La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures quarante.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle, s'arrêtant aux amendements nos 2428 rectifié , 2416 rectifié , 2415 rectifié , 1047 rectifié , 1727 rectifié et 773 rectifié portant article additionnel après l'article 2, soumis à une discussion commune.
Ces amendements ont déjà été présentés par leurs auteurs et ont reçu un avis défavorable de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et du Gouvernement.
Rappels au règlement
Mes chers collègues, plusieurs d'entre vous ont demandé la parole pour un rappel au règlement. Cependant, comme vous le savez, nous avons échangé avec les présidents de groupe et nous avons convenu que, dès lors que nous étions tombés d'accord sur un certain nombre de choses et que nous avions pris des décisions concrètes, nous reprendrions le cours de nos débats. Bien entendu, il pourra toujours y avoir des rappels au règlement, mais il ne pourra plus s'agir, comme cet après-midi, d'une série d'interventions portant sur l'affaire qui nous a occupés.
La parole est à M. Laurent Furst, pour un rappel au règlement.
Vous verrez qu'il n'y a aucune manoeuvre dans nos rappels au règlement !
Monsieur le président, mon intervention est fondée sur l'article 58 de notre règlement et porte sur la sérénité de nos débats futurs.
Il y a, ce soir, une personne qui est toujours salariée, ce qui choque beaucoup les Français. Mais j'accepte l'idée que les procédures vont à leur rythme et qu'il s'agit peut-être simplement d'une situation administrative.
Si je prends la parole ce soir, c'est parce que je pense être le dernier ou l'un des derniers députés ayant participé à une commission d'enquête parlementaire dont le rapport final n'a pas été adopté. Permettez-moi simplement d'expliquer à mes collègues comment les choses se passent en pareil cas : le groupe majoritaire vote le rejet du rapport et, dans les minutes qui suivent, les membres de la commission d'enquête reçoivent une lettre du président de l'Assemblée nationale leur expliquant qu'ils n'ont pas le droit de s'exprimer ni de rendre publics des éléments d'information contenus dans ce rapport.
Monsieur le président, en tant que député de base, je veux simplement poser des questions que nous sommes en droit de vous poser. L'enquête portera-t-elle exclusivement sur les violences filmées ou ira-t-elle plus loin ? Pourquoi les comportements répréhensibles n'ont-ils pas été déclarés à la justice ? Les réunions de la commission seront-elles publiques ? Nous attendons des réponses de nature à nous rassurer.
Monsieur Furst, nous n'allons pas refaire les débats de la commission des lois. En outre, je ne veux pas que l'on engage de faux débats. Il n'est arrivé qu'une seule fois que le rapport d'une commission d'enquête ne soit pas publié.
Cela ne s'est pas produit lors de la dernière législature mais lors de la précédente, et la majorité de l'époque était divisée sur la marche à suivre – le rapporteur de la commission d'enquête appartenait d'ailleurs à un groupe minoritaire au sein de la majorité.
Je souhaite vraiment que nous nous concentrions maintenant sur les vrais sujets, au lieu de faire des procès d'intention sur tel ou tel sujet.
Je ne fais aucun procès d'intention ! Nous verrons bien ce qui arrivera !
La parole est M. Philippe Gosselin, également pour un rappel au règlement, portant sur le déroulement des débats.
Rassurez-vous, monsieur le président, nous ne remettrons pas 1 euro dans la machine. Mon intervention, fondée sur l'article 58, alinéa 1er, de notre règlement, porte effectivement sur la bonne organisation de nos débats.
La commission des lois s'est transformée tout à l'heure, à l'unanimité, en commission d'enquête dotée de pouvoirs particuliers. Je rappelle que c'est aussi la commission des lois qui est saisie au fond du texte dont nous discutons cette semaine. Aussi me paraît-il tout à fait inconcevable que les auditions menées par la commission des lois puissent avoir lieu en même temps, cette semaine, que l'examen en séance publique du projet de loi constitutionnelle, puis, la semaine prochaine, en même que l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Je voulais donc m'assurer auprès de vous, monsieur le président de l'Assemblée nationale, et de Mme la présidente de la commission des lois, qu'il n'était évidemment pas question de réunir la commission investie des pouvoirs d'une commission d'enquête en même temps que la séance publique.
Je pense, monsieur Gosselin, que la réponse est dans la question.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour un autre rappel au règlement.
Mon intervention est également fondée sur l'article 58 du règlement, relatif à l'organisation de nos débats.
Il y a un absent ce soir : c'est le Premier ministre.
Il y a un peu moins de deux heures, nous avons souhaité sa présence.
Rappelez-vous : lundi 9 juillet, le Président de la République n'avait eu aucun mal à venir s'exprimer devant l'ensemble des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.
Cet après-midi même, le Premier ministre était au palais du Luxembourg, devant les sénateurs, et il s'est exprimé sur le sujet qui nous occupe encore ce soir, après nous avoir occupés toute la journée. Le Premier ministre a apporté des éléments de réponse.
J'apprends ce soir que le ministre de l'intérieur viendra s'exprimer devant les sénateurs au début de la semaine prochaine.
Ce soir, il serait légitime que le Premier ministre vienne s'exprimer devant nous, …
… d'autant que le texte que nous examinons actuellement, si j'en crois nos collègues de la majorité, vise à revaloriser le Parlement dans sa fonction d'évaluation et de contrôle.
Nous souhaitons donc, monsieur le président, et j'en termine là, que le Premier ministre vienne sans délai devant nous.
Nous sommes l'Assemblée nationale, nous sommes la souveraineté nationale. C'est la moindre des choses, la moindre des considérations que le Premier ministre vienne ici, si nous voulons tous que le Parlement soit respecté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Pour la clarté des débats, je dois demander à nouveau l'avis de la commission et du Gouvernement sur la série d'amendements qui ont été présentés en début d'après-midi.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Défavorable également.
À ce stade, ma crainte est grande que la question maritime, question majeure s'il en est, ne fasse aussi les frais de cette désolante actualité. Je suis convaincue, comme beaucoup ici, que la France ne peut plus rester indifférente à l'égard des mers et des océans, en raison même des multiples enjeux qui leur sont liés. Qui peut encore nier que notre siècle est et sera de plus en plus maritime ? Pensons seulement au potentiel maritime dans le développement des énergies renouvelables. Rappelons encore que 98 % des data numériques transitent par les câbles sous-marins. Notre système juridique ignore encore trop la dimension océanique de la France, dont l'inscription dans la Constitution sera un accélérateur aussi indispensable qu'efficace.
Je ne comprends donc pas l'avis défavorable de la commission. Les mots de Richelieu sont encore vrais pour ceux qui nous dirigent aujourd'hui : « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée. » Quant à Louis XVI, il demandait, en montant sur l'échafaud, si l'on avait des nouvelles de M. de La Pérouse, à qui il avait commandé une grande expédition scientifique. Et nous, deuxième puissance maritime du monde, en sommes encore, au XXIe siècle, toujours au même point : on ne veut pas inscrire les mers et les océans dans la Constitution ! C'est honteux !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LR.
Nos collègues connaissent la part que nous avons reconnue à la question des mers et des océans dans notre programme, en particulier durant la campagne présidentielle. Je n'ajouterai rien aux informations répétées devant vous par nos deux collègues de la Polynésie française de La Réunion. Les outre-mer, qui concentrent autour des terres émergées 80 % du territoire maritime français, sont plus sensibles sans doute à ces questions que les continentaux de notre vieille nation paysanne, qui a souvent tourné le dos à la mer – pas partout, mais massivement.
Je souhaite appeler maintenant l'attention de Mme la garde des sceaux sur le fait que la mer et les océans sont des lieux dont la situation juridique est aujourd'hui incertaine. La France n'a pas voix au chapitre sur certaines questions pourtant décisives, comme les nouvelles voies de passage qu'ouvre la fonte des glaces – je déplore naturellement que la seule question qui se pose à cet égard soit la propriété de leur sous-sol, que se disputent déjà les grandes nations.
Par ailleurs, si l'on considère, premièrement, l'intérêt d'affirmer des éléments de droit pour la protection des câbles – qui, comme vient de le dire notre collègue, assurent le passage de 98 % des informations transitant pour la « grande data » – , et, deuxièmement, le fait que les grands fonds marins sont res nullius, c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent à personne, et font l'objet de bricolages arbitrés par une commission des Nations unies qui attribue des droits de prospection, il faut que la France tienne compte de la dimension de sa présence en mer. On a dit plusieurs fois, en effet, que notre pays possédait le deuxième territoire maritime du monde : si on le combine avec le territoire émergé de la République française, nous sommes parmi les géants géographiques du monde.
Pour que la France puisse manifester un droit particulier à se mêler à toutes les discussions qui auront inévitablement lieu à l'échelle internationale sur ces questions et à participer à l'élaboration juridique, il serait parfait que la Constitution contienne les deux mots « mers » et « océans », que notre collègue Huguette Bello propose d'y introduire. On ne peut pas dire que ce soit bavard ni que cela surcharge le texte, mais cela permettrait à la France d'expliquer à ses partenaires les raisons pour lesquelles elle a intérêt à intervenir sur tous les sujets qui seront ceux du XXIe siècle.
J'insiste donc pour que nos collègues votent avec nous sur ces deux mots ou pour que vous-même, madame la garde des sceaux, et les rapporteurs, à l'occasion peut-être de la navette parlementaire, reveniez sur cet avis défavorable que rien, en définitive, ne justifie vraiment.
Il me semblait bien, en effet, que M. le rapporteur général et Mme la garde des sceaux n'avaient pas donné d'avis sur ces amendements en début d'après-midi. Compte tenu de l'importance de ces sujets, je regrette qu'ils se soient contentés d'exprimer un avis défavorable, sans aucune explication.
La France est bordée de plus de 4 000 kilomètres de côtes et, par ses départements d'outre-mer, est également présente dans l'océan Pacifique, la mer des Caraïbes, l'océan Indien et les mers froides. C'est pour notre pays une force considérable que nous n'avons jamais su bien exploiter et pour laquelle un potentiel énorme reste à trouver. Je pense qu'ajouter les mots « mers » et « océans » à notre Constitution constituerait un symbole très fort de ce que nous représentons dans le monde : la deuxième puissance maritime mondiale.
On ne peut pas se contenter d'un simple avis défavorable sur un sujet de cette importance.
… et je le regrette fortement pour tous les marins de ce pays car il y a de nombreuses questions difficiles à examiner. Cet amendement me semble donc fondé et je le soutiendrai pleinement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Je reviendrai brièvement sur mon amendement no 1047 rectifié , relatif à la biodiversité, pour souligner une chose dont, je ne sais pourquoi, on parle très peu : la dérive démographique de la terre. L'explosion démographique est le principal facteur du recul de la biodiversité, à cause d'abord de l'explosion des poches de misère, mais également des prélèvements de toute nature opérés sur la terre. C'est un sujet dont on parle peu, car il apparaît comme réactionnaire, et je n'ai jamais compris pourquoi.
Chaque jour naissent dans le monde 403 000 personnes et il en décède malheureusement 157 000 ; nous sommes donc à peu près 250 000 de plus chaque jour sur la terre. Les 403 000 personnes qui naissent chaque jour ont absolument droit à la santé, à l'éducation, à la nourriture et au logement, bien entendu, mais cela suppose des prélèvements extraordinaires sur la nature. Nous étions, je le rappelle, 1,8 milliard sur la terre voilà un siècle, et sommes aujourd'hui 7,6 milliards. Il est difficile d'imaginer qu'on puisse sauver la biodiversité avec une telle dérive.
Il est donc – et c'est à cela que je voulais en venir – du devoir des grandes nations industrielles de faire de très gros efforts de codéveloppement, car la seule façon de maîtriser un tant soit peu la fécondité est le développement, l'amélioration des niveaux de vie et l'amélioration du statut des femmes dans les pays du Sud. C'est évidemment beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Cependant, s'il est bon de parler d'environnement et de biodiversité, il faut aussi comprendre que les choses ne se feront pas toutes seules et qu'il faudra accomplir de très gros efforts, notamment en matière de codéveloppement.
Il y a un paradoxe, dont j'ignore s'il faut l'attribuer à l'insouciance ou à l'inconscience. J'observe que, dans leurs amendements, Mme Sage et Mme Bello n'ont jamais écrit le mot « outre-mer », afin de ne pas situer le débat. Les amendements que nous évoquons visent à vous faire prendre conscience de l'importance de ce que possède la nation. J'insiste : ces amendements évoquent la biodiversité, les mers et les océans.
La France a tout de même rayonné pendant près de quatre siècles dans des combats et des conquêtes que nous, qui les avons subis à une certaine époque, avons condamnés. La colonisation s'est faite, en effet, par des conquêtes maritimes très puissantes. L'histoire est l'histoire. Nous en prenons acte, mais nous ne pouvons pas être la deuxième puissance maritime mondiale, juste après les États-Unis, sans en prendre conscience. Cela représente 12 millions de kilomètres carrés, dont 11,5 millions pour l'outre-mer, et c'est d'une importance exceptionnelle.
Peut-être avancerez-vous l'argument selon lequel cela n'a pas à figurer dans la Constitution, mais ayez au moins l'honnêteté de reconnaître qu'il s'agit d'une question d'avenir. On ne connaît en effet que 1 % des richesses scientifiques que recèlent les milieux marins. La biodiversité marine est exceptionnelle.
Je conclurai, sans être provocateur, par une question qui m'agace : le seul fait que la France soit le pays où le soleil ne se couche jamais doit-il satisfaire l'ego national ? Les pays situés au milieu des océans ont aussi besoin d'espaces de progrès, d'émancipation et de développement. Or la mer et les océans pourraient participer à un nouveau paradigme économique et de progrès. En l'ignorant ou en n'en ayant pas conscience, je considère que vous portez tort à l'avenir de ce pays, non pas volontairement, mais par cette même insouciance qui a fait supprimer le ministère de la mer et qui prévaut en matière de développement maritime, alors qu'on sait pertinemment que, pour nous, dans l'outre-mer, les espaces de progrès de demain sont précisément liés à cette reconnaissance mondiale et internationale.
La France, je le rappelle, ce sont 550 000 kilomètres carrés, et notre potentiel maritime – j'aime bien le mot « potentiel », qui exprime qu'il n'est pas exploité – , ce sont 11,5 millions de kilomètres carrés. Ces chiffres parlent peu mais, si on les projette sur une mappemonde, ils représentent l'équivalent de la surface de la Chine et de la Mongolie, ou des États-Unis et du Mexique réunis, ce qui est absolument considérable. Derrière ces chiffres, il y a des richesses minières – les nodules polymétalliques – , une richesse halieutique considérable, une richesse énergétique en matière d'énergies traditionnelles comme d'énergies du futur, l'intérêt géostratégique de ces territoires et de ces mers et, naturellement, leur formidable richesse environnementale.
Le paradoxe, dans tout cela, est que la France possède un potentiel extraordinaire qui n'est absolument pas valorisé, car nous avons un problème culturel dans notre relation à la mer. Rappeler ce potentiel extraordinaire dans la Constitution, c'est nous efforcer de dépasser nos difficultés pour reconquérir la place qui devrait être celle de notre nation.
Je veux insister à mon tour sur l'importance de l'amendement proposé par Huguette Bello, qui vise à ajouter, parmi les principes fondamentaux que la loi doit déterminer, après la préservation de l'environnement, celle des mers et des océans.
D'abord, en effet, nos mers et nos océans ont été beaucoup malmenés, parfois par nous-mêmes, au cours de notre histoire. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, le rapport, le contact que notre pays, dans sa diversité, entretient avec la mer nous impose une responsabilité particulière, et nous devons l'inscrire dans la Constitution pour en prendre peut-être mieux conscience et affirmer cette responsabilité particulière que nous nous donnons dans leur préservation.
Peut-être la deuxième dimension est-elle que nous avons une responsabilité commune à l'égard de la planète pour préserver les mers et les océans. Inscrire cela dans la Constitution, c'est afficher l'ambition d'y prendre pleinement notre part. Ce n'est pas anodin car les mers et les océans représentent plus de 70 % de la surface de la terre. C'est afficher une préoccupation de caractère international, mondial, qui mérite d'être relevée par toutes et par tous, particulièrement par notre pays. Je ne comprends pas bien les arguments avancés pour repousser cet amendement, qui n'est absolument pas bavard et propose de consacrer notre attention particulière.
Dans ma circonscription, je rencontre souvent des citoyennes et des citoyens très préoccupés par l'état des mers et des océans, qui viennent sur nos côtes organiser des opérations de nettoyage pour éviter qu'ils ne deviennent plus pollués encore. Ils sont extrêmement attristés, voire révoltés, de constater que cette cause n'est pas suffisamment partagée. Je crois donc que nous devons afficher cet objectif dans la Constitution.
La parole est à M. Marc Fesneau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je souhaite répondre aux différents orateurs, en particulier à Mme Bello, comme à tous ceux qui se sont exprimés sur le sujet. La commission a donné un avis défavorable, que je maintiens, mais je veux vous expliquer pourquoi.
Ce sujet, sur lequel nous allons débattre, mérite une réflexion commune. L'inscription à l'article 1er des mots « Elle agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques » nous permet, nous semble-t-il, de répondre à la question d'ensemble en intégrant le sujet des mers et des océans.
J'entends des versions assez différentes de l'amendement, même si elles ne sont pas contradictoires : certains le lisent sous l'angle de la protection des mers et des océans, tandis que d'autres l'envisagent plutôt sous l'angle de l'exploitation des richesses des mers et des océans.
Les deux – je ne fais pas de procès d'intention – mais, je crois que cette rédaction n'est pas mûre. J'entends votre souci et je pense que nous partageons cette idée que les mers et les richesses sont une richesse ; c'est un peu une exception française – je reconnais que nous n'avons pas bougé depuis La Pérouse, comme Mme Bello me le disait tout à l'heure dans les couloirs. Nous devons y réfléchir pendant la navette pour rechercher un meilleur emplacement, si cela est possible – je ne prends pas l'engagement de le faire, mais au moins d'y réfléchir.
Doit-on lier le problème que vous soulevez concernant les mers et les océans à l'environnement ? Votre amendement, madame Bello, propose en effet d'insérer, après le mot « environnement », les mots « , des mers et des océans », ce qui n'est pas la même chose que d'en faire un item identifié et séparé. Le fondement et la portée juridiques ne sont pas du tout les mêmes. Je maintiens donc l'avis défavorable mais je voulais vous apporter cette réponse parce que nous partageons cette même volonté.
Mais vous ne partagez pas la volonté de l'inscrire dans la Constitution !
Par ailleurs, nous prendrons le temps de la navette – elle sert aussi à cela – pour examiner si cela est possible. Nous étudierons également la portée de l'article 1er : si l'amendement est de nature environnementale, il sera assez largement couvert par la rédaction de l'article 1er , dont nous savons d'ailleurs qu'elle est beaucoup plus puissante dans son effet que celle de l'article 34. Comme nous avons plutôt la volonté d'adjoindre le nécessaire, sans pour autant rendre le texte bavard s'il existe déjà une réponse dans d'autres articles – ce n'est pas ce que je lis dans votre amendement – , cela mérite une expertise.
Voilà la réponse que je voulais apporter à ceux qui se sont exprimés sur le sujet. Ce débat n'est pas seulement technique ; il s'agit d'un débat politique de fond sur la façon dont on pense la mer et les océans.
Je remercie le rapporteur de penser à ajouter, peut-être, les mots « mers » et « océans » dans l'article 1er car ils y auraient tout à fait leur place. Je veux à mon tour rappeler l'importance que prennent ces mots dans le débat de ce soir. Merci, mesdames et monsieur les auteurs des amendements, d'y avoir pensé. Nous savons que c'est un vrai avenir, nous savons que nous avons de vrais soucis : en 2050, il y aura peut-être plus de plastiques dans les océans que de poissons ; la ressource est un vrai problème. La mer est une richesse ; or nous connaissons mieux la planète Mars que l'océan. Merci, monsieur le rapporteur, d'être revenu sur cette proposition.
Je constate que les différentes suspensions de séance nous ont permis d'avancer aussi sur ce sujet. Merci car, compte tenu de l'actualité, nous avons craint de passer à côté du débat. Je comprends que cette affaire urgente ait surgi au milieu de nos débats mais je ne veux pas que cela se fasse au détriment de la protection de cette richesse que constituent nos océans et surtout de la responsabilité que cela nous confère, à nous qui sommes la deuxième puissance maritime au monde. Merci également d'avoir répondu favorablement à la proposition que nous avions faite d'étudier peut-être, en deuxième lecture, un moyen de les intégrer.
Je vous décrirai simplement l'urgence. Concrètement, aujourd'hui, nous connaissons des problèmes de plastification des océans, d'acidification des océans, des espaces désoxygénés. J'ignore si vous réalisez ce que cela veut dire : dans certains endroits de l'océan, il n'y a plus de vie, et on ne se l'explique pas encore. L'acidification provoque aussi des problèmes de blanchissement des coraux, d'élévation des températures. Avant même que l'eau ne monte, d'ici à quelques années, voilà quels sont les dangers, les menaces, la réalité de nos océans aujourd'hui.
Je le répète, chaque fois que vous respirez dans cette salle, vous devez une bouffée d'oxygène sur deux aux océans : ne l'oubliez jamais ! Ils jouent un rôle fondamental, aussi important que celui des forêts. Ce n'est pas un sujet mineur ! Il est fondamental pour nous d'ajouter cela dans la Constitution.
Les risques de surpêche révèlent tous ces enjeux ; la protection de la biodiversité marine et de ses écosystèmes est vitale pour la survie de l'humanité. C'est un message fort. Je soutiens donc bien évidemment l'amendement de ma collègue Huguette Bello. Et nous aimerions être associés à la rédaction en vue d'un ajout lors de la navette.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir, sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Plus de dix orateurs s'étant exprimés, je propose que nous passions au vote de ces amendements, ne serait-ce que par respect pour nos collègues ayant attendu un temps exceptionnellement long avant le vote.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement no 2428 rectifié , mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Les amendements nos 2416 rectifié et 2415 rectifié , successivement mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
Les amendements identiques nos 1047 rectifié et 1727 rectifié , mis aux voix par assis et levé, sont adoptés.
Vifs applaudissements et acclamations sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG, FI et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 89 |
Nombre de suffrages exprimés | 85 |
Majorité absolue | 43 |
Pour l'adoption | 45 |
contre | 40 |
L'amendement no 773 rectifié est adopté.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG, FI et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits. – Plusieurs députés se lèvent et continuent d'applaudir.
Dans l'enthousiasme qui est le vôtre, vous avez adopté l'amendement de M. Castellani, qui visait seulement à rappeler le principe de biodiversité, lequel est déjà inscrit à l'article 1er, beaucoup plus puissant, mais ce n'est pas grave !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.
Rappels au règlement
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 58, pour la sérénité de nos débats.
Notre collègue Guillaume Garot vous a demandé à quel moment un ministre viendra ici s'expliquer sur l'affaire.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Quant à notre collègue Gosselin, il vous a demandé si les auditions de la commission d'enquête seraient publiques et si elles se dérouleraient en même temps que la séance publique.
Ce n'est pas M. Gosselin mais M. Furst qui a posé la question, et on lui a répondu !
Je n'ai pas compris quelle était la réponse. Je pense qu'entre le président du groupe La République en marche, la garde des sceaux et vous-même, monsieur le président, on doit pouvoir avoir une réponse à cette question.
Enfin, entre députés de La France insoumise, nous échangeons sur le fil Telegram, où j'ai vu que l'affaire s'était déroulée le 1er mai. J'aimerais savoir si le champ d'investigation de la commission se limitera aux événements du 1er mai. Pour moi, le scandale c'est surtout ce qui s'est passé à l'Élysée après le 1er mai…
Ce n'est plus un rappel au règlement, monsieur Ruffin.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour un rappel au règlement.
Ce n'est pas vous qui distribuez la parole, monsieur Ruffin, il va falloir vous y faire. Vous pouvez toujours proposer votre candidature à la présidence de l'Assemblée nationale – d'ailleurs, votre groupe a déjà présenté un candidat et on a vu le résultat…
Après la lugubre discussion que nous avons eue autour de cette affaire, les amendements de Mme Sage, M. Castellani et Mme Bello nous ont apporté un peu de lumière sur une question essentielle et montré qu'au-delà du droit d'amendement, que vous voulez aussi réformer, il y a un devoir d'amendement, qui est aussi précieux et auquel il ne faut pas y toucher. Je vous suggère de respecter ce devoir d'amendement…
Merci, monsieur Letchimy, mais ce n'est pas un rappel au règlement.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.
J'ai indiqué sereinement, lors de la réunion des présidents de groupe, que nous faisions un préalable de la venue d'un ministre dans l'hémicycle pour nous répondre, et le dîner ne m'a pas fait changer d'avis. L'absence de réponse satisfaisante à nos questions sur l'organisation des travaux de la commission d'enquête, notamment sur le fait de savoir s'ils se dérouleraient en même temps que l'examen en séance publique de projets de loi relevant de la commission des lois, ou sur la publication d'un rapport, ne m'a pas rassuré.
Je souhaite donc dire, au travers de ce rappel au règlement, que la bouffée d'air frais apportée par les amendements de nos collègues Castellani et Bello, qui modifient le texte sur un point non négligeable, ne nous fait pas perdre de vue que la journée que nous venons de vivre illustre l'abus de pouvoir érigé en forme de gouvernance. Voilà ce qui arrive lorsque l'exécutif concentre tous les pouvoirs.
J'entends bien que cela ne vous fait pas plaisir, mais nous sommes obligés de réitérer notre demande : un ministre va-t-il venir éclairer la représentation nationale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous coupe car ce n'est pas un rappel au règlement, mon cher collègue.
Monsieur Jumel, monsieur Ruffin, je donnerai la parole à la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, lorsqu'elle nous aura rejoints, mais je crois pouvoir dire que la réunion des présidents de groupe ou de leurs représentants nous a permis d'échanger en personnes de bonne volonté cherchant à sortir de la situation par le haut.
Si nous nous sommes mis d'accord sur une application originale de l'article 145-1 du règlement – il est rare en effet qu'il soit appliqué de cette façon, surtout au cours d'une session extraordinaire – , ce n'est évidemment pas pour démolir le lendemain ce qui a été fait la veille. Je l'ai dit au cours de cette réunion, où vous étiez présent vous-même, monsieur Jumel, et je le répète maintenant devant l'Assemblée nationale tout entière : on ne fait évidemment pas tout cela pour ne pas publier de rapport ; on ne fait évidemment pas tout cela pour que les réunions de la commission d'enquête se tiennent en même temps que l'examen d'un projet de loi qui mobilise les membres de la commission des lois.
Quelqu'un a cité le Sénat en exemple, sous prétexte qu'il doit auditionner le ministre de l'intérieur la semaine prochaine. Je ne pense pas que le Sénat soit spécialement en avance par rapport au dispositif dont nous nous sommes collectivement dotés, à l'issue d'une réflexion à laquelle les uns et les autres ont contribué.
Ne nous faisons donc pas de procès d'intention. M. Guillaume Larrivé a été désigné comme co-rapporteur de la commission d'enquête, aux côtés de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission. Croyez-vous vraiment que M. Guillaume Larrivé, membre du groupe Les Républicains, …
Sourires.
… premier groupe d'opposition de l'Assemblée, a accepté de participer à ces travaux pour que leurs résultats soient cachés ou qu'ils aient lieu en même temps que la séance publique, alors que nous examinons la réforme de la Constitution ?
Maintenant, mes chers collègues, remettons-nous au travail et examinons cette réforme de la Constitution. Puisque nous avons pris, sur ce sujet, une décision qui n'a rien de banal ni d'anodin, je vous demande de ne plus multiplier les faux rappels au règlement, sans rapport avec le déroulement de la séance, faute de quoi je me verrai dans l'obligation de vous couper la parole.
Et je ne vais pas répondre à la place de Mme la présidente de la commission des lois sur l'organisation des travaux de la commission. D'ailleurs, elle s'est déjà exprimée, et ceux qui assistaient à la réunion ont pu échanger dans le cadre d'une discussion très ouverte et très libre. Il ne s'agit pas de se réunir à huis clos, vous le savez bien : la règle est que les réunions de commission soient publiques et transparentes, et il faut un vote spécifique pour décréter le huis clos.
Au travail maintenant ! À ceux qui chercheraient à tirer vers le bas une situation dont nous sommes sortis par le haut, …
… je dis que ce n'est pas rendre service à notre assemblée, qui a démontré sa maturité en prenant cette décision.
La parole est à M. David Habib, pour un rappel au règlement.
Vous avez rappelé, monsieur le président, qu'à l'initiative de Boris Vallaud, une solution avait été trouvée. Nous vous en avons donné acte et Guillaume Garot vous a félicité d'avoir accepté la constitution de cette commission d'enquête, en dépit des pressions que l'Élysée, j'imagine, n'a pas manqué d'exercer. En outre, l'ensemble des groupes sont parvenus à se mettre d'accord sur une organisation de ses travaux avec la présidente de la commission.
Mais nos interventions avaient un deuxième objet, et nous l'avons répété tout l'après-midi : comme dans toutes les grandes démocraties européennes, où le Parlement assume pleinement sa responsabilité vis-à-vis du peuple qui l'a désigné, nous demandons au Gouvernement de venir devant notre assemblée.
Monsieur Habib, je vous ai retiré la parole. M. Garot, qui, en l'absence de sa présidente, représentait votre groupe à cette réunion, a pu s'exprimer sans réserve. Et il sait que nous avons convenu que, si l'Assemblée prenait la décision d'enclencher cette procédure sans tarder une minute, dans la foulée immédiate de la suspension de séance – madame la présidente de la commission des lois, qui vient d'arriver, pourra en parler – , ce n'était pas pour se remettre à multiplier sans fin les rappels au règlement demandant la venue du Premier ministre ou du ministre de l'intérieur devant cette assemblée.
Votre demande a été parfaitement comprise et je vous ai dit que je l'avais relayée mais le fonctionnement de notre assemblée ne lui permet pas de convoquer en séance plénière le Premier ministre ou n'importe quel autre ministre. C'est le Gouvernement qui choisit par qui il est représenté, et, en l'occurrence, il l'est par Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Du reste, il y aura d'autres occasions d'entendre le Gouvernement : M. Garot a évoqué l'audition au Sénat la semaine prochaine ; il se trouve par ailleurs qu'une séance de questions au Gouvernement aura lieu dans cet hémicycle mardi, et je ne doute pas que des questions seront posées sur ce sujet au Premier ministre et au ministre de l'intérieur, qui pourront y répondre.
Si nous consacrons toute cette séance à recommencer le débat de cet après-midi, la décision que nous avons prise en fin de journée était inutile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, présidente et rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, j'ai réuni la commission des lois immédiatement après la levée de séance de cet après-midi, vers vingt heures ou vingt heures trente. L'ensemble des membres de la commission étaient présents et nous avons discuté de la possibilité qu'elle revête les pouvoirs d'une commission d'enquête. La décision de les lui octroyer a été prise à l'unanimité, sous réserve, bien sûr, du respect de la procédure que vous connaissez. À l'issue de cette réunion, j'ai immédiatement adressé un courrier à la présidence de l'Assemblée pour lui faire part des résultats de nos discussions. La procédure, je le répète, suivra donc son cours.
La commission des lois a décidé de me confier la présidence de cette commission d'enquête et d'associer à nos travaux, bien évidemment, le principal groupe d'opposition, Les Républicains, lequel a désigné Guillaume Larrivé comme co-rapporteur avec moi.
Nous avons également décidé d'associer à nos travaux, de manière très étroite, les membres du bureau de la commission des lois, et je tiens à préciser que seront associés à ce dernier l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale, ce qui était extrêmement important puisque la constitution de cette commission d'enquête a été approuvée à l'unanimité.
Maintenant, la procédure va suivre son cours. Je réunirai le bureau de la commission des lois très prochainement, dès que Mme la garde des sceaux nous aura renseignés sur l'enquête judiciaire en cours. En effet, comme vous le savez, en tant que parlementaires, nous ne pouvons nous immiscer dans cette dernière, et il convient donc de préciser le champ de notre saisine. Ensuite, nous pourrons commencer nos travaux et nous définirons collectivement la façon dont nous les conduirons. En l'état, je ne peux pas être plus précise.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il se trouve que vous ne disposez pas de la délégation de votre groupe, …
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante.
Après l'article 2
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 1292 .
Cet amendement dispose que le législateur est chargé de garantir « un égal accès aux biens communs » comme l'eau, l'air ou l'alimentation à toutes les personnes vivant dans notre pays. Nous proposons d'inscrire ce principe fondamental parmi les prérogatives de la loi afin de lui donner une pleine et entière effectivité. La marchandisation des biens communs est toujours plus importante dans notre pays et elle est d'autant plus inacceptable lorsqu'ils sont indispensables à la vie même des personnes.
Pour illustrer l'importance d'une telle précision dans la Constitution, je rappelle les entraves à l'accès à ces biens communs dans notre pays. Le droit à l'eau n'est pas encore explicitement reconnu comme un droit fondamental. Or chacun admettra ici que l'eau est un bien commun de l'humanité indispensable à la vie, un bien indissociable du droit à la vie, comme le reconnaît le droit international. En France, les personnes qui n'ont pas accès à une eau propre à la consommation dans des conditions économiquement acceptables sont encore trop nombreuses. Il en est de même pour l'air : l'État doit garantir l'accès à un air sain. Or la France contrevient à la directive européenne de 2008 sur la qualité de l'air, laissant des concentrations de polluants dépasser les seuils fixés par l'Union européenne en de nombreux points du territoire – je suis bien placé pour en parler.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe GDR propose le présent amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Il est également défavorable, monsieur Dharréville. Nous avons déjà abordé cette question à l'occasion d'autres amendements, et nous y avons donc déjà répondu et de la même manière.
L'amendement no 1292 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 589 .
La loi détermine les principes fondamentaux de l'enseignement, du régime de propriété, etc. Nous suggérons quant à nous que le « dialogue social » soit inscrit à l'article 34 de la Constitution comme base pour le législateur. Nous savons que le dialogue entre syndicats et entreprises est un moyen de conciliation mais aussi un moyen éminent de régulation sociale, un élément essentiel de la vie démocratique.
Il est également défavorable, l'article 34 de la Constitution mentionnant déjà le droit du travail et le droit social.
L'amendement no 589 n'est pas adopté.
Dans quelques semaines, nous aborderons dans cet hémicycle le projet de loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – , qui prétend, entre autres choses, associer les salariés à la gestion de leur entreprise. Pour nous, il s'agit effectivement d'une urgence démocratique.
Force est de constater que le partage des pouvoirs décisionnels est un peu étranger au monde de l'entreprise, les travailleuses et les travailleurs étant considérés comme des subordonnés. Finalement, seule une catégorie d'acteurs détient le pouvoir : les apporteurs de capitaux. L'actionnaire bénéficie en effet d'un ticket d'accès au pouvoir tandis que l'employé doit renoncer à tout droit sur son propre travail et à avoir voix au chapitre.
Plus généralement, la sphère économique opère bien souvent en dehors du champ de la démocratie alors que des multinationales ont une puissance financière supérieure à de nombreux États. Les donneurs d'ordres peuvent ainsi imposer leurs règles à leurs sous-traitants, parfois au détriment du développement de l'emploi et des territoires.
Les acteurs financiers, comme les fonds de pension, ne rendent de compte à personne alors que leurs décisions peuvent détruire des emplois, dégrader les conditions de travail ou porter atteinte à l'environnement. De fait, les entreprises et les acteurs économiques privés sont responsables devant leurs actionnaires mais, au final, ils sont exonérés de toute responsabilité devant la collectivité.
Pour remédier à cette situation ou, en tout cas, commencer à y remédier, nous proposons d'inscrire à l'article 34 de la Constitution l'obligation, pour le législateur, de garantir les « droits nécessaires à l'exercice de » ce que l'on pourrait appeler « la citoyenneté économique ». Introduire cette notion permettrait ainsi de garantir une meilleure répartition des pouvoirs au sein des entreprises, au profit des salariés, encouragerait le développement de formes d'entreprises plus soucieuses des règles démocratiques – je pense notamment aux coopératives – et favoriserait la reconnaissance de droits aux citoyens en tant que consommateurs.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 2337 .
Logiquement, après l'exposé de mon collègue Dharréville, cet amendement pointe la problématique de la citoyenneté économique. En effet, si la citoyenneté politique est reconnue par notre démocratie, au sens où elle suppose une participation à la vie publique impliquant bien évidemment un certain nombre de droits civiques, lesquels animent d'ailleurs nos débats, nous considérons que le citoyen cumule aujourd'hui plusieurs rôles dans la sphère économique – salarié, bien sûr, entrepreneur, consommateur, parfois bénévole – et, dans le même temps, que le pouvoir économique est de plus en plus symbolisé par la puissance et l'influence des multinationales sur les États et nos modes de vie.
Afin de se prémunir des dérives que nous constatons, nous proposons ici de garantir une citoyenneté économique, c'est-à-dire des droits permettant à l'individu de reprendre le pouvoir face à l'emprise grandissante du marché dans notre société. Cela implique, bien sûr, de s'inscrire à rebours de la dérégulation prônée depuis une trentaine d'années par les gouvernements successifs, dans les domaines de la fiscalité, du droit du travail et de celui de la consommation. Cela nous invite à retrouver le chemin d'une économie au service des citoyens, en favorisant des règles de fonctionnement des entreprises plus coopératives et des activités plus respectueuses de l'environnement, des territoires et des citoyens. Tel est l'objet de notre amendement.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 2315 .
Cet amendement propose une formule quelque peu différente, qui fait référence, non plus à la citoyenneté économique mais à l'exercice de la citoyenneté dans l'entreprise. Cette option a ma préférence, mais nous voulions donner le choix à notre auguste assemblée.
Force est de constater que la citoyenneté s'arrête aux portes de l'entreprise. Nous souhaitons sortir de cette situation, dans laquelle les salariés sont avant tout considérés comme des exécutants, parfois même comme des variables d'ajustement, et ne peuvent pas exercer un réel pouvoir sur la gestion de l'entreprise et ses choix économiques et stratégiques.
Cette réalité conduit à une distribution de plus en plus inégalitaire des richesses et de la valeur créée au sein des entreprises, au bénéfice des intérêts financiers. En outre, de récents scandales, notamment celui de Lactalis, ont montré que les choix de gestion tournés uniquement vers les profits à court terme pouvaient provoquer des accidents économiques, sanitaires et écologiques.
Si les lois Auroux de 1982 visaient à faire du salarié un citoyen à part entière dans l'entreprise, grâce aux instances représentatives du personnel, des reculs ont été enregistrés depuis lors, et encore récemment avec les ordonnances du 22 septembre 2017 réformant le code du travail.
Il convient, au contraire, de relancer le processus de démocratisation de l'entreprise, en conférant aux travailleurs et à leurs représentants de réels pouvoirs. Voilà l'objectif de notre amendement.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 2336 .
Il est également défavorable. À titre personnel, la notion de citoyenneté économique m'intéresse beaucoup, et j'ai eu l'occasion de travailler et de réfléchir sur ce sujet, qui a des potentialités, certains voyant même dans cette citoyenneté la possibilité d'en déduire une citoyenneté de nature politique. Néanmoins, cette notion est encore juridiquement trop floue pour pouvoir être utilisée dans la Constitution ; elle génère d'ailleurs des désaccords et présente une certaine ambiguïté. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Rappel au règlement
À la suite de notre interpellation de tout à l'heure, je voulais reprendre la parole afin que nos travaux puissent se prolonger dans des conditions normales et que nous puissions avancer dans ce débat constitutionnel.
Nous prenons acte du fait que le Premier ministre rechigne à venir devant la représentation nationale, malgré nos interpellations. Nous souhaitons qu'il puisse être interrogé parmi les premiers, la semaine prochaine, par la commission d'enquête, dont la création a fait l'objet d'un accord général. Nous souhaitons également que vous nous apportiez la garantie que le secrétaire général de l'Élysée et le directeur de cabinet du Président de la République fassent partie des premières personnes interrogées la semaine prochaine, et qu'ils répondront de cette affaire que chacun a en tête aujourd'hui et qui a suffisamment alimenté la chronique pour que je n'aie besoin de la rappeler.
Il nous faut ces garanties pour considérer que la commission d'enquête n'est pas, pour vous, une façon de gagner du temps, mais bien un moyen d'aboutir à la vérité. Dans ces conditions, nous pourrons reprendre nos travaux dans un état d'esprit constructif.
Pour ce qui est de la séance des questions d'actualité, nous en reparlerons en conférence des présidents, mais je l'ai déjà évoquée lors de la réunion des présidents qui s'est tenue en fin d'après-midi. Ce que vous proposez s'est déjà fait sur d'autres sujets.
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois.
Je crois avoir été particulièrement claire sur la façon dont nous allions fonctionner, à moins que vous ne considériez que ma parole n'a aucun sens ni aucune valeur.
Sourires sur quelques bancs du groupe NG.
Je répète que les décisions sur l'organisation de nos travaux, sur notre action et sur les personnes que nous auditionnerons seront prises par la commission des lois, et non unilatéralement par moi-même.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Après l'article 2
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 2312 .
Cet amendement fait écho à un certain nombre de débats que nous avons eus avant l'examen de ce texte : il propose à notre assemblée d'inscrire dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse. Je ne m'appesantirai pas sur les considérations qui nous ont incités à le déposer. Par la voix de Mme Schiappa, vous avez, à plusieurs reprises, montré tout l'intérêt que vous portiez à la consolidation du droit des femmes dans nos principes constitutionnels. Certains, parmi ces derniers, portent d'ailleurs sur des droits fondamentaux, que nous déclinons dans les lois organiques et les lois ordinaires de notre République. Une telle proposition se doit par conséquent de recueillir l'unanimité de vos suffrages.
C'est le même avis ; nous avons déjà abordé ce sujet.
L'amendement no 2312 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 1818 , je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement no 1815 , je suis également saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 2215 .
Le présent amendement vise à inscrire, dans le bloc constitutionnel, le droit à ne pas souffrir de maltraitance institutionnelle, sous la forme d'une disposition additionnelle à l'article 34 de la Constitution de 1958.
Intenter une action en justice pour maltraitance institutionnelle est aujourd'hui vain, faute de normes juridiques y faisant référence. Si la maltraitance institutionnelle est absente de nos textes, elle est pourtant fréquemment dénoncée dans nos établissements, en particulier dans les établissements et services médico-sociaux, définis à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : ce sont des faits de violence généralisée au sein d'un foyer d'accueil, d'atteinte à la santé mentale des enfants au sein d'un IME – institut médico-éducatif – ou de traitement indigne infligé aux réfugiés et aux demandeurs et demandeuses d'asile.
En 1987, la définition de la maltraitance par le Conseil de l'Europe a fait date. La maltraitance est une violence se caractérisant par « tout acte ou omission commis par une personne, s'il porte atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d'une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité etou nuit à sa sécurité financière ».
En nous inspirant de cette définition et de la doctrine sur le sujet, nous proposons une caractérisation de cette maltraitance. Il nous semble que la situation des établissements et services médico-sociaux et sanitaires est particulièrement préoccupante. Cet amendement est une opportunité à saisir pour que cette maltraitance cesse d'être ignorée et puisse être dénoncée.
L'amendement no 2215 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1818 , 1815 , 1816 , 2354 , 1817 , 2355 , 1819 , 2356 , 1820 , 1821 , 2258 , 2331 , 2332 et 2188 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1816 et 2354 sont identiques, de mêmes que les amendements nos 1817 et 2355 , les amendements nos 1819 et 2356 et les amendements nos 2258 , 2331 et 2332 .
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1818 .
Comme je l'ai dit lors de l'examen de l'article 2, cette poignée d'amendements, que nous allons défendre sur plusieurs bancs, ont été élaborés par le groupe Nouvelle Gauche dans un dialogue avec la société civile, autour d'une tribune signée par cinquante intellectuels, et ont fait l'objet de travaux croisés avec Richard Ramos, Matthieu Orphelin, Pierre Dharréville et François Ruffin. Ils visent à rééquilibrer la puissance publique et la puissance privée.
S'il y avait un vrai sujet pour réviser la Constitution en ce début de XXIe siècle, ce ne serait pas le nombre de députés ou la dureté avec les plus faibles et le peuple, mais l'exigence que nous devons avoir envers les plus puissants de cette planète, qui s'affranchissent trop souvent du droit.
Cette série d'amendements s'inspirent d'une expérience pratique : lors de la dernière législature, les parlementaires ont, à plusieurs reprises, souvent dans l'unité et après un travail de fond, élaboré des lois visant à limiter la puissance privée, afin de renforcer la dignité et les droits humains. Je pense à la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, à celle relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, et surtout à celle relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », qui visait à lutter contre le dumping fiscal, qui représente, à l'échelle européenne, 1 000 milliards d'euros distraits des trésors publics, le montant pour la France étant compris entre 50 milliards et 100 milliards d'euros. Cela constitue une formidable injustice fiscale.
Le 8 décembre 2016 puis le 16 mars 2017, deux des seize censures prononcées par le Conseil constitutionnel portaient sur les lois contre l'accaparement des terres et le dumping fiscal : elles en ont abrogé les principaux éléments et en ont annulé les effets. Nous avons donc entamé une réflexion sur le besoin de repenser le verrou constitutionnel, qui porte à chaque fois sur le même objet, à savoir la définition de la société, issue de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen hérité de la Révolution française.
Cette définition a connu une grande déformation. La création des sociétés relevait d'un mouvement d'émancipation des sujets et de libre entreprise, qui avait vocation à libérer du despotisme. Étrange déformation, la société, telle qu'elle est entendue par le juge constitutionnel, sert à protéger des entreprises qui ont un comportement despotique vis-à-vis des peuples et des plus fragiles d'entre nous. Elle crée une distorsion des droits et des devoirs.
Voilà pourquoi, madame la garde des sceaux, nous avons, depuis plusieurs semaines, posé des questions ouvertes et communiqué nos ébauches de rédaction sur ce sujet capital…
Merci, monsieur Potier.
Je vous redonne la parole pour soutenir l'amendement no 1815 .
Le bien commun est reconnu par le droit international mais nous avons choisi de retenir la notion des biens publics mondiaux, que nous avons défendus et qui nous ont évité tous les débats sur la mer, l'énergie et la biodiversité. Les biens publics mondiaux représentent une vision holistique et moderne mais, comme ses visées sont très larges, nous avons précisé, à chaque fois, des options autour de la loyauté fiscale, de la protection des sols et de la souveraineté alimentaire. Nous avons fait en sorte que cette réforme constitutionnelle puisse créer une nouvelle hiérarchie entre le droit de propriété, la liberté d'entreprendre et celle de chacun de vivre sur cette planète en paix et en toute dignité.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1816 .
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 2354 .
Nous nous attachons depuis longtemps à promouvoir et à défendre ce que nous appelons « les biens communs ». Notre système économique, en bout de course, épuise la planète et l'humain, et ne tient que très peu compte de ce dernier. Nous vivons dans un monde où le droit de propriété et la liberté d'entreprendre sont placés au-dessus de tout en matière de normes juridiques. Dominique Potier rappelait à l'instant combien nous nous sommes parfois heurtés à des arguments de cet ordre en tentant de faire valoir des nécessités et de protéger des biens communs.
À l'heure actuelle, les démarches de privatisation et d'accaparement du monde par quelques-uns se multiplient. Or la propriété, dans notre monde, fonde le pouvoir. Les citoyens sont donc écartés de grandes décisions qui pourtant les concernent.
Pour notre part, nous voulons établir la possibilité de faire valoir le respect des biens communs. Ce n'est rien moins que cela, et en même temps tout cela. Nous pensons que les dynamiques nouvelles susceptibles de naître à propos de la préservation, de la protection et de la promotion des biens communs peuvent fondamentalement nous aider à refonder notre République, abîmée et ébréchée, qui mérite que notre peuple se la réapproprie pleinement.
Monsieur Potier, il faut cesser ce conciliabule et écouter M. Wulfranc, comme il vous a écouté.
Tel est le sens profond des amendements que nous défendons dans cette discussion commune. Nous savons que le principal défi auquel est confrontée notre République est de savoir qui exerce le pouvoir, de déterminer si ce sont encore les peuples, donc les citoyens, ou si la finance doit avoir le dernier mot.
Sur les amendements identiques nos 1816 et 2354 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur les amendements identiques nos 1817 et 2355 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1817 .
Sur des sujets qui ont fait l'objet d'un travail juridique de concertation aussi large – rappelons la tribune publiée dans Le Monde appelant à soutenir la mesure proposée, signée par plusieurs ONG et syndicats – , nous avons opté pour une voie très mesurée, comme nous l'avons indiqué à Mme la garde des sceaux. Il s'agit simplement d'affirmer, comme 0 l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que les valeurs que nous défendons procèdent d'un équilibre défini par la loi sous le regard du Conseil constitutionnel.
Il est hors de doute que les dispositions que nous proposons sont équilibrées. Elles laissent le dernier mot au juge constitutionnel, en lui offrant un argument permettant d'établir une nouvelle hiérarchie, un nouvel équilibre entre les trois libertés fondamentales : celle d'entreprendre, celle de vivre dignement et de participer à l'exercice de la souveraineté populaire, et celle de posséder un bien sans qu'il soit menacé d'aliénation. Il s'agit en somme de réconcilier l'esprit de la Révolution et celui qui est issu de nos interdépendances, lesquelles sont nées de la modernité, de la globalisation et du rapport moderne à la nature.
Ces amendements, élaborés par de grands constitutionnalistes et de grands penseurs du monde contemporain, je le répète, ne peuvent être méprisés par cette assemblée. Je vous demande de leur prêter attention. À défaut, les dispositions permettant à des holdings chinoises d'acheter des terres françaises en toute impunité perdureront, ainsi que celles permettant de distraire à la puissance publique, à l'échelle européenne, 1 000 milliards d'euros, qui seraient si utiles pour lutter en faveur de la transition écologique et assurer l'égalité entre les hommes et les femmes sur cette planète.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe NG.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2355 .
Il est identique au précédent. Nous considérons que tout ce qui est nécessaire à la vie et essentiel à la préservation de la cohésion de la République doit échapper à la logique du monde de l'argent, laquelle broie des vies ainsi que l'environnement et le bien commun. Dès lors que les citoyens font confiance au législateur pour élaborer les justes équilibres, l'amendement mesuré que nous proposons, qui n'a rien de révolutionnaire, …
Peut-être, cher collègue, mais nous pensons que cet amendement peut constituer un point d'appui. Tandis que les services publics sont démantelés, broyés, nous proposons d'attribuer au législateur la recherche du juste équilibre entre la préservation des biens communs de première nécessité et les libertés fondamentales qui, trop souvent, prennent le dessus sur le reste, notamment la liberté d'entreprendre et le droit de propriété.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1819 .
Anne-Laurence Petel, Jean-Bernard Sempastous, moi-même et douze autres députés menons actuellement une mission d'information relative au foncier agricole et à la souveraineté alimentaire, laquelle est une composante de la souveraineté de notre nation. Notre argument est tout à fait mesuré.
À l'heure actuelle, un contrôle public du foncier est impossible, à cause de l'interprétation constitutionnelle de cette notion, ce qui empêche de jeunes agriculteurs de s'installer et d'assurer la relève de notre agriculture. Une simple régulation des biens communs, en l'espèce le foncier dans ses fonctions de transition écologique, de souveraineté alimentaire et d'occupation du territoire, est parfaitement compatible avec la liberté d'entreprendre telle que nous la défendons. Elle est absolument impossible si nous laissons des monopoles financiers s'installer sur le bien commun qu'est la terre de France.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 2356 .
Afin que chacun comprenne bien de quoi il s'agit, j'aimerais lire le texte de l'alinéa que nous proposons d'insérer après le dix-septième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les mesures propres à assurer que l'exercice du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre respecte la protection du sol et la souveraineté alimentaire de la Nation. Elle détermine les conditions dans lesquelles les exigences constitutionnelles ou d'intérêt général justifient des limitations à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété. » Il s'agit donc bien de se doter d'un outil juridique de valeur constitutionnelle permettant d'intervenir, si nous le souhaitons, et de faire pièce au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1820 .
Nous avons eu un dialogue avec les membres du cabinet de Mme la garde des sceaux, ce dont je les remercie. Même si ce travail a été mené avec des juristes qui font partie des plus grands, comme Antoine Lyon-Caen, ainsi qu'avec des penseurs de la mondialisation et du droit, comme Mireille Delmas-Marty, nous avons pu nous tromper et buter sur un écueil.
Je pose donc la question à Mme la garde des sceaux et à M. le rapporteur général : si vous estimez, comme nous, que notre incapacité à garantir la souveraineté sur le sol et l'équité fiscale entre les grands et les petits est insupportable, si notre solution n'est pas la bonne, dès lors que vous partagez notre diagnostic, vous devez proposer des sous-amendements ou des solutions alternatives. Je ne peux imaginer qu'une majorité et un Gouvernement ayant pris acte de décisions scandaleuses du Conseil constitutionnel, lesquelles heurtent le sens commun et l'esprit même de la République, se contentent de donner un avis défavorable sur un tel amendement.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 1821 .
Il vise à préciser les principes de loyauté et d'équité fiscales. Nous avons élaboré un panel de propositions. Est-il admissible qu'un tarif fiscal soit imposé à nos PME ainsi qu'à nos entreprises agricoles et artisanales, et qu'on laisse intacte la capacité des plus puissants, des plus grands, à se soustraire à l'obligation de contribuer à l'impôt ? Pour ma part, je rêve d'un monde où la puissance publique est davantage abondée par des recettes justes et où une assiette fiscale rénovée permet aux plus petits de payer moins d'impôts. Ce monde est possible mais, lorsque nous prenons des mesures visant à imposer la transparence de l'activité des multinationales, on nous rétorque que nous faisons entrave à la liberté d'entreprendre. Notre Constitution, en France, est ainsi faite. Je fais le pari que, dans quelques minutes ou quelques semaines, il en ira autrement.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2258 .
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 2331 .
Nous revenons là aux sources de la question du bien commun, en 1789 : les moutons qui vont aux communs et les porcs à la glandée ; une communauté d'hommes et de femmes se constitue alors comme unité de production de richesses en commun, pillée depuis par l'appropriation privée des terres.
Cela nous renvoie, par exemple, au cas de la visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange ». Aujourd'hui, l'outil de travail est gâché car la propriété privée des moyens de production est organisée de telle façon que leur produit n'est pas réinvesti dans la production du bien commun. Nous en venons ainsi – par un saut historique assez remarquable, dont je m'attribue la paternité, de la glandée à la loi Florange –
Sourires
à la production collectivisée de richesse, en faveur de laquelle nous nous prononçons.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Moetai Brotherson, pour soutenir l'amendement no 2332 .
C'est l'une des variantes d'un même amendement. En effet, nous en avons déposé plusieurs afin de nous donner le temps d'un véritable débat sur le sujet, sur lequel Dominique Potier et le cabinet de Mme la garde des sceaux ont eu de nombreux échanges. Il s'agit – c'est l'un des grands enjeux de notre temps – d'encadrer la puissance privée exercée sans limites lorsqu'elle fait obstacle à la défense de l'intérêt général, des biens communs et des biens publics mondiaux, ainsi qu'à la possibilité, par une lecture croisée de la liberté d'entreprendre et du droit de propriété, de lutter contre la fraude fiscale, le travail des enfants, l'esclavage moderne, les écocides et l'accaparement des terres.
Le sujet est sérieux. Nous l'évoquons à un moment où nous nous interrogeons sur la manière de reprendre la main sur une mondialisation devenue à bien des égards déloyale, irrespectueuse des droits de l'homme, destructrice de l'environnement et source d'affaiblissement de la puissance et de la souveraineté des États. Il y va de la crédibilité du pouvoir politique, par le biais de sa capacité à avoir prise sur le cours des choses.
Il importe que, par leurs réponses, M. le rapporteur général, M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux nous donnent le sentiment de prendre au sérieux cette question majeure, qui engage l'avenir. Puisque nous sommes ici réunis en Assemblée nationale constituante, je crois qu'il nous incombe de préparer l'avenir.
Le sujet que vous soulevez, messieurs les députés, fait en effet débat, dans la presse quotidienne et sur internet. La notion de bien commun a récemment ressurgi avec beaucoup de force, dans un débat aux nombreuses parties prenantes.
Monsieur Potier, vous avez eu raison de citer l'article « Inscrire le bien commun dans la Constitution », dont la première signataire est Mireille Delmas-Marty. Il a suscité de nombreuses réponses – que vous avez lues, j'imagine – , sous forme d'autres articles signés par d'autres intellectuels.
Certains titres ne m'ayant pas plu, je ne les citerai pas ici…
Vous vous appuyez sur la notion de bien commun afin de procéder à un lit de justice – terme déjà employé ici. Autrement dit, vous considérez qu'il faut dépasser la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je n'ai rien à objecter à cela car, en tant que constituants, vous et vos collègues êtes parfaitement habilités à procéder à un lit de justice.
Toutefois, la notion de bien commun, que vous mettez en avant, n'est pas juridiquement stabilisée. La preuve en est que vous, monsieur Potier, l'employez au singulier, tandis que M. Wulfranc et M. Dharréville l'emploient au pluriel.
J'ai écouté toutes les interventions avec la plus grande attention, monsieur Vallaud.
Et, bien sûr, les deux expressions n'ont pas le même sens : par « bien commun », vous entendez l'intérêt général, pour faire court ; M. Dharréville et M. Wulfranc, en parlant des « biens communs », font référence aux biens que nous avons en partage : l'eau, l'air, etc. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de lien entre les deux, mais le fait que les uns emploient ces termes au singulier et les autres au pluriel montre que la stabilisation de la notion n'est pas tout à fait assurée.
Je ne tirerais pas cette conclusion, monsieur le député.
Sourires.
Si vous souhaitez utiliser la notion, messieurs les députés, c'est pour tenter d'atténuer les effets non seulement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais également de la mondialisation, et au total de ce que vous estimez comme des excès du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre.
Aux termes mêmes de notre Constitution, le Parlement est totalement libre, vous le savez, d'atténuer le droit de propriété et la liberté d'entreprendre. Le Conseil constitutionnel le reconnaît : d'une manière tout à fait traditionnelle et extrêmement fréquente – les exemples abondent, je ne peux tous les citer ici – , il considère le droit de propriété comme un principe qui connaît des limites très fortes. Parfois, on peut aller jusqu'à la privation du droit de propriété, fondée sur l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – je vous renvoie aux nationalisations, qui supposent une juste et préalable indemnisation ; parfois, il ne s'agit que d'atténuations, qui doivent néanmoins être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées.
Le motif d'intérêt général doit être énoncé par le législateur. Or, si l'on reprend le cas de la loi relative aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, celui-ci avait donné aux SAFER un droit de préemption lors de la vente des parts sociales de propriétés agricoles, afin d'éviter que des acquéreurs étrangers – des Chinois, par exemple – ne les achètent.
Qu'il s'agisse du droit de propriété ou de la liberté d'entreprendre, le législateur est donc libre d'atténuer ces principes, à condition que ce soit pour un motif d'intérêt général. Le rôle du Conseil constitutionnel est de vérifier que les atteintes portées aux principes ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs fixés par le législateur. En l'occurrence, dans le cas que j'évoquais – il se trouve que je connais un peu le sujet – , si le Conseil constitutionnel a annulé certaines dispositions concernant les SAFER, c'est parce qu'il a considéré que le droit de préemption qui leur était accordé ne permettait pas d'atteindre l'objectif que s'était fixé le législateur, c'est-à-dire de restituer à des propriétaires privés les terres agricoles. C'est bien en raison de cette décorrélation entre le moyen utilisé et l'objectif fixé que le Conseil constitutionnel a utilisé son pouvoir de censure.
C'est également le cas d'autres lois, que vous avez citées mais que je ne détaillerai pas ici. Je pense notamment au texte relatif au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, qui exigeait que ces sociétés établissent un plan de vigilance. Ce n'est pas ce plan ni sa nécessité au regard de la responsabilité sociale des entreprises qui ont été annulés, c'est la sanction civile prévue, dont le Conseil a jugé qu'elle était disproportionnée.
C'est une jurisprudence assez subtile, et je ne m'y attarderai pas davantage. Je comprends votre intention lorsque vous souhaitez inscrire dans la Constitution la notion de « bien commun » : vous estimez que le législateur doit reprendre la main, définir le bien commun et les limites qui doivent être mises au droit de propriété. Je vous réponds que le législateur peut déjà imposer ces limites, à condition de respecter les autres éléments fondamentaux de l'État de droit, en effet garantis par le Conseil constitutionnel.
Il me semble que l'équilibre des droits est ainsi préservé. J'émets donc un avis défavorable sur les amendements en discussion commune.
Vous connaissez, madame la garde des sceaux, la question des SAFER, du droit de propriété et de ses effets dans l'espace rural et l'économie agricole ; mais vous n'êtes pas la seule. La société civile, tous les experts rencontrés par la mission parlementaire sur le foncier agricole, il y a quelques mois de cela, au colloque de Poitiers, toutes les parties prenantes considèrent que la décision du Conseil constitutionnel se fonde sur une interprétation erronée du droit de propriété, et qu'elle contrevient à la visée des lois agricoles, lesquelles sont très souvent votées à l'unanimité à l'Assemblée nationale. La déformation est évidente.
Pour ne pas rallonger les débats, vous n'avez pas évoqué la question du dumping fiscal. Cela dit, je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux. En revanche, je dois dire que je suis extrêmement choqué, vu la nature du sujet, de la brièveté – qui pourrait s'apparenter à du dédain – des réponses de M. Ferrand. Je m'étonne aussi de l'absence de M. Fesneau. Ce sont pourtant des sujets sacrément importants. Je ne manquerai pas de rappeler à M. Ferrand qu'il siégeait parmi nous lorsque nous avons voté ces lois et lorsque nous nous sommes désolés ensemble de la censure du Conseil constitutionnel. Si peu de mémoire, si peu de constance, si peu de respect ! Permettez-moi d'en être désolé.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
En ce qui vous concerne, madame la garde des sceaux, vous avez répondu avec diligence. Vous avez présenté des arguments, mais ils sont loin de nous convaincre. Les banques ont une obligation de reporting fiscal pays par pays ; mais, au motif de la compétitivité industrielle et de la liberté d'entreprendre, les holdings ne sont pas soumises à cette obligation. Leur puissance de dissimulation financière et d'évasion fiscale est pourtant bien plus importante.
Il y a aujourd'hui des scandales qui insultent le sens commun et la République. Je serais absolument désespéré que nous ne trouvions pas de moyen de changer cette situation. Vous évoquez les différences entre « bien commun » et « bien communs » ; nous avons déposé plusieurs versions, avec des variantes qui évoquent la protection du sol, la souveraineté alimentaire, l'équité fiscale, ou encore la loyauté fiscale, justement pour ne pas encourir le reproche d'avoir écrit des amendements trop généraux et trop imprécis. Cet argument ne tient donc pas.
Merci de la précision de votre réponse, madame la garde des sceaux, mais vous ne vous étonnerez pas de m'entendre dire que nous ne sommes pas convaincus.
Vous comprenez bien, dites-vous, pourquoi nous souhaitons inscrire la notion de « bien commun » dans la Constitution ; mais vous la trouvez peu opérante. J'imagine que vous avez toujours compris le caractère fondamental du terme de « fraternité » ; il n'a pourtant été intégré à la jurisprudence constitutionnelle que récemment.
Au fond, ce que nous proposons, c'est un aiguillon. Un objectif à valeur constitutionnelle est une arme supplémentaire confiée au juge constitutionnel pour articuler des principes aujourd'hui déséquilibrés au profit du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre, et en défaveur des plus fragiles, des biens communs, du bien commun, de l'intérêt général, et enfin des États, de leur souveraineté et de leur puissance.
La meilleure façon de stabiliser une jurisprudence, c'est de donner des motifs de rendre des décisions : en inscrivant ce principe dans la Constitution, nous faisons confiance au juge constitutionnel pour établir sa jurisprudence au fil des décisions. Vous dites que nous souhaitons faire un lit de justice : c'est vrai. Nous l'avons fait en 1999 pour « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », et c'était un progrès.
La préoccupation de l'avenir doit commander nos actions. La majorité s'est fédérée autour d'un mot : la confiance. C'est le pari que je vous propose de faire en inscrivant la notion de « bien commun » dans la Constitution.
Merci, madame la garde des sceaux, d'avoir pris le temps de répondre de façon argumentée. Vous avez l'oreille fine : nous n'avons pas tous exactement la même manière de dire les choses. Je parle souvent, en effet, des « biens communs », des communs, quand la notion de « bien commun » est plus proche de celle d'intérêt général.
Mais nous avons échangé entre nous, et nous avons réussi à rapprocher nos points de vue. Nos propositions sont différentes, mais elles sont sous-tendues par une préoccupation commune. Nous avons donc, ensemble, formulé deux types d'amendements, certains mentionnant les « biens communs », d'autres le « bien commun ». Nous vous offrons ainsi une palette de possibilités nouvelles.
Le communiste que je suis se félicite du foisonnement actuel autour de cette idée du commun. Vous avez dit, madame la garde des sceaux, que notre droit était équilibré ; mais nous nous heurtons régulièrement au droit de propriété, souvent brandi pour faire barrage à des mesures pourtant nécessaires.
J'ai en tête l'exemple d'une unité de production stratégique, propriété d'une grande multinationale, et dont la disparition était programmée. L'État aurait pu souhaiter la faire vivre ; mais il en a été empêché par l'application du droit de propriété. Je ne multiplierai pas les exemples, mais je redirai qu'il faut à notre sens modifier l'équilibre actuel du droit, ou plutôt corriger le déséquilibre actuel du droit.
Nous pensons qu'il faut créer de nouvelles dynamiques, ouvrir de nouvelles brèches et de nouvelles discussions fécondes pour écrire le droit autrement. C'est ainsi que nous refonderons la République. Si nous adoptions ces amendements, la réforme constitutionnelle pourrait présenter un véritable intérêt ; elle serait ambitieuse et nouvelle.
Hélas, pour le moment, elle ne consiste qu'à déséquilibrer les pouvoirs un peu plus encore ; nous le regrettons, car il y aurait bien mieux à faire.
J'ai été tout à fait convaincu par les arguments de nos collègues. La liberté d'entreprendre est précieuse ; c'est un fondement indiscutable de la vie démocratique. Mais la libre concurrence – c'est enseigné à tous les étudiants du monde – suppose l'atomicité du marché, ou encore la liberté de circulation des facteurs de production. Or les échanges ne sont plus dominés par les biens et les services ; ce qui commande tout, de façon regrettable, c'est la finance. On observe une hyperconcentration de holdings, des cartels, des oligopoles, qui mettent à mal la liberté et la justice de la vie économique, et qui mordent de plus en plus sur les biens communs.
Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué la question du foncier. Si vous saviez combien nous souffrons, en Corse, des ravages de la spéculation !
J'ai assisté à la conférence de presse sur les biens communs organisée notamment par Dominique Potier. J'y ai entendu des professeurs de droit constitutionnel tenir des propos extrêmement intéressants. L'un d'entre eux disait, en particulier, que l'oeuvre de la génération précédente avait été, après les expériences fasciste et communiste, de limiter les pouvoirs publics, tandis que l'oeuvre de la génération présente devait être de limiter les pouvoirs du privé, de protéger les personnes physiques des personnes morales de droit privé.
Or le Conseil constitutionnel ne travaille pas aujourd'hui dans ce sens. Quand le législateur demande la transparence fiscale pour les filiales des holdings installées dans des paradis fiscaux, il censure et répond : « Liberté d'entreprendre ! » – et c'est la même chose quand il s'agit de progrès environnemental et de justice sociale.
Sur quoi se fonde-t-il ? Sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Or les révolutionnaires, quand ils ont écrit ce texte, n'avaient pas à l'esprit Arcelor-Mittal, Monsanto, Facebook, Sanofi – tous ces nouveaux Léviathan dont il nous revient de limiter les pouvoirs.
Madame la garde des sceaux, vous dites que le Conseil constitutionnel arbitre. Ce n'est pas vrai : il habille de motifs juridiques des décisions extrêmement politiques.
L'objectif que nous poursuivons à travers nos amendements est de nous redonner une marge de manoeuvre : il est nécessaire que le Parlement puisse dire que, parfois, la justice sociale, fiscale ou environnementale doit primer sur le droit de propriété et sur la liberté d'entreprendre, pour la préservation de l'eau, de la terre et de l'air.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
J'interviens car M. Potier a mis en cause M. Fesneau en son absence, alors que la philosophie dont celui-ci se réclame mérite d'être défendue.
Il y a dans vos amendements, chers collègues de l'opposition, un principe fondamentalement erroné : vous opposez, d'un côté, la liberté de propriété, la liberté d'entreprendre et le droit de propriété et, de l'autre, les biens communs. C'est un peu comme si, dans les terres agricoles du XVIIIe siècle, la propriété privée des champs s'opposait aux communaux et à la vaine pâture.
Comme Mme la garde des sceaux l'a souligné, cette conception est totalement fausse.
Je le dis non pas à vous, monsieur Potier, mais à M. Dharréville.
En réalité, qu'est-ce que le « bien commun » ? Le droit de propriété, la liberté en font partie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Elles sont même sa condition et son but. En effet, qu'est-ce qu'une société, sinon un ensemble organisé pour permettre à chacun et à chacune d'exprimer, de créer, d'inventer ce qu'il porte en lui, ce que Dieu – si l'on est croyant – ou la nature – si on ne l'est pas – lui a donné ?
La liberté d'entreprendre et le droit de propriété sont essentiels. Le bien commun consiste à les protéger et à les garantir pour tous, et à faire en sorte que la liberté des uns cesse dès lors qu'elle met en cause la liberté des autres.
C'est parce que vos amendements ignorent cette distinction que nous ne les voterons pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'entends vos propos, monsieur Bourlanges, qui ne m'étonnent pas tout à fait, car je connais votre conception. Il y a bien deux philosophies bien distinctes dans cet hémicycle. Nous ne partageons pas votre conception car certaines libertés – celle de polluer, par exemple – ne sont pas des biens communs.
Ceux qui, aujourd'hui, utilisent le droit de propriété et la liberté d'entreprendre pour polluer ne participent pas au bien commun. Il y a une évidence à cela, que vous ne voulez pas admettre, je l'entends…
C'est vrai ! Je vous remercie de cette caution que vous m'accordez ce soir. Je ferai diffuser cette séquence dans toutes nos fédérations.
Sourires.
Ce gage de socialisme me convient très bien. Il existe donc, disais-je, deux philosophies différentes.
En réalité, mon intervention avait pour but de demander à Mme la garde des sceaux, qui estime que le Conseil constitutionnel opère déjà un partage équitable, quel risque elle prendrait en acceptant ces amendements. Nous ne proposons pas autre chose que de mettre entre les mains du Conseil constitutionnel un outil supplémentaire, permettant d'arbitrer, parfois, en faveur de ce que sont les biens communs.
Inversement, madame la garde des sceaux, si nous en restons à la situation actuelle, vous prenez le risque de voir de nombreuses lois censurées, alors qu'elles auraient pu autoriser des avancées nouvelles, qui n'ont pas été réalisées, notamment au cours de la précédente législature.
Nous aimerions donc comprendre votre obstination à vous opposer à ces biens communs, alors que vous semblez dire que, de toute façon, cela ne changerait pas grand-chose.
L'intervention de M. Bourlanges a ceci d'intéressant qu'elle en revient à certains fondamentaux du libéralisme.
Certes, la philosophie du XIXe siècle, qui considérait la liberté d'entreprendre et la propriété comme une liberté fondamentale, a conduit à des progrès démocratiques, mais nous sommes deux siècles plus tard : la théorie politique du libéralisme, comme la réalité de notre société nous ont confrontés aux contradictions qui, pour certains de nos prédécesseurs et prédécesseuses étaient abstraites.
Cette contradiction montre qu'en réalité, il y a, à un niveau supérieur, des biens communs – notamment l'eau et l'air – qui, auparavant, n'étaient pas considérés comme faisant partie du partage ou de la protection que devait réaliser la société. Ces biens sont aujourd'hui soumis à une prédation : n'étant pas partagés, ils sont soustraits à la société dans son ensemble.
Deux siècles après les fondamentaux dont vous parlez, monsieur Bourlanges, il nous revient de dénouer cette contradiction. C'est ce que disait notre collègue François Ruffin. Deux siècles plus tard, nous avons la responsabilité de passer à l'étape supérieure, de construire de nouveaux fondamentaux et de considérer que l'eau, l'air, l'énergie sont des biens communs dont le partage, pour l'ensemble de la société et pour les individus, doit prévaloir sur la capacité d'entreprendre et la propriété privée.
Ce sont donc deux philosophies : la vôtre qui, malheureusement, reste figée dans le XIXe siècle et la nôtre, qui est pleinement dans son siècle, voire dans le siècle suivant.
Ce débat mérite d'être mené. Monsieur Bourlanges, vous avez souligné un désaccord entre nous ainsi qu'entre M. Potier et moi. Pour ce dernier, je ne crois pas qu'il soit celui que vous indiquez car nous avons tenu des propos plutôt convergents.
Tout en partageant l'idée selon laquelle la liberté ou le droit sont des biens communs, je propose d'ouvrir la définition commune de ce qui pourrait entrer dans cette notion. J'ai cité tout à l'heure à dessein une unité de production. En effet, nous connaissons les premiers biens communs, qui sont évidents – on pense à l'eau, et l'on pourrait y ajouter l'énergie – , mais nous pourrions continuer de discuter de leur définition. Des références médiévales ont été évoquées : à l'époque, les fours banaux étaient des biens communs dont chacun pouvait faire usage, dans une certaine mesure. L'idée de biens communs, qui fait son chemin depuis très longtemps, doit continuer à avancer.
Nous voulons effectivement mettre en cause le droit de propriété, non pas la propriété personnelle d'un jardin ou d'un appartement, mais la propriété par certains de choses qui, en réalité devraient appartenir à toutes et à tous. C'est le débat que nous avons et l'enjeu fondamental auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 109 |
Nombre de suffrages exprimés | 107 |
Majorité absolue | 54 |
Pour l'adoption | 26 |
contre | 81 |
L'amendement no 1818 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 98 |
Nombre de suffrages exprimés | 95 |
Majorité absolue | 48 |
Pour l'adoption | 22 |
contre | 73 |
L'amendement no 1815 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 108 |
Nombre de suffrages exprimés | 106 |
Majorité absolue | 54 |
Pour l'adoption | 25 |
contre | 81 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 106 |
Nombre de suffrages exprimés | 104 |
Majorité absolue | 53 |
Pour l'adoption | 25 |
contre | 79 |
L'amendement no 2188 n'est pas adopté.
Cet amendement, qui présente un lien avec la thématique du bien commun, vise à donner aux parlementaires que nous sommes une vision d'ensemble sur les prélèvements obligatoires et sur les conséquences des mesures proposées pour le pouvoir d'achat.
Il éviterait des débats fragmentés, comme ceux de l'automne dernier, où la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – en baisses de cotisations figurait pour partie dans le projet de loi de finances et pour partie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Quant à la hausse de la contribution sociale généralisée – CSG – , qui figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle a largement alimenté les débats sur le projet de loi de finances.
Nous le voyons, nous avons aujourd'hui besoin d'une vision globale de nos finances publiques. Tel est l'objet de cet amendement.
Cet amendement vise à fusionner les parties recettes du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'article 7 du projet de loi constitutionnelle prévoit la possibilité d'un examen conjoint des deux textes, ce qui ne signifie pas grand-chose.
S'il s'agit d'une discussion générale commune, la conférence des présidents peut d'ores et déjà l'organiser. S'il s'agit d'examiner les articles les uns après les autres, la démarche est plus compliquée, compte tenu de la structuration des deux textes, où les parties relatives aux recettes se trouvent à des endroits différents. La meilleure façon de faire semble donc de fusionner ces parties : parce qu'il n'y a qu'un seul contribuable, il n'y a qu'une seule manière de calculer les prélèvements obligatoires.
En 2008, cette même demande, soumise par d'autres parlementaires, avait été refusée, pour la raison que nous manquions de temps pour évaluer l'examen conjoint et parallèle des deux textes. Cela dit, comme l'a relevé Patrick Hetzel, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, nous avons discuté du CICE, donc d'une baisse des charges, à la fois dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances et dans celui sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Par ailleurs, les dispositions relatives à la CSG, discutées lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ont fait l'objet de nombreuses contestations lors du débat sur le PLF. Le débat sur la compensation éventuelle de la hausse de la CSG par la baisse de la taxe d'habitation s'est déroulé lors du débat sur les deux textes.
Nos compatriotes ont besoin de clarté sur ces sujets. C'est pourquoi nous devons faire en sorte qu'il n'y ait qu'un seul et même débat sur les recettes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il s'agit là d'un amendement de repli par rapport à l'amendement no 764 .
Le rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – proposait de rapprocher, voire de fusionner en partie les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. L'examen du projet de loi constitutionnelle est l'occasion de mettre en oeuvre cette proposition. C'est pourquoi l'amendement vise à intégrer dans la loi constitutionnelle le principe de la consolidation de l'examen et du vote sur les prélèvements fiscaux et sociaux. Nous rejoignons là l'argumentation qu'Éric Woerth a développée à l'instant : ce sont toujours les mêmes personnes qui sont concernées.
Nous avons besoin d'une vision globale des finances publiques. Les prélèvements obligatoires ont pris une importance considérable. Le morcellement des textes permet de masquer le fait que certains de nos concitoyens sont perdants. Le tableau que nous a présenté le rapporteur général de la commission des finances a été une nouvelle occasion de le constater : pour pallier les difficultés budgétaires, on joue au bonneteau.
Ce dispositif offrirait une vision d'ensemble de nos finances publiques.
Vous proposez de fusionner les dispositions relatives aux recettes des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale au sein des premières.
Or le PLF et le PLFSS relèvent de deux structurations différentes justifiant une distinction de leur portée normative et de leur rattachement institutionnel – l'État, d'un côté, les organismes sociaux, de l'autre. Ils font également l'objet d'un pilotage distinct : l'élaboration du budget de l'État ainsi que son exécution ne correspondent en rien au pilotage du risque par les organismes sociaux car l'horizon de l'assurance collective est nécessairement pluriannuel.
S'agissant de la portée normative de chaque texte en matière de recettes, les cotisations sociales ne nécessitent pas d'autorisation annuelle de prélèvement, à la différence de l'impôt. Leur caractère obligatoire permet cependant d'ouvrir droit aux prestations proposées par les régimes. Les prestations de la sécurité sociale ne possèdent pas de caractère limitatif, au contraire de l'essentiel des dépenses du budget de l'État – la pension de retraite ou le remboursement d'une consultation chez un médecin doivent être honorés, indépendamment de la disponibilité des crédits.
Pour ces motifs, auxquels d'autres pourraient être ajoutés, la commission n'a pas retenu votre proposition. Mon avis est donc défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Sur le plan technique, le rapprochement que vous souhaitez n'est pas impossible, tout en préservant les spécificités des dépenses sociales contenues dans le PLFSS. Toutefois, une telle modification aurait des implications majeures en raison des structures différentes du PLF et du PLFSS.
Ensuite, en ce qui concerne l'examen des textes, l'exercice n'est pas de même nature. Enfin, le choix du Gouvernement est d'opérer par d'autres moyens une rationalisation de l'examen des textes financiers en proposant la possibilité d'étudier conjointement, pour tout ou partie, les dispositions du PLF et du PLFSS, de manière à renforcer la coordination entre ces textes ainsi que la cohérence et la lisibilité des débats financiers.
Madame la garde des sceaux, je vous remercie pour vos explications, qui contredisent en partie les propos du rapporteur général. En effet, vous admettez que notre proposition ne se heurte pas à un problème technique.
J'entends votre argument selon lequel ces amendements ne correspondent pas à la position du Gouvernement – vous êtes plus que légitime pour exprimer celle-ci. Mais, précisément, nous pensons que le Gouvernement n'est pas suffisamment audacieux. Il faut aller plus loin qu'un examen conjoint des deux projets de loi, y compris en fixant des plafonds de dépenses. C'est un sujet majeur sur lequel notre position diffère de celle du Gouvernement.
En 2008, les promoteurs de la LOLF – Didier Migaud, Alain Lambert et Jean Arthuis – demandaient une telle fusion. Trois ans après sa première mise en oeuvre, le recul n'était alors pas suffisant pour mesurer l'impact du texte. Aujourd'hui, il est possible d'évaluer cet impact. La confusion des débats accroît le manque de transparence pour nos concitoyens sur ce qu'ils vont devoir payer, sur leur pouvoir d'achat.
Monsieur le rapporteur général, il n'y a pas de difficulté technique – Mme la garde des sceaux l'a confirmé. Notre proposition ne remet pas en cause la spécificité de chaque catégorie de recettes, ni leur nature juridique. Certaines recettes sont des cotisations, d'autres des impôts, mais pour le contribuable cela reste un peu la même chose : de l'argent qui leur est pris pour financer soit les services publics soit la sécurité sociale. Vos arguments ne tiennent pas.
Il faut essayer d'assurer une plus grande clarté ainsi qu'une meilleure prévisibilité et lisibilité pour nos concitoyens. Dans le débat sur la CSG et la taxe d'habitation, le Gouvernement faisait valoir que l'une compensait l'autre – on voit que la réalité est autre, mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui – mais au travers de deux textes différents. Cela rend difficile la discussion parlementaire tout comme la compréhension pour nos concitoyens qui sont aussi des contribuables.
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Je voudrais saluer l'action de deux personnalités politiques de droite qui contredisent les amendements qui nous sont présentés. D'abord, Alain Juppé, …
… qui, en 1996, par voie d'ordonnance, a instauré les lois de financement de la sécurité sociale – ce qui avait donné lieu à un intense combat dans l'hémicycle. Ces lois ont permis d'identifier, à côté du budget de l'État, un budget indépendant pour la sécurité sociale.
La seconde personnalité est Yves Bur, qui a siégé sur les bancs de l'UMP et qui était un fervent défenseur de l'autonomie du budget de la sécurité sociale. Pour reprendre ses mots, je dirais que les Français cotisent pour leur retraite – vous avez parlé de la CSG mais il existe encore des cotisations salariales et patronales, tout n'a pas été supprimé, loin de là – dans une caisse de sécurité sociale, et ils aimeraient que ce soit la même caisse qui leur verse les prestations et non une caisse différente.
L'indépendance du budget de la sécurité sociale est un gage de qualité et de confiance pour les Français qui cotisent ou paient par l'impôt pour les prestations sociales à venir.
Le projet de loi constitutionnelle comporte une avancée – nous en discuterons à l'occasion des articles 4 et 7 – puisqu'il permet une discussion commune des articles consacrés aux recettes dans les textes relatifs aux budgets de l'État et de la sécurité sociale, comme cela aurait pu être le cas sur le CICE lors de l'exercice budgétaire précédent.
Il me paraît fondamental de préserver la sécurité sociale. Alors que celle-ci est enfin excédentaire, il pourrait être tentant pour l'État de prélever des cotisations pour diminuer la dette. Il est donc essentiel de conserver l'autonomie de la sécurité sociale. Nous aurons l'occasion de débattre dans quelques minutes d'un amendement que je présenterai visant à élargir son périmètre.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
Il est possible de changer d'avis, d'abord parce que la vie change, et parce que les prélèvements obligatoires évoluent. Il s'agit bien de prélèvements : c'est toujours de l'argent que l'on prend aux Français, quoique pour des raisons différentes. Du reste, vous compensez des impôts par des baisses de cotisations sociales ou de la CSG, qui relèvent pourtant de deux textes différents.
Nous avons été les premiers à faire en sorte que le ministre du budget soit aussi celui des comptes sociaux. M. Hollande avait décidé de rompre avec cette pratique mais M. Macron l'a réintroduite – M. Darmanin est bien ministre du budget et des comptes publics. C'est le même ministre qui, au banc, défend le budget de la sécurité sociale dans sa partie recettes…
Non, c'est le ministre du budget qui est responsable – je l'ai été et j'ai même inauguré cette double fonction. Je considère que la fusion ministérielle implique la fusion des textes pour ce qui concerne les recettes.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 434 .
Cet amendement, présenté par Emmanuel Maquet, vise à compléter l'article 34 de la Constitution afin de prévoir que les projets de loi de finances ne peuvent pas être adoptés en déficit de fonctionnement.
En d'autres termes, nous souhaitons instituer la règle d'or budgétaire. L'un des problèmes majeurs auxquels est confronté notre pays tient à la maîtrise de la dépense publique. Les contraintes budgétaires fortes qui pèsent sur l'élaboration de la loi de finances pour l'année prochaine semblent attester l'extraordinaire complexité du défi. Nous observons tous les jours les difficultés rencontrées par le Gouvernement en la matière.
Pour aider l'exécutif à faire preuve de vertu budgétaire, nous souhaitons instaurer la règle d'or, et adresser ainsi un message de sérieux et de bonne gestion des deniers des contribuables français. Comme le Président de la République avait eu l'occasion de le dire il y a quelques mois, « la dette, c'est l'impôt au carré ».
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 1630 .
Depuis des décennies, les gouvernements successifs ne parviennent pas à l'équilibre des comptes publics et recourent à l'emprunt. La dette est aujourd'hui abyssale – elle atteint quasiment 100 % du PIB. Tous les voyants sont au rouge – les rapports de la Cour des comptes, du Haut Conseil des finances publiques ou de l'INSEE le disent. Aucune amélioration n'est à prévoir – nous avons eu l'occasion d'en parler lors du débat d'orientation des finances publiques – , d'autant que le Gouvernement envisage le rachat de la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards d'euros et que la suppression de la taxe d'habitation coûtera sans doute in fine 25 milliards d'euros. Dans sa programmation, le Gouvernement renonce à son ambition de l'équilibre budgétaire en 2022. Il se contente d'indiquer une nouvelle trajectoire pour la période 2019-2022.
Les conséquences sont importantes : le poids pour les générations futures d'un tel endettement, le problème de la souveraineté nationale – la France est prisonnière des marchés, de la conjoncture et des banques.
Comme l'a dit Mme Le Grip, il n'y a pas d'issue sans une contrainte constitutionnelle forte. C'est pourquoi nous proposons d'inscrire la règle d'or – l'équilibre des budgets de fonctionnement – dans la Constitution afin que celle-ci garantisse l'équilibre budgétaire.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1051 .
Aux termes de l'amendement, la section de fonctionnement ne peut pas être présentée, votée et exécutée en déficit. Les conditions dans lesquelles une situation d'urgence peut justifier que l'application de cette règle soit suspendue sont déterminées par une loi organique. Nous proposons d'inscrire la règle d'or budgétaire dans la Constitution. Les déficits accumulés ont transformé l'endettement public en fonds de commerce pour des prêteurs de toute sorte, ce qui nous semble particulièrement malsain.
Le présent amendement, dont le premier signataire est Philippe Vigier, vise lui aussi à promouvoir la règle d'or. Il s'agit d'instaurer un principe vertueux, selon lequel les dépenses et les recettes doivent s'équilibrer, à la fois en fonctionnement et en investissement. Cela doit devenir la règle. Celle-ci nous tirerait vers des objectifs vertueux, notamment un certain réalisme en matière budgétaire, sachant que nous prévoyons tout de même une dérogation en cas de situation d'urgence. Je pense que cet amendement est tout à fait pertinent et que son adoption serait de bon aloi dans la situation que nous vivons actuellement.
Il va dans le même sens que les précédents, tout en prévoyant un cas particulier. Nous proposons en effet de compléter le dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution comme suit : « En dehors des périodes de récession économique, les sections de fonctionnement des projets de loi de finances sont présentées et adoptées en équilibre. » On tiendrait donc compte de l'évolution de la conjoncture économique pour imposer ou non l'obligation de présenter et d'adopter le budget à l'équilibre.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 236 .
J'interviens au nom de Charles Amédée de Courson. Je vais essayer d'être aussi talentueuse que lui pour présenter une mesure qu'il défend depuis si longtemps.
Dans sa loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Gouvernement a prévu, pour 2022, un solde structurel négatif de 0,8 point de PIB et un solde public effectif négatif de 0,2 point, soit un quasi-retour à l'équilibre des finances publiques.
Le présent amendement vise à inscrire dans la Constitution une règle d'or pour la section de fonctionnement afin de garantir la durabilité des finances publiques. Il est proposé que le budget de l'État soit voté à l'équilibre pour sa section de fonctionnement.
Le 3° de l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit qu'une présentation des recettes et des dépenses budgétaires en sections de fonctionnement et d'investissement est jointe en annexe aux projets de loi de finances. Il conviendrait de modifier ladite loi organique pour mieux mettre en avant ces sections de fonctionnement et d'investissement dans le projet de loi de finances afin de pouvoir le voter.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements en discussion commune ?
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements qui visent à introduire la règle d'or dans la Constitution. L'idée peut évidemment paraître séduisante en théorie, mais l'application de la règle d'or serait, à bien des égards, trop contraignante, en raison des risques d'annulation du budget de l'État en dehors des cycles budgétaires. Le Parlement serait alors dessaisi de la politique budgétaire. La mise en oeuvre d'une règle d'or conduirait aussi à s'interroger sur la définition des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'investissement.
Certains des amendements en discussion commune auraient même pour effet d'interdire tout déficit budgétaire, même pour investir.
Enfin, certains pays qui avaient naguère adopté cette règle, en particulier l'Allemagne et le Royaume-Uni, en sont revenus. Il semble donc inutile de l'adopter à notre tour.
Pour toutes ces raisons, nous n'allons pas accepter cette règle d'or. Avec mes regrets, madame Auconie.
Avis défavorable également. Cette règle relèverait plutôt, selon moi, du niveau de la loi organique, si toutefois nous voulions l'adopter, ce qui ne me semble pas utile, en raison des complexités de gestion que cela entraînerait.
Monsieur le rapporteur général, les amendements proposés n'instaureraient pas une impossibilité d'emprunter dès lors qu'il s'agirait d'opérations d'investissement ; ils portent uniquement sur le budget de fonctionnement. Après tout, nous proposons seulement d'appliquer à l'État ce que l'on applique à l'ensemble des collectivités locales, …
… lesquelles n'accusent pas, c'est heureux, les déficits abyssaux enregistrés par l'État.
Je suis un partisan résolu de ces amendements, car notre pays connaît un déficit et, partant, une dette qui s'accumule, depuis le gouvernement de Raymond Barre, sans interruption aucune. Le dernier budget voté à l'équilibre fut présenté par Raymond Barre. Il est temps de revenir à un peu plus de sagesse. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que les taux d'intérêt relativement bas – ils le demeurent encore – créent une illusion totale : la charge de la dette est relativement faible alors que la dette ne cesse de s'accroître. Il faut donc que nous sortions de cette illusion.
Or ce n'est pas du tout impossible. Nous pourrons continuer à emprunter à la condition que l'emprunt serve à investir. Comme vient de l'indiquer Jean-Louis Masson, c'est exactement la règle qui est appliquée aux collectivités locales. L'État est très fort pour imposer aux autres ce qu'il ne s'applique pas à lui-même. C'est un paradoxe absolu !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'État impose aux collectivités locales des règles qu'il ne respecte pas, impose aux entreprises des inspecteurs du travail qui viennent vérifier que le temps de travail est respecté. Si des inspecteurs du travail venaient ici pour nous, pour nos collaborateurs et pour les administrateurs de cette assemblée, ils ne seraient pas déçus : ils pourraient, depuis deux semaines, multiplier les procès-verbaux !
Nous ne nous imposons pas à nous-mêmes les règles que nous fixons aux autres.
Les choses sont finalement très simples et très rationnelles. Pourquoi est-il légitime d'emprunter pour l'investissement, mais non pour le fonctionnement ? Parce que l'investissement servira aux générations futures. Les routes, ou encore les équipements militaires, par exemple, pourront leur servir. Il est donc logique qu'elles contribuent à leur financement, monsieur le rapporteur général. En revanche, le fonctionnement concerne uniquement notre génération, et nous n'avons pas le droit d'imposer nos propres errements aux jeunes d'aujourd'hui qui accèdent au marché du travail ou à ceux qui naîtront demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans la même veine que mes collègues du groupe Les Républicains, je trouve particulièrement choquant, en tant qu'ancien maire, que l'État continue à recourir au déficit sans aucun problème tout en imposant certaines mesures aux collectivités territoriales, principalement l'obligation de présenter un budget à l'équilibre. Certes, les enjeux ne sont pas les mêmes, mais vous vous doutez bien que, lorsque l'État diminue la dotation globale de fonctionnement pour 22 000 communes, soit les deux tiers d'entre elles, comme il le fait en 2018, …
Nous avons consacré 400 millions d'euros de plus à ces dotations !
… il leur est évidemment de plus en plus difficile de maintenir le budget à l'équilibre. Pourtant, elles le font.
L'État a certes des contraintes, mais pourquoi ne se plie-t-il pas aux mêmes exigences que les collectivités territoriales ?
Par ailleurs, l'État impose de plus en plus des contrats de confiance ou de bonne gestion – je ne sais plus comment vous les appelez – à certaines grandes collectivités afin de limiter l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 %. L'État s'applique-t-il cette règle à lui-même ? Non. Combien a-t-il supprimé de postes de fonctionnaires l'année dernière ? À peine 500, bien en deçà des engagements qui avaient été pris. Bref, les efforts ne sont pas faits par l'État. Une fois de plus, il y a une différence de traitement entre les collectivités territoriales et l'État.
Je prends un dernier exemple, connu depuis quelques heures. L'article 40 du code de procédure pénale oblige toute autorité à prévenir le procureur de la République si elle acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit. Or les collectivités territoriales l'appliquent, mais tel n'est pas le cas, a priori, du sommet de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous n'avons pas été convaincus par les arguments développés. La question que nous avons soulevée est désormais centrale. Si nous considérons que cette disposition doit être inscrite au niveau constitutionnel, c'est aussi parce que c'est la seule manière de créer les conditions de son application. Nous constatons aujourd'hui que la France est, en matière budgétaire, à la traîne par rapport à l'ensemble de ses partenaires de l'Union européenne. Cela ne pourra pas durer ; nous ne pouvons pas continuer la politique menée au cours des dernières années. Or le Gouvernement n'a nullement profité de la croissance pour prendre un certain nombre de mesures structurelles pourtant indispensables. En inscrivant la règle d'or au niveau constitutionnel, nous éviterons la fuite en avant que nous avons pu constater lors du débat budgétaire précédent et que nous craignons de devoir constater à nouveau lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.
L'instauration de la règle d'or est, pour l'UDI, un vieux combat. Nous défendions déjà l'idée ici même il y a dix ans, avec un amendement présenté par Charles de Courson. Comme l'a dit Marc Le Fur, aucun budget n'a été présenté à l'équilibre depuis Raymond Barre. Lorsque ce dernier a quitté le pouvoir, la dette de la France s'établissait à 100 milliards de francs ; aujourd'hui, elle s'élève à 2 300 milliards d'euros.
Le paradoxe est que le budget d'investissement de la France n'a cessé de se réduire, progressivement, y compris les dépenses militaires, que l'on étalait sur plusieurs générations – un changement vient d'avoir lieu sur ce point. Seules les dépenses de fonctionnement ont augmenté. Jusqu'à la fin des années 1970 ou au début des années 1980, on empruntait pour l'investissement ; ensuite, on s'est mis à emprunter pour le fonctionnement.
Nous défendons la règle d'or pour une raison simple, monsieur le rapporteur général. Vous avez relevé que d'autres pays l'avaient abandonnée. Oui, c'est bien le cas de l'Allemagne, mais cela fait bien longtemps que celle-ci présente un budget en excédent et qu'elle rembourse sa dette, alors que la France n'a pas commencé à le faire, et cela dure depuis quarante ans. Oui, le Royaume-Uni a aussi renoncé à cette règle, mais il y a bien longtemps qu'il a pris les décisions et lancé les réformes qui lui permettent de sortir de cette situation.
Les majorités successives, toutes couleurs politiques confondues, ont cumulé, déficit après déficit, une dette tellement énorme que l'on peut se demander si nos enfants et nos petits-enfants seront en mesure de la rembourser. Si les taux d'intérêt remontent, le gouvernement actuel ou l'un des prochains gouvernements se trouvera dans la plus grande difficulté.
Nous avons raison de mener ce combat. En tout cas, je suis fier de le faire, notamment parce qu'il progresse. En 2008, nous n'avions pas réussi à inclure cette règle dans la Constitution, car la majorité de l'époque, malheureusement, ne l'avait pas accepté. À entendre les orateurs précédents, qui ont tous défendu cette règle alors qu'il ne l'avait pas votée à l'époque, je constate que nos idées ont progressé.
Sourires.
Je ne désespère pas que nos idées progressent aussi de l'autre côté de l'hémicycle, car cette obligation que l'on se fixerait, comme on l'a fixée à tous les élus locaux, vise à préserver les générations à venir ; c'est une obligation de responsabilité.
Pour finir, l'amendement de Charles de Courson est très prudent : il obligerait à voter un budget de fonctionnement à l'équilibre sauf en cas de circonstances exceptionnelles, indépendantes de la volonté de l'État. Tel aurait été le cas, par exemple, de la crise financière de 2008. Tel serait aussi le cas d'une crise militaire qui nous obligerait à intervenir. Dans ces cas-là, il est normal de dépenser de l'argent. Dans tous les autres cas, c'est par facilité et par lâcheté politique que nous laissons, de génération en génération, la dette s'accumuler, à raison de 50 millions d'euros par an.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Je tiens à mentionner la discussion que nous avons eue jeudi dernier dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, notamment sur la stratégie et les orientations que nous essayons de suivre.
Comme vous le savez, nous sommes extrêmement attachés, depuis le début de la législature, à la sincérité budgétaire, et nous avons déployé d'énormes efforts pour que le budget de fonctionnement de l'État retrace bien les dépenses effectives des différents ministères et budgets.
Notre choix a bien été de respecter la règle d'or. Nous avons élaboré à cette fin une loi de programmation des finances publiques pour l'ensemble du quinquennat, ce qui n'avait jamais été fait jusqu'alors. Par le vote démocratique de cette loi de programmation dans cette assemblée, nous avons pris, en définitive, un engagement beaucoup plus fort que celui qui résulterait d'une incantation ou d'un principe constitutionnel.
Cet engagement a été pris par notre majorité dans le cadre pluriannuel. En tant que députés, notre rôle et notre fonction est de nous porter garants de la bonne application des lois que nous votons.
Nous pourrions mener une réflexion – à laquelle nous pourrions accorder une grande importance sur tous les bancs de cet hémicycle – en vue de donner beaucoup plus de valeur aux lois de programmation, afin qu'elles deviennent de véritables points d'ancrage, des références pour les différents projets de loi de finances et projets de loi de programmation. En particulier, la norme de croissance des dépenses en volume, élément qui pose aujourd'hui le plus de difficultés dans le temps, deviendrait un point d'ancrage beaucoup plus fort. Selon moi, nous pourrions travailler et progresser sur cette vision pluriannuelle étayée par les lois de programmation des finances publiques.
Il me semble que notre commission des finances travaille à mettre en oeuvre une mission d'information visant à réviser la LOLF. Ce serait, dans le cadre organique, un bon débat.
Chers collègues, je crois que je ne vous ai pas convaincus, …
… mais sachez que nous travaillons également pour qu'en 2022, nous soyons revenus à l'équilibre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Reste qu'il ne faut pas confondre le débat constitutionnel et le débat budgétaire ! Inscrire la règle d'or dans la Constitution vous forcerait à être responsables !
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 333 .
L'amendement no 333 est retiré.
Devant le Congrès réuni à Versailles, le Président de la République a fait une annonce importante. Constatant que nous vivons plus longtemps et que la perte d'autonomie touche de plus en plus de Français, ce qui pose problème à leur famille et aux soignants, il souhaite que la dépendance, dont nous parlons depuis quinze ans, constitue enfin un risque identifié au sein de la sécurité sociale.
Pour constituer ce risque, il faut avoir un regard exhaustif tant sur les dépenses qui relèvent déjà du national – comme celles de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA – que sur les dépenses des collectivités – à travers l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
L'amendement tend à étendre le périmètre de la sécurité sociale, par le biais de la loi organique, à tout ou partie de la protection sociale obligatoire. Il vise ainsi à intégrer la dépendance dans la sécurité sociale. Celle-ci voit augmenter son périmètre, ce qui conforte son autonomie et son essence par rapport au budget de l'État, et ce qui nous permettra d'enregistrer de nouveaux progrès sociaux.
Il était question de modifier l'intitulé de la loi de financement de la sécurité sociale, qui serait devenue une loi de financement de la protection sociale. Pour nous adosser au compromis de 1945 sur le financement de notre protection sociale, nous avons prévu – c'est d'ailleurs ce que nous avons entrepris depuis un an – de transférer vers l'impôt toutes les cotisations qui pesaient uniquement sur le travail afin que l'assurance devienne universelle, qu'elle réponde aux objectifs de notre temps en couvrant d'autres risques et intègre de nouvelles populations. Cela permet que chacun bénéficie d'une protection ou du moins que, dans notre pays, les plus vulnérables soient mieux protégés.
Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous donner l'avis de la commission sur ces amendements et présenter votre amendement no 2173 ?
La commission a émis un avis favorable sur ces amendements. Je rappelle que, sur l'initiative d'Olivier Véran, elle avait adopté un amendement visant à renommer les lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la protection sociale. Dans notre esprit, il s'agissait d'un premier pas vers un élargissement de leur champ.
Cette modification a suscité beaucoup d'émotion. Certains ont cru y voir la disparition pure et simple de la sécurité sociale, ce qui n'entrait nullement dans les intentions du constituant.
Un article paru dans L'Humanité – excellent quotidien – , qui établissait un constat assez juste sur le financement de l'assurance chômage, en a tiré une conclusion totalement erronée. Cela arrive parfois.
L'amendement adopté en commission ne touchait évidemment pas à la sécurité sociale. Il maintenait le dix-septième alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la définition des principes fondamentaux de la sécurité sociale et, partant, préserve le caractère conventionnel de celle-ci et conforte le rôle des partenaires sociaux. Je le précise pour écarter tout danger fantasmatique.
Contrairement à ce qu'a prétendu à tort l'article que j'évoquais, l'amendement visait à étendre la loi de financement de la sécurité sociale à la protection sociale et évitait précisément de faire de l'assurance chômage une variable d'ajustement du budget de l'État.
Afin de lever toute ambiguïté, je vous suggère, avec l'amendement no 2173 , une nouvelle rédaction – identique à celle que proposent les amendements nos 1521 et 2064 – , qui se substituera à l'amendement initialement adopté en commission.
Il s'agit, non plus de remplacer « sécurité » par « protection », mais de préciser, à l'article 34 de la Constitution, le domaine de la loi de financement de la sécurité sociale. On ne changerait donc plus l'appellation du texte, mais on élargirait son contenu, ce qui éviterait à certains de tirer d'un constat juste des conclusions erronées.
J'ajoute qu'il restera au législateur organique à tirer l'ensemble des conséquences concrètes de cette disposition dans le code de la sécurité sociale. Quoi qu'il en soit, je vous invite à adopter les amendements.
Avis favorable. Je remercie M. Véran d'avoir pris l'initiative de cet amendement, repris par M. Houlié et M. Ferrand. L'extension des lois de financement de la sécurité sociale au domaine de la protection obligatoire permet d'y inclure la dépendance, ce qui permettra, à des conditions et compte tenu de réserves qui devront être définies par la loi organique, d'assurer le pilotage unifié d'un ensemble plus large de dépenses publiques, en cohérence avec l'universalisation de la protection sociale. Chacun sait aujourd'hui que le risque dépendance est un enjeu majeur, auquel le Gouvernement souhaite s'attaquer.
Je précise pour finir que l'amendement n'a pas pour effet de faire entrer les départements, ni plus généralement les collectivités territoriales dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale. C'est une précision que je tenais à apporter.
Nous continuons d'avoir un débat sur ce sujet. La perte d'autonomie est un problème majeur de notre temps. Nous considérons qu'il faut y répondre beaucoup mieux qu'on ne le fait aujourd'hui, et, pour cela, rester dans le cadre de la sécurité sociale, avec la philosophie solidaire qui lui est propre : de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.
La démarche dans laquelle vous nous engagez vise à sortir la question de la perte d'autonomie des logiques actuelles de la sécurité sociale et à imaginer peut-être d'autres types de financement – dont nous ne savons rien, car le texte ne les précise pas – , ainsi que d'autres philosophies régissant le système de protection sociale.
Par ailleurs, la sécurité sociale est un organe qui nous appartient à tous.
Or la protection sociale peut être assurée par plusieurs organismes, dans le cadre d'une concurrence libre et non faussée. Nous ne pensons pas que ce système puisse apporter de solution sérieuse et viable aux questions liées notamment à la perte d'autonomie.
En réalité, nous ne voulons pas qu'à travers l'élargissement proposé, on ne continue à affaiblir la sécurité sociale et à réduire sa place dans la réponse aux besoins sociaux de la population de notre pays.
Je ne comprends pas ! Dans votre propos, comme dans l'exposé sommaire, vous parlez essentiellement de la dépendance – vrai sujet, énorme sujet – , mais il n'en est nullement question dans les deux phrases que vous proposez d'inclure dans l'article. Le mot n'y apparaît même pas.
Par ailleurs, aux termes de la répartition actuelle, le sanitaire dépend plutôt de l'État, le social des départements. C'est pourquoi la dépendance est aujourd'hui traitée par le social, selon un clivage hérité certes du passé, mais qui existe encore.
Le traitement de la dépendance passe essentiellement par l'APA…
… et d'autres choses qui relèvent des conseils départementaux. Mme la garde des sceaux nous a expliqué qu'on ne touchait pas à cet aspect lié aux collectivités. Qu'y a-t-il donc derrière votre logique ? J'imagine que cette disposition permettra d'adopter toutes sortes de textes, mais il faut être un peu plus clair. Pour ma part, je ne vous cache pas mon inquiétude.
Mme de Montchalin nous explique que tout est organisé et que chacun peut être rassuré. Or qu'ont observé les retraités ? On leur a dit : « Ne vous inquiétez pas l'augmentation de la CSG sera compensée par la baisse de la taxe d'habitation ». Je vous engage à lire le rapport très précis rédigé par le rapporteur général de la commission des finances, qui appartient à votre majorité. On y trouve, à la page 14, la liste de ceux qui ont gagné et de ceux qui ont perdu du fait de ce dispositif.
Les seconds sont beaucoup plus nombreux que les premiers, notamment la première année, puisqu'en 2018, on compte 6,4 millions de perdants pour 600 000 gagnants. En 2019, il y a 4,4 millions de perdants pour 2,2 millions de gagnants, soit deux fois plus de perdants que de gagnants. Il faut attendre 2020 pour qu'il y ait un peu plus de gagnants que de perdants. Certains perdront 380 euros la première année, 400 euros la deuxième et 500 euros la troisième.
Cela signifie que, pendant trois ans, un couple appartenant aux 80 % de ménages qui devraient bénéficier de la suppression de la taxe d'habitation…
Non, ma chère collègue ! J'ai posé la question. Arrêtez de nous raconter des blagues ! Ce couple perdra au total 1 280 euros en trois ans. Il y a donc de quoi s'inquiéter quand vous nous dites que vous allez prendre des mesures pour les personnes âgées. Ce que celles-ci ont d'ores et déjà constaté, c'est le hold-up dont elles ont été victimes le jour où on leur a promis une compensation qui n'a jamais existé !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous voici assez loin des amendements…
La parole est à M. Olivier Véran.
Dans le droit social, monsieur Le Fur, la protection sociale, c'est la sécurité sociale, plus l'ensemble des administrations de sécurité sociale – les ASSO – , soit la sécurité sociale, la dépendance, les retraites complémentaires obligatoires et l'assurance chômage.
Monsieur Dharéville, la protection sociale ne préjuge en rien de la façon dont on répartira d'une manière ou d'une autre le financement et la solidarité. Au contraire : dans le droit social, la protection sociale, c'est la solidarité nationale.
Seulement, quand Pierre Laroque, Ambroise Croizat et d'autres ont créé la sécurité sociale en 1945, la dépendance n'existait pas, puisque les gens mouraient très vite après avoir pris leur retraite, qu'il n'y avait pas de retraite complémentaire obligatoire et que le chômage n'était pas structurel.
Lorsqu'Alain Juppé, par les ordonnances de 1996, a identifié les lois de financement de la sécurité sociale, les risques qui n'étaient pas inhérents à la création de la sécurité sociale n'existaient pas encore.
La notion de « protection sociale » est parfaitement valable et reconnue en droit européen ; elle permet de faire évoluer le périmètre de la sécurité sociale. Cela dit, je répète que mon intention n'est nullement d'ajouter d'autres domaines que la dépendance au périmètre de la protection sociale obligatoire.
Le Président de la République lui-même a insisté sur le fait que la solidarité nationale devrait jouer tout son rôle dans le financement de la dépendance. Soyez donc rassurés à cet égard. Encore une fois, c'est une notion juridique parfaitement décrite et qui renforce la sécurité sociale.
Soyez concret ! Que va devenir l'APA, qui est aujourd'hui gérée par les départements ?
Je dois avouer que j'ai du mal à être convaincue ou simplement rassurée par l'explication de M. Véran.
Je ne le suis pas davantage par l'intervention du rapporteur général. Ne lui en déplaise, l'alerte lancée par L'Humanité ne relevait pas de fantasmagories hallucinantes. Elle a d'ailleurs permis de revenir, non sans raison, sur le fameux amendement voté par la commission.
En relisant les amendements et les exposés des motifs, on ne comprend pas bien où vous voulez en venir. Pour ma part, je vois que ces amendements sont inspirés par une vision très particulière et ont pour finalité, comme l'a dit M. Houlié, de changer la nature de la répartition des financements entre la sécurité sociale au sens strict et la protection sociale.
Vous souhaitez faire évoluer le financement de la protection sociale au sens large : alors qu'il repose aujourd'hui, essentiellement, sur le versement de cotisations sociales assises sur les revenus du travail, vous entendez le faire basculer vers la fiscalisation et la solidarité nationale, à la charge de tous. Toutefois, vous vous efforcez d'habiller cet objectif. Vous avez essayé de le faire, peut-être un peu brutalement – mais cela avait le mérite de la franchise – en substituant aux termes « sécurité sociale » les termes « protection sociale ». À présent, vous reculez à la suite de l'alerte qui a été donnée. Il est très difficile, dans le cadre de ce débat, de comprendre où vous voulez en venir exactement. Vous nous dites vous-même que le financement de la dépendance, que vous voulez inclure dans la loi de financement, n'est pas clairement défini. Cet amendement me paraît donc précipité.
Il nécessiterait des clarifications pour savoir de quoi on parle, comment cela va être financé et expliquer pourquoi cette disposition ne remettrait pas en cause la structure actuelle de la sécurité sociale et un mode de financement reposant sur les cotisations assises sur les revenus du travail.
La parole est à M. Dominique Potier. Nous passerons ensuite au vote, car tous les groupes auront pu s'exprimer.
Il aurait été dommage que le groupe Nouvelle Gauche ne s'exprime pas sur la Sécu. Après avoir entendu les différents groupes s'exprimer, je constate que, très majoritairement, dans cet hémicycle, nous ne comprenons rien à cet amendement…
Il est minuit et demi, l'incompréhension règne dans ce débat sur la Sécu et on voterait quelque chose qu'on ne comprend pas. J'appelle à la prudence et invite notre collègue Olivier Véran à reporter ce débat.
On ne peut quand même pas prendre autant de risques sur un sujet aussi important, …
… qui a joué un rôle constitutif de notre République d'après-guerre, des jours heureux, du contrat social qui a uni toutes les forces politiques du pays, à travers un amendement tellement subtil que personne ne le comprend – mais peut-être ne sommes-nous pas au niveau. Je propose qu'on reprenne donc le débat au cours de la navette.
Cette journée aura été assez tragique. Cela aura été une mauvaise journée pour l'État de droit et une bonne journée pour les accapareurs de terre, pour ceux qui pratiquent le dumping fiscal. Je ne voudrais pas qu'en prime ce soit une bonne journée pour ceux qui veulent organiser le dépeçage et la financiarisation de notre système de protection sociale.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 830 , 1053 , 237 , 1680 , 435 , 482 , 728 et 1631 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 830 et 1053 sont identiques, ainsi que les amendements nos 482 et 728 .
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 830 .
Je défendais précédemment la règle d'or concernant le budget de fonctionnement de l'État. Je vais à présent évoquer cette règle à propos de la sécurité sociale. La chose la plus invraisemblable, pour ne pas dire la plus incroyable, est le fait que nous fassions payer aux générations suivantes notre consommation en matière de protection sociale et de santé, nos charges en matière de retraite, par le biais du déficit que nous avons accepté depuis des années. Un outil incroyable a même été inventé en 1996 : la CRDS – contribution au remboursement de la dette sociale. Il consiste à mettre en place des financements aujourd'hui pour rembourser la dette qu'on laissera demain à nos enfants. Évidemment, les sommes en question ne peuvent pas correspondre à la dette qu'on est en train de constituer.
Nous défendons l'idée selon laquelle une génération doit, à tout le moins, financer elle-même ses charges sociales, au lieu d'imposer à la génération suivante le remboursement, non seulement de ses dettes sociales, mais en plus de celles de ses parents et de ses grands-parents – ce que nous sommes malheureusement en train de faire.
J'ai entendu précédemment Mme de Montchalin vanter les bienfaits des trajectoires, des engagements, mais tout cela vaut le temps d'une majorité, chère collègue. Pardon de vous le dire, mais votre majorité est passagère ; à un moment ou à un autre, elle s'arrêtera – vous espérez que ce soit le plus tard possible, d'autres émettent le souhait inverse – , au contraire de la Constitution, qui demeurera. Si nous nous fixons des obligations, si nous faisons en sorte qu'une génération paie ses propres charges sociales, soit responsable d'elle-même, alors nous rendons service à la génération suivante comme à la génération actuelle, en lui faisant comprendre qu'il faut faire des choix.
Je me réjouis que nous ayons adopté les amendements précédents…
… car la dépendance, qui est un enjeu nouveau, doit être comprise dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale. En adoptant également cet amendement, nous enverrions le message suivant : que ce soit sur la dépendance, les médicaments, l'hôpital ou le chômage, nous allons tout payer nous-mêmes sans laisser à nos gosses le soin de le faire. Pour nous, c'est une question essentielle de responsabilité générationnelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement identique no 1053 .
Cet amendement est complémentaire de notre amendement précédent, qui concernait la section de fonctionnement du budget général ; tous deux sont inspirés par la même philosophie et poursuivent un objectif commun. Nous n'entendons nullement affaiblir la protection sociale mais, bien au contraire, nous voudrions que le problème majeur de la dérive des finances publiques soit maîtrisé pour le bien commun.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 237 .
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1680 .
L'objet de cet amendement est d'inscrire la règle d'or budgétaire dans la Constitution. Nous avons clairement noté que, sur un certain nombre de sujets, le Gouvernement ne tenait pas ses engagements, comme notre collègue Marc Le Fur l'a mis en évidence.
Vous avez, à plusieurs reprises, augmenté la pression fiscale pesant sur nos concitoyens, ce qui est évidemment désastreux pour leur pouvoir d'achat. À plusieurs reprises, au cours des derniers jours, le rapporteur général de la commission des finances a montré qu'en 2018 et 2019 les ménages perdants devraient se chiffrer à plusieurs millions. Ils subiront des pertes de pouvoir d'achat extrêmement importantes.
À travers cet amendement, nous souhaitons rendre service à nos concitoyens. Nous considérons que nous ne pouvons plus tergiverser et que nous devons ériger cette disposition au rang constitutionnel : il y va de l'intérêt de nos concitoyens.
Cet amendement vise à rendre constitutionnelle la règle d'équilibre budgétaire – la règle d'or – en matière de sécurité sociale. Cette règle permettrait d'encadrer la trajectoire budgétaire.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 728 .
Le Gouvernement souhaite assainir les comptes de la sécurité sociale à l'horizon 2020 et, comme nous sommes très soucieux de l'aider dans cette noble tâche, nous proposons de constitutionnaliser la règle d'or, qui nous paraît désormais incontournable.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 1631 .
Comme l'ont dit mes collègues, nous souhaitons que le budget de la sécurité sociale soit présenté, voté et exécuté en équilibre.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
La loi de financement de la sécurité sociale vise à maîtriser les dépenses sociales et de santé. Elle détermine les conditions nécessaires à l'équilibre financier de la sécurité sociale et fixe des objectifs de dépenses en fonction de prévisions de recettes.
Il faut bien souligner qu'il s'agit d'une loi de financement et non de finances, ce qui indique clairement qu'elle n'est pas de même nature que les lois de finances de l'État. En particulier, elle n'a pas de portée budgétaire. Dès lors que la loi de financement de la sécurité sociale fixe des objectifs de dépenses, et non des plafonds, en fonction de prévisions de recettes, il n'est pas possible de fixer une règle d'or s'agissant des régimes de sécurité sociale.
J'ajoute que nous sommes sur la voie d'un retour à l'équilibre, ce qui montre bien l'importance des efforts que nous accomplissons actuellement. Avis défavorable pour toutes ces raisons.
Madame la garde des sceaux, nous ne sommes pas très convaincus par vos arguments !
L'amendement no 1631 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 397 .
L'amendement no 397 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit, par cet amendement, de conférer aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale un rôle de confirmation de l'ensemble des dispositifs d'exonération qui seraient votés en cours d'année, afin d'avoir une vision synoptique de la situation des finances publiques.
L'amendement no 765 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 410 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 1241 .
L'amendement no 1241 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La pleine mission de contrôle du Parlement nécessite que l'ensemble des simulations et avis portés à la connaissance du Gouvernement soient connus des parlementaires qui voteront la loi. À partir du moment où le Parlement est saisi, il doit disposer de l'ensemble des informations, des études, des pièces du dossier dont disposait l'exécutif. Or, visiblement, dans certains débats, on nous cache des choses.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Sourires.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Poursuivez, monsieur Le Fur, sans tomber dans la théorie du complot, bien sûr.
Ce n'est pas la théorie du complot ! Je sais, monsieur le président, combien vous êtes attaché à la transparence.
Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En l'occurrence, je vous rejoins, monsieur le président, et j'en profite pour vous féliciter pour votre présidence constamment souriante et efficace.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Quoi qu'il en soit, c'est un excellent amendement, monsieur le président !
Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Outre le fait que cette disposition n'a absolument pas sa place à l'article 34 de notre Constitution, nous pensons que le Parlement est éclairé par les avis du Conseil d'État, …
… par l'avis d'un certain nombre d'organismes qui sont consultés au préalable et par les études d'impact qui sont annexées aux projets de loi. Enfin, le projet de loi constitutionnelle prévoit déjà certains mécanismes qui sont destinés à améliorer l'information dont dispose le Parlement. Avis défavorable.
L'amendement no 1969 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 255 .
Avec votre autorisation, monsieur le président, j'aimerais défendre en même temps mes amendements nos 255 et 256 , qui sont de même nature et concernent tous les deux l'article 34-1 de la Constitution.
Cet article a été introduit en 2008 pour permettre au Parlement – c'était un nouveau droit qu'on lui accordait – de voter un certain nombre de résolutions. Mais, pris de frayeur, et même d'une sorte de phobie, le pouvoir exécutif de l'époque a absolument voulu ajouter que le Parlement ne pouvait pas formuler d'« injonctions » à l'égard du Gouvernement. L'amendement no 255 vise à supprimer purement et simplement cette mention.
L'amendement no 256 , quant à lui, vise à préciser que le Parlement ne peut pas formuler d'injonctions « d'ordre juridique ». Cela signifie que le Parlement ne peut pas obliger juridiquement le Gouvernement à faire quelque chose. Mais, puisqu'il arrive que l'on fasse de la politique dans l'hémicycle, le Parlement serait autorisé à formuler des injonctions politiques.
Je pense depuis plusieurs années – et je l'ai exprimé à plusieurs reprises au cours de notre débat – que le drame de notre pays, c'est que si le Gouvernement et le Président de la République sont très puissants, le Parlement, lui, est impuissant. Vous rendez-vous compte que le Parlement n'a pas le droit de formuler des injonctions politiques à l'égard du Gouvernement ? S'il en avait la possibilité, cela ne changerait rien, et le Gouvernement pourrait continuer de faire ce qu'il veut, mais l'Assemblée nationale devrait au moins pouvoir se tourner vers le Gouvernement, qui est responsable devant elle, et elle devrait pouvoir lui enjoindre de faire certaines choses, par exemple de le mandater pour une négociation internationale. Or le Parlement ne le peut pas : c'est ce qui est écrit dans notre Constitution.
On nous dit – et j'espère que ce sera le cas – que ce projet de loi constitutionnelle a pour but de renforcer les pouvoirs du Parlement. En l'occurrence, je propose de renforcer son pouvoir politique, en lui permettant de s'adresser au Premier ministre et de formuler des demandes. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est tellement naturel dans tous les parlements de toutes les démocraties du monde que je ne pourrais pas comprendre que vous ne l'acceptiez pas.
Cela ne coûtera rien, cela ne changera rien, si ce n'est que les parlementaires ne seront plus obligés d'utiliser des biais détournés et de formuler leurs souhaits au conditionnel, dans leurs propositions de résolution. Au lieu de dire : « il serait souhaitable », le Parlement pourra dire : « il nous semble souhaitable ». Le Gouvernement pourra toujours s'y opposer, mais le Parlement, au moins, pourra s'adresser à lui. Un Parlement qui ne peut pas s'adresser au Gouvernement, est-ce vraiment un Parlement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
La commission n'est pas favorable à ces amendements, pour deux raisons.
D'abord, si le constituant a fixé cette limite en 2008, au moment même où il a introduit la possibilité, pour le Parlement, de formuler des propositions de résolution, c'est pour éviter que ces résolutions, qui avaient été bannies en 1958, ne servent à mettre en cause l'autorité du Gouvernement, comme cela s'était produit sous la IIIe ou la IVe République.
Ensuite, lorsque de telles injonctions sont introduites dans une loi, elles sont sanctionnées par le Conseil constitutionnel, et je ne vois pas comment nous pourrions l'empêcher.
Même avis, monsieur le président. J'ajoute qu'une telle disposition serait, de mon point de vue, contraire à la séparation des pouvoirs et contribuerait à affaiblir la stabilité et l'équilibre institutionnel de la Ve République.
Vous rendez-vous compte de ce que vous nous dites, madame la rapporteure ? Enjoindre au Gouvernement de faire quelque chose, ce serait attenter à la séparation des pouvoirs ? Je vous parle ici de voter une résolution qui n'a aucun effet juridique. L'antiparlementarisme est à ce point ancré dans notre pays que le Parlement ne peut pas s'adresser au Gouvernement. Sous d'autres régimes, on appelait « supplique » ce que l'on nomme aujourd'hui « résolution ».
Nous ne proposons pas de toucher aux articles relatifs à la responsabilité du Gouvernement et aux mécanismes qui peuvent amener à le renverser. La modification que nous voulons introduire à l'article 34-1 n'est pas de cet ordre : nous voulons seulement que le Parlement ait la faculté d'engager un débat politique. Enfin, mes chers collègues, pour qu'une telle injonction soit votée, il faudra que la majorité l'accepte. Or si le Gouvernement s'y oppose, avec le régime de la Ve République, avec le quinquennat, avec la concomitance des deux élections, ce n'est pas demain la veille, malheureusement, qu'une majorité votera une injonction au Gouvernement. Ce n'est pas la vôtre, ni une autre, et je le regrette. Cela fait de nous une bien piètre démocratie – si l'on peut encore parler de démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il me plaît, madame la garde des sceaux, de vous entendre évoquer la nécessaire séparation des pouvoirs, mais j'aurais aimé que vous l'invoquiez à d'autres moments de nos débats, lorsqu'elle a été fortement mise en cause.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 982 .
Par le présent amendement, mes collègues Guillaume Larrivé, Éric Ciotti et moi-même souhaitons introduire dans la Constitution la faculté, pour le Parlement, de déterminer chaque année le nombre maximal de ressortissants étrangers admis à séjourner en France, et ce, selon la nature du titre de séjour. Il s'agit de permettre au Parlement de fixer des plafonds en la matière.
Nous pensons que la maîtrise des migrations doit figurer au plus haut niveau de la hiérarchie des normes. Nous pensons également que c'est au sein du Parlement que doit être discutée la politique migratoire de la France et que doivent être fixées ses grandes orientations, mais également les plafonds d'étrangers admis à séjourner sur le territoire de la République. Un tel amendement est de nature à renforcer les pouvoirs du Parlement.
Madame Le Grip, vous avez voulu introduire cette disposition dans la loi relative à l'asile et à l'immigration, puis dans l'article 34 de la Constitution, et vous proposez à présent de lui consacrer un nouvel article 34-2. Notre réponse est constante et inébranlable : nous ne souhaitons pas fixer de quotas.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même avis. Nous avons étudié ce matin un amendement de M. Éric Ciotti absolument identique, à une nuance près.
J'ai dit : « à une nuance près ».
En effet, il ne pouvait pas s'agir exactement du même amendement…
La parole est à M. Guillaume Larrivé.
Madame la garde des sceaux, ce n'était pas le même amendement, puisque celui d'Éric Ciotti, que j'avais cosigné, portait sur l'article 34 de la Constitution, relatif à la répartition entre le domaine de la loi et le domaine réglementaire. Or, ici, c'est bien un article de droit constitutionnel matériel que nous avons voulu introduire.
Sur le fond, soyons clairs et directs : il faudra une victoire à l'élection présidentielle, un changement radical de politique, une rupture avec les années Macron pour qu'enfin on ait une politique de diminution de l'immigration.
Et cette politique de diminution de l'immigration passera, un jour, par une modification constitutionnelle permettant de réaffirmer la souveraineté nationale sur cette question, c'est-à-dire la possibilité, pour le peuple français, par l'intermédiaire de ses représentants, de définir le nombre des ressortissants de nationalité étrangère que nous souhaitons accueillir en France chaque année.
C'est pleinement un sujet constitutionnel, puisqu'à Constitution constante on ne pas peut le faire, notamment parce que le Conseil constitutionnel a tiré du préambule de la Constitution de 1946 une interprétation très extensive du droit à la vie familiale normale. C'est un sujet constitutionnel, c'est sans doute aussi, d'ailleurs, un sujet conventionnel – je pense aux implications de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme – et c'est un sujet pleinement politique, que nous voulons un jour traiter. Mais pas ce soir, hélas…
L'amendement no 982 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2243 .
J'étais en train de me demander si un sujet aussi important que les prérogatives du Parlement en matière d'intervention militaire pouvait être discuté à une heure moins cinq, alors qu'il y a toute une série d'amendements sur ce sujet. Je vous pose donc la question, monsieur le président : peut-être faudrait-il reporter ce débat à demain ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous voulez que nous reparlions de la journée que nous avons passée ? De ce qui s'est passé ? De l'inertie de l'Élysée ?
Revenez-en à votre amendement, monsieur Jumel. Cela nous permettra d'en débattre avant que la séance soit levée.
Sourires.
Mêmes mouvements.
Selon une étude de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe, dite « Commission de Venise », la plupart des pays démocratiques prévoient une intervention de leur Parlement sur les interventions des forces armées hors du territoire, selon différentes modalités. Dans certains pays comme l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche ou l'Espagne, une autorisation préalable du Parlement est nécessaire. Dans d'autres, comme les Pays-Bas, la Grèce, la Pologne ou le Portugal, une information du Parlement est requise après-coup.
Nous avons eu un débat intéressant en commission, qui démontre que l'histoire récente des interventions militaires et la modification des modalités d'intervention militaire rendaient inopérantes les dispositions prévues dans la Constitution pour une information pertinente de notre Parlement et pour solliciter une autorisation en bonne et due forme. Cet amendement prévoit donc que toute intervention des forces armées est autorisée par le Parlement, au besoin après convocation d'une session extraordinaire.
La commission a longuement réfléchi à ces questions, qui ont été abordées sous des angles divers. Nous avons finalement émis un avis défavorable sur cet amendement. Nous pensons qu'il convient de conserver l'article 35 dans sa rédaction actuelle, parce qu'il permet de préserver la réactivité qui s'impose en matière d'opérations militaires. Au-delà de cette réactivité, il importe également, au moment d'engager une action, de préserver l'effet de surprise et la confidentialité, qui sont parfaitement incompatibles avec un débat et un vote dans notre assemblée.
Le mécanisme de l'article 35 me semble donc parfaitement adapté à ce genre de situation et j'estime qu'il n'est pas souhaitable de le modifier. C'est pourquoi nous émettons un avis défavorable.
Je suis l'avis de la commission.
Seule la possibilité d'un débat sans vote nous est offerte aujourd'hui, ce qui est insuffisant. Nous devons prendre de nouvelles mesures pour que le Parlement ait réellement voix au chapitre, sans remettre en cause les exigences qui ont été rappelées.
L'amendement no 2243 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 1244 .
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Gouvernement doit informer le Parlement lorsqu'il fait intervenir les forces armées à l'étranger. C'est une avancée, mais une avancée limitée. À quoi sert d'informer de l'intervention militaire après coup, surtout si le Parlement ne dispose d'aucun moyen de contrôle contraignant ?
Voici un nouvel exemple de ce qui s'apparente, à notre avis, aux apparats de la démocratie alors qu'en l'espèce un réel contrôle démocratique est nécessaire.
Ainsi, l'intervention en Syrie dans la nuit du 13 au 14 avril, sans mandat de l'ONU, en dehors de tout cadre international légal, aurait dû faire l'objet d'un contrôle et d'une autorisation parlementaire, ou d'un refus.
Cet amendement de sagesse vise, par ailleurs, à laisser un temps de réflexion avant d'engager les forces armées dans un conflit fréquemment létal.
Ne sont pas visés, en l'espèce, les cas où les forces armées sont engagées pour défendre le territoire français, pour lesquels le Président de la République pourrait recourir à l'article 16 de la Constitution, mais uniquement les cas résiduels où les interventions militaires ont lieu sur un théâtre extérieur, en dehors des cadres défensifs.
Cela permet également un contrôle parlementaire, au regard du préambule de 1946, qui interdit les guerres offensives.
Cet amendement, vous l'aurez compris, tend à ce que les interventions militaires fassent l'objet d'un débat et d'un vote du Parlement avant qu'elles n'aient lieu.
Défavorable également.
Les arguments que vous avez précédemment développés ne m'ont pas convaincue. Vous aviez alors opposé l'argument de la nécessaire réactivité. Or le fait de débattre et de voter ne détermine pas le moment de l'intervention. Les interventions militaires qui ont eu lieu ont été décidées dans un silence assourdissant, ce qui n'a pas empêché le débat dans les médias, au niveau international. De fait, ces interventions n'ont jamais été une surprise, même si les dates n'ont jamais été avancées.
Les pratiques des autres parlements, que je sache, ne représentent pas un frein à la réactivité et ne portent pas atteinte à la confidentialité des informations.
Enfin, cette révision constitutionnelle est censée renforcer les pouvoirs du Parlement. Or, s'il est bien un domaine où les pouvoirs du Parlement devraient être accrus, c'est bien celui-ci, en maintenant les garanties existantes. Nous serions ainsi autre chose que des spectateurs appelés à donner a posteriori un avis qui n'aura aucune incidence sur la décision.
Si nous sommes les représentants du peuple, nous devrions pouvoir donner cet avis avant la décision d'intervention.
L'amendement no 1244 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2304 .
Peut-être faudra-t-il un jour inscrire dans la Constitution l'obligation de consulter au préalable le Parlement pour autoriser les forces armées du Président de la République à intervenir dans les manifestations.
Sourires. – Murmures sur les bancs du groupe laREM.
Nous verrons cela lors de la prochaine révision constitutionnelle.
Plus sérieusement, cet amendement de repli tend à ce que l'autorisation préalable du Parlement soit requise lorsque l'intervention militaire se déroule en dehors d'un mandat de l'ONU.
Vous connaissez la procédure. Dans les trois jours qui suivent le déclenchement d'un conflit, le Parlement doit être informé sans vote. Dans les quatre mois, le Parlement doit être consulté par vote sans qu'il lui soit possible de modifier les conditions de l'intervention.
Pourtant, nous pourrions très bien suivre l'exemple du Royaume-Uni en consultant le Parlement.
En dix ans, sept demandes de prolongation d'opération militaire ont été soumises au vote – en Afghanistan, au Tchad, en Libye, au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie en novembre 2015 avec l'opération aérienne. Les opérations peuvent d'ailleurs se prolonger plusieurs années, sans que la Constitution n'impose de consulter le Parlement.
Il est par conséquent nécessaire de faire évoluer le texte.
L'amendement no 2304 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement no 947 .
Par cet amendement, nous souhaitons corriger les imperfections des dispositions introduites en 2008 et renforcer le droit de regard du Parlement sur les opérations extérieures, notion plus large que celle d'intervention des forces armées.
Nous proposons de réduire le délai de trois mois pour faciliter la prise en compte des opérations extérieures discontinues. À cet égard, l'imprécision de la rédaction de 2008 peut conduire à ce que le détail de certaines opérations discontinues ne soit pas porté à la connaissance du Parlement.
Le renouvellement de l'autorisation, proposée par cet amendement, permettrait de réduire encore davantage ce risque. Notre objectif est de renforcer le contrôle de l'exécutif par les parlementaires.
L'amendement no 947 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Afin de renforcer le rôle du Parlement, il convient qu'il se prononce sur la décision du Gouvernement de faire intervenir les forces armées à l'étranger. Cet amendement tend, par conséquent, à rédiger ainsi la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 35 de la Constitution, après le mot « information » : « donne impérativement lieu à un débat suivi d'un vote ».
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 324 .
L'intervention militaire pose un vrai problème dans notre pays, car la Constitution a été taillée pour le général de Gaulle. Il a été alors décidé que seul le chef de l'État déciderait de la guerre ou de la paix, en tout cas des interventions militaires.
Depuis, tout se passe comme si le général de Gaulle était toujours à la tête de l'État, ce qui n'est pas le cas. Or, si l'on observe les autres démocraties occidentales, pas une n'accorde au seul chef de l'État la décision d'intervenir militairement.
Je ne crois pas du tout en la possibilité d'un débat au Parlement qui précéderait l'intervention militaire. Je rappellerai par ailleurs à Mme Obono que l'intervention au Mali a été déclenchée par le chef de l'État sans que l'on s'y attende, car elle était devenue urgente en l'espace d'une seule journée, ce qui rend impossible la réunion du Parlement.
Aux États-Unis, les quatre chefs d'État-major peuvent dire non au président. Le Président consulte le représentant de la majorité pour être certain qu'il sera suivi par le congrès.
En Grande-Bretagne, le Parlement peut bloquer l'action du Premier ministre, ce qui n'est pas le cas ici.
Nous devrons trouver une solution. J'ai bien compris que ce n'était pas l'objet de cette révision constitutionnelle, ce que je regrette.
En l'espèce, cet amendement tend à remplacer les mots : « peut donner » par le mot : « donne ». C'est un amendement bien modeste au regard des procédures mises en place dans d'autres pays mais il s'agit de ne pas permettre à un mauvais gouvernement d'intervenir sans en informer le Parlement.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 2278 .
Cet amendement, identique au précédent, tend à remplacer une possibilité par une obligation, bien modeste, faite au Gouvernement d'informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, ce qui renforcera quelque peu le contrôle du Parlement sur le contrôle des opérations extérieures. Ces décisions éminemment politiques concernent aussi le Parlement. Il est normal que le Gouvernement écoute l'opinion du Parlement et qu'un débat politique puisse se nouer.
Nous sommes trop souvent mis devant le fait accompli lorsque des opérations militaires sont engagées. Le Parlement doit occuper une place centrale dans le processus décisionnel, d'autant plus que notre pays se trouve engagé. Ces décisions sont capitales pour les femmes et les hommes investis sur le terrain, mais aussi au regard de la crédibilité de la France sur la scène internationale. C'est pourquoi nous souhaitons rééquilibrer les relations entre l'exécutif et le législatif dans ce domaine.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 848 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Même avis. Nous sommes arrivés à un point d'équilibre.
Je voterai ces amendements, car ce sera toujours cela de pris.
J'en profite pour répondre à M. Lagarde au sujet de l'intervention au Mali. La crise ne datait pas de la veille et cela faisait un certain temps déjà que les groupes armés avaient marqué leur progression. La décision n'a pas été prise en une journée, et il aurait été possible d'engager ce débat. La déclaration ne signifiait pas que le Parlement n'avait pas son mot à dire.
Cela étant, vous citez un seul exemple. Rapporté aux centaines d'interventions à l'étranger, c'est peu. Où en sommes-nous depuis l'intervention au Mali en 2013 ? Quel est le bilan ? On nous répondra que la ministre des armées rend des comptes, mais on voit bien que le Parlement aurait été dû être saisi a priori d'un débat, afin d'exercer un contrôle efficace, sur la base des éléments portés à sa connaissance au moment de l'engagement. Sans référent ni garde-fou, il est impossible de juger de la réussite ou non de ces opérations.
Je voterai par conséquent ces amendements, d'autant plus que l'exception que vous citez me semble confirmer la règle.
L'amendement no 1945 n'est pas adopté.
L'amendement no 848 n'est pas adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 20 juillet 2018, à une heure quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra