La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour soutenir l'amendement no 2564 .
Madame la présidente, monsieur le président la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, l'amendement no 2564 a pour objet d'aménager les paramètres de la nouvelle taxe sur les revenus de la publicité télédiffusée ou radiodiffusée, afin d'assurer une plus grande neutralité de la fusion, engagée à titre de simplification, des trois taxes existantes.
Il s'agit de modifier le barème applicable aux services de télévision, pour tenir compte de l'exonération des chaînes à faibles revenus publicitaires de deux de ces trois taxes ; un abattement est ainsi introduit au bénéfice des revenus inférieurs à 5 millions d'euros. Les autres paramètres sont revus en cohérence. Le barème est aussi simplifié.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Le présent amendement vise à exclure de la taxation sur les publicités audiovisuelles les messages passés pour le compte d'oeuvres reconnues d'utilité publique à l'occasion de grandes campagnes nationales.
Si la fusion des quatre taxes dues par les publicitaires dans l'audiovisuel correspond à une volonté de rationalisation et de simplification que nous encourageons, il nous semble que certaines des exceptions prévues par le code général des impôts sont éminemment utiles. C'est le cas de l'exonération de la redevance pour les messages passés pour le compte d'oeuvres reconnues d'utilité publique, à l'occasion de campagnes nationales, que nous souhaitons voir rétablie par cet amendement. En effet, des associations qui oeuvrent pour l'intérêt général se financent généralement, en partie, par des campagnes d'appels aux dons, diffusées sur les chaînes de radio ou de télévision. Taxer ces appels viendrait considérablement réduire, in fine, les sommes dont elles disposent pour effectuer leur mission. Nous souhaitons donc vivement que ces associations soient exonérées de ces taxes.
L'amendement no 707 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 10.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 1744 .
Il s'agit d'un amendement d'appel, qui vise à introduire une mesure que je qualifierais de « culottée », mais que nous assumons et qui fonctionne en Suisse. Nous proposons d'instituer une redevance pour les véhicules immatriculés à l'étranger, sous la forme d'une vignette de douze mois, électronique ou physique, qui pourrait s'appliquer sur nos autoroutes et nos routes. Elle pourrait être ciblée par des dispositions réglementaires, ce qui permettrait de désengorger certaines zones qui souffrent d'une circulation excessive, de renforcer l'efficacité des douanes et de procurer une nouvelle recette, bien utile, à l'État, sans affecter les Français.
Défavorable.
L'amendement no 1744 est retiré.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 1718 .
Cet amendement vise à supprimer les taxes et droits de timbre sur les titres de séjour. Les personnes non ressortissantes de l'Union européenne qui résident en France, qu'elles soient en situation régulière ou irrégulière, payent nécessairement de nombreux droits et taxes. Certains sont indirects ; il s'agit en particulier de la taxe sur la valeur ajoutée, qui devrait, selon les prévisions, procurer 153 milliards d'euros de recettes pour 2018, et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, qui devrait rapporter 13 milliards d'euros l'année prochaine – ces deux taxes représentant à elles seules 55 % des recettes totales de l'État en 2018. Elles paient également des taxes et droits directs, en particulier l'impôt sur le revenu, qui devrait représenter 73 milliards d'euros en 2018, soit 24 % des recettes totales de l'État.
Ainsi, comme toutes les personnes présentes sur le territoire, celles-ci contribuent, à égalité en droit, à 74 % des recettes totales de l'État. Or leur droit au séjour est soumis à des taxes et droits de timbre sur les titres de séjour dont les tarifs sont relativement élevés et problématiques. Chacun et chacune peut constater le montant excessif qui en résulte, en consultant notamment le recensement opéré par le GISTI – Groupe d'information et de soutien des immigrés. Par exemple, la délivrance d'un premier titre de séjour salarié coûte 269 euros, comme son renouvellement annuel. Le renouvellement d'un titre de séjour pour un étranger ou une étrangère malade coûte, quant à lui, 269 euros. Nous estimons que, eu égard à la contribution fiscale qu'assument d'ores et déjà ces personnes, il est nécessaire de supprimer ces taxes et droits de timbre sur les titres de séjour.
Ces dispositions entreraient en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel et concerneraient donc toutes les demandes en cours d'examen sur lesquelles l'administration n'avait pas statué, ainsi que les demandes postérieures. Compte tenu de l'évolution de la loi, les dispositions de niveau réglementaire seraient de fait abrogées.
L'amendement no 1718 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les cinq amendements en discussion commune sont inspirés par une même philosophie et concernent les taxes sur les titres de séjour.
Ces taxes sont élevées, puisque leur montant s'élève, pour un premier titre de séjour ou son renouvellement, ainsi que pour le droit de régularisation, à un maximum de 609 euros. Or, selon un rapport du Secours catholique de 2017, le revenu mensuel médian d'un couple étranger est de 139 euros, tandis que celui d'un couple de Français s'élève à 930 euros. En conséquence, il peut arriver que des titres ne soient pas retirés en préfecture, ou que les personnes régularisées sollicitent des aides de collectivités, de centres communaux d'action sociale – CCAS – ou d'associations qui, elles-mêmes, sont financées par des dons défiscalisés. C'est donc de l'argent public qui finance nombre de ces taxes sur les titres de séjour.
Par ailleurs, le niveau de ces taxes est un frein à l'intégration ; il constitue un obstacle supplémentaire dans un parcours que l'on sait extrêmement difficile. Cela fait plusieurs années que ce sujet est à l'ordre du jour. L'an dernier, on nous avait demandé, ici même, de retravailler notre amendement – ce que nous avons fait. Aujourd'hui, il me semble nécessaire, non pas, bien entendu, de supprimer toutes les taxes, mais de ramener leur montant à un niveau plus raisonnable.
Je propose donc de fixer à 150 euros la taxe relative à l'octroi d'un premier titre de séjour, à 87 euros celle liée à un renouvellement de ce titre, et de supprimer le droit de visa de régularisation.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 2099 .
Cet amendement vise à plafonner les taxes appliquées aux titres de séjour, dont les montants peuvent atteindre 609 euros : 250 euros pour l'octroi du titre, auxquels s'ajoutent 19 euros de droits de chancellerie et 340 euros si la personne est en situation irrégulière – dont 50 euros non remboursables, perçus lors de la demande. Pour le renouvellement, le montant de la taxe est de 269 euros : 250 euros pour l'octroi du titre et 19 euros pour le droit de chancellerie. Il est vrai que, d'une façon générale, cela peut être un frein à l'intégration.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l'amendement no 2524 .
Avis favorable sur les amendements identiques et défavorable sur les suivants.
Comme Mme Dupont l'a dit, les frais de timbre sont souvent pris en charge par les associations ou les centres communaux d'action sociale. Cependant, l'avis du Gouvernement est défavorable, parce que, d'une part, la loi prévoit déjà des plafonds minorés pour les catégories d'étrangers aux revenus limités et, d'autre part, le produit actuel de la taxe se situe nettement en deçà du coût global. L'avis est donc défavorable sur l'ensemble de la série d'amendements.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
C'est un sujet compliqué, car nous ne devons évidemment pas donner l'impression que nous entendons faire preuve de laxisme dans les politiques migratoires – telle n'est pas, bien sûr, notre intention – à un moment où la pression migratoire est très élevée. La question n'est pas de savoir si la France doit accueillir plus de candidats aux migrations : c'est un autre sujet, qui ne doit pas être abordé à travers le prisme de la fiscalité ou du prix du titre de séjour.
Cela étant, une fois que la personne étrangère a effectué le parcours du combattant qui l'amène à obtenir un titre de séjour, le prix de ce dernier n'en demeure pas moins extrêmement élevé par rapport au revenu moyen des personnes se trouvant sur notre sol – qui, pour beaucoup d'entre elles, ne peuvent se le payer. Comme il a été dit, les associations que l'on rencontre dans nos circonscriptions, qui s'occupent de ces personnes mais ne sont pas nécessairement politisées, sont souvent amenées à payer entièrement ou en partie les titres de séjour. Or ces associations sont subventionnées par les collectivités territoriales. On voit bien qu'on tourne en rond.
Peut-être conviendrait-il de différer la décision et de regarder de près la taxation de l'obtention et du renouvellement des titres de séjour ? La taxation peut dépendre, d'ailleurs, de la nature du titre de séjour délivré. La situation de la personne doit être prise en compte : une personne en situation irrégulière peut, pour je ne sais quelle raison, avoir été régularisée et avoir obtenu un titre de séjour. Dans ce cas, le coût ne doit pas être le même que pour une personne en situation irrégulière, car cela pourrait constituer un appel d'air.
C'est un débat important, auquel nous devons réfléchir sérieusement. Le Gouvernement ne doit pas avoir une position bloquée sur le sujet. On doit faire en sorte de couvrir le service, sans que les associations et les collectivités locales financent des titres de séjour que ne peuvent payer les personnes qui les ont obtenus. Il conviendrait, à mon avis, de retirer les amendements en discussion et de se donner un peu de temps pour examiner très précisément ce sujet, par exemple en commission des finances, de recevoir les associations d'élus et les autres associations concernées, de discuter avec le Gouvernement et d'aboutir à une grille tarifaire qui serait raisonnable, responsable et n'enverrait pas un signal contraire à celui qu'on veut adresser sur les politiques migratoires.
La proposition de constitution d'un groupe de travail formulée par M. Woerth convient évidemment au Gouvernement, notamment pour différencier les trois premiers alinéas des amendements identiques de leur quatrième alinéa, lequel concerne la régularisation : les droits de régularisation de personnes en situation irrégulière ont en effet, à nos yeux, un statut différent de celui du paiement de timbres pour l'instruction d'un premier dossier.
J'adhère pleinement à la proposition faite par le président de la commission des finances. Il conviendrait que, sur ce thème – j'avais déposé un amendement équivalent sur le dernier projet de loi de finances – , nous puissions prendre le temps, avec la commission des finances, d'élaborer une grille tarifaire qui ne soit ni punitive ni dissuasive, mais qui dépende de la réalité des coûts. Pour ma part, si ces conditions étaient réunies, je serais d'accord pour retirer l'amendement de la commission.
Chacun s'accorde à reconnaître que 609 euros est un montant excessif pour quelqu'un qui est en situation irrégulière. Toutefois, l'amendement n'opère pas de différenciation entre ceux qui sont en situation régulière et ceux qui ne le sont pas.
Ne pourrait-on pas prendre le temps de réfléchir à ce sujet, comme le proposent le secrétaire d'État et le président de la commission des finances – puisque telle était la suggestion de M. Woerth ? Les personnes en situation irrégulière pourraient se voir appliquer une taxe d'environ 250 euros, tandis que, pour les personnes en situation régulière, ce montant pourrait être de l'ordre de 100 à 150 euros. Il faut différencier la taxation en fonction des situations. À défaut, il y aura des polémiques en tous sens ; on affirmera que plus aucune différence n'est faite entre les personnes en situation régulière et les autres. Cette mesure pourrait, je l'espère, recueillir un consensus entre les différents courants politiques.
Je voudrais que chacun se rappelle l'origine de l'augmentation de ces taxes. Cela remonte au temps du ministre Brice Hortefeux…
… alors à la tête d'un ministère notamment chargé de l'identité nationale. L'augmentation très forte des coûts de régularisation et de demande de titres de séjour avait été conçue – c'était assumé – pour décourager les migrants. Tous ceux qui ont suivi des personnes engagées dans le processus de régularisation savent combien c'est décourageant ; il leur faut trouver d'autres moyens de financement. Je soutiens donc évidemment sans réserve l'amendement présenté par Stella Dupont.
Le sujet exige beaucoup de précaution. Il y a quelques jours, nous avons été surpris par l'attitude de la majorité lorsque Marc Le Fur a défendu l'amendement dit Coluche qui proposait d'augmenter – d'un peu plus de 500 à 1 000 euros – le plafond de la déduction fiscale sur les dons visant à aider nos concitoyens en difficulté, les plus fragiles et les plus isolés. Vous l'avez refusé et c'est dommage. Juste après, vous avez accepté un amendement augmentant les avantages fiscaux…
Si, madame de Montchalin, vous avez accepté un amendement augmentant les avantages fiscaux pour hébergement des migrants. Avoir refusé une aide pour nos concitoyens et accepté une aide à l'hébergement des migrants est délicat. Nous devons être très vigilants et prudents face à ce type de comportements.
Le montant à payer pour obtenir un titre de séjour est en effet important, et ce sont les associations et les collectivités qui s'en acquittent, ce qui doit nous interpeller, puisque c'est nous qui les finançons au travers des subventions nationales ou locales pour les premières, de la dotation globale de fonctionnement, DGF, pour les secondes. Il faut que nous soyons très vigilants, car cette situation soulève des questions d'équité, de justice, mais aussi de message.
Ensuite, nous devons éviter des décisions constituant des appels à l'immigration.
M. Marc Le Fur applaudit.
Nous devons mesurer toutes les conséquences et tous les impacts des dispositions que nous votons ici. Je regrette à nouveau que la majorité n'ait pas accepté d'augmenter le plafond de la déduction fiscale sur les dons visant à aider nos concitoyens, dans le cadre de l'amendement Coluche qui avait été défendu par Marc Le Fur avec beaucoup de vivacité et de ténacité.
Notre débat montre la complexité du sujet. Nous sommes partants pour participer au groupe de travail qu'a proposé de créer le président de la commission des finances, en association avec le Gouvernement. Le rapporteur spécial Jacques Savatier est chargé de la supervision et du contrôle de l'Agence nationale des titres sécurisés, ANTS. Si nous parvenons à disposer, dans les mois qui viennent – au plus tard début 2019 – , d'un calendrier spécifique, nous aurons fait de grands progrès. Je tiens néanmoins à dire que, dans l'intérêt général que nous servons ici en tant que députés de la Nation, nous ne devons pas trier ni hiérarchiser les besoins des uns et des autres. Nous nous efforçons à travailler pour tous les Français, que nous représentons, et pour tous ceux qui vivent sur notre territoire.
Je vais retirer l'amendement no 2099 au profit d'un travail que j'espère rapide. La question ne devrait pas être reportée au PLF 2020, il faut la traiter avant.
Je voudrais remercier Matthieu Orphelin et Amélie de Montchalin pour leurs propos. Le prix d'un titre ne découragera personne, même s'il est fixé à 609 euros. Croire que cela peut dissuader une famille de quitter son pays pour échapper aux bombes est totalement irréaliste. Le prix de ces titres doit être évalué par rapport à leur coût réel, quelle que soit la situation de la personne, et par rapport au coût que cela peut représenter pour les collectivités ou les associations. En effet, une partie de ces frais est supportée par les associations, ce qui ampute leur budget et les empêche de remplir leurs vraies missions – les associations ne sont pas là pour payer les titres des personnes présentes sur notre territoire.
Je voudrais donc que M. le ministre prenne l'engagement de réexaminer la question, soit dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, soit à l'occasion d'une autre loi qui arriverait au début de l'année 2019, mais sûrement pas dans le PLF 2020. Sinon, je préfère maintenir mon amendement.
Merci pour ces échanges, qui démontrent que nous sommes tous conscients de l'importance du prix des titres de séjour.
Ce sujet revient à l'ordre du jour depuis plusieurs années et je ne souhaite pas non plus qu'il soit renvoyé à l'année prochaine. En effet, l'année dernière, on nous avait également indiqué qu'il fallait retravailler les dispositions et revenir dans un an. J'accepterai – à contrecoeur – de retirer mes amendements,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
à condition qu'on y revienne tout de suite. Je dispose de tous les éléments et il n'est pas compliqué de trouver la juste mesure. Je voudrais qu'on y revienne maintenant, cette semaine, et non dans plusieurs mois, pour aboutir très vite à une version qui conviendra au plus grand nombre.
Il s'agit d'un enjeu d'intégration des réfugiés régularisés : nous parlons de personnes qui obtiennent un titre de séjour et qui sont donc légitimes à se trouver sur notre territoire, qui ont envie de travailler et qui sont prêtes à s'intégrer et à vivre chez nous. J'attends la réponse de M. le secrétaire d'État et de nos collègues sur le calendrier. Peut-être le PLFR représente-t-il la solution ; mais il ne faudrait pas aller au-delà.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je partage en tout point l'intention et les propos de Mme Pires Beaune : les associations comme les centres communaux d'action sociale n'ont pas pour mission de fournir de tels financements. Comme l'a rappelé Matthieu Orphelin, cette situation est le fruit de l'histoire. Pour ce qui est des engagements que le Gouvernement peut prendre en contrepartie du retrait de ces amendements, je ne peux évidemment pas m'engager sur le calendrier de vos travaux, mais le rapporteur général l'a fait et j'ai cru comprendre que la commission des finances pourrait mener ce travail au premier trimestre 2019.
Je pense – c'est une suggestion – que le groupe de travail de la commission des finances pourrait définir le bon niveau normatif. S'il s'agit d'une norme législative, nous trouverons le véhicule pour examiner le sujet au cours de l'année 2019. S'il s'agit d'une norme réglementaire, on pourra travailler plus vite et plus facilement. Le Gouvernement est prêt à accompagner les travaux de la commission des finances sur ce point.
Enfin, j'ai bien compris que vous ne souhaitez pas que l'examen de la disposition soit reporté au PLF 2020, mais puisse faire l'objet d'un traitement ad hoc, législatif ou réglementaire, dans les mois qui viennent.
Je voudrais aller dans le sens de plusieurs collègues, notamment Stella Dupont, Christine Pires Beaune et Amélie de Montchalin, et réagir aux propos des Républicains.
Il faut précisément faire attention, en la matière, à ne stigmatiser personne en opposant, d'un côté, les citoyens français et, de l'autre, les migrants qui – cela a été rappelé – ont droit à ces titres et sont donc pleinement légitimes à les recevoir, mais qui se heurtent à un obstacle financier. Cela ne devrait être le cas pour personne.
Sur ce point, nous sommes cohérents, contrairement aux collègues qui ne trouvent rien à redire aux exonérations faites aux très grandes entreprises alors que notre société est traversée de profondes inégalités économiques et financières, y compris entre citoyens français. On n'a pas souvent entendu les Républicains intervenir, choqués, pour dénoncer l'existence des très hauts salaires ou s'étonner que l'on vote un abattement de 40 % sur les dividendes tout en laissant les autres payer intégralement des impôts et des taxes par ailleurs légitimes.
La question du prix des titres de séjour peut rassembler ; je salue donc la proposition du président Woerth. Nous avions une proposition visant à supprimer ces taxes, mais nous participerons au travail collectif et appuierons toutes les avancées qui peuvent permettre de faciliter les situations administratives de ces personnes. En effet, une bonne partie des situations d'irrégularité et de vulnérabilité n'est pas due au fait que les personnes ne seraient pas légitimes à être présentes sur le territoire, mais aux obstacles administratifs et économiques qui les empêchent de jouir de leur droit au titre de séjour. Le travail du législateur n'est pas d'opposer les uns aux autres, mais de faciliter l'intégration de toutes et de tous. Nous saluons donc les réponses positives de la majorité. Si les choses peuvent avancer dans le bon sens, sans être repoussées aux calendes grecques, nous participerons à ces travaux.
Je n'aimerais pas briser l'atmosphère apparemment consensuelle de nos débats, mais je voudrais, au nom de mes collègues Les Républicains, repréciser notre objectif : la diminution de l'immigration vers la France.
Il n'y en a pas beaucoup ! Les chiffres ne bougent pas depuis des années.
C'est notre objectif stratégique. Cette diminution passe par un certain nombre d'instruments qui ne sauraient être une subvention à l'immigration. Je veux bien participer à un groupe de travail sur cet axe, ces droits et ces éléments techniques, mais dès lors que l'objectif est bien de réduire les flux de l'immigration vers la France.
Mes chers collègues, aujourd'hui – je le dis avec sérénité – la France abrite environ un demi-million de ressortissants étrangers en situation clandestine. Ce chiffre, connu depuis quelques mois, vient du rapport de Jean-Michel Clément et de votre serviteur. Par ailleurs, nous enregistrons le record, depuis quarante ans, du nombre de titres de séjour délivrés par le ministère de l'intérieur et par les préfets à des ressortissants étrangers.
Souhaite-t-on continuer à augmenter ces flux ou bien les diminuer ? Nous, nous souhaitons les diminuer. Par conséquent, nous refusons le dispositif de crédit d'impôt que vous avez voté il y a quelques heures ; par conséquent, nous souhaitons une nouvelle définition des taxes et des droits sur l'immigration pour diminuer celle-ci. Cela suppose que le groupe de travail à venir de la commission des finances associe aussi des membres de la commission des lois – c'est important sur le plan technique – et qu'on s'entende bien sur les objectifs. Je ne suis, hélas, pas sûr que celui de réduction de l'immigration soit totalement consensuel au sein de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme l'a souligné M. Larrivé, il faut associer la commission des lois ; cela fait à l'évidence partie de ses prérogatives. Je ne suis pas favorable à l'examen de cette disposition dans le cadre de la LFR, ayant toujours hurlé contre le fait que celle-ci devient un déversoir de la LFI. L'an dernier, j'ai d'ailleurs expliqué au Gouvernement ce que j'en pensais.
En revanche, un véhicule législatif – s'il est nécessaire, car les aspects réglementaires peuvent être arrangés rapidement – peut tout à fait être une proposition de loi dans le cadre d'une niche parlementaire. Ce serait même plus rapide. En tout état de cause, nous n'attendrons pas le PLF 2020.
Il n'est pas ici question d'organiser un débat sur la politique migratoire.
Nous débattons du budget. Hier, nous avons failli faire un débat sur l'écologie ; si nous le faisons pour chaque sujet, nous terminerons au mois de juin prochain !
Le sujet que vous avez soulevé est important, même si les objectifs poursuivis par chaque groupe peuvent différer. Guillaume Larrivé évoque celui du groupe Les Républicains – la maîtrise totale des flux migratoires – , mais d'autres peuvent avoir des idées différentes ; c'est le propre du débat démocratique. Les dispositions évoquées représentent peut-être une des composantes de l'attractivité – entre guillemets – de notre pays, mais le sujet est précis et concret, et nous devons y travailler. Madame Dupont, vous savez bien qu'on ne peut pas le faire dans la semaine, avant tout parce que nous sommes là à débattre du budget.
La question présente également beaucoup d'aspects réglementaires, qui ne relèvent pas du champ législatif. Au début du premier trimestre, on peut mener un travail avec la commission des lois – indispensable pour intégrer la question dans un processus plus large et y donner le contenu juridique nécessaire – et avec le Gouvernement. Nous pourrions également entendre quelques associations. Pourquoi ne pas faire une mission flash, réduite dans le temps, mais allant au fond des choses ? Sur cette base, nous pourrions faire des propositions au Gouvernement, qui prennent en compte les réalités sans tomber dans le laxisme migratoire. Pour Les Républicains, ce serait la ligne rouge à ne pas franchir.
Sourires.
Je veux bien retirer les amendements, mais on s'y met tout de suite. Rien ne se fait en cinq minutes, mais nous avons d'ores et déjà beaucoup de matière. Si l'outil législatif s'avère nécessaire – et je pense que ce sera le cas – , il faudra choisir le plus rapide possible. Une proposition de loi serait certainement le véhicule le plus adapté. Sur ces bases et vu les engagements pris par les uns et les autres, je retire mes amendements, mais ce n'est pas mon dernier mot !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Danièle Obono applaudit également.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l'amendement no 2526 .
L'amendement no 2526 est retiré.
J'ai bien noté qu'on allait organiser, dans l'urgence, un travail sur la question soulevée par les amendements précédents. Mais il est inutile d'attendre pour les personnes qui bénéficient d'une protection internationale, comme les réfugiés au titre du droit d'asile, qui ne paient pas ce droit. Il s'agit ici des apatrides et des protégés subsidiaires, qui représentent une catégorie certes différente, stricto sensu, mais reconnue et ouvrant droit à une protection internationale. On propose donc de supprimer tout de suite les taxes et droits de timbre pour ces personnes.
Défavorable. Cette question sera également abordée dans le cadre de la future mission.
Même avis.
J'ai bien compris que vous alliez mener une réflexion sur toutes les personnes qui résident en France avec un titre de séjour légal. Mais pour celles dont je parle, la réflexion ne pourrait-elle déboucher tout de suite ? Sinon, on risque une rupture d'égalité. Les apatrides et les protégés subsidiaires sont protégés au niveau international ; c'est leur statut. Il s'agit de quelque 45 000 personnes, c'est-à-dire très peu. Expliquez-moi pourquoi il faudrait attendre !
J'ai apprécié le consensus sur les amendements précédents, mais l'intervention de M. Larrivé m'a beaucoup surpris. On essaie toujours d'instiller la peur du migrant et d'insinuer le laxisme en matière d'immigration ; il faut absolument lever ce malentendu. Mes collègues Les Républicains ne m'écoutent pas, mais ce n'est pas grave ! Ils tentent de faire croire que la France est envahie de migrants et n'abrite que des personnes en situation illégale, mais c'est totalement faux.
Jacques Attali disait : heureusement qu'il y a de l'immigration car elle apporte énormément à la France. En passant dans les couloirs de l'Assemblée nationale, monsieur Larrivé, c'est toujours un plaisir pour moi de croiser des migrants qui travaillent au 101, rue de l'Université, et je ne manque jamais de les saluer. J'aime, quand je vais dans un restaurant, voir des Indiens dans la cuisine en train de faire à manger. Vous êtes vous-même extrêmement heureux de voir dans les rues de Paris ceux qui nettoient la ville pour vous. Il ne faut donc pas exagérer. Cet état d'esprit qui tend à faire croire que nous sommes envahis de migrants est une très mauvaise chose.
La France a été un empire colonial. En raison des liens historiques qu'elle entretient avec eux, la République a une responsabilité particulière vis-à-vis de pays qui sont aujourd'hui confrontés au sous-développement.
La mondialisation favorise la diversité et le métissage des peuples. Il faut l'accepter, sinon vous vous enfermez entre des murs qui se fissureront, car les gens n'accepteront plus d'être stigmatisés.
Dans le cadre des engagements pris à l'égard de l'Union européenne, la France est le pays qui a accueilli le moins de migrants.
Oui, mais lorsque vous laissez prospérer ce genre de propos – je reconnais que vous avez recadré le débat – , c'est notre droit et notre devoir de les contester.
Monsieur le député, l'hémicycle est un lieu propice au débat sur de nombreux sujets, mais essayons de nous en tenir aux amendements.
L'amendement no 1725 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Nous connaissons l'agenda pour l'examen de ce texte et le nombre d'amendements restant en discussion – plus de 1 100. Efforçons-nous de focaliser les débats sur les sujets qui sont abordés dans les articles du projet de loi.
C'était le sens de mon intervention. Nous devons nous en tenir là sinon les débats risquent de s'éterniser.
Après l'article 10
Nous abordons une série d'amendements relatifs à la taxe sur les transactions financières – TTF. Cette taxe, en vigueur dans une quarantaine de pays, a été instaurée pour financer l'aide publique au développement, mais elle a également vocation à taxer la spéculation intensive qui met la planète finance en surchauffe.
Sachez qu'en un clin d'oeil 12 000 transactions financières se réalisent et qu'on dénombre un million de milliards de transactions financières dans le monde – 1 et dix-huit zéros derrière – : ces deux chiffres en attestent, la planète finance est en surchauffe.
En 2017, le Gouvernement avait décidé d'élargir l'assiette de la TTF aux transactions intraday, celles qui sont réalisées dans une seule journée sur de petits montants. Ce sont souvent des algorithmes qui effectuent ces transactions dans le cadre du trading haute fréquence. C'est vraiment le pire de la spéculation boursière.
Cette décision permettait de récupérer 2 milliards d'euros au bas mot, au profit du budget de l'État mais aussi de l'aide publique au développement et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Or, le nouveau Président de la République a choisi de torpiller cette mesure. Elle a ainsi disparu du budget l'année dernière. Nous proposons de la rétablir.
L'amendement vise également à élargir l'assiette de la taxe sur les transactions financières. En 2017, l'élargissement de l'assiette avait été décidé, mais son application était reportée d'un an afin de laisser à l'administration fiscale le temps de procéder aux modifications des systèmes d'information.
La première décision de la majorité actuelle a été d'annuler cette mesure qui rapporterait entre 2 et 4 milliards à l'État. J'ai cru comprendre que les cadeaux aux actionnaires que M. Le Maire défend avaient pour but d'encourager l'investissement. Mais ces transactions sont de facto contraires à l'idée d'investissement à long terme, puisqu'elles sont infrajournalières – il s'agit de spéculation pure.
Je ne comprends pas pourquoi vous refusez de mettre fin à ce cadeau anormal fait aux spéculateurs et d'adopter une mesure vertueuse et lucrative pour l'État.
J'ai étudié sérieusement ce sujet, car je faisais partie de ceux qui plaidaient pour l'instauration d'une taxe sur les transactions intraday.
Si nous avons, l'an dernier, voté la suppression du dispositif, c'est parce qu'il est techniquement impossible à mettre en oeuvre. En outre, nous avions fait une confusion : les opérations de trading haute fréquence sont taxées, mais la transaction intraday est une opération de tenue de marché, et non une transaction spéculative, ce qui prive la taxation de toute portée.
J'ai organisé une rencontre avec l'ensemble des organisations non gouvernementales qui s'intéressent à ce sujet et aucune d'entre elles n'a réclamé le rétablissement de la taxe sur les opérations intraday, faute d'efficience sur le plan financier.
Même avis.
Lors de la législature précédente, j'étais, avec Joël Giraud, de ceux qui avaient contribué à faire adopter cette mesure. Les transactions intraday sont extrêmement nocives et peuvent amener à l'acmé des crises financières en déstabilisant complètement les marchés. Mais, en les taxant, nous poursuivons deux objectifs qui s'avèrent un peu contradictoires : si le vrai danger est la déstabilisation de la planète financière, le premier objectif doit être d'arrêter ces transactions, mais, dans le même temps, nous cherchons à en tirer des recettes. En d'autres termes, vouloir mettre un terme à ces transactions signifie se priver de rentrées financières.
Si une action doit être menée, elle doit viser à arrêter les transactions et non à en retirer des bénéfices financiers, d'autant que l'efficacité de la taxe semble extrêmement limitée.
Monsieur le rapporteur général, la plupart des ONG internationales, notamment les plus sérieuses et les plus expertes – Oxfam, Coalition PLUS, One – réclament cette taxe. Votre argument ne tient donc pas.
Ensuite, je m'étonne du sort réservé aux mesures héritées de la majorité précédente : vous en conservez certaines – ainsi du prélèvement à la source que vous mettez en oeuvre dès cette année alors qu'il s'agit d'une véritable usine à gaz – tandis que, lorsqu'il est question de spéculation – appelez-la comme vous voulez, mais il s'agit d'activités nocives – , vous mettez en avant un mur technique infranchissable. Je ne crois pas à l'argument de la complexité technique.
Pour répondre à M. Alauzet, il n'y a pas de contradiction : la taxation fera peut-être diminuer le volume de transactions – nous aurons ainsi atteint le premier objectif – et, si les transactions devaient continuer, elles rapporteraient de l'argent à l'État. Nous pourrions proposer ensemble un amendement pour les interdire totalement, mais nous savons qu'il ne serait pas applicable dans le cadre actuel. Donc taxons – au moins l'État y gagnera – et arrêtons de nous abriter derrière de fausses raisons.
On ne peut pas laisser croire que ces amendements ne posent pas la question de l'attractivité de la place financière de Paris.
« Ah ! » sur les bancs des groupes FI et GDR
Je sais que vous adorez cet argument.
Adoptons la taxe, faisons disparaître la place financière de Paris, perdons les emplois et nous verrons ensuite s'il est possible d'instaurer un dispositif au niveau européen ou mondial !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est exactement l'inverse de ce qu'il faut faire.
Je ne suis pas opposé à la TTF, monsieur Coquerel, mais elle n'a de sens qu'au niveau européen – c'est une évidence. À la faveur du Brexit, la place financière de Paris se renforce – l'Irlande a rejoint la place financière paneuropéenne. C'est tout sauf le moment de décourager les entreprises – les entreprises françaises qui ont besoin de grossir sur les marchés et les entreprises étrangères – de venir chez nous.
Rapidement, oui, mais nous sommes là pour débattre. Nous venons d'entendre la vraie réponse : vous ne voulez rien faire au nom de l'attractivité de la place financière de Paris. Tous les prétextes techniques s'effacent devant la clarté de cette dernière intervention.
Vous privilégiez l'attractivité, au détriment de l'égalité et de la majorité de la population, à tel point que vous supprimez les taxes et les impôts. Tel est le projet de la Macronie. L'attractivité ultime, c'est l'absence totale d'imposition.
Votre logique, monsieur Saint-Martin, consiste à pratiquer le dumping fiscal pour attirer la finance internationale.
Notre logique est tout autre : nous pensons que, pour le bien-être de l'économie et pas seulement de la finance, il faut réguler et encadrer la finance. La crise de 2008 et les scandales, dont le très récent « CumEx Files », devraient faire cesser votre aveuglement face aux bienfaits de la finance internationale et vous convaincre d'adopter une autre logique.
Nous l'avons fait. Les Français sont de plus en plus nombreux à penser que votre logique nous mène droit dans le mur.
Nous ne sommes pas ici pour tenir des débats de cette nature. Par principe, nous adorons les débats généraux mais nous avons à nous prononcer sur des amendements, sans entrer dans des considérations bien trop larges qui nous entraînent très loin.
Mmes Louwagie et de Montchalin applaudissent.
Nous devons faire un travail législatif sérieux. Je rappelle qu'il reste plus de 1 000 amendements en discussion – nous en avons examiné une vingtaine en une heure.
Si nous voulons terminer dans les délais, nous devons examiner 700 amendements aujourd'hui. Je ne doute pas que tout le monde sera présent cette nuit à trois heures du matin ainsi que lundi. À ce rythme, il est possible que nous siégions samedi et dimanche. J'appelle chaque groupe à la responsabilité, madame Obono. Il n'est pas très compliqué de s'y tenir. Vous ne pouvez pas retarder les débats de cette manière.
Rappel au règlement
Sur quel article votre rappel au règlement est-il fondé ?
J'aimerais pouvoir faire ce rappel au règlement, car il me semble particulièrement problématique que la parole politique des députés puisse être censurée au prétexte de la responsabilité.
Notre groupe a présenté soixante-huit amendements – l'inflation des amendements n'est pas de notre fait. Nous tenons à nos amendements et nous entendons les défendre et à expliquer leur sens politique, parce que nous sommes des députés, monsieur Woerth.
Nous n'acceptons pas d'être menés à la baguette sous prétexte que d'autres groupes ont déposé un nombre énorme d'amendements. Votre groupe, monsieur Woerth, n'est pas en reste dans ce domaine. Vous prenez le temps de défendre vos amendements : souffrez donc que nous fassions notre travail…
… et que nous défendions des amendements dans l'intérêt général. Vous pouvez passer à la serpe tous les acquis sociaux et toutes les règles de notre pays, mais nous refusons de vous laisser faire en silence. Nous défendrons nos amendements autant qu'il le faut et que nous le permet la loi, ne vous en déplaise.
Après l'article 10
Cet amendement vise à étendre la TTF aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 100 millions d'euros, contre 1 milliard d'euros aujourd'hui. Le seuil de 1 milliard est en effet tellement disproportionné que, même divisé par dix, il nous semble plus que suffisant pour éviter d'imposer la taxe aux entreprises les plus fragiles – preuve que nous nous préoccupons de ces dernières.
Quel argument pourrait justifier le fait qu'une entreprise dont la capitalisation boursière serait par exemple de 600 millions d'euros échappe à cette taxe ?
La taxation accrue des transactions financières présente le double avantage d'apporter des recettes supplémentaires à l'aide publique au développement et de limiter la spéculation financière qui est nocive pour notre économie.
Je ne doute pas que le rapporteur général et le secrétaire d'État prendront le temps de nous expliquer leur avis.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 1329 .
Monsieur le président de la commission, pas à nous, s'il vous plaît ! Ce n'est pas nous qui méritons d'être rappelés à l'ordre parce que nous monopolisons la parole et retardons les débats.
Le groupe Les Républicains a déposé 1 260 amendements ; une journée entière de débat a été consacrée au prélèvement à la source… Alors, ça va ! Laissez-nous ouvrir le débat sur des sujets dont nous pensons qu'ils préoccupent nos concitoyens et qu'ils concernent l'avenir du pays.
S'agissant de l'argument de l'attractivité de notre pays avancé par M. Saint-Martin, il avait déjà été utilisé l'année dernière pour refuser de taxer la spéculation boursière et le capital. C'est vraiment la doxa de votre majorité. En choisissant cette voie-là, notre pays s'abaisse à jouer dans la même cour que M. Trump ; nous participons à la guerre fiscale ; nous jouons à celui qui sera le plus attractif, qui baissera le plus ses impôts, qui taxera le moins le capital. En compromettant les budgets des États, nous mettons en péril les États et la démocratie.
Il ne faut pas entrer dans ce jeu-là et chercher à s'aligner par le bas sur tous ceux qui diminuent les taxes sur le capital et sur la finance. Sinon, les budgets des États seront asséchés.
Quant au second argument, comme sur les paradis fiscaux, toute initiative en France est renvoyée à l'échelon européen au motif qu'elle n'est pas viable dans le cadre national. On n'avance jamais. À force de ne jamais avancer, de nouveaux scandales éclatent comme celui des « CumEx files » pour lequel la fraude s'élève à 55 milliards d'euros. Le sujet est différent de la TTF, mais c'est toujours le même laisser-aller pour tout ce qui concerne la finance.
Puisque vous considérez que l'élargissement de l'assiette de la taxe aux opérations intraday est compliqué, monsieur le rapporteur général, nous vous proposons d'abaisser à 500 millions d'euros de capitalisation boursière le seuil au-delà duquel les entreprises sont assujetties à la TTF.
Sur les amendements identiques nos 1331 et 1710 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous examinons maintenant ces deux amendements.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 1331 .
La taxe sur les transactions financières s'applique, et elle est efficace. On sait faire, et une quarantaine de pays dans le monde l'ont adoptée. Mais son rendement est insuffisant à nos yeux. Vous nous dites qu'il n'est pas possible de l'élargir aux opérations intraday.
Nous faisons donc une proposition concrète et toute simple : puisque cette taxe fonctionne, élevons son taux de 0,3 % à 0,5 %.
Ces recettes supplémentaires permettraient de financer l'aide publique au développement, sujet que nous aborderons plus tard.
Et si vous nous ressortez l'argument de l'attractivité de la place financière de Paris pour 0,2 point, chapeau ! Si cela tient à ça, c'est qu'en face, ils sont vraiment goulus !
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 1710 .
Cet amendement, identique au précédent, s'inspire des travaux de nombreuses associations – Oxfam, Coalition PLUS… Il propose d'augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 %. Selon ces ONG, cela permettrait de dégager 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires, qui pourraient être affectées directement à l'aide publique au développement. Celle-ci serait renforcée ; on parle ici de solidarité internationale, de santé mondiale et de lutte contre le changement climatique. La proposition que nous vous faisons permettrait d'aller plus loin, et de soutenir, autrement que par de belles paroles, le développement international.
Nous avions déjà déposé cet amendement lors des discussions de la loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises. Vous avez eu, depuis, le temps de réfléchir, et nous espérons que ce temps aura été fructueux. Je pense que cet amendement en faveur de la solidarité internationale peut donc, ce matin, recueillir un large assentiment.
Une simple remarque : d'après les informations d'Euronext, l'augmentation du taux de la taxe de 0,2 % à 0,3 %, que j'ai votée, a provoqué un transfert à l'étranger de 24 % des volumes échangés à Paris. Telle est la réalité. Si nous continuons à ce rythme, la moitié de l'assiette va disparaître !
Avis défavorable.
J'ai voté comme le rapporteur général, et je fais le même constat. Avis défavorable.
Je ne partage pas du tout cet avis. Je veux bien qu'il y ait un risque d'affaissement de l'assiette ; mais cet impôt s'applique à des transactions financières, donc à la spéculation. Il ne s'agit même pas de fiscalité sur les revenus du capital – celle que vous avez largement abaissée et qui, grâce à la flat tax, est même maintenant inférieure à la première tranche de l'impôt sur le revenu, alors que vous nous dites qu'il faut favoriser le travail ! Or on parle ici de gens qui, d'un simple clic, gagnent des millions par de simples transactions.
Nous soutiendrons cet amendement qui nous paraît juste.
Cet amendement n'aurait pas dû être reçu ! Il n'est pas gagé. Or, en augmentant le taux, vous réduirez le produit, contrairement à ce que vous pouvez croire.
Mes chers collègues, nous sommes dans un monde ouvert ; nous appartenons à un espace européen où les capitaux circulent librement.
Augmentez la taxe, et vous verrez ce qui se passera : les transactions n'auront plus lieu à Paris.
Il n'y aura plus de recettes du tout, et vous serez contents ! Ce serait formidable.
Quelle que soit notre position sur le fond, ne pourrions-nous, de temps en temps, essayer de fonder économiquement nos réflexions ? Avis défavorable, mes chers collègues ! Arrêtons la démagogie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 6
Contre 41
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 2463 .
Cet amendement propose une nouvelle source de recettes pour le sport, la vie associative et la jeunesse en prévoyant une contribution de l'ensemble de ceux qui pratiquent le sport, grâce à une petite taxe qui s'appliquerait au matériel sportif.
Les recettes financeraient la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Cet amendement est donc suivi d'un amendement de crédit.
Quel que soit l'intérêt de cette proposition de contribution, je souligne que les recettes seraient reversées au budget général, et non affectées à la mission, dans la mesure où il n'existe pas de compte d'affectation spécial. Je suggère donc le retrait de l'amendement.
Même avis.
L'amendement no 2463 est retiré.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1789 .
Sourires.
Cet amendement vise à relever de 7,32 à 9,32 euros la taxe due par les sociétés auxquelles sont confiés des ponts et des autoroutes.
Après l'effondrement du viaduc autoroutier de Gênes, le Gouvernement a lancé une étude de l'état des ponts en France. Il a eu raison : notre réseau compte 12 000 ponts, et un tiers ont besoin de réparations. Une première liste en a été rendue publique le 26 septembre 2018.
Si nous augmentions cette redevance, nous pourrions mener au plus vite les travaux nécessaires sur les vingt et un ponts classés en catégorie 3, dont sept appartiennent au réseau non concédé.
Il est indispensable d'agir pour que la catastrophe qu'ont connue nos amis italiens ne se renouvelle pas.
L'amendement no 1789 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Toute occupation ou utilisation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance. Le présent amendement, reprenant une disposition en vigueur pour le domaine public fluvial, permet aux gestionnaires du domaine public portuaire d'instaurer une majoration de redevance en cas d'occupation irrégulière. Le domaine public portuaire est, au même titre que le domaine public fluvial, rare et convoité. Il convient donc d'assurer aux gestionnaires les moyens de sa protection.
Il s'agit donc de dissuader et de sanctionner plus efficacement les occupants sans titre et de compenser les avantages que ceux-ci tirent de l'occupation irrégulière du domaine public maritime portuaire.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'une telle majoration de la redevance était conforme au principe de proportionnalité et aux droits de la défense.
Cet amendement est né d'un retour d'expérience ; il apporte une solution concertée à des problèmes environnementaux concrets, notamment la déconstruction des navires.
Mme Sarah El Haïry applaudit.
Cet amendement permet de sanctionner plus durement et plus facilement l'occupation illicite du domaine public portuaire. Avis favorable.
L'amendement no 2454 est adopté.
La parole est à Mme Liliana Tanguy, pour soutenir l'amendement no 1798 .
Cet amendement concerne également l'économie portuaire. Il vise à clarifier le champ d'application de l'exonération de la redevance d'archéologie préventive concernant les travaux de dragage d'entretien. Cette activité est une prérogative régalienne, qui a été transférée aux ports ; ceux-ci sont donc responsables de ces travaux de maintenance, dont je précise qu'ils n'affectent pas les sous-sols.
Cette taxe fait peser sur les grands ports maritimes une charge financière très importante. S'élevant à 50 centimes par mètre carré, elle représente par exemple pour le port de Bordeaux 15 millions d'euros pour la convention qui court de 2019 à 2029.
Pour des raisons de sécurité, puisque ces dragages ont pour objet de garantir la sécurité des navires, je demande que ces travaux de maintenance soient exonérés de cette taxe.
Mme Hélène Zannier applaudit.
Même avis.
L'amendement no 1798 est retiré.
Cet amendement porte encore sur la redevance d'archéologie préventive. Il modifie le champ d'application territorial de la redevance d'archéologie préventive pour les aménagements et travaux projetés dans le domaine public maritime et la zone contiguë, dite « RAP maritime ».
L'actuel mode de calcul pénalise tous les aménagements projetés dans le domaine public maritime.
Cette mesure atténuerait la charge qui pèse sur les acteurs de l'économie maritime et les zones portuaires. Cette taxe touche notamment les projets d'énergie marine renouvelable, en particulier d'éolien offshore, ainsi que les opérateurs qui posent des câbles d'énergie et de télécommunication. Si nous voulons soutenir la transition énergétique et favoriser les secteurs d'avenir, il faut la réaménager.
Nous avons eu ce débat en commission, et j'avais déjà émis un avis défavorable. J'appelle votre attention sur le fait que cet amendement risquerait d'engendrer des dégâts en zone côtière ; or c'est là que l'archéologie est, par définition, le plus développée. On parle d'anciens ports, notamment de ports gréco-romains en Méditerranée.
Un équilibre entre, d'une part, la préservation et la sauvegarde des vestiges du patrimoine, et, d'autre part, le développement des activités économiques a été trouvé dans la loi de finances pour 2017. Outre qu'elle entraînerait une perte de recettes pour l'État, votre proposition le remet en cause, au profit d'opérateurs dont j'estime qu'ils ont les moyens d'acquitter ce genre de montants.
Nous possédons, sur le bord de nos côtes, une incontestable richesse archéologique. Il faut la connaître, la préserver si possible. Quand il y a de grands travaux routiers, on mène les opérations nécessaires ; il doit en aller de même à l'occasion de grands travaux dans les ports ou en mer.
Il me semble légitime que tous les opérateurs, qu'ils interviennent en mer ou à terre, concourent à cette préservation. Les deux sujets sont liés : ces travaux ne seront pas financés si la taxe est réduite.
De plus, comme l'a très justement dit le rapporteur général, les grands opérateurs dans le domaine de l'énergie en mer sont de très grands groupes. Il y a des PME qui devraient retenir notre attention plus longtemps que ceux-là, qui font partie du CAC 40 !
Il ne s'agit pas uniquement de gros opérateurs ! Il faut tout de même comprendre que nous parlons là de secteurs d'avenir, fortement concurrentiels. Les opérateurs français seront largement défavorisés par une taxe qui a été rehaussée l'an dernier, et qui fait peser sur eux une charge financière dommageable à l'essor de ces secteurs. Le ticket d'entrée est beaucoup plus important pour nos opérateurs français qu'il ne l'est pour d'autres.
La redevance est due par tout opérateur, français ou étranger. Ce n'est donc nullement un problème de concurrence entre les uns et les autres.
Il ne s'agit pas du tout ici de simplification, contrairement à ce que dit M. le secrétaire d'État ! Quelle différence y a-t-il entre la terre et la mer ? S'il faut prévenir les dommages sur l'une, il faut aussi le faire pour l'autre. Je vous renvoie à nos débats d'hier.
Si vous voulez simplifier, simplifiez les règles au respect desquelles veillent les architectes des bâtiments de France ou de nombreuses autres choses. En l'occurrence, ce n'est pas une bonne idée, ou à tout le moins la simplification ne fonctionne pas.
Les opérateurs étrangers sont en effet soumis à la même taxe, mais leurs coûts de production sont inférieurs. Avec cette taxe, nous entravons davantage encore la compétitivité de nos entreprises.
Quoi qu'il en soit, les opérateurs de l'éolien en mer sont tous étrangers !
L'amendement no 2422 n'est pas adopté.
L'amendement no 1804 est retiré.
L'amendement no 1800 est retiré.
L'amendement no 1801 est retiré.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 1728 .
Il s'agit de faire de la résorption de l'habitat indigne une grande cause nationale. L'amendement vise à augmenter les ressources affectées à la rénovation de l'habitat insalubre en créant une ressource nouvelle sous la forme d'une taxe sur les ventes immobilières de luxe.
À quelques kilomètres de distance cohabitent des hôtels particuliers ou des appartements de grand luxe et des immeubles dans un tel état d'insalubrité que la santé et la sécurité de leurs occupants et occupantes sont en danger.
Le secteur de l'immobilier de luxe est en bonne santé. En 2015, l'activité des agences spécialisées dans ce domaine a augmenté de 17 % en Île-de-France et de 10 % sur le reste du territoire. À Paris, en particulier, le nombre de transactions d'un montant supérieur à 1 million d'euros a crû de 33 %. Selon les prévisions des professionnels du secteur, le marché des transactions immobilières de luxe restera très dynamique.
Dans le même temps, en France, 2,09 millions de personnes sont privées d'au moins un élément de base – eau courante, douche, toilettes à l'intérieur, chauffage… – et sont exposées à un danger ou à l'insalubrité. Les logements insalubres, au nombre de 600 000, sont affectés par les problèmes suivants : une électricité défectueuse, une infiltration d'eau, un manque d'isolation, etc. Une partie d'entre eux font l'objet de programmes de requalification de l'habitat indigne. Le rythme de ces programmes de rénovation urbaine pourrait être plus rapide au regard de l'urgence de la situation dans certains quartiers dégradés, voire délabrés.
La lutte contre l'habitat insalubre représente un coût très lourd pour la collectivité. Il faut être capable d'organiser la réhabilitation, voire la démolition et la reconstruction de ces immeubles, tout en assurant le relogement de leurs occupants. Il est donc nécessaire d'augmenter les investissements qui y sont consacrés, notamment à travers l'Agence nationale de l'habitat et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, en trouvant des ressources nouvelles qui n'alourdiront pas les charges pesant sur le budget de l'État. Aussi, nous souhaiterions que le produit de cette taxe sur les ventes immobilières de luxe soit affecté pour moitié à chacune des deux agences que je viens de mentionner.
Je fais observer qu'il existe déjà, en France, un arsenal fiscal dans le domaine de l'immobilier : l'acquisition d'un bien immobilier fait l'objet d'une taxation sous la forme de droits d'enregistrement supérieurs à 5 % ; l'impôt sur la fortune immobilière permet de taxer la détention d'un bien immobilier selon un barème progressif, non pas à l'occasion d'une cession, mais de manière annuelle ; les plus-values immobilières sont soumises à une taxation, celles qui dépassent 50 millions d'euros étant soumises à une taxation spécifique. Si nous allions au-delà, le système pourrait être considéré comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel. J'émets donc un avis défavorable.
Même avis.
Je partage la préoccupation de lutter contre l'habitat insalubre, problème qui affecte non seulement les grandes villes, mais aussi les petites villes et les territoires ruraux. Nous savons comment les choses se passent : certains bailleurs indélicats mettent sur le marché des logements dans un état absolument indigne. Ils n'ont qu'une envie : récupérer les aides au logement versées par la caisse d'allocations familiales.
Néanmoins, il faut lutter contre l'habitat insalubre d'une autre manière. Dans notre budget alternatif, nous proposons un important plan de réhabilitation des logements concernés. Il existe aussi, selon moi, des pistes législatives, notamment l'extension des pouvoirs de police du maire – on évoque parfois un « permis de louer ». Il s'agirait de contraindre les propriétaires à engager des travaux, le cas échéant en les accompagnant.
Je réagis à l'objection formulée par le rapporteur général pour justifier son avis défavorable. Certes, il existe déjà des taxes sur l'immobilier. Toutefois, le nombre de logements insalubres augmente. Nous proposons de taxer non pas un secteur quelconque, mais un secteur qui, je l'ai expliqué, connaît un boom et n'est pas des plus dépourvus de ressources. L'immobilier de luxe bénéficie considérablement de la conjoncture actuelle et exerce une pression à la hausse sur les loyers, dans les grandes villes et ailleurs, ce qui réduit la capacité des citoyens et citoyennes aux revenus modestes à se loger. Selon nous, ce secteur pourrait contribuer davantage à la rénovation de l'habitat insalubre. Cela s'inscrirait dans une logique vertueuse consistant à mieux répartir la rente prélevée sur les richesses produites.
À mon sens, les taux inscrits dans l'amendement n'ont rien de confiscatoire. Dans le cadre des mesures que nous proposons pour une fiscalité plus juste, nous prévoyons parfois des taux élevés. Tel n'est pas le cas en l'espèce. C'est une disposition mesurée qui va dans le sens de l'égalité et de la justice sociale et fiscale.
L'amendement no 1728 n'est pas adopté.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 11.
La parole est d'abord à M. Gilles Carrez.
L'article 11 vise à supprimer quelques dépenses fiscales réduites ou inefficientes. Je n'ai d'observations à formuler que sur l'une d'entre elles, qui est tout sauf réduite ou insignifiante : la réduction d'impôt appliquée à l'impôt sur le revenu pour financer le logement locatif social outre-mer, prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts. Cette dépense fiscale représente aujourd'hui la bagatelle de 200 millions d'euros. Or l'évaluation préalable de l'article 11 est muette à ce sujet, alors qu'elle comprend des paragraphes entiers sur la suppression du dispositif corollaire pour les entreprises, prévu à l'article 217 undecies du même code, qui ne coûte que 3 millions d'euros.
Il faut que vous sachiez, mes chers collègues, que cette réduction d'impôt en faveur du logement social a été créée il y a moins de dix ans. À l'époque, on avait expliqué à nos amis d'outre-mer qu'il fallait mettre fin à la défiscalisation en faveur du logement intermédiaire, car on avait besoin avant tout de logements sociaux. Comme la ligne budgétaire unique ne suffisait pas, on avait mis en place ce dispositif. Et voilà que, moins de dix ans après, on le supprime, d'un trait de plume ! On nous explique que le crédit d'impôt institué en 2014, qui aide directement les bailleurs sociaux et permet d'éviter les frais d'intermédiation – ceux-ci existent en effet – , a atteint son régime de croisière et suffit désormais. Pour ma part, je n'en suis pas du tout persuadé. L'évaluation préalable ne contient rien à ce sujet.
Hier, vous avez déjà abrogé des dispositifs relatifs à l'outre-mer avec les articles 4 et 5. Vous avez retiré l'échelle avec une grande brutalité, mais j'ai reconnu que cette suppression allait dans le bon sens, et il s'agissait de dispositifs très anciens. En l'espèce, il s'agit d'un dispositif beaucoup plus récent, qui représente 200 millions d'euros, et l'on retire de nouveau l'échelle. Cela fait beaucoup, monsieur le secrétaire d'État ; il faut être prudent.
Nos amis d'outre-mer demandent de la stabilité fiscale. On ne peut pas remettre en cause les dispositifs fiscaux chaque année au gré des majorités ou des ministres.
M. Jean-Louis Bricout applaudit.
Je remercie M. Carrez de son intervention et souhaite appeler l'attention du secrétaire d'État et du rapporteur général. Nous aurions pu nous énerver une fois de plus, mais nous aurions donné l'impression de vous supplier. Telle n'est pas notre stratégie.
Ces 200 millions d'euros s'ajoutent aux 170 millions supprimés hier. Vous amputez donc les financements en faveur de l'outre-mer d'environ 400 millions, monsieur le Secrétaire d'État. Vous avancez l'argument, abusif d'après moi, selon lequel un crédit d'impôt a été instauré. Or vous ne tenez aucun compte d'un amendement que j'avais présenté et que nous avions adopté alors. Celui-ci prévoyait très clairement que le passage au crédit d'impôt ne se ferait qu'à partir du moment où l'on aurait mis en place des dispositifs d'accompagnement en matière de trésorerie. Le ministre qui était assis à votre place avait accepté l'amendement en indiquant qu'il fallait absolument accompagner le processus de préfinancement. Or ce processus n'existe pas.
Le passage de la réduction d'impôt au crédit d'impôt amputera la trésorerie nécessaire à la réalisation des opérations. La remise en cause de ce financement, au nom du dogme contre les réductions d'impôt, procède d'un manque de respect de la part de l'État. Nous défendrons un amendement visant à le maintenir. Vous voulez consacrer ces fonds uniquement à la réhabilitation, mais il faut alors ménager une période de transition, de telle sorte que la République respecte son engagement en matière de préfinancement. Lorsque vous aurez mis sur pied ce préfinancement, nous pourrons supprimer la réduction d'impôt.
Nous en venons aux amendements à l'article 11.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 750 .
L'article 11 tend à supprimer un avantage fiscal ciblé sur les entreprises qui investissent dans des immeubles en vue de mener des opérations de recherche scientifique ou technique. Les entreprises de recherche peuvent en effet pratiquer un amortissement exceptionnel égal à 50 % du prix de revient de ces investissements dès la première année de leur réalisation. Eu égard aux fins poursuivies par ces entreprises et compte tenu de la volonté affirmée du Gouvernement et d'une majorité des représentants de la Nation de soutenir la recherche et l'innovation, il semble peu opportun de supprimer cet avantage.
Je souhaite lever toute ambiguïté : nous proposons de supprimer du code général des impôts un dispositif qui n'est plus applicable ni appliqué depuis le début des années 1990, c'est-à-dire depuis plus de vingt ans. Je demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 750 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 366 .
L'amendement no 366 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 752 .
L'article 11 tend à abroger le 31o bis de l'article 81 du code général des impôts, lequel dispose que les avantages résultant pour le salarié de la remise gratuite, par son employeur, de matériels informatiques et de logiciels nécessaires à leur utilisation entièrement amortis et pouvant permettre l'accès à des services de communication électroniques sont affranchis de l'impôt sur le revenu, dans la limite de 2 000 euros.
Nous souscrivons à la volonté affichée par le Gouvernement de simplifier le code général des impôts et de le rendre plus lisible, mais cela ne doit pas avoir pour conséquence de supprimer l'avantage fiscal accordé à certains salariés bénéficiant d'un cadeau de cette nature de la part de leur employeur. L'abrogation des dispositions correspondantes ne semble pas opportune : l'avantage consenti par un employeur à son salarié doit demeurer hors du champ de l'impôt sur le revenu, qui plus est lorsqu'il s'agit de matériels informatiques et de logiciels déjà entièrement amortis. Nous préconisons d'ailleurs de relever, si possible, le seuil que j'ai mentionné.
L'amendement no 752 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2623 .
Il vise à supprimer une petite niche fiscale très coûteuse. Les personnes en recherche d'emploi depuis plus d'un an peuvent pratiquer une déduction pour frais professionnels. Ce dispositif peut sembler très généreux, mais, en réalité, 600 000 à 700 000 personnes perçoivent à ce titre 2,52 euros par an en moyenne, l'écart-type étant de 1 euro. Cela n'a donc, vous le comprenez bien, aucune incidence sur la situation des chômeurs concernés. En revanche, cela coûte 1 à 2 millions d'euros chaque année, et le système de recouvrement est extrêmement complexe.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1561 .
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, j'ai expliqué la philosophie de vos orientations lors de la discussion sur l'article, mais je souhaite apporter une précision supplémentaire.
L'article 199 undecies C du code général des impôts permet non seulement aux opérateurs HLM, mais aussi aux opérateurs qui ne sont pas des opérateurs de logement social – OLS – d'obtenir un avantage fiscal. Il bénéficie notamment aux opérateurs compétents en matière de construction de centres d'hébergement et de réinsertion sociale, en faveur des plus démunis, ou de réhabilitation du patrimoine existant, notamment dans les coeurs de ville. En le supprimant, vous amputez non seulement les sociétés HLM d'une base de trésorerie leur permettant de combiner le crédit d'impôt et la réduction d'impôt, mais aussi les sociétés non-OLS. J'insiste beaucoup sur ce point ; il est très important de le comprendre. Vous supprimez donc une aide aux opérateurs qui pourraient réhabiliter le patrimoine ancien, sachant que le taux de maisons en indivision est de 50 % en moyenne outre-mer et atteint 83 % dans certaines communes.
Je vous propose deux amendements. Le premier vise à maintenir le dispositif en l'état. Le second vise à le maintenir pendant un certain temps, en le recentrant non seulement sur la réhabilitation du patrimoine HLM, comme vous le souhaitez, mais aussi sur la réhabilitation du patrimoine privé par les sociétés non-OLS, afin d'accélérer les restaurations. Il vous suffirait de venir tous en Martinique, en Guadeloupe ou en Guyane pour vous rendre compte de l'état du bâti. On ne peut pas se permettre de balayer d'un revers de main un financement de 200 millions d'euros en faveur de la restauration et de la réhabilitation, alors que des personnes en ont besoin.
Comme vous l'indiquez dans l'exposé sommaire de l'amendement, les difficultés des acteurs à rassembler les fonds nécessaires aux investissements ont davantage trait au dispositif de défiscalisation des investissements productifs. Nous aurons l'occasion de l'évoquer lors de l'examen de la seconde partie de ce projet de loi de finances, puisque nous proposons certains aménagements à ce dispositif. J'émets un avis défavorable.
Les éléments de réponse que je vais vous apporter, monsieur Letchimy, seront peut-être de nature à vous rassurer. Vous le savez, il existe à la fois une réduction d'impôt et un crédit d'impôt, et la logique consiste à remplacer la première par le second. Nous le faisons en l'espèce sur la question du logement, comme cela a été fait il y a quelques années sur la question de l'investissement productif. En la matière, nous nous inscrivons exactement dans la même logique qu'au cours de la législature précédente.
Je souhaite préciser deux points pour répondre à vos interrogations. S'agissant du préfinancement, d'après les indications dont nous disposons, le préfinancement du crédit d'impôt par la Caisse des dépôts et consignations est efficace. Il s'agit de prêts à taux bonifiés s'étalant parfois sur trente ou quarante ans.
Mais surtout, je le souligne, le recours au système de réduction d'impôt ou de déduction fiscale diminue constamment depuis la mise en place du crédit d'impôt en 2014. Je vous renvoie aux chiffres qui figurent dans l'étude d'impact : entre 2015 et 2017, le montant total concerné par les dispositifs de réduction d'impôt et de déduction fiscale est passé de 56 à 14 millions d'euros ; sur la même période, le nombre de demandes d'agrément pour bénéficier de la réduction d'impôt est passé de 66 à 14, et le nombre de demandes d'agrément pour bénéficier de la déduction fiscale est passé de 17 à une seule. En réalité, le recours au système de réduction d'impôt ou de déduction fiscale devient très minoritaire à mesure que le crédit d'impôt monte en puissance.
Au-delà de vos interrogations sur le préfinancement – nous n'avons visiblement pas la même appréciation à cet égard – , la bascule d'un système à l'autre est vraiment en train de s'opérer, ce qui me paraît très rassurant.
Vous ne pouvez pas dire ça, monsieur le secrétaire d'État ! Vous entretenez volontairement la confusion entre les crédits d'impôts dont bénéficient les entreprises, au titre de l'impôt sur les sociétés, et celles qui s'appliquent à l'impôt sur le revenu. Ce sont ces dernières que j'ai évoquées.
Je ne conteste pas les chiffres que vous avez cités, concernant l'effondrement du dispositif prévu à l'article 217 undecies du code général des impôts, qui concerne les entreprises, mais pourquoi ne pas rappeler que celui prévu à l'article 199 undecies C porte sur 200 millions ? Le chiffre figure dans le rapport du rapporteur général.
C'est pourquoi je rejoins la position de M. Letchimy dont je voterai l'amendement. Je rappelle d'abord que 200 millions, ce n'est pas rien, alors que nous venons de parler de dépenses fiscales qui ne portent que sur quelques millions, voire quelques centaines de milliers d'euros.
Deuxièmement, le Gouvernement nous explique qu'on remplace ces 200 millions par un crédit d'impôt pour les entreprises, en opérant une bascule de l'impôt sur les revenu vers l'impôt sur les sociétés. Mais, comme l'a observé M. Letchimy, le crédit d'impôt pour les entreprises, créé il y a trois ans, est en train de monter en régime et l'on rencontre d'importantes difficultés pour le pré-financer.
Comment ce système fonctionne-t-il ? Un bailleur social qui crée des logements sociaux se voit octroyer un crédit d'impôt de 40 % ou 50 %, dont il ne bénéficiera que l'année suivante. Reste qu'aujourd'hui, il ne trouve pas le préfinancement de ce crédit d'impôt. Voilà pourquoi le système ne marche pas bien et pourquoi il faut que les deux dispositifs coexistent.
D'autre part, M. Letchimy a dit une chose très juste. Le logement social n'est pas uniquement le fait des bailleurs sociaux. Il existe aussi un logement social privé et celui-ci va complètement sortir du champ. Je ne comprends pas l'instabilité fiscale dont l'outre-mer est victime, ni la brutalité avec laquelle vous accumulez des mesures – sur les réductions d'impôt sur le revenu, à l'article 4, sur la TVA non perçue et récupérable, à l'article 5, auxquelles s'ajoutent celles dont nous venons de parler, à l'article 11 – dont le total atteint plusieurs centaines de millions d'euros.
Je ne dirai que deux mots. Tout d'abord, les 200 millions que concerne la déduction fiscale aux particuliers sont réintégrés dans le crédit d'impôt pour les entreprises. Il n'y a donc pas de diminution du niveau d'intervention de l'État.
Il ne marche pas, votre crédit d'impôt pour les entreprises et vous reconnaissez vous-même qu'il manquera 200 millions !
Ensuite, M. Letchimy et M. Carrez nous interrogent sur le dispositif de l'article 199 undecies C mais, pour l'année 2018, nous avons reçu qu'une seule demande d'agrément à ce titre et je viens d'apprendre que le demandeur a retiré sa demande hier. Autant dire que nous vous proposons de supprimer un dispositif auquel plus personne n'a recours !
Monsieur le secrétaire d'État, quand on vous annonce qu'il n'y a plus d'eau, vous ne vous donnez pas la peine de tourner le robinet !
Voilà cinquante ans que les gouvernements successifs matraquent tout le monde en affirmant que l'article 199 undecies C ne va plus s'appliquer. Une marche a même été organisée à Fort-de-France derrière un cercueil portant l'inscription « Article 199 undecies C ». Depuis des années, on nous a annoncé politiquement la fin de ce dispositif en Martinique, en Guadeloupe ou ailleurs. Je ne vois pas qui pourrait encore venir à ses obsèques. Il est normal qu'aucun dossier ne soit plus déposé !
Vous ne voulez pas l'entendre, mais le Parlement a considéré que, faute d'une solution de substitution, la suppression du dispositif ne mènera à rien.
J'insiste encore sur un point. Je ne nie pas que les sociétés de HLM qui bénéficient d'une trésorerie pourront la mobiliser au départ pour réaliser une opération en attendant de profiter du crédit d'impôt. Mais, comme l'a remarqué M. Carrez, certaines ne disposent d'aucune trésorerie en amont.
À Fort-de-France, le quartier des terres Sainville a besoin de centres d'hébergement et de réinsertion sociale – CHRS – ou de logements qui seront extrêmement coûteux à réaliser ou à réhabiliter, pour accueillir des personnes totalement défavorisées, des errants des rues. Il y en a aussi en outre-mer. Comment pourrait-on réunir ces sommes ?
Si vous ne voulez pas aider la politique du logement social, dites-nous clairement que vous voulez l'amputer de 200 millions d'euros. Nous en prendrons acte. Le peuple jugera.
Concernant la réhabilitation du patrimoine HLM, j'ai déposé un autre amendement, no 1562 , qui sera appelé dans un instant. Il importe de ne pas oublier le secteur privé, qui a besoin de montages spécifiques pour accompagner la restauration du patrimoine ancien.
La ministre des outre-mer a annoncé que vous alliez confier à l'agence nationale de l'habitat – ANAH – , qui s'occupe de la réhabilitation pour les propriétaires bailleurs, la responsabilité de la réhabilitation pour les propriétaires occupants. Je crois qu'il existe un dispositif hors ANAH et hors aide à l'amélioration de l'habitat – AAH – pour permettre la rénovation de l'habitat ancien. Nous ne pouvons pas laisser les quartiers ou les coeurs de ville des départements d'outre-mer dans le délabrement au seul nom d'une logique budgétaire de restriction.
L'avantage de nos discussions dans l'hémicycle est qu'elles nous permettent de prendre conscience de l'importance de certains sujets. Je soutiens l'amendement, parce que je pense qu'il faut du temps, …
… et de la visibilité pour ce type d'investissement et qu'on ne peut pas confondre le crédit d'impôt pour les particuliers et pour les entreprises. De grâce, laissons aux régimes la possibilité de trouver leur stabilité !
On sait très bien qu'il faut beaucoup de temps pour réaliser une opération immobilière. Des délais sont nécessaires pour obtenir un permis. Il y a des recours. On doit avoir de la visibilité. Une dépense de 200 millions n'est pas neutre. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de cette discussion qui enrichit notre réflexion.
L'amendement no 1561 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, UDI-Agir et LR.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 492 .
95 % des infrastructures de la collectivité de Saint-Martin ont été touchées par le passage du cyclone Irma. Le logement social et les bâtiments affectés aux besoins de services publics ne font malheureusement pas exception à la règle. L'amendement vise à rendre les travaux de réhabilitation, de démolition et de reconstruction concernant ces bâtiments éligibles à la déduction d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 217 duodecies du code général des impôts.
L'amendement no 492 , rejeté par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Rappel au règlement
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour un rappel au règlement.
Sans esprit de polémique, madame la présidente, je rappelle que l'article 11 ne contient pas uniquement les dispositions liées au DOM-TOM, mais aussi celles qui concernent les sociétés coopératives d'intérêt collectif – SCIC. En quoi l'adoption de l'amendement no 1561 supprime-t-elle la discussion sur les SCIC ?
Sans entrer dans le détail, l'adoption de l'amendement no 1561 fait mécaniquement tomber tous les amendements suivants.
L'amendement no 1561 tendait à supprimer les alinéas 8 et 17 de l'article.
De ce fait, tous les amendements déposés sur ces alinéas deviennent sans objet.
Article 11
L'amendement no 2050 , repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2609 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 11, amendé, est adopté.
Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.
Je suis saisie d'une série d'amendements portant article additionnel après l'article 11.
L'amendement no 2424 de M. David Lorion est défendu.
L'amendement no 2424 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l'amendement no 2533 .
Il vise à stimuler et à favoriser les investissements dans la construction d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou équivalent, afin de permettre à nos territoires ultramarins, où le besoin est prégnant, de se doter de structures nouvelles et dignes.
J'invite M. Claireaux à préciser son dispositif et, pour éviter un effet d'aubaine, à le placer en seconde partie du PLF. Cela nous permettra, avant d'aboutir, d'avoir un débat éclairé sur cette question.
Je vous invite donc, monsieur Claireaux, à retirer votre amendement.
Même avis.
L'amendement no 2533 est retiré.
Mme Sage étant à l'initiative de cet amendement en commission, je lui laisse la parole pour le présenter.
Cet amendement vise à élargir le champ de la défiscalisation de l'aide à l'investissement aux navires de croisière de moins de 300 cabines.
Cibler des navires de petite taille permettra de soutenir une activité économique essentielle. La Polynésie, à la surface maritime grande comme l'Europe, compte 118 îles dont 76 habitées. Bien que nous ayons 47 aéroports et aérodromes, toutes les îles ne sont pas desservies.
L'activité de croisière de petite taille permet de désenclaver ces îles et d'apporter un développement économique spécifique, qui met en valeur ces territoires. Le gouvernement de Polynésie, et d'autres acteurs, ont exprimé une volonté forte en ce sens.
Pour les territoires d'outre-mer, ce dispositif de défiscalisation, qui concerne aussi les hôtels, constitue un atout, un potentiel de développement endogène. Nous souhaiterions donc qu'il soit élargi à ce type de bâtiments.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 578 .
Je ne peux qu'abonder dans le sens de ma collègue, Maina Sage. Comme la Polynésie, d'autres territoires, telle la Nouvelle-Calédonie, sont composés de petites îles, qui bénéficient des retombées économiques inhérentes au développement de la navigation de croisière, circonscrite à des navires de moins de 300 cabines. Aujourd'hui, je le rappelle, la législation autorise ces investissements pour des navires proposant jusqu'à 50 cabines.
Sur notre territoire, nous avons mesuré jusqu'à 40 % de retombées directes, induites par la navigation de croisière. Je pense qu'il en va de même pour d'autres territoires.
Je confirme, même si cela peut être difficile à percevoir, que dans nos territoires, composés de plusieurs îles et archipels, sur lesquels vivent des communautés souvent réduites en nombre et qui ne connaissent pas de développement inhérent, le développement économique se réduit bien souvent à cet important apport extérieur, au travers des navigations de croisière.
Je demande donc le soutien et l'écoute du Gouvernement, afin de valider ce passage de 50 à 300 cabines.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2351 .
Il est défendu, madame la présidente. Je m'exprimerai plus longuement sur les articles suivants.
Sur le fond, le Gouvernement est totalement en phase avec l'orientation de ces amendements. Cependant, la rédaction proposée, qui comprend un seuil en nombre de cabines, est un peu brutale. Nous savons en effet que les dispositifs fiscaux en la matière sont extrêmement fragiles.
Si vous en êtes d'accord, madame et messieurs les députés, je souhaiterais que vous retiriez ces trois amendements. Le Gouvernement s'engage à reprendre à son compte la proposition. Il déposera un amendement dans la seconde partie du texte, une fois que nous aurons travaillé à élaborer ensemble une rédaction plus précise, plus efficace et plus protectrice des équilibres fiscaux et financiers de ce type de mesures.
Je comprends que le Gouvernement formule une demande de retrait. La loi ne précise cependant pas l'intégralité des dispositifs : les décrets d'application permettent d'apporter des précisions.
Si M. le secrétaire d'État souhaite intégrer la mesure dans la loi, nous sommes prêts à retravailler avec ses services, afin de l'ajouter à la seconde partie du PLF.
Nous sommes d'ailleurs déjà en train d'échanger avec ceux-ci, pour mieux définir les moyens d'atteindre notre objectif : soutenir la création d'activités économiques et d'entreprises locales.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous vous engagez à faire adopter la disposition en seconde partie, vous devrez veiller à ce qu'elle puisse être appliquée dès l'année prochaine. C'est là ma seule interrogation et, après vous être engagé à faire examiner le dispositif en seconde partie, je souhaiterais que vous vous engagiez également à le mettre en oeuvre en 2019.
J'avais indiqué en séance que cet amendement pouvait poser des difficultés légistiques, qui conduiraient à modifier le texte. L'engagement de mettre en place le dispositif au 1er janvier 2019 me semble être une bonne solution. Si Mme Sage en est d'accord, je retirerai l'amendement.
L'amendement no 2344 est retiré.
Je remercie M. le secrétaire d'État de son engagement, dont il n'y a aucune raison de douter, à améliorer la rédaction de l'amendement, pour appliquer le dispositif de manière plus efficace.
Dans les conditions expliquées, je retire mon amendement.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l'amendement no 2531 .
Les spécificités et particularismes des outre-mer demandent que des aménagements fiscaux puissent être adoptés afin de développer l'économie locale.
Cet amendement, important pour nos territoires d'outre-mer, octroie une réduction d'impôt aux entreprises qui participent au développement des infrastructures de plaisance. En effet, tous nos territoires ultramarins sont directement concernés par les activités de navigation de croisière. Encourager des mécanismes n'ouvrant pas droit à la réduction d'impôt permettra de stimuler et de développer localement leur économie.
Comme précédemment, monsieur Claireaux, je vous demanderai de retirer votre amendement, au profit de la seconde partie du PLF, de façon à ce que nous évitions les effets d'aubaine.
Même avis.
L'amendement no 2531 est retiré.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 486 .
Saint-Martin, territoire en pleine reconstruction, a besoin d'incitations fortes pour attirer les investisseurs.
Le présent amendement vise à aligner le taux de réduction d'impôt sur le revenu pour investissement dans le secteur productif, applicable à Saint-Martin, sur celui applicable aux collectivités de Guyane et de Mayotte, qui connaissent des difficultés comparables bien qu'étant d'un autre ordre. Le taux passerait ainsi de 45,9 % à 38,25 %.
Saint-Martin bénéficiant de la compétence fiscale, nombre de crédits d'impôt et de mesures d'incitation ne s'y appliquent pas, contrairement aux collectivités d'outre-mer relevant de l'article 73 de la Constitution.
Mmes Marie-Christine Dalloz et Véronique Louwagie applaudissent.
L'amendement no 486 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 490 .
Les infrastructures hôtelières de l'île de Saint-Martin ont été particulièrement touchées. Le tourisme étant le principal secteur économique de l'île, nous avons un besoin vital d'aide à la reconstruction.
Le présent amendement a pour objet de faire bénéficier les investissements en faveur de la rénovation hôtelière à Saint-Martin du taux de 53,55 %, applicable dans les DOM, contre celui de 45,9 %, actuellement appliqué. Ce taux minoré ne trouvant aucune justification, il doit être aligné.
L'amendement no 490 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2345 .
Cet amendement, qui avait été déposé en commission par M. Serva, vise à porter à un an au lieu de six mois à l'heure actuelle le délai durant lequel l'investisseur doit donner son logement en location, une fois la construction achevée ou l'acquisition réalisée.
L'amendement no 2345 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 579 .
Si la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, décidée dans cet hémicycle, produit des effets bénéfiques pour les entreprises, il a un effet indésirable sur l'aide à l'investissement en outre-mer, en raison des dispositifs prévus par le code général des impôts.
En effet, selon les cas, les réductions d'impôt sont soit calculées sur la base de l'investissement – elles ne sont donc pas modifiées par une baisse du taux de l'IS et par la diminution de son montant – , soit fonction d'une déduction du résultat imposable. L'impôt qui en résulte est, lui, directement corrélé à la baisse du taux de l'IS.
Parce que la rétrocession qui bénéficie aux projets est fonction du cumul des avantages fiscaux issus de l'application de la réduction, elle entraîne une disparition d'environ 10 % des financements, qui empêche le montage des projets.
Pour des projets de plusieurs centaines de milliers, de millions et, parfois, de dizaines de millions, la disparition de 10 % au fur et à mesure de la baisse, tout à fait logique car décidée ici, du taux de l'IS, introduit une inégalité, qui n'était pas voulue au moment où nous l'avons votée.
J'appelle l'attention de l'Assemblée sur le fait que nous avons décidé de voter cette baisse en ne sachant pas qu'elle aurait des conséquences sur la défiscalisation et qu'elle induirait une rupture d'égalité entre les territoires.
Cet amendement vise donc à rétablir un crédit d'impôt équivalent à celui qui existe en matière d'impôt sur le revenu, pour qu'en matière d'impôt sur les sociétés, les investisseurs et les porteurs de projets soient traités de la même manière.
Je vous demande, monsieur le député, de retirer votre amendement, afin de mieux analyser ce dispositif.
En général, je suis plutôt favorable au fait de substituer un crédit à une réduction d'impôt. Dans ce cas, pourtant, qui présente des effets que nous ne mesurons pas, je souhaiterais qu'une analyse soit menée.
Même avis.
Il est normal de supprimer des crédits d'impôt au fur et à mesure que l'on baisse le taux de l'IS. En effet, de nombreux crédits d'impôt ont pour but de corriger un taux d'IS trop élevé.
S'engager dans une voie consistant à baisser le taux de l'IS tout en gardant des crédits d'impôt sur un taux d'IS ex ante fictif ne serait pas une bonne méthode.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Ce sujet est très important pour nos territoires qui, le ministre l'a rappelé hier, sont autonomes fiscalement, donc ne bénéficient pas de cette baisse du taux de l'IS, que, par ailleurs, nous ne souhaitons pas.
J'entends, monsieur le rapporteur général, que la porte n'est pas fermée voire, qu'elle est entrouverte. Je reste à votre disposition pour expliciter notre situation, avec les éléments mathématiques très simples dont nous disposons, pour trouver le meilleur dispositif possible.
Nous pouvons entendre que le crédit d'impôt, tel qu'il est proposé, ne vous semble pas être la meilleure solution. Cependant, j'appelle vraiment votre attention sur cet effet dégressif, lissé et, petit à petit, très néfaste. Mes chers collègues, vous le savez, l'aide à l'investissement outre-mer, qu'elle prenne la forme d'un crédit d'impôt, d'une réduction d'impôt ou d'une déduction imposable, est un outil très important pour le développement économique de nos territoires.
Je m'en remets donc à la sagesse et à l'ouverture de M. le rapporteur général. Je me tiens à votre disposition pour travailler sur ce dispositif et, dans cette attente, je retire mon amendement.
L'amendement no 579 est retiré.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 577 .
Cet amendement vise à introduire une solution différente de celle que je viens de proposer. L'objet et la discussion étant identiques, l'effet sera le même.
En conséquence, je retire cet amendement.
L'amendement no 577 est retiré.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1338 , 2101 , 2428 et 2346 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1338 , 2101 et 2428 sont identiques.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par les groupes Socialistes et apparentés et de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 1338 .
Madame la présidente, je croyais que vous aviez suspendu la séance pour me laisser le temps de rédiger mon intervention, mais c'était en fait pour accueillir le ministre.
Bonjour, monsieur le ministre, et bienvenue dans notre assemblée.
Voilà que s'ouvre le débat sur l'élargissement de la « niche Copé », qui exonère presque totalement d'imposition les plus-values de cession de titres de participation éligibles au régime de long terme.
L'article 12 vise à ce que la France se mette en conformité avec le droit de l'Union européenne sur le régime d'intégration fiscale, ce qui coûtera 200 millions d'euros aux entreprises.
Les grandes entreprises, multinationales et holdings possédant de multiples filiales, sont concernées par cette disposition. Vous souhaitez que cette mise en conformité n'entraîne pas de coût pour les entreprises. Pour ce faire, vous proposez d'élargir la « niche Copé », en accentuant son rendement, au bénéfice des entreprises.
Or cette « niche Copé » enfle année après année : elle coûtait aux caisses de l'État 2,8 milliards d'euros en 2013, 5,5 milliards en 2016 et 7 milliards en 2018. Pour quel effet ? À qui profite-t-elle ? N'est-ce pas un peu excessif ? Nous avons débattu tout à l'heure de l'opportunité de supprimer de nombreuses niches fiscales, dont le coût était faible et qui bénéficiaient à peu de monde – l'une d'entre elles rapportait, en moyenne, 2,5 euros à 600 000 chômeurs. Vous supprimez les niches fiscales qui bénéficient un peu aux chômeurs et, non seulement vous ne faites pas de même pour les niches comme la « niche Copé » qui coûtent cher aux caisses de l'État, mais vous les élargissez. Ainsi, les plus-values de cession, aujourd'hui taxées à 12 %, le seront demain à 5 %, ce qui n'est rien. Il ne faut pas pousser trop loin le bouchon : si on s'attaque aux niches et à l'optimisation fiscales, il ne faut pas, comme nous vous le demandons, élargir la « niche Copé ». Les multinationales doivent se mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne et payer ce qu'elles ont à payer.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 2101 .
Comme l'a indiqué notre collègue Fabien Roussel, l'article que vous proposez vise à ce que le régime d'intégration fiscale des entreprises françaises se mette en conformité avec la directive européenne. Nous ne pouvons que soutenir cette volonté de sécurisation juridique.
Pour ce faire, les entreprises françaises subiront une hausse de leur fiscalité de 200 millions d'euros, d'après vos services, monsieur le ministre. Cela signifie que le régime d'intégration fiscale à la française était plus avantageux que ce que permettait le droit de l'Union européenne.
Lorsque vous avez annoncé aux représentants des grandes entreprises que leur fiscalité allait croître de 200 millions d'euros, j'imagine que vous avez tenté de trouver une parade pour diminuer ce coût. C'est comme cela que vous avez ajouté trois petits alinéas à cet article, qui n'ont rien à voir avec ce que demande l'Union européenne pour mettre notre régime d'intégration fiscale en conformité avec la directive européenne.
Ces trois petits alinéas augmentent la « niche Copé » pour compenser le manque à gagner pour les entreprises. Cet article 12, dans sa rédaction actuelle, coûte, d'après les évaluations de Bercy, 130 millions d'euros au contribuable public, puisque la mise en conformité représente 200 millions et l'élargissement de la « niche Copé » 330 millions.
Monsieur le ministre, vous auriez pu vous en tenir à la demande de l'Union européenne, surtout qu'il me semble que le Gouvernement défend le principe de ne pas surtransposer les directives. Il ne s'agit pas là, stricto sensu, d'une surtransposition de directive, mais d'un ajout un peu malin – vous pensiez peut-être qu'il ne se verrait pas – de trois petits alinéas visant à compenser l'effet de la transposition, au mot près, de la directive européenne.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 2428 .
Mon amendement a le même objet que les deux précédents, mais je tiens à recadrer le sujet de l'article 12, qui traite du toilettage du régime d'intégration fiscale visant à le mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne. Cela entraînera, dans l'intégration fiscale, des mouvements allant dans les deux sens, certains apportant un bénéfice, d'autre un coût. Or, les deux orateurs précédents n'ont évoqué que les coûts de cette évolution pour les entreprises : sachez, par exemple, que le champ des dividendes intragroupes éligibles au régime « mère-fille » est étendu à certaines situations assimilées à l'intégration fiscale,...
... ce qui profitera aux entreprises, puisque le taux d'imposition n'est plus de 5 %, mais de 1 %. Ce toilettage du régime d'intégration fiscale n'est pas qu'un coût pour les entreprises et un gain pour le budget de l'État.
Pour compenser cette mise en conformité, on baisse la quote-part de réintégration des plus-values de cession de titres de participation éligibles au régime de long terme d'imposition, ce qui revient à élargir la « niche Copé ». On réintègre une quote-part de 12 % dans le résultat taxable, ce qui ne fait pas une imposition de 12 %, monsieur Roussel vous le savez bien, mais de 33 % de 12 %, et bientôt de 25 % de 12 %, soit une très faible imposition.
Il y a eu beaucoup de flou sur les chiffrages des bénéfices et des pertes, et je ne suis pas du tout certaine que le toilettage de l'intégration fiscale rapporte 200 millions d'euros. On peut douter de ce chiffrage affiché, parce que, lorsque l'on cesse, entre autres, de neutraliser les abandons de créances, on peut être sûr que les entreprises adapteront leur comportement.
Nous avons demandé à l'Observatoire français des conjonctures économiques un rapport sur l'impôt sur les sociétés, qui démontre que, depuis 2001, son pourcentage dans le PIB et son rendement n'ont fait que chuter. Comparée à celle des pays de l'OCDE, la part de l'IS dans le PIB est, en France, l'une des plus faibles : elle n'est que de 2 %, alors qu'elle atteint 2,7 % au Royaume-Uni et en Irlande, et 3,3 % aux Pays-Bas.
On ne peut pas dire aujourd'hui que l'IS pèse lourdement sur les entreprises, d'autant plus que l'on a diminué son taux car son niveau très élevé rendait son assiette très mitée. Je tenais à rappeler ces chiffres, puisqu'ils proviennent de rapports commandés par la commission des finances et que tout le monde peut en être informé.
La part de l'IS dans les recettes de l'État a chuté, puisqu'elle s'élevait à 14 % en 2006 et qu'elle n'atteignait plus que 8 % dix ans plus tard.
Au vu de ces chiffres, il n'est aujourd'hui pas opportun de baisser l'IS, la niche Copé entrant dans son rendement.
Je suis désolée, mais il faut prendre un peu de temps pour parler de sujets représentant des enjeux de 500 millions ou d'1 milliard d'euros.
Oui, mais je n'ai pas parlé depuis le début de l'examen du PLF en séance publique.
Ce n'est pas une excuse, madame Cariou, vous pourrez reprendre la parole après les avis de la commission et du ministre.
Il y a peu d'amendements à l'article 12, qui est un article très important pour l'IS et la fiscalité des grands groupes.
Un amendement du rapporteur prévoit un autre aménagement, qui, à mon sens, pose un autre problème d'équité, puisqu'il abaisse le taux de la quote-part imposable de 12 % à 5 % dans certains cas, notamment celui de cessions réalisées par des entreprises françaises, non intégrées, vers des groupes étrangers non intégrés, ce qui créera une rupture d'égalité par rapport à des cessions franco-françaises d'entreprises non intégrées.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2346 .
L'article 12 met fin à la neutralisation de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé », neutralisation dont bénéficiaient les groupes fiscalement intégrés à raison des plus-values de cession de titres de participation à l'intérieur des groupes. Pour compenser la suppression de cette neutralisation, le Gouvernement prévoit d'abaisser le taux de la quote-part imposable de 12 % à 5 %, cette diminution ne concernant pas seulement les groupes intégrés, mais toutes les entreprises.
À mon sens, supprimer totalement cette baisse du taux de la quote-part imposable à 5 % n'est pas opportun, car il n'est pas absurde de compenser partiellement la fin de la neutralisation.
En revanche, si une telle compensation se justifie pour le régime de l'intégration fiscale, dont le poids de l'imposition sera accru, je ne vois pas pourquoi les entreprises dont la situation ne change pas profiteraient de cette baisse. On sortirait alors de la logique de compensation. Je vous propose donc de conserver la diminution du taux de la quote-part imposable de 12 % à 5 %, mais de la limiter aux groupes touchés, à savoir les groupes fiscalement intégrés.
Pour des raisons de compatibilité avec le droit de l'Union européenne,...
.. le cantonnement de cette baisse doit être étendu aux situations assimilées à l'intégration fiscale, à savoir une cession associant une société européenne, qui, bien que ne pouvant pas appartenir à un groupe intégré, remplit les conditions.
Je précise également qu'une telle distinction dans le taux de la quote-part, entre intégration fiscale et situations assimilées, d'une part, et autres entreprises, d'autre part, n'est pas une révolution ; elle existe pour les dividendes dans le régime « mère-fille », où la quote-part est de 5 % en droit commun et de 1 % en intégration fiscale et assimilée. Ici, nous aurons respectivement 12 % et 5 %.
Cette mesure, qui me semble équilibrée, assure une compensation aux groupes intégrés et respecte le droit de l'Union européenne, sans avoir pour autant un champ excessivement large. Elle ne provoque aucune rupture d'égalité, contrairement à ce qu'il vient d'être dit.
Dernier point : le chiffrage.
L'amendement présenté au nom de la commission des finances rapportera de l'argent au budget de l'État, contrairement à la version initiale de l'article 12. Nous avons chiffré le gain net à 60 millions d'euros, sur la base du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires publié en 2016. En se fondant sur le présent projet de loi de finances, nous estimons que le gain escompté peut atteindre 390 millions.
Le problème, c'est que les données sont très volatiles d'une année sur l'autre. Il est très difficile de chiffrer précisément les conséquences de la mesure envisagée. Par exemple, l'estimation des conséquences de la seule suppression de la neutralisation des abandons de créance et des subventions intragroupes varie entre 15 et 791 millions, soit un rapport de un à cinquante.
Il est possible que le gain financier dû à l'amendement soit inférieur à 390 millions, il pourrait se faire qu'il soit supérieur à cette somme. Ce qui est absolument sûr, c'est qu'il s'agit indéniablement d'un gain.
C'est un sous-amendement de coordination.
La réforme de l'intégration fiscale est indispensable.
Je veux bien que l'on continue les bêtises, mais cela a déjà coûté 10 milliards d'euros. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit ici il y a dix-huit mois au sujet de l'adoption de la taxe à 3 % sur les dividendes contre l'avis de la Commission européenne. Je ne continuerai pas les bêtises du passé consistant à faire croire aux Français que l'on peut s'asseoir sur les règles européennes, …
… puis à faire de grands discours sur le thème « Nous faisons exactement ce que nous voulons ! Même si nous sommes intégrés à l'Union européenne, nous n'en respectons pas les règles ! » avant de se présenter au Parlement, toute honte bue, afin de réclamer 10 milliards aux entreprises et aux contribuables. Avec moi, jamais !
Nous avons engagé la correction de cette erreur, monsieur Carrez, et il fallait un certain courage pour y parvenir. La réforme de l'intégration fiscale, s'il se trouve des gens ici qui ne veulent pas la faire, très bien ! Mais alors qu'ils aillent annoncer aux Français qu'ils ne veulent pas respecter les règles européennes.
Nous, nous voulons les respecter, car il y va de notre intérêt national.
J'insisterai sur un deuxième point. Nous voulons réussir économiquement. Dès lors, la seule question à se poser est la suivante : voulons-nous que nos entreprises réussissent économiquement ? Voilà la vraie question !
Monsieur Roussel, nous menons des négociations difficiles afin de sauver des sites industriels que vous connaissez de près. Je sais que vous y êtes attaché, et que vous vous battez comme moi – contrairement à ce que suggèrent les propos d'autres élus de la région – pour apporter des solutions à de grandes entreprises industrielles dont l'emploi est menacé.
On ne peut pas d'un côté se battre pour préserver l'emploi industriel dans nos territoires et s'efforcer d'améliorer la profitabilité de nos entreprises afin qu'elles puissent investir et innover, et de l'autre leur imposer une situation fiscale plus défavorable que celle dans laquelle se trouvent les entreprises de nos partenaires européens.
Il faut faire preuve d'un peu de cohérence. Pour ma part, je me bats – et je continuerai à me battre – pour que nos entreprises connaissent la même situation fiscale que celle créée par nos partenaires et rivaux européens, afin que nous gagnions en compétitivité ainsi qu'en profitabilité et que celles-ci puissent investir et innover. Voilà la clé du débat.
Je réaffirme l'idée de cohérence qui me tient très à coeur ainsi, je crois, qu'à la majorité : si l'on est favorable au développement de l'emploi et de l'activité dans les territoires, il faut s'abstenir d'attacher des boulets aux pieds de nos entreprises et progresser vers la convergence fiscale européenne, laquelle leur permettra de rivaliser à armes égales avec les autres grandes entreprises européennes, notamment les entreprises allemandes.
Venons-en à la réforme de l'intégration fiscale et au détail de l'article 12. Pour les groupes fiscalement intégrés, la fixation d'un taux d'imposition de la quote-part imposable de 5 % me convient. Je pense que nous avons trouvé un accord sur ce point. Pour les groupes qui ne le sont pas – je m'exprime ici avec ma franchise habituelle – , je préférerai que nous retenions également un taux d'imposition de 5 %. Je le dis très sincèrement.
M. le rapporteur général connaît mon avis, et j'ai eu de longs débats avec Émilie Cariou sur le sujet. Je n'ignore pas leurs arguments, mais je persiste à penser qu'il serait préférable – au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises – de retenir un régime d'intégration fiscale au taux d'imposition de 5 % pour les entreprises qui ne sont pas intégrées fiscalement. Dans les autres pays européens, ces entreprises sont soumises à un taux de 5 % au plus, et parfois de 0 %. C'est la réalité.
Toutefois, je ne suis pas sourd aux arguments d'Émilie Cariou et de M. le rapporteur général – c'est aussi l'intérêt du dialogue qu'entretiennent le Gouvernement et la majorité parlementaire à ce sujet. Je suis donc prêt, par esprit de compromis – vous connaissez ma franchise et ma sincérité – , à accepter l'amendement de la commission des finances présenté tout à l'heure par M. le rapporteur général.
Nous avons eu de nombreux débats avec lui ainsi qu'avec Émilie Cariou ; nous retiendrons donc un taux de 5 % pour les groupes fiscalement intégrés et un taux de 12 % pour ceux qui ne le sont pas. Il s'agit, me semble-t-il, d'un bon équilibre, issu d'un bon compromis entre la majorité parlementaire et le Gouvernement.
Je donne donc un avis favorable à l'amendement de M. le rapporteur général, sous-amendé par le Gouvernement – je rappelle qu'il s'agit d'un sous-amendement de coordination – , et un avis défavorable aux amendements nos 1338 , 2101 et 2428 . Je m'exprime avec ma franchise habituelle. Mon seul objectif, au bout du compte, est d'assurer l'emploi pour les Français ainsi que pour les entreprises qui se portent bien.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Tout d'abord, je me félicite de la qualité des travaux menés par la commission des finances et remercie nos collègues Émilie Cariou et Valérie Rabault, qui ont présenté le sujet de façon lumineuse. Nous sommes tous d'accord sur un point : il faut sécuriser le régime d'intégration fiscale, non seulement au regard du droit européen…
… mais aussi de notre droit interne – nous avons récemment dû adopter, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, une disposition relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises permettant de traiter de la même façon les groupes intégrés fiscalement et les groupes assimilés. Par conséquent, appliquer à ceux-ci un régime fiscal reposant sur un taux d'imposition de la quote-part et des plus-values de cession des titres de participation de 5 %, comme le propose le Gouvernement, nous semble satisfaisant.
En revanche, je souscris pleinement à la proposition formulée par nos collègues consistant à conserver un taux de 12 % pour les autres groupes. Dès lors que nous sommes à peu près certains qu'une telle discrimination de taux d'imposition ne pose aucun problème au regard du droit européen – et je le pense – , conservons le taux de 12 %. J'ajoute que ce taux, une fois associé à la diminution de l'impôt sur les sociétés qui portera celui-ci à 25 %, sera en réalité de 3 %.
Nous sommes parvenus à un bon équilibre. Par ailleurs, monsieur le ministre, vous devez également être sensible – je sais votre intérêt pour les finances publiques – au fait que ce choix rapportera quelques centaines de millions d'euros, au lieu d'en faire perdre 200 millions.
Par ailleurs, j'estime que vous n'auriez pas dû évoquer la taxe de 3 % sur les dividendes.
Au mois de juillet 2012 – vous étiez alors membre de la commission des finances – , deux députés ont mis en garde contre le risque auquel elle nous exposait – et pas du tout sur ce sujet, nous avons l'honnêteté de le dire – : Charles de Courson et moi-même. Qu'est-il arrivé ensuite ? Je le rappelle à nos collègues, notamment à Valérie Rabault : un changement de la jurisprudence communautaire est survenu et nous nous sommes trouvés dans la situation où nous sommes à présent.
Je suis bien d'accord qu'il est nécessaire d'être très vigilant au risque de contentieux de droit européen, mais sur ce sujet, monsieur le ministre, l'expérience invite à une certaine modestie et à une certaine humilité. Les revirements de jurisprudence réservent souvent des surprises.
Mmes Bonnivard et Louwagie applaudissent.
J'évoquerai deux points. Bruno Le Maire, si vous n'existiez pas au Gouvernement, il faudrait vous inventer !
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Votre franchise permet au moins de faire ressortir les défauts de la logique politique que vous défendez.
Premièrement, vous appelez à voter contre les amendements no 1338 , 2101 et 2428 au nom de la convergence européenne et du respect des règles ainsi que des traités européens. Nous sommes là au coeur du problème.
Ces règles et ces traités prescrivent de réduire toujours plus les dépenses publiques afin de respecter la fameuse règle d'or. Or les dépenses publiques servent l'intérêt général. En revanche, ils prescrivent d'offrir toujours plus de cadeaux, les plus démesurés possibles, aux actionnaires ou aux bénéficiaires de la plus-value, lesquels servent leur intérêt particulier.
Une telle logique nous entraîne inévitablement vers un moins-disant fiscal. Elle constitue une prime au pays où l'on paie le moins d'impôt, dans le cadre d'une sorte de dumping généralisé dépourvu de toute harmonisation fiscale. Votre réponse, monsieur le ministre, démontre bien que cette logique folle dessert les peuples, ce qui est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles beaucoup protestent sous une forme ou sous une autre.
La deuxième logique que vous invoquez repose sur la nécessité de sauver nos emplois. C'est extraordinaire ! Vous nous reprochez souvent de poser toujours la même question, à laquelle vous faites toujours la même réponse, mais le problème, c'est qu'il n'existe aucune contrainte.
Si au moins vous offriez des cadeaux à certaines entreprises, par exemple celles qui sont soumises à une concurrence internationale renforcée ou celles qui essaient de protéger des emplois dans des secteurs fragiles, mais il n'en est rien ! Vous offrez des cadeaux aux holdings qui vendent leurs filiales tous les deux ans.
Quelle que soit la société considérée, quel que soit l'usage qu'elle fait de ses bénéfices, ce sont des cadeaux ! On en connaît la logique : ces cadeaux, malheureusement, ne profitent pas à l'investissement.
Comme nous l'avons démontré à de nombreuses reprises, ils partent en dividendes. Cette politique est absurde. Elle ne crée pas d'emplois, monsieur Le Maire. Je comprends votre logique, et je la conteste. Votre politique ne crée pas d'emplois, elle crée des bénéfices, lesquels ne servent pas l'économie de notre pays.
Voyons, monsieur le ministre ! Nous vous faisons bon accueil et vous avez l'air de mauvaise humeur ! Vous êtes mal luné, ce matin !
Pas du tout, monsieur Roussel, je suis toujours de bonne humeur !
À moins que ce ne soit l'effet des récents propos de votre président de région !
Vous affirmez que nous remettons en cause la réforme de l'intégration fiscale que nous demande l'Europe. Rien à voir ! Ce n'est pas ce dont nous parlons.
L'Union européenne nous impose une mise en conformité avec le droit communautaire s'agissant du régime d'intégration fiscale. Dont acte. Nous pouvons ouvrir le débat, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est que cette évolution coûtera 200 millions d'euros aux grandes entreprises, aux multinationales et aux holdings à filiales. Vous proposez donc, tout bonnement, de compenser ce coût, et même de faire en sorte qu'elles soient bénéficiaires.
Pour ce faire, vous créez un dispositif élargissant le champ d'application de la « niche Copé ». En outre, vous omettez, et M. le rapporteur général avec vous, de mentionner que ces mêmes entreprises bénéficieront en même temps d'une baisse de l'impôt sur les sociétés, prévue par le programme que vous appliquez et que nous contestons.
Ainsi, non seulement elles bénéficieront de la baisse de l'impôt sur le revenu, mais elles ne verseront plus de taxe sur les dividendes. Vous chantez sur tous les tons « Libérez le capital ! » et vous le libérez. Et voilà que vous en remettez une couche ! Vous remettez une pièce dans la machine ! Ça commence à bien faire !
En fin de compte, avec ces dispositifs, ce ne sont plus des niches fiscales que vous construisez, mais des palaces pour l'optimisation fiscale – voilà ce qui commence à bien faire ! À un moment donné, nous disons « Arrêtez ! Stop ! ».
Au demeurant, il faudra bien un jour ou l'autre rédiger un rapport ou une étude sur la « niche Copé », compte tenu du poids qu'elle commence à prendre dans le budget de l'État, auquel elle coûte 7 milliards. Lorsque nous vous demandons de rétablir la demi-part supplémentaire pour les personnes âgées, vous répondez que cela coûterait trop cher. Or cela coûterait 1,5 milliard, alors que la « niche Copé » coûte 7 milliards, et vous proposez d'aller plus loin ! À un moment donné, nous disons « Stop ! ».
Monsieur le ministre, il n'est nullement question ici de remettre en cause le toilettage de l'intégration fiscale. Nous saluons l'article 12 du présent projet de loi de finances. Je signale simplement que ce toilettage fonctionne dans les deux sens. Il n'est pas exclusivement positif, pour les entreprises, en matière d'impôt sur les sociétés. En tout état de cause, ce toilettage était nécessaire. Il fallait nous mettre en conformité avec le droit européen. Cela, nous vous en remercions.
S'agissant de ses effets exacts, je propose de maintenir en l'état la « niche Copé ». Ce faisant, nous ne courrons aucun risque au regard du droit communautaire, car celle-ci ne ressortit pas au régime de l'intégration fiscale mais aux résultats sociaux des entreprises. La maintenir telle quelle ne pose aucun problème.
Laissons vivre le dispositif tout en procédant au toilettage de l'intégration fiscale. En 2020, les entreprises publieront leurs résultats pour l'exercice 2019. Nous verrons alors comment l'intégration fiscale aura évolué et quels résultats elle aura produit.
Menons une véritable étude de benchmarking. Certes, notre régime d'imposition des plus-values de cessions de titres de participation à long terme est peut-être moins avantageux que ceux en vigueur dans d'autres pays européens, mais notre régime d'intégration fiscale est bien plus avantageux que ceux en vigueur dans de nombreux pays européens. En outre, notre régime de déduction des intérêts d'emprunt sur les acquisitions de titres est favorable. Lorsque l'on fait du benchmarking, il faut le faire de façon très globale.
Je propose donc de laisser vivre le dispositif, ce qui nous laissera le temps de faire notre benchmarking et d'évaluer concrètement la réforme de l'impôt sur les sociétés. En 2020, nous ajusterons éventuellement l'impôt sur le revenu. Pour l'heure, j'estime que c'est prématuré.
Quant à la solidité de l'amendement que l'on nous propose d'adopter, je tiens tout de même à signaler que les trois cas visés par celui-ci découlent de l'arrêt « Groupe Stéria SCA » de la Cour de justice de l'Union européenne, lequel couvre les deux premiers. Le troisième est prévu par le texte du Gouvernement sous le régime des dividendes, et je ne dispose pas de l'expertise juridique pour savoir s'il satisfait réellement aux obligations communautaires.
En tout état de cause, j'estime qu'il nous fait courir un risque d'être condamnés pour discrimination entre sociétés françaises, alors que la « niche Copé » n'est pas discriminatoire. C'est pourquoi je maintiens mon amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. El Guerrab applaudit également.
Je souscris aux propos tenus par notre collègue Fabien Roussel. J'ignore ce que le président de la région des Hauts-de-France a pu dire pour vous énerver, monsieur le ministre, mais, sincèrement, personne ici n'a remis en cause la nécessité de nous mettre en conformité avec la directive européenne relative au régime d'intégration fiscale.
Afin que les choses soient bien claires, je répète que nous sommes d'accord avec la mise en conformité que vous proposez par le biais de l'article 12.
Voilà qui est bien !
Nous l'avons dit tout à l'heure, mais vous n'avez peut-être pas entendu.
Je vous écoute toujours attentivement, madame Rabault !
Sourires.
Par ailleurs, je souscris aux propos tenus tout à l'heure par Émilie Cariou ainsi que par Fabien Roussel. L'évaluation par Bercy des conséquences budgétaires des dispositions de l'article 12 est chiffrée, mais pas celle des articles qui suivent. Quant à celle qui est proposée, nous savons très bien qu'elle présente un niveau d'incertitude inhérent au régime d'intégration fiscale, dès lors que les entreprises peuvent opérer des choix.
Il serait donc intéressant, avant de signer un chèque pour une extension de la « niche Copé », de disposer d'ici deux ou trois ans d'une évaluation du comportement des entreprises au regard des nouvelles donnes découlant de l'intégration fiscale prévue par la directive européenne afférente. C'est pourquoi je soutiens l'amendement défendu par Mme Cariou.
Monsieur le ministre, nous sommes tous favorables à la mise en conformité de notre régime fiscal avec le droit communautaire, laquelle coûte 200 millions d'euros aux entreprises. Dont acte.
Le débat ne porte pas sur ce point, mais sur les mesures complétant cette disposition. J'incite nos collègues à se ranger à la position de notre rapporteur général consistant à limiter l'abaissement de 12 % à 5 % du taux de taxation des plus-values intragroupes aux groupes fiscalement intégrés et aux groupes assimilés.
Quant à la polémique sur la niche Copé, mes chers collègues, elle dure depuis des années et on peut dire sur ce sujet tout et son contraire.
Je me permets de vous rappeler que la plupart des entreprises domiciliaient auparavant leur holding en Belgique ou aux Pays-Bas, y transféraient la valeur comptable de leurs cessions de titres de participations et réalisaient des plus-values dans des pays où la taxation de celles-ci est égale à zéro.
Tel était le cas de Renault, d'Airbus et de nombreuses autres entreprises. On peut donc dire tout et son contraire au sujet de la « niche Copé ». Alignons-nous sur la position de M. le rapporteur général, laquelle me semble eurocompatible et sage en matière budgétaire, car elle rapporte un peu d'argent – on ne sait pas combien, mais probablement un peu, nous en avons besoin.
Vous êtes le digne représentant des multinationales, monsieur de Courson !
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Charles de Courson.
Je suis d'accord – une fois n'est pas coutume – avec la position initiale du Gouvernement, consistant à retenir un taux unique de 5 %. Au regard de la situation qui prévaut ailleurs – peut-être faut-il mieux vérifier le benchmarking, mais je me fonde sur les tableaux que j'ai pu consulter – on observe que les autres pays européens ne taxent pas les plus-values sur les cessions de titres de participation, et en tout état de cause à moins de 5 %.
Nous devons renforcer notre compétitivité fiscale, autant profiter de l'occasion. Peut-être y a-t-il là un débat de fiscalistes – je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est que nous devons renforcer notre compétitivité fiscale. S'en tenir à un taux de 5 %, comme le proposait le Gouvernement, me semblait une bonne idée.
Qui a augmenté la quote-part, monsieur le président de la commission des finances ? C'était en 2011, je vous le rappelle !
Dans cet hémicycle, nous comptons très peu – nous devons le reconnaître – de fiscalistes capables de comprendre toutes les implications de premier, deuxième et troisième ordre de ce genre de débats. Je dis « très peu », car je n'exclue pas qu'il s'en trouve !
Nous avons, au groupe La République en marche, l'exigence de faire du travail sérieux. L'amendement de M. Giraud propose, politiquement, une voie tout à fait intéressante, qui permet de conserver le mécanisme tel quel pour toutes les entreprises qui ne sont pas concernées par la réforme de l'intégration fiscale et de l'aménager pour celles qui le sont.
Notre collègue Émilie Cariou a exprimé des réserves sur la qualité de la rédaction de cet amendement, sur ses conséquences et sur les possibles effets secondaires d'une partie de cette rédaction. Monsieur le ministre, nous vous demandons donc, si vous le souhaitez ou le pouvez, de nous apporter les clarifications nécessaires au fil de la deuxième lecture de ce budget, des débats au Sénat et du travail légistique qui reste à réaliser avant que nous ne puissions le voter définitivement, afin que, lorsque nous le ferons, nous sachions avec clarté que le dispositif est conforme à la législation européenne et à la jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, qu'il n'y a pas de rupture d'égalité et que nous disposons ainsi d'un mécanisme solide.
Nous savons que les amendements de la commission des finances sont travaillés par des équipes très compétentes, performantes et armées pour le faire. Nous savons également dans quels délais nous travaillons tous. Tout en votant l'amendement no 2346 de la commission des finances proposé initialement par Joël Giraud et, je l'imagine, modifié par le sous-amendement que vous nous présenterez, nous souhaiterions savoir que nous pourrons, au fil des débats et d'ici au vote définitif du projet de loi de finances, disposer de toutes les précisions nécessaires pour nous éviter de nous engager dans une voie qui pourrait être contentieuse, difficile ou déséquilibrée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je tiens tout d'abord à dire à M. Fabien Roussel que je suis toujours de bonne humeur, surtout quand je le vois.
Sourires.
Pour la qualité de nos débats – car vous remarquerez qu'entre la loi PACTE et ce projet de loi de finances je passe beaucoup de temps ici, dans l'hémicycle, ce qui est pour moi un plaisir et un honneur – , il est préférable qu'ils puissent se dérouler dans la bonne humeur. La vie est très courte : si on la passe de mauvaise humeur, on passe à côté de sa vie, et c'est dommage.
Je me réjouis par ailleurs que nous ayons un accord, sur quasiment tous les bancs, quant à la nécessité d'aller vers ce régime d'intégration fiscale et de le toiletter.
Monsieur Carrez, mon objectif n'est aucunement de rouvrir le passé, mais il m'est arrivé à deux reprises, en tant que membre du Gouvernement, d'avoir à payer les pots cassés. Sans mettre quiconque en cause – car je sais parfaitement que vous êtes probablement, avec Charles de Courson, celui qui, dans cet hémicycle, a le plus souvent donné l'alerte sur les risques de non-respect de nos engagements européens – , je rappellerai que je me suis trouvé dans cette situation à propos de la taxe de 3 % sur les dividendes et, dans une vie encore plus lointaine, lorsque j'étais ministre de l'agriculture, lorsqu'il m'a fallu récupérer les plans de campagne des subventions accordées illégalement aux producteurs de fruits et légumes, en particulier en Bretagne.
C'est toujours très douloureux, et cela abîme beaucoup les responsables politiques, de devoir expliquer à nos concitoyens qu'on leur avait fait des centaines de millions d'euros de cadeaux fiscaux sans leur dire que c'était complètement illégal, et qu'il faut maintenant récupérer l'argent – et que ce sont eux qui vont payer. C'est désastreux pour nous tous ici. Mieux vaut avoir le courage de dire les choses avant, clairement et franchement, comme M. Coquerel a l'amabilité de reconnaître que je le fais à propos de mes propres positions politiques.
Pour ce qui est ensuite du taux de quote-part pour frais et charges, je pense que nous avons trouvé, grâce au rapporteur général et aux travaux d'Émilie Cariou, un point d'équilibre avec un taux de 5 % pour les groupes qui sont intégralement intégrés fiscalement et de 12 % pour ceux qui ne le sont pas.
Si j'ai réagi avec vivacité – et je reconnais que je suis sur la même ligne que le président de la commission des finances – , c'est parce que nous sommes dans un marché unique européen où nous avons des compétiteurs, qui sont en particulier les grandes entreprises allemandes, mais aussi les entreprises italiennes, espagnoles et belges. Je me contenterai de citer des chiffres : en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et dans cinq autres pays d'Europe, la quote-part pour frais et charges est de 0 %. En Allemagne, pour tous les groupes, qu'ils soient fiscalement intégrés ou non, elle est de 5 %. Les parlementaires qui prennent aujourd'hui la décision doivent savoir qu'ils vont voter un système fiscal dans lequel les groupes français fiscalement non intégrés seront dans une situation fiscalement moins avantageuse que les autres entreprises en Europe.
Je veux également rappeler – car mon seul objectif est, comme vous savez, de créer de l'emploi pour les Français – que ce sont les entreprises qui créeront des emplois et que, si on leur met des boulets aux pieds, elles ne les créeront pas. Je tiens à rappeler aussi l'affaiblissement que connaît, sur le long terme, la compétitivité française. J'apprécie beaucoup le débat avec La France insoumise mais, monsieur Coquerel, nos propositions en la matière sont assurément différentes. Dans le débat politique, mieux vaut être franc et sincère. Je fais, pour ma part, le pari des entreprises, de leur compétitivité et du succès économique français. Or, il n'y aura pas de succès économique français sans le succès de nos entreprises et de nos PME.
En 1995, la France était encore une grande puissance commerciale exportatrice, avec 5 à 10 milliards d'euros d'excédent de sa balance commerciale.
En 2000 : zéro. En 2005, 30 milliards de déficit et, depuis lors, nous ne sommes jamais sortis du marasme.
Si la France veut redevenir une grande puissance commerciale exportatrice – ce qui doit, selon moi, être notre ambition – , il ne faut négliger aucun détail pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Je me rallie donc à ce compromis, qui me semble bon, car il faut aussi tenir compte des exigences en termes de fiscalité et de finances publiques qu'on rappelées Gilles Carrez et Émilie Cariou. N'oublions pas que notre objectif de très long terme est d'avoir des entreprises qui se portent bien dans tout le territoire, pour créer du travail pour tous les Français.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 10
Contre 53
Le sous-amendement no 2624 est adopté.
L'amendement no 2346 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement no 2347 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1842 de M. le rapporteur général est également de précision.
L'amendement no 1842 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 12, amendé, est adopté.
L'amendement no 1843 de M. le rapporteur général est encore de précision.
L'amendement no 1843 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 2425 .
Cet amendement tend à proposer une autre définition du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement – earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization, ou EBITDA – , fondée sur le résultat comptable. De fait, la rédaction actuelle de l'article 13 rendra difficile de redéfinir réellement le résultat fiscal. Je propose donc de partir du résultat comptable pour réintégrer, notamment, les amortissements et provisions. En l'état, l'article me semble en effet un peu circulaire et difficile à appliquer.
Avis défavorable car, contrairement à ce qu'indique l'exposé sommaire de votre amendement, madame Cariou, le résultat fiscal pris en compte pour déterminer l'EBITDA, auquel sont ajoutés des éléments, n'intègre pas les retraitements liés aux charges financières nettes, sans quoi ces éléments seraient doublement pris en compte. Je vous invite donc à retirer cet amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
Je propose également le retrait de cet amendement. Mme Cariou connaît ces sujets infiniment mieux que moi, mais je confirme ce que vient de dire le rapporteur général : c'est bien le résultat fiscal, et non pas le résultat comptable, qui sert de point de départ au calcul de l'EBITDA. Notre évaluation est qu'il n'y a pas de risque de divergences sur ce point entre les différents États membres et qu'il faut nous en tenir à la rédaction de l'article telle que proposée.
C'est en effet la direction de la directive mais, à vrai dire, la notion de résultat fiscal n'a pas forcément la même signification dans les autres États membres qu'en France et le système ne fonctionne pas nécessairement de la même manière.
À ce stade, je retire toutefois mon amendement, mais je demande quand même qu'on s'assure que ce dispositif tourne bien. Je crains en effet qu'il y ait là un petit motif d'inconstitutionnalité pour imprécision de la loi.
L'amendement no 2425 est retiré.
L'amendement no 1844 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2348 .
La lettre de la directive européenne anti-évasion fiscale – ATAD – ne retient, pour déterminer l'EBITDA, c'est-à-dire le résultat avant impôts, intérêts, provisions et amortissements, que les provisions pour dépréciation. L'amendement apporte la précision requise sur ce point. Il s'agit donc d'un amendement de précision.
Ce dispositif transpose une directive européenne et certains amendements apportent plus que des précisions : ils fixent des limites. En effet, lorsqu'on passe de « provision » à « provision pour dépréciation », on ne parle plus tout à fait de la même chose. Je me demande donc si nous sommes bien en train de nous aligner sur la logique prévue par la directive, ou de la transposer en l'aggravant, en apportant à la définition une restriction plutôt qu'une précision.
J'ai déposé de nombreux amendements à ce propos, mais je ne reprendrai pas nécessairement la parole sur chacun d'entre eux. La situation porte à confusion et je crains que ne se posent ultérieurement des questions d'interprétation qui créent de l'insécurité juridique.
Je m'interroge donc véritablement. L'amendement de Mme Cariou, qui tendait à prendre un autre résultat – le résultat comptable au lieu du résultat fiscal – , changeait beaucoup les choses. Il me semble que nous devons rester dans le cadre de la directive et je suis très inquiète de cette orientation.
Madame Louwagie, vous avez raison de demander cette précision. Je peux vous garantir qu'il ne s'agit pas du tout, en l'espèce, d'une surtransposition, mais vraiment de la lettre de la directive. J'ai même proposé, nous le verrons plus tard et nous l'avons déjà vu en commission des finances, que soient prises en compte des possibilités de dérogations qui ne l'avaient pas été.
Étant moi-même élu de montagne, je sais ce qu'est la transposition d'une directive et quels effets elle peut avoir. Je m'en méfie et vous pouvez donc être garantie à cet égard.
Il est vrai que la France est obligée de transposer cette directive, mais elle doit le faire au plus tard en 2024. Vous me direz que, pour une fois, nous ne transposons pas au dernier moment ! Certes, mes chers collègues, mais la question est de savoir si la transposition est favorable ou défavorable à nos entreprises. Si elle est défavorable, l'intérêt de la France est de ne transposer qu'en 2023 ou 2024, en nous calant sur la date terminale, afin de maintenir l'égalité de concurrence entre les entreprises françaises et leurs concurrents européens.
Sous réserve d'un ou deux amendements que j'ai déposés, je partage l'opinion du rapporteur selon laquelle il s'agit bien d'une transposition. Le vrai débat porte en revanche sur la date de celle-ci : pourquoi transposer dès 2019, alors que nous avions encore cinq ans pour le faire ?
L'étude d'impact ne comporte aucune évaluation de l'impact financier de cette mesure et j'ignore, monsieur le ministre, si vous avez pu, depuis lors, faire préciser cette question par vos services. Par rapport à l'état du droit, cette transposition aggrave-t-elle ou non la pression fiscale sur nos entreprises ? Si elle l'aggrave, notre intérêt est de ne transposer qu'en 2024, pour des raisons de concurrence intra-européenne.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, il serait très intéressant que vous puissiez nous répondre, car nous n'avons pas de réponse à cette question et l'étude d'impact n'en fournit pas.
Monsieur le rapporteur, vous disiez tout à l'heure, en réponse à Mme Louwagie, que vous étiez convaincu qu'il n'y avait pas de risque de surtransposition. Un amendement que j'ai déposé et que nous examinerons tout à l'heure pose cette question car, selon certains spécialistes – et c'est aussi mon analyse – , cet article opère bien, en fait, une surtransposition, en ce qu'il prévoit un second mécanisme de limitation de la déductibilité, qui cible le cas des groupes financés en interne par des financements intra-groupe. Cela va bien au-delà de la directive européenne, en créant deux catégories – la deuxième étant celle des groupes dont le siège social est hors de France.
Il faut donc, monsieur le ministre, clarifier ce débat, sous peine de rencontrer des problèmes identiques à ceux que nous avons évoqués à propos de précédents articles et qui sont susceptibles de donner lieu à rattrapage financier, au titre d'un débordement de la règle européenne. Il faut donc vraiment donner des précisions à ce propos.
Si nous avons pu, dans le cadre des débats en commission des finances, nous faire une idée pour l'article précédent, malgré sa matière un peu complexe, nous avons, pour cet article 13, beaucoup de mal à savoir s'il y a ou non sur-transposition sur certains points.
Nous avons donc vraiment besoin, monsieur le ministre, d'un éclairage précis de votre part, assorti, si possible, de quelques exemples. Nous avons en effet reçu différentes notes, mais elles sont toutes soit hermétiques, soit très vagues. Nous nous interrogeons sur la date, comme l'a dit Charles de Courson. Enfin, votre dispositif impose-t-il, au-delà de la directive européenne, des contraintes supplémentaires aux entreprises françaises ?
Monsieur le ministre, vous êtes souvent sensible au fait que les amendements que nous examinons aient fait l'objet d'une évaluation. Or, il est ici proposé de retenir de nouveaux éléments parmi les critères de détermination de l'EBITDA. Quelle en serait l'incidence en termes de gestion des entreprises et de pression fiscale ? Nous n'avons aucune évaluation et ne savons pas du tout où nous mène cet amendement.
Je rappelle d'abord l'objectif global de cette transposition : éviter l'évasion fiscale. Je me permets, là encore, d'insister sur la nécessité de la cohérence : on ne peut pas poser de façon très récurrente des questions d'actualité – parfaitement légitimes, du reste – pour nous dire qu'il existe une évasion fiscale excessive, contre laquelle nous ne luttons pas assez et qui représente des dizaines de milliards d'euros, tout en nous reprochant de transposer le plus rapidement possible…
Ce n'est peut-être pas un reproche, mais j'entends des inquiétudes. On ne peut pas nous reprocher, disais-je, de vouloir transposer le plus rapidement et le plus efficacement possible une directive qui vise à lutter contre l'évasion fiscale ou contre l'optimisation agressive ou déplacée. J'ai lu hier ce qu'on disait des banques dans les journaux.
Madame Louwagie, ce n'est pas un reproche à qui que ce soit, mais simplement une remarque politique qui me semble essentielle. Nos compatriotes, à juste titre, ne peuvent pas accepter un euro d'évasion fiscale. Ils ont raison. Ma responsabilité de ministre des finances est de garantir à chacun de mes compatriotes, qui paient tous, sous une forme ou sous une autre, des impôts directs ou indirects, qu'il n'y aura pas en France un euro d'évasion fiscale.
Il est vrai – et je le dis très sincèrement à M. Carrez et M. de Courson – que la transposition de cette directive est une transposition ferme de la directive européenne, du fait notamment de la clause de sauvegarde. Je l'assume et je pense qu'il faut montrer à nos compatriotes que le dispositif de lutte contre l'évasion fiscale que nous adoptons dans le cadre de cette transposition est efficace.
De même que je vous ai dit avec beaucoup de franchise, dans le débat précédent, qu'il me paraissait indispensable d'aller vers la convergence fiscale la plus propre possible à ce que les entreprises soient compétitives, je vous dis avec la même fermeté que nous devrons disposer d'un dispositif 100 % crédible en matière de lutte contre l'évasion fiscale de la part de nos entreprises.
En deuxième lieu, faut-il le faire maintenant ? On pourrait certes attendre, mais j'estime qu'il est préférable de le faire maintenant, en haut de cycle, avec une croissance de 1,7 % – l'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE évoque le chiffre de 1,8 % pour l'année prochaine – et avec des EBITDA forts qui permettent de constituer des capacités de report pour l'avenir.
On ne sait pas de quoi l'avenir sera fait. Nous nous battons tous ici pour améliorer la situation économique de nos entreprises et avoir une croissance la plus forte possible, mais je ne vous ferai pas le panorama des risques qui pèsent aujourd'hui sur la croissance européenne ! Entre le risque de guerre commerciale entre M. Trump et la Chine, l'instabilité dans la région du Golfe, le risque de remontée des taux d'intérêt avec la politique de la Fed, les risques pesant aujourd'hui sur la zone euro avec le budget italien, inutile de vous faire le descriptif des risques qui pèsent sur notre croissance ! Il est donc plus sage de faire la réforme maintenant, à un moment où nous avons une croissance solide, que nous sommes en haut de cycle et que les EBITDA sont élevés.
Troisième élément : est-ce que cela simplifie ? Oui ! Il existe six dispositifs aujourd'hui et, après la transposition de cette directive, nous en aurons supprimé deux, modifié un et simplifié l'articulation de l'ensemble des dispositifs restants. Pour les entreprises, nous allons vers une vraie simplification du paysage fiscal sur la limitation des charges financières, permettant d'éviter ce dispositif de rabot qui ne me semble ni efficace, ni performant.
Toutes ces raisons, que je vous énonce avec beaucoup de franchise, me conduisent à penser que c'est maintenant qu'il faut le faire, que cela aboutira à un dispositif plus sain pour nos entreprises. Cela étant, je vais être totalement transparent avec vous : il est vrai que nous avons fait le choix d'une transposition ferme, pour garantir qu'aucune évasion fiscale ne sera plus possible.
Certes, il y a la directive « ATAD » – anti tax avoidance directive – mais cette réforme s'inscrit aussi dans les négociations qui ont eu lieu à l'OCDE, dans le cadre des travaux BEPS – base erosion and profit shifting –, dont nous avons déjà parlé en commission. La France était bien évidemment à la table des négociations. Ces discussions ayant cours depuis des années, les entreprises ont eu le temps d'observer ce qui s'est passé. Pour ma part, après avoir beaucoup échangé sur ce sujet, je n'ai pas finalement le sentiment que cela soulève des problèmes ou, du moins, cause des inquiétudes majeures sur certains aspects techniques que vous évoquez, madame Louwagie. Je pense donc que nous pouvons y aller.
Reste à savoir s'il faut le faire en 2024 ou aujourd'hui : or, vis-à-vis de nos partenaires européens, il est indispensable d'agir aujourd'hui afin d'avancer dans les négociations européennes d'harmonisation fiscale. Peut-être sera-t-il nécessaire de procéder par la suite à certains ajustements techniques – les techniciens parmi nous seront vigilants sur cet aspect – mais je pense que c'est une bonne réforme : nous devons la faire aujourd'hui.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée tout à l'heure. Je comprends bien et je suis d'accord avec ce que vous dites mais cet article pose problème, notamment dans ses alinéas 74 à 82 – cela fait l'objet d'un amendement, sur lequel je ne reviendrai pas ensuite, madame la présidente. Du fait d'une surtransposition, ces alinéas créent deux catégories d'entreprises, celles dont le siège social n'est pas situé en France n'étant pas traitées de la même façon que les autres. Cette distorsion de concurrence du fait de la surtransposition pourrait être contestée auprès des instances européennes. Vous devriez donc répondre à cette question, sans que cela remette en cause ce que vous disiez tout à l'heure – en tout cas, à mon sens.
L'amendement no 2348 est adopté.
L'amendement no 258 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 256 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 257 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2357 de la commission des finances.
Mme Louwagie peut-elle le défendre, dans la mesure où il s'agit de son amendement ?
Si je ne me trompe pas, il s'agit de la réintégration du dispositif d'exception à la limitation de la déductibilité en faveur des concessions, notamment des autoroutes.
Mes chers collègues, je veux vous en parler. Le ministre vient de nous dire qu'il avait fait une transposition ferme. La seule chose que j'ai regardée, car c'est un sujet très compliqué, ce sont les autoroutes. Je me suis donc dit : « Puisque c'est ferme, c'est parce qu'il n'y a pas d'exception pour les autoroutes. » J'étais donc très heureux de constater que le texte du Gouvernement ne comportait pas d'exception pour les autoroutes.
C'est une longue histoire ! Quand nous avons introduit la limitation de la déduction des frais financiers en loi de finances pour 2013, il n'y avait pas d'exception pour les concessions autoroutières dans le texte du Gouvernement. Puis, les lobbies ayant agi avec une efficacité redoutable, il a fallu les réintégrer parce que, même si les autoroutes constituent l'essentiel du sujet, cela concerne également les concessions d'assainissement, entre autres. Nous avons tout de même essayé de limiter cet avantage indu par la suite.
Il faut savoir en effet que lorsque la privatisation est intervenue en 2005 – je m'y étais totalement opposé à l'époque, en tant que rapporteur général – , les sociétés qui ont acheté à l'État l'ont fait en s'endettant à 4 ou 5 % ; puis elles ont renégocié les frais financiers, qui sont tombés à 1 ou 2 %. Est-ce que, chers collègues, vous l'avez constaté dans la baisse des péages ? Pas du tout ! Et en l'espace de dix ans, elles ont ainsi financé les 14,5 milliards qu'elles avaient payés à l'État, uniquement en versant des dividendes.
Je suis donc totalement opposé à une exception de la limitation de la déductibilité, même si, je le sais, cela concerne aussi l'assainissement, car il n'y a vraiment aucune raison financière d'accorder ce type d'exception. Je demande donc au rapporteur général, puisqu'il est l'auteur de l'amendement, si l'on ne pourrait pas prévoir une limitation en valeur pour traiter les petites concessions d'assainissement mais pas les sociétés autoroutières : voilà le sujet !
Tout d'abord, je tiens à m'excuser. Voyant qu'elle était première signataire, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un autre amendement de Mme Louwagie, et, ayant l'habitude, par courtoisie, de donner la parole au premier signataire, c'est ce que j'ai fait alors qu'il s'agit bien de mon propre amendement.
La directive ATAD ouvre une possibilité de retirer tous les projets d'infrastructures publiques. Cela inclut la réfection des routes communales et des routes départementales, la construction d'écoles, la construction d'hôpitaux, la construction et la gestion d'infrastructures de traitement des eaux,...
.. ainsi que, en effet, les concessions autoroutières. En droit, on ne peut évidemment pas exclure les concessions autoroutières de ce système.
En revanche, vous évoquez un effet de seuil. Il ne faut pas punir les différents donneurs d'ordre, et notamment les collectivités locales, parce qu'il y a un problème avec les concessions autoroutières. Je vous propose donc d'adopter cet amendement et, pendant la navette, d'étudier les problématiques de seuil que vous avez soulevées, qui peuvent être un élément intéressant – mais cela ne pourra pas se faire par nature d'infrastructure, sauf à tomber dans quelque chose de parfaitement illégal.
Je donne un avis favorable à l'amendement du rapporteur général. Je veux dire à M. Carrez que je partage totalement son argumentation. Je donne donc un avis favorable, sous réserve que nous trouvions le mécanisme légal permettant de sortir les concessions autoroutières du dispositif, conformément aux explications supplémentaires qui viennent d'être apportées par le rapporteur général. Je pense que la présentation de M. Carrez est extrêmement convaincante : il n'est pas question que nous retombions dans les mêmes travers que par le passé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR sur quelques bancs du groupe LaREM.
Comme pour l'article 12, nous adoptons ici une très bonne démarche : la navette, en nouvelle lecture puis en lecture définitive, apportera des précisions nous permettant de tomber juste et de proposer des solutions qui ne soient pas seulement symboliques. Ainsi, les dispositifs que nous votons aideront bien à avancer, comme l'a dit le rapporteur général, notamment concernant les travaux d'investissement et de maintenance que beaucoup de concessions doivent mener à bien dans les années qui viennent. Nous votons donc favorablement et suivrons très attentivement les discussions pendant la navette.
Nous avons longuement discuté, à l'époque, de ces affaires de concessions. On nous avait alors opposé le problème suivant : une partie des contrats de concessions comporte une clause dite d'« isofiscalité », prévoyant qu'en cas de modification du régime juridique, les concessions ont le droit de répercuter le surcoût sur le tarif. Comment l'amendement que nous examinons s'articulera-t-il avec cette clause ? Si toutes les concessions sortent du dispositif, il n'y a plus de problème : on est toujours à isofiscalité !
Juste un mot car c'est un point très important : pour avoir vraiment longuement étudié ce sujet, je peux vous affirmer que M. de Courson a raison sur la fiscalité spécifique aux concessions autoroutières, notamment la redevance domaniale. Croyez-moi, quand les contrats ont été négociés entre l'État et les sociétés d'autoroutes, cela a été beaucoup mieux ficelé du côté des sociétés d'autoroutes que de l'État ! Par exemple, l'État n'a même pas pensé à l'hypothèse d'une baisse des taux d'intérêt, et qu'il aurait donc dû prévoir une clause de retour à meilleure fortune – je ferme cette parenthèse.
Le Gouvernement nous propose une mesure générale : on bascule dans un autre système général de limitation de la déductibilité. Je pense donc que cela n'entre pas dans la problématique d'isofiscalité des contrats de concessions. Sinon, il faut que vous le sachiez, ces contrats sont tellement bien rédigés que si vous touchez à quelque chose, il y a immédiatement deux conséquences : soit une hausse de péage, soit une prolongation de la concession !
Je veux préciser que les clauses des contrats de concession, qui auraient pu être qualifiées d'exorbitantes du droit commun, ne sont pas du tout l'objet de l'amendement ; nous en avons déjà discuté en commission des finances. Un certain nombre de contrats ont en effet été négociés comme des pieds – excusez-moi ! – , car ils sont faits de telle sorte que l'État est pieds et poings liés face aux concessionnaires autoroutiers, mais ce n'est pas l'objet de l'amendement.
L'amendement no 2357 est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2019.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra