La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle, s'arrêtant à l'amendement no 2397 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 2397 .
La Constitution est une norme organisant les processus de prise de décision. Hélas, la majorité de celles et ceux à qui les décisions s'appliquent n'ont pas voix au chapitre. Cet amendement nous a été proposé par l'association Les Lucioles du Doc, qui a travaillé ces derniers mois à un projet de nouvelle rédaction de la Constitution, intitulé « Nous le peuple ! », avec trois groupes de citoyens : des élèves de Sarcelles, des détenus de Fleury-Mérogis et des membres de l'association Femmes solidaires à Villeneuve-Saint-Georges.
De ce travail ont découlé des propositions pour renforcer la démocratie dans les quartiers populaires et le milieu scolaire. Cet amendement s'en inspire. La Constitution pourrait se concentrer sur ce qui forme et nourrit l'esprit critique des citoyennes et des citoyens : l'école. Mettre la question démocratique au centre des règles fondamentales régissant l'organisation publique et collective de l'éducation, cela fait partie de notre histoire constitutionnelle. Les aventures républicaines se sont toujours attachées à l'école dans les premières politiques mises en place.
Cet amendement vise à mettre de la démocratie là où les gens se trouvent obligatoirement en France à un moment de leur vie, si ces personnes sont arrivées avant 16 ans. Cela permettrait de garantir constitutionnellement que la démocratie n'est pas réservée aux personnes que la loi déclare adultes tous les cinq ans, et entre-temps à un petit groupe de personnes réunies dans un hémicycle et discutant très sérieusement de règles qui ne les concernent pas toutes et tous. Cela permettrait de repenser l'école à cette aune et de faire de la formation des citoyennes et des citoyens une mission première, surtout quand cette demande émane des personnes concernées.
En l'espèce, il s'agit d'établir, dans les lieux scolaires, des lieux de débat et d'apprentissage de la citoyenneté.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, présidente et rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La commission a rendu un avis défavorable, mais je tiens à saluer l'action de cette association qui regroupe des citoyens intéressés par nos institutions. Notre rôle, en tant que députés, est de faire oeuvre de pédagogie, de mener des actions citoyennes, dans les domaines législatif et politique. En revanche, je ne pense pas que les phrases que vous envisagez d'inscrire soient de nature constitutionnelle. Il demeure que les établissements scolaires sont des lieux de débat et d'apprentissage de la citoyenneté.
Avis défavorable mais pour des raisons de forme plus que de fond.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
De nombreuses dispositions de nature législative et réglementaire du code de l'éducation permettent aux élèves scolarisés dans les établissements publics locaux d'enseignement de participer à différentes instances et commissions consultatives départementales, locales et nationales. Je pense aux conseils d'administration de l'établissement, aux conseils de classe, aux conseils de la vie lycéenne, mais aussi aux instances au niveau de la vie académique.
Je partage votre souci de respecter des sphères de démocratie à tous les niveaux où l'on peut les installer, mais je vous assure que nous ne nous situons pas, en l'espèce, au niveau constitutionnel. Sinon, nous pourrions intégrer dans la Constitution l'ensemble de notre corpus législatif, tout rehausser au niveau constitutionnel. Il me semble préférable de distinguer ce qui relève du principe fondamental de ce qui relève d'une modalité d'application de ces principes, fussent-ils démocratiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il s'agit non pas, bien entendu, de tout inscrire dans la Constitution, mais d'affirmer un principe qui dépasse le cadre scolaire, en ce qu'il renvoie à la citoyenneté même. La citoyenneté et la manière dont on l'envisage sont, à notre avis, de niveau constitutionnel, car ils ancrent une manière d'être partie prenante de la communauté nationale, de construire le bien commun de la République.
Il apparaît aux personnes concernées – les élèves et les étudiants – que ce principe est de rang constitutionnel car l'apprentissage du débat forme des citoyens éclairés, donne des armes pour s'approprier les droits.
Vous n'en êtes peut-être pas convaincus, mais nous le sommes, tout comme les personnes concernées. Discuter de la valeur constitutionnelle des principes que nous comptons inscrire dans la Constitution fait partie du débat auquel nous sommes invités aujourd'hui et dans les prochains jours. Nous maintenons cet amendement car le fait d'être acteur de la citoyenneté dès le plus jeune âge, dans la communauté scolaire, permet de former les futurs défenseurs des garanties inscrites dans la Constitution.
Je partage l'avis de Mme la garde des sceaux : la citoyenneté fait pleinement partie du préambule de la Constitution à travers la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous devons nous en tenir à ces grands principes, pour ne pas dénaturer la Constitution.
L'amendement no 2397 n'est pas adopté.
Chers collègues de toutes les sensibilités, ce n'est pas par coquetterie intellectuelle ou pour répondre aux sirènes de la communication que j'ai souhaité inscrire dans le préambule de la Constitution ces mots d'Albert Camus : « La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité ».
Au sein d'un État démocratique, la Constitution est la règle qu'un peuple se donne à lui-même. Elle définit à la fois le fonctionnement des institutions et les droits garantis aux individus. Ces dix dernières années, la France a connu une crise économique, une crise politique et une crise démocratique.
Introduire dans le préambule de la Constitution ces mots d'Albert Camus, c'est sortir de la matière froide d'un texte pour aller écouter les individus, c'est trouver une articulation entre justice sociale et liberté, c'est entrer dans la dialectique du jacobinisme nécessaire et du girondisme pragmatique, dans lequel on ne se retrouve pas jusqu'à présent.
Si rien n'aboutit jamais sans impliquer le peuple, avec ces mots d'Albert Camus, on pourrait ajouter que rien n'aboutit sans impliquer le peuple dans sa diversité.
Mes chers collègues, parce que la Constitution est aussi l'expression d'une philosophie politique, Albert Camus, ce combattant du pacifisme, cet angoissé des populismes, a toute sa place ici. Ce serait un trait d'union merveilleux entre l'esprit des Lumières, qui nous est très cher, et les temps présents.
S'il est un héritage dont notre pays peut être fier, c'est bien celui-ci. Par ailleurs, ce serait aussi choisir entre une « constitution Twitter » et une autre, plus inspirée de la Pléiade.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir le sous-amendement no 2514 .
Nous souhaitons, en effet, nous associer à cet amendement. La démocratie, c'est vrai, est la loi de la majorité et la protection de la minorité. C'est aussi, voudrions-nous ajouter, le respect de la diversité des opinions.
Dans une démocratie, l'opinion majoritaire s'impose mais il existe rarement des vérités absolues. Souvent, les choses sont relatives et peuvent évoluer avec le temps. Il n'y a pas – ou peu – de vérités définitives.
Prendre en compte l'expression des minorités, dans le débat et la représentation politique, serait essentiel. La proposition de M. Nadot, complétée par la nôtre, a toute sa place dans la Constitution. C'est un beau sujet de fond dont nous débattons. Cette inscription représente une affirmation utile face à la montée des périls et des régimes privatifs de liberté dans le monde.
Nous avons tous, ici, le souci de respecter les oppositions et les minorités mais la Constitution comporte déjà des dispositions qui remplissent cette fonction. Il n'est nul besoin d'en appeler à Albert Camus.
Nous avons à coeur, dans notre Constitution, de conférer un certain droit aux minorités politiques, aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires, même si ces droits ne semblent pas suffisants à certains groupes.
Au sein des assemblées, certaines présidences de commission sont attribuées à l'opposition. Celle-ci dispose aussi de droits de tirage et elle est associée à chacune de nos missions d'information, qui sont toutes dotées d'un binôme composé d'un représentant d'un groupe de la majorité et d'un représentant d'un groupe d'opposition. Il importe à tous, en particulier à la majorité, de faire vivre ces droits. Nul besoin, à notre sens, d'inscrire cette phrase dans la Constitution. Avis défavorable – même si, je le répète, ces droits nous paraissent essentiels.
Monsieur Nadot, de Camus, je préfère cette phrase de Noces : « À certaines heures, la campagne est noire de soleil ». Toutefois, celle que vous citez mérite elle aussi attention.
Je pourrais répondre en citant Tocqueville, qui évoquait le « despotisme de la majorité ». Or l'objet de nos constitutions est précisément, je crois, de prévenir ce despotisme ou les risques de majorité écrasante et de violence démocratique. Il me semble que ce qu'a dit Mme la rapporteure répond à votre observation : dans nos constitutions, y compris dans celle de 1958, fleurissent diverses dispositions qui tendent, d'une part, à faire respecter le pluralisme, d'autre part, à répondre aux droits des minorités et des groupes minoritaires. Je crois que l'on trouve là l'équilibre nécessaire à la vie démocratique. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur le sous-amendement et sur l'amendement.
Cet ajout porterait, non pas sur les aspects organisationnels des institutions et du Parlement, où la minorité dispose en effet, de temps à autre, de quelques droits – encore que ce soit discutable – , mais sur le statut des minorités au sein de la société française. En tant que représentant de la nation, je persiste à dire qu'il y a actuellement de très nombreuses situations dans lesquelles les minorités ne trouvent pas de possibilité d'expression ni de chemin tracé au sein du collectif que constitue notre société. Je maintiens que mon amendement les renforcerait en intégrant dans la Constitution comme une invitation à la tolérance dans un moment où l'on en manque cruellement.
Le sous-amendement no 2514 n'est pas adopté.
L'amendement no 2419 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2102 .
Il s'agit du premier d'une série d'amendements visant à moderniser ou à enrichir la Charte de l'environnement. Je sais que ce n'est pas la voie qui a été choisie par la majorité, mais j'estime nécessaire d'avoir ce débat ce soir.
Pour ce qui est de l'amendement no 2102 , nous avons déjà largement débattu de la question. Il s'agit d'affirmer la dimension européenne de la République française en inscrivant, avec volontarisme, la notion de « composante des peuples de l'Europe » dans le texte de la Charte. La construction européenne est certes mentionnée à l'article 88-1, mais cela nous semble insuffisant. Au XXIe siècle, au moment où des États de très grande puissance émergent, si l'on veut obtenir des résultats significatifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique – on l'a vu avec l'accord de Paris – , il faut que nos positions soient défendues au niveau européen, et non plus au seul niveau national.
Monsieur Colombani, vous proposez de rouvrir la Charte de l'environnement pour y inscrire la notion de « composante des peuples de l'Europe ». Je ne suis pas convaincue que ce soit le moyen adéquat pour inscrire cette notion dans la Constitution.
D'autres amendements vont suivre visent eux aussi à rouvrir la Charte de l'environnement. La commission vous répondra sur ce point ultérieurement.
Quant à la notion de « composante des peuples de l'Europe », nous avons déjà eu ce débat dans l'hémicycle. L'avis de la commission est toujours défavorable.
Même avis, pour les raisons que vient d'énoncer Mme la rapporteure.
D'abord, je ne crois pas utile de rouvrir la Charte de l'environnement, de même que je ne crois pas utile de retoucher la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ou le préambule de la Constitution de 1946.
Ces textes sont porteurs de valeurs qui nous ont forgés et qui ont forgé, pendant des siècles, l'identité de notre pays, de notre démocratie, de notre République. La Charte de l'environnement a été rédigée, puis promulguée en 2004. Elle est inscrite dans son temps. Si nous devions la retoucher, ce serait à chaque article qu'il faudrait ajouter, retrancher ou reformuler quelque chose. Je ne crois pas que ce travail soit pertinent. Si nous voulons aller dans ce sens, autant réécrire quelque chose de différent, mais il ne faut pas retoucher la Charte elle-même. C'est en tout cas mon point de vue – et je crois que c'est aussi celui du Gouvernement.
Sourires.
Quant à la question de fond, j'y ai déjà répondu lorsqu'il nous a été proposé d'intégrer la notion de « composante des peuples de l'Europe » dans le préambule de la Constitution.
L'amendement no 2102 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2103 .
Je continue, car il me semble que c'est le lieu et le moment pour avoir ce débat. C'est un choix de la majorité que de ne rien modifier ; je pense quant à moi que nous avions tout le temps d'examiner la Charte dans le détail et de la moderniser. Je comprends très bien que la Déclaration de 1789 soit gravée dans le marbre, mais la Charte ne date que de quelques années. Il faudrait à mon sens pouvoir la modifier et la réécrire si nous le jugions nécessaire.
En l'occurrence, je propose d'y introduire des notions qui n'étaient pas encore prises en compte à l'époque, ou qui ne l'étaient pas assez. L'amendement no 2103 vise ainsi à ce que la Charte de l'environnement considère la catégorie du vivant animal dans son ensemble, sans se limiter à l'anthropocentrisme du texte d'origine. L'action environnementale ne peut en effet faire l'économie de la préservation de la diversité des espèces animales, dont la survie est indissociable de l'avenir de l'espèce humaine. Si le texte actuel de la Charte parle déjà de milieu naturel, il n'est pas concevable, eu égard aux enjeux actuels, que les autres espèces animales soient assimilées à un simple mobilier inerte faisant partie du milieu naturel.
La parole est à M. Marc Fesneau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement est l'occasion de préciser la position des rapporteurs et de la commission sur l'ensemble des amendements visant à modifier la Charte de l'environnement.
Il nous semble d'abord dangereux de mettre le doigt dans l'engrenage de la modification des déclarations et chartes intégrées au bloc de constitutionnalité : c'est une question de cohérence. Certes, la situation de la Charte de l'environnement n'est pas tout à fait comparable à celle de la Déclaration de 1789 ou du préambule de la Constitution de 1946, que l'on n'imaginerait pas toucher, mais en rouvrant la discussion sur elle, ne risque-t-on pas de susciter des propositions de modification, voire de retour en arrière s'agissant des grands principes énoncés dans le texte initial ? Nous examinerons dans quelques instants des amendements visant à aller dans ce sens. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Sur le fond, la Charte est rédigée dans des termes suffisamment généraux pour qu'elle couvre la plupart des ajouts que vous proposez. Les principes, droits et devoirs qu'elle pose sont à notre sens suffisamment directs et clairs. Quant aux considérants de la Charte, leur caractère déclaratoire ne justifie pas d'en préciser les termes ou d'en compléter les affirmations.
Je le répète : nous proposerons ultérieurement d'inscrire l'action pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique ainsi que la lutte contre les changements climatiques à l'article 1er de notre Constitution. Cela nous semble de meilleure méthode et cela donnera une force juridique et une portée symbolique bien supérieures à ce qu'apporteraient d'éventuelles modifications de la Charte de l'environnement. En l'espèce, l'ajout que vous proposez n'apporterait pas, à notre sens, de plus-value significative.
Avis défavorable.
Avis défavorable, pour la raison indiquée précédemment, à savoir le souhait de ne pas toucher à la Charte de 2004. En l'occurrence, si vous souhaitez, en remplaçant les mots « l'humanité » par les mots « les espèces », faire référence à l'évolution de la définition de l'animal, je ne suis pas certaine que ce soit du niveau constitutionnel.
L'amendement no 2103 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2104 .
Nous continuons donc. Ces amendements, ce sont des juristes qui nous les ont proposés, car ils estiment que dans les années à venir, ils risquent de se trouver dépourvus d'outils juridiques pour faire face à certaines situations.
L'amendement no 2104 vise à affirmer que l'environnement est le patrimoine non pas des seuls humains, mais aussi des autres espèces, qui ont le droit légitime de vivre dans leur milieu naturel. Au moment où l'on assiste à l'extinction de certaines espèces, il convient de souligner que ce n'est pas l'environnement qui doit être au service de l'homme, c'est l'homme qui n'est qu'une composante de l'environnement. Dessinons à travers notre constitution un nouveau pacte social, qui, comme le propose Michel Serres, serait non pas un contrat des hommes hors de la nature ou contre la nature, mais un contrat des hommes avec la nature, à égalité avec toutes ses composantes.
Avis défavorable. L'alinéa que vous proposez de modifier pose un principe qui est reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle. Je crains que si nous en modifions la rédaction, cela brouille le message, notamment la valeur juridique qui y est attachée.
L'amendement no 2104 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2105 .
Nous continuons, bien que le débat que nous allons soulever maintenant ait déjà eu lieu.
Cet amendement vise, dans le respect de la promotion de l'égalité des femmes et des hommes, à supprimer la distinction de genre induite par le mot « homme ». Si je comprends parfaitement que cette notion soit difficile à mettre en cause dans la Déclaration de 1789, je pense que nous pourrions la modifier dans la Charte de l'environnement, quelques années seulement après sa rédaction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Sur la forme, je vous dirai la même chose que précédemment.
Pour ce qui est du fond, si nous comprenons parfaitement votre intention – que nous partageons – de combattre partout où ils se trouvent les stéréotypes sexistes ou les marques révélatrices d'une conception datée de la société, il ne nous semble pas que ce soit le cas dans la rédaction que vous souhaitez modifier : à travers le mot « homme », c'est bien l'espèce humaine qui est visée. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Vos propositions nous semblent extrêmement intéressantes et importantes sur le fond. C'est pourquoi, comme l'a dit M. Fesneau, à la question des espèces nous répondrons, si vous en décidez ainsi, par l'inscription de la notion de diversité biologique à l'article 1er de la Constitution et, s'agissant de la question soulevée à travers le présent amendement, nous vous proposerons de reformuler dans le préambule l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe – ce qui, d'une certaine manière, permettra de répondre à votre attente.
L'amendement no 2105 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2106 .
Cet amendement tend à remplacer, dans la Charte de l'environnement, le mot « influence » par le mot « emprise ». Il s'agit de tenir compte du passage à l'anthropocène et de rappeler que l'influence parfois dangereuse de l'humanité sur l'environnement s'apparente souvent à une véritable prédation, préjudiciable à la sauvegarde des autres espèces animales ainsi qu'à la préservation des écosystèmes et des équilibres climatiques.
Quand on répand des néonicotinoïdes, alors que l'on connaît aujourd'hui la nocivité de ces produits, on ne peut plus parler d'« influence » : il s'agit bien d'« emprise ». Il en va de même pour la présence de plastique en Méditerranée.
Très sincèrement, il nous semble que, s'agissant des effets de l'action de l'homme « sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution », le terme d'« influence » est le bon : dans la langue française, la notion d'« emprise » renvoie uniquement à un ascendant intellectuel ou moral ; elle est donc inappropriée et inefficiente ici.
Avis défavorable.
L'amendement no 2106 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2107 .
Ce dernier amendement de la série vise à inscrire la défense de la cause animale dans la Charte de l'environnement, toujours afin de réduire l'anthropocentrisme de ce texte fondamental, dans la perspective d'enjeux futurs face auxquels son effectivité juridique pourrait permettre d'obtenir des avancées en droit positif.
La société a du mal à comprendre que les questions de maltraitance animale dans les abattoirs ou d'élevage des poules en cage ne puissent être résolues par le législateur. On l'a vu il y a quelques semaines à propos du projet de loi relatif à l'agriculture et à l'alimentation. Ces préoccupations sont fondamentales dans notre société ; nos électeurs nous en font régulièrement part.
La question du bien-être animal, qui n'a pas seulement trait à des problématiques environnementales, doit être traitée par le législateur, non au niveau constitutionnel.
Avis défavorable.
Justement, le législateur a traité cette question : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité » et peuvent bénéficier de « lois qui les protègent », selon l'article 515-14 du code civil.
Avis défavorable.
Je comprends la logique de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur, mais je suis quand même gêné. Les enjeux de ces amendements – le respect de la vie animale, de la nature, les rapports entre humanité et nature – sont des sujets prégnants, …
Tellement prégnants qu'on les inscrit à l'article 1er de la Constitution !
… des sujets d'avenir, que l'on ne pourra pas éviter. Leur inscription dans la Constitution est une autre affaire ; je le comprends. Mais le problème, lui, existe ; je voulais simplement le dire.
L'amendement no 2107 n'est pas adopté.
Cet amendement porte sur la Charte de l'environnement. J'ai cru comprendre qu'il était difficile d'y toucher, mais nous allons essayer tout de même, eu égard aux enjeux.
Il s'agit d'inscrire une référence au climat au cinquième considérant introductif de la Charte de l'environnement, de sorte que celui-ci se lise comme suit : « Que la diversité biologique, le climat, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ».
Vous remarquerez que l'amendement met en relief l'interaction entre le climat et la diversité biologique, deux questions étroitement liées. Il souligne également le lien entre écologie et économie en rappelant que nos modes de consommation et de production ne sont pas toujours durables.
Dix jours à peine après un Facebook Live lors duquel notre Premier ministre et Nicolas Hulot, ministre d'État, ont annoncé les enjeux à venir en la matière – ressources, effondrement de la biodiversité, dérapage voire affolement du climat – , nous ne pouvons pas nous permettre d'être timorés.
Madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs, soutenez mon amendement : nous devons – pardonnez-moi l'expression – mettre ceinture et bretelles quand il y va de l'engagement constitutionnel de la France en matière climatique, environnementale et de biodiversité, tel qu'il figure dans la Charte de l'environnement. Il y a urgence !
La parole est à M. Christophe Arend, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement no 1330 .
Au moment où cet amendement a été rédigé, le climat et la lutte contre les changements climatiques ne figuraient nulle part dans le texte constitutionnel : ni dans le bloc de constitutionnalité ni dans la Constitution à proprement parler. La commission du développement durable a alors jugé opportun d'intégrer leur mention dans la Charte de l'environnement, bien que la grande majorité des constitutionnalistes nous ait dit, lors des nombreuses auditions que nous avons conduites, que ce texte devait être considéré, au même titre que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et que le préambule de la Constitution de 1946, comme une entité achevée à laquelle il ne convenait pas de toucher.
Dès lors, je présente cet amendement au nom de la commission du développement durable, mais en étant tout à fait conscient des risques qu'il pourrait entraîner dans la suite de la discussion.
Je veux d'abord dire à M. Castellani que nous avons tous conscience du caractère prégnant des sujets en discussion et de la nécessité de progresser dans ce domaine.
Je rappelle que, dans le texte initial, les questions du climat et de la biodiversité étaient traitées à l'article 34 de la Constitution. C'est sur ce fondement que nous avons abordé l'examen du texte.
M. Lambert nous a invités à faire preuve d'audace ; je crois, sans vouloir trop m'avancer, que nous avons été très audacieux en décidant, après les travaux préparatoires et les auditions – je parle sous le regard de notre présidente de commission et rapporteure – , d'intégrer les questions du climat, de la biodiversité, des changements climatiques et de l'environnement à l'article 1er, ce qui n'est pas rien au sein du bloc de constitutionnalité.
Monsieur Lambert, nous nous sommes aussi dit, me semble-t-il, que la Constitution ne devait pas être trop bavarde ni redondante. Quand on a déjà une ceinture, on n'a pas besoin de bretelles.
Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je remercie M. Arend et la commission du développement durable de leur travail, même si chaque démarche a eu sa temporalité propre.
Comme vient de le dire M. Fesneau, les amendements seront satisfaits par la modification de l'article 1er de la Constitution. L'amendement proposé devrait suffire à apporter une réponse sans équivoque aux questions qui ont été soulevées.
Avis défavorable.
La parole est à M. François-Michel Lambert – pour retirer son amendement, peut-être ?
Je maintiens mon amendement : je le répète, il faut des bretelles en plus de la ceinture. Vu ce que disent le Premier ministre et le ministre d'État, mais surtout 15 000 scientifiques et les contributions que nous recevons chaque semaine de scientifiques du monde entier, à propos de notre situation et de la trajectoire que nous suivons, vu l'engagement du président Macron – make our planet great again –, que je soutiens, que nous soutenons tous, …
Exclamations sur les bancs des groupes UDI-Agir et Les Républicains.
Mais enfin, quels sont les enjeux, messieurs ? Il s'agit de savoir si nos petits-enfants auront un avenir !
Mettons donc ceinture et bretelles. Je crois savoir, monsieur Fesneau, que lors des nombreuses auditions – quatorze, je crois – conduites par M. Arend, qui a fait un boulot extraordinaire en quelques jours, il a surtout été dit que nous devions travailler sur la Charte de l'environnement pour y faire davantage de place à la question du climat.
Nos collègues de la commission du développement durable ont raison. S'il faut parler du climat et du changement climatique et fixer quelques grands principes à ce sujet, c'est bien ici, dans la Charte de l'environnement, qu'il convient de le faire, plutôt qu'à l'article 1er et, surtout, à l'article 34, qui sert depuis 1958 de clé de répartition.
Bien sûr, je ne veux toucher que d'une main tremblante les textes antérieurs, celui de 2004 comme celui de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais la Charte de l'environnement visait bien à protéger l'environnement et la biodiversité, et ce n'est que parce qu'il a été oublié que le mot « climat » n'y figure pas ; l'esprit, en revanche, est bien celui-là.
J'apporte donc tout mon soutien aux amendements en discussion, bien que l'on ait pu suggérer à leurs auteurs de les retirer. La Charte de l'environnement est le seul endroit où ces mentions ont leur raison d'être.
J'ai cosigné l'amendement de mon collègue François-Michel Lambert.
Il n'y a pas de plan B. Il n'existe pas de planète bis. Or, après la mobilisation internationale suscitée par la COP21, autour de la France qui l'a organisée et de l'accord que nous avons réussi à y obtenir, certains États se retirent de celui-ci, et notre planète court un vrai risque ; comme l'a dit mon collègue, il y va de l'avenir de nos enfants.
L'oubli du mot « climat » peut être facilement réparé. Je salue la commission du développement durable qui nous rejoint sur ce point. Votons en conscience. Il suffit d'ajouter un mot.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, qui va pouvoir nous dire s'il maintient son amendement.
Au moment où la commission du développement durable a travaillé sur le sujet, la temporalité n'était pas la même, comme l'a rappelé Mme la garde des sceaux. Nous avons commencé par ces questions et nous avons entamé des négociations. Le Gouvernement va nous proposer une formulation très ambitieuse pour l'article 1er de la Constitution ; ne soyons pas redondants. Qui peut le plus peut le moins. Ce n'est pas en répétant un mot en plusieurs endroits du texte constitutionnel qu'on lui donne davantage de valeur.
Madame la garde des sceaux, avec tout le respect que je vous dois, j'estime que la comparaison entre la Charte de 2004 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et celui de la Constitution de 1958 ne tient pas.
La Charte fait partie du bloc de constitutionnalité !
En effet ; mais elle n'a pas la même valeur symbolique et historique que les autres textes.
Quant au fond, la Charte de 2004 a représenté une avancée réelle dans la prise de conscience collective des problèmes environnementaux, mais à partir des connaissances disponibles au moment où elle a été élaborée. Les formulations, le choix du vocabulaire employé la rendent aujourd'hui en grande partie inopérante. En particulier, ils ne prennent pas en considération la question du réchauffement climatique, qui est au coeur de nos priorités.
Il est donc nécessaire de l'actualiser. Elle n'est pas intouchable ; au contraire, elle est destinée à tenir compte des problèmes qui se posent à la société d'aujourd'hui.
J'ai cru entendre dans le discours présidentiel une invitation à s'adapter en permanence aux problèmes de notre temps. Tel est bien le sens des amendements en discussion. Voilà pourquoi nous allons les voter sans sourciller.
Je voudrais dénoncer le dialogue de sourds qui se noue sur tous les amendements dont nous venons de discuter. J'en ai parlé tout à l'heure à propos du préambule. Allez-vous accepter au moins un amendement au préambule ? Un amendement à la Charte ? En réalité, la réponse est non, …
… au nom du principe selon lequel on ne touche pas à ce bloc.
De deux choses l'une : soit on n'y touche pas, auquel cas on devrait arrêter de nous faire travailler pour rien, soit vous nous permettez d'y toucher et, là, nous débattrons quant au fond.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Ce qui me dérange, c'est que sur ces sujets, vous le savez, mes chers collègues, ce n'est pas parce que l'on ne participe pas au vote ou que l'on vote contre que l'on est contre, sur le fond. J'aimerais que l'on se mette d'accord.
Madame la garde des sceaux, je voudrais vous proposer de prévoir, dans ce cas, deux projets de loi : l'un sur la Charte du numérique et l'autre sur la Charte de l'environnement, avec des clauses de révision, comme dans les grands accords internationaux. En réalité, aujourd'hui, les spécialistes sont partagés sur l'idée d'ouvrir le débat sur la Charte de l'environnement. Ils craignent, en effet, que l'on ne revienne sur le principe de précaution ou sur le principe de non-régression. En réalité, on ferme la discussion sur la Charte par crainte de perdre des droits.
Sur la question du climat, au regard de l'enjeu, de sa gravité, de la menace et de l'urgence, vous pourriez, par exception, accepter l'amendement de la commission du développement durable, que je vais soutenir, à titre exceptionnel – ce sera le seul parmi tous ceux qui ont été déposés sur la Charte. J'estime, comme cela a été dit, que nous avons besoin de la ceinture, des bretelles, du casque et des outils.
Pendant que nous attendons de nous mettre d'accord, des territoires sont touchés, comme vous ne l'imaginez même pas, par les changements climatiques. C'est un enjeu majeur pour nous tous, car tous nos territoires seront concernés à un moment ou à un autre, à des degrés divers. Croyez-moi, certains territoires d'outre-mer ont déjà les pieds dans l'eau.
Il faut avancer sur ce sujet. Je voudrais que l'on acte un principe aujourd'hui. Je n'ai pas envie de voter contre des amendements qui vont fondamentalement dans le sens de mes convictions simplement pour des questions de forme.
Madame la députée, je partage pleinement les objectifs que vous avez énoncés. Quand je dis « je », je devrais dire « nous », parce que nous partageons évidemment tous – du moins je le pense – ces objectifs. Nous vous proposons simplement d'inscrire ces objectifs dans un endroit du texte constitutionnel où ils seront encore plus visibles et où ils auront encore plus de poids et de portée juridique. C'est pourquoi j'ai émis un avis défavorable sur ces amendements portant sur la Charte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Concédez-nous au moins que nous sommes cohérents, puisque nous ne touchons ni à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, …
… ni au préambule, ni à la Charte dans cette révision constitutionnelle. En revanche, puisqu'il est entendu que les enjeux de la préservation de l'environnement et de la biodiversité ainsi que de la lutte contre les changements climatiques étaient très importants, ces principes feront l'objet de mon amendement qui vise à les inscrire à l'article 1er de notre Constitution, lequel sera loin d'être moins protecteur que la Charte de l'environnement, que vous voulez modifier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs des groupes LR, GDR et FI.
Ce serait bien que l'on ait le temps de lever la main et que vous regardiez vraiment qui vote pour et qui vote contre !
Monsieur Jumel, quand je dis « même avis, même vote », cela veut dire ce que ça veut dire : si certains veulent vraiment changer de vote, ils peuvent le dire et, dans ce cas, nous prenons un peu plus de temps. Il n'y a pas de raisons de s'énerver, dans la mesure où nous faisons les choses correctement. Voyez plutôt le nombre d'intervenants à qui j'ai donné la parole sur ces amendements, au-delà de la norme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2108 .
Cet amendement vise à inscrire la défense du vivant dans la Charte de l'environnement, pour réduire l'anthropocentrisme de ce texte fondamental, dans la perspective des enjeux climatiques actuels, où c'est l'épanouissement du vivant dans sa globalité qui se trouve menacé par les activités humaines. Comme Mme Sage l'a dit, il y a quelques minutes, ces activités aboutissent à réduire l'habitabilité de certaines régions de la planète, y compris dans de vastes aires marines, au point d'en chasser la plupart des formes de vie qui y prospéraient.
Au-delà des arguments qui ont déjà été développés, il me semble que votre intention est déjà satisfaite par le texte, puisque l'expression « diversité biologique », à l'alinéa que vous souhaitez modifier, implique la défense du vivant. Avis défavorable.
L'amendement no 2108 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2109 .
L'amendement no 2109 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2110 .
Il s'agit, une fois encore, d'essayer de modifier la Charte de l'environnement. J'insiste…
Cet amendement vise à ce que la Charte embrasse la catégorie du vivant animal dans son ensemble, sans se limiter à l'anthropocentrisme originel du texte. L'action environnementale ne peut faire l'économie de la préservation de la diversité des espèces animales, dont la survie est indissociable de la réussite d'un développement durable.
Actuellement confrontés à l'extinction de l'holocène – c'est la sixième extinction de masse – , les humains ont une responsabilité forte dans la disparition accélérée des autres vertébrés. Selon la onzième édition du rapport Planète vivante de 2016, le nombre des populations de vertébrés a chuté de 58 % entre 1970 et 2012 ; cet effondrement pourrait atteindre les deux tiers d'ici à 2020, en l'absence d'infléchissement significatif et global. Il convient donc de prendre en compte la subjectivité animale dans l'exposé des motifs du développement durable prônée par la Charte, en l'inscrivant dans son préambule.
Avis défavorable. Votre intention nous semble largement satisfaite par la rédaction générale de la Charte. Par ailleurs, les dispositions actuelles seront renforcées par l'ajout que nous proposerons à l'article 1er de l'action de la France en faveur de la préservation de l'environnement et de la diversité biologique.
L'amendement no 2110 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je fais sans doute partie des rares députés présents dans cet hémicycle, qui ont participé concrètement à la rédaction de la Charte de l'environnement en 2004.
J'y retrouve d'ailleurs, non sans plaisir, l'un de mes amendements qui avait été adopté à l'article 5.
Quand nous avons écrit la Charte, c'était à partir des connaissances que nous avions en 2004. Or elles ont énormément évolué et ont fait l'objet d'une véritable prise de conscience par la société, grâce au bond qui a été opéré par le Grenelle de l'environnement. Dans la Charte de l'environnement, contrairement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou au préambule de la Constitution de 1946, il n'y a pas de valeurs intrinsèques ou intangibles. Nous nous étions appuyés sur les connaissances de l'époque. Ainsi, les mots qui ont été employés et les priorités qui ont été établies ont considérablement évolué.
L'article 1er de la Charte dispose que : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Aujourd'hui, cette notion d'équilibre environnemental a considérablement évolué en termes de prise de conscience. On parle désormais des écosystèmes, mais aussi de la question du climat. Ces termes ne correspondent plus aujourd'hui à la conscience que l'on a et aux exigences de la société. C'est pourquoi cet amendement vise à remplacer les mots : « équilibré et respectueux de la santé » par les mots : « qui préserve les équilibres écosystémiques, la biodiversité et la santé humaine ».
Pour avoir écouté les différentes interventions, je ne comprends pas votre refus de faire évoluer la Charte de l'environnement. Il ne s'appuie sur rien. L'argument selon lequel ces principes seront intégrés dans des articles de la Constitution n'est en rien en contradiction avec la modification de la Charte de l'environnement, dans la mesure où notre conception de l'environnement a considérablement évolué depuis sa rédaction.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Monsieur le président Chassaigne, une nouvelle fois, nous partageons vos objectifs et souhaitons prendre en compte la protection de l'environnement. Sur le fond, la formulation volontairement générale de la Charte permet de couvrir les précisions que vous souhaitez apporter. Les travaux préparatoires soulignent en effet que la notion d'environnement équilibré vise au maintien de la biodiversité et de l'équilibre des espaces et des milieux naturels, au bon fonctionnement des écosystèmes et à parvenir à un faible niveau de pollution. Avis défavorable.
Avis défavorable. Permettez-moi de souligner, monsieur le président Chassaigne, la constance de votre combat sur ces dossiers. Vous avez en effet rappelé que vous aviez fait partie de ceux qui ont contribué à l'écriture de la Charte de 2004. Même si l'article 1er de la Charte semble plus restrictif dans son appréhension, il y a dans les premiers alinéas de la Charte des éléments dont la perspective est beaucoup plus largement ouverte, quand on lit, par exemple, que la diversité biologique ou l'épanouissement de la personne sont des facteurs importants ou que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains.
Je vous l'accorde. C'est la raison pour laquelle l'article 1er de notre Constitution viendra combler ces failles.
Pour que les choses soient claires vis-à-vis des concitoyens qui ont fait le choix de suivre nos débats plutôt que le match entre la Croatie et l'Angleterre, si nous votons contre cet amendement, ce n'est pas parce que nous sommes contre la biodiversité.
Cela doit être clair, car ces débats sont piégeux. On essaie de faire croire, sur des débats de fond, que ceux qui s'opposent aux amendements sont contre leur objet même. Or il s'agit d'un problème de forme. Nous avons constitutionnalisé la Charte de l'environnement, au même titre que le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous ne pouvons pas amender ces textes.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Il ne viendrait à l'idée de personne aujourd'hui d'amender la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, non plus que le préambule de la Constitution de 1946.
Nous avons le droit de réécrire, le cas échéant, ces textes et de les constitutionnaliser le moment venu, mais nous ne pouvons pas le faire directement au moment de la révision constitutionnelle.
Les principes environnementaux que vous avez défendus feront l'objet d'amendements visant à modifier l'article 1er de la Constitution. Mais encore faut-il, mes chers collègues, que nous y arrivions.
Je vous confirme qu'à ce rythme, nous ne sommes pas sûrs d'atteindre l'article 1er avant vendredi soir.
La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Le groupe Nouvelle Gauche, après avoir entendu beaucoup de spécialistes, a considéré qu'il n'était pas prudent de toucher à la Charte de l'environnement. Nous rejoignons en ce sens les rapporteurs et Mme la garde des sceaux. Au même titre que la Déclaration de 1789 ou le préambule de 1946, la Charte est un acquis qui s'inscrit dans la Constitution et nous permet, d'une certaine façon, de marquer des avancées durement acquises, que nous ne voulons pas risquer de remettre en cause. C'est une manière d'inscrire un principe de non-régression dans les avancées environnementales qui sont déjà dans la Charte de l'environnement et auxquelles nous pourrons faire écho dans l'article 1er de la Constitution, lequel n'est pas anodin, puisqu'il énonce les principes fondamentaux. Je redoute, cependant, que la proposition que fera le Gouvernement ne soit pas à la hauteur de ce que nous souhaitons. Nous en discuterons le moment venu.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 103 |
Nombre de suffrages exprimés | 98 |
Majorité absolue | 50 |
Pour l'adoption | 12 |
contre | 86 |
L'amendement no 2344 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1111 .
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne. » Voilà ce que proclamait Jean-Jacques Rousseau.
Aujourd'hui, nous devons jouer le rôle de ce lanceur d'alerte, pour nous éviter de nouvelles horreurs. Il faut protéger les biens communs et l'accaparement privé. Pour cela, nous proposons de constitutionnaliser ce que, spontanément, chacune et chacun d'entre nous ressent : ces biens ne doivent pas être une source de profit. L'accepter, ce serait tolérer un vol dont le peuple entier et même l'humanité sont les victimes.
Dans quel genre de société accepterait-on de vendre l'air qu'on respire ? Aucune, évidemment. Mais alors pourquoi serait-il légitime de faire commerce de l'eau, ce bien tout aussi indispensable à la vie ? Et pourquoi serait-il légitime de soumettre la santé humaine aux contraintes de rentabilité qu'impose le marché ?
Il faut protéger les ressources et rendre effectif le droit de chaque personne à en user. Elles font l'objet d'un marchandage épouvantable qui conduit à leur dilapidation et à leur destruction. D'un point de vue écologique, il n'est plus possible de laisser prospérer de grands groupes sur la destruction de ressources qu'ils commercialisent. Les logiques court-termistes du marché aggraveront toutes sortes de pénuries.
Nous sommes désormais au pied du mur. La recherche avide du profit, la cupidité aveugle nous mettent nous dans la situation de l'imbécile qui s'apprête à tuer la poule aux oeufs d'or. C'est la vie humaine elle-même qui est menacée : l'impératif écologique s'impose comme la condition de toute politique possible. C'est pourquoi il est nécessaire d'adopter cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La commission a émis sur cet amendement un avis défavorable. Je ne reviendrai pas sur la forme, c'est-à-dire sur l'inopportunité totale, avérée et constatée, de modifier la Charte de l'environnement.
Sur le fond, la recherche d'une protection particulière pour les biens communs est intéressante. Je vous ai écoutée attentivement, madame Fiat, j'ai lu l'exposé sommaire de cet amendement : il en ressort que la réflexion n'est clairement pas aboutie. La liste des biens qui pourraient être consacrés comme des biens communs rappelle les poèmes de Prévert plutôt que les traités de Jean-Jacques Rousseau. De même, les modes de gestion envisagés ne sont pas clairs. Quoi qu'il en soit, il ne nous semble pas nécessaire de constitutionnaliser ces biens communs pour les protéger efficacement.
Plusieurs questions demeurent. Votre amendement précise que les biens communs « doivent être gérés démocratiquement » : mais qu'est-ce qu'une gestion démocratique ? En outre, la liste des biens communs que vous proposez est-elle complète ? Quel serait son impact ? Aucune de ces interrogations n'a été abordée à ce stade.
J'ajoute que votre proposition va extrêmement loin en ce qui concerne la direction de la recherche scientifique, et la négation du droit de propriété.
Ces propositions, bien que respectables, n'ont pas recueilli l'assentiment de la commission, non plus que du rapporteur. Avis défavorable.
Le du Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement, par lequel vous proposez notamment d'inscrire dans la Constitution : « L'État protège les biens communs. » La Charte de l'environnement énonce déjà expressément que « l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains » : il y a là une forte proximité.
J'ajouterai, si toutefois je puis finir mon propos, que le Conseil constitutionnel, par une décision de mai 2015 relative à la question de l'eau, a estimé que « le législateur, en garantissant dans ces conditions l'accès à l'eau, qui répond à un besoin essentiel de la personne, a poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle ». La jurisprudence du Conseil constitutionnel ainsi que la Charte de l'environnement permettent donc déjà de répondre à l'objectif que vous visez par cet amendement.
Cet amendement ne mentionne pas que l'eau comme bien commun. La notion de bien commun est bien plus large, madame la ministre : c'est pour cela que nous proposons, dans le cadre de la révision constitutionnelle, d'inscrire cette notion dans notre norme suprême.
Je voudrais revenir sur notre démarche, pour dissiper la confusion : il ne s'agit pas, monsieur Becht, de piéger qui que ce soit, pour l'obliger à voter d'une manière ou d'une autre. Nous voulons simplement aborder un débat que nous pensons fondamental sur les biens communs. Nous n'avons pas inventé cette notion : elle est discutée depuis un certain nombre d'années, et a été constitutionnalisée dans un certain nombre de pays.
Ce n'est pas nous qui avons demandé cette révision constitutionnelle, c'est la majorité qui a choisi de le faire ; nous profitons simplement de l'occasion pour aborder la question des biens communs. Nous avons déjà présenté cet amendement en commission : il était loisible à chacun de le sous-amender afin de le préciser.
Vous dites qu'on ne peut pas changer le préambule, ni les autres textes appartenant au bloc de constitutionnalité. Ce n'est pas vrai, on pourrait le faire : c'est le propre de la démarche constituante, même quand la révision constitutionnelle est faite par voie parlementaire. Si, c'est possible ! Notre Constitution, en soixante ans, a été changée vingt-quatre fois, soit en moyenne une révision tous les deux ans et demi.
Cette moyenne n'a pas de sens ! Cela fait dix ans qu'elle n'a pas été modifiée !
Vous savez donc bien que, formellement, nous pourrions le faire. Je précise que nous ne proposons pas de toucher aux autres textes du bloc de constitutionnalité, mais rien n'empêche le pouvoir constituant de le faire. Les constitutions précédentes étaient bien plus longues, elles comprenaient plus d'articles : …
Ce n'est pas vrai ! Les lois constitutionnelles de 1875 étaient au contraire très brèves !
… rien ne nous empêche donc d'allonger celle-ci.
Nous considérons qu'il serait opportun de mentionner les biens communs dans la Constitution, vous pensez le contraire : fort bien, mais ne remettez pas en cause par principe notre démarche qui est fondamentalement politique et relève de notre fonction de députés de la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 1111 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 1837 .
Monsieur le rapporteur, nos propositions vous semblent inopportunes. Mais, comme l'a fait remarquer ma collègue Danièle Obono, c'est plutôt votre réponse qui est inopportune.
La logique de rentabilité est au coeur de notre modèle de production : elle nous incite à produire toujours plus, toujours plus rapidement. Ses effets destructeurs sont déjà visibles : en France, 40 % des chauves-souris ont disparu en dix ans, la population d'oiseaux a chuté de 40 % en vingt-cinq ans. Le nombre de saumons qui remontent la Loire est passé de 100 000 par an au XIXe siècle à moins de 1 000 aujourd'hui. La liste des victimes est infiniment longue, n'en déplaise à M. Ferrand.
Nous pourrions citer Prévert : cela ne ferait qu'améliorer la qualité de ce texte.
Face à cette véritable catastrophe écologique, le vivant doit être replacé au centre de nos préoccupations. C'est un véritable changement de paradigme qui doit être opéré. Il faut en finir avec l'illusion selon laquelle l'expansion infinie du capitalisme et la sauvegarde de la biodiversité sont compatibles. La réalité est que la recherche incessante du profit nous a menés à cette situation insoutenable.
Il est donc indispensable de compléter la Charte de l'environnement en interdisant les actes de cruauté envers les animaux, les OGM et le brevetage du vivant.
Il faut également garantir le débat démocratique pour les projets touchant aux équilibres environnementaux et constitutionnaliser le droit à l'eau – j'ai déjà longuement plaidé en faveur de cette dernière idée en défendant une proposition de loi à ce sujet.
L'intérêt général, qui comprend la nécessité de préserver l'environnement, doit prévaloir sur les intérêts privés, particuliers – notamment les intérêts financiers de quelques-uns.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous ne serez pas étonné d'apprendre que la commission est défavorable à cet amendement qui opère la synthèse d'une série d'amendements présentés de manière plus détaillée lors de l'examen de ce texte en commission – certains de ces éléments seront par ailleurs repris par les amendements suivants.
Comme nous le savons, les normes constitutionnelles doivent demeurer générales pour couvrir tout le spectre des situations particulières. Elles doivent en outre rester stables dans le temps. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas inclure dans notre Constitution les alinéas que vous proposez.
Certains d'entre eux, du reste, sont déjà couverts par la Charte de l'environnement – le principe de participation, le caractère soutenable du développement – ou par la jurisprudence constitutionnelle – le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine concerne directement le brevetage du vivant.
L'avis du Gouvernement est également défavorable. Il me semble qu'un certain nombre des mesures dont vous sollicitez l'inscription dans la Charte de l'environnement, notamment la prohibition des actes de cruauté envers les êtres doués de sensibilité que sont les animaux, ou encore l'interdiction des OGM, relèvent de la loi ordinaire.
Vous avez vous-même, monsieur Prud'homme, mentionné une proposition de loi à laquelle vous avez contribué, sur ces sujets, dont le législateur s'est d'ailleurs emparé à plusieurs reprises. Il en va de même pour l'interdiction de certaines substances, ou pour la tarification de l'eau : ce sont des questions d'ordre législatif.
Vous évoquez également l'article 6 de la Charte de l'environnement, qui définit la notion de développement durable. Il ne me semble pas opportun de le modifier, car il a permis d'atteindre un objectif satisfaisant entre différents objectifs.
Enfin, le principe de participation du public figure déjà l'article 7 de la Charte de l'environnement. C'est d'ailleurs la disposition de ce texte la plus sollicitée par le Conseil constitutionnel : son application est donc totalement effective.
Je voudrais répondre à l'argument avancé par M. le rapporteur général, selon lequel les textes constitutionnels doivent être rédigés de façon générale : il y a généralité et généralité. Si les textes constitutionnels devaient être aussi généraux que le sous-entend M. le rapporteur, alors notre Constitution se bornerait à disposer que la République garantit les droits et libertés, sans plus de précisions. Il n'y aurait pas les listes de droits fondamentaux, ces inventaires à la Prévert, pour reprendre l'expression de M. le rapporteur général, qui figurent dans la Déclaration de 1789 et dans le préambule de la Constitution de 1946, qui la prolonge.
Ces droits sont généraux, mais cela ne signifie pas qu'on ne puisse les détailler : c'est à quoi se sont attelés les constituants précédents. L'argument de la généralité ne tient donc pas, pas plus les arguments de Mme la ministre, selon qui c'est à la loi de détailler ces droits. Les droits et libertés fondamentaux qui sont détaillés dans la Constitution sont par ailleurs mis en oeuvre par des lois ordinaires : ce n'est donc pas la question.
Nous avons l'occasion d'élargir le spectre des droits et libertés fondamentaux, de les préciser, comme l'ont fait tous les constituants précédents : cet amendement rentre pleinement dans ce cadre.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Mes chers collègues, voici plusieurs heures que nous nous livrons à un débat passionnant portant sur d'éventuelles modifications au préambule de notre Constitution ou aux textes auxquels ce préambule fait référence.
Je tiens à rappeler à chacun que Simone Veil a présidé, il y a neuf ans, les travaux d'une commission consacrée à une réflexion sur le préambule de la Constitution. Nous avons été unanimes à rendre hommage à sa mémoire voici quelques jours ; je pense que nous serions bien inspirés, ce soir, de nous référer aux conclusions de ce rapport très fouillé, rédigé à la demande du Président de la République Nicolas Sarkozy.
Simone Veil concluait que le plus sage était de ne point modifier ce préambule, ni les textes auxquels il fait référence. Elle expliquait, avec beaucoup de finesse, que des modifications improvisées auraient sans doute des effets contreproductifs…
… quant à la protection des droits fondamentaux. Je crois que nous serions bien inspirés de respecter cet enseignement et d'éviter de nous égarer dans des improvisations hasardeuses, voire pernicieuses.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 114 |
Nombre de suffrages exprimés | 112 |
Majorité absolue | 57 |
Pour l'adoption | 11 |
contre | 101 |
L'amendement no 1837 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 1101 .
L'ambition de notre programme bien connu de tous, « L'Avenir en commun », que nous avons défendue pendant la campagne, est celle d'une transition complète vers un projet agricole et alimentaire d'intérêt général. Nous défendons une agriculture écologique et paysanne reposant sur un nouveau pacte entre les agriculteurs et l'ensemble de la société, ainsi que sur un système alimentaire durable garantissant le droit de toutes et de tous à une alimentation de qualité. Cette agriculture écologique et paysanne doit être basée sur la conversion progressive de l'ensemble du secteur aux principes de l'agriculture écologique et biologique, et débarrassé du poids des lobbies et des intérêts financiers. L'interdiction de la commercialisation des OGM sur le territoire national est un préalable indispensable à toute vision de l'agriculture comme pilier de la transition écologique. L'inscription dans la Constitution de la sortie des OGM permettrait à nos paysans et nos paysannes de se libérer notamment du joug des grands semenciers et de redonner réalité à leur expertise pour sélectionner leurs propres semences, adaptées à leur territoire et à leurs besoins.
Cet amendement reprend une partie de l'amendement précédent, sur lequel nous avions émis un avis défavorable. Vous ne serez donc pas étonné, monsieur Prud'homme, que l'avis soit le même.
Nous sommes désolés de ces avis défavorables parce qu'il nous semble que ce que nous défendons mérite non seulement un débat mais un vote majoritairement favorable.
Pour faire suite à l'argument d'autorité développé par notre collègue Guillaume Larrivé, je ne pense pas faire injure à Mme Veil en partageant pas son point de vue, même si je le respecte. C'est aussi la grandeur de l'histoire de notre pays que ces débats constitutionnels dans lesquels de grands hommes et de grandes femmes ont eu des points de vue différents sur ce qu'il fallait mettre ou ne pas mettre dans la Constitution. Dans cette assemblée, nous sommes tous et toutes à égalité et avons la même légitimité pour ouvrir le débat. Ainsi, à propos de la constitutionnalisation de l'IVG, nous nous sommes inspirés de l'exemple de Simone Veil et nous pensons que cette proposition s'inscrivait dans la continuité de son combat. Vous vous y êtes opposé, monsieur Larrivé, sans que cela signifie pour autant que vous méprisiez son point de vue sur le sujet. Vous n'étiez tout simplement pas d'accord, et c'était tout à fait légitime. Je le dis pour la suite de nos débats : nous continuerons dans ce sens tout en honorant la tradition de notre assemblée.
Je ne voudrais pas paraître comme étant le vieux député que je suis, blanchi sous le harnais,
Sourires
mais j'ai suivi à l'époque toutes les discussions sur les OGM et, fait exceptionnel, j'étais arrivé à faire voter une motion de procédure qui avait renvoyé un projet de loi dans les filets.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Et, participant à la commission d'enquête sur les OGM, j'ai appris qu'il ne faut jamais dire qu'on est pour leur interdiction générale : on peut être pour l'interdiction des OGM dans l'agriculture – c'est mon cas – , mais il ne faut pas oublier qu'une exclusion totale aurait un effet catastrophique sur la santé, puisque de très nombreux produits pharmaceutiques, des molécules thérapeutiques ou encore des protéines d'intérêt pharmaceutique sont des OGM. Il aurait donc fallu que les auteurs de l'amendement nuancent leur position. Faute de quoi, les conséquences en seraient terribles pour la santé dans notre pays.
Évidemment, je ne partage pas la position défendue à travers cet amendement, mais il m'invite à faire la réflexion suivante : tout au long de la soirée, on voit qu'un grand nombre d'amendements sont des appels à débat sur des sujets qui ne relèvent pas forcément de la Constitution mais à propos desquels nous n'avons pas de débats de portée suffisante dans cette assemblée, malgré leur importance.
S'agissant des OGM, je souligne cette contradiction française : ils sont proscrits dans les champs mais autorisés dans les assiettes. Il faut avoir un débat sur le sujet, et il relève du travail parlementaire. Je considère que cet amendement – qui n'a rien à voir avec la Constitution – est en tout cas une invitation à l'ouverture d'un débat essentiel pour l'ensemble de la société.
L'amendement no 1101 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 1102 .
Depuis les années 1980, de nombreuses associations ont dénoncé l'implication de pesticides dans plusieurs pathologies, en particulier dans certaines maladies neurologiques et cancéreuses, et pire encore sont les impacts de ces produits sur la biodiversité, qui ne sont plus aujourd'hui ignorés du grand public : à cause des produits de synthèse et autres pesticides liés aux pratiques agricoles, nous avons vu disparaître en France un tiers des oiseaux communs en quinze ans, et 80 % des insectes en trente ans.
La qualification de « néonicotinoïde » est aujourd'hui un poids pour les producteurs de pesticides, et nous espérons que le terme de « glyphosate » soit un jour aussi peu vendeur. Mais, pour des raisons commerciales et économiques, les industriels chercheront sans cesse de nouvelles formules, toujours extrêmement nocives, pour remplacer celles qui seront interdites de haute lutte. En tout cas, pour enrayer définitivement la sixième extinction de masse, qui est en cours, nous nous devons de mettre un terme aux dégâts causés par les pesticides et les engrais de synthèse sur l'environnement, mais également sur les agriculteurs eux-mêmes, qui sont victimes de troubles graves. Conformément au principe de précaution consacré par la Charte de l'environnement, il est urgent d'inscrire dans la Constitution l'interdiction de l'usage et de l'introduction de toutes substances et produits pouvant altérer de manière définitive la diversité biologique de notre nation.
Pour le moment, la majorité et le Gouvernement, malgré les plus belles déclarations d'intention, ont toujours refusé de protéger la nature et les populations des pesticides. Peut-être suis-je naïf, mais j'ose espérer qu'ils attendaient en la révision constitutionnelle l'occasion de mettre en accord leurs paroles et leurs actes. Inscrire cette disposition dans le bloc de constitutionnalité lui donnera de la force et sera un signal important envoyé aux citoyens du monde entier.
Avis défavorable.
Je voudrais répondre à M. Chassaigne : vous auriez pu, mon cher collègue, sous-amender pour que les productions d'OGM soient réservées à la recherche pharmaceutique, et vous soucier aussi de la brevetabilité du vivant, qui fait l'objet d'un de nos prochains amendements, parce que les deux questions sont liées.
Je remercie mon collègue du groupe LR d'avoir dit qu'il fallait un débat sur les OGM. Je pense que plusieurs collègues d'autres groupes sont tout de même sensibles au fait que ce débat sur la réforme de la Constitution permet d'ouvrir des discussions sur des sujets que l'on ne peut aborder nulle part ailleurs et à aucun autre moment. Je regrette seulement que ce soit pris avec un peu de légèreté par M. le rapporteur général et par Mme la garde des sceaux.
L'amendement no 1102 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1103 .
Par cet amendement, notre groupe demande que soit ajoutée dans la Charte de l'environnement une disposition ainsi rédigée : « Tout acte de cruauté envers les êtres doués de sensibilité est défendu. »
La loi de 1963 a créé le délit d'actes de cruauté, que ceux-ci soient ou non commis en public, envers les animaux domestiques apprivoisés ou tenus en captivité ; la loi de 1976 prévoit par ailleurs que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » ; depuis 2015, les animaux sont reconnus comme des êtres doués de sensibilité par le code civil, qui les considérait jusqu'alors comme des biens meubles. Toutefois, les animaux restent soumis au régime des biens corporels : les conditions déplorables d'abattage ou encore la chasse à courre ne sont donc pas remises en cause par la qualification d'êtres doués de sensibilité.
Bien que tous les amendements en faveur du bien-être animal aient été repoussés par la majorité lors des débats sur la loi relative à l'agriculture, nous vous offrons ici une nouvelle occasion de faire preuve de sagesse et de raison. Nous ne pouvons envisager de réelle transition écologique sans une réévaluation de notre rapport au vivant et aux êtres sensibles. Nous considérons donc qu'inscrire dans la Charte de l'environnement cette disposition serait un nouveau progrès dans le champ des relations entre l'homme et la nature.
Il est inutile que je réaffirme une fois de plus notre volonté de ne pas modifier la Charte de l'environnement, mais la commission est évidemment attachée aux préoccupations que vous manifestez s'agissant des actes de cruauté envers les animaux. Je rappelle d'ailleurs qu'existent des dispositions pénales qui répriment de tels actes : les articles L. 521-1 et 521-2 du code pénal. Il nous paraît en l'espèce quelque peu excessif d'inscrire au niveau du préambule de la Constitution ces préoccupations. L'avis est donc défavorable.
Je voudrais tout d'abord dire à M. Prud'homme que nous ne répondons pas avec légèreté aux propositions de son groupe.
Il me vient à l'esprit – je dois à M. Larrivé de m'y avoir fait penser – une phrase du comité Veil alors qu'il s'interrogeait sur l'opportunité de rouvrir à d'éventuels ajouts le préambule de la Constitution de 1958 : « Le vice principal de l'arsenal constitutionnel des droits fondamentaux n'est pas d'être insuffisant, mais d'être méconnu. » Je crois que c'est bien le sujet du débat que nous avons en ce moment. Ce n'est pas en ajoutant dans notre texte constitutionnel l'interdiction des actes de cruauté à l'encontre des animaux – lesquels relèvent déjà du domaine pénal, comme vient de le rappeler M. le rapporteur général – que nous améliorerons les droits fondamentaux : consacrons notre énergie à les faire mieux connaître, ce sera plus efficace.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je vous informe d'ores et déjà que, sur l'amendement no 1097 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Fiat.
À l'école, on nous parle de la Constitution, on m'en a parlé à nouveau quand je suis arrivée ici. Il s'agit d'inscrire dans le marbre. J'ai tout à l'heure proposé que le droit à l'avortement soit inscrit dans le marbre de la Constitution parce que c'est tout de même quelque chose d'important que d'acter que la République n'acceptera jamais qu'on revienne en arrière en ce domaine.
À force d'entendre qu'il n'est pas question de changer le préambule – ou quoi que ce soit d'autre – , je me dis qu'on n'inscrira rien dans le marbre, qu'on ne modifiera rien. Vous ne vous inquiétez pas de savoir ce que notre République peut devenir demain si un nouveau pouvoir décidait de tout balayer d'un revers de la main. C'est bien pour nous protéger tous, pour protéger nos enfants et nos familles, que mon groupe défend ces amendements. Je vous demande d'entendre nos propositions et nos arguments parce qu'il s'agit d'inscrire dans le marbre, en 2018, que les choses ont changé, qu'il y a des faits que l'on ne peut plus accepter et qu'il faut l'inscrire dans cette belle Constitution.
L'amendement no 1103 n'est pas adopté.
Actuellement, le brevetage du vivant modifie les rapports de forces au sein du monde agricole : il permet en effet à des entreprises privées de s'approprier certains écosystèmes. Lorsqu'une semence est brevetée, les agriculteurs ne peuvent plus conserver une partie de leur récolte en vue d'en faire des semences pour l'année suivante, ni même échanger celles qu'ils ont fait pousser mais qui ne leur appartiennent pas.
Sur le plan écologique, une telle évolution conduit à un appauvrissement de la biodiversité. Sur le plan économique, les agriculteurs perdent leur autonomie tandis que les grands semenciers s'arrogent le monopole du vivant en en devenant propriétaires.
La cas de l'Inde est très éclairant à ce sujet : un rapport de 2009 de la militante Vandana Shiva fait état de 1 500 brevets déposés par de grandes multinationales, dont Monsanto, sur des plantes résistantes au climat. Cela s'est traduit par une augmentation importante du taux d'endettement des petits paysans, qui ont dû, chaque année, acheter des semences à Monsanto, ce qui a entraîné parmi eux de nombreux suicides.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Je suis ravie, chers collègues, de voir que les suicides des agriculteurs vous font rire.
Le monde de la recherche n'est pas épargné, puisqu'il n'est pas obligatoire de lister les brevets présents dans les variétés semencières. Il est compliqué et coûteux, pour les laboratoires, de savoir s'ils peuvent ou non effectuer des recherches sur un matériel biologique donné.
De fait, il est encore plus difficile, pour les consommateurs, de savoir où se cachent les organismes génétiquement modifiés. Il est donc temps de faire primer l'intérêt écologique sur l'intérêt économique.
On parle de l'ère de l'anthropocène, dans laquelle l'humain a un impact considérable sur la biosphère. Nous devons donc agir avec responsabilité. C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons d'inscrire dans la Charte de l'environnement – que, nous le savons, madame la rapporteure, madame la garde des sceaux, vous refusez de modifier – , le principe de non-brevetabilité du vivant.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2114 .
Notre collègue a déjà très bien défendu l'amendement no 1097 . L'amendement no 2114 vise, d'une part, à inscrire dans la Charte de l'environnement l'obligation de soumettre la brevetabilité du vivant – aussi bien animal que végétal – à un cadre éthique régulièrement révisé et, d'autre part, à interdire totalement la brevetabilité du vivant humain.
Si cette interdiction de brevetabilité du vivant humain existe déjà au niveau communautaire, son inscription dans la Charte la rehausserait, selon la conception classique de la hiérarchie des normes, à un niveau supérieur. Elle constituerait donc un garde-fou en cas de révision trop licencieuse ou permissive de la directive communautaire concernée.
Il est défavorable : en effet, outre le caractère en définitive immuable que nous voulons conserver à la Charte de l'environnement, je rappelle à Mme Ressiguier, comme à M. Colombani qui vient de s'exprimer, que le caractère non appropriable du vivant est lié au principe de dignité de la personne humaine, auquel le Conseil constitutionnel a reconnu un rang constitutionnel.
Plusieurs règles, au premier rang desquelles, évidemment, l'absence de caractère patrimonial du corps humain, tendent par conséquent à assurer le respect de ce même principe. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Il est identique à celui de M. le rapporteur général, et ce pour les raisons qu'il vient d'évoquer. J'ajoute – même si vous l'aviez souligné vous-même, monsieur le député – que l'existence de directives européennes va exactement dans ce sens et nous interdit la brevetabilité de tout ce qui touche au corps humain.
Voilà quelques heures que nous débattons de cette révision constitutionnelle, et nous avons déjà défendu un certain nombre d'amendements visant à l'amélioration des droits dans plusieurs domaines.
Je commence leur liste par l'interruption volontaire de grossesse, mais elle comprend également le droit à mourir dans la dignité, le bien-être animal – que nous venons d'évoquer – et la non-brevetabilité du vivant, dont nous débattons actuellement.
Or vous avez, chaque fois, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur général, refusé d'insérer chacun de ces droits dans la Constitution.
Nous pouvons donc commencer, à cette heure, à dessiner l'objectif politique que vous poursuivez à travers cette révision constitutionnelle : il n'est pas d'abord question d'améliorer la Constitution ni d'y introduire de nouveaux droits. Le seul objectif avéré que vous poursuivez est plutôt de réduire les droits du Parlement. Toutes ces discussions auront au moins permis de mieux cerner l'objectif de votre travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous abordons effectivement beaucoup de sujets très intéressants et qui mériteraient d'être débattus, mais pas nécessairement dans le cadre d'une réforme de la Constitution. Élevons donc un peu le débat. Sinon, à quand un amendement sur la bouillie bordelaise ?
Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie, cher collègue, de ne rien suggérer en matière d'amendements supplémentaires.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 132 |
Nombre de suffrages exprimés | 131 |
Majorité absolue | 66 |
Pour l'adoption | 21 |
contre | 110 |
L'amendement no 1097 n'est pas adopté.
L'amendement no 2114 n'est pas adopté.
Ces amendements visent à inscrire dans la Charte de l'environnement le crime d'écocide, quitte ensuite à laisser le législateur préciser la définition pénale de ce crime ainsi que les conditions d'engagement des poursuites.
De nombreuses initiatives issues de la société civile défendent la reconnaissance d'une qualification pénale qui permettrait de réprimer les crimes commis contre les écosystèmes, notamment lorsque ces destructions déclenchent ensuite des troubles graves parmi les populations humaines : guerres pour l'accès aux ressources, crises sanitaires, conflits armés ou mouvements migratoires.
Ainsi, le mouvement conduit par Polly Higgins a défendu en 2010 l'idée selon laquelle l'écocide devrait constituer un cinquième crime contre la paix, dont aurait à connaître la Cour pénale internationale.
En 2012, un tribunal pour les crimes contre la nature et le futur de l'humanité a été fondé à Quito sur l'initiative d'Edgar Morin et d'Eva Joly, afin de sensibiliser l'opinion internationale.
En 2013, l'initiative citoyenne européenne End Ecocide in Europe, conduite notamment par la juriste et essayiste Valérie Cabanes, avait pour but de demander à la Commission l'élaboration d'une directive écocide.
Parallèlement, les organisations non étatiques à l'origine de cette initiative ont signé le 30 janvier 2014 la Charte de Bruxelles, qui prône la reconnaissance de ce crime.
Étant donné la globalité de la question environnementale et l'interdépendance forte des différents milieux naturels, il convient de prévoir qu'un tel mécanisme répressif bénéficie d'une effectivité maximale en demandant au législateur de prévoir une compétence universelle pour de tels crimes, à l'instar des crimes contre la paix mentionnés dans le statut de Rome créant la Cour pénale internationale.
Il est défavorable tant sur la forme – pour des raisons qui sont connues – que sur le fond, parce que l'article 34 confie au législateur le soin de déterminer les crimes et les délits et de prévoir leur sanction.
Il n'est par conséquent pas nécessaire d'introduire ici, cher collègue, la notion que vous proposez.
Il est identique à celui de M. le rapporteur : comme il vient de le dire, il s'agit là, monsieur Colombani, d'une règle de procédure pénale. Or de telles règles relèvent non pas du niveau constitutionnel mais bien du niveau législatif.
Par ailleurs, si la création d'une compétence universelle est à l'évidence, dans l'absolu, intéressante, elle n'est pas de notre ressort : elle relève d'un consensus, et donc d'un texte international. Que je sache, même si la France est signataire de certaines conventions, elle ne peut, en la matière, décider de manière unilatérale. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
Nous soutenons ces amendements car ils nous semblent dans la lignée de certains amendements qui ont été présentés jusqu'à présent. Il s'agit non pas de principes relevant de lois ordinaires, mais bien de principes de dimension constitutionnelle. Ils pourraient ensuite connaître une traduction pénale, ce qui vaut, comme nous l'avons déjà dit, pour l'ensemble des principes.
Or la valeur universelle est présente dans l'ensemble de nos textes constitutionnels, y compris ceux qui remontent à 1789. Lorsque la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », sa visée est universelle. Il est donc possible de se donner comme objectif d'inscrire une telle notion dans notre Constitution.
Sur le fond, s'agissant notamment de l'interpellation précédente, ce projet de loi constitutionnelle fait l'objet de plus de 2 000 amendements, dont une bonne partie ont été déposés par nos collègues de droite. Ceux-ci considèrent – j'en suis sûre – que leurs amendements ont une valeur bien supérieure à la bouillie de je ne sais quelle contrée.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'imagine donc que chacun d'entre eux a – à leurs yeux, puisqu'ils les ont déposés – une valeur constitutionnelle. Au total, ils en ont déposé cinq à six fois plus que nous.
Je peux vous assurer, chers collègues, que pour notre part nous vous écouterons attentivement et avec respect lorsque vous les défendrez, même si nous sommes en désaccord, sans les dévaloriser comme vous l'avez fait avec les nôtres – ce qui est très surprenant de votre part, cher collègue Philippe Gosselin.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je crois, chère collègue, qu'il ne faut pas se méprendre, chère collègue, sur les propos qu'a tenus M. Gosselin : il ne visait pas le contenu des amendements, mais suggérait une thématique à introduire dans la Constitution.
Cet amendement de notre collègue Marc Le Fur vise à substituer au principe de précaution le principe d'innovation responsable. Une telle substitution encouragerait la recherche à prendre en compte tant les opportunités que les risques induits.
Cet équilibre, auquel la majorité semble si attachée, permettrait à notre pays de reprendre de la vitesse – sans excès, bien sûr, puisqu'il ne faut plus dépasser 80 kilomètres par heure.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Notre pays a bien sûr besoin d'avancer : il a, dans de nombreux secteurs comme les secteurs agricole et industriel, besoin d'une dynamique d'avenir. Pour arrêter la paralysie et innover de manière responsable, il faut modifier ainsi notre Constitution : tel est le sens de cet amendement.
Il vise, au seizième alinéa de l'article 2 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement, à substituer aux mots : « de précaution », les mots : « d'innovation responsable ».
Une telle évolution encouragerait la recherche à prendre en compte autant les opportunités que les risques induits. Cet équilibre permettrait à notre pays de reprendre de la vitesse dans des secteurs qui, comme le nucléaire, les nanotechnologies et les biotechnologies, pourraient pâtir d'une asymétrie d'analyse.
En outre, en substituant le principe d'innovation responsable au principe de précaution, ce dernier resterait présent dans la hiérarchie des normes puisqu'il est inscrit à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que dans la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi Barnier.
Cette loi a en effet introduit le principe de précaution dans notre droit. Il ne s'agit donc en aucun cas de supprimer ce principe, mais simplement de le transformer en un principe plus large : celui d'innovation responsable.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement no 725 .
En cosignant cet amendement, nous nous sommes référés aux meilleurs auteurs, comme je l'ai déjà souligné devant la commission des lois, en l'occurrence à un jeune inspecteur des finances prometteur, qui avait rédigé un excellent rapport en 2008 : Emmanuel Macron, alors rapporteur général adjoint de la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali.
Or cet excellent rapport, co-rédigé par Jacques Attali, Josseline de Clausade et Emmanuel Macron, soulignait les difficultés que présente le principe de précaution, jugeant souhaitable de le remplacer par le principe d'innovation responsable. C'est donc, pour une fois, en nous référant à Emmanuel Macron que nous vous soumettons cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cet amendement, dont le premier signataire est M. Arnaud Viala, diffère des précédents – je tiens à souligner que je préfère l'amendement no 21 de M. Le Fur – , puisqu'il vise à remplacer le mot « précaution » par le mot « responsabilité », afin d'atteindre un objectif de développement économique efficace et responsable face aux risques environnementaux.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 413 .
Si l'intégration du principe de précaution dans la Constitution, en 1995, a représenté une belle avancée, il n'en demeure pas moins qu'il convient, dans le cadre de la présente révision constitutionnelle, de procéder à un état des lieux et à une évaluation de ce principe. Nous devons en effet réfléchir aux impacts du mot « précaution », dont la définition trop floue fait obstacle à des opportunités.
Le mot « précaution » lui-même a une tonalité négative, voire prohibitive, en corrélation avec les mots « abstention », « arrêt » ou « décision de différer ». Par sa nature même, il annihile l'esprit d'entreprise et de recherche : il contribue à entretenir ou à aggraver une méfiance induite envers l'innovation, désormais sommée d'apporter la preuve qu'elle est exempte de danger.
Ce principe, au travers de sa terminologie, vise le risque et met l'accent sur le danger et non sur le bénéfice. Les connaissances techniques et scientifiques étant sans borne, le risque que la précaution ne soit le premier principe auquel les chercheurs s'opposent est devenu réalité.
Cet amendement vise non pas à abandonner le principe de précaution, mais à l'envisager avec un oeil positif, en le délivrant du mouvement de défiance qui en résulte contre les sciences et les technologies. Admettons que toute innovation s'accompagne d'un risque : nul ne peut le nier. Pour autant, n'empêchons pas l'innovation d'améliorer le monde et nos vies, mais permettons-lui de s'épanouir sous un autre vocable, faisant appel à la pleine responsabilité.
En effet, grâce à la responsabilité, nous stimulons, nous poussons au respect de l'environnement – c'est un enjeu majeur – , nous diminuons la contrainte et favorisons la recherche, la connaissance, l'innovation et la compétitivité au bénéfice de tous. Certes, la prudence doit être de rigueur, mais pas au détriment du progrès. Cet amendement vous propose donc une nouvelle dynamique.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux séries d'amendements identiques ?
Après avoir entendu ces différentes interventions, chacun comprendra mieux encore pourquoi nous ne voulons en aucun cas toucher à la Charte de l'environnement et souhaitons empêcher qu'elle soit attaquée, fût-ce par quelque facétie ou envie régressive.
Notre majorité se trouve désormais dans la situation relativement inattendue de gardienne de l'héritage du président de la République Jacques Chirac, qui a voulu la Charte de l'environnement, alors même que ceux qui, naguère, l'ont portée sur les fonts baptismaux, veulent aujourd'hui en affaiblir les principes essentiels. Je ne vous félicite pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'ai entendu notre collègue Larrivé citer les grands auteurs. Cela lui arrive rarement ; en l'occurrence, il a eu parfaitement raison d'évoquer le nom de celui qui, à l'époque, était rapporteur mais qui, aujourd'hui, est le Président de la République, et soumet à notre examen un projet de révision constitutionnelle, qui, justement, ne prévoit pas la remise en cause du principe de précaution.
Nous avons au moins appris que le Président de la République est faillible.
Outre le fait que, par ma voix, la commission réaffirme devant vous qu'elle ne souhaite pas qu'il soit touché à la Charte de l'environnement – notre position sur le sujet est constante depuis plusieurs heures déjà – , je tiens à vous rappeler que le principe de précaution, consacré à son article 5, doit s'interpréter à la lumière de son article 1er. Il ne s'applique en effet qu'aux activités qui affectent l'environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé.
La jurisprudence démontre d'ailleurs qu'il s'agit bien d'un principe d'action et non d'abstention, ayant seulement pour effet de prévoir que, dans certains cas, l'action devra être précédée du respect d'exigences de nature procédurale, afin d'évaluer les risques encourus, compte tenu de la nature des dommages qui pourraient survenir. C'est ainsi !
Fidèle à l'esprit et à la lettre de la Charte de l'environnement, la commission refuse de substituer à ce principe une sorte d'euphémisme qui, en vérité, n'a d'autre objectif que de l'affaiblir. La commission et ses rapporteurs, fidèles à l'esprit comme à la lettre de la Charte de l'environnement, n'en veulent pas. L'avis de la commission est donc défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Comme vient de le souligner le rapporteur général, le principe de précaution est effectivement l'un des deux principes essentiels de la Charte de l'environnement, avec le principe de participation. Il serait dommage de revenir sur un de ces deux principes essentiels.
En tout cas, l'application du principe de précaution, qui ne se justifie qu'en cas de doute sérieux et étayé par des études scientifiques, n'a jusqu'à présent jamais constitué un frein à la recherche et à l'innovation. Il n'est donc pas source de blocage, comme j'ai pu le lire dans l'exposé sommaire d'un des amendements. Je rappelle que ce principe est un principe non pas d'abstention mais d'action, qui a permis de justifier l'adoption de mesures proportionnées.
Il fait, de plus, l'objet d'une jurisprudence très prudente de la part de nos juridictions, notamment du Conseil constitutionnel.
C'est d'ailleurs parfois regretté puisque le principe de précaution ne peut pas être invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité – le Conseil constitutionnel, qui ne s'est pas vraiment prononcé sur le sujet, a jusqu'à présent jugé ce principe inopérant, notamment dans sa décision de 2013 relative à une QPC sur la fracturation hydraulique.
Enfin, dans son récent rapport sur la prise en compte du risque dans la décision publique, le Conseil d'État écrit : « Contrairement à une idée répandue, le principe de précaution ne s'oppose pas aux exigences de la recherche et de l'innovation. »
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
Vous avez répondu ce soir à une de mes interrogations : vont-ils oser ? Eh oui ! Ils ont osé ! Vous avez raison, osons un comportement irresponsable ! En voulant substituer l'innovation responsable au principe de précaution, c'est une innovation irresponsable que vous nous proposez ce soir !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Opposer la science au progrès et au principe de précaution est une aberration.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nul n'a fait la preuve que le principe de précaution ralentit le progrès scientifique, bien au contraire. Je vous propose, mes chers collègues, grâce au principe de précaution, de sublimer vos capacités afin de progresser.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il convient de rappeler que le principe de précaution est appliqué de façon prudente par les juges, notamment par le juge administratif, comme l'a rappelé le professeur Yves Jegouzo dans une audition organisée au Sénat en 2009, faisant le bilan de l'application de ce principe.
Il est, de plus, consacré par le droit européen, à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui dispose que la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement « est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive » ainsi que sur d'autres principes visant à protéger l'environnement.
Le droit de l'Union européenne étant d'effet direct en France, ce qu'a reconnu la Cour de justice des communautés européennes en 1963, ce principe s'applique en France, en vertu des traités européens.
Enfin, le principe de précaution est le seul principe de raison qui nous permette de respecter la règle primum non nocere – premièrement, ne pas nuire – et de conserver un comportement responsable, sans jamais nous laisser aller, comme vous ce soir, à une audace irresponsable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vous allez entendre un orateur connu pour le calme de ses interventions.
Je soutiendrai l'avis de la commission et de Mme la garde des sceaux, ainsi que les propos de M. Arend, parce que, dès la rédaction de la Charte de l'environnement, son article 5 a donné lieu à une véritable bataille dans cet hémicycle, conduite, il faut le dire, par les porte-voix de lobbies considérant que le principe de précaution allait bloquer l'activité industrielle, le développement des biotechnologies ou la production pharmaceutique, et j'en passe.
La rédaction de l'article 5 répond pourtant à vos interrogations. En fait, vous ne voulez pas reconnaître ouvertement qu'il s'agit pour vous, avec ces amendements, de revenir sur le principe de précaution. Avez-vous lu l'article 5 ? J'en suis d'autant plus satisfait que je suis l'auteur, par voie d'amendement, de la fin de cet article.
Sourires et applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Surtout n'allez pas y toucher !
Je le lis : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » La définition du principe de précaution contient donc bien les notions de responsabilité et d'innovation, puisque son application oblige à innover et à parer aux dommages qui pourraient survenir.
Vos amendements ne sont pas sérieux parce qu'ils portent atteinte à un principe très important et comportent, de ce fait, un risque de dérives, dont les conséquences seraient très négatives pour l'environnement et la santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et NG.
Une fois n'est pas coutume, je ne suis pas d'accord avec André Chassaigne, même si c'est lui qui a rédigé cet article en 2004. Je n'étais pas encore député, mais ces débats m'ont toujours passionné.
Je suis surpris que M. Ferrand défende l'héritage chiraquien, au moment même où nous défendons une part de l'héritage d'Emmanuel Macron, puisque c'est celui-ci qui, dans le rapport Attali, a écrit que le principe de précaution peut poser problème, comme l'a très bien rappelé Guillaume Larrivé.
Nous sommes à fronts renversés.
André Chassaigne, vous savez parfaitement que, si la rédaction de l'article 5 est concise et précise, en revanche, il s'est produit dans le temps un dévoiement au nom du principe de précaution.
Madame Batho, soyez patiente : vous me répondrez tout à l'heure.
Vous savez tous, mes chers collègues, qu'il faudrait être un peu de mauvaise foi pour ne pas connaître de projets qui aient pâti de ce principe. Je pense à la recherche médicale, domaine que je connais un peu et dans lequel, au nom du principe de précaution, certains projets technologiques n'ont pu être réalisés, et je pèse mes mots, notamment avec les organismes génétiquement modifiés, dans certaines thérapeutiques du cancer.
Un deuxième exemple est, comme chacun sait, celui de l'agronomie. Pourquoi n'allons-nous pas au bout du principe de précaution, cher André Chassaigne ?
Madame Batho, vous avez été ministre : pouvez-vous me dire pourquoi on importe toujours en France des OGM qui viennent d'autres pays, alors qu'il y aurait, affirme-t-on, un risque avéré et confirmé ? Soyons donc honnêtes entre nous.
Dans l'expression « innovation responsable », il y a le mot « innovation », qu'il faut sans cesse mettre en relief et qui est très important pour un pays comme le nôtre dans la compétition que nous vivons avec les pays qui nous entourent, et le mot « responsabilité », qui appelle chacun à ne pas mettre en place des programmes dont on sait qu'ils pourraient avoir des conséquences désastreuses – et je me rallie ici pleinement à ce qu'a écrit André Chassaigne.
Votre rédaction des principes, cher collègue, était concise et précise. Reconnaissons, qu'avec le temps – treize ans plus tard – , elle a été dévoyée.
Je veux profiter de ce débat très intéressant sur le principe de précaution pour défendre notre droit d'amendement. Il est question de le limiter, de l'encadrer – nous en reparlerons dans quelques jours – , mais le vrai problème n'est pas là : c'est qu'il y a trop de textes, une inflation législative. Monsieur le président, vous vous êtes pratiquement flatté, voilà deux semaines, d'avoir fait voter 92 textes en une session, ce qui est un record, alors qu'il faudrait voter moins de textes et avoir beaucoup plus souvent des débats approfondis.
M. Gosselin ayant taxé de « bouillie bordelaise », d'une façon que je trouve très injuste, …
… un amendement de La France insoumise défendu par Danièle Obono, je voudrais renvoyer son groupe à un amendement de l'un de ses illustres prédécesseurs, Jacques Toubon, pour qui nous avons beaucoup d'estime : l'amendement cocotiers. En effet, lors du débat sur l'ordonnance relative aux 39 heures, à la cinquième semaine de congés payés et à l'abaissement de l'âge de la retraite, en 1981, Jacques Toubon, pour faire de l'obstruction, avait déposé un amendement visant à demander au Gouvernement de planter dans chaque commune des cocotiers en nombre proportionnel à la population âgée de soixante ans et plus et de rendre obligatoire, une fois par an au moins, l'escalade de ces arbres par l'ensemble de la population majeure.
Tout cela pour dire que chaque groupe, chaque député, dans cet hémicycle, a le droit de déposer des amendements afin qu'ils soient débattus.
C'est notre honneur que de pouvoir avoir ces débats au fond mais, sur le fond, nous voterons contre l'amendement du groupe Les Républicains relatif au principe de précaution, car nous considérons que ce dernier est un principe d'action et de recherche.
Je vois que l'amendement bouillie bordelaise fait florès. Pour être très clair, je précise qu'il ne visait absolument pas l'amendement de Mme Obono mais, de façon générale, l'ensemble des amendements. Le président de Rugy a d'ailleurs très bien suivi le cheminement de ma pensée.
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Une fois n'est pas coutume, j'en conviens, je rends hommage à la présidence, qui a fait preuve de beaucoup de sagacité et de sagesse. Il me semble néanmoins que nous sommes en train de multiplier les sous-thèmes.
En l'occurrence, il ne s'agit pas ici de chercher trente-six mots de vocabulaire, mais de préciser qu'il doit y avoir, dans la Charte, un équilibre réel entre l'innovation et la responsabilité. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
Je rends cependant hommage au rapporteur général, qui s'érige en gardien du temple chiraquien. Pour faire un peu d'humour, je vous rappelle, monsieur le rapporteur général, que la captation d'héritage est un délit, réprimé par l'article 233-15-2 du code pénal !
Sourires sur quelques bancs des groupes LR et FI.
Je ne suis pas surpris de votre dernière remarque, relative à la captation d'héritage. Il vous manque cependant de connaître un élément important : en matière de science et de connaissance, l'échange est libre et la propriété du savoir a toujours été collective ; c'est la force de la collectivité scientifique. Si donc le président Chirac a eu une bonne idée, d'utilité et d'intérêts généraux, son idée appartient à tout le monde et vous ne pouvez pas vous l'approprier.
Le monde est en ordre, ce soir : que le Président Macron ait déjà eu, lorsqu'il n'était pas encore élu, des idées nocives, prouve la continuité de son comportement.
Sourires.
C'est tout : il n'y a pas de changement de bord.
Quant à la bouillie bordelaise, je précise pour ceux qui ne le savent pas qu'il s'agit d'un produit utilisé pour la vigne.
Exclamations sur divers bancs.
Tout le monde le sait ! Je ne comprends pas ce que vous dites parce que vous criez tous en même temps. QUoi qu'il en soit, les viticulteurs bio n'utilisent plus de bouillie bordelaise, dont nous ne sommes donc pas les défenseurs.
J'en viens au fond, à propos du principe de précaution. Vous craignez qu'il n'y ait pas d'effet de ruissellement, c'est-à-dire qu'une bonne idée ne puisse être transformée en une bonne marchandise.
Vous ne comprenez pas l'essence du principe de précaution, qui n'est pas un principe de recul ou de repli, mais un principe scientifique : puisque nous ne savons pas assez, il faut, avant d'utiliser un produit, savoir davantage. Par conséquent, le principe de précaution est ainsi un principe des Lumières, tandis que son refus est un obscurantisme, dont la vocation initiale est le mercantilisme.
Cher collègue, je conclus. Vous nous dites que certains progrès technologiques n'ont pas pu avoir lieu à cause du principe de précaution. Gardez-vous de nous dire lesquels, car s'ils n'ont pu être appliqués à cause du principe de précaution, c'est parce que ce n'étaient pas des progrès…
… et que le principe de précaution nous a préservés des catastrophes qu'ils contenaient.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI, sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur cette question, chaque collègue y va de sa petite analyse : certains parlent d'agriculture, d'autres de médecine, et c'est tout à fait leur droit. Je crains, pour ma part, que le principe de précaution ne disparaisse définitivement au profit du principe d'innovation responsable, expression dont je ne comprends pas trop la signification.
C'est en tout cas une chanson qui nous a souvent été chantée en Guyane, notamment par la compagnie Montagne d'or, porteuse du projet du même nom et qui a l'intention de creuser un gros trou dans le sol guyanais et d'y déverser plus de 47 000 tonnes de cyanure dans les douze ans à venir, tout en nous disant que nous pouvons dormir tranquilles et qu'il n'y a pas de danger, puisqu'elle pratiquerait l'innovation responsable.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
À cela, nous répondons qu'il faut faire attention, car la Guyane est l'un des trois territoires les mieux classés au monde pour leurs ressources en eau, notamment potable. Lorsqu'on connaît le stress hydrique que subissent un grand nombre de pays à travers le monde et qui pousse des gens à migrer, à quitter leur territoire pour aller ailleurs, ce potentiel, chez nous, en Guyane, est une vraie richesse pour la nation.
Nous avons intérêt à faire attention à ce que notre manière de dire les lois ne donne pas à de grandes compagnies financières les moyens d'attenter à ce que nous avons de plus cher. C'est la raison pour laquelle je m'oppose fondamentalement à cette idée et j'invite les collègues à voter contre cette proposition.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Monsieur Vigier n'a pas dû suivre les débats sur le projet de loi relatif à l'agriculture, ni peut-être ceux que nous avons eus, voilà quelques années, sur les OGM, car il aurait pu vérifier la constance de mes positions sur l'interdiction des OGM en France et de leur importation, donc sur l'autonomie de l'agriculture française en matière de protéines végétales – mais laissons cela de côté.
Je tiens à rappeler que, dans les discussions sur le principe de précaution, on fait souvent une confusion avec le principe de prévention. Par exemple, si la loi qui interdit la fracturation hydraulique pour l'exploitation du gaz de schiste a, malgré les recours des compagnies pétrolières, été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, c'est au nom du principe de prévention, qui oblige, lorsqu'on sait qu'il y aura des dégâts sur l'environnement, à les éviter.
Le principe de précaution n'a malheureusement jamais fait l'objet de la moindre jurisprudence du Conseil constitutionnel, et je le déplore. En revanche, le Conseil d'État a pris récemment une décision utile, qui a fait retirer l'autorisation de mise sur le marché du sulfoxaflor, nouveau néonicotinoïde, au nom précisément du principe de précaution, car les données relatives à l'impact de ce produit sur la mortalité des abeilles manquaient dans l'autorisation délivrée : c'est là, dans son acception même, rappelée par André Chassaigne, l'application du principe de précaution.
Pour conclure, j'espère qu'il y aura une majorité aussi large que possible pour repousser ces amendements. Il est triste, en effet, de voir ceux qui étaient à l'origine du moratoire interdisant les OGM en France, quand Nicolas Sarkozy était Président de la République, ou ceux qui ont été à l'origine de la loi d'interdiction de la fracturation hydraulique, inscrire aujourd'hui dans l'exposé sommaire de leurs amendements qu'il faut revenir sur le principe de précaution pour les OGM, le gaz de schiste et l'industrie pharmaceutique, alors qu'on aurait aimé que l'usine Sanofi de Mourenx ait un peu à l'esprit les principes de précaution et de prévention.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je peux comprendre la crainte qu'on pouvait avoir en 2004, ou même il y a dix ans, de voir le développement technologique attaqué par le principe de précaution. Néanmoins, depuis lors, en dehors de l'impact psychologique – donnée qui n'est ni objective ni mesurable – , si l'on s'en tient à l'application du droit dans les faits, très peu de décisions juridiques empêchent une commercialisation ou un développement technologique au nom du strict principe de précaution, comme l'a rappelé Delphine Batho.
Celui-ci n'est un principe d'inaction ou d'immobilisme qui empêcherait certaines innovations de voir le jour, loin de là. C'est au contraire un principe promoteur du progrès et de l'action, qui incite au dépassement, car les conséquences du développement doivent prendre en compte l'environnement.
Il faut arrêter d'opposer systématiquement les entreprises à la préservation de l'environnement.
Dans un contexte où l'enjeu environnemental est l'un des plus grands défis de ce siècle, nos entrepreneurs et nos chercheurs ont déjà pris la mesure de cette question – je dirais même que cette nouvelle donnée du problème les encourage à trouver des solutions innovantes pour y faire face.
Alors, plutôt que de dresser un tableau trop sombre, qui omet que notre pays fait partie de ceux qui créent le plus d'entreprises et qu'il est en avance dans de nombreux domaines technologiques, je vous encourage à avoir une vision plus positive et à voir là une formidable occasion de développement pour notre économie et notre recherche.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 146 |
Nombre de suffrages exprimés | 142 |
Majorité absolue | 72 |
Pour l'adoption | 21 |
contre | 121 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 144 |
Nombre de suffrages exprimés | 138 |
Majorité absolue | 70 |
Pour l'adoption | 16 |
contre | 122 |
À vingt-trois heures quarante-cinq, Mme Carole Bureau-Bonnard remplace M. François de Rugy au fauteuil de la présidence.
La question porte sur le principe de non-régression, que nous avons introduit avec la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, mais seulement pour les actes administratifs : il s'agit donc qu'un principe non-régression puisse aussi s'imposer aux lois. L'inscrire dans le bloc de constitutionnalité aux côtés des autres principes directeurs du droit de l'environnement présente l'intérêt d'en assurer le respect par le législateur. Ainsi, lorsque celui-ci adoptera une mesure au motif qu'elle constitue un progrès pour la protection de l'environnement, il lui faudra faire montre de prudence s'il souhaite l'abroger ultérieurement. Le principe de non-régression contribue ainsi au « mieux légiférer » et impose d'abord une meilleure évaluation environnementale préalable des dispositions votées par le Parlement.
Comme a pu le souligner le Conseil constitutionnel, le principe de non-régression n'interdit nullement au législateur de modifier l'état du droit. Il lui impose surtout de mieux évaluer et de mieux justifier ses choix par rapport, notamment, aux objectifs qu'il s'est fixés ou qui s'imposent à lui. Le principe de non-régression produirait ainsi un effet cliquet qui aurait aussi pour mérite de contribuer au respect par le pouvoir réglementaire des dispositions votées par le législateur.
Reprenant la métaphore de la ceinture et des bretelles employée par le rapporteur Marc Fesneau, puisque les bretelles ont été refusées, il s'agit en l'occurrence, avec le principe de précaution, d'attacher une boucle beaucoup plus solide pour éviter que la ceinture soit lâche et que le droit de l'environnement ne s'effondre.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'ai été interrompu par du brouhaha, madame la présidente ! Je rappelle également que, sur la scène internationale, la France défend le pacte mondial de l'environnement, qui comporte le principe de précaution…
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, pour soutenir l'amendement no 1331 .
À la suite de l'entrée en vigueur de la loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le principe de non-régression est inscrit à l'article L. 110-1 du code de l'environnement en ces termes : « Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
Le Conseil constitutionnel, par sa décision no 2016-737 DC du 4 août 2016, a validé cette disposition tout en limitant sa portée aux normes de nature réglementaire. Le législateur reste donc libre d'apprécier l'opportunité de modifier ou d'abroger des dispositions de nature législative. Le Conseil d'État, dans son arrêt no 404391 du 8 décembre 2017, Fédération Allier Nature, a donné une première application nuancée de ce principe et lui a ainsi reconnu sa pleine valeur juridique.
Une constitutionnalisation de ce principe aurait pour conséquence de l'appliquer non plus seulement aux règlements mais également aux lois. Le principe de non-régression produirait ainsi une sorte d'effet cliquet, consacré dans la décision du Conseil constitutionnel no 84-181 DC du 11 octobre 1984, par laquelle il a considéré que « s'agissant d'une liberté fondamentale, [… ] la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ».
Cependant, l'inscription de ce principe dans la Constitution soulève des interrogations. Ses conséquences sont incertaines : dans quelle mesure des lois fixant des dispositifs trop ambitieux, voire inatteignables, pourraient-elles évoluer si ce principe est constitutionnalisé ? Comment faire évoluer des dispositifs dont l'impact environnemental était mal connu au moment de leur entrée en vigueur ? Qu'en serait-il par exemple de dispositions de fiscalité environnementale pour lesquelles se pose la question de l'évolution à la baisse de leur taux ou de leur assiette ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Parce que, après avoir travaillé avec plusieurs juristes, je n'ai pas obtenu de réponse certaine, je rejoins à titre personnel la position défavorable qu'avait adoptée la commission des lois.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
M. le rapporteur pour avis a été extrêmement clair et limpide : je me joins donc à ses explications ; l'avis de la commission est défavorable.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce sera également un avis défavorable. Le principe de non-régression est relativement jeune puisque, cela a été dit, il découle de la loi biodiversité de 2016. Il a fait l'objet d'une application jurisprudentielle mesurée par le Conseil constitutionnel, celui-ci en ayant restreint l'application aux textes réglementaires : il s'agit d'un « principe d'amélioration constante de la protection de l'environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment », qui « s'impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire ».
C'est un principe jeune, assez modeste dans sa dimension actuelle, mais qui, de par sa nature même, réserve une part importante d'appréciation au législateur. C'est là un point de départ intéressant nous permettant d'avoir des dispositions équilibrées, comme le soulignait M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Il serait peut-être dangereux, à ce stade de l'application de ce principe de non-régression, de déposséder le Parlement d'un pouvoir d'appréciation pour le donner au juge, qui s'appuierait sur des experts. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Je soutiens cet amendement car le principe de non-régression est un levier puissant pour s'assurer d'un progrès, en matière environnementale comme dans d'autres domaines. Nous pensons depuis longtemps que les décisions de l'Union européenne devraient nous garantir la non-régression en matière de clauses sociales au niveau national : ainsi, à chaque fois qu'elles s'appliquent, elles seraient significatives et symboles de progrès. J'appuie donc totalement l'amendement de mon collègue François-Michel Lambert, qui, en l'occurrence, traite de l'environnement. Mais que l'on y réfléchisse bien : ce principe porteur d'avenir nous prémunirait contre toute régression due à des traités internationaux ou à des règles communautaires.
Nous avons des réserves sur la place du principe de non-régression dans la Charte de l'environnement, comme nous l'avons dit précédemment. En revanche, nous en défendons le principe et son inscription dans la Constitution à l'article 1er : nous formulerons des propositions en ce sens.
Je veux juste ajouter – nous aurons l'occasion d'en reparler – que le principe de non-régression est certes jeune dans la loi, madame la garde des sceaux, puisqu'il trouve son origine dans une loi de 2016, mais qu'il est ancien dans la réflexion menée par les milieux chargés de la protection de l'environnement : depuis une trentaine d'années, ce principe est au coeur des réflexions. C'est un aboutissement et non une ambition extraordinaire, puisqu'il s'agit simplement de dire que l'on ne doit pas reculer dans un développement que l'on veut durable.
Les considérants de la Charte de l'environnement expriment bien le développement durable mais pas cet effet de non-recul qui permettra d'avoir des débats sereins sur toutes les questions concernant l'environnement, le climat et la diversité biologique. Au XXIe siècle, il faut aller beaucoup plus loin : il serait extrêmement porteur et enthousiasmant d'inscrire le principe de non-régression pour les générations futures, dont nous parlons tant et pour lesquelles nous faisons si peu.
Tout d'abord, permettez-moi de rappeler que la commission du développement durable a adopté pratiquement à l'unanimité le principe de non-régression : presque dans son ensemble, avec des représentants de tous les bords politiques, elle a affirmé que ce principe était indispensable. Pourquoi ? Parce que la vraie régression, c'est l'effondrement de la biodiversité, c'est l'augmentation des gaz à effets de serre, c'est la raréfaction des ressources, ce sont les gens qui meurent de la pollution de l'environnement : voilà la réelle régression !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR, sur quelques bancs des groupes LaREM et NG ainsi que parmi les députés non inscrits.
Au niveau international, dans d'autres hémicycles, à l'ONU – l'Organisation des Nations unies – , nous allons affirmer qu'il convient de souscrire un pacte mondial sur l'environnement, incluant le principe de non-régression, mais ici, nous n'en sommes pas capables, pour une prétendue histoire de jeunesse ! Je me demande si notre propre jeunesse verra l'avenir ! Alors soyons courageux, votons le principe de non-régression, avançons !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI, sur quelques bancs des groupes LaREM et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits.
Nous pouvons discuter de l'endroit de la Constitution où inscrire le principe de non-régression mais pas affirmer que l'on ne peut le mettre nulle part parce qu'il serait trop jeune. Le principe de non-régression est l'un des points fondamentaux de l'Accord de Paris sur le climat adopté lors de la COP21, les parties s'engageant à réviser leurs engagements à la hausse en faveur du climat. Il est l'un des points principaux du pacte mondial pour l'environnement défendu par la France – à l'initiative de Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel – et cité dans le communiqué du G20. Selon l'article 17 de ce pacte : « Les parties [… ] s'abstiennent d'autoriser des activités ou d'adopter des normes ayant pour effet de diminuer le niveau global de protection de l'environnement garanti par le droit en vigueur. »
Tel est le principe de non-régression, et c'est la raison pour laquelle cela a un sens de l'inscrire dans la Constitution : il constitue un verrou constitutionnel qui empêchera demain le législateur non pas d'adapter les lois mais de diminuer leur niveau d'ambition pour la protection de l'environnement. Ce principe est donc très important. Si la révision constitutionnelle doit apporter un progrès dans la Constitution pour l'écologie, pour l'environnement et pour le climat, c'est celui du principe de non-régression. Je voterai donc cet amendement, même s'il modifie la Charte de l'environnement ; nous y reviendrons dans des débats sur l'article 1er.
Je veux avancer des arguments complémentaires qui n'ont pas encore été évoqués. Cela concerne ce qui se passe au niveau mondial : désormais, des chefs d'État, qu'ils soient élus démocratiquement ou parvenus au pouvoir par d'autres moyens, s'engagent dans la régression en matière de protection de l'environnement.
Nous ne sommes pas à l'abri, en France, d'avoir un Trump qui reviendrait sur toutes les avancées obtenues dans le domaine environnemental !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LaREM et NG.
le deuxième argument concerne le débat sur la transposition des directives européennes : d'une manière générale, nous sommes habitués à des directives européennes qui apportent un niveau de protection supérieur à celui de la législation française. Mais celle-ci comporte aussi des dispositions susceptibles d'être supérieures à des directives européennes qui seront adoptées demain – je regarde ce qui se passe au niveau européen. Dans ce cas, la protection environnementale pourrait régresser. C'est pour cela qu'il faut inscrire ce principe dans la Constitution : ce sera une protection pour l'avenir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Nous vous proposons une modification de l'article 2 de la Charte de l'environnement, dans un premier temps, pour substituer aux mots « développement durable » l'expression « transition écologique ». En effet, il nous paraît que la notion de développement durable n'est pas un concept opérationnel et fait difficilement face aux défis globaux auxquels nous devons répondre. Quant à la transition écologique, nous la verrions au même titre, par exemple, que la transition démographique, s'entourer d'un certain nombre d'objectifs de progrès sociaux mesurés par des indices sanitaires, des indices éducatifs et des indices en matière de droits des femmes.
Voilà donc une première proposition qui tend à nouer plus étroitement progrès social et progrès écologique en y conditionnant le développement économique. Il importe selon nous en effet de tourner le dos aux orientations politiques et économiques qui rendent le système actuel incompatible avec la poursuite de l'intérêt général sur les plans social comme environnemental. Tel est le sens de cet amendement.
Sur l'amendement no 1106 , je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir cet amendement.
Il vise à préciser les conditions de la nécessaire transition écologique. la formulation de l'article 6 de la Charte de l'environnement n'a pas, de notre point de vue, rempli son office. Cet article ne peut pas fonder une question prioritaire de constitutionnalité ; c'est le Conseil lui-même qui l'a décidé, en 2012, dans une décision sur une QPC. Concrètement cela veut dire que les citoyens, les individus, ne peuvent pas mettre en cause devant le juge constitutionnel une loi qui irait à l'encontre de la protection de l'environnement. Nous n'avons donc pas en l'état de droit individuel à protéger l'environnement contre la voracité de certains intérêts économiques.
Il ne doit plus en être ainsi. Il doit y avoir consensus quant au fait que l'intérêt économique ne doit pas prévaloir sur l'intérêt écologique, déclinaison évidente de l'intérêt général. La Charte de l'environnement, en particulier son article 6, doit avoir un effet réellement contraignant. Il doit encadrer le travail législatif et donner un cap écologique aux normes organisant les interdits et les autorisations en France.
Il n'y a de notre point de vue aucun argument juridique pour ne pas modifier la Charte de l'environnement. C'est donc bien un choix politique de la majorité que de rester dans la communication concernant l'écologie et de ne surtout rien faire pour permettre un changement réel de paradigme.
Pourtant, parmi tant d'autres, le cas de Sanofi, accusé par l'association France nature environnement de polluer le bassin de Lacq avec des rejets issus de la fabrication d'un médicament controversé, la Dépakine, montre l'urgence d'instituer une véritable démocratie écologique. Soit nous le faisons et nous nous donnons les moyens d'une véritable transition écologique, soit la majorité arrête de communiquer à tout propos sur ce sujet, ce qui n'est respectueux ni des citoyens ni des enjeux de transition écologique.
Si nous voulons introduire cette disposition dans le texte constitutionnel, c'est une fois de plus pour lui permettre de garantir les droits de l'écosystème et la transition écologique.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?
Comme vous le savez, notre majorité a choisi d'inscrire le principe de la lutte pour la préservation de l'environnement à l'article 1er de notre Constitution précisément pour affirmer qu'il fait partie des grands principes fondant notre République. Nous partageons donc bien évidemment les objectifs que vous poursuivez, madame Obono.
Le caractère soutenable du développement économique que vous appelez de vos voeux me paraît déjà pris en compte par le droit reconnu à toute personne de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé par l'article 1er de la Charte.
Par ailleurs, votre proposition supprime toute exigence de conciliation entre la protection de l'environnement, le développement économique et le progrès social.
Or, à mon sens, ce n'est pas en empêchant tout développement économique et tout progrès social que nous ferons avancer la lutte en faveur de la protection de l'environnement mais bien au contraire en poursuivant ces trois objectifs de concert.
L'avis est donc défavorable.
La rédaction actuelle de la Charte de l'environnement, dont nous avons dit à plusieurs reprises que nous ne souhaitions pas la modifier, me semble avoir trouvé, avec la notion de développement durable, un équilibre entre divers paradigmes qu'elle souhaite concilier – développement économique, progrès social et protection et mise en valeur de l'environnement. Je rappellerai d'ailleurs que la notion de développement durable est au coeur de la déclaration de Rio, point de départ et texte fondateur du droit international de l'environnement, qui date de 1992.
J'ajouterai un dernier mot. Il me semble vous avoir entendu dire, madame Obono, que les articles de la charte de l'environnement ne pouvaient pas être invoqués à l'appui d'une QPC, mais je me trompe peut-être. C'est notamment exact s'agissant de l'article 6 mais la rédaction que vous proposez ne le rendrait pas davantage invocable.
La notion de développement durable a effectivement été développée lors des débats de Rio il y a très longtemps, au siècle dernier, lorsque nous étions encore au début d'une prise de conscience internationale. Cela a évidemment été un point d'appui pour faire évoluer les débats politiques et la recherche sur ce sujet. Ils ont évolué depuis lors ; c'est pourquoi on y substitue aujourd'hui, dans les débats internationaux, une acception plus large de cette question.
Il ne s'agit pas d'opposer les diverses formes d'activités économiques aux intérêts sociaux, madame la rapporteure, mais de déterminer ce qui doit prévaloir. Nous, nous considérons que les questions de la transition écologique, du bien-être écologique et de l'intérêt écologique doivent prévaloir sur les intérêts économiques. C'est pour nous une question de principe et c'est pourquoi nous voulons inscrire dans le texte constitutionnel ce principe, davantage en adéquation avec l'intérêt général que les intérêts économiques particuliers.
S'ils peuvent se concilier, tant mieux, mais c'est malheureusement rare et, dans les autres cas, il faut que l'intérêt écologique soit la norme suprême. L'expression « développement durable » est devenue un oxymore précisément parce que ces notions sont de plus en plus apparues inconciliables, notamment s'agissant d'intérêts économiques internationaux ou de traités internationaux qui faisaient prévaloir les intérêts économiques sur la référence écologique.
Voilà pourquoi nous maintenons notre amendement et vous appelons à voter en sa faveur.
L'amendement no 2345 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 104 |
Nombre de suffrages exprimés | 104 |
Majorité absolue | 53 |
Pour l'adoption | 18 |
contre | 86 |
L'amendement no 1106 n'est pas adopté.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement no 388 .
Il s'agit d'inscrire l'objectif de lutte contre le changement climatique à l'article 6 de la Charte de l'environnement, lequel serait ainsi rédigé : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Elles sont conformes à l'objectif de lutte contre le changement climatique. »
Cet ajout évite une approche « carbocentrée » de l'objectif de lutte contre le changement climatique et l'intègre dans une vision plus globale du développement durable, appuyée sur les trois piliers, notamment les autres enjeux environnementaux. À titre d'exemple, la production d'électricité nucléaire produit des déchets de longue durée même si ses partisans soulignent qu'elle serait peu émettrice de dioxyde de carbone. Cela permettra une conduite plus juste par rapport aux enjeux qui sont devant nous : tout à la fois les enjeux climatiques, les enjeux de ressources et les enjeux de pollution.
Nous approuvons bien évidemment tout ce que vous venez de dire et c'est la raison pour laquelle nous proposons d'inscrire cet objectif à l'article 1er de notre Constitution, et non dans la Charte de l'environnement. L'avis est donc défavorable.
À propos d'un amendement précédent, Mme la garde des sceaux avait déclaré que nous corrigions la Charte de l'environnement en modifiant l'article 1er. J'avoue que, n'ayant pas étudié le droit, j'ai quelques difficultés à comprendre qu'en modifiant un texte j'en corrige un autre. Il me semble que, si nous voulons assurer une facilité de compréhension qui permette de dépasser le cercle des juristes spécialisés, nous aurions tout intérêt à travailler sur la Charte de l'environnement. Même si certains voudraient revenir sur ce qu'eux-mêmes ou leurs prédécesseurs ont voté, ce texte doit être le socle sur lequel s'appuyer constamment pour assurer la transition écologique et solidaire. Voilà pourquoi je maintiens cet amendement.
Cet amendement illustre parfaitement la communication de la majorité. Cela fait un an qu'on nous annonce qu'en matière d'environnement on va voir ce qu'on va voir et que Nicolas Hulot va révolutionner la pratique écologique : or, depuis un an, il ne s'est rien passé. Et comme il ne s'est rien passé, il ne reste plus, pour sauver la planète, qu'à introduire dans la Constitution tel ou tel élément de la Charte de l'environnement.
Tout à l'heure, le rapporteur Ferrand nous appelait à ne pas dénaturer la Charte de l'environnement et à préserver l'héritage de Jacques Chirac. Préservons cet héritage : ne touchons plus à la Charte de l'environnement et arrêtons de vouloir introduire tout et n'importe quoi dans la Constitution. Alors que la majorité nous explique, depuis tout à l'heure, qu'il ne faut rien ajouter au préambule parce qu'il est suffisamment explicite, on voit des députés de cette même majorité chercher à y introduire des dispositions qui se trouvent dans l'article suivant. On part dans tous les sens ! À ce rythme, ce débat constitutionnel ne sert pas à grand-chose et n'avance pas ; il se poursuivra pendant un mois ou un moins et demi, et, en septembre, on n'aura pas progressé d'un iota pour préserver la planète.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement no 388 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1308 .
Nos débats montrent que les bouleversements environnementaux se succèdent à une vitesse inquiétante. Ils démontrent aussi que le capitalisme financier, même lorsqu'on le dit populaire, est toujours plus ravageur, toujours plus gourmand d'un gâteau qu'il n'envisage pas de partager de façon égale avec des hommes, des femmes, des enfants aux conditions de vie de plus en plus fragilisées.
Par cet amendement, nous proposons que la Charte de l'environnement garantisse une action résolue de nos politiques publiques pour que partout sur le territoire national, chacun, quelle que soit sa situation économique, puisse avoir accès à des biens communs de première nécessités : l'eau, l'alimentation, un air sain.
Nous avons déjà eu le débat sur les biens communs, cher collègue, et nous n'avons pas changé d'avis entre-temps. L'avis de la commission reste donc défavorable.
Ce sera le même avis, madame la présidente.
Je voudrais juste répondre à M. Lambert que je me suis peut-être mal exprimée : nous ne corrigeons pas la Charte de l'environnement ; nous la laissons en l'état. Nous le répétons depuis tout à l'heure : nous ne touchons pas à la Charte de l'environnement de 2004. En revanche, dans le corps même de la Constitution, à l'article 1er, grâce par des amendements ultérieurs, nous ajouterons un certain nombre d'éléments conformes à vos objectifs de lutte contre les changements climatiques, de protection de la biodiversité, etc.
L'amendement no 1308 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 2113 .
Il vise à protéger sur le plan constitutionnel les lanceurs d'alerte menant un combat en faveur de l'écologie. L'inscription que nous proposons interdit toute mise en oeuvre de mécanismes pénaux, même sur le plan législatif, visant à réprimer l'action des lanceurs d'alerte qui auraient agi sans utiliser de moyens violents.
Cette inscription constitue une garantie forte car, étant inscrite sur le plan constitutionnel, elle interdit une abrogation ultérieure ou un affaiblissement du statut de lanceurs d'alerte à la faveur d'un changement de majorité politique. Il s'agit en outre d'une garantie pour les libertés publiques.
Par ailleurs, cette inscription ne prive en aucun cas d'effectivité les autres dispositions législatives protégeant les lanceurs d'alerte dans des domaines autres que ceux relatifs aux questions environnementales. En effet, la rédaction proposée ne réserve pas le statut de lanceurs d'alerte aux seuls lanceurs d'alerte environnementaux.
La loi de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a institué une protection générale des lanceurs d'alerte que votre proposition ferait voler en éclats.
Dans cette loi, le lanceur d'alerte est défini en termes très généraux : « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général dont elle a eu personnellement connaissance ». Par ailleurs, une loi organique a placé le lanceur d'alerte sous la protection du défenseur des droits, chargé de veiller aux droits et libertés de cette personne.
Pour ces raisons, je pense qu'il est inutile de prévoir une disposition constitutionnelle. L'avis de la commission est donc défavorable.
Il est également défavorable. Je rappelle simplement que les causes d'irresponsabilité pénale relèvent de la loi et pas du plan constitutionnel. Par ailleurs, vous savez qu'une directive européenne est en cours de préparation à ce propos.
L'amendement no 2113 n'est pas adopté.
En présentant cet amendement, je pense à ceux qui, parmi nos collègues, recommandent de ne pas toucher à la Charte de l'environnement et de ne pas ajouter d'éléments sur la question de l'environnement dans la Constitution.
Je vous ai entendu citer la conférence de Rio de 1992, madame la garde des sceaux, et rappeler que cet événement était récent. Or, en 1992, le « jour du dépassement », où l'humanité est supposée avoir consommé l'ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an, survenait à peu près à la mi-octobre. Dorénavant, vous le savez comme moi, c'est le 1er août. L'urgence est telle, contrairement à ce qui se dit, que nous sommes d'une certaine façon toujours à la traîne par rapport à ce qu'il conviendrait de faire, y compris quand il s'agit de constitutionnaliser des questions environnementales.
Cet amendement a deux objets : en matière environnementale, il faut toujours multiplier les précautions, et, de ce point de vue-là, comme dans d'autres domaines, la solution, c'est souvent le peuple. Cet amendement vise donc à rendre systématique et obligatoire la consultation des populations concernées par tout projet ayant un impact environnemental. En l'état actuel du droit, seul existe, pour l'État et les collectivités, une obligation d'information. Nous jugeons que c'est trop peu car la démocratie exige un pouvoir de décision populaire. La préservation de la qualité de vie des populations et le respect de l'environnement imposent de placer désormais les citoyens au coeur des processus de décision.
Nous l'avons vu ces dernières années à Notre-Dame-des-Landes ou ailleurs, les luttes environnementales défendent bien souvent l'intérêt général et nous alertent sur de possibles conséquences écologiques absolument catastrophiques, d'où l'idée de rendre systématique, à l'avenir, la participation du peuple à ce type de projets.
J'imagine que des collègues ne manqueront pas de dire que ce serait là une contrainte pouvant bloquer tout progrès. Or ce serait au contraire une formidable opportunité que de reconsidérer les finalités de l'action publique, d'élever le niveau de conscience civique général et de réfléchir à des solutions alternatives.
Je l'ai dit : dans le domaine environnemental comme dans d'autres, la solution, c'est le peuple !
Il y a eu un référendum à Notre-Dame-des-Landes. Avec vous, c'est le peuple à géométrie variable.
L'article 7 de la Charte de l'environnement dispose déjà : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. » La participation citoyenne que vous appelez de vos voeux est donc déjà prévue.
J'ajoute qu'elle compte parmi les compétences de la Commission nationale du débat public, qui organise sur tout notre territoire des débats relatifs à cette question.
Enfin, si vous voulez accentuer la participation citoyenne en la matière, je vous invite à modifier la loi plutôt que notre Constitution.
L'avis est défavorable.
Il est identique. Sauf votre respect, monsieur Coquerel, je ne vois pas du tout quelle est la plus-value de votre proposition par rapport à ce qui est déjà écrit dans la Charte de l'environnement.
Je trouve très intéressant de vouloir inscrire dans la Constitution la consultation des populations concernées. Je rappelle simplement que la population a bien été consultée à Notre-Dame-des-Landes et que l'on s'est largement assis dessus…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je n'avais pas spécialement envie de répondre mais, monsieur Gosselin, il faut s'entendre sur ce que sont les populations concernées.
Quand un équipement est payé par la nation et qu'il présente un intérêt à l'échelon régional voire national, vous ne pouvez pas considérer que la population concernée se limite au département. Pour le coup, c'est la raison pour laquelle nous étions opposés à la consultation à Notre-Dame-des-Landes.
L'amendement no 1107 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1108 .
Il concerne un sujet essentiel, fondamental : le droit pour chaque être humain, pour chaque citoyen, d'accéder à l'eau. Il ne viendrait à l'idée de personne que l'air que nous respirons devienne une denrée marchande. Pourtant, il en est ainsi de l'eau. « L'eau n'est pas nécessaire à la vie, elle est la vie », disait Antoine de Saint-Exupéry.
Voilà donc ce que nous voulons préciser au travers de cet amendement : chaque citoyen doit avoir l'accès à l'eau, « nul ne peut en être privé », la « tarification est progressive », « les quantités minimales indispensables sont gratuites et garanties par les autorités publiques aux personnes physiques » et « les mésusages de ces ressources sont sanctionnés ».
Cela permettrait à nos débats – qui, jusqu'à présent, ont un caractère un peu éthéré, quoique principiel – de déboucher sur un droit réel pour chaque citoyen. Si vous adoptez cet amendement, nous montrerions l'exemple à l'humanité en proclamant ici un droit universel.
Nous avons évoqué cette question ici même comme en commission à l'occasion de la discussion d'une proposition de loi qui avait le même objet. Nous sommes toujours défavorables à ce type d'amendement.
Il est défavorable. J'ai eu l'occasion de citer, tout à l'heure, la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2015 faisant de l'accès à l'eau en tant que réponse à un besoin essentiel de la population un objectif à valeur constitutionnelle.
Je prends trente secondes car cet amendement est intéressant. Pourquoi l'eau et pas l'électricité, après tout ? La problématique est exactement la même.
J'appelle l'attention de la représentation sur un sujet absolument majeur et dont tout le monde se moque : le rythme d'investissement actuel dans nos réseaux d'eau ne permet pas leur renouvellement ; si rien ne change, il y faudrait plusieurs centaines d'années. L'alimentation en eau de nos concitoyens, de l'ensemble de la population, sera compromise en raison du sous-investissement dramatique, y compris de la part des régies publiques. Peut-être certains souriront-ils, mais je tiens à vous dire que ce sous-investissement, qui atteint des dizaines de milliards d'euros, constitue un problème absolument majeur. Dans dix ou quinze ans, une partie de la population ne sera plus alimentée en eau potable parce que nos réseaux sont en train de pourrir. C'est grave !
Pourquoi l'eau et pas l'électricité ? Parce que, pour vivre, on a besoin d'eau et que l'électricité est moins vitale.
Je soutiens totalement cet amendement intéressant pour ouvrir le débat. Je suis élu de la circonscription du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest, où plus qu'ailleurs on sait que l'eau est vitale, que l'on en a besoin tout le temps. J'espère que l'ensemble des parlementaires ici présents soutiendront cet amendement qui me semble de bon sens.
Je resterai dans le même registre, madame la garde des sceaux. Un collègue disait à l'instant que l'eau n'est pas nécessaire à la vie mais qu'elle est la vie. Nous avons tout intérêt à lancer un signal très fort au monde en la matière. Je ne voudrais pas circonscrire cette question à la nation : je souhaite la placer sur l'échiquier international. Certains États mènent en ce moment une grande bataille pour pouvoir vérifier s'il y a eu de l'eau et de la vie sur Mars, tandis que, sur terre, certains êtres humains, nos pareils, meurent de faim et de soif faute de disposer d'eau à proximité.
Nous devons profiter de cette belle opportunité pour faire en sorte que l'accès à l'eau soit constitutionnalisé. Ne nous contentons pas de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et témoignons de notre volonté forte de faire en sorte que l'accès à l'eau, à l'eau potable, soit un droit pour tous les êtres humains, sur le sol national et ailleurs sur la terre !
Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux, mais je ne crois pas que la jurisprudence du Conseil constitutionnel acte l'accès gratuit à l'eau. Vous n'avez donc pas répondu, et c'est dommage.
J'espère que cet amendement sera finalement adopté car il y a là un débat fondamental. Notre collègue de droite – pardon, du groupe Les Républicains – qui n'a pas vu la pertinence de cet amendement en le comparant à l'accès à l'électricité ne comprend pas l'enjeu fondamental que cela représente.
D'autres collègues l'ont expliqué : l'eau, c'est la vie. Veillons à ne pas nous diriger vers une privatisation et une marchandisation de ce bien fondamental. S'il faut s'interroger sur la nécessité d'investir dans différents réseaux d'accès à l'eau, nous devons aussi nous interroger sur le fait que des compagnies, de grands groupes privés, ont mis la main sur le secteur de l'eau dans notre pays et dégagent des bénéfices insupportables sur cette denrée indispensable à la vie ! Je tiens à citer ici Veolia, notamment, qui a privatisé l'accès à l'eau dans notre pays et adresse à nombre de nos concitoyens des factures insoutenables ! Il y a là un débat de fond et un rapport de forces que nous devrons aborder et affronter. Cet amendement devrait permettre de le faire dans des conditions différentes. Je vous invite donc à le voter.
L'amendement no 1108 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 905 .
L'amendement no 905 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
À la première phrase du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, nous suggérons, après le mot « République », d'insérer le mot « territoriale » : « La France est une République territoriale, indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Cette formulation prend en compte la réalité de la France, composée, comme cela a été dit, d'identités territoriales plurielles.
Le concept de décentralisation, qui figure à l'article 1er et que nous défendons évidemment, paraît trop restrictif et revêt un caractère uniquement organisationnel. C'est pour cette raison qu'il est selon nous nécessaire de modifier les principes de la Constitution, afin de reconnaître davantage sa diversité territoriale et culturelle. Je ne doute pas que nous reviendrons sur ce débat.
J'ajoute, pour finir, que cet amendement est évidemment sous-tendu par notre volonté de voir la Corse dotée de nouvelles compétences et de l'habilitation à adapter les lois.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 874 .
Il est évident qu'insérer le mot « territoriale » après le mot « République » voudrait dire que celle-ci admet qu'elle est fondée sur une diversité de territoires. La notion de territoire n'est pas neutre : elle renvoie à des caractéristiques environnementales, sociales, économiques et éventuellement culturelles. Le mot « territoire » est chargé de sens à cet égard, et parler de « République territoriale » reviendrait à reconnaître de manière intrinsèque, dès l'article 1er, que l'on ne peut plus se satisfaire d'un principe jacobin, trop centraliste. Il importe d'adapter la loi et les politiques publiques à cette diversité territoriale au fondement même de la conception des politiques publiques.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement no 1575 .
La République est une et indivisible, et nous sommes tous des élus de la nation. Mais nous sommes aussi l'émanation des territoires, qui sont riches et divers, en métropole comme dans les territoires et départements d'outre-mer, que certains collègues de notre groupe représentent depuis si longtemps.
C'est un mot fort que le mot « territoire ». Il nous renvoie à cette nation, certes unique, mais qui s'est composée dans le temps à partir de territoires qui ont leur richesse, leur capacité d'innovation et leur créativité, que l'on songe aux territoires ruraux, souvent mis en exergue, ou aux territoires suburbains, par exemple. Tous ces territoires, articulés les uns aux autres, sont capables de créer cette fameuse croissance, qu'on ira chercher dans les territoires. D'ailleurs, lundi, le Président de la République a utilisé le mot « territoire » à huit reprises.
Ne serait-il pas utile, mes chers collègues, de faire référence à ces territoires dans notre Constitution ? Ne serait-ce pas un gage de confiance que de leur montrer qu'on les prend davantage en compte ?
D'autant plus que demain, ici même, à neuf heures trente, on apprendra, dans le débat d'orientation budgétaire, que Bercy a prévu de diminuer d'1 milliard les crédits pour les territoires.
Ce soir, nous pourrions donner un signal très fort, qui serait entendu un peu partout, dans les territoires français métropolitains et d'outre-mer, comme l'ont dit nos collègues corses.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-Agir et LR.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Monsieur Vigier, je vous invite à lire l'amendement no 2165 , que nous examinerons bientôt, et qui est issu de nos débats en commission. Il propose de reconnaître la diversité des territoires, en la liant à l'organisation décentralisée de la République. Cet amendement répond donc parfaitement à votre préoccupation, et je répète qu'il est issu des débats que nous avons eus en commission : je le dis très simplement, il est apparu, au cours de nos débats, que la diversité des territoires devait être reconnue. Néanmoins, si ces trois amendements identiques étaient adoptés, nous arriverions à la phrase suivante : « La France est une République territoriale, indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Il faut cesser d'accumuler les qualificatifs, pour un séquençage plus lisible des phrases de l'article 1er.
Je vous invite donc à retirer vos amendements et à voter celui des rapporteurs, soutenu par un certain nombre de groupes, qui reconnaît la diversité des territoires, en la liant à l'organisation décentralisée de la République. Dans le cas contraire, la commission émettra un avis défavorable sur ces amendements.
Je suis exactement du même avis. La rédaction qui nous est proposée par ces amendements heurte le principe de clarté et de lisibilité des textes. En revanche, parce que l'objectif que vous proposez mérite d'être poursuivi, des rédactions différentes vous seront soumises, dans quelques instants peut-être, sinon demain.
Je veux seulement rappeler que nul ne conteste l'organisation territoriale de l'État, pas plus que la diversité des territoires. C'est tellement vrai que l'article 1er de la Constitution précise que l'organisation de la République est décentralisée. Si la décentralisation n'était pas reconnue, il n'y aurait pas de territoires, et inversement. Cela montre donc bien que les territoires sont pris en compte, puisque l'organisation de la République elle-même les prend en compte.
J'aimerais soutenir ces amendements identiques et rebondir sur les propos de notre collègue Philippe Gosselin. Oui, bien sûr, nous soutenons une République décentralisée, mais il ne faut pas confondre, d'une part, l'organisation administrative et la répartition des compétences au sein des collectivités, qui sont respectivement uniforme et identique, …
… et, d'autre part, la diversité des territoires ou les spécificités territoriales.
C'est ce que ces amendements proposent de souligner. De mon point de vue, il n'y a pas d'incompatibilité entre la reconnaissance des territoires et de leurs spécificités, et l'attachement à la décentralisation, qui renvoie uniquement à une modalité d'organisation administrative de notre République.
Je défends à nouveau ces amendements. Cela n'étonnera personne si je vous dis que la conception de la France est très décentralisatrice et qu'elle repose beaucoup sur la diversité des territoires. Cette diversité, dans notre esprit, ne s'oppose en aucun cas à l'unité autour de principes communs. La question de la structure de la France est un débat éternel, entre structure monolithique ou structure décentralisée. Nous, nous sommes très clairement pour la reconnaissance de la diversité et des différences géographiques, culturelles et historiques de la France, c'est tout simple.
Je voudrais répondre à notre collègue Philippe Gosselin, en m'appuyant sur ce qu'a très bien dit notre collègue Sylvia Pinel. La décentralisation est une organisation administrative, mais c'est froid, alors que, derrière le mot « territoire », il y a les hommes, il y a un coeur, ça vibre. Il y a de l'audace.
Cela vous fait rire ? Mon combat ne date pas d'aujourd'hui, madame Motin. J'ai déposé, il y a sept mois, une proposition de loi créant une Agence nationale pour la cohésion des territoires, et nous attendons toujours l'arbitrage interministériel sur ce sujet. Cela fait sept mois que je répète qu'il est vital de remettre les territoires en mouvement.
Pardonnez-moi, mais qui peut contester le fait que nous vivons un moment de recentralisation dans ce pays ? J'entends ce que dit Marc Fesneau, mais aura-t-il la gentillesse de me dire sous quelle forme, et avec quelle précision, il entend faire entrer le mot « territoire » dans ce texte ?
Je veux bien renoncer à cet amendement, à la seule condition que la notion de territoire, très forte, apparaisse bien dans notre Constitution. J'attends la réponse du rapporteur.
Je veux moi aussi réaffirmer que la décentralisation est un mouvement d'organisation de compétences, qui peut d'ailleurs ne pas correspondre à de bons territoires. Les territoires doivent être définis par des données économiques, sociales, économiques et par une dimension environnementale et culturelle.
Nous avons bien vu, par exemple, que la régionalisation n'avait pas été bien faite, puisque certains territoires veulent sortir des régions, telles qu'elles ont été établies par le haut, par un pouvoir jacobin.
Le débat est toujours en cours. Reconnaître les territoires signifie que la République s'engage à reconnaître ce qu'elle est de manière vivante, et non pas de manière désincarnée. Cela signifie qu'après avoir inscrit ce principe dans la Constitution, elle va, sur le terrain législatif, définir précisément ce que sont ces territoires et la manière dont s'articulent leurs compétences.
Si le Gouvernement propose de reconnaître la diversité des territoires à l'article 1er, il est évident que cela contribuera, d'une part à enrichir notre débat sur le projet de loi constitutionnelle – et nous espérons que d'autres enrichissements sont à venir – , d'autre part à établir une distinction et à reconnaître la complémentarité entre le mouvement de décentralisation, qui est un mouvement d'organisation, et la reconnaissance des territoires, lesquels ont une dimension sociale, économique, démographique, culturelle et environnementale.
J'aimerais formuler trois remarques.
Premièrement, je ne suis pas certain que notre collègue Philippe Vigier défende exactement les mêmes intérêts que les auteurs des deux autres amendements. Je crains que le mot « territoire » n'ait pas exactement le même sens pour chacun d'entre eux.
Deuxièmement, la pathologie face à laquelle nous nous trouvons à cet instant est caractéristique de notre époque, et vous l'avez exprimé tout à l'heure. Vous savez comme moi, cher collègue Vigier, que ce n'est pas parce que vous inscrirez le mot « territorial » dans la Constitution que vous éviterez demain le saccage budgétaire organisé des territoires, pas plus que la recentralisation féroce qui est en cours. C'est d'ailleurs aussi pour cette raison que nous avons à plusieurs reprises, en commission des lois, fait remarquer à M. le rapporteur et à Mme la garde des sceaux que ce n'est pas l'ajout artificiel de quelques mots dans la Constitution qui rendra effectifs des avancées et des droits.
Troisièmement, je m'adresserai au Président Macron, puisqu'il semble que le Parlement puisse désormais s'adresser très librement au Président de la République.
Sourires.
Il a lui-même introduit cette pathologie lors du Congrès, lorsqu'il a accolé au mot « République » des qualificatifs qui n'y ont pas leur place. Il a notamment employé une expression qui est à mon sens d'une gravité absolue et qui aurait dû être relevée par chacune et chacun d'entre nous : il n'a pas parlé seulement de République mais de « République contractuelle ». Voyez-vous, à force de vouloir ajouter des qualificatifs aussi suspects au mot « République », on finit par corrompre les valeurs essentielles qui sont les siennes. L'exercice auquel, monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous nous invitez à ne pas céder, c'est le Président Macron qui y a cédé, il n'y a pas si longtemps.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je n'ai pas compris si vous êtes pour ou contre ces amendements, monsieur le rapporteur. Je suis très heureux d'entendre qu'après les heures passées à débattre en commission, vous avez évolué et vous retenez la notion de diversité territoriale. C'est cela, la richesse de notre pays, ses 36 000 communes, un peu partout. Moi, je suis né dans le Cantal, où l'on sait ce que c'est qu'une petite commune et un territoire.
Je n'ai pas très bien compris votre explication, mais je suis très heureux, monsieur le rapporteur, d'entendre que nous allons évoluer et retenir la notion de diversité territoriale, qui est notre richesse, qu'elle soit de Corse, du Cantal ou d'ailleurs. C'est cela, la vertu du débat : faire évoluer ceux qui tiennent la plume.
Monsieur Gosselin, c'est un vrai débat : vous considérez l'outil mais pas forcément l'objectif. S'il est inscrit, à l'article 1er, que l'organisation de la France est décentralisée, c'est un moyen, un outil.
D'ailleurs, cette rédaction est imparfaite car on ne voit que l'outil sans en percevoir la finalité.
Pour essayer de faire vibrer M. Vigier, M. Castellani, M. Acquaviva et nous tous qui nous passionnons pour les territoires, permettez-moi de vous lire la proposition d'une nouvelle rédaction de cet article, qui vous sera soumise d'ici quelques centaines d'amendements, donc pas ce soir : « Elle reconnaît la diversité de ses territoires par son organisation décentralisée. »
Il me semble que cela répond aux préoccupations exprimées par les uns et les autres.
Monsieur El Guerrab, je ne suis pas certain d'avoir changé d'avis car j'ai toujours eu conscience de l'importance de la notion de diversité.
J'ai peur que l'on nous enfume ! J'assiste, sur mon territoire, qui a sa spécificité, à un désengagement de l'État de ses fonctions régaliennes, et j'ai bien peur que, demain, on nous annonce un recul supplémentaire de la présence de l'État sur nos territoires.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'ai le sentiment, sans doute partagé, que l'on porte régulièrement atteinte au principe de libre administration des collectivités locales, à leur autonomie fiscale et financière. Au bout du compte, on ne souffre ni d'un excès d'État ni d'une décentralisation accentuée, mais on assiste à l'émiettement des compétences des collectivités locales et de la présence de l'État, qui a vocation à protéger l'ensemble des territoires.
Je ne suis pas certain que ce débat réponde à cette réalité. De notre côté, nous avons formulé des propositions pour équilibrer l'aménagement du territoire, renforcer l'autonomie fiscale des collectivités locales, préserver la commune, instance de démocratie vivante de proximité, ne serait-ce qu'un peu plus loin dans la Constitution. Mais j'ai bien peur que vos propositions ne parviennent pas à sanctifier ces principes dans la Constitution. À cette heure tardive, j'espère que l'on n'essaie pas de nous enfumer sur des sujets aussi importants.
J'ai bien entendu les propos du rapporteur. Je consens à donner un gage de confiance en retirant mon amendement. Puisqu'un certain nombre d'amendements permettront, dans les prochains jours, de donner corps à l'identification territoriale, en particulier pour ce qui concerne l'autonomie financière, au nom de mon groupe, je retire l'amendement no 1575 .
L'amendement no 1575 est retiré.
Je trouve ce débat tout à fait passionnant. Marc Fesneau propose une solution de sortie d'ici quelques centaines d'amendements, mais je voudrais simplement lui demander, puisqu'il critiquait la rédaction précédente, qui était imparfaite, de réfléchir au fait que la décentralisation n'est pas synonyme de diversité des territoires. Si les grands actes de décentralisation portés par Gaston Defferre en 1981 tendaient à rapprocher la décision publique des concitoyens, je ne suis pas certain que l'ambition qu'ils portaient fut d'abord de rendre hommage à la diversité des territoires.
Je vous invite à cultiver deux idées qui, je le sais, vous sont chères : l'unité dans la diversité de la République et la décentralisation comme capacité d'action autonome des citoyens, au-delà même de la diversité des territoires. Associer la décentralisation à la diversité des territoires me semble, par rapport à l'unité de la République, induire une idée qui pourrait la fragiliser. Nous avons le temps et je vous propose d'approfondir ce sujet.
Monsieur le rapporteur, je voudrais tout d'abord m'adresser à vous en tant que défenseur d'une région qui a disparu : l'Alsace – et la problématique est la même pour mes amis Lorrains, dont la région a aussi disparu. Je suis heureux de voir réapparaître la notion de territoire, qui permet à ceux qui sont attachés aux identités régionales de retrouver du sens et un espoir. Je reproche, non pas violemment mais amicalement, à M. Fesneau de nous proposer de nous reposer sur l'organisation institutionnelle actuelle des collectivités. Non ! S'il y a problème, c'est que l'organisation actuelle est inadaptée à un certain nombre de territoires.
Si le Gouvernement maintient son futur amendement, en cohérence avec les propos confiants de M. Vigier et les suivants, je retire le mien.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 874 est retiré.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 576 est retiré.
Précisons simplement que ce ne sera pas un amendement du Gouvernement mais de la commission, auquel le Gouvernement donnera un avis favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 550 .
Dans le même esprit, cet amendement tend à insérer, à la première phrase du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, après le mot « République », les mots « unie et » : « La France est une République unie et indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Nous souhaitons inscrire la notion d'unicité, qui nous semble complémentaire à celle d'indivisibilité puisqu'elle traduit l'idée d'une souveraineté commune, en quelque sorte, exercée au niveau de l'État par des peuples différents. L'article 1er disposant que son organisation est décentralisée, nous avons à l'esprit les notions d'unicité, d'indivisibilité, de décentralisation. C'est le modèle italien, en quelque sorte, ou de l'Union européenne.
Je profite de cette prise de parole pour rassurer certains collègues qui se sont inquiétés de notre conception de la décentralisation. Il suffit que vous lisiez la profession de foi que nous avions présentée à nos électeurs et à laquelle nous sommes d'une fidélité absolue. Je ne crois pas qu'il y ait un quelconque motif d'inquiétude, à moins de considérer que l'assouplissement de la répartition des compétences entre l'État central et les collectivités mettra la France en danger, ce que nous ne croyons pas.
Il nous est proposé d'inscrire à l'article 1er que la République est unie. Vous souhaitez introduire la notion d'unicité de la République afin de reconnaître implicitement une diversité des peuples de France. J'ai déjà eu l'occasion, tout comme Marc Fesneau et Yaël Braun-Pivet, de rappeler notre attachement à l'unicité du peuple français, qui ne signifie pas uniformité. La République est décentralisée. Certains territoires, vous le savez bien, disposent d'une large autonomie dans l'exercice de leurs compétences et un droit à l'expérimentation. Bientôt, ce droit sera prolongé par un droit à la différenciation. La diversité s'exprime aussi par la reconnaissance des langues régionales et des populations d'outre-mer, que nous préconisons, ainsi que par la diversité des territoires. Il n'en demeure pas moins que la République est indivisible, comme le peuple français. Par conséquent, je donne un avis défavorable.
À un « i » près, vous retrouviez des formulations qui ont longtemps marqué notre histoire constitutionnelle puisque, dans diverses Constitutions, en 1792, 1793 et 1795, la France était une République une et indivisible.
Néanmoins, bien évidemment, ce n'est pas du tout le sens de votre proposition : le mot « unie » que vous proposez d'inscrire dans notre Constitution signifie, me semble-t-il, qu'on n'essaiera d'unir que ce qui est divers, que la République constituerait une sorte de fédération d'entités éparses, rassemblées en une modalité d'expression commune de la souveraineté, ce qui serait tout à fait contraire à d'autres dispositions de notre Constitution.
J'émets donc également un avis défavorable.
La pensée de Mme la garde des sceaux dépasse largement ce qui hante notre esprit ; nous entendons être bien plus modestes que cela.
L'amendement no 550 n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Débat d'orientation des finances publiques pour 2019 ;
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 12 juillet 2018, à une heure.
Direction du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Anne-Lise Stachurski-Leroy