La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Rappel au règlement
Il est fondé sur l'article 58 relatif aux faits personnels.
Hier soir, M. Woerth a mis en cause mon énorme incompétence, ce qui ne serait pas trop grave, mais aussi l'incompétence de mon collaborateur et même des collaborateurs du groupe La France insoumise. À mon sujet, il a parlé de malhonnêteté intellectuelle parce que je dénonce le fait que les articles 40 et 45 de la Constitution sont utilisés pour exercer une censure politique au nom du juridique.
Or l'un de ses collègues du groupe Les Républicains, Bernard Perrut, a dit lui-même que le débat budgétaire ne pouvait plus avoir lieu de la même manière qu'il y a quelques années, qu'il était plus restreint. Le socialiste Boris Vallaud s'est exprimé de la même manière, dénonçant une application rigoriste de l'article 40 et proposant la rédaction d'une motion commune pour protester contre le sort réservé au travail parlementaire. Perrine Goulet, du MODEM, Pierre Dharréville, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, Delphine Bagarry, du groupe Écologie démocratie solidarité et Jeanine Dubié, du groupe Libertés et territoires ont émis les mêmes critiques.
D'ailleurs, les statistiques prouvent de manière objective l'usage de plus en plus restreint de l'article 40 : la part des amendements jugés irrecevables est passée de 41 % en 2018 à 51 % en 2019, pour atteindre actuellement le taux de 55 %.
Il y a plus drôle, si l'on peut dire : des amendements ont été jugés irrecevables cette année alors qu'ils sont identiques, au mot près, à d'autres qui avaient été considérés recevables l'an dernier.
Je ne mets pas du tout en cause la probité de M. Woerth – qui oserait le faire ? – pas plus que ses compétences. Au contraire, je le trouve très compétent pour exercer une censure politique au nom du juridique, ce qui nous empêche, par exemple, de parler des femmes de ménage et des auxiliaires de vie sociale, tandis que nous pourrions très bien continuer à adopter des exonérations supplémentaires pour les entreprises.
Nous en revenons à l'examen du texte.
Je suis saisi de six amendements, nos 2294 , 2295 , 1211 , 2145 , 2285 et 1343 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1211 , 2145 et 2285 sont identiques.
La parole est à Mme Pascale Fontenel-Personne, pour soutenir l'amendement no 2294 .
Depuis le début de la pandémie, les cafetiers, hôteliers, restaurateurs et discothécaires font face à une perte d'activité sans précédent. De ce fait, nombre d'entre eux n'ont pu honorer le paiement de leurs charges ni de leur loyer. À ce jour, ils rencontrent encore des difficultés en raison des nouvelles restrictions sanitaires qui leur sont imposées et qui pourraient s'aggraver après le discours que va prononcer ce soir le Président de la République.
Le 25 mars dernier, vous avez fort opportunément pris une ordonnance pour protéger les locataires, en empêchant notamment les bailleurs d'imposer des pénalités ou de rompre un bail pour retard de paiement.
Or ces mesures ont pris fin avec la fin de l'état d'urgence sanitaire, alors que la situation des cafés, hôtels, restaurants et discothèques – CHRD – est loin de s'améliorer. Les professionnels, qui font face aux mêmes difficultés, sont même menacés de se voir infliger des pénalités et des ruptures de bail. Certains d'entre eux utilisent déjà leur prêt garanti par l'État – PGE – pour faire face à ces créances, mettant en péril durablement leur entreprise.
Dans ces conditions, il me semble logique de proposer cet amendement qui permettrait d'éloigner le risque des dépôts de bilan qui se profilent à l'horizon.
Je propose donc d'instaurer un crédit d'impôt au bénéfice des bailleurs, au titre du défaut de paiement, dans la limite de 50 % du montant de deux mensualités de loyer et de charges locatives normalement dues par les locataires.
Je propose également de proroger d'un an, c'est-à-dire jusqu'au 10 juillet 2021, les excellentes mesures de l'ordonnance du 25 mars, celles-ci étant indispensables aux professionnels dont l'activité est réduite et qui se voient imposer de nouvelles restrictions sanitaires.
Considérez-vous avoir défendu aussi votre amendement no 2295 , madame Fontenel-Personne ?
La parole est à M. Sylvain Maillard, pour soutenir l'amendement no 1211 .
Ma collègue Fontenel-Personne a très bien décrit la situation des hôteliers, cafetiers, restaurateurs et discothécaires, qui font face à une crise économique inédite.
Le présent amendement prévoit un dispositif pour alléger et répartir de façon plus juste le report des loyers et des charges locatives, particulièrement lourdes dans ma circonscription de Paris ou dans des zones très denses, là où les dispositifs massifs que nous avons créés restent probablement insuffisants.
Élaboré avec l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie – UMIH – , cet amendement propose une règle de répartition que je crois juste entre les bailleurs – dont les efforts restent insuffisants – , les professionnels et l'État au moyen d'un crédit d'impôt.
C'est avec beaucoup d'émotion que je vous le dis : tous ces bars et restaurants ne survivront pas, notamment à Paris, si nous ne trouvons pas une solution pour les aider en réduisant les charges locatives – je sais que vous en êtes pleinement conscients.
Comme l'a parfaitement dit ma collègue, les annonces à venir vont rendre la situation encore plus difficile. Il faut que nous les aidions à survivre à cette crise sanitaire qui, heureusement, finira un jour.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 2145 .
C'est un amendement identique, proposé par l'UMIH, qui préconise une répartition en trois tiers qui nous semble tout à fait acceptable.
L'amendement no 2285 de M. Vincent Descoeur est défendu.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 1343 rectifié .
Je souhaite m'associer aux propos de ma collègue Fontenel-Personne. Malgré les mesures prises pour les accompagner pendant la crise sanitaire et le ralentissement de leur activité – qui va malheureusement s'accentuer au cours des mois à venir – , les professionnels de ce secteur ne s'en sortiront pas.
Nous n'avons pas pu légiférer sur la relation entre les locataires et les propriétaires ; nous avons essayé de le faire sur le lien entre propriétaires et gestionnaires de résidences de tourisme. En fait, il est difficile pour le Gouvernement d'intervenir dans ces multiples relations privées.
Nous devons pourtant trouver une solution pour ne pas laisser les locataires totalement seuls et dépourvus face à leurs propriétaires qui, ayant eux-mêmes leurs propres contraintes financières et budgétaires, ne peuvent pas accepter des reports ou des annulations de loyers.
Proposé par l'UMIH, cet amendement offre une excellente solution en ce sens qu'elle vous permet de ne pas intervenir et de ne pas légiférer dans ces relations privées entre locataires et propriétaires, tout en donnant aux propriétaires la possibilité d'aider leurs locataires à affronter cette période extrêmement difficile.
C'est une vraie solution pour ce problème des loyers que nous n'avons pas réussi à résoudre jusqu'à présent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
Tous les défenseurs de ces amendements connaissent particulièrement bien le secteur des CHRD, auquel on peut ajouter le tourisme. Pour reprendre l'image de la courbe en K, que j'ai utilisée lors de la discussion générale, ces secteurs connaissent des difficultés croissantes liées à l'évolution de la crise. Si certaines régions sont plus touchées que d'autres, il nous faut néanmoins aider l'ensemble des cafetiers, hôteliers et restaurateurs.
Ces amendements vont-ils nous permettre de le faire ? Non. Une réduction d'impôt sur un décalage de trésorerie, c'est-à-dire sur un report de loyer accordé par le bailleur, n'est évidemment pas une solution efficace pour venir en aide à ces professionnels. Il leur faut des aides directes, dont le fonds de solidarité est le meilleur exemple. En la matière, les annonces du Premier ministre sont sans équivoque et particulièrement puissantes.
Rappelons les mesures prises en faveur de l'ensemble du secteur depuis le plan tourisme de 18 milliards d'euros. Rappelons aussi une mesure fiscale efficace, rapide et entrée en vigueur, prise dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative – LFR 3 : la déductibilité des loyers annulés par les bailleurs. Cette incitation à l'annulation des loyers est efficace car, ne l'oublions pas, un loyer reporté reste dû. À cet égard, il faut signaler le comportement assez vertueux de certaines grandes sociétés foncières qui ont annulé des loyers.
Nous devons agir directement en faveur de ces secteurs, ce que fait le Gouvernement. Il nous faut probablement aller plus loin pour ne pas, comme le craint M. Maillard, risquer d'assister à des faillites, surtout si les mesures de restriction s'aggravent, comme nous pouvons légitimement le redouter au vu de la situation sanitaire.
Nous devons être au chevet de ce secteur, mais la réduction d'impôts que vous proposez pour les bailleurs accordant des reports de loyer me semble trop parcellaire et inadaptée à l'urgence que vont affronter ces professionnels en matière de trésorerie.
J'émets donc un avis défavorable à vos amendements, tout en étant totalement d'accord avec vous sur la nécessité de soutenir le secteur.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics pour donner l'avis du Gouvernement.
Je m'associe aux propos du rapporteur général : même si l'idée peut sembler intéressante au premier regard, cette déduction d'impôt accordée pour compenser un report de loyer ne me semble pas être une solution efficace. En tout cas, elle est moins-disante que la déduction pour loyer annulé – et non pas reporté – que nous avons adoptée dans le cadre de la LFR 3.
Le rapporteur général a rappelé le plan en faveur du tourisme, mais je signale que nous avons pris des mesures supplémentaires de soutien aux entreprises du secteur de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme qui font l'objet de restrictions d'horaires d'ouverture, voire de fermeture dans certaines zones, en raison de la situation sanitaire. C'est ainsi que les dispositifs d'intervention ont été relevés de 2 500 à 10 000 euros par mois ; quant aux plafonds d'emplois permettant une intervention du fonds de solidarité, ils sont passés de 10 à 20, puis à 50 salariés.
Ces réponses ne sont pas nécessairement adaptées aux hôteliers des zones urbaines, évoqués par M. Maillard et auxquels nous proposons d'autres dispositifs. Ceux qui emploient moins de 250 salariés peuvent obtenir des exonérations de cotisations ; les autres peuvent bénéficier de dispositifs d'exonération au cas par cas.
Ces professionnels peuvent aussi accéder à des mesures de type PGE, lesquelles apportent de la trésorerie au professionnel qui en a besoin : cela me semble plus efficace qu'une déduction fiscale accordée au bailleur qui reporte l'encaissement d'un loyer. Comme le rapporteur général, j'estime que la solution proposée par ces amendements pourrait manquer sa cible, d'autant qu'il s'agit de report et non d'annulation.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je demande une suspension de séance de dix minutes, monsieur le président.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt-cinq.
Je comprends la position du rapporteur général et du ministre délégué : ils ont fait référence à des dispositions de la LFR 3, que j'ai moi-même soutenues et accompagnées ; chacun le reconnaît, l'effort de l'État est sans commune mesure dans cette crise pour soutenir les salaires.
Reste que ces amendements interpellent le Gouvernement sur un point particulier : le coût élevé des charges locatives pour les hôteliers, les cafetiers, les restaurateurs et les discothécaires des grandes villes – je pense bien sûr à ma circonscription à Paris, mais toutes les métropoles sont concernées par cette difficulté.
Soit, monsieur le ministre délégué, nous allons retravailler ces amendements et nous y reviendrons avec la navette. Permettez-moi cependant d'appeler votre attention sur la situation des grands bailleurs. Le rapporteur général l'a souligné à juste titre, certains d'entre eux ont fait un effort.
Sans doute, mais dans les circonstances que nous connaissons, un effort de l'ensemble des acteurs est attendu. Que ce soit de manière volontaire ou de façon encadrée par l'État, tous les grands bailleurs doivent abandonner une partie de leurs loyers. S'ils n'acceptent pas de perdre un peu d'argent, nous ne réussirons pas à nous en sortir et un nombre incalculable d'hôtels de bars, de restaurants et de discothèques qui font l'animation de nos villes disparaîtront dans la crise ! Je lance donc un cri d'alarme et vous presse de revoir votre position, monsieur le ministre délégué. Chacun doit accepter de perdre un peu. Certains bailleurs y ont consenti, d'autres non.
Je suis disposé à retirer l'amendement no 1211 …
Protestations sur les bancs du groupe LR
L'amendement no 1211 de M. Maillard est repris par Mme Véronique Louwagie, qui a la parole.
L'ampleur de la crise exige que nous nous attardions sur ces différents amendements. Par l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, le Gouvernement a autorisé les locataires à ne pas payer leur loyer pendant la période de l'état d'urgence sanitaire, ce qui est une bonne mesure. Au cours de cette période, les entreprises ont été mises sous perfusion de l'État et bénéficié du PGE, du fonds de solidarité, mais aussi de reports de charges et de loyers. Ce mécanisme de perfusion ayant pris fin, les entreprises sont à présent dans l'obligation de payer leur PGE, ainsi que les charges et les loyers reportés. Il est très important, selon moi, de les soutenir dans cette phase.
Vous avez évoqué de nouveaux reports de loyers, monsieur le ministre délégué, mais nos amendements vont plus loin : ils permettent aux propriétaires d'abandonner jusqu'à deux mois de loyer au profit des locataires. Aujourd'hui, même lorsqu'elles ont repris leur activité, les entreprises ne fonctionnent pas à plein régime. Or les loyers constituent pour elles des charges fixes très importantes.
L'amendement no 2285 instaure un crédit d'impôt afin d'inciter les bailleurs à octroyer aux hôteliers, aux cafetiers, aux restaurateurs et aux discothécaires une remise de deux mois de loyer. Vous estimez, monsieur le ministre délégué, que ce n'est pas un bon outil. Je crois, au contraire, qu'il a le mérite de faire participer les acteurs privés à la solidarité nationale au même titre que l'État, puisque, à travers cette réduction d'impôt, les premiers et le second contribueraient chacun à concurrence de 50 %. La mesure serait au demeurant limitée à deux mois de loyer. Je peux vous dire que, pour un exploitant, l'annulation de deux mois de loyer représenterait un apport net de trésorerie décisif pour son entreprise et un véritable soutien !
Monsieur le ministre délégué, il n'est certes pas facile pour le Gouvernement d'intervenir auprès des bailleurs pour agir sur les loyers, mais il a la main sur les PGE. Ces derniers ont représenté une bouffée d'oxygène pour la filière du tourisme au coeur de la crise, mais il va falloir les rembourser. Or la crise, chacun le voit, est loin d'être terminée.
Voilà pourquoi je suggère, tout d'abord, de reporter les premières échéances de remboursement des PGE ; ensuite, d'étaler ce remboursement sur une période plus longue ; enfin, de transformer, sur le modèle allemand, une partie des PGE de certaines entreprises en capitaux propres, afin de renforcer la structure de la filière de l'industrie touristique – selon moi, cette idée mérite sérieusement d'être examinée.
Monsieur le ministre délégué, que pensez-vous de ces trois mesures ?
Je suis tout à fait conscient de la difficulté qu'il y a à modifier la règle fiscale par des amendements. Nous avons déjà pris une mesure qui a permis de ne pas taxer les loyers abandonnés au titre des revenus fonciers ou de l'impôt sur les sociétés ; c'était une bonne mesure. Ici est proposée une autre mesure, incitative, qui, compte tenu de la situation, pousserait les bailleurs à abandonner encore plus facilement des loyers. Je pense qu'il s'agit d'un bon amendement, mais nous ne le voterons pas car nous savons qu'il est très compliqué à mettre en oeuvre. Nous devons cependant envoyer des signes ; associer le privé à l'effort de l'État est important, et il faut réfléchir à des incitations fiscales qui doivent être plafonnées. Il faut que nous puissions travailler sur cette question, dans le cadre de la navette ou d'un PLFR 4 qui sera certainement discuté l'année prochaine, au vu des mesures qui risquent d'être annoncées. Des incitations fiscales doivent pousser les propriétaires à participer à l'effort national.
J'ai entendu les réponses du rapporteur général et du ministre délégué aux vraies questions qui se posent dans les grandes villes et les métropoles, certes, mais aussi dans les petites et moyennes villes de France, où les chiffres d'affaires sont sans doute moindres, et où les marges de manoeuvre sont également limitées. La seule réponse que j'ai entendue, c'est que ce n'est pas le bon outil. Mais alors, que proposez-vous face à des situations comme celles-ci, qui doivent absolument trouver une réponse ?
Je voulais rebondir sur ce qu'a dit mon collègue Pauget, parce que je trouve qu'il s'agit de trois propositions de bon sens, qui méritent un examen. Je reviens donc sur le dispositif proposé par M. Maillard pour les locataires.
Lundi, en venant à l'Assemblée, j'ai discuté avec deux personnes. La première, exploitant d'un cinéma, m'expliquait qu'il subissait en ce moment toutes les difficultés du monde : il est en pleine discussion avec son bailleur pour essayer d'obtenir une réduction sur les loyers payés pendant les deux mois de confinement, au cours desquels il n'a évidemment pas pu exploiter ses salles. Son bailleur, lui, répond qu'il n'a aucune raison de lui faire cadeau de ces deux mois de loyer.
La seconde personne est un bailleur qui a parmi ses clients de nombreux petits commerçants ; elle se montre tout à fait disposée à accorder des exonérations ou des réductions de loyer, mais elle souhaiterait être un peu incitée fiscalement à le faire, afin d'être moins perdante dans l'histoire.
Les deux points de vue s'entendent ; c'est une question de bon sens. D'une part, il faut aider les exploitants et les commerçants qui ne peuvent pas faire face à des baux s'élevant vite à plusieurs dizaines de milliers d'euros mensuels – même dans les villes moyennes, où les surfaces sont souvent grandes ; d'autre part, il serait également bienvenu d'apporter un peu d'aide aux bailleurs.
Monsieur Dufrègne, croyez en ma sincérité quand je dis que l'outil proposé ne paraît pas le bon. Je ne balaie pas d'un revers de main ces amendements en disant : « circulez, il n'y a rien à voir, les cafetiers et les hôteliers, qu'ils soient de l'Allier ou du huitième arrondissement, n'ont qu'à se débrouiller ! » Je n'ai pas dit ça. L'aide du fonds de solidarité a été portée de 1 500 à 10 000 euros – ce n'est pas rien ! – , spécifiquement pour répondre aux situations d'urgence auxquelles font face ces métiers qui doivent baisser le rideau ou dont la clientèle s'est fortement réduite. Elle est là, la solution alternative ! Elle va directement dans la trésorerie, tous les mois. Depuis le début de la crise, au mois de mars, nous avons démontré que le fonds de solidarité fonctionne, et qu'il fonctionne vite : l'argent va dans les caisses des petites entreprises.
Ce que je dis, et je le maintiens, c'est que si l'on vote ce type d'amendement, on va créer un machin fiscal assez peu incitatif, qui ne créera jamais, pour ceux qui en ont besoin, un effet de trésorerie équivalent à l'aide que nous avons fait passer de 1 500 à 10 000 euros mensuels. Nous devons réfléchir à l'efficacité des mesures visant des professionnels qui, au moment même où nous parlons, souffrent et ont besoin de trésorerie. Mes réponses ne sont orientées qu'en ce sens ; il ne s'agit en aucun cas d'affirmer que toute mesure qui viendrait renforcer ou aider une filière serait mauvaise, mais bien de dire que certains outils sont efficaces ici et maintenant, alors que d'autres ne le sont pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
M. le rapporteur général a évoqué les éléments de réponse que je voulais apporter à M. Dufrègne. Je soulignerai simplement deux points.
D'abord, en plus de tout ce qui a été signalé, vous avez voté des exonérations de cotisations patronales et des crédits pour le paiement des cotisations restant à payer pour toutes les entreprises qui ont continué à verser de la masse salariale pendant la période de fermeture – le secteur touristique en est le premier bénéficiaire ; cela représente un engagement, tous secteurs confondus, de 5,2 milliards d'euros pour l'année 2020.
Ensuite, et cela fait écho à ce que disait M. Pauget à l'instant sur le PGE, trois questions se posent.
La première concerne la date de la première échéance de remboursement, qui a été fixée à six mois ; Bruno Le Maire discute avec la Fédération bancaire française à ce propos mais, pour le dire sincèrement et même si nous l'encourageons, la décision relève davantage des prêteurs que de l'État.
La deuxième a trait aux délais de remboursement du PGE : ce point est acté, puisque la Fédération bancaire a accepté qu'ils puissent être allongés. En outre, nous lui avons demandé que le taux appliqué par les banques en cas de prolongation des délais soient capés et ne puissent dépasser 2,5 %, en particulier pour les PME, de manière que le dispositif reste le plus incitatif possible pour les entreprises concernées ; sur ce point également, la négociation a abouti.
Enfin, vous nous demandez si les PGE pourraient être transformés en fonds propre, donc, d'une certaine manière, en prêts participatifs. Nous ne sommes pas en mesure de le faire pour tous les PGE, mais vous aurez certainement noté que dans le cadre du plan de relance, pour ce qui concerne la partie gérée par Bpifrance, nous avons prévu la mise en oeuvre de prêts participatifs garantis par l'État. Certaines entreprises adopteront très certainement ce dispositif en le substituant au PGE. L'objectif que vous poursuivez, qui consiste à améliorer les fonds propres des entreprises par des prêts participatifs, est satisfait par le plan de relance, avec l'aide de Bpifrance et une garantie de l'État qui sera évidemment incitative pour l'ensemble des prêteurs. Je crois que nous avons apporté des réponses presque complètes à votre question.
Monsieur le ministre délégué, j'ai une première question au sujet du nouveau fonds de solidarité porté à 10 000 euros. À qui s'adresse-t-il exactement ? J'ai cru comprendre qu'il visait les entreprises – comme les discothèques – qui font face à des fermetures administratives, ou certains secteurs d'activité bien identifiés. La mesure que nous proposons, beaucoup plus large, concerne les charges fixes, structurelles – loyer, électricité notamment – , qui posent un problème récurrent aux petits commerces et les éprouvent beaucoup, en particulier dans les zones rurales où le loyer n'a pas de lien avec le chiffre d'affaires. Elle pourrait donc presque s'appliquer en toutes circonstances et pour tous types de commerces.
Par ailleurs, le fameux décret du mois de mars comportait également des mesures de protection. Nous garantissez-vous par exemple que la suspension des factures d'électricité – qui devrait normalement cesser – sera prolongée pour les entreprises en difficulté, sans que des poursuites juridiques soient engagées ?
Enfin j'apprécie, dans ces amendements, l'idée d'un partage de l'effort entre le bailleur et l'État, moyennant un abandon de deux loyers dont l'un serait remboursé sous la forme d'un crédit d'impôt, la troisième part restant à la charge du locataire. Cette solution me paraît équilibrée et efficace.
L'amendement no 1343 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour soutenir l'amendement no 1854 .
Il vise à lutter contre les dépenses fiscales jugées inefficaces. La suppression de la contribution à l'audiovisuel public est l'objet d'un vieux débat, et nous la soutenons pour plusieurs raisons.
D'abord, ses recettes recouvrent à peine le coût de son recouvrement.
Ensuite, son mode de recouvrement sera bientôt supprimé, ce qui fera mécaniquement augmenter son coût.
Par ailleurs, les nouveaux modes de consultation des programmes audiovisuels – notamment les outils connectés – rendent ce paiement particulièrement injuste, puisque il n'affecte que les gens qui possèdent un téléviseur.
Enfin, cette contribution a augmenté de 20 euros en dix ans, sans qu'aucune amélioration tangible du service public n'ait pu être observée par rapport au prix payé. Payer 20 euros de plus pour se taper Patrick Cohen ou Laurent Ruquier, admettez que ça ne vaut pas le coup !
Sourires parmi les députés non inscrits et sur les bancs du groupe LR.
Vous abordez par cet amendement le sujet de la contribution à l'audiovisuel public – CAP. Nous devrons avoir ce débat pour une raison simple : nous avons supprimé la taxe d'habitation pour l'ensemble des Français, et je vous remercie d'ailleurs de me donner l'occasion de le répéter. Comme vous le savez, la redevance TV est adossée à l'avis de taxe d'habitation ; un jour ou l'autre, il nous faudra donc repenser ce dispositif. En attendant il existe, et pour de bonnes raisons puisqu'il sert à assurer l'indépendance financière de l'audiovisuel public. Nous pourrions avoir un débat plus large sur l'intérêt qu'il y a à mettre cette contribution au budget général de l'État, mais je ne veux pas l'ouvrir maintenant car il n'a pas sa place, me semble-t-il, dans une discussion sur un budget de crise.
Par ailleurs, l'exposé sommaire de votre amendement comporte une phrase assez curieuse, selon laquelle le coût de recouvrement serait supérieur au produit de la CAP.
Ce produit s'élève à 4 milliards d'euros. Un pays qui aurait besoin de débourser une telle somme pour recouvrer une taxe – si un jour vous en trouvez un – serait bien inspiré de prendre exemple chez d'autres pour gérer son administration fiscale. Bref, ce que vous dites est absolument faux. Avis défavorable.
Il faut en effet que nous repensions la contribution à l'audiovisuel public en imaginant de nouvelles modalités de recouvrement, afin de faire face à la fois à l'évolution du secteur et à la suppression progressive de la taxe d'habitation. En matière de calendrier, nous ne sommes ni au stade de cette suppression, ni même au stade d'une refonte complète des modalités de recouvrement de la CAP, dont l'amendement de M. Chenu propose tout simplement la suppression – ce qui n'est évidemment pas envisageable.
En revanche, un travail de modernisation et d'amélioration doit être mené. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé, Roselyne Bachelot, ministre de la culture, et moi-même, à votre collègue Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, de travailler sur ce sujet pour trouver des pistes et formuler des propositions quant aux modalités de recouvrement envisageables, afin de rendre ce système à la fois plus efficace et plus juste, tout en veillant à ne pas alourdir la charge qui pèse sur les ménages. Nous aurons bientôt l'occasion de lui confier plus officiellement cette mission, pour qu'il puisse, avec l'ensemble des commissaires intéressés, travailler sur la question. Dans l'attente, la proposition de suppression n'est évidemment pas recevable à nos yeux. Avis défavorable.
Vous avouerez, monsieur le ministre délégué, que c'est un peu curieux. La décision de supprimer la taxe d'habitation ne date pas d'aujourd'hui, mais plutôt d'avant-avant-hier. Ne voulez-vous pas indiquer à la représentation nationale vers quoi on s'oriente ? Comment va-t-on recouvrer la redevance audiovisuelle, qui est un impôt – certes mal nommé ? Peut-être avez-vous quelques idées pour nous éclairer ?
Sourires.
L'amendement no 1854 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 681 .
Il s'agit d'un petit amendement, uniquement pour 2021 – la contemporanéisation devant être généralisée en 2022 – et qui serait neutre – pas en trésorerie, mais pour le budget de l'État. Il vise à contribuer à la solution du problème auquel sont confrontés actuellement les services à la personne. On a basculé vers une contemporanéisation des crédits d'impôt dans le cadre de la réforme du prélèvement à la source, thèse que j'ai défendue et que le Gouvernement a acceptée, mais l'on sera encore, en 2021, en phase expérimentale. Et sachant qu'en raison de la crise sanitaire, beaucoup de personnes âgées, craignant d'être contaminées, ont réduit très fortement leur demande de services à la personne, donc que le nombre d'heures travaillées a baissé, il est ici proposé de relever de 60 % à 70 % l'acompte versé au titre du crédit d'impôt perçu l'année précédente.
Il faut rappeler que les 60 % d'acompte sont considérés comme une étape vers la contemporanéisation totale des crédits d'impôt, laquelle demeure l'objectif final. Faut-il d'ici là mettre en place des étapes à 70 ou à 80 % ? Selon moi ce n'est pas nécessaire et, de surcroît, cela pourrait compliquer la concentration des travaux de la DGFIP – la direction générale des finances publiques – sur l'objectif final. Les expérimentations préalables commencent, les travaux sont en cours, et rien n'empêche de demander au ministre délégué où elle en est. Et puis, je l'avais observé lors de mes contrôles à la DGFIP en tant que rapporteur spécial, faire travailler l'administration fiscale sur des modifications de taux lui demande plus de travail qu'on ne l'imagine, il ne s'agit pas seulement de modifier un algorithme. Je préfère qu'on s'en tienne pour l'instant au taux de 60 % et que le travail que vous lui demandez, mon cher collègue, soit consacré à une optimisation de la contemporanéisation des crédits d'impôt. L'avis est donc défavorable.
Notre objectif est en effet de contemporanéiser le crédit d'impôt pour les services à la personne. Votre assemblée, lors de la dernière loi de finances, en a voté le principe et l'expérimentation. Celle-ci a pris, je ne vous le cache pas, mesdames, messieurs les députés, quelques semaines de retard au moment du confinement, mais elle est à présent lancée et j'ai même mis en place son comité de pilotage à Lille, il y a quelques semaines – puisqu'elle se déroule dans le Nord et à Paris. J'ai demandé à nos services d'élargir progressivement le panel au cours de l'année 2021, pour passer de quelques dizaines à quelques centaines, puis à l'ensemble des utilisateurs du CESU +, le nouveau chèque emploi service universel, dans les deux départements. Ce passage en trois étapes va se faire évidemment en parallèle à la création du module internet nécessaire à la contemporanéisation générale.
C'est un travail immense, et je salue nos services car j'en connais à la fois toute la difficulté et toute l'importance. Je dois rappeler au passage que, pendant ce temps, le secteur des services à la personne a dû s'adapter au prélèvement à la source, celui-ci étant différencié d'une année par rapport aux autres secteurs du fait des caractéristiques spécifiques des règlements effectués, notamment par les CESU. Cela ne fait donc pas si longtemps que le prélèvement à la source est entré en vigueur dans ce secteur. L'objectif est de passer en 2022 à la contemporanéisation totale du crédit d'impôt, tant pour les services à la personne que pour d'autres activités telles que les services de garde.
Dans l'intervalle, si la modification du taux de l'acompte est certainement une bonne idée sur le fond, elle serait techniquement assez inabsorbable par nos services, comme l'a dit M. le rapporteur général. Cela risquerait vraiment de leur compliquer la tâche et je ne souhaite pas qu'une bonne idée se transforme en handicap pour la réussite du chantier de la contemporanéisation.
Enfin, monsieur le député, j'ai noté moi aussi la baisse du nombre d'heures travaillées dans ce secteur pendant la période de crise. Ce phénomène peut être lié à une crainte – vous l'avez évoquée – ou à une présence accrue à domicile qui, hormis les cas de dépendance, rend moins nécessaire le recours à des personnes que l'on emploie pour des tâches diverses – si l'on en a les moyens bien entendu. Il faut préciser que nous avons mis en place, pour ce secteur, des dispositifs de chômage partiel inédits, et l'ensemble des organisations professionnelles concernées soulignent combien ils ont été protecteurs pour les employés, mais aussi pour les particuliers employeurs. Le nombre d'heures demandées par ces derniers a très rapidement retrouvé son niveau d'avant le confinement. Le caractère contracyclique et incitatif de votre amendement n'est donc pas si évident.
Par conséquent, à la fois parce que les conséquences à moyen terme sur ce secteur sont moins graves que prévues, et c'est heureux, et surtout que la disposition proposée serait un obstacle à la réussite de ce très beau chantier de la contemporanéisation du crédit d'impôt, je vous demande de retirer cet amendement. À défaut, l'avis serait défavorable.
Monsieur le ministre délégué, je soutiens pour ma part complètement l'amendement de Charles de Courson. Tout d'abord, j'ai noté une inexactitude dans vos propos : il n'y a pas eu de décalage dans le temps s'agissant de la mise en place du prélèvement à la source pour les employeurs, mais uniquement pour les salariés. Son amendement traite bien de l'impôt sur le revenu des employeurs et des déductions auxquelles leur donne droit l'emploi d'un salarié à domicile.
Deuxièmement, ce secteur est extrêmement touché, en particulier dans les territoires ruraux, par la baisse d'activité, à telle enseigne que certaines structures, souvent associatives, sont aujourd'hui en péril. Donner un coup de pouce aux dispositifs existants permettraient aux salariés de conserver leurs heures et aux structures d'être pérennes – ce dont on peut douter par endroits, parce qu'elles ont beaucoup de difficultés à retrouver du personnel quand l'activité remonte.
Enfin, nous sommes tous favorables, au groupe LR, au principe de la contemporanéisation de l'impôt sur le revenu, mais il faut tenir compte des spécificités des dispositifs pour les salariés à domicile, pour les gardes d'enfants, et aussi des spécificités des déductions sur les revenus fonciers qui posent tout de même de graves difficultés à certaines contribuables, qui font une avance de trésorerie à l'État. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que faire passer le curseur de 60 % à 70 % soit un défi technologique pour Bercy : c'est seulement un chiffre à changer. J'ai donc du mal à adhérer à votre explication.
Cet amendement me donne l'occasion, monsieur le ministre délégué, de vous interpeller parce que l'année dernière, pendant l'examen du PLF, votre prédécesseur, M. Darmanin, avait pris ici même, à la suite de la demande de mes collègues Marie-Christine Verdier-Jouclas et Émilie Cariou, l'engagement de remettre au Parlement un rapport sur les différents crédits d'impôt existant dans le secteur du travail à domicile pour qu'on puisse travailler le sujet. C'était lors de la discussion de mon amendement sur les crédits d'impôt et réduction d'impôt grand âge. Ce rapport devait nous être fourni le 30 septembre au plus tard… Je l'ai demandé, et la réponse de l'administration, qui invoque une impossibilité technique, ne me satisfait pas.
Vous savez bien que derrière ces crédits d'impôt se cachent beaucoup de choses : l'aide à domicile ou le nursing certes, mais aussi l'aide aux devoirs, l'aide au jardinage ou le coaching sportif – j'en passe et des meilleures. Si l'on veut vraiment travailler sérieusement le sujet, on a besoin de savoir ce que recouvre ce dispositif fiscal et pourquoi nos concitoyens font appel à des services à domicile. Ce ne serait pas grand-chose à faire : il suffirait que Bercy prévoie pour cela les cases à cocher dans la déclaration de revenus. On m'a répondu que c'était techniquement très compliqué. J'avoue que, là aussi, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi. J'aimerais que l'engagement de M. Darmanin soit tenu.
Monsieur le ministre délégué, je prends acte de votre déclaration selon laquelle le dispositif, selon vous, sera opérationnel au 1er janvier 2002. C'est ce que souhaitait la représentation nationale. Mais je n'ai pas la même analyse que vous sur l'état de la demande de services à domicile suite à la crise, car il y a eu une chute qui n'a pas été compensée depuis. C'est du moins les remontées que j'ai des réseaux concernés tels que l'ADMR – Aide à domicile en milieu rural – , l'AFR – Aide familiale rurale – et bien d'autres, et elles diffèrent visiblement des vôtres quant au retour à la situation antérieure. J'ajoute que le syndicat de la profession nous l'a confirmé.
Quant à la complexité administrative de mon amendement, monsieur le rapporteur général, je ne pense pas que remplacer 60 % par 70 % soit si compliqué que cela, d'autant que rien d'autre ne serait changé dans le dispositif existant.
Je regrette ces avis, mais je vais retirer cet amendement au profit d'un autre, qui me semble assez intéressant… J'espère donc, monsieur le ministre délégué, que vous me renverrez l'ascenseur…
L'amendement no 681 est retiré.
J'ajouterai un mot pour remercier M. de Courson de sa compréhension et pour apporter deux compléments de réponse.
Monsieur Viala, je ne conteste pas ce que vous dites : je confirme que le décalage de la mise en place du prélèvement à la source concernait la collecte de l'impôt sur les salariés. Mais nous enchaînons réorganisations et réformes à l'échelle du secteur dans son ensemble. Par contre, nous avons un point de désaccord : je peux vous assurer que si l'opération en cours se résumait à ne changer qu'un chiffre sur le curseur, les services de la DGFIP en seraient très heureux. C'est malheureusement beaucoup plus complexe en termes de gestion ; d'où la réponse que j'ai faite à M. de Courson.
Pour ce qui concerne la demande de Mme Pires Beaune à propos du rapport, la difficulté tient aux modalités de déclaration des revenus que nous connaissons. Quand il s'agissait d'une déclaration papier, le contribuable devait joindre les reçus valant crédit d'impôt ; dorénavant, il déclare les sommes ouvertes à crédit d'impôt, le calcul étant alors fait par nos services de manière quasi-automatique, à charge pour lui de conserver les justificatifs en cas de contrôle a posteriori, et cette évolution est encore plus nette avec le développement de la déclaration automatique puisque, si les faits générateurs sont récurrents, nous demandons même au contribuable de n'en rien modifier mais seulement d'avaliser la déclaration que nous lui avons envoyée.
Dès lors, il n'y a que deux solutions envisageables pour satisfaire à votre demande sur l'évaluation de la nature des services rendus et financés par ce crédit d'impôt : soit revenir à une déclaration de revenus beaucoup plus précise et fournie, à rebours de ce que nous faisons de manière générale en matière de simplification – ce n'est donc pas tout à fait notre option, même si en connaître nous intéresse – , soit, ce que l'ACOSS va mettre en oeuvre en 2021 à notre demande et à l'occasion de la réforme de sa plateforme informatique, lister les thématiques d'utilisation des CESU. Tous les crédits d'impôt n'étant pas liés aux CESU, la vision obtenue sera dans un premier temps nécessairement parcellaire, mais il s'agit de faire en sorte que la plateforme d'utilisation du CESU gérée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale soit une source de données sur la nature des activités pour lesquelles sont engagées des dépenses ouvrant droit à des crédits d'impôt. J'entends votre colère, madame la députée, de ne pas avoir ce rapport à la date promise, mais je crois que nos services vous ont informée des difficultés techniques qui en découlaient.
Vous avez à nouveau la parole, monsieur le ministre délégué, pour soutenir l'amendement no 1785 .
Cet amendement de coordination juridique vise à supprimer des gages qui n'avaient pas été levés lors de l'adoption du troisième projet de loi de finances rectificative.
J'aimerais avoir une précision sur cet amendement du Gouvernement. Je ne comprends pas, monsieur le ministre délégué, que de telles dispositions relatives à la LFR 3 apparaissent dans le PLF pour 2021. Cela concerne-t-il des dispositions non financées à la fin de 2020, ou des dispositions reportées en 2021, alors qu'elles ont été adoptées cette année ? Quoi qu'il en soit, la méthode est plutôt inédite, et je n'avais encore jamais vu une telle opération – d'autant que, d'après ce que l'on nous a dit, nous aurons à examiner un PLFR 4…
Pour rassurer Mme Dalloz, je précise qu'il s'agit seulement de lever a posteriori des gages. On sait que certains amendements doivent être gagés par l'augmentation ou la création de telle ou telle taxe ou de tels ou tels droits, et il se trouve que, peut-être dans la précipitation de l'examen du PLFR 3, tous les gages n'ont pas été levés par le Gouvernement. Le Gouvernement les inscrit dans le PLF pour 2021 car certains de ces amendements, qui auront des conséquences en 2021, étaient gagés, notamment, sur des créations ou des augmentations de taxes qu'il ne souhaite pas. Ces gages sont donc supprimés. L'État, comme c'est la règle pour toute levée de gage, assurera le financement des mesures proposées par ces amendements sans qu'il y ait d'incidences sur les droits et taxes visés par les gages, sachant qu'il s'agit de dispositions formelles dont on sait que la mise en oeuvre embêterait parfois certains, y compris les auteurs desdits amendements.
Monsieur le ministre délégué, est-ce que vous pourriez fournir une évaluation du montant total des crédits concernés par ces levées de gage ? En termes juridiques, la mesure est de coordination, mais sur quel montant porte-t-elle ? Quel était le volume budgétaire de ces gages ?
Je répète qu'il ne s'agit pas de crédits, mais de mesures qui ont été votées et que l'État finance sur son budget général. Je n'ai pas en tête la liste exacte des articles concernés, mais il peut s'agir de crédits d'impôt ou encore d'élargissements du périmètre d'éligibilité d'une aide créée dans le cadre de la LFR 3. Nous aurons l'occasion, avec la loi de finances rectificative de fin de gestion, d'ajuster si nécessaire les crédits inscrits pour financer les mesures définitivement adoptées dans le cadre du PLFR 3, qu'elles aient d'ailleurs été votées par l'Assemblée nationale ou par le Sénat.
Il ne s'agit donc pas de recenser, d'annuler ni de transférer des crédits, mais simplement de veiller à ce que les gages formels que les parlementaires avaient prévus dans leurs amendements pour les rendre recevables soient levés. Je rappelle que, neuf fois sur dix, ces gages prévoient une augmentation de fiscalité. Lorsqu'il nous arrive de reprocher – peut-être avec mauvaise foi – à un parlementaire d'avoir gagé un amendement par une hausse d'impôt, ce dernier ne manque d'ailleurs jamais de nous rappeler que ce gage est tout à fait formel et qu'il n'a pas vocation à s'appliquer.
La parole est à Mme Sabine Rubin, sur cette question qui passionne visiblement l'assistance.
Sans être passionnée, je suis surprise que nous ne puissions pas connaître les mesures auxquelles vous faites référence, ni leur volume : dès lors que vous levez des gages, vous avez forcément estimé l'incidence des mesures correspondantes sur le budget. Pouvez-vous nous en faire part ?
Sans reprendre les réponses que j'ai déjà apportées, je signale que les mesures concernées sont celles qui correspondent aux numéros d'articles ici listés : consultez la LFR 3 et vous les connaîtrez. Pardonnez-moi de ne pas avoir en tête les mesures précises correspondant à la dizaine d'articles énumérés dans l'amendement.
Cet échange démontre en tout cas, madame Rubin, que l'article 40 de la Constitution présente finalement une certaine souplesse, puisqu'il n'empêche pas la recevabilité de certains amendements.
Au risque d'amuser la représentation nationale, je rappelle que, lorsque j'étais jeune fonctionnaire à la direction du budget, nous préparions à l'intention du ministre une synthèse de tous les gages à faire tomber en fin d'examen du texte – puisque, par définition, la levée de gage ne concerne que les amendements d'origine parlementaire. Je suis quelque peu étonné que ces gages aient été oubliés, mais ce n'est pas bien grave, chers collègues : la République connaît de plus sérieuses atteintes que celle-ci.
L'amendement no 1785 est adopté.
À la suite de la crise sanitaire, certains bailleurs ruraux ont dû consentir des réductions de loyers. L'amendement vise à ne pas majorer les revenus imposables de ces bailleurs du montant ainsi consenti en raison de la crise. Les baisses de loyer ont été essentielles pour des productions comme celle du champagne : dans ma circonscription, certaines maisons ont été véritablement acculées par le manque de débouchés et par la baisse continue de leurs finances.
L'amendement vise simplement à apporter un soutien aux bailleurs ruraux qui ont eux-mêmes consenti des aides.
M. Maxime Minot applaudit.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 1811 .
La crise sanitaire, comme ma collègue Valérie Bazin-Malgras vient de le souligner, a durement affecté les exploitations viticoles en Champagne, dans l'Aube et dans la Marne. Le volume de récoltes commercialisables est en diminution de 20 % par rapport à 2019 et de 25 % par rapport à 2018.
Dans ces conditions, le présent amendement vise à permettre aux bailleurs de biens ruraux qui le souhaitent de consentir une diminution de loyer pour tenir compte de cette situation économique délicate – que nous espérons passagère – sans risquer de redressement fiscal. Il ne s'agit en rien d'une obligation pour les bailleurs, mais uniquement d'une mesure visant à soutenir une initiative volontaire des propriétaires. Ces derniers, s'ils s'orientent vers une modération des loyers, ne doivent pas s'exposer à être redressés fiscalement, comme c'est le cas actuellement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2142 .
Chacun se souvient que nous avions abordé ce problème lors de l'examen de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, mais uniquement pour ce qui concerne les baux commerciaux. Il était nécessaire de trouver une solution, car, en l'état antérieur du droit, un propriétaire renonçant à tout ou partie de son loyer, était tout de même taxé – au titre de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu, selon le régime fiscal applicable. Seulement, nous avions oublié les baux ruraux.
La disposition proposée est donc parfaitement parallèle à celle que nous avions adoptée dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative. Le problème est le suivant : lorsque le propriétaire d'un bien qu'il loue à un viticulteur ou à un horticulteur renonce, au vu des difficultés traversées par certains secteurs agricoles, à une partie de son loyer, il est tout de même taxé sur le montant correspondant. C'est là un dispositif étrange. Nous avions déjà eu à affronter ce problème pour les baux commerciaux. J'espère avoir été clair.
Je serai brève, car il est identique aux précédents. Vous l'aurez compris, ces amendements sont soutenus par quatre députés élus en Champagne, notamment parce que les loyers prévus dans les baux signés dans cette région sont élevés. La disposition proposée constitue effectivement une mesure de cohérence, visant à accompagner les viticulteurs, qui souffrent particulièrement de la crise.
Comme l'a très justement souligné Charles de Courson, ils visent à reproduire un dispositif prévu à l'article 3 de la LFR 2, lequel concernait l'ensemble des loyers commerciaux. Il ne me semble pas pertinent de le restreindre, comme vous le proposez, aux baux agricoles. Je précise que les loyers non perçus sont déjà déductibles des revenus fonciers : le dispositif pouvait donc tout à fait s'appliquer aux baux ruraux dès l'adoption de la LFR 2, même s'il ne s'y limitait pas.
Vous proposez de le restreindre aux seuls baux agricoles, ce qui créerait une rupture d'égalité à laquelle je ne puis souscrire. De deux choses l'une : soit on décide – ce qui n'est pas notre souhait – de prolonger l'aide accordée aux entreprises dans le cadre de la LFR 2 pour l'ensemble des baux commerciaux, soit on ne la prolonge pour personne. La rupture d'égalité que vous défendez ne me paraît pas justifiée. Avis défavorable.
J'ajoute que les dispositions proposées accusent deux manques par rapport à celles qui avaient été adoptées en LFR 2. Le premier concerne le lien de dépendance entre le bailleur et le locataire, que nous avions mentionné dans la LFR 2. Le deuxième a trait au contrôle de la trésorerie du locataire, en particulier dans le cas d'un lien de famille avec le bailleur – ce contrôle, inscrit dans la LFR 2, aurait dû l'être dans toute proposition de prolongation du dispositif.
J'émets un avis défavorable pour ces deux raisons, en plus de celles évoquées par le rapporteur général.
Je n'ai pas très bien compris la réponse du rapporteur général. Confirmez-vous que la mesure que nous avions votée en LFR 2 s'applique aux baux ruraux ? Si vous et M. le ministre délégué nous le confirmez, le problème est réglé ! Les spécialistes que nous avons consultés nous ont expliqué l'inverse, qu'il s'agisse de la viticulture – et pas uniquement en Champagne, car de nombreuses régions, comme celle de Bordeaux, sont bien plus atteintes – , de l'horticulture ou d'autres secteurs très touchés par la crise. Si vous nous assurez que la disposition que nous proposons s'applique déjà, je suppose, même si je ne saurais m'exprimer au nom de mes collègues, que nous saurons faire preuve de bon sens et retirer nos amendements, vos déclarations faisant foi.
Je confirme que la mesure déjà adoptée s'applique aux baux ruraux. En revanche, vos amendements s'en distinguent en ce que la LFR 2 concernait l'année 2020, alors que vous proposez de proroger le dispositif sur l'exercice 2021. Je maintiens donc mon avis défavorable aux amendements tendant à reproduire les dispositions adoptées en LFR 2, mais uniquement pour les baux ruraux et en les prolongeant en 2021.
Cette intervention me dispensera de défendre l'amendement no 2635 .
L'article 5 est un article de bon sens, puisqu'il permet de consolider la possibilité que le code de commerce offre depuis plusieurs années aux entreprises de procéder à une réévaluation libre de leurs bilans, notamment de leurs actifs immobilisés, en garantissant la neutralité fiscale de l'opération. Il va donc dans le bon sens, en permettant aux entreprises de donner une meilleure image de leur bilan, sans frottement fiscal, puisque les biens non amortissables feront l'objet d'un sursis d'imposition, tandis que les biens amortissables feront l'objet d'un étalement de l'imposition de la plus-value constatée.
L'amendement que j'ai déposé vise à faire coïncider l'étalement de l'imposition de la plus-value, prévue sur quinze ans, avec la durée de l'amortissement. La rédaction actuelle de l'article pose en effet problème, notamment parce que les constructions s'amortissent généralement en vingt-cinq à cinquante ans. Du fait de la différence entre la durée de l'étalement de l'imposition de la plus-value et celle de l'amortissement, les entreprises seraient contraintes de payer un impôt sur les sociétés, alors même que, je le rappelle, l'opération de réévaluation n'entraîne aucune trésorerie nouvelle dans l'entreprise : elle permet de donner une meilleure image du bilan, de faciliter la recherche de fonds à l'extérieur et donc d'apporter des garanties plus fortes, mais elle n'apporte rien en matière de trésorerie.
D'autre part, l'article est assez bien rédigé en ce qu'il évite les effets d'aubaine, puisqu'il prévoit un sursis de l'imposition pour les éléments non amortissables et une prise en compte de la valeur d'origine avant réévaluation pour les valeurs amorties. La réévaluation n'apporte donc aucun gain fiscal en cas de cession future des biens. Elle permet simplement d'améliorer l'image de l'entreprise et de refléter plus fidèlement sa valeur, en atténuant les problèmes, bien connus en matière comptable, que pose l'inscription au bilan de valeurs historiques non réactualisées.
L'article 5 va effectivement dans le bon sens, puisqu'il permettra aux entreprises souhaitant prendre cette option de réévaluer leurs immobilisations sans imposition immédiate de l'écart de réévaluation, donc de reconstituer leurs capitaux propres et d'être en situation de force face aux organismes financiers.
J'en viens au retraitement fiscal de l'écart de réévaluation que vous proposez. Le traitement est différent selon qu'il s'agit d'immobilisations amortissables ou non : les immobilisations non amortissables font l'objet d'un sursis d'imposition jusqu'à la cession du bien, tandis que, pour les immobilisations amortissables, vous avez prévu d'étaler l'imposition sur quinze ans pour les constructions et les plantations et sur cinq ans pour les autres immobilisations. Ces durées, que vous avez déterminées de manière arbitraire, diffèrent des durées d'amortissement comptable et fiscal des biens concernés. Pourquoi ce choix ? Pourquoi ne pas avoir opté pour des durées équivalentes à celles retenues par les entreprises pour leurs amortissements ? En l'état, la neutralité fiscale pour les entreprises n'est pas garantie, parce que la durée de l'amortissement fiscal pourra être supérieure à celle que vous avez définie pour l'étalement de l'imposition afférente à l'écart de réévaluation.
Je suis tout à fait favorable à l'article 5, mais l'exposé des motifs parle de neutralisation fiscale. Or le système retenu n'est pas neutre, car vous proposez des durées standards de quinze ans pour les immeubles et de cinq ans pour les meubles. Prenons un exemple concret : une entreprise construit une usine, dont le bâtiment est amorti en trente ans : elle comptabilise 3,3 % d'amortissement par an – en supposant que les amortissements soient linéaires, ce qui est toujours le cas pour les immeubles. La plus-value dégagée sera quant à elle étalée sur quinze ans, ce qui signifie qu'elle sera reprise à hauteur de 6,6 % par an. Il y aura donc une différence entre la réintégration de la plus-value et la dotation aux amortissements, ce qui conduira à majorer le résultat de l'entreprise – j'espère que tout le monde suit.
Pourquoi ne pas avoir retenu un système simple, consistant à réintégrer la plus-value au même rythme que l'amortissement, de façon à garantir la neutralité fiscale du dispositif ?
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement de suppression no 1834.
Nous ne sommes pas favorables à cet article car nous ne sommes pas sûrs que la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée permette aux entreprises…
Exclamations sur divers bancs.
L'amendement no 1834 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement no 2635 .
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse concernant la durée de quinze ans, qui figure dans l'article 151 octies du code général des impôts, relatif au report d'imposition des plus-values. Cette durée fut d'abord de cinq ans, ce qui avait suscité un certain émoi en raison de la différence entre la durée de l'amortissement et l'étalement de la plus-value, comme l'a rappelé M. de Courson. On l'a donc portée à quinze ans. Avec tout le respect que je dois à vos services, monsieur le ministre délégué, je trouve un peu dommage qu'ils n'aient pas envisagé une durée plus longue. Tel est le sens de mon amendement, qui vise à la porter à vingt-cinq ans, ce qui constituerait un moindre mal. Je rappelle que certaines constructions sont amorties au bout de cinquante ans.
Nous avons déjà discuté de cet amendement en commission. Premièrement, je ne pense pas qu'une durée de quinze ans soit trop courte – mais nous pourrions à la rigueur en discuter. Les délais de cinq et quinze ans ont l'avantage d'être parfaitement identiques à ceux que prévoit le régime spécial des fusions de l'article 210 A du code général des impôts. Cette cohérence permet de ne pas créer d'écart entre les régimes et de calquer l'un sur l'autre. La durée de vingt-cinq ans que prévoit votre amendement créerait une distorsion qui ne me semble pas souhaitable. Avis défavorable.
Il est défavorable pour les raisons données par le rapporteur général. Cela me permet, d'une part, de répondre à M. de Courson que le choix d'accorder un sursis, comme il l'a suggéré, représenterait un coût très élevé. Nous avons opté pour le dispositif de neutralité fiscale car il est temporaire et permet d'augmenter la valeur des actifs, donc la base des amortissements déductibles, ce qui compense l'imposition de la plus-value pendant quinze ans.
D'autre part, en écho à l'intervention de Mme Louwagie, j'ajoute que nous avons choisi ces durées, de façon temporaire puisque le dispositif est prévu jusqu'à la fin de 2022, car notre objectif était de fixer des durées qui soient familière pour les entreprises – elles correspondent en l'occurrence aux règles applicables en matière de fusions.
Je devais présenter un amendement de suppression de l'article 5. Comment se fait-il que je n'aie pas pu le faire ?
Puisque je n'en ai pas encore eu l'occasion, je vais vous expliquer pourquoi nous demandions la suppression de cet article.
Contrairement à nos collègues, nous ne sommes pas forcément favorables à la suppression, fût-elle temporaire, de la taxe sur les plus-values issues de la réévaluation des actifs. Tout d'abord, il ne s'agit pas forcément du meilleur moyen pour consolider la trésorerie des entreprises. Nous nous demandons d'ailleurs ce qui vous permet de penser le contraire, et si des aides directes et ciblées ne seraient pas préférables pour atteindre vos objectifs.
D'autre part, nous ne savons pas quel type d'entreprise – quelle taille ? quel secteur d'activité ? – est visé par cette mesure. Nous percevons donc le risque d'un effet d'aubaine pour certaines d'entre elles, qui n'auraient nul besoin de trésorerie supplémentaire.
Cet article me semble intéressant car il rend possibles des revalorisations d'actifs à un moment où les entreprises enregistrent des pertes importantes, situation qui pèse sur leurs capitaux propres.
J'aimerais mettre en miroir de cet article les amendements que Mme Louwagie et moi-même avons déposés concernant le report des charges d'amortissements grâce à un décalage de la déduction fiscale. L'article 5 permet de résoudre une partie du problème, pas sa totalité. Nous en reparlerons peut-être plus tard, monsieur le rapporteur général, mais j'aimerais que vous examiniez cette question avec attention.
Monsieur Mattei, pour ma part je ne suis pas choquée par ces durées, qui me semblent cohérentes avec d'autres dispositifs. Une durée de vingt-cinq ans représenterait un suivi comptable extrêmement long. Si je suis favorable à ce dispositif, l'amendement no 656 que s'apprête à défendre Mme Pires-Beaune, et qui vise à obtenir un suivi de cette mesure à travers la remise d'un rapport, sera le bienvenu.
Je veux simplement expliquer à Mme Rubin que lorsqu'elle a pris la parole, après les députés inscrits sur l'article 5, elle s'est trompée d'article – ce qui peut arriver. Elle a parlé sur l'article 3. Or les articles 3 et 4 étant examinés demain matin, nous sommes passés directement à l'article 5.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Cela dit, et même si nous pouvons tout à fait avoir des idées différentes, je suis vraiment curieux de savoir pourquoi, sur le fond, vous êtes défavorable à cet article. Car s'il y a bien un article à propos duquel tout le monde, me semble-t-il, pourrait être d'accord – puisque la revalorisation des actifs, assortie de neutralisation fiscale, renforcera les fonds propres des PME tout en ayant, à l'exception d'un simple coût de trésorerie, un impact budgétaire nul pour l'État – , c'est bien celui-là.
On peut certes proposer d'adapter certaines durées mais, de façon générale, qui peut bien être défavorable à cette mesure ? Votre intervention témoigne d'une opposition systématique. Elle est d'autant plus surprenante que cette mesure vise les TPE et les PME, dont le sort est si souvent évoqué sur ces bancs. Il serait bon de regarder avec attention quels sont les outils proposés avant de s'y opposer systématiquement.
L'amendement no 2635 n'est pas adopté.
L'amendement no 2356 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Sur l'amendement no 656 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir cet amendement.
Il est sans doute nécessaire de revaloriser les actifs afin de donner une image beaucoup plus positive de l'entreprise. Nos TPE et PME, en particulier, se retrouvent avec un stock de dettes fiscales et sociales qui figure dans les hauts de bilan, ce qui donne une image dégradée de l'entreprise – c'est l'aspect qui me semble le plus inquiétant.
Cette revalorisation doit avoir un impact sur les produits imposables même s'il s'agit d'une mesure temporaire de neutralisation. On peut néanmoins noter quelques incohérences s'agissant des durées d'amortissement. Si elle correspond à un sursis d'imposition, et non à une perte définitive, cette mesure peut représenter pour l'État un coût en trésorerie. Cet amendement tend donc à solliciter un rapport qui évaluerait le coût de cette mesure pour l'État.
Au-delà de cette disposition, j'aimerais vous demander comment vous comptez résoudre les problèmes d'endettement des TPE et des PME et leur permettre d'améliorer leurs hauts de bilan. Que pensez-vous des mesures visant à instaurer des prêts participatifs qui, en tant que crédits d'exploitation, ne sont pas mentionnés dans les hauts de bilan ? Ils pourraient être une partie de la solution.
Je vous propose une règle qui vaut pour l'ensemble de mes avis sur les demandes de rapport : toute demande qui peut être prise en charge par le Parlement dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et d'évaluation le sera dans le cadre des rapports spéciaux. Nous devons nous saisir davantage des outils de contrôle et d'évaluation qui sont à notre disposition, comme le printemps de l'évaluation. Dans le cas où les informations souhaitées proviennent de l'administration et nous sont donc transmises par le Gouvernement, nous passerons par la voie des rapports. L'amendement que vous proposez me semble relever de la première catégorie, à travers les rapports spéciaux. L'avis est donc défavorable.
Je donne presque systématiquement des avis défavorables aux demandes de rapport – ce qui ne surprendra personne – pour des raisons proches de celles que vient d'évoquer M. le rapporteur général.
Je précise à M. Bricout que notre dispositif n'entraîne pas de perte de recettes fiscales mais un simple coût en trésorerie. En outre – et cela justifie un peu plus mon avis défavorable – , la date de juin 2022 pour la remise du rapport, alors que de nombreuses opérations auront lieu sur les exercices clos au 31 décembre 2021, me semble laisser un délai trop court pour réunir toutes les informations utiles. L'évaluation parlementaire sur les années 2021 et 2022 me paraît plus pertinente.
Enfin, le plan de relance prévoit déjà des prêts participatifs, garantis par l'État et sous l'égide de Bpifrance.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre délégué, que de nombreuses entreprises se saisiraient de cet outil à compter du 31 décembre 2021. Or je pense que les entreprises essaieront de s'en saisir bien plus tôt – certaines clôtures interviennent d'ailleurs bien avant cette date. Nous pourrons donc disposer de certaines informations dès 2022. Mon groupe votera pour cet amendement.
Je ne comprends pas votre refus. Nous soutenons cet article car il nous paraît souhaitable de permettre aux entreprises de donner d'elles-mêmes une image fidèle, surtout dans le contexte actuel.
S'agissant de la demande d'évaluation, monsieur le rapporteur général, ne renvoyez pas aux rapporteurs spéciaux ou aux députés que nous sommes, car nous n'avons pas de moyens. Je pourrais vous montrer toutes les questions que j'ai posées aux diverses administrations et pour lesquelles je n'ai pas obtenu de réponse. Peut-être sont-elles submergées de demandes individuelles mais si vous-même leur posiez ces questions, vous obtiendriez des réponses – qui nous seraient utiles pour proposer des améliorations, y compris dans la perspective du prochain PLF. Ce ne serait pas un travail de forçat, et cela nous serait utile à tous.
Je tiens à réagir car cet amendement, que je ne comprends pas bien, fait l'objet d'un scrutin public. Vous laissez penser qu'un gain fiscal pourrait être tiré de cette mesure. Pas du tout ! Elle ne donnera aucune trésorerie supplémentaire aux entreprises. Cet article, très bien rédigé, permet d'éviter les débords et astuces fiscales. Je ne comprends donc pas cette demande de rapport.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 34
Contre 78
L'amendement no 656 n'est pas adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 1505 portant article additionnel après l'article 5.
Nous avons été sollicités par de nombreux cabinets comptables mais aussi par la Banque de France et Bpifrance, qui nous ont expliqué que les entreprises françaises, fortement touchées par la crise, devaient améliorer leur bilan. Elles disposent de biens dont la valeur permettrait d'améliorer leur structure bilancielle. En France, sur un plan purement comptable, l'actif est comptabilisé selon son prix d'acquisition et non selon son prix réel. Les entreprises peuvent demander une réévaluation du bien au prix réel pour améliorer leur bilan, mais elles seraient alors pénalisées sur le plan fiscal.
Le présent amendement vise à revaloriser les actifs corporels et incorporels des entreprises en franchise de tout impôt afin de leur permettre d'améliorer leur bilan et de pouvoir réemprunter ou d'augmenter leur trésorerie.
Votre amendement tend à faire exactement ce que prévoit l'article. C'est donc une demande de retrait – je note au passage que nous l'avions déjà dit en commission.
Même avis. Avec cet amendement, vous proposez de remettre en vigueur des règles datant de 1976 qui ne sont plus adaptées aux normes comptables actuelles : cela constitue une deuxième raison justifiant un retrait.
L'amendement no 1505 est retiré.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement no 1835 , tendant à supprimer l'article 6.
Je tiens tout d'abord à dire à M. le rapporteur général que je suis bien les débats et qu'il ne m'a pas échappé que les articles 3 et 4 seront examinés demain matin.
Par ailleurs, nous reconnaissons tout à fait que de nombreuses entreprises ont besoin de trésorerie. Nous nous demandions simplement si le dispositif consistant à supprimer, même temporairement, la taxe sur les plus-values, était le meilleur moyen pour atteindre votre objectif, et s'il n'aurait pas été préférable de proposer des aides plus directes et plus ciblées.
C'est la même logique pour cet article qui concerne la suppression des plus-values issues des opérations de cession de bail. Je pose la même question : n'est-il pas préférable d'avoir des aides directes et ciblées plutôt qu'une généralisation dont certaines entreprises pourraient profiter sans en avoir besoin ?
Madame Rubin, ce ne sont pas des taxes et il n'y a de suppression de taxe dans aucun de ces deux articles. À l'article 6, il s'agit de l'étalement de plus-value sur cession-bail. Avis défavorable.
L'amendement no 1835 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Alors que notre pays connaît une crise sanitaire, économique et sociale majeure, les entreprises les plus touchées doivent rééquilibrer leur bilan et reconstituer une trésorerie. La cession-bail est une opération qui permet à une entreprise propriétaire d'un bien immobilier ou matériel de le vendre à un crédit-bailleur, qui le mettra en location ou en crédit-bail. Les opérations d'étalement de l'impôt sur les plus-values immobilières dans le cadre de cessions-bails ont démontré toute leur efficacité pour soutenir la trésorerie des entreprises en période de crise. En 2009, pour faire face à la crise financière, le Parlement avait déjà autorisé ce type d'opérations.
L'amendement vise à réactiver cette mesure permettant aux entreprises de vendre leurs locaux à un crédit-bailleur et d'étaler le paiement de l'impôt sur les plus-values pendant une durée pouvant aller jusqu'à quinze ans.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement no 2062 .
Cet amendement de précision a pour objet de clarifier les dispositions relatives à la période d'application du dispositif temporaire d'étalement des plus-values.
Je suis favorable à cet amendement de précision car je le trouve cohérent avec la réalité des périodes de crédit-bail. En revanche, je demande le retrait de l'amendement no 1504 , pour les mêmes raisons que précédemment, à savoir qu'il redit ce qui est déjà dans l'article.
Je m'associe à la demande de retrait de l'amendement no 1504 . Non seulement celui-ci n'apporte aucune modification par rapport à l'article, mais il prévoit un dispositif s'arrêtant fin 2021, quand celui que nous proposons s'applique jusqu'à fin 2022. Avis favorable sur l'amendement no 2062 de M. Mattei.
L'amendement no 1504 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 2770 .
L'article 6 a ceci d'intéressant qu'il facilite le recours à la cession-bail. Je note cependant qu'il s'applique entre sociétés liées mais non entre sociétés soeurs. La notion de société liée telle que prévue par le texte écarte en effet le cas des entreprises soeurs sous contrôle commun d'une même personne physique. Or, en pratique, il est fréquent que des dirigeants de PME, personnes physiques, affectent des actifs immobiliers professionnels dans des sociétés soeurs qu'ils contrôlent. Je propose donc d'élargir le dispositif pour prendre en considération les sociétés soeurs.
Il me semble que, compte tenu du 12 de l'article 39 du code général des impôts, la proposition est satisfaite. M. le ministre délégué nous le confirmera peut-être. Je vous suggère donc de retirer l'amendement.
Monsieur le président, pourquoi mon amendement no 696 est-il tombé ? L'alinéa a été rerédigé mais tout en conservant la date du 31 décembre 2022, alors que je proposais le 31 décembre 2023.
L'alinéa a été rerédigé. On ne corrige pas un alinéa qui n'existe plus. Dans une situation de ce type, quand on voit qu'un amendement va aboutir, il faut – je suis familier de l'exercice – présenter un sous-amendement.
Pas toujours, mais, en l'espèce, oui !
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 2770 ?
Même avis que le rapporteur général : demande de retrait. À défaut, j'émettrai un avis défavorable. Il existe une petite différence de temporalité, mais les dispositifs que nous proposons sont tous calés sur fin 2022 pour être en phase avec le plan de relance. Sur le fond, l'amendement est donc satisfait.
L'amendement no 2770 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 657 .
Cet amendement propose de limiter les dispositions du présent article aux TPE et PME, afin d'éviter les effets d'aubaine pour les grandes entreprises.
Je ne partage pas l'opinion qu'il conviendrait de réserver les outils mentionnés dans les articles 5 et 6 aux seules PME : ils sont faits pour toutes les entreprises qui peuvent en bénéficier. Les ETI sont trop peu nombreuses dans notre pays. Si nous voulons faire grossir nos TPE en ETI, ne commençons pas à exclure les ETI de dispositifs de renforcement de fonds propres ou d'aide en général. Avis défavorable.
L'amendement no 657 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Si j'ai souhaité intervenir sur cet article 7, c'est parce que, sans doute comme de nombreux collègues, je suis interpellée sur les conséquences en termes d'emploi que pourrait avoir la suppression progressive de la majoration de 25 % appliquée aux professionnels non adhérents d'un organisme de gestion agréé, un OGA. Aussi, monsieur le ministre délégué, je souhaite vous poser deux questions.
La première, et peut-être la principale, concerne l'avenir de ces collaborateurs des OGA, en tout cas d'une grande partie d'entre eux. Nous avons tous conscience de leur inquiétude quant à la diminution drastique du nombre d'emplois dans les OGA, tout particulièrement dans la période économique actuelle, et compte tenu de la moyenne d'âge de ces collaborateurs, qui est de 52 ans. Quel est l'engagement du Gouvernement pour accompagner ces salariés et les rassurer sur leur avenir professionnel ?
En second lieu, les parlementaires, particulièrement les commissaires aux finances, s'inquiètent de la perte potentielle, en termes de recettes fiscales, que la mesure pourrait entraîner pour l'État. En effet, les OGA assurent la qualité des déclarations fiscales pour un volume de 47 milliards d'euros déclarés. La suppression de la majoration de 1,25 du bénéfice imposable réduira nécessairement de manière significative le nombre d'adhérents aux OGA et diminuera d'autant le travail de sincérisation fiscale. Pouvez-vous nous rassurer sur la capacité des services fiscaux à exercer aussi finement le nécessaire contrôle de conformité fiscale ?
Cet article qui propose la suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n'adhèrent pas à un OGA est bienvenu car, si cette majoration avait été créée en 2005 après la suppression des abattements de 20 %, aujourd'hui elle n'est plus comprise. En revanche, il est important de soutenir les personnes qui travaillent dans les OGA, de les accompagner et de les former, pour qu'elles trouvent de nouvelles activités au sein de ces organismes.
Mme Cendra Motin et M. Alexandre Holroyd applaudissent.
J'ai également été sensibilisé sur cette question. Dans les Hauts-de-France, l'OGA représente 6 700 TPE du commerce, de l'artisanat et de l'agriculture durement touchées par la pandémie. L'article s'intitule : « Suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n'adhèrent pas à un organisme de gestion agréé ». Or cette majoration est une mesure d'équité fiscale. Elle permet surtout de lutter contre la fraude. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à l'adoption de l'article.
Je voudrais faire part de deux inquiétudes.
D'une part, qu'advient-il des OGA ? Puisque les entreprises et les indépendants n'auront plus intérêt à faire valider leur comptabilité par un tiers de confiance, nous risquons faire chuter le chiffre d'affaires de tout un secteur.
D'autre part, la disparition de ce tiers de confiance entraînera – ne soyons pas naïfs – des dérives comptables, donc fiscales. Sachant que ce segment de l'économie n'est pas du tout la cible du contrôle fiscal – il s'agit de trop petites entreprises – , il faut absolument sécuriser ses résultats. Je demande donc au ministre délégué de nous assurer que les milliers d'entreprises qui adhéraient à des OGA feront l'objet d'un suivi. Comment éviter que, dans cinq ans, on regrette d'être allés trop loin en constatant de terribles dérives comptables qui auront entraîné une accumulation de pertes fiscales ?
J'ai toujours combattu cette majoration car elle présupposait que ceux qui ne sont pas adhérents à des OGA fraudent à hauteur de 20 % – vingt-cinq cent-vingt-cinquième – de leurs revenus. Cela m'a toujours extrêmement choqué. J'espérais d'ailleurs que le Conseil constitutionnel annulerait cette disposition qui constitue en quelque sorte une présomption de culpabilité. Je suis donc tout à fait favorable à l'article 7.
Je regrette toutefois qu'il ne donne pas aux OGA de nouvelles missions. S'il existe de moins en moins de moyens sur le contrôle fiscal, puisque les effectifs de l'administration fiscale ont constamment baissé, pourquoi ne pas confier aux OGA un rôle dans l'amélioration du contrôle ? On permettrait au contrôle fiscal de s'opérer et l'on assurerait une meilleure sincérité des documents comptables de ces PME. J'avais déposé des amendements en ce sens mais ils ont été déclarés irrecevables. Monsieur le ministre délégué, êtes-vous favorable à une telle orientation ?
Cela a été rappelé, jusqu'à l'imposition des revenus de l'année 2005, un abattement de 20 % était pratiqué sur les revenus d'activités indépendantes, commerciales, artisanales, libérales ou agricoles réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition en contrepartie de l'adhésion à un OGA. Cet abattement a été supprimé et, d'une certaine manière en contrepartie, il a été décidé de majorer de 25 % le bénéfice, donc l'assiette d'imposition des mêmes entreprises soumises à l'impôt sur le revenu qui n'adhéraient pas à un OGA.
Je partage la position de M. de Courson : je trouve étonnant que l'on majore la base d'imposition d'entreprises sur le seul critère de leur choix de gestion, ce qui revient à présumer qu'elles ne peuvent pas tenir correctement leur comptabilité. Nous proposons donc de supprimer cette majoration.
Nous proposons de supprimer cette majoration en trois ans pour permettre aux entreprises concernées d'être imposées sur la réalité de leur bénéfice et non sur un bénéfice majoré. Au-delà de la question de l'égalité, notre but est d'aider les petites structures, qui bénéficieront d'une diminution de leur fiscalité à hauteur de 100 millions d'euros – une somme non négligeable.
Je prends quelques minutes pour donner mon avis sur les amendements qui vont suivre. Certains d'entre eux proposent d'aller plus vite, d'autres moins vite. Nous souhaitons en rester à l'équilibre que nous avons trouvé dans l'article, et la volonté d'accélérer des uns comme celle de ralentir des autres nous encouragent dans cette voie médiane.
Pour accompagner les OGA dans leur reconversion, plusieurs pistes sont évoquées : la première est le maintien d'un outil incitatif ; la seconde, la mise en oeuvre d'un accompagnement à la reconversion.
En premier lieu, en effet, nous conservons la réduction d'impôt sur les frais payés par les entreprises adhérentes aux OGA. Pour la transparence des débats, je rappelle que certains ont plaidé pour la transformation de cette réduction en un crédit d'impôt, mais le coût de la mesure pour les finances publiques était rédhibitoire.
Quant à la seconde piste de travail, nous l'explorons avec des représentants de la Fédération des centres de gestion agréés, que j'ai eu l'occasion de rencontrer. La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, que le Parlement a adoptée, prévoit la procédure d'examen de conformité fiscale avec le recours à un tiers de confiance. Nous pouvons imaginer – j'insiste sur ce terme car il faut pour cela mener plusieurs discussions – que soit l'examen de conformité fiscale soit son absence soient perçus comme un axe de contrôle ; cela répondrait à l'inquiétude exprimée par Mme Cariou.
Je reste prudent car le choix dépendra de discussions d'ores et déjà ouvertes, mais si le non-recours à un examen de conformité fiscale devenait un axe de contrôle, il y aurait évidemment une incitation à y procéder. À l'inverse – une solution peut-être moins favorable – , nous pourrions considérer que l'examen n'est pas un axe de contrôle. C'est une question de nuance et d'intensité dans la priorité donnée à ce contrôle.
L'engagement que nous avons pris est celui d'accompagner les OGA dans la diversification de leurs activités et la reconversion de leurs salariés vers un certain nombre de métiers. Mais, à nos yeux, tant le soutien aux petites entreprises concernées par la mesure d'allègement d'impôt proposée que l'exigence d'égalité dans le libre choix des modes de gestion imposent d'en terminer avec la majoration créée en 2005. Nous continuerons à travailler avec les OGA, mais au risque de fâcher les auteurs d'amendements, notamment Mme Cendra Motin, j'insiste sur un point : nous tenons vraiment au délai de trois ans, dans la mesure où il nous permet d'assurer un véritable accompagnement. Les amendements qui proposent d'allonger ce délai remettent la suppression à une date trop éloignée ; ceux qui souhaitent le raccourcir imposent un rythme trop rapide pour accompagner de façon adéquate la reconversion des salariés des OGA.
En effet, nous proposons de supprimer cette disposition, pour plusieurs raisons.
J'ai lu avec intérêt la communication du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, que j'ai trouvée choquante et qui, je l'espère, n'engage que l'organisme et non les experts-comptables sur le terrain. Tirer ainsi à boulets rouges sur des collègues est une pratique qu'on ne peut pas cautionner.
L'Italie avait mené une expérience de ce type, mais, le système n'ayant pas prouvé son efficacité, elle est en train de faire marche arrière. Aujourd'hui, adhérer à un OGA représente un gage de stabilité fiscale. On peut certes réembaucher des contrôleurs fiscaux, mais je pense que l'administration fiscale est suffisamment pléthorique. Pour les entreprises, les OGA jouaient un vrai rôle sur le terrain, puisqu'elles garantissaient leur comptabilité et leur fiabilité en matière fiscale. Il n'y a pas lieu de leur intenter un mauvais procès.
Ce n'est d'ailleurs pas le premier coup qu'on leur porte : les différentes lois de finances ont introduit d'abord la réduction d'impôts pour frais de comptabilité et d'adhésion à un OGA, puis la déductibilité du salaire du conjoint. Récemment, la loi PACTE à laquelle M. le ministre délégué a fait référence a ajouté de nouvelles dispositions, auxquelles les entreprises ne sont pas favorables, bien au contraire.
Enfin, les OGA représentent 2 500 emplois. Certes, les experts-comptables recruteront sûrement les salariés concernés – ils doivent actuellement avoir des besoins en personnel – , mais supprimer 2 500 emplois directs me semble une ineptie dans le contexte actuel.
L'amendement no 1852 de M. Bruno Bilde est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je ne répéterai pas les propos de M. le ministre délégué qui a bien présenté l'article et le travail mené entre Bercy et les OGA pour organiser l'accompagnement de ces organismes pendant la période de suppression progressive – j'insiste sur ce terme – de la majoration.
L'article 7 instaure avant tout une baisse des prélèvements obligatoires. Madame Dalloz, je reprends vos propos d'il y a deux ans : dans un amendement que vous aviez vous-même proposé, vous qualifiiez – à raison – ce prélèvement d'inique au motif qu'il reposait sur un revenu fictif. Je suis plus d'accord avec la Mme Dalloz de 2018, qui dénonçait une imposition à 125 %, qu'avec la Mme Dalloz de 2020. Il faut rendre cette fiscalité aux petites entreprises ; 100 millions d'euros, en temps de crise, ne seraient pas un geste de mauvais aloi !
En revanche, il n'est pas question de laisser tomber les OGA. L'article vise au contraire à les accompagner et à permettre que leur relation avec les entreprises repose davantage sur la qualité du service que sur une contrainte fiscale. Cette façon de réfléchir nous semble plus intéressante. En aucun cas, il ne s'agit d'une menace ni d'une volonté de mettre en difficulté la profession, éminemment utile pour sécuriser la documentation fiscale. Nous souhaitons la transformer, comme on aime à le faire dans cette majorité et la transformation, souvent, passe par une transformation fiscale. Nous souhaitons instaurer, entre les OGA et les entreprises, une relation commerciale, de service.
Je suis défavorable aux amendements de suppression car l'article est, à mon sens, gagnant-gagnant : on va faire mieux avec les OGA demain, sans la contrainte fiscale, tout en libérant 100 millions d'euros pour les petites entreprises.
Défavorable.
Je vais dans le sens de Mme Dalloz. Pourquoi a-t-on incité les entreprises à faire appel aux OGA ? Sous Nicolas Sarkozy, on n'était pas dans un régime très contraignant, mais on souhaitait malgré tout moraliser les affaires. Si l'on supprime l'incitation à adhérer aux OGA, on créera une zone grise propice aux dérives dans la comptabilité des petites entreprises. Je ne sais pas si vous êtes au courant, monsieur le ministre délégué, mais, compte tenu de la recrudescence de l'argent occulte qui abreuve les commerçants, la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière du ministère de l'intérieur a récemment créé une nouvelle cellule de lutte anti-blanchiment. En cette période compliquée, où l'économie et le financement des petits commerces en souffrance vont plonger dans une zone grise, il serait prudent de conserver des garde-fous.
On ne créera pas d'axe de contrôle fiscal pour une comptabilité de 100 000 euros ! Les inspecteurs des impôts ont bien d'autres choses à superviser. On ne peut pas gaspiller nos ressources de contrôle fiscal pour des enjeux aussi faibles. Le Gouvernement doit vraiment trouver un système pour inciter les petites entreprises à faire valider leur comptabilité par un tiers de confiance.
Pour ce qui est de la position des experts-comptables, je suis d'accord avec Mme Dalloz : ils ont évidemment un intérêt à voir disparaître les OGA. Il faut en être conscient. L'affaiblissement des OGA libère une clientèle pour les experts-comptables.
Monsieur le ministre délégué, je vous ai dit tout à l'heure que j'étais favorable à cet article, mais qu'il lui manque le deuxième volet que vous avez évoqué : la transformation des OGA en tiers de confiance qui permettrait de sécuriser les documents comptables. Envisagez-vous de déposer un amendement en ce sens ? En effet, un tel montage relève du domaine législatif. Pourriez-vous déposer cet amendement en deuxième lecture ou au Sénat, pour parvenir à un article équilibré – ce qu'il n'est pas aujourd'hui ?
Je rejoins la position de Mme Dalloz. Cette suppression de majoration pose question. On peut la comprendre, car les entreprises qui n'adhèrent pas à un OGA sont actuellement imposées sur un revenu supérieur à ce qu'elles gagnent réellement, mais si l'on supprime les OGA, il faudrait rétablir l'abattement qui existait auparavant.
Les OGA s'occupent de très nombreuses petites entreprises. Leurs conseils les rassurent et les confortent dans leurs déclarations, notamment fiscales. Cet accompagnement est important : pour avoir travaillé dans l'agriculture, je sais que les chefs d'entreprise ont autre chose à faire que de s'occuper de tels sujets. Pour leur offrir un avantage financier à court terme, on risque va lâcher dans la nature des entreprises, qui prendront peut-être des voies sans issue.
M. le rapporteur général a loué la qualité du service que rendent les OGA, en l'opposant à la contrainte fiscale. À mon sens, il faut continuer à inciter les entreprises à faire valider leur comptabilité par un tiers de confiance. Sinon, on va au-devant de grandes difficultés.
J'ajoute que les OGA rendent aussi service à l'administration fiscale qui ne dispose pas, aujourd'hui, de moyens pour conseiller les entreprises, alors qu'elle devrait le faire.
Plutôt que de contrôler et de sanctionner, il faut aussi développer la fonction de conseil, car bien des petites entreprises risquent de se perdre dans un dédale de normes de plus en plus compliqué et, à terme, au lieu de gagner de l'argent, elles en perdront.
Il a été déposé par notre collègue Marine Brenier. Malgré vos explications, on ne comprend pas pourquoi vous voulez absolument toucher aux centres de gestion agréés. Ils représentent, à nos yeux, une garantie de transparence fiscale en vertu d'une relation gagnant-gagnant qui concerne les toutes petites entreprises. Le sujet avait déjà été abordé lors des débats sur la loi PACTE, il y a deux ans ; si je me souviens bien, c'est alors le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, qui avait lui-même retiré les articles qui entendaient toucher aux OGA.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 699 .
D'après les services fiscaux, la fréquence des contrôles des petites entreprises est très faible. Le risque est passé d'un contrôle tous les trente-cinq ans à un contrôle tous les cinquante ans ; imaginez le spectre ! Il existe un outil on ne peut plus efficace, qui garantit la visibilité et la sincérité de la comptabilité par le biais d'un dispositif vertueux de contrôle à faible coût ; et c'est de cet outil que le Gouvernement choisit de se priver !
Par ailleurs, quel avenir proposez-vous aux employés des OGA, dans un contexte économique particulièrement difficile ?
L'amendement propose de retarder la suppression progressive du mécanisme de majoration pour permettre aux OGA de réorganiser leur modèle économique et pour trouver une issue favorable pour l'ensemble de leur personnel.
Pour ma part, j'en étais restée au premier dossier de presse du Gouvernement relatif aux mesures en faveur des petits commerces, ceux-là mêmes que nous défendons tous aujourd'hui et que nous cherchons à aider financièrement avec le plan de relance.
Avant que la concertation avec la fédération des OGA soit terminée, Mme Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, avait annoncé que l'abandon de cette majoration totalement incompréhensible pouvait s'effectuer en deux ans. Mais, je vous ai entendu, monsieur le ministre délégué. Puisque la discussion avec la fédération des OGA, dont j'ai moi-même rencontré le président, vous a permis de comprendre qu'il valait mieux que cet abandon ait lieu en trois ans, je retire mon amendement.
L'amendement no 667 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Avis défavorable. Je m'en suis expliqué tout à l'heure, mais je reste un peu surpris qu'une majorité de députés du groupe Les Républicains veuille conserver un prélèvement obligatoire qu'ils ont eux-mêmes qualifié d'inique. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?
Pourquoi les autres n'adhéraient-ils pas ? Faites le raisonnement inverse !
Pourquoi maintenir une telle imposition au lieu de miser sur l'incitation et la qualité de service, qui correspondent pourtant davantage, me semble-t-il, à ce que vous prônez habituellement pour favoriser le développement économique de nos petites entreprises ? Décidément, je ne comprends pas pourquoi vous soutenez ce type d'amendements.
Puisque nous avons parlé de ce qui a été fait depuis la loi PACTE, je rappelle qu'à l'époque l'accompagnement des OGA par Bercy, tel qu'il est prévu aujourd'hui et qu'il nous a été confirmé par le ministre délégué, n'existait pas. L'article 6 ne laisse pas les OGA seuls sur le bord de la route.
Cet amendement, qui tend à la rédaction d'un rapport, vise à favoriser le travail d'accompagnement qui vient d'être évoqué et à informer le Parlement des pistes qui seront explorées avec les OGA.
En 2018, notre majorité a insisté pour conserver l'obligation faite en particulier aux commerçants d'utiliser des logiciels de caisse qui garantissent une bonne gestion comptable et sécurisent les recettes de l'État. Nous avons aussi renforcé les outils qui permettent d'éviter la mauvaise gestion comptable. La loi PACTE a permis d'accompagner une profession durement touchée par nos décisions : les commissaires aux comptes.
Ils ont été touchés, ça, c'est le moins que le puisse dire ! Ah, le Gouvernement a fait une belle opération !
Nous avons à cette occasion mené un travail de réflexion et d'accompagnement pour aider cette profession à se réformer : les commissaires aux comptes ont aujourd'hui eux-mêmes enclenché un processus de rebond. Nous pourrions procéder de même en faveur des organismes de gestion agréés.
Madame Motin, sauf erreur de ma part, une mission de l'IGF, l'inspection générale des finances, sur les organismes de gestion agréés est déjà en cours. Nous pourrions attendre l'issue de ses travaux.
Si le Gouvernement nous le confirmait, je demanderai le retrait de votre amendement.
Je demande le retrait de l'amendement pour les raisons que vient d'évoquer M. le rapporteur général. Nous partagerons évidemment les conclusions de la mission de l'IGF avec les parlementaires.
Je connais ce travail, mais je ne suis pas certaine qu'il explore toutes les pistes que nous pourrions emprunter. Je pense en particulier à l'aide que pourraient apporter les OGA aux micro-entreprises. En l'espèce, ces organismes ont la dimension adaptée. J'estime qu'une approche parlementaire permettrait d'améliorer et de compléter utilement la démarche de l'IGF. Avec la ferme intention de mener ce travail parlementaire, je retire l'amendement.
L'amendement no 2826 est retiré.
L'article 7 est adopté.
À moins qu'elle ne le retire, la parole est à Mme Cendra Motin, pour soutenir l'amendement no 2575 portant article additionnel après l'article 7.
L'amendement vise à élargir le périmètre couvert par les OGA de façon à ce que davantage d'entreprises bénéficient de la réduction d'impôt pour frais de comptabilité et d'adhésion à un OGA. Ces organismes pourront ainsi rebondir, en particulier grâce à l'éligibilité des micro-entreprises.
Cet amendement va dans le sens inverse de ce qui était proposé jusqu'à maintenant en optant pour une incitation supplémentaire fondée sur la fiscalité. Ce pourrait être une bonne idée, mais je crains que son coût soit très important. On sait que le dispositif représente 100 millions pour les entreprises concernées aujourd'hui, et je crois qu'il dépasserait allégrement le milliard d'euros si l'on adoptait l'amendement.
Madame Motin, parce qu'il faut être raisonnable, …
… et parce que je connais votre souci de maîtrise de la dépense publique, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.
Même avis. Le coût d'un tel dispositif serait disproportionné par rapport à ce que nous pouvons absorber.
Sourires.
L'amendement no 2575 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 700 , qui tend à supprimer l'article 8.
L'article 8 supprime le taux majoré de 50 % du CIR, le crédit d'impôt recherche, et il réduit de 40 à 35 % le taux majoré du CII, le crédit d'impôt innovation. Le Gouvernement explique dans le projet de loi de finances qu'il s'agit d'une mesure de périmètre budgétaire : vous entendez en particulier maîtriser le coût du CIR pour les finances publiques. Cependant, alors qu'il est aujourd'hui nécessaire de permettre à certains programmes d'avancer très rapidement – je pense évidemment à tout ce qui concerne la santé et la recherche active d'un vaccin contre le covid-19, d'autant qu'en la matière les dépenses vont exploser – , je crois qu'il faut que nous restions mobilisés en faveur du CIR et du CII.
Alors que nous devons à tout prix renforcer le secteur de la santé par un partenariat public-privé, l'article 8 remet en cause ces partenariats. En l'adoptant, nous enverrions un mauvais signal en pleine crise sanitaire, alors même que vous avez fait voter en première lecture le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 – LPR. Il y a là une incohérence totale.
Nous constatons une nouvelle fois que le « en même temps » ne peut pas fonctionner. D'un côté on constate l'urgence sanitaire et l'on adopte un projet de loi de programmation de la recherche et, de l'autre, on met à mal des dispositifs qui permettent une mobilisation urgente.
Avis défavorable. À l'inverse de ce que vous dites, madame Dalloz, je trouve que l'article 8 est tout à fait complémentaire du projet de loi de programmation de la recherche. Les dispositions que nous proposons sécurisent en effet juridiquement le CIR et le CII qui sont parmi les meilleurs outils au monde, voire les plus attractifs pour la recherche et le développement. La loi de programmation de la recherche permet de mieux rémunérer nos chercheurs, notamment les plus jeunes, afin d'atteindre un niveau moyen de rémunération à peu près égal à celui constaté dans l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques. Elle permettra également de renforcer les projets de l'ANRT, l'Association nationale de la recherche et de la technologie, et plus globalement la recherche publique, en l'insérant dans des processus de valorisation avec la recherche privée.
L'article 8 garantit que la recherche sera considérée de la même façon qu'elle soit confiée à des sous-traitants publics ou privés, afin d'éviter que CIR et le CII soient menacés par le cadre juridique européen. Nous devrions tous nous en féliciter. Ce n'est, en aucun cas, pour des raisons budgétaires que cette disposition est proposée par le Gouvernement, mais bien pour renforcer la sécurité juridique de certains outils.
Il est défavorable. Je rappelle qu'une plainte visant le CIR a été déposée devant les instances européennes. L'article 8 doit permettre de sécuriser le crédit d'impôt recherche et d'obtenir le retrait de la plainte.
Vous constaterez, dans la deuxième partie du projet de loi de finances, que le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche augmente de 500 millions d'euros, dont 400 millions grâce à la loi de programmation de la recherche – dont nous souhaitons qu'elle soit adoptée le plus rapidement possible par le Parlement. Nous apportons donc des réponses budgétaires afin d'éviter la difficulté qu'aurait pu poser une adoption sèche de l'article, et nous sécurisons le CIR pour le bien de tous : les prestataires en matière de recherche et ceux qui bénéficient des avancées de la recherche.
L'amendement no 700 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1836 .
« Je suis Bruno Canard, directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille. Mon équipe travaille sur les virus à ARN – acide ribonucléique – , dont font partie les coronavirus. » « Avec mon équipe, nous avons continué à travailler sur les coronavirus, mais avec des financements maigres et dans des conditions de travail que l'on a vu peu à peu se dégrader. » « J'ai pensé aux deux congés maternité et aux deux congés maladie non remplacés dans notre équipe [… ]. J'ai pensé aux pots de départs, pour retraite ou promotion ailleurs, et aux postes [… ] qui n'avaient pas été remplacés. J'ai pensé aux onze ans de contrat à durée déterminée de Sophia, ingénieure de recherche [… ]. » « J'ai pensé au crédit d'impôt recherche, passé de 1,5 milliard à 6 milliards annuels ». « J'ai pensé à tous mes collègues à qui l'on fait gérer la pénurie issue du hold-up. » Ainsi s'exprime, en pleine crise du coronavirus un chercheur qui travaillait sur le sujet sans en avoir les moyens parce que budget du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, est aujourd'hui deux fois inférieur à celui du CIR.
Je parle de ce crédit d'impôt recherche dont Élise nous dit que les montants ne vont pas aux chercheurs mais aux magouilleurs.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
Elle nous explique comment elle a elle-même participé à la magouille. Alors qu'elle était ingénieure d'affaires, on lui a donné, durant plusieurs années, le statut de chercheur conseil parce qu'elle avait passé une thèse en génie des matériaux : « En réalité, j'étais commerciale, je devais vendre leurs produits de défiscalisation. Je devais expliquer comment frauder, comment transformer toute leur activité en recherche et développement. On tirait sur cette vache à lait pour faire du détournement. Souvent les clients doutaient de pouvoir en bénéficier, mais nous, une laborantine, une secrétaire, un VRP, nous arrivions à passer tout ça en R& D, et on embauchait cent mecs en crédit d'impôt recherche. » Voilà à quoi sert le crédit impôt recherche : au lieu de financer la recherche, il sert à la défiscalisation à hauteur de 6 milliards d'euros, soit deux fois le budget du CNRS ! Nous ne traverserions pas une telle crise sanitaire si, aujourd'hui, ces 6 milliards étaient vraiment consacrés à la recherche.
Je suis désolé, monsieur Ruffin, mais nous ne referons pas tout le débat sur le CIR et le CII. Vous savez que nous y sommes très attachés ; ils constituent un outil d'attractivité très important pour notre pays, grâce auquel la recherche et le développement y sont largement présents. Nous n'allons certainement pas le remettre en question en période de crise.
Néanmoins, je vous donne raison sur un point : il y a trop d'intermédiaires entre le crédit d'impôt recherche – outil utile – et l'administration fiscale ; à mon sens aussi, cela constitue un problème. Comme vous, je constate qu'il existe beaucoup trop de cabinets de conseil qui profitent de la complexité administrative. La solution consiste à simplifier les procédures administratives, pas à supprimer l'avantage fiscal que constitue le crédit d'impôt recherche. L'avis est défavorable.
Défavorable. Pour résoudre au mieux les problèmes de conditions de travail et de carrière des chercheurs, il faut voter la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, et l'augmentation de budget afférente. Il faut aussi soutenir les organisations sociales majoritaires, qui ont conclu un accord sur un protocole avec la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et avec le Premier ministre, au sujet des carrières et de l'attractivité des carrières de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le crédit d'impôt recherche est monté en puissance ces dernières années ; son financement représente 6 milliards d'euros dans le budget de l'État, ce qui est énorme. Permettez-moi d'ouvrir le débat avec une question : dans la période de crise que nous vivons, le crédit impôt recherche est-il bien utilisé par les grands groupes, qui bénéficient du dispositif par dizaines, voire par centaines de millions d'euros ? Sanofi supprime 1 000 emplois en France ; Safran supprime 3 000 emplois ; Airbus supprime 5 000 emplois, Renault 4 500 emplois, Schneider Electric 400 emplois, Total 1150 emplois.
Mme Cendra Motin s'exclame.
Verallia, entreprise qui produit des bouteilles de verre et dont je soutiens les salariés, a fait de l'optimisation fiscale et a détourné de l'argent pour l'envoyer aux îles Caïman : elle aussi a bénéficié du crédit d'impôt recherche, et elle supprime 198 emplois et ferme un four de production à Cognac.
Toutes ces entreprises ont perçu des aides de l'État, dont le crédit impôt recherche, et suppriment des emplois. N'est-il pas possible, en cette période de crise, qui demande la mobilisation de toute la nation, y compris des acteurs économiques, de leur dire que de telles pratiques sont inacceptables ? C'est si vrai que les ministres eux-mêmes, M. Bruno Le Maire et Mme Agnès Pannier-Runacher, ont ainsi qualifié les licenciements décidés par certains de ces groupes. Face à l'inacceptable, on se donne les moyens d'intervenir : demandons-leur de rembourser les sommes perçues au titre du crédit impôt recherche, quand elles n'ont pas été utilisées pour la recherche et que l'entreprise procède à des licenciements.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur le ministre délégué, vous n'avez absolument pas répondu à mon intervention. J'ai dit que le crédit impôt recherche est dévoyé, qu'il est utilisé comme un outil de défiscalisation. Vous me parlez d'attractivité et de compétitivité, mais pas de recherche ; vous ne démontrez pas que le dispositif est utile à la recherche, ni que le transfert des 6 milliards d'euros concernés à la recherche publique ne serait pas nettement plus efficace, notamment pour lutter contre le coronavirus. Sanofi, dans le même temps – votre « en même temps » – , perçoit 125 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche et procède à des milliers de licenciements dans ce secteur.
Cette entreprise agit ainsi dans la durée et vous la laissez faire. Il en va de même pour Nokia, qui supprime 1 400 emplois, dont 85 % dans le secteur de la recherche. Or, vous renouvelez chaque année le dispositif. Dans ces circonstances, la question se pose à la fois de l'usage fait du CIR et de l'absence de contrôle. Si vous vous abstenez volontairement de tout contrôle, n'est-ce pas afin de donner de l'argent à l'aveugle à ces grandes entreprises ?
J'avais très bien compris votre intervention, et ma réponse s'adressera aussi à M. Roussel. Les entreprises qui bénéficient du crédit d'impôt recherche sont au nombre de 22 000, or la France ne compte pas 22 000 très grands groupes. Les plus nombreuses à le percevoir sont les PME et les entreprises de taille intermédiaires.
Vous ciblez régulièrement quelques grands groupes qui procèdent à des licenciements, alors qu'ils profitent de crédits d'impôts.
C'est vrai, et je suis d'accord pour dire que c'est inacceptable. Cependant, que se passera-t-il si on supprime le crédit d'impôt recherche ? Vous irez probablement soutenir les personnes qui auront perdu leur emploi sur le site Sanofi de Gentilly, dans le Val-de-Marne.
Aurons-nous gagné ? Voilà la réalité de la crise. Devons-nous fragiliser nos industries, pour lesquelles la recherche et le développement constituent un actif puissant en France ?
Selon moi, il faut plutôt les sécuriser. Si l'on supprime le crédit d'impôt recherche, il faudra bientôt que nous allions tous à Gentilly soutenir les emplois de Sanofi. Je crois que ce n'est pas ce que nous voulons.
L'amendement no 1836 n'est pas adopté.
Cet amendement, dont M. Le Fur est le premier signataire, vise à faire bénéficier du statut de jeunes entreprises innovantes les petites et moyennes entreprises créées depuis moins de huit ans et qui réalisent des dépenses d'innovation, au sens du CII, à hauteur de 15 % de leurs charges. En effet, seules les jeunes entreprises qui réalisent des dépenses de recherche, au sens du CIR, à hauteur de 15 % de leurs charges déductibles, sont éligibles à la qualification de jeunes entreprises innovantes.
Alors que le dispositif jeunes entreprises innovantes – JEI – tend justement à favoriser les jeunes entreprises qui s'engagent dans une démarche d'innovation, il n'a jamais été actualisé pour inclure les entreprises éligibles au CII, régime créé postérieurement au dispositif JEI et à celui du CIR.
L'évaluation d'une telle évolution du régime JEI est déjà inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020. Un rapport du Gouvernement devrait être remis au Parlement au plus tard en juin 2022. Cette modification hypothétique ne serait donc pas votée avant la loi de finances pour 2023. Cela nous paraît bien loin, alors qu'il est primordial, dans le contexte actuel, de ne pas retarder les mesures favorables au développement des petites et moyennes entreprises, notamment dans le secteur du numérique, et qu'il faut au contraire les encourager : l'innovation est le principal moteur de la croissance et de la compétitivité.
Monsieur le rapporteur général, je vous prends au mot : ces amendements devraient répondre aux souhaits que vous avez précédemment exprimés. Vous avez raison de souligner que le crédit d'impôt recherche permet à certaines PME de faire de la recherche et qu'il faut condamner les entreprises qui l'utilisent pour faire de la défiscalisation.
S'il est vrai que les grandes entreprises ne représentent que 0,3 % des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche, elles se sont accaparé 31 % des crédits, alors que les créations d'emplois consacrés à la recherche se trouvent dans des entreprises de moins de 500 salariés. En outre, parce que le plafonnement des dépenses éligibles s'applique à l'échelle des filiales et non des groupes, certains groupes recourent à des montages d'évasion fiscale afin que chaque filiale déduise jusqu'à 100 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche.
Ces amendements identiques visent à résoudre le problème, en appréciant à l'échelle du groupe les sommes engagées. Celles-ci resteraient déductibles à hauteur de 30 % jusqu'à 100 millions d'euros et, au-delà de ce montant, elles ne le seraient qu'à hauteur de 5 %.
Le dispositif de l'amendement no 1383 revient presque chaque année pendant l'examen du projet de loi de finances. En effet, il a été inspiré par un rapport de la Cour des comptes de 2013 ou 2014…
Merci, madame Dalloz ! Cette année-là, la Cour estimait que, sur les 5 milliards que coûtait le crédit d'impôt recherche, 1 milliard était imputable à la possibilité pour les grands groupes de cumuler les dépenses éligibles de leurs filiales, le plafond de 100 millions s'appliquant à chaque filiale. Ce choix aboutit à un contournement, pour être polie, du plafond de 100 millions d'euros. Une entreprise comportant dix filiales hausserait le plafond à 1 milliard d'euros ; une entreprise avec 100 filiales peut le faire porter à 100 fois 100 millions. L'amendement no 1383 vise donc à apprécier les dépenses de recherche au niveau du groupe.
Néanmoins, il est exact que, pour certains grands groupes, notamment dans les secteurs pharmaceutique ou automobile, un plafond de 100 millions serait insuffisant. Il brimerait leur effort de recherche, alors qu'il est normal que la nation l'accompagne. L'amendement no 1384 vise à appliquer le plafond au groupe et non à ses entités juridiques, mais en le rehaussant, afin d'apporter aux grands groupes une respiration. Ce dispositif éviterait le contournement de la règle des 100 millions d'euros, tout en accordant davantage de souplesse aux grands groupes.
Je suis réticent à modifier, dans le contexte que nous connaissons, à la fois les assiettes et le statut des groupes au regard du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt innovation. J'estime que ces dispositifs sont plus que jamais nécessaires.
Joël Giraud avait engagé un travail, que j'ai poursuivi au début de l'année 2020, afin d'élaborer des mesures visant à limiter les abus, ce qui est toujours nécessaire pour des niches qui coûtent 6 milliards d'euros.
Avec le temps, j'ai changé d'avis, ce qui est parfois une bonne chose. J'étais autrefois défavorable à la décision de déplafonner prise pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Force est de constater que cette mesure a favorisé la création d'emplois dans les domaine de la recherche et du développement. Modifier les critères de son périmètre d'application pourrait constituer une menace pour l'emploi dans ces secteurs. Sincèrement, je ne prendrai pas un tel risque. Il ne serait pas raisonnable d'agir en ce sens, alors que la priorité consiste à relocaliser les emplois dans notre pays, pas à en perdre, surtout quand il s'agit de nos ingénieurs.
Certes, le travail sur ce sujet, commencé dans les rapports relatifs à la mise en application des lois de finances, demande à être poursuivi, et je veux m'y employer. Néanmoins, si nous adoptons une telle mesure, les directions d'entreprise retiendront que le crédit d'impôt recherche a été raboté dans le projet de loi de finances pour 2021 : ce serait irresponsable, voire coupable. L'avis est donc très défavorable, davantage à cause du moment où nous examinons les amendements que de leur fond.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Avec ces amendements, nous avons affaire, encore une fois, à un marronnier, puisque nous parlons de ce sujet depuis une dizaine d'années.
Bien sûr, nous pourrions retenir comme assiette les dépenses de recherche engagées à l'échelle du groupe, mais nous avons simulé cette mesure, madame la présidente du groupe Socialistes et apparentés, et vous en connaissez le résultat : l'aéronautique et l'automobile sont les plus touchées. Voulons-nous affaiblir deux des fleurons de notre industrie ? Voilà la question, à laquelle je réponds par la négative. Je voterai donc contre les amendements, dont les conséquences sont connues grâce aux simulations que nous avons faites.
Monsieur le rapporteur général, je comprends bien que vous refusiez de modifier le dispositif alors que nous traversons une crise. Si je redéposais l'amendement dans la deuxième partie du PLF, sur les articles rattachés, en prévoyant que le nouveau dispositif ne s'applique qu'en 2022, le soutiendriez-vous ?
Des évaluations ont déjà été faites. Vous êtes rapporteur général du budget, vous pouvez vous rendre à Bercy et demander la liste de tous les bénéficiaires du CIR pour connaître le nombre d'entités qu'ils possèdent. Je l'ai déjà fait ! Évidemment, nous ne pouvons pas les citer à cause du secret fiscal, mais nous connaissons ces éléments.
Monsieur de Courson, vous dites que les deux secteurs qui utilisent le plus l'augmentation du nombre de filiales sont l'automobile et l'aéronautique : vous avez raison, mais le législateur doit-il refuser d'exercer ses propres pouvoirs ?
Il suffit de fixer une règle pour le groupe : j'entends que le seuil de 100 millions d'euros de dépenses est trop bas pour ces secteurs, voilà pourquoi l'amendement no 1384 le relève si les dépenses sont appréciées à l'échelle du groupe.
Nous pourrions définir ensemble ce nouveau seuil, qui pourrait atteindre 400 ou 500 millions d'euros sans que cela me pose de problème, mais le CIR, aujourd'hui, c'est « open bar » ! Monsieur de Courson, vous qui êtes si attentif aux finances publiques, cela m'étonne que vous acceptiez un tel dispositif. Je ne vous reconnais plus !
Il est possible d'augmenter le plafond pour ceux qui consacrent beaucoup de dépenses à la recherche, mais nous devons garder un tout petit peu la main, sinon nous ne servons plus à rien. Si nous ne faisons rien, un groupe peut créer autant de filiales et toucher autant de CIR qu'il veut : ce n'est pas tout à fait normal et cela ne relève pas d'une bonne gestion des finances publiques.
Plus de 50 % du CIR concerne l'industrie manufacturière, or la crise touche surtout ce pan de l'économie, pour lequel le CIR est essentiel en matière d'investissement. Il faut se rendre compte que le crédit d'impôt recherche a soutenu le développement de cette industrie. À l'heure où elle est en difficulté, il s'agit d'un atout indéniable qu'il ne faut pas remettre en cause.
Tous les pays européens mettent en place, depuis la fin de l'année dernière, des dispositifs proches de celui du CIR. L'Allemagne en a créé un au début du mois de janvier 2020, puis l'a doublé au mois de juin avec la crise. Et nous, nous voudrions réduire et déstructurer le CIR ! Certes, il y a forcément des abus, nous le savons tous, mais ce dispositif, qui a fait ses preuves depuis longtemps, est un modèle pour les autres pays. Il faut maintenir cet outil structurant.
Comme l'a rappelé le rapporteur général, nous avons chaque année débattu de ce sujet depuis 2017. Il est nécessaire d'avancer et de voter l'article, qui sécurise et consolide le CIR. Au-delà de notre groupe, nous devons tous être conscients de ces éléments importants pour l'avenir de notre pays.
Je répète que le CIR, qui a déjà prouvé son utilité pour l'industrie manufacturière, se trouve pris en modèle par les autres pays européens. Posons-nous les bonnes questions ! Nous sommes parfois en avance : maintenons cette avance. Il faudra certainement faire de petits contrôles, mais cela relève du Gouvernement.
Madame la présidente Rabault, si vous déposez l'amendement sur les articles non rattachés pour modifier une date, son incidence sera la même. Vous savez, mieux que beaucoup ici, que l'important dans les décisions fiscales réside dans le message qu'elles envoient. Que le CIR soit modifié en 2021 ou en 2022 ne changerait rien au message : les investissements diminueraient cette année, car, pour bénéficier dans deux ans du CIR sur les salaires des chercheurs et des ingénieurs, les projets se lancent cette année. Il s'agit d'une fausse bonne idée.
Je ne crois pas que le CIR fonctionne selon le régime d'un « open bar », car, pour en bénéficier, il faut remplir certaines conditions. En revanche, si on décrète une fermeture administrative, il est sûr que le bar baissera le rideau. Ce ne serait vraiment pas raisonnable dans une telle période.
Cela dit, pour aller dans votre sens et comme je m'y étais engagé, je vais poursuivre les travaux de contrôle qu'autorisent les fonctions organiques de rapporteur général. Si les conditions le permettent, c'est-à-dire s'il n'y a pas de budget d'urgence au premier trimestre de 2021, …
… je poursuivrai les travaux, que j'avais engagés et appelés « Grenelle des niches fiscales ». J'ai déjà étudié le secteur du logement et je devais m'attaquer à celui de la recherche et de l'innovation, souvenez-vous. Je n'exclus pas du tout que des propositions ressortent de ces travaux ou du rapport que nous attendons – vous me direz avec raison qu'il s'agit d'un énième rapport – du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Il faut réfléchir à ces questions à froid, non au coeur de la crise. Je maintiens l'avis défavorable sur les amendements.
Je partage totalement l'avis de M. le rapporteur général, notamment sur la nécessité d'assurer la stabilité du dispositif.
Le rapport que le Gouvernement doit au Parlement et que M. le rapporteur général vient d'évoquer comporte un volet sur les pratiques d'optimisation, qui sera sûrement utile pour l'évaluation que Mme Rabault et M. le rapporteur général appellent de leurs voeux. Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation consacre du temps à ce rapport, tout comme mon ministère qui l'accompagne. Il sera remis prochainement, afin que les parlementaires puissent s'en saisir, notamment le volet sur l'optimisation, dont la présence répond à un souhait du Parlement.
J'ai lu vos deux amendements, madame Rabault : ils ne prévoient pas d'augmenter le plafond de 100 millions d'euros. Si vous fixiez le plafond à 500 millions d'euros, votre amendement n'aurait probablement, encore faudrait-il réaliser des simulations, aucune conséquence.
Pour les dépenses de recherche excédant 100 millions d'euros, le taux du CIR n'est plus que de 5 % contre 30 % jusqu'à ce montant : ce n'est pas plus compliqué que cela ! Il faudrait peut-être refondre l'ensemble du dispositif.
Il s'agit d'un excellent amendement de notre collègue Marc Le Fur. Alors que le prix Nobel de chimie vient de couronner une Française qui a décidé de mener sa carrière aux États-Unis, nous ne pouvons pas réduire le crédit d'impôt recherche, formidable outil de compétitivité pour les entreprises et facteur d'attractivité pour les chercheurs.
Privés de moyens publics, nous ne pouvons pas nous passer de l'investissement privé dans la recherche et l'innovation. Nous sommes tous d'accord pour travailler à réduire les effets d'optimisation, mais nous ne pouvons pas remettre en cause cet outil ni en réduire les dimensions, car son mécanisme d'incitation est nécessaire pour l'investissement privé des entreprises.
L'amendement vise à augmenter le taux du crédit d'impôt innovation de 20 % à 30 % pour les PME, afin de stimuler leurs capacités d'innovation. Un taux plus élevé les inciterait à recourir davantage au crédit d'impôt, le coût budgétaire de cette mesure étant raisonnable, puisqu'il est de l'ordre de 75 millions d'euros.
Je n'ai pas le même chiffrage : la mesure coûterait 150 millions d'euros. Il s'agit, en tout cas, d'une somme non négligeable.
Les entreprises n'ont pas eu assez recours au CII, un trop grand nombre d'entre elles le connaissant mal. Un des axes de travail serait de mieux faire connaître le crédit d'impôt innovation, qui n'a jamais trouvé sa place auprès du CIR, alors qu'il s'agit de dépenses complémentaires. L'amendement suivant porte sur la Corse, qui présente une situation particulière, mais, pour le reste du territoire, je suis défavorable à une modification du taux.
Je conteste la vision de notre collègue du groupe Les Républicains : Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie, ne reviendrait pas en France pour faire de la recherche fondamentale dans une PME.
Si ! Vous avez laissé entendre qu'elle s'était expatriée parce que les PME françaises n'étaient pas assez attractives. Si jamais elle devait faire de la recherche en France, elle ferait de la recherche fondamentale, vraisemblablement dans un laboratoire public. Or le coût du CIR – 6 milliards d'euros – est le double du budget du CNRS : c'est autant qui ne va pas à la recherche fondamentale !
Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche prévoit – et je ne suis pas une députée du groupe La République en marche – une augmentation du financement de la recherche publique, augmentation évidemment complémentaire du financement privé de la recherche.
Votre vision est extrêmement réductrice. Transférer le budget du CIR, qui finance la recherche privée, vers la recherche publique créerait un déficit de recherche et d'attractivité dans le secteur privé. Je répète que les deux sont complémentaires. Je vous rejoins sur la nécessité de renforcer le budget de la recherche fondamentale et de la recherche publique, mais il y a bien un défaut d'attractivité de notre pays pour les chercheurs, qu'ils travaillent dans le public ou dans le privé. Le CIR, en complément des financements publics de la recherche, tend à réduire ce déficit d'attractivité.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1129 et 654 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1129 de la commission des finances.
Notre collègue Jean-Félix Acquaviva a défendu en commission cet amendement, qui prévoit de majorer le taux du crédit d'impôt innovation en Corse, afin de maintenir la différence, présente dans le dispositif du crédit d'impôt pour investissement réalisé en Corse, entre les moyennes entreprises et les petites.
Le taux du CII serait, en Corse, de 35 % pour les moyennes entreprises et de 40 % pour les petites, afin d'obtenir un effet miroir avec le crédit d'impôt investissement.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 654 rectifié .
Notre collègue Acquaviva ne pouvant être présent, je défends son amendement que j'ai cosigné. Identique à celui de la commission des finances, il vise à corriger une anomalie. Le taux du CII pour les PME est de 20 % sur le continent et de 40 % dans les départements d'outre-mer. L'amendement prévoit une solution intermédiaire pour la Corse, avec un taux de 40 % pour les petites entreprises et de 35 % pour les moyennes.
Le Gouvernement a donné son accord, donc je pense que tout le monde votera cette mesure.
Les amendements identiques nos 1129 et 654 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 1905 .
L'amendement vise à plafonner le crédit d'impôt recherche. Il ne s'agit pas de supprimer cette aide en faveur de la recherche, mais de la plafonner pour que les grandes entreprises, qui en profitent le plus, n'en retirent pas tout l'avantage.
Monsieur le rapporteur, vous parliez tout à l'heure de Sanofi et c'est un bon exemple. Cette entreprise a perçu 160 millions de crédits d'impôt recherche, soit près de 2,5 % du montant total. C'est énorme ! Pourtant, Sanofi a régulièrement distribué des milliards de dividendes à ses actionnaires : 2,93 milliards en 2015, montant qui n'a fait qu'augmenter jusqu'à atteindre l'année dernière près de 4 milliards.
S'agissant de ces grandes entreprises, on peut s'interroger : ont-elles véritablement besoin de bénéficier d'une aide de l'État, c'est-à-dire de l'argent des contribuables ? Est-il juste qu'elles bénéficient d'une telle aide de l'État, alors qu'en même temps, elles distribuent des dividendes énormes ? N'est-ce pas contradictoire ? Peut-on accepter cela ?
Cette même entreprise supprime aujourd'hui 1 000 emplois. On doit être en mesure de lui demander de ne pas les supprimer ou de rembourser l'aide qu'elle a reçue. C'est bien « open bar » pour ces grandes entreprises : non seulement elles prennent, se servent et ne paient pas, mais elles se moquent littéralement de nous !
Quand nous ferons-nous respecter ? Que ces grandes entreprises, qui distribuent des dividendes et licencient dans le même temps, arrêtent de venir chercher de l'argent de l'État en disant en avoir besoin ! C'est notre argent ! Dans cette période difficile, essayons d'être un tant soit peu rigoureux, c'est un communiste qui vous le demande !
M . Jean-Paul Dufrègne et Mme Christine Pires Beaune applaudissent.
Il y a deux manières de voir les incitations fiscales et plus globalement, les aides publiques à l'investissement. Soit on considère que Sanofi perçoit 160 millions de crédit d'impôt recherche – je reprends vos chiffres, on ne se disputera pas à ce sujet – en contrepartie de ceci ou de cela. Soit on considère que c'est parce que 500 millions – un demi-milliard – sont investis dans des salaires pour la recherche et le développement que Sanofi bénéficie d'un crédit d'impôt de 160 millions. Je ne suis pas l'avocat de Sanofi ; je dis juste que, par principe, les crédits d'impôt sont versés à des entreprises qui ont d'abord engagé une dépense. La conditionnalité, puisque c'est le débat, est intrinsèque au crédit d'impôt.
Ces entreprises n'en ont pas besoin ! Vous arrosez une terre mouillée !
Comme je le disais à M. François Ruffin, supprimons le crédit d'impôt et nous serons nombreux à Gentilly, dans le Val-de-Marne, au centre de recherche et développement de Sanofi pour protester contre les pertes d'emploi. L'attractivité fiscale du crédit d'impôt recherche crée et maintient des emplois.
Pourtant, je suis d'accord avec vous. Certains comportements sont inacceptables. Je pense aux déclarations du président de Sanofi au sujet du vaccin qu'il ne comptait pas réserver à la France. J'ai été le premier à dire, le jour même, que je trouvais ce propos particulièrement scandaleux, l'entreprise recevant une aide fiscale importante au titre du crédit d'impôt recherche. Je vous rejoins : les grandes entreprises, dont les capitaux sont certes internationaux mais dont le siège est en France, ont un devoir d'exemplarité. Nous devons exiger d'elles une certaine responsabilité.
Mais supprimer le crédit d'impôt recherche qui maintient les emplois de recherche et développement ? Vous vous trompez de colère et de bataille ! Je suis d'accord, il faut mieux responsabiliser ces entreprises, et nous le faisons avec les contreparties des aides à l'investissement prévues dans le plan de relance. Mais de grâce, ne mettez pas en danger des emplois qui ne doivent être préservés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Le Gouvernement reste sur sa position, exprimée depuis le début du débat sur le CIR : la stabilité des règles, à l'exception de la majoration que nous venons d'adopter concernant la Corse, est importante dans la période de crise que nous traversons. Cela explique le côté lapidaire de mes interventions. Les modifications proposées ne sont pas souhaitables. Avis défavorable.
Le crédit d'impôt recherche n'est pas autre chose qu'une subvention aux salaires de chercheurs. L'État français subventionne une partie des salaires de la recherche réalisée dans le secteur privé. Cela permet, en France, de localiser des laboratoires de chercheurs dans des PME. Malgré tout, le volume de dépenses est très concentré dans les grandes entreprises, qui utilisent des armées de chercheurs.
Ce qui est choquant – nous en avons déjà discuté et vous étiez d'accord, monsieur le rapporteur – , c'est qu'en bout de chaîne, la production industrielle se fait ailleurs. C'est là que nous devons progresser. Je ne suis pas défavorable au crédit d'impôt recherche en tant que tel, même si l'exemple évoqué, d'une entreprise pharmaceutique qui optimise les prix de transfert au niveau international, soulève des questions. Il faut en faire un outil de politique industrielle, notamment au-delà d'un certain niveau de dépenses ; nous le proposons dans un amendement à venir.
On peut aider les PME à employer des chercheurs – la recherche fondamentale concerne de nombreux secteurs d'activité. En revanche, s'agissant des grandes entreprises, au-delà d'un certain montant, il faut absolument conditionner ce crédit d'impôt recherche à la relocalisation d'unités de production en France et en Europe. La délocalisation de la production industrielle, qui nous a fragilisés pendant la crise du covid-19, a créé du chômage de masse depuis quarante ans dans les pays d'Europe occidentale ; il faut que nous travaillions sur ce sujet.
Je souhaite revenir sur le rôle de contrôle des parlementaires. Le 30 septembre – j'ai le courriel sous les yeux – , alors que j'avais entamé un travail dans le cadre de la mission remboursements et dégrèvement, j'ai demandé le rapport relatif au CIR qui devait nous être fourni. Je ne crois pas que nous l'ayons reçu ; j'avais pourtant pris la précaution de préciser dans ma demande que nous souhaitions en disposer en amont de l'examen du PLF, afin de pouvoir déposer des amendements.
Les auteurs du rapport devaient vérifier la bonne application du seuil de 100 millions au niveau du groupe, établir les abus éventuellement constatés dans le cadre de vérifications en matière de dépenses de personnel inclus dans l'assiette et contrôler la mise en oeuvre effective des dispositifs relatifs à la sous-traitance d'opérations. Le crédit d'impôt recherche est un bon crédit d'impôt, sous réserve qu'il n'y ait pas d'abus, d'où l'intérêt de ce rapport.
Luxfer, qui fabrique des bouteilles d'oxygène – dont il a beaucoup été question ici – , a transféré son activité au Royaume-Uni après avoir bénéficié de crédits d'impôt. Un repreneur, qui met pourtant des millions sur la table, ne peut pas racheter le site parce que Luxfer en empêche la vente. Il y a là quelque chose qui ne fonctionne pas. Je sais que le cabinet de Mme Agnès Pannier-Runacher travaille à la résolution de ce problème, mais j'ai peur que le grand groupe qui voudrait investir ne finisse par se lasser. En pleine crise sanitaire, alors qu'il est question de développer l'utilisation d'oxygène en ambulatoire, il ne faudrait pas qu'à la difficulté économique de ce site s'ajoute un problème sanitaire plus large.
L'amendement no 1905 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Jerretie, pour soutenir l'amendement no 2651 .
L'amendement déposé par M. Mohamed Laqhila, présenté également en commission, tend à subordonner le bénéfice du crédit d'impôt recherche au maintien par l'entreprise de l'activité sur le territoire national pendant au moins trois ans à compter de l'engagement des dépenses de recherche.
Cet amendement est satisfait dans son principe. Demande de retrait et à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2651 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 30 .
L'amendement de M. Patrick Hetzel vise à revenir sur l'un des éléments essentiels de l'article 8 : la suppression du mécanisme de doublement d'assiette du CIR pour les dépenses relatives aux opérations sous-traitées à des organismes de recherche publics ou assimilés. Ce dispositif de doublement participe à l'incitation au développement du lien public-privé, qui est relativement important.
En matière de recherche, nous avons beaucoup à faire. Il faut notamment utiliser tout ce qu'a prévu la loi de programmation de la recherche. Or ce dispositif ne va pas dans le sens de cette loi, votée il y a quelques semaines. La suppression du doublement de l'assiette porterait un brutal coup d'arrêt à des opérations déjà engagées, ce qui pose la question de la stabilité. On ne peut pas, tous les ans, changer des règles concernant des dispositifs d'incitation, alors que les entreprises engagent et développent des actions et des missions pour plusieurs années. Le doublement a participé à la création de liens entre les entreprises et les laboratoires publics, qui petit à petit se renforçaient. Il serait dommage de les supprimer.
Les entreprises qui utilisent le CIR se projettent dans des cycles très longs. Nous devons nous aussi nous inscrire dans des cycles de cette nature, d'où cet amendement qui revient sur la suppression du doublement, afin de soutenir les entreprises qui participent à la recherche.
L'article 8 doit sécuriser juridiquement une situation grave. Une plainte a été déposée au sujet du doublement. Nous n'allons pas mettre en danger, pour des raisons que, je crois, vous partagez, le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt innovation en prolongeant un dispositif qui permet que, dans les dépenses déclarées, la recherche publique compte deux fois plus que la recherche privée. Il nous faut réagir par rapport à une situation juridique menaçante. Avis défavorable.
Lors de ma réponse aux intervenants sur l'article, j'ai évoqué ce sujet, que la plainte concerne en partie. Il y a un véritable risque, si la Commission devait considérer le CIR comme une aide directe : toutes les entreprises l'ayant perçu devraient en rembourser les montants perçus au cours des dix dernières années, ce qui est considérable. Le dispositif que vous proposez, qui touche à la recherche déléguée à des organismes publics, représente un enjeu de 150 millions, traité par la LPR. Cet enjeu, rapporté aux 6,4 milliards pendant dix ans – même si les montants étaient moins importants les années précédentes – , ne permet pas de prendre un tel risque. La réponse à ce besoin de sécurisation juridique se trouve dans la LPR. Demande de retrait, ou à défaut avis défavorable.
L'amendement no 30 n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1276 , 957 rectifié , 1224 rectifié et 2025 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 957 rectifié , 1224 rectifié et 2025 sont identiques.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1276 .
Il s'agit d'un amendement de M. Éric Woerth, président de la commission des finances. La fragilisation du crédit impôt innovation vient du fait que, dans l'article 7 du projet de loi de finances pour 2020, vous avez limité les dépenses fiscales à 2021 ou 2022 ; nous avons eu de grands débats à ce sujet lors de l'examen de ce texte.
Depuis le début de l'examen du PLF pour 2021, monsieur le rapporteur général, vous affirmez vouloir de la stabilité. Mais, l'an dernier, vous avez fragilisé le dispositif en modifiant ses paramètres. L'article 29 de la loi de finances pour 2020 a ainsi prévu le bornage dans le temps du crédit d'impôt innovation, qui est une composante du CIR. Ce crédit d'impôt innovation est réservé aux petites et moyennes entreprises : il ne couvre d'ailleurs que 20 % de leurs dépenses de conception de prototypes ou d'installations pilotes de produits nouveaux. Venez donc voir par vous-même dans les territoires ! J'ai rencontré des personnes dont les entreprises bénéficient du crédit d'impôt innovation.
La crise sanitaire et économique remet directement en cause le bien-fondé de l'échéance fixée à la fin de l'année 2022. La fragilisation de ce crédit d'impôt est d'autant moins opportune que le bénéfice du CIR est actuellement – et c'est logique – concentré sur les plus grandes entreprises. En effet, les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire ont reçu 4,3 des 6,6 milliards d'euros du produit du CIR – soit 65 % du total. Les autres se sont partagé le reste, soit 2,3 milliards d'euros.
L'amendement vise également à ce que les dépenses des entreprises industrielles du secteur du textile, de l'habillement et du cuir liées à l'élaboration de nouvelles collections demeurent éligibles au CIR. De fait, ce secteur a connu des difficultés.
Il semble vain de chercher à modifier chaque année, même de façon marginale, les paramètres du CIR, car la stabilité des dispositifs éprouvés contribue à leur efficacité.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 957 rectifié .
Il va dans le même sens que celui que vient de présenter Marie-Christine Dalloz et vise à soutenir le crédit d'impôt innovation en faisant en sorte qu'il ne soit pas limité dans le temps. Il est vrai que le bornage a été arrêté l'an dernier, mais j'estime que la situation a changé. Les entreprises doivent pouvoir se projeter dans le temps, tout comme elles ont besoin de lisibilité, de prévisibilité. Elles doivent disposer de tous les éléments pour prévoir leur développement en engageant des projets innovants.
Si le bornage a été instauré, c'était dans le but d'évaluer, à un moment déterminé, la pertinence et l'efficacité d'une mesure fiscale. Mais on peut procéder à l'évaluation sans imposer une date d'extinction. L'an dernier, nous étions d'ailleurs revenus sur le bornage du CIFAM – crédit d'impôt famille. Ce bornage avait été inscrit par le Gouvernement dans le PLF pour l'année 2020, mais il avait été abandonné, grâce à l'adoption de l'amendement d'un de nos collègues, au profit de la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement. Nous pourrions donc faire de même en ce qui concerne le crédit d'impôt innovation.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1224 rectifié .
Si nous avons attiré les laboratoires d'IBM sur la Côte d'Azur – et nous pourrions citer de nombreux autres exemples de ce type – , c'est parce que nous disposions du CIR. Tout le monde dit, M. le rapporteur général en tête, qu'il convient d'assurer la stabilité de ce dispositif. Il est vrai que nous l'avons borné à la fin 2022, ce qui constitue un inconvénient.
Les présents amendements visent à revenir sur cette échéance. On nous opposera certainement que, lorsque nous avons discuté des dépenses fiscales l'an dernier, nous avions fixé un bornage de trois ans. Certes, mais les règles ne doivent être maintenues que quand elles sont utiles.
Dans le cas du crédit d'impôt recherche, j'estime que cette borne de trois ans est dangereuse, …
… car les laboratoires que nous souhaitons attirer n'envisageront pas de s'installer chez nous pour une durée aussi courte. Mieux vaudrait pérenniser ce dispositif et prévoir son évaluation tous les deux, trois, ou quatre ans, voire tous les ans si c'est possible. Ce serait un bon moyen de stabiliser le dispositif et de renforcer l'attractivité de notre pays.
L'amendement no 2025 de M. Mohamed Laqhila est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Je commencerai par apporter une précision : le bornage ne concerne pas le crédit d'impôt recherche.
Il faut que nous soyons clairs sur ce point, car la présentation de vos amendements a parfois pu laisser entendre le contraire. Le bornage ne concerne que le crédit d'impôt innovation et l'éligibilité de la filière textile-habillement-cuir au crédit d'impôt recherche.
Par ailleurs, n'ayons pas la mémoire courte ! Nous avons voté ce bornage à l'unanimité lorsque notre collègue Jolivet nous l'a suggéré, par le biais d'une proposition de résolution publiée à l'occasion du printemps de l'évaluation 2019. Nous étions alors tous d'accord sur ses vertus : nous nous donnerions le temps de mieux évaluer et – disons-le clairement – nous nous appliquerions une pression collective pour évaluer plus vite l'efficacité de la dépense fiscale.
Pourquoi avoir sélectionné le CII et cette fraction du crédit d'impôt recherche ? Car ils sont soumis aux règlements européens en matière d'aides d'État et, ceux-ci arrivant à échéance à la fin de l'année 2022, nous avons arrêté le même calendrier. Cet effet miroir était judicieux. Il convient donc de conserver ce bornage.
Son maintien ne crée aucune pression sur ceux qui souhaitent investir dans la recherche et le développement.
Il ne s'agit absolument pas d'une « sunset clause », d'un dispositif appelé à disparaître ; nous fixons un bornage pour nous obliger à mieux l'évaluer. N'en doutons pas, nous prorogerons le dispositif, car nous y tenons beaucoup. Mais, à la lumière de l'évaluation, il est possible que la prorogation s'effectue selon des critères différents. Cela me paraît constituer une bonne pratique d'évaluation et de décision publique. J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le rapporteur général a raison de rappeler que le bornage ne fragilise pas le CIR.
Il s'agit d'une précision utile pour celles et ceux qui participent à nos débats ou qui les écoutent. Nous avons eu de longs débats sur le bornage lors de l'examen du PLF précédent et le Gouvernement est convaincu, comme cela a été dit, qu'il s'agit d'un bon outil pour nous obliger à l'évaluer. « Borner » ne signifie pas « arrêter » ou « remettre en cause ». Il s'agit simplement de nous obliger à évaluer collectivement des dispositifs d'ampleur. Voilà pourquoi mon avis est également défavorable.
Le bornage ne peut pas être apprécié de la même manière pour tous les crédits d'impôt. En l'espèce, il s'agit d'un crédit d'impôt particulier, car il concerne des entreprises engagées sur de très longs cycles. Comment peut-on donc imaginer qu'une entreprise lance un programme de recherche, si elle sait qu'au 31 décembre 2022 tout va probablement s'arrêter ?
Pour un tel secteur d'activité, le bornage n'est pas du tout adapté, ou alors il faudrait que l'échéance soit si éloignée qu'elle en deviendrait inopérante. En tant que parlementaires, j'estime que nous devrions avoir le courage de procéder à des évaluations sur certains dispositifs sans leur imposer de semblables bornages.
Quoi qu'il en soit, vous compromettez un certain nombre de programmes de recherche que les entreprises renonceront à engager.
Chers collègues, point de dogmatisme ! Pourquoi avions-nous fixé la règle des trois ans de bornage ? Pour nous obliger à nous poser la question de l'efficacité des dispositifs. Mais, pour ce qui concerne le CIR, si la règle est contreproductive, supprimons-la et rendons le dispositif permanent, et ce dans l'intérêt de notre pays. Cela ne nous empêchera pas de procéder à des évaluations à la périodicité souhaitée. Soyons pragmatiques ; l'échéance des trois années n'est pas un dogme.
L'amendement no 1276 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 957 rectifié , 1224 rectifié et 2025 ne sont pas adoptés.
Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de dix minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Benoit Potterie, pour soutenir l'amendement no 2366 .
Cet amendement vise à rendre éligible au crédit d'impôt les investissements que les entreprises effectuent pour respecter les normes ou les exigences que leur imposent leurs clients ou leurs fournisseurs.
L'amendement no 2366 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 1407 .
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Écologie démocratie solidarité d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le crédit d'impôt recherche, ce sont tout de même 6,5 milliards d'euros d'argent public qui servent à subventionner l'emploi de chercheurs.
Pour faire suite à ce que nous avons détaillé tout à l'heure, nous estimons que, si toutes les entreprises utilisent le CIR, PME et grandes entreprises, ce sont ces dernières qui reçoivent – c'est logique – la plus grande part de ces financements. Parmi elles, il y a beaucoup de multinationales. Le problème, c'est que si grâce au CIR nous avons en France des emplois de chercheurs, nos outils industriels se sont malgré tout délocalisés depuis des années, créant du chômage de masse et fragilisant notre souveraineté industrielle. Nous l'avons vu pendant la crise sanitaire dans le domaine de la pharmacie, mais d'autres secteurs sont concernés.
Nous croyons que la France et l'Europe doivent se réarmer sur le plan industriel…
… et le CIR pourrait à notre sens servir d'incitation à la relocalisation. Nous proposons donc que, lorsque la dépense éligible au CIR est supérieure à 1 million d'euros, la déclaration de CIR fasse l'objet d'un agrément, qui serait accordé si l'entreprise s'engage à relocaliser des unités de production industrielles en France ou en Europe.
L'argument de la complexité nous a été opposé en commission. Je rappelle qu'il existe déjà des demandes de rescrit préalables à la déclaration de CIR ; il suffirait dès lors de les adapter. Je ne vois là aucune complexité.
Par ailleurs, les rescrits sont délivrés depuis trente ans par un service du ministère de la recherche ; notre amendement vise aussi à rendre notre procédure plus objective et plus transparente qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
Je ne reprends pas tout ce que j'ai déjà indiqué à propos du CIR.
La relocalisation des emplois, notamment industriels, ne passe pas par la fixation de conditions pour le bénéfice de tel dispositif ou avantage fiscal ; telle est ma conviction. Il est vain de demander, en échange d'un crédit d'impôt ou d'une subvention, la relocalisation de tel ou tel volume d'emplois.
Certains ont essayé de le faire, et cela n'a pas fonctionné.
Nous devons assumer très clairement que la meilleure façon de relocaliser l'emploi dans notre pays est de créer les conditions fiscales favorisant la relocalisation des activités industrielles dans une économie ouverte. C'est précisément ce que nous faisons en baissant les impôts de production.
Je fais totalement mienne la finalité que vous avez évoquée, madame Cariou, mais cela ne doit surtout pas déboucher sur une conditionnalité du CIR, laquelle nuirait à son efficacité sans faire revenir d'emplois de production en France. Pour notre part, nous entendons rendre le CIR compatible avec la baisse des impôts de production. C'est certes coûteux pour les finances publiques, mais il y a bien plus de chances que cela ait un effet positif en matière de relocalisation de la production dans notre pays.
Mon avis est donc défavorable.
Le présent débat est un avant-goût de ceux que nous aurons à propos d'autres amendements demandant une conditionnalité ou la fixation de contreparties. En la matière, le Gouvernement partage totalement l'avis de M. le rapporteur général, ce qui n'est une surprise pour personne. Je donne donc, pour les mêmes raisons, un avis défavorable à l'amendement et à la solution proposée.
Je soutiens fortement l'amendement. Pour se développer, les entreprises, particulièrement les grands groupes aéronautiques, automobiles ou pharmaceutiques, n'ont pas d'autre choix que de faire de la recherche et d'innover. L'incitation fiscale est peut-être davantage conçue pour que les entreprises implantent en France leurs services de R& D, mais il est nécessaire, en l'absence de plafonnement de cette incitation, d'établir un lien entre recherche et production : la recherche que nous favorisons doit être au service d'une production en France. Pour ma part, je suis preneur de toutes les dispositions qui vont dans ce sens.
Je suis heureuse de constater que le ministre délégué a un avis identique à celui du rapporteur général. Au demeurant, le rapporteur général est toujours du même avis que le Gouvernement. Ainsi, l'unité est parfaite, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C'est précisément pour cette raison que nous ne parvenons plus à amender aucun projet de loi. Mais peu importe…
Je constate que vous avez développé, au fil des projets de loi, une vision centrée uniquement sur l'économique, ce qui revient à abandonner totalement le politique. En d'autres termes, vous estimez que le politique n'a plus aucun rôle à jouer, qu'il n'est plus possible d'inciter à quoi que ce soit en France ou en Europe.
C'est d'autant plus étrange que cela semble contradictoire avec l'action européenne du Président de la République. Au niveau européen, certains pays développent une vision plutôt volontariste, notamment la France, qui est très à l'offensive. En franco-français, en revanche, vous abdiquez complètement le rôle du politique. Vous laissez faire le marché, vous dérégulez au maximum – en supprimant toutes les certifications comptables, en allégeant la réglementation des marchés publics, en baissant l'ensemble des contributions – et vous dites que tout va bien se passer, que les choses vont se faire naturellement. Je ne pense pas que tel sera le cas, monsieur le rapporteur général. En effet, à l'autre bout du monde, les gens travaillent pour des salaires très faibles ; on ne paie pas les salariés, quand on ne recourt pas au travail forcé. Il est évident que la France ne sera jamais compétitive par rapport à ces pays.
M. Aurélien Taché et M. François Ruffin applaudissent.
La France doit développer une véritable stratégie industrielle, comme elle a su le faire à certaines périodes, dans les années 1950 ou 1960. Si vous ne vous engagez pas dans cette voie, si vous continuez à déréguler et à laisser les industries partir à l'autre bout du monde – notre pays a subi plusieurs vagues de délocalisations, mais celle des vingt dernières années a été massive – , vous laisserez monter les populismes et, je l'ai dit, je pense sincèrement que nous allons au-devant d'un grave problème en 2022.
L'amendement porte sur le segment des multinationales. Les camarades qui siègent plus à gauche que moi ont déposé, concernant le CIR, des amendements beaucoup plus offensifs. Telle n'est pas ma proposition : laissons les ETI et les PME recourir au CIR sans aucune condition ; en revanche, fixons un certain nombre de limites pour les multinationales. C'est la seule chance que nous avons de faire en sorte qu'elles s'obligent à recréer des outils industriels en France et en Europe. Il n'est plus possible aujourd'hui de déverser de l'argent public sans imposer aucune limite.
Applaudissements sur les bancs des groupes EDS, FI et GDR.
J'attends que les députés de la majorité rejoignent leur place dans l'hémicycle et soient ainsi en mesure de s'opposer à l'amendement de Mme Cariou, …
… qui me paraît pourtant nécessaire. Sur les milliards que nous déversons, plusieurs centaines de millions vont aux grands groupes. L'amendement consiste à leur imposer une condition : produire sur le territoire français.
Je souhaite évoquer un cas concret, au sujet duquel j'ai adressé une question écrite au ministre de l'économie et des finances en février dernier. Je n'ai d'ailleurs toujours pas reçu de réponse.
L'usine Valeo d'Amiens bénéficie du CIR, et c'est bien normal, puisqu'elle dispose d'un centre de recherche et développement. Celui-ci a déposé 165 brevets en 2018, ce qui est considérable. Il a mis au point un système de clutch assistance, mais celui-ci est fabriqué en Corée. Il a mis au point un pendule, mais celui-ci est fabriqué à Mondovi, en Italie. Il a mis au point un volant flexible et plusieurs nouveaux embrayages, mais ceux-ci sont fabriqués à Bursa, en Turquie. Pour sa part, le site d'Amiens produit pour l'essentiel des embrayages vieillissants, si l'on excepte un projet de self adjusting technology.
Autrement dit, on finance le centre de recherche et développement de Valeo grâce au CIR, mais les productions qui découlent de ses recherches sont envoyées à l'autre bout du monde. Dès lors, l'avenir du site d'Amiens n'est pas assuré. La décision a d'ailleurs été prise d'y supprimer une centaine d'emplois de structure, jugés surnuméraires.
Il faut donc imposer une condition : si l'on favorise la recherche en France, c'est pour que la production se fasse en France. À Amiens, seule une rue sépare le site de production du centre de recherche et développement. Pourtant, la production de ce qui est inventé dans ce centre est envoyée à l'autre bout du monde.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 26
Contre 80
L'amendement no 1407 n'est pas adopté.
Rappels au règlement
Je le formule sur le fondement des articles 48 et 49 du règlement, relatifs à la fixation de l'ordre du jour et à l'organisation de la discussion des textes.
Je demande au président de l'Assemblée nationale de convoquer une réunion de la conférence des présidents, afin que nous interrompions nos travaux. Nous venons d'apprendre par les médias qu'un décret instaurant l'état d'urgence sanitaire aurait été pris, ce matin ou cet après-midi, avant les annonces que le Président de la République s'apprête à faire ce soir. À quoi servons-nous donc, nous, députés de la nation ?
À quoi les sénateurs servent-ils ? Ceux-ci ont interrompu leurs travaux. Nous sommes là à attendre avec le nez qui goutte, comme on dit dans le Nord, pour savoir à quelle sauce les Français seront mangés.
Je le répète, à quoi servons-nous ? Les députés et sénateurs vont donc apprendre, comme tous les Français, ce que le Président de la République a décidé.
Celui-ci a décidé, tout seul, de prendre un décret renforçant l'état d'urgence.
C'est la démocratie qui est en jeu. Je formule ce rappel au règlement afin que nous ayons un débat à ce sujet au sein de l'Assemblée nationale, au Parlement. S'il est sans doute important et urgent de renforcer l'état d'urgence et de décréter un couvre-feu, cela ne peut se faire en catimini, comme c'est le cas en ce moment.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EDS.
J'ai bien noté votre rappel au règlement. La décision de convoquer la conférence des présidents appartient au président de l'Assemblée nationale, et à lui seul.
La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au règlement.
J'appuie la demande qui vient d'être formulée. Nous avons le sentiment qu'il y a un certain décalage : nous examinons le budget, et c'est bien normal, …
… mais l'ordre du jour ne prévoit pas le moindre débat à propos des mesures qui seraient nécessaires, de ce qui se passe dans les cafés et les restaurants,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
des dispositions relatives aux masques, de la situation dans les hôpitaux. Je m'étonne que l'on n'y consacre pas un, deux ou trois jours de débat, et qu'un homme seul prenne des décisions à l'Élysée,
Mêmes mouvements
sans même avoir consulté le conseil scientifique. Cela ne me semble pas la marque d'une grande démocratie.
M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.
Article 8
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1839 .
Nous faisons une proposition de bon sens : lorsque l'on donne des millions ou des centaines de millions au titre du CIR, il faut que cela se traduise par de la recherche, non par la suppression de la recherche. Prenons des cas bien connus : Nokia a reçu 273 millions au titre du CIR et a supprimé 1 233 postes, dont 83 % relevaient de la recherche et développement ; en dix ans, Sanofi a licencié un tiers de ses chercheurs – 4 000 dans le monde, 2 000 en France – pendant que l'État lui filait tranquillement des crédits d'impôt recherche.
En 2015, un jeune ministre de l'économie, Emmanuel Macron, …
… avait été interrogé en ces termes par Élise Lucet, pour l'émission Cash Investigation : « Vous versez des crédits impôt recherche à Sanofi. En 2013, par exemple, c'est 125 millions d'euros, et c'est le minimum, chaque année, qui a été versé à l'entreprise. C'est-à-dire qu'il y a un crédit d'impôt recherche qui est versé par l'État à une entreprise qui est un fleuron de l'industrie française et qui supprime des postes où ? Dans la recherche. Alors, ça, franchement, c'est assez incompréhensible. »
Je dois dire que, pour la totalité des Français, hormis le Gouvernement et, sans doute, le rapporteur général, il paraît complètement incompréhensible que, pendant des années, on ait donné des millions au titre du CIR à des entreprises qui, continuellement, ont massacré leur propre recherche.
Monsieur Ruffin, nous avons un objectif commun : maintenir en France les emplois de recherche et développement et y relocaliser la production industrielle. Toutefois, il y a deux manières de procéder. Si nous conditionnons le bénéfice du CIR, nous courons le risque de perdre les emplois de recherche et développement sans faire revenir la production. Si nous maintenons le CIR en baissant les impôts de production, nous conserverons nos emplois d'ingénieurs et de chercheurs et nous ferons revenir les emplois de production industrielle.
Ce sont là deux conceptions et deux chemins totalement différents pour atteindre le même objectif. Certains ont essayé d'emprunter le premier, et cela n'a pas fonctionné. En revanche, avec une fiscalité à peu près cohérente avec celle de nos voisins, il y a des chances que les entreprises reviennent produire dans notre pays. Nous n'avons pas la même vision des choses, mais accordez-nous le bénéfice du doute à l'occasion de ce plan de relance.
Madame Cariou, on ne fait pas reculer le politique quand on prend des décisions telles que la baisse des impôts de production.
Vous confondez le politique et la réglementation. Vous confondez le politique et la coercition. Vous confondez le politique et l'économie administrée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Là non plus, nous n'avons pas la même vision des choses. Le politique, c'est assumer que, dans une économie ouverte, qui exporte –
Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EDS
au demeurant, la balance commerciale de la France est fortement déficitaire et depuis trop longtemps – , il est temps de nous mettre à niveau pour faire revenir les entreprises.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Nous avons fait un choix de compétitivité, en soutenant l'industrie et la création d'emplois. Il a donné des résultats : la France est devenue le deuxième pays d'Europe, puis le premier, pour l'accueil des investissements directs étrangers. Nous maintenons et confortons cette ligne politique, notamment du point de vue fiscal. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement.
Peut-être Mme Cariou va-t-elle de nouveau s'étonner que M. le rapporteur général et moi-même soyons d'accord – sachant que la majorité est elle aussi d'accord avec nous. Pourtant, c'est l'inverse qui serait étonnant. Il arrive que nous ayons des points de désaccord, mais ce n'est le cas le plus fréquent, de même que les poissons volants ne sont pas la majorité des poissons.
Mme Cendra Motin applaudit.
Sourires.
Vous n'exigez rien ! Plus ces multinationales nous maltraitent, plus nous leur faisons des cadeaux ; plus elles licencient leurs chercheurs, plus vous leur servez des baisses d'impôt et plus vous leur faites des câlins.
Cette manière de se comporter signe un retrait du politique. Je ne souhaite évidemment pas une économie administrée…
Pendant des décennies, existaient dans ce pays et dans les pays européens une multiplicité d'instruments de régulation de l'économie, qu'il s'agisse de taxes aux frontières pour les importations ou de coefficients multiplicateurs applicables à la grande distribution. Vous supprimez ces régulations – vous n'êtes pas les premiers, cela fait trente ans que ça dure – et, en agissant ainsi, vous libérez Frankenstein, vous libérez le monstre !
Car les multinationales sont des monstres qui peuvent mettre la société à genoux. Regardez Bridgestone : ils ont engrangé des centaines de millions d'euros d'aides, ont décidé la suppression de 863 emplois, à la suite de quoi, la première chose que l'on imagine de faire, c'est de leur filer davantage d'argent encore pour qu'ils ne partent pas : on se met à genoux devant eux !
Monsieur Saint-Martin, je n'ai jamais été une tenante de l'économie administrée ! Nous parlons de régulation, pas d'économie administrée. Continuons sans rien changer, mais vous irez expliquer aux Français les raisons des prochaines pénuries de matériel de santé ou de médicaments.
Vous leur direz que c'est parce Sanofi les fait fabriquer au fin fond du Brésil ou en Chine et que, quand l'usine ferme, la fabrication s'arrête. Demandez aux personnels des services de réanimation comment ils ont dû gérer la pénurie de médicaments pendant la crise et comment les hôpitaux, doivent, depuis des années, gérer la pénurie de médicaments destinés à d'autres pathologies.
M. François Ruffin applaudit.
Sans régulation, il y aura des pénuries, et pas uniquement dans l'industrie pharmaceutique, mais dans les télécoms, les satellites ou que sais-je…
Une vraie ministre de l'industrie devrait réaliser, secteur par secteur, des audits permettant de recenser nos fragilités stratégiques industrielles.
Cet amendement a le mérite de poser la question de la conditionnalité des aides publiques, à un moment où, plus que jamais, nous devons maîtriser la dépense publique. Cela étant, je ne suis pas tout à fait d'accord sur l'idée qu'il y aurait un lien direct entre conditionnalité du crédit d'impôt recherche et relocalisation industrielle. Votre proposition constitue un pari hasardeux.
En revanche, le recours à des outils comme le rétablissement des droits de douane européens devrait avoir un effet radical en nous permettant de reprendre le contrôle de nos marchés.
Il suffit de prendre l'exemple du silicium produit massivement par les Chinois, dans des usines à charbon qui bénéficient évidemment d'aides publiques. Grâce à des droits de douane importants, les États-Unis ont réussi à préserver leur production. Pas l'Union européenne, qui ne peut pas, compte tenu de ses normes de production, faire face à la concurrence chinoise.
La réindustrialisation passe certes par la baisse des impôts de production, mais aussi par la protection du marché européen face à une concurrence mondiale totalement déloyale, notamment celle des Chinois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 1839 n'est pas adopté.
Nous ne sommes absolument pas contre le soutien à la recherche et au développement, et nous nous félicitons que l'État soutienne la recherche dans l'aéronautique ou l'automobile, ou bien qu'il investisse dans des domaines comme l'hydrogène ou le quantique. En revanche, différents rapports ont montré que l'argent du crédit impôt recherche versé aux grands groupes risquait souvent la dilution.
Vous parliez tout à l'heure de la nécessité de lutter contre les abus. C'est l'objet de cet amendement qui propose d'imposer aux entreprises bénéficiaires du crédit impôt recherche une pénalité équivalente au montant du crédit perçu, majoré de 10 %, si jamais elles licencient, comme l'a fait Nokia, qui a supprimé 831 postes sur un site et 402 sur un autre, après avoir touché 273 millions d'euros.
Comment pouvez-vous penser qu'en baissant les impôts de production ou en déversant des milliards de crédit impôt recherche, de crédit d'impôt innovation, de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – Dieu sait qu'en la matière vous avez de l'imagination – , vous rendrez notre industrie compétitive par rapport à l'industrie chinoise ! Jamais !
Il ne s'agit pas de faire davantage de cadeaux aux entreprises mais de les protéger par des taxes aux frontières, des quotas d'importations ou d'autres mesures utilisées par le passé.
L'amendement no 1840 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1842 .
Monsieur le rapporteur, je vais vous satisfaire. Il y a un instant, vous avez déclaré qu'il était scandaleux que Sanofi ait envisagé de mettre son vaccin contre la covid-19 à disposition des États-Unis avant la France.
Notre amendement propose qu'une entreprise dont les activités de recherche sont soutenues par l'État, à coup de centaines de millions d'euros, ait l'obligation de fournir d'abord le marché national, a fortiori dans le cas d'un produit stratégique comme le médicament. À défaut d'une telle mesure, il serait vain de s'indigner, comme vous le faites, des pratiques des multinationales.
Avis défavorable.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
L'amendement no 1842 n'est pas adopté.
Certaines petites entreprises ont engagé des travaux de recherche parce qu'elles pensaient pouvoir bénéficier du CIR, mais se retrouvent en liquidation quatre ou cinq ans plus tard parce qu'elles n'ont pas obtenu les sommes qu'elles espéraient. Une procédure existe actuellement – le contrôle sur demande – mais elle est très peu employée, parce qu'elle n'engage pas l'administration fiscale.
L'amendement no 659 propose donc que le contrôle sur demande réclamé par les plus petites entreprises engage l'administration fiscale.
L'amendement no 658 demande, quant à lui, un rapport sur l'activité du comité consultatif du crédit impôt recherche, créé par l'article 46 de la loi de finances rectificative pour 2015.
Le rescrit au crédit impôt recherche, s'il n'emporte pas de validation comptable, permet de valider la nature des dépenses éligible au crédit d'impôt recherche ou au crédit impôt innovation.
Quant à votre proposition, monsieur Ruffin, le problème est qu'elle vise toutes les entreprises, alors que vous ciblez Sanofi – qui s'est d'ailleurs rétractée après les réactions scandalisées qu'a suscitées la sortie de son président. Or certaines PME ont besoin d'exporter, c'est même le coeur de leur modèle économique.
J'ai donc émis un avis défavorable, parce que, comme malheureusement trop souvent, vous proposez, en réponse à une préoccupation légitime, des solutions trop générales. En l'occurrence, la balance commerciale française est déficitaire et c'est aussi pour cette raison que notre solde public est aussi détérioré.
La procédure de rescrit évoquée par le rapporteur est prévue par le 3o de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Cela satisfait donc l'amendement no 659 .
La communication des résultats statistiques que vous appelez ensuite de vos voeux et qui sont préparés par le comité consultatif du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche est possible mais, pour ne pas multiplier les rapports au Parlement, nous proposons de détailler ces chiffres dans le document de politique transversale relatif à la lutte contre l'évasion fiscale et la fraude aux impositions, ce qui permettrait de concentrer les données sur un seul et même support.
C'est donc une demande de retrait pour les deux amendements.
Monsieur le rapporteur général, je me demande si vous avez lu notre amendement, qui précise bien que « les entreprises ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche qu'à la condition que leur production utile dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire du covid-19 soit réservée en priorité au marché français ». Je note donc que vous ne faites rien pour empêcher des choses dont vous dites pourtant qu'elles vous scandalisent.
J'entends que vous refusiez de conditionner les aides au fait de produire en France, au fait que cela puisse être utile à la lutte contre le covid-19 ou au fait que le maintien du nombre de chercheurs soit maintenu, mais vous ne proposez rien, à part le fait que l'on continue à déverser des milliards sans aucun contrôle.
Les dossiers de demande de crédit impôt recherche sont très complexes et souvent, ils enclenchent des contrôles fiscaux. C'est compréhensible et cela ne me choque pas, mais il faut le savoir.
Le problème du rescrit est que la réponse est souvent très tardive, ce qui n'est pas sécurisant. Je trouve donc que l'amendement no 659 , qui ne vise pas les multinationales mais les petites entreprises, va dans le bon sens. C'est un sujet sur lequel il faut aider les petites entreprises, qui ont besoin de sécurité juridique et fiscale.
Nous retirons nos amendements, mais nous tenons à avoir le rapport sur le crédit d'impôt promis le 30 septembre.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1305 .
Je ne donnerai que les grandes lignes de cet amendement, déposé à l'initiative de mon collègue et actuel président de séance Marc Le Fur.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre délégué, vous avez plusieurs fois fait état de la pratique du rescrit pour le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt innovation. La difficulté, pour le Parlement, est qu'il a peu de regard sur le nombre de rescrits déposés et accordés, sur les montants moyens accordés par entreprise et, surtout, sur l'autorité qui instruit ou rejette les demandes de rescrits : est-ce le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ou la direction générale des finances publiques ?
Tous ces éléments seraient de nature à éclairer l'approche du Parlement. C'est donc un excellent amendement, que je soutiens avec conviction.
Comme je déjà dit, je ne suis pas très friand des demandes de rapport. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Ceci dit, j'entends votre préoccupation, et – comme je m'y suis engagé pour le crédit d'impôt recherche – j'essaierai d'inclure, dans les travaux de contrôle prévus pour le premier trimestre 2021, une partie sur le rescrit ; elle devrait nous permettre, peut-être à l'aide d'un sondage, d'estimer comment celui-ci est perçu par les entreprises. Il me semble d'ores et déjà que c'est un bon outil, et qu'il est utilisé assez fréquemment.
Mais attention : souvent, les entreprises se plaignent d'être mises en redressement fiscal après un contrôle. C'est parce que le rescrit ne valide pas le montant des dépenses ; …
… il en valide la nature, le périmètre, et cela constitue déjà une sécurité.
Il me semble compliqué de rendre publiques toutes les demandes de rescrits, d'abord parce que toutes ne sont pas accordées, et parce que leur publication nécessiterait un important travail d'anonymisation des données.
En revanche, nous gardons une trace de tous les rescrits accordés ; chaque fois que l'un d'eux fait jurisprudence ou qu'il contient une précision de doctrine, nous le rendons public dans le Bulletin officiel, après l'avoir anonymisé pour protéger les données de l'entreprise ou du particulier concerné. Qu'il y ait un travail de publicité à faire pour augmenter le recours aux rescrits, c'est une évidence, mais le travail de transparence sur les principes validés par rescrit est réel, et nous continuerons à l'approfondir.
L'amendement no 1305 n'est pas adopté.
Il s'agit d'une demande de rapport qui conclut la série d'amendements déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour réformer le crédit d'impôt recherche.
La recherche peut se faire pour le meilleur comme pour le pire ; elle n'est pas vertueuse par définition. Le crédit d'impôt recherche finance des recherches tout à fait utiles, comme la recherche médicale ou la recherche visant à améliorer les performances environnementales de la production économique, mais elle peut aussi servir à objets néfastes ; je pense ici au crédit d'impôt recherche qui a financé l'amélioration de l'intelligence artificielle et des algorithmes conçus pour accélérer les calculs sur les marchés financiers, augmentant de ce fait leur volatilité, leur instabilité et leur fragilité, à rebours de l'intérêt général.
Un rapport permettant de cerner précisément ce que finance le crédit d'impôt recherche et d'en distinguer les éléments positifs et négatifs permettrait peut-être de le resserrer, à l'avenir, sur la recherche la plus socialement utile.
Avis défavorable. Il y a déjà beaucoup de rapports sur le sujet, et il faudra probablement attendre celui du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, lequel sera publié bientôt, avant de songer à faire évoluer le dispositif.
Je vous renvoie encore une fois aux travaux que j'ai prévus pour le premier trimestre 2021 en tant que rapporteur général, et qui porteront sur plusieurs dépenses fiscales, dont celles liées à la recherche et à l'innovation.
Défavorable.
Je souscris à l'amendement de mon collègue Peu, qui est un amendement de bon sens.
Je parlais tout à l'heure d'Élise, qui a pour mission de vendre du crédit d'impôt recherche. Elle le vend dans toutes les boutiques : celles qui font de l'informatique, qui font de la banque, qui font de la finance… Partout où elle passe, elle vend du crédit d'impôt recherche. Je lui ai demandé – pour répondre à M. Mattei, qui évoquait à l'instant l'ampleur du contrôle fiscal – : « Mais les inspecteurs des impôts ont bien dû vous coincer ? » Elle m'a répondu : « Non, jamais. Le contrôle se fait à deux niveaux : fiscal, d'abord ; sur le plan formel et administratif, on respecte scrupuleusement la procédure. Mais en théorie, le contrôle est aussi scientifique, et là, le fisc, on les enfume.
« Il leur faudrait des agents qui soient les deux en un, mais l'État n'a pas les moyens de se payer les enfoirés comme nous. On arrive à endormir les contrôleurs en leur fabriquant des fantômes ; cela demande un tel travail d'investigation qu'ils n'en ont pas les moyens. Et ils n'y sont pas encouragés : il y a une volonté politique de fermer les yeux. »
D'après un rapport de la Cour des comptes, un tiers du CIR part dans les sociétés de services – les banques, les assurances, etc. C'est plus que dans l'industrie pharmaceutique. Dire que l'on doit consacrer le crédit d'impôt recherche à de la recherche non pas en finance, mais en pharmacie, c'est le b. a. -ba du bon sens.
Ce n'est pas la finance qui est concernée, ce sont les services dans le secteur du numérique, et d'autres. J'ai les chiffres.
L'amendement no 1906 n'est pas adopté.
L'article 8, amendé, est adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques portant article additionnel après l'article 8, nos 2813, 1412 et 1974.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2813 de la commission.
Il vise à exonérer les propriétaires immobiliers de la contribution de sécurité immobilière lors de la publication du contrat d'obligation réelle environnementale.
La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l'amendement no 1412 .
Nous reprenons l'utile proposition de nos collègues de la majorité qui prévoit, en faveur des propriétaires immobiliers contractant une obligation réelle environnementale, une exonération de la contribution de sécurité immobilière telle que prévue à l'article 879 du code général des impôts lors de la publication du contrat ORE au fichier immobilier.
Les obligations réelles environnementales sont de vrais outils : tout propriétaire d'un bien immobilier peut attacher à son bien une protection environnementale. La convergence pour la transition écologique nous pousse au pragmatisme, et nous nous allions avec la majorité sur ce point.
Nombre de mesures proposées par le groupe Écologie démocratie solidarité sur le projet de loi de finances pour 2021 permettraient de financer cette exonération, par exemple le relèvement de la quote-part des frais à charge dans la niche Copé, ou encore l'extension de l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière, à d'autres biens non productifs économiquement.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement no 1974 .
J'ai présenté l'amendement en commission des finances, et je remercie ses membres de l'avoir adopté.
La loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages permet aux propriétaires privés de recourir au dispositif d'obligation réelle environnementale en créant des contraintes exorbitantes du droit commun, c'est-à-dire supérieures. Ces contraintes font l'objet d'une inscription aux hypothèques ; les propriétaires doivent alors payer des droits d'enregistrement – ce que l'on appelle désormais la contribution de sécurité immobilière – car le dispositif est considéré comme une servitude d'intérêt général. Il s'agit de les exonérer de ce paiement.
L'une des mesures phares de ce budget est la baisse des impôts de production, dont nous avons longuement parlé en discussion générale. Cette politique, outre qu'elle est quasi-exclusivement financée par la dette, semble décalée par rapport à l'urgence de la crise. Nous avons donc fait plusieurs propositions de nouvelles recettes pour financer l'urgence sociale et pour relancer la consommation afin de remplir le carnet de commandes des petites et moyennes entreprises.
Les amendements proposant la suppression de la flat tax sont un marronnier, et nous connaissons déjà leur sort. Mais si vous persistez à maintenir cette disposition, je vous propose au moins de l'amender. En effet, le taux d'imposition sur les revenus du capital est actuellement de 12,8 % grâce à la flat tax, contre 14 % pour les revenus du travail. Il y a là quelque chose d'indécent. Il n'y aurait rien de choquant à relever un peu ce taux et à prendre de nouvelles mesures en faveur d'une relance par la consommation.
Nous demandons la suppression du prélèvement forfaitaire unique. Je le reconnais, c'est notre marronnier depuis sa création, mais rappelons qu'il a été créé pour favoriser l'investissement – c'est en tout cas l'argument utilisé à l'époque pour le défendre. Or le dernier rapport de France Stratégie montre qu'il a un caractère peu incitatif pour l'investissement : le montant des dividendes versés a augmenté de 36 %, alors que les profits des entreprises sont quasiment nuls. Non seulement cet impôt génère des inégalités et une baisse de recettes pour l'État, mais il n'atteint pas les résultats pour lesquels il a été créé.
Il va dans le même sens que les deux précédents. Depuis 2017, beaucoup d'allégements d'impôt ont été consentis pour la partie la plus riche du pays, sans que cela ait eu d'autre résultat que d'accroître les inégalités.
La flat tax est à la fois coûteuse – plusieurs milliards d'euros par an – et sans effet sur les investissements et la santé économique du pays, si ce n'est celui d'accroître les inégalités. En effet, la flat tax correspond au taux d'imposition de la deuxième tranche ; cela revient à ramener la fiscalité des dividendes au niveau de celle des Français parmi les plus modestes. C'est à la fois injuste, inefficace et coûteux.
Nous attendions ce rapport de France Stratégie. Depuis le début de l'année 2017, que ce soit sur la suppression de l'ISF ou sur le prélèvement forfaitaire unique, on nous disait : « Attendez, nous allons les évaluer ! » L'évaluation est tombée : la flat tax crée des inégalités, elle ne sert pas l'investissement, elle est inutile économiquement et coûteuse pour le pays. Il faut en tirer les conclusions et la supprimer.
La mise en place du prélèvement forfaitaire unique est sans doute la mesure qui a le plus permis le retour de l'investissement dans notre pays.
Le vice-président de la commission des finances, M. Labaronne, qui est membre du comité d'évaluation des réformes de la fiscalité et du capital et connaît donc mieux que moi les chiffres précis, nous donnera sa lecture du rapport de France Stratégie.
En tout cas, monsieur Peu, contrairement à vous, je n'ai pas du tout lu que l'instauration du prélèvement forfaitaire unique avait aggravé les problèmes d'investissement dans notre pays…
S'il y a une mesure qu'il serait malavisé de supprimer au milieu de la crise, c'est bien le prélèvement forfaitaire unique. Grâce à celui-ci, la fiscalité du capital a été ramenée à un niveau plus comparable à celui observé chez nos voisins, ce qui a favorisé les investissements dans notre pays.
Vous refusez toujours de le voir, mais nous vivons dans une économie ouverte, où les capitaux sont mobiles, si bien qu'il est indifférent à ceux qui les détiennent de ne pas investir en France dès lors qu'ils peuvent le faire en Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni.
Mais si l'on peut refuser de voir la réalité de l'économie mondialisée, on peut aussi choisir de la regarder en face et de créer les conditions fiscales adéquates, parce qu'à la clé, il y a des emplois !
Le prélèvement forfaitaire unique a probablement été, au vu de ses résultats, la meilleure mesure prise au cours de ce quinquennat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
En 2018, la France est devenue la deuxième destination des investissements étrangers en Europe, et le chômage a baissé. En 2019, elle a pris la première place, et le chômage a encore baissé, pour atteindre son niveau le plus bas en dix ans. Les investissements, les créations d'emploi et la compétitivité ont augmenté.
Encore aujourd'hui, les investisseurs allemands déclarent que, malgré la crise, il reste intéressant d'investir en France et qu'ils continueront à apporter des crédits à notre industrie. C'est le résultat de notre stabilité et de notre politique fiscale. Avis défavorable, au nom de la stabilité et de l'efficacité.
C'est vrai que les GAFA, Google et compagnie ont bien investi en France !
Le comité d'évaluation des réformes de la fiscalité et du capital, dont je suis effectivement membre, a rendu son deuxième rapport la semaine dernière.
En définitive, l'instauration du prélèvement forfaitaire unique a simplement permis à la fiscalité du capital de retrouver son niveau de 2012, …
… année de la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire, qui a eu pour effet de réduire l'assiette taxable. Ainsi, alors que l'on attendait pour 2013 environ 400 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires, l'augmentation d'impôt s'est traduite par une perte de recettes – ce qui est quand même extraordinaire ! La mesure a également causé une fuite des capitaux à l'étranger, notamment vers les pays où ce type de prélèvement n'est pas appliqué.
Par ailleurs, le rapport du comité d'évaluation des réformes de la fiscalité et du capital ne traite pas du tout d'inégalité – vous n'y trouverez même pas le mot.
Le rapport conclut que la réforme de la fiscalité du capital que nous avons menée a permis d'aligner une partie – et seulement une partie – de la fiscalité du capital sur le niveau européen. Cela étant, nous figurons encore parmi les pays d'Europe dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé.
Ce n'est pas vrai ! C'est parce que vous prenez en compte les cotisations sociales !
Il ne faut pas inclure les cotisations pour la sécurité sociale dans le calcul !
Le rapport indique que nous avons aligné la fiscalité du capital avec le niveau européen, et que cette mesure a permis le retour d'exilés fiscaux et l'instauration d'un climat de confiance.
Il a surtout permis le versement de dividendes ! Dans ce domaine, la France est championne du monde !
Ainsi, la France est-elle devenue le premier pays d'accueil d'investissements directs étrangers, …
Monsieur Labaronne, je suis désolée de vous contredire, mais, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le taux du prélèvement forfaitaire libératoire était de 24 %, auxquels il fallait encore ajouter les prélèvements au titre de la CSG et de la CRDS – la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale. En tout, cela faisait bien plus que les 30 % résultant de l'addition de l'impôt sur le revenu – IR – et des prélèvements sociaux ! Ce que vous dites est donc faux.
Par la suite, dans la première loi de finances de la présidence de François Hollande, les plus-values et les dividendes, entre autres, ont été soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, si bien que l'imposition a atteint des niveaux très élevés.
Ensuite, en réponse au mouvement des « pigeons », l'imposition des plus-values et des dividendes a été de nouveau réformée : un système d'abattement selon la durée de détention des titres a été instauré, pour diminuer l'imposition sur les investissements de long terme dans les entreprises et favoriser ceux-ci, tout en contrant les allers-retours de titres dans un but de simple spéculation. Quand les titres vendus étaient détenus depuis très longtemps, le taux d'imposition pouvait être inférieur à 30 % – Mme Pires Beaune s'en souvient. Le problème est que ce système était extrêmement complexe, ce qui nous a poussés à instaurer une flat tax. Cela étant, nous sommes nombreux ici à considérer que le taux de 30 % est trop faible, y compris sur les bancs du groupe MODEM – je vois M. Mattei opiner du chef.
Cessez donc de dire que les propositions visant à relever le taux du prélèvement forfaitaire unique sont stupides ! Dans un amendement qui sera examiné un peu plus tard, nous, députés du groupe Écologie démocratie solidarité, proposons de le relever de trois points. En période de crise, il est légitime de reconsidérer ces questions !
En tout cas, ne dites pas que le taux actuel est le même que sous la présidence de Nicolas Sarkozy, alors qu'il est inférieur.
Mme Christine Pires Beaune applaudit.
Je suis toujours étonné de ces débats purement idéologiques. Soyons pragmatiques, et comparons la fiscalité française à l'allemande et à la britannique, entre autres.
Comme l'a indiqué M. Labaronne, avant la réforme du prélèvement forfaitaire unique, la France avait la plus élevée des fiscalités du patrimoine, d'autant plus que s'y ajoutait à l'époque l'ISF. En définitive, l'imposition marginale pouvait dépasser 100 %.
Il ne fallait pas s'étonner, dès lors, de voir s'expatrier des détenteurs de patrimoine. Des amis créateurs d'entreprises m'annonçaient ainsi : « Charles, je pars en Angleterre ou en Allemagne. Je ne créerai pas mon entreprise en France, parce que je ne veux pas voir la fortune acquise au prix de vingt-cinq années d'efforts taxée à un tel niveau. »
Soyons pragmatiques. Le prélèvement forfaitaire unique nous a permis d'aligner notre situation sur celle des autres pays d'Europe.
On peut bien sûr discuter de son taux. Comme celui des prélèvements sociaux – dont la CSG – sur les revenus du patrimoine est de 17,2 %, si, dans le barème progressif de l'impôt sur le revenu, vos revenus sont imposables au taux marginal de 12 %, votre taux d'imposition total restera inférieur aux 30 % du PFU.
On pourrait donc fixer à 32,8 % le taux du prélèvement forfaitaire unique. Cela permettrait d'éviter qu'avec des revenus qui entrent dans la tranche de 14 % du barème de l'IR – ce qui n'est quand même pas très élevé – , il soit plus intéressant d'être soumis au PFU qu'à ce barème. Une augmentation de deux ou trois points est donc envisageable. Il n'en demeure pas moins que l'institution de ce prélèvement va dans la bonne direction – je l'ai d'ailleurs soutenue, alors même que je suis dans l'opposition.
D'ailleurs – je suis étonné que M. Labaronne n'ait pas mentionné cet argument – , depuis la réforme, on voit revenir un certain nombre de nos concitoyens qui s'étaient expatriés.
Pour la première fois, en effet, le nombre des retours est supérieur à celui des départs.
Enfin, du point de vue de la productivité fiscale, savez-vous que la mesure a permis une augmentation du produit fiscal ?
J'aurai deux remarques. Premièrement, ne faites pas dire au rapport de France Stratégie ce qu'il ne dit pas : à aucun moment il n'y est indiqué que vos mesures fiscales – la suppression de l'ISF et l'instauration de la flat tax – ont permis un retour des détenteurs de patrimoine.
Non ! Ce n'est pas écrit !
Deuxièmement, il est vrai que la France est devenue la première destination des investissements étrangers en Europe. Mais, comme l'ont montré plusieurs études, les quatre principales raisons du choix d'investir en France sont la qualité de la formation et de l'enseignement supérieur ; …
… le système de protection sociale et de santé ; la qualité du maillage du réseau de transport et de l'aménagement du territoire ; les traditions et l'art de vivre français.
Vous noterez que sur ces quatre raisons, trois renvoient à l'intervention publique. En coupant dans les recettes fiscales, nous nous en prenons donc à ce qui, aux yeux des investisseurs étrangers, constitue nos meilleurs atouts. C'est comme cela qu'il faut réfléchir !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
La réforme n'a « pas d'impact sur l'investissement » des entreprises : c'est écrit noir sur blanc dans le rapport de France Stratégie, auquel vous voulez faire dire l'inverse, et à peu près n'importe quoi.
France Stratégie étant rattaché au cabinet du Premier ministre, je sens que vous attendiez autre chose de son travail ! Mais son rapport affirme qu'aucune étude n'est parvenue à mettre en évidence que votre réforme a eu un impact significatif sur l'investissement des entreprises.
Mais cette réforme, outre qu'elle est inefficace, est surtout injuste. Le même rapport indique que la flat tax a fait exploser les dividendes perçus par les résidents en France : ils ont augmenté de 62 %, passant de 14 milliards en 2017 à 23 milliards en 2018. En outre, leur distribution est hyper-concentrée, puisque 97 % d'entre eux vont à 1,7 % des Français. Ainsi, 63 % de 23 milliards, soit 14 ou 15 milliards d'euros, vont au 0,1 % des Français les plus riches.
Je le répète, cette mesure est donc à la fois inefficace et injuste.
C'est France Stratégie qui le montre – et je sais bien que cela vous gêne.
Beaucoup ici connaissent déjà mon point de vue : la flat tax est une bonne réforme. Son taux, en revanche, pose problème – pour ma part, je le trouve un peu faible. J'avais donc proposé – j'ai même déposé des amendements à cet effet – de le porter à 31,7 %, voire à 33 %, ce qui resterait acceptable, d'autant plus qu'avec la baisse de l'impôt sur les sociétés, les bénéfices distribuables seront un peu plus importants qu'avant.
Faisons un peu d'histoire fiscale : alors que M. Thierry Breton était ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, nous avions prévu une exonération totale des plus-values sur les cessions de valeurs mobilières. Mais la réforme a été abandonnée en cours de route.
Aujourd'hui, compte tenu de la gravité du contexte, il n'est pas interdit de se demander s'il ne faudrait pas augmenter le niveau de la fiscalité. Ce ne serait pas la mort, ce serait raisonnable.
J'assume cette position. Si je comprends aussi celle du Gouvernement, qui veut éviter un mauvais signal, tout le monde sait qu'il faudra un jour s'interroger sur les recettes fiscales.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.
En réalité, vous n'avancez aucun argument pour démontrer que la suppression de l'ISF et l'instauration de la flat tax ont eu des effets positifs sur l'économie. En revanche, il est certain qu'elle a eu des effets sur les fortunes et l'épargne, qui s'est accumulée. Et ce n'est pas en employant la méthode Coué, et en répétant « ça a marché » que vous en ferez une vérité.
Nous enfonçons le clou avec cet amendement, qui vise à créer une taxe additionnelle de 4 % sur les dividendes. Cette mesure, que nous avions déjà défendue lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative pour l'année 2020, fait également partie des propositions de la convention citoyenne pour le climat. Elle va en outre dans le sens des réflexions de Jean-Paul Mattei.
Les investissements sont indispensables, pour que nos entreprises, nos industries, accomplissent leur transformation productive en vue de la transition écologique. Or augmenter la fiscalité sur les dividendes ne peut que conduire à renforcer les capacités d'investissement des entreprises.
Ainsi, selon le Carbon Disclosure Project, si la part des bénéfices allant aux actionnaires avait été limitée à 30 % en 2018, l'argent généré aurait permis de couvrir 98 % des besoins en investissements dans la transition des entreprises du CAC 40.
La politique de l'offre, sans contrepartie, qui mise tout sur la bonne volonté des entreprises, n'est d'aucune efficacité. D'où cette proposition qui prend tout son sens dans un contexte de crise.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Sur l'amendement no 1408 , je suis saisi par le groupe Écologie démocratie solidarité d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir cet amendement.
Il prévoit d'augmenter de trois points le taux du PFU.
Nous étions tous d'accord sur le principe d'une flat tax dans la mesure où, je l'ai dit, le système de barémisation avec abattements était certainement le plus complexe au monde. Mais à l'instar de M. Mattei, je considère que le taux de 30 % n'est pas totémique. Pourquoi devrait-il rester figé alors que le bénéfice distribuable a augmenté grâce à la baisse du taux d'impôt sur les sociétés ? Au moment où nous traversons une crise extrêmement dure, nous pouvons demander un effort de solidarité nationale !
Pour en revenir au rapport de France Stratégie, j'aimerais souligner un phénomène que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur général. Les entreprises ont distribué beaucoup de dividendes mais ceux-ci ne sont pas tous utilisés de la même manière : quand ils sont versés au sein d'un groupe, entre filiales, ils peuvent alimenter l'investissement industriel ; quand ils sont distribués à des personnes physiques, ce n'est pas le cas.
Ces masses de dividendes, versées à des personnes physiques et soumises au PFU, représentent autant de bénéfices qui ne seront pas investis en embauches, matériels industriels et moyens productifs. Ce n'est donc pas bon pour l'économie.
Monsieur Dufrègne, cessez de réclamer des indicateurs pour chaque mesure fiscale, réglementaire, budgétaire ou autre, dans le but de nous dire que nous ne savons pas si elle a produit des effets.
Cela ne fonctionne pas de cette manière, permettez-moi de vous le dire, quand il s'agit de créer un climat favorable à l'investissement.
Rires sur les bancs du groupe GDR.
La France a connu une croissance sur trois ans supérieure à la moyenne européenne ; elle a bénéficié d'un niveau d'investissement supérieur à celui de ses voisins européens ; elle a créé 500 000 emplois nets, ce que ses voisins européens n'ont pas su faire. Que vous refusiez de voir l'existence d'une corrélation entre ces données et une fiscalité favorable à la création d'emplois par l'investissement des entreprises, c'est votre choix, inspiré par votre idéologie. À l'inverse, je pense que ce que nous avons fait depuis trois ans a porté ses fruits.
Il n'est pas possible de conditionner le bénéfice de chaque mesure publique à l'adoption par l'entreprise d'un certain comportement, à moins d'évoluer vers une économie administrée – je crois d'ailleurs que vous ne le souhaitez même pas, au fond.
Il faut donc créer les conditions de l'investissement, ce que nous faisons.
Je ne vais pas renchérir sur les propos de M. le rapporteur général ni insister une nouvelle fois sur notre souhait d'oeuvrer en faveur de la stabilité et de la compétitivité. En revanche, je voudrais souligner que la réforme de la fiscalité a bien eu des effets sur le comportement des contribuables, notamment ceux qui étaient assujettis à l'ISF, puis à l'IFI. Pour les mesurer, nous avons ainsi observé sur une longue durée les détenteurs d'un même niveau de patrimoine – 1,3 million d'euros.
Entre 2015 et 2018, le nombre de contribuables assujettis à l'IFI qui ont quitté la France a été divisé par six ; …
… tandis que celui des contribuables assujettis au même impôt qui sont entrés en France a été multiplié par 2,5, ce qui prouve l'attractivité de notre pays. Il en résulte un gain de 600 millions d'euros de base taxable dont vous devriez vous réjouir.
Notre fiscalité sur le capital et notre fiscalité sur les entreprises sont les plus élevées d'Europe. En instaurant le PFU, nous nous sommes contentés de ramener la fiscalité sur le capital au niveau européen pour tenir compte de la compétition internationale dans laquelle nous évoluons.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, si nous options pour la taxation des dividendes que vous préconisez, nous obtiendrions les mêmes résultats qu'avec la réforme de 2012 : une perte nette de recettes fiscales due au rétrécissement de la base fiscale.
Quant au rapport de France Stratégie, il est vrai qu'il ne quantifie pas un effet mécanique de la mise en place de la réforme sur l'augmentation de l'investissement, mais il relève que cette réforme a permis de créer un climat de confiance autour de la fiscalité du capital.
Ce retour à une certaine confiance, que nous avons su provoquer chez ceux qui veulent investir dans notre pays, a entraîné plusieurs conséquences : nous avons été le premier pays d'accueil des investissements directs étrangers ; nous avons enregistré la croissance la plus élevée d'Europe ; nous avons gagné 500 000 emplois. En définitive, nous avons su créer un climat qui rend crédible notre action en faveur du développement de l'activité économique, de la compétitivité des entreprises, de l'attractivité de notre pays.
Dans un monde ouvert, …
… nous devons nous battre à armes égales avec les pays concurrents, et ne pas courir un 110 mètres haies avec un sac à dos. C'est pour cela que nous avons réformé la fiscalité du capital et que nous devons réformer les impôts de production.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
On aura tout entendu ici ! Vous n'avez pas besoin de citer des chiffres…
… parce que vous créez un climat. Comme il faut créer un climat favorable au capital, il n'y aurait pas de chiffres précis à donner sur les montants que ces riches auraient investis après l'allégement de la fiscalité sur le capital. Vous rendez-vous compte où nous en sommes ?
Ce climat favorable, vous l'avez créé pour le capital, pour cette minorité d'ultra-riches, sans pouvoir dire ce qu'ils ont réellement investi dans notre pays. Le rapport de France Stratégie note d'ailleurs que depuis la suppression de l'ISF, il n'y a plus d'évaluation de ce dernier et donc d'information sur les 350 000 familles qui payaient cet impôt. Du même coup, on ne connaît plus le montant du patrimoine taxable de notre pays.
C'est en 2018 que nous avons eu entre les mains le dernier rapport sur les contribuables assujettis à l'ISF. À l'époque, les 350 000 familles les plus riches de notre pays possédaient un patrimoine taxable de 1 028 milliards d'euros. Après leur avoir fait cadeau de la flat tax, vous refusez maintenant qu'elles contribuent à l'effort de redressement de notre pays. Vous êtes carrément gonflés ! Tout cela parce qu'il faut créer un « climat » !
Le climat, allez en parler à ceux qui sont tombés dans la pauvreté ! Dans une France toujours plus riche, la pauvreté explose : c'est le résultat de votre politique.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Sourires.
Nous allons évidemment soutenir ces deux amendements.
Quant au rapport de France Stratégie, dont on entend beaucoup parler, le plus simple ne serait-il pas de s'y référer et de le lire ? S'agissant des chiffres disponibles, il est écrit : « En particulier, il ne sera pas possible d'estimer par ce seul biais si la suppression de l'ISF a permis une réorientation de l'épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises. »
Il en va de même pour la flat tax. Les auteurs du rapport sont incapables d'en mesurer l'effet sur l'investissement, renvoyant la fourniture d'éventuelles précisions à 2021.
S'agissant des contribuables qui reviennent ou qui partent, il n'est pas significatif de citer des pourcentages – j'ai en tête le chiffre de 117 personnes concernées.
Le minimum serait de fixer un taux de flat tax qui ait un sens vis-à-vis de ceux qui n'ont pas de revenus financiers et vivent de leur seul travail. Ce serait un petit pas.
J'ai écouté les arguments des uns et des autres et, à titre personnel, je vais voter pour l'amendement de Mme Cariou. Je pense que les signaux doivent être pluriels et que, au sein de notre majorité, il est important que s'exprime ce questionnement.
Dans l'étude publiée lundi par le Conseil d'analyse économique – CAE – sur l'épargne des Français durant cette période de crise, il apparaît que ce sont les plus aisés qui épargnent massivement. Certes, c'est assez logique : ce sont ceux qui ont plus de marge de manoeuvre.
Il n'empêche que nous aurions besoin d'investissements massifs, nous aurions besoin que les plus riches dépensent afin de soutenir la demande et de faire redémarrer l'économie. Si les plus riches ne réduisent pas leur épargne et ne jouent pas collectif, il faut leur signaler qu'il existe d'autres outils – la fiscalité et le PFU – permettant d'alimenter les finances et de contribuer à la relance de l'économie du pays.
Nous allons voter pour l'amendement proposé par Mme Cariou car, à défaut de supprimer la flat tax, il faut au moins en relever le taux pour que le travail ne soit pas plus taxé que l'argent qui dort.
Vous nous parlez de climat, de non-conditionnalité, de retour des entreprises, et ainsi de suite. Au-delà même des arguments économiques, je voudrais que vous sentiez ce qui se passe dans le pays. Il y règne la démoralisation car vos mesures, prises au nom de l'adaptation, ne peuvent apparaître comme morales : elles sont amorales et même immorales, ce qui provoque du découragement.
Au-delà de tous les motifs économiques et sociaux, vos mesures, manifestement injustes en ces temps où les ménages vont souffrir, participent à ce qui atteint leur âme.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1908 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 23
Contre 79
L'amendement no 1408 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2435 .
Lors de son assemblée générale du 28 avril dernier, le groupe Sanofi a décidé le versement de 3,95 milliards d'euros de dividendes – près de 4 milliards. Cette décision apparaît comme de la spéculation boursière réalisée sur la crise sanitaire en cours. Au moment où des salariés et des ménages souffrent, des milliards de dividendes sont versés et les actionnaires prennent des bains d'euros. Il me semble nécessaire de dire : « Non ! »
Les dividendes rémunèrent l'investissement, ce n'est pas le diable. En période de crise, il est tout à fait normal qu'il y ait une régulation, que des grandes entreprises renoncent à verser un dividende notamment quand elles ont reçu des aides publiques. Il est néanmoins logique que le capital soit rémunéré sous forme de dividendes. Avis défavorable.
Défavorable.
Mais alors quelle régulation avez-vous mise en oeuvre pour les dividendes ? Aucune ! Les dividendes sont en augmentation chez Sanofi en 2020…
… et vous laissez faire. Nous proposons de supprimer les dividendes et vous trouvez que c'est excessif, mais que proposez-vous ? Rien !
L'amendement no 2435 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2489 .
Dans la lignée du précédent, il propose de supprimer les dividendes des sociétés d'autoroutes. Selon le récent rapport de la commission d'enquête du Sénat sur le contrôle, la régulation et l'évolution des sociétés autoroutières, celles-ci versent trop d'argent à leurs actionnaires – 24 milliards d'euros en treize ans, entre 2006 et 2019. Dans le contexte actuel, nos concitoyens ne peuvent comprendre que des individus puissent s'enrichir en ne faisant rien !
L'amendement no 2489 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Jerretie, pour soutenir l'amendement no 2646 .
Cet amendement déposé à l'initiative de mon collègue Jean-Noël Barrot propose de réformer la fiscalité des contrats d'assurance-vie pour favoriser la souscription de contrats en unités de compte. L'objectif d'une telle mesure est bien évidemment de soutenir l'économie française, comme l'a souligné le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de janvier 2018 et comme nous l'avons évoqué en commission.
Prenons garde de ne pas modifier la fiscalité de l'épargne et de l'assurance-vie. Dans une logique de « désépargne », nous avons plutôt besoin d'encourager ceux de nos compatriotes qui peuvent se le permettre à investir et à consommer. Avis défavorable.
L'amendement no 2646 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2021.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra