographie médicale est globalement faible.
Par ailleurs, je peux citer beaucoup d'exemples de cas où les élus locaux et même les parlementaires sont consultés par les ARS au sujet du zonage ou de situations particulières, comme le départ d'un médecin à la retraite. Les ARS peuvent évidemment s'adapter.
Ne modifions donc pas la façon dont les lieux d'exercice des CESP sont répartis sur le territoire, car cela poserait de nouveau la question de savoir qui procède au zonage.
Monsieur Door, l'investissement des départements est déjà possible : en vertu du code général des collectivités territoriales, ils peuvent financer leurs propres bourses de stage en contrepartie d'installation ; cela se fait dans les Ardennes et en Isère.
Les CESP constituent un dispositif national financé par l'assurance maladie dans le cadre de l'ONDAM, mais rien n'empêche une collectivité territoriale de procéder de même en parallèle.
Ce qui nous semble décisif, c'est le développement de la démocratie sanitaire et, à cette fin, la capacité d'intervention des populations et des élus s'agissant des enjeux de santé qui les concernent. Madame la ministre, vous évoquez des exemples de cas où l'ARS consulte les élus, mais il faudrait que ce soit la règle ! Or il ne s'agit pas d'une règle établie et vérifiable dans les territoires.
De façon générale, il faudrait revoir le fonctionnement de la démocratie dans nos régions, et faire en sorte que le pouvoir des ARS y soit un peu moins discrétionnaire.
En effet, madame la ministre, s'il est vrai que certaines ARS interrogent les députés, il s'agit d'une pratique à géométrie variable. Ce que nous souhaitons, c'est une consultation systématique des élus, représentants de la population, qui savent ce qui lui convient le mieux.
Ensuite, vous avez dit que vous ne connaissiez pas d'élu qui serait capable d'exprimer avec exactitude les besoins du territoire : tout élu serait enclin à soutenir que son territoire est en zone tendue même si ce n'est pas le cas.
Mais non ! On ne peut pas faire de tels procès d'intention aux élus. Les élus sont responsables : ils disent ce qu'ils voient, ce qu'ils vivent, ce qu'ils perçoivent auprès de la population, ils ne passent pas leur temps à remettre une pièce dans la machine pour en obtenir toujours plus ! Il faut insister sur cette idée de responsabilité des élus. Or l'Assemblée nationale est, je crois, un bon lieu d'exercice de la responsabilité.
J'abonde dans le sens de mes collègues.
Madame la ministre, vous semblez très satisfaite du processus de définition du zonage, mais ne pourrait-on au moins s'interroger, comme Josiane Corneloup vient de me le suggérer, sur le rythme auquel le zonage est révisé ? C'est un vrai problème : actuellement, on peut quasiment parler d'un septennat !
Deuxièmement, voici pourquoi il faut replacer les élus au coeur de la définition des besoins : non pas pour qu'ils prétendent à l'envi que leur territoire est le moins dense, mais pour qu'ils puissent au moins signaler la proportion de patients qui n'ont plus accès à un médecin traitant, la distance que les habitants doivent parcourir pour se faire soigner, bref faire valoir leurs arguments auprès des ARS le plus concrètement possible.
Je vais vous raconter une anecdote. Aujourd'hui, on veut créer des directions communes dans beaucoup d'hôpitaux. C'est le cas chez moi, dans le sud de la Moselle. L'ARS nous a annoncé la conduite d'une étude préalable confiée à un cabinet de conseil pour déterminer les modalités du rapprochement. Nous avons fait observer que nous disposions, comme les médecins et l'ARS elle-même, des connaissances nécessaires pour y réfléchir directement, sans avoir à investir pas moins de 400 000 euros dans une étude extérieure ! Et la dame de l'ARS a eu cette réponse magnifique : « Monsieur le député, ne croyez pas que nous ayons une connaissance spécifique du terrain et des contextes particuliers locaux ! »
Cela donne une idée des monstres que sont devenues les ARS dans des territoires aussi vastes que ceux des grandes régions. Cette anecdote me paraît révélatrice de certains dysfonctionnements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les contrats d'engagement de service public ont pour objet d'inciter les futurs médecins à s'installer dans des zones en sous-densité médicale. Or, même dans des zones qui ne sont pas considérées comme sous-dotées, certains établissements et services peinent à recruter des médecins, notamment les établissements et services sociaux et médico-sociaux qui accompagnent des personnes en situation de handicap, âgées ou en situation de précarité.
L'objet de cet amendement est d'ajouter ces établissements et services sociaux et médico-sociaux à la liste des lieux d'exercice de la médecine par les contractants. Ce serait un moyen de les soutenir très clairement.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l'amendement no 507 .
Les CESP visent à inciter les futurs médecins à s'installer dans des territoires où la démographie médicale est faible. Mais, dans des zones non sous-dotées, les établissements et services sociaux et médico-sociaux peinent à recruter des médecins.
Aussi l'amendement tend-il à ajouter ces établissements et services aux lieux d'exercice de la médecine par les contractants.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 596 .
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 727 .
Aux termes du CESP, les étudiants en médecine peuvent bénéficier d'une allocation mensuelle à partir de la deuxième année d'études médicales ; en échange, ils s'engagent, pendant un nombre d'années égal à celui durant lequel ils auront perçu l'allocation et pour deux ans au minimum, à choisir une spécialité peu représentée ou à s'installer dans une zone où la continuité des soins est menacée.
Ce dispositif est à la fois social – c'est une aide au financement des études – et citoyen, puisqu'il complète les différentes mesures déjà adoptées par les collectivités territoriales et l'État pour rendre plus attractif l'exercice de la médecine dans les territoires où la densité médicale est faible.
Or, même dans des zones qui ne sont pas considérées comme sous-dotées en offre de soins, les établissements et services sociaux et médico-sociaux peinent à recruter des médecins, alors même qu'ils accompagnent des personnes souvent éloignées du système de santé, comme les personnes en situation de handicap, âgées ou en situation de précarité.
Par cet amendement, nous souhaitons donc ajouter les établissements et services sociaux et médico-sociaux à la liste nationale des lieux parmi lesquels les signataires d'un CESP choisissent leur futur lieu d'exercice. Cette liste est fixée, selon les conditions prévues par voie réglementaire, par le Centre national de gestion sur proposition des ARS.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 780 .
Les CESP ont pour objet d'inciter les futurs médecins à s'installer dans des zones peu dotées. Or, même dans des zones qui ne sont pas considérées comme sous-dotées en offre de soins, les établissements et services sociaux et médico-sociaux peinent à recruter des médecins.
Le but de l'amendement est d'ajouter les établissements et services sociaux et médico-sociaux à la liste nationale des lieux parmi lesquels les signataires d'un CESP choisissent leur futur lieu d'exercice. Cette liste est fixée, selon les conditions prévues par voie réglementaire, par le Centre national de gestion sur proposition des ARS.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l'amendement no 1004 .
Comme les précédents, cet amendement vise à étendre l'exercice de la médecine sous contrat d'engagement de service public, en raison de l'existence de zones sous-denses et aussi sur le fondement d'une expérience clinique éloquente : j'ai moi-même constaté que le manque de médecins dans certaines structures médico-sociales entraînait un glissement du projet de soins lui-même, des praticiens hospitaliers devant prévoir des projets de soins dans un service médico-social faute de médecins sur place. Cela crée une véritable inégalité, une rupture non seulement dans le parcours de soins, mais également dans le projet de soins. Il s'agit de remédier à ces difficultés que rencontrent quotidiennement de nombreux praticiens partout en France.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1445 .
La parole est à Mme Caroline Janvier, pour soutenir l'amendement no 1874 .
Il me semble important que les établissements médico-sociaux puissent figurer en tant que tels sur la liste. Le manque de médecins y est criant, comme ailleurs, mais, en l'occurrence, il peut remettre en cause l'accompagnement dans son ensemble puisque le médecin y est garant de la prise en charge, voire prescripteur – je songe aux centres médico-psycho-pédagogiques – et, parfois, garant de la continuité des soins. Dans les maisons d'accueil spécialisées par exemple, le médecin fait énormément d'heures et assure des astreintes de nuit, de sorte que le circuit d'administration des médicaments peut être fragilisé par son absence, par exemple en cas de départ à la retraite.
Il faut faire découvrir ces établissements aux médecins qui, souvent, n'ont pas eu l'occasion d'y exercer alors que le travail d'équipe qu'ils offrent, pluridisciplinaire, avec des travailleurs sociaux et d'autres professionnels, est souvent apprécié. Ce serait pour eux une opportunité intéressante, et ils pourraient éventuellement choisir d'y rester ensuite.
Nous avions déjà débattu de cette question en commission. L'intention de cet amendement est déjà satisfaite par le droit actuel. De fait, la liste des établissements dans lesquels des contrats d'engagement de service public sont disponibles, que l'on peut consulter auprès du Centre national de gestion – CNG – fait apparaître des disponibilités dans des centres médico-sociaux. Il est certes nécessaire de souligner l'importance de ces centres mais, l'intention de l'amendement étant satisfaite, j'émets un avis défavorable.
Je confirme que cette démarche est tout à fait autorisée et effective. L'amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
Madame la ministre, madame la rapporteure, je tiens à appeler votre attention sur le recrutement des médecins coordonnateurs en EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Aujourd'hui, en effet, de nombreux EHPAD ne trouvent pas de médecin coordonnateur, alors qu'ils ont l'obligation d'en avoir un. Permettre à des EHPAD de contractualiser avec des médecins par l'intermédiaire d'un CESP peut permettre de répondre cette situation et encourager ce recrutement.
Vous me faites signe que c'est déjà possible, et c'est tant mieux si vous le confirmez, car telles ne sont pas les informations que nous recevons du terrain.
Cet amendement tend à donner priorité à la zone d'origine des signataires de CESP pour déterminer leur zone d'exercice. L'objectif est simple et humain : favoriser l'installation et l'ancrage des professionnels de santé dans leur territoire d'origine – là où sont leurs attaches, leur famille. Ce n'est ni une contrainte ni automatique : il s'agit de faire preuve de discernement.
Avis défavorable, car l'amendement est déjà satisfait. La liste d'exercice est déjà réservée aux étudiants engagés dans un CESP, dans le cadre de leur projet.
L'amendement no 984 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 721 .
Cet amendement tend à allonger la durée durant laquelle un étudiant en médecine ayant opté pour le CESP pourra réajuster son projet si le zonage du dispositif venait à changer. Aujourd'hui, le CESP n'est pas assez attractif pour les étudiants car, dans le cadre de cette convention, le futur médecin est exposé à une modification unilatérale de son projet d'installation : beaucoup préfèrent ne pas prendre ce risque. Réduire cette durée à deux ans va certes dans le bon sens, mais l'étudiant qui n'apprendrait que deux ans avant la fin de sa formation que le zonage qu'il visait a changé serait déjà positionné dans un internat, voire dans un îlot de formation et ne pourrait alors plus faire marche arrière.
L'internat durant actuellement entre trois et cinq ans, il est logique que le temps de latence après le changement de zonage soit de six ans, ce qui garantit le zonage pour tout étudiant mettant le pied à l'internat. Au-delà de six ans, après le changement, l'étudiant sera encore en deuxième cycle et disposera donc d'une marge de temps pour modifier son projet avant d'entrer en internat. Il faut donc un délai de réflexion qui couvre la totalité de l'internat et dure au maximum six ans.
C'est dommage car, au bout de deux ans, l'étudiant est déjà interne, voire inscrit dans un îlot de formation, c'est-à-dire un plan de formation qui concerne les dernières années. Cela compliquera encore l'accès au CESP.
L'amendement no 721 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1270 .
Cet amendement vise à supprimer la possibilité de monnayer l'engagement de service public afin d'échapper à l'obligation d'exercer en zone sous-dense. En effet, le CESP ouvre droit à une allocation versée aux étudiants en médecine jusqu'à la fin de leurs études. En contrepartie, les étudiants s'engagent à exercer leurs fonctions, à titre libéral ou salarié, dès la fin de leur formation, au sein des zones sous-denses et des déserts médicaux, où la continuité d'accès aux soins est menacée.
Cependant, dès la fin de leurs études, les nouveaux médecins ont la possibilité de se dégager de cet engagement par le paiement d'une indemnité associée à une pénalité fixée actuellement par voie réglementaire. Alors que, depuis plusieurs heures, nous ne cessons de parler de ces zones sous-denses où il faut réussir à faire venir les médecins, il serait de bon augure de supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article, afin que les intéressés ne puissent pas échapper à l'obligation d'exercer en zone sous-dense.
Avis défavorable, car le principe d'un contrat est qu'il soit signé par deux parties placées sur un pied d'égalité. Si l'on supprime la possibilité de se rétracter, il ne s'agit plus d'un contrat d'engagement de service public.
Madame la rapporteure, j'entends votre réponse, mais voilà plusieurs jours que nous débattons de ce sujet et que nous répétons les mêmes choses. À situation d'urgence, actions d'urgence.
Actuellement, on permet à certains étudiants – ceux qui ont les moyens de payer – de passer outre leurs obligations. Le CESP assure des bourses contre l'obligation de travailler pendant deux ans dans des zones sous-denses. Comment pourrait-on profiter de bourses sans obligation ultérieure ? On marche sur la tête ! L'engagement à exercer deux ans dans une zone sous-dense est importante et tout le monde n'a pas les moyens de payer pour échapper à cette obligation. Il y a deux poids, deux mesures. C'est injuste. C'est la raison pour laquelle nous maintiendrons cet amendement.
Madame Fiat, vous dites qu'on favorise la rupture de contrat pour les étudiants qui ont les moyens de solder cet engagement, mais si vous regardez les origines sociales des étudiants qui se tournent vers ces contrats d'engagement de service public, vous constaterez que ces derniers ont précisément pour effet de permettre à des étudiants issus de classes plus populaires d'accéder à des études longues. On sait en effet qu'il est difficile de faire des études de médecine lorsqu'on doit travailler durant les week-ends ou les vacances scolaires.
Ces contrats d'engagement de service public sont donc une véritable mesure sociale. Du reste, lorsqu'un étudiant souscrit un crédit pour financer ses études, tous les contrats prévoient la possibilité de solder ce crédit, ce qui ne me choque pas.
Pour rassurer Mme Fiat et expliquer la situation, je précise qu'à l'heure actuelle, un jeune qui rompt son engagement après la fin de son DES – diplôme d'études spécialisées – doit s'acquitter d'une pénalité de 20 000 euros. Aujourd'hui, 4 % seulement des étudiants se désengagent, mais si on devait supprimer cette possibilité de désengagement, plus aucun jeune n'accepterait de s'engager. De fait, s'il n'est pas possible de rompre le contrat, un jeune n'en prendra pas le risque, car il pourrait tomber malade, ou cela pourrait être le cas d'un membre de sa famille et il pourrait alors devoir s'installer près de chez ses parents en qualité d'aidant. On ne peut empêcher quelqu'un de revenir sur un contrat. Votre amendement pose donc problème, car la mesure qu'il propose serait contre-productive et dissuaderait les jeunes de s'engager.
L'amendement no 1270 n'est pas adopté.
La parole est à M. Anthony Cellier, pour soutenir l'amendement no 1853 .
Chers collègues, j'ai rencontré, comme vous, de nombreux étudiants en médecine, dont un grand nombre ne connaissaient pas le CESP. Cet amendement a donc pour objectif de renforcer dès le deuxième cycle l'information des étudiants sur ce dispositif, afin que celui-ci fonctionne mieux. Nous avons le savoir-faire, encore faut-il le faire savoir.
Avis défavorable, car cette mesure ne relève pas du domaine législatif. Il me semble cependant très important d'insister sur ce point, car de nombreux étudiants nous ont dit qu'ils manquaient d'informations et de connaissances sur ce dispositif qui, lorsqu'ils y recourent, les ravit. Avis favorable.
Même avis. Je tiens aussi à vous rassurer, monsieur le député : plusieurs ARS ont mis en place des dispositifs destinés à faire connaître le CESP. On trouve ainsi à Nancy un référent de l'ARS au sein de l'université, chargé de faire connaître le CESP et d'accompagner les étudiants qui s'engagent dans ce cadre. Un nombre croissant de dispositifs existent dans les facultés, notamment dans le cadre des associations étudiantes, pour expliquer ce mécanisme – c'est, du reste, la raison qui explique sa montée en puissance et son accélération.
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. Il s'agit d'un très bon dispositif et j'insiste sur le fait qu'il importe de le faire savoir, car il faut absolument qu'il fonctionne encore mieux. Je retire néanmoins mon amendement, au bénéfice de cet engagement.
L'amendement no 1853 est retiré.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1735 .
L'amendement no 1735 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Compte tenu du nombre d'étudiants français en médecine et de leur fort potentiel, il ne semble pas opportun d'étendre le dispositif du contrat d'engagement de service public aux praticiens à diplôme étranger hors Union européenne.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Avis défavorable, car l'article 21 revoit les conditions d'autorisation d'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne. Dès lors, je ne vois pas pourquoi ces praticiens ne pourraient pas accéder au CESP.
L'amendement no 904 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 734 , portant article additionnel après l'article 4.
Le projet de loi va dans le bon sens, en permettant le recours à des médecins en qualité de remplaçants ou d'adjoints dans les zones sous-dotées. Cependant, le groupe Libertés et territoires propose d'aller plus loin en créant un statut de « médecin volant »
Sourires sur quelques bancs du groupe LR
qui permettrait à des médecins thésés de venir ponctuellement en appui à d'autres médecins, en particulier à ceux qui sont installés en zone sous-dense, en qualité de travailleurs non salariés.
Ces médecins complémentaires et volants bénéficieraient d'un statut propre qui ne se confondrait ni avec celui des médecins remplaçants, puisque les médecins qu'ils viendraient épauler n'auraient pas à cesser leur activité, ni avec celui des médecins adjoints, puisque les médecins venant en renfort exerceraient pour leur propre compte, sans utiliser les feuilles de soins du médecin installé et sans rétrocession d'honoraires, en qualité de travailleurs non salariés.
Pour les médecins volants, ce statut aurait l'avantage de limiter le poids des charges sociales, de les soumettre à un régime d'assurance-maladie aligné sur celui des salariés et de leur ouvrir la possibilité de se constituer une protection complémentaire, notamment au titre de la retraite et de la prévoyance.
Avis défavorable. Nous aurons l'occasion, à l'article suivant, de parler de l'extension du statut de médecin adjoint, qui me paraît plus efficace.
Il existe déjà beaucoup de statuts – vous les avez signalés – ; nous n'allons donc pas en créer un supplémentaire. De plus, je n'arrive pas à comprendre ce qui empêcherait aujourd'hui un médecin de venir en aider un autre avec un statut propre et une autorisation du conseil départemental de l'ordre.
Cela ne nécessite pas d'avoir un statut : un médecin peut s'installer pour trois mois, pour six mois, puis repartir, sans avoir besoin d'un statut particulier pour s'installer. Rien n'empêche aujourd'hui de pratiquer ainsi. Avis défavorable.
L'amendement no 734 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir l'amendement no 323 .
Le présent amendement a pour objet de permettre au médecin adjoint d'être également propharmacien lorsque le médecin dont il dépend l'est également. Cela ne concerne actuellement qu'une centaine de personnes sur le territoire national mais cela peut présenter un véritable intérêt dans les zones de désertification médicale.
L'amendement no 323 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet article traite d'un sujet fondamental : le recours au statut des médecins adjoints, notamment dans les zones connaissant d'importants flux saisonniers de population. Ce problème d'accès aux soins lors des flux saisonniers est d'autant plus important dans les zones rurales et de montagne, où les déserts médicaux se multiplient et les carences en offre de soins deviennent insoutenables. Certaines communes voient le nombre de leurs habitants décupler lors de la saison touristique. Ces nouveaux arrivants sont très souvent des urbains habitués à accéder facilement aux soins. Or l'offre de soins dans ces communes est insuffisante pour répondre aux besoins de l'ensemble des habitants en période d'affluence. Dès lors, étendre le dispositif du médecin adjoint peut effectivement permettre de faire face à ces flux saisonniers ou exceptionnels de population.
Il faudra toutefois rester vigilants sur deux points principaux. Tout d'abord, l'exercice médical du médecin adjoint ne devra pas conduire à une médecine low cost pour nos concitoyens vivant dans les déserts médicaux et les zones rurales. Il faudra donc encadrer ce jeune médecin, dans son intérêt et dans celui des patients. Ensuite, et c'est probablement le point de vigilance le plus important, il faudra veiller à ce que les zones couvertes par le médecin adjoint en aient véritablement besoin. N'oublions pas que les médecins adjoints sont étudiants : ayant encore besoin de temps pour leurs études, ils seront donc un peu moins disponibles. Il paraît important aussi d'ouvrir ce statut aux médecins du secteur privé : arrêtons d'opposer ces deux secteurs, qui sont en réalité très complémentaires.
J'aimerais, puisque nous entamons cette discussion, poser la question de la répartition des médecins et des moyens que nous nous donnons pour lutter contre la désertification médicale. Celle-ci est un angle mort du grand débat national. La question de l'accès à la santé n'a pas été retenue par le Président de la République comme sujet de débat durant ces trois mois. Et pourtant, si l'on étudie attentivement ce que les Français ont écrit dans les cahiers de doléances – j'en ai ouvert un dans ma permanence – , la question de l'accès aux soins, de la présence médicale revient de façon constante. Mme la ministre nous dit que, contre la désertification médicale, nous allons continuer les politiques d'incitation ; or ces politiques sont appliquées depuis des années.
Elle nous dit aussi : « Surtout, ne nous engageons dans des politiques de régulation parce que vous allez décourager la médecine générale. » Il faut apporter quelques éléments de réponse sur ce point. Tout d'abord, sur tous les bancs, des députés proposent divers dispositifs pour une plus grande régulation ou, tout simplement, pour une régulation de l'installation des médecins. Cette régulation vise l'ensemble des spécialités et pas simplement la médecine générale. Les inégalités d'accès aux soins sont évidemment criantes en médecine générale mais elles le sont encore davantage pour les spécialités. Je donnerai quelques chiffres : l'écart entre le département le mieux doté et le département le moins bien doté va de 1 à 2,2 en médecine générale ; pour les pédiatres, il va de 1 à 24 ; pour les ophtalmologues, il va de 1 à 23. La question de l'accès aux soins et de la régulation se pose bien pour l'ensemble des spécialités.
Je veux ajouter un autre argument : je n'ai toujours pas compris pourquoi la régulation de l'installation vaudrait pour les kinésithérapeutes, pour les infirmières – profession libérale ! – , pour les pharmaciens, mais pas pour les médecins.
Il faudra bien que l'on nous explique pourquoi la régulation ne pourrait pas valoir pour les médecins : c'est une question de fond à laquelle il faudra répondre.
J'ajoute, sans vouloir être trop long, que la question fondamentale posée à la représentation nationale est celle du contrat entre la nation et ses médecins. Si l'on y réfléchit bien, la nation prend en charge la formation des médecins ; à travers l'assurance maladie, elle garantit les revenus des médecins. Alors qu'y a-t-il de scandaleux...
Qu'y a-t-il de scandaleux à demander aux médecins de travailler avec nous à une meilleure régulation de l'installation sur tout le territoire national ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – M. Yannick Favennec Becot applaudit également.
Mon intervention porte sur le zonage ; nous proposerons après l'article 5 bis des amendements sur la concertation avec les collectivités territoriales. Madame la ministre, vous allez créer le buzz, si j'ose dire, dès samedi matin. En effet, samedi prochain, André Rousset, 68 ans, maire de Lauris, dans ma circonscription du Vaucluse, partira de sa commune pour rejoindre votre ministère à Paris – je vous l'annonce. Il parcourra 760 kilomètres en petite foulée pour se faire entendre et protester contre la fermeture annoncée de l'hôpital de Roquefraîche. L'exaspération est à son comble au sein de la population alors que, selon une étude du service de soins de suite et de réadaptation – SSR – , des solutions existent : ainsi, le coût d'une réhabilitation et d'une mise aux normes ne dépasserait pas celui d'une démolition et d'une décontamination du site, lesquelles présenteraient en outre des risques élevés d'abandon du site.
Cet hôpital est la seule structure régionale de réadaptation pneumologique. De plus, elle se préparait à accueillir un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD. Comment pouvez-vous déclarer, madame la ministre, que vous voulez « tout faire pour répondre à l'angoisse de la désertification médicale », que vous vous êtes « engagée à associer pleinement les parlementaires, et cet engagement sera tenu », et que vous souhaitez renforcer la place faite aux élus en amont des décisions ? En effet, non seulement vous ne répondez pas à nos multiples sollicitations – celles du maire, qui vous a interpellée deux fois, notamment lors du dernier congrès de l'Association des maires de France à Paris, et les miennes, puisque je vous ai écrit le 20 janvier dernier et que je n'ai toujours pas reçu de réponse – , mais vous prévoyez cette fermeture, en dépit de vos promesses.
Au moment où est débattu dans cet hémicycle votre projet de loi visant à réformer notre système de santé, l'occasion m'est donc donnée de vous demander clairement ce que vous envisagez pour l'hôpital de Roquefraîche. Il est vital d'associer les élus du territoire aux décisions majeures pour nos populations !
Nous en arrivons à l'examen des amendements.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 736 .
Le présent amendement vise à substituer un régime déclaratif au régime d'autorisation pour l'exercice en qualité de médecin adjoint ou remplaçant en vigueur aujourd'hui. En effet, nous saluons la possibilité de recourir à des médecins exerçant en qualité d'adjoint ou de remplaçant dans les zones sous-dotées et non plus seulement en cas d'afflux exceptionnel de population. C'est un progrès, certes, mais nous souhaitons aller plus loin en facilitant l'exercice du médecin adjoint.
Nous constatons aujourd'hui un recul de l'exercice libéral, en même temps qu'une progression du remplacement. En effet, les deux tiers des nouveaux médecins libéraux exercent en tant que remplaçants ; or l'exercice en qualité d'adjoint ou de remplaçant est strictement encadré et nécessitera une autorisation du conseil départemental de l'ordre ou de l'agence régionale de santé si ce projet de loi est adopté. Nous proposons donc, pour faciliter les choses, de substituer un régime déclaratif au régime d'autorisation pour pouvoir exercer en qualité de médecin adjoint ou remplaçant.
Avec votre amendement, vous entendez simplifier le recours au remplacement et à l'adjuvat. Cependant, le conseil de l'ordre ne pourra plus opérer les vérifications d'usage avant la prise de poste, notamment pour les étudiants susceptibles d'exercer. Il paraît difficile d'accepter cet amendement ; avis défavorable.
Je comprends le souhait de Mme la députée, à savoir simplifier au maximum pour accélérer les procédures. Celles-ci peuvent se faire dans la journée mais cela nécessite quand même le contrôle de l'état des diplômes et de l'avancement dans leurs études de ces médecins. De plus, certains soulignaient les risques potentiels de favoriser des adjuvats dans des zones qui ne seraient pas sous-denses. Cette procédure permet quand même de vérifier que l'adjuvat est bien réservé à des zones qui en ont vraiment besoin. Elle consiste donc à contrôler les diplômes et à vérifier que la zone répond bien à un besoin particulier. Il me semble nécessaire de maintenir l'autorisation même si, je suis d'accord avec vous, elle doit être donnée extrêmement rapidement.
L'amendement no 736 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 1709 .
Le présent amendement vise à donner des moyens supplémentaires à la médecine scolaire. L'éducation nationale manque cruellement de médecins scolaires, notamment dans les départements ruraux. Les postes sont définis par rapport au nombre d'enfants, ce qui est une profonde erreur. Si, en métropole, le nombre d'élèves peut être un bon critère, dans les départements ruraux, les distances et le nombre de kilomètres pénalisent nos territoires. Ainsi, en Haute-Loire, il faut deux heures trente pour traverser le département, lequel ne compte qu'un poste et demi de médecin scolaire !
Avis défavorable car l'article 5 a pour objet les médecins adjoints. La médecine scolaire est un vrai sujet, j'en suis d'accord – je dois moi-même rendre un rapport avant vendredi sur le parcours santé, accueil et éducation des enfants de 0 à 6 ans. Cela n'a toutefois pas de rapport avec l'article 5 de ce texte. Avis défavorable.
L'amendement no 1709 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement d'appel, voire de provocation. Je le retirerai après mon intervention mais je souhaite tout d'abord vous faire réagir sur ce sujet, madame la ministre. Je veux vous alerter sur la situation des intérimaires, que nous n'avons pas encore traitée depuis le début de l'examen de ce projet de loi. Les intérimaires sont par essence des remplaçants.
Je sais que vous avez pris un certain nombre de décisions, notamment le décret du 24 novembre 2017 plafonnant de manière dégressive les rémunérations des intérimaires. Un rapport parlementaire publié il y a quelques années estimait la facture à 500 millions d'euros pour rémunérer des personnes que certains dans la profession appellent des « mercenaires », intervenant dans des hôpitaux parfois en plan de retour à l'équilibre et qui, dans une situation aussi complexe, n'ont d'autre choix que de recourir à ce type d'intérimaires.
Je souhaite, par le biais de cet amendement, vous faire réagir, madame la ministre, parce que même si vous avez pris un décret et qu'il existe une tendance à mettre de l'ordre dans cette forme de contrats, ou du moins dans les dérives financières qu'ils entraînent, il y a matière à aller beaucoup plus loin ; c'est pourquoi je trouve intelligent de limiter dans le temps le recours aux contrats intérimaires.
Je pense que vous attendez une réponse de ma part puisqu'il s'agit d'un amendement d'appel.
Limiter la possibilité de remplacement au-delà de trois ans empêcherait les médecins de se remplacer les uns les autres en période estivale, par exemple. Ce n'est donc pas la bonne formule.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la gestion des ressources humaines puisse être mutualisée au sein des groupements hospitaliers de territoire – GHT – pour éviter que les intérimaires, profitant des difficultés à recruter, ne fassent monter les prix en mettant en concurrence les hôpitaux au sein d'un même GHT. La mutualisation de la gestion des ressources humaines permettra de limiter le recours aux intérimaires. Partout où elle a été mise en place, elle a eu cet effet et c'est pourquoi nous souhaitons la développer. C'est ce que nous vous proposerons au travers de l'article relatif aux GHT.
L'avis est donc défavorable sur l'ensemble des amendements. Est-ce bien cela ?
Je suis plutôt opposée à la mutualisation de la gestion au sein des GHT. Je crains en effet qu'en cas de pénurie de médecins – je le sais d'expérience et c'est pourquoi j'en parle – , elle ne se fasse au détriment de l'hôpital le moins important et que l'hôpital pivot puise dans les réserves des autres hôpitaux.
Ma modeste expérience m'a appris que la concurrence dans le recours aux intérimaires n'a pas lieu au sein d'un GHT mais entre les GHT. La mutualisation dont vous parlez ne me semble donc pas susceptible de régler le problème.
La seule solution serait d'accroître les moyens des hôpitaux. Les difficultés financières des hôpitaux, leurs déficits cumulés, qui ne sont pas résolus par la loi de financement de la sécurité sociale, font peser sur leurs moyens des tensions qui rendent impossibles des recrutements pérennes, favorisant le recours aux intérimaires avec ses effets pervers, notamment le surcoût. C'est cela qu'il faut régler.
La concurrence entre le GHT de Dieppe et le CHU de Rouen en matière d'attractivité médicale tourne toujours au bénéfice de la métropole. Je me permets de rappeler que l'affectation d'assistants spécialistes régionaux – ASR – , est un des leviers dont dispose la ministre de la santé et les ARS en matière de démographie médicale. Or force est de constater que les ASR sont affectés dans les établissements où on en a le moins besoin, même quand la décision relève des ARS, alors qu'ils devraient l'être aux hôpitaux des villes moyennes, qui en ont le plus besoin.
Il y a donc des solutions, qu'elles soient financières ou d'aménagement des territoires de santé, à condition que le volontarisme politique soit au rendez-vous.
Les établissements privés sont parfois obligés, eux aussi, comme les hôpitaux, de faire appel dans certaines spécialités à des intérimaires sans lesquels ils ne pourraient pas maintenir leur activité – je pense en particulier aux anesthésistes. La question qui se pose est celle du niveau de rémunération de ces professionnels de santé. Aujourd'hui, les directeurs d'établissement, qu'il s'agisse de cliniques ou d'hôpitaux, nous disent qu'ils sont obligés de recourir à ce qu'on appelle des « mercenaires » – le mot n'est peut-être pas le bon mais le problème existe.
L'amendement no 985 est retiré.
Mes collègues Gilles Lurton, Jean-Carles Grelier, Isabelle Valentin et moi-même soutenons pleinement cet amendement de Vincent Rolland, qui vise à inclure les collectivités territoriales dans la définition des zones caractérisées par des difficultés dans l'accès aux soins. Il est en effet indéniable que les élus locaux sont au fait de ces problématiques et sont à même de faire remonter les informations nécessaires.
Madame la ministre, vous avez dit devant la commission que vous ne connaissiez pas d'élu qui dise qu'il ne manque pas de médecins. C'est vrai mais si la loi fait obligation de les consulter, ils peuvent être à même de comprendre pourquoi leur territoire est inclus ou non dans un zonage décisif. Les sorties de dispositif seront d'autant mieux comprises qu'elles seront décidées en concertation avec eux. Il y a des zones qui manquent de médecins mais pas de personnels paramédicaux, notamment de kinésithérapeutes, ou l'inverse. On doit pouvoir leur en faire comprendre les raisons à partir de critères définis en concertation avec eux. Il serait important que vous révisiez la position que vous avez développée en commission, madame la ministre.
C'est un avis défavorable. Nous avons eu ce débat en début de séance mais aussi hier et avant-hier.
Nous avons souhaité que le zonage soit défini à partir d'indicateurs fiables, partagés par toutes les régions pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur les raisons qui ont conduit à classer telle ou telle zone comme sous-dense. Ces critères robustes vont bien au-delà de la seule densité médicale ; ils prennent également en compte des éléments comme l'âge moyen de la population couverte, la patientèle moyenne des médecins, leur temps d'attente, la mobilité des populations, l'âge des médecins.
C'est la raison pour laquelle les élus ne comprennent pas toujours qu'un territoire ne soit pas considéré comme une zone sous-dense au regard de la densité médicale. Le zonage est plus complexe que cela et prend en compte des critères démographiques et épidémiologiques. C'est un système assez robuste.
Les collectivités territoriales sont représentées au sein du collège des élus des conférences régionales de la santé et de l'autonomie – CRSA – ainsi que des comités régionaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, deux instances qui sont consultées à propos de la définition du zonage. Les parlementaires n'y sont pas présents depuis la fin du cumul des mandats puisque ce sont les collectivités territoriales qui y sont représentées.
La question qu'on doit se poser est de savoir comment inclure dans toutes ces instances les parlementaires qui y étaient jusqu'ici en tant que députés-maires. Je peux m'engager à revoir la composition de toutes les instances de concertation dans lesquelles les parlementaires ne sont plus représentés ès-qualité. Voilà l'engagement que je peux prendre devant vous aujourd'hui.
Je vous ai bien écoutée, madame la ministre, et je vous remercie de votre réponse mais je reste sensible à l'argument de mon collègue. J'ai été maire également et il est vrai que les parlementaires sont laissés à l'écart de beaucoup de choses. Pourtant les citoyens nous contactent. Ce matin encore, j'ai été contacté par des personnes qui n'avaient pas de médecin généraliste et qui me demandaient de les aider.
J'ai dû leur dire d'aller aux urgences. Les citoyens savent nous trouver. Il serait donc bon de nous mettre dans la boucle.
Il y a deux ans je me suis opposé à ce qui était fait en termes de zonage dans mon département. Il compte en effet beaucoup de médecins thermalistes, qui sont pris en compte dans le calcul de la démographie médicale alors qu'ils ne font pas de la médecine libérale et j'ai dû me battre pour faire comprendre que c'était en réalité une zone sous-dense parce qu'il n'y avait pas beaucoup de médecins généralistes.
Cet amendement propose simplement une concertation avec les collectivités territoriales. Vous le savez, beaucoup de collectivités – communautés urbaines, communautés d'agglomération ou communautés de communes – ont pris cette compétence santé pour bénéficier de subventions qui leur permettent de créer des pôles de santé libéraux ambulatoires. Il s'agit tout simplement de renforcer des coopérations qui existent déjà.
Vos critères robustes sont pertinents, madame la ministre, quand ils sont proches de la réalité de terrain mais le problème est qu'on a fabriqué des régions de taille XXL. Dans ma région où la Lorraine, l'Alsace, la Champagne-Ardenne sont oubliées, on ne peut pas avoir ce regard fin sur les territoires. Vous avez la chance d'avoir des délégations territoriales, qui pourraient consulter à cette échelle départementale pour avoir ce regard de terrain qui est essentiel.
Deuxième élément important à mon avis : si on veut des politiques publiques efficaces dans le cadre d'une démocratie sanitaire de proximité, il faut des interlocuteurs directement confrontés à ces problématiques. Le problème des représentations à une très grande échelle, c'est qu'on y perd le citoyen et le patient, qui se sentent complètement abandonnés. Dans le contexte du grand débat, faire de la concertation à une échelle de proximité renforcerait la confiance dans notre système de santé.
L'amendement no 450 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 730 .
Cet amendement vise à associer les professionnels de santé, notamment au travers des unions régionales de professionnels de santé – URPS – , à la constatation des conditions justifiant le recrutement d'adjoints de médecins, exercice actuellement soumis à l'autorisation du conseil départemental de l'ordre et des ARS si votre projet de loi est adopté. Je pense qu'il faut laisser les professionnels de santé au coeur du dispositif de décision.
On a entendu que les URPS étaient représentés au sein des CRSA. Pour ceux qui ne connaissent pas bien les CRSA, je dirais que cela a la couleur et l'odeur de la démocratie sanitaire sans l'être toujours. Je parlerai de celle que je connais le mieux : sur les 100 membres que compte la CRSA de ma petite région, il y a trois ou quatre représentants des personnes handicapées. Hormis ces trois ou quatre personnes véritablement compétentes sur les questions de handicap, les 95 autres prennent des décisions en la matière sans y comprendre grand-chose.
C'est exactement la même chose s'agissant de la démographie médicale. Les URPS sont sous-représentées dans les CRSA – en Corse, pas plus de trois ou quatre représentants en tout, médecins, infirmiers et kinésithérapeutes. Si on n'adopte pas ce dispositif, on éloigne les professionnels de santé du coeur de leur métier.
L'amendement no 730 n'est pas adopté.
Cet amendement propose la suppression du mot « ponctuelle » à l'alinéa 9 de cet article de façon à élargir la possibilité de recourir à un médecin adjoint lorsqu'une carence est constatée par le conseil départemental de l'ordre. Aujourd'hui, nombre de zones rencontrent des difficultés dans l'accès aux soins et ne sont pas pour autant identifiées comme telles au sens de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique. Il est ainsi demandé de permettre aux conseils départementaux de l'ordre de réagir rapidement et avec souplesse aux difficultés d'accès aux soins.
Il est identique mais je précise tout de même que l'article 5 prévoit trois cas où un interne en médecine peut être l'adjoint d'un médecin : dans les zones où l'offre de soins est insuffisante et caractérisée – elle est constatée comme telle par l'ARS ; « en cas d'afflux saisonnier exceptionnel de population constaté par arrêté du représentant de l'État dans le département » ; et, enfin, « dans l'intérêt de la population, lorsqu'une carence ponctuelle est constatée ».
Cet amendement vise précisément à supprimer le mot « ponctuelle » de façon à élargir la possibilité de recourir à un médecin adjoint lorsqu'une carence est constatée par le conseil départemental de l'ordre. Nous savons en effet que nombre de zones, aujourd'hui, rencontrent des difficultés en matière d'accès aux soins et ne sont pas pour autant identifiées comme telles au sens de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 123 .
J'ajoute simplement qu'il s'agit de rendre la loi plus souple. Encore une fois, c'est une proposition de bon sens. En permettant aux conseils départementaux de l'ordre de faciliter le recours à un médecin adjoint, il sera également plus facile de résoudre les difficultés qui peuvent se poser dans des zones qui n'ont pas été identifiées comme sous-dotées.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 226 .
Le groupe UDI-Agir et indépendants souhaite également appeler votre attention, madame la ministre, sur la difficulté qu'il y a à définir le terme « ponctuelle » associé à la carence de l'offre de soins, ce qui pourrait entraîner un risque juridique d'interprétation. En outre, la suppression de cet adjectif permettrait d'élargir la possibilité de recourir à un médecin adjoint.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l'amendement no 509 .
Cette disposition prévoit que l'exercice en tant qu'adjoint d'un médecin puisse être autorisé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins déterminées par arrêté, en cas d'afflux saisonnier ou exceptionnel de population mais, également, dans « l'intérêt de la population, lorsqu'une carence ponctuelle est constatée dans l'offre de soins par le conseil départemental ».
Cet amendement de Mme Ramassamy propose la suppression du mot « ponctuelle » de façon à élargir la possibilité de recourir à un médecin adjoint lorsqu'une carence est constatée par le conseil départemental de l'ordre. Aujourd'hui, nombre de zones rencontrent des difficultés dans l'accès aux soins et ne sont pas pour autant identifiées comme telles au sens de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique. Il est ainsi demandé de permettre aux conseils départementaux de l'ordre de réagir rapidement et avec souplesse aux difficultés d'accès aux soins.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 597 .
Lorsqu'il y a carence, il y a carence, madame la ministre. Autant donc essayer de résoudre le problème.
Nous sommes plusieurs à vouloir supprimer le mot « ponctuelle ». Même si je crains que nous ne gagnions pas cette bataille, je note que la définition de ce mot pourra varier selon les territoires et que cela créera des inégalités. Peut-être pourriez-vous donc définir ce que vous entendez par « ponctuelle », de façon que la définition vaille sur tous les territoires ?
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 737 .
Je vais donc dans le même sens que mes collègues. Il est en effet nécessaire de permettre aux conseils départementaux de l'ordre de réagir rapidement et avec souplesse aux difficultés d'accès aux soins. L'encadrement strict du recours au médecin adjoint empêche actuellement qu'il soit apporté une réponse rapide aux difficultés ou aux carences de médecins. C'est pourquoi notre amendement vise également à supprimer le mot « ponctuelle ».
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 786 .
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 1192 .
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement no 1899 .
Au risque de répéter ce que mes collègues ont dit, je rappellerai que cette disposition prévoit que l'exercice en tant qu'adjoint d'un médecin puisse être autorisé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins déterminées par arrêté, en cas d'afflux saisonnier ou exceptionnel de population, mais également dans « l'intérêt de la population, lorsqu'une carence ponctuelle est constatée dans l'offre de soins par le conseil départemental ».
Cet amendement propose la suppression du mot « ponctuelle » de façon à élargir la possibilité de recourir à un médecin adjoint lorsqu'une carence est constatée par le conseil départemental de l'ordre. Aujourd'hui, beaucoup de zones rencontrent des difficultés dans l'accès aux soins et ne sont pas pour autant identifiées comme telles au sens de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique. Il est ainsi demandé de permettre aux conseils départementaux de l'ordre de réagir rapidement et avec souplesse aux difficultés d'accès aux soins.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1927 .
La suppression de ce terme ne serait pas anodine. Il s'agirait en effet alors d'une carence permanente, ce qui est la caractéristique même des zones sous-denses. En outre, cela reviendrait à mettre en concurrence le conseil départemental de l'ordre et l'ARS pour la définition des zonages, ce qui me semble compliqué et risque d'entraîner des confusions. Avis défavorable de la commission.
Je suis totalement de l'avis de Mme la rapporteure.
Supprimer le mot « ponctuelle » reviendrait à ce que le conseil départemental de l'ordre organise lui-même son propre zonage. L'un serait défini par une instance publique – l'ARS – à partir d'un algorithme et l'autre par l'instance ordinale !
Madame Firmin Le Bodo, si vous pensez que la définition de « ponctuelle » peut varier d'un département à l'autre, celle de la « carence » le peut aussi en fonction des instances ordinales dans chaque département.
Le terme « ponctuelle », quant à lui, n'emporte pas de difficulté juridique : une carence ponctuelle est caractérisée lorsque, par exemple, un médecin part en congé maternité ou souffre d'une maladie grave nécessitant un arrêt de travail de six mois. Ce sont là autant de carences ponctuelles authentifiées par le conseil départemental de l'ordre.
Nous ne souhaitons pas mettre en concurrence un zonage effectué par les ARS et un autre émanant des conseils départementaux de l'ordre.
Ce qu'il ressort de nos débats, c'est un grand flou sur cette notion de carence « ponctuelle ». Nous avons bien compris que le terme ne peut être supprimé mais il est intrinsèquement problématique.
Vous nous avez donné deux exemples, mais comment peut-on s'assurer que tous les conseils départementaux auront la même définition ? Ne faudrait-il pas clarifier la rédaction ? Les deux exemples que vous nous avez donnés semblent légitimes mais il peut exister des interprétations différentes – ce qui pourrait être problématique alors que tout l'intérêt, c'est d'obtenir des résultats sur le terrain.
On tourne autour du pot. Qu'est-ce qu'une carence « ponctuelle » ? En l'occurrence, il s'agit d'une carence nécessitant une mission courte et précise. Or, parfois, elle peut être plus que courte ou plus longue que courte et moins précise.
Je vais vous donner un exemple que Mme Rist connaît puisque nous habitons le même département. Deux fois par an, dans ma circonscription, entre 20 000 et 30 000 gens du voyage viennent séjourner pendant plusieurs semaines, ce qui soulève des problèmes sanitaires.
Le conseil départemental de l'ordre des médecins doit pouvoir désigner des médecins adjoints sans qu'il soit nécessaire de passer par l'administration – ARS et autres. Le conseil peut fort bien autoriser un médecin adjoint à venir travailler en complément des médecins sur place, ce qui rend éminemment service.
Il est un peu dommageable de jouer ainsi sur les mots.
En cas d'afflux massif, monsieur Door, le préfet peut demander un recours aux médecins adjoints.
L'amendement no 202 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 9 .
L'amendement no 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l'amendement no 418 .
S'agissant de pénurie médicale, j'appelle votre attention, madame la ministre, sur la situation particulière des zones frontalières, en particulier lorsqu'existent de l'autre côté de la frontière des établissements de santé extrêmement importants.
C'est le cas des hôpitaux universitaires de Genève – la Suisse, qui plus est, n'est pas membre de l'Union européenne – , équivalent d'un immense CHU dont l'attractivité pour le personnel médical et non-médical est considérable : les conditions proposées n'ont en effet rien à voir avec celles que peuvent offrir des établissements de santé publics et, même, privés en France. Ce sont là de véritables aspirateurs !
Il faut impérativement qu'à l'issue de nos débats, ces zones frontalières puissent bénéficier de la reconnaissance et des spécificités que vous avez accordées notamment aux zones touristiques.
Tel est le sens de cet amendement.
Cet amendement est satisfait par l'article. Avis défavorable, même si j'entends votre avertissement s'agissant de la situation frontalière à proximité de Genève.
Dès lors qu'une zone frontalière rencontre des difficultés de recrutement, c'est une zone sous-dense et cet article répond typiquement à sa situation. Avis défavorable.
Je vous remercie, mesdames, pour vos réponses. Je considère donc que cet amendement est satisfait. N'ayant à ce stade aucune raison de ne pas vous faire confiance, je le retire. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter après la lecture au Sénat.
L'amendement no 418 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon, pour soutenir l'amendement no 1154 .
Le présent amendement vise à donner aux maires la possibilité de faire de leur commune un lieu potentiel d'accueil pour des adjoints d'un médecin.
Comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises, la santé est l'un des premiers sujets de préoccupation pour les Français. Le grand débat national a aussi démontré l'importance des élus locaux, notamment des maires, qui sont en prise directe avec les problèmes rencontrés par nos concitoyens et parfois les mieux à même de juger de l'urgence d'une situation.
Or, face à la désertification médicale, de nombreux élus locaux se sentent impuissants car ils ne peuvent pas apporter de solutions rapides, concrètes et efficaces à leurs concitoyens. Le présent amendement propose de redonner une capacité d'action aux maires. Par arrêté, et pour des raisons de menace contre la salubrité publique, ils pourront faire de leur commune un potentiel lieu d'accueil pour des adjoints d'un médecin.
Avis défavorable. La mobilisation de l'adjuvat au titre du risque de salubrité publique ne me paraît pas une bonne justification. Il s'agit plutôt d'un problème de santé publique, ce qui suppose la mise en place d'un plan de risque de santé publique.
S'il y a un problème de santé publique – par exemple, une épidémie – les ARS envoient des médecins. Identifier à travers un arrêté municipal une carence en médecin reviendrait à créer un nouveau zonage, cette fois-ci défini par les maires. Avis défavorable, donc, à un amendement qui créerait encore une autre façon de définir un zonage, tout aussi susceptible de varier d'un département ou d'une commune à l'autre. Seul le zonage de l'ARS répond aujourd'hui à des critères objectifs.
L'amendement no 1154 est retiré.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 203 .
Nous proposons de laisser au conseil départemental de l'ordre des médecins la liberté de déterminer la durée pendant laquelle l'adjoint au médecin est autorisé à exercer dans les conditions définies par cet article.
L'amendement no 203 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 987 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour soutenir l'amendement no 301 .
Il est proposé que le conseil départemental de l'ordre des médecins procède à la consultation des conseils territoriaux de santé – qui regroupent des professionnels de santé, des usagers et des représentants des collectivités territoriales – ainsi que les associations représentatives des étudiants en médecine présentes sur le territoire, avant de donner son autorisation.
Nous faisions état de la rapidité nécessaire pour faire appel à un médecin adjoint sur le territoire, notamment quand le remplacement répond à un besoin ponctuel. La procédure proposée par l'amendement semble très lourde et excessivement formaliste. Avis défavorable.
L'amendement no 301 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Anthony Cellier, pour soutenir l'amendement no 1823 .
Cet amendement concerne l'information offerte aux étudiants en médecine sur la possibilité d'exercer en qualité d'adjoint de médecin. En rencontrant les étudiants en médecine, nous avons pris conscience d'un manque d'information à ce sujet. Nous savons bien que le programme des études de médecine est suffisamment vaste et dense pour qu'ils ne soient pas forcément attentifs à toutes les informations disponibles. Mais nous préconisons de renforcer, notamment lors de la première année du troisième cycle, l'information sur la possibilité d'exercer en tant qu'adjoint.
Autant nous partagions tout à l'heure votre avis sur l'information à propos du CESP, autant nous n'avons pas retiré la même impression que vous des auditions des étudiants au sujet du statut de médecin adjoint. Avis défavorable.
L'amendement no 1823 est retiré.
Je suis saisi de dix amendements, nos 1020 , 30 , 56 , 419 , 598 , 739 , 1193 , 1549 , 1707 , 1929 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 30 , 56 , 419 , 598 , 739 , 1193 , 1549 , 1707 , 1929 sont identiques.
La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour soutenir l'amendement no 1020 .
La création du statut de médecin adjoint est l'une des réponses apportées par le projet de loi aux difficultés d'accès aux soins dans de nombreux territoires. Afin de répondre pleinement à cet enjeu majeur, l'ensemble des acteurs du système de santé, quel que soit leur statut, doit pouvoir se mobiliser en bénéficiant des dispositifs proposés au profit des zones sous-dotées.
En conséquence, il est proposé d'ouvrir le statut de médecin adjoint au secteur privé comme au secteur public, et outre-mer, aux médecins adjoints étrangers liés par une convention de coopération sanitaire régionale décentralisée.
La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour soutenir l'amendement no 598 .
La création du statut de médecin adjoint est l'une des réponses apportées par le projet de loi aux difficultés d'accès aux soins dans de nombreux territoires. Afin de répondre pleinement à cet enjeu majeur, l'ensemble des acteurs du système de santé, quel que soit leur statut, doit pouvoir se mobiliser en bénéficiant des dispositifs proposés au profit des zones sous-dotées. C'est pourquoi il est proposé d'ouvrir le statut de médecin adjoint au secteur privé comme au secteur public.
Depuis que nous avons commencé l'examen de ce texte, nous nous accordons tous à reconnaître le nombre important des zones de désertification médicale. Pour répondre aux difficultés d'accès aux soins, il est nécessaire que l'ensemble des acteurs du système de santé, quel que soit leur statut, puisse se mobiliser en bénéficiant des dispositifs proposés au profit des zones sous-dotées. Cet amendement prévoit donc d'ouvrir le statut de médecin adjoint au secteur privé comme au secteur public.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 1193 .
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1549 .
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 1707 .
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1929 .
Dans certaines parties du territoire, des établissements privés participent réellement au service public de santé. Au vu des objectifs que vous poursuivez, et pour que les dispositifs que vous mettez en place soient équitables sur tout le territoire, il faut pouvoir les ouvrir au secteur privé.
La création du statut de médecin adjoint a un double objet : aider les médecins libéraux à s'installer en zone sous-dense ou en zone de tension et former les jeunes à la médecine libérale. Je ne comprends pas l'intérêt d'ouvrir ce statut aux établissements qui accueillent déjà des internes capables de faire ce travail. Avis défavorable.
Comprenons bien le dispositif que nous sommes en train d'examiner : les internes sont à l'hôpital, et nous souhaitons mettre en place un dispositif qui leur permet de découvrir très tôt l'exercice libéral, notamment en rendant un service dans les zones sous-denses ou lorsqu'un afflux de population se produit quelque part.
L'intérêt est double : faire découvrir les zones sous-denses à des internes et permettre à des médecins de recruter un médecin adjoint. L'objectif n'est pas de demander à ces internes de retourner à l'hôpital, mais de les orienter vers l'exercice libéral. Il s'agit d'ailleurs déjà du secteur privé, puisque nous parlons des médecins libéraux. Quant aux établissements privés, les moyens financiers dont ils disposent pour les recrutements leur épargnent les problèmes d'attractivité.
L'objectif de cette mesure est d'envoyer des médecins en zone sous-dense pour y aider des médecins libéraux. Les autres mesures proposées n'entrent pas dans ce cadre. Avis défavorable donc à l'ensemble de ces amendements.
L'amendement no 1020 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Avec cet article et les amendements y portant article additionnel, nous allons aborder la question du zonage et de la répartition des médecins sur le territoire. Nous en avons longuement traité en commission et ici lors de la discussion générale. Pour suivre ces questions depuis une dizaine d'années au Parlement, d'abord avec Mme Bachelot, puis Mme Touraine, et maintenant Mme Buzyn, je tiens à dire ma très grande préoccupation concernant le renouvellement et l'installation des médecins dans certaines parties du territoire.
Depuis dix ans, toutes les mesures incitatives ont été mises en oeuvre. Tout d'abord, les aides à l'installation : je me souviens de la prime à l'installation de 50 000 euros annoncée par Emmanuel Macron. Puis les zones de revitalisation rurale, dans lesquelles un médecin est exonéré de tout impôt sur le revenu pendant cinq ans, puis à 75 % la sixième année, à 50 % la septième et à 25 % la huitième année. Nous avons testé les maisons de santé pluriprofessionnelles, la mise en réseau, les centres de santé. L'Association du Pays de Fougères, que je préside, a ainsi conclu un contrat local de santé avec l'agence régionale de santé. Nous avons tout fait !
J'interviens à cet instant du débat car je souhaite que l'on aborde au fond la question du conventionnement dit sélectif. Je souhaite que l'on conventionne les médecins là où on en a besoin, pour le renouvellement comme pour l'installation. Certains collègues ont déposé des amendements que je proposerai de sous-amender. Nous débattons de ces questions dans cet hémicycle depuis dix ans, et nous sommes redevables vis-à-vis d'une partie de nos concitoyens qui n'ont plus accès aux médecins.
C'est donnant-donnant, car la puissance publique participe largement au financement de la formation de nos jeunes médecins. Il en va aussi de l'attractivité de nos territoires : j'entends parfois que dans certains secteurs de la France, c'est le désert social. Lorsqu'il n'y a plus de services publics ni de médecins dans ces territoires, nous ne risquons pas d'y attirer des cadres de professions bancaires, des enseignants ou des professeurs ! La population continuera d'y connaître de graves difficultés. C'est pour cela que je me permets d'élever le ton, madame la ministre : je souhaite que la question du conventionnement sélectif soit abordée avec le plus grand sérieux.
Mmes Jeanine Dubié et Huguette Bello ainsi que M. Joël Aviragnet applaudissent.
Je m'inscris dans la droite ligne de l'orateur précédent. Nous connaissons un grave problème de désertification médicale auquel il faut trouver des solutions. J'ai proposé des amendements sur des sujets qui peuvent sembler basiques, mais permettez-moi de vous donner un exemple : dans mon territoire, lorsque des personnes décèdent, nous éprouvons de grandes difficultés à trouver, hors de certains horaires, des médecins disposés à se déplacer pour effectuer le constat de décès. Dans ces moments douloureux, des familles doivent ainsi attendre des heures la venue d'un médecin.
Il est urgent de trouver des solutions, et j'espère que les amendements proposés y contribueront.
Depuis que nous travaillons sur ce projet de loi, nous avons beaucoup débattu de la place et du rôle des élus, des territoires et de la concertation. Madame la ministre, vous nous avez chaque fois expliqué que les conférences régionales de la santé et de l'autonomie et les agences régionales de santé avaient toutes les informations en matière de santé sur notre territoire.
Je m'interroge donc sur les raisons pour lesquelles le groupe La République en marche a déposé un amendement prévoyant d'établir une cartographie des zones sous-denses de la santé, par spécialité, fixant une échéance au 1er janvier 2022.
Si le regard porté sur la situation de la santé en France par les ARS, la direction générale de l'offre de soins ainsi que l'ensemble des services du ministère de la santé est dès aujourd'hui particulièrement affûté, pourquoi attendre encore trois ans pour que vos services produisent cette cartographie ? Si ce n'est pas le cas, restituez le pouvoir aux élus, sollicitez leur avis et votre cartographie sera rapidement établie !
Il y a là deux poids, deux mesures, une forme d'injonction paradoxale – pour employer des mots à la mode – qui m'inquiète un peu. Pourquoi fixer l'échéance à 2022 alors que vous n'avez cessé de nous répéter que les ARS et les services du ministère disposaient de toutes les informations ?
Il y a un certain nombre d'années, alors que j'étais nouvelle députée, la première question d'actualité que j'ai posée au Gouvernement portait déjà sur la démographie médicale. Depuis lors, nous ne sommes pas restés passifs et beaucoup a été fait : le numerus clausus a été considérablement augmenté, et même régionalisé ; des postes d'internes ont été ouverts dans les territoires en difficulté ; des dispositifs fiscaux incitatifs ont été mis en place ; des maisons médicales ont été ouvertes. Malgré ces progrès, il est toujours aussi difficile d'obtenir des médecins qu'ils s'installent dans nos territoires en difficulté.
J'ai eu connaissance, dans mon département, de plusieurs cas de médecins qui n'en peuvent plus, voire sont en burn out ou en dépression nerveuse sévère. Leur problème n'est pas de gagner de l'argent mais d'avoir des moments pour se reposer et de trouver des remplaçants.
Nous devons donc nous intéresser au conventionnement sélectif. Je comprends que l'on hésite à contraindre les médecins à s'installer là où ils ne veulent pas aller mais par pitié, ne les laissons plus s'établir là où ils sont déjà trop nombreux ! C'est d'une immoralité terrible. Cessons de conventionner ceux qui s'installent dans les territoires où il y a déjà pléthore de médecins.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je me dissocie des propos de mes collègues, avec lesquels je partage pourtant beaucoup d'ordinaire. Je suis depuis longtemps opposé aux mesures de contraintes et demeure résolument partisan de la liberté d'installation. Trois générations de médecins se sont succédé dans ma famille, mes grands-parents, mon père et moi-même. Nous sommes médecins depuis près de trois siècles, dans ma famille. C'est vous dire si je connais la situation : ce n'est pas en contraignant que l'on gagnera.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, de regarder ce qu'il s'est passé à l'étranger : toutes les mesures contraignantes en matière d'installation se sont révélées contre-productives.
Mettez-vous à la place de ces jeunes qui vont s'installer, au plus tôt, à 33 ou 34 ans. Depuis dix ans, ils bâtissent un projet professionnel, voire un projet familial. Il est évident qu'ils ne s'installeront pas dans un territoire que vous leur imposerez s'ils ne le souhaitent pas. Ils iront ailleurs, quitte à être déconventionnés. Mais comme il y aura toujours beaucoup de patients pour un médecin, les malades iront tout de même consulter ces médecins déconventionnés, c'est évident. La situation perdurera encore une dizaine d'années tant que nous n'aurons pas suffisamment de médecins et que nous n'aurons pas revalorisé la médecine générale. Nous pourrions progresser si vous revalorisiez le tarif de la consultation en médecine générale à un niveau correct.
Les médecins que vous voudrez contraindre iront dans les filières salariées ou dans l'humanitaire, en tout cas dans d'autres filières que la médecine générale, et vos mesures auront été contre-productives. J'entends toujours ressasser les mêmes choses. Tous les étudiants, quels que soient leur corporation ou leur âge, sont vent debout contre les propositions des parlementaires. Ils ne réagissent pas par corporatisme : l'ensemble des étudiants de nos facultés se sentent concernés. Vous finirez par vous les mettre à dos. Et là, attention : danger !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce sujet suscite le débat sur tous les bancs. Nous attendons de votre projet de loi, qui est tout de même celui du quinquennat pour la santé, qu'il réponde au problème crucial de la désertification médicale dans notre pays.
Je reprendrai deux points. C'est vrai, notre pays paie la formation des étudiants en médecine mais je voudrais rappeler à mon collègue et ami Thierry Benoit, avec qui je ne suis pas d'accord à ce sujet, qu'un externe en milieu hospitalier gagne 0,89 euro de l'heure et un interne 6,40 euros. Par conséquent, les étudiants rendent, par leur travail dans les hôpitaux, ce qu'ils reçoivent du pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Sans eux, je ne vois pas comment les hôpitaux fonctionneraient.
Par ailleurs, je l'ai déjà dit en commission, je ne crois pas que le déconventionnement des médecins qui s'installeraient en zones surdotées soit la solution. Lorsque vous êtes malade, ou que votre enfant est malade, et que vous devez consulter un généraliste ou un spécialiste, vous irez voir le professionnel déconventionné si vous n'en trouvez aucun autre qui soit conventionné dans votre secteur. Vous préférerez payer, sans être remboursé, une consultation à 65 euros, plutôt que d'attendre des jours, voire des mois, avant d'obtenir un rendez-vous. Je suis certain qu'alors, nous aurons établi une médecine à deux vitesses. Les personnes les plus pauvres ne pourront pas s'offrir ces soins tandis que les plus aisés le pourront. Nous aurons alors porté gravement atteinte à notre système de santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il y a bien longtemps que l'on évoque cette solution et il me semble que l'idée fait son chemin. Je veux bien entendre que ce soit contre-productif, monsieur Door, mais la situation nous laisse-t-elle le choix ?
Vous nous proposez un plan, madame la ministre, mais vous continuez à faire et à penser comme si la réalité n'était pas ce qu'elle est. Je suis sidéré de vous voir persévérer à ce point dans le déni. Il n'y a plus de médecins dans les territoires ruraux. De nombreuses personnes ne peuvent déclarer de médecin traitant.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je peux finir ? Vous ne détenez pas toutes les solutions. Vous pensez tout savoir et tout résoudre : on voit le résultat !
La situation est telle qu'aujourd'hui les gens n'en peuvent plus. Ils ont exposé des doléances, ils sont descendus dans la rue. Il faut les entendre.
Je ne suis pas médecin, tout le monde le sait ici, mais je rappellerai tout de même que notre pays est aujourd'hui confronté à une urgence sociale et une urgence sanitaire. On en arrive à devoir hospitaliser des enfants souffrant de gastro-entérite parce que leurs mamans n'ont pas réussi à trouver de médecin et qu'ils se sont déshydratés. Ils finissent aux urgences, ce qui coûte une fortune. Certains prétendent que l'on ne pourrait pas forcer les médecins à s'installer où ils ne le souhaitent pas mais ont-ils conscience de l'urgence de la situation ? Quand il a fallu inciter les infirmiers, les kinésithérapeutes, les sages-femmes à s'installer dans des zones particulières, personne n'a été choqué.
Je m'exprime aujourd'hui d'autant plus librement que les étudiants en médecine ne m'apprécient guère. Tant pis ! Ils changeront peut-être d'avis demain… Où sont-ils quand les soignants, les infirmiers sont en sous-effectif dans les hôpitaux ? Qui plaint les soignants quand ils ne sont pas assez nombreux ? Qui vient dire que le travail est mal fait quand ils manquent ? Nous sommes face à une urgence sanitaire et sociale. On manque de médecins pour l'heure. C'est vrai, il est compliqué de forcer les gens à s'installer là où ils ne le souhaitent pas mais nous devons assumer. Soit on reconnaît qu'on ne veut pas leur déplaire en les contraignant et on assume la responsabilité de la situation d'urgence sanitaire et sociale. Soit on retrousse ses manches et, en attendant l'arrivée des nouveaux médecins dans dix ans, on leur dit où s'installer.
C'est vrai, les internes sont sous-payés. Trouvons une solution pour qu'ils le soient davantage, ce serait une première réponse. Une urgence sanitaire n'est pas une situation anodine, bien au contraire. Ne fermons pas les yeux car nous devons aider les soignants qui sont en sous-effectif.
Je comprends votre objectif, madame la ministre. Des parlementaires pointent le risque d'une médecine à deux vitesses, mais nous y sommes déjà ! Des habitants issus de certains territoires doivent se rendre en région parisienne pour consulter des spécialistes ou même des généralistes. J'en vois dans le train entre Alençon, dans l'Orne, et Paris. Vous n'êtes certes pas responsable de cette situation, madame la ministre, mais le souci est réel.
Certaines villes ont créé un pôle de santé libéral et ambulatoire, comme ce fut le cas dans ma circonscription. Alors que cinq ou six médecins étaient prévus, il n'y en a plus qu'un aujourd'hui, qui partira bientôt en retraite. Le problème est réel. Personne ne s'oppose, ici, à la liberté d'installation mais certains parlementaires considèrent qu'il faudrait la conditionner à la situation de tension des zones. La question se pose, même si nous ne sommes pas d'accord quant aux réponses.
D'autres solutions sont envisageables. Certaines collectivités, face à la pénurie, s'organisent et ouvrent des centres médicaux où exercent des médecins salariés. C'est le cas, si je me souviens bien, de la ville d'un de nos collègues députés, La Ferté-Bernard.
J'ai proposé, madame la ministre, de mener des expérimentations pour que les hôpitaux de proximité, que nous avons eu la chance de pouvoir sauver malgré les menaces qui pesaient sur eux, recrutent des médecins généralistes afin de répondre aux difficultés dans les territoires. Mais c'est un problème de fond. Ne nous accusons pas les uns les autres : tous, nous voulons résoudre ce problème afin que chaque citoyen ait accès à la santé.
Rires
Je l'assume. Chers collègues, nous héritons d'une situation catastrophique, qui résulte des trente dernières années. Rappelons en effet que, du fait du fameux trou de la sécurité sociale, les majorités qui se sont succédé depuis trente ans, de droite comme de gauche, ont tenté une gestion comptable, forts d'une seule maxime : « Moins on forme de médecins, moins on forme d'infirmières, moins cela coûte cher ».
Nous héritons d'une situation catastrophique, et je remercie Mme la ministre de proposer plusieurs mesures pour que, progressivement – on n'y parviendra certes pas par miracle du jour au lendemain – , nous parvenions à la rééquilibrer. Contraindre les médecins à s'installer dans certains territoires n'est pas une solution. Les médecins généralistes sont des professionnels libéraux et je suis content d'entendre la gauche soutenir la médecine libérale. Il faut renforcer l'attractivité de celle-ci, moins ennuyer les praticiens avec la paperasse administrative, les laisser travailler. Les mesures proposées dans ce texte vont dans ce sens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
La désertification médicale est une réalité et un défi que nous devons tous relever. La question ne se pose pas que dans la ruralité : certains quartiers des territoires urbains sont, eux aussi, concernés. On ne peut pas réduire ainsi le débat.
Par ailleurs, il ne s'agit pas que d'une affaire de santé. Ce n'est pas une loi santé qui résoudra la problématique de l'attractivité des territoires. L'enjeu est réel et le Gouvernement doit apporter des solutions pour que les territoires où la croissance est en passe retrouvent de l'attractivité démographique et économique. Certains territoires jouissent d'une croissance supérieure à 10 % quand d'autres souffrent d'une croissance négative, pouvant aller jusqu'à moins 4 %, et de cela, les conséquences ne se font pas sentir que pour les médecins.
La contrainte a été expérimentée ailleurs. Elle n'a pas porté ses fruits. Pire, elle a eu des effets négatifs, comme des déconventionnements. Finalement, l'accès à la médecine, notamment de secteur 1, s'est éloigné. La contrainte n'est donc pas la bonne solution. Elle présente sans doute l'avantage démagogique de paraître répondre à l'attente des citoyens, mais les résultats ne seraient pas au rendez-vous.
Une meilleure réponse au problème consisterait à accroître les incitations. Votre projet en contient, mais nous sommes persuadés qu'il faut aller plus loin, en allégeant les tâches administratives des médecins – c'est une demande très forte de leur part.
Si le nombre des médecins a doublé en trente ans, ils consacrent moins de temps aux soins. Il faut donc leur permettre de soigner et les inciter à le faire. Même si on les obligeait à s'installer ici ou là, cela ne résoudrait pas le problème, faute qu'ils aient du temps pour recevoir des patients.
Il s'agit donc surtout de les inciter à travailler encore plus, tout en ménageant l'équilibre de leur vie. Cela dépasse largement les enjeux de la présente discussion : il faut relancer le développement local, ce qui est une affaire interministérielle.
Mais on ne réussira à apporter la santé à tous que si on le fait avec les médecins, en les incitant à soigner et en leur facilitant la tâche.
Tout le monde, sur les bancs de notre assemblée, convient que la désertification médicale progresse, et qu'elle constitue un véritable problème pour l'accès aux soins, dont nos concitoyennes et concitoyens doivent tous bénéficier de manière égale. Tout cela concourt à aggraver la concurrence entre territoires, y compris en matière d'accès à la santé. C'est un véritable problème.
L'installation des médecins dépend aussi de l'environnement qu'ils trouvent dans les territoires, notamment de la qualité des services publics qui y sont implantés. Or nous assistons plutôt aujourd'hui à un affaiblissement généralisé des services publics, provoqué notamment par les politiques nationales et les politiques européennes. Il faut y mettre fin. Mais ce n'est pas spécifiquement de cette question qu'il s'agit aujourd'hui.
Nous pouvons lutter contre la désertification et la mise en concurrence des territoires en instaurant des mesures de régulation. Mais, dès que nous parlons de réguler, aussi peu que ce soit, on nous accuse de prôner la coercition. Ce n'est pas vrai. Il n'est pas question de coercition dans les propositions en débat. Des mesures de régulation sont possibles et nécessaires, parce que nous sommes en présence d'un enjeu de santé publique et d'intérêt général, face auquel nous avons des responsabilités. La possibilité de refuser l'installation dans les zones considérées par les ARS comme surdenses, sauf en cas de cessation d'activité d'un praticien, pourrait contribuer efficacement à réguler quelque peu les installations.
Le projet de loi contient des dispositifs adaptés pour lutter contre la désertification médicale, nous en avons débattu. D'autres seront sans doute définis plus tard ; mais nous avons besoin dès maintenant d'un outil de régulation supplémentaire, et je crois que nous devons y réfléchir sérieusement.
En entendant les propos de M. Benoit, j'ai presque eu peur. Apaisons le débat : on ne résoudra pas en quelques années un problème qui résulte de trente ans d'erreurs – c'est du moins probable – avec des solutions à l'emporte-pièce. La démographie médicale augmentera nécessairement de nouveau dans les années qui viennent. D'ici là, il faudra certes traverser une période très difficile de dix à quinze ans, je n'en disconviens pas.
Méfions-nous de l'idée d'un conventionnement sélectif, qui introduit deux biais, comme l'a dit notre collègue Lurton, et conduit à une médecine à deux vitesses. Dans d'autres professions, le conventionnement sélectif a déplacé le problème du centre-ville vers la périphérie, mais les zones rurales n'y ont rien gagné.
D'autre part, si vous demandez à un spécialiste de choisir entre une zone rurale où il sera conventionné et une zone urbaine où il sera déconventionné, il choisira la seconde. Il en résultera une médecine à deux vitesses.
Prenez garde, enfin, à ne pas envoyer les gens en mission, de manière coercitive, seuls au milieu de la campagne. Cela revient à leur demander de faire quatre-vingts heures par semaine, et d'assurer la garde vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ça ne marchera pas. Mieux vaut créer des hôpitaux de proximité et des communautés professionnelles territoriales de santé, et faire confiance au travail pluridisciplinaire en maillant le territoire petit à petit. J'avoue qu'il y faudra du temps, mais cela fonctionnera, parce que les gens auront envie de travailler avec vous, et pas contre vous. C'est la meilleure des solutions, et c'est celle que défend la ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1739 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 5 bis, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra