La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pas pu parvenir à un texte identique.
Rappels au règlement
Toutefois, avant d'entamer la discussion des nombreux amendements, nous commençons par deux rappels au règlement, celui de Mme Ménard et celui de M. Chiche – peut-être sont-ils identiques ?
Sourires.
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 55 de notre règlement, monsieur le président, et sera bref, rassurez-vous.
Rappelons que, pour cette troisième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique comme pour les deux précédentes, la majorité a choisi d'appliquer la procédure du temps législatif programmé, laquelle accorde vingt minutes de temps de parole aux vingt-trois députés non inscrits. À ce stade de la discussion, il nous reste une minute et quarante-neuf secondes pour défendre l'intégralité de nos amendements ! Personnellement, j'en ai déposé 220, que je ne pourrai donc pas défendre. Est-il possible, dans ces conditions, d'avoir un débat serein ? De toute évidence, le débat est plus apaisé quand on fait taire les contradicteurs, mais est-ce bien cela la démocratie ?
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour un autre rappel au règlement.
Il se fonde sur le septième alinéa de l'article 49 du règlement, relatif à l'organisation de nos débats, monsieur le président.
Vingt minutes de temps de parole ont été octroyées aux vingt-trois députés non inscrits, ce qui laisse à chacun d'entre eux moins d'une minute pour se prononcer sur un projet de loi au sujet duquel toutes les sensibilités de la représentation nationale devraient pourtant pouvoir s'exprimer ; je le regrette profondément. Malgré le choix affiché de prendre le temps nécessaire pour enrichir le texte et les nombreux amendements présentés en commission spéciale – sur l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux hommes transgenres, sur la PMA post mortem, ou, enfin, comme promis en 2017, sur l'établissement d'un lien de filiation sécurisé pour les enfants nés d'une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger –, force est de constater que vous ne voulez pas avancer.
Dans les colonnes du Journal du dimanche, le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, a déclaré que l'enjeu de cette nouvelle lecture était simplement de rétablir la version adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Quitte à vouloir précipiter les débats, il aurait mieux valu engager une procédure accélérée : à tout le moins, cela aurait permis à toutes les femmes cisgenres d'accéder sans plus attendre à l'aide médicale à la procréation.
Je vous rappelle, madame Ménard, monsieur Chiche, que le temps de parole des députés non inscrits a été fixé par la conférence des présidents et qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.
Le recours au temps législatif programmé est également une décision de la conférence des présidents, que nous ne faisons donc qu'appliquer. Enfin, faut-il le rappeler, nous examinons ce projet de loi en troisième lecture…
…et chacun a déjà eu l'occasion de s'exprimer longuement sur le texte. Certes, les députés non inscrits disposaient de seulement vingt minutes de temps de parole pour cette troisième lecture, mais vous avez, madame Ménard, choisi de consacrer l'essentiel de ce temps à la discussion générale et, en particulier, à la défense d'une motion de rejet préalable, ce à quoi personne ne vous obligeait.
C'est tout à fait son droit, en effet, monsieur Breton. Je vous remercie de défendre les droits de Mme Ménard !
Il appartient à chaque député de choisir les étapes de la discussion du texte au cours desquelles il souhaite défendre ses arguments. En l'occurrence, s'agissant de ce projet de loi, les députés non inscrits ont choisi de consacrer la plus grande partie de leur temps de parole à la discussion générale.
Nous en venons aux amendements sur le texte.
Je ne défendais pas seulement les droits de Mme Ménard, monsieur le président, mais également ceux de M. Chiche et de tous les députés !
Sur un sujet tel que la bioéthique, nous devrions avoir le temps de débattre. Vos propos laissant entendre qu'il convient d'accélérer le rythme de la discussion parce que nous sommes en troisième lecture m'inquiètent. La tradition de notre assemblée est de laisser aux députés la possibilité d'aller au fond des choses sur les enjeux de société importants. Au cours des précédentes révisions des lois de bioéthique, la majorité ne prétendait pas avoir raison simplement parce qu'elle était majoritaire. Une telle attitude est politiquement très dangereuse – nous savons tous à quoi elle conduit –, a fortiori sur les questions éthiques. La majorité devrait, au contraire, écouter ce que dit l'opposition, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, et faire preuve d'un peu plus de prudence.
Le présent amendement porte sur le titre du titre Ier – « Élargir l'accès aux technologies disponibles sans s'affranchir de nos principes éthiques » – et invite le Gouvernement et la majorité à un peu de sobriété. Si les principes éthiques étaient vraiment respectés, il serait inutile de le préciser dans le titre – qui montre donc bien qu'il y a un problème. Rappelons le titre choisi pour le titre I
Je le répète, un titre n'est pas un slogan. Par cet amendement, nous vous proposons de revenir à un peu plus de sobriété dans le texte.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 683 .
Il n'est sans doute pas nécessaire de préciser systématiquement la raison pour laquelle l'amendement est simplement défendu ; on gagnera ainsi quelques secondes à chaque fois !
L'amendement n° 1161 de M. Marc Le Fur est défendu.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission spéciale sur ces amendements identiques.
Avis défavorable sur toutes les modifications ou suppressions de titres, pour les raisons que j'ai longuement détaillées au cours des travaux de la commission spéciale et des précédentes lectures du projet de loi.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
Les amendements identiques n° 1138 de M. Thibault Bazin, 1570 de M. Xavier Breton et 1572 de M. Patrick Hetzel sont défendus.
Comme lors des précédentes lectures du projet de loi relatif à la bioéthique, je le redis : ce qui devrait toujours guider notre réflexion et nos travaux est l'intérêt supérieur de l'enfant. Vous avez balayé cette notion lors de la précédente lecture du texte en affirmant qu'elle n'était pas au cœur du sujet, puis vous vous êtes montrés plus ouverts en commission spéciale en proclamant votre attachement à cette notion, tout en refusant de changer quoi que ce soit au texte. Nous considérons, pour notre part, que l'intérêt supérieur de l'enfant devrait toujours être la boussole de nos travaux.
Si vous aviez vraiment pris en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, peut-être seriez-vous animés de certains doutes. Or vous n'avez que des certitudes au moment de priver les enfants de la branche paternelle de leur filiation et de leur père, ce qui constitue à nos yeux un préjudice majeur.
Comme je l'ai déjà indiqué à Mme Genevard en commission spéciale, l'intérêt supérieur de l'enfant est l'alpha et l'oméga de ce projet de loi.
Cette notion inspire chaque ligne du texte. Il n'est donc pas nécessaire de la rappeler dans le titre Ier . Tout le texte tend vers la défense de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, si, pour vous, la défense de l'intérêt supérieur de l'enfant consiste à admettre qu'un enfant privé de père sera plus heureux et plus envié – ce que vous avez affirmé en commission spéciale –, alors nous n'avons pas du tout la même définition de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Il aurait sans doute fallu rédiger une définition de « l'intérêt supérieur de l'enfant », ce que personne n'a pas fait.
Si, elle est dans la Convention internationale des droits de l'enfant !
Soit ! Pour moi, l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est l'amour de ses parents, l'amour de son parent. Si, au lendemain de la seconde guerre mondiale, on avait exigé, pour qu'un orphelin soit adopté, qu'il y ait deux parents au sein de la famille, la situation aurait été fort compliquée. De nombreux enfants ont été adoptés par des veuves de guerre,…
…par des femmes seules, et sont peut-être devenus de magnifiques parents et, qui sait, les grands-parents de certains députés de notre assemblée. L'intérêt supérieur de l'enfant réside dans l'amour qu'il reçoit de ses parents. Différentes conceptions de la famille peuvent bien entendu exister, mais, je le répète, nous n'acceptons pas que certaines d'entre elles fassent souffrir des familles de notre pays, en leur laissant penser qu'elles sont de mauvaises familles…
…parce qu'elles ont une conception différente de la famille. Cessez d'imposer cette souffrance aux familles composées de filles mères, de mères célibataires ou de femmes homosexuelles et de leurs enfants ! Le bonheur d'une famille repose sur l'amour qui unit ses membres et qui, seul, permet à un enfant de grandir sereinement. Telle est la conviction qui nous rassemble tous ici et qui nous conduira à soutenir unanimement le projet de loi !
En effet, je crains que cette conviction ne soit pas unanimement partagée, madame Fiat !
Sourires.
Notre collègue Caroline Fiat a fait référence à des situations causées par la guerre et que l'on a tenté de réparer, des situations qui, à la différence d'aujourd'hui, n'étaient pas créées ex nihilo par un texte de loi. Il est évidemment différent de chercher à réparer une situation dramatique et d'en créer une délibérément.
Vous parlez d'amour, madame Fiat, comme tout à l'heure le garde des sceaux, mais l'amour n'a rien à faire dans la loi.
Par essence, l'amour est fugitif. Il n'existe aucune assurance en matière d'amour. Rien n'est écrit :…
…ni entre un homme et une femme, ni entre deux hommes ou deux femmes. Quand j'entends dire que le bonheur d'une famille repose sur l'amour qui unit ses membres, je redoute que l'on cherche à écrire cela dans la loi. Quelle est cette prétention totalitaire que de vouloir inscrire l'amour dans la loi ?
Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale, s'exclame.
Surtout pas ! Laissez les gens tranquilles : qu'ils s'aiment comme ils veulent !
Nous sommes là pour prévenir les excès. On nous dit que c'est une loi d'amour alors que, je le répète, cela n'est pas le sujet : nous ne sommes pas là pour légiférer sur l'amour mais sur les relations conjugales et la filiation. Tant mieux s'il y a de l'amour en plus, mais même sans amour, les familles continuent de toute façon à exister.
Ne commençons pas à accuser les autres de blesser. Ici, personne n'a l'intention de blesser et c'est d'ailleurs souffrance contre souffrance. Ce texte blesse tous ceux qui ont été formidablement aimés par un père, en leur disant que cela n'a aucune importance, que l'on peut être sans père. Certains ont été élevés par des pères qui, heureusement, étaient là ! Certes, vous ne risquez pas de supprimer les pères dans ce texte : il n'y en a pas.
Rires sur les bancs du groupe LaREM.
Mais vous blessez tous ceux qui ont souffert de ne pas en avoir et tous ceux qui ont été incroyablement aimés par leur père. Oui, il y a des mères maltraitantes et oui, il y a des pères merveilleux ! Nous pensons qu'un père peut formidablement aimer. Puisque vous parlez d'amour, parlons-en : nous pensons qu'un père peut nourrir d'amour à un point que vous n'imaginez pas ! Même après sa mort, on s'en souvient encore ; même après sa mort, cet amour continue à vivre. Nous pensons qu'un père peut aimer démesurément. Or vous privez délibérément un enfant de père.
Il me semble nécessaire de faire ici une mise au point sur certaines contradictions qui concernent l'intérêt supérieur de l'enfant. Devoir aller à l'étranger pour obtenir une PMA est une véritable souffrance pour les femmes qui ne peuvent pas y avoir recours en France. C'est vrai, personne ici ne sous-estime cette douleur. Mais pourquoi ne nous parle-t-on jamais de la souffrance des enfants qui sont nés – ou vont naître – sans père ? À chaque fois, vous vous placez du point de vue des adultes et les droits de l'enfant ne sont jamais considérés.
Votre texte serait une loi d'amour octroyant de nouveaux droits, comme l'ont encore répété Mme Fiat et le garde des sceaux avant elle. Tout d'abord, je ne savais pas que l'on pouvait légiférer sur l'amour. Ensuite, croyez-vous vraiment et sincèrement que l'on ne retire rien à l'enfant qui va naître sans père ?
Il faudrait autoriser la PMA à toutes les femmes en France afin d'éviter « le tourisme procréatif qui reste inaccessible aux plus pauvres », selon vos propres termes. Dans ces conditions, autorisez immédiatement la GPA puisqu'elle se pratique dans certains pays et que la promotion en est même faite sur nos plateaux de télévision !
Nos conditions de vie génèrent de plus en plus d'infertilité, mais la recherche pour soigner l'infertilité ne trouve pas ou peu de financements en France…
…car on lui préfère les marchés de la PMA et la GPA, ce marché de l'humain, du sperme, des embryons, des grossesses qui représente 25 milliards de dollars aux États-Unis.
Pour vous, seul le projet parental et le désir des adultes d'avoir un enfant comptent. Si ce désir est totalement compréhensible et parfaitement légitime, le propre d'une loi de bioéthique est d'ériger des barrières, de mettre des garde-fous afin de protéger d'abord les intérêts de l'enfant, de ne pas faire de nos enfants des déracinés, de faire en sorte qu'ils se sachent venus d'une altérité – d'un homme et d'une femme – et qu'ils connaissent leur identité.
Vous terminez juste à temps, madame Ménard, avant que je ne sois obligé de vous interrompre. Avec cette intervention, vous avez épuisé le temps de parole imparti à l'ensemble des députés non inscrits.
Les amendements qu'ils ont déposés – et qui sont nombreux, comme vous l'avez indiqué – seront donc mis aux voix sans débat. La commission et le Gouvernement donneront leur avis afin d'éclairer l'Assemblée, mais aucune autre intervention ne sera admise sur ces amendements.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Lorsque le président Blum a remis la légion d'honneur à Maria Montessori, le 6 décembre 1949, pour ses recherches psychopédagogiques sur l'enfance, il déclara notamment : « Au-dessus de la politique, il y a l'enfant, c'est-à-dire l'humanité. »
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
La vérité appartient à ceux qui la recherchent et non point à ceux qui prétendent la détenir. Madame Genevard, vous n'avez pas le monopole de la définition de l'intérêt supérieur de l'enfant. On peut très bien contester la vision que vous en avez. Je prétends quant à moi que nous préservons mieux que quiconque l'intérêt supérieur de l'enfant.
Oui, madame Genevard. Je vous mets au défi de produire une vraie analyse prétendant qu'un enfant né sans père est condamné au malheur car c'est inexact ; tout prouve même le contraire. L'intérêt supérieur de l'enfant est notre priorité, ce dont nous nous préoccupons avant de nous intéresser au projet parental. L'enfant d'abord. Avis défavorable.
Je ne peux qu'appuyer les propos tenus par le rapporteur : l'intérêt supérieur de l'enfant a été la boussole du Gouvernement et de la majorité pendant l'élaboration de ce texte et les débats qu'il a suscités. Le rapporteur vient d'en expliquer les raisons pour ce qui concerne l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Il en a été de même lorsque nous avons appréhendé les questions posées par la PMA post mortem ou l'accès aux origines – un sujet sur lequel nous allons peut-être nous retrouver au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Pour revenir à votre amendement, madame Genevard, je sais à quel point vous tenez à ce que le droit soit bien écrit et à ce que la loi ne soit pas bavarde. Vous voulez consacrer l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi. Or ce principe a déjà une valeur supra-législative : il existe dans notre droit par le biais de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui s'en inspire. Comme la quasi-totalité des pays du monde, la France est signataire de la CIDE, convention la plus ratifiée au monde. Dans une décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a aussi consacré ce principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Soyez rassurée : ce principe est bien présent dans notre droit. C'est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
C'est quand même terrible, monsieur le rapporteur, de tout voir en termes de bonheur et de malheur. Contrairement à ce que vous affirmez, nous n'avons jamais dit – j'y insiste : jamais – que les enfants sans père seraient condamnés au malheur.
Pas plus que le bonheur, le malheur n'est pas automatique dans la loi.
En revanche, nous disons que les enfants qui auront été délibérément privés d'un père resteront toute leur vie dans cette situation.
Avec ce texte, vous dites aussi à tous les hommes que le père n'est pas indispensable. Même si nous convenons qu'il est loin d'être parfait, tant s'en faut, le père est indispensable dans l'ordre symbolique. Nous ne sommes pas dans l'ordre réel, celui du bonheur et du malheur ; arrêtez avec ça ! La loi n'a rien à voir avec l'émotion. Nous sommes là pour regarder les choses de manière objective.
Quant aux études, parlons-en ! Outre le fait qu'elles sont biaisées,…
…aucune d'entre elles ne permet de trancher dans un sens ou dans un autre : d'une part, il est trop tôt pour mesurer les effets.
D'autre part, les enfants font preuve de résilience et prennent sur eux pour que tout se passe bien – pour les adultes, en fait – malgré les vicissitudes familiales. Rien de tout cela ne dit quoi que ce soit du schéma symbolique que le projet de loi prévoit.
Dans ces conditions, je le répète : laissez de côté les questions de bonheur et de malheur. Les gens sont capables de vivre leur vie tranquilles. Nous voulons alerter sur les risques de priver délibérément des enfants de père – certains d'entre eux le rechercheront tout au long de leur vie – et d'adresser à tous les hommes le message que leur rôle n'est pas indispensable. Nous appartient-il de leur dire cela ? Nous pensons que non.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 19 , 18 , 20 , 1508 , 1547 , 1588 , 118 , 311 , 685 , 1162 , 6 , 912 , 1141 , 15 , 16 , 17 et 5 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 1508 , 1547 et 1588 sont identiques, ainsi que les amendements 118 , 311 , 685 et 1162 et les amendements 6 , 912 et 1141 .
Les amendements n° 19 , 18 et 20 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l'amendement n° 1508 .
Cet amendement vise à rétablir l'article 1er A dans la rédaction issue du Sénat – l'autre chambre. Il s'agit de rappeler qu'il n'y a pas de droit à l'enfant. Un enfant est un être à part entière, doté de droits propres, qui n'a pas à être l'objet de revendications. Nous ne sommes pas là pour satisfaire le désir d'enfant de certaines personnes. C'est un préalable minimum pour aborder ce projet de loi qui touche à une démarche scientifique et médicale donnant vie à un enfant. L'éthique consiste avant tout à reconnaître que les droits de l'enfant passent toujours avant les droits que d'autres peuvent avoir à son égard.
Les amendements identiques n° 1547 de M. Julien Aubert et 1588 de M. Robert Therry sont défendus.
Les amendements identiques n° 118 de M. Patrick Hetzel, 311 de M. Xavier Breton, 685 de Mme Anne-Laure Blin et 1162 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Cet amendement vise à rétablir le texte adopté au Sénat et à affirmer que nul n'a de droit à l'enfant. C'est très important et non contradictoire avec les propos que vous avez tenus. Cette notion n'existe pas sur le plan juridique, dites-vous. Faisons-la exister dans notre droit !
Qu'est-ce qui vous en empêche ? Pour ma part, je prétends que pour vous, il y a un droit à l'enfant. Lorsque vous avez fait adopter le projet parental en première lecture, dans les conditions que l'on sait, c'était bien une façon d'exprimer que préexistait le désir des parents avant toute considération sur l'intérêt de l'enfant.
C'est la raison pour laquelle je crois très important que vous n'évacuiez pas cette idée par un sophisme comme vous l'avez fait en commission. Si vous voulez faire la démonstration du sens que vous donnez à l'intérêt supérieur de l'enfant, vous devriez adopter cet amendement. Au reste, et j'en termine par là, il n'a jamais été question de l'enfant au cours des deux premières lectures. Vous n'avez parlé que d'égalité des droits des adultes.
Oh !
Vous n'étiez pas encore là, monsieur le secrétaire d'État, mais je vous assure qu'il n'en a pas été question.
Les amendements identiques n° 912 de Mme Agnès Thill et 1141 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Les amendements n° 15 , 16 et 17 de Mme Emmanuelle Ménard et 5 de Mme Annie Genevard sont défendus.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
Madame Genevard, je m'étonne de votre proposition de créer la notion juridique de non-droit à l'enfant qui suppose de valider l'idée d'un droit à l'enfant, ce qui revient à réifier ce dernier. Je ne crois pas que ce soit le fond de votre pensée : vous ne souhaitez pas vraiment que notre code civil attribue aux enfants de France un statut de chose.
Pour notre part, nous tenons à ce qu'ils restent des sujets de droit, respectés comme des êtres humains à part entière avec une personnalité juridique qui leur est propre, sous la responsabilité des parents jusqu'à leur majorité. Jamais nous n'avons souhaité les transformer en chose.
Par ailleurs, si, nous en convenons, il n'existe pas de droit à l'enfant de façon générale et s'il s'agit d'une ineptie en matière juridique, l'argument que vous nous assénez depuis trois lectures n'est qu'un prétexte pour contrecarrer l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Il faut arrêter de tourner en rond autour de ça !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Eh bien, au sein de la majorité présidentielle, nous sommes très fiers d'ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Avis défavorable.
Madame la rapporteure, que dit l'article 16 du code civil ? « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. » Qui peut être contre cela, me direz-vous ? Eh bien, c'est pourtant en toutes lettres dans notre droit. Pourquoi, alors, ne pas en faire autant avec le refus du droit à l'enfant et en faire mention dans le code ? Tout simplement parce que vous vous inscrivez au contraire dans la logique du droit à l'enfant.
Si vous n'aviez aucun problème sur ce sujet, le refus du droit à l'enfant figurerait dans notre code, comme y figure l'interdiction de toute atteinte à la dignité – le législateur qui en a autrefois décidé ainsi assumait sa conception des choses.
Mais votre logique est celle du droit à l'enfant : c'est ce que le Sénat a voulu montrer. C'est vous qui supprimez le refus du droit à l'enfant. Avec la majorité En marche, le droit à l'enfant est en marche lui aussi !
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er . La parole est à M. Laurent Saint-Martin.
Cet article concrétise un engagement fort du Président de la République. L'ouverture et la prise en charge par l'assurance maladie de l'assistance médicale à la procréation (AMP) pour toutes les femmes, couples lesbiens ou célibataires, sont des avancées sociales majeures. Cela met fin à l'inégalité entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, mais également entre les femmes disposant de la capacité financière pour réaliser leur projet parental à l'étranger et celles qui, faute de moyens, en étaient privées. Cette inégalité de fait, cette inégalité sociale, cette inégalité économique, c'est cette majorité qui va l'abolir.
Depuis neuf ans, ces femmes et ces familles attendaient que soit tenue la promesse de différents candidats ; voilà qu'elle devient enfin réalité. L'engagement pris par Emmanuel Macron, nous le mettons en œuvre aujourd'hui. Nous devons tous être fiers de cette loi de progrès ; c'est une avancée qui, nous l'avons dit à plusieurs reprises, ne retire rien à personne.
C'est un progrès attendu parce qu'une réalité sociale était jusqu'à ce jour ignorée et que notre pays ne pouvait l'ignorer plus longtemps. Désormais, la loi sécurisera les mères qui s'engagent dans un projet d'amour et protégera l'enfant du risque d'être privé de l'un de ses parents en cas de séparation.
Mes chers collègues, nous respectons tous les positions de chacun sur un sujet qui relève de la liberté de conscience, mais je le dis une nouvelle fois, ce projet de loi ne retire aucun droit à personne, et nous devrions tous nous réjouir d'un texte en faveur de l'égalité des droits. La majorité présidentielle votera l'article 1er avec enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le projet de loi relatif à la bioéthique interroge les convictions intimes et personnelles de chacun et questionne l'équilibre précaire établi jusqu'alors entre le progrès scientifique et la garantie des principes éthiques fondamentaux de notre droit. Il convient de débattre rationnellement de ces questionnements médico-éthiques et sociétaux.
L'article 1er , qui étend le droit à la PMA à toutes les femmes sans critère médical d'infertilité, est au centre du débat. Je m'y suis opposée en seconde lecture. Bien sûr, chacun est sensible au désir universel de donner la vie. Toutefois je considère que cet article fait courir le risque d'aggraver l'extension d'un marché de la procréation, renforcée par l'actuelle pénurie de donneurs de gamètes. L'adopter reviendrait également à remettre en cause la gratuité du don et le principe d'indisponibilité du corps humain.
Par ailleurs, j'estime qu'en établissant une rupture d'égalité entre les couples de femmes et les couples d'hommes, l'article 1er ouvre inévitablement la voie à la légalisation de la gestation pour autrui, contraire à mes principes éthiques. Enfin, je déplore l'autorisation du double don de gamètes qui complexifie la quête par l'enfant de ses origines.
Le projet de loi propose un nouveau modèle pour la société et remet en question l'ensemble des principes fondateurs de la bioéthique, établis depuis 1994. Le débat qu'il suscite est par conséquent légitime. Je plaide pour ma part en faveur de la suppression dans le texte de l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules sans critère d'infertilité, et je rappelle que nul ne possède le droit à l'enfant.
Il y a bien une avancée grâce à la majorité, mais il ne faut pas oublier que, pour une fois, l'opposition – et pas seulement la France insoumise – votera dans le même sens, car elle est très favorable au projet de loi ; rappelons-le !
Il faut également dire que très peu de PMA sont en réalité dues à l'infertilité. De nombreux médecins en témoigneront : ils constatent que ni l'homme ni la femme ne sont infertiles, mais qu'ils ne parviennent pas à avoir un enfant – autrefois, on disait : c'est psychologique ! Comment répondre à ces couples ? Doit-on leur dire : il n'y a pas d'infertilité, donc on ne s'occupe pas de vous ?
C'est pourtant exactement ce que vous venez de nous proposer, madame Six !
Je parle des situations nombreuses dans lesquelles l'infertilité n'est pas médicalement prouvée, ce qui n'empêche pas d'orienter les couples concernés vers la PMA. Si nous écoutions votre discours, on ne pourrait rien leur proposer. Demain, en votant ce texte, nous dirons à tous ces couples et à toutes ces femmes qui ne parviennent pas à avoir un enfant qu'ils peuvent en avoir un. Nous en sommes fiers !
L'article 1er du projet de loi portant révision des lois bioéthiques modifie le code de la santé publique et vise à élargir la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de femmes.
En l'état actuel du droit, seuls les couples hétérosexuels souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée ou dont l'un des membres est susceptible de transmettre une maladie grave au conjoint ou à l'enfant à naître sont autorisés à recourir à la PMA selon une procédure strictement encadrée. Cette procédure, qui écarte les femmes seules ou en couple, n'est plus adaptée à notre société, car s'il n'existe pas de droit à l'enfant, le désir d'enfanter est une réalité que la loi ne peut plus feindre d'ignorer. C'est ce désir puissant qui pousse chaque année un nombre considérable de femmes à contourner la loi : certaines n'hésitent pas à franchir les frontières en quête d'une législation plus tolérante, quand d'autres, dont la situation est plus précaire, font le choix de l'insémination artisanale avec les risques inhérents à ces pratiques.
C'est tout l'intérêt de changer la loi pour l'adapter à notre société et aux évolutions scientifiques, tout comme nous l'avons fait en 1975 avec la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse, en 2013 avec l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, ou encore bien plus tôt, avec l'adoption monoparentale.
À l'article 1er , l'accès à la PMA est défini selon de nouveaux critères. La condition du caractère pathologique d'infertilité est supprimée, les critères d'âge sont déterminés par un décret en Conseil d'État, et la prise en charge par l'assurance maladie se fera dans les mêmes conditions pour tous. Par ailleurs, le protocole s'effectue dans un cadre assez strict autour d'une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, d'infirmiers, de psychologues, de professionnels de laboratoire – pour ne citer qu'eux –, ce qui garantit un contrôle de la procédure. La décision de cette équipe est collégiale, donc rassurante pour les personnes qui ont recours à la PMA.
Toutefois, l'accès à la PMA n'est pas un droit illimité puisque le texte qui nous est soumis aujourd'hui n'ouvre pas la possibilité de recourir à la PMA post mortem ni aux dons croisés. Concernant la filiation, on maintient le principe d'un consentement devant notaire et d'une reconnaissance conjointe, ce qui facilitera les démarches pour les couples de femmes qui ne seront plus obligés d'avoir recours à l'adoption. Cet équilibre permettra à toute personne ou à tout couple de concrétiser un projet parental dont l'objet est rendu impossible de façon naturelle ou sans risque. Ces dispositions correspondent aussi aux engagements pris par le Président de la République en 2017.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
M. Saint-Martin en a fait la démonstration : vous voulez une loi sociale, une loi d'égalité, mais une égalité qui concerne les adultes. L'argument de l'égalité est d'ailleurs dangereux car il vous obligera, un jour, à répondre, aux demandes relatives à la GPA.
Vous dites ensuite, monsieur Saint-Martin, que cette loi « ne retire rien à personne ». Elle ne retire rien à personne, sauf à l'enfant. Voilà une seconde preuve que l'enfant est totalement absent de votre réflexion.
Dernier argument en faveur de la suppression de l'article 1er , qui m'est venu en écoutant Mme Six : la réintroduction du double don de gamètes permet de rompre totalement le lien biologique entre l'enfant et ses parents – cela n'est aujourd'hui possible qu'en cas d'adoption.
C'est encore une fois la démonstration que vous vous comportez en apprentis sorciers et que vous faites fi de l'importance du lien biologique entre enfants et parents. J'ai encore en mémoire les mots de Mme Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, expliquant qu'un donneur de gamètes n'était pas un père, que l'on n'avait pas besoin de père, qu'un oncle, un voisin, un cousin pouvait être un père.
Nous souhaitons la suppression de l'article 1er car, comme notre collègue Annie Genevard vient de l'exposer brillamment, c'est une vision d'adultes qui vous fait dire qu'aucun droit n'est enlevé. En réalité, pour supprimer une forme de discrimination vous en créez d'autres, et vous allez inscrire dans la loi la création d'orphelins de père au nom de la République française. C'est un point central du texte, mais vous faites comme si ce n'était pas le cas. Je pose la question sous l'angle bioéthique : trouvez-vous normal que l'on prive ex ante des enfants d'un père, au nom de la République française ?
Je voudrais moi aussi rebondir sur les propos de notre collègue Saint-Martin qui dit que le texte ne retire rien à personne. Si ! Il retire à des enfants la possibilité d'avoir un père et d'accomplir une quête de paternité, tant sur le plan psychologique que juridique. Ce n'est pas rien ! Mais vous êtes dans une logique d'adultes tout-puissants.
Je souhaite aussi insister sur la comparaison que vous établissez, et sur l'inégalité que vous mettez en avant, entre les couples homme-femme et les couples de femmes. En effet, le texte étend aussi la possibilité de la PMA aux femmes célibataires qui, étant seules, ne sont pas concernées par vos arguments au sujet de la séparation. Cette réflexion est presque encore plus importante, car un couple renvoie à la figure des deux parents alors que dans le cas d'une femme seule, on est face à la toute-puissance de l'adulte qui veut avoir un enfant. Bien sûr, c'est déjà possible aujourd'hui et personne ne l'interdit. Mais la société ne cautionne simplement pas ce mode de filiation ; voilà la différence.
Nous avons donc des divergences de fond. Vous êtes dans une logique d'égalité entre adultes alors que nous prenons en compte l'enfant avec ses attentes et ses fragilités. Encore une fois, il ne s'agit de garantir ni son bonheur ni son malheur ; nous ne sommes pas là pour cela. Nous sommes simplement là pour définir un cadre qui offre des critères objectifs en termes de filiation, sur lesquels nous puissions construire notre société.
Je souhaite moi aussi la suppression de cet article. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous parlez de nouveau de l'égalité des droits. Je souhaite donc y revenir moi aussi : il n'y a absolument aucune rupture d'égalité, même entre adultes ! Le Conseil d'État, qui est la plus haute juridiction de notre pays, a jugé que les situations au regard de la procréation étaient différentes, ce qui justifie des positions et décisions différentes. C'est important car lorsque vous parlez, à longueur d'émissions de télévision ou de radio, de rupture d'égalité et de la nécessité d'un nouveau droit pour rétablir l'égalité, ce que vous dites est faux ! Dire cela, c'est mentir et manipuler l'opinion. Il n'y a pas, en matière de procréation, de situations identiques qui justifieraient des décisions identiques.
Quant à la GPA, il est clair en revanche que vous ne pourrez pas la refuser, au nom de l'égalité ! M. Mélenchon a parlé d'argent mais comme il n'y aura pas de questions d'argent avec la GPA éthique, tout le monde sera tranquille !
Le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui de la liberté : la liberté implique-t-elle que l'on peut tout faire, par exemple faire un bébé toute seule comme le disait la chanson ? Eh bien non, contrairement à vous, nous pensons qu'un père est indispensable, possible, nécessaire, utile – et surtout, qu'il peut apporter beaucoup d'amour pour la construction d'un enfant, un sujet que vous évoquez souvent ! Nous pensons qu'il est important d'avoir un père. Il suffit d'ailleurs de regarder les enfants des classes de collège : les situations dans lesquelles les pères brillent par leur absence sont difficiles.
J'aborderai trois points : la forme, le fond et la portée. Sur la forme d'abord, on voit clairement aujourd'hui qu'il n'existe absolument pas d'unanimité concernant l'AMP pour toutes. Il y a des divisions profondes au sein du peuple français et entre les deux chambres du Parlement. De ce fait, nous n'avons pas de mandat clair des Français pour légiférer sur cette question, quels que soient les désirs de certains d'entre vous de satisfaire l'ambition politique d'Emmanuel Macron, Président de la République. Ce n'était pas inscrit dans son programme…
…et je crois qu'en l'absence de mandat clair, nous n'avons pas à légiférer. Face à une division si importante sur des questions cruciales, qui entraîneront des modifications anthropologiques profondes de notre société, il serait bien plus prudent d'attendre.
Sur le fond, on oppose en réalité deux choses : la PMA pour toutes et l'AMP sans père. Vous entendez lutter contre une discrimination que vous estimez patente entre les femmes qui auraient recours à l'AMP et les autres dans le seul but de satisfaire le désir d'enfant des adultes. Mais en essayant de gommer cette discrimination, vous allez en créer d'autres entre les enfants à naître. Nous tous ici allons assumer une responsabilité, celle d'autoriser dans la loi la conception, par la science, d'enfants sans père. C'est une chose que l'état de nature, la biologie, permette que des enfants puissent naître et grandir sans père ; cela relève de la responsabilité individuelle. Mais le fait que nous tous autorisions la naissance d'enfants sans père constitue une erreur éthique fondamentale.
La portée, enfin. Vous le savez bien, je vous l'ai déjà dit en commission spéciale : finalement, vous allez ouvrir la porte à la GPA ! Car si un couple de femmes a droit à l'AMP, pourquoi un couple d'hommes ne pourrait-il pas y avoir droit lui aussi ?
Vous devrez forcément respecter l'égalité de droit entre les couples, que je pourrais même être le premier à défendre !
En effet, pourquoi y aurait-il une différence entre les couples de femmes et les couples d'hommes ?
Votre raisonnement est clairement illogique sur la forme, sur le fond et dans sa portée, et il va faire naître des dangers dans la société.
Mme Agnès Thill applaudit.
Avec l'article 1er qu'elle a absolument tenu à rétablir après l'examen du texte par nos collègues sénateurs, la majorité cherche en réalité à nier l'altérité entre un homme et une femme. Votre raisonnement est toutefois illogique, chers collègues, puisque vous savez bien qu'un tiers donneur apportant les gamètes mâles est nécessaire à la procréation. Mais vous cherchez à casser le lien particulier qui existe entre un père et son enfant, à tel point que vous nous avez dit en commission spéciale – nous y reviendrons sans doute – que si un tiers donneur souhaitait reconnaître l'enfant qui, à l'âge de dix-huit ans, aurait demandé à connaître son identité, vous refuseriez d'établir cette filiation alors même que l'enfant n'aurait pas de père ! Cela prouve que vous êtes totalement opposés au lien particulier établi entre un enfant et son père.
Il est très défavorable à la suppression de l'article 1er , qui constitue le fondement principal et même la part la plus emblématique de ce projet de loi souhaité par une grande majorité de Français et de députés sur les différents bancs, comme cela a été rappelé…
Je parle de l'Assemblée nationale. J'entends bien que vous parlez de beaucoup d'autres choses que du projet de loi en lui-même et de l'endroit où nous débattons. Nous parlons ici de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale. J'entends aussi votre obsession, répétée inlassablement par les plus traditionnalistes d'entre vous, pour la GPA. Il se trouve que la GPA n'est pas à l'ordre du jour : ce n'est pas la peine d'en parler !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous gagnerez ainsi du temps, puisque votre temps de parole est compté.
Mais c'est la première étape, vous l'avez dit en commission ! Assumez !
Je vous en prie, chers collègues. Monsieur Breton, grâce au temps législatif programmé, la durée de chacune de vos interventions n'est pas limitée ; laissez donc le rapporteur vous répondre. Et madame Blin, ne demandez pas au rapporteur de vous répondre ce que vous souhaitez qu'il dise ; si sa réponse ne vous convient pas, vous pourrez reprendre la parole. Je vous invite tous à respecter les positions qui sont différentes des vôtres.
Je répète que nous n'allons évidemment pas accepter de supprimer l'article 1er , qui étend à toutes les femmes l'accès à la PMA et qui protège l'intérêt supérieur de l'enfant, même si certains ne le comprennent pas encore.
Je veux rassurer Mme Six : la France est l'un des pays les mieux prémunis sur le plan juridique contre toute commercialisation de parts du corps humain. Il est inscrit dans la loi que les dons de sang, de sperme et d'ovocytes sont tous gratuits. Il n'y a donc aucun risque ni aucune crainte à avoir à cet égard.
J'en viens aux arguments de Mme Genevard : je confirme, madame, que le père n'est pas obligatoirement le géniteur. Mme Ménard le sait bien d'ailleurs, qui cite Marcel Pagnol. Comme cela lui a été rappelé, le père, pour Pagnol, n'est pas le géniteur mais celui qui aime. Je suis navré, monsieur Breton, de faire de nouveau référence à l'amour ,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
mais le père est celui qui s'occupe de l'enfant, qui pourvoit à ses besoins, qui l'éduque et qui l'aime. Il y a beaucoup d'exceptions à la règle du père géniteur.
Mme Agnès Thill s'exclame.
…car, enfin, nous ne restreignons pas la PMA aux seuls couples hétérosexuels et aux seules familles de type traditionnel.
Mon intervention sera sans doute un peu longue car je souhaite répondre à quelques arguments déjà développés et peut-être à ceux qui seront exposés à l'occasion des amendements suivants. Les défenseurs des amendements de suppression ont successivement soulevé des craintes liées aux conséquences psychologiques sur les enfants à naître, aux dérives vers un droit à l'enfant ou encore à un glissement vers la gestation pour autrui. En réponse à ces arguments, je dirai d'abord que l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation sera sans incidence sur la gestation pour autrui, qui est antinomique des grands principes bioéthiques auxquels nous sommes tous attachés. Le rapporteur vient de le dire et le Gouvernement en a fait la ligne rouge au cours des différentes lectures du texte à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les choses sont claires : ce texte n'ouvrira pas le droit à la GPA et n'est pas non plus une première étape vers cette ouverture.
De même, il n'existe pas de droit à l'enfant. Les couples hétérosexuels qui s'engagent aujourd'hui dans un parcours d'AMP ne disposent d'ailleurs pas d'un droit à l'enfant ; ce ne sera pas davantage le cas demain s'agissant des couples de femmes ou des femmes célibataires.
Enfin, la question de la légitimité d'un projet monoparental ou homoparental a déjà été tranchée, quand bien même certains d'entre vous le regrettent. Les textes autorisant l'adoption d'un enfant par un couple marié, y compris par un couple de femmes, ou par une personne seule…
…datent déjà d'un certain nombre d'années. Ce que je sais c'est que l'essentiel pour un enfant, au-delà de l'amour, c'est l'attention, l'affection et c'est une valeur qui vous parlera peut-être davantage que l'amour : la sécurité, à la fois matérielle et affective.
Sans sécurité, aucun enfant ne peut ni se construire, ni se développer ni s'épanouir.
Ce besoin de sécurité ressenti par l'enfant n'est pas lié à la composition de la cellule familiale…
…mais bien davantage à la dynamique s'exerçant au sein de la famille et aux liens d'attachement que l'enfant va pouvoir développer. Vous savez très bien que ces liens d'attachement sont multiples : ils ne se limitent pas au père et à la mère, mais peuvent s'établir à l'égard d'un frère, d'un grand-père, d'un oncle ou de toute personne proche. C'est aussi de cette manière qu'on se construit et n'importe qui peut le vérifier en se référant à son histoire personnelle, ce que je vous invite à faire.
Pour ce qui est du rôle et de la place du père dans la construction d'un enfant, évoquée par plusieurs d'entre vous, je veux redire que ce modèle familial n'est pas incompatible avec d'autres modèles tout aussi respectables au sein desquels un enfant peut s'épanouir : c'est une réalité depuis de nombreuses années, et il serait temps que vous l'admettiez et le respectiez.
Aujourd'hui, les grossesses résultant de procréations initiées hors du territoire national par des femmes en couple ou des femmes célibataires sont suivies en France, les enfants naissent en France et leur filiation est légalement établie en France. On sait que des femmes se mettent en danger pour fonder une famille avec des donneurs parfois trouvés sur internet.
Mesdames et messieurs les députés, la société française a évolué vers un modèle familial qui ne se résume plus à une conception unique issue d'un modèle conjugal unique, et nos concitoyens sont prêts pour les évolutions que vous êtes sur le point de voter. C'est notre devoir et, me semble-t-il, notre honneur que d'accueillir ces nouvelles formes de familles plutôt que de les stigmatiser comme le font certains d'entre vous. C'est notre devoir que d'apporter la sécurité sur tous les plans, y compris sur le plan médical, à ces familles, à ces femmes. Voilà pourquoi nous ouvrons l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, et pourquoi nous émettons un avis défavorable à l'ensemble des amendements de suppression de l'article 1er , que nous vous proposerons de voter avec fierté.
Il est gênant, et même désagréable, de voir certains de nos collègues faire des procès d'intention à la majorité qui soutient l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, en laissant croire à l'opinion française que nous serions en train d'organiser l'effacement du père.
Une telle affirmation n'est pas seulement conservatrice, elle est totalement fausse, démagogique et populiste.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'assume ! Puisque vous nous avez invités à écouter les Français, je voudrais vous rappeler que 67 % d'entre eux sont favorables à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes.
Je ne sais pas si nous lisons les mêmes chiffres, mais en tout cas nous vivons dans la même société !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
S'il vous plaît, faites preuve d'un minimum de respect et écoutez-nous comme nous le faisons quand vous parlez ! Je disais donc que 67 % des Français sont favorables à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. C'est une liberté qui doit être reconnue et que nous souhaitons consacrer, et c'est une avancée sociale essentielle, car il n'est plus acceptable d'empêcher des femmes de réaliser leur projet parental en raison de leur orientation sexuelle.
En tant que législateur, nous devons entendre les aspirations de la société, et c'est notre rôle que de consacrer, dans une loi de révision de la bioéthique, les principes en lesquelles elles s'incarnent.
Enfin, pour répondre à nos collègues du groupe Les Républicains…
…oui, le candidat à l'élection présidentielle Emmanuel Macron avait pris cet engagement devant les Français en 2017,…
…et il l'avait même assorti de deux conditions : d'une part, que le débat ait lieu au sein de la société dans le cadre des états généraux, d'autre part, que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) se prononce sur la question.
Aujourd'hui, le CCNE s'est prononcé, nous avons débattu – nous en sommes même à la troisième lecture du texte – et il y a des Françaises qui nous regardent et qui attendent que nous leur permettions de faire naître leur bébé. Toutes ces femmes encore empêchées de réaliser leur projet parental doivent certainement se dire, quand elles vous entendent, qu'elles ont affaire à une forme de conservatisme très arriéré.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nos collègues répètent à l'envi une fake news selon laquelle le candidat Emmanuel Macron ne se serait pas engagé clairement au sujet de la PMA lors de sa campagne électorale pour l'élection présidentielle. Si je n'ai pas réussi à retrouver sur internet le programme de François Fillon,…
Rires sur les bancs du groupe LR.
…celui de M. Macron est, lui, toujours en ligne. Je vous invite à le consulter, ce qui peut se faire en quelques clics en faisant une recherche sur Google.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous pourrez ainsi vérifier qu'il y est écrit : « Nous sommes favorables à l'ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes. Il n'y a pas de justification juridique pour que la PMA ne leur soit pas ouverte. Pour avancer de façon pédagogique, nous souhaitons attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique, afin d'assurer dans la société un vrai débat, pacifié et argumenté. »
Le vrai débat ayant eu lieu – certes, tous nos collègues n'ont malheureusement pas la volonté qu'il soit pacifié et argumenté –, rien ne doit désormais nous empêcher de faire en sorte que soit mis en œuvre l'engagement très clair pris par Emmanuel Macron, et c'est ce que nous faisons ce soir.
Oui, mais il vaut mieux utiliser un moteur de recherche qui paye ses impôts !
Sourires.
Madame Bergé, je croyais que vous aviez travaillé à l'élaboration du projet de François Fillon, mais il semble que vous ayez oublié…
Rires sur les bancs du groupe LR.
Si nous continuons à mener le combat dans l'hémicycle ce soir, comme lors des deux précédentes lectures, alors que vous êtes majoritaires, et alors même que l'opinion publique est favorable à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes…
« Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Bien sûr, j'ai lu les sondages comme vous – il reste à savoir comment la question a été posée aux personnes interrogées, mais c'est un autre sujet…
Si nous continuons à prendre part au débat, c'est parce que nous estimons avoir à mener un combat de valeurs et de convictions, consistant à défendre nos valeurs contre les vôtres – et contrairement à vous, je respecte votre point de vue même si je ne le partage pas, et je ne vous accuse pas d'être des démagogues.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué Pagnol, un auteur que j'aime beaucoup, moi aussi. J'ai lu, comme vous, les pièces Marius, Fanny et César, et j'ai vu les films merveilleux qui en ont été tirés. Chacun se souvient de Maître Panisse élevant le jeune Césariot et de Fanny, incarnée par Orane Demazis, expliquant que c'est l'amour qui a créé le lien entre Panisse et l'enfant. Les sentiments ne sont pas sans importance, certes, mais nous ne sommes pas là pour faire de la littérature, mais du droit ! Au demeurant, puisque vous semblez l'avoir oublié, je vous rappelle de quoi il est question dans le troisième film de la Trilogie marseillaise : la rencontre entre Césariot et Marius, son père biologique.
Cela me heurte quand j'entends dire qu'un grand-père peut tenir lieu de père. N'en déplaise à M. Mahjoubi, j'entends encore Mme Buzyn affirmer qu'une grand-mère peut tenir lieu de père.
Si, cela a été dit dans cet hémicycle ! Pour notre part, nous considérons que de tels propos sont aberrants. Pour nous, il existe entre un père et son enfant un lien spécifique, que vous ne pouvez nier – et je ne sache pas qu'il soit indécent de le dire dans le cadre de ce débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Catherine Pujol et Agnès Thill applaudissent également.
Nos amis du groupe Les Républicains ont eu le loisir de s'échauffer en commission spéciale la semaine dernière et, puisque nous voulons continuer l'examen de l'article 1er , nous allons les laisser égrener les amendements identiques et les arguments rebattus – à la façon dont certains enchaînent les Pater et les Ave devant les murs de notre assemblée.
Puisqu'elle est la première à évoquer cette question, je veux tout de même répondre à Mme Genevard, qui nous accuse de vouloir privilégier l'égalité entre les parents. Je vous rappelle que, lors des débats en commission la semaine dernière, l'examen de l'article 4 a été l'occasion d'évoquer l'établissement de la filiation et l'ouverture de la reconnaissance conjointe anticipée (RCA) – j'ai déposé un amendement sur ce point –, qui sera le moyen d'assurer l'égalité de tous les enfants devant la filiation, y compris ceux nés par PMA au sein d'un couple hétérosexuel.
Dans cette dernière situation, vous entendez pour votre part maintenir le droit au mensonge en cachant aux enfants leurs origines et en leur interdisant du même coup l'accès aux origines tel qu'il est prévu à l'article suivant. Je vous invite à faire preuve de cohérence avec vos propres arguments : à l'article 4, on parle bien de l'égalité et de l'intérêt supérieur de tous les enfants, quel que soit leur mode de conception, l'enjeu étant de leur garantir une égalité dans l'établissement de leur filiation.
Mme Laurence Vanceunebrock applaudit.
Je remercie le rapporteur et le secrétaire d'État pour leurs réponses, mais leurs arguments ne nous ont pas convaincus. Quand j'entends certains députés de la majorité affirmer que cet article 1er correspond à un engagement fort du Président de la République, je n'en suis pas si sûr.
D'ailleurs, le recours au temps programmé pour ce débat veut tout dire : c'est surtout un signe fort adressé à l'aile gauche de cette majorité.
Si vous ne voulez pas de débat de fond, pour notre part, nous invoquons des arguments de fond. Aujourd'hui, la majorité espère que naisse, avant l'élection présidentielle de 2022, un premier bébé né d'un couple de femmes grâce à la PMA – voilà un argument de fond… Où est l'intérêt supérieur de l'enfant ? Les députés de la majorité défendent l'intérêt des adultes, oubliant souvent l'intérêt supérieur de l'enfant.
Pour notre part, nous ne voulons pas qu'il y ait des enfants sans père. L'ouverture de la PMA à un couple de femmes n'est que la première étape vers une loi qui autorisera inévitablement la GPA. Vous avez beau nous dire que vous ne franchirez pas cette ligne rouge, l'égalité est inscrite dans notre droit, et je ne vois pas comment vous allez y résister. C'est pourquoi il faut supprimer l'article 1er .
Nos échanges sont intéressants en ce qu'ils permettent d'approfondir les points de vue de chacun. Je souhaite pour ma part revenir sur trois points.
Premièrement, faisant référence à Pagnol, notre collègue Touraine affirme que le père, c'est celui qui aime l'enfant. Mais en droit, ce n'est pas cela : le père est soit celui qui est marié à la mère – c'est une présomption légale –, soit celui à l'égard duquel la filiation biologique est prouvée. Pagnol a fait des livres et des films, mais notre droit n'est pas fondé sur l'œuvre de cet auteur. Au demeurant, appliquer le principe selon lequel c'est l'amour qui fonde la paternité serait grave, car cela impliquerait qu'un homme qui n'aimerait plus son enfant ne serait plus son père. Vous rendez-vous compte de l'irresponsabilité à laquelle cela conduirait ? En tant que législateur, nous devons veiller à tenir des propos responsables.
Deuxièmement, notre collègue Mbaye nous suspecte de vouloir priver des femmes de leur projet parental en raison de leur orientation sexuelle. Or, le texte qui nous est soumis prévoit également l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation pour les femmes seules – dont personne ne connaît l'orientation sexuelle.
De grâce, ne mêlez pas vos fantasmes aux reproches que vous nous adressez : l'orientation sexuelle n'a rien à voir là-dedans !
Troisièmement, enfin, dans le sondage qui a été évoqué, la question était la suivante : « Êtes-vous favorable à ce que les couples de femmes désirant un enfant puissent avoir recours à l'assistance médicale à la procréation pour avoir cet enfant ? » Franchement, qui répondrait non à cette question ?
« Vous ! » sur plusieurs bancs.
Si je vous pose cette question : « Êtes-vous d'accord pour priver délibérément un enfant de père ? », allez-vous vous lever et me dire oui ? Cela m'étonnerait, et d'autres sondages l'ont d'ailleurs montré ! Quand la réponse attendue est dans la question, on l'obtient très facilement… Ainsi, quand on interroge les gens en axant la question posée sur la satisfaction des désirs des adultes, ils n'ont pas la volonté de s'y opposer, mais si on leur demandait s'il est souhaitable de priver délibérément un enfant de père, les réponses seraient tout autres !
M. Julien Ravier applaudit.
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur de la commission spéciale.
J'ai participé à l'ensemble des travaux de la commission spéciale, ce qui m'a donné l'occasion d'entendre certains de nos collègues défendre des amendements en boucle. Cela dit, je veux rassurer M. Ravier et ses amis : en prenant la parole, je n'ai aucunement l'ambition de servir les intérêts du candidat Macron – et je pense que personne ne l'a sur les bancs de la gauche.
Le combat moral que vous menez peut globalement être considéré comme respectable, je n'en disconviens pas, et même légitime, mais de votre point de vue. De notre point de vue, majoritaire, c'est un combat d'arrière-garde, qui n'est pas même conservateur mais réactionnaire. Réactionnaire parce que vous n'ouvrez pas les yeux sur ce qu'est notre société aujourd'hui.
Nous discutons de la loi bioéthique : notre débat est donc de nature éthique et non pas morale ou métaphysique. Votre morale et votre métaphysique, vous pouvez bien sûr la conserver mais, de grâce, ne les confondez pas avec l'éthique et la bioéthique.
Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous défendons depuis de très nombreuses années l'extension de la PMA à toutes les femmes. Nous sommes donc extrêmement favorables à cet article 1er que nous voterons, bien évidemment.
En outre, chers collègues, faut-il vous rappeler que ce texte n'abolit aucunement la responsabilité individuelle des femmes et des hommes qui appliqueront cette loi, une fois votée ? Il donne des libertés nouvelles et je suis étonné que vous y soyez opposés, vous qui, en matière économique, êtes extrêmement libéraux. Ces dispositions ne vous enlèvent rien et je ne comprends pas pourquoi vous vous y opposez.
Enfin, madame Blin, contrairement à ce que vous laissez entendre, ce texte ne nie pas l'altérité entre les hommes et les femmes. C'est un tout autre débat.
Je propose d'ajouter à l'article 16-4 du code civil un alinéa ainsi rédigé : « Est interdite toute intervention ayant pour but ou conséquence de concevoir un enfant qui ne serait pas issu de gamètes provenant d'un homme et d'une femme ». Vous le savez, les recherches en matière de cellules-souches pluripotentes permettent désormais de fabriquer des embryons synthétiques comme en atteste une étude publiée le 11 juin 2020. De telles perspectives conduisent à remettre en cause profondément la nature de l'espèce humaine. Vous me direz qu'en France, cela n'est pas possible mais comme la technique le permet, il me paraît bon de faire figurer dans notre droit une telle interdiction, une garantie supplémentaire qui, pour le coup, est vraiment de l'ordre de la bioéthique.
Votre amendement n° 13 , madame Genevard, peut-il être considéré comme défendu ?
Il propose d'ajouter une phrase ainsi rédigée à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique : « Le recours à l'assistance médicale à la procréation n'est possible qu'en cas d'échec avéré de tous les autres traitements de l'infertilité et de toute autre technique de restauration de fertilité ». En droit français, la PMA poursuit un but thérapeutique, lequel justifie l'intervention médicale. Supprimer cette condition conduit à bouleverser en profondeur le droit à la filiation, ce qui nécessiterait un projet de loi à part entière. On peut se demander si l'abandon du critère médical d'infertilité pour accéder à la PMA n'ouvrirait pas la porte à un droit à un enfant sans père.
Pas forcément !
Enfin, je suis particulièrement bien placée pour dire que cette ouverture de la PMA n'était mentionnée pendant la campagne présidentielle que sur le site d'En Marche. Elle ne figurait pas dans le programme électoral distribué dans les boîtes aux lettres « Mon projet pour la nation » dont tous les Français pouvaient prendre connaissance.
Il tend à rétablir la rédaction de l'alinéa 3 de l'article 1er adoptée en première lecture par le Sénat. L'extension à toutes les femmes du recours à la PMA bouleverse considérablement le droit à la filiation. En effet, autoriser le recours à la PMA pour toutes les femmes sans critère médical revient à institutionnaliser un droit à l'enfant sans père. C'est remettre en question le droit des enfants.
Par ailleurs, cette suppression du critère médical remet en question le but thérapeutique de la médecine. Celle-ci garantit à tous le droit d'être soigné. Pourtant avec ce texte, se pose la question de l'émergence d'une médecine qui réponde simplement à un désir, ici un désir d'enfant.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 1143 .
Le but thérapeutique est indispensable à l'assistance médicale à la procréation et il justifie l'intervention médicale. En le supprimant, le projet de loi entraîne des conséquences non maîtrisées sur l'équilibre général de l'AMP et sur tout le droit de la filiation. Qu'en est-il de la médecine, dont les moyens financiers et humains ne sont pas extensibles et qui a déjà du mal à faire face aux défis qu'elle doit relever ? Quel avenir peut avoir la relation médicale si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ou sur la prévention ?
Si vous supprimez les critères objectifs, comme vous êtes en train de le faire, si la médecine ne procède qu'à une évaluation subjective de la souffrance de femmes mues par un désir d'enfant sans pour autant souffrir d'infertilité, ne risque-t-on pas de générer de nouvelles injustices ? Dans le domaine de la bioéthique, le rôle de la loi est d'encadrer les techniques pour éviter les dérives, quelles qu'elles soient. Le but thérapeutique a été défini comme une limite nécessaire, à la fois fiable et objective. C'est lui qui doit légitimer une AMP. Pourquoi vouloir vous en affranchir ? Vous allez créer de nouvelles inégalités, contrairement à ce que vous affirmez.
Les amendements n° 582 de Mme Annie Genevard, 1541 de M. Bernard Perrut et 531 de Mme Annie Genevard sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Plusieurs de ces amendements visent à interdire l'accès à la PMA aux couples de même sexe, ce qui va à l'inverse de but poursuivi dans la loi. Notre avis sera donc évidemment défavorable.
Plusieurs orateurs opposent intérêt de l'enfant et intérêt de l'adulte ? Pourquoi les opposer alors que bien souvent, ils convergent, même si, au moment de l'adolescence, il peut y avoir de petites difficultés. Et quand ils convergent, c'est ce que l'on appelle une famille épanouie, qu'elle soit composée de parents de sexes différents ou de même sexe, de filles ou de garçons.
Madame Thill, comme je vous l'ai déjà dit en commission, le critère d'infertilité est abandonné depuis longtemps lorsqu'un couple hétérosexuel ne parvient pas à procréer mais je sais bien que, d'après vous, les hommes et les femmes ont tout ce qu'il faut pour que ça marche. Ce n'est pas toujours le cas. Nous pouvons même remonter loin dans l'histoire : Abraham et Sarah ne sont pas parvenus à procréer même s'ils avaient tout ce qu'il fallait pour. Et depuis, beaucoup d'autres couples se sont trouvés dans l'impossibilité de procréer alors même qu'ils n'étaient pas stériles d'un point de vue médical. Il arrive même parfois qu'après avoir eu un enfant grâce à une PMA, un couple en ait d'autres dans des conditions naturelles, comme si une inhibition, y compris de nature psychologique, avait été levée.
Enfin, s'agissant de la médecine, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, chassons l'idée qu'elle serait faite uniquement de thérapeutique. Quelle erreur ! Il n'y a qu'en France qu'on peut entendre une telle ineptie ! Heureusement, la médecine s'occupe d'abord de la santé des personnes ; elle n'est pas là uniquement pour soigner des malades. Quand des médecins s'occupent de prévention, de dépistage, de vaccination – c'est à l'ordre du jour – ou réalisent des IVG, font-ils des thérapeutiques ?
Non, ce n'est pas à pratiquer une médecine curative qu'ils s'attachent mais à remplir une mission de santé et il faut accepter que ce soit le cas aussi pour la PMA, qu'elle concerne les couples hétérosexuels ou homosexuels ou des femmes seules. C'est la raison d'ailleurs pour laquelle nous vous proposons qu'elle soit prise en charge par la solidarité nationale exactement dans les mêmes conditions pour toutes ces familles-là.
Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 1594 de Mme Blandine Brocard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable : cet amendement vise à supprimer une grande partie de l'article 1er .
Défavorable également.
L'amendement n° 1594 n'est pas adopté.
L'amendement n° 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1029 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'ai déjà dit pourquoi la mention de la condition d'infertilité n'était pas opportune. Avis défavorable.
Les amendements identiques n° 130 de M. Patrick Hetzel, 333 de M. Xavier Breton, 702 de Mme Anne-Laure Blin et 1174 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il ne serait pas raisonnable de supprimer la belle notion de projet parental.
Défavorable.
J'aimerais rappeler, pour la clarté de nos débats, que cette belle notion a été introduite par le président de l'Assemblée qui, contre sa majorité, a fait adopter un amendement en ce sens.
Les amendements identiques n° 120 de M. Patrick Hetzel, 313 de M. Xavier Breton, 688 de Mme Anne-Laure Blin et 1164 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Avis défavorable : cela viderait la loi de tout son sens.
Et pour répondre à M. Breton, la notion de projet parental est déjà inscrite dans la loi depuis 2004.
L'amendement n° 28 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 29 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Oui, monsieur le rapporteur, vous avez raison de dire que la notion de projet parental figure dans une loi antérieure mais je tiens à vous indiquer que son acception change ici. Et cette définition différente que vous lui donnez entraîne des conséquences en termes de filiation.
En réalité, vous êtes en train de créer un deuxième système de filiation – nous aurons l'occasion d'y revenir. Ce faisant, vous fragilisez le premier. Ne nous dites pas, monsieur Touraine, que les termes sont équivalents : vous essayez de les définir différemment pour en tirer des conséquences qui ne sont pas celles qui avaient été tirées par le législateur précédemment.
La notion de projet parental figure en effet dans la loi depuis longtemps. Cependant, lorsqu'il a été question d'inscrire dans le texte que l'assistance médicale à la procréation était destinée à répondre à un projet parental, il n'y avait manifestement pas de majorité en faveur de cette disposition, loin de là – tout le monde a pu le constater sur la vidéo. À l'époque, le président de l'Assemblée, comprenant que cet amendement était très important, l'a fait passer tout seul. C'est la vie démocratique, mais c'est tout de même très révélateur, car cela revient à réduire l'enfant à la seule volonté des adultes.
Il devient ainsi un produit destiné à répondre à leur désir. Bien sûr, l'arrivée d'un enfant s'inscrit toujours pour une part dans un projet : il faut qu'un homme et une femme aient le projet d'avoir un enfant et de l'élever. Mais le réduire à sa seule dimension de projet, c'est considérer que sa personne est totalement dépendante du bon vouloir des adultes. Or pour nous, une personne humaine ne peut pas dépendre du bon vouloir d'une ou de deux autres personnes : elle a sa propre personnalité. Ce sont des conceptions de fond qui nous opposent : vous êtes pour que le désir des adultes, la toute-puissance des individus s'expriment, nous voulons quant à nous défendre l'enfant avec toute sa fragilité, toute sa part, faite certes du projet des adultes, mais également de sa propre personne.
Les amendements identiques n° 690 de Mme Anne-Laure Blin et 1165 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Je le répète, monsieur Breton, nous ne considérons pas du tout que l'enfant puisse être réduit au seul projet parental – pas plus d'ailleurs qu'à la seule procréation charnelle. C'est bien plus complexe, et il faut prendre en considération toutes les dimensions : le désir d'abord, puis la réalisation, par un couple ou par une femme, de ce désir de mettre au monde un enfant et de s'en occuper, ce qui va en général, vous le savez aussi bien que moi, bien au-delà de sa majorité.
Ces amendements, qui visent à limiter l'AMP à la seule infertilité pathologique médicalement diagnostiquée, marqueraient un retour en arrière, puisque l'AMP s'adresse depuis longtemps aux couples hétérosexuels qui ne parviennent pas à avoir d'enfant, que la stérilité ait été médicalement prouvée ou non. De la même façon, des femmes seules ou en couple pourront demain en bénéficier sans qu'il soit question d'infertilité pathologique. J'émets donc un avis défavorable.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 134 , 337 , 719 , 1037 , 1177 , 1145 , 38 , 60 , 128 , 321 , 699 , 1172 , 61 , 129 , 701 , 1173 et 322 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 134 , 337 , 719 , 1037 et 1177 sont identiques, de même que les amendements n° 60 , 128 , 321 , 699 et 1172 et les amendements n° 129 , 701 et 1173 .
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 134 .
Cet amendement a pour objectif d'insister sur le critère d'infertilité. Que se passera-t-il en effet lorsque vous l'aurez supprimé ? Vous favoriserez l'ouverture d'un véritable marché de la procréation, d'autant qu'un certain nombre d'acteurs économiques ont intérêt à aller dans ce sens. Assumez au moins qu'en procédant de la sorte, vous ouvrez inévitablement la voie à une marchandisation de la procréation et, par voie de conséquence, du corps humain !
Il est important de préciser dans le code de la santé publique que l'homme et la femme doivent être en âge de procréer, afin d'éviter tout abus.
L'amendement identique n° 1177 de M. Marc Le Fur est défendu.
Les amendements n° 1145 de M. Thibault Bazin et 38 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Les amendements identiques n° 60 de Mme Emmanuelle Ménard, 128 de M. Patrick Hetzel, 321 de M. Xavier Breton, 699 de Mme Anne-Laure Blin et 1172 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 61 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Nous en venons à la dernière série d'amendements identiques dans cette discussion commune.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 129 .
Il vise à compléter l'alinéa 3 afin d'éviter de procéder à une PMA post mortem, qui serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Ces amendements tendent à restreindre l'accès à l'AMP aux seuls couples homme-femme, ce qui est contradictoire avec l'objet même du texte proposé. Par ailleurs, ils visent à limiter le recours à l'AMP aux personnes qui sont en âge de procréer. Or cette notion est infiniment trop vague, notamment pour ce qui concerne les hommes. Nous aurons l'occasion d'expliquer ultérieurement qu'un décret en Conseil d'État fixera les bornes d'âge, mais nous ne pouvons inscrire dans la loi une notion trop vague d'âge « apte à procréer », d'autant que chez certains hommes, cette faculté peut perdurer jusqu'à un âge assez élevé. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons. En ce qui concerne les amendements identiques n° 129 et suivants, je peux vous assurer que la volonté du Gouvernement n'est pas d'autoriser l'AMP post mortem. Le texte précise d'ailleurs bien que le décès d'un des membres du couple fait obstacle à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons. J'émets également un avis défavorable à ces amendements.
Vous répondez aux amendements qui vous arrangent, monsieur le rapporteur ! En l'occurrence, nous proposons d'inscrire explicitement dans la loi le refus de la PMA post mortem. Vous nous avez expliqué que vous y étiez défavorable : vous devriez donc être favorable à nos amendements ! Il ne s'agit pas ici de différences entre les hommes et les femmes, mais de refuser toute PMA post mortem.
L'amendement n° 61 n'est pas adopté.
L'amendement n° 322 n'est pas adopté.
Certes, ils sont tous les trois différents, mais je suis sûr que M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État ont le même avis…
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 33 , 131 , 334 , 708 , 1032 , 1144 , 1175 , 1564 , 34 , 532 et 1595 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 33 , 131 , 334 , 708 , 1032 , 1144 , 1175 et 1564 sont identiques, de même que les amendements n° 34 , 532 et 1595 .
L'amendement n° 33 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 131 .
Il s'agit d'un amendement de réécriture puisque, dans sa rédaction actuelle, le texte prive délibérément de père les enfants issus d'une AMP dans le cas des femmes seules ou des couples de femmes. En outre, comme nous l'avons expliqué en commission spéciale, il y a un sujet dans le sujet, car en étendant cette possibilité aux femmes seules, vous créez une situation tout à fait singulière qui prive l'enfant d'un deuxième référent : par essence, il n'aura qu'un seul parent ; il n'existera donc pas d'altérité dans la relation aux parents. Cette situation nous semble préjudiciable à l'enfant.
Nous insistons de nouveau sur le fait que le prisme retenu dans ce texte est constamment celui des adultes et que nous sommes en train de « chosifier » l'enfant. En faire un objet plutôt qu'un sujet, ce n'est pas répondre à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Vous invoquez sans cesse, monsieur le rapporteur, des études favorables à votre argumentation. Mais l'Académie de médecine a aussi mis en garde sur les conséquences de la PMA sans père. Vous devez répondre sur ce point, car les études ne vont pas toutes dans le sens que vous évoquez. L'université de Cambridge a également relevé plusieurs éléments tendant à prouver que le fait d'être élevé par deux mères entraîne des conséquences psychologiques chez l'enfant.
Les partisans de ce projet de loi le justifient par leur volonté de lutter contre l'inégalité qui touche les couples de femmes, qui ne peuvent pas avoir d'enfants. Cependant, ces femmes peuvent très bien avoir un enfant – en recourant à l'adoption.
Dans une lettre adressée en novembre 2019 à Édouard Philippe et Agnès Buzyn, la principale association de familles d'adoptants demandait une réforme de l'adoption afin de trouver une famille aux centaines de pupilles qui restent en attente d'adoption chaque année. À l'échelle mondiale, ce sont des milliers d'enfants qui attendent d'être adoptés. Plutôt que de favoriser la conception d'enfants sans père, ce qui crée une inégalité entre enfants, nous devrions tout mettre en œuvre pour que des enfants n'ayant ni père ni mère trouvent une famille, un foyer, un avenir – de l'amour, puisque vous en parlez tant !
Au lieu de cela, nous allons d'un côté créer des enfants sans père, et de l'autre, laisser des orphelins sans parents. Les orphelins sont déjà suffisamment nombreux en ce monde pour ne pas en créer de nouveaux. Ce n'est pas la PMA qu'il faut légaliser, mais l'adoption qu'il faut faciliter !
Les amendements identiques n° 1144 de M. Thibault Bazin, 1175 de M. Marc Le Fur et 1564 de Mme Josiane Corneloup sont défendus, de même que les amendements identiques n° 34 de Mme Emmanuelle Ménard, 532 de Mme Annie Genevard et 1595 de Mme Blandine Brocard.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Avis défavorable. Beaucoup de ces amendements tendent à refuser aux femmes seules l'accès à l'AMP. Je précise qu'il n'est pas prévu que ces femmes soient isolées sur une île inhabitée ou dans le désert, ni qu'elles deviennent ermites !
Sourires.
Elles ont des parents, des amis – du sexe féminin et du sexe masculin –, et les enfants seront confrontés à des adultes, femmes et hommes, qui contribueront à leur éducation. Il ne me semble donc pas pertinent d'évoquer des risques à cet égard.
Par ailleurs, il convient de distinguer les familles monoparentales subies des familles monoparentales choisies. S'il existe des familles dans lesquelles une femme seule rencontre des difficultés pour élever son enfant, c'est bien souvent parce qu'elle se trouve en situation de grande précarité après avoir été lâchement abandonnée par son compagnon qui la laisse s'occuper seule de son enfant dans des conditions difficiles.
Bien sûr, ce n'est pas la situation idéale pour éduquer un enfant. En revanche, lorsqu'une femme décide d'élever son enfant seule et s'organise en ce sens, cela s'appelle une famille monoparentale choisie – qui, elle, offre des conditions pertinentes pour le développement de son enfant.
Les accidents de la vie, ça existe aussi ! Cela ne marche pas qu'à l'instant t !
Je m'inscris en faux contre votre interprétation des travaux de Susan Golombok, de l'université de Cambridge. Relisez bien ses articles et ses livres, qu'elle a d'ailleurs présentés lors d'une audition devant la commission spéciale : elle ne dit pas que les enfants nés d'une AMP et élevés par des couples de femmes, des femmes seules ou des couples hétérosexuels éprouvent de grandes difficultés à se développer. Le seul et grand enjeu qu'ils affrontent est le regard de certains adultes malveillants qui leur adressent des remarques sur leur condition familiale. Je l'ai déjà dit en commission spéciale, et je le répète : les enfants ne sont pas seulement susceptibles d'adaptation, comme vous le croyez ; ils ont au départ une seule vision du monde, celle de la famille dans laquelle ils naissent, qui constitue pour eux la normalité. Quand un enfant naît dans une famille monoparentale, c'est à ses yeux la famille normale ; quand il naît dans une famille composée de deux femmes, c'est à ses yeux la famille normale.
Plus tard, quand les enfants vont à l'école maternelle, ils constatent que leurs camarades ont d'autres schémas familiaux et ils deviennent tolérants à l'égard de ceux-ci.
J'en parle en connaissance de cause, et je vous invite à relire les travaux de pédopsychiatrie consacrés à ce sujet : ne croyez pas qu'un enfant qui naît ait une vision a priori de la famille normale ou anormale.
Pour un enfant, la famille normale, c'est la sienne. S'il naît dans un foyer ayant seulement une mère, il considérera que c'est très bien ainsi. Il trouvera par lui-même, et dans les relations que sa mère lui fera nouer, ce qui lui est nécessaire, pour peu qu'il y ait, auprès de lui, des parents qui lui consacrent du temps et de l'affection. Nous devons nous élever contre les déformations qui sont faites de ces études : toutes les conclusions de Susan Golombok encouragent à supprimer les discriminations dans le recours à la PMA.
Enfin, vous m'avez interrogé sur les PMA de volonté survivante ; une douzaine d'amendements au moins en traiteront tout à l'heure.
Il est défavorable. Je serai bref, car M. le rapporteur a développé tous les arguments. Une fois encore, la question de la monoparentalité a été tranchée par le législateur il y a de nombreuses années, puisque l'adoption par des femmes seules est déjà possible.
Ils existent en effet, et ils sont souvent adoptés très jeunes.
Comme l'expliquait M. le rapporteur, le modèle familial qui s'impose à eux est celui dans lequel ils se développent et s'épanouissent – car ils se développent et s'épanouissent tout autant que les autres enfants.
J'insiste par ailleurs sur la sécurité des femmes : aujourd'hui, certaines se mettent en danger pour fonder une famille. À cela s'ajoute la discrimination évoquée par M. le rapporteur : seules les femmes qui en ont les moyens, les plus aisées, peuvent passer les frontières pour réaliser une PMA ; outre leur mise en danger, cela engendre des inégalités. Nous proposons au contraire un cadre sécurisé.
Enfin, le souci de protéger l'intérêt de l'enfant est partagé. Faisons confiance aux femmes, qui ont un projet parental mûri. Un parcours d'AMP ne se décide pas d'un claquement de doigts ; il se réfléchit et se mûrit au gré d'un cheminement long, difficile et compliqué.
Faisons aussi confiance aux centres d'AMP, qui ne prennent pas ces démarches à la légère, mais qui les accompagnent au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant – plusieurs articles du projet de loi le précisent d'ailleurs. Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à ces amendements qui remettent en cause l'ouverture de l'AMP, en particulier aux femmes seules.
Vous connaissez suffisamment le sujet de l'adoption, monsieur le secrétaire d'État, pour savoir que même si les effets de la filiation sont identiques pour la PMA et l'adoption plénière, les situations sont différentes. Dans le cas de l'adoption, il s'agit de donner une famille à un enfant, et non de donner un enfant à une famille.
Absolument !
Aussi les personnes célibataires ont-elles la possibilité historique d'adopter un enfant ; toutefois, celle-ci ne doit pas être généralisée.
M. le rapporteur parlait des familles monoparentales comme si elles ne comportaient pas de père ; or dans ces familles, il y a bien un père – peut-être est-il absent, mais il existe, et on peut le trouver ou le chercher. Dans le cadre de la PMA, vous privez délibérément un enfant, à tout jamais, de rechercher son père ; vous le lui interdisez ! Cette situation est bien différente de celle où, pour diverses raisons, le père est absent. Par votre responsabilité, la loi interdira à tout jamais à des enfants d'avoir un père, et même de le rechercher.
Mme Agnès Thill applaudit.
Le code civil prévoit que les enfants peuvent engager une recherche en paternité ; ils en ont donc le droit. Or ce droit, vous le supprimez pour les enfants nés dans des couples de femmes ou de femmes seules. De fait, vous créez une asymétrie juridique. Vous voulez résoudre une inégalité entre adultes, et vous créez des inégalités entre enfants ! Voilà le problème, et voilà pourquoi, d'un point de vue éthique, nous ne pouvons accepter une telle évolution, contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Il s'agit d'imposer une forme de conditionnalité à l'accès à la PMA, en complétant la seconde phrase de l'alinéa 3 par la mention « peuvent accéder à l'assistance médicale à la procréation sur autorisation donnée », de sorte que la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules n'ait pas un caractère d'automaticité.
La formulation actuelle fait de l'AMP une prestation que tout demandeur pourrait exiger, sans laisser de marge d'appréciation au médecin. Le présent amendement vise à nuancer cette formulation, en indiquant que les personnes concernées « peuvent solliciter le bénéfice » de l'AMP ; l'accès à l'AMP ne serait donc pas automatique, et le médecin garderait une marge d'appréciation.
Les amendements identiques n° 315 de M. Xavier Breton, 692 de Mme Anne-Laure Blin, 1166 de M. Marc Le Fur et 1596 de Mme Blandine Brocard sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Vous voudriez qu'une autorisation soit donnée de façon formelle pour pratiquer une AMP, ce qui transformerait le médecin en un président de jury ou un procureur dispensant des acceptations aux unes et des pénalités ou des interdictions aux autres. Cela ne correspond pas à la réalité, dans laquelle un colloque singulier se noue entre le médecin et la patiente : ce dialogue fécond aboutit à ce que certaines femmes arrêtent leur projet, parce qu'il n'est pas adapté, tandis que d'autres le prolongent, en accord avec le médecin.
Mme Agnès Thill s'exclame.
Toutefois, il ne s'agit pas là d'une autorisation formelle, qui casserait totalement la relation entre le médecin et le malade, et que n'accepteraient pas l'immense majorité des gynécologues concernés. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 538 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1597 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Dans le cadre d'une procédure d'adoption, une enquête sociale et psychologique est imposée au couple postulant afin de déterminer les garanties qu'il offre à un enfant : capacités morales, éducatives, affectives, familiales et psychologiques. Par cet amendement, nous proposons que l'évaluation médicale, psychologique et sociale en vue d'une AMP soit systématique, et non éventuelle. En effet, supprimer la condition d'infertilité ne modifie pas la pénibilité de la technique de l'AMP, ni les multiples conséquences induites : embryons surnuméraires, possibilités d'échec – un couple sur deux n'a pas d'enfant à l'issue d'une AMP –, recours à un tiers donneur ou absence de référence au père biologique.
Le projet de loi, qui prévoit des entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire, est plus satisfaisant que les rédactions proposées par ces amendements. Remplacer ces entretiens par une évaluation médicale et – pire – psychologique, susciterait de nombreuses inquiétudes. Je ne recommande donc pas d'adopter ces amendements.
Défavorable.
Je rappelle que ces entretiens figuraient dans le texte initial du Gouvernement.
Non, monsieur le rapporteur : il a été dégradé et offre moins de sécurité. Pour une entreprise qui implique tant d'enjeux, des entretiens préalables de nature médicale, mais aussi psychologique et sociale, ne sont pas indus – à moins que vous ne considériez que ces spécialistes n'ont pas leur mot à dire sur la démarche à laquelle ces femmes veulent se livrer. Les ministres de l'époque n'avaient pas trouvé ces entretiens incohérents, injustifiés, stigmatisants ou dégradants !
L'amendement n° 1033 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 125 , 318 , 696 , 1169 , 124 , 317 , 695 , 1168 , 123 , 316 , 694 , 1167 et 1034 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 125 , 318 , 696 et 1169 sont identiques, de même que les amendements n° 124 , 317 , 695 et 1168 et les amendements n° 123 , 316 , 694 et 1167 .
Les amendements n° 125 de M. Patrick Hetzel, 318 de M. Xavier Breton, 696 de Mme Anne-Laure Blin et 1169 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements n° 124 de M. Patrick Hetzel, 317 de M. Xavier Breton, 695 de Mme Anne-Laure Blin et 1168 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements n° 123 de M. Patrick Hetzel, 316 de M. Xavier Breton, 694 de Mme Anne-Laure Blin et 1167 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement n° 1034 .
Le médecin ou le pédopsychiatre doit se prononcer sur le projet parental et, après enquête, déterminer si la démarche doit ou non aboutir. Son avis ne doit pas être uniquement consultatif, mais bien décisionnaire, puisqu'il doit pouvoir mettre fin à une démarche d'assistance médicale à la procréation. Nous ne sommes pas favorables à un droit qui serait irrévocable.
J'aimerais revenir sur les familles monoparentales choisies. Vous rappelez, monsieur le rapporteur, qu'un quart des familles sont monoparentales. Et alors ? Est-ce merveilleux ? Faut-il en créer d'autres ? Ce serait contradictoire, vu les aides que votre Gouvernement dispense actuellement à ces familles ! Ce serait également faire fi de toutes les femmes qui avortent après une PMA réalisée en Espagne – vous le savez pertinemment, et les associations nous ont alertés à ce sujet –, sans compter les enfants issus de PMA qui sont ensuite placés. Il n'y a pas que des situations merveilleuses !
Même avis.
L'amendement n° 1034 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 542 .
Tout cela est fait dans l'intérêt supérieur de l'enfant à naître, comme le reste du projet de loi. Défavorable.
Défavorable.
Quid de l'intérêt supérieur de l'enfant s'il est avéré que les membres du couple n'ont pas un équilibre psychologique de nature à assurer précisément le respect de cet intérêt supérieur de l'enfant ? Seul un entretien psychologique permettrait de l'établir, dans le cadre d'un colloque singulier – pour reprendre vos termes, monsieur le rapporteur.
L'amendement n° 542 n'est pas adopté.
L'amendement n° 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je propose de compléter l'alinéa 3 par la phrase : « Le recours à l'assistance médicale à la procréation n'est possible qu'en cas d'échec avéré de tous les autres traitements de l'infertilité et de toute autre technique de restauration de la fertilité. » Cet amendement se justifie par son texte même.
Même avis.
L'amendement n° 59 n'est pas adopté.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Je précise que c'est à titre individuel que je défends cet amendement, déposé également par des collègues siégeant sur d'autres bancs.
C'est une discussion que nous avons eue à plusieurs reprises au cours des lectures précédentes de ce projet de loi. Je le redis, cet article 1er me semble s'arrêter en chemin en excluant de la PMA les hommes trans qui ont changé d'état civil, alors que, comme vous le savez, le changement d'état civil ne suppose pas – et c'est heureux – la stérilisation ni la modification des organes génitaux et qu'ils peuvent donc y prétendre. C'est ce que nous défendons au travers de cet amendement. Nous craignons que ce ne soit pas cette loi qui le permette ; mieux vaudrait dès lors que nous sécurisions au maximum le parcours de ces hommes trans qui souhaiteraient avoir accès à la PMA, qu'ils soient seuls ou en couple avec un homme, ainsi que la filiation des enfants à naître, puisque de toute façon, ce parcours existera.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, l'extension du droit à la PMA pour toutes n'aurait pas dû s'inscrire dans un projet de loi relatif à la bioéthique.
Il s'agit là de l'extension d'un droit, et nous privilégions plutôt celle de l'égalité, de la liberté. Il aurait fallu un texte à part permettant d'aborder toutes ces questions et de les mener jusqu'à leur terme. Nous invitons les collègues, au-delà des directives des groupes, à s'exprimer en toute liberté pour permettre à cet article 1er d'aller jusqu'au bout du chemin.
Le droit actuel prévoit que le changement de sexe à l'état civil n'est pas en tant que tel un obstacle à l'accès à la PMA : les hommes trans en couple avec des femmes qui peuvent porter un enfant après insémination ou transfert d'embryons ont d'ores et déjà accès à la PMA. L'étude Myosotis, réalisée par David Cohen et Agnès Condat, montre que les enfants élevés au sein de ces familles se portent tout aussi bien que les autres enfants. Ainsi, le modèle de famille ou la transidentité n'est jamais une contre-indication à la parentalité.
Dans ce cadre, on peut regretter que le projet de loi relatif à la bioéthique prévoie d'exclure les hommes trans célibataires ainsi que ceux en couple avec des hommes du bénéfice de l'assistance médicale à la procréation. Il s'agit d'une discrimination fondée sur le sexe, qui s'inscrit en rupture avec les valeurs de cette assemblée. Nous avions d'ailleurs voté en faveur de l'élévation de la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe au rang de valeur constitutionnelle. Une telle discrimination imposerait aux hommes trans de choisir entre leur transition et leur projet parental, ce qui revient d'une certaine façon à leur imposer une forme de stérilisation administrative après des décennies de stérilisations forcées. Or les droits reproductifs sont des droits humains et ceux-ci ne se divisent jamais, ne se hiérarchisent jamais. Pour cette raison, il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre les femmes et les hommes célibataires ou encore entre les couples hétérosexuels et les couples d'hommes transparentaux.
Il vise à préciser dans le texte que « le changement de sexe à l'état civil ne fait pas obstacle à l'accès à l'assistance médicale à la procréation. » Il s'agit de permettre aux personnes trans de recourir à l'AMP lorsqu'elles ont procédé à un changement d'état civil sans être opérées ni stérilisées, comme les y autorise la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI
Cette réécriture permet de rétablir le texte initial de l'article 1er , à un détail près : il est rendu explicite que le changement de la mention du sexe à l'état civil ne peut représenter un obstacle à la procédure d'AMP. Cet amendement est issu des échanges de vues et d'un travail en commun transpartisan entre les membres du groupe d'études sur les discriminations et LGBTQphobies dans le monde.
Le présent article ouvre à toutes les personnes qui le peuvent et le veulent la possibilité d'avoir recours aux techniques de procréation médicalement assistée : c'est une question d'égalité. Toutefois, il ne faut pas s'arrêter en chemin, mais permettre également l'accès aux techniques de PMA à toutes les personnes en capacité de le faire, qu'elles soient ou non inscrites comme femmes à l'état civil. La Commission nationale consultative des droits de l'homme va d'ailleurs dans ce sens. Il ne serait pas opportun d'empêcher ou de complexifier les projets parentaux par un manquement de la loi ou une conception rigide de l'identité de genre. Depuis 2016, le changement de genre à l'état civil n'est plus soumis à une preuve de stérilisation, ce qui fait qu'il existe déjà à l'heure actuelle des cas d'hommes transgenres portant un enfant sans recours à la PMA. La PMA est par ailleurs déjà pratiquée par des couples hétérosexuels comprenant un homme trans, avec don de gamète, comme pour n'importe quel autre couple hétérosexuel.
Comme l'a dit tout à l'heure notre collègue Agnès Thill, quand on a tout ce qui fonctionne, d'un côté comme de l'autre, pourquoi s'en priver ? Ça s'appelle la liberté !
Je soutiens très activement les collègues qui viennent de s'exprimer sur des bancs différents, ce qui est extrêmement encourageant. Comme elles viennent de le démontrer avec beaucoup de clarté, même s'il y a deux rédactions, qui sont très connexes, il semble très logique et important de préciser que la modification de la mention du sexe enregistrée à l'état civil ne peut être une entrave à la réalisation d'une PMA.
La commission a émis un avis défavorable, mais à titre personnel, je suis sensible aux motivations de ceux qui ont défendu ces amendements, qui permettraient de faire reculer plus complètement toute discrimination dans l'accès à la PMA. Que chacun se prononce donc en son âme et conscience.
L'avis du Gouvernement est clair et constant depuis le début : il est défavorable à ces amendements qui visent à autoriser l'accès des hommes transgenre à l'AMP.
Vous le savez, depuis la loi du 18 novembre 2016, la preuve d'une intervention médicale ou chirurgicale n'est plus exigée pour faire modifier la mention de son sexe et de son prénom à l'état civil. Dans la vie civile, seule l'identité indiquée à l'état civil est prise en compte. Par exemple, une femme devenue un homme à l'état civil, même si elle a gardé son appareil reproducteur féminin, est un homme. Par conséquent, il est également un homme au regard de l'assistance médicale à la procréation. Dans le projet de loi, un homme à l'état civil ne peut avoir accès à l'AMP seul, ni en couple avec un autre homme. Il pourra y avoir accès s'il est en couple avec une femme, cette dernière portant l'enfant après insémination ou transfert d'embryon. Le fait de changer de sexe n'est donc pas un obstacle en tant que tel : tout dépend du sexe à l'état civil au moment de la demande qui donnera accès à telle ou telle technique.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Je suis saisi de quatre amendements, n° 88 , 126 , 319 et 1170 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 126 , 319 et 1170 sont identiques.
L'amendement n° 88 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Les amendements identiques n° 126 de M. Patrick Hetzel, 319 de M. Xavier Breton et 1170 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement n° 88 n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, n° 90 , 127 , 320 et 1171 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 127 , 320 et 1171 sont identiques.
L'amendement n° 90 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Les amendements n° 127 de M. Patrick Hetzel, 320 de M. Xavier Breton et 1171 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement n° 90 n'est pas adopté.
L'amendement n° 58 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques, n° 36 de Mme Emmanuelle Ménard, 1035 de Mme Agnès Thill et 1598 de Mme Blandine Brocard.
Ils sont défendus.
Je suis saisi de deux amendements, n° 673 de M. Fabien Di Filippo et 1036 de M. Pascal Brindeau, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Ces amendements sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Défavorable, car nous sommes attachés à une prise en charge comparable pour les différents types de couples.
À l'heure actuelle, aucune discrimination fondée sur l'identité de genre n'est tolérée dans le code pénal ni par notre droit, notamment en application de la loi du 27 mai 2008. L'absence de mention explicite de la notion d'identité de genre au titre du principe général de non-discrimination dans la rédaction actuelle du texte ne saurait être interprétée comme un permis de discriminer ou d'accorder un traitement différent aux personnes trans candidates à l'AMP. Les études de Colette Chiland réalisées en 2013 ont montré que les CECOS, ou centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains, ont des approches très différentes lorsqu'il s'agit d'accueillir un couple composé d'une femme cisgenre et d'un homme trans, certains allant parfois jusqu'à conditionner la réalisation de la PMA à des examens complémentaires, notamment psychiatriques.
Les ministres successifs, Mme Buzyn et M. Véran, ont expliqué lors des deux premières lectures du texte que le droit actuel prévoyait déjà que les hommes trans en couple avec des femmes susceptibles de mener la grossesse avaient accès à l'AMP. Demain, avec le vote de cette loi, les femmes trans ayant procédé à la rectification de la mention de leur sexe à l'état civil pourront recourir à une PMA avec une autre femme, cisgenre cette fois.
Eu égard au poids de l'histoire médicale et aux rapports souvent conflictuels qu'elle a pu entretenir avec le corps et les identités trans, il me semble politiquement pertinent de mentionner explicitement la notion d'identité de genre au sein du principe de non-discrimination mentionné à l'article 1er .
Cet amendement vise, comme les deux précédents, même s'ils ne figurent pas aux mêmes alinéas de l'article, à souligner l'interdiction faite aux équipes de discriminer des couples candidats à la PMA sur le fondement de l'identité de genre de l'un des membres de ces couples. Il propose ainsi d'inscrire explicitement cette interdiction dans la loi.
Comme précédemment, la commission avait émis un avis défavorable mais, à titre personnel, je pense que l'absence de discrimination basée sur l'identité de genre serait préférable. Chacun peut à nouveau se prononcer comme il l'entend.
Pour les raisons développées tout à l'heure, avis également défavorable.
L'amendement n° 1584 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Aujourd'hui, la technologisation croissante de l'AMP incite à recourir systématiquement à la FIV, la fécondation in vitro, alors que cette procédure entraîne plus de désordres médicaux pour les enfants ainsi conçus. Les centres de PMA pratiquent en effet de plus en plus de FIV en première intention, ce que dénonce par exemple le professeur Testart, disant carrément que la FIV est devenue un business industriel. La rédaction proposée par l'amendement permet de limiter les risques de dérives vers une marchandisation qui pourrait être possible avec la rédaction actuelle du texte.
Les amendements identiques n° 339 de M. Xavier Breton et 1179 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Comme indiqué en commission, il n'est pas nécessaire d'inscrire cela dans la loi. Utiliser une technique très invasive quand une technique beaucoup plus confortable pourrait obtenir le même résultat est clairement une faute médicale – cela relève d'ailleurs du contrôle de l'Agence de la biomédecine. Si des équipes se mettent en infraction, elles doivent être sanctionnées avec les moyens qui existent déjà. Ce n'est donc pas la peine d'ajouter quoi que ce soit dans la loi à cet égard.
Même avis.
J'avais déposé un amendement qui devait être examiné après cette série de trois amendements et qui n'est pas sans rapport avec le risque évoqué par Patrick Hetzel d'une marchandisation, d'une irruption du business de la procréation. Cet amendement visait à ce que tout démarchage, toute propagande, toute publicité portant sur des méthodes d'assistance médicale à la procréation soit rigoureusement interdite. Il a été jugé irrecevable et je ne comprends pas pourquoi. Je pense que le danger existe.
Il faudra que vous m'expliquiez pourquoi, monsieur le rapporteur. Lors de la précédente lecture du texte, j'avais remis à M. le secrétaire d'État un document attestant de l'existence de publicités diffusées sur notre sol en faveur par exemple de la GPA, ce qui montrait bien que, dans le droit fil de ce qu'on peut observer aux États-Unis, où il existe un business de la procréation qui représente des sommes considérables, nous ne sommes pas à l'abri, sur notre sol, de telles dérives.
La publicité est interdite dans la loi française. En revanche, la loi française ne peut pas aller contrôler ce que font d'autres pays. Votre amendement est donc satisfait en France, mais ne l'est probablement pas dans certains autres pays.
Monsieur le rapporteur, ce que vous dites est à la fois vrai et faux car, comme l'a indiqué Mme Genevard, il y a eu et il y aura cette année encore, en septembre, porte de Champerret, un salon « Désir d'enfant », qui aura pour objectif de promouvoir des entreprises étrangères qui proposent une offre en la matière. Il y a là une possibilité d'intervenir : dès lors que cette publicité est interdite sur le sol français, il faut aussi pouvoir interdire la promotion et la commercialisation de telles opérations de marchandisation du corps.
Par ailleurs, je rappelle encore, comme nous l'avons fait en commission, que dans un tout autre texte, relatif à la vie économique, nous avons inscrit des dispositions permettant de sanctionner des entreprises qui auraient recours à des sous-traitants à l'étranger ayant eux-mêmes recours au travail illégal d'enfants. On voit donc bien qu'on peut agir en extraterritorialité : vous n'allez pas me dire que nous n'avons pas, là aussi, des possibilités d'action. Dans ce domaine, si on veut, on peut : nous avons là une parfaite illustration de la duplicité de cette majorité.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut nous répondre. Ce salon Désir d'enfant, qui a eu lieu en septembre dernier, c'était le business de la procréation qui s'affichait, avec des incitations à la marchandisation des produits du corps humain et une promotion de la GPA. On annonce une nouvelle édition de ce salon pour la rentrée. Le Gouvernement va-t-il prendre ses responsabilités et interdire ce salon, ou du moins toute promotion d'activités illégales dans notre pays ?
Je rappelle au législateur que vous êtes que le législateur a déjà pris ses responsabilités en la matière, puisqu'il existe déjà dans le code pénal un délit d'entremise dans la GPA. Je vous lis l'article L. 227-12 du code pénal, introduit par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain : « Le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
« Le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre entre une personne désireuse d'adopter un enfant et un parent désireux d'abandonner son enfant né ou à naître est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
« Est puni des peines prévues au deuxième alinéa le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double.
« La tentative des infractions prévues par les deuxième et troisième alinéas du présent article est punie des mêmes peines. »
Le cadre juridique existe donc bien et les infractions sont bien réprimées dans le code pénal. Nous devons veiller à ce que ces dispositions soient respectées.
Le cadre existe, mais la loi n'est pas appliquée. En effet, ces forums existent et il en va de même pour de nombreux événements. Il faut appliquer la loi.
L'amendement n° 95 n'est pas adopté.
L'amendement n° 92 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement propose une réécriture de l'alinéa 5 de l'article 1er . Il convient en effet de garder l'AMP uniquement pour les couples hétérosexuels, dans les conditions actuelles. Il faut rappeler qu'aucun référent masculin ne remplace un père, comme l'expliquait le docteur Lévy-Soussan lors des auditions. Si les gynécologues sont plutôt favorables au dispositif, les professionnels de l'enfance, eux, ne le sont pas et les collectifs de médecins s'y opposent. Aucun parrain, oncle ou ami qu'on voit le week-end ou deux fois par semaine ne remplacera jamais un père. C'est d'ailleurs paradoxal : admettre qu'il faut un référent masculin, c'est admettre que l'altérité est nécessaire.
Satisfaire ainsi les désirs d'adultes revient à faire en sorte qu'un être humain n'ait jamais la chance de connaître ce que c'est que d'avoir un père et son amour. Ce n'est pas protéger l'enfance.
L'amendement identique n° 1038 de M. Pascal Brindeau est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. En particulier, l'amendement de Mme Thill aboutirait, à l'opposé de ce qu'elle souhaite, à exonérer les femmes seules et les femmes en couple de l'obligation de réunir les conditions nécessaires à une AMP : seuls les couples homme-femme auraient alors besoin de se soumettre à certaines conditions. Dans sa rédaction, cet amendement n'est donc ni opportun ni désirable.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 91 de Mme Emmanuelle Ménard, 135 de M. Patrick Hetzel, 338 de M. Xavier Breton, 720 de Mme Anne-Laure Blin et 1178 de M. Marc Le Fur, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 135 , 338 , 720 et 1178 sont identiques.
Ces amendements sont tous défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable à l'idée qu'il faille solliciter une mention écrite définie par un décret en Conseil d'État. C'est heureusement d'une façon beaucoup moins formaliste que les choses se réalisent harmonieusement.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 91 , n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 324 , je suis saisi par le groupe Libertés et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de neuf amendements, n° 1555 , 852 , 1562 , 327 , 961 , 1556 , 518 , 960 et 324 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 961 et 1556 sont identiques, de même que les amendements n° 518 et 960 .
La parole est à M. Didier Martin, pour soutenir l'amendement n° 1555 .
Il tend à permettre aux femmes qui, après avoir engagé un projet d'enfant avec leur conjoint et en avoir discuté avec lui, ont perdu leur compagnon – le plus souvent accidentellement –, d'utiliser les gamètes de leur compagnon ou les embryons préparés pour cette conception.
Mes chers collègues, laissons à ces femmes la possibilité de poursuivre, en pleine responsabilité, le choix de leur couple – un couple avisé, qui a envisagé d'avoir un enfant. Ne les obligeons pas à abandonner leurs embryons et les gamètes de leur conjoint, quitte à avoir elles-mêmes recours, comme le projet de loi que nous allons adopter le leur permettra, au don d'un anonyme si demain, elles veulent avoir un enfant.
Cette proposition revêt le terme assez impropre d'AMP post mortem. Je pense que c'est une mauvaise dénomination, car il s'agit au contraire de laisser à la femme survivante le droit de poursuivre le projet. Je rappelle que le Conseil d'État, en tant que plus haute juridiction administrative, a reconnu aux femmes, dans ce cas particulier, le droit de récupérer les gamètes de leur conjoint ou les embryons pour bénéficier d'une AMP à l'étranger. Or nous voulons justement éviter la pérennisation du recours à la PMA à l'étranger.
Tout à l'heure, nous avons rejeté les amendements de nos collègues visant à préciser que les deux membres du couple devaient obligatoirement être vivants pour entamer une démarche d'AMP. Soyons donc logiques avec nous-mêmes et reconnaissons à ces femmes le droit de poursuivre le projet parental engagé.
Il vise lui aussi à permettre l'insémination ou le transfert d'embryons en cas de décès d'un des membres d'un couple engagé dans un processus d'AMP. Notre collègue Didier Martin a évoqué un arrêt du Conseil d'État sur le sujet ; j'aimerais ajouter que le Comité consultatif national d'éthique s'est prononcé dans cinq avis – en 1993, 1998, 2000, 2011 et 2018 – en faveur d'une consécration dans la loi de la possibilité de poursuivre un processus d'AMP en cas de décès d'un des membres du couple.
Le tout premier de ces avis est particulièrement éloquent : il estime en effet qu'il « n'existe aucune raison convaincante de refuser a priori ce choix à la femme elle-même […] dans le cas où une FIV a été réalisée du vivant de l'homme et où les embryons ont été congelés. »
Chers collègues, l'opinion du Comité consultatif national d'éthique n'a jamais varié. Mieux : il l'a confirmée en invitant le législateur à inscrire dans la loi un délai au terme duquel il ne serait plus possible de recourir aux gamètes et à assortir cette mesure d'un accompagnement psychologique de la femme désireuse de continuer le projet parental.
Alors que nous faisons un pas vers l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, nous devons être cohérents d'un point de vue juridique. Sachant toutes les contraintes et la complexité que représente un parcours d'AMP, sachant le cheminement parcouru et tout l'accompagnement médical dont a bénéficié le couple, que répondrons-nous à une femme qui perd son conjoint alors qu'ils étaient engagés dans un projet parental ? Personnellement, je ne me sentirais pas capable de dire à cette femme qui a vu son mari disparaître brutalement que notre législation ne l'autorise pas à utiliser les embryons congelés ou les gamètes de son mari pour poursuivre son projet, mais que cette nouvelle loi de bioéthique lui permet, comme à toutes les femmes, d'avoir recours à la procréation médicalement assistée et qu'il lui suffit pour cela de se rendre dans un CECOS et d'utiliser les gamètes d'un anonyme dont elle ne saura même pas s'il est encore vivant ou décédé.
Je crois qu'il y a là une forme d'injustice et d'incohérence juridique qu'il nous revient à nous, législateurs, de gommer, en cohérence avec ce qu'a dit le Conseil d'État et avec les avis du Comité consultatif national d'éthique.
Nous avons déjà beaucoup parlé de ce sujet sur ces bancs. Je vais tenter de convaincre mes collègues en établissant un parallèle avec un autre sujet, qui n'est pas si éloigné : celui des mariages posthumes. C'est un sujet douloureux, dont on ne parle pas si souvent, et j'imagine qu'il n'a pas été simple, à l'époque, de décider s'il fallait ou non autoriser les mariages posthumes dans notre pays. Qui est-on pour autoriser ou interdire le mariage posthume ? Comment décide-t-on qu'un couple était prêt à se marier, à se dire oui devant l'autel ou devant le maire ? Quel délai retenir ? Franchement, la décision n'a pas dû être simple.
Reste que le mariage posthume est désormais autorisé dans notre pays, et c'est une bonne chose. Je pense que personne, sur ces bancs, ne souhaite revenir dessus. Nous serons tous d'accord pour dire que ce n'est pas un acte courant et que, comme la PMA dite post mortem, c'est quelque chose que personne ne veut avoir à vivre. Nous sommes également tous d'accord sur le fait que le terme « PMA post mortem » n'est pas la bonne dénomination, puisque le cheminement vers la conception a été fait bien avant le décès du conjoint.
Si nous autorisons le mariage posthume, pourquoi refuser la « PMA posthume » ? Qui sommes-nous donc pour autoriser au nom de la loi le mariage d'un couple après le décès de l'un de ses membres, mais refuser la PMA, balayant de la main tout le travail, le cheminement vers la conception d'un enfant réalisé avant le décès du conjoint ? Sincèrement, je ne comprends pas la logique. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien réfléchir avant de voter : je ne vois aucune raison de ne pas adopter ces amendements.
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 961 .
Il vise à permettre au membre survivant du couple, s'il s'agit d'une personne capable de porter un enfant, de poursuivre le projet parental, comme l'ont successivement recommandé l'Agence de la biomédecine, le Conseil d'État et le rapport d'information de la mission parlementaire.
Peut-on ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser à une femme veuve de poursuivre son projet ? Ne serait-il pas injuste de demander à une femme endeuillée de donner ou détruire les embryons conçus avec son compagnon, tout en lui proposant ou en lui permettant de poursuivre son parcours avec un tiers donneur ? En complément des arguments fort bien développés par nos collègues Martin, Mbaye et Fiat, je voudrais ajouter qu'il existe plusieurs réponses possibles à ces questions, et plusieurs délais. La loi espagnole limite la possibilité de transfert à une période de six mois suivant le décès ; la loi belge, elle, n'autorise le transfert qu'entre six mois et deux ans après le jour du décès, permettant ainsi à la veuve de mener une vraie réflexion avant de se décider.
Cet amendement s'inspire de la législation belge, qui permet à la femme veuve de faire son deuil et lui laisse deux ans pour décider si elle souhaite aller au terme de la PMA entamée avec son compagnon décédé, détruire les embryons ou les donner à un couple ayant besoin d'un double don.
Comme cela a été dit à plusieurs reprises, il s'agit d'un amendement de bon sens, qui mérite d'être adopté le plus largement possible.
La parole est à M. Didier Martin, pour soutenir l'amendement identique n° 1556 .
Inspiré de la loi belge, il propose d'autoriser la PMA entre six mois et deux ans après le décès – délai qui semble raisonnable, y compris pour régler les questions de succession.
J'aime bien l'expression « PMA posthume ». Je rappelle aussi que ce qui motive le désir d'enfant n'est pas nécessairement d'avoir un enfant à soi. Ce qui compte, et beaucoup me comprendront, c'est surtout d'avoir un enfant de l'autre, car dans l'union d'un couple, le besoin ressenti au plus profond n'est pas d'avoir un enfant parce que c'est l'ordre naturel des choses, mais bien d'avoir un enfant de l'autre, un enfant qui lui ressemble. Le désir de procréation procède ainsi d'un lien particulier.
Il va dans le même sens que ceux que viennent de présenter nos collègues, mais je voudrais insister sur quelques aspects.
Tout d'abord, il existe une forme de contradiction : il est paradoxal que le texte ouvre la PMA aux femmes seules et l'interdise à une femme qui viendrait de perdre son conjoint.
Comme la situation psychologique de la femme est alors difficile, il convient évidemment que cette PMA communément appelée post mortem – même si moi non plus, je n'aime pas cette dénomination – soit encadrée et réponde à certaines conditions. Il faut notamment qu'il existe des embryons et que le consentement du conjoint décédé à une telle utilisation ait été préalablement recueilli. Il pourrait l'être au moment du consentement au don exprimé devant le notaire prévu par le nouvel article 342-10 du code civil, et pourrait donc être retiré.
Il convient aussi de borner cette possibilité dans le temps, grâce à un délai de réflexion après le deuil, afin que le projet parental conserve son sens ; c'est d'ailleurs l'esprit des législations européennes qui l'autorisent. J'ajoute que le Conseil d'État nous invite à nous prononcer sur ces questions, non seulement dans son avis, mais en tant que juridiction suprême de l'ordre administratif, qui, dans de très rares affaires, a autorisé des femmes à récupérer leurs embryons pour bénéficier d'une telle PMA à l'étranger.
Je l'ai dit cet après-midi, à l'occasion de l'examen de la motion de rejet préalable : cela pose un problème éthique que des femmes doivent partir à l'étranger, surtout dans ces circonstances. Je préfère que la chose soit possible, de manière éthique et responsable, sur notre sol.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous avons eu là une belle présentation de ces divers amendements portant sur l'AMP de volonté survivante. On voit de quoi il s'agit : je ne reviens donc pas sur ce qui a été indiqué, l'avis itérativement positif du Comité consultatif national d'éthique, le Conseil d'État qui estime illogique de ne pas autoriser cette pratique alors que nous accordons aux femmes seules la possibilité de bénéficier de l'AMP. Par ailleurs, l'interdire revient à priver des femmes de leur libre arbitre, de la capacité de décider par elles-mêmes ce qui leur paraît opportun. Aujourd'hui, une femme peut choisir d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse : il est difficile de lui dire qu'elle n'a pas le droit de prolonger le projet parental élaboré avec son conjoint.
Il existe ainsi toute une liste d'arguments en faveur de l'AMP de volonté survivante. L'avis de la commission est défavorable, mais à titre personnel, je pense que nous devons nous prononcer en faveur de cette logique consistant à autoriser la prolongation du projet parental élaboré par un couple, surtout lorsqu'il peut être délimité dans le temps : au plus tôt six mois après le décès, afin que l'enfant ne soit pas celui du deuil, et au plus tard deux ans après, afin de ne pas entraver le règlement des questions de succession. Ce bornage constituerait une option intéressante et assurerait le respect des femmes, de leur libre arbitre, en vue d'une décision qui leur appartient.
C'est en effet une présentation pleine de sensibilité qui a été faite de ces amendements, puis bien reprise par le rapporteur, lequel a développé ses arguments personnels en faveur de la PMA post mortem – car c'est bien de cela qu'il s'agit, madame Pinel. Situations dramatiques, sujet sensible : des choix difficiles s'imposent au conjoint survivant, comme à nous en ce moment même.
Pour autant, la position du Gouvernement à l'égard de cette pratique a été constante. Puisque nous nous exprimons aussi à titre personnel, je me permettrai de dire que je suis moi-même opposé à son adoption. Certains d'entre vous ont parlé de justice ; mais la boussole qui nous guide – vous-même l'avez évoqué, monsieur le rapporteur, à l'occasion de l'examen d'autres amendements –, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. Les études ont démontré qu'un enfant pouvait grandir au sein d'une famille homoparentale ou monoparentale sans conséquences sur son genre, son développement, son épanouissement ; en revanche, en tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, je ne peux garantir qu'un enfant qui naît dans le deuil n'en sera pas affecté. Vous ne savez pas s'il y aurait des conséquences ; moi non plus. Par conséquent, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, et si cruelle que soit cette décision pour une femme qui vient de perdre son conjoint, il m'est impossible de consentir aujourd'hui à l'autorisation de cette forme de PMA.
En outre, nous nous sommes déjà entretenus de ces arguments : la perte de son conjoint mettant la femme dans une situation de grande fragilité, vous ne pouvez écarter totalement le risque qu'elle subisse des pressions de la part de la famille du défunt. Par ailleurs, un projet parental élaboré à deux, comme vous l'évoquiez, madame Fiat, cesse de facto d'exister au décès de l'un des époux ; du moins, il n'est plus le même, il change indéniablement. Vous ne pouvez donc pas invoquer cette construction commune en faveur de la PMA post mortem. Pour tous ces motifs, mais surtout, je le répète, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant – en raison du fardeau que pourrait représenter pour lui, plus tard, le fait d'être aux yeux de sa mère et de la belle-famille de celle-ci une espèce de survivance de son géniteur –, avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, nous n'allons pas être d'accord – ce ne sera d'ailleurs pas la première fois. Mettons que je sois veuve ; j'avais un projet avec mon époux,…
Par définition, ce ne sera plus le même projet !
…vous m'interdisez de le prolonger. En revanche, en tant que femme, je peux accéder à la PMA grâce à un donneur inconnu.
Ce n'est pas pareil !
Je n'en porterai pas moins un enfant pendant mon deuil, mais il sera issu d'un don anonyme et non du parcours accompli avec mon conjoint défunt. Un enfant naîtra quand même, parce que j'aurai eu envie de l'avoir !
Ce n'est plus le même projet. Vous pouvez aussi rencontrer un autre homme et faire un enfant avec lui !
Par ailleurs, il n'est pas anodin que le mariage posthume soit possible. Vous nous dites qu'il n'existe pas d'études consacrées au sujet qui nous occupe : le plus grand malheur qui puisse frapper une femme et son enfant, c'est la mort du conjoint, du père, pendant la grossesse. Cela arrive, et les enfants grandissent pourtant. Ce sont les accidents de la vie, monsieur le secrétaire d'État !
Ces enfants ont une histoire, une vie : par conséquent, les études existent. Ne prétendez donc pas que l'on ne sait pas ce qui peut se passer ! Il en sera de ces inséminations comme des mariages posthumes : il n'y en aura pas cinquante par jour. Ce sont des histoires tristes que personne ne souhaite vivre, ni voir vivre parmi ses proches ; mais si quelqu'un se trouve dans ce cas, laissons-le décider ce qu'il souhaite – en l'occurrence, continuer ou non le projet entamé avec son conjoint.
Une fois n'est pas coutume : j'irai dans le même sens que M. le secrétaire d'État et que ceux qui l'ont précédé au même banc, notamment Mme Buzyn. Je voudrais entre autres rappeler trois arguments invoqués par le Conseil d'État aux pages 70 et 71 de son étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », et dont M. Touraine donne l'impression de faire fi. Tout d'abord, « le fait de naître dans un contexte de deuil est une situation qui pourrait marquer le "récit identitaire" de l'enfant nécessairement impacté par le deuil de son père ». Symboliquement, il n'est pas indifférent de faire procréer un mort ! Ensuite, « dans un tel contexte, il peut également être difficile de créer les conditions d'une décision apaisée de la part de la mère, celle-ci pouvant être à la fois influencée par des pressions familiales » et fragilisée par son deuil même. « Enfin, sur le plan juridique, si cette technique était autorisée, il conviendrait d'aménager le droit de la filiation et le droit des successions afin d'intégrer pleinement l'enfant à la lignée du défunt, tout en rappelant que cela n'a ni pour objet, ni pour effet, de faire de l'embryon ou des gamètes conservés des sujets de droit. » Par conséquent, soutenir que tout irait bien, qu'il n'y aurait pas de problème, est contraire à ce qu'avance le Conseil d'État.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai entendu vos propos. Je souhaiterais seulement vous poser une question juridique en rapport avec mon amendement : le projet parental ayant été initié du vivant du mari, la disparition de ce dernier emporte-t-elle celle des droits que la femme peut estimer avoir sur les embryons qui procèdent conjointement d'elle et du défunt ? C'est à cela qu'il importe de répondre.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai également bien entendu vos réserves et votre position. Cette possibilité que nous voulons inscrire dans le texte est avant tout une liberté offerte aux femmes qui se retrouveraient dans une telle situation ; la plupart d'entre elles ne souhaiteront sans doute pas en faire usage. Par ailleurs, vous invoquez l'intérêt de l'enfant en nous disant que nous ignorons les conséquences éventuelles de cette pratique : votre réponse revient à laisser le juge se prononcer, comme nous l'avons déjà vu. Je le répète, les juridictions administratives, à commencer par le Conseil d'État, ont autorisé certaines femmes à récupérer leurs embryons afin d'aller procéder à une PMA dans un autre pays. Dans l'incertitude, vous vous déchargez sur une autorité – non sur le législateur – du soin de la décision. En vertu de la hiérarchie des normes et en tant que parlementaire, je considère plutôt qu'il nous incombe de prendre ce soir nos responsabilités, en notre âme et conscience. De plus, tous les amendements prévoient un délai de réflexion : aucun ne propose d'autoriser la poursuite immédiate du projet parental.
Quant à la pression, elle peut s'exercer dans les deux sens. L'argument ne me semble donc pas pertinent : certaines familles pourront effectivement pousser la femme à mener à bien le projet parental, mais d'autres pourront ne pas souhaiter l'accompagner dans cette maternité, pour différentes raisons – dont certaines pourront être d'ordre patrimonial. Je ne crois pas à cet argument, car je fais confiance aux femmes, notamment à celles qui auront la volonté de faire aboutir ce projet dans des conditions difficiles. Ne nous imaginons pas, en effet, qu'il sera facile, pour une personne venant de perdre son conjoint, de prendre une telle décision : les femmes qui vont devant les tribunaux sont particulièrement déterminées. Ces situations ne se présentent d'ailleurs qu'une ou deux fois par an.
Nous devons nous poser les bonnes questions et ne pas prendre prétexte d'arguments non valables alors que, précisément, nous avons l'occasion de faire un pas en faveur de ces familles et de ces femmes, de leur offrir une possibilité qui réponde à leur demande, d'alléger les pressions qui pèsent sur les femmes et d'encadrer ces situations, afin d'éviter des procès interminables et très difficiles à vivre.
Je ne veux évidemment pas interférer avec le libre choix de nos collègues, pas plus qu'avec le libre arbitre des femmes concernées. J'apporterai simplement un élément de réponse à l'argument selon lequel le projet parental est modifié par le décès du conjoint. Nos collègues espagnols ont apporté une solution à ce problème : dans le cadre du don de spermatozoïdes, au moment de la fécondation in vitro et de la production d'embryons, les deux futurs parents – y compris le conjoint, donc – décident de ce qu'il adviendra en cas de décès.
Tout est donc prévu : le projet n'est pas modifié par le décès, puisqu'il est conçu, élaboré et réfléchi par les deux membres du couple pour prendre cette éventualité en considération. Si le mari ne souhaite pas que le projet se prolonge après son décès, sa volonté est respectée. En revanche, s'il souhaite que le projet parental aboutisse malgré tout et que la femme a indiqué désirer la même chose, cette dernière peut, en son âme et conscience, décider de prolonger le projet.
À quels amendements êtes-vous favorable ? Ils ne sont pas tous identiques !
Quelques éléments de réponse à trois des interventions que nous venons d'entendre. D'abord, madame Fiat, nous ne refusons pas aux femmes concernées le droit d'avoir un enfant : elles pourront en avoir dans le cadre d'un autre projet parental.
Tout à fait : une femme peut très bien refaire sa vie, construire un projet parental avec un autre homme et avoir un enfant avec lui, sans AMP.
Ensuite, monsieur Mbaye, le projet parental résulte d'un double consentement. Le décès du conjoint entraîne donc bien la perte des droits attachés aux gamètes – pour vous répondre sur le terrain juridique sur lequel vous vous placiez.
Enfin, madame Pinel, l'arrêt du Conseil d'État que vous évoquiez présente un caractère totalement exceptionnel. Il concernait une ressortissante espagnole – ce qui fait d'ailleurs écho aux arguments développés à l'instant par le rapporteur, lesquels viennent ainsi à l'appui de ma démonstration – qui souhaitait repartir vivre en Espagne, avec laquelle elle avait gardé des liens. Bien que l'exportation de gamètes dans le cadre d'une AMP soit interdite par la loi comme par la jurisprudence, le Conseil d'État a, à titre purement exceptionnel, en vertu de la nationalité de la personne concernée, des liens qu'elle conservait avec son pays d'origine et des règles qui y prévalent, dérogé à la législation française, que nous souhaitons maintenir.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 23
Contre 47
L'amendement n° 324 n'est pas adopté.
L'amendement n° 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 8 juin 2021 à zéro heure cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra