La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise (nos 3798, 3893).
Je vous informe que, à la demande de la commission, en application de l'article 95, alinéa 4, du règlement, l'Assemblée examinera par priorité l'article unique à l'issue de la discussion générale.
La parole est à M. Sylvain Waserman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
J'aimerais commencer par dire merci parce que, contrairement à un projet de loi, qui vient du Gouvernement, et contrairement à une proposition de loi, qui vient de l'un de nos groupes, ce texte est le résultat de travaux et d'un groupe de travail auquel chacun des groupes politiques et des députés qui se sont engagés ont contribué. Je m'attacherai durant tout l'après-midi à le rappeler.
Le 5 mai dernier, monsieur le président, vous m'avez confié un groupe de travail et nous avons déployé une méthodologie à l'image du dialogue que vous aviez conduit et des décisions consensuelles que vous aviez prises pour piloter les travaux de l'Assemblée nationale en temps de crise.
Dans ce groupe de travail, nous sommes parvenus à quatre conclusions. La première, quasi unanime, c'est que nous ne voulions pas d'un état d'urgence parlementaire qui redéfinirait un ensemble de règles spécifiques aux cas de crise, mais que nous comptions nous appuyer sur la gouvernance, sur les textes, sur nos façons de travailler, sur la flexibilité qu'offrent les règles qui régissent nos travaux.
Deuxième élément de conclusion : il fallait construire une boîte à outils. Celle-ci a été alimentée par les soixante idées nées des réunions que j'ai pu avoir avec chacun des groupes politiques. Ce sont autant d'outils utilisables par notre gouvernance, par nous-mêmes, en cas de crise. Chacun des groupes politiques y a contribué.
J'ai noté un certain nombre d'exemples, dont nous pourrons parler, que ce soit sur les contributions écrites – avec des suggestions, en particulier, du groupe UDI-I – , sur les règles applicables aux questions écrites – propositions issues du groupe Libertés et territoires notamment – , sur la vue à 360 degrés de l'ensemble des actions de contrôle du Gouvernement – comme le propose le groupe LaREM – , sur les outils et les techniques de vote à distance, sujet de réflexion de différents groupes – Agir ensemble, LaREM et les autres – ou sur l'organisation des débats, au sujet de laquelle le groupe FI, notamment, a proposé des solutions. Je n'oublie pas le groupe Dem, qui était également représenté dans ce groupe de travail. Nous avons donc, à partir de ces travaux, constitué une boîte à outils qui sera à disposition de la gouvernance lorsqu'il faudra nous préparer à la prochaine crise.
Le troisième élément de conclusion, c'est toute une série d'actions qui ne relèvent pas de décisions dans l'hémicycle mais des questeurs et des services, pour trouver des sites alternatifs et travailler sur un degré de sécurisation supérieur des outils informatiques, dès lors qu'on en aurait une utilisation accrue en situation de crise.
Ces conclusions ont permis d'élaborer un rapport, que vous avez tous commenté et auquel nous avons ajouté, à l'initiative du groupe Socialistes et apparentés, une clause de rendez-vous. C'est la seule différence entre le texte que je vous présente aujourd'hui et le rapport dont je viens de parler : une clause de rendez-vous tous les quinze jours pour la conférence des présidents, dès lors que la gouvernance déciderait d'un passage en « mode crise » et, par exemple, d'un recours aux outils numériques pour les débats ou pour les votes.
J'aimerais insister sur le contrat moral qui a organisé nos travaux. Le contrat moral et le mandat qui m'a été fixé, c'est de ne parler que de l'Assemblée nationale et de nos travaux en cas de crise. Ce contrat moral a été souhaité par l'opposition, et plusieurs groupes de l'opposition ont même fait de son respect la condition sine qua non de leur participation à ces travaux. Il n'y aura donc aucune surprise dans le fait que je respecterai jusqu'au bout ce contrat moral : sur les amendements qui ne traiteraient pas du sujet pour lequel j'ai été mandaté – et sur lequel nous avons travaillé de six à huit mois – , j'émettrai un avis défavorable par principe, malgré l'intérêt qu'ils peuvent avoir sur le fond.
Le deuxième point, que je commenterai à l'envi lors de l'examen des amendements, tient à la question de savoir s'il faut déroger aux règles décisionnelles de la conférence des présidents. Faut-il des majorités qualifiées, faut-il permettre à l'un des présidents de s'opposer, avant de basculer en mode crise ? Je ne traiterai pas le sujet ici car je le ferai lors de l'examen des amendements ; cela a été un grand sujet de débat qui a été tranché, dans le dialogue, par la proposition que nous avons aujourd'hui et qui est cosignée, je le rappelle, par cinq groupes politiques.
Enfin, j'aimerais conclure par un plaidoyer pour notre belle institution qu'est l'Assemblée nationale. Depuis 231 ans, l'Assemblée rythme la vie de notre démocratie. Je voudrais dire à tous ceux qui la décrient et la trouvent inutile que chacune des décisions du Gouvernement pendant la crise a été rendue possible par une loi, parfois d'urgence sanitaire, par un ensemble de textes votés dans cet hémicycle : par là même, cette crise a montré la fonction démocratique essentielle de notre institution.
À ceux qui la décrient, qui critiquent son assiduité ou son travail, je voudrais dire qu'à aucun moment l'Assemblée nationale n'a failli et que, toutes familles politiques confondues, nous étions là quand il fallait débattre, statuer sur des lois importantes, exercer notre rôle de contrôle de l'action du Gouvernement, si important en période de crise.
À ceux qui critiquent aussi sa capacité à se fédérer, je voudrais dire que l'ensemble des décisions qui ont été prises depuis le premier jour de cette crise, relativement à notre fonctionnement, l'ont été à l'unanimité des groupes politiques : cela montre que, malgré la diversité des convictions politiques que nous pouvons avoir, malgré ces différences qui constituent la richesse de notre débat démocratique, lorsque l'essentiel est en jeu – et l'essentiel était bien notre institution et son fonctionnement – , l'ensemble des groupes politiques peuvent unanimement soutenir le président lorsqu'il est conduit à prendre des décisions si importantes.
À ceux, enfin, qui décrient notre assemblée et la considéreraient presque comme sans valeur ajoutée, je voudrais dire qu'il est intéressant de regarder la différence entre l'état dans lequel les textes entrent à l'Assemblée nationale et l'état dans lequel ils en sortent : dans la crise que nous traversons, de nombreux exemples pourraient illustrer cette différence. Finalement, la valeur ajoutée parlementaire, c'est bien la différence entre ce qui entre dans l'enceinte du Parlement et ce qui en sort ; et peu importe, à la limite, que les amendements viennent de la majorité, de l'opposition, du Gouvernement, du Sénat ou de l'Assemblée : cette valeur ajoutée parlementaire, la crise l'a mise en lumière à beaucoup d'égards, sur des thématiques sur lesquelles nous pourrons revenir.
Enfin, à ceux qui voudraient peut-être un peu trop rapidement intégrer l'état d'urgence sanitaire dans le droit commun, je dois dire que notre institution n'a jamais failli. Aujourd'hui, nous l'outillons un peu plus encore pour que, quelle que soit la crise à laquelle nous aurions à faire face, nous soyons là, dans le respect de l'intérêt démocratique commun, pour jouer pleinement et totalement notre rôle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – MM. Jimmy Pahun et Philippe Gosselin applaudissent également.
Dans le contexte exceptionnel que nous connaissons, l'engagement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour endiguer l'épidémie de covid-19 ne doit faire aucun doute, et en aucun cas la gravité de la crise sanitaire ne saurait être sous-estimée. Prendre au sérieux la situation, mesurer le risque sanitaire, agir pour protéger nos concitoyens, anticiper nos modes de fonctionnement ne signifie nullement s'abstenir de porter un regard critique sur la façon dont l'exécutif entend y répondre, en particulier s'agissant de la prorogation d'un régime d'exception, de dispositifs attentatoires aux libertés fondamentales ou de la mise à l'écart du Parlement dans les processus de décision et de contrôle.
Gardons à l'esprit que c'est précisément à sa capacité de fonctionner en temps de crise que l'on mesure l'effectivité de l'État de droit, dont le respect constitue justement l'une des conditions essentielles de la résolution des problèmes en temps de crise. Depuis le début de cette crise sanitaire, alors que des pouvoirs exorbitants du droit commun ont été conférés à l'exécutif, nous n'avons eu de cesse d'alerter sur la nécessité de renforcer le rôle du Parlement. Or l'exécutif et sa majorité refusent de s'engager dans la voie d'un contrôle parlementaire exigeant, le dernier exemple en date étant la dissolution de la mission d'information parlementaire sur la crise du covid-19. Si le Parlement doit s'adapter en temps de crise, nous considérons que cette adaptation doit aller dans le sens d'un renforcement de ses missions, et en particulier de sa mission de contrôle.
Les travaux menés sous la houlette du rapporteur Sylvain Waserman, dans le cadre du groupe de travail sur l'organisation de nos travaux en période de crise, ont été conduits dans le respect et l'écoute mutuels de tous les groupes, et pour cela nous l'en remercions sincèrement. Nous saluons ainsi le refus transpartisan de la création d'un état d'urgence parlementaire et le refus d'institutionnaliser un mode de crise relevant d'une gouvernance et d'un corpus de règles spécifiques. De manière générale, si nous soulignons un travail de qualité, équilibré, nous regrettons malgré tout que rien n'ait été dit sur le recours aux ordonnances, sur la nécessité de renforcer les fonctions de contrôle du Parlement et tout particulièrement de l'opposition, ou encore sur le rééquilibrage des rapports entre le Parlement et le Gouvernement.
Surtout, nous demeurons circonspects sur le choix fait dans cette proposition de résolution et son article unique de confier à la conférence des présidents la possibilité d'adapter temporairement les modalités d'organisation des travaux de l'Assemblée nationale.
Avec cette modification, la majorité pourra seule, je dis bien seule, décider de bouleverser totalement notre mode de fonctionnement parlementaire en cas de circonstances exceptionnelles – circonstances non énumérées, donc laissées à son libre arbitre – , y compris en écartant des membres de la représentation nationale des réunions de commission ou de la séance publique. Même temporaire, cette éviction ne peut être prise à la légère et nécessite des garde-fous solides. Une information a priori des présidents de groupe par le président de l'Assemblée et une clause de rendez-vous tous les quinze jours ne peuvent être considérées comme suffisantes.
La mise en oeuvre d'un mode de fonctionnement exceptionnel pour nos travaux doit faire l'objet d'une prise de décision elle-même exceptionnelle dans ses modalités, donc, selon nous, écarter la règle du fait majoritaire. C'est d'ailleurs ce que prévoit aujourd'hui notre règlement : les décisions de notre assemblée qui limitent, voire privent les députés de leur possibilité d'expression dans l'hémicycle, à savoir le temps législatif programmé, la procédure d'examen simplifiée ou encore la procédure de législation en commission, ne sont pas soumises au fait majoritaire, le législateur ayant considéré qu'il s'agissait de décisions suffisamment graves pour qu'un seul président de groupe puisse s'y opposer.
Nous avons donc déposé des amendements qui garantissent une décision prise à l'unanimité des groupes parlementaires ou, en repli, qui ne pourrait être prise si deux groupes s'y opposent. Si l'un de ces amendements n'est pas adopté, nous nous refuserons à accompagner une modification de notre règlement que nous pourrions amèrement regretter – oui, regretter – si une future majorité était désireuse de saisir n'importe quel prétexte pour écarter une expression pleine et entière des représentants du peuple. Parce que, chacun d'entre nous le sait, demain est un autre jour.
Alors que nous traversons une crise sans précédent, nous avons été contraints, depuis le printemps 2020, d'adapter le mode de fonctionnement de notre assemblée afin de concilier la continuité de nos missions et la mise en place de règles sanitaires strictes. La plupart des parlements nationaux soumis aux mêmes mesures de distanciation sociale ont dû faire appel à de nouveaux modes de travail et d'organisation. Cette adaptation pragmatique à une situation critique inédite a été la garantie du fonctionnement de nos institutions. Car, comme le rappelait dernièrement Mme la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet : « En période de crise, seul le respect des règles et des institutions permet à l'État démocratique de tenir. »
C'est dans cet objectif que nous examinons la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise. Ce texte est la traduction des conclusions d'un groupe de travail transpartisan de la commission des lois, institué le 5 mai dernier par le président de notre assemblée, Richard Ferrand. Le rapport de ce groupe de travail a été adopté le 12 novembre dernier, et je tiens à remercier notre collègue Sylvain Waserman pour son investissement et son engagement dans ses fonctions de rapporteur.
S'il n'est pas opportun de répondre à une situation de crise en créant un corps de règles spécifiques, il est en revanche indispensable que l'Assemblée nationale continue à mener à bien ses missions constitutionnelles. C'est la raison pour laquelle le groupe de travail a fait le choix, d'une part, de créer une boîte à outils pour renforcer les moyens de contrôle de l'action du Gouvernement par notre assemblée et, d'autre part, de modifier le règlement de l'Assemblée nationale. Cette modification est pragmatique et adaptée à l'évolution de nos missions en période de crise. En effet, nous devons pouvoir recourir aux outils numériques qui facilitent le travail à distance, au stade de la discussion comme du vote, en commission comme en séance publique.
La modification du règlement permettra à la conférence des présidents d'adapter temporairement nos travaux en cas de circonstances exceptionnelles de nature à affecter de façon significative les conditions de participation, de délibération et de vote des députés. Cela signifie, tout d'abord, que les modalités de participation des députés en commission et en séance publique seront facilitées, si nécessaire, par le recours à des outils de travail à distance, tenant compte de la configuration politique de l'Assemblée, laquelle ne saurait en effet fonctionner sans la présence d'un nombre minimum de députés pour débattre librement.
Ensuite, les modalités de vote sont aménagées pour rendre possible le vote à distance dans deux cas : lorsque nous nous prononçons sur l'ensemble d'un texte et lorsque nous nous prononçons sur les déclarations du Gouvernement qui donnent lieu à un vote du Parlement en vertu de l'article 50-1 de la Constitution.
Néanmoins, ces adaptations ne sauraient être envisagées sans des garanties quant à la sincérité de nos débats. C'est pourquoi, je me félicite que la proposition de résolution aille au-delà du rapport en prévoyant un dispositif d'encadrement par la conférence des présidents, qui devra se prononcer tous les quinze jours sur le maintien ou la modification des décisions prises en application du texte, ainsi qu'une obligation préalable d'information des présidents des groupes politiques par le président de l'Assemblée nationale.
Je veux, pour conclure, remercier l'ensemble de nos collègues qui se sont mobilisés sur cette question et tout particulièrement Nicolas Démoulin qui a grandement contribué aux travaux du groupe de travail jusqu'au 12 novembre. Il nous faut plus que jamais savoir faire preuve de responsabilité et dépasser nos oppositions pour dégager un large consensus. L'Assemblée a su se réinventer en adaptant ses conditions de travail dans cette période si singulière. Elle ne doit pas pour autant exercer ses missions dans un cadre précaire, mais modifier dans la durée son mode de fonctionnement.
C'est la raison pour laquelle j'apporte mon soutien à la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise. Le groupe La République en marche votera en faveur de ce texte et, conformément à l'état d'esprit qui l'a animé tout au long des travaux qui ont présidé à l'élaboration de la proposition de résolution, ne présentera aucun amendement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Le texte qui nous réunit aujourd'hui porte sur la modification du règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise. Voilà un intitulé bien technique, peut-être même un peu techno. Le sous-titrage s'impose donc : il s'agit, en vérité, d'assurer la démocratie parlementaire en temps de crise, ou encore de faire respecter le Parlement en temps de crise. Pourquoi faut-il répéter une nouvelle fois cette nécessité ? Parce qu'il y a presque un an nous entrions dans une période de couvre-feu : non pas le couvre-feu à dix-huit heures que nous connaissons aujourd'hui, mais un couvre-feu sur les pouvoirs du Parlement et singulièrement sur ceux de l'Assemblée nationale. Disons-le clairement, le Parlement, en particulier l'Assemblée nationale, a été malmené il y a quelques mois – je ne suis pas sûr, malheureusement, que tout cela soit totalement derrière nous.
C'est la raison pour laquelle le président de l'Assemblée nationale a souhaité la création d'un groupe de travail au sein de la commission des lois pour travailler sur une modification du règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise, alors même que notre groupe avait, comme d'autres, déjà pris la mesure des choses, dressé un diagnostic et formulé des propositions.
Nos propositions, je dois le dire, ont trouvé un large écho auprès du groupe de travail conduit par Sylvain Waserman, que je veux publiquement remercier, comme je l'ai déjà fait, en mon nom personnel et au nom de mon groupe.
Nombre de nos propositions ont été réunies sous le vocable « boîte à outils », celle-là même qui faisait florès sous d'autres législatures et d'autres présidents de la République. Il s'agit, il est vrai, de donner au Parlement et aux parlementaires différents moyens pour continuer à travailler, à évaluer et à contrôler la politique du Gouvernement en période de crise – ce n'est pas une mince affaire ! Il s'agit, en réalité, de permettre au Parlement et à l'Assemblée nationale de préserver leurs missions constitutionnelles, particulièrement en temps de crise.
Le choix que nous avons fait collectivement dans cette proposition de résolution est d'assurer le plus possible le recours au droit commun. André Chassaigne le rappelait il y a quelques minutes : les parlementaires n'ont pas souhaité qu'un état d'urgence supplémentaire, qu'un nouveau régime d'exception, soit créé ; ils n'ont pas souhaité qu'un état d'urgence parlementaire soit reconnu et nous éloigne encore davantage de nos responsabilités démocratiques. Nous avons souhaité collectivement conserver la souplesse du droit parlementaire de manière opérationnelle et ciblée. Voilà donc ce qui nous réunit, bien que subsistent entre nous quelques nuances encore.
La proposition de résolution fait la part belle à la conférence des présidents, donc au groupe majoritaire. Certes, nous sommes sous la Ve République et le fait majoritaire est bien ancré dans notre pays, mais il nous semblait, sur un tel sujet, qu'une majorité qualifiée eût été préférable – l'unanimité, en revanche, aurait conduit à instaurer un droit de veto pour l'un des groupes.
Certes, on peut nous dire que le texte prend en considération la configuration politique de l'Assemblée, mais c'était bien la moindre des choses. Rappelons qu'il n'en a rien été lors du premier confinement. Certes, une clause de revoyure est par ailleurs prévue tous les quinze jours, mais elle peut n'être que déclarative et incantatoire. Certes, enfin, une information préalable des groupes par le président de l'Assemblée nationale est prévue. Toutes ces mesures permettent d'encadrer l'organisation des travaux en période de crise, mais nous pensons qu'il aurait fallu aller plus loin.
Parce que nous jugeons essentiel de fixer le droit pour les périodes de crise, guidés par la raison, nous unirons, pour une fois, nos voix à celles de la majorité. Il est tout aussi essentiel de préciser les règles en matière de vote électronique à distance afin de permettre à tous les députés de se retrouver et de s'exprimer devant la nation – ce qui est l'essence même de la représentation nationale.
Si, aujourd'hui, nous nous retrouvons aux côtés de nos collègues de la majorité, malgré nos réserves, malgré les insuffisances du texte, c'est que l'essentiel est en jeu : la démocratie et l'équilibre des institutions. Quand l'essentiel est en jeu, alors naît l'espoir de nous réunir. Puisse cette modification du règlement de l'Assemblée nationale nous le permettre. Dans l'intérêt supérieur de la démocratie et de la nation, le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de résolution.
Bien que vous nous ayez avertis que vous refuseriez d'examiner certains sujets, monsieur le rapporteur, nous ne nous priverons cependant pas de formuler de nouvelles propositions lors de la discussion des amendements, non seulement pour réparer les erreurs du passé, mais aussi pour préparer l'avenir, et toujours, n'en doutez pas, dans un état d'esprit constructif, avec sincérité mais vigilance.
MM. Sylvain Waserman, rapporteur, et Jimmy Pahun applaudissent.
Je veux le dire d'emblée et très franchement : le texte dont nous allons débattre n'est pas anodin, et je suis convaincue que nous pourrons très vite en évaluer la portée.
Mon collègue Sylvain Waserman, vice-président de l'Assemblée et rapporteur de la commission des lois, nous propose de faire évoluer notre règlement afin de travailler mieux et plus efficacement en période de crise. Comment ne pas être d'accord avec cet objectif dans la période que nous vivons ? Au-delà de l'actuelle crise sanitaire, je suis, vous le savez, une fervente partisane de la modernisation de nos règles de fonctionnement : un parlement vivant est un parlement qui s'adapte et qui utilise les outils nouveaux à sa disposition. C'est, je crois, ce que fera l'Assemblée nationale en adoptant la proposition de résolution.
Souvenons-nous des nombreux échanges que nous avons eus et des incertitudes auxquelles nous avons fait face il y a un an maintenant lorsque la pandémie nous a contraints à travailler dans l'urgence, en plein confinement. Il nous a fallu adapter nos règles rapidement pour poursuivre nos travaux et garantir le maintien du débat démocratique. Nous pouvons collectivement nous féliciter de ce que nous avons fait alors : en l'espace de quelques mois, nous avons réussi à examiner sept projets de loi en siégeant près de cent quatre heures, ce qui est tout à fait inédit. Toutes et tous, nous pouvons en être fiers : nous avons su faire vivre le Parlement malgré tout.
J'étais moi-même présente à l'Assemblée pour représenter mon groupe et je me souviens des nombreuses difficultés que nous avons alors rencontrées : jauge restreinte, discussions tardives, délégations de vote… Je veux croire que nous parviendrons aujourd'hui à nous mettre d'accord pour nous doter des outils qui nous permettront, à l'avenir, d'être aussi efficaces.
À l'instar de ses pairs, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est attaché à l'expression démocratique et se félicite des outils proposés par la proposition de résolution, qui, comme je l'ai dit en commission, évite l'écueil de la création d'un régime de crise. Aucune complexification de notre mode de fonctionnement, aucun alourdissement de nos procédures dans ce texte ; simplement une adaptation de nos règles nous permettant de poursuivre nos travaux en toutes circonstances. Aucune stratégie politicienne non plus, contrairement à ce que j'ai pu lire ici et là. L'agilité offerte par ces nouvelles règles de fonctionnement nous servira à tous, mais avant tout au Parlement. C'est la raison pour laquelle le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés apporte son plein soutien à la proposition de résolution.
MM. Sylvain Waserman, rapporteur, et Jimmy Pahun applaudissent.
Apporter des modifications au règlement de notre assemblée n'est pas un sujet qui passionne hors de cette enceinte : vu de l'extérieur, cela s'apparente à de l'intendance organisationnelle – une intendance organisationnelle néanmoins cruciale puisque les règles qu'elle fixe déterminent la manière dont la démocratie s'organise.
Avec la présente proposition de résolution, nous sommes invités à inscrire dans le règlement de l'Assemblée nationale un mode d'organisation propre aux temps de crise. C'est indispensable. Toutes les grandes organisations en ont un, il était donc indispensable que notre assemblée codifie dans son règlement un fonctionnement pour les temps de crise. Je salue à ce titre la démarche du président Ferrand, qui fut ensuite engagée par le vice-président Waserman.
Force est de le constater, depuis maintenant près d'un an, nous tâtonnons, qu'il s'agisse de la présence réduite des députés dans l'hémicycle, nécessaire mais évidemment source des frustrations, ou du vote des amendements, qui, de facto, n'est plus effectif pour nos collègues qui ne peuvent être présents, non pas parce qu'ils ne le veulent pas, mais parce qu'ils ne le peuvent pas au regard de la jauge sanitaire.
Malgré ces tâtonnements, notre assemblée fait partie des parlements qui n'ont jamais arrêté de siéger et qui, sans doute, ont peut-être même le plus siégé pendant la crise sanitaire. Ainsi, certains parlements ont limité leur session à l'examen de textes d'urgence, voire même ont tout simplement cessé de siéger.
Dans la proposition de résolution, vous proposez trois dispositifs. Le premier permet aux députés absents de participer aux débats. Le deuxième, sur lequel je reviendrai, ouvre la possibilité du vote à distance pour certains types de scrutins très limités.
Enfin, vous proposez une boîte à outils bienvenue qui permettra d'adapter les différents outils mis à la disposition des députés, comme les questions écrites ou les contributions écrites, afin de faire face aux crises futures.
Parce qu'il me paraît indispensable qu'un régime d'exception ne s'éternise pas, je vous ai proposé, lors de la conférence des présidents du 12 novembre 2020 – vous l'avez rappelé tout à l'heure – , de faire en sorte que chaque restriction des droits des parlementaires soit encadrée. Il n'a pas été possible de le faire en prévoyant une saisine du Conseil constitutionnel, mais vous avez introduit une clause de revoyure obligatoire par la conférence des présidents, tous les quinze jours à compter de l'adoption de telles mesures ; je vous en remercie, monsieur le rapporteur, et je pense que cette solution est satisfaisante.
Il s'agit cependant de règles d'exception qui comportent des risques pour notre démocratie. Je voudrais ici en mentionner quelques-uns.
En premier lieu, selon la proposition de résolution, la décision d'adapter les modalités de participation et de vote des députés reviendrait à la conférence des présidents : de fait, elle reposerait essentiellement sur le groupe majoritaire. Peut-être aurions-nous pu la conditionner à une approbation à la majorité qualifiée des groupes, comme cela a été dit tout à l'heure. Quoi qu'il en soit, la clause de revoyure nous permettra de mener à bien un suivi très précis en la matière.
Un second point me chagrine un peu plus ; il a trait à l'absence de solutions permettant un véritable vote à distance, en particulier le vote électronique. Certes, vous l'avez rappelé, votre proposition de résolution le rend possible pour deux types de scrutin, sur décision de la conférence des présidents : les votes solennels sur l'ensemble d'un texte, ainsi que ceux portant sur une déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution. Seraient donc exclus les votes sur les amendements et sur les articles des textes en discussion. Or il faut bien admettre que l'essence de notre travail parlementaire réside dans ce type de votes. Sur ce point, vous ne formulez pas de proposition concrète et nous le regrettons.
Pourtant, le vote à distance est pratiqué dans plusieurs parlements en Europe, notamment dans le cadre de cette crise. Par exemple, au début de la crise, la chambre des représentants belge a modifié dans l'urgence son règlement pour permettre le vote à distance en commission, soit à main levée – en visioconférence – , soit par un vote nominal réalisé verbalement à l'aide d'un logiciel de visioconférence.
Monsieur le rapporteur, je vous entends déjà me dire que la Constitution ne le permet pas. Néanmoins, je persiste à penser que l'Assemblée nationale doit rapidement s'atteler à rendre possible un tel dispositif.
Nous sommes bien entendu conscients de la difficulté qu'il y a à adapter notre règlement en période de crise : il s'agit de trouver un compromis entre l'exigence de protection face à des circonstances exceptionnelles et la nécessité de continuer à exercer la démocratie. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés n'a pas déposé d'amendements sur votre proposition de résolution et la votera.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem.
Nous sommes réunis pour examiner une proposition de modification de notre règlement intérieur, à la lumière des circonstances exceptionnelles que nous connaissons depuis le printemps dernier. Le règlement de l'Assemblée nationale doit permettre à la démocratie de fonctionner efficacement en toute situation, malgré les crises qu'elle peut avoir à surmonter. Il s'agit pour nous d'un défi d'autant plus difficile à relever que notre pays compte des députés résidant en tous points du globe – je pense bien entendu aux députés ultramarins et à ceux qui représentent les Français de l'étranger.
Durant les premiers temps de la crise, l'an dernier, tous les groupes politiques ainsi que l'ensemble des services de l'Assemblée ont subi ce que les armées appellent l'effet de sidération, preuve qu'au XXIe siècle la surprise stratégique demeure une réalité. Lorsqu'elle foudroie, il n'existe que deux possibilités : être prêt ou ne pas l'être. Malheureusement, c'est souvent la seconde qui l'emporte ; il faut alors être capable de s'adapter, ce qui nécessite une grande agilité de pensée.
C'est grâce à de telles facultés d'adaptation que l'Assemblée a pu continuer à fonctionner, malgré le caractère inédit de la situation. Entre le 15 mars et le 15 mai 2020, soit pendant la durée du premier confinement, sept projets de loi ont ainsi pu être examinés. La crise n'a jamais empêché le Parlement de fonctionner, mais des améliorations organisationnelles issues du rapport rédigé par le groupe de travail créé le 5 mai 2020 permettront de mieux appréhender les prochaines crises, le cas échéant.
D'ailleurs, si le présent retour d'expérience concerne une crise sanitaire, c'est bien à tout type de crise que nous devons désormais nous préparer, que celle-ci soit sociale, liée à une attaque informatique – cela a été le cas récemment – , à un accident technologique ou à un conflit international majeur.
Le rapport du 20 novembre 2020 dégage quatre axes qui devraient permettre à l'Assemblée de répondre efficacement aux défis éventuels de crises futures : la préservation de ses missions constitutionnelles, la conservation de la souplesse du droit parlementaire, le recours à une boîte à outils et l'adaptation de mesures pratiques à appliquer sans délai.
La présence des députés est une question essentielle : y répondre revient à organiser les modalités par lesquelles la représentation nationale sera assurée. Quelles règles définir pour permettre aux députés de participer aux discussions ? Pour l'avenir, il convient d'envisager un mode de présence qui, quelles que soient les circonstances, assure la représentation proportionnelle des groupes, conformément à l'exigence de principe mentionnée à de nombreuses reprises par le règlement de l'Assemblée nationale. La modification qui nous est proposée est donc nécessaire : elle permettra de sécuriser juridiquement les décisions susceptibles d'être prises en cette matière par les instances de l'Assemblée, compte tenu de circonstances exceptionnelles.
La question du vote à distance est incluse dans celle de la délibération. Ce n'est pas une solution sans faille mais c'est un outil dont nous devons nous saisir. Il confère une certaine souplesse au fonctionnement parlementaire, qui plus est dans les situations où les députés ne peuvent être présents.
Le groupe Agir ensemble se félicite du travail transpartisan qui a été mené et dont la présente proposition de résolution est un heureux aboutissement ; elle constitue pour notre démocratie une avancée indéniable. Le texte présente l'avantage de mettre à jour les règles de l'Assemblée au regard de l'expérience de la crise, en s'appuyant sur la technologie pour remédier aux obstacles auxquels ont été confrontés certains de nos collègues, notamment les députés ultramarins.
Nous devons le consensus auquel nous sommes parvenus en particulier au travail de notre collègue Sylvain Waserman, qui a eu constamment à coeur de concilier les avis des uns et des autres. Je vous en remercie, monsieur le rapporteur. Le groupe Agir ensemble votera donc avec enthousiasme en faveur de la proposition de résolution.
Enfin, nous profitons de la modification de notre règlement pour formuler une proposition qui permettrait selon nous d'améliorer notre organisation et l'efficacité de notre travail parlementaire. C'est le sens de l'amendement no 95 , déposé par notre collègue Jean-Charles Larsonneur, qui vise à mieux répartir les travaux en commission en permettant à la commission de la défense nationale et des forces armées d'être saisie au fond s'agissant des projets de loi autorisant l'approbation d'accords relatifs à la coopération dans le domaine de la défense. En effet, au regard de l'expertise des commissaires concernés, il semble opportun de leur confier l'examen de tels textes.
M. Sylvain Waserman, rapporteur, applaudit.
Il y a bientôt un an, des milliers d'entreprises, d'indépendants, d'administrations et de services publics ont dû s'adapter, souvent en urgence, pour continuer à fonctionner malgré la crise de la covid-19. L'Assemblée nationale y a également réussi, grâce à la compétence de ses services : au plus fort de la crise, nous nous sommes retrouvés dans cet hémicycle à un ou deux par groupe pour voter des lois d'urgence très souvent composées d'ordonnances, à auditionner par visioconférence et à restreindre le contrôle parlementaire aux questions au Gouvernement.
Avons-nous tiré les leçons de cette crise ? Nous ne l'avons sans doute fait que très partiellement, d'abord parce qu'elle n'est pas terminée, ensuite parce que la modification d'habitudes aussi ancrées nécessite un travail de longue haleine. Le groupe de travail que vous avez conduit, monsieur le rapporteur, y a contribué dans un esprit de dialogue.
Selon nous, voici une des premières leçons concrètes que nous devons tirer : il faut rendre d'autres lieux opérationnels pour qu'ils puissent accueillir les travaux parlementaires en cas de nouvelle crise.
Ensuite, la proposition de résolution vient apporter une réponse à l'urgence de la situation. Tout a bien fonctionné au printemps 2020 grâce à la souplesse de notre règlement mais aussi à la coopération unanime de tous les groupes face à l'urgence. Il nous faut néanmoins créer un dispositif susceptible de sécuriser les innovations que sont le vote à distance – dont la nécessité est incontestable – et la délibération physique limitée, en particulier vis-à-vis du Conseil constitutionnel.
Ne pouvant pas anticiper les crises futures, nous devons nous rendre adaptables. Nous souscrivons donc à votre logique de souplesse, notamment en matière de gouvernance. Oui, c'est à la conférence des présidents d'agir en cas de circonstances exceptionnelles. Mais nous divergeons depuis le début sur un point. En conférence des présidents, chaque président de groupe détient autant de voix que son groupe a de membres. Autrement dit, c'est la majorité qui décide. Ce serait donc à elle de décider si nous sommes oui ou non face à des « circonstances exceptionnelles », et de contraindre – ce n'est pas rien – certains représentants de la nation à ne pas délibérer physiquement. Si tout s'est bien passé en 2020, en sera-t-il toujours de même ?
Nous pensons qu'il faut installer un verrou qui soit suffisamment solide sans bloquer notre fonctionnement, par exemple la majorité des deux tiers ou un double droit de veto. Si nous faisons cette proposition, ce n'est pas pour attaquer la majorité ni cette proposition, mais c'est parce que nous sommes guidés par un principe : chaque fois que nous prenons une mesure restrictive de nos droits, il faut imaginer ce que pourraient en faire d'autres élus moins démocrates que nous. Même au sein de notre propre assemblée, le pouvoir doit arrêter le pouvoir.
En commission, monsieur le rapporteur, vous m'avez indiqué que les décisions se prennent à la majorité simple depuis 1954. Mais cela ne saurait constituer un argument : entre 1954 et 2020, il n'y a eu ni invasion du territoire, ni crise de cette ampleur, ni épidémie mondiale ! Le propre des crises est d'être exceptionnelles, et celle de l'année dernière l'a été. Nous parlons bien de cas extraordinaires, pour lesquels il ne devrait pas y avoir de difficulté à imaginer des dispositifs nouveaux. Nous devons être capables de remettre en cause des procédés bien installés pour affronter l'inconnu et le pire.
Si le texte est maintenu en l'état, une procédure d'examen simplifiée pourra faire l'objet d'un droit de veto, mais l'instauration d'un fonctionnement de crise selon lequel les présences seraient plafonnées ne le pourra pas ; nous devrions donc en prendre acte comme d'une décision banale.
Vous avez retenu la clause de revoyure suggérée par de nombreux groupes et en particulier par Jean-Christophe Lagarde, ce qui est une très bonne chose. En revanche, vous l'avez compris, la simple information des présidents de groupe n'est à nos yeux pas suffisante.
C'est ce qui nous a conduits à nous abstenir lors de l'examen du texte en commission. Nous espérons le faire évoluer, afin de « dissiper les craintes exprimées », comme l'a dit le président Richard Ferrand lors de la remise du rapport. Nous ne voudrions pas réitérer l'expérience de la réforme du règlement de 2019, car l'exigence de concertation ne s'était pas toujours concrétisée lors de la discussion parlementaire.
Parce que nous voulons tirer les leçons de la crise, nous sommes à votre disposition pour améliorer certains outils abondamment utilisés en 2020, en particulier les questions écrites et les contributions écrites, qui nous sont chères, mais aussi les ordonnances, pour lesquelles une association maximale du Parlement est nécessaire.
Enfin, les crises doivent aussi être l'occasion de modifier les logiques routinières. Le « monde d'après » parlementaire doit absolument se moderniser en prenant en compte la situation particulière de nos collègues ultramarins : ils doivent pouvoir voter et participer à distance autant que possible, afin de compenser l'inégalité géographique qu'ils subissent.
Le groupe UDI et indépendants espère que la discussion parlementaire nous permettra de progresser sur l'ensemble de ces points, afin de tendre vers un dispositif qui soit le plus abouti possible.
Voilà presque un an – c'était le 23 mars 2020 – que l'état d'urgence sanitaire a été proclamé, donnant la possibilité au Premier ministre de prendre par décret toutes les mesures jugées nécessaires pour faire face à l'épidémie.
Si le caractère d'urgence de la situation nécessite des mesures exceptionnelles, rien ne justifie en revanche le fait d'écarter les représentants de la nation de la construction des solutions et des décisions qui en découlent. Malgré les tentatives du Gouvernement pour ignorer le pouvoir législatif, le groupe La France insoumise a travaillé sans relâche, depuis l'arrivée de la covid-19 en France, pour être force de proposition. Son travail sérieux, mis à la disposition de toutes et de tous afin d'offrir des solutions de rechange à celles proposées par le Gouvernement, a permis, depuis mars 2020, de publier onze propositions de loi, six plans et quatre guides et de former une commission d'enquête spécifique à la gestion de crise.
Après avoir contourné le Parlement, le Gouvernement l'a muselé. Après la remise d'un premier rapport en juin 2020, assorti de nouvelles conclusions en décembre, il a été décidé à la fin du mois de janvier dernier, on ne sait pour quelles raisons, de dissoudre la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la covid-19. L'explication est peut-être à chercher du côté d'une politique de gestion de crise hasardeuse, que vous préféreriez dissimuler plutôt qu'assumer.
Le point culminant de votre dérive renvoie à la place prépondérante laissée au conseil de défense dans la conduite de la politique sanitaire nationale. Cette instance de décision est régie par le secret-défense. Les parlementaires en sont exclus et découvrent l'identité de certains de ses membres par voie de presse.
Aujourd'hui, nous discutons d'une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale dans le but de faciliter le travail du Parlement en période de crise.
Nous nous réjouissons, comme en commission, que la majorité présidentielle s'essaie à la planification sanitaire – méthode que nous réclamons depuis des mois dans tous les domaines de l'action publique. Dans cette optique, on a nommé un commissaire au plan, M. François Bayrou, mais il semblerait que le mode d'organisation du prochain scrutin législatif l'inquiète plus que les perspectives de résolution de la crise.
Nous regrettons que cette proposition de résolution serve de prétexte à un nouvel affaiblissement du Parlement. Le règlement de l'Assemblée nationale issu de la révision constitutionnelle de 2008 prévoit que la composition des huit commissions permanentes, de soixante-treize députés chacune, respecte les proportions des groupes politiques. Certains groupes minoritaires, dont le nôtre, ne disposent que de deux sièges par commission permanente. En divisant par deux, depuis des mois, le nombre de députés pouvant siéger en commission, vous mettez en péril la possibilité, pour les groupes d'opposition, d'exercer leurs prérogatives de proposition législative et de contrôle de l'action du Gouvernement.
De plus, avec ce texte, la conférence des présidents pourra adapter les modalités de vote, notamment en recourant à des outils de travail à distance. L'exposé des motifs de la proposition de résolution indique que deux types de scrutin peuvent être inclus dans le champ du vote à distance : les votes sur l'ensemble d'un texte et ceux sur les déclarations du Gouvernement effectuées en application de l'article 50-1 de la Constitution. Mais le respect du principe du vote personnel et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ne nous semble pas en mesure d'exclure du dispositif tous les autres types de scrutin.
La majorité présidentielle n'en est pas à son coup d'essai en matière de limitation des pouvoirs du Parlement. Les procédures accélérées, le recours systématique aux ordonnances, le passage en force par l'article 49. 3 lors du débat sur la réforme des retraites, la réforme du règlement de notre assemblée en 2019, les amendements de l'opposition jugés irrecevables quand ils sont trop nombreux, le second vote quand le premier ne satisfait pas le Gouvernement : tout nous laisse à penser que cette proposition est une nouvelle étape dans la remise en cause de notre institution.
Aucune crise ne saurait justifier une telle dérive. Même s'il est indispensable d'anticiper en se dotant de procédures adaptées, le caractère imprécis de votre texte laisse craindre que la subjectivité qu'il engendre n'en fasse un support légal de la mise sous tutelle de l'Assemblée nationale. Nous, parlementaires insoumis, refusons d'aggraver le délitement de notre institution et la concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif. Nous proposerons donc des amendements visant à donner à ce texte un sens qui correspond mieux au fonctionnement des démocraties modernes.
Le groupe Libertés et territoires tient avant tout à saluer la qualité des travaux, entrepris à l'initiative du président Ferrand, qui ont permis d'aboutir à cette proposition que nous avons cosignée. Je veux en particulier souligner les importants efforts de concertation déployés par notre rapporteur Sylvain Waserman, ainsi que l'esprit de consensus et la qualité des échanges qui ont prévalu, tant au sein du groupe de travail que lors de l'examen du texte en commission.
L'objectif de cette proposition de résolution est d'introduire dans le règlement une option plus souple permettant à la conférence des présidents d'avoir, en période de crise, toute latitude pour adapter les modalités de discussion et de vote, en commission comme en séance publique. Cette solution nous paraît être la plus adaptée.
La création d'une structure de travail ad hoc du Parlement en temps de crise, qui avait été évoquée au début des travaux, aurait abouti à un fonctionnement de l'Assemblée nationale au rabais, que nous ne souhaitons pas. Nous considérons en effet qu'il faut tout faire pour préserver le bon fonctionnement de notre vie démocratique et de nos institutions, y compris lors des crises les plus graves. L'Assemblée nationale doit travailler autant que possible à cadre réglementaire constant, en particulier pour contrôler efficacement la gestion des crises. Les mesures dérogatoires de travail législatif introduites au coeur de la crise sanitaire du printemps dernier – deux représentants par groupe en séance – n'étaient satisfaisantes ni d'un point de vue constitutionnel ni d'un point de vue politique. Nous saluons donc la clarté du rapporteur sur le fait que ces modalités sont désormais exclues.
L'une des pistes du rapport consiste à adapter les modalités de participation des députés aux réunions de commission ou aux séances publiques à la configuration politique de l'Assemblée. Cela nous paraît aller dans le bon sens car il faut au minimum maintenir la proportionnalité de la représentation des groupes. Toutefois, il nous paraît inenvisageable d'interdire formellement à un député d'accéder à l'hémicycle ou à une commission. On ne saurait empêcher un député de siéger et de faire son travail le plus fondamental. La bonne organisation en temps de crise relève aussi – j'insiste sur ce point – de la responsabilité de chacun des groupes, auxquels il faut faire confiance. C'est pourquoi, si nous voyons cette modification du règlement de l'Assemblée nationale d'un bon ? il, nous appelons, à l'instar de plusieurs autres groupes, à éviter au maximum l'écueil d'une décision en conférence des présidents par la seule voix de la majorité, qui de facto peut décider seule au sein de cette instance.
Nous aurions souhaité la solution d'une décision à la majorité qualifiée. Si l'unanimité peut être problématique, un seul groupe ayant le pouvoir de bloquer toute décision, la décision à la majorité qualifiée nous paraît être une mesure de bon sens, respectueuse de l'opposition qui sait se montrer à la hauteur de ses responsabilités lors des périodes de crise. Nous pourrions réfléchir collectivement à des modalités permettant son instauration. Si cette décision à la majorité qualifiée n'est pas retenue, la recherche du consensus, nous y insistons, devra prévaloir autant qu'il est possible. L'introduction dans le texte d'une clause de revoyure, permettant à la conférence des présidents de se prononcer, tous les quinze jours, sur le maintien ou non de ses décisions est en ce sens une disposition bienvenue.
Enfin, parmi les différentes propositions qui figurent dans la boîte à outils élaborée par le groupe de travail, nous sommes favorables à l'instauration du vote à distance pour les scrutins sur l'ensemble d'un texte ou sur une déclaration du Gouvernement au titre de l'article 50-1 de la Constitution. Nous espérons même que cette modalité de vote, qui existe au Parlement européen, sera explorée dans le cadre normal de nos travaux, et pas seulement en période de crise.
Nous saluons l'inscription parmi les outils à retenir de la proposition que j'avais formulée dans le cadre du groupe de travail : utiliser les questions écrites pour renforcer le contrôle du Gouvernement, en donnant la priorité aux questions liées à la crise et en renforçant la capacité pour les groupes de signaler les questions demeurées sans réponse.
Nous soutenons également l'outil qui vise à garantir l'information des parlementaires au niveau local par la tenue de réunions régulières avec les préfets. Cette proposition, qui correspond à l'une de nos demandes récurrentes, permettrait d'adapter au mieux la réponse publique aux spécificités territoriales.
C'est pourquoi notre groupe soutiendra cette proposition de résolution que nous avons contribué collectivement à bâtir dans un esprit de construction et de responsabilité.
M. Sylvain Waserman, rapporteur, applaudit.
Quelle que soit la crise que traverse notre pays, la démocratie ne doit jamais cesser de fonctionner. Le 9 décembre 1893, lorsqu'une bombe artisanale est lancée dans l'hémicycle, le président de la Chambre maintient la séance. Lors de la crue historique de la Seine en 1910, les députés traversent la cour sur des canots, promettant de siéger sur les gradins si l'eau venait à submerger leurs bancs. En 1918, la grippe espagnole non plus n'a pas eu raison de la continuité des débats.
Face à la pandémie de covid-19, nous avons été contraints, comme nos prédécesseurs, de nous adapter aux circonstances exceptionnelles, mais le défi est de taille et pose une réelle question démocratique car l'essence du travail parlementaire s'accommode mal du confinement. Notre mission est de faire la loi, de la construire par un débat qui se doit d'être aussi approfondi que contradictoire et ouvert. La représentation nationale ne doit en aucun cas devenir une instance passive où seraient enregistrées, de façon automatique, des décisions souveraines du Gouvernement. Le Parlement est bien le lieu où l'on vote, mais il est aussi celui où l'on se parle et où l'on parle aux Français.
L'Assemblée en temps de crise doit non seulement persister, mais également assurer la qualité et l'intégrité des débats, protéger ses équilibres politiques, garantir l'expression du pluralisme et l'effectivité du mandat de chacun des élus qui la composent. Si les bouleversements sont imprévisibles, ils sont appelés à se multiplier. Nous devons veiller à ce qu'ils ne servent pas de prétexte pour affaiblir les contre-pouvoirs démocratiques et museler les oppositions.
Depuis mars dernier, l'épidémie a fait basculer durablement le fonctionnement du Parlement, comme de toutes nos institutions, dans une zone grise où les garanties démocratiques les plus élémentaires sont mises à mal. À la faveur d'une crise dont on ne voit pas le bout, on instaure un état d'urgence permanent. Sans remettre en cause la nécessité de prendre des mesures fortes pour lutter contre l'épidémie, j'estime que la perpétuelle prorogation de l'état d'urgence doit nous alerter. En particulier, le Gouvernement s'offre la possibilité de prendre l'ensemble des mesures de police sanitaire par voie d'ordonnance, excluant de fait la représentation nationale des processus décisionnels.
Dans ces conditions, le Parlement n'est définitivement plus en mesure d'exercer sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action gouvernementale. L'équilibre des pouvoirs n'est plus respecté, l'exécutif est prépondérant face à un législatif déjà très faible en temps normal, et désormais écrasé. Le danger est de voir ce fonctionnement vicié devenir normal. S'adapter ne doit pas signifier s'habituer ou se résigner à tout. Au coeur de la crise, on finit par ne plus s'étonner de rien et par perdre les réflexes démocratiques les plus élémentaires ; or nous ne devons pas baisser la garde, bien au contraire.
À l'heure où nos institutions et notre modèle représentatif sont mis en cause, la gestion de la crise sanitaire devient le théâtre de tous les abus liés aux dysfonctionnements de la Ve République. Au-delà des enjeux strictement sanitaires, cette situation doit nous interroger plus globalement sur l'exercice du pouvoir et de la démocratie en France. Il est de notre devoir de nous engager collectivement pour le renouveau, pour la relance démocratique de notre pays, et d'ouvrir une vraie réflexion sur l'avenir de nos institutions.
Si la crise a exacerbé ces symptômes, notre démocratie est malade depuis bien des années. Les difficultés sur lesquelles nous butons aujourd'hui sont les effets comme les causes d'enjeux plus anciens. L'hyperprésidentialisation, le technocentrisme, le manque de représentativité de nos institutions – si la parité a progressé à l'Assemblée sous cette législature, qu'en est-il de la diversité ? – , tous ces sujets de fond deviennent clairement problématiques. Des situations de crise peut émerger le pire, mais également le meilleur. En nous poussant à revoir notre mode de fonctionnement, cette crise nous offre l'occasion de nous pencher sur ces insuffisances et non seulement de nous adapter, mais aussi de réparer ce qui s'effrite, d'améliorer ce qui fonctionne et d'oser inventer ce qui nous manque encore.
L'initiative d'une révision de notre règlement est en ce sens bienvenue et nous la soutiendrons, mais je ne peux qu'en déplorer le manque d'ambition. Nous aurions au moins pu prendre exemple sur nos collègues du Parlement européen, qui ont rapidement pris des mesures suffisantes permettant aux députés d'exercer leurs droits démocratiques et leurs devoirs législatifs grâce au vote à distance et à la participation dématérialisée. Le droit d'amendement, en particulier, est constitutionnel et ne saurait être effectif que si l'on garantit aux élus la possibilité de défendre leurs amendements et de les voter.
À plus large échelle, c'est tout notre fonctionnement institutionnel qui doit évoluer en profondeur. L'élection à la proportionnelle de notre assemblée notamment, maintes fois promise, toujours ajournée…
Ce n'est pas le sujet du jour, ni peut-être celui de demain, d'ailleurs !
… – mode de scrutin plus simple et plus juste, semblable à ce qui existe et fonctionne dans la plupart des démocraties européennes – , serait de nature à faciliter l'indispensable transition démocratique.
Il n'y a rien de négatif dans le changement à condition d'avancer dans la bonne direction. Nos règlements comme nos lois et notre Constitution ne sont pas des textes figés, c'est à nous de les façonner continuellement pour répondre au mieux aux évolutions et aux enjeux de notre temps.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de résolution, examiné par priorité.
Je rappelle souvent, dans cet hémicycle, que lorsqu'on légifère – mais aussi, en l'occurrence, lorsqu'on modifie le règlement de notre assemblée – notre main doit trembler. Les décisions qu'on prend dans un contexte donné, avec la majorité actuelle et le président que vous êtes, cher Richard Ferrand, peuvent un jour avoir des répercussions qu'on ne mesure pas.
Aujourd'hui, une décision prise par la seule majorité peut impliquer la recherche du consensus, la volonté de communiquer en amont avec les présidents de groupe, de partager la réflexion et d'aboutir à une solution collective. Ce sera peut-être la méthode que vous appliquerez : je ne mets pas en doute votre éthique. Mais demain, il peut y avoir une autre majorité, qui ne se comporte pas de la même façon, et les décisions qui seront prises en conférence des présidents par cette seule majorité pourront avoir des conséquences beaucoup plus graves que ce qu'on imagine aujourd'hui.
C'est pour cette raison qu'il me semble indispensable, comme à beaucoup d'intervenants, de ne pas laisser à la seule majorité la responsabilité d'entraver le pouvoir de légiférer des députés, car c'est une chose sérieuse. Je l'ai évoqué dans la discussion générale, mais je tenais à revenir sur ce point qui m'apparaît capital vu les conséquences gravissimes qu'une telle disposition pourrait entraîner.
La réflexion que je m'apprête à faire s'inspire d'une situation imprévisible, que le rapporteur Waserman ne pouvait donc pas anticiper : elle est née de la difficulté que nous avons rencontrée dans le cadre de la commission d'enquête sur la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19. Rien, dans la modification du règlement qui nous est proposée, ne permet de prévoir, de façon presque automatique, que dès lors que l'élément fondateur de l'état d'urgence reste d'actualité, la commission d'enquête devient, à l'issue du délai de six mois prévu par l'ordonnance du 17 novembre 1958, une mission d'information.
Je vous l'ai dit, monsieur le président : je crois sans réserve tout ce que vous affirmez. Quand M. Borowczyk prétend que ce n'est pas lui qui a fait ce choix, il ment. En prenant la décision de suspendre les travaux de la commission d'enquête, comme Michel Larive l'a souligné, il a commis une faute majeure au vu de l'inquiétude des Français, mais aussi des questions que pose la gestion de l'épidémie.
Ainsi, la commission d'enquête n'a pas pu se pencher sur la campagne de vaccination, alors que nous voulons tous savoir comment l'Europe – car il ne s'agit pas uniquement d'accuser le gouvernement français – a échoué sur cette thématique primordiale. En prenant cet exemple, je veux vous signifier, monsieur le président, qu'au-delà de cette proposition de résolution – que notre groupe soutiendra, ainsi que notre présidente Valérie Rabault l'a annoncé pendant la discussion générale – , nous souhaitons mener, sous votre autorité et celle de M. Waserman, une réflexion sur le contrôle du Gouvernement par le Parlement en période d'état d'urgence. Tel est le sens de mon intervention.
Quelques mots seulement à ce stade, car nous aurons l'occasion d'y revenir : nous voterons nous aussi, comme je l'ai dit à la tribune, en faveur de cette proposition de résolution. Nous ne sortirons pas une condition supplémentaire de notre chapeau à la dernière minute : un engagement est un engagement, et nous l'avons pris dans l'intérêt supérieur de l'Assemblée, donc de la nation.
Mais, pour compléter les propos que j'ai tenus au cours de la discussion générale, il ne faudrait pas que cette révision du règlement nous exonère d'autres réflexions concernant le fonctionnement du Parlement en temps de crise et des ardentes obligations qui s'imposent à nous en la matière. Des tâtonnements se sont fait jour au mois de mars 2020 – personne ne peut en faire le reproche à quiconque, même si on peut le regretter : nous nous sommes trouvés, les uns et les autres, au pied du mur, confrontés à une situation inédite. Si la démocratie parlementaire n'a pas vacillé, elle a tout de même trembloté et bien toussoté, et nous avons rencontré des difficultés.
Une commission d'enquête a, en effet, été mise sur pied, avec quelque difficulté. Or, si le rapport qu'elle a rendu a eu de larges échos, la crise n'est pas terminée. Il semblerait donc important que l'Assemblée puisse continuer à en évaluer les effets sur un certain nombre de politiques, bonnes ou moins bonnes, ou encore les lacunes qui ont pu apparaître. Je n'insisterai pas davantage sur ce point car, si c'est le lieu, ce n'est pas le moment de le faire.
Il ne faudrait pas, néanmoins, que cette réforme de notre règlement, qui est certes limitée mais dont les effets pourraient se révéler assez importants, soit considérée comme l'alpha et l'oméga du fonctionnement de l'Assemblée en temps de crise. D'autres éléments, sur lesquels nous avons insisté à plusieurs reprises, en particulier dans le cadre des travaux préparatoires de la commission, doivent également être pris en considération, notamment concernant l'écoute et le respect dont les différents groupes doivent faire preuve, mais aussi les règles d'équilibre, donc les pouvoirs et les contre-pouvoirs, qui sont tout aussi importants dans une démocratie et dans une assemblée comme la nôtre.
Ils visent à réduire la flexibilité dont nous disposerions pour décider d'adapter notre fonctionnement en période de crise, en remplaçant les termes « circonstances exceptionnelles » par « état d'urgence » ou « état d'urgence sanitaire ».
Deux éléments me conduisent à émettre un avis défavorable. D'abord, et c'est un point important, nous ne limitons pas la portée de cette proposition de résolution aux cas de crise sanitaire.
Ensuite, de manière plus fondamentale, c'est l'exécutif qui décide de déclencher l'état d'urgence sanitaire. Nous ne pouvons pas le laisser décider à notre place si nous devons basculer en fonctionnement de crise : nous devons conserver notre pouvoir de décision, en confiant cette décision à la conférence des présidents, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Pour cette raison, je donne un avis défavorable.
Il a pour objet de prévoir un garde-fou indispensable à l'enclenchement du futur article 49-1 B de notre règlement. Nous ne pouvons pas décider aujourd'hui que la liberté d'expression et le pouvoir de légiférer des députés pourraient être entravés par l'instauration d'une jauge qui empêcherait une immense majorité d'entre eux d'accéder aux travaux des commissions ou à l'hémicycle afin de débattre d'un texte ou d'exercer leurs fonctions de contrôle.
Même des circonstances exceptionnelles ne sauraient justifier qu'une majorité seule remette en cause le principe constitutionnel posé par l'article 27 de la Constitution, qui déclare la nullité de tout mandat impératif. C'est pourtant ce qui pourra se produire lorsque cet article sera adopté : un député pourrait, en raison de la jauge imposée, se voir empêché de défendre des amendements qui diffèrent de la position de son groupe – ce qui arrive notamment, dans des groupes tels que le mien, pour les députés d'outre-mer.
Le recours à cet article n'est donc pas une mince affaire : tout comme pour l'enclenchement du temps législatif programmé, de la procédure d'examen simplifié ou encore de la législation en commission, il faut que l'ensemble des présidents de groupe en soient d'accord. Imaginez que, demain, une majorité décide d'enclencher ce futur article au motif qu'une grève paralysant le pays constituerait une circonstance exceptionnelle de nature à affecter de façon significative les conditions de participation, de délibération ou de vote : cela n'aurait rien d'impossible ! C'est à nous, ici et maintenant, d'anticiper de telles situations.
Nous proposons donc, à travers cet amendement, qu'un président de groupe puisse s'opposer au recours à ces modalités exceptionnelles d'organisation de nos travaux : à procédure exceptionnelle, enclenchement exceptionnel.
Il s'inscrit dans la même logique que celle défendue par notre collègue Chassaigne. Nous proposons toutefois que deux présidents de groupe puissent s'opposer au déclenchement de l'article 49-1 B, afin, précisément, d'éviter qu'un seul groupe puisse bloquer le processus.
Jean-Christophe Lagarde l'a indiqué à plusieurs reprises : nous sommes favorables à cette proposition de résolution, exception faite d'un point nous gêne : le pouvoir donné à la majorité de décider de tout. Dans une situation extraordinaire, il nous semble en effet important, pour donner encore plus de force à une décision de ce type, de s'assurer qu'elle est validée par toutes les parties et pas seulement par la majorité – comme cela s'est produit l'année dernière, tous les présidents de groupe s'étant montrés responsables – , donc qu'elle ne puisse pas être prise si deux présidents de groupe y mettent leur veto. Il s'agit simplement de permettre à chacun d'être associé aux choix plutôt que de laisser la majorité décider toujours seule de tout.
Nous l'avons dit, il n'y a là nulle critique de la majorité actuelle. Toutefois, un outil pareil, placé dans les mains d'élus ayant une autre conception de la démocratie, pourrait avoir d'autres effets.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 109 .
Je suis un peu gêné, car il s'agit d'un amendement de repli : il est évident que si l'amendement no 107 était adopté, celui-ci ne s'imposerait pas. Je le défends tout de même, mais c'est un peu regrettable.
L'amendement vise à prendre en considération les craintes que vous ne manquerez sans doute pas d'exprimer, monsieur le rapporteur, à propos de l'opposition inconsidérée d'un unique président de groupe, qui s'emploierait, pour son pur plaisir, à bloquer le processus – je recherche, comme vous le faites souvent, monsieur le président, un consensus.
Pourquoi cet amendement ? Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, vous être livré à un exercice « d'archéologie parlementaire » – j'aime bien ce terme. Vous avez donc dû, au cours de vos recherches, retrouver le compte rendu de la conférence des présidents du mardi 17 septembre 2013. Que s'est-il passé ce jour-là ? Le groupe des députés communistes s'est opposé à l'examen en temps législatif programmé du projet de réforme des retraites présenté par la majorité socialiste de l'époque – majorité qui avait d'ailleurs recours à cette procédure pour presque tous les textes. Pour une réforme des retraites, nous avons estimé que cela n'était pas acceptable. Le président et tous les membres de la conférence des présidents m'ont regardé comme si j'étais devenu fou – et pour cause : c'était la première fois, depuis l'introduction de cette procédure dans la Constitution et le règlement de l'Assemblée en 2008, qu'un président de groupe s'opposait à son usage. Cinq ans durant, le temps législatif programmé avait été utilisé sans que jamais personne ne s'y oppose ! Mes camarades socialistes pensaient donc, tout bonnement, qu'il n'était pas possible de le faire.
Cette anecdote parlementaire a son importance, car elle prouve que les possibilités d'opposition dont dispose un président de groupe ne sont jamais utilisées de façon inconsidérée – surtout quand c'est moi qui en fais usage – ,
Sourires
mais seulement quand cela s'avère indispensable pour la démocratie.
Toutefois, si vous craignez qu'une présidente ou un président de groupe prenne, demain, la responsabilité politique de s'opposer à l'enclenchement de cet article alors qu'il s'imposerait, nous vous proposons de donner cette possibilité à deux présidents de groupe, et non à un seul. N'est-ce pas là la voie de la sagesse ?
Chacun a bien compris, monsieur le président Chassaigne, qu'il s'agissait là d'un amendement subsidiaire, le principal ayant été exposé précédemment.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l'amendement no 2 .
Comme M. Chassaigne, je m'étonne de devoir présenter un amendement de repli avant le vote sur l'amendement initial. Ce procédé semble très particulier, comme nous l'avions déjà fait remarquer lors de l'examen de textes précédents ; mais qu'à cela ne tienne.
Il s'agit ici de conditionner la décision de la conférence des présidents au recueil d'une majorité des deux tiers. Je le répète : cet article trouvera à s'appliquer dans des situations extraordinaires. Lorsque le Parlement, réuni en congrès à Versailles, réforme la Constitution, par exemple, il ne le fait pas à la majorité simple mais à la majorité des deux tiers. Nous pourrions considérer que, dans des circonstances exceptionnelles, c'est la même règle qui doit s'appliquer. Je vous l'assure : la décision qui serait ainsi arrêtée aurait plus de force que si elle était prise à la majorité simple.
Ce point a largement animé nos travaux en commission : nos débats ont essentiellement porté sur le fait de savoir si la conférence des présidents devait respecter le fait majoritaire.
Vous évoquiez, monsieur le président Chassaigne, l'archéologie parlementaire. Ce terme renvoie à la thèse très intéressante de M. Bruniet, dans laquelle il apparaît que l'adoption de la règle du fait majoritaire comme mode de prise de décision par la conférence des présidents date de 1954. Vous avez raison, quelques exceptions existent. Vous évoquiez l'opposition au temps législatif programmé lorsque le délai de six semaines n'est pas respecté. On peut également songer à la procédure d'examen simplifiée, à laquelle un président de groupe peut s'opposer s'il estime que le texte est trop technique.
Nous nous sommes prononcés, à l'issue de nos travaux, contre la dérogation à la règle du fait majoritaire, pour deux raisons.
D'abord, cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore : dès lors qu'on soumettrait le déclenchement de l'article 49-1 B au recueil d'une majorité des deux tiers, on aurait tôt fait de considérer que ce n'est pas là la seule décision importante que prend la conférence des présidents – il y en a beaucoup d'autres – et d'entamer une réflexion sur le fait majoritaire. Or ce dernier constitue tout de même le principe fondateur des règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale, en ce qu'il découle de l'expression démocratique permise par le scrutin majoritaire.
Cette question était au coeur des échanges qui se sont tenus avec plusieurs présidents de groupe – je me souviens notamment d'une discussion avec M. Abad. Évidemment, la tentation existe, dans tous les groupes, d'inventer une règle ad hoc. Nous avons finalement considéré – c'est en tout cas le point d'équilibre que nous avons trouvé – que nous ne devions pas déroger au respect du fait majoritaire, qui fonde le fonctionnement de notre Parlement.
Aux arguments selon lesquels vous faites confiance à l'actuel président de l'Assemblée mais craignez que d'autres adoptent un comportement moins consensuel et ne cherchent pas à fédérer tous les groupes politiques, notamment si des représentants de mouvements populistes totalitaires ou antirépublicains devenaient majoritaires à l'Assemblée, je réponds que vous avez évidemment raison, mais que l'utilisation de l'article 49-1 B serait alors le moindre de nos soucis : c'est l'intégralité de notre règlement qui ne résisterait pas au scénario catastrophe que vous évoquez.
Sur le fond, les décisions doivent bien sûr se prendre à la majorité la plus large possible, comme cela a été dit entre autres par Mme Pinel. Je soulignais tout à l'heure que les décisions de la conférence des présidents, prises tout au long de la gestion de la crise du covid-19, l'ont été à l'unanimité. La situation que nous avons vécue en mars 2020 a évidemment produit un effet de sidération et, les crises se multipliant, l'exigence de chacun ira peut-être croissant. Il faut néanmoins faire confiance au fait majoritaire qui fonde le fonctionnement de notre assemblée. Si nous y dérogeons, nous mettrons le doigt, me semble-t-il, dans un engrenage qui nous dépassera.
Enfin, la proposition équilibrée que nous vous soumettons a été approuvée par les groupes de la majorité mais aussi par le groupe LR avec lequel nous avons beaucoup échangé. Nous sommes arrivés à la conclusion que, dans le cadre d'un texte relatif au fonctionnement de l'Assemblée en période de crise – ce qui suppose de notre part agilité et réactivité – , nous ne devions pas déroger au fait majoritaire qui fonde notre institution.
Je ne déduirai pas de ces débats que le plus simple serait de ne pas changer de majorité : ce serait déplacé…
Sourires.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 46 .
Il vise à associer à la conférence des présidents un représentant des députés non inscrits, une cause qui, vous le savez, monsieur le président, monsieur le rapporteur, m'est chère.
Afin d'être parfaitement informés, les députés non inscrits devraient être associés à la conférence des présidents dès lors que ses décisions visent à modifier l'organisation des travaux parlementaires, décisions qui, par le fait, les concernent également.
J'avais déjà dit, en commission, que l'absence de représentant des députés non inscrits en conférence des présidents aboutissait à un défaut d'information. Vous m'aviez alors répondu, monsieur le rapporteur, que ce n'était pas exact puisque les députés non inscrits sont, comme les autres députés, informés des décisions de la conférence des présidents à travers le compte rendu qui en est fait. Or vous savez bien que ce compte rendu ne reflète pas l'intégralité des discussions de cette instance – et pour cause – , lesquelles peuvent porter sur des informations extrêmement importantes pour tous les députés, y compris pour les non inscrits. Les députés qui n'assistent pas à la réunion ne disposent donc pas d'une information complète.
Pour vous donner des exemples très précis, on peut discuter en conférence des présidents – sans forcément prendre de décision – de l'éventualité d'examiner tel ou tel texte selon la procédure accélérée ou selon celle du temps législatif programmé mais, cette information n'apparaissant pas dans le compte rendu, les députés non inscrits n'y ont pas accès. Il leur faut donc constamment aller à la pêche pour obtenir ce type d'information.
Je réitère mon désir de transparence complète. Je ne dis pas que les décisions sont prises dans l'opacité mais je regrette que les députés non inscrits ne jouissent pas, au sein de l'Assemblée, d'une existence pleine et entière comme les autres députés. Tout est fait ici pour les groupes politiques et non pour les députés qui n'appartiennent à aucun groupe.
En outre, les non inscrits ne disposant pas d'un représentant, les informations transmises aux présidents de groupe ne leur sont pas transmises non plus.
Pour conclure, j'aimerais rappeler que les sénateurs non inscrits sont, eux, associés, à travers un de leurs représentants, à la conférence des présidents de la Chambre haute. Ce qui existe au Sénat devrait, tout aussi légitimement, exister au sein de notre assemblée. Je ne vois pas pourquoi nous, députés non inscrits, devrions être moins bien lotis que les sénateurs non inscrits.
Tout d'abord je suis ravi que ce texte permette de dissiper un malentendu. Votre intervention en commission laissait en effet penser que les députés non inscrits n'étaient pas informés des conclusions de la conférence des présidents. Nous avons pu établir en commission que ce n'était pas vrai et que tous les députés non inscrits recevaient, deux heures après la fin de la conférence des présidents, le compte rendu exhaustif de ses décisions. Nos débats ont donc permis d'affirmer clairement que, factuellement, et contrairement à ce qui avait pu être dit çà et là, tous les députés non inscrits étaient bien informés des conclusions de la conférence des présidents.
J'entends votre souhait de participer à cette instance, mais, personnellement, j'émets un avis défavorable à cette proposition. Je tiens à redire à quel point l'existence des groupes politiques, qui bénéficient d'une réelle reconnaissance puisqu'ils ont aujourd'hui une valeur constitutionnelle, est importante et a un sens. L'avis est défavorable.
J'entends votre argumentation et je sais que le règlement intérieur ne prévoit pas cette possibilité, cependant je ne comprends pas pourquoi l'Assemblée nationale ne pourrait pas décider d'accorder aux députés non inscrits ce qui est accordé aux sénateurs non inscrits. C'est aussi, me semble-t-il, une question d'égalité des parlementaires et d'égalité constitutionnelle.
L'amendement no 46 n'est pas adopté.
Nous approuvons l'idée selon laquelle la limitation de la participation des députés aux séances doit être proportionnelle à la composition des groupes.
Nous apportons néanmoins un petit bémol. En vertu d'une telle disposition, les petits groupes tels que le nôtre, UDI et indépendants, se retrouvent très souvent représentés par un seul député. Or il existe généralement au sein de ces groupes une diversité d'opinions. Afin que celle-ci puisse être prise en considération, nous souhaitons qu'un seuil de deux députés au minimum soit fixé. Je suis sûr que le rapporteur, membre comme moi d'un groupe centriste, sait de quoi je parle lorsque j'évoque la diversité des opinions au sein d'un groupe.
Il est défavorable, même si je reconnais la diversité des opinions au sein d'un groupe. Nous avons opté pour une gouvernance assez souple. De nombreuses demandes pourraient donc être satisfaites s'agissant de décisions prises en période de crise. Il faut cependant laisser cette flexibilité à l'instance de gouvernance – la conférence des présidents – et lui faire confiance plutôt que de rigidifier le règlement intérieur. Chaque fois que l'on veut ajouter des contraintes – nous y reviendrons au cours de cette discussion – , c'est au détriment de la souplesse que nous souhaitons laisser à la conférence des présidents.
L'amendement no 3 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 47 .
M. Zumkeller vient d'évoquer la diversité des opinions au sein d'un petit groupe. Que dire lorsqu'il s'agit des députés non inscrits qui, comme c'est le cas en ce moment, sont parfois plus nombreux que les députés appartenant à des petits groupes ? Les députés non inscrits sont actuellement au nombre de vingt-cinq. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, comme des groupes La France insoumise et UDI et indépendants sont moins nombreux.
Je ne prétends évidemment pas que tous les députés non inscrits partagent les mêmes idées politiques ou appartiennent au même courant ; mais s'il existait, au sein d'une institution responsable telle que l'Assemblée nationale, et comme c'est le cas au Sénat – je suis désolée d'enfoncer le clou, mais c'est la réalité – , un représentant des députés non inscrits, qui serait désigné voire, pourquoi pas, élu par l'ensemble d'entre eux, il serait investi d'une responsabilité suffisamment importante pour transmettre l'information à tous les autres.
Il y va de l'égalité entre les députés, ne serait-ce que vis-à-vis de nos électeurs. Vous savez bien que, lorsqu'ils votent pour un député, ils ne se demandent pas si celui-ci fera ou non partie d'un groupe, tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas le savoir au moment où ils votent. Lorsqu'ils ont voté pour vous, chers collègues de La République en marche, ils ne pouvaient pas savoir que vous seriez ultramajoritaires.
Lorsqu'un électeur vote pour un député, il le choisit en tant que personne et non en tant que membre d'un groupe. Un député non inscrit ne peut donc être un député de seconde zone. Tel est le sens de mon amendement.
Madame Ménard, je ne me laisserai pas enfermer dans un débat qui consisterait à se demander s'il existe une organisation à deux vitesses en fonction des députés. Non, cela n'existe pas. Tous les députés sont des élus de la nation et ont la liberté d'adhérer ou non à un groupe. En tenant compte de la configuration politique, le texte prend évidemment en considération l'ensemble de ces situations. En consultant les travaux préparatoires, j'ai par exemple constaté que, pendant la pandémie, des députés non inscrits avaient pu prendre la parole dans le cadre des séances de questions au Gouvernement.
Nous ne sommes donc pas du tout dans un système à deux vitesses. Ne caricaturons pas la situation. Chaque député est libre d'adhérer ou non à un groupe. Certains choisissent de n'appartenir à aucun d'entre eux, et d'être donc non inscrits. Chaque député ici présent dispose d'une place pleine et entière. Je refuse et trouve choquant que l'on puisse insinuer que nous voudrions considérer certains députés comme étant de seconde zone. C'est hors de propos et faux. L'avis est donc défavorable.
Je pense que l'Assemblée vous a comprise, madame Ménard, mais vous avez la parole – pour une durée maximale de deux minutes, je vous le rappelle.
Merci, monsieur le président.
Premièrement, en refusant que les députés non inscrits soient représentés à la conférence des présidents, comme c'est le cas au Sénat, on crée de facto une catégorie de députés qui n'ont pas les mêmes droits que les autres.
Deuxièmement, il me semble qu'au tout début du premier confinement, il n'avait pas été prévu, initialement, que les députés non inscrits aient la possibilité, comme ceux qui appartiennent à un groupe, de voter à distance. Cela a été corrigé par la suite, après discussion avec le cabinet du président – lequel pourra, je suppose, le confirmer.
L'amendement no 47 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l'amendement no 90 .
Monsieur le député, cet amendement peut-il faire l'objet d'une présentation groupée avec les nos 91 et 92 ?
Non, monsieur le président, car ils portent sur des questions totalement différentes.
L'amendement no 90 vise à garantir la présence physique d'au moins deux députés par groupe en commission. Les mesures prises pour adapter l'activité de l'Assemblée nationale lors de cette crise sanitaire créent des problèmes pour plusieurs groupes parlementaires, comme cela a déjà été dit. Lorsqu'un seul député est autorisé à siéger en commission, il lui est difficile non seulement de maintenir une présence à toutes les réunions, mais aussi d'assumer seul la charge des défenses d'amendements et des débats pendant plusieurs heures d'affilée. Dès lors, il nous apparaît nécessaire que deux députés au minimum soient autorisés à siéger en commission.
Monsieur le rapporteur, vous avez répondu tout à l'heure qu'une mesure de ce type risquait de « rigidifier » le règlement. J'estime au contraire qu'elle créerait de la souplesse. Elle permettrait de remédier à une impossibilité. Vous choisissez de ne pas résoudre ce problème. C'est dommage. Pour vous cela ne changerait rien du tout étant donné que vous disposez d'une large majorité et de supplétifs. Vous ne courriez donc aucun danger. Pour les petits groupes, en revanche, le fonctionnement de l'Assemblée serait nettement plus satisfaisant.
Je donnerai un avis sur cet amendement ainsi que sur les deux suivants, même s'ils sont un peu différents.
Avec cette proposition, nous faisons le choix de la souplesse et de la confiance accordées à une gouvernance spécifique. Si la conférence des présidents devait décider, dans des circonstances particulières, de limiter la participation à un député par groupe, ce serait une mesure prise en dernière extrémité.
Le texte, tel qu'il a été rédigé, prévoit que cette décision soit laissée à l'appréciation de la conférence des présidents. Dès lors qu'il sera possible d'accueillir plusieurs députés par groupe, il est évident que c'est l'option qui sera choisie.
En revanche, la modification que nous avons apportée avec ce texte, par rapport à la situation que nous avons connue pendant la crise du covid-19, c'est la prise en considération du principe de proportionnalité. Nous avons souhaité réaffirmer ce principe, qui ne consiste pas à appliquer une règle mathématique et à compter de façon littérale mais à traduire la configuration politique dans l'hémicycle. L'avis est donc défavorable sur ces amendements.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement défendu par M. Larive car il faut bien comprendre que, sur un texte de loi qui comporte de nombreux articles, il y a un partage des tâches, en commission, entre les députés qui ont davantage travaillé tel ou tel article. Cela ne pose pas de problème pour les députés de la majorité, qui sont nombreux en commission, mais je puis témoigner de situations incroyables, liées au nombre maximal de députés admis en fonction de l'effectif total de leur groupe : un député attend dans le couloir que son collègue sorte, sans savoir exactement d'ailleurs à quelle heure va arriver la discussion de son article, et cela vaut aussi pour la séance publique. Je pense que vous êtes vraiment trop fermé, monsieur le rapporteur, à ce type d'amendement.
L'amendement no 90 n'est pas adopté.
Il vise à fixer une limite minimale de jauge de présence en séance publique et en réunion de commission. La proposition de résolution vise en effet à adapter l'activité de l'Assemblée nationale en cas de crise exceptionnelle, mais il faut veiller à ce que ces adaptations garantissent que le rôle de l'Assemblée ne soit pas encore plus restreint qu'il ne l'est aujourd'hui. À cet égard, une jauge trop limitée en séance et en commission nuirait forcément à la qualité de nos travaux. Nous proposons donc de fixer une jauge minimale de 50 % du nombre total de députés pour les séances publiques et, pour les commissions, du nombre total de leurs membres respectifs.
L'amendement no 91 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Encore une mesure de souplesse : cet amendement propose qu'un député puisse se rendre en réunion de commission même s'il n'est pas membre de celle-ci. Comme l'a dit mon collègue Chassaigne, il arrive en effet qu'aucun des membres de votre groupe ne puisse vous remplacer, ce qui veut dire que le même député pourra, avec votre texte, s'y coller de neuf heures à minuit – et cela vaut aussi pour l'hémicycle, d'ailleurs. Il faut bien à un moment donné respirer, s'aérer un petit peu.
Les mesures prises pour adapter l'activité de l'Assemblée nationale lors de cette crise sanitaire créent ce type de problèmes pour plusieurs groupes parlementaires. Lorsqu'un seul député est autorisé à siéger en commission et que le rythme de l'examen d'un texte ou des auditions s'accélère, il est vraiment difficile de maintenir une présence du groupe à l'ensemble des réunions – a fortiori quand elles se chevauchent. Nous proposons donc d'y remédier en permettant aux députés non membres de la commission, dans le respect des jauges de présence, de s'y rendre pour prendre part aux débats.
M. le rapporteur a émis un avis défavorable.
La parole est à M. André Chassaigne.
J'ai vécu, là aussi concrètement, la situation évoquée par cet amendement : le seul député communiste membre de la commission ne pouvant pas être présent, un autre député du groupe devait changer de commission pour suivre l'examen du texte.
Ah si, je l'ai vécu ! Cela ne se pratique peut-être pas dans toutes, mais alors il faudrait préciser ce qu'il en est, monsieur le président. Je peux vous en donner un exemple très concret : on m'a demandé de changer de commission pour pouvoir participer à une autre, et tout cela pour refaire le changement la semaine suivante… Vous imaginez le cirque ! Il faudrait davantage de souplesse car dans ce cas-là, ce n'est pas possible de travailler correctement.
Tous les députés peuvent assister aux travaux de toutes les commissions, je le rappelle : seul le vote est réservé aux membres de celles-ci.
La parole est à M. Philippe Gosselin.
Je vous remercie d'avoir rappelé, monsieur le président, que le règlement de l'Assemblée permet à tout député d'assister à quelque commission permanente que ce soit, mais qu'il ne peut y voter en son nom, à moins d'en être membre après sa nomination au Journal officiel, c'est-à-dire après un changement officiel de commission. C'est une difficulté supplémentaire en période de crise, mais il y en a d'autres dans le fonctionnement ordinaire de notre assemblée. Au-delà de ces arguments qui peuvent paraître d'une certaine étroitesse juridique, je doute que la modification réglementaire ici proposée soit de nature à satisfaire pleinement, sur ce point, les députés de plus petits groupes, lesquels, du fait de leur faible nombre, doivent être sur tous les fronts – ce qui est sans doute plus difficile encore en temps de crise.
Il serait bon d'assurer, autant que faire se peut, une équité et une égalité entre les parlementaires, même si je défends, ma chère collègue Emmanuelle Ménard, l'existence des groupes car ils sont bien le mode privilégié d'organisation de la démocratie parlementaire. On ne peut pas agréger 577 individualités, même si leur légitimité démocratique n'est pas en cause, c'est évident.
Par conséquent, au-delà même de cette réforme de notre mode de fonctionnement en temps de crise, je crois qu'il serait vraiment important qu'on puisse trouver les voies et moyens qui permettraient de répondre aux questions soulevées par le président Chassaigne, par Michel Larive et par Emmanuelle Ménard.
Je confirme ce qu'a dit le président Chassaigne, car c'est arrivé aussi aux membres de notre groupe. En temps normal, tous les députés peuvent bien sûr assister aux réunions de toutes les commissions, mais, en cette période de crise, certains présidents de commission refusent l'entrée à des collègues qui n'en sont pas membres.
C'est peut-être dû uniquement à une interprétation du règlement, mais nous l'avons vécu, nous aussi.
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
… – la seule que je connaisse vraiment bien, mon cher collègue – , au-delà de cette période de crise que nous connaissons depuis le mois de mars et au-delà de la lettre du règlement, c'est surtout la souplesse et le bon sens qui doivent être la règle. Ce qui prime au sein de la commission des lois, c'est le nombre de personnes présentes au total dans la pièce au regard des conditions sanitaires : s'il y a de la place, nous ne sommes pas à cheval sur le nombre de députés présents dans chaque groupe, y compris, bien évidemment, pour les petits groupes, que ce soit La France insoumise, le groupe GDR ou les autres : quand ils ont besoin d'avoir deux députés présents, le président de commission laisse bien évidemment entrer les deux collègues, qu'ils soient membres ou non de ladite commission. Cela s'appelle vraiment du bon sens, et je crois que l'ensemble des présidents de commission de l'Assemblée nationale font preuve de bon sens en cette période de crise sanitaire. En tout cas, c'est comme cela que nous devrions fonctionner.
Que la commission des lois soit exemplaire, j'en suis ravi, mais, en période de crise, nous avons expliqué comment cela se passe. Et si, au-delà d'en appeler au bon sens, on inscrivait les pratiques dont nous parlons dans les textes réglementaires, tout le monde serait encore plus ravi.
L'amendement no 92 n'est pas adopté.
En contrepartie d'une restriction de l'accès aux délibérations, il apparaît nécessaire de modifier provisoirement les plafonds fixés pour le dépôt de questions écrites et de contributions écrites afin que les députés puissent en poser plus et en déposer davantage.
Cet amendement me semble pleinement satisfait car la mesure qu'il propose fait partie de la boîte à outils. Votre suggestion a donc été entendue, mon cher collègue, mais elle ne peut être activée que par la conférence des présidents en cas de crise et suivant les modalités qu'elle précisera. Avis défavorable, donc, à moins que vous retiriez votre amendement.
L'amendement no 4 est retiré.
Il s'inspire de l'actualité récente, notamment dans les hôpitaux. En effet, l'alinéa 3 de la proposition de résolution prévoit de permettre le recours au vote à distance en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui pose plusieurs questions. L'exposé des motifs explique que deux types de scrutin sont susceptibles d'être effectués à distance : « les votes sur l'ensemble du texte et ceux tenus sur des déclarations du Gouvernement effectuées en application de l'article 50-1 de la Constitution. »
Pourtant, l'article reste muet sur le champ des scrutins concernés. Ce manque de précision est préjudiciable car, comme je l'ai dit dans la discussion générale, si les autres types de scrutin en sont exclus, comme l'affirme le rapport du groupe de travail à l'origine de cette proposition de résolution, pourquoi ne pas expliciter le champ potentiel du vote à distance ?
Par ailleurs, les obstacles techniques font courir un risque quant à la bonne tenue et à la sécurité du scrutin. Le rapport du groupe de travail évoque les différentes modalités concrètes de vote à distance, le vote pouvant être prévu à une heure donnée, sur le modèle des votes solennels, mais avec le risque de défaillances techniques qui empêcheraient certains députés de voter quand il le faut. L'ouverture du vote sur une plage temporelle résoudrait en partie le problème, mais faciliterait les actes de piratage. Les récentes cyberattaques envers des hôpitaux du pays rappellent durement que nous sommes insuffisamment préparés.
Vu l'état actuel de nos systèmes de sécurité informatique, il est demandé par cet amendement la suppression de l'alinéa 3, qui prévoit la possibilité du recours au vote à distance.
C'est un avis extrêmement défavorable pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si vous soulevez un vrai problème, celui du risque associé à l'utilisation des outils permettant le vote à distance, véritable sujet qu'il ne faut pas l'occulter, je tiens à rappeler un point qui n'a pas encore été évoqué dans notre débat : le Conseil constitutionnel, qui d'ailleurs validera ou non chacune des dispositions du nouveau règlement, est, pour paraphraser M. Chassaigne, le garde-fou suprême. Certes, on pourrait craindre des cyberattaques, des votes détournés par la ruse, mais de telles manoeuvres ne résisteraient évidemment pas à l'oeil avisé et scrupuleux du juge constitutionnel.
Et puis je souligne que la boîte à outils est faite aussi pour ne pas rigidifier le règlement intérieur. Je prendrai un exemple tout simple : notre groupe de travail piloté par Mounir Mahjoubi sur les outils numériques nous a conduits à préconiser que tous les votes à distance portent sur des scrutins publics, car cela permet de concilier simplicité et solennité – tout le monde a en effet insisté sur le fait que le vote doit garder, malgré le vote à distance, un certain caractère solennel. On peut très bien imaginer, par exemple, qu'à quinze heures trente on procède au vote et que le résultat reste affiché quelques minutes pour que chaque député puisse exercer un autocontrôle démocratique, ce qui permettrait au président de séance, en cas de hacking ou de manipulation flagrante, d'annuler – évidemment – le vote. Mais cela relève de la boîte à outils, non d'un règlement intérieur qui rigidifierait l'ensemble de la procédure. J'insiste sur le fait que nous avons vraiment travaillé sur le caractère concret, réaliste et pragmatique des mesures proposées pour vérifier que les questions très importantes que vous soulevez puissent être résolues. Avis défavorable.
J'entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur, mais vous ne nous avez pas révélé le contenu de cette boîte à outils. Et je suis encore plus inquiet que tout à l'heure quand vous dites que c'est le Conseil constitutionnel qui va garantir la sécurité du vote !
Ce n'est pas du tout son job. Il va vérifier la constitutionnalité de la procédure de vote, mais pas sa sécurité. Ce n'est pas lui qui verra s'il y a une faille au moment du vote ! On peut revenir sur un vote douteux en séance, mais qu'en sera-t-il à distance ? Non, vraiment non, le Conseil constitutionnel ne peut pas garantir la sécurité du vote.
L'amendement no 93 n'est pas adopté.
Nous proposons une fois de plus, en l'espèce à l'alinéa 3, d'encadrer de manière stricte la possibilité d'adapter en cas de circonstances exceptionnelles les modalités de délibération et de vote au sein de notre assemblée.
Je le répète : il n'est pas raisonnable de laisser la majorité, selon la règle du fait majoritaire, décider seule de limiter des droits des députés. Monsieur le rapporteur, pour reprendre une formule du général de Gaulle qui m'est revenue, vous sautez comme un cabri en répétant « fait majoritaire », comme s'il s'agissait d'une règle intangible. Or le fait majoritaire comporte déjà trois exceptions, puisqu'un président de groupe politique peut s'opposer à l'enclenchement du temps législatif programmé – cela m'est arrivé au cours de la législature précédente – , à la procédure d'examen simplifiée et à la législation en commission. Pourquoi, dans le présent cas, êtes-vous aussi fermé sans tenir compte des risques que cela peut représenter ?
J'en appelle à mes collègues des autres groupes, qu'il s'agisse des députés du groupe Les Républicains ou de mes camarades socialistes car, sur ce point, nous nous retrouvons avec les députés des groupes UDI et indépendants et La France insoumise. Je ne comprends pas qu'au nom du sacro-saint fait majoritaire – qui connaît pourtant des exceptions – , on puisse laisser courir ce risque énorme : demain, une autre majorité avec un autre fonctionnement pourrait prendre des décisions qui mettraient en cause le bon fonctionnement de notre assemblée. Je lance un appel : ce n'est pas sérieux.
Ce n'est pas mon naturel, mais je ne voterai pas le texte si on ne prévoit pas un droit d'opposition. Si au moins deux présidents de groupe s'y opposent, comme le propose mon amendement de repli, je ne conçois pas qu'on puisse prendre des décisions d'une telle gravité pour l'exercice démocratique au sein de notre assemblée.
J'appelle votre attention sur le fait que les modifications du règlement sont décidées sur la base du fait majoritaire. Peu importent donc nos décisions d'aujourd'hui : si une majorité folle arrive demain, elle modifiera le règlement de la même façon que nous sommes en train de faire ; elle pourra voter un changement total du règlement en réécrivant tout ce qu'elle souhaite.
Je voulais seulement répondre, en miroir, à votre argument de l'arrivée d'une majorité folle. Plus fondamentalement, ne mettez pas ma position sur le compte de la rigidité d'un rapporteur autiste à un débat que nous avons eu des heures durant.
Soyons clairs : je ne vous propose pas une idée absolument fermée sans vouloir en démordre ; elle est le résultat du point d'équilibre qui a été trouvé, notamment entre la majorité et le groupe Les Républicains. Avec Philippe Gosselin, nous avons beaucoup débattu, et cela a été le cas également au sein des groupes LaREM et Dem. Fallait-il inventer une nouvelle règle ? Finalement, nous avons trouvé un équilibre en proposant de nous en tenir au respect du fait majoritaire. Selon les règles de la majorité, nous voterons ou non ce point d'équilibre. Il constitue un aboutissement et non un refus de dialoguer qui, je le crois, a rassemblé bien au-delà des bancs de la majorité.
L'amendement no 97 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à modifier la clause de revoyure pour prévoir une consultation plus fréquente de la conférence des présidents. La proposition de résolution vise à adapter l'activité de l'Assemblée nationale en cas de crise exceptionnelle, or il faut veiller à ce que ces adaptations ne restreignent pas encore plus le rôle de l'Assemblée par rapport à ce qu'il est aujourd'hui. Une clause de revoyure, ainsi que le prévoit la proposition de résolution, est donc essentielle. En revanche, la diversité des crises couvertes par l'article nécessite de prévoir une consultation plus fréquente de la conférence des présidents : la situation pourrait évoluer très rapidement et impliquer des révisions et des aménagements. Nous proposons donc de solliciter l'avis de la conférence des présidents sur le maintien ou la modification des décisions chaque semaine et non tous les quinze jours.
L'amendement no 106 de M. Dino Cinieri est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
C'est un avis défavorable. Monsieur Larive, votre amendement est presque satisfait puisque la conférence des présidents se réunit traditionnellement toutes les semaines et que chaque groupe politique peut inscrire, en sollicitant le président de l'Assemblée, un point de réflexion à l'ordre du jour. Nous fixons simplement un minimum, mais cela n'exclut pas, si le rythme doit être plus soutenu, la possibilité pour chaque groupe politique de demander l'inscription d'un débat en conférence des présidents.
Monsieur le rapporteur, toutes nos discussions le montrent : quand bien même nous essayons d'améliorer le texte, vous ne changez pas de posture. Vous l'avez dit vous-même : chaque semaine, la conférence de présidents se réunit ; pourquoi ne pourrait-elle donc pas revoir et modifier la situation chaque semaine ?
C'est bien une position que vous prenez. Pourquoi ne pas l'inscrire dans le texte ? Nous faisons des propositions et vos arguments, qui sont contradictoires avec vos positions…
L'article unique est adopté.
Les amendements nos 101 de M. Dino Cinieri et 9, 7 et 8 de M. Marc Le Fur, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
L'amendement no 17 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 77 .
Je propose de compléter l'article 19 de notre règlement par un alinéa qui serait ainsi rédigé : « Les députés qui ne sont ni inscrits, ni apparentés, ni rattachés administrativement à un groupe forment une réunion administrative représentée par un délégué élu en son sein. La réunion administrative est constituée en vue de sa gestion sous forme d'association, présidée par son délégué et composée des députés qui la forment. »
Évidemment, je n'ai pas inventé cette rédaction : il s'agit de la reprise exacte du troisième alinéa de l'article 6 du règlement du Sénat, où l'on prend soin des parlementaires non inscrits. En effet, les conditions de travail des sénateurs non inscrits sont plus souples et plus confortables que celles des députés non inscrits, puisque les premiers disposent même d'une enveloppe budgétaire leur permettant de rémunérer un collaborateur parlementaire à mi-temps, ce qui n'est évidemment pas le cas des députés non inscrits qui n'ont accès à aucun des avantages conférés aux groupes. Cet amendement permettrait d'y remédier.
Rappelons que, traditionnellement, le Sénat ne constitue pas la principale source d'inspiration de l'Assemblée
Mme la présidente de la commission des lois sourit
Malgré toute la sagesse de nos collègues sénateurs, je voudrais dire deux choses. En premier lieu, nous abordons toute une série d'amendements sans rapport avec le fonctionnement de l'Assemblée nationale en cas de crise. Ce n'est pas par posture idéologique, mais simplement par respect du contrat moral que j'ai passé, y compris avec l'ensemble des groupes d'opposition, que je donnerai un avis défavorable à l'ensemble des amendements qui ne traitent pas du sujet pour lequel j'ai été missionné. Cela dit, par respect, je répondrai très brièvement aux amendements présentés.
Madame Ménard, rien n'empêche les députés non inscrits de se réunir dans un groupe qu'ils pourraient baptiser « groupe technique ». C'était d'ailleurs le cas en 1993 : les non inscrits avaient constitué un groupe.
Comme je le disais tout à l'heure, je ne suis pas particulièrement favorable à la reconnaissance de l'existence de groupes de députés non inscrits ; soit on est membre d'un groupe, soit on est non inscrit. Néanmoins, j'entends qu'un certain nombre de contraintes électorales font qu'il est parfois impossible de se réunir dans un groupe politique. C'est le cas pour Mme Ménard et d'autres collègues, et c'est une difficulté que tout le monde a bien en tête.
Même si nous n'y puisons pas notre inspiration, il est tout de même assez curieux que l'une des deux chambres permette ce type d'organisation et pas l'autre. Cela pose plusieurs questions aux juristes en matière de droit parlementaire et d'égalité de moyens entre les parlementaires des deux chambres. C'est vrai, il y a parfois d'autres mystères, notamment concernant l'irrecevabilité de certains amendements ; vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. Il faudra sans doute se pencher un jour sur ces petits mystères.
Permettez-moi de rappeler que notre règlement permet la constitution d'un groupe technique…
… qui équivaut à ce qu'on appelle une réunion administrative au Sénat. Entre 1993 et 1997, il existait ainsi un groupe « République et liberté » qui rassemblait des personnalités issues de sensibilités très diverses.
Cela leur permettait de disposer de moyens administratifs communs. Ce sujet est donc mieux traité ici qu'ailleurs.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Monsieur le Président, permettez-moi une petite précision : les sénateurs non inscrits n'ont pas besoin de se constituer en réunion administrative.
Oui, mais c'est une différence de taille ! La réunion administrative est formée automatiquement, ce n'est pas le cas à l'Assemblée. Même s'il n'est pas tout à fait favorable au fait que notre assemblée soit constituée de 577 individualités et qu'il est attaché au principe des groupes politiques, je rejoins M. Gosselin : comment expliquer que les sénateurs non inscrits disposent de facilités de travail plus importantes que les députés alors que l'Assemblée nationale est la chambre forte puisque c'est elle qui détient le dernier mot ?
Nous avons compris l'argumentaire, nous n'allons pas passer la soirée sur ce sujet. La parole est à M. David Habib.
En effet, monsieur le président, d'autant que je n'ai aucun intérêt à ce que nos travaux se rallongent
Mme la présidente de la commission des lois sourit.
Très clairement, une des difficultés que nous rencontrons dans cette législature, c'est le nombre de groupes. Tout dispositif qui favoriserait la constitution de groupes irait à l'encontre de l'organisation sur laquelle nous avons fondé notre démocratie parlementaire. Pour avoir connu quatre législatures, je peux dire que je n'ai jamais vu autant de difficultés matérielles s'additionner, et tout cela parce qu'il existe neuf groupes. En responsabilité, nous devons mesurer les effets du délitement de la représentation au sein de l'hémicycle.
L'amendement no 77 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Charles Larsonneur, pour soutenir l'amendement no 95 .
Il s'agit d'attribuer l'examen au fond des accords de défense à la commission de la défense nationale et des forces armées. J'ai bien noté qu'il ne s'agit pas d'un amendement relatif à une période de crise. Néanmoins, s'il existe des cavaliers législatifs, je ne crois pas qu'il existe de cavaliers réglementaires.
Je me permets donc de vous présenter cet amendement de principe. Les accords de défense sont discutés au fond par la commission des affaires étrangères, la commission de la défense n'en étant saisie que pour avis. Au regard de la technicité des sujets traités et des domaines d'expertise privilégiés par chacune des deux commissions, il semblerait opportun de confier l'examen au fond de ces textes à la commission de la défense nationale et des forces armées.
Il est défavorable, même si je suis personnellement très favorable à une réflexion sur le sujet sachant que tout cela ne peut se faire sans concertation : si la Constitution limite à huit le nombre de commissions permanentes, nous bénéficions d'une totale liberté pour travailler dans la concertation sur les limites de leur champ de compétences respectif, sur leur organisation et leur éventuelle fusion.
L'amendement no 95 n'est pas adopté.
M. Marc Le Fur est le premier signataire de cet amendement qui vise à prévoir, sur décision du bureau d'une commission, la diffusion sur écran, en cours de réunion, d'images ou de textes. Lors des auditions, par exemple, des diaporamas accompagnant les propos du ou des intervenants pourraient être diffusés plutôt que des documents en format papier.
Ce qui est demandé est déjà totalement possible : l'amendement est satisfait à 100 %. S'il n'est pas retiré, je donnerai un avis défavorable.
L'amendement no 20 est retiré.
En raison de la réduction du nombre de fonctionnaires affectés au service des comptes rendus, il est de plus en plus fréquent que les comptes rendus écrits soient remplacés par la seule mise en ligne des vidéos des réunions des commissions. Si la mise en ligne de ces vidéos peut se comprendre pour faciliter l'accès du grand public aux travaux parlementaires, elle ne saurait remplacer, notamment pour le travail des députés et de leurs collaborateurs, la publication d'un compte rendu écrit intégral. C'est pourquoi le présent amendement vise à rendre obligatoire la publication d'un compte rendu écrit des travaux des commissions dans un délai maximal de quatre jours ouvrés.
Monsieur Cinieri, vous conservez la parole pour soutenir l'amendement no 18 .
Déposé par M. Marc Le Fur, il vise à rendre obligatoire le compte rendu écrit des travaux de commission, à l'instar de ceux de la séance.
Je rappelle tout d'abord que tous les travaux législatifs des commissions font, en tant que tels, l'objet d'un compte rendu écrit. Sur le fond, ensuite, cette question est posée sur de nombreux bancs : nous pouvons travailler à une amélioration continue et dialoguer sur le sujet avec le service de la séance. Il reste que ce sujet n'a pas sa place dans une modification du règlement relative à l'organisation de l'Assemblée en période de crise. Avis défavorable.
J'insiste de nouveau, car c'est important, sur le fait que toute audition de ministre ou tout travail législatif fait l'objet d'un compte rendu écrit.
Ces deux amendements sont extrêmement opportuns. Nous découvrons depuis le début de la législature l'absence du compte rendu écrit d'énormément de réunions de commission. C'est incroyable ! Si nous voulons communiquer, on ne peut pas se contenter de vidéos. Beaucoup de nos concitoyens, dans les territoires ruraux mais aussi parmi les personnes âgées n'ont pas accès à ce type de communication. Monsieur le président, il faut prendre ce sujet à bras-le-corps : ce n'est plus possible !
J'ai commencé par dire à mes collaborateurs qui m'expliquaient qu'il n'y avait pas de compte rendu pour une réunion : c'est vous qui ne le trouvez pas ! J'ai mis du temps à prendre conscience que, dans de nombreux cas, il n'y avait plus de compte rendu écrit.
Je souscris totalement à ce qui vient d'être dit. Dans le monde de communication qui est le nôtre, je comprends très bien que l'on puisse avoir recours à des vidéos. J'en use moi-même, comme d'autres collègues, surtout pour communiquer un peu sur des interventions brèves. Mais ce que nous faisons, l'art, le droit et la démocratie parlementaires, ce n'est pas que de la communication, tant s'en faut ; il s'agit d'un très important travail de fond. Le fait est que, depuis quelques années, les traces écrites, celles qui demeurent, qui seront utiles demain et après-demain à d'autres travaux parlementaires, qui serviront à évaluer la loi au-delà du compte rendu de la séance publique publié au Journal officiel, qui constitueront un outil pour les historiens et les constitutionnalistes, sont en train de s'appauvrir.
Je comprends l'avis négatif du rapporteur mais, au-delà de cette modification du règlement, nous avons affaire à un enjeu qui dépasse tous les clivages politiques, celui de l'accès aux travaux parlementaires non seulement des parlementaires eux-mêmes mais aussi de nos concitoyens, des chercheurs et des juristes. Ce sujet est très loin d'être anodin.
L'amendement n'a rien à voir avec la proposition de résolution, mais il est très important. Nous découvrons en effet, année après année, que le nombre de réunions de commission qui font l'objet d'un compte rendu écrit diminue. C'est très dommageable pour notre vie démocratique. Les vidéos, c'est très bien, mais rien ne remplace l'écrit. On peut lire un document écrit n'importe quand, et puis tout le monde n'a pas accès à internet en permanence pour visionner des vidéos. J'ajoute que l'on n'a pas toujours envie, lorsque l'on est au calme, de diffuser un son. Peu importe d'ailleurs, l'écrit est indispensable et, depuis la Révolution française, tous les débats sont fondés sur l'écrit. Je relaie la demande formulée par nos collègues : toutes les réunions de commission doivent faire l'objet de comptes rendus écrits. Nous devons en revenir à ce fonctionnement. J'imagine, monsieur le président, que cela a un coût, mais c'est indispensable.
Je vous invite à ne surtout pas voter ces amendements dans ce texte – ce serait aberrant, asymétrique et totalement contraire à la cohérence de notre travail légistique – , mais il faut en effet mener des réflexions sur ce problème bien réel.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 76 .
Il vise à compléter le premier alinéa de l'article 47 du règlement par les mots : « ainsi que d'un représentant des députés n'appartenant à aucun groupe. Les députés non inscrits déterminent les modalités de désignation de leur représentant. »
Je comprends que cela vous agace, mais je tiens à rappeler que les non-inscrits ne bénéficient pas des mêmes avantages administratifs et structurels que les groupes parlementaires. Ils n'ont la possibilité de poser qu'un nombre très réduit de questions au Gouvernement – chaque député non inscrit peut à peine poser une question par an, ce qui signifie que son pouvoir de contrôle sur l'action du Gouvernement est très réduit. Cerise sur le gâteau : les députés non inscrits ne disposant d'aucune « niche parlementaire », ils n'ont donc aucune chance de voir aboutir l'une des très nombreuses propositions de loi qu'ils déposent. Encore une fois, cela pose la question de la représentation de l'ensemble des Français au sein de notre assemblée.
Je suis favorable à tous ces amendements relatifs aux non-inscrits, que j'ai votés en commission. Monsieur le président, je pense vraiment que nous devrions ouvrir une réflexion sur ce sujet, d'autant que nous ne savons pas comment peut évoluer la taille des groupes : demain, des députés non inscrits peuvent ne pas souhaiter rejoindre un groupe dont les positions ne correspondent pas à leurs engagements politiques. Il faut réfléchir ensemble afin de faire en sorte que les non-inscrits d'aujourd'hui et ceux qui pourraient siéger demain ne soient pas des députés de seconde zone.
L'amendement no 76 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 126 .
Je sais par avance ce que l'on va me répondre, mais je mets le sujet sur le tapis : notre assemblée compte de plus en plus de groupes parlementaires – un de moins depuis quelque temps, mais un de plus depuis le printemps dernier, et cela peut encore beaucoup évoluer – , ce qui a des incidences sur les « niches parlementaires », les journées d'initiative parlementaire. Un jour de séance par mois est en principe réservé à ces niches, mais le calendrier parlementaire est ainsi fait que chaque groupe, quelle que soit sa taille, qu'il compte quinze membres – le nombre minimal nécessaire à la constitution d'un groupe – ou qu'il en rassemble cent cinq, comme le groupe Les Républicains, ne dispose en fait que d'une seule journée par session. C'est évidemment trop peu et cela ne respecte pas la proportionnalité de la représentation des groupes que prend en compte la proposition de résolution. Ce sujet est donc bien lié à notre ordre du jour. L'amendement vise à raisonner à l'échelle de la séance plutôt qu'à celle de la journée – une journée étant composée de trois séances – , ce qui assurerait davantage de fluidité et de proportionnalité.
L'amendement no 126 n'est pas adopté.
Il vise à rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 49 du règlement : « Chaque groupe dispose dans la discussion générale d'un temps de parole de dix minutes pour un ou deux orateurs. Un temps de parole de cinq minutes est en outre attribué à un député n'appartenant à aucun groupe. »
La résolution tendant à modifier le règlement de notre assemblée, adoptée par cette dernière le 4 juin 2019, a restreint de manière trop grave la discussion générale des textes tout en mettant sur un pied d'égalité les groupes et les députés non inscrits. Comme je viens de l'indiquer, le présent amendement vise à attribuer à chaque groupe dans la discussion générale dix minutes pour un maximum de deux orateurs par groupe tout en réservant cinq minutes à un député non inscrit.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 112 .
Il s'agit de revenir sur l'un des éléments de la réforme du règlement de 2019. Certains de ses aspects étaient positifs, personne ne le conteste, …
… mais elle comportait aussi de nombreux excès. En voulant mettre sur un pied d'égalité les groupes et les non-inscrits – cette fois, notre collègue Emmanuelle Ménard peut s'y retrouver – , on a un peu coupé la tête de tout le monde. Aujourd'hui, la proportionnalité de la représentation des uns et des autres n'a plus aucune place dans l'attribution du temps de parole dans la discussion générale. L'amendement vise à revenir à une situation plus équitable et équilibrée en évitant une égalité qui tourne à l'égalitarisme.
Je n'ai pas changé d'avis depuis 2019 : j'étais rapporteur de la proposition de résolution de l'époque et je n'ai pas eu l'impression d'avoir « coupé des têtes ». Je suis défavorable à ces amendements sur la forme comme sur le fond.
Monsieur le rapporteur, il peut y avoir une forme de contradiction entre le fait de dire aux non-inscrits qu'ils n'ont qu'à rejoindre un groupe ou en former un, et celui de limiter l'expression d'un groupe à une parole unique dans la discussion générale.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine que je préside compte onze députés communistes et cinq députés d'outre-mer. Sur certains sujets, ces derniers peuvent vouloir exprimer des positions que nous ne partageons pas, ce qui n'est pas possible quand nous ne disposons que de cinq minutes pour un orateur. Si chaque groupe disposait de dix minutes et de la possibilité d'attribuer cinq minutes par orateur, cela permettrait une expression beaucoup plus diversifiée qui pourrait aider à la composition de groupes de dimension technique comme le nôtre – nous avons, d'un côté, une sensibilité, et, de l'autre, plusieurs députés qui peuvent avoir des approches différentes.
Il est relatif à la procédure du « temps législatif programmé », mise en place en 2008, qui permet de fixer une durée maximale pour l'examen de l'ensemble d'un texte afin d'éviter l'obstruction parlementaire. Elle présente cependant à mon sens beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.
Chaque fois que cette procédure a été utilisée, la qualité des débats et du travail législatif en a pâti, en particulier en fin de discussion, car l'examen des derniers articles est systématiquement bâclé. De plus, lorsqu'un groupe a épuisé son temps de parole, il ne peut plus s'exprimer, alors qu'il peut évidemment avoir mille bonnes raisons de le faire.
J'ajoute que cette procédure rend les choses très compliquées pour les députés non inscrits. Si on prend l'exemple de l'examen récent du projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui a fait l'objet de cette procédure, les députés non inscrits se sont vu attribuer dix orateurs pendant la discussion générale, il ne leur restait donc plus une seule minute pour défendre leurs amendements. On n'est pas obligé d'apprécier mes opinions ou celles de Mme Ménard, mais je crois que sur un texte comme celui-là, nous avions des choses à dire et des amendements à défendre, et que la démocratie se serait certainement mieux portée si on nous avait laissé la possibilité de le faire. Je propose en conséquence de supprimer la procédure du temps législatif programmé.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 48 .
Monsieur le président, je ne vous étonnerai pas en étant pleinement d'accord avec M. Taché sur ce point. Je veux juste vous donner un exemple, puisque l'on cite le projet de loi contre le séparatisme : dix-sept députés de La France insoumise, trois heures trente de temps de parole ; vingt-cinq députés non inscrits, cinquante minutes de temps de parole. Au mois de juillet, en seconde lecture du projet de loi sur la bioéthique, trente minutes de temps de parole pour les députés non inscrits.
À quoi cela aboutit-il, concrètement ? Comme l'a rappelé M. Taché, au mieux, à la fin de la discussion générale, il reste quatre ou cinq minutes pour défendre quelques amendements. En général, on n'arrive pas à la fin de la discussion de l'article 1er, et l'on est obligé de se taire. C'est une chose. Mais, de plus, si nous voulons que nos amendements soient examinés, nous sommes obligés de rester dans l'hémicycle et d'attendre que les choses se passent en levant la main et en disant : « défendu, défendu », dans le meilleur des cas. Je comprends que cela ne soit pas trop dérangeant pour les groupes, mais vous imaginez qu'il est très frustrant pour un député non inscrit de rester quinze jours sur son banc jusqu'au bout du texte, comme ce fut le cas pour le projet de loi contre le séparatisme, et d'être là uniquement pour que ses amendements soient examinés, sans pouvoir prononcer un mot et sans participer à la discussion, sauf, de temps en temps, à l'occasion d'un rappel au règlement, quand on l'y autorise.
Il n'y a pas de mode d'expression supérieur aux autres, ni de procédure qui n'aurait que des qualités ou que des défauts. Ceci dit, je suis un fervent défenseur du temps législatif programmé. J'ai vu, du perchoir, naître des débats qui ont permis de faire évoluer réellement des textes, quand les groupes choisissaient d'investir trente minutes, quinze minutes de leur temps pour aller jusqu'au bout d'une discussion et essayer de faire émerger un consensus, ce qui est moins possible dans la rigueur de la procédure ordinaire. Le temps législatif programmé est une immense liberté ; elle est parfois enivrante, ce qui veut dire que chaque groupe doit l'utiliser à bon escient.
La question des députés non inscrits est un sujet à part, bien qu'important, et je comprends que le temps législatif programmé ne vous satisfasse pas. Cela dit, je suis désolé que notre collègue Le Fur, qui avait voté pour la création du temps législatif programmé en 2008, soit désormais contre. Je pense que c'est un bel outil qu'il faut utiliser à bon escient. Avis défavorable.
Monsieur le président, quand vous prononcez un discours, j'ai fait le constat que vous alliez souvent vous nourrir de bonne façon d'anciens parlementaires comme Clemenceau, comme Jean Jaurès, comme Victor Hugo. Et, par curiosité, j'ai consulté les discours que vous citez. Mais, aujourd'hui, un Jean Jaurès, un Clemenceau, un Victor Hugo ne pourraient plus s'exprimer de la même façon.
Ces discours, certes longs, mais qui font passer la sève de notre pays et de la démocratie par une parole qui permet de bien exprimer les choses, avec le temps législatif programmé, on ne peut plus les tenir…
… sinon, on mange son temps de parole, et l'on ne peut plus, ensuite, discuter des amendements que l'on veut soutenir.
Monsieur le président Chassaigne, vous avez raison de reprendre ces discours, mais je vous engage aussi à reprendre le nombre d'amendements qu'il y avait à l'époque !
C'est vrai, monsieur le président : ce n'est pas la discussion générale qui pose des difficultés, c'est le nombre d'amendements. Faute d'avoir trouvé un accord avec le Conseil constitutionnel, c'est notre capacité collective à organiser le dépôt des amendements qui est consultée, et nous ne ferons pas l'impasse d'une discussion entre nous – ou bien d'une réforme constitutionnelle – sur la question.
Je suis, moi, absolument opposé au temps législatif programmé. Ce qui fait l'intérêt du débat parlementaire, c'est notre capacité à nous interrompre, parfois même de façon véhémente ; c'est notre capacité à échanger ; mais ce n'est pas qu'à un monologue succède un autre monologue. D'autre part, contrairement à ce que vient d'affirmer M. Waserman, j'ai rarement vu des groupes cibler tel ou tel article pour y consacrer l'essentiel du temps dont ils disposent. C'est une vue de l'esprit souvent utilisée pour justifier le temps législatif programmé. J'ai entendu tout à l'heure M. Taché vanter les mérites du Parlement européen : le temps législatif programmé est peut-être digne du Parlement européen, mais il n'est pas digne de l'Assemblée nationale.
Je suis partagé sur ce temps législatif qui l'est aussi. Le temps législatif programmé peut être utile pour éviter qu'un débat s'enlise sous la pression d'un nombre incommensurable d'amendements, puisque c'est bien sa raison d'être. Mais, comme le rappelait à juste titre M. le rapporteur, il faut avoir une bonne utilisation du temps législatif programmé, et c'est plutôt ce reproche-là qui nous a été fait ces derniers temps : certains débats n'ont pas été menés jusqu'au bout car certains sujets avaient focalisé l'attention – à juste titre le plus souvent, et peut-être parfois de façon un peu indue, mais c'est aussi la passion et la force des débats. Il faudrait tirer le bilan de ce qui a été fait depuis près de dix ans en temps législatif programmé pour revenir, non pas au statu quo ante, mais sans doute à plus d'équilibre, afin de permettre au Parlement de délibérer dans des conditions plus favorables.
C'est exactement le contraire. Prenez le projet de loi confortant les principes de la République – je regardais les chiffres sur les derniers textes : vous aviez trois heures trente de temps de parole ; il vous restait une heure sept à la fin. Justement, le temps législatif programmé, c'est la liberté ! Si Hugo – je pense qu'il aurait été au Modem, s'il avait été aujourd'hui parmi nous…
Exclamations sur tous les bancs.
… mais s'il avait été au groupe GDR, il aurait eu une heure sept de temps de parole de plus. Le temps législatif programmé, c'est la liberté, la liberté de faire des beaux discours à la Victor Hugo ; n'hésitez pas, il est fait pour cela, et vous ne serez pas cantonnés aux cinq minutes de la discussion générale ou aux deux minutes de la défense d'un amendement, lesquelles, je le comprends, forment un carcan plus resserré.
L'amendement no 48 n'est pas adopté.
Cet amendement de mon collègue Le Fur vise à renforcer les droits des groupes d'opposition dans le cadre de la procédure du temps législatif programmé en accordant à chaque président de groupe d'opposition le droit de faire obstacle à l'utilisation de cette procédure une fois par session.
L'amendement no 42 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Le cumul de la procédure accélérée et du temps législatif programmé aboutit à réduire de manière excessive le temps de la discussion parlementaire. C'est pourquoi le présent amendement vise à exclure la possibilité de recourir au temps législatif programmé lorsque le Gouvernement décide d'utiliser la procédure accélérée.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 113 .
Pour limiter les dérapages intempestifs, on a inventé, il y a quelques années, le temps législatif programmé. Nous venons d'en parler ; son utilisation est parfois compliquée. Mais, si, en plus, on a recours à la procédure accélérée, c'est la ceinture et les bretelles – permettez-moi d'être trivial mais, puisque ce débat est retransmis en vidéo, l'expression marchera peut-être mieux en la disant qu'en l'écrivant, pour reprendre un débat précédent… Vous vous rendez bien compte qu'on enferme le Parlement dans une discussion-entonnoir qui le dirige en réalité vers une non-discussion.
L'amendement vise à limiter les effets cumulatifs du temps législatif programmé et de la procédure accélérée pour redonner ses pleins poumons à chaque orateur et pour faire revenir, au-delà de l'art oratoire, des compétences plus grandes au sein de l'Assemblée.
Le sujet qui nous préoccupe est le cumul de deux procédures, chacune extrêmement sévère pour l'Assemblée : le temps législatif programmé et la procédure d'urgence. La question ne se posait pas il y a quelques années, quand la procédure d'urgence était utilisée plus rarement, quand il y avait réellement urgence. Or on constate depuis une dérive de cette procédure, qui est utilisée systématiquement ou presque.
Que se passe-t-il en procédure d'urgence ? Il n'y a qu'une seule lecture dans chacune des deux chambres. On l'a vu lors du dernier débat qui nous a occupés, il y a deux semaines, sur un texte qui a changé plusieurs fois de nom – chacun comprendra duquel il s'agit : les deux procédures ont été utilisées, celle du temps législatif programmé et la procédure d'urgence. Admettons que les groupes aient épuisé leur temps de parole avant le terme du débat : certains articles n'auraient jamais été ni évoqués, ni débattus dans l'hémicycle du fait de la procédure d'urgence. C'est un vrai problème. C'est une privation de l'expression publique du Parlement, et en particulier de l'Assemblée, sur des dispositions qui peuvent être essentielles. Ce n'est pas parce que des articles portent les numéros ultimes d'une loi qu'ils sont moins importants que les autres, et il me paraît tout à fait anormal de conjuguer les deux procédures. Chacune d'elles peut se comprendre, chacune a sa logique, mais la conjonction des deux – et je le dis en appelant à votre autorité, monsieur le président – pose un vrai problème.
Nous avons longuement débattu du temps législatif programmé. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.
L'amendement no 96 n'est pas adopté.
Ce sont deux amendements de repli. L'amendement no 86 traite de l'état d'urgence et l'amendement no 49 de l'état d'urgence sanitaire, mais tous deux ont le même but, qui est de ne pas autoriser le recours au temps législatif programmé dans le cadre de ces procédures d'urgence. En effet, dans les deux cas, le Gouvernement dirige la politique de la nation de façon autonome et très dirigiste par rapport au Parlement, le plus souvent par décrets, ordonnances ou arrêtés, ce qui limite les prérogatives du Parlement. Il me paraît primordial, dans cette situation, de ne pas affaiblir davantage le débat démocratique. C'est la raison pour laquelle il me semble indispensable, en situation d'état d'urgence ou d'état d'urgence sanitaire, de suspendre la procédure du temps législatif programmé qui nuit considérablement au débat.
Et si vous me permettez d'ajouter un mot, monsieur le président, il me semble que Victor Hugo, avec l'esprit d'indépendance qui le caractérisait, serait probablement un député non inscrit et qu'il n'aurait pas pu s'exprimer.
Sourires sur plusieurs bancs.
Ne faites pas parler les morts, leur parole est déjà tellement belle.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable pour toutes les raisons déjà exposées sur le temps législatif programmé.
L'amendement no 62 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Il touche à un sujet important et qui nous concerne, à savoir la place de nos collègues ultramarins et représentants des Français de l'étranger. Il ne leur est déjà pas facile, en temps normal, d'exercer leur mandat, et la possibilité pour eux de se rendre dans l'hémicycle est désormais de plus en plus réduite. Nous souhaitons donc que nos conditions de travail permettent à ces députés – au moins à eux – de participer à distance aux votes et aux questions au Gouvernement, lesquelles sont, je le rappelle, des questions d'actualité. Nos collègues ultramarins viennent quelquefois pour quinze jours et ne reviennent pas pendant un mois ; si un sujet d'actualité émerge un dimanche, il leur est difficile de poser une question d'actualité un mois plus tard.
Il s'agit simplement d'adapter nos méthodes de travail – il y a de beaux écrans dans l'hémicycle – pour permettre à nos collègues ultramarins et représentants des Français de l'étranger de poser des questions au Gouvernement le mardi depuis leur circonscription.
La question mériterait de faire l'objet de travaux complémentaires mais elle dépasse le cadre de notre débat sur l'Assemblée en période de crise. Le sujet est apparu à plusieurs reprises ; il est pertinent, et l'on en comprend les difficultés. Néanmoins, je suis très attaché au débat physique dans l'hémicycle et je ne suis personnellement pas favorable à l'idée de faire des interventions à distance une pratique systématique, qui permettrait de facto à des députés ultramarins de rester trop chez eux et de faire le choix de venir ou non. C'est une bonne idée, à travailler, mais sûrement pas à valider aujourd'hui, puisque la proposition de résolution est limitée aux cas de crise.
Outre que vous vous êtes limités aux cas de crise avec ces dispositions, celles-ci concernent, si je peux me permettre de le rappeler, tous les députés.
Je suis élu dans un département situé à 800 kilomètres de Paris, où il n'y avait ni train ni avion entre les mois de mars et de mai. Jusqu'au mois de juin, j'ai donc dû aller en voiture jusqu'à Bordeaux, afin de prendre un train pour Paris, du moins quand il y en avait. C'est l'occasion pour moi de mettre en exergue la faillite de ces deux sociétés françaises que sont la SNCF et Air France.
M. Zumkeller traite d'un vrai problème ; je souhaite que nous travaillions ces questions, et je me félicite de votre réponse, monsieur le rapporteur. S'il faut favoriser la présence à l'Assemblée, lorsque celle-ci est impossible, il faut trouver des solutions.
L'amendement no 5 n'est pas adopté.
Il vise à rétablir la possibilité, supprimée par la réforme du règlement de 2019 – adoptée dans les conditions que l'on sait – , que plusieurs orateurs d'un groupe s'expriment sur un même article. Cela permettait une discussion réelle, concrète, avant l'examen des amendements.
Depuis cette suppression, une dérive est apparue. En effet, les députés ont parfaitement compris que, puisqu'ils ne peuvent plus s'exprimer à l'article, la seule manière de jouir d'un droit de parole, c'est de déposer des amendements. Voilà l'absurdité, évidente, du système !
Avant, les députés savaient qu'ils avaient la possibilité de s'exprimer à froid sur les articles. Désormais, ils déposent des amendements pour bénéficier de deux minutes de temps de parole. On se croirait chez les Shadoks !
Je souhaite donc en revenir à des dispositions plus simples, plus évidentes : donnons à chaque député l'occasion de s'exprimer à chaque article, quitte à trouver une formule pour éviter les excès, ce qui serait logique. Ce qui ne l'est pas, en tout cas, c'est d'interdire a priori l'expression des députés.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 114 .
Je m'inscris dans le même état d'esprit que mon collègue Marc Le Fur. Nous assistons à une inflation du nombre d'amendements. Sans doute les textes, nombreux, importants, qui traitent de sujets parfois compliqués poussent-ils à en déposer un grand nombre – ce qui est bien légitime, et correspond à une partie du travail parlementaire – , mais parfois, certains amendements sont déposés par les députés uniquement pour bénéficier d'un temps de parole, parce qu'ils ne peuvent plus s'exprimer de manière plus générale sur le texte.
Avant la réforme, ce que l'on appelait la « DG » – discussion générale – sur les articles permettait aux parlementaires de se mettre en jambes, d'alerter sur un sujet, avant le combat pied à pied sur un alinéa ou un article. Il n'était pas nécessaire aux orateurs concernés de reprendre ensuite la parole toutes les deux minutes sur leurs amendements.
Même s'il faudrait bien sûr ajouter une clause pour limiter les excès, les débats gagneraient en fluidité si nous restaurions ces possibilités.
Il est défavorable. Je vous invite à ne pas refaire le match de la réforme du règlement de 2019…
… mais, franchement, ce serait un abus de faire porter à celle-ci la responsabilité de l'inflation du nombre d'amendements…
Je suis revenu de notre chère province occidentale, monsieur le président, pour m'exprimer sur des sujets qui, même s'ils paraissent techniques à première vue et ne susciteront pas la passion de l'opinion, déterminent les conditions d'exercice de notre mandat – ce qui n'est pas rien. Nous sommes mandatés par le peuple pour exprimer nos positions. Même si bien évidemment le principe majoritaire l'emporte, l'opposition conserve des droits, ne serait-ce que celui de s'exprimer.
Or depuis le début de la crise pandémique, qui se poursuit, hélas, la capacité du Parlement à s'exprimer a été réduite, et c'est un vrai sujet.
Je vous renvoie à un article – que je me suis permis de transmettre à l'ensemble de nos collègues – de M. Ferdinand Mélin-Soucramanien. Ce spécialiste de droit constitutionnel, on ne peut plus reconnu, est familier de cette assemblée, dont il fut le déontologue. Son texte, publié dans une revue de droit parlementaire, confirme que, depuis les contraintes imposées par cette maladie, nous avons perdu une partie de notre capacité à débattre. C'est précisément pour cela qu'il faut réintroduire certains éléments de bon sens dans le règlement, comme l'indiquait M. Gosselin.
Cela ne vous intéresse peut-être pas, chers collègues ? Après tout, je comprends, vous n'êtes pas entrés dans la mécanique parlementaire. Pour ma part, je la pratique depuis un certain temps, et elle m'intéresse.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est précisément ce que je comptais faire, avant ces interpellations. L'amendement vise à permettre à nos collègues qui le souhaitent de donner leurs positions au terme du débat sur un article, que ce soit à titre personnel ou au nom de leur groupe – l'appartenance à un groupe n'impliquant pas forcément une discipline de vote, tout au moins parmi nous.
Il faut le permettre ; les excès pourront être combattus. Le récent projet de loi de M. Darmanin comportait des articles tout à fait importants ; il aurait été logique que les uns et les autres puissent s'exprimer au terme de leur examen, après l'avis du rapporteur et du membre du Gouvernement.
Il importe de nous accorder un droit de réponse, de réplique, comme celui instauré pour les questions au Gouvernement, qui est d'ailleurs exercé avec plus ou moins de bonheur – il faut savoir gérer son temps, faire preuve d'à-propos, être agile, et nous n'avons pas tous le bon réflexe au bon moment.
Un droit de réponse doit en tout cas être ouvert de manière plus générale en séance publique ; c'est l'objet de cet amendement.
La réflexion est intéressante, mais ce n'est pas l'objet de nos débats aujourd'hui ; avis défavorable.
L'amendement no 50 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 33 de M. Marc Le Fur et 117 de M. Philippe Gosselin sont défendus.
Il vise à renforcer les fonctions de corapporteur, qui seraient réservées à des membres de l'opposition. Alors qu'auparavant seuls un ou deux rapporteurs étaient désignés pour chaque texte, il arrive désormais qu'ils soient plus nombreux, chacun d'entre eux disposant d'un droit de parole. Cette tendance, légitime, avait commencé sous la précédente législature, avec un recours accru aux fonctions de rapporteur général.
La nomination d'un corapporteur issu de l'opposition serait systématisée ; cet amendement pourrait évidemment être modifié.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 118 .
Ces amendements identiques vous donnent une occasion presque unique de renforcer les droits de l'opposition. Une majorité, quelle qu'elle soit, se distingue par son respect envers les groupes qui la composent, mais aussi en sachant inspirer le respect de l'opposition. Vous pourriez en tout cas faire un geste démocratique intéressant qui permettrait d'associer davantage les oppositions à la réflexion sur la loi et à son écriture.
Actuellement, des corapporteurs, généralement issus de l'opposition, sont déjà nommés pour certains rapports d'application des lois. Afin de mieux respecter les oppositions, nous proposons ici d'institutionnaliser ce système avant l'adoption des textes, ce qui permettrait de mieux travailler les textes en amont et d'en améliorer la qualité.
Ces propositions sont extrêmement intéressantes, et devraient être travaillées, en réfléchissant à l'instauration de contraintes de temps de parole pour le corapporteur et le rapporteur. Il est évidemment impossible de les adopter aujourd'hui, alors que nous débattons, je le répète, d'une modification ciblée du règlement intérieur, concernant l'organisation des travaux en période de crise.
Je me réjouis des déclarations du rapporteur. Cela étant, nous arrivons au terme de la législature et il faut déjà préparer la suite – on sait que ces dispositions ne s'appliqueraient pas immédiatement. Notre devoir est donc de prendre des dispositions qui ne nous concerneront peut-être pas – car nul ne connaît ce que sera son sort personnel après 2022.
Quelle autre occasion aurons-nous de réviser le règlement, puisque le calendrier est déjà terriblement encombré – je parle sous votre contrôle, monsieur le président – et que le Gouvernement a du mal à arbitrer entre de multiples projets ?
Révisons dès aujourd'hui le règlement pour permettre à nouveau le débat. Celui-ci, plutôt que d'être nourri par la multiplication des amendements, le serait par les interventions sur les articles, ou celles des corapporteurs, et resterait donc serein.
L'amendement no 57 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Cet amendement prévoit la possibilité, pour un député à qui serait opposée l'irrecevabilité financière d'un amendement, au titre de l'article 40 de la Constitution, de contester la décision, et de demander une explication écrite devant le bureau de la commission compétente ou de l'Assemblée nationale, selon l'étape de la procédure législative au cours de laquelle elle a été prise. Le bureau saisi se prononcerait en dernier ressort.
Il est défavorable. Alors que les cas d'irrecevabilité demandent à être analysés avec rigueur, ils donnent souvent lieu à l'expression d'impressions, nullement fondées sur les faits. En la matière, la décision repose sur des critères précis, objectifs, après une instruction très rationnelle et organisée par les services de la séance.
La question de l'irrecevabilité revient régulièrement ces derniers mois. J'accomplis mon troisième mandat et je n'ai pas le souvenir d'une telle importance : je ne dis pas qu'elle ne s'est jamais posée, mais désormais elle revient régulièrement. Nous sommes nombreux à ne pas comprendre les raisons objectives des irrecevabilités de certains de nos amendements. Ce phénomène a concerné des centaines et des centaines d'amendements au projet de loi confortant le respect des principes de la République : des sujets entiers ont ainsi été soustraits à la discussion parlementaire, car ils n'avaient soi-disant aucun lien direct ou indirect avec le sujet traité. De qui se moque-t-on ?
Obtenir les éléments concrets ayant justifié les décisions d'irrecevabilité ne me semble pas anormal : il ne s'agit pas de bloquer le système, certains amendements étant déclarés irrecevables avec raison, mais nous tombons dans un excès qui condamnera bientôt chaque amendement à ne pas passer les mailles toujours plus étroites du filet de l'irrecevabilité. Cela nuirait gravement à la santé démocratique.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
Les arguments sont identiques : nous sommes parfois surpris de certaines décisions prises sur le fondement des articles 40 ou 45 de la Constitution et ne donnant lieu à aucune explication écrite. Nous demandons une justification écrite des décisions d'irrecevabilité.
Cette mesure semble d'autant plus indispensable que certains amendements sont retenus en première lecture avant d'être écartés quelques mois plus tard. Des explications sont nécessaires car les dispositions constitutionnelles n'ont pas changé dans l'intervalle.
L'explication écrite atténuera en outre les difficultés en séance publique, monsieur le rapporteur.
Je tiens à réaffirmer toute ma confiance au président de la commission des finances, Éric Woerth, qui applique avec rigueur l'article 40 de la Constitution et qui explique systématiquement ses décisions lorsqu'il est saisi – je me souviens de séances, que je présidais, au cours desquelles l'opinion dominante dans l'hémicycle assurait que l'article 40 avait été bafoué alors que les décisions du président Woerth étaient expliquées et fondées.
Monsieur Gosselin, il ne faut pas oublier la propension du Conseil constitutionnel, aujourd'hui bien plus grande, à retoquer des dispositions qu'il assimile à des cavaliers législatifs. Le Conseil nous rappelle ce faisant à notre devoir de respecter l'article 45.
La question n'est pas la proximité de fond, directe ou indirecte, entre le sujet de l'amendement et celui du texte, mais celle du lien légistique : les exemples en ce sens sont nombreux. L'avis est défavorable.
L'amendement no 21 n'est pas adopté.
Il poursuit la même idée. Ne vous dissimulez pas, monsieur le rapporteur : vous évoquez le président Woerth pour nous renvoyer la balle, mais nous savons comment cela se passe. Le président Woerth, comme tous ses prédécesseurs, n'a pas beaucoup de temps pour avaliser des décisions prises par des administrateurs, c'est-à-dire par l'administration de l'Assemblée nationale et non par des responsables politiques. Ce n'est pas faire injure aux administrateurs que de souligner que le temps est limité et les questions techniques : nous pouvons comprendre que cela fonctionne ainsi, mais nous demandons des explications écrites.
Chacun le sait ici, les décisions prises sur le fondement de l'article 40 – nous le verrons plus tard pour l'article 45, la réforme du règlement ne datant que de 2019 – aboutissent à des distorsions objectives entre l'Assemblée et le Sénat, ce dernier s'accordant plus de liberté. Les députés se privent ainsi d'une occasion d'expression, cette autocensure s'ajoutant à la censure du Conseil constitutionnel. L'autocensure est pire que la censure car elle nous prive de vrais débats.
L'amendement no 37 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
L'amendement no 58 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Dans la continuité des propos que vient de tenir Marc Le Fur, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante et a même tendance à se resserrer. Monsieur le président, vous avez rappelé chaque parlementaire à cette exigence à la fin de l'année 2020. Néanmoins, cette jurisprudence peut se discuter et il n'est en tout cas pas nécessaire de nous autolimiter. Nous tombons dans une sorte de syndrome de Stockholm parlementaire : craignant l'éventuelle censure du Conseil constitutionnel, nous nous censurons. Osons !
Ce n'est pas si dramatique de se faire taper sur les doigts par le Conseil constitutionnel, le contrôle exercé par ce dernier n'étant que la preuve du bon fonctionnement de nos institutions. Il ne s'agit pas d'écrire des textes dont chaque ligne serait contraire à la Constitution, mais cessons de nous restreindre ! À force de nous autolimiter, nous finirons par scier la branche sur laquelle nous sommes assis, celle de la représentation nationale, car nous ne pourrons plus nous exprimer – au moins la question des temps de parole sera-t-elle ainsi réglée.
L'amendement no 58 n'est pas adopté.
Il suit la même logique. La Constitution de 1958 rationalise le parlementarisme à l'extrême : l'article 37 consacre le domaine réglementaire comme celui de droit commun et l'article 34 dresse la liste des sujets pour lesquels, par exception, une loi est requise. Comme si cela ne suffisait pas, la Constitution a instauré un Conseil constitutionnel chargé, entre autres, de veiller à cette répartition des compétences. Et comme cela ne suffit toujours pas, notre propre règlement se dresse comme le chien de garde des prérogatives de l'exécutif.
L'amendement propose de cesser de nous autolimiter et de desserrer un peu l'étau : pour continuer de filer la métaphore, il vise à allonger la laisse sans laisser une totale liberté aux parlementaires.
Vous commettez une erreur d'interprétation : l'article 41 de la Constitution est très peu appliqué et la proposition de résolution vise à préciser, dans l'article 93 du règlement, les modalités d'application de l'irrecevabilité d'un texte ou d'un amendement qui ne relèverait pas du domaine de la loi.
L'amendement no 65 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Il permet d'aborder l'application de l'article 45 de la Constitution : avant la réforme de notre règlement de 2019, l'irrecevabilité des amendements était décidée sur le fondement de l'article 40, de nature financière ; désormais, c'est l'article 45 qui est opposé aux auteurs des amendements.
L'irrecevabilité d'un amendement sanctionne l'éloignement de son objet de celui du texte examiné. Pourtant, l'article 45 dispose que les amendements ayant un lien même indirect avec le texte sont recevables. On pourrait donc considérer qu'un lien même lâche suffit, mais la pratique va dans le sens opposé. On nous dit que l'article 45 est aussi objectif que l'article 40 ; or si engager une dépense ou réduire une recette présente un caractère relativement objectif, décider de l'existence d'un lien entre l'objet d'un amendement et celui du texte est beaucoup plus subjectif et obéit à des critères bien plus flous.
Les amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 45 se multiplient. Monsieur le président, je suis attaché au droit d'amendement, qui est l'un des droits fondamentaux des parlementaires : tout le monde dit le respecter, mais de nombreuses dispositions le restreignent, cette nouvelle utilisation de l'article 45 étant la dernière en date.
Il s'agit d'un amendement d'appel car je vois la logique, que je regrette, de notre rapporteur, mais je vous invite, mes chers collègues, à nous redonner la capacité d'agir. Il n'y a pas d'équivalent des articles 40 et 45 dans les autres démocraties parlementaires : à un moment donné, nous devons assumer nos responsabilités.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 121 .
L'article 45 est devenu un couperet. Il faut desserrer l'étau et donner une interprétation plus large du lien indirect entre l'amendement et le texte. Sans cette marge de manoeuvre, les textes sont très monolithiques.
Les députés non inscrits n'ont pas les mêmes droits que ceux appartenant à un groupe, sauf en créant un groupe technique – possibilité que vous avez évoquée il y a quelques instants, monsieur le président. Il faut donc veiller à ménager un large accès de tous les députés au droit d'amendement : il s'agit d'une garantie pour les oppositions et les parlementaires.
L'avis est défavorable. Monsieur Le Fur, ne me reprochez pas de respecter le contrat moral que nous avons passé ensemble lors du lancement de notre groupe de travail et qui stipule que nous ne traitions que de ce qui concerne le fonctionnement de l'Assemblée nationale en cas de crise. Ne prenez pas la concision de mes réponses pour un manque de respect, alors qu'elle n'est que la stricte application de ce contrat moral. Je serai d'ailleurs bref dans mes prochaines prises de parole.
Le contrat que vous évoquez, monsieur le rapporteur, vous lie peut-être quant à la nature de votre réponse, mais pas quant à sa dimension : vous pouvez parfaitement aller au fond des choses, il me semble que nous sommes là pour cela.
L'amendement no 66 vise à ce que l'auteur d'un amendement déclaré irrecevable au titre de l'article 45 puisse demander une justification écrite de cette décision, afin qu'un échange puisse se nouer entre le député et la commission.
Il concerne également l'application de l'article 45 : vous nous dites, monsieur le rapporteur, que les décisions de recevabilité ou d'irrecevabilité des amendements obéissent à des règles précises : nous n'en doutons pas, donc expliquez-les !
Nous avons déposé des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui visaient à mieux lutter contre la fraude sociale pour financer la sécurité sociale. Ces amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 : s'il n'y a pas de lien entre la fraude sociale et le PLFSS, il faut nous expliquer ! On peut être opposé à de tels amendements, mais on ne peut pas les déclarer irrecevables : c'est incompréhensible ! Croyez-moi, personne n'y a vu de cavaliers législatifs ! Des explications nous éclaireraient et nous éviteraient de redéposer les mêmes amendements.
L'objet de cet amendement de mon collègue Marc Le Fur est de permettre à un député de demander et d'obtenir une explication écrite et argumentée lorsque l'un de ses amendements est déclaré irrecevable, afin de renforcer la transparence du contrôle a priori de la recevabilité. En outre, les parlementaires pourront rectifier en connaissance de cause la rédaction de leurs amendements irrecevables.
Je comprends votre demande d'explication, monsieur Zumkeller. La présidente de la commission des lois, ici présente, n'a jamais refusé de donner une explication sur une décision d'irrecevabilité prise au titre de l'article 45. Les présidents de commission répondent à toutes les demandes d'éclaircissement. Ne donnons pas l'impression que les présidents font un traitement administratif et lointain de ces sujets !
Mme la présidente de la commission des lois rit
je confirme une nouvelle fois les propos du rapporteur la concernant. Cependant, la commission des lois n'est pas toute l'Assemblée, et toutes ne font pas ce travail. La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République a éliminé 300 amendements avant l'examen en commission, et 800 avant l'examen en séance. J'ai personnellement demandé une explication écrite des irrecevabilités ; je n'ai pas reçu la moindre réponse, pas même un accusé de réception. J'admets volontiers que vous avez peut-être raison dans la plupart des cas, notamment ceux qui relèvent des commissions permanentes, mais comparaison n'est pas raison : les réponses ne sont pas exhaustives, tant s'en faut, et les demandes sont parfois ostensiblement écartées.
Il sera compris de tous les collaborateurs qui travaillent avec nous à l'élaboration des amendements. Nous sommes pris par le temps, en particulier lorsque nous n'appartenons pas à la commission saisie, et avons donc moins approfondi la lecture du texte. Il faut rédiger les amendements, ce qui laisse peu de temps pour solliciter et obtenir les signatures de nos collègues. L'amendement que je défends vise à autoriser l'ajout de cosignataires après expiration du délai de dépôt des amendements, sans qu'il soit évidemment possible de modifier le dispositif ou l'exposé sommaire. Il est d'ailleurs déjà possible de retirer des cosignataires. Cela relève du bon sens : les jeudis et vendredis après dix-sept heures, nos collaborateurs se démultiplient en vain. Je défends d'autant plus cette disposition que le Sénat l'applique : lorsque la date de dépôt est passée, il n'est pas possible de modifier l'amendement lui-même, par souci d'égalité, mais il est possible d'ajouter des cosignataires. C'est une bonne mesure, car il n'est pas neutre de s'associer à un amendement, et certains collègues y sont favorables, pour de multiples raisons. Cette disposition relève davantage du bon sens que de notre règlement, son application ne serait pas compliquée. Plutôt que de stresser nos collaborateurs, autorisons-les à inscrire des cosignataires après la date de dépôt des amendements.
Nos collaborateurs sont effectivement suffisamment stressés pour que nous n'ajoutions pas à leur charge. L'idée est très intéressante et mérite qu'on travaille à son application. Néanmoins, il n'est pas possible d'adopter cette mesure maintenant : l'avis est défavorable pour aujourd'hui.
Je me réjouis qu'amendement après amendement, nous obtenions des réponses satisfaisantes. Vous disposerez d'éléments sérieux pour une prochaine réforme – si ce n'est cette majorité, d'autres pourront s'en charger. Marc Le Fur, Michel Zumkeller et d'autres vous les fournissent. Nous les retenons. Voilà de quoi améliorer les droits de l'opposition et le fonctionnement de notre assemblée ; on s'en réjouit.
L'amendement no 82 n'est pas adopté.
Il vise à introduire un délai minimum entre la publication de la dernière version d'un texte et la date limite de dépôt des amendements. Cette proposition est rendue nécessaire par la dégradation progressive des conditions du travail parlementaire. En effet, la crise sanitaire a produit des situations intenables pour les parlementaires. Ainsi, la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a été présentée le 18 mars, pour être examinée au Sénat le lendemain, en commission à l'Assemblée nationale le vendredi 20 mars, et en séance publique le 21. Comment, en si peu de temps, la représentation nationale peut-elle analyser de manière satisfaisante un texte composé de 22 articles, en constante évolution ?
Il est essentiel de garantir la qualité du travail parlementaire en temps de crise. Pour cela, nous estimons qu'un délai minimal de deux jours ouvrables est indispensable entre la publication d'un texte et la date limite de dépôt des amendements.
M. Larive l'a dit à sa façon : nous sommes de plus en plus tenus par des délais très courts, trop courts, entre le dépôt du texte et l'heure limite pour déposer les amendements. Je partage son analyse. En effet, on n'a pas pris en considération les modifications apportées par la révision constitutionnelle de 2008 et l'évolution du règlement. Avant, la situation était très différente : le texte était figé, nous examinions en séance le texte du Gouvernement ou de la proposition de loi, la commission émettait des avis sans le modifier. Désormais, le texte est réécrit lors de l'examen en commission, parfois sensiblement. C'est bien : les commissions font leur travail. Néanmoins, il faut donner un délai suffisant pour en prendre connaissance, en particulier lorsqu'on n'est pas membre de la commission, afin de rédiger les amendements qu'on estime nécessaire. Cette réflexion ne concerne pas certains textes, notamment le budget : la commission ne modifie pas le projet gouvernemental. Mais les commissions modifient profondément les autres textes : il faut donner le temps aux parlementaires de rédiger les amendements sur un texte parfois très différent de celui initialement déposé.
Il m'est cher, monsieur le président ! Il concerne la seconde délibération ; je suis convaincu qu'il évoquera beaucoup de souvenirs à certains collègues.
On examine un texte, les articles sont adoptés, mais une disposition n'a pas l'heur de plaire aux grands de ce monde, notamment au Gouvernement : une seconde délibération est organisée, généralement au terme du débat, vers minuit, une heure ou deux heures du matin, les gens sont fatigués, l'ambiance est parfois tendue. Le Gouvernement a mobilisé sa majorité. Patatras, on remet en cause les votes intervenus à l'issue de débats importants. Selon moi, la seconde délibération ne devrait être concevable que pour coordonner des articles, par exemple ; il est déplacé de revenir sur des mesures.
La seconde délibération existe depuis des dizaines d'années, elle a été présente à peu près tout au long de la Ve République : c'est un garde-fou. Je suggère de ne pas mettre fin à cinquante ans de tradition sans une analyse détaillée des conséquences. Avis défavorable – pour aujourd'hui.
Ne jouez pas le gardien du temple. La situation peut évoluer. Des éléments nouveaux sont intervenus. J'ai une petite expérience de cette assemblée : il fut un temps où les secondes délibérations étaient rares ; désormais elles se produisent. J'aimerais d'ailleurs disposer des statistiques, monsieur le rapporteur – vous les avez certainement en magasin, et vous allez nous les fournir.
L'amendement no 22 n'est pas adopté.
L'amendement no 81 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Le déroulement des travaux des commissions mixtes paritaires – CMP – est trop opaque. Il convient de les rendre publiques, à l'instar des autres réunions de commission.
Les commissions mixtes paritaires constituent une particularité. Normalement, tout est public dans la vie parlementaire, et donne lieu à un compte rendu. Or, la CMP n'est pas publique, et on n'en connaît que le résultat, à savoir le texte adopté à l'issue de sa réunion, parfois sensiblement modifié. J'estime que notre règle de publicité doit s'appliquer à l'ensemble des travaux.
Je défends cet amendement d'autant plus fermement, monsieur le président, que je vous sais sensible à la question de l'influence des lobbies. Or, la CMP est leur cible privilégiée : les lobbyistes connaissent les sept représentants de l'Assemblée et ceux du Sénat, et les appellent. Si nous ne faisons rien en la matière, il sera inutile de chanter qu'on les combat. La meilleure arme à leur encontre ne consiste pas à réduire le débat public, qui est sain. En revanche, l'opacité et les petits groupes – deux fois sept parlementaires – font la fortune de certains. Je dénonce ici ces éléments ; j'espère ne pas être le seul, et qu'un jour nous mettrons un terme à ce qui constitue une aberration au regard de notre logique de publicité des débats.
… qui nécessite un travail approfondi. J'y suis très sensible. Je viens de déposer un rapport contenant vingt-cinq propositions relatives aux lobbies, dont certaines ont déjà été adoptées lors de la dernière réunion du Bureau, le 20 janvier. Vous avez raison, nous devons mener ces travaux, peut-être pour nos successeurs. Le sujet est compliqué parce qu'il ne faut pas que la transparence empêche l'émergence de consensus, mais il existe peut-être des solutions. Nous devons y travailler avec nos collègues du Sénat, ce que nous n'avons bien sûr pas fait avant cette séance. L'avis ne peut donc pas être favorable.
La parole est à M. Marc Le Fur. Il reste vingt amendements, je lèverai la séance à l'heure prévue : vous reviendrez à vingt et une heures !
Je suis d'un naturel optimiste : j'entends votre réponse, et comprends qu'elle ne ferme pas la porte. J'ai lu votre travail sur les lobbies, peut-être trop rapidement : je n'ai pas vu la question de la CMP, …
… qui est cruciale. Les lobbies agissent plutôt sur des individus que sur des groupes larges. Les ministères sont donc une cible privilégiée, tandis que la collégialité nous protège. Mais en CMP, la collégialité est très atténuée, avec seulement deux fois sept parlementaires. Or, le lobbyiste et celui qui est sensible à ses arguments sont protégés par l'absence de transparence. Le député qui siège à la CMP pourra toujours arguer qu'il n'est pas celui qui a défendu telle mesure. La situation est aberrante.
En revanche, il est logique de travailler avec le Sénat. Forts de leur expérience, les sénateurs sont très présents en CMP, dont ils savent utiliser le dispositif. Nous devons faire de même, et veiller au rôle des lobbies. La publicité nous protège : il est nécessaire de publier les débats !
L'amendement no 14 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Non, cet amendement est au contraire très important puisqu'il concerne le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, qui, souvent, correspond à des sommes considérables et fait l'objet de peu de débats. Ce sujet ne passionne pas toujours nos collègues…
L'amendement no 23 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Il propose d'insérer, à la seconde phase du premier alinéa de l'article 120 du règlement, après le mot « groupe », les mots « ceux attribués aux rapporteurs spéciaux et aux rapporteurs pour avis, ».
Les rapporteurs pour avis ont quelque peu disparu dans la logique parlementaire actuelle. Je le regrette, car cela permettait à des commissions moins engagées que la commission saisie au fond de donner leur sentiment sur des questions diverses et variées, et évitait souvent la constitution de commissions spéciales. Je pose la question car je me souviens que les rapporteurs pour avis contribuaient à enrichir le débat, en exprimant brièvement mais clairement la position de leur commission.
L'amendement no 24 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Ces amendements portent sur les questions écrites, qui sont l'un des moyens qu'ont les députés de se renseigner sur l'activité de l'administration et d'obtenir des réponses. Comme souvent, des excès ont pu se produire, mais la réponse à l'excès est excessive, puisqu'on a atténué la possibilité pour un parlementaire de poser des questions écrites.
Je conçois qu'il soit nécessaire de lutter contre des excès, mais, en tout état de cause, alors que nos compatriotes nous posent actuellement beaucoup de questions, par exemple sur des sujets liés à la pandémie, nous pouvons difficilement les relayer.
Par ailleurs, la réponse à ces questions est souvent très sommaire, lorsqu'elle intervient, ce qui n'est pas toujours le cas. Je regrette que les ministres, leurs ministères, les administrations, ne fassent pas toujours preuve de diligence pour répondre à ces questions. Il faut donc user de votre autorité et de celle de l'Assemblée pour que, dans la mesure où nous sommes contraints quant au nombre de questions, nous puissions au moins obtenir des réponses pertinentes et rapides.
Je rebondis sur ce qu'a excellemment expliqué notre ami Marc Le Fur : les questions écrites sont des outils essentiels pour contrôler l'action du Gouvernement. Elles permettent également aux parlementaires de se saisir de nombreux sujets et de relayer les demandes émanant des habitants de leur circonscription.
Les questions écrites sont un outil essentiel, à disposition des députés membres d'un groupe comme des députés non inscrits, ce qui est une bonne façon de rendre un certain nombre de demandes publiques, grâce à la publication au Journal officiel.
Nous pouvons actuellement poser 52 questions par an, soit une question par semaine, ce qui est très peu. On peut batailler sur le chiffre – le bon chiffre est-il de 100 ou de 150 ? – , mais, en tout état de cause, 52 questions sont souvent insuffisantes, en particulier en cette période de crise où nous avons été amenés à formuler beaucoup de questions supplémentaires liées à la pandémie.
Monsieur le rapporteur, nous avions envisagé, depuis quelques mois déjà, dans notre boîte à outils, d'augmenter le nombre des questions écrites. Sauf erreur de ma part, cela n'a pas été fait. Si le passé est évidemment derrière nous, qu'en est-il pour l'avenir, puisque l'état d'urgence sanitaire ne prendra fin qu'au 1er juin et que la crise est loin d'être achevée ?
Nous avons effectivement travaillé, dans la boîte à outils, sur les questions écrites : sur le seuil bien sûr, mais aussi sur le devenir des questions antérieures à la crise et sur la nécessité ou pas de prioriser certaines questions. Il y a donc, dans cette boîte à outils, toute une logique, qui sera à la disposition de la Conférence des présidents, …
Il m'avait semblé comprendre que la boîte à outils était déjà à disposition et ne nécessitait pas de réforme du règlement pour être utilisée. Je m'adresse donc aussi au président de l'Assemblée nationale pour que cette jauge de 52 questions autorisées soit revue à la lumière de la covid-19 : cela fait presque un an que l'état d'urgence a été déclaré, posant de nombreuses questions. Il faut donc absolument revoir ce point.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l'amendement no 63 .
S'agissant des questions écrites, le plus important, c'est la réponse : nous constatons tous que nous n'en avons pas souvent. Les plus anciens d'entre nous posaient beaucoup de questions, avant 2014 ; l'absence de réponse pouvait donc se concevoir. Le nombre de questions a été réduit à 52 depuis. J'ai regardé mes statistiques personnelles – je ne pose pas beaucoup de questions – et 25 % des questions que j'ai posées depuis 2017 n'ont toujours pas obtenu de réponse. De même, depuis 2017, 25 % des questions signalées n'ont pas reçu de réponse.
Il faudrait tout de même trouver une solution, par exemple en confiant une nouvelle tâche au président de l'Assemblée – qui en a déjà beaucoup – lui demandant d'annoncer une fois par mois, avant la séance de questions au Gouvernement, les statistiques, ministère par ministère.
Peut-être est-ce un moyen de faire évoluer les choses et de contribuer à ce que les questions parlementaires soient mieux prises en considération.
Il s'agit effectivement d'un sujet important et le président a fait progresser les choses pendant ce mandat, …
… même si nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Le taux de réponse, soit 25 % dans le délai des deux mois, n'est pas satisfaisant. C'est le respect du Parlement qui est en cause. Il ne s'agit évidemment pas de créer une contrainte supplémentaire pour le président de l'Assemblée, ce qui serait aberrant, mais d'avoir confiance en notre président pour nous représenter et faire en sorte que le Gouvernement puisse accélérer les réponses et tenir le délai prévu d'une réponse dans les deux mois.
Ces réponses, sommaires voire absentes, témoignent de l'opinion que l'administrateur moyen dans un ministère se fait de l'importance des questions écrites du Parlement. Tel est le sujet.
Cela signifie que le Parlement, dans son esprit, ne compte pas, et que les administrations nous relèguent à un rang de priorité très inférieur à d'autres sollicitations. Nous devons donc insister sur ce point. Pour parcourir quelquefois les réponses écrites, je remarque que les questions sont très précises et intéressantes, parfois microscopiques, même si cela est l'objectif de la question écrite, qui n'a pas vocation à faire l'objet d'une publicité gigantesque. La fonction de l'administration est d'y répondre et je constate que les réponses se sont beaucoup affaiblies, ce qui est révélateur du poids relatif du Parlement dans ce pays.
L'amendement no 63 n'est pas adopté.
Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir les amendements nos 15 et 16 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Ces deux amendements d'appel portent sur la question des résolutions, non pas de celle que nous allons adopter, mais de celles qui, auparavant, nous étaient interdites. Si la réforme du règlement de l'Assemblée nationale de 2009 nous a autorisés à voter des résolutions, il est possible d'aller plus loin en permettant d'amender les résolutions, ainsi qu'un examen systématique par les commissions, la discussion étant actuellement limitée à la séance. Nous avons l'occasion de peser sur un certain nombre de sujets qui ne relèvent pas de textes législatifs, comme les questions relevant des affaires étrangères par exemple, mais qui pourraient donner lieu à des résolutions.
Cela relève d'une loi organique, donc le règlement intérieur n'y changera rien. Avis défavorable.
Ces amendements visent à trouver une solution pour associer davantage les parlementaires à la rédaction des ordonnances. Certes, dans certains cas, il faut agir vite. Cependant, certains ministres associent les parlementaires et mettent des groupes de travail en place. Il serait donc souhaitable de formaliser des pratiques en ce sens.
La proposition est intéressante mais on ne peut l'adopter dans ce texte ; défavorable.
Suite à la révision constitutionnelle à l'initiative de Nicolas Sarkozy en 2008, le règlement de l'Assemblée nationale a évolué en 2009 pour permettre des rapports d'application de la loi, ce qui est une bonne chose : cela nous permet de travailler sur un certain nombre de sujets et d'avoir une vision qui ne soit pas uniquement théorique, mais qui aille jusqu'au stade de l'application de la loi. L'objectif est de renforcer cette possibilité, en proposant systématiquement la présence d'un corapporteur issu de l'opposition, ce qui existe parfois, de fait, et serait ainsi inscrit dans le marbre.
L'amendement no 31 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à faire en sorte que notre activité ne soit pas uniquement théorique, abstraite, voire un peu parisienne, mais que nous ayons les moyens de contrôler l'application des lois dans nos circonscriptions, dont nous connaissons les habitants, et ce avec le concours de collaborateurs de l'Assemblée.
Certes, cette possibilité ne saurait être démultipliée, mais elle doit exister, ne serait-ce que pour nous permettre d'être des législateurs plus aiguisés, dans la mesure où nous aurons des informations concrètes et objectives sur l'application des lois. Chaque député a à l'esprit, en recevant des personnes dans sa permanence, que certaines lois ne sont pas appliquées et que d'autres méritent des évolutions.
Nous gagnerions donc à ne pas effectuer ce travail à titre individuel, mais à systématiser cette pratique et à y travailler au sein des commissions, avec le concours des administrateurs de l'Assemblée, dont on ne soulignera jamais assez la qualité, l'impartialité, et leur capacité à nous accompagner dans nos tâches de législateurs.
Beaucoup d'entre nous sont très attachés à cette évaluation « au dernier kilomètre », que Jean-Noël Barrot a défendue à de nombreuses reprises : il faut l'expérimenter et la mettre en oeuvre, ce qui nécessite plus de temps. Avis défavorable.
L'amendement no 34 n'est pas adopté.
Vous nous avez fait part une fois de plus de votre bonne volonté, monsieur le rapporteur, mais encore faudrait-il fixer un calendrier : quand ces modifications pourront-elles intervenir ? Quand nous donnerons-nous le temps d'y procéder ? Nous avons évoqué quelques idées relatives à l'évolution de la vie parlementaire, mais nous risquons d'arriver au terme de notre mandat – nous l'avons presque atteint, je le répète – sans nous être donné les moyens de les rendre concrètes.
Il est défavorable. Il convient d'évoquer le sujet dans d'autres cadres.
Il vise à ce que la présidence du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques soit systématiquement confiée à un membre d'un groupe d'opposition. Un peu de la même manière, nous avions prévu que la présidence de la commission des finances serait désormais confiée à un membre du principal groupe d'opposition. Ce fut, je le rappelle, l'une des grandes évolutions voulues par le président Sarkozy, d'ailleurs appliquée avant même qu'elle ne soit inscrite dans le règlement.
La mesure que nous proposons serait concrète et efficace. Si vous lui réserviez une suite favorable, monsieur le rapporteur, vous montreriez combien vous reconnaissez la vie parlementaire dans sa diversité.
Il est défavorable. Je vous renvoie aux débats que nous avons eus à ce sujet en 2019.
L'amendement no 32 n'est pas adopté.
L'amendement no 123 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
J'ai dû aller trop vite lorsque j'ai présenté les amendements précédents !
L'amendement no 85 vise à modifier le titre : vous proposez de substituer aux mots « de crise » les mots « d'état d'urgence ».
L'amendement no 85 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
C'est un amendement de précision rédactionnelle. La proposition de résolution vise à modifier le règlement pour permettre l'organisation de nos travaux non pas en cas de crise politique ou de guerre, mais en cas de crise sanitaire, à l'instar de celle du covid-19 que nous traversons.
Au contraire, il s'agit bien de prévoir des dispositions pour plusieurs types de crise ; le champ est plus large que le seul cas de crise sanitaire. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 105 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de résolution.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe UDI et indépendants.
Notre groupe attendait la conclusion du débat pour se prononcer. Nous sommes favorables à des mesures de cette nature, mais nous regrettons vraiment que l'on n'ait rien prévu pour associer les groupes politiques n'appartenant pas à la majorité aux décisions prises par la conférence des présidents en la matière, autrement dit que l'on n'ait pas instauré, d'une manière ou d'une autre, un droit de veto. C'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote de la proposition de résolution, à grand regret.
Nous soutenons les mesures présentées pour permettre l'organisation de nos travaux en situation de crise, tout en regrettant que l'on n'ait pas tenu compte de nos nombreuses propositions, qui tendaient à renforcer les droits de l'opposition – et, en réalité, qui dit droits de l'opposition dit droits du Parlement. Le rapporteur dit en avoir pris bonne note. J'ignore ce qu'il en fera et ce que nous en ferons collectivement. Il convient en tout cas, à n'en pas douter, de remettre notre ouvrage sur le métier.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 56
Contre 5
La proposition de résolution est adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra