COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE
Mercredi 20 janvier 2021
La séance est ouverte à vingt-et-une-heures cinq.
La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Article 6 (art. 10–1 [nouveau] de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Signature d'un contrat d'engagement républicain pour les associations sollicitant ou bénéficiant d'une subvention au titre de l'intérêt général (suite)
La commission examine l'amendement CS1263 de Mme Marie Guévenoux.
Il vise à préciser le contenu du contrat d'engagement républicain, en ajoutant, après la mention de la liberté, les mots : « notamment de conscience », tout comme le Gouvernement a tenu à préciser qu'il s'agissait de l'égalité entre les hommes et les femmes. Il serait regrettable que puissent être subventionnées des associations qui imposeraient à leurs adhérents une vision de l'être humain ou de la création du monde qui irait à l'encontre de la liberté de conscience – associations d'inspiration musulmane militant contre l'apostasie ou associations d'inspiration évangélique contestant radicalement la théorie de l'évolution.
La liberté de conscience est comprise dans le principe général de liberté. Avis défavorable.
Même avis.
La précision me semble utile, d'ailleurs le Gouvernement a précisé la notion d'égalité. Je ne comprends donc pas vraiment votre avis, monsieur le rapporteur.
Je soutiens d'autant plus cet amendement que mon amendement CS1520 concerne le même ajout. Puisque nous ne pouvons pas énoncer la totalité des principes républicains dans une liste à la Prévert, au moins pouvons-nous souligner ceux qui nous semblent déterminants, pour garantir la République d'apaisement que nous souhaitons.
Dans son vademecum du bon législateur, le Conseil d'État conseillait de supprimer systématiquement tous les « notamment » et leur suite, dans la mesure où cela affaiblit le principe énoncé.
On ne peut qu'être d'accord avec l'objet de l'amendement. Mais si nous aurons, à d'autres occasions, à rappeler le cadre dans lequel s'exerce le contrat, en l'espèce, il me semblerait plus profitable de le retirer.
Dans la Constitution, il n'y a pas d'ajout à la liberté. En revanche, quand il est question de l'égalité, on mentionne l'égalité entre les femmes et les hommes. Il me paraît donc cohérent d'en rester à la rédaction initiale sur ce point.
Selon moi, il faudrait même supprimer la précision relative à l'égalité entre les femmes et les hommes proposée par le Gouvernement, non que j'y sois opposé, bien évidemment, mais parce que les principes généraux se suffisent à eux-mêmes. Tout ajout les concernant est bavard et risque de nous entraîner dans une discussion infinie, car une définition exhaustive des principes de la République prendrait beaucoup de temps. L'économie de cette disposition mérite la simplicité.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS568 de M. Éric Ciotti.
L'amendement de M. Ciotti rejoint le mien, le CS1546, que je défends à cette occasion. Nous proposons d'ajouter aux principes du contrat d'engagement républicain la laïcité, ce qui paraît bien le moins que l'on puisse faire dans une telle loi, d'autant que, si j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur hier, il n'a eu de cesse de nous démontrer que la laïcité était l'absolu respect de toutes les confessions, sans frein. S'il est difficile de la définir, je retiens la proposition du professeur Mélin-Soucramanien, pour lequel la laïcité se définit selon deux critères, la séparation du politique et du religieux et la liberté de conscience, ajoutant que, pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, le principe qui interdit de s'exonérer de la règle commune au titre de son origine ou de sa religion est un autre fondement de la laïcité.
Pour être attaché, comme beaucoup d'entre vous, à la laïcité, je vais prendre un peu de temps pour vous répondre, ne voulant pas donner le sentiment que j'expédie le sujet. La laïcité, selon la définition communément admise, impose le respect de toutes les croyances et l'égalité des citoyens sans distinction de religion, le libre exercice des cultes et la liberté de conscience, ainsi que la neutralité de l'État et des services publics par extension. Dès lors, si l'on intègre la notion de laïcité dans le contrat d'engagement républicain, cela veut dire que l'on confie un devoir de neutralité à toutes les associations. Or elles n'ont pas de raison d'être soumises à un tel devoir, à partir du moment où elles n'exercent pas une mission de service public. Ainsi, on pourrait s'entendre en ne considérant qu'une partie de la définition. Mais la laïcité, c'est tout l'ensemble. Il faut continuer à la défendre et à l'inclure partout où l'on peut, mais dans ce cas précis on fait entrer une notion de neutralité, soit de laïcisation du monde associatif, qui ne me paraît pas appropriée. Avis défavorable.
Avis défavorable. Nous partageons évidemment tous un attachement profond pour le principe de laïcité, mais le faire entrer, stricto sensu, dans le contrat d'engagement républicain, risquerait de conduire à priver de subventions certaines associations – les scouts, par exemple, ou le Secours catholique. C'est pourquoi nous avons trouvé une voie de compromis, en mentionnant la question de la laïcité, en rappelant en préambule l'article 1er de la Constitution et le fait que la République soit laïque, sans entrer dans le détail de l'obligation de laïcité en tant que telle, qui nous apparaît comme de nature à affaiblir considérablement la possibilité de financer certaines organisations.
D'autres amendements portant sur le même sujet arriveront un peu plus tard et seront évidemment examinés.
Ce n'est pas bon signe que nous tournions autour du pot, alors même que la laïcité est l'un des éléments fondateurs du projet de loi. Que l'on évite ce mot, alors même que nous parlons du contrat d'engagement républicain, né des nombreuses propositions des collectivités territoriales, qui ont souhaité faire adopter des chartes de la laïcité pour conditionner l'octroi de leurs subventions, c'est un mauvais signal que nous leur envoyons. Vous les placez dans une situation d'insécurité, puisqu'elles vont être contraintes de continuer à faire voter des chartes de la laïcité. Personne n'oblige les scouts, par exemple, à être catholiques ! Ils sont parfaitement intégrés dans la République et sauraient faire observer le principe de laïcité, qui n'est pas la neutralité. Les chartes de la laïcité s'appuient sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sur le Préambule de la constitution de 1946, sur l'article 1er de la loi de 1905, ainsi que sur l'article 1er de la Constitution. La laïcité est partie intégrante du contrat d'engagement républicain et toutes les associations peuvent la respecter, même si elles ont une tradition d'inspiration confessionnelle.
Je crois que nous parlons de la même chose et que pourtant vous faites une erreur d'appréciation manifeste. Voyons plutôt les statuts des associations que vous évoquez. L'article 1er du statut des éclaireurs et éclaireuses israélites de France dispose que : « L'association a pour but de former des hommes et femmes conscients de leur judaïsme, de leur rôle dans la vie civique nationale et au service de la communauté juive de France. » La disposition que vous évoquez serait de nature à exclure toute subvention à cette association, qui fait partie de la mouvance du scoutisme français. L'article 1er du statut des scouts unitaires de France prévoit que : « Les membres de l'association sont de confession catholique. » Je ne sais pas si à Juvisy vous subventionnez les scouts de France, mais la charte de la laïcité ne s'applique pas vraiment dans ce cas… Regardons encore Caritas, qui précise à l'article 3 de son statut qu'elle agit afin d'aider les enfants du peuple et les orphelins et de leur assurer une éducation et une formation chrétiennes. Il n'est plus possible de subventionner une telle association, si le mot « laïcité » apparaît dans l'article 6.
Il y a deux solutions : soit nous nous trompons tous depuis très longtemps et vous changez les statuts des associations, ce qui serait disproportionné et insultant ; soit vous partez du principe que la laïcité n'est pas faite pour laïciser la vie associative. Que l'on demande aux gens de respecter la liberté de conscience de leurs membres ou de respecter les règles et les lois de la République, tout le monde le comprend, et c'est le principe de la charte, mais on ne leur demande pas d'imposer en tant que telle la laïcité, au sens où elle ne permet pas la neutralité et le principe complémentaire de la pluralité religieuse. Si vous imposez le mot « laïcité » dans l'article 6, vous imposez à la vie associative d'être subventionnée selon ce que vous pensez être le mieux : ne pas reconnaître une religion en particulier et ne pas mettre dans la charte des scouts que les membres sont catholiques.
Il ne faut pas tout confondre. Le texte n'a pas pour but d'étendre infiniment à tous les pans de la société le principe de la laïcité. L'article 6 vise à faire respecter les principes de la République en général et à lutter contre la subversion de tous ceux qui font du prosélytisme actif contre la République. Les scouts sont parfaitement intégrés à la République, mais ils ne sont pas laïcs.
Je vais donner la parole à plusieurs orateurs. Mais on ne refera pas le débat lors de la défense des prochains amendements sur le même sujet.
Si d'aventure l'introduction du terme de laïcité dans le contrat d'engagement devait compromettre le soutien apporté aux associations qu'a mentionnées M. le ministre, je ne prendrais pas le risque. Mais permettez-moi une réflexion personnelle : plus on avance dans ce débat, plus je m'interroge sur le sens du mot laïcité. Vous avez parlé de neutralité de l'État. La foi n'a pas à intervenir dans les décisions publiques, mais l'État intervient en matière religieuse – vous êtes bien ministre des cultes. Je m'interroge de plus en plus sur le sens de ce mot et je souhaite bien du courage à ceux qui vont élaborer le programme de formation à la laïcité, parce que si, moi qui ai travaillé sur le texte, je me pose de telles questions, d'autres se les poseront aussi… Je ne m'autorise pas à retirer l'amendement de M. Ciotti ; en revanche, je retire le mien.
L'amendement CS1546 est retiré.
Vous donnez l'impression d'être pris à votre propre piège. Vous nous expliquez depuis des semaines qu'il va y avoir une charte d'engagement républicain pour encadrer les choses et éviter des comportements antilaïcs, avant de nous dire qu'il n'y aura pas le mot laïcité dans la charte, avec de bons arguments au demeurant. Mais vous allez quand même demander à des gens de respecter des engagements républicains qui ne comportent pas la laïcité, sous‑entendant qu'elle n'est pas un engagement républicain. On n'y comprend plus rien ! Et le mouvement associatif comprendra encore moins !
Ce matin, quand j'ai osé suggérer que des élus ne devraient pas aller à la messe, vous avez hurlé en m'expliquant que c'était scandaleux et que l'on avait le droit, au nom de la tradition, d'aller fêter sainte Rita qui nous avait sauvés du choléra ! C'est incompréhensible ! Revenons à l'essentiel : c'est l'État qui doit être laïc et neutre, le mouvement associatif doit seulement respecter la loi. Votre contrat d'engagement républicain ne tient pas debout, parce que vous-mêmes en mesurez les conséquences.
Par ailleurs, qu'il y ait du patronage confessionnel, c'est une réalité, tout comme le fait que certains scouts de France soient d'origine confessionnelle, mais je ne subventionnerais pas des associations scoutes qui imposeraient des prières. Si je confie mes filles aux scouts de je ne sais quelle confession, je serais fort agacé qu'elles me disent qu'il y avait obligation de faire la prière. L'origine d'une association est une chose, mais si, quand on leur confie des enfants, il y a de l'éducation religieuse ou une obligation de prier, je ne suis plus d'accord pour qu'on la subventionne. Vous emmêlez tout. Le mouvement associatif doit respecter la loi et ce contrat d'engagement républicain ne tient plus debout, puisqu'il ne pourra même pas demander que les gens soient laïcs. Supprimons l'article 6 !
Je n'aurais jamais imaginé défendre un amendement de M. Ciotti, même si, en réalité, je vais plutôt m'interroger sur le contenu donné par le texte à la laïcité. Assimiler la neutralité à la laïcité, à mon sens, c'est une erreur. Cela ne correspond pas non plus à mes convictions politiques. La laïcité comporte notamment la neutralité, mais elle comporte aussi la garantie de la pluralité des religions. Cela ne mettrait donc pas en danger les associations cultuelles qui signeraient un contrat comportant le terme de laïcité. On peut être laïc et religieux. On peut défendre la laïcité, tout en ayant une activité religieuse. Je ne voudrais pas que l'on évacue cette dimension qui a fait la richesse de l'équilibre de 1905, qui garantit la neutralité de l'État à l'endroit des cultes, qui empêche d'en favoriser l'un par rapport à l'autre et qui permet à tous les individus, y compris les personnes morales associatives, d'être libres dans leur exercice de conscience et dans la manifestation de leur culte. Je ne voudrais pas que le débat se trompe de sujet.
Il faut totalement exclure le principe de laïcité du mouvement associatif, faute de quoi vous le détruirez ! Il ne faut donc surtout pas voter l'amendement Ciotti. Allons-nous interdire aux collectivités locales et à l'État d'aider le Secours catholique ou le Croissant rouge ? Il faut dire clairement que le principe de laïcité ne s'applique pas au mouvement associatif. Je suis d'ailleurs certain que Mme Genevard regrette d'avoir défendu l'amendement de M. Ciotti, parce que ce n'est pas du tout ce qu'elle voulait faire.
La question qui se pose est celle de l'application du principe de laïcité. Selon le président de l'Observatoire de la laïcité, ce principe s'applique de façon différenciée : l'État a un devoir de neutralité, tandis que la sphère associative doit respecter le pluralisme et la liberté de croire ou de ne pas croire. De ce fait, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas intégrer le principe de laïcité dans le contrat d'engagement républicain, dans la mesure où il ne s'apparente pas au principe de neutralité.
Par ailleurs, dans un autre amendement, je vous proposerai d'appliquer le principe de laïcité sans contrevenir à l'inspiration religieuse de l'association. J'y reviendrai parce que j'ai l'impression que tout le monde est diverti par le fait qu'Éric Ciotti retire son amendement.
L'introduction du principe de laïcité dans le contrat d'engagement républicain fait débat et de nombreux amendements ont été déposés sur ce sujet. J'ai donc fait le choix de mener une discussion assez générale maintenant, mais il n'en ira pas ainsi à chaque amendement.
Par ailleurs, je pourrais décider d'arrêter le débat puisque l'amendement semble être retiré, mais je rappelle qu'un député absent ne peut faire dire qu'il retire un amendement : il faut quand même être un peu rigoureux. Madame Genevard, en tant que cosignataire de cet amendement, vous avez parfaitement le droit de le retirer en l'absence de M. Ciotti, et sauf avis contraire d'un autre cosignataire.
Nous défendrons un peu plus loin un amendement presque identique à celui de M. Ciotti : c'est suffisamment rare pour que j'y mette un peu les formes. Au fur et à mesure de nos débats, le contrat d'engagement républicain révèle ses insuffisances. Si nous avons souhaité que le terme de laïcité y soit inscrit, c'est pour éviter de tourner autour du pot : on a l'impression qu'on voudrait que la laïcité figure au nombre des principes qui y sont énoncés mais que l'on ne souhaite pas l'écrire dans le contrat, au motif que cela serait contraire au fait qu'une association puisse revendiquer un culte.
Il y a une confusion entre les mots « laïc » et « laïcité ». Vous pouvez être non laïc et être tout à fait favorable au fait que nos principes républicains s'articulent avec la laïcité, justement parce qu'elle assure la liberté de conscience et la liberté de culte. Vous faites comme si ceux qui ne sont pas laïcs étaient contre la laïcité. Or, c'est l'inverse ! C'est le cas des écoles privées : bien que non laïques, elles ne vont pas à l'encontre du principe de laïcité.
Notre débat illustre bien le manque d'ambition du texte qui nous est présenté : le contrat d'engagement républicain est très limitatif puisqu'il ne concerne que les associations demandant des financements. Nous avons le plus grand mal à rassembler autour des valeurs de la République ; la défiance s'est installée et nous ne parvenons pas à instaurer la confiance. En entrant dans le détail de l'organisation des cultes, nous nous trompons profondément. Nous devons affirmer de grands principes si nous voulons défendre nos valeurs, et non pas se contenter d'un contrat d'engagement républicain. Si nous voulons rassembler, nous devrons débattre ensemble et éviter toutes les postures, notamment sur l'islam radical.
Aux termes de l'article 1er de la Constitution, la France est une République laïque. Je suis un peu gênée de ne pas voir ce principe fondateur apparaître dans le contrat d'engagement républicain. Nous avons une mauvaise lecture de la laïcité : celle‑ci garantit le libre exercice des cultes et le respect de toutes les croyances. Elle impose une obligation de neutralité à l'État, mais en aucun cas aux associations.
J'ai déposé exactement le même amendement que ma collègue Faucillon, ce qui n'arrive pas tous les jours ! Laïcité ne signifie pas neutralité. Je ne comprends plus rien : tout à l'heure, on nous a expliqué que l'article 6 concernait les associations non cultuelles, c'est-à-dire les associations dites « loi de 1901 ». Or il me semblait que le texte avait justement pour objet de sortir les associations cultuelles ou mixtes – cultuelles et culturelles – de la loi de 1901 pour les soumettre au régime des lois de 1905. Dès lors, je ne vois pas en quoi cela gêne de demander qu'une association « loi de 1901 » respecte la laïcité, laquelle est différente de la neutralité. Je suis moi-même un peu perdu dans les objectifs du texte et en particulier de l'article 6.
J'ai le sentiment que c'est la tournure du débat qui crée de la confusion, alors que je n'avais pas le sentiment d'en trouver à la lecture du texte. L'article 1er soumet le service public à une obligation de neutralité et de laïcité, qui s'entend très aisément. L'article 6 invite les associations souhaitant bénéficier de fonds publics à s'engager dans le respect d'un certain nombre de règles républicaines, qui s'entendent également très aisément. Je rejoins notre collègue Charles de Courson : je ne vois pas ce que la laïcité aurait à faire dans les principes de liberté et de fraternité, si ce n'est à conditionner le droit des associations à une autorisation préalable liée au respect du principe de laïcité. Cela me semble contraire à la liberté d'association ; je suis donc très opposé à cet amendement.
La laïcité repose sur deux piliers : la neutralité de l'État et la liberté absolue de conscience. Ayant été maire de Sarcelles pendant vingt ans, j'ai eu la chance de fréquenter les trois grandes religions monothéistes, qui n'ont pas forcément la même conception de l'égalité homme-femme que la nôtre. Quand vous entrez dans une synagogue ou une mosquée, les femmes sont séparées des hommes, cachées à la vue. Certaines femmes de ma commune ne me serraient jamais la main pour respecter une loi religieuse. Cela peut me choquer en tant qu'individu, mais l'élu que j'étais s'interdisait de faire un commentaire, en application du principe de neutralité de l'État.
Si l'on va vers l'égalité homme-femme, ce que l'on peut souhaiter, alors arrêtons de dire que l'on est dans une République laïque qui respecte la liberté absolue de conscience, parce que certaines religions ne respectent pas l'égalité homme-femme. Il faut l'accepter, il faut l'entendre. Dès lors qu'on ne m'impose pas cette inégalité homme-femme, dans une République laïque, chacun croit ce qu'il veut. Je peux comprendre que l'on souhaite inscrire le respect de l'égalité homme-femme dans un contrat, mais cela ne respecte pas la liberté absolue de conscience de ceux qui ne respectent pas ce principe – et je ne parle pas que de la communauté musulmane, loin de là !
La position du groupe La République en marche vaudra pour tous les amendements équivalents. Notre objectif est d'éviter les comportements séparatistes. D'aucuns utilisent l'artifice de l'association pour définir des projets de contre-société et sortir un certain nombre de personnes de la République.
La distinction entre cultuel et culturel ne pose pas de problème. Cultuel, cela veut dire qu'on a vocation à organiser le culte : telle n'est pas la vocation du Secours catholique, qui est une association caritative. Quand on signe un contrat d'engagement républicain, c'est bien pour s'engager à respecter certains principes dans son propre fonctionnement, notamment l'égalité homme-femme. Mais si l'association a un objet religieux, nous ne voulons pas intervenir dans son fonctionnement : c'est pourquoi l'engagement ne peut porter sur la laïcité.
Il y a un problème de conception de la laïcité. Cela apparaît même dans vos propos, monsieur le ministre : à vous écouter, le contraire de la croyance serait la laïcité, alors qu'il s'agit en fait de l'athéisme. Une association confessionnelle doit-elle respecter les principes républicains ? Oui, évidemment. La loi est supérieure à toutes les croyances et les croyants doivent s'y soumettre : c'est aussi simple que cela. La laïcité organise les relations entre l'État et les religions. Selon la loi de 1905, « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » : elle interdit de subventionner un culte, pas une organisation associative confessionnelle. Il y a là une confusion qui, me semble-t-il, va à l'encontre de la neutralité.
La République et l'État sont laïcs, mais pas la société, pas les Français, pas les associations. Il y a une méprise totale : si le législateur décidait de laïciser la société, ce serait une autre laïcité, un autre compromis historique. Il serait alors nécessaire de réformer profondément la loi de 1905, et même probablement notre texte constitutionnel.
Avec le contrat d'engagement républicain, on ne demande pas aux associations d'être laïques, mais de respecter un certain nombre de principes : la liberté ; l'égalité, surtout entre les hommes et les femmes ; la fraternité, qui comprend la dignité de la personne humaine. En cas de non-respect, l'autorité publique aura l'obligation de refuser ou de retirer la subvention qui a été accordée. C'est cela, le mécanisme. Mais si vous prétendez qu'il faut désormais imposer la laïcité à tous les Français, nous changeons de régime juridique, nous changeons de République. Ce serait particulièrement dangereux.
Certains d'entre nous ont eu l'occasion de travailler avec la Cimade : cette association, créée en 1939, est membre de la Fédération protestante de France. Elle n'est absolument pas laïque : selon ses statuts, « la Cimade est reconnue par les Églises comme une forme du service qu'elles veulent rendre selon l'esprit de l'Évangile ». Si nous voulons laïciser la Cimade, alors les débats seront incommensurables parce que cela impliquera de changer de République.
Dans l'histoire de France, la laïcité a d'abord été revendiquée par la gauche. Quand je me suis engagé en politique, il y a une trentaine d'années, cela faisait même partie du clivage gauche-droite : la gauche revendiquait la laïcité tandis que la droite souhaitait que les religions puissent participer au débat politique. Les choses ont évolué : la laïcité est désormais revendiquée par un plus grand nombre de forces politiques. Mais la foi des derniers convertis veut parfois tout emporter sur son passage : ceux qui ont fini par revendiquer la laïcité voudraient tout laïciser. Dans notre pays, depuis toujours, des gens se réunissent dans des associations sur une base confessionnelle. Je suis élu d'une région où la moitié des clubs sportifs s'appellent Saint-Pierre, Saint-Médard, etc. Des clubs sportifs se créent aujourd'hui sur la base d'autres confessions. La question que nous leur posons, s'ils demandent des subventions, ce n'est pas de savoir s'ils sont confessionnels ou pas – l'article 6 ne fait d'ailleurs nullement référence à la question religieuse –, c'est s'ils vont mener un combat contre la République. Certains me rétorqueront que c'est théorique : non, ce n'est absolument pas théorique, c'est même très concret ! Parmi les associations caritatives ou de soutien scolaire, certaines respectent parfaitement les principes républicains tandis que d'autres, sur la base de leur vision du monde et quelle que soit leur religion, œuvrent contre les valeurs de la République, parfois en utilisant des subventions. Si une association sportive ou caritative refuse, au nom de sa vision du monde, l'égalité homme-femme, nous serons fondés à lui dire qu'elle ne respecte pas le contrat d'engagement républicain. Il n'y a nul besoin de mélanger la laïcité à cela car elle concerne les rapports entre l'État, les collectivités publiques et les religions, ce qui implique la neutralité. Nous devons être très clairs sur le contenu de l'article 6.
Je crois que nous sommes d'accord sur le fait que nous ne souhaitons pas que l'article 6 mette fin aux subventions à des associations confessionnelles. Je n'ai entendu personne dire qu'il fallait arrêter de subventionner les scouts en raison de leur engagement religieux. Nous sommes donc à peu près d'accord sur la finalité.
Si la laïcité ne figure pas dans la devise de la République, c'est parce qu'elle n'est pas tout à fait sur le même plan que la liberté, l'égalité et la fraternité. Nous devons nous mettre d'accord sur sa définition, ce qui n'est pas facile. Nous avons élaboré le présent texte en nous fondant sur la définition de la loi de séparation des Églises et de l'État. Cette loi, qui entérine la séparation de l'État d'avec l'Église catholique, ne vise pas le catholicisme dans son titre. Tout comme en 1905, nous faisons une loi générale : le texte que nous vous soumettons ne cible pas l'islam.
La laïcité, telle qu'elle a été définie par le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel et le législateur, repose sur trois éléments : la pluralité religieuse, la liberté de culte et la neutralité de l'État et de ses agents. Dans l'article 1er de la Constitution, c'est la République qui est laïque. Le terme « laïque » s'applique à l'organisation des pouvoirs publics, et non à des personnes, même s'il peut y avoir des « laïcs », c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas ministres du culte, au sein de l'Église.
La difficulté vient de ce que nous avons chacun notre propre définition de la laïcité. Du reste, les ministres de l'intérieur ont longtemps parlé de « laïcité positive », « laïcité ouverte » ou « laïcité fermée ». C'est une notion difficile à définir. Le Gouvernement a choisi de suivre la position du Conseil d'État, lequel écrit dans son avis : « S'agissant des expressions retenues, le Conseil d'État relève que celle de “ principes de la République ” est juridiquement définie puisqu'elle fait référence à des principes de droit interne, relevant du droit positif, quels que soient les termes dans lesquels ils sont reconnus ou consacrés par les textes ou la jurisprudence. Mais il observe que ces principes, nombreux, ne sont pas tous susceptibles d'être retenus dans le cadre de l'engagement républicain. Ainsi en va-t-il par exemple du principe de laïcité qui ne s'impose qu'aux agents publics. » Les différentes définitions de la laïcité sont toutes respectables, mais nous nous en tenons à celle du droit français.
Par ailleurs, madame Le Pen, je ne pense pas que vous souhaitiez interdire aux scouts de recevoir des subventions. Si l'on impose la laïcité aux associations, comment peut-on justifier de verser des subventions à une association qui écrirait dans ses statuts que tous ses membres doivent être de confession catholique, rejetant ainsi le principe de pluralité religieuse ?
Le projet de loi n'est pas entièrement consacré à la laïcité ; son titre ne porte pas sur le renforcement de laïcité, et tous ses articles ne portent pas sur ce thème. De plus, on oublie un peu vite à quoi sert l'article 6 : les associations peuvent déjà être condamnées si elles mettent en place des règles contraires à la loi. Le journal Le Parisien a ainsi révélé le scandale d'une association de jiu-jitsu de Savigny-le-Temple ayant touché 2 000 euros de subventions de la collectivité, alors que les hommes devaient se doucher habillés, qu'il y avait des prières obligatoires et que des propos antisémites étaient tenus sur le groupe WhatsApp du club. Lorsque le préfet a eu connaissance de cette activité associative – cela ne figurait pas dans les statuts de l'association, bien évidemment –, il a pu faire cesser le versement de la subvention. Le préfet s'est fondé sur un faisceau d'indices, le seul fait que des hommes récitent des prières n'étant peut-être pas suffisant pour motiver cette décision. L'intérêt de l'article 6, c'est qu'il permet de récupérer les sommes. Il n'existe pas actuellement de dispositions permettant au ministre de l'intérieur de s'opposer, par l'intermédiaire des préfets, au versement de subventions à des associations subversives et de récupérer les sommes. L'article 6 est donc aussi une modalité d'action.
Enfin, et c'est un point extrêmement important, il n'est pas possible de contrôler la totalité des subventions versées par les autorités administratives à des associations. Toutefois, il n'est pas nécessaire de contrôler 100 % des gens pour imposer une règle – un service d'urbanisme ne vérifie pas toutes les déclarations de travaux reçues pour la création d'une nouvelle porte ou d'une nouvelle fenêtre. Mais lorsqu'un habitant pose un certain nombre de problèmes, lorsque vous considérez que vous devez intervenir pour mettre fin à une difficulté, vous utilisez le droit pour remettre en ordre un certain nombre de choses, par exemple en vérifiant si cette personne a bien fait sa déclaration de travaux. Tous les contrevenants ne se font pas systématiquement attraper par la patrouille, mais le jour où vous vous intéressez à telle ou telle association, il est toujours intéressant de disposer des armes du droit pour faire cesser les subventions ou pour en réclamer le remboursement.
L'article 6 ne fait donc pas que définir nos valeurs, il propose aussi un modèle pratique de récupération de l'argent public. Il ne retient pas la laïcité au nombre de ces principes, car elle n'a pas à être mise à toutes les sauces. Même les dispositions relatives au culte, que nous examinerons un peu plus tard, ne font pas état de la laïcité. Enfin, si nous adoptions de tels amendements, cela obligerait les associations à modifier leurs statuts, même si elles existent depuis longtemps, faute de quoi elles seraient privées de subventions.
J'aimerais formuler plusieurs observations.
Tout d'abord, si passionnant que soit ce débat philosophique, que nous aimerions tous prolonger pendant plusieurs semaines, il ne s'agit pas ici de définir la laïcité, qui est un principe d'ordre philosophique, politique et juridique. Il me semble que chacun s'emploie à partager sa vision philosophique de la laïcité. La question que nous devons nous poser, à mon humble avis, est de savoir si l'ajout du mot « laïcité » à l'alinéa 2 apporte ou non quelque chose, et attrape ou non, pour ainsi dire, quelque chose de plus. La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre la laïcité. Il ne s'agit pas non plus de la définir, ni de savoir s'il faut ou non la qualifier. La laïcité, à mes yeux, ne se qualifie pas. Elle est la laïcité, un point c'est tout. Au demeurant, il n'y a pas d'un côté des croyants et de l'autre des athées. Certaines personnes changent de religion au cours de leur vie, d'autres sont sceptiques, agnostiques ou membres d'organisations philosophiques. Ce débat philosophique est passionnant, mais il n'est pas d'actualité.
Le préambule du contrat d'engagement républicain rappelle que l'article 1er de la Constitution dispose que la République française est laïque. Je ne balaie pas d'un revers de main les arguments de celles et ceux qui tiennent absolument à y introduire la mention explicite de la laïcité. Ils ne sont pas sans intérêt. Je me pose la question de savoir comment nous parviendrons, ensemble, à inclure ce que nous voulons inclure, en évitant les effets de bord. Il me semble que nous sommes tous d'accord sur les objectifs et sur la nécessité d'éviter les effets de bord, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Je me demande de quelle façon nous pourrons demander aux associations de faire en sorte que la foi ne soit pas au-dessus de la loi, et de bannir des pratiques coutumières contraires aux valeurs de la République, telles que l'excision et les mutilations génitales. De telles pratiques m'ont incitée, dans mes précédentes fonctions, à proposer une charte aux associations : les responsables de l'une d'elles, non loin de Marseille, avaient répondu à une jeune fille qui l'interrogeait sur l'excision : « ton corps, ton choix ». Des associations universalistes s'étaient insurgées, à juste titre, et nous avons élaboré une charte rappelant les grands principes que doivent respecter les associations, au premier rang desquels la supériorité des lois de la République, en l'espèce celles qui interdisent l'excision, sur toute règle religieuse ou coutumière.
Lorsque vous m'avez auditionnée, j'ai rappelé que le premier engagement du contrat est de garantir la liberté de conscience. Sa mention en toutes lettres me semble répondre aux questions soulevées alors. Par ailleurs, le sixième engagement est le respect de la légalité et de l'ordre public, qui suppose notamment de ne pas revendiquer sa soustraction aux lois de la République pour un motif quelconque, notamment religieux.
Je comprends que l'on regrette l'absence du mot « laïcité » dans le contrat d'engagement républicain, mais il me semble qu'avec le rappel, dans le préambule, que la République est laïque, et la mention de la liberté de conscience et de l'impossibilité de se soustraire à ses lois pour un motif religieux, nous répondons globalement à la commande, ainsi qu'aux questions posées par les auteurs des amendements.
Enfin, j'aimerais exprimer une opinion personnelle, même si elle est un peu éloignée du cœur du débat : je n'accepte pas que l'on refuse, pour des motifs religieux, de serrer la main de quelqu'un en raison de son sexe.
Je me suis rendue dans le Tarn pour y soutenir la préfète, qui a courageusement fait condamner un homme radicalisé ayant refusé de lui serrer la main pour un motif religieux. Refuser de serrer la main d'une élue ou d'une préfète, c'est refuser de serrer la main de la République. Il est fondamental, me semble-t-il, de ne pas tolérer de tels agissements, fût-ce pour des motifs religieux.
L'amendement CS568 est retiré.
La commission examine l'amendement CS1519 de Mme Coralie Dubost.
Cet amendement vise à insérer, dans la liste des principes républicains énumérés dans le contrat d'engagement, après les mots « d'égalité », les mots « et de non-discrimination ». J'ai pris note des critiques dont le contrat d'engagement a fait l'objet. Pour ma part, j'y vois une bonne idée, novatrice et susceptible d'évoluer avec le temps. Le maire de Montpellier a mené une expérimentation en ce sens, sous la forme d'une charte de la laïcité. La moitié des associations locales l'a signée, l'autre l'a refusée. Son application opérationnelle est donc très diverse. En l'espèce, il s'agit d'un contrat d'engagement et non d'une charte. Dans un contrat, les engagements sont réciproques et lient les parties entre elles. Dès lors que nous demandons aux associations de garantir la bonne application des principes républicains, il me semble intéressant d'y inclure l'un de ceux qui figurent sur le fronton de chaque bâtiment officiel et inspirent nos politiques publiques de façon prioritaire et qui traduit l'idée de non-discrimination. Il s'agit de veiller à son application par les associations, mais aussi de le rappeler aux collectivités locales, dont certaines sont parfois dans l'omission à ce sujet.
On ne peut que souscrire à l'idée de rappeler la nécessité de lutter contre les discriminations. Ce principe résonne aux oreilles de tout républicain. Toutefois, une discrimination est par définition une rupture d'égalité. Elle découle du fait que l'on cesse de considérer quelqu'un comme égal aux autres. Or l'égalité, qui figure à l'article 1er de notre Constitution, ainsi que dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, est d'ores et déjà l'un des principes mentionnés par le contrat d'engagement républicain. L'interdiction de toute discrimination découle du principe d'égalité. L'amendement est donc satisfait. J'en suggère le retrait et émets à défaut un avis défavorable.
Une précision s'impose : le principe de non-discrimination est distinct de la lutte contre les discriminations, qui est intégrée dans les politiques publiques. Le principe de non-discrimination est d'ordre constitutionnel et conventionnel, à l'échelle internationale et européenne. Il nous engage, au même titre que les principes généraux que sont la liberté et l'égalité, à une nuance près : l'égalité est une idée, qui figure dans notre devise, elle n'est pas un principe juridique opérationnel. C'est pourquoi elle prend la forme, dans notre droit, notamment dans le code pénal et le code du travail, de la non-discrimination, qui permet de cibler des faits précis et de la rendre effective. Or il me semble, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, que vous souhaitez obtenir un résultat effectif, grâce à des dispositions susceptibles d'avoir des effets tangibles. Je propose donc que nous retenions le principe juridique opérationnel qu'est la non-discrimination, et non la seule égalité.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS669 de M. Charles de Courson et CS273 de M. Julien Ravier.
S'agissant de l'amendement CS669, notre rapporteur a tout dit : il faut proscrire l'adverbe « notamment ». L'égalité entre les femmes et les hommes est comprise dans le principe d'égalité. Le préciser en affaiblit la portée, et autorise à décliner à l'infini – pourquoi pas « notamment entre les minorités ethniques et les minorités non ethniques » ? Loin de moi l'idée de contester l'égalité entre les femmes et les hommes, bien au contraire, mais une telle rédaction en affaiblit la portée.
L'esprit de l'amendement CS273 est identique à celui de l'amendement présenté par Charles de Courson, mais sa lettre, différente, permet de conserver les mots « notamment entre les femmes et les hommes ». L'égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental de notre République. Comme telle, elle doit être respectée. Toutefois, la rédaction de l'alinéa pourrait pénaliser les associations qui, pour être masculines ou féminines exclusivement, ne portent pas forcément atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes. Certaines associations, notamment les associations sportives, se constituent en non-mixité, ce qui ne les empêche pas d'en faire la promotion. Le présent amendement vise à ajouter, après le mot « hommes », les mots « sans contrevenir à l' affectio societatis exclusivement féminin ou masculin de l'association, ». L'inscription dans le projet de loi de l'égalité entre les femmes et les hommes a pour finalité de garantir qu'aucune association n'applique un principe de supériorité ou de discrimination en la matière. Les associations exclusivement féminines ou masculines qui respectent l'égalité entre les femmes et les hommes, et qui en font parfois la promotion, doivent pouvoir percevoir des subventions et signer un contrat d'engagement républicain.
Je comprends l'objet de l'amendement CS273, mais son adoption n'est pas nécessaire pour autoriser une association à reposer sur un fonctionnement non-paritaire, tant que, dans le discours qu'elle produit notamment, l'égalité entre les sexes n'est pas remise en question. S'agissant de l'amendement CS669, je souscris à l'argumentaire de M. de Courson, qui est aussi le mien. Toutefois, je souscris avec la même force à la volonté du Gouvernement d'inscrire l'égalité entre les femmes et les hommes dans le texte. J'émets donc un avis de sagesse.
Je suis vigoureusement défavorable à l'amendement CS669 et considère que l'amendement CS273 est satisfait.
L'égalité entre les femmes et les hommes, la mixité et la parité sont des notions proches, mais pas similaires. L'égalité entre les femmes et les hommes n'exige pas de compter partout 50 % de femmes et 50 % d'hommes. La mixité consiste à faire en sorte que femmes et hommes partagent un même espace de loisirs ou de travail. Elle ne se confond pas avec la parité, et n'implique pas l'égalité entre les femmes et les hommes, ce dont le monde politique fait la démonstration chaque jour. Il va de soi qu'il n'est pas question, pour nous, de cesser de subventionner, par exemple, une association de femmes enceintes ou une association sportive, telle qu'un club de football, exclusivement masculine ou féminine, ce qui ne nous empêche pas de nous battre pour la promotion du sport féminin. Qu'une association interdise la mixité ne contrevient pas au principe d'égalité entre les femmes et les hommes. Au demeurant, de plus en plus d'organisations dites féministes organisent des événements en non-mixité. Il s'agit d'un débat distinct. Ainsi, les mots « notamment entre les femmes et les hommes » n'interdisent pas le financement d'associations non mixtes.
Je suis vigoureusement opposée à leur suppression. Les idéologies séparatistes, partout dans le monde, visent en premier lieu les femmes. Au demeurant, le texte comporte des dispositions « relatives à la dignité humaine », que plusieurs d'entre vous ont proposé de renommer « dispositions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes ». Les pratiques telles que l'excision, les mutilations génitales en général, le mariage forcé et l'exclusion des filles d'un héritage visent en premier lieu les femmes. C'est aux femmes que l'on interdit certaines activités ; ce sont les femmes que l'on place sous la coupe d'un mari ou d'un père. Il suffit d'écouter les femmes yézidies, qui ont été réduites à l'esclavage sexuel par Daech et accueillies en France par le Président de la République, pour comprendre à quel point les islamistes radicaux, et les séparatistes en général, visent les femmes en premier lieu. Il s'agit d'un enjeu véritablement fondamental : la liberté des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes. On ne peut pas prétendre lutter contre le séparatisme sans rappeler vigoureusement que celle-ci fait partie des principes républicains indiscutables et non négociables.
Je partage votre avis. Toutefois, j'aimerais vous poser une question concrète. Notre collègue de Courson considère que le mot « notamment » affaiblit le principe d'égalité. Son amendement se fonde sur une notion de droit. Une association – j'en ai eu l'exemple – demande une vacation dans une piscine municipale, comme n'importe quelle association, et annonce qu'elle n'accueillera pas les femmes et les hommes aux mêmes horaires en vertu d'une règle religieuse. Sur la base de l'article 6 tel qu'il est rédigé, faut-il accepter ou non cette demande ?
Je vous pose la même question. J'ai également connu cette situation ; on m'a demandé « Acceptez-vous de réserver les lignes de nage aux femmes le dimanche matin de 9 heures à 10 heures et demie ? ». Que répondre ?
S'agissant de la suppression des mots « notamment entre les femmes et les hommes », je vous invite à lire avec moi le texte : les associations s'engagent « à respecter des principes et valeurs de la République, en particulier le respect de la dignité de la personne humaine, le principe d'égalité notamment entre les femmes et les hommes, le principe de fraternité et le rejet de la haine ainsi que la sauvegarde de l'ordre public ». La proposition « notamment entre les femmes et les hommes » peut se rapporter à la liberté ou à l'égalité. Supprimez-la ! À défaut, cet article affaiblit les trois piliers républicains que sont la liberté, l'égalité et la fraternité.
Je voterai contre ces amendements, et j'espère ne pas être la seule. Je suis d'accord avec vous, madame la ministre déléguée : les obscurantismes s'attaquent d'abord aux femmes. Toutefois, je suis d'accord avec les auteurs des amendements sur un point : la rédaction retenue amoindrit la portée du dispositif tel que vous venez de le présenter. Peut-être faut-il la modifier avant l'examen du texte en séance publique. Si nous voulons affirmer ensemble avec force que les obscurantistes s'attaquent d'abord aux femmes, il faut l'écrire autrement qu'entre deux virgules.
Madame Faucillon, je vous rappelle que, n'étant pas membre de la commission spéciale, vous ne pouvez pas participer aux votes.
J'ai pris bonne note de la différence entre l'égalité et la parité. Monsieur le rapporteur, vous avez exclu la mention explicite de la laïcité en nous demandant l'objectif que nous visions. Il s'agissait d'exclure les associations cultuelles du financement public, mais pas les associations d'inspiration religieuse. La raison d'être de la précision « notamment entre les femmes et les hommes » m'échappe. L'égalité se suffit à elle-même. Toutefois, si le Gouvernement tient à mentionner l'égalité entre les femmes et les hommes dans cet article, il me semble nécessaire d'exclure de son champ d'application les associations qui ne comptent parmi leurs membres que des hommes ou que des femmes. Cette caractéristique peut être prévue dans leurs statuts, comme d'autres ont des statuts prévoyant que leurs membres doivent être de confession juive ou catholique.
J'aimerais compléter l'avis que j'ai donné sur l'amendement CS273. Les associations qui ne sont pas mixtes et qui ne contestent pas le principe d'égalité entre les femmes et les hommes ne seront pas inquiétées. L'amendement est donc satisfait. J'en suggère donc le retrait et émets à défaut un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous avez émis sur l'amendement CS669 un avis de sagesse, ce qui est le propre du Gouvernement – même si notre sagesse n'a rien à envier à celle du Gouvernement !
De nombreux amendements visent à préciser les principes généraux convoqués dans le texte : l'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, ainsi que la liberté, notamment le respect de la liberté de conscience, et le respect de la dignité de la personne humaine. En 2018, le Conseil constitutionnel a adopté une très belle décision élevant la fraternité au rang de principe à valeur constitutionnelle, dans le cadre du débat sur ce que l'on appelait autrefois le délit de solidarité, que nous avons réformé. Pour la clarté du texte, il importe de s'en tenir aux principes généraux. À défaut, nous préciserons et amenderons systématiquement les dispositions du présent article, chacun souhaitant y incorporer des principes supplémentaires. Pour ma part, je suis favorable à la position de Charles de Courson.
J'aimerais simplement poser une question. Il va de soi que cette commission spéciale est souveraine, et qu'elle votera ce qu'elle entend voter. Toutefois, nous savons tous comment fonctionne le système médiatique. Si d'aventure vous décidiez de voter l'amendement CS669, donc de supprimer la mention de l'égalité entre les femmes et les hommes, quel message enverriez-vous ? Comment justifier demain que la commission spéciale a décidé de supprimer la mention du principe d'égalité entre les femmes et les hommes ? (Protestations.) Je regrette : j'ai passé un long moment à développer un argumentaire juridique, j'ai le droit de prendre 34 secondes pour poser cette question, ancrée dans la réalité des commentaires à venir. Le message que nous adressons à l'opinion publique, notamment aux associations, n'est pas sans importance.
La commission adopte l'amendement CS669. En conséquence, l'amendement CS273 tombe.
Puis elle examine l'amendement CS1520 de Mme Coralie Dubost.
Il est assez semblable à l'amendement CS1263 défendu par Marie Guévenoux, et devrait répondre à la préoccupation de M. de Courson. Il s'agit d'insérer la liberté de conscience au sein des principes républicains dont le contrat d'engagement républicain exigera le respect par les associations, sans la faire dépendre d'un autre par le biais de l'adverbe « notamment ». Cette notion fonde l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905. Compte tenu des débats que nous avons ce soir, il me semble nécessaire de rappeler qu'elle fait partie des principes républicains.
Monsieur le président, j'ai pris bonne note de votre dernière observation. Je me permets d'indiquer que le Parlement sait être au moins aussi sage que le Gouvernement. S'agissant de l'amendement, en cohérence avec mes précédents avis, je considère qu'il faut s'en tenir aux principes généraux. La liberté de conscience découle du principe de liberté. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CS670 de M. Charles de Courson et CS1671 de Mme Cécile Rilhac.
Le dernier principe cité par le contrat d'engagement est la sauvegarde de l'ordre public. Ces mots font l'objet de nombreux débats dans le milieu associatif. La sauvegarde de l'ordre public incombe-t-elle aux associations ? Je ne le pense pas. Elle incombe à l'État, et dans une certaine mesure aux collectivités territoriales, qui ont quelque compétence en la matière. Je propose donc de supprimer les mots « ainsi que la sauvegarde de l'ordre public ». Cette disposition me semble trop ambiguë. Au demeurant, si je demandais à Monsieur le ministre en quoi consiste la sauvegarde de l'ordre public par les associations, il serait sans doute bien en peine de me répondre. Les associations doivent respecter l'ordre public, pas le sauvegarder.
Comme M. de Courson, je propose la suppression des mots « ainsi que la sauvegarde de l'ordre public » dans le contrat d'engagement républicain. L'objet d'une association est la création du lien social, ainsi que la mise en commun de savoirs, de compétences et de techniques. Souvent, les associations contribuent à renforcer la cohésion sociale dans les territoires, en assurant des missions complémentaires du service public. L'investissement des bénévoles est le gage d'une société ouverte, généreuse et dynamique, en cohérence avec les principes républicains que sont la liberté, l'égalité et la fraternité. Contractualiser avec les associations au sujet de nos valeurs peut aller de soi ; leur demander de participer à la sauvegarde de l'ordre public revient à leur confier une mission inappropriée, qui ne relève pas de l'engagement républicain, mais de la fonction régalienne, laquelle ne doit pas être assumée par les associations.
Je tiens à rassurer M. de Courson et Mme Rilhac : je partage leur inquiétude. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet. Il importe, me semble-t-il, de conserver la mention de l'ordre public. Toutefois, en confier la sauvegarde aux associations me semble être une demande un peu trop proactive. Je défendrai un amendement visant à introduire la notion de respect de l'ordre public, qui me semble suffisante pour garantir le respect des autres principes énumérés dans le contrat d'engagement républicain.
Je partage les propos de M. le rapporteur, ainsi que ceux de M. de Courson et de Mme Rilhac en grande partie. La sauvegarde de l'ordre public n'incombe pas aux associations. En revanche, elles doivent – c'est une évidence – respecter l'ordre public, dont chacun sait, depuis l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'il constitue la limite de la liberté. Certes, le Conseil d'État a validé cette formulation, se contentant d'une observation à son sujet. Toutefois, les concertations que nous avons menées nous amèneront à soutenir l'amendement de M. le rapporteur visant à remplacer la notion de sauvegarde par celle de respect. Je propose donc aux auteurs des amendements de les retirer à son profit, ce qui permettra d'en conserver l'esprit.
Je serais prêt à retirer l'amendement si tel était le cas, monsieur le ministre. Or il est évident que tout un chacun doit respecter l'ordre public, les associations comme les autres. Une telle précision me semble superfétatoire, comme on disait autrefois. J'adopte une position plus radicale en proposant de supprimer les mots « ainsi que la sauvegarde de l'ordre public ». Le respect de l'ordre public s'impose à tout citoyen d'une société organisée ; il me semble curieux de l'ériger en principe. Mon amendement permet d'éteindre les polémiques. Je le maintiens.
Dans cet esprit, je rappelle que l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 impose aux associations le respect de l'ordre public. Il est donc superfétatoire de le rappeler dans le présent projet de loi. Je maintiens mon amendement.
L'article 6 ne traite pas des obligations du citoyen, mais des conditions dans lesquelles une subvention peut être retirée. Le non-respect de l'ordre public permettra de demander la restitution des subventions allouées. Bien entendu, tout citoyen doit respecter l'ordre public. Il s'agit ici de donner un cadre au contrat d'engagement républicain.
Comme l'a très bien dit M. le rapporteur, nous ne cherchons pas à redéfinir le champ d'action des associations, mais à déterminer une modalité de récupération d'argent public.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS272 de M. Julien Ravier, CS382 de M. Jean-Baptiste Moreau, CS890 de M. François Pupponi, CS1215 de Mme Marie-George Buffet et CS1327 de M. Éric Diard, ainsi que l'amendement CS271 de M. Julien Ravier.
J'aimerais revenir brièvement au débat que nous avons eu sur la laïcité, car plusieurs observations m'ont choqué. La laïcité ne se confond pas avec l'athéisme. La laïcité de la République n'est pas l'athéisme d'État. On peut très bien être croyant et laïque. Je ne comprends pas ce qui fait obstacle à l'ajout de la laïcité parmi les principes républicains rappelés dans le contrat d'engagement républicain.
La laïcité ne consiste pas s'opposer à la religion des uns ou des autres, mais à protéger la liberté de conscience. Je ne comprends toujours pas, et je ne suis pas le seul, pourquoi l'ajout du mot « laïcité » empêcherait les associations non laïques de bénéficier d'une subvention. Toutes les associations, laïques ou non, doivent respecter tout un chacun. La France est laïque – l'article 1er de la Constitution dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » –, mais il n'en résulte pas que chaque citoyen l'est. Qu'une association ne soit pas laïque ne doit pas la priver de subventions publiques.
Mon amendement CS271 tend à intégrer le principe de laïcité au contrat d'engagement républicain dans des termes qui n'excluent pas de celui-ci les associations d'inspiration religieuse. Il s'agit d'écarter les associations cultuelles tout en respectant l' affectio societatis confessionnelle de leurs membres.
Défavorable. Comme l'a très bien dit le ministre, quand une association impose à ses adhérents d'être d'une confession déterminée, elle ne respecte pas la laïcité.
Quand une association précise dans ses statuts que ses membres sont catholiques, cela signifie que, pour y entrer, il faut être catholique. Il n'y a alors ni pluralité religieuse ni liberté de conscience.
De deux choses l'une : soit on considère qu'il ne faut pas donner d'argent public à ce type d'association – les Scouts de France, par exemple – parce que ce ne serait pas conforme à la laïcité, soit on admet que les scouts ne sont pas des séparatistes au sein de la République, auquel cas on ne mentionne pas la laïcité dans le contrat.
Personnellement, je suis opposé à toute subvention publique à une association qui refuserait l'adhésion d'une personne n'appartenant pas à une certaine confession. En revanche, on devrait pouvoir accorder une subvention à une association d'inspiration confessionnelle à l'origine, mais qui mène des actions d'intérêt général. Si l'association distribue une soupe populaire, très bien ; si elle la réserve aux personnes d'une confession donnée, non ! Certaines ont pu prendre soin de mettre des lardons dans la soupe pour écarter les personnes d'une certaine confession : il ne s'agit alors plus de solidarité, mais de prosélytisme religieux.
Il a été fait référence aux statuts, mais nombre d'associations, malgré des statuts anciens, ont fait évoluer leur pratique, comme les patronages d'inspiration confessionnelle qui animent des clubs de football ouverts à tous. J'en ai été témoin comme élu : de vieux encadrants ont voulu faire faire la prière aux gamins, mais les parents n'étaient plus d'accord.
Si certains veulent réserver une activité aux personnes d'une confession donnée, c'est leur droit, mais qu'ils ne touchent pas d'argent public.
Monsieur le ministre, quelle conclusion tirez-vous de l'exemple que vous avez cité ? Que, selon la rédaction actuelle de l'article 6, les scouts qui réservent aux catholiques l'adhésion à leur association bénéficieraient d'un financement, mais que si la notion de laïcité est ajoutée au contrat, ils n'en auront pas ?
Monsieur le ministre, vous exigez des cultes eux-mêmes – qui ne sont évidemment pas subventionnés par l'argent public – qu'ils rappellent leur attachement à la laïcité, comme à l'article 8 de la charte des principes de l'islam de France que vous nous avez transmise, mais vous ne l'exigeriez pas des associations qui, elles, reçoivent de l'argent public ? Qui peut le plus peut le moins ! Il ne s'agit que de cela, pas de demander que les principes de l'association soient neutres du point de vue religieux.
Madame la ministre, vous vous dites attachée aux symboles diffusés dans les médias ; or tout le monde a compris que vous prépariez une charte de la laïcité ; si vous en retirez le mot « laïcité », personne ne comprendra plus rien au texte de loi, qui est déjà un fourre-tout.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle rejette l'amendement CS271.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS490 de M. Saïd Ahamada et CS1140 de M. Boris Vallaud.
La notion de respect de l'ordre public me paraît plus adaptée que celle de sauvegarde de l'ordre public, dont je pense, comme ancien responsable associatif, qu'elle aurait laissé dubitatives les associations. Je retire mon amendement et je remercie le ministre de son engagement sur ce point.
L'amendement CS490 est retiré.
Nos discussions depuis plus d'une heure sur la laïcité montrent combien il est important de définir celle-ci. Il aurait fallu avoir le courage de le faire à l'article 1er, pour clarifier ce qui sous-tend la notion, à l'intention des personnes appelées à mettre en œuvre le dispositif. Vous êtes clair sur ce point, monsieur le ministre ; vos éclaircissements méritent d'être inscrits dans le texte.
Quant à la notion de sauvegarde de l'ordre public, sur laquelle porte l'amendement CS1140, elle inquiète beaucoup les associations. L'une d'elles, qui m'a contactée, distribue une soupe populaire dans une petite ville de ma circonscription ; elle se demande si sa responsabilité sera engagée dans l'hypothèse où les choses se passeraient mal, pour quelque raison que ce soit. Une autre, diocésaine, fait un gros travail d'accueil de personnes étrangères en situation irrégulière qui, ensuite, s'insèrent – certaines ont pu ouvrir un restaurant syrien avant la crise sanitaire. De telles associations, qui agissent en mobilisant les citoyens, parfois en organisant une manifestation statique devant une préfecture, vont-elles être inquiétées ? Leurs actions sont pourtant essentielles et conformes aux exigences de la République : elles assurent un accueil dont l'État ne peut se charger et permettent à des familles de s'insérer au lieu d'errer, ce qui poserait beaucoup plus de problèmes d'ordre public et de questions sur l'idéal de fraternité.
J'ai entendu les représentants des mêmes associations et je confirme qu'une association n'a pas à être garante de la sauvegarde de l'ordre public. Voilà pourquoi je propose plutôt la notion de respect d'ordre public.
Avis défavorable.
Vous relayez les interrogations d'associations que j'ai moi aussi reçues et qui méritent une réponse.
Une association qui poursuit des objectifs non pas politiciens, mais politiques – ce que l'on peut tout à fait comprendre –, par exemple qui aide des migrants pourtant sous le coup d'une mesure de reconduite à la frontière en vertu d'une décision de justice, qui paye des avocats pour contester les décisions, apporte nourriture et éducation à ceux qu'elle aide…
Et d'autres ; elles sont nombreuses. De telles associations ne seront pas inquiétées du fait des dispositions que nous prenons dans le texte. Si le mot « sauvegarde » a créé le doute, il faut dissiper ce doute. Le mot « respect » garantit que la Cimade, comme d'autres, pourra continuer à travailler comme elle le fait.
En revanche, l'irrespect de l'ordre public, au sens militant du terme, est un motif de récupération des subventions versées, voire de dissolution. La dissolution de BarakaCity et du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) s'est notamment fondée sur l'existence d'un trouble évident à l'ordre public.
C'est une chose d'aider au nom de l'humanité et de la fraternité, y compris des gens qui subissent des décisions de l'État ou du législateur ; c'en est une autre d'appeler au soulèvement. J'espère rassurer ainsi les associations.
La notion de respect de l'ordre public reprend ce qui figure déjà dans la loi, comme l'a rappelé M. de Courson, mais permettra désormais de récupérer les subventions, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent.
La commission spéciale rejette l'amendement.
Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements CS1264 de Mme Marie Guévenoux et CS1674 de Mme Souad Zitouni.
Mon amendement vise à ajouter trois éléments au contenu du contrat d'engagement républicain. Premièrement, la protection de l'enfance et des personnes en situation de faiblesse : il serait étrange de subventionner des associations qui militeraient en faveur de l'eugénisme ou du travail des enfants. Deuxièmement, les exigences minimales de la vie en société, dont nous avons voté l'insertion au titre Ier ; elles avaient été invoquées dans une décision du Conseil constitutionnel relative à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, le Conseil constitutionnel estimant comme le Conseil d'État que la liberté individuelle devait être conciliée avec la protection des droits et libertés d'autrui. Troisièmement, les symboles fondamentaux de la République – le drapeau et l'hymne national.
L'amendement tend également à apporter une précision concernant la sécurité publique, mais M. le rapporteur et M. le ministre ont répondu sur ce point.
Je vais retirer mon amendement – un amendement d'appel –, car il est mal rédigé : il devrait parler de « respect » plutôt que de « défense » de l'environnement.
Je profite de l'occasion pour ajouter une remarque relative à la laïcité, n'ayant pu obtenir la parole tout à l'heure. L'État est neutre, mais le principe de neutralité ne s'applique pas aux associations, qui ne sont pas les représentantes de l'État, ni à leurs membres, qui ne sont pas des fonctionnaires.
L'amendement CS1674 est retiré.
Nous avions en effet répondu à propos de la notion de sécurité publique : celle-ci n'est qu'une partie de l'ordre public, de sorte qu'il vaut mieux conserver la référence à celui-ci.
La protection de l'enfance et des personnes en situation de faiblesse est comprise dans les principes d'égalité et de dignité de la personne humaine.
En ce qui concerne les exigences minimales de la vie en société, que vous avez proposé plusieurs fois d'introduire dans le texte, la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui sert de fondement juridique à cette demande demeure floue quant à leur définition ; or il pourrait être dangereux de demander aux associations de respecter des principes que le législateur lui-même n'a pas définis.
Quant aux symboles de la République, on pourrait en débattre ; mais j'émettrai un avis défavorable à l'amendement dans son entier puisque je suis opposé à trois des quatre propositions qu'il contient.
Nous partageons entièrement les objectifs de l'amendement. Compte tenu des problèmes rédactionnels qu'il pose, le Gouvernement émet toutefois un avis de sagesse. On ne peut, en effet, être opposé au principe de protection de l'enfance, entre autres.
Peut-être le Gouvernement sera-t-il alors favorable à l'amendement CS1752, également déposé par Marie Guévenoux.
Concernant la laïcité, vous m'avez considérablement rajeuni, monsieur le ministre, en me renvoyant en 1960 et à la pétition du Comité national d'action laïque contre la loi dite Debré de 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés – heureusement, la laïcité a progressé depuis.
Concernant l'amendement en discussion, mettons-nous à la place de ceux qui vont devoir rédiger et appliquer le contrat d'engagement républicain dans l'esprit de la loi. À force de ne pas vouloir être bavard et de ne pas s'écarter des principes généraux, des éléments aussi essentiels que le respect des exigences minimales de la vie en société vont être absents du texte de loi, donc du contrat. Alors que nous avons débuté l'examen du projet en adoptant un amendement qui ajoute ces exigences à l'intitulé du titre Ier, nous ne ferions pas de leur respect un critère de base dans la rédaction des contrats d'engagement républicain ? C'est contradictoire, et les acteurs associatifs, les élus, les administrations vont s'en arracher les cheveux. Pour éviter cela, il faudra voter sinon cet amendement, du moins l'amendement CS1752.
Quand je suis entré à l'Assemblée, on m'a appris la notion d' a contrario : si nous indiquons expressément certains éléments, ceux de même niveau qui ne sont pas spécifiés sont réputés non concernés. Voilà pourquoi il faut s'en tenir aux principes généraux dans le contrat d'engagement républicain : si on commence à préciser certaines choses, il va falloir tout préciser. Je soutiens donc le rapporteur au sujet du présent amendement.
La commission rejette l'amendement CS1264.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS620 de Mme Laurence Vanceunebrock et CS73 de M. Raphaël Gérard.
Il s'agit d'ajouter la lutte contre les discriminations à la liste des principes républicains que les associations s'engagent à respecter dès leur demande de subvention.
Régulièrement utilisé par divers acteurs, dont le Défenseur des droits, ce principe recouvre des situations variées. Il est ici proposé, compte tenu de la fréquence des violences LGBTphobes et de leur hausse ces dernières années, de mettre en avant la lutte contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre, de même que, pour le principe d'égalité, le Gouvernement a choisi de préciser « notamment entre les femmes et les homme s ».
On se souvient, madame la ministre, de vos combats acharnés pour cette égalité et contre les discriminations. Notre mandat doit réaffirmer les valeurs de la République, dont le respect de tous les citoyens, sans discrimination dans quelque domaine que ce soit.
Mon amendement est proche de celui qu'a précédemment défendu Coralie Dubost à propos de la non-discrimination. J'ai bien entendu l'avis qu'avait alors émis le rapporteur, invoquant le principe d'égalité.
Il y aura bientôt deux ans, j'avais saisi le Gouvernement au sujet de propos transphobes figurant sur le site du Mouvement du Nid et proposé de subordonner le versement de subventions publiques à la signature d'une charte de déontologie. Le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes m'avait répondu en louant les actions de cette association en faveur des personnes souhaitant sortir de la prostitution. Sans remettre en cause son travail de terrain, j'observe que l'intérêt public de l'objet de l'association a pu servir à minimiser la portée des propos discriminatoires tenus et à justifier le doublement des subventions publiques qui lui étaient allouées, sans aucune sanction ni rappel à la loi.
Face à la prolifération de ce type de propos de la part d'associations – citons également le collectif Abolition Porno Prostitution sur Twitter –, nous devons dissiper les soupçons d'une hiérarchie entre les principes républicains qui pourrait conduire à minimiser certaines violences discriminatoires.
Sans refaire le débat de 2018 sur la prostitution, et puisque le secrétariat d'État de l'époque chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes a été cité, je précise que la subvention allouée au Mouvement du Nid a effectivement augmenté, comme celle de beaucoup d'associations – je remercie Raphaël Gérard de le rappeler –, parce que le Mouvement du Nid est chargé de la mise en œuvre de la loi de 2016, s'agissant notamment des parcours de sortie de la prostitution dans tout le territoire.
Quant aux amendements, je suis personnellement plutôt favorable au fait de détailler le contenu du principe d'égalité, mais, concernant la lutte contre les discriminations, nous avons déjà expliqué que, celles-ci constituant une rupture d'égalité, de tels amendements sont satisfaits. Par souci de cohérence, demande de retrait.
J'aurais dû déposer une centaine d'amendements, cela m'aurait permis de prendre davantage la parole que je ne me suis autorisé à le faire…
Nous avons adopté tout à l'heure, contre l'avis du Gouvernement, un amendement délicat concernant le détail de l'une des trois notions composant la devise du pays ; mais, avant même de connaître la proposition de réécriture de l'article 6 par le rapporteur, nous recommençons à vouloir tout détailler à l'infini. À ce rythme, nous allons y passer deux nuits sans avancer d'un pouce ! Je voterai contre ces amendements, comme contre tous ceux allant dans le même sens.
Je partage entièrement le point de vue de mes collègues et leur combat.
La dignité de la personne humaine s'est imposée comme un principe du droit après la seconde guerre mondiale. Le droit à la non-discrimination découle en particulier de l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » C'est sur ce fondement que le droit européen a construit un droit de la non-discrimination, transposé en droit français. La dignité d'une personne peut être bafouée de bien des façons. Ce qui doit être au fondement de la lutte contre les discriminations, c'est le respect de la dignité de la personne humaine.
Ainsi, les amendements sont satisfaits, comme l'était celui de Mme Dubost.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est alors saisie de l'amendement CS1751 de Mme Marie Guévenoux.
Cet amendement de repli tend à intégrer aux éléments du contrat la protection de l'enfance et des personnes en situation de faiblesse.
Comme précédemment, je ne peux, par principe, émettre un avis défavorable s'agissant de ce sujet, même si nous avons déjà débattu de l'opportunité de détailler le contenu des principes généraux. Sagesse.
Monsieur le président, puisque vous ne m'avez pas laissé intervenir à propos du précédent amendement de Mme Guévenoux, je souligne maintenant son intérêt, particulièrement s'agissant du respect des symboles républicains.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements CS1675 de Mme Souad Zitouni et CS797 de Mme Catherine Osson.
Je propose d'ajouter au contrat la garantie du respect des droits fondamentaux ainsi que du bloc de constitutionnalité, car celui-ci, situé au sommet de la hiérarchie des normes, fournit un cadre juridique protecteur des droits fondamentaux et est souvent invoqué à cette fin.
Le contrat d'engagement républicain est un instrument symbolique mais non moins important : il permettra à l'ensemble des associations présentes sur notre sol d'affirmer leur adhésion à la République. La liberté, l'égalité et la fraternité, inscrites au fronton des bâtiments officiels, sont évidemment des valeurs essentielles de notre République, mais elles ne sont pas les seules. D'aucuns peuvent être surpris que la sauvegarde de l'ordre public figure parmi les principes mentionnés à l'article 6 ; je crois surtout que ce serait diminuer notre État de droit que d'opérer une sélection parmi les principes républicains. L'objectif du contrat d'engagement républicain est, au contraire, d'afficher l'adhésion des associations à l'ensemble des valeurs de la République. C'est pourquoi l'amendement CS797 vise à inclure à l'article 6 tout ce que le Conseil constitutionnel appelle le « bloc de constitutionnalité », qui comprend notamment les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes particulièrement nécessaires à notre temps et la Charte de l'environnement.
J'entends votre volonté d'allonger la liste des principes et des références déclinés dans le contrat d'engagement républicain, mais je crains malheureusement que toutes les associations ne soient pas en mesure de respecter l'ensemble des principes énoncés dans le bloc de constitutionnalité. Elles risqueraient d'être régulièrement prises en défaut concernant le respect de l'un de ces principes, et donc de se voir obligées de rembourser leurs subventions. Je rappelle en effet que l'article 6 permet à l'autorité publique de réclamer la restitution des subventions versées à une association qui ne respecterait pas le contrat d'engagement républicain. Malgré votre bonne intention, vous mettriez les associations dans une situation dangereuse. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine l'amendement CS1755 du rapporteur.
Il s'agit de remplacer la notion de « sauvegarde de l'ordre public » par celle de « respect de l'ordre public ».
Le ministre de l'intérieur s'est déjà exprimé à ce sujet. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CS293 de M. Xavier Breton tombe.
La commission est saisie des amendements CS626 et CS628 de Mme Valérie Oppelt.
L'amendement CS626 vise à intégrer la lutte contre les discriminations dans les objectifs du contrat d'engagement républicain, de sorte que toute association s'engage, dans le cadre de son activité et de son administration, à respecter le principe d'égalité. J'ai bien entendu les avis exprimés tout à l'heure sur des amendements similaires, ainsi que les opinions des uns et des autres sur l'opportunité de préciser que le principe d'égalité s'appliquait « notamment entre les femmes et les hommes ». Cependant, il me semble important d'affirmer encore plus fort certains principes afin d'obtenir des actions efficaces de la part des associations.
L'amendement CS628 concerne la lutte contre les dérives sectaires, dont nous n'affirmons pas assez la nécessité dans ce projet de loi. Il convient d'impliquer davantage les associations dans cette action et d'inciter ces dernières à aller plus loin dans le signalement de ces dérives.
Je suis défavorable à l'amendement CS626, pour des raisons que j'ai déjà évoquées. La commission a justement décidé de supprimer les mots « notamment entre les femmes et les hommes ».
Je donne également un avis défavorable à l'amendement CS628. La lutte contre les dérives sectaires est un objectif tout à fait louable – ce n'est pas parce que je m'oppose à certains amendements que je ne partage pas les combats qu'ils expriment –, mais elle s'intègre dans le respect de l'ordre public.
Le rapporteur a très bien répondu. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements, même s'il partage évidemment les objectifs poursuivis par Mme Oppelt.
Je retire les deux amendements. Nous ne connaissons pas encore le contenu du contrat d'engagement républicain mais nous savons que les modalités d'application de l'article 6 seront précisées par décret en Conseil d'État. J'espère que ces notions de lutte contre les discriminations et les dérives sectaires y seront clairement définies.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement CS1752 de Mme Marie Guévenoux.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui que j'ai défendu précédemment. Il devrait satisfaire le rapporteur car il énonce des principes suffisamment généraux qui figurent déjà à l'article 1er. Les « exigences minimales de la vie en société » font référence à une jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme : elles sont donc précisément définies. Il en est de même des « symboles fondamentaux de la République », qui sont le drapeau et l'hymne national.
Le fait que votre amendement n'évoque pas la « sécurité publique » me le rend plus acceptable que le précédent. Vous parlez des « exigences minimales de la vie en société », mais nous avons complété hier l'intitulé du titre Ier par les mots « exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique ». Par souci de cohérence, il conviendrait peut-être de modifier la rédaction de votre amendement.
Je partage l'objectif poursuivi par Mme Guévenoux mais je comprends la question que vient de soulever M. le rapporteur. La définition des « exigences minimales de la vie en société » et des « symboles fondamentaux de la République » nous semble faire l'objet d'un consensus, mais nous nous en remettons à la sagesse de la commission.
M. Chouat et moi-même ne voyons pas de difficulté à ce que M. le rapporteur sous-amende notre amendement pour y ajouter le mot « démocratique ».
Vous êtes l'auteure de l'amendement, madame Guévenoux : c'est donc à vous qu'il revient de le rectifier.
Il convient d'adopter cet amendement : les « symboles fondamentaux de la République » méritent de figurer à l'article 6. Je souscris d'autant plus à cette initiative que j'avais déposé un certain nombre d'amendements à ce sujet, qui ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
Comme l'a souligné le rapporteur, l'amendement de Mme Guévenoux et M. Chouat évoque enfin des principes généraux. Il se réfère à une jurisprudence du Conseil constitutionnel, et la notion de « symboles de la République » ne laisse aucune place au doute. Même si nous entendons encore quelques hésitations s'exprimer, le groupe La République en marche considère que cet amendement mérite d'être adopté.
C'est plutôt l'intitulé du titre Ier, que nous avons adopté hier soir, qu'il conviendra de modifier pour le rendre conforme à l'amendement de Mme Guévenoux. La notion mise en avant par le Conseil constitutionnel est bien celle des « exigences minimales de la vie en société ». À titre personnel, je trouve que cette notion est trop floue pour être normative : c'est la raison pour laquelle il me semblait important de l'introduire dans l'intitulé du titre Ier plutôt que dans les articles. Mais je retiens surtout la référence aux « symboles fondamentaux de la République », qui doit figurer dans le texte pour conforter la solidité de l'article 6.
Les formulations générales que vous choisissez ouvrent un océan de possibilités d'interprétation. Tout en étant attachés à la République, nos compatriotes peuvent aimer écouter Renaud chanter « La Marseillaise, même en reggae / Ça m'a toujours fait dégueuler », ou Brassens chanter « La musique qui marche au pas / Cela ne me regarde pas ». Est-ce, pour vous, une absence de respect des symboles de la République ? Qu'est-ce que cela veut dire exactement ? Évidemment, nous n'avons pas le droit de brûler le drapeau national, mais que répondrez-vous à une association de gens un peu frondeurs, un peu anars, qui n'aiment pas voir tout le temps le drapeau tricolore ? Ils demandent parfois des subventions : ils organisent des barbecues, ils diffusent des chansons… (Exclamations.) J'ai bien compris que nous voulions lutter contre les dérives sectaires et les comportements susceptibles de constituer une agression contre nos compatriotes, mais l'exigence de respect des symboles de la République ouvre une marge d'interprétation qui menace de nombreux éléments de notre culture profonde. Restons raisonnables, n'allons pas plus loin que l'exigence de respect de la loi !
Je vois bien ce que sont les symboles de la République. Je ne suis pas d'accord avec M. Corbière : nous avons d'ailleurs pénalisé, il y a une dizaine d'années, l'outrage public au drapeau tricolore et à la Marseillaise. On peut considérer que la République a des symboles sacrés, qui doivent être respectés par tout le monde, y compris par ceux qui la contesteraient – on a le droit de contester, mais pas d'insulter.
En revanche, je suis beaucoup plus dubitatif s'agissant des « exigences minimales de la vie en société », non pas parce que je n'y verrais pas la même chose que Marie Guévenoux, mais parce que ce concept est trop flou pour être rendu normatif, comme l'a dit le rapporteur général lui-même. Si nous ne définissons pas cette notion, nous transférerons le pouvoir du législateur vers les magistrats. Je suis toujours très réticent à transférer notre pouvoir au Conseil constitutionnel, dont la légitimité ne vient pas du peuple, même par délégation, et qui est maintenant composé de nombreux anciens politiques – ce que je trouve contestable –, ou au Conseil d'État. Certes, il existe une jurisprudence relative à ces « exigences minimales de la vie en société », mais elle est tellement floue que nous ouvrons un boulevard à toutes les interprétations possibles.
S'agissant des « symboles fondamentaux de la République » – pour ma part, j'aurais plutôt parlé des « symboles de la République », tout simplement –, les choses sont claires : il s'agit de la Marseillaise et du drapeau tricolore. En revanche, que sont les « exigences minimales de la vie en société » ? Vous dites que vous vous référez à une jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme, mais cette jurisprudence concerne la fameuse loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Les exigences minimales de la vie en société renvoyaient alors au principe de sécurité : si vous dissimulez votre visage, on ne peut pas vous contrôler et vous pouvez alors mener des attaques à main armée, ou que sais-je encore. Je vous en supplie, mes chers collègues, ne votez pas une disposition de portée générale relative aux exigences minimales de la vie en société en vous référant à cette jurisprudence tout à fait particulière. Ce ne serait plus du droit !
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1676 de Mme Souad Zitouni.
Il vise à renforcer le respect du principe d'égalité en complétant l'alinéa 2 par la phrase suivante : « Le contrat d'engagement républicain garantira le respect des droits de l'enfant en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, et les droits des personnes porteuses d'un handicap ainsi que de toute personne dont la vulnérabilité est connue. »
Une nouvelle fois, je soutiens cette cause mais je souhaite m'en tenir au principe général. Avis défavorable.
Même argumentaire que précédemment. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la commission.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1889 du rapporteur.
Il prévoit qu'un agrément vaudra signature du contrat d'engagement républicain. Autrement dit, toute association agréée sera réputée signataire de ce contrat.
Le Gouvernement est très favorable à ce bel amendement, qui permet de simplifier considérablement le travail effectué par les associations, de rassurer une grande partie du mouvement associatif et de répondre aux questions soulevées précédemment par un certain nombre de députés.
Vous semblez tenir beaucoup à l'article 6 et à l'engagement des associations sur un certain nombre de principes dont nous avons discuté. Or l'agrément n'est pas du tout accordé sur la base du respect de ces principes. Je m'interroge donc quant à la cohérence de cet amendement, qui réserve le contrat d'engagement républicain aux associations non agréées, avec le reste de l'article 6. Pourquoi ne considérez-vous pas que toute association recevant des subventions doit satisfaire à cette exigence républicaine à laquelle vous tenez tant ?
Je peux comprendre qu'une association agréée soit dispensée de signer le contrat d'engagement républicain à chaque fois qu'elle redemande une subvention, mais pas qu'elle en soit dispensée lorsqu'elle demande l'agrément. Il faut obliger les associations qui demandent l'agrément à signer le contrat, une fois pour toutes. En les en exonérant a priori, nous créerions un vide juridique.
J'irai dans le même sens que M. Pupponi : nous sommes d'accord sur le principe, mais la chronologie n'est pas la bonne. J'ai déposé un amendement à ce sujet à l'article 7, et non à l'article 6, car nous n'avons pas encore parlé des associations agréées ni des conditions d'agrément.
Je vous rassure : à l'article 7, nous introduisons une quatrième condition pour obtenir un agrément, qui est de respecter les principes du contrat d'engagement républicain. Il faut bien distinguer l'article 6, qui concerne la demande de subvention, et l'article 7, qui porte sur l'agrément. Par souci de simplification et pour satisfaire une demande du monde associatif, nous prévoyons à l'article 6 qu'on ne redemandera pas à une association de signer le contrat d'engagement républicain pour recevoir une subvention si elle l'a déjà fait au moment d'obtenir l'agrément. Les deux articles se répondent pour éviter aux associations d'accomplir deux fois la même démarche.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1759 du rapporteur.
Signer le contrat d'engagement républicain, c'est bien, mais encore faut-il que les membres de l'association soient informés de ce à quoi cette dernière s'est engagée. Nous proposons qu'en signant le contrat, l'association s'engage aussi à informer chacun de ses membres du contenu de ce document, de manière individuelle, et non en affichant ces principes quelque part dans un coin de ses locaux.
Avis défavorable. Nous partageons évidemment le souci d'information et de formation exprimé par M. le rapporteur, mais cet amendement soulève plusieurs questions qui ont d'ailleurs été posées tout à l'heure.
Je soutiens l'amendement du rapporteur. Demain, nous entendrons des associations affirmer, y compris devant les tribunaux, qu'elles ignoraient tout de l'activité de tel ou tel de leurs membres, à qui elles n'ont d'ailleurs jamais rien demandé. Quand vous adhérez à une association, il est rare que l'on vous fournisse et que vous signiez ses statuts – même si c'est théoriquement ainsi que les choses devraient se passer. Au cours de l'examen parlementaire de ce projet de loi, il faudra donc trouver un moyen de s'assurer que les membres d'une association ayant signé un contrat d'engagement républicain en soient effectivement informés. Dans le cas contraire, il sera très facile pour l'adhérent à un club de sport, par exemple, de faire quelque chose qui contrevient aux engagements signés par l'association, dont il n'a jamais été informé d'autant qu'ils ne figurent même pas dans ses statuts.
Je soutiens moi aussi cet amendement, qui conditionne le respect effectif du contrat d'engagement républicain par les adhérents. L'information de ces derniers me semble indispensable, même si son caractère individuel est peut-être un peu excessif car il risque de se heurter à des difficultés d'organisation. Nous devons donc réfléchir aux modalités de cette information, qui pourront être précisées dans un décret d'application.
Le Gouvernement est ouvert à toute évolution. C'est l'obligation de formation des adhérents qui nous paraît trop lourde et qui soulève trop de questions, s'agissant notamment de son application. Quant à l'information, l'amendement ne prévoit pas les modalités de contrôle de son effectivité. Néanmoins, je suis sensible aux arguments exprimés par M. Lagarde et d'autres députés : d'ici à la séance publique, nous devrons trouver une manière d'assurer l'information des membres des associations sans créer de nouvelles obligations trop lourdes pour ces dernières. Il y a sans doute un chemin de crête à trouver.
Je ne parle pas de formation, mais uniquement d'information. L'information individuelle est importante, notamment dans le contexte actuel de crise sanitaire qui empêche la tenue des assemblées générales ou l'organisation de rassemblements collectifs. Par ailleurs, on considère à l'article 8 que tout membre de l'association peut voir engager sa responsabilité : il est donc important de s'assurer de l'information effective de chacun. Cette information peut prendre la forme d'un mail : elle ne crée donc pas de charge administrative particulière.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS93 de Mme Anne-Laure Blin.
Yves Hemedinger, absent ce soir, avait déposé un amendement analogue.
Il s'agit de permettre au maire, qui, en tant qu'élu de proximité, est le mieux à même d'identifier les signaux faibles de radicalisation, de procéder à des visites inopinées dans les locaux des associations présentes sur le territoire de sa commune afin de contrôler le respect par ces dernières du contrat d'engagement républicain.
Le maire, qui sera en effet souvent le premier à être confronté au non-respect du contrat d'engagement républicain, peut déjà, aux termes de l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales, exercer un contrôle sur les associations qui perçoivent des subventions de sa commune. L'amendement me semble donc satisfait.
Nous partageons votre analyse du rôle du maire. Toutefois, celui-ci dispose d'ores et déjà de la possibilité de contrôler l'emploi des subventions qu'il attribue, pourvu que la commune ait conclu avec l'association une convention qui le prévoit. Il peut également, notamment au titre de la police des établissements recevant du public (ERP), réaliser des visites inopinées, par exemple dans le cadre des contrôles de sécurité. L'amendement me paraît donc satisfait.
J'ajoute qu'un élu peut également adresser un signalement au préfet afin que la CLIR se réunisse pour étudier le dossier de l'association et décider, le cas échéant, de fermer ses locaux. Avis défavorable.
Je ne comprends pas : pour M. le rapporteur, le code général des collectivités locales permet au maire de se rendre dans les locaux d'une association pour y exercer un contrôle alors que, pour Mme la ministre, il doit, pour ce faire, signer une convention avec l'association. Pourriez-vous clarifier ce point ?
Le rapporteur et moi faisons référence à des textes différents, mais nous sommes d'accord. En fait, le maire a plusieurs possibilités d'intervenir. Depuis le 13 novembre 2018, il peut, par exemple, dans le cadre du dialogue renforcé avec l'État dans le domaine de la prévention de la radicalisation violente, demander aux services de l'État de l'accompagner lorsqu'il se rend dans les locaux d'une association. J'ai cité les visites de contrôle de la sécurité incendie à titre d'exemple, pour illustrer la possibilité qu'a le maire de procéder à une visite des locaux. Par ailleurs, s'il met à la disposition d'une association une salle municipale, il est fondé, comme tout autre élu de la commune, à se rendre dans cette salle pour apprécier la réalité et la nature des activités qui y sont exercées.
Enfin, le préfet et les services de l'État doivent rester à la manœuvre en la matière. Or, je crains, si cet amendement était adopté, que le maire se sente obligé de se déplacer et que l'État soit accusé de se défausser sur les élus locaux.
Le maire peut en effet d'ores et déjà se déplacer pour exercer un contrôle. J'ajoute que ce pouvoir de contrôle de la collectivité est mentionné dans la plupart des conventions conclues entre les mairies et les associations.
Il n'est pas question de faire peser la responsabilité de l'État sur les élus locaux. Nous proposons que ceux-ci aient la possibilité de se déplacer et non qu'ils y soient obligés.
Faut-il descendre à ce niveau de détail dans la loi ? De fait, un maire peut déjà se rendre dans les locaux d'une association que sa commune subventionne. Si ses responsables refusent de lui ouvrir la porte, il ne manquera pas d'en tirer les conséquences.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS1212 de Mme Marie-George Buffet.
Il s'agit d'associer les collectivités territoriales ainsi que le mouvement associatif et sportif à la rédaction du contrat d'engagement républicain. Non seulement cette concertation faciliterait l'adhésion à ce contrat, qui ne serait pas perçu comme une injonction, mais elle attesterait la reconnaissance par l'État de la contribution du mouvement associatif à la cohésion sociale. De fait, dans bien des quartiers, ce sont les associations qui font vivre la République et ses valeurs ; or elles se sentent bien seules.
L'organisation d'une concertation avec le mouvement associatif est bien entendu nécessaire sur les questions qui le concernent. Mais cette concertation est déjà en cours. En outre, la disposition proposée me semble relever davantage du champ réglementaire. Avis défavorable.
Votre amendement est juste et pertinent, mais il est satisfait. En effet, nous avons commencé, avec la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, à consulter les associations, dont nous avons d'ailleurs pris en compte certaines remarques et demandes, comme en témoigne notamment l'amendement relatif aux associations agréées adopté tout à l'heure. Le mouvement associatif est ainsi pleinement associé à la rédaction du contrat d'engagement républicain. Par ailleurs, nous allons poursuivre, avec la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, la consultation des associations d'élus, qui ont déjà été reçues par le ministre de l'intérieur. Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
Je maintiens l'amendement. Comprenez-le, puisqu'on nous demande de voter la création du contrat d'engagement républicain sans en connaître le contenu, nous souhaitons qu'au moins cet engagement concernant la consultation des associations soit inscrit dans le projet de loi.
Je soutiens cet amendement. Ce n'est pas au Gouvernement, me semble-t-il, de définir le contenu du contrat d'engagement républicain ; il serait plus logique qu'il fasse l'objet d'une résolution de l'Assemblée nationale et du Sénat. Par ailleurs, je souhaiterais que l'on nous dise d'ici à la séance publique si l'élu qui souhaite contrôler une association subventionnée a le droit de pénétrer dans ses locaux, même si ceux‑ci ne sont pas considérés comme un ERP.
L'amendement me paraît intéressant : le dialogue avec les collectivités territoriales et le mouvement associatif et sportif est nécessaire. Et il doit se dérouler aussi au niveau territorial, faute de quoi les petites associations auront le sentiment qu'on leur impose quelque chose depuis Paris. Il faut emmener tout le monde ! Le contrat d'engagement républicain est une belle idée ; elle doit partir de la base pour remonter vers le haut, et non l'inverse.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS1677 de Mme Souad Zitouni.
Cet amendement d'appel a pour objet de soumettre les associations à une obligation de moyens en matière de promotion de la mixité sociale.
Avis défavorable. L'obligation de moyens sort du champ des principes dont relève le contrat d'engagement républicain. En outre, elle représenterait une charge beaucoup trop lourde pour les associations de petite taille.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement CS1768 de Mme Isabelle Florennes.
Lorsqu'une association subventionnée exerce une activité en lien avec un public mineur, le devoir de neutralité doit s'imposer aux salariés et personnels, y compris bénévoles, qui participent à cette activité. Même si la plupart d'entre elles respectent scrupuleusement cette règle, il nous faut prendre la mesure de l'entrisme dont font l'objet beaucoup de nos associations sportives et, plus largement, celles qui concourent aux activités périscolaires.
Imposer une obligation de neutralité à une association qui n'exerce pas une mission de service public me paraît attentatoire à la liberté d'association. J'ajoute que les associations concernées seront amenées, si elles sont subventionnées, à signer le contrat d'engagement républicain. Au demeurant, celles qui accueillent des mineurs sont souvent agréées. Je suis donc défavorable à l'amendement, même si je comprends l'inquiétude exprimée.
Je suis en désaccord absolu avec le rapporteur. La loi interdit à une association d'accueillir plus de sept mineurs si elle n'est pas agréée. Mais, depuis les années 1990, on a accordé de nombreuses dérogations à de petites associations qui se sont multipliées au détriment des animateurs des maisons des jeunes et de la culture, lesquels disparaissent du paysage. C'est ainsi qu'a commencé l'abandon des tiers de confiance et, partant, des quartiers. Pour une fois, dans ce texte, un amendement vise juste ! Soit nous renonçons à accorder des dérogations, soit, et ce serait préférable, nous inscrivons dans la loi que l'accueil d'enfants implique le respect de la neutralité.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CS1282 de M. Yves Blein.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 3 de l'article 6. Le fait d'obliger une collectivité à refuser une subvention à une association dont l'objet est illicite nous paraît en effet incompatible avec le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Avis défavorable. Non seulement le Conseil d'État considère que cette disposition ne porte pas atteinte au principe de libre administration des collectivités, mais la suppression de l'alinéa 3 priverait le contrat d'engagement républicain de tout effet contraignant.
L'alinéa 3 respecte l'article 72 de la Constitution puisque celui-ci dispose : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement […] ». Du reste, le bureau de l'Association des maires de France elle‑même soutient à l'unanimité l'article 6.
Cet alinéa est-il opératoire ? La décision de la collectivité sera, certes, soumis au contrôle de légalité mais, sachant que des milliers de décisions de ce type sont prises, on peut douter de son efficacité. Au demeurant, en quoi est-il utile, puisque la loi s'applique ?
Hélas, les refus de subventions font l'objet de contestations de plus en plus nombreuses, comme si l'aide de la collectivité était devenu un droit quasi automatique. Dans ces conditions, l'alinéa 3 est indispensable car il permettra aux élus locaux de motiver leur refus. Je voterai donc contre l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CS1141 de Mme Marietta Karamanli.
Afin d'éviter tout risque d'arbitraire, nous proposons de préciser qu'une subvention est refusée ou retirée à une association si l'objet de celle-ci est manifestement illicite. Une telle précision serait de nature à rassurer les associations qui ne posent pas de problème, c'est-à-dire la très grande majorité d'entre elles.
Je crains que l'ajout du mot « manifeste » ne soit à l'origine de nombreux contentieux, car on se fondera sur cet adjectif pour contester la décision de la collectivité. Dès lors que le texte impose à celle-ci de motiver sa décision et de respecter une procédure contradictoire, on évite, me semble-t-il, tout risque d'arbitraire. Avis défavorable.
Le Gouvernement estime également que la rédaction actuelle est préférable car celle que vous proposez risquerait de provoquer une cascade de contentieux. Avis défavorable.
Je ne comprends pas la rédaction de cet alinéa. Si une association a un objet illicite, cela signifie que le contrôle de légalité exercé par la préfecture a été défaillant lors du dépôt des statuts !
Je crains qu'il y ait un malentendu. En France, les associations sont soumises, non pas à un régime d'autorisation préalable comprenant un contrôle de la légalité des statuts, mais à un régime de déclaration.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CS1760 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS604 de Mme Florence Granjus.
Pour s'assurer que le contrat d'engagement républicain est bien respecté, nous proposons qu'il fasse l'objet d'une évaluation annuelle.
Je rappelle que 61 % des associations perçoivent un financement public ; l'évaluation proposée représenterait donc une charge de travail considérable. En outre, l'amendement ne précise pas si ce sont les associations ou les services des collectivités ayant délivré la subvention qui seront chargés de réaliser cette évaluation. Je vous propose donc de le retirer et d'y retravailler. En l'état, j'y suis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS1142 de M. David Habib.
Je vais retirer l'amendement, mais je souhaitais faire remarquer à M. le rapporteur que, contrairement à ce qu'il a indiqué au sujet de l'amendement CS1141, il n'est pas fait mention, à l'alinéa 3, d'une obligation de motiver la décision. Les modalités du refus de la subvention sont très floues, alors que le dispositif de l'alinéa 4 est, je vous l'accorde, un peu plus encadré.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'examen de l'amendement CS1831 du rapporteur.
Il s'agit de permettre à la collectivité ayant attribué une subvention de consulter pour avis le préfet avant de prendre la décision de retirer cette subvention pour non-respect des principes du contrat d'engagement républicain. Cet avis permettrait de renforcer la motivation de sa décision.
Permettez-moi de le dire, je ne comprends pas que l'on précise dans la loi que le maire peut téléphoner ou écrire au préfet. J'espère qu'ils n'ont pas besoin de cela pour se parler !
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1765 et CS1761 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS102 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit de préciser qu'en cas de non-respect du contrat d'engagement républicain, l'intégralité des sommes versées et perçues doit être restituée.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS605 de Mme Florence Granjus.
Il s'agit de fixer le délai dans lequel doivent être restituées les subventions versées à des associations qui ne respecteraient pas le contrat d'engagement républicain.
La commission rejette l'amendement.
(Protestations prolongées.)
La commission est ensuite saisie de l'amendement CS423 de Mme Emmanuelle Ménard.
En cas de mauvaise foi, de volonté de dissimulation ou de rupture du contrat d'engagement républicain, la simple restitution de la subvention perçue apparaît comme une sanction trop faible. C'est pourquoi je propose que l'autorité judiciaire compétente puisse compléter cette restitution par une amende pouvant aller jusqu'à 75 000 euros.
Défavorable. Si des poursuites doivent être engagées pour des agissements contraires aux principes de la République, elles doivent être fondées sur des délits et des crimes. Si le non-respect des principes républicains peut se matérialiser par la commission de crimes, ce n'est pas à travers le prisme de la subvention publique, dont le retrait serait majoré d'une amende, que la question doit être traitée. Nous parlons ici du lien entre l'association et la collectivité. Dès lors, le retrait de la subvention se suffit à lui-même.
J'ai bien compris que vous contestiez le résultat du vote sur l'amendement CS605. Mais il se trouve que c'est moi, en tant que président, qui compte les voix. Lors du scrutin, de nombreux députés ne levaient pas la main. J'ai donc demandé à nouveau qui était contre l'amendement ; il se trouve que les votes contre étaient plus nombreux que les votes pour. C'est ainsi ! L'amendement pourra, si vous le souhaitez, être redéposé en séance publique où il sera à nouveau soumis au vote.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1758 du rapporteur.
Dans le cas où une association a demandé des subventions à plusieurs acteurs publics, l'amendement vise à obliger l'administration retirant sa subvention à le notifier aux autres collectivités ainsi qu'au préfet, de sorte que tous soient prévenus que le contrat d'engagement républicain a été rompu. La libre administration des collectivités est respectée, puisqu'il n'y a pas de mécanisme automatique. Cela permet d'éviter qu'une association reste subventionnée, alors qu'elle n'a pas respecté le contrat d'engagement.
Ce principe du partage de l'information est judicieux, et je suis évidemment très favorable à l'idée que les préfets soient avertis. Néanmoins, l'amendement ne vient-il pas créer une obligation de notification pour les collectivités territoriales ? Que se passerait-il si elles ne prévenaient pas les autres administrations et le préfet ? Peut-être est-il possible de travailler d'ici à la séance à une rédaction plus souple. Avis favorable en conscience.
L'amendement ne tourne pas complètement, parce que des associations sont financées par l'État et les collectivités. Que se passe-t-il si c'est l'État qui retire sa subvention ? Le préfet va écrire au préfet ? L'amendement n'est pertinent que lorsque ce sont les collectivités qui sont concernées. Il faudra améliorer sa rédaction d'ici à la séance.
Monsieur Pupponi, vous pinaillez ! S'il faut améliorer la rédaction d'ici à la séance, le rapporteur aura un peu plus d'une semaine pour y réfléchir.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1143 de Mme Cécile Untermaier.
Je me pose toujours la question de l'arbitraire et de la contestation de la décision. Il faut encadrer le recours juridictionnel pour garantir la liberté d'association. La pression du retrait de subventions est énorme pour une association. Il ne faudrait donc pas que cela devienne une arme, qui dissuade de constituer des associations. C'est pourquoi l'amendement vise à insérer après l'alinéa 4 : « Les décisions de refus ou de retrait des subventions sont susceptibles de recours en référé-liberté au sens de l'article L521‑2 du code de justice administrative. »
Même si je comprends son intention, je suis défavorable à l'amendement. Le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. L'objectif du référé-liberté est de mettre fin à l'atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale. Or le retrait de la subvention n'empêche pas l'association de continuer à se réunir. Dès lors, la liberté d'association n'est pas menacée par la décision de retrait, et un recours traditionnel est suffisant.
Il n'y a pas de droit aux subventions publiques. Beaucoup d'associations fonctionnent soit avec des fonds privés, soit avec des cotisations, soit de façon bénévole. La subvention est accordée sur la base de différents paramètres, mais il n'y a pas d'obligation ni pour l'État ni pour les collectivités d'en attribuer. Avis défavorable.
Certes, il n'y a pas de droit à la subvention. Je me place simplement dans la situation où c'est quasiment un droit acquis, une fois que l'association l'a obtenue. Parfois, elle a besoin de ces crédits pour fonctionner. Or le recours juridictionnel a posteriori est long. Pour protéger la liberté d'association, il faut s'interroger sur la possibilité d'un recours immédiat et rapide.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1205 de M. Pierre-Yves Bournazel.
Les associations qui font l'objet de donations de la part de contribuables ont la faculté d'émettre des documents, listés à l'article 1740 A du code général des impôts, permettant aux donateurs d'obtenir des déductions fiscales. Il serait au moins choquant que des associations ayant refusé de signer le contrat d'engagement républicain ou l'ayant manifestement violé puissent offrir à leurs donateurs des réductions fiscales ou que leurs donateurs puissent obtenir des réductions d'impôt en finançant de telles associations.
Si je partage la philosophie de votre amendement, qui rejoint les intentions des articles 10, 11 et 12 en matière de contrôle des associations, j'y suis défavorable. En effet, les associations qui délivrent un reçu fiscal à leurs contributeurs peuvent le faire sans que l'administration dispose d'une voie d'autorisation obligatoire préalable. Dès lors, il semble difficile, en l'état du droit et sans proposer une refonte totale du système en vigueur, d'exercer le droit de regard que vous proposez.
Je prends acte de la réponse du rapporteur. Nous retravaillerons l'amendement pour la séance.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS920 de M. Alexis Corbière.
Il nous paraît important d'accompagner toute subvention d'un document récapitulant les droits et les devoirs des associations. Soyons concrets car de nombreuses associations ont peu de moyens et doivent s'orienter dans un véritable maquis de règles. Nous devons leur fournir des outils pratiques. Cela contribuera à éclaircir cette discussion qui est parfois opaque.
Cet objectif me semble déjà largement satisfait. La demande de subvention liste d'ores et déjà les engagements de l'association. Le CERFA utilisé pour les demandes de subvention renvoie explicitement à la charte des engagements réciproques de 2014. En outre, il existe des points ressources sur tout le territoire, par exemple les maisons des associations. Dès lors, imposer une contrainte administrative supplémentaire aux collectivités ne me semble pas nécessaire. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS1756 du rapporteur.
Nous avons souvent évoqué l'importance du contrôle du respect du contrat d'engagement républicain. Je vous propose d'intégrer dans le décret d'application relatif à ce contrat les modalités de contrôle.
Demande de retrait car le décret d'application ne nous semble pas être le meilleur vecteur. La convention passée entre l'autorité qui octroie la subvention et l'association bénéficiaire peut prévoir des modalités de contrôle – compte rendu des fonds alloués, bilan de budget, etc. Les contrôles peuvent également s'appuyer sur les compétences propres de chaque autorité publique ; il serait difficile de les rappeler toutes dans le décret d'application.
Cela ne diminue en rien la volonté du Gouvernement de faire exercer des contrôles, d'abord par les autorités qui accordent des subventions, mais aussi grâce à différents signalements provenant par exemple des CLIR (cellules locales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire), qui étudient dans chaque département l'ensemble des dossiers concernant les organisations, commerces et associations qui lui sont signalés comme étant problématiques du point de vue du respect des principes républicains.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS282 de M. Julien Ravier.
La formation est la grande absente de ce projet de loi. Conforter les principes de la République, ce n'est pas seulement restreindre et encadrer les libertés, c'est aussi les enseigner. L'objectif est donc de proposer une obligation de formation aux principes républicains pour les dirigeants d'associations, afin de s'assurer qu'ils ont bien saisi le contrat qu'ils ont signé et de faciliter l'application du contrat d'engagement par les membres de l'association. Il existe des formations gratuites, dispensées sur la plateforme Fun, une plateforme de Massive Open Online Courses (MOOC), qui permettent d'éviter d'ajouter une charge au budget de l'association.
Vous avez tout à fait raison de souligner l'importance de la formation dans les associations ; il en existe déjà de nombreuses pour les dirigeants associatifs. Ajouter une obligation de formation aux principes républicains semble être une bonne chose. Toutefois, cela créera une charge qu'il faudra financer ; cela peut être compliqué pour les associations ayant une taille critique. De plus, nous avons déjà instauré un devoir d'information des membres de l'association, qui peut être l'occasion de débattre de ce que recouvre le contrat. Même si je partage votre objectif, je n'y suis pas favorable car cela créerait une charge trop lourde pour les associations. Je demande donc le retrait de cet amendement, et nous essaierons de le réécrire en vue de son examen en séance ; à défaut, avis défavorable.
Le Gouvernement a déposé deux amendements sur la question de la formation à la laïcité. Le premier vise à nommer des référents laïcité dans tous les services publics, y compris dans les administrations qui accompagnent les associations sur la laïcité. Le deuxième amendement vise à rendre obligatoire la formation de l'ensemble des agents publics à la laïcité. Nous avons confié une mission flash sur ce sujet au préfet Pierre Besnard, qui rendra ses conclusions dans moins de deux mois.
La formation à la laïcité soulève beaucoup de questions, d'abord sur son financement, ensuite sur son contenu et enfin sur les prestataires, certains délivrant des formations à la laïcité qui, en réalité, ne combattaient pas les idéologies séparatistes. Par ailleurs, certaines associations disposent de moyens trop faibles pour assurer une formation. Si nous ne sommes pas favorables à la création d'une obligation de formation pour les dirigeants d'associations, nous sommes en revanche d'accord pour réfléchir à une mise à disposition d'outils d'information et de formation.
Votre réponse porte sur la formation à la laïcité des agents du service public. Or mon amendement concerne les associations percevant une subvention, dont le versement est désormais conditionné à la signature d'un contrat d'engagement républicain. La moindre des choses, c'est de s'assurer que le dirigeant de l'association signant ce contrat a reçu une formation minimale. Nous pouvons peut-être revoir la rédaction de l'amendement pour préciser que cela vise la personne qui a la signature. Quoi qu'il en soit, il existe des formations totalement gratuites. Alors que l'on cherche à conforter les principes républicains dans le secteur des associations, le texte n'aborde à aucun moment la formation de leurs dirigeants : c'est pourtant le minimum ! Nous attendons un signal de votre part sur cette question.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1283 de M. Yves Blein.
Il s'agit de régler le problème de la formation des bénévoles d'associations en modifiant la loi du 3 août 2018 pour permettre au comité consultatif du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) de veiller à ce qu'une partie des fonds soit affectée à la formation des responsables associatifs, afin que ceux-ci puissent parfaitement maîtriser et diffuser les principes arrêtés dans le contrat d'engagement républicain.
Je partage totalement votre avis sur l'importance de la formation des dirigeants. Toutefois, votre amendement n'est pas opérant. Vous indiquez que les membres du comité consultatif du FDVA doivent veiller à ce que ces fonds financent des formations aux principes républicains. Votre formulation me semble floue car elle n'impose pas d'obligation de moyens ni de résultats. Il est dès lors difficile pour ces membres de juger dans quelle mesure l'effort de formation réalisé est suffisant ou au contraire insuffisant.
De plus, il n'est pas forcément pertinent d'ajouter des contraintes aux associations. L'idée est louable mais il faudrait trouver un autre moyen pour rendre cette obligation de formation plus opérante. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 6 modifié.
La séance est levée à minuit trente.
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République
Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 21 heures
Présents. – Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Yves Blein, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, M. Francis Chouat, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Sacha Houlié, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Anne‑Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Mattei, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. Thomas Rudigoz, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet
Excusé. - M. Yves Hemedinger
Assistaient également à la réunion. - Mme Elsa Faucillon, M. Raphaël Gérard, M. Grégory Labille, M. Jacques Maire, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Monica Michel, M. Paul Molac, Mme Catherine Osson, Mme Cécile Rilhac, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Souad Zitouni