Vous avez sans doute, comme moi, des informations sur ce qui se passe dans les autres commissions. Certains groupes d'opposition ne sont représentés dans aucun des bureaux, ce qui me paraît problématique lorsque, dans le même temps, on parle de renouveau en politique. Je souhaiterais que la majorité en tire les conséquences et qu'elle veille à créer les conditions de la pluralité politique dans notre Commission.
Je rejoins les remarques qui ont été faites par nos collègues du groupe Les Républicains et regrette de ne pas pouvoir entendre le ministre de l'Intérieur. J'aurais souhaité que l'on trouve une solution, y compris le soir ou tôt le matin.
Au nom des députés du groupe de La France insoumise, je voudrais d'abord constater qu'il reste de bon ton de saluer l'action des forces de police qui travaillent d'arrache-pied, jour et nuit, à la sécurité de nos concitoyens. Elles le faisaient dès avant l'instauration de l'état d'urgence, le font en ce moment et le feront aussi après l'état d'urgence. Je m'associerai aux observations du groupe Les Républicains en regrêtant que le ministre de l'Intérieur ne vienne pas devant nous. L'état d'urgence actuel s'arrêtera le 15 juillet. Est-il nécessaire de maintenir l'examen en séance publique du présent projet de loi demain jeudi, alors que nous pourrions encore ...
Il me semble symptomatique que nous votions en urgence l'état d'urgence. C'est un comble. Est-ce bien normal alors qu'un projet de loi nous est annoncé sur le sujet ? En attendant son examen, nous votons encore et encore la prolongation, jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée. Nous nous opposerons, pour notre part, à ce qu'il soit transcrit dans le droit commun. Cela m'a fait sourire d'entendre les députés du groupe Nouvelle Gauche déclarer qu'il fallait maintenir l'état d'urgence, alors que ces dispositions ont servi contre des militants écologistes et même contre des syndicalistes au moment des manifestations contre la loi relative au travail. Des organisations ...
Mon amendement demande également la suppression de l'article 1er. Après plusieurs prorogations, nous sommes contraints de mener une discussion basée sur un raisonnement un peu bizarre : s'il n'y a pas d'attentat, c'est grâce à l'état d'urgence qu'il faut donc proroger ; s'il y a un attentat, c'est bien la preuve qu'il faut maintenir l'état d'urgence pour éviter qu'il n'y en ait d'autres. Nous en revenons à mes interrogations précédentes : sommes-nous capables de prévenir des attentats en dehors de l'état d'urgence ? Combien d'attentats ont-ils finalement été empêchés grâce à l'état d'urgence ? N'auraient-ils pas pu l'être par des moyens normaux ? La ...
M. le rapporteur sait-il combien de fouilles ont permis d'empêcher des attentats ?
Je ne voterai pas cet amendement et je me demande si M. Eric Ciotti ne défendra pas ensuite un amendement proposant de retirer le permis de conduire aux fichiers S, des attentats ayant été perpétrés grâce à un permis de conduire, ou un amendement interdisant l'achat de caisses à outils pour les fichiers S, le marteau étant également devenu une arme dans les mains de terroristes. C'est ridicule ! Comme le rapporteur l'a dit, l'autorité administrative qui délivre le permis peut déjà le retirer. Pourquoi vouloir aller plus loin si ce n'est pour créer de la polémique inutile ?
Monsieur le ministre d'État, je veux tout d'abord m'associer aux propos que vous avez tenus à l'égard des fonctionnaires de police, des gendarmes, des magistrats, des militaires, de tous ceux qui oeuvrent au quotidien pour nous protéger et prévenir les actes terroristes sur notre sol. Il me semble extrêmement important de le rappeler. J'ai également une pensée pour toutes les victimes des actes terroristes commis sur notre sol et pour leurs proches. Même si nous avons su les aider juste après les attentats, je tiens à dire ici qu'il convient d'assurer un suivi jusqu'au bout de toutes ces personnes et d'y veiller particulièrement. C'est ce que nous ferons. Je ...
S'il en fallait une preuve, en voici une.
Vous nous demandez de voter en urgence sur l'état d'urgence. C'est quand même un comble ! L'état d'urgence actuel prendra fin le 15 juillet. Pourquoi tant de précipitation ? En commission des lois, mes collègues du groupe Les Républicains avaient demandé à vous auditionner, monsieur le ministre d'État, afin de disposer de tous les éléments pour nous prononcer de manière sérieuse, responsable et grave sur cette thématique. Visiblement, cela n'a pas été possible, et c'est seulement maintenant que nous vous entendons, sans pouvoir vous poser de questions ni avoir de débat sérieux avec vous.
Nous aurions pu examiner ce texte la semaine prochaine : notre débat aurait eu lieu avant la date fatidique du 15 juillet. Mais visiblement, il en va autrement. Tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, vous avez dit qu'il fallait « symboliquement » proroger l'état d'urgence, avant de nous expliquer qu'au fond, c'était l'opérationnel qui était important. En effet, c'est l'opérationnel qui est important ! Il n'est pas question de symbolique dans cette histoire. Et s'il y a une symbolique, c'est bien celle de faire respecter l'État de droit dans lequel nous sommes, que nous défendons et qui est justement la cible des actes terroristes. Monsieur le ministre ...
Ne faites pas passer les uns et les autres pour des partenaires supposés des terroristes, en fonction de leur position.
En réalité, il faut poser une question qui n'est jamais posée : celle des moyens opérationnels mis en oeuvre pour faire face aux attaques et aux actes terroristes. Cette question n'est pas évoquée par le présent texte, et encore moins par le projet de loi dont vous parliez tout à l'heure. Vous pourriez me demander qui je suis, au fond, pour vous parler de l'état d'urgence. Déjà, je suis un député de la nation, tout comme vous. Je suis aussi membre de la commission des lois, devant laquelle vous ne vous êtes pas exprimé, monsieur le ministre d'État. Et puis, je ne viens pas de nulle part : je suis un cadre supérieur du ministère de l'intérieur, corédacteur ...
Ce livret a été rédigé avec des personnels actifs de la police nationale de tous grades – des commissaires, des commandants, des gardiens de la paix –, avec des chercheurs et des spécialistes du renseignement. Je reviens à la question de fond, celle des moyens pour que la justice et l'état de droit commun soient efficaces contre les actes terroristes. Je le dis aux officiers de police judiciaire, aux magistrats spécialisés et aux personnels du renseignement : nos propositions vous accorderaient tous les moyens dont vous avez besoin pour faire face aux actes terroristes, tout en garantissant les libertés individuelles de tout un chacun. Au fond, la question est ...
Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre d'État : si nous voulons augmenter nos moyens, recruter des effectifs, il est urgent de rouvrir des écoles de police : il n'en existe plus que dix en France, alors qu'il y en avait vingt-cinq par le passé. Comment voulez-vous recruter des gens sans rouvrir des écoles de police, sinon en continuant ce qui a été fait précédemment, c'est-à-dire en raccourcissant la durée de la formation ? Voulons-nous de policiers formés à la va-vite, alors qu'ils portent l'uniforme, une arme et qu'ils ont des responsabilités ? Non ! Tout au contraire, nous proposons dans notre livret thématique d'allonger la durée de la ...
Ce point est très important, chers collègues. Ce n'est pas un à-côté : écoutez les juges antiterroristes, les magistrats, le syndicat de la magistrature. Une autre des questions soulevées par l'état d'urgence est l'aide à d'autres victimes : celles de ses dommages collatéraux. Comme vous le savez en effet, on ne trouve pas un terroriste derrière chaque porte qu'on fracture. Parfois, d'abord, on se trompe de porte.
Quelle sera votre réaction, monsieur Ciotti, si demain on fracasse votre porte ?
Nous ne sommes pas en guerre contre les nôtres, j'espère !
Si nous sommes en guerre contre les actes terroristes, ce sont ces actes qu'il faut viser. Il existe aujourd'hui – c'est du moins ce que j'ose espérer – des procédures d'indemnisation, mais elles sont parfois un peu longues, sans compter cet autre préjudice : si on a fracassé votre porte par erreur, tout le quartier vous prend pour un terroriste putatif. Bonjour l'ambiance ! La plupart des gens concernés finissent par déménager.
C'est sérieux ! Nous parlons de nos concitoyens. À cela s'ajoute l'usage qui a été fait de l'état d'urgence pour d'autres motifs que l'antiterrorisme, dans le cadre d'affaires policières où l'on en a profité pour accélérer quelques procédures et démanteler quelques trafics de stupéfiants.
Pourquoi pas, mais nous sommes encore dans un État de droit et ce n'est pas l'objet de l'état d'urgence – à moins que je n'aie mal lu. Je veux également évoquer le rapport d'Amnesty International, qui relevait 155 interdictions de manifestations revendicatives et 639 interdictions individuelles de manifester sous diverses formes, dont 21 pour la COP21…
…– il faudrait m'expliquer, en effet, le rapport avec les terroristes ! –, et 574 pour la loi travail – vous vous souvenez des manifestations qu'elle a provoquées. Nous vous prévenons, monsieur le ministre d'État : nous serons très vigilants.
Il y aura des mobilisations à la rentrée à propos des ordonnances relatives au code du travail, et j'espère que l'état d'urgence ne sera pas utilisé contre les nôtres.
J'ai ici une pensée pour les militants assignés à résidence, dont Joël Domenjoud, membre de l'équipe juridique de la Coalition climat, qui regroupe 130 ONG défendant le climat, ou Hugo Melchior, à Rennes, lui aussi assigné pendant la lutte contre la loi travail.
Peut-être pas à droite, en effet, …
…mais ce n'est sans doute pas ce que pensent les membres du groupe La République en marche, que je pense être de bonne volonté dans cet hémicycle.
Je le dis sincèrement. Certains spécialistes, comme l'Union syndicale des magistrats, s'offusquent de cette prorogation de l'état d'urgence et du texte à venir. Il faudra les entendre et j'espère que cette fois-ci, monsieur le ministre d'État, vous nous ferez le plaisir de nous rencontrer dès le début des travaux – j'ai du reste cru comprendre que ce serait le cas dès la semaine prochaine : nous pourrons donc poursuivre la discussion.
Il a été dit tout à l'heure qu'il était important, et que c'était la volonté du Président de la République, de circonscrire les mesures relevant de l'état d'urgence aux seuls actes terroristes, précisément pour éviter de retomber dans les travers que je viens de décrire. Alors, attendrons-nous la prochaine loi, fin septembre, ou prendrons-nous dès à présent, dans le cadre de cette prorogation de l'état d'urgence, des mesures visant à le circonscrire aux seuls actes terroristes ? Je veux, pour ma part, qu'on puisse dès à présent faire respecter la volonté du Président de la République sur ce point.
C'est sage, en effet, car la seule garantie, c'est l'enquête judiciaire, qui préserve de l'arbitraire des décisions administratives. Nous avons tenté de déposer des amendements tendant à circonscrire la prorogation de l'état d'urgence en prévoyant qu'on ne puisse recourir aux assignations à résidence ou aux perquisitions administratives que contre les actes terroristes, et non pas à l'encontre des militants politiques, des syndicalistes ou des écologistes. Or, ce n'est pas possible, mes chers collègues, car ce ne sont pas là des catégories suffisamment claires juridiquement pour être inscrites dans un texte. En effet, on discuterait ensuite pendant des heures ...
Nous sommes d'accord pour châtier comme il se doit les assassins qui s'attaquent à la République et à nos valeurs, en toutes circonstances, mais nous sommes également opposés à la prorogation continuelle et inefficace de l'état d'urgence ad vitam aeternam qu'on nous propose aujourd'hui.
J'en viens au contrôle parlementaire – car il en existe un, mis en place peu après l'instauration de l'état d'urgence et doté de pouvoirs similaires à ceux d'une commission d'enquête parlementaire. Le rôle de rapporteur de ce contrôle parlementaire sera assuré par un député du groupe La République en marche et celui de corapporteur par l'opposition. Lorsque je parle d'opposition, sans doute pensez-vous à moi,
car nous sommes les seuls à voter contre l'état d'urgence et à nous exprimer sur cette question à cette tribune, …
…mais ce rôle reviendra, à ce qu'il apparaît, au groupe Les Républicains, qui votera pourtant pour la prorogation de l'état d'urgence. Ne pourrait-on associer tous les groupes à ce contrôle parlementaire ? On ne peut en effet parler, à grand renfort de médias, d'unité nationale face au terrorisme, tout en nous excluant du coeur de la lutte antiterroriste et du contrôle parlementaire. Nous voulons participer à cela, savoir et aider à la défense de la nation. J'évoquerai brièvement aussi la politique extérieure. Vous le savez, Daech mène contre nous une lutte politico-militaire. Tous les pays, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre ...
Il ne faut pas l'oublier. Il faut s'attaquer aux sources du terrorisme, par exemple à la contrebande du pétrole, à propos de laquelle la France doit se positionner. Je rappelle également qu'il y a toujours le dossier Lafarge.
Où en est-on ? Quand va-t-on leur demander de rendre des comptes ?
Ces gens-là ont collaboré avec l'ennemi et on les laisserait continuer à vaquer à leurs occupations, à faire du business sur le dos de nos morts ?
Je vous demande d'intervenir sur ce sujet, monsieur le ministre d'État. Se pose encore la question de la prise en charge de la radicalisation, domaine dans lequel nous sommes assez timides. Je sais que des expérimentations sont en cours, mais il faut aller plus loin. On ne peut pas se contenter de dire à une famille qui détecte que son enfant est en train de mal tourner, qu'il fréquente les réseaux sociaux et regarde des vidéos de terroristes, qu'elle doit simplement le signaler à la police. Cela ne me semble pas être la seule réponse adaptée à de telles situations. Le feriez-vous s'il s'agissait de l'un de vos enfants ?
Je vous laisse y réfléchir, car ce point n'est pas abordé dans le cadre de la prolongation de l'état d'urgence et de son inscription dans le droit commun. Je veux également alerter quant au lien abject qui est parfois établi entre quartiers populaires, islam et terrorisme. Ce lien n'existe pas.
Les terroristes dont nous avons eu à connaître étaient d'origines assez différentes – il y avait même parmi eux un doctorant.
J'espère donc que nous n'allons pas tomber dans les clichés. Il faut veiller à cela, monsieur le ministre d'État. Quand on tape tous azimuts, la question est, au fond, de savoir si on est prêt à assumer les dommages collatéraux, à assumer le fait que certains de nos compatriotes voient fracturer leur porte
alors qu'ils n'y sont pour rien, n'ont rien fait et ne feront rien contre la France.
…puisqu'il me reste un peu de temps, c'est précisément la notion de temps que je veux maintenant évoquer. L'état d'urgence tel qu'il est conçu aujourd'hui et son projet d'inscription dans le droit commun servent à faire gagner du temps pour contourner la voie juridique normale, qui est le recours à un magistrat. Il faut poser ces questions dans le projet de loi, sans chercher constamment des contournements, qui signifient en effet qu'on ne veut même pas regarder en face la question du manque de moyens matériels et humains de nos services. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un amendement en ce sens, mais tout a été rejeté par la commission. Un ...
…même si nous sommes opposés à la prorogation de l'état d'urgence. Je vois cependant que certains, dans la majorité, ne sont pas de cet avis et ne veulent pas être constructifs. Je le regrette. Permettez-moi quelques citations. Marc Trévidic, tout d'abord, que vous connaissez sans doute, ancien juge antiterroriste désormais à Lille – comme moi, du reste, qui suis élu de la deuxième circonscription du Nord –, déclarait : « l'état d'urgence, c'est débile ». « Les flopées de perquisitions administratives qui ne servent à rien, c'est très lourd, très dérogatoire à notre système, pour une efficacité très limitée. » C'était le 29 mars 2016. ...
Mais il y en avait déjà à l'époque ! Jean-Jacques Urvoas, ancien ministre de la justice, a dit quant à lui, le 15 mars 2017 : « Nous avons créé les conditions qui rendent possible une sortie de l'état d'urgence. » Ces conditions ne seraient-elles plus réunies ?
La majorité précédente aurait-elle mal fait son travail ?
Je vois sur ces bancs quelques anciens ministres et même un ancien Premier ministre : comment jugent-ils cette situation ? Nous le saurons peut-être tout à l'heure, lors du débat. Le New York Times, loin d'être un journal bolchevik, émet d'énormes réserves sur le projet de loi antiterroriste qui sera examiné à la rentrée. Vous devez tenir compte de ces alertes, chers collègues ! Les régimes d'exception n'ont jamais réussi à la France, pas plus aujourd'hui qu'en 1793.
Je conclurai par une dernière citation, que je vous prie d'écouter attentivement.
« Abandonner nos libertés, c'est apporter à nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps, les adversaires de la démocratie ont prétendu qu'elle était faible et que si elle voulait combattre, il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C'est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats tels qu'ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d'anéantir nos adversaires. »
« Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n'a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d'efficacité. » Mesdames et messieurs les députés, chers collègues, je vous laisse libres de retrouver l'auteur de ce plaidoyer contre la prorogation de l'état d'urgence, que je porte aujourd'hui au nom de la France insoumise.