La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Le 5 mai dernier, Éric Masson, brigadier de police, a été tué à Avignon ,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
lors d'une intervention sur la voie publique. Un hommage national, sous la présidence du Premier ministre et en présence du ministre de l'intérieur, du garde des sceaux et d'une délégation de l'Assemblée nationale conduite par Mme Annie Genevard, est en ce moment même rendu à ce serviteur exemplaire de la République.
Une fois de plus, la police nationale paie un lourd tribut dans l'exercice de sa mission de protection des Français. En votre nom à tous, je salue la mémoire d'Éric Masson et adresse nos condoléances les plus sincères à ses proches et à ses collègues.
Je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Monsieur le président, je voudrais associer le groupe Agir ensemble à l'hommage qui vient d'être rendu à Éric Masson et je suis sûr que tous les groupes en feront autant, comme ils rendent hommage à tous les policiers, gendarmes, policiers municipaux qui luttent tous les jours pour faire respecter dans nos rues les lois de la République.
Éric Masson n'est hélas ! pas la seule personne à avoir été assassinée la semaine dernière. Parmi ces victimes figurait également Chahinez, frappée, aspergée d'essence, brûlée vive par son mari. C'est le trente-neuvième féminicide depuis le début de l'année dans notre pays, record que nous avions déjà atteint dans les années précédentes. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son mari et combien se taisent, par peur ou par honte, malheureusement, dans le huis-clos de nos appartements et de nos maisons ?
Nous avons déjà fait beaucoup, messieurs et mesdames les ministres. Nous avons mis en place le 3919. Nous avons le téléphone grand danger, nous avons les bracelets d'éloignement. Qu'avons-nous raté ?
Quelles sont les conclusions de la mission d'inspection qui a été diligentée par le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice sur cet assassinat ? Que peut-on faire encore pour que l'on ne voie plus jamais ça ? N'y a-t-il pas, monsieur le ministre de l'éducation nationale, quelque chose à faire dans les écoles pour que, dès l'école primaire, l'on puisse, au même titre que l'on apprend à lire et à écrire, apprendre à respecter l'autre, à domestiquer sa violence et pour que plus jamais, dans notre pays, des femmes, des enfants, ne meurent sous les coups de leur mari, de leur compagnon ou de leur père ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je précise que Monsieur Blanquer remplace cet après-midi le Premier ministre qui, comme vous le savez, est à Avignon. Son temps de parole lorsqu'il s'exprime à ce titre n'est donc pas limité.
Monsieur le président Becht, le sujet que vous avez soulevé est un des sujets les plus importants qui soient. Comme vous l'avez très bien dit, il est suivi très attentivement par le Gouvernement – Marlène Schiappa dans un premier temps et aujourd'hui Elisabeth Moreno – de façon à la fois profonde et efficace.
Je répondrai d'abord à l'interpellation que vous m'avez adressée en tant que ministre de l'éducation nationale. En effet, c'est par la prévention que l'on doit commencer. C'est toute l'action que nous avons menée depuis le début du quinquennat, avec les ministres compétents, pour que justement une série d'actions soit menée en matière d'égalité hommes-femmes, à commencer par la prévention des violences.
C'est pourquoi j'ai préparé un texte sur cette question avec les ministres compétents. Il commence à peine à entrer en vigueur, c'est vrai, mais il a vocation à prévenir, notamment parce que c'est à l'école que l'on peut faire de la prévention, non seulement par l'éducation des enfants, mais aussi par les signalements scolaires. C'est aussi un sujet sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec le ministre en charge de la protection des enfants.
Par ailleurs une série de mesures ont été prises, que je voudrais rappeler ici parce que, malheureusement, elles sont d'actualité : assurer la mise à l'abri des victimes de violences, avec l'ouverture dès 2020 de 1 000 solutions de logement et d'hébergement pour les femmes victimes – il y en aura 1 000 de plus en 2021 : il y aura donc cette année 50 % de places pour les femmes victimes de violences de plus qu'en 2017 : c'est évidemment un progrès très important et très concret – ; un meilleur accueil des victimes dans les commissariats et les gendarmeries – on sait très bien que c'est une question majeure : combien de femmes n'ont pas été prises au sérieux, alors qu'elles signalaient un problème ? Nous savons que la dernière femme dont le meurtre fait malheureusement l'actualité était connue comme victime potentielle d'un homicide. Aujourd'hui 80 postes d'intervenants sociaux ont été créés, et le danger est mieux évalué grâce à une grille unique diffusée dans l'ensemble des commissariats et des gendarmeries.
Enfin, il s'agit de protéger les femmes grâce aux ordonnances de protection dont le nombre a plus que doublé depuis 2000, passant de 1 400 à 3 250. Là aussi, on a fait mieux que doubler notre capacité de réaction. Enfin, il y a l'inscription claire dans la loi de la saisie des armes blanches et des armes à feu des auteurs de violence, dès l'ouverture de l'enquête. La mobilisation doit se poursuivre en la matière car c'est ainsi que l'on évitera des crimes.
Il faut aussi juger plus vite et plus efficacement, avec des filières d'urgence dans une trentaine de juridictions et l'application par les parquets d'une politique pénale ferme.
Il faut évidemment avoir recours aussi aux technologies nouvelles. Le bracelet antirapprochement permet de maintenir efficacement l'agresseur à distance de sa victime au moyen d'un système de géolocalisation. C'est un outil qui a fait ses preuves à l'étranger. Mille bracelets ont déjà été mis à la disposition des juridictions et ils sont déployés depuis le 24 septembre 2020. C'est donc un engagement qui se poursuit. Ce sera le cas avec le passage à une ouverture 24 heures sur 24 du numéro de téléphone 3919 dès le mois de juin.
Lutter contre les violences faites aux femmes, c'est aussi lutter pour qu'il y ait plus de démarches visant à mieux les protéger. La possibilité de déposer plainte dans les hôpitaux va continuer à se déployer au-delà de la cinquantaine de départements dans lesquels elle existe déjà, de même que le recueil de preuves sans dépôt de plainte.
Vous pouvez être assuré que c'est une des causes prioritaires de ce gouvernement, une cause qui concerne évidemment la ministre chargée de la question, Elisabeth Moreno, mais aussi l'ensemble des membres du Gouvernement, et sur laquelle l'éducation nationale est pleinement mobilisée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères. Depuis le début du mois d'avril, les Palestiniens de Jérusalem-Est sont victimes d'agressions violentes de la part des colons israéliens, mais également de la police et de l'armée. Ces affrontements ont déjà fait des centaines de blessés depuis vendredi. Vous avez dû voir hier l'esplanade des mosquées être le théâtre d'un incendie ravissant un public de colons exaltés. Les violences se multiplient dans le reste de la Cisjordanie.
Monsieur le ministre, la vie des Palestiniens compte, mais ce que nous décomptons ces derniers jours, ce sont des morts : vingt Palestiniens, dont neuf enfants, ont été tués à Gaza par des frappes israéliennes. Ces tensions font suite à la mobilisation contre l'éviction de quatre familles palestiniennes du quartier de Cheikh Jarrah au profit de colons israéliens ultranationalistes. Chaque jour, les résidents palestiniens sont soumis à la violence militaire et à celle des colons armés.
Cheikh Jarrah est situé à Jérusalem-Est. Cette portion de la ville est considérée par l'ONU comme territoire occupé. La résolution n° 478 du Conseil de sécurité des Nations Unies présente l'annexion par Israël de cette partie de Jérusalem comme une violation du droit international. L'ONU a de nouveau rappelé que ces expulsions étaient contraires au droit international et constituaient des crimes de guerre – oui, des crimes de guerre !
L'UNICEF alerte, l'ONU exhorte, mais vous, après avoir gardé le silence, vous nous faites honte : honte d'une déclaration qui recherche un soi-disant « équilibre » et qui oublie de condamner la politique de colonisation et d'apartheid promue par le gouvernement israélien.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – MM. Bruno Joncour, Bertrand Pancher et Sébastien Nadot applaudissent également.
Vous le savez, la situation risque d'évoluer très dangereusement dans les tout prochains jours. Elle peut devenir terrible et le silence de notre pays participe à l'impunité qui entoure les exactions israéliennes.
Monsieur le ministre, la paix ne pourra s'obtenir sans justice : la France doit réagir et agir.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Permettez-moi d'excuser Jean-Yves Le Drian qui est retenu par la discussion du projet de loi sur le développement et la solidarité internationale discuté en ce moment même au Sénat.
Vous parlez de honte : pardonnez-moi, mais ces mots ne sont pas appropriés
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI
compte tenu de l'implication constante de la France pour essayer de participer à l'élaboration de solutions.
Très clairement, la France a toujours condamné l'accélération de ce processus de colonisation.
Ce qui se passe aujourd'hui dans les quartiers de Cheikh Jarrah et de Silwan rend chaque jour plus difficile la solution des deux États.
Dans le même temps, oui, nous condamnons fermement les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza, qui ont notamment visé Jérusalem et plusieurs zones habitées du territoire israélien.
Vives protestations sur les bancs des groupes GDR et FI.
Nous appelons aussi très clairement les autorités israéliennes à un usage proportionné de la force.
Mêmes mouvements.
Oui, ces tensions font craindre une escalade de grande ampleur, et nous appelons l'ensemble des acteurs à la retenue.
Ce que montrent ces événements, c'est qu'il y a besoin d'une solution politique et de ce point de vue, nous ne serons jamais en arrière de la main : la France entend rester à l'initiative pour contribuer à restaurer les conditions de la paix. Jean-Yves Le Drian a d'ailleurs réuni le 11 mars dernier un format en ce sens et je peux vous dire que, même si la tâche est ardue, même si, hélas ! elle appelle à beaucoup d'humilité, nous n'y renoncerons pas : c'est un engagement fort de la France.
Mêmes mouvements.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté ; j'y associe ma collègue Bérangère Couillard, rapporteure de la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Mardi dernier, à Mérignac, deuxième ville de Gironde située dans ma circonscription, un drame insoutenable est survenu : Chahinez Daoud, âgée de 31 ans, a été tuée par son mari. Elle a été blessée à deux reprises par une arme à feu, puis brûlée vive en pleine rue. Ses voisins et amis la décrivaient comme une femme douce et souriante, une mère aimante et attentive. Elle laisse derrière elle trois enfants de 13, 8 et 5 ans pour lesquels j'ai une pensée particulière aujourd'hui.
Madame la ministre déléguée, je vous remercie d'être venue rendre hommage à Mérignac au travail de nos forces de l'ordre qui ont interpellé l'assassin présumé près de quinze minutes après ce crime horrible mais aussi d'avoir pris le temps de discuter avec les associations d'aide aux victimes qui en avaient besoin après cet horrible moment empli d'émotion.
L'homme mis en cause dans ce féminicide – toujours un de trop – a été condamné le 25 juin 2020 à dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis. À de multiples reprises après sa remise en liberté, il a violé l'interdiction de paraître au domicile de sa femme.
Le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences conjugales une priorité en généralisant le téléphone grave danger ainsi qu'en mettant à disposition de la justice des bracelets antirapprochement. Hélas, aucun de ces outils n'a été utilisé pour aider Chahinez.
Le garde des sceaux, le ministre de l'intérieur et vous-même avez immédiatement diligenté une mission d'inspection. Ses conclusions, qui seront connues aujourd'hui, et je l'espère, rendues publiques, permettront de faire la lumière sur les responsabilités de chacun.
Comment le Gouvernement compte-t-il poursuivre la lutte contre les violences conjugales et renforcer l'usage de tous les moyens disponibles pour protéger nos concitoyennes et nos concitoyens afin que la peur, enfin, change de camp ?
A pplaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens et LT a insi que sur quelques bancs du groupe D em.
Pour commencer, je veux évidemment avoir une pensée pour Chahinez qui avait 31 ans et pour ses trois enfants qui sont désormais orphelins de mère.
Vous l'avez rappelé, je me suis rendue à Mérignac à la demande du Président de la République et du ministre de l'intérieur pour rencontrer les forces de l'ordre – la brigade anticriminalité, la police judiciaire et la police municipale – qui sont immédiatement intervenues. Elles ont identifié les enfants, leur ont annoncé, aux côtés des élus locaux et des services sociaux, la terrible nouvelle et les ont mis à l'abri. Elles ont également identifié puis interpellé l'auteur des faits. Je tiens à rendre hommage à leur travail.
Nous avons ensuite réuni les associations de terrain, en présence de vous-même, monsieur le député, et de Mme Bérangère Couillard à laquelle je veux rendre hommage pour son travail de législateur. Les associations ont salué les efforts consentis pas les forces de l'ordre au cours des dernières années.
Le garde des sceaux, le ministre de l'intérieur et moi-même avons immédiatement décidé de diligenter une mission d'inspection conjointe car nous refusons qu'en 2021, en France, des hommes pensent encore disposer du droit de vie ou de mort sur leur femme ou leur ex-femme, particulièrement dans les circonstances terribles que vous avez rappelées.
À la suite du Grenelle des violences conjugales auquel vous avez participé vous avez, mesdames, messieurs les députés, adopté deux lois qui comportent des mesures fortes parmi lesquelles le retrait des armes dès le dépôt de la plainte, la pose de bracelets antirapprochement avant le prononcé du jugement, la grille d'évaluation du danger que nous avons fait traduire en quinze langues. Par ailleurs, 75 000 policiers et gendarmes ont été formés ; 355 intervenants sociaux ont été mis à disposition dans les gendarmeries et les commissariats.
Vous l'avez dit, chaque féminicide est un féminicide de trop. Nous sommes – ma collègue Elisabeth Moreno, l'ensemble du Gouvernement, les députés, les élus locaux – tous engagés dans ce combat qui doit dépasser les clivages politiciens pour protéger les femmes et ne rien laisser passer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Olivier Becht applaudit également.
La diffusion d'une affiche électorale d'une candidate de La République en marche aux élections départementales portant le voile a beaucoup choqué les républicains de tous bords.
En outre, nous apprenons que la candidate macroniste, aujourd'hui dévoilée, si vous me permettez l'expression, est également vice-présidente de l'association Tabassam, proche de Tariq Ramadan.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Lorsqu'on est candidat à une élection de la République française, on ne se présente pas derrière un voile, on n'impose pas son choix religieux.
À l'heure où nous luttons contre l'islam politique radical qui menace nos valeurs républicaines, le fait de mêler une candidature de la majorité présidentielle à des signes religieux ostentatoires éveille forcément un soupçon de complaisance communautariste.
Fort heureusement, le délégué général de La République en marche s'est désolidarisé d'une telle candidature, en affirmant qu'elle était contraire aux valeurs du parti présidentiel. C'était une clarification nécessaire
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Cependant, de nombreux élus et parlementaires de la majorité ont immédiatement condamné la réaction de M. Guerini et soutenu la candidate, quitte à défendre le port de signes religieux ostentatoires sur des tracts et des affiches électorales.
Une nouvelle fois, cela illustre la division profonde au sein de la majorité sur la question de la laïcité, division qui était déjà manifeste lors de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, notamment à propos de l'interdiction du voile pour les fillettes ou pour les accompagnatrices de sorties scolaires.
Dans la défense de la laïcité, il n'y a pas la place pour le « en même temps ». Pour Les Républicains, la réponse est claire et sans ambiguïté : la neutralité religieuse doit s'appliquer à la sphère politique, comme dans le service public.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
Monsieur le Premier ministre, quelle est la position officielle de la majorité présidentielle ? Comptez-vous vous désolidariser de cette candidature et réaffirmer que la défense de la laïcité ne peut faire l'objet d'aucun accommodement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan et Mme Emmanuelle Ménard applaudissent également.
En tant que ministre chargée de la citoyenneté au ministère de l'intérieur qui, comme vous le savez, s'assure du bon déroulement des élections, je vous répondrai d'abord en droit.
Si le principe de neutralité fait obstacle à ce que des agents ou des salariés du service public manifestent leur croyance religieuse, ni la jurisprudence, ni la loi n'étend aux élus une telle interdiction. Une femme a donc théoriquement en France parfaitement le droit de porter un voile dans l'espace public.
Mouvements divers.
Voilà pour le droit.
Maintenant, pour ce qui est de la politique, les formations politiques appartenant au camp républicain se sont toujours prononcées en faveur d'une séparation du religieux et du politique. Comme le disait Martine Aubry ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR
avec l'approbation de Jean-Luc Mélenchon à l'époque, quand vous êtes élu de la République, vous représentez tout le monde, et vous n'avez pas besoin de montrer un signe ostentatoire qui relève du domaine privé bien que chacun vive sa religion comme il l'entend.
Monsieur le député, la majorité présidentielle n'a aucune leçon de laïcité à recevoir de votre part ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR
vous qui traitiez encore il y a quelques années le camp républicain d'ayatollah de la laïcité, parce que nous défendions la loi de 1905.
Qui défend la laïcité ici ? Pas vous ! Ce sont les députés de la majorité présidentielle qui ont travaillé et adopté le projet de loi confortant le respect des principes de la République, à la demande du président, Emmanuel Macron.
Monsieur le député, quel a été votre vote sur ce texte ?
Vous avez voté contre la loi qui vise à défendre la laïcité et les principes de la République. Donc vous ne défendez pas la laïcité. La majorité présidentielle n'a absolument aucune leçon à recevoir
M. Charles de La Verpillière fait le geste de manier des rames
d'un parti politique qu'une seule chose, à en croire M. Ciotti, différencie du Rassemblement national : l'expérience de gouverner. La laïcité en actes est le fait du Président de la République et de la majorité présidentielle, certainement pas de vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Huées sur quelques bancs du groupe LR.
J'allais vous remercier pour votre réponse mais l'outrance de vos propos m'en a dissuadé. Nous constatons les divisions au sein de la majorité et l'absence totale de solution sur la laïcité. C'est un scandale !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Mme Clémentine Autain semble attendre que le calme revienne dans l'hémicycle.
Allez-y. Quand le brouhaha vient de vos rangs, cela vous irrite moins. Vous avez la parole, alors prenez-la.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Gardez les vôtres aussi, monsieur Mélenchon !
Voulez-vous prendre la parole ?
C'est avec le cœur et la raison que je m'adresse à vous, monsieur le ministre des affaires étrangères, et à travers vous, c'est sur la parole de la France que je m'interroge.
Hier, les tirs israéliens ont causé la mort d'au moins vingt-quatre Palestiniens, dont neuf enfants qui jouaient dans la rue. La liste des victimes s'allonge dans l'indifférence de la communauté internationale, comme si l'impuissance était actée, comme si le renvoi dos à dos des Palestiniens et des Israéliens devenait le récit dominant.
Pendant ce temps, l'implantation de colonies israéliennes au cœur des Territoires palestiniens de la Cisjordanie vise à rendre irréversible la mainmise d'Israël sur Jérusalem. Pendant ce temps, l'accès à l'eau courante continue d'être restreint et les Palestiniens sont privés de vaccins et de soins en pleine crise sanitaire. Pendant ce temps, le droit international se trouve chaque jour un peu plus piétiné par Israël.
Or, dans votre communiqué publié hier, ce sont d'abord les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza que vous condamnez. Par votre voix, la France n'est pas en colère, elle n'exige rien, elle exprime « sa préoccupation », elle ne trouve pas les mots pour condamner les exactions d'une armée aux ordres d'un gouvernement d'extrême droite qui vise à consolider la domination israélienne, le système d'apartheid.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
On ne parle pas sur le même ton à la botte qui écrase et au visage qui se fait écraser. Cela revient toujours à peser de tout son poids sur la botte.
La France ne choisit plus son camp, celui de la justice et du droit, le seul qui peut conduire à une paix durable pour les Palestiniens et pour les Israéliens. La France doit changer de ton et reconnaître l'État palestinien. Elle doit apporter clairement son concours à une solution politique. Qu'attend le Gouvernement ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Bruno Joncour applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Établir la paix durable est bien l'objectif de toutes et de tous. Pour y parvenir, tous les acteurs sur le terrain doivent s'abstenir de toute provocation. Pour nous, les choses sont claires : oui, les évictions forcées visant des résidents du quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, ne vont pas dans le bon sens, je l'ai dit à l'instant, elles exacerbent les tensions.
De la même façon, nous sommes très clairs : nous souhaitons préserver le statu quo historique sur l'esplanade des mosquées.
À cet égard, les images d'hier, naturellement, nous ont interpellés.
Notre engagement pour bâtir une paix durable est constant. Il l'est au sein du Conseil de sécurité de l'ONU : lundi dernier encore, nous y avons dit les choses clairement. Il l'est parce que, dans le cadre du format que j'évoquais précédemment, nous sommes en concertation permanente avec l'Allemagne et les puissances capables de parler à des acteurs sur le terrain – je pense à l'Égypte et à la Jordanie. Hier soir, Jean-Yves Le Drian s'est entretenu avec son homologue jordanien.
Les consultations se poursuivront en début de semaine prochaine avec les Égyptiens qui seront présents à Paris pour le sommet sur le financement des économies africaines. Nous continuerons inlassablement à chercher les moyens de reprendre le dialogue politique. Il ne vous a pas échappé non plus que la situation politique de part et d'autre n'est pas stabilisée. Cela ne nous fera pas renoncer. Nous continuerons car il y va du respect du droit international.
M. Lemoyne semble découvrir le communiqué de presse en même temps qu'il nous le lit.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous dis le fond de ma pensée : vous prenez des initiatives par téléphone, mais quelle est aujourd'hui la colonne vertébrale de la France sur le sujet ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Le week-end dernier, s'est tenu à Porto le sommet social européen. Il s'agit de la seconde réunion de ce type depuis le sommet de Göteborg en 2017.
En ces temps de crise du covid-19, le modèle social européen a montré toute sa pertinence. À long terme, l'Europe sociale doit nous permettre de relever les défis de la transition écologique et numérique.
Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés est convaincu que l'Europe qui protège, objectif cher au Président de la République, est plus que jamais une priorité. Nous nous réjouissons donc de l'adoption de la déclaration de Porto, qui réaffirme l'ambition sociale de l'Europe et appelle à l'adoption du plan d'action de la Commission européenne, lequel vise à mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux. Cette ambition sociale trouve son écho dans votre tribune cosignée avec la ministre du travail qui est parue dimanche dans Le Monde.
Si le sommet a permis d'envoyer un message politique fort, la présidence française devra néanmoins aller plus loin et s'assurer de la concrétisation de mesures. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, comment vous comptez aboutir à l'adoption de la proposition législative relative aux salaires minimaux au premier semestre 2022.
Malgré son importance pour lutter contre la concurrence déloyale dans notre marché unique, la question des salaires minimaux se heurte à des réticences exprimées par des pays du nord et de l'est de l'Union européenne. De plus, nos partenaires allemands semblent être moins convaincus par la pertinence de l'Europe sociale que nos voisins méditerranéens – en témoigne le fait que la chancelière Merkel ne se soit pas déplacée à Porto. Comment comptez-vous définir une position franco-allemande commune pour faire avancer notre ambition sociale ?
Enfin, l'Europe sociale répond à une attente des citoyens. Il serait donc nécessaire de leur envoyer un message fort en augmentant la fréquence de ces sommets sociaux. Envisagez-vous d'en organiser un lors de la présidence française de l'Union ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Il s'est en effet tenu la semaine dernière, pour la première fois depuis près de quatre ans, un sommet social européen, auquel a participé le Président de la République. Depuis le précédent sommet, celui de Göteborg, juste après le discours de la Sorbonne prononcé par le Président de la République, l'Europe sociale, qui a longtemps été un slogan, a connu des avancées majeures. J'en citerai deux, qui sont concrètes et centrales : la réforme restreignant le travail détaché, que nous devons néanmoins poursuivre – pour être très précis, un texte encore en discussion viendra renforcer au niveau européen la lutte contre la fraude et les sociétés boîtes aux lettres – et les avancées que représente le socle européen des droits sociaux, qu'Élisabeth Borne et moi-même défendons activement et qui a permis, par exemple, la reconnaissance au niveau européen d'un congé parental, dont de nombreux pays étaient dépourvus.
Vous l'avez dit, nous devons, dans la crise, être fiers de ce qu'a été et de ce qu'est encore notre modèle social. Au moment où beaucoup sont fascinés par l'action du président Biden, je tiens à rappeler que c'est en Europe que le soutien social face à la crise a été le plus fort et que le modèle social a été le plus protecteur. Nous devons en être fiers et le répéter encore et encore.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous devrons évidemment poursuivre cette ambition en vue de la présidence française de l'Union européenne. Avec Élisabeth Borne, ainsi qu'avec le Président de la République et le Premier ministre eux-mêmes, nous avons réuni les partenaires sociaux avant le sommet de Porto et continuerons cette consultation tout au long des mois qui viennent et durant la présidence française.
Je citerai quelques priorités, car ce dossier social sera évidemment au cœur de cette présidence. Tout d'abord, il y a enfin un projet de directive européenne visant à instituer – car ce n'est aujourd'hui pas le cas – un salaire minimum décent dans tous les pays de l'Union, et j'espère que nous pourrons le faire aboutir sous présidence française. Je pense aussi, puisque nous serons alors dans l'après-crise, aux droits des travailleurs des plateformes, des livreurs Uber ou Deliveroo qui travaillent dans les rues de nos villes et n'ont aujourd'hui pas de protection sociale reconnue par les textes européens. Nous y travaillerons aussi. Nous avancerons également pour ce qui concerne la formation et l'égalité salariale hommes-femmes. Ces questions seront au cœur de la présidence française.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre de la mer, la pêche dans la Manche est un sujet qui inquiète beaucoup. Des centaines d'emplois sont en jeu et les pêcheurs sont à bout. Ceux des Hauts-de-France sont concernés, mais plus encore ceux qui se trouvent autour des îles anglo-normandes. Pour Jersey, l'après-Brexit est marqué par la caducité des accords de la baie de Granville, qui faisaient suite à des accords de 1839 – c'est dire leur ancienneté ! Le 30 avril, 41 bateaux seulement sur 344 ont obtenu une licence – et encore ! avec des conditions dont il n'avait jamais été question auparavant.
La semaine dernière, la tension est encore montée. Mercredi, le Royaume-Uni a dépêché sur place deux navires de guerre. Une soixantaine de pêcheurs normands et bretons ont tenté, de leur côté, de sensibiliser les autorités de l'île, mais en vain, et la France a dépêché à son tour deux patrouilleurs au large de ses côtes. Voilà où nous en sommes : une situation explosive !
Délivrer les licences que les pêcheurs attendent n'est évidemment pas une option. Le Royaume-Uni doit sortir de son ambiguïté. Il a signé un accord : si cet accord n'est pas respecté, la réponse de la France doit être ferme et claire, y compris en exerçant, si besoin, des mesures de rétorsion.
Mais la question posée est aussi celle de la souveraineté de Jersey. Aujourd'hui, le gouvernement britannique peut théoriquement légiférer au nom de l'île, mais il ne l'a pas fait depuis 1967. Les juristes ne savent d'ailleurs pas si ce pouvoir existe toujours ou non. À cause de ce brouillard constitutionnel, Londres doit aussi tenter de persuader les autorités de Jersey de trouver un compromis avec la France. Dans ce cadre, il n'est donc pas interdit à la France d'avoir des relations bilatérales avec les États de Jersey. C'est ce que font d'ailleurs certaines régions et certains départements.
Madame la ministre, où en sommes-nous avec l'Europe, avec le Royaume-Uni, mais aussi, directement, avec les États de Jersey ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
L'accord de coopération a du mal à s'appliquer. Nous en avons parlé plusieurs fois ici et j'ai, la semaine dernière, en répondant à une question de votre collègue Bertrand Sorre, rappelé ma position en disant notamment que les mesures prises par Jersey étaient, je l'ai du reste répété plusieurs fois, inacceptables sur la forme comme sur le fond.
Revenons aux faits : le 30 avril dernier, Jersey a délivré aux navires français 41 licences sur les 266 demandées.
Nous découvrons par les pêcheurs qu'aucune démarche officielle n'a été accomplie, et qu'en même temps, une loi prise par Jersey fixe des restrictions techniques supplémentaires. C'est inadmissible, nous l'avons dit immédiatement.
J'ai alerté la Commission européenne, afin qu'elle réagisse et rappelle les conditions de l'accord. Notre position a toujours été la suivante : l'accord, et rien que l'accord. Jersey, qui est dans ses eaux, peut certes légiférer en la matière, mais l'accord rappelle cependant qu'elle doit informer la Commission européenne, via Londres, afin que les autres parties que sont la Commission européenne et la France puissent réagir – c'est ce qu'il importe de redéfinir.
J'ai échangé hier avec le commissaire européen, comme je m'y étais engagée, ainsi qu'avec le ministre de la pêche du Royaume-Uni, auxquels j'ai rappelé – vous connaissez mon franc-parler, et certains en ont beaucoup parlé la dernière semaine – que ces mesures étaient nulles et non avenues, et qu'il était totalement déloyal d'agir ainsi. J'ai également rappelé que, si la question de Jersey nous préoccupait tous, je n'oubliais pas pour autant les Hauts-de-France et la question de la pêche dans la bande des 6-12 miles nautiques.
Vous me demandez où nous en sommes aujourd'hui : Jersey vient de nous proposer de reporter les restrictions techniques à fin juillet, afin de reprendre les discussions dans les heures qui viennent. La France répondra par écrit et je vous communiquerai…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je souhaiterais que la France ait des relations bilatérales appuyées avec les États de Jersey. Ce territoire jouit d'un statut très particulier et il faut mettre à profit ces relations historiques. Bien sûr, l'Union européenne…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de la santé, votre gouvernement a annoncé un calendrier de déconfinement qui nous permet d'envisager un retour progressif à la vie normale. Ce calendrier est nécessaire, encore faut-il déployer la méthode qui permettra de le tenir. Le conseil scientifique vous a d'ailleurs mis en garde voilà quelques jours en insistant sur la nécessité de faire preuve à la fois de prudence et d'anticipation pour en réussir les différentes étapes. Il faut l'écouter attentivement, cette fois, pour ne pas reproduire les erreurs précédentes.
Tout d'abord, il faut vacciner. Comme le Conseil scientifique le rappelle à juste titre, il est fondamental d'atteindre porter le niveau des vaccinations à 500 000 par jour, y compris durant les week-ends de printemps, pour atteindre un chiffre de 35 millions de personnes primo-vaccinées d'ici au mois de juin. Pour ce faire, vous venez d'ouvrir aujourd'hui largement la vaccination, mais cet élargissement ne doit pas se faire au détriment des plus fragiles – plus de 5 millions de personnes de plus de 60 ans ne sont pas encore vaccinés – ou aux dépens de professions particulièrement exposées – je pense à toutes celles et tous ceux qui sont en première ligne : les enseignants et, bien sûr, nos gendarmes et policiers, mobilisés sur le terrain et à qui nous rendons un hommage particulier en cette triste journée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
À ce titre, la vaccination offerte aux policiers et gendarmes de plus de 55 ans décidée le 15 avril dernier doit aujourd'hui être élargie à l'ensemble de ces personnels, sans condition d'âge.
Enfin, cette montée en puissance de la vaccination…
…doit impérativement s'accompagner d'une organisation rigoureuse autour des campagnes de tests. Tester est la clé de la réussite pour éviter les pics de contamination et, à cet égard, il faut préparer et développer des autoprélèvements supervisés dans les lieux publics, les écoles, les universités et sur les lieux de travail.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de concilier une montée en puissance de la vaccination respectant une priorité aux personnels particulièrement exposés et une stratégie massive d'autotests pour réussir un déconfinement serein ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.
Monsieur le député, la crise sanitaire n'est pas terminée, vous le savez, mais nous nous engageons sur le chemin de la sortie, comme l'a réaffirmé hier le Premier ministre. Si nous réussissons, c'est grâce aux efforts de tous les Français, qui ont massivement suivi les consignes sanitaires qui s'imposaient à nous, et grâce à l'ensemble des personnels auxquels vous avez rendu hommage.
Nous vivons avec le virus, mais nous avons désormais la possibilité de nous en prémunir grâce au vaccin, dont 18 millions de Français ont déjà pu bénéficier. Nous dépasserons aujourd'hui le cap des 8 millions de personnes ayant reçu deux doses, soit 15 % des adultes de notre pays. Nous franchirons à la fin de la semaine le cap des 20 millions de vaccinés, comme l'a rappelé Olivier Véran.
Nous avons fait un choix assumé en débutant la campagne de vaccination par nos aînés et par les personnes les plus à risque de contracter une forme grave du virus. Ce choix porte aujourd'hui ses fruits. La pression sur les EHPAD s'est fortement réduite et les hospitalisations des plus de 75 ans, dont 75 % sont vaccinés, ont drastiquement chuté. Nous avons tout fait pour que les vaccins arrivent en nombre et soient conditionnés et acheminés dans les meilleurs délais. Pour rencontrer régulièrement ces personnes, je puis vous assurer qu'il y a un grand soulagement de leur côté.
Cela nous a également permis d'étendre progressivement le dispositif à d'autres publics, en donnant toujours la priorité aux plus fragiles. Depuis hier, les Français âgés de 50 ans et plus peuvent se faire vacciner sans condition. Dès demain, les injections seront accessibles aux plus de 18 ans. Notre seul objectif est de permettre l'accès le plus large possible et, surtout, de ne perdre aucune dose. Les conditions sont réunies pour que l'ouverture complète sans condition à tous les adultes débute à compter du 15 juin et, pour faciliter la vaccination pour les moins de 55 ans, nous avons saisi la Haute Autorité de santé à propos du vaccin Astra Zeneca pour savoir si nous pouvons également cibler cette tranche d'âge.
La sécurité prime et la campagne de vaccination se poursuit. Le Gouvernement s'y emploie.
M. Rémy Rebeyrotte applaudit.
Monsieur le ministre chargé des petites entreprises, depuis mars 2020, nos entreprises ont lutté avec courage pour faire face à la pandémie et à ses conséquences. Ces dernières semaines, comme mes collègues, j'ai voulu rencontrer nombre d'entre elles. Ces visites avaient pour but, bien sûr, de les soutenir, mais surtout d'évaluer les différents dispositifs que nous avions pu voter ici – prêts garantis par l'État, chômage partiel, fonds de solidarité, exonération de cotisations. Les entreprises rencontrées m'ont indiqué que ces mesures leur avaient permis de passer la crise, mais également de se projeter vers l'avenir.
Toutefois, certains secteurs d'activité, comme celui de l'événementiel, et plus partiellement celui lié au mariage, m'ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent. Les critères sanitaires favorables ont permis au Président de la République d'annoncer un calendrier de réouverture pour les différents secteurs d'activité, qui nous a été précisé par le Premier ministre et nous laisse entrevoir le futur avec espoir. Nous sommes tous heureux de pouvoir retrouver ouverts dès la semaine prochaine nos commerces, nos terrasses de café et de restaurant et nos lieux de culture.
Cependant, dans certains secteurs d'activité, comme celui de l'événementiel, la reprise sera progressive et toute l'activité ne reprendra pas immédiatement.
Monsieur le ministre, pourriez-vous détailler le calendrier de reprise pour les sociétés de l'événementiel et celles liées au mariage, ainsi que les mesures d'accompagnement, qui devront certainement durer un peu plus longtemps ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Vous l'avez dit, depuis le début de la crise, le Gouvernement a mis en place des dispositifs très importants pour accompagner les entreprises, en particulier les TPE et les PME. Je vous confirme que nous allons continuer de défendre ce choix tant que la situation sanitaire nous conduira à prendre des mesures de restriction de l'activité des entreprises. Le Premier ministre a précisé hier le calendrier précis des réouvertures.
J'entends naturellement la préoccupation des secteurs qui ne reprendront pas une activité normale dès la levée des restrictions sanitaires, notamment, vous l'avez indiqué, celui de l'événementiel. Dans le cadre des concertations menées avec Bruno Le Maire et Jean-Baptiste Lemoyne, j'ai d'ailleurs reçu la semaine dernière les représentants des différents secteurs concernés car, comme vous le savez, il existe plusieurs types d'événementiel : l'événementiel professionnel, qui regroupe les foires, congrès et salons, et l'événementiel privé, qui inclut en particulier le domaine des mariages.
À partir du 19 mai, les fêtes de mariage pourront rassembler des convives dans la limite de 35 % de la capacité des lieux festifs, jauge qui sera portée dès le 9 juin à 50 % pour les festivités en intérieur et 65 % pour les festivités en extérieur. Enfin, à partir du 30 juin, il n'y aura plus aucune jauge pour ces événements.
Le secteur ne pouvant retrouver une activité normale dans l'immédiat, nous prolongerons le fonds de solidarité dans sa forme actuelle pour le mois de mai. Entre juin et septembre, un accompagnement spécifique sera instauré, pour ceux pour qui cette période est traditionnellement en activité réduite. Le dispositif sera ensuite adapté pour accompagner la reprise d'activité : le fonds de solidarité indemnisera partiellement les pertes de chiffre d'affaires, même si ces pertes sont inférieures à 50 % du chiffre d'affaires mensuel. Cela permettra d'inciter les entreprises qui ne pourront rouvrir qu'avec des contraintes à reprendre leur activité tout en étant accompagnées dans la reprise.
Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, chaque jour qui passe est un jour où des femmes sont victimes de harcèlement sexuel. Aujourd'hui, 81 % des femmes déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel dans des lieux publics : sifflements, regards insistants ou déplacés, frottements, insultes… Nous voulons des mesures fermes et efficaces pour que toutes les rues de France soient sûres, pour toutes les femmes !
La création d'un baromètre annuel pour mesurer le harcèlement de rue en France et l'instauration de « quartiers sans relou » (QSR) sont des coups de communication sans réelles conséquences.
Vous disiez la même chose de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, et pourtant, elle produit des effets bien réels !
Le terme « relou » véhicule l'image d'un homme insistant et dépourvu de finesse, mais ce mot édulcoré et familier minimise la gravité de ce que vivent les femmes dans l'espace public : la réalité, c'est qu'un homme qui harcèle et insulte une femme est un agresseur, qui doit répondre de ses actes devant la justice.
La répression doit s'exercer au quotidien. Il faut sanctionner les faits sur le terrain, car l'État doit à toutes les femmes la protection et l'accès à tous les lieux. Instaurons des peines planchers, supprimons les réductions de peine quasi automatiques ! Soyons déterminés : la peur doit changer de camp ! Est-il normal que des femmes aient peur de sortir ou ne puissent plus accéder à certains lieux qui ne respectent ni les lois républicaines, ni notre pacte civique ?
Le Gouvernement doit protéger les femmes ; il doit protéger tous les citoyens. Pensez-vous vraiment que la création d'un baromètre annuel et de « quartiers sans relou » est une réponse à la hauteur des enjeux ? Comptez-vous ouvrir le débat et sanctionner les agresseurs de manière exemplaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'espère qu'elle sera moins agressive que tout à l'heure !
Je partage évidemment votre volonté de lutter contre le harcèlement de rue. La verbalisation du harcèlement de rue était d'ailleurs un engagement de campagne du président Emmanuel Macron, seul candidat à l'avoir pris
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Depuis, cet engagement est devenu une réalité, puisque la verbalisation du harcèlement de rue a été rendue possible par l'adoption de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. La France est aujourd'hui le seul pays au monde à disposer d'une loi permettant de verbaliser le harcèlement de rue, qui fait d'ailleurs partie des lois dites modèles, choisies par le Conseil consultatif du G7 pour que d'autres pays puissent s'en inspirer.
M. Erwan Balanant applaudit.
Je tiens à saluer le travail des députés, en particulier de M. Balanant, qui avait beaucoup travaillé à la création de la loi.
Quant aux « quartiers sans relou », dont l'appellation est évidemment un clin d'œil, ce ne serait que de la communication s'il n'y avait qu'une appellation. Or, derrière le nom, il y a de véritables actions. Pourquoi créons-nous un baromètre ? Pour pouvoir, grâce à une cartographie précise, mieux déployer les forces de l'ordre, notamment dans les transports, aux abords des stations et des gares de RER. Ainsi, la police ferroviaire, la SUGE, les officiers de police judiciaire (OPJ) et, le cas échéant, la police municipale, pourront mieux se coordonner et se déployer pour augmenter les flagrances.
En effet, alors que certains sur ces bancs nous disaient qu'il n'y aurait jamais de verbalisation ou de flagrant délit, plus de 3 000 verbalisations ont été dressées par les forces de l'ordre pour harcèlement de rue. Il y a même eu des condamnations en justice.
Nous souhaitons augmenter le taux de verbalisation en flagrant délit, et c'est pourquoi j'ai confié une mission en ce sens au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale. Sur la base des retours de terrains, ils ont proposé plusieurs points d'amélioration, parmi lesquels la création d'un baromètre et la cartographie. Ils ont également demandé une meilleure formation à la lutte contre le harcèlement de rue – avec Gérald Darmanin, nous y travaillons – et le déploiement d'effectifs en civil.
Vous le constatez, derrière cette appellation clin d'œil qui nous permet de débattre du sujet aujourd'hui, il y a de vraies actions pour mieux protéger les femmes dans l'espace public, car l'espace public est à tout le monde – y compris aux femmes.
M. Erwan Balanant applaudit.
Le harcèlement est partout, madame la ministre déléguée, et pas seulement dans certains quartiers ! Il n'y a eu que 3 000 verbalisations depuis 2018 : c'est peu !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, souvenez-vous : il y a un an, le premier médecin décédé du covid, infecté en soignant un patient, était de l'Oise. Souvenons-nous qu'à cette époque, nous n'avions pas de masques, ni même de blouses, pour nos soignants. Cela semble loin, mais aucun soignant n'a oublié ; les étudiants réquisitionnés pour aller au front aux côtés de leurs aînés n'ont pas oublié, eux non plus. D'ailleurs, nous les applaudissions tous, à vingt heures, à nos fenêtres. Nous obéissions au confinement car nous avions peur, et le personnel soignant était notre seul salut.
Pour les gratifier de cet effort surhumain, dont beaucoup restent marqués, vous avez décidé de leur verser une « prime covid ». Mais aujourd'hui, au moment où des millions de Françaises et de Français remplissent leur déclaration d'impôts, quelle n'a pas été la surprise des soignants en constatant que la « prime covid » figure dans la rubrique « Traitements et salaires » de leur déclaration ! Autrement dit, cette prime serait imposable.
Nos soignants se posent beaucoup de questions et sont inquiets : leur donnerait-on d'une main une prime pour les gratifier de leurs efforts pour la Nation, tout en reprenant son produit de l'autre en l'assujettissant à l'impôt ? Cette prime avait été présentée comme totalement exonérée d'impôt sur le revenu : monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer l'ensemble des bénéficiaires en confirmant que cette prime n'est pas imposable ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Voilà plus d'un an maintenant que l'épidémie frappe le monde entier et heurte notre vie quotidienne. Pour y faire face, et malgré l'inconnu propre à l'émergence d'un nouveau virus, nos soignants ont tenu avec dévouement, en dépit de vagues épidémiques particulièrement dures et récurrentes. Dès le premier jour, le Gouvernement en a pris la juste mesure et a annoncé, d'une part, qu'une prime serait versée à tous les soignants mobilisés pour faire face à l'épidémie, et qui ont fait preuve d'un incroyable dévouement, d'autre part, l'ouverture de négociations pour redonner aux carrières des soignants toute leur attractivité.
Très concrètement, au mois de juin dernier, les soignants, mais aussi d'autres catégories de personnel – je pense notamment aux agents administratifs, qu'ils soient titulaires, contractuels, apprentis ou stagiaires – ont pu percevoir la « prime covid » de 500 euros, et jusqu'à 1 500 euros dans les départements où la crise a provoqué les situations sanitaires les plus ardues. L'octroi de cette prime a également été élargi aux personnels des EHPAD et aux professionnels médico-sociaux, notamment aux professionnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD).
Néanmoins, il était nécessaire d'aller plus loin : les accords du Ségur de la santé, conclus l'été dernier avec les partenaires sociaux, ont ainsi consacré une revalorisation sans précédent des salaires des personnels soignants, grâce à un engagement historique du Gouvernement de plus de 8 milliards d'euros.
Oui, 8 milliards, c'est vraiment historique : citez-moi un autre épisode de revalorisation de cette ampleur ! Une revalorisation socle de 183 euros de la rémunération de tous les professionnels de l'hôpital et des EHPAD publics, une revalorisation des grilles indiciaires effective depuis le 1er octobre 2021, des améliorations de carrière substantielles pour les professionnels soignants, médico-techniques et de rééducation : voilà l'essentiel. En outre, l'engagement collectif est reconnu par un complément de rémunération allant jusqu'à 100 euros, versé dès la rentrée 2021. Comme vous le voyez, le Gouvernement est donc pleinement mobilisé.
Le Gouvernement a clamé sa générosité à grand renfort de tambours, mais vous vous êtes bien gardés de dire aux soignants qu'ils devraient payer des impôts sur leur prime ! Cette reconnaissance est mercantile et cynique. Les soignants découvrent en ce moment, en signant leur déclaration d'impôt, que la prime est considérée comme un salaire, donc imposable : c'est mesquin.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, l'industrie aéronautique traverse une zone de turbulences sans précédent. La pandémie a déjà causé la destruction de 30 000 emplois dans l'aéronautique en France et, si le dispositif d'activité partielle, les prêts garantis par l'État et le fonds de soutien ont permis de limiter la casse sociale, l'Occitanie a néanmoins perdu 6 250 emplois directs en 2020. PME et sous-traitants ont été très fortement frappés par la crise et continueront à l'être, tandis que les entreprises donneuses d'ordre ont, pour l'instant, été moins touchées.
Je voudrais appeler votre attention sur l'emploi et les questions de souveraineté industrielle à travers la recherche et le développement.
Dans le plan de soutien à l'aéronautique française de 15 milliards d'euros, vous avez prévu de dédier 1,5 milliard à la transition énergétique, en fixant l'objectif ambitieux de lancer dès 2035 un avion « vert », fonctionnant à l'hydrogène. Or, le mois dernier, le comité exécutif d'Airbus a connu un important remaniement : pour la première fois de son histoire, l'ingénierie est passée sous gouvernance allemande et, avec elle, la direction de la technologie, au sein de laquelle sont gérés les budgets dédiés à la recherche et aux transferts technologiques.
À l'heure où les besoins en la matière sont très importants, non seulement pour l'avion vert mais également pour les besoins du futur avion de combat européen, le SCAF, un vaste mouvement de délocalisation de la recherche – vers l'Allemagne ou ailleurs – semble se préparer. Alors que nous disposons de compétences uniques, de grands moyens d'essais et de centres de recherche de très haute qualité – l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), le centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (CERFACS), l'institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry, les sites du centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) –, l'inquiétude est très grande à Toulouse, en Occitanie, et en Nouvelle-Aquitaine. Pouvez-vous nous assurer que le 1,5 milliard d'euros prévus sur trois ans alimenteront bien des sites dédiés à la recherche et aux transferts technologiques situés en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Airbus est un élément essentiel de l'économie française et de son attractivité : l'État français est donc tout particulièrement intéressé par son avenir et ses projets stratégiques. Actionnaire de l'entreprise à hauteur de 11 %, l'État joue ainsi son rôle dans la gouvernance du groupe.
En matière de stratégie pour le groupe Airbus, trois points me semblent essentiels.
Tout d'abord, le groupe doit bien évidemment réussir la sortie d'une crise sanitaire qui a très fortement touché le secteur aérien, en particulier les compagnies aériennes. Le trafic est encore inférieur de 75 % à son niveau d'avant la crise en Europe, et de 40 % aux États-Unis : cela pèse très lourdement sur la capacité des compagnies aériennes à passer des commandes. Il faudra également augmenter progressivement le niveau de production pour entamer un retour à la situation d'avant la crise, qui n'interviendra pas avant plusieurs années.
Ensuite, Airbus doit augmenter sa résilience pour mieux résister aux crises futures. Cela passe par plus d'autonomie, notamment dans l'approvisionnement en matières premières, mais également par un meilleur équilibre entre les activités d'aviation civile et les activités militaires du groupe. En effet, ces dernières, qui ont mieux résisté à la crise, ont permis de soutenir le groupe cette année.
Enfin, Airbus doit poursuivre l'élan engagé en matière de décarbonation du secteur aérien et continuer les travaux de recherche et développement devant aboutir, d'ici 2035, à la fabrication d'un avion de ligne fonctionnant à l'hydrogène et n'émettant donc pas de gaz à effet de serre. Grâce au plan de soutien de 15 milliards d'euros accordé à la filière aéronautique, ces travaux majeurs se poursuivront, afin que la France et l'Europe deviennent les chefs de files mondiaux dans le monde du transport aérien. J'ai bien noté votre volonté de conserver sur notre territoire les emplois et capacités intellectuelles que nous avons dans ce domaine : c'est également la nôtre.
Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre délégué, mais, s'agissant de la recherche et du développement technologique, ce n'en est pas une.
Le jeudi 6 mai, le Président de la République a annoncé qu'à compter de demain, la vaccination serait élargie à tous dès l'âge de 18 ans et sans exception – vous l'avez rappelé, madame la ministre déléguée –, dès lors que des créneaux de rendez-vous seront disponibles dans les vingt-quatre heures. Cette décision doit être saluée, car l'élargissement arrive ainsi un mois avant la date prévue, ce qui évite que des doses ne soient pas administrées. Cet élargissement répond aussi à la baisse constatée des injections les dimanches et les jours fériés, alors que le risque de contamination est accru ce mois-ci à l'approche des week-ends de l'Ascension et de la Pentecôte. Avec 2,7 millions de Français vaccinés au cours de la dernière semaine, l'objectif des 30 millions de primo-vaccinés à la date du 15 juin est donc à notre portée.
Mais une inquiétude demeure quant à la disponibilité des doses de vaccins et à leur utilisation. Nombre de centres de vaccination se disent confrontés non pas à une absence de public mais à un manque de doses à administrer. C'est également le cas des médecins généralistes et des pharmaciens, qui ne parviennent pas à répondre à la demande de leur patientèle. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous dresser l'état actuel de la situation ? Les professionnels de santé pourront-ils bénéficier du nombre de doses nécessaires à l'atteinte de l'objectif fixé pour la mi-juin ? Enfin, un élargissement de l'accès au vaccin AstraZeneca aux moins de 55 ans est-il possible avec le même protocole qu'en Allemagne, c'est-à-dire sur avis médical du médecin traitant ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous m'interrogez sur nos objectifs de vaccination. Comme vous, nous souhaitons bien sûr accélérer la vaccination, qui est notre horizon de sortie de crise à tous. Vous évoquez l'objectif de 30 millions de primo-injections réalisées pour le 15 juin : nous faisons bien sûr en sorte de l'atteindre, qu'il s'agisse du nombre des doses ou de l'organisation.
Mais avant l'objectif du 15 juin, il y a l'objectif de 20 millions de doses injectées pour le 15 mai. Permettez-moi d'insister dessus, car il est fondamental pour la réussite de la sortie de la crise. Comme vous le savez, en cette semaine de pont de l'Ascension, le Gouvernement a lancé une opération de mobilisation majeure autour de la vaccination et des tests, l'opération « Tous sur le pont ». Cet effort repose sur l'organisation d'événements spéciaux pour accélérer le nombre de vaccinations : il intervient dans le prolongement de l'ouverture de la vaccination aux Français de plus de 50 ans à compter du 10 mai. Cette initiative s'accompagne d'une accentuation du dépistage en population générale sur l'ensemble du territoire national.
Pour compléter ma réponse à M. le député Leseul, je précise que cette opération vise à détecter le plus grand nombre de personnes porteuses du virus, qu'elles soient symptomatiques ou non, en amont des rassemblements familiaux ou amicaux qui se tiendront à l'occasion du pont de l'Ascension. De nombreuses ouvertures de créneaux pendant les jours fériés et de mises à disposition de doses de vaccins sont prévues.
Par ailleurs, nous avons demandé aux pharmaciens d'être particulièrement mobilisés pour délivrer les autotests et réaliser des tests antigéniques. Laissez-moi vous citer quelques opérations emblématiques : en Île-de-France, des vaccinations nocturnes ont été planifiées, à Montrouge et à Créteil notamment ; en Nouvelle-Aquitaine, des centres de vaccination seront ouverts les jours fériés et les week-ends, dans des sites comme l'île de Ré ou La Rochelle ; en Corse, des opérations de distribution et de sensibilisation aux autotests seront conduites dans les aéroports d'Ajaccio et de Bastia ; en Martinique, des distributions d'autotests gratuits seront réalisées auprès des jeunes, sur des lieux fréquentés.
Je vous remercie, madame la ministre déléguée, et je profite de l'occasion pour saluer, à l'heure d'une mobilisation totale, les personnels de santé.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Des tensions existent dans de nombreux pays comme la Colombie ou la Palestine, qui sont le théâtre de violences préoccupantes, mais c'est la situation en Birmanie que je voudrais évoquer de nouveau. Comme vous le savez, depuis les arrestations brutales d'Aung San Suu Kyi et du président Win Myint, et le coup d'État militaire du 1er février dernier, l'état d'urgence a été proclamé pour un an et des généraux ont été placés aux principaux postes. Depuis les questions que j'ai posées en séance publique le 2 février et en commission des affaires étrangères le 2 mars, la situation birmane ne s'est pas arrangée. La junte continue ses exactions, les personnalités détenues le sont toujours et les manifestations populaires sont réprimées avec de plus en plus de violence.
Vous avez été informé que des députés ayant réussi à échapper aux arrestations ont constitué un gouvernement en exil. Pour la première fois, celui-ci inclut des représentants de toutes les ethnies du pays. Il constitue pour les citoyens birmans un immense espoir dans un contexte éprouvant. Au-delà d'un pays qui tourne au ralenti, au-delà d'une armée qui reste soudée et puissante, l'engagement d'hommes et de femmes de tous les horizons constitue un progrès encourageant, car c'est bien l'inclusivité qui caractérise ce gouvernement. Sa composition elle-même envoie un message positif et constitue indéniablement une avancée vers la résolution des problèmes qui minent la Birmanie depuis des décennies.
Face au blocage systématique de toutes les initiatives des Nations unies, du fait des veto russe et chinois, quelles actions complémentaires notre diplomatie et celle de l'Europe envisagent-elles ? Surtout, la reconnaissance de ce gouvernement d'unité nationale, qui serait envisagée par les diplomaties américaine et britannique, est-elle à l'ordre du jour ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Cela fait aujourd'hui cent jours exactement qu'un coup d'État s'est déroulé en Birmanie et qu'il y règne un régime de terreur : 780 morts et 3 800 détenus, dont le Président de la République et la conseillère d'État Aung San Suu Kyi. Je souhaite souligner le courage que nous inspirent les jeunes et moins jeunes qui, dans la rue, en Birmanie, montrent leur rattachement au régime et aux libertés démocratiques. Face à cette situation, nous avons pu compter sur l'appui du groupe d'amitié que vous présidez ici, monsieur le député.
Au plan européen, nous avons bien sûr impulsé un certain nombre de sanctions. Un premier train de sanctions, dès le mois de mars, a été suivi d'un deuxième dès le mois d'avril qui, au-delà des individus impliqués, vise également des conglomérats – c'est important, car il faut frapper au portefeuille pour être efficace. Naturellement, nous avons suspendu toute aide budgétaire aux programmes gouvernementaux : nous ne maintenons que l'action humanitaire visant à soutenir la société civile qui se bat courageusement.
Face à cette situation, il nous faut également essayer d'avancer sur la voie politique. Un certain nombre de pas ont été réalisés au sein de l'ASEAN, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, et un dialogue s'est s'enclenché, mais il faut maintenant une médiation réelle impliquant le Comité représentant l'Assemblée de l'Union, le CPRH, que vous avez évoqué. Or, de ce point de vue, le compte n'y est pas. Si les discussions ne progressent pas, nous ne resterons pas inertes : nous continuerons et mettrons à l'étude un troisième train de sanctions. À cet égard, nous ne devons pas nous interdire de nous intéresser aux préférences commerciales, car il risque d'arriver un moment où trop, ce sera trop, et où il sera besoin de couper les vivres à ce régime.
Madame la ministre de la culture, j'ai rencontré à plusieurs reprises, à leur invitation et dans une démarche constructive, des intermittents du spectacle de ma circonscription. La réouverture et le calendrier de reprise annoncés par le Président de la République le 29 avril dernier permettent de donner des perspectives et beaucoup d'espoir. Tout le monde sait que vous êtes très mobilisée sur le sujet.
Si les professionnels sont en partie rassurés par ces annonces, les intermittents du spectacle restent inquiets quant à leur situation et les mesures de protection les concernant. Pour éviter qu'ils ne se retrouvent sans ressources, le Gouvernement a mis en place le dispositif d'année blanche jusqu'au 31 août 2021. C'était une mesure forte, qui a permis de les protéger ces derniers mois. Malgré les avancées annoncées, la reprise sera toutefois progressive et les intermittents craignent de ne pas reprendre totalement leurs activités dans les semaines à venir. Ils militent, vous le savez, pour la prolongation de l'année blanche.
Madame la ministre, vous avez entamé une concertation sur ce sujet avec Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Pour le secteur très particulier des sous-traitants en son et lumière, l'annulation des festivals et des saisons culturelles des stations balnéaires a conduit à une perte sèche de 80 % du chiffre d'affaires. Or la saison touristique et culturelle vendéenne représente 37 000 emplois directs et indirects qui dégagent, lors d'une année normale, plus de 2 milliards d'euros.
Alors qu'un espoir fort est maintenant permis quant à la réouverture des lieux culturels et que tous les professionnels vont pouvoir reprendre une activité, pouvez-vous nous préciser les mesures qui seront effectives et rassurer les intermittents du spectacle quant au maintien des dispositifs de protection et de soutien ? Quel accompagnement le Gouvernement peut-il et veut-il déployer pour soutenir l'emploi artistique partout sur le territoire ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous nous réjouissons que les lieux de culture réouvrent dans une semaine. Vous l'avez dit, cette reprise sera progressive. Certains établissements décideront peut-être d'attendre la rentrée pour réouvrir ; il convient donc de prolonger le système exceptionnel d'indemnisation du chômage qui couvre les intermittents du spectacle, artistes et techniciens. Pour cela, nous avons confié une mission à André Gauron, qui a réalisé un diagnostic et proposé des solutions.
Mme la ministre Élisabeth Borne et moi-même avons décidé de choisir le système de protection le plus élevé et qui garantit la période d'indemnisation la plus longue. Ainsi, même si les lieux de culture n'avaient pas réouvert, 75 % des intermittents auraient recouvré leurs droits au 31 août. Nous allons donc d'abord prolonger l'année blanche jusqu'au 31 décembre 2021.
M. Erwan Balanant et M. Jean-Louis Bricout applaudissent.
C'est une mesure très importante. Des filets de sécurité accompagneront ceux qui pourraient échapper à l'indemnisation : extension de la période d'affiliation, clause de rattrapage et aménagement des modalités de l'allocation de professionnalisation et de solidarité (APS). Les intermittents du spectacle seront ainsi protégés toute l'année 2022 : nous leur assurons seize mois de protection et d'indemnisation grâce à ce double mécanisme.
Un effort particulier sera réalisé en faveur des jeunes avec, à partir du 1er septembre, l'abaissement à 338 heures au lieu de 507 heures du seuil d'accès à l'intermittence et la mise en place d'outils de rapprochement des jeunes artistes et techniciens dans le cadre du dispositif 1 jeune, 1 solution. Des mesures sont aussi prises en faveur de l'emploi artistique, avec 30 millions supplémentaires alloués par rapport aux mesures déjà mises en place, l'aide au paiement des cotisations par le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO), le renforcement des aides dans le cadre du groupement d'intérêt public (GIP) cafés cultures, le renforcement des aides aux petites salles dans le cadre du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) et le maintien des indemnités journalières pour maternité et maladie, même pour ceux qui n'auraient pas de droits suffisants.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
M. le ministre des outre-mer étant en déplacement en Polynésie française, où les citoyens ont la chance que soient votées des lois de pays, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Elle concerne la situation politique et institutionnelle en Nouvelle-Calédonie. Depuis la chute de son gouvernement le 2 février dernier, la Nouvelle-Calédonie est paralysée. Le 17 février, pour la première fois depuis la signature de l'accord de Nouméa en 1998, les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) ont obtenu la majorité des sièges du gouvernement calédonien. Mais du fait d'un désaccord à l'intérieur même des deux branches majoritaires indépendantistes, aucun président n'a encore été nommé à ce jour. Les indépendantistes se sont engagés à faire nommer un président demain mais les loyalistes, qui gouvernaient jusqu'à février dernier, prévoiraient également de désigner un président issu de leurs rangs.
Cette crise illustre à quel point les tensions politiques calédoniennes sont profondes et ne présagent pas d'un climat serein pour la tenue du dernier référendum faisant suite aux accords de Matignon, relatif à l'auto-détermination du territoire, qui doit être organisé avant le 22 octobre de cette année.
En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes dirigent deux provinces sur trois et ils ont réduit l'écart de voix en leur faveur lors du dernier référendum. Aussi, quelle que soit l'issue de la future consultation, la société calédonienne risque-t-elle la fracture, et s'inquiète pour son avenir social et économique. Il y va également de la souveraineté et de l'influence de la France dans cette zone du Pacifique, où les enjeux géostratégiques sont de plus en plus préemptés par la Chine. Madame la ministre déléguée, quelles actions mène le Gouvernement pour accompagner ce territoire vers la transition la plus douce possible ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Je vous prie d'excuser M. Sébastien Lecornu, qui est en déplacement officiel dans le Pacifique, en Polynésie française.
Il est ministre des outre-mer !
Dans le cadre de l'accord de Nouméa, deux consultations électorales relatives à l'accession du territoire à la pleine souveraineté se sont tenues en 2018 et 2020. Le 8 avril dernier, une nouvelle consultation a été demandée par plus d'un tiers des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie : elle sera organisée prochainement.
Vous avez raison, monsieur le député : l'avenir de la Nouvelle-Calédonie nous importe à tous. Il appartient aux Calédoniens de déterminer leur avenir, mais il nous appartient aussi, collectivement, d'identifier les enjeux et les conséquences de chaque choix, en transparence et en confiance. Déterminer la date du nouveau référendum impose de savoir où va la Nouvelle-Calédonie, quel que soit son choix. Cela nécessite une consultation complète et des réflexions approfondies. C'est le sens du processus politique qui a été entamé par le ministre des outre-mer, sous l'autorité du Premier ministre et avec les formations politiques locales, concernant l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Nous pensons toutefois que cette grande concertation ne doit pas se limiter au champ politique. Aussi avons-nous demandé au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie de lancer une consultation avec la société civile. Elle fut un succès : un grand nombre de Calédoniens y ont pris part, et des restitutions ont été organisées dans les trois provinces. Grâce à cela, nous pouvons faire un pas supplémentaire : un travail sur les conséquences d'un oui ou d'un non au référendum sera réalisé et présenté aux responsables politiques calédoniens, ainsi qu'au Parlement à l'occasion de la semaine calédonienne.
C'est notamment sur cette base que le processus politique se poursuivra – le Premier ministre a d'ailleurs invité, fin mai, une délégation d'acteurs politiques calédoniens de toutes sensibilités. Nous poursuivons notre chemin, nous respectons la voie tracée par les accords de Nouméa, et nous préparons l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, quel qu'il soit, car, plus que jamais, l'heure est au dialogue avec tous les acteurs. Nous ne renoncerons pas à ce dialogue.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Pour chaotique que soit votre gestion, la campagne de vaccination, conjuguée à l'arrivée des beaux jours, permet d'assouplir quelque peu les contraintes sanitaires subies par nos concitoyens. Le secteur du tourisme est concerné, et je m'en réjouis : la France est en effet la première destination touristique du monde et le tourisme constitue son premier secteur d'activité – il représente 16 milliards d'euros de solde positif de la balance des paiements.
Cependant, le premier confinement a asséché les trésoreries des professionnels, contraignant les plus fragiles à cesser leur exploitation, et le deuxième confinement a accentué dramatiquement ces difficultés pour les entreprises du secteur. Il est anticipé, dans le meilleur des cas, la fermeture d'au moins 20 % des établissements dans l'hôtellerie et au moins 25 % dans la restauration. Pour sauvegarder ce secteur essentiel à notre économie, l'État doit s'engager plus fortement : il doit préserver au mieux la pérennité de ces entreprises, mais aussi accompagner les évolutions attendues dans le secteur du tourisme.
Le dernier plan de relance pour le tourisme, présenté à l'automne, est avant tout un plan de sauvegarde, dont les mesures – fonds de solidarité, exonérations de charges sociales, prêts garantis par l'État – permettent surtout aux plus solides de résister en attendant des jours meilleurs. Or le redémarrage du secteur sera très progressif, soumis à la saisonnalité, et le retour à l'équilibre économique des activités touristiques ne sera pas immédiat. Les quelques fonds propres, désormais réduits, des acteurs de la filière, ne permettront pas tout à la fois de surmonter la transition, et de réaliser les investissements nécessaires à une évolution rapide de l'organisation du secteur, notamment pour se diriger vers un tourisme plus durable et respectueux de l'environnement.
Qu'avez-vous prévu pour accompagner le secteur stratégique qu'est le tourisme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Je vous remercie de souligner que l'État est présent aux côtés des acteurs du tourisme depuis le début de la crise : ce secteur a bénéficié de 28 milliards d'euros de soutien au travers de l'activité partielle, des prêts garantis par l'État et du fonds de solidarité. Nous resterons présents à ses côtés pendant la reprise. M. Alain Griset vient de le confirmer : à la suite des consultations que nous avons conduites avec le secteur la semaine dernière, nous maintiendrons un soutien adapté, car la reprise sera très progressive, conformément à notre stratégie. Nous sommes à trois pas de recouvrer la liberté – le 19 mai, le 9 juin et le 30 juin –, et les chiffres d'affaires ne croîtront que progressivement. Le message est donc très clair : nous continuerons de soutenir les acteurs du tourisme.
Par ailleurs, nous avons lancé aujourd'hui même, avec les territoires, les régions, les destinations et Atout France, une grande campagne de promotion de la destination France, pour nous assurer que les clientèles européennes, qui représentent les trois quarts des visiteurs internationaux, reprennent le chemin de la France – et ce, naturellement, en toute prudence. Il s'agira de concilier la reprise avec les protocoles sanitaires, et de faire preuve de la vigilance qui s'impose.
Nous mettons 10 millions d'euros sur la table pour faire en sorte que « l'été bleu blanc rouge » devienne une réalité, et que nos compatriotes choisissent la France – car, en faisant le tour de France, on fait aussi le tour du monde, tant les paysages sont variés et tant les terroirs, comme tous ceux qui font vivre le tourisme, ont de richesses à offrir. Nous sommes aux côtés des acteurs du tourisme et nous le resterons, afin de vivre un « été bleu blanc rouge ».
Le tourisme étant avant tout une activité économique, le rattachement de votre secrétariat d'État au ministère de l'Europe et des affaires étrangères nous interroge. Les études montrent qu'à l'horizon de 2030, l'offre mondiale aura triplé, alors que la demande n'aura que doublé : la bataille sera donc rude, et plusieurs pays, conscients que la crise sanitaire est l'occasion de rebattre les cartes, s'y sont déjà engagés. Une évolution du plan de relance du Gouvernement est donc indispensable pour prévoir un accompagnement plus ambitieux du tourisme, secteur stratégique pour notre pays. Monsieur le secrétaire d'État, il y a urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme vous le savez, madame la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, je mène depuis plusieurs années un combat contre ce que nous appelons les « thérapies de conversion ». Ces pratiques terriblement violentes visent, selon leurs auteurs, à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne : elles se fondent sur le postulat que l'homosexualité ou la transidentité seraient des maladies qu'il faudrait guérir. Il n'en est rien – il n'y a rien à guérir.
Les thérapies de conversion se produisent généralement dans des cercles religieux fermés, à l'abri des regards, dans des cabinets médicaux, chez des charlatans ou encore dans le cercle familial. Concrètement, leurs auteurs réalisent des exorcismes sur les victimes, les harcèlent dans la durée et leur prescrivent des traitements à base d'hormones, d'antidépresseurs ou de sismothérapie, c'est-à-dire d'électrochocs – autant de violences abjectes que nous devons combattre. Ces actes ont des effets absolument dramatiques sur la santé des victimes, souvent très jeunes et sous emprise mentale : certaines font de graves dépressions, se scarifient et s'isolent de la société ; d'autres ont de graves pertes de mémoire liées aux traitements ; d'autres encore tentent de se suicider – et quelques-unes y parviennent.
En 2015, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a qualifié ces pratiques de tortures. C'est pourquoi, avec l'appui de Christophe Castaner, l'ensemble du groupe La République en marche a décidé de déposer une proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Si notre arsenal législatif est déjà très nourri, nous voulons le renforcer afin d'agir concrètement contre les thérapies de conversion et d'offrir une réponse aux victimes, qui commencent peu à peu à prendre la parole. Notre ambition est aussi de dire à l'ensemble de nos concitoyens que nous refusons que de telles horreurs perdurent sur notre territoire.
Nous devons affirmer collectivement notre engagement à lutter contre ces tortures, et rappeler haut et fort non seulement que la France défend les droits et les libertés des personnes LGBT – lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles –, mais aussi qu'elle les protège. Madame la ministre déléguée, votre engagement en la matière n'est plus à démontrer. Comment le Gouvernement entend-il non seulement soutenir les victimes des thérapies de conversion, mais aussi condamner leurs bourreaux ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Je vous remercie pour votre question, qui me donne l'occasion d'affirmer, avec toute la détermination qui s'impose, que non, l'homosexualité n'est pas une perversion ou une maladie qu'il conviendrait de soigner, et que oui, les thérapies de conversion sont des atteintes totalement inacceptables à la dignité et à l'intégrité humaines. Ces pratiques moyenâgeuses engendrent des souffrances durables chez les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transsexuelles, et je remercie les parlementaires et les associations qui se mobilisent pour lutter contre ce fléau.
Je veux aussi rappeler que ces pratiques sont strictement interdites dans en France : les victimes peuvent donc porter plainte et se faire accompagner. Le code pénal condamne fermement les délits d'abus de faiblesse, de harcèlement et de discrimination, les propos homophobes et les violences volontaires, tandis que le code de la santé publique interdit le recours à l'exercice illégal de la médecine pour tous les prétendants médecins qui veulent soigner l'homosexualité. Je me réjouis de vous annoncer que le ministère de la justice publiera très prochainement une circulaire visant à rappeler le droit existant en la matière. Éric Dupond-Moretti et moi-même travaillons d'arrache-pied contre les LGBTphobies, et nous ne laisserons rien passer.
Par ailleurs, le plan national d'actions pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, que j'ai lancé le 14 octobre, prévoit d'adopter des dispositions pour enrayer les thérapies de conversion. Je vous remercie, madame la députée, pour votre travail qui a mis en lumière ce fléau trop longtemps resté dans l'ombre. Soyez assurée que la lutte contre toutes les formes de LGBTphobies constitue une priorité du Gouvernement, parce que, oui, les personnes LGBT+ sont des citoyennes et des citoyens à part entière, et non, l'égalité des droits n'est pas à géométrie variable – elle n'est pas négociable. C'est pourquoi j'ai confiance en la majorité, emmenée par Christophe Castaner, pour adopter définitivement la PMA pour toutes qui sera examinée prochainement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Est-ce que quelqu'un, dans ce Gouvernement, connaît le projet H, en gestation cachée depuis plusieurs mois ? Un membre du Gouvernement pourrait-il éclairer notre lanterne, fût-ce par un oui ou par un non ? Notre assemblée et les Français aimeraient savoir si quelqu'un a connaissance du projet H.
Rires et exclamations sur divers bancs.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Effectivement, monsieur Jumel, le Gouvernement connaît le projet H.
Applaudissements et rires sur les bancs des groupes La RE M et Dem.
Sur un sujet d'une telle importance, la réponse d'un ministre de plein exercice serait une marque de respect à l'égard du Parlement.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM .
H comme Hercule : c'est le projet de dépeçage d'EDF, dont il est désormais interdit de prononcer le nom, ce projet qu'Emmanuel Macron a rêvé librement de mener sous François Hollande, et que vous négociez très laborieusement avec la Commission européenne, dans la pénombre, portes fermées, rideaux tirés, à l'insu des Français.
Vous ne connaissez pas le projet H, c'est normal : il est plein de trous, d'inconnu, d'incertitudes, de risques, de questions béantes sans réponses ; c'est une sorte de jeu d'aventure qui se joue à l'aveugle avec notre outil national et notre souveraineté énergétique. Pourtant, vous prétendez l'imposer avant la fin du quinquennat, selon un calendrier qui change tous les quatre matins. Votre seul succès – pas le vôtre, monsieur Griset, celui de M. Le Maire – est d'avoir réussi à faire naître et à consolider, contre ce projet, un front syndical et parlementaire uni.
Plutôt que d'agir comme des banquiers d'affaires en adossant Enedis aux énergies renouvelables (ENR), dans le seul but de rapporter de l'argent à court terme à l'État actionnaire ; plutôt que de découper EDF en tranches pour privatiser ce qui rapporte, en laissant temporairement ce qui coûte dans le giron de la collectivité, arrêtez votre chantage ! Personne n'est pour le statu quo. Acceptez de discuter avec le Parlement, acceptez de dialoguer, avec l'intelligence des organisations syndicales, des autres solutions que nous avons formulées pour EDF. Le ferez-vous ? Allez-vous plutôt passer en force avant l'été, ou repousser le débat sur l'avenir d'EDF à l'automne ? Vous semblez en quête de garanties, je vous en donne une : renoncez au projet H.
A pplaudissements sur les bancs des groupes GDR et S OC, et sur quelques bancs du groupe FI.
Je suis content de voir que vous connaissiez ce projet H et vous avez bien fait de préciser ce que vous en savez.
EDF risque de perdre une partie de ses concessions hydroélectriques compte tenu de l'obligation de mise en concurrence qui prévaut aujourd'hui et des contentieux communautaires en cours.
Les développements dans l'hydroélectricité sont bloqués dans l'attente du règlement de ces contentieux.
Par ailleurs, la régulation actuelle du parc nucléaire ne permet pas de garantir la couverture des coûts et la réalisation des investissements nécessaires à son fonctionnement.
Dans le même temps, les grands concurrents européens d'EDF investissent massivement, notamment dans les énergies renouvelables. Le Gouvernement ne souhaite pas qu'EDF soit relégué au second plan sur ces enjeux majeurs de la transition énergétique.
Ainsi le Gouvernement, en lien étroit avec EDF, a engagé des discussions avec la Commission européenne pour donner à l'entreprise les moyens de jouer un rôle clé dans la transition énergétique, tout en respectant les règles du marché européen de l'électricité.
Il a fondé sa demande d'évolution de la régulation de la production nucléaire existante pour la contribution majeure de celle-ci à la politique énergétique française. Le projet du Gouvernement assurerait la pérennisation de l'ensemble des missions de service public d'EDF et le statut d'entreprise publique de l'ensemble de ses activités.
Il garantirait l'avenir d'EDF à travers une juste rémunération de son activité de production nucléaire et le maintien des concessions hydroélectriques.
Il reposerait sur une détention d'EDF-SA à 100 % par l'État.
Ce projet serait débattu au Parlement et soumis aux instances de dialogue social et de gouvernance d'EDF. La négociation continue avec la Commission pour définir le champ des possibles.
Comme beaucoup d'entre vous, chers collègues, je ne compte plus les témoignages d'exaspération et de ras-le-bol vis-à-vis des démarchages téléphoniques et autres appels frauduleux.
Fléau pour un grand nombre de Français, empoisonnement de la vie quotidienne, calvaire subi par des millions de personnes :…
…les formules rivalisent pour dénoncer ces coups de fil intempestifs et intrusifs qui perturbent les Français à leur domicile, dans leur espace de tranquillité.
Il faut savoir appeler les choses par leur nom : quand le téléphone sonne plusieurs fois par jour, non pour entendre une voix familière mais celle qui cherche à vous vendre ce dont on ne voulait pas, ce n'est plus du démarchage téléphonique, c'est du harcèlement téléphonique. La situation est d'autant plus préoccupante lorsqu'elle concerne les plus vulnérables, qui ne veulent plus décrocher leur téléphone, s'isolent et deviennent difficiles à joindre.
L'année dernière, à l'initiative de notre collègue Naegelen, nous avons enfin voté, après deux années de travail collectif mobilisant les députés de tous les bords politiques, une loi du quotidien renforçant la lutte contre les appels intempestifs et frauduleux.
Un de ses décrets d'application, en cours de finalisation, doit préciser les jours, les heures et les fréquences auxquels les appels peuvent être effectués. Ce décret a été soumis à la consultation du Conseil national de la consommation. La semaine dernière, les douze associations de consommateurs membres de ce conseil se sont inquiétées d'une rédaction qui, dans sa formulation actuelle, apparaît très tolérante sur les fréquences d'appel en les rendant possibles, par exemple, le samedi de dix heures à dix-huit heures.
Aussi, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, pouvez-vous assurer à ces associations ainsi qu'à l'ensemble des Français qui nous écoutent que la loi votée en 2020 sera bien concrétisée,…
…alors qu'elle peine encore à produire tous ses effets, malgré l'augmentation des sanctions financières ? Les remontées du terrain révèlent en effet des contournements de l'inscription sur Bloctel, des démarcheurs qui masquent leur identité, des démarchages qui concernent encore, et ce malgré l'interdiction, la rénovation thermique. Les Français attendent des réponses à la hauteur des atteintes quotidiennes à leur tranquillité.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Tout d'abord, je veux rappeler la détermination du Gouvernement à protéger les consommateurs dans leur vie quotidienne. Je salue d'ailleurs le travail des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dont j'ai présenté, fin avril, le bilan d'activité pour l'année 2020. Cette mobilisation s'applique en particulier à la lutte contre les sollicitations téléphoniques indésirables. Nous savons que le démarchage téléphonique non sollicité est un désagrément majeur pour nos concitoyens, parfois dérangés plusieurs fois par jour.
Ce démarchage est également trop souvent un vecteur de fraudes et d'arnaques dans les secteurs parfois sensibles comme, vous l'avez dit, sur la rénovation énergétique ou le domaine des assurances.
Je suis pleinement conscient de l'attente très forte des Français qui souhaitent des avancées concrètes dans ce domaine. Une loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, dont votre collègue Christophe Naegelen est à l'origine,…
…a renforcé le cadre de protection des consommateurs, notamment en augmentant les sanctions pour les rendre plus dissuasives, l'amende encourue passant de 75 000 à 375 000 euros. En complément, le Gouvernement a diminué, au début du mois de février 2021, le tarif d'abonnement au service Bloctel afin de permettre aux plus petites entreprises de se mettre plus facilement en conformité. C'est ainsi que j'ai demandé à la DGCCRF d'être pleinement mobilisée pour combattre de manière ferme et résolue le démarchage illégal. Nous sommes déterminés à assainir le marché et à obtenir des résultats tangibles et rapides. En mars 2021, la première amende pour cause de démarchage dans le domaine de la rénovation énergétique a été prononcée. Une entreprise a ainsi été sanctionnée d'une amende de 367 000 euros.
Enfin, une concertation est en cours avec les associations de consommateurs et les organisations professionnelles sur le décret qui détermine les jours et horaires, ainsi que la fréquence auquel le démarchage est possible lorsqu'il est autorisé.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports : « L'éducation prioritaire est une politique essentielle qui doit être maintenue et renforcée. » Tels étaient vos propos lorsque, le 5 novembre 2019, vous receviez le rapport Mathiot-Azéma traitant de l'avenir des zones d'éducation prioritaire. Comme vous, je pense que cette politique est essentielle, car elle a fait progresser les élèves des établissements défavorisés en leur allouant des moyens supplémentaires. Ce rapport recommande de prévoir un dispositif spécifique défini nationalement au bénéfice des écoles, des petites villes et des bourgs en difficulté sociale et scolaire. Vous aviez alors annoncé des premières mesures en ce sens dès la rentrée 2020 et une réforme pour 2021 à travers le programme Territoires éducatifs ruraux. Qu'en est-il actuellement ?
Deux ans après la remise de ce rapport, l'éducation nationale est face à un véritable tournant. L'écart ne fait que se creuser depuis la crise sanitaire, en raison des classes fermées, du décrochage scolaire, des inégalités entre les zones urbaines et rurales et du fossé qui se creuse entre les établissements publics et les établissements privés. Malgré votre politique d'expérimentation, tout reste à faire : 23 % des jeunes ruraux ne poursuivent pas d'études supérieures contre 15 % au niveau national.
Vos fameuses « cordées de la réussite » peinent à gravir la montagne du succès. Chez moi, dans les Hauts-de-France, les chiffres sont révélateurs : si les résultats de l'académie d'Amiens se sont améliorés depuis dix ans, ils restent malgré tout en deçà de la moyenne nationale. L'équité nécessite d'affecter des moyens supplémentaires à ces territoires en souffrance. Si le dispositif REP, le réseau d'éducation prioritaire, était encore ouvert, de nombreux élèves bénéficieraient d'un enseignement plus efficace et de classes dédoublées du primaire au collège.
Les territoires ruraux de la Somme et du Limeux ont besoin de réponses à ces constats. Ma question est simple et urgente : fort de ces premiers résultats, quand et comment allez-vous généraliser le programme d'expérimentation Territoires éducatifs ruraux ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Votre question est évidemment très importante et je pense que tous les bancs de cette assemblée peuvent partager votre diagnostic : nous devons faire bien entendu quelque chose pour l'école rurale. Cela participe de la politique d'égalité des chances.
Je vous remercie d'avoir évoqué l'expérimentation Territoires éducatifs ruraux, pilotée par la secrétaire chargée de l'éducation prioritaire, Mme Nathalie Elimas, parce qu'elle est déjà entrée en action. Oui, il y a donc une suite au rapport Mathiot-Azéma auquel vous avez fait référence. Au moment où je vous parle, il existe vingt-trois territoires éducatifs ruraux, notamment dans l'académie d'Amiens où vous êtes député. Oui, les territoires éducatifs ruraux ont commencé.
L'approche quantitative et l'approche qualitative sont complémentaires. Sur le plan quantitatif, c'est ce gouvernement qui en aura fait le plus en matière de création de postes dans le premier degré. Alors que le nombre d'élèves en France a baissé de 200 000 depuis 2017 à l'école primaire, nous avons créé plus de 7 500 postes depuis cette date. Dans votre territoire de la Somme, nous créons à la rentrée prochaine dix postes supplémentaires alors qu'il y aura 1 000 élèves en moins. Il y a plus d'ouvertures que de fermetures de classes dans votre département, alors qu'il y a beaucoup moins d'élèves. Oui, votre préoccupation est très juste, et la réponse est à la hauteur.
Mais, bien entendu, il y a beaucoup à faire. C'est pourquoi il faut prendre en considération l'angle qualitatif, ce qui est fait à travers les territoires éducatifs ruraux, c'est-à-dire la mise en œuvre de dispositifs qui, parfois, ont fait leurs preuves en milieu urbain, mais qui doivent être adaptés au milieu rural : par exemple l'aide aux devoirs, en tenant compte des problèmes de transport. Je pense au dispositif e-devoirs faits, aux projets culturels et sportifs ou à l'aide aux collectivités locales pour des plans Mercredi riches – tous ces projets sont présents dans les territoires éducatifs ruraux. Nous devons aller de l'avant, ce qui va de pair avec une stratégie d'attractivité des écoles rurales, au service du rebond démographique de la ruralité que les circonstances actuelles favoriseront peut-être.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, les négociations sur la prochaine politique agricole commune (PAC) se poursuivent avec la préparation du plan stratégique national (PSN). Face aux défis imposés par le changement climatique, la PAC post-2020 sera centrale. Nous savons que la modification de notre système agricole vers l'agroécologie et la reconquête de la biodiversité sont deux enjeux fondamentaux. Agroforesterie et haies font partie intégrante des pratiques agroécologiques. Or, pendant de nombreuses années, notre pays s'est tourné vers une agriculture agro-industrielle qui a conduit à la destruction d'un grand nombre de haies et de vergers. Heureusement, des agriculteurs ont résisté à cette vague et ont conservé leur patrimoine agroforestier malgré peu de soutien.
Les arbres et haies jouent un rôle capital dans la lutte contre l'érosion des sols, pour la reconquête de la qualité de l'eau, la retenue des intrants et la captation du carbone, et répondent à l'impératif de lutte contre le réchauffement climatique. Il faut maintenant que les actes soient en adéquation avec les ambitions affichées.
Le plan de relance a consacré plusieurs millions d'euros à ce sujet, ce qui est à saluer. Maintenant, deux signaux forts sont attendus dans la prochaine PAC : des financements pour permettre aux agriculteurs de maintenir ce patrimoine qu'ils ont entretenu jusqu'à présent ; des financements pour inciter les agriculteurs à replanter. Pour cela, il me semble indispensable que les arbres et les haies soient définitivement intégrés dans les écorégimes. Ce nouveau dispositif, prévu dans le premier pilier de la nouvelle PAC, pourrait notamment s'appuyer sur les infrastructures agroécologiques afin de favoriser une gestion durable. L'intégration du label Haie serait un pas important pour amplifier la conversion agricole.
Quelles mesures seront prises en faveur de l'agroforesterie dans le cadre du plan stratégique national ? Notre pays appuiera-t-il le label développé par l'Afac-Agroforesteries – Association française arbres champêtres et Agroforesteries ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Madame la députée, on ne parle pas souvent dans cet hémicycle des haies et je vous remercie de les mettre en avant car c'est un élément positif pour notre pays. Elles permettent de fixer les sols, de capter le carbone et de développer ce qu'on appelle le biocontrôle, c'est-à-dire de lutter contre un certain nombre de maladies sanitaires. Ce sont ces grandes politiques de remembrement de la seconde moitié du XX
Pour ce faire, il existe trois éléments. D'abord, il faut utiliser ce qu'on appelle les conditionnalités vertes de la politique agricole commune. Celle qui avait été introduite lors de la précédente politique agricole commune, à hauteur de 30 % du premier pilier, est généralisée à hauteur de 100 % du premier pilier. Ensuite, il faut que les infrastructures agro-écologiques, dont les haies, soient incluses dans l'écorégime, soit par une voie dédiée, soit dans des voies que l'on aura formulées. Je suis à votre disposition pour décrire précisément ces sujets très techniques. Enfin, le plan de relance consacre 50 millions d'euros à replanter les haies, l'objectif étant de parvenir à la plantation de plus 7 000 kilomètres de haies dans notre pays.
Oui, cet objectif des haies est donc très ancré dans la politique que nous menons au bénéfice de nos territoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, ce dimanche, à l'occasion de la journée de l'Europe, le Président de la République a pris la parole lors de l'ouverture de la conférence sur l'avenir de l'Europe. Il était à Strasbourg, où il a pu signer un contrat de trois ans qui conforte cette ville comme capitale européenne, et je m'en félicite.
L'Europe est une réalité quotidienne dans ma circonscription qui est aussi celle de l'un de ses pères fondateurs, Robert Schuman. Dans ce territoire frontalier avec le Luxembourg et l'Allemagne, des milliers de nos concitoyens traversent chaque jour la frontière pour aller travailler. Les échanges entre nos États, le bilinguisme et les études européennes sont des réalités de leur vie quotidienne.
Sur ce territoire martyr des trois guerres entre la France et l'Allemagne, nous savons plus qu'ailleurs que l'Europe n'est pas le désir irréaliste d'enfants gâtés, ni une fantaisie de technocrates hors sol. L'Union européenne est une nécessité qui a rendu possible la paix sur notre continent, et qui concourt aujourd'hui à affirmer notre puissance sur la scène internationale. Pourtant, la construction européenne n'est pas achevée, et nous sommes conscients de ses limites et de ses faiblesses. Nous avons pu voir son importance stratégique pendant la crise, mais elle doit désormais être plus agile et nous permettre de décider plus vite et plus fort. Nous devons aussi renforcer la souveraineté de l'Europe dans des secteurs stratégiques.
Cette conférence sur l'avenir de l'Europe s'accompagne d'une grande consultation démocratique, afin que tous les citoyens des vingt-sept pays de l'Union puissent partager leur vision de son futur. Nous devons reprendre le dialogue et écouter toutes les attentes et les insatisfactions, ainsi que les bonnes idées et les points de vigilance.
Monsieur le secrétaire d'État, comment cette consultation citoyenne va-t-elle se déployer concrètement dans notre pays ? J'aimerais appeler votre attention sur la place qui doit être laissée aux jeunes dans ce grand moment d'échange et de débat, ces jeunes qui sont fortement touchés par la crise sanitaire et la crise économique, mais qui regorgent aussi d'idées pour notre avenir.
Enfin, pouvez-vous nous garantir que les demandes de nos concitoyens ne seront pas enterrées aussitôt formulées ? Il est essentiel que leur parole soit entendue, pour que cette consultation ne soit pas un machin de plus qui entache la confiance envers les institutions européennes. Dans tous les cas, je souhaite la réussite de cette initiative importante, afin que l'Europe s'engage sur la voie d'une renaissance.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Merci, madame la députée, de faire rayonner un engagement européen, qui ne surprend pas de la part d'une élue de la circonscription de Robert Schuman. Cet engagement est partagé par tous les élus frontaliers, notamment ceux de votre région. À cet égard, je tiens à dire que je connais les difficultés des travailleurs frontaliers, particulièrement en Moselle, dont vous avez maintes fois – et à juste titre – relayé les demandes. Grâce à notre mobilisation collective, nous avons pu obtenir des allégements au cours des derniers jours, et nous allons poursuivre ce travail.
Comme vous l'avez indiqué, le Président de la République s'est rendu dimanche à Strasbourg à l'occasion de la journée de l'Europe. En rappelant l'engagement du Président et du Gouvernement en faveur du statut de capitale européenne de Strasbourg, j'insisterai sur la présence non seulement de nombreux élus, mais aussi, pour la première fois, de la présidente de la Commission européenne et du président du Parlement européen, lors de cette journée symbole du rayonnement européen de la ville.
La journée a aussi été marquée par le lancement de la conférence sur l'avenir de l'Europe. Cette idée n'est pas un machin : c'est une proposition que le Président de la République avait formulée il y a deux ans, c'est-à-dire avant la pandémie de covid-19. Soutenue par la majorité présidentielle lors des élections européennes, cette proposition a peu à peu convaincu. Elle est en train de voir le jour avec quelques mois de retard, à un moment où il apparaît encore plus nécessaire d'engager un débat ouvert et approfondi dans toute l'Europe. Celui-ci s'achèvera dans un an, pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Nous nous engageons donc à en faire quelque chose. Ce ne sera pas un débat pour professionnels de la profession, une sorte de catéchisme ou de lubie technocratique. Il sera ouvert, en particulier aux jeunes. En France, le Gouvernement organisera des débats sur tous les domaines dans toutes les régions, y compris bien sûr dans les outre-mer, pendant plusieurs week-ends consécutifs après l'été. Dès dimanche, en même temps que cette conférence sur l'avenir de l'Europe, nous avons lancé dans toute l'Europe une consultation spécifique pour les jeunes. D'ici au mois de juillet, elle devrait toucher 50 000 d'entre eux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation,…
Regardez M. Hetzel, au moins, madame la ministre, quand il vous pose une question !
…si nous devions en douter, la pandémie a mis en évidence que la recherche joue un rôle stratégique dans nos sociétés occidentales pour répondre aux enjeux immédiats et futurs.
En novembre 2020, le directeur général de la recherche et de l'innovation (DGRI), le plus haut fonctionnaire chargé de la coordination de la politique de recherche en France, a claqué la porte car il était en désaccord avec vous. Depuis, vous n'avez pas été en mesure de le remplacer.
Plus de six mois après, force est de constater que cette vacance illustre le manque de pilotage en matière de recherche d'une manière générale et plus spécifiquement dans le domaine de la santé. Au moment du débat concernant la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, les chercheurs ont montré leur désarroi vis-à-vis de votre politique. Afin de regagner leur confiance, vous leur avez envoyé un signal fort : vous ne mettez plus de pilote dans l'avion.
C'est très grave, madame la ministre, car le rôle d'un DGRI est d'impulser une stratégie nationale de recherche, de coordonner les acteurs publics et privés en la matière, c'est-à-dire de faire en sorte que la France puisse rester une grande nation de recherche. Quand allez-vous nommer un directeur général de la recherche et de l'innovation à vos côtés, remédiant enfin à cette situation devenue fortement dommageable pour notre pays et sa recherche ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Tout d'abord, je voudrais saluer le travail du DGRI par intérim, Nicolas Chaillet, qui assume toutes les missions très importantes que vous venez de rappeler. Voulue par le Gouvernement, soutenue par la majorité de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, la loi de programmation pour la recherche vise à remédier à l'absence massive d'investissements dans la recherche, que nous avons malheureusement pu constater au cours des dernières années.
Il est donc très important qu'un DGRI partage les objectifs de cette loi : irriguer la recherche dans tous les lieux où elle se fait, qu'il s'agisse d'organismes dédiés ou d'universités.
S'agissant de la stratégie de la politique de recherche, ne vous inquiétez pas : des réunions permanentes nous permettent de la définir. L'innovation dans un pays résulte des recherches qui s'y faisaient dix ou quinze ans plus tôt. Cherchons les responsabilités ensemble, si vous le voulez bien.
Madame la ministre, vous ne répondez nullement à la question que je vous pose. Comment se fait-il que vous n'ayez pas décidé de nommer un DGRI, alors que tous les acteurs de la recherche attendent cette nomination depuis six mois ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.
Vous ne pouvez pas les traiter de cette manière. Au moment où nous en sommes en France, cette très mauvaise manière faite à la recherche n'est pas d'un très bon augure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Les candidatures étant malheureusement closes, un nouveau directeur général de la recherche et de l'innovation sera nommé dans quelques jours. Vous auriez probablement aimé faire beaucoup pour notre recherche et notre enseignement supérieur. Vous auriez sans doute adoré lancer Parcoursup, après avoir recouru au tirage au sort dans la procédure admission post-bac (APB).
Vous auriez voulu faire adopter une loi de programmation pour la recherche qui permette d'investir 25 milliards d'euros, ce qui n'a jamais été fait sous aucun des gouvernements précédents. Malheureusement, monsieur le député, je vous le confirme : le poste est pris. Nous allons nommer très prochainement quelqu'un.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le 20 juin dernier, Emmanuel Macron disait que le vaccin devrait être un bien public mondial. Or la France a voté à deux reprises, en octobre et en mai, contre une proposition de lever les brevets, déposée notamment par l'Inde et l'Afrique du Sud auprès de l'OMC. L'aréopage des ministres nous a alors expliqué pendant des semaines que la levée des brevets ne servait à rien. Pire : elle nuirait à l'innovation et à la recherche. Rappelons que, jusqu'en 1959, il n'était pas possible de breveter les vaccins.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le monarque présidentiel a été récemment frappé par la grâce états-unienne du président Biden qui approuve la levée des brevets. Celle-ci n'est évidemment pas une condition suffisante : il faut aussi obliger les industries pharmaceutiques à intensifier la production des vaccins contre la covid-19, en supprimant les barrières qui pèsent sur les capacités d'approvisionnement, en partageant les technologies et en mettant fin au monopole qu'ils détiennent sur leurs vaccins respectifs.
Selon l'UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l'enfance, seulement 43 % des capacités mondiales de production de vaccins sont actuellement utilisés. Oxfam a récemment pointé du doigt les entreprises Moderna et Pfizer-BioNTech qui, fortes de subventions publiques, rationnent artificiellement l'approvisionnement en vaccins. Face à ce refus de partager la technologie, les États doivent procéder à des réquisitions et à des mises en partage.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Alors que les variants se multiplient et que la situation en Inde s'aggrave, l'urgence est là.
En voyant les Indiens mourir, je ne peux que regretter que l'usine de bouteilles d'oxygène médical Luxfer n'ait pas été sauvée. Nous sommes en train de perdre la course de la maîtrise de cette pandémie, en raison de l'appât du gain et de la défense idéologique des profits de quelques-uns. Vos tergiversations, depuis un an, démontrent un aveuglement cupide qui tue en Inde, en Afrique et en France. La pandémie étant mondiale, il faut produire partout des vaccins et des remèdes libres de brevet. Quand allez-vous enfin proposer une résolution à l'OMC pour demander la levée des brevets ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
À propos de grâce, cela me fascine de voir que, depuis quelques jours, votre leader n'est plus Jean-Luc Mélenchon mais Joe Biden. Quelle est la réalité, au-delà des slogans ? En matière de bien public mondial, nous agissons au lieu de nous contenter de parler. Cela fait un an que la France et l'Europe défendent l'idée du vaccin comme un bien public mondial, ce qui ne revient pas, aujourd'hui, à lever les brevets.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Ce débat viendra en son temps, mais je maintiens que cette mesure ne servirait actuellement à rien.
En ce moment, il faut produire, exporter, donner des doses aux pays qui en ont besoin. Qui le fait ? La France et l'Europe. Alors que les exportations des États-Unis s'élèvent à zéro, l'Europe et la France ont exporté 200 millions de doses vers les pays d'Afrique, les pays qui en ont besoin.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous exportons la moitié de notre production, ce qui est notre honneur et notre devoir. C'est ainsi que nous répondons aux difficultés réelles.
Nous aurons un débat sur les brevets. Soulignons cependant que même la directrice générale de l'OMC, Mme Ngozi Okonjo-Iweala, a indiqué aujourd'hui que ce n'était pas la priorité. Puisque nous partageons l'objectif de donner à tous concrètement un accès aux vaccins, continuons de soutenir l'initiative Covax. Je me réjouis de voir les États-Unis décidés à donner des vaccins comme nous le faisons depuis un an,…
…car cela permet de livrer des doses aux soignants africains. C'est la France qui a commencé ces livraisons dès le mois d'avril…
…et elle va les poursuivre.
Nous sommes ouverts à toutes les solutions.
Quoi qu'il en soit, le problème n'est pas la propriété intellectuelle des vaccins, c'est leur production et leur exportation. Le week-end dernier, le Président de la République a demandé au président des États-Unis et au Premier ministre britannique de lever les interdictions d'exportation. Si vous voulez combattre la pandémie, joignez-vous à cette demande. C'est la priorité du moment ; nous travaillerons ensuite sur les brevets.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant l'amendement n° 229 à l'article 1er .
Sur l'article 1er , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Il se fonde sur le premier alinéa de l'article 48, qui traite de l'organisation de nos travaux. En découvrant que le temps qui nous était imparti pour débattre du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire se limitait aux deux séances d'hier, j'étais déjà d'avis que cela ne suffirait probablement pas. Cela n'a évidemment pas manqué : personne ne pouvait croire que, pour un texte d'une telle importance, les amendements déposés par les députés, qu'ils appartiennent à la majorité ou aux oppositions, seraient si peu nombreux que l'Assemblée pourrait se contenter d'y consacrer quelques heures, en l'occurrence l'après-midi et la soirée de lundi.
Par conséquent, nous sommes tenus de prolonger les débats en séance aujourd'hui. Le ministre chargé de défendre le texte, Olivier Véran, n'est pas présent. Ce constat n'enlève rien à la qualité du secrétaire d'État Adrien Taquet qui le remplace au banc, mais il dénote le peu de cas que l'exécutif fait des travaux parlementaires, particulièrement en matière d'état d'urgence.
Seconde conséquence : l'ordre du jour de l'Assemblée se trouve totalement embolisé. Le Gouvernement avait déjà fait le choix d'y inscrire plusieurs textes au chausse-pied durant la période des ponts du mois de mai, qui nous privent de plusieurs jours de séance. Il poursuivra sur cette lancée au début du mois de juin, puisqu'un texte aussi important que le projet de loi relatif à la bioéthique fera l'objet d'un examen en nouvelle lecture, quinze jours à peine avant les élections départementales et régionales.
Très franchement, au vu de l'organisation de nos débats et de la fixation de l'ordre du jour de notre assemblée, il y aurait beaucoup à redire sur le respect des droits du Parlement.
Je mets en effet mes pas dans ceux de notre collègue Brindeau. Un problème d'organisation de nos débats se pose. Tout le monde était bien présent en séance hier après-midi à seize heures. Je regrette que le nombre d'amendements ait été sous-estimé, comme l'ont été, d'une certaine manière, la nature et parfois la vigueur de nos débats. Pourtant ceux-ci sont importants car ils portent sur la fin de l'état d'urgence : nous ne pouvons accepter une banalisation de notre droit.
L'ensemble des travaux se trouve bousculé par ce problème d'organisation : d'une part, je ne suis pas sûr que notre débat soit terminé d'ici à la fin de la journée ; d'autre part, une audition du ministre de l'intérieur par la commission des lois à propos de la proposition de loi relative aux sapeurs-pompiers est prévue ce soir mais on ne sait pas si elle pourra bien avoir lieu ou non ; enfin, les ministres chargés des dossiers dont nous discutons en ce moment sont absents cet après-midi.
Bref, tout cela est un peu compliqué. Ce jeu de billard à quarante bandes devient difficilement gérable si nous souhaitons travailler et légiférer correctement. Il était bon que je le rappelle au nom du groupe Les Républicains
Il se fonde également sur l'article 48, alinéa 1.
Je ne peux que reprendre le mot de « mépris » à l'égard du Parlement, prononcé par mon collègue Brindeau. Je vous avoue que j'ai été absolument sidérée en lisant la presse ce matin, même si notre collègue Latombe avait mentionné la publication de cette interview pendant les débats hier soir.
Nous n'avons cessé hier après-midi et hier soir de poser des questions au ministre Olivier Véran sur les modalités d'application du pass sanitaire. Nous n'avons obtenu aucune réponse. Et pour cause : elles avaient été données à des journalistes le matin même par le Premier ministre, lequel n'a pas daigné se présenter tout à l'heure à l'Assemblée lors de la séance des questions au Gouvernement. Certes, il assistait à la cérémonie d'hommage au policier Éric Masson, ce qui est tout à fait compréhensible.
Cependant, puisque des travaux parlementaires sont en cours, la moindre des choses aurait été que le ministre qui était au banc hier réponde à nos questions, sachant que des annonces étaient prévues et que les réponses allaient se retrouver dans la presse le lendemain matin. Voilà une illustration assez flagrante du mépris du Gouvernement envers le Parlement.
Mme Martine Wonner applaudit.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 229 .
Il vise à territorialiser la mise en œuvre du couvre-feu. La territorialisation est clairement la stratégie la plus efficace pour lutter contre l'épidémie et, en même temps, préserver les libertés des Français, passablement remises en cause depuis le début de cette crise sanitaire.
Il est désormais nécessaire de permettre une reprise de l'activité et de la vie pour tous les commerçants et les restaurateurs, tout en maîtrisant l'épidémie. Seule la territorialisation permettra de concilier ces deux objectifs.
La parole est à M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Le délai d'un mois supplémentaire sur l'ensemble du territoire est absolument nécessaire pour que nous ne relâchions pas trop rapidement nos efforts et que nous puissions profiter le plus possible de l'été à venir. Avis défavorable.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Il est défavorable.
L'amendement n° 229 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 217 rectifié et 219 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 217 rectifié .
Le Président de la République avait évoqué, lors de son entretien à la presse régionale, le décalage du couvre-feu à vingt-trois heures à partir du 9 juin. N'ayant pas retrouvé cette précision dans l'alinéa 8, je me suis permis de déposer cet amendement afin d'inscrire dans la loi cette mesure, qui concernerait bien sûr les zones dans lesquelles le virus ne sera pas actif.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour soutenir l'amendement n° 219 rectifié .
Cet amendement identique à celui du rapporteur – nous les avons rédigés ensemble –, et que je présente au nom du groupe La République en marche, vise à encadrer davantage le dispositif de couvre-feu, qui ne pourra être en vigueur que jusqu'au 30 juin, et à traduire dans la loi les annonces très précises faites par le Président de la République, c'est-à-dire un couvre-feu qui débuterait à vingt et une heures du 19 mai au 8 juin et à vingt-trois heures du 9 au 30 juin – dans les deux cas jusqu'à six heures du matin – à l'exception des territoires où la circulation du virus serait très forte. Dans ces derniers, le couvre-feu resterait fixé à vingt et une heures.
Vous l'avez expliqué, votre amendement vise à inscrire dans la loi les orientations données par le Président de la République le 29 avril.
Le Gouvernement est plutôt réticent à une traduction littérale de ces annonces dans la loi, dès lors qu'une évolution imprévisible et impérieuse de la situation sanitaire – nous en avons vécu au cours des précédents mois – pourrait nécessiter une adaptation de ces orientations.
Nous comprenons cependant l'esprit de vos amendements et nous en remettons donc à la sagesse de l'Assemblée.
Ces amendements m'interpellent car, pour une fois, il est proposé d'inscrire dans la loi des mesures concrètes pour indiquer que, si l'on souhaitait les modifier, par exemple pour changer l'heure du couvre-feu, il serait nécessaire de repasser devant la représentation nationale.
Comme l'a souligné notre collègue M. Gouffier-Cha, nous vivons en ce moment au rythme des annonces du Président de la République, à tel point que ce n'est même plus le Gouvernement qui gouverne mais le Président – en la circonstance, on se demande bien d'ailleurs qui préside.
L'inscription de ce type de mesure dans la loi présente une vertu qui ne vous aura pas échappé : elle permet à l'Assemblée d'assurer un contrôle réel et concret. Il ne s'agit plus alors de mesures larges et floues, telles que le secrétaire d'État les défend au banc. M. Taquet prononce certes un avis de sagesse, mais en se demandant comment le Gouvernement pourra faire pour s'adapter en cas d'évolution de la situation. La réponse est pourtant simple : il reviendra ici !
Je note que le secrétaire d'État et moi sommes unis par un lien mystérieux, puisque nous nous retrouvons systématiquement ensemble pour discuter du même type de textes. J'aurais préféré que nous nous retrouvions en tant que remplaçants à un match de foot mais c'est ainsi, il se trouve que c'est pour parler de la crise sanitaire – ce qui en dit long sur la situation actuelle !
Pour résumer, je préfère que des mesures concrètes, aussi mauvaises soient-elles, soient inscrites dans un texte que nous pouvons ensuite contrôler et modifier et ne se résument pas à des annonces formulées par le Président et par son conseil de défense opaque.
Je souscris à ce que vient de me dire mon collègue Ugo Bernalicis, à ceci près qu'il s'agit d'inscrire une mesure portant sur l'état d'urgence dans un projet de loi censé nous faire sortir de l'état d'urgence.
Vous prévoyez mécaniquement, automatiquement, parce que le Président de la République en a décidé ainsi, que le couvre-feu soit en vigueur jusqu'au 30 juin – fût-il prolongé jusqu'à vingt-trois heures là où la circulation du virus serait moins active. Alors que nous sommes dans une phase de sortie de crise sanitaire, comment pouvez-vous donner confiance à nos concitoyens, si vous ne faites que prolonger les mesures de l'état d'urgence sanitaire ?
Si vous aviez voulu faire preuve de clarté, de transparence et de cohérence, vous auriez proposé d'abord un texte prévoyant une prolongation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'à la fin du mois de juin, puis éventuellement, mais dans un deuxième temps seulement, des mesures de sortie de cet état d'urgence. Je rappelle qu'aujourd'hui l'état d'urgence sanitaire est toujours en vigueur.
Je salue l'avis de sagesse du Gouvernement sur cette mesure, laquelle vient encadrer et rendre possible un dispositif qui, en effet, ne s'applique normalement que dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, mais que nous transposons dans le cadre de la période transitoire actuelle, au vu de la situation sanitaire et épidémique dans notre territoire, afin de pouvoir sortir progressivement de l'état d'urgence sanitaire et de rouvrir le plus tôt possible et progressivement certaines activités.
Aussi une définition précise est-elle nécessaire. C'est pourquoi nous introduisons cet amendement qui prévoit de décaler l'heure du couvre-feu à vingt-trois heures à partir du 9 juin. Ce dispositif s'appliquerait au plus tard jusqu'au 30 juin, date à partir de laquelle aucun couvre-feu ne sera plus possible.
J'entends la volonté du collègue d'assouplir légèrement les mesures liberticides. Un couvre-feu n'en reste pas moins un couvre-feu, qu'il soit fixé à vingt et une heures ou à vingt-trois heures.
En outre, comment définir un territoire où le virus circulerait moins ? Depuis un an et demi, nous ne savons toujours pas évaluer la circulation du virus. Quels critères faut-il prendre en considération : l'hospitalisation ? le nombre de tests – encore et toujours – faussement positifs, jamais confrontés à la réalité clinique ? Il ne me semble décidément pas opportun de s'orienter vers un maintien du couvre-feu.
Le groupe Dem note avec satisfaction cette limitation du couvre-feu. Il est important que nous fassions preuve de cohérence et que la parole publique qui s'est exprimée soit ensuite traduite dans le projet de loi.
Nous nous posons en revanche une vraie question de fond. Pendant toute la séance d'hier soir, M. le rapporteur nous a expliqué que l'on ne pouvait fixer des bornes dans la loi, y détailler des processus, des interdictions ou des limitations. Or, il le fait aujourd'hui de son propre chef, à propos d'un des dispositifs qui restreignent le plus la liberté : le couvre-feu.
Nous soulignons depuis le début de la discussion un manque de cohérence. Il est possible de l'observer nettement à présent. Hier, lorsque nous discutions des amendements du groupe Dem visant à modifier les dates du pass sanitaire, on nous objectait que ce type de précision était inacceptable. Aujourd'hui, l'amendement émanant du groupe majoritaire, voilà qu'un pilier de la majorité dit à l'autre qu'il accepte que des limitations soient fixées.
Il est un peu dommage de se voir imposer les choses ainsi, même si, sur le fond, nous sommes évidemment satisfaits que, pour une fois, des bornes soient fixées.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Ce débat autour des bornes me rappelle la fameuse citation attribuée à Francis Blanche : « Une fois qu'on a passé les bornes, il n'y a plus de limites. » Cette phrase est plutôt humoristique, alors que la situation actuelle ne prête pas vraiment à sourire.
Nous ferons contre mauvaise fortune bon cœur : entre un couvre-feu fixé à vingt-trois heures et un couvre-feu fixé à vingt et une heures, nous préférons évidemment, comme l'ensemble de nos concitoyens, la première option.
Je veux cependant souligner à mon tour l'incongruité consistant à évoquer le couvre-feu dans ce projet de loi, alors qu'un tel dispositif n'est censé s'appliquer que dans le cadre d'un état d'urgence sanitaire. Cela illustre, une fois encore, le côté « Canada dry » de ce texte : il semble accorder de la liberté, peut apparaître comme un projet de loi qui ouvre les portes mais, en réalité, lorsque l'on y regarde de près, ce n'est pas encore le cas.
Si l'on ajoute le pass sanitaire et le flou qui règne autour de la définition d'un grand rassemblement, sachant que l'on exclut totalement les précisions nécessaires relatives à la densité et les critères objectifs permettant de fixer les jauges, on ne sait pas trop où l'on va.
Nous acceptons tout à fait un couvre-feu fixé à vingt et une heures. S'il ne débute qu'à vingt-trois heures, ce sera encore mieux. Mais tout ira surtout très bien au mois de juillet, lorsqu'il n'y aura plus du tout de couvre-feu et que nous connaîtrons enfin un début de sortie d'état d'urgence, ce qui, il faut le rappeler, ne sera pas du tout le cas au mois de juin.
Les amendements identiques n° 217 rectifié et 219 rectifié sont adoptés.
L'amendement n° 216 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législations et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 227 rectifié .
Nous avons évoqué hier le pass sanitaire et l'usage que le Gouvernement pourrait faire de cet outil pour les grands événements. En commission des lois, nous avons souhaité indiquer très clairement dans la loi que, en dehors de ce type de manifestation, personne ne pourrait conditionner l'accès à un lieu privé, tel qu'un restaurant, un cinéma ou une entreprise, à la possession d'un pass sanitaire ou à la démonstration d'une sérologie négative au covid-19.
Il me semble important d'inscrire cette disposition clairement dans la loi, pour que chaque citoyen de notre pays puisse l'opposer à toute personne privée qui aurait l'idée saugrenue d'imposer à quiconque voudrait pénétrer dans son établissement la présentation d'un tel pass.
J'avais déposé cet amendement en commission, où il avait été adopté. Je l'ai rédigé un peu différemment pour qu'il soit plus opérant.
L'amendement n° 227 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est complémentaire de celui que nous venons d'adopter, puisqu'il prévoit une sanction à l'encontre des contrevenants à l'interdiction d'obliger à présenter un pass sanitaire dans les lieux privés dont l'ouverture au public n'est pas réglementée en vertu de la présente loi. En effet, si elle n'est pas assortie d'une sanction, cette interdiction sera vaine.
Je rappelle que j'avais appelé l'attention de la représentation nationale, lors du débat sur l'application TousAntiCovid, sur un écueil dans le dispositif : l'absence de sanction prévue à l'encontre des entreprises qui en imposeraient l'usage dans leur règlement intérieur. Nous n'avons pas plus la garantie qu'un cafetier, qu'un exploitant d'une salle de théâtre ou de cinéma, qui imposerait à l'entrée le pass sanitaire en infraction du texte que nous allons voter, sera sanctionné.
L'objectif du dispositif proposé dans le projet de loi est d'être lisible pour nos concitoyens et de leur permettre d'invoquer la disposition que notre assemblée vient de voter en cas d'abus. Il ne me semble pas opportun d'y adjoindre un dispositif répressif spécifique, d'autant plus le VII de l'article 1er prévoit déjà que les dispositions de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique relatives au régime de sanctions du non-respect des consignes sanitaires s'appliquent au régime transitoire. Demande de retrait.
Si le Gouvernement partage l'esprit de la disposition insérée en commission des lois visant à limiter la mise en place du pass aux cas prévus par la loi, afin de ne pas laisser se développer des initiatives dispersées qui l'étendraient aux activités du quotidien, et partage évidemment votre souci, monsieur Houlié, d'assurer l'effectivité de cette interdiction, le rapporteur a bien rappelé que ladite effectivité repose déjà sur les sanctions de droit commun prévues dans le cadre du régime de sortie de l'état d'urgence, sanctions qui fonctionneraient tout autant si le pass devait être introduit dans le cadre d'un état d'urgence sanitaire redéclarée – ce que personne ne souhaite bien sûr.
Les manquements en la matière, qu'il s'agisse d'une utilisation du pass hors des cas prévus par la loi ou au contraire d'une absence de contrôle de sa présentation à l'entrée des établissements et autres lieux accueillant les activités et événements concernés, relèveront des contraventions déjà prévues à l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, à savoir notamment une amende de cinquième classe. Il me semble que cet amendement est satisfait et je formule donc une demande de retrait.
Une contravention de cinquième classe s'élevant au maximum à 1 500 euros d'amende et n'étant pas majorée en cas de récidive, on voit bien l'intérêt qu'aurait un exploitant à transgresser la loi en imposant indûment un pass sanitaire si son chiffre d'affaires en était amélioré. C'est pourquoi l'amende que je propose est bien plus importante afin d'être dissuasive, soit 5 000 euros, avec un doublement en cas de récidive. Je maintiens mon amendement.
Cet amendement en dit long sur l'état d'esprit, que je qualifiais hier déjà de totalement coercitif, de la gestion de cette crise sanitaire. Si à chaque fois qu'un nouveau dispositif contraignant est mis en place, nous nous demandons quelle sanction prévoir, parfois même plus dure que le droit commun, cela signifie par essence que nous ne faisons pas confiance à nos concitoyens pour respecter les règles posant ces interdictions et ces obligations.
Je pense que c'est, une fois de plus, très symptomatique de l'échec du Gouvernement à susciter la confiance chez nos concitoyens dans les mesures qu'il prend. S'il parvenait à les convaincre qu'elles vont dans le bon sens, qu'elles sont prises dans leur intérêt, nos concitoyens y adhéreraient et les respecteraient de ce fait.
Je trouvais intéressant l'amendement de notre collègue pour la bonne et simple raison que des commerces privés ou d'autres lieux font déjà malheureusement de la publicité en invitant à y venir à partir du moment où on pourra montrer un pass sanitaire. Pourquoi, en effet, ne pas utiliser les dispositions de droit commun, en l'espèce l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, mais c'eût été encore mieux de le faire depuis le 17 mars 2020. Rester dans le droit commun pour gérer cette crise sanitaire aurait évité en effet de se retrouver face à un gouvernement qui ne propose que des éléments privatifs de liberté. merci.
Nous avons débattu en partie hier soir du pass sanitaire, nous le faisons à nouveau en ce moment, et je crois qu'il est en effet de bonne politique de vouloir, s'il est voté, restreindre au maximum son utilisation. Mais je rappelle tout de même qu'on est en train de débattre d'éventuelles sanctions, d'une amende comme le prévoit cet amendement, alors que la solidité juridique de ce pass est sujette à caution : le Conseil d'État ne s'est pas prononcé, puisque ce pass provient d'un amendement que le Gouvernement a sorti du chapeau le 3 mai, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ne se prononce que demain ! Et on en est à distribuer les bons et les mauvais points, à proposer des amendes.
Il est un fait que, sans sanction, une règle devient vite purement théorique et je comprends bien le motif de l'amendement, mais je trouve qu'il revêt une forme d'imprécision, car ces 5 000 euros ne sont pas rattachés à un quantum existant et, de plus, s'agirait-il d'une amende par infraction ou de l'appliquer après avoir constaté que l'infraction est constituée ? Cela mériterait un peu plus d'éclaircissements pour savoir où on met plus précisément les pieds. Mais peut-être Sacha Houlié peut-il nous éclairer.
L'amendement n° 173 n'est pas adopté.
Ces amendements se complètent en effet, monsieur le président. Nous demandons depuis hier des précisions parce qu'il est essentiel de border ce projet de loi, comme l'a encore montré l'examen des précédents amendements adoptés.
Il s'agit ici de préciser la notion de circulation active du virus, d'autant plus que le Premier ministre est autorisé sur cette base à prendre des mesures importantes en matière de rétablissement de la libre circulation ou d'ouverture d'établissements recevant du public. Ces pouvoirs importants conférés au Premier ministre vont s'étendre sur une période longue, presque cinq mois, durant laquelle le Parlement ne pourra pas intervenir en la matière. Nous proposons donc que la notion de circulation active du virus se définisse à partir d'un taux d'incidence moyen sur une semaine d'au moins 250 cas positifs pour 100 000 habitants – amendement n° 47 – ou de 400 cas positifs pour 100 000 habitants – amendement n° 48 .
Le taux d'incidence est bien sûr un critère important dans le choix des mesures à adopter, mais d'autres critères sont aussi à prendre en compte dans l'appréciation de la circulation du virus : l'augmentation du taux, qui peut varier et de façon brutale, ainsi que les chiffres d'hospitalisation et ceux de l'occupation des services de réanimation. Le seul taux d'incidence n'est pas en soi suffisant. L'avis est donc défavorable aux deux amendements.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 49 .
Encore un autre élément de précision nécessaire dans un tel contexte : restreindre à trente jours la durée de validité des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire allégé en vertu de l'article 1er , parce que lesdites mesures ne sont pas limitées dans le temps et que la durée de validité du dispositif global s'étend sur presque cinq mois, sans même de définition précise de la notion de circulation active du virus.
Cette limitation à trente jours obligerait au moins l'exécutif à renouveler par un nouveau décret les mesures prises, lequel devrait donc être proportionné aux circonstances sanitaires du moment.
Il n'est pas nécessaire de prendre un nouveau décret pour apprécier si une mesure réglementaire demeure proportionnée aux circonstances sanitaires du moment : le juge le fait en toute circonstance. Si je comprends vos intentions, ma chère collègue, cet amendement me paraît d'autant moins indispensable qu'il pourrait provoquer une inflation normative dont on peut tout à fait se dispenser. Avis défavorable.
L'amendement n° 49 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les alinéas 10 et 11 concernent les mesures territorialisées, lesquelles sont bien souvent prises unilatéralement par les préfets. Le groupe Libertés et territoires demande donc que ces mesures soient prises en coordination avec les élus locaux – maires, présidents de conseils départementaux et régionaux – et les représentants de leur circonscription que sont les parlementaires, afin qu'il y ait une véritable prise en compte de l'avis des différents représentants du territoire concerné.
La déclinaison territoriale des mesures pour faire face à l'épidémie fait déjà l'objet par les préfets de larges consultations des élus locaux. Votre amendement va néanmoins plus loin en prévoyant une coordination. Je pense que le projet de loi dit 4D – décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification – constituera un cadre plus opportun pour ce genre de débat. Je rappelle qu'il sera d'ailleurs présenté demain en conseil des ministres. Avis défavorable.
Avis défavorable à cet amendement comme aux deux qui vont suivre – dont votre prochain amendement – car une inscription dans la loi du caractère obligatoire et systématique de la consultation ne me paraît pas justifiée, sachant que le Gouvernement a à cœur de consulter autant que nécessaire les élus locaux et l'ensemble des parties prenantes territoriales, y compris les services déconcentrés, avant toute décision territorialisée, voire de portée nationale.
Je pensais que cet amendement ne poserait pas de problème tant il est évident. Vous dites, monsieur le secrétaire d'État, que ce qu'il propose se fait déjà, mais c'est plus ou moins vrai selon les préfets et selon les endroits – je peux vous en citer beaucoup d'exemples, comme sans doute nombre de collègues ici présents. Si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant, en l'occurrence dans la loi, afin de rendre obligatoire la coordination avec les élus locaux et leur consultation à chaque prise de décision territorialisée.
Ce sera une confirmation de ce qui se fait déjà, là où c'est le cas, tout en permettant de le faire désormais partout.
L'amendement n° 189 n'est pas adopté.
La consultation des élus locaux est loin d'être automatique. Dans certains départements, la réouverture des marchés, par exemple, a été bloquée par le préfet ou par l'ARS – parfois le préfet étant lui-même un ancien directeur d'ARS. Il se trouve que dans mon département, tout s'est bien passé, mais M. Gosselin pourrait parler du département de la Manche où cela n'a pas été le cas. Je pourrais même évoquer le cas d'un département limitrophe du mien, la Loire-Atlantique, où tout ne s'est pas bien passé non plus, et où les marchés n'ont pas pu rouvrir. La concertation et l'écoute des élus locaux ne sont pas toujours naturelles chez les préfets, d'autant que certains aiment bien jouer au chef.
Ce n'est pas ainsi qu'on favorise une société apaisée et qu'on donne aux élus leur juste place. Les maires et les conseillers départementaux ou régionaux sont élus pour les compétences qu'ils détiennent et qu'ils doivent pouvoir exercer. Seules la coconstruction et la coordination entre l'administration, qui suit une logique propre, et l'élu, qui connaît son territoire, permettent de prendre les bonnes décisions.
Nous demandons simplement à l'exécutif et à son représentant dans le département, le préfet, une marque de confiance envers les élus locaux. Effectivement, ils ont souvent été consultés – parfois peut-être un peu tardivement sur certaines questions. Le Gouvernement a su s'appuyer sur les collectivités territoriales et leurs élus pour mettre en place les centres de vaccination et, maintenant, les grands vaccinodromes. Cela ne marche que parce que les collectivités territoriales sont engagées dans le processus et mettent à disposition de nombreux personnels chaque jour de la semaine et du week-end ainsi que lors des jours fériés. La campagne de vaccination ne fonctionnerait pas sans l'engagement des collectivités territoriales.
Nous souhaitons inscrire dans la loi l'obligation de consultation des élus locaux. Si celle-ci a bien eu lieu dans certains départements, cela n'a pas été le cas partout. Il s'agit d'un amendement de bon sens qui ne devrait pas poser de difficultés.
Pour l'amendement n° 191 , l'avis est défavorable, comme il l'était pour le n° 189. S'agissant du n° 66, il me semble satisfait dans la pratique. Il faut que le système conserve de la souplesse et de la réactivité : l'avis sera donc également défavorable.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, vous dites que l'amendement est satisfait dans la pratique, or cela dépend beaucoup des départements et des préfets. Paul Molac m'a un peu tenté : effectivement, nous avons tous en tête des départements où l'autorisation d'accès aux plages et les dérogations pour les marchés ont été très compliquées à obtenir.
Dans une période comme celle que nous traversons, je ne vois pas de difficulté à ce que l'État soit le décisionnaire final. La France est un État de droit et l'intérêt général est représenté, dans le département, par le préfet dont l'action peut être contrôlée et faire éventuellement l'objet de recours devant le tribunal administratif, selon les procédures habituelles – c'est la moindre des choses.
Cependant, en amont, des concertations avec les élus locaux doivent avoir lieu. Dire qu'en pratique, cela ne pose pas de problème, ce n'est pas vrai. Il y a bien des endroits où cela pose encore problème. Le Gouvernement est content de trouver des élus locaux attentifs, qu'il peut consulter le vendredi soir à dix-neuf heures trente pour savoir ce qu'ils pensent des élections régionales et départementales, en leur demandant de répondre avant lundi midi. Mais on peut aussi les associer à d'autres types de décisions et l'écrire dans la loi. Encore une fois, que le représentant de l'État soit le garant de l'intérêt collectif et général, cela ne pose pas de difficulté, mais il faut au moins associer les élus et les inscrire dans un partenariat avec le préfet, et non dans une relation déséquilibrée virant parfois au duel.
Mon collègue Stéphane Claireaux étant retenu à Saint-Pierre-et-Miquelon, je défends ses amendements. L'article 1er du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de l'état d'urgence sanitaire prévoit la possibilité d'habiliter les préfets à adapter l'ensemble des mesures de lutte contre la covid-19 comme la quarantaine, le passeport vaccinal, l'organisation de certains événements publics comme les festivals, ou encore le couvre-feu. Les contextes sanitaires étant bien différents selon les territoires, qu'ils soient hexagonaux ou ultramarins, il convient de territorialiser les décisions et les mesures afin de répondre au mieux à la situation sur le terrain. Aussi, l'amendement n° 79 vise à ce que les dispositions de l'article 1er puissent être systématiquement adaptées aux spécificités statutaires et sanitaires de chaque collectivité d'outre-mer.
L'amendement n° 80 est un amendement de repli. Il tend également à ce que les dispositions de l'article 1er soient systématiquement adaptées aux spécificités statutaires et sanitaires locales, dans chacune des collectivités d'outre-mer à statut particulier visées par l'article 74 de la Constitution, et ce pour les mêmes raisons que celles que je viens d'exposer : le contexte sanitaire étant très différent selon les territoires,…
…il convient de territorialiser les décisions, dans l'hexagone comme outre-mer.
Comme je l'avais déjà indiqué à propos d'un amendement de Mme Ménard, ces amendements sont satisfaits dans la pratique. Les mesures sanitaires sont évidemment adaptées outre-mer et le décret du 24 octobre 2020 contient de nombreuses dispositions en ce sens. Néanmoins, prévoir une habilitation automatique et de droit n'est pas envisageable au nom de l'autonomie du pouvoir réglementaire. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Je vais vous répondre sur l'amendement n° 79 , mais le raisonnement vaudra également pour le n° 80. L'amendement n° 79 vise à conférer au représentant de l'État dans les collectivités d'outre-mer une habilitation automatique et de plein droit à adapter les mesures de police sanitaire prises par le Premier ministre. Cependant, la possibilité de prendre des mesures d'application de celles arrêtées par le Premier ministre concerne tous les représentants de l'État, en métropole comme dans les collectivités d'outre-mer.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, le projet de loi habilite le représentant de l'État à adapter les mesures aux circonstances locales. Ces habilitations ont d'ailleurs été pleinement utilisées jusqu'à aujourd'hui. Elles permettent aux préfets de prendre des mesures adaptées à la situation des territoires d'outre-mer, comme le couvre-feu le week-end qui a été imposé dans huit communes de Guyane, à compter du 16 avril – il s'agit d'un exemple parmi tant d'autres.
Pour autant, il n'y a pas de raison particulière de donner une habilitation automatique au représentant de l'État outre-mer : une telle disposition créerait une différence de traitement injustifiée entre les départements de métropole et ceux d'outre-mer. C'est la raison pour laquelle je vous propose de retirer ces deux amendements.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes bien d'accord sur les spécificités ultramarines comme celles de Saint-Pierre-et-Miquelon : l'intention du Gouvernement est de permettre au préfet de pouvoir adapter les mesures localement. Vous n'avez évoqué que le couvre-feu mais, si j'ai bien compris, ce sera également le cas pour d'autres dispositions comme l'isolement et les motifs impérieux. Dans ces conditions, je retire les amendements.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour soutenir l'amendement n° 220 .
Cet amendement s'inscrit dans la même philosophie que ceux que nous avons adoptés tout à l'heure pour renforcer l'encadrement du couvre-feu et en préciser le régime. Je vous propose de donner la possibilité au préfet, habilité par le Premier ministre, de lever le couvre-feu avant le 30 juin dans les territoires où la situation sanitaire s'améliorerait.
Votre amendement me paraît tout à fait opportun et raisonnable, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, il s'agit d'une faculté à titre dérogatoire, et non d'une contrainte. De plus, elle ne serait ouverte que dans les territoires où la circulation du virus est faible, sous réserve de la situation sanitaire. La commission a émis un avis favorable à cet amendement.
Sur cet amendement et ses conséquences, l'analyse du Gouvernement diverge quelque peu de celle de la commission.
Le Gouvernement peut parfois avoir un avis divergent de celui de la majorité, et inversement d'ailleurs. Ce sont des choses qui arrivent.
L'amendement vise à permettre au Premier ministre d'habiliter le représentant de l'État à lever de manière anticipée le couvre-feu, en cas de faible circulation du virus. S'il est envisagé de maintenir un couvre-feu sur une plage horaire plus large dans les territoires confrontés à une situation sanitaire plus dégradée qu'anticipé, à l'inverse, il n'est pas prévu d'autoriser le préfet à lever intégralement le couvre-feu en cas de faible circulation du virus. En effet, la gestion de la crise sanitaire a reposé depuis ses débuts sur une habilitation du préfet à prendre des mesures locales plus strictes que les dispositions nationales et non à les alléger, en cohérence avec les grands principes de la police administrative.
Par ailleurs, l'introduction de cette disposition pourrait envoyer un signal quelque peu inopportun à nos concitoyens, dans une période où chacun devra encore faire montre de responsabilité pour éviter une aggravation de la situation sanitaire au seuil de la période estivale, car les différents indicateurs ne laissent pas présager d'une chute suffisante de la circulation du virus en juin prochain.
Enfin, des allégements locaux du couvre-feu alors que les déplacements touristiques vont se développer à l'approche de l'été et durant la période estivale pourraient dégrader rapidement certaines situations du fait d'un fort brassage de population trop précoce, ce qui conduirait à reprendre des mesures plus sévères. Pour ces différentes raisons, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, les Français font preuve de responsabilité et là où le virus ne circulerait plus activement, il serait tout à fait logique d'autoriser les préfets à lever le couvre-feu, qui, rappelons-le, n'est pas une mesure anodine mais une privation de liberté. Dès qu'il est possible de libérer nos concitoyens du couvre-feu parce que l'épidémie recule beaucoup dans un territoire, il faut le faire. C'est pour cette raison que je soutiens l'amendement de notre collègue Guillaume Gouffier-Cha.
Nous avons une petite possibilité d'ouverture, ne nous en privons pas. Nous sommes nombreux à souhaiter la territorialisation de certaines mesures, là où c'est possible. Personne ne demande évidemment que ce soit le cas si l'épidémie flambe, mais pourquoi refuser de territorialiser des mesures effectivement exorbitantes du droit commun ? Monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez la période estivale : excusez-moi de vous reprendre, mais nous n'y sommes pas encore. Dans tous les cas, il n'y aura plus de couvre-feu après le 30 juin.
Notre collègue propose d'anticiper puisque le mois de juin n'est pas celui des grandes transhumances, qui ont lieu en juillet et en août. Il n'y aura même plus de week-end prolongé, celui de la Pentecôte étant fin mai. Certes, quelques personnes partiront en vacances, mais il n'y aura pas de déferlement comme vous semblez le dire.
On a souligné tout à l'heure le sens des responsabilités des préfets. Il m'est parfois arrivé de me bagarrer avec celui de mon département, mais je reconnais qu'il est l'ultime garant de l'intérêt général. Éclairés par des chiffres précis, ils sont capables d'arrêter un certain nombre de mesures dans un sens – pour une fois ! – plus favorable, ce dont nous devrions tous nous réjouir.
L'adoption de cet amendement montrerait que malgré la prolongation du couvre-feu, on sort de l'état d'urgence sanitaire, dont les mesures les plus contraignantes – confinement et couvre-feu – s'appliquent à l'ensemble du territoire national. Si le Gouvernement pouvait faire preuve d'un peu d'ouverture, y compris vis-à-vis de sa propre majorité, nous en sortirions sans doute meilleurs collectivement.
Nous avons choisi de freiner l'épidémie ; mais il y a des territoires où le virus circule très peu. Dans certaines communautés de communes, comme celle des Monts d'Arrée, dans le Finistère, le taux d'incidence est de seulement 20 ou de 40 pour 100 000 habitants. Ce n'est pas la première fois que je vous en parle car ces territoires n'ont quasiment pas été touchés par l'épidémie.
En revanche, ils ont dû se plier au couvre-feu dès dix-neuf heures – une mesure qu'ils ont perçue comme profondément injuste.
Si vous estimez qu'on peut durcir les mesures en cas de circulation forte, pourquoi ne pas les alléger en cas de circulation très faible ? Je ne comprends pas cette absence de parallélisme. J'avais posé une question d'actualité en ce sens à Olivier Véran, qui m'a répondu que c'était intéressant, mais qu'on ne le ferait pas, comme s'il existait une règle supérieure à toutes les autres considérations, et qu'il fallait s'y conformer. Non, il faut adapter les mesures en fonction des territoires.
L'amendement n° 220 est adopté.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 50 .
Comme quoi, le bon sens l'emporte !
Hier, en séance, comme auparavant en commission, on a sans cesse cherché à border la loi, et l'amendement qui vient d'être adopté y contribue. Quant à l'amendement n° 50 , il tend à renforcer le contrôle parlementaire de l'état d'urgence allégé en prévoyant la transmission sans délai à l'Assemblée nationale et au Sénat des mesures de portée générale prises par les préfets de département, habilités par le Premier ministre, en complément des mesures décrétées par le Gouvernement. Il est important de continuer à disposer de l'information sur les décisions prises dans différents territoires et de contrôler l'action des préfets – même si le problème ne se pose pas dans mon département, par exemple.
La note d'information hebdomadaire sur les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire, que le Premier ministre adresse au Parlement, me semble suffisamment exhaustive. En cas de besoin, tous les arrêtés préfectoraux restent accessibles dans les recueils et les actes administratifs, qui sont consultables en ligne. L'avis est défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 50 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 213
Nombre de suffrages exprimés 211
Majorité absolue 106
Pour l'adoption 103
Contre 108
L'article 1
(Vives exclamations et applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LR, Dem et UDI-I. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Ce vote perturbe forcément les collègues, et je les comprends. Hier après-midi et cette nuit, de nombreuses alertes ont été lancées de toutes parts, par des piliers de la majorité comme par des membres des oppositions. Quand on refuse de répondre – je ne vise pas M. le secrétaire d'État au banc, mais d'autres membres du Gouvernement, qui sont absents –, quand on traite la représentation nationale par le mépris ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem et UDI-I
voilà ce qui arrive ! On se retrouve dans une situation délicate qui sera juridiquement bancale et dans une impasse ; mais cela vous pendait au nez depuis plusieurs jours. Je l'ai dit hier, vous méprisez le Parlement. J'espère que cet avertissement vous conduira à changer vos pratiques : vous penserez peut-être à prévoir des clauses de revoyure et à assurer le contrôle du Parlement. Celui-ci, contrairement à ce que vous avez pu imaginer, n'est ni servile ni docile ; il représente nos concitoyens, il représente la nation dont nous sommes fiers d'être l'émanation !
Mêmes mouvements.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a voté unanimement contre l'article 1er .
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
Depuis le début, nous avions fixé des lignes rouges et indiqué clairement ce dont nous souhaitions débattre et ce que nous étions capables d'accepter. Or nous constatons que le dialogue et l'écoute ont fait défaut,…
…malgré un travail qui a commencé bien en amont de la séance publique, dès la commission des lois.
Voilà pourquoi l'ensemble du groupe a décidé de voter contre l'article 1er . Nous souhaitons discuter des points de désaccord. C'est le rôle des parlementaires que de concevoir une loi claire, intelligible et cohérente. Les Français en ont besoin !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LR et UDI-I.
Je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l'article 48, alinéa 1, qui concerne l'ordre du jour de notre assemblée.
Ce qui vient de se passer montre que lorsqu'on méprise le Parlement, même les parlementaires les plus bienveillants commencent à se rebiffer. Alors que nous débattons d'un sujet qui est tout sauf neutre car il concerne les libertés fondamentales de nos concitoyens et la lutte contre le virus de la covid-19 dans laquelle nous sommes tous mobilisés depuis plus d'un an, il est aberrant que le ministre des solidarités et de la santé ne soit pas là ce soir. Va-t-il à nouveau nous donner des leçons, comme il l'a fait une fois – nous en avons tous le souvenir –, en disant qu'il avait vu à la télévision les députés applaudir debout et qu'il se demandait si on avait vaincu l'épidémie ?
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Non, nous avions simplement fait notre travail de parlementaires ! Cette fois encore, nous avons alerté le Gouvernement, amendement après amendement, intervention après intervention. Il faut que le Gouvernement revoie sa copie et que les débats ne reprennent que lorsqu'un nouvel article 1er aura été proposé à la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Je m'exprime également sur le fondement de l'article 48, alinéa 1.
Comme mes collègues, je veux rappeler que nous avons été nombreux à vous alerter sur le risque de s'installer, comme si de rien n'était, dans le régime d'exception qu'est l'état d'urgence.
Nous avons toujours dit qu'il fallait être efficace dans la lutte contre la pandémie, mais sans mettre la démocratie entre parenthèses car ce serait le contraire de l'efficacité.
Vous avez traité toutes ces alertes avec mépris. Hier, nous avons assisté à un summum de mépris vis-à-vis de la représentation nationale : les questions, y compris bienveillantes – dont la mienne faisait partie –, sur le pass vaccinal, auquel nous n'étions pas opposés par principe mais dont les modalités nous interrogeaient, n'ont reçu aucune réponse, même pas un regard !
Ont-elles seulement été entendues ? À un moment donné, cela suffit ! Le Parlement doit reprendre ses droits. Le régime d'exception ne peut pas servir le confort d'un Gouvernement qui se moque de l'Assemblée nationale et, à travers elle, du peuple français.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC et FI.
La suspension est de droit après les rappels au règlement.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Je me réfère, moi aussi, à l'article 48, alinéa 1 du règlement.
Au-delà de la question du mépris et de l'absence de réponses depuis le début du débat,…
…y compris dans le cadre de la motion de rejet, mais aussi de la discussion générale qui offre normalement au Gouvernement l'occasion de répondre immédiatement aux questions que se posent les députés de tous les groupes, le texte présentait des lacunes. Nous avons tous, majorité et opposition, cherché à border et à préciser la loi, afin de rassurer la population qui se demande tous les jours quelle est la règle, ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire. Ces éléments manquent dans le texte, qui doit être retravaillé.
Ce vote vous rend donc en réalité service. En effet, s'il avait été adopté, le projet de loi aurait été envoyé à l'abattoir car le Conseil constitutionnel l'aurait jugé, dans sa rédaction actuelle, contraire à la Constitution.
Mon rappel au règlement se fonde sur les mêmes dispositions que celles des collègues.
Vous ne cessez de marcher sur le Parlement – je l'ai évoqué tout à l'heure à propos d'une disposition annexe du couvre-feu, qui faisait perdurer l'état d'urgence et soulevait d'autres problèmes de fond. Plus d'un an après l'arrivée de la pandémie dans notre pays, vous ne pouvez pas continuer de décider de conseil de défense en conseil de défense ni d'annoncer vos choix de conférence de presse du Président de la République en conférence de presse. C'est ici que les choses doivent se passer ! Ce vote vient vous le rappeler de manière cinglante, le rejet venant notamment des rangs d'une partie de la majorité. Je suis très heureux de ce moment politique et parlementaire. C'est maintenant que le débat peut commencer, et c'est très bien ainsi.
L'alerte vaut pour ce jour, mais aussi pour ceux à venir. Pour la bonne organisation des débats, vous allez sans doute nous faire revoter sur l'article 1er à la fin de l'examen du texte, et vous serez alors peut-être en nombre suffisant pour le faire adopter, mais il faudra tenir compte de ce vote. Vous ne pouvez pas gérer cette crise tout seuls, dans votre coin, selon vos propres désirs. D'ailleurs, le secrétaire d'État au banc a-t-il déjà assisté à un seul conseil de défense ? C'est dire la petitesse du cénacle qui décide de notre quotidien, jusque dans les moindres détails.
Je crois qu'il y a un problème de méthode. Quand on veut l'union, il faut pouvoir la construire.
M. Rémy Rebeyrotte rit.
Quand on propose quelque chose, il faut faire un pas vers ceux qui sont dans l'opposition, voire dans la majorité, pour prendre en compte ce qu'ils disent, car ce sont des représentants du peuple. On voit bien que le Gouvernement – c'était même l'esprit de 2017 – décide, l'Assemblée, devenue chambre d'enregistrement, n'ayant plus qu'à avaliser. La démocratie, ce n'est pas cela ; le Parlement, ce n'est pas cela, et il vous le rappelle aujourd'hui. Vous avez pourtant une majorité très responsable, qui vous soutient, mais il faut savoir écouter, ce que ne fait pas le Gouvernement. Les corps intermédiaires et les élus ont un rôle : ne pas les écouter ne va pas dans le bon sens.
Les rappels au règlement sont intervenus. Une suspension de nos travaux a été demandée ; elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
Je suppose que cet amendement de suppression de l'article 2 ne suscite l'étonnement ni de mes collègues, ni de M. le secrétaire d'État. La commission des lois a œuvré pour supprimer le deuxième alinéa de cet article, le Conseil d'État ayant critiqué la rédaction de l'article dans son avis sur le projet de loi.
Avec le rejet de l'article 1er , le Parlement vient de montrer qu'il avait retrouvé ses pleins pouvoirs. J'espère, chers collègues, que vous soutiendrez la suppression de l'article 2, qui serait cohérente avec le vote qui vient d'avoir lieu !
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 56 .
En commission des lois, nous avons adopté un amendement qui permettait aux déclarations localisées d'état d'urgence sanitaire effectuées entre le 2 juin et le 31 août 2021, sous réserve bien évidemment qu'elles concernent des territoires représentant moins de 10 % de la population nationale, d'instaurer le régime d'état d'urgence sanitaire pour une durée initiale non pas de deux mois, comme le souhaitait le Gouvernement, mais d'un mois, soit une durée beaucoup plus raisonnable. L'amendement n° 232 du Gouvernement, que nous allons examiner dans un instant, vise à rétablir la durée de deux mois. J'imagine qu'il sera adopté, tout comme j'imagine que nous serons appelés à nous prononcer à nouveau, en seconde délibération, sur l'article 1er ,…
…puisque le vote n'a pas été conforme au souhait du Gouvernement.
Les mesures prévues par l'article 2 sont excessives. Le Conseil d'État a d'ailleurs relevé la complexité du dispositif envisagé, qui supposerait de prévoir dans le texte les modalités d'appréciation du franchissement du seuil de 10 % de la population nationale en cas de déclarations successives de l'état d'urgence sanitaire. C'est la raison pour laquelle je demande la suppression de l'article 2.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 112 .
Nul doute que le Gouvernement soumettra l'article 1er à une seconde délibération. En attendant, son rejet a rendu le projet de loi plus que bancal. Il convient évidemment de trouver les moyens juridiques de sortir de l'état d'urgence sanitaire et d'assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Je tiens à le préciser au moment où je défends cet amendement de suppression de l'article car j'ai une idée de la petite musique que la majorité et le Gouvernement seront tentés de faire entendre, en avançant que l'opposition se préoccupe davantage de l'adoption de ses amendements que de la santé de nos compatriotes.
Ce n'est pas le cas ! Nous pensons simplement que certaines conditions doivent être remplies pour instaurer le régime d'état d'urgence sanitaire. Vous en parlerez avec les membres de votre majorité, monsieur le secrétaire d'État, mais ils ne sont toujours pas présents dans l'hémicycle. Le vide se voit parfois plus que le plein !
Cet amendement de suppression de l'article 2 illustre un point de divergence essentiel entre nous : nous considérons pour notre part que nous sommes en train de sortir de l'état d'urgence sanitaire alors que vous prévoyez à l'article 1er – nous verrons bien ce qu'il adviendra de cet article – des mesures telles que le couvre-feu et le pass sanitaire – dont l'utilisation sera soumise à des jauges de tailles variables : c'est un vrai flou artistique ! Quant à l'article 2, il ouvre la possibilité de réinstaurer ce régime d'exception dans les circonscriptions territoriales représentant moins de 10 % de la population nationale.
Selon la densité de population, les territoires concernés pourraient être très vastes, ou au contraire très concentrés. Qu'adviendrait-il, en outre, pour les territoires qui représentent plus de 10 % de la population nationale ? Dans une région telle que l'Île-de-France, certains territoires pourraient être concernés et d'autres non. À l'inverse, certaines régions devraient se réunir à trois ou quatre pour atteindre le seuil. Bref, tout cela est flou et nous ne pouvons pas adopter le texte en l'état.
Reste que nous pouvons nous réjouir que la disposition selon laquelle un état d'urgence sanitaire déclaré entre le 2 juin et le 31 août puisse durer deux mois n'ait pas été adoptée par la commission des lois. Rendez-vous compte : alors que nous entamons la sortie de l'état d'urgence sanitaire, il restera possible, dans certaines parties du pays, de décréter ce régime ! Je mets évidemment à part les territoires ultramarins, confrontés à une situation sanitaire très spécifique. La Guyane est un territoire grand comme le Portugal, qui appelle des mesures adaptées.
En tout état de cause, l'instauration de mesures d'état d'urgence sanitaire dans les territoires de l'hexagone qui représentent plus de 10 % de la population nationale pour un délai d'un mois pose de vraies questions. Il ne s'agit en rien d'un renvoi dédaigneux, mais, à ce stade, à moins de recevoir des réponses précises à nos interrogations, il nous paraît sage de proposer la suppression du dispositif.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement n° 136 .
Je m'étonne que nous puissions discuter d'un article qui se réfère à l'article 1er , lequel vient d'être rejeté.
Sans revenir sur tout ce qui vient d'être dit, je veux insister sur l'avis rendu par le Conseil d'État, qui a dénoncé le risque d'une forme d'absurdité administrative liée à des appréciations disparates sur la nécessité de l'état d'urgence sanitaire selon les territoires. C'est la raison pour laquelle, avec plusieurs de mes collègues, nous proposons de supprimer l'article 2.
La commission des lois a supprimé le II de l'article 2, à la satisfaction des auteurs de ces différents amendements. Néanmoins, je précise, au sujet du I de l'article, qui est maintenu, qu'il n'a pas pour effet de faire perdurer l'état d'urgence sanitaire, y compris de manière territorialisée.
Après le 1er juin, l'état d'urgence sanitaire pourra cependant être déclaré à tout moment par décret en Conseil des ministres si la situation sanitaire le justifiait. Cet article ne fait que rappeler, après la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, que le régime transitoire a vocation à s'appliquer là où l'état d'urgence sanitaire n'est pas en vigueur.
Pour ces différentes raisons, je demande le retrait de ces amendements de suppression de l'article ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Avis défavorable.
Après le rejet de l'article 1er , la discussion de l'article 2 soulève des difficultés. Nous demandons donc une suspension de séance jusqu'à dix-neuf heures, monsieur le président.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Elle est de droit, cher collègue. Je suggère cependant de la limiter à dix minutes. Le rejet de l'article 1er va occasionner des débats supplémentaires et jeudi est un jour férié, je vous le rappelle.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'avant la suspension, des amendements de suppression de l'article 2 ont été défendus et ont recueilli des avis défavorables de la commission et du Gouvernement.
Le présent amendement vise à rétablir les dispositions de l'article 2 permettant aux déclarations localisées d'état d'urgence sanitaire effectuées entre le 2 juin et le 31 août 2021 d'avoir une durée initiale de deux mois avant prorogation par la loi, et ce sous réserve qu'elles portent sur des territoires représentant moins de 10 % de la population nationale.
Cette disposition est indispensable pour répondre à une dégradation à la fois grave et localisée de la situation sanitaire pendant la période estivale, en tenant compte des contraintes de l'ordre du jour parlementaire. J'ajoute que ce mécanisme est précisément encadré, dès lors que seules les déclarations effectuées entre le 2 juin et le 31 août pourront en bénéficier, avec la condition supplémentaire de ne pas porter sur des territoires représentant plus de 10 % de la population nationale.
Cet amendement reprend par ailleurs les précisions suggérées par votre rapporteur en commission, afin d'expliciter l'application du dispositif à plusieurs déclarations successives si l'une d'entre elles conduit à franchir le seuil de 10 % de la population soumise au régime de l'état d'urgence sanitaire. Il intègre une autre proposition de votre rapporteur, qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport après un mois de mise en œuvre du dispositif. Ainsi précisé et encadré, celui-ci apporte, selon nous, toutes les garanties nécessaires et répond à plusieurs préoccupations que vous avez exprimées en commission.
C'est un avis favorable, sous réserve bien sûr de l'adoption de ce sous-amendement, qui vise à ce que le dispositif s'applique à compter du 10 juillet et non du 2 juin.
Je me félicite que l'amendement du Gouvernement reprenne deux éléments importants que j'avais proposés : l'information renforcée du Parlement et la clarification du mécanisme d'application du dispositif. J'estime que les critiques qui se sont légitimement exprimées en commission ont été entendues et que l'Assemblée peut adopter cet amendement ainsi sous-amendé. Ce nouveau délai couvre les périodes pendant lesquelles le Parlement est en mesure de se réunir sans difficulté ; il est en outre cohérent par rapport à l'amendement adopté en commission qui permet de maintenir le couvre-feu jusqu'au 30 juin.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour soutenir le sous-amendement n° 234 .
Ce sous-amendement identique, élaboré avec le rapporteur, a été déposé au nom du groupe La République en marche.
Ces deux sous-amendements partagent l'objectif de l'amendement du Gouvernement de réduire la période pendant laquelle les déclarations localisées d'état d'urgence sanitaire auront une durée initiale de validité de deux mois avant prorogation par la loi. La période prévue par le texte initial que l'amendement du Gouvernement rétablit court du 2 juin au 31 août. Si l'introduction en commission d'une faculté encadrée de maintenir un dispositif de couvre-feu est susceptible d'atténuer le besoin de déclarer l'état d'urgence sanitaire d'ici la fin du mois de juin, cette considération ne sera plus valable à compter du 1er juillet. Dans l'hypothèse d'une déclaration localisée d'état d'urgence sanitaire au début du mois de juillet, l'adoption de ce sous-amendement conduirait à devoir réunir à nouveau le Parlement avant le tout début du mois d'août pour proroger cet état d'urgence. C'est pourquoi le Gouvernement considère qu'une solution intermédiaire aurait pu être de privilégier la date du 1er juillet. Par conséquent, nous nous en remettons à la sagesse de votre assemblée sur ces deux sous-amendements.
Je voudrais bien comprendre votre amendement, monsieur le secrétaire d'État. Si par exemple le Gouvernement déclare l'état d'urgence dans le Grand Est – le Grand Est, c'est 5,5 millions de personnes, donc moins de 10 % de la population nationale –, son décret sera valable pendant deux mois maximum, si j'ai bien compris. Imaginons qu'au bout de six semaines, vous preniez un deuxième décret pour étendre l'état d'urgence aux Hauts-de-France, soit à peu près 9 % à 10 % de la population nationale. Est-ce à dire que l'état d'urgence prendrait fin dans le Grand Est avant les quinze jours qui restent ou bien, puisque vous l'aurez étendu par un deuxième décret à un territoire dont la population est inférieure à 10 % de la population nationale, repasse-t-on à deux mois ?
Ne vous énervez pas, mesdames et messieurs les députés, d'autant que cette question a fait l'objet de débats en commission auxquels vous avez dû assister, j'imagine.
L'application de la disposition à ce cas de figure a été précisée à la demande de la commission, monsieur le député : dans votre exemple, la première région, le Grand Est, restera soumise au régime d'état d'urgence pendant deux mois ; la seconde, les Hauts-de-France dans votre exemple, le sera en revanche pendant un mois.
Nonobstant ces aménagements du délai d'application, il n'en reste pas moins que la commission avait rejeté l'amendement du Gouvernement pour une question de principe. En effet, cet amendement vise à introduire dans un texte qui n'est pas un texte de déploiement de l'état d'urgence une mesure qui relève strictement de l'état d'urgence sanitaire. On en revient toujours au même sujet qui est tout sauf anecdotique puisqu'il a amené une partie de la majorité à rejoindre l'opposition pour rejeter l'article 1er .
Il nous faut de la clarté : soit on est dans l'état d'urgence sanitaire et on le dit à nos concitoyens, soit on n'y est pas et on ne réintroduit pas par la fenêtre des mesures qui en relèvent totalement. Nous réitérons donc notre opposition de principe à cet amendement gouvernemental.
Je demande une suspension de séance pour appréhender cette nouvelle situation politique et analyser l'impact qu'aurait l'adoption de cet amendement alors que l'article 1er a été rejeté.
La suspension est de droit, mais nous venons d'en faire une, mon cher collègue. Celle-ci sera donc courte.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.
L'amendement du Gouvernement vise à annuler sa défaite en commission la semaine dernière sur la question du délai. Pourtant, le manque de clarté qui était reproché au texte initial ne me semble pas comblé.
Il n'est pas dans notre intention de récuser la possibilité de prendre des mesures telles que celles envisagées dans l'amendement. Je pense aux territoires insulaires ou ultramarins même s'il ne s'agit évidemment pas de stigmatiser ces derniers. Compte tenu de la situation qu'ont connue Mayotte et la Guyane, il faut se doter de moyens d'agir.
S'agissant de la Guyane, la difficulté tient non pas à l'insularité mais à sa frontière terrestre avec le Brésil qui, longue de 600 kilomètres, est l'une des plus étendues de notre pays.
En ce qui concerne le délai de deux mois, je m'y perds un peu, à l'instar de M. Brindeau et d'autres. Vous prétendez qu'il est ramené à un mois, mais dans la rédaction de l'amendement comme dans son exposé sommaire, les deux mois sont maintenus, au moins pour une partie du territoire.
Vous faites un pas en avant, un pas en arrière. Résultat : le délai reste de deux mois, avec un rapport remis au Parlement au bout d'un mois – la belle affaire ! Notre contrôle sera nul. Cela ne répond pas à nos attentes.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l'adoption 178
Contre 57
L'amendement n° 232 , sous-amendé, est adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement n° 14 tendant à la suppression de l'article.
Puisqu'il n'y a aucune raison de maintenir l'état d'urgence sanitaire au-delà du 1er juin, l'amendement vise à supprimer l'article 3 ayant pour objet d'adapter les mesures de l'état d'urgence aux territoires d'outre-mer.
L'amendement n° 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
J'espère que nous consacrerons un peu de temps à l'article 4 car il porte atteinte de manière extrême aux droits des personnes, d'autant que le Gouvernement maintient le flou sur ses exigences.
L'article permet aux forces de l'ordre et aux représentants de l'État, à savoir les préfets, de maintenir enfermées des personnes sous prétexte que le lieu qu'elles ont choisi pour leur quarantaine ne satisferait pas à certaines conditions, lesquelles n'ont jamais été définies ni discutées. Ces personnes seraient contraintes d'effectuer leur quarantaine dans des lieux d'isolement dont la nature n'a été ni discutée ni définie.
Pour garantir les droits des personnes, il convient de rejeter l'article 4. Je le rappelle, la possibilité de retenir des personnes contre leur volonté dans un intérêt sanitaire est réservée à la psychiatrie. Elle est de surcroît très strictement encadrée et donne lieu à l'intervention d'un juge qui s'assure du respect des droits des personnes. Ici, il n'est nullement fait mention d'un quelconque contrôle de la privation de liberté.
J'espère que mes collègues comprendront que l'article attente aux droits humains.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement n° 137 .
Il est absurde de proposer un tel article dans lequel le lieu imposé pour la quarantaine ne sera pas contrôlé alors qu'il sera isolé pour éviter la propagation du virus. C'est la raison pour laquelle je propose sa suppression.
L'article pose plusieurs problèmes. Il est d'abord difficile de percevoir ce qu'il recouvre. Dans quel endroit logerez-vous une personne malade dont vous rejetez le choix de son lieu de quarantaine ? Comment vérifierez-vous cette dernière ?
Ce qui est particulièrement choquant, c'est que vous restreignez la liberté des personnes en les assignant à un endroit comme si une décision de justice l'avait ordonné. Vous songez aussi à les équiper d'un bracelet ? J'aimerais obtenir des explications complémentaires car je ne comprends pas le fonctionnement du dispositif. En outre, je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait accepter une telle attaque contre les libertés, mais peut-être que je me trompe.
L'article 4 vise d'abord à uniformiser le régime juridique de la quarantaine et de l'isolement, qui ne s'appliquait auparavant qu'outre-mer.
Il s'inscrit ensuite dans la stratégie de renforcement nécessaire des mesures de quarantaine et d'isolement, déployée par le Gouvernement depuis le 24 avril dernier afin de faire face à la propagation de nouveaux variants, notamment brésiliens et indiens.
Les voyageurs en provenance du Brésil, d'Argentine, du Chili, d'Afrique du Sud, d'Inde et de Guyane font l'objet d'un arrêté préfectoral de mise en quarantaine stricte pendant dix jours à leur arrivée sur le territoire national ou métropolitain. Depuis samedi, le dispositif concerne sept pays supplémentaires. Son contrôle a été renforcé par l'augmentation du montant des amendes – 1 000 euros pour l'amende forfaitaire et 1 300 euros pour l'amende forfaitaire majorée – prononcées en cas de non-respect de la mesure.
Afin d'assurer la conciliation de cette mesure avec les droits et libertés fondamentaux, les raisons pour lesquelles le représentant de l'État pourra s'opposer au choix du lieu d'isolement et en déterminer un nouveau ont été précisées. Cette décision pourra ainsi être prise si le lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l'effectivité de la mesure de placement en quarantaine ou en isolement. Elle permettra également d'en contrôler l'application. Sur ce fondement, le Conseil d'État a estimé que la disposition n'instaurait pas de rapport contraire à la Constitution entre les droits et libertés d'une part, et l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé d'autre part.
Mon avis est donc défavorable aux amendements.
Même avis.
Nous parlons tout de même de la privation de liberté pendant une certaine durée de ressortissants de notre pays placés dans des lieux d'isolement. C'est du jamais vu !
Depuis quand enferme-t-on les gens sous prétexte de les protéger – s'ils sont malades, il vaudrait mieux les soigner ? Quels sont les arguments qui justifient une telle aberration ?
Si la mesure vise des personnes venues de l'étranger, la rédaction de l'article ne le précise absolument pas. Le risque de dérive est réel, d'autant que le dispositif échappe au contrôle du juge des libertés et de la détention. Je dénonce cette mesure totalement liberticide et terriblement inquiétante.
Je ne comprends pas votre argumentation, monsieur le rapporteur. Vous affirmez que la privation de liberté et l'assignation à résidence sont nécessaires pour certaines catégories de personnes venant de l'étranger, notamment dans certains territoires d'outre-mer. Nous pouvons le comprendre, mais le texte ne l'indique pas.
Pourquoi généraliser la privation de liberté alors que vous prétendez la circonscrire à des catégories spécifiques ? Pourquoi ne pas apporter cette précision ? Pourquoi faire autant peur à l'opinion publique avec ce texte privatif de liberté ?
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente .
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra