La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, modifié par le Sénat, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (nos 1135, 1175).
Le temps de parole restant pour la discussion du texte, sur lequel 835 amendements restent en discussion, est le suivant : cinq heures cinquante-cinq minutes pour le groupe La République en marche, dont 105 amendements restent en discussion ; quatre heures cinquante-six minutes pour le groupe Les Républicains, dont 406 amendements restent en discussion ; une heure trente-sept minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont cinq amendements restent en discussion ; deux heures vingt-quatre minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 104 amendements restent en discussion ; une heure quarante-sept minutes pour le groupe socialiste et apparentés, dont cinquante et un amendements restent en discussion ; une heure quarante-neuf minutes pour le groupe La France insoumise, dont vingt-trois amendements restent en discussion ; une heure quarante-sept minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont trente amendements restent en discussion ; trente et une minutes pour les députés non inscrits, dont quatre-vingt-dix amendements restent en discussion.
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 472 à l'article 1er.
Cet amendement s'inscrit dans l'optique d'un renforcement de la position des professionnels du secteur agricole. La négociation annuelle des prix entre producteurs et distributeurs va s'ouvrir en novembre prochain. Dans cette perspective, il est impératif qu'un système de fixation de prix plancher soit mis en place dans les plus brefs délais afin de garantir enfin un revenu minimum décent à nos agriculteurs, producteurs et éleveurs. Ce mécanisme permettrait de renforcer leur sécurité, en leur donnant un poids supplémentaire dans ces négociations, et de rééquilibrer les rapports de force à leur profit.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Je serai probablement amené à y revenir puisque ce type d'amendement va être défendu à de nombreuses reprises. D'ores et déjà, j'indique qu'il n'est pas question de prévoir un plancher en cas de révision des prix, celle-ci faisant déjà partie des clauses minimales de contractualisation inscrites dans le projet de loi. En plus, la commission n'acceptera pas d'amendements spécifiques à certains secteurs puisque ce texte est censé s'appliquer à tous les secteurs.
Et puis je rappellerai à ceux qui l'auraient oublié que le prix plancher a existé, sous le nom d'« intervention », de « prix à l'intervention », dans les années 1980-1990, et que cela a beaucoup enrichi un grand nombre d'intermédiaires mais, à ma connaissance, aucun agriculteur et, surtout, absolument pas enrayé la chute de leur nombre ni les difficultés économiques de l'agriculture durant cette période. C'est donc pour moi une mauvaise solution.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Défavorable.
L'amendement no 472 n'est pas adopté.
Cet amendement de mon collègue Arnaud Viala est de précision, mais de haute précision parce qu'il concerne le coeur du dispositif de l'article 1er relatif à la construction du prix. Il vise à rendre prioritaire le coût de production dans la construction des indicateurs de prix. Il me semble juste qu'au moment où le producteur, celui qui travaille la terre, qui élève son cheptel, qui produit d'une manière ou d'une autre, soit, lui ou ses intermédiaires, considéré comme prioritaire dans l'intégration des coûts de production lors de la négociation des prix d'achat. Il s'agit d'éviter la revente à perte, voire les faillites.
Une nouvelle fois, je précise que, pour moi, ce type d'amendement n'est pas utile puisque quels que soient les indicateurs de coût de production utilisés, ceux des instituts techniques ou ceux des instituts de recherche ou autres, le coût que représente le salaire versé à l'agriculteur est évidemment pris en compte systématiquement, à hauteur en général de 1,5 SMIC par unité de main-d'oeuvre. C'est le cas à ma connaissance dans tous les calculs de coûts de production utilisés aujourd'hui, notamment par les organisations de producteurs ou par les instituts techniques ou encore les chambres d'agriculture. L'avis est défavorable.
Défavorable.
Je suis pour cet amendement qui va dans le bon sens. Il ne sert en effet à rien de disserter à l'infini sur le niveau de vie des cultivateurs ou des éleveurs si on ne prend pas un jour ou l'autre des mesures adéquates. Estimer que le coût de production doive servir de base à la détermination du prix final, c'est-à-dire du prix du marché, et donc indirectement des bénéfices et de la rémunération de l'agriculteur, entre dans le jeu économique naturel. La structure du prix final doit trouver ses fondements dans le coût de production, en y introduisant évidemment tous les coûts intermédiaires, c'est la condition sine qua non d'un vrai revenu pour l'agriculteur, qu'il soit cultivateur ou éleveur.
Je voulais préciser à M. le rapporteur que tenir compte du salaire de l'agriculteur ne revient pas forcément à prendre en compte l'ensemble des coûts qu'il supporte parce que outre le salaire, il y a aussi l'achat des matières premières, les charges incompressibles telles que les charges de fonctionnement. On ne peut pas adopter un raisonnement purement comptable et se baser seulement sur 1,5 SMIC : l'incorporation des différents coûts de production ainsi que le coût global ne sont pas du tout les mêmes pour l'agriculteur qui produit de la céréale dans des grandes plaines – je pense par exemple à la Champagne ou au Nord – et pour l'agriculteur qui est en haute montagne avec quelques dizaines d'hectares, très concentré sur l'élevage ou sur de la petite production. Certes, il y a dans les deux cas le salaire qu'il se verse, mais aussi celui qu'il va verser à son ou à ses commis, ainsi que le coût de l'amortissement du matériel, de la matière première, des charges de fonctionnement journalières. Il n'est pas suffisant de considérer uniquement le salaire.
Dans les coûts de production, il n'y a évidemment pas que le salaire – entendons en l'occurrence par « salaire » la rémunération nette de l'agriculteur qu'il s'octroie à lui-même et qui n'en est donc pas vraiment un, et qui est estimé à 1,5 SMIC dans lesdits coûts – , il y a aussi les charges de structure et les charges opérationnelles, qui sont prises en compte à tous les niveaux du calcul des coûts de production, comme d'ailleurs les éventuelles charges de main-d'oeuvre. Les indicateurs s'y rapportant sont déjà définis, notamment par l'Institut de l'élevage ou encore par des logiciels comme Couprod, qui fonctionnent bien et prennent déjà en compte l'ensemble des charges plus la rémunération de la main-d'oeuvre, y compris lorsqu'elle est familiale, et aussi bien sûr s'il s'agit d'ouvriers agricoles.
L'amendement no 4 n'est pas adopté.
La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir l'amendement no 988 .
Dans la pratique, trop de contrats sont signés avec des tarifs d'achat satisfaisants, mais avec des coûts annexes, comme le transport, le packaging ou bien d'autres, qui peuvent conduire à des baisses de rémunération pour le producteur. Ces coûts sont souvent illisibles, flous et variables. Il convient que la loi prévoit de les faire inscrire dans les contrats afin que les producteurs aient toutes les informations à leur disposition sur les gains réels qu'ils seront amenés à toucher.
Avis défavorable parce que ce que propose cet amendement est déjà prévu à l'alinéa relatif aux modalités de détermination et de révision des prix. Il est donc déjà répondu à votre préoccupation, mon cher collègue, étant entendu qu'y sont inclus les frais que vous mentionnez.
Même avis. Je peux vous rejoindre, monsieur le député, sur le fait que le transport, le conditionnement ou l'emballage, s'ils sont mis à la charge du producteur, peuvent en effet influer sur le prix final auquel il vend sa production. Mais cette problématique est déjà prise en compte dans le texte puisque nous prévoyons des clauses obligatoires pour les modalités de collecte ou de livraison comme pour la qualité des produits, ainsi que des modalités de détermination du prix par un ou par plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits, à défaut du respect d'un cahier des charges préétabli.
L'amendement no 988 n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 189 et 795 .
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement no 189 .
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 795 .
Cet amendement vise à revenir aux fondamentaux des états généraux de l'alimentation : redonner du revenu aux agriculteurs. C'est le coeur de cette loi, en l'espèce de cet article. Et la prise en compte des coûts de production doit être réelle et la détermination du prix s'appuyer en priorité sur cet indicateur. Tout contrat ou accord-cadre doit assurer un rééquilibrage réel des relations commerciales agricoles à travers une rémunération du producteur qui tienne compte des coûts de production. Il faut des prix justes et garantis et, si nécessaire, une intervention des pouvoirs publics pour veiller au respect des engagements.
Je veux redire qu'il n'y a pas qu'une agriculture mais qu'elles sont plusieurs, et que la PAC devra accompagner ce processus pour compenser les disparités entre les différents modèles et entre les différentes régions, je pense par exemple aux zones défavorisées. On ne peut pas comparer, je l'ai déjà dit ce matin mais je tiens à le répéter parce que cela me semble absolument essentiel, une exploitation de 120 hectares en système allaitant dans une zone défavorisée et une exploitation de 1 000 hectares en Beauce. Nous pensons que ce qui se profile à l'horizon en termes de politique agricole commune doit permettre de rebattre les cartes puisque aujourd'hui, 70 % des aides sont captées par 30 % des agriculteurs. Si on ne veut pas continuer à assister à un agrandissement des exploitations pour compenser des marges trop faibles et participer ainsi au processus de disparition des exploitations tout en bridant l'installation de jeunes agriculteurs, il faut prendre en compte cet élément essentiel pour établir ce que nous appelons, nous, des « prix rémunérateurs », fixés en fonction des marges.
S'il faut couvrir les coûts de production, il faut ensuite qu'une marge soit réalisée afin de dégager du revenu. Or ce dernier n'est pas le même en fonction des modèles et des zones de production.
Je partage une grande partie de l'intervention que vient de faire notre collègue Jean-Paul Dufrègne, tout en étant, et j'en suis désolé, défavorable à l'amendement no 795 , pour la raison que j'ai évoquée précédemment : les coûts de production intègrent déjà le salaire de l'agriculteur, qui peut effectivement être différent d'une production à l'autre.
S'agissant de l'élevage, on prend généralement comme référence 1,5 SMIC. Des données différentes peuvent cependant être intégrées dans le coût de production, car il s'agit d'une construction : les instituts techniques agricoles ont parfaitement l'habitude de le faire. Ce n'est donc pas un souci, cet élément étant déjà pris en compte.
S'agissant de la PAC, si nous partageons évidemment, cher collègue, votre préoccupation, j'apporte une légère nuance à votre constat : un rééquilibrage des aides a eu lieu dernièrement, notamment grâce à la prime aux cinquante premiers hectares qu'avait instaurée le précédent ministre, Stéphane Le Foll.
Cette aide a un peu rééquilibré le rapport de force en matière d'aides, et la situation est de ce fait moins déséquilibrée qu'elle ne l'a été, même si elle le reste de façon importante.
Tout l'enjeu de ce projet de loi est bien effectivement de redonner du revenu aux agriculteurs quels qu'ils soient, et de les rendre plus indépendants des aides qu'ils ne le sont aujourd'hui. Le titre premier, notamment cet article 1er, visent en particulier à ramener de la valeur sur les exploitations : c'est essentiel si l'on veut y attirer de nouveaux jeunes.
Cela l'est également si l'on veut que les fermes de polyculture et d'élevage, qui sont ô combien vertueuses d'un point de vue environnemental, continuent à vivre et à se développer et ne disparaissent pas, comme c'est trop souvent le cas depuis de nombreuses années.
La commission est donc défavorable à l'amendement.
Sur ce point également, un équilibre a été trouvé au cours des états généraux de l'alimentation au cours desquels un consensus est apparu : si la prise en compte des coûts de production est nécessaire, elle ne peut s'envisager dans un contexte déconnecté des réalités du marché.
On ne peut en effet parler du prix du blé sans envisager, comme c'est le cas pour beaucoup d'autres productions, sa cotation sur le marché international.
En outre, la prise en compte de la qualité reste primordiale afin de placer également l'agriculture dans une perspective de création de valeur. Si l'agriculteur s'engage dans une démarche de qualité, sa rémunération doit bien évidemment en tenir compte.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Deux mots pour soutenir l'amendement de notre collègue André Chassaigne : tout d'abord, nous le disions il y a peu, si l'on veut vraiment agir sur la rémunération des éleveurs et des agriculteurs, les coûts de production doivent être pris en compte, de même que le coût intermédiaire.
Je répète que nous sommes ici en présence d'un marché dissymétrique, puisqu'il n'y a pas de symétrie entre l'offre et la demande. Les agriculteurs se retrouvent en effet souvent face à des blocs qui les dépassent : les pouvoirs publics ont donc un devoir de régulation et d'accompagnement.
Telle est la logique de la proposition de notre collègue, que je soutiens.
Monsieur le ministre, je pourrais vous faire observer que vous n'avez absolument pas répondu aux questions que j'ai posées. Je le regrette mais nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir dans le cours de nos débats.
Il est vrai qu'il y a eu beaucoup d'intervenants, même si certaines des questions qu'ils ont soulevées étaient convergentes.
Cet amendement est à mes yeux extrêmement important, parce que son adoption permettra d'abord de régler un problème qui ne l'a pas été par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2.
Cette loi comporte certes des avancées, en particulier parce qu'elle impose que les prix à la production fassent référence à des indices de coûts de production des éleveurs, notamment pour le lait.
Or, la référence au coût de production dans le calcul du prix n'a quasiment jamais été possible parce que n'ont pas été définis les critères précis qui permettent précisément de prendre en compte les coûts de production.
L'objectif de cet amendement est que l'État prenne ses responsabilités sur une définition ainsi que sur des modalités précises : nous savons en effet très bien que si l'on n'entre pas dans le détail, le dispositif sera conflictuel et que les coûts de production ne pourront pas être pris en compte dans la détermination du prix.
Est-ce faisable ? Bien sûr, en outre certains pays l'ont déjà fait.
J'ai cité très souvent l'exemple du Canada, plus particulièrement du Québec, où un coût de production est défini à partir de critères extrêmement précis qui permettent ensuite de prendre en compte ce coûts dans la fixation du prix. Un prix est ainsi déterminé au Canada bien qu'il ne s'agisse pas d'une économie communiste dotée de kolkhozes...
Il est important de définir de tels critères, afin de savoir ce que l'on va prendre en compte. Je prends l'exemple du porc : son prix à la consommation a progressé de 20 % entre 2005 et 2015. Dans le même temps, le prix payé au producteur n'a progressé que de 3,7 % tandis que les prix d'achat des moyens de production – mesurés grâce à l'indice des prix d'achat des moyens de production agricoles, ou IPAMPA – ont eux progressé de 32,6 %.
Cela veut bien dire que dans les critères de fixation du prix à la production, il faut tenir compte bien sûr du revenu ou du salaire de l'éleveur, mais également des prix d'achat des moyens de production ainsi que de toutes les dépenses et de toutes les charges qu'il peut supporter.
Une telle évolution exige que l'État prenne toutes ses responsabilités et puisse mettre en oeuvre de tels critères. Monsieur le ministre, je vous reproche certaine de vos affirmations, tant en commission qu'en première lecture et qu'au cours de cette nouvelle lecture.
En commission, vous avez prononcé des propos qui m'avaient – je le dis – beaucoup choqué : « Si on a des indicateurs publics sur le marché, et que cela ne fonctionne pas, c'est l'État qui sera remis en cause, et ce n'est pas ce que nous voulons. »
Dire cela n'est pas juste car l'État a une responsabilité. Vous rendez-vous compte qu'en définitive, avec cette réponse à la Ponce Pilate, vous estimez, monsieur le ministre, que l'État ne doit pas courir le risque de se tromper s'agissant de telle ou telle filière ? Mais cela ne revient nullement à instaurer une économie administrée ni le communisme suprême : l'État doit prendre ses responsabilités par rapport à ces problèmes.
C'est extrêmement important : si cet amendement n'était pas adopté, nous ne mettrions pas en oeuvre toutes les conditions permettant de déterminer le juste prix de rémunération des agriculteurs.
Voilà les quelques éléments que je voulais vous communiquer. J'y insiste, l'adoption de cet amendement ne changerait pas l'économie générale de la loi mais permettrait de montrer, chers collègues de la majorité, que vous avez vraiment la volonté d'accompagner une évolution visant à ce que que la rémunération des paysans dans notre pays soit une vraie rémunération et que nous sortions de la situation invivable que nous connaissons aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 19
Contre 35
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 453 .
Les circuits courts de commercialisation sont doublement vertueux. D'une part, ils permettent aux producteurs de conserver une part plus importante de la valeur ajoutée de leur production.
D'autre part, ils permettent aux consommateurs de participer au développement et au maintien de l'activité agricole sur le territoire.
Les circuits courts sont donc indispensables pour le respect naturel des cycles saisonniers et pour la protection de notre planète : c'est pour cette raison qu'il convient d'encourager cette pratique.
Tel est l'objet de mon amendement, qui vise à compléter l'alinéa 10 par les mots : « favorisant les circuits courts ».
Une rémunération en fonction des coûts afférents aux circuits courts ne me paraît pas réaliste. Qu'il faille développer lesdits circuits est une certitude. Il ne faut cependant pas perdre de vue que nous avons des zones de production dissociées des zones de consommation.
Et, à moins que chaque cantalou ou que chaque creusois se mette à manger trois vaches par habitant et par an, une telle évolution ne sauverait pas l'agriculture française : les circuits courts ne constitue qu'une des voies de son développement, mais pas la seule.
Nous avons en effet également besoin de circuits organisés et un peu plus longs.
Il est, pour les mêmes raisons, défavorable.
L'amendement no 453 n'est pas adopté.
La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir l'amendement no 987 .
Cet amendement est corrélé avec mon passé et avec les problématiques que j'ai pu y rencontrer.
Dans le cas de catastrophes naturelles ou d'épisodes climatiques particulièrement extrêmes, comme dans ceux de crises sanitaires bouleversant profondément le marché à l'échelle d'un territoire, du pays ou du continent européen, il conviendra que les producteurs ne se voient jamais, en cas de défaut de livraison ou de diminution qualitative ou quantitative des produits livrés, infliger de pénalités, sous quelque forme que ce soit.
Cher collègue, votre amendement est à mon avis déjà satisfait : je vous demande donc de le retirer. À défaut, la commission y serait défavorable.
En effet, les aléas climatiques et les événements exceptionnels sont couverts par les cas de force majeure qui sont d'ores et déjà inscrits dans la loi. La commission est donc défavorable à cet amendement.
L'amendement no 987 est retiré.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 655 .
Il vise à rédiger ainsi l'alinéa 15 : « L'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires établit les indicateurs de coût de production pour chaque filière agricole, reflétant la diversité des conditions et des modes de production, intégrant une rémunération décente pour les producteurs à travers une formule de prix. [... ]. »
Il nous semble que ces indicateurs doivent être établis par l'Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires, qui est indépendant des différents acteurs.
Il est en effet primordial que ces indicateurs soient déterminés par un organisme public – nous insistons sur ce point – et qu'ils soient acceptés par tous.
Ces indicateurs seront basés sur des chiffres provenant notamment des interprofessions et des instituts techniques agricoles, mais il reviendra à l'Observatoire – qui proposera in fine les indicateurs de référence servant à la construction du prix de vente, qui ne sera ainsi plus le résultat d'un accord entre les différentes parties – de les établir.
Nous insistons : en dernière analyse, il faut que ce soit un organisme public qui puisse fixer ledit prix.
Nous serons amenés à revenir sur l'argumentation que je vais développer : nous nous sommes effectivement opposés à ce que l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires valide et définisse les indicateurs.
Nous voulons, conformément à la logique des états généraux de l'alimentation, que les interprofessions choisissent les indicateurs parmi ceux proposés notamment par l'Observatoire.
Il les propose et les calcule d'ailleurs déjà, mais l'interprofession concernée peut parfaitement en choisir d'autres, établis par des Instituts techniques agricoles ou par d'autres organismes qui prennent en compte les coûts de production.
En outre, je répète, car je l'ai déjà dit en première lecture, que quand bien même les indicateurs publics seraient validés par l'État, de toute façon il ne pourrait pas les imposer dans le cadre d'une relation contractuelle entre deux entreprises privées, ce qui serait également vrai s'il s'agissait d'autres indicateurs.
Les entreprises sont effet libres de choisir leurs indicateurs, comme le veulent les lois de notre économie. Je comprends, cher collègue, que nous soyons en désaccord sur la façon dont fonctionne aujourd'hui notre économie, mais en l'état actuel dudit fonctionnement, l'État ne peut pas imposer de tels indicateurs dans le cadre d'une relation contractuelle entre deux entreprises.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Monsieur le député, nous le disons depuis le début de la discussion : nous voulons responsabiliser les interprofessions et faire en sorte qu'au sein de chacune d'entre elles, de l'amont à l'aval, un consensus puisse être trouvé pour définir les indicateurs qui permettront de définir les notions de prix juste, de prix équitable et de meilleure répartition de la valeur entre les différents maillons de la chaîne.
Or ce que vous proposez à travers votre amendement reviendrait à faire valider la formation des prix par la puissance publique. Nous ne le souhaitons pas – non parce que, comme l'a dit le président Chassaigne, l'État s'en laverait les mains, mais parce que, d'une part, ce serait contraire à l'organisation commune des marchés, d'autre part, si nous voulons vraiment que les professions puissent se mettre d'accord entre elles et trouver des éléments de consensus pour déterminer le prix juste, c'est à elles de définir ces choses-là. Elles connaissent leurs coûts, leur filière et ses exigences : qui d'autre pourrait trouver de meilleurs indicateurs et fixer de meilleurs prix ?
De surcroît, l'État est là pour fixer un cadre juridique, et aussi pour exercer une certaine pression. Or c'est ce que nous faisons depuis plusieurs semaines en recevant les différentes filières et en faisant en sorte que les professions se mettent d'accord.
Avis défavorable.
Il y a entre nous un profond désaccord sur la « responsabilisation des interprofessions ». Ainsi, on demanderait aux paysans de se mettre d'accord avec l'industrie agroalimentaire et la grande distribution,...
... en espérant que de tout cela sortira une harmonie qui permettra aux agriculteurs d'être mieux rémunérés ? Si ça marche au pays des Bisounours, tant mieux, mais le problème, c'est que dans la réalité, ça ne marche pas – et cela depuis des années.
Moi, je ne fais pas confiance à ce que vous appelez « l'interprofession ». Ça paraît chouette comme ça, mais quand on sait que ce sont les grandes centrales d'achat, Lactalis, Bigard et tutti quanti qui sont dedans, ça prend un visage un peu moins chouette.
Que se passe-t-il lorsque ça ne marche pas, et que les paysans se retrouvent avec le couteau sous la gorge et la tête sous l'eau, dans le cadre non plus d'une négociation directe avec l'industrie agroalimentaire ou la grande distribution, mais d'une négociation tripartite ?
Madame la présidente, pourriez-vous demander à M. Ruffin de se rhabiller, s'il vous plaît ?
Je citais tout à l'heure le cas de Lactalis, qui fixe le prix et dit a posteriori aux paysans combien ils vont être payés, en utilisant des formules mathématiques compliquées, auxquelles les paysans ne comprennent rien – comme si, lorsque vous allez acheter une baguette, le prix n'était pas affiché. Admettons que cela se clarifie un peu ; mais quand on dit aux gens de Lactalis qu'il faut mieux répartir la valeur ajoutée, ils considèrent que c'est une idée social-communiste et s'y opposent ! Et quand des éleveurs s'expriment, ils sont exclus des contrats pour dénigrement ! Comment allons-nous limer les dents de ce crocodile qu'est Lactalis ?
Sourires.
Je pense que c'est à la puissance publique de s'interposer pour responsabiliser Lactalis, en utilisant, s'il le faut, non seulement la carotte mais aussi le bâton, afin de le rendre plus respectueux des paysans !
Il me semble important de rappeler certaines choses, car j'ai été un peu choqué, cher collègue André Chassaigne, que vous laissiez entendre qu'avec cette loi, l'État, tel Ponce Pilate, se lavait les mains. J'appuierai pour ma part ce qu'a dit le ministre.
Je ne retirerai rien à ce qui a été dit sur la nécessité de soutenir un métier magnifique, qui mériterait d'être bien mieux valorisé. Toutefois, entre nous, on peut quand même dire que c'est aussi un métier qui a eu pendant très longtemps une relation organique avec l'État, qui a compté sur une politique publique qui fixait des prix minimums et qui, aujourd'hui, mérite aussi qu'on lui dise de s'organiser. Nous connaissons tous des agriculteurs qui ne misent pas sur l'action collective, tout simplement parce qu'ils espèrent mieux vendre que le voisin. Les agriculteurs ont aussi besoin qu'on leur dise de se prendre en main. Dans ce texte, nous leur donnons des outils juridiques pour ce faire – nous n'avons pas encore parlé du droit de la concurrence, mais il y a des éléments très intéressants sur le sujet.
J'ai rencontré, cher collègue Ruffin, un arboriculteur qui vendait des abricots dans la Drôme – je ne donnerai pas son nom. Il était passé au travers des crises, exportait et vivait très bien. Pas moyen de le convaincre de s'impliquer dans les réunions de l'interprofession à Paris. Quand vous pénétriez dans son exploitation, il vous disait : « Moi, je fais un dessert ». Il pensait marché. Lui n'avait pas besoin d'une coopérative ou d'une action collective pour valoriser sa production. Ce qu'il faisait était remarquable. Mais ceux qui ne parviennent pas à faire cela ont besoin de se concerter, de se coordonner, de créer des organisations de producteurs plus grandes, plus fortes, plus puissantes, plus convaincantes.
Dernier point : les interprofessions. D'abord, la grande distribution n'est présente que dans quelques-unes. Ensuite, quand une filière est capable de se penser comme un tout, en concurrence avec d'autres produits alimentaires, et de se dire que l'ennemi, en quelque sorte, est à l'extérieur – par exemple, pour les fruits et légumes, en promouvant la consommation de tous les fruits et légumes – , alors, oui, il peut y avoir des accords qui sont intéressants de la production jusqu'à la grande distribution. Ce n'est pas se croire dans le monde des Bisounours que de dire cela ; c'est juste la réalité. Or, l'économie dans laquelle nous vivons et dont nous profitons tous, qui nous donne depuis des décennies des produits alimentaires sains et très peu chers, eh bien cette économie nous amène aujourd'hui à procurer aux agriculteurs certains outils, afin qu'ils s'en emparent.
Prenons l'exemple de l'Île-de-France : 12 millions de consommateurs, un pouvoir d'achat fort, une demande sociétale de produits locaux, 550 000 hectares de céréaliers. Il existe un marché : les agriculteurs peuvent diversifier leurs activités ; pour cela, il faut qu'ils s'organisent. Ils ne peuvent pas produire seuls les légumes et racines dont les Franciliens ont besoin, mais le marché existe. À travers ce texte, nous leur donnons les outils pour qu'ils puissent répondre à cette demande.
En outre, le titre II donnera de la valeur à la production pour la restauration scolaire, en particulier en Île-de-France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Notre crainte, monsieur Descrozaille, est que l'État joue les Ponce Pilate – pour reprendre l'expression que vous avez employée – non seulement à travers ce qu'a dit le ministre, mais aussi, dans les faits, à travers ce projet de loi. Notre crainte, c'est que dans ce texte, l'État ne prenne pas ses responsabilités et qu'il ne s'interpose pas lorsque cela ne va pas entre Lactalis, Bigard, Leclerc et les agriculteurs.
Voici quelques chiffres qui viendront appuyer ce que je disais sur Lactalis. Le prix en rayon de la brique de lait a augmenté de 30 % en quinze ans. Eh bien, dans le même temps, l'industrie a fait plus 50 %, la distribution plus 100 % et le producteur moins 4 %. Voilà ce qui résulte du régime des accords entre parties ! L'industrie en rafle un peu, la grande distribution beaucoup et le producteur est à la ramasse. Je crains qu'en laissant faire « l'interprofession », c'est-à-dire en laissant les trois parties négocier entre elles, on reproduise les rapports de domination, et que, dans cette négociation tripartite, le paysan soit à nouveau le dominé.
Je voudrais revenir sur un argument qui est très souvent utilisé par le ministre, et peut-être davantage encore par le rapporteur ; c'est celui qui consiste à dire que l'on ne peut pas aller plus loin parce que l'on serait bloqué par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et par les règles européennes.
Il faut admettre que c'est une réalité !
D'une part, et bien que je ne sois pas un défenseur de l'Union européenne telle qu'elle existe aujourd'hui, l'expérience montre que l'on peut faire bouger les lignes au plan européen. L'exemple le plus récent est celui du règlement « omnibus », qui a été adopté en décembre 2017 par le Parlement et le Conseil européens et qui propose une nouvelle rédaction de l'article 152 du règlement no 1308 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. Ce règlement prévoit notamment une dérogation à l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui permet à une organisation de producteurs reconnue de planifier la production, d'optimiser les coûts, de mettre sur le marché les produits de ses membres et de conduire des négociations contractuelles – nous avons beaucoup échangé sur le sujet en commission. Cette avancée fait suite notamment à des jugements de la Cour européenne de justice ; en partant de la jurisprudence, on a ensuite fait évoluer les règles communautaires. C'est donc possible – à condition qu'il existe une volonté politique manifestée par plusieurs gouvernements. Or les questions qui se posent à nous ne sont pas propres à notre pays ; elles émergent aussi d'autres États européens. L'ambition de maintenir une production agricole et des paysans dans nos territoires ne nous est pas propre. Il faudrait donc faire preuve de volontarisme pour faire bouger les lignes à l'échelon européen. Or ce n'est pas le cas, et c'est le reproche que je vous fais.
Ainsi, s'agissant des règles de concurrence, il existe des garde-fous, notamment l'article 102 du traité, qui permet aux autorités nationales de concurrence d'intervenir en cas de conflit relatif à la fixation des prix. Je crois, contrairement à ce que vous dites, que l'État pourrait aller beaucoup plus loin qu'il ne le fait et que ce soit néanmoins validé par les autorités européennes. En tout cas, il faut mener le combat.
Vous dites que l'on ne peut pas agir sur les règles de concurrence, que celles-ci sont un obstacle qui nous empêche de faire certaines choses, mais je rappelle qu'il existe en France, depuis le 13 janvier 2001, une commission d'examen des pratiques commerciales qui permet d'engager des recours, notamment en matière de négociations commerciales et de fixation des prix.
Les outils existent donc – mais ils ne sont pas utilisés à leur maximum. Aujourd'hui, on a FranceAgriMer, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, les instituts techniques et les centres de gestion agricoles. On pourrait grâce à ces derniers obtenir les données nécessaires, qui seraient ensuite centralisées, sous la houlette de l'État, par FranceAgriMer ou l'Observatoire. Cela ne poserait aucun problème. Cela n'irait pas contre la logique des organisations de producteurs et des interprofessions – bien au contraire : celles-ci demandent à l'État de prendre ses responsabilités.
Il faut que votre position sur ce point évolue, sinon ce projet de loi se soldera par un échec. Ce que vous êtes en train de faire, c'est mettre une mèche lente sur un bâton de dynamite. Vous allez provoquer des déceptions faute de mettre en oeuvre les outils indispensables. Je le répète : il faut que vous bougiez. Vous êtes prisonniers de vos fausses certitudes. Le risque, c'est que cela provoque chez vous des crampes mentales et que vous ne teniez pas jusqu'à la fin des débats !
Sourires.
De fortes paroles ont déjà été prononcées par mes collègues Ruffin et Chassaigne, mais je voudrais moi aussi répondre à M. le ministre et à M. le rapporteur.
Si nous voulons, nous aussi, que la profession s'organise, nous considérons, pour des raisons d'intérêt général et d'ordre public et social, qu'il serait logique qu'il y ait dans ce pays un salaire minimum ; nous n'acceptons donc pas l'idée que des travailleurs soient payés moins d'une certaine somme. Or, la réalité, vous la connaissez mieux que moi : il y a aujourd'hui près de 885 000 paysans dans notre pays et sans doute 50 % d'entre eux dégagent un bénéfice qui ne dépasse pas les 350 euros. Derrière les prix et les marges, c'est la rémunération de nos paysans qui est en cause. Nous ne pouvons pas accepter de rester les bras ballants et de les maintenir dans la pauvreté.
Bien sûr, il faut qu'il y ait des discussions, une auto-organisation de la profession ; bien sûr, nous devons susciter des discussions entre les acteurs ; mais, en dernière analyse, quand bien même un accord serait trouvé entre les professions, nous ne pouvons pas tolérer que les prix et marges actuels bénéficient aussi peu à nos paysans. C'est tout ce que nous vous disons, et c'est pourquoi nous vous demandons de modifier l'article. S'agissant de la rémunération de nos paysans, il faut que la puissance publique soit capable de dire : non, cet accord n'est pas suffisant, nous en voulons un autre et voilà ce que nous imposons.
Nous avons déjà prévu des capacités d'intervention, chers collègues.
D'abord, je souligne qu'au niveau de l'interprofession, on ne peut pas parler de rapport de force, l'accord devant être conclu à l'unanimité. En outre, le texte de loi prévoit que le médiateur pourra intervenir pour aider à cet accouchement.
Je le répète, l'État n'a pas la possibilité d'imposer un indicateur. Sur le plan législatif, on ne peut le faire. Quand bien même on le leur imposerait, les acteurs se borneraient à affecter un coefficient minuscule, par exemple de 0,0003 %, ce qui n'aurait aucun effet significatif sur le prix payé au producteur.
Le but de ces indicateurs, je le répète aussi, est en effet la fixation de ce prix. Si l'État impose un indicateur, cela veut dire qu'il impose aussi un prix. Sans revenir aux grands mots, le fait que l'État impose un prix à deux entreprises privées se rapprocherait tout de même fortement de ce que l'on appelle l'« économie administrée ».
Je suis de l'avis du rapporteur, et mêlerai ma voix à la sienne pour défendre le même argument. Je partage l'objectif d'assurer aux agriculteurs des revenus dignes de leur travail, et de leur permettre de dégager des marges pour investir et innover dans leurs exploitations. Mais je veux rappeler ce que sont les interprofessions, que je reçois régulièrement depuis qu'elles nous ont livré leurs plans de filière. Au sein d'une interprofession, le collège des producteurs pèse tout autant, en termes de voix, que celui des transformateurs ou des distributeurs.
À travers le travail qui a été mené, nous avons aussi voulu aider les interprofessions. Il s'agit de les inciter à trouver un accord, quitte, parfois, à tordre un peu le bras à la grande distribution. La semaine dernière, j'ai reçu les représentants de l'interprofession bovine, qui débattaient de la fixation d'indicateurs avec la distribution. Sur ce sujet, ils ont prévu de se revoir courant octobre. Or des rendez-vous arrivent avec le Premier ministre et le Président de la République. Je leur ai donc dit qu'ils devaient se mettre d'accord dès maintenant. Des réunions sont ainsi prévues cette semaine, au terme desquelles les collèges des producteurs, des distributeurs et des transformateurs devront avoir fixé des indicateurs.
Si toutefois les interprofessions échouent à le faire, une fois défini le cadre légal, on ne peut pas dire qu'il ne se passera rien ! Des dispositifs sont d'ores et déjà inscrits dans le projet de loi, tels le « name and shame » ou le recours au médiateur des relations agricoles, dans l'optique de trouver les compromis nécessaire et, ce faisant, de traduire le consensus issu des ÉGA.
Je veux aussi revenir sur la charte, qu'évoquait hier le président Chassaigne. En l'absence de cadre légal, un certain nombre d'acteurs, j'en conviens, n'ont pas tout à fait respecté leur signature. Reste que cette charte, signée le 14 novembre 2017, existe toujours. Ajoutée au cadre légal, elle nous conduira à rappeler leurs engagements, forts, à celles et ceux qui entendraient s'y soustraire : tel est aussi le rôle de l'État tel que nous le concevons.
Si l'État ne peut fixer les indicateurs,...
.. il peut donner les moyens à l'interprofession de le faire de façon consensuelle, afin de trouver un prix juste, rémunérateur, pour l'ensemble des maillons de la chaîne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 655 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour soutenir l'amendement no 285 .
Aux termes du projet de loi, tout contrat doit se référer à un ou plusieurs indicateurs par catégorie. Le présent amendement vise à imposer le recours à plusieurs indicateurs pour éviter tout contournement de l'objectif affiché et mieux refléter la réalité de la conjoncture.
Il me paraît plus prudent d'éviter toute obligation en cette matière : c'est aux interprofessions qu'il revient de choisir entre un ou plusieurs indicateurs. Tantôt, un seul indicateur suffit ; tantôt, il en faut plusieurs : cela dépend des productions. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 285 n'est pas adopté.
Si l'on voulait résumer en un mot cet amendement déposé à l'initiative de M. Viala, ce serait celui de transparence, source de sécurité et de sérénité pour le monde agricole. C'est toute l'idée du dispositif ici proposé, qui vise à rendre publics les indicateurs de prix. Ceux-ci pourraient ainsi être vérifiés, ce qui donnerait, à tout le moins, les meilleures garanties de succès aux mesures dont nous discutons.
Je le répète, le but est de laisser les interprofessions définir et diffuser les indicateurs, ce à quoi l'un de mes amendements les contraindra. L'Observatoire de la formation des prix et des marges, au demeurant, propose déjà des indicateurs qu'il diffuse dans son rapport annuel. Les contrats signés entre les parties peuvent donc s'y référer.
L'idée, en tout cas, est de laisser le choix des indicateurs, y compris ceux qui sont publics, aux interprofessions et aux opérateurs. Ces indicateurs pourront ainsi être adaptés au mieux à la production et à la filière considérées. Avis défavorable.
L'amendement no 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'un des principaux problèmes qui touchent nos agriculteurs est celui de la concurrence étrangère et déloyale.
Pour défendre les agriculteurs français, il paraît nécessaire que ces indicateurs soient bien en rapport avec les conditions de production des producteurs concernés, donc d'interdire le recours à des indices étrangers. On a par exemple évoqué le cas de Leclerc, qui utilise la grille de cotation laitière allemande pour tirer les prix d'achat de la brique de lait français à la baisse.
Cet amendement précise que les indices de référence doivent correspondre à la réalité de l'agriculture française, et par conséquent être nationaux.
Évidemment défavorable. La notion d'« indicateurs nationaux » n'a absolument aucun sens dans la plupart des marchés, qui peuvent aussi bien être internationaux que régionaux ou départementaux.
L'amendement no 476 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement tend à renverser la logique du projet de loi, selon lequel les indicateurs de référence se rapportent aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés où opère l'acheteur. Il est ici proposé de rapporter les indicateurs aux prix constatés dans le département où est situé le producteur, et ce, une fois encore, pour mieux refléter la réalité du coût de production. Le projet de loi, lui, se fonde sur la concurrence du marché, lequel ne permet de couvrir le coût de production que par coïncidence.
La production française n'est pas seulement commercialisée via des circuits de proximité, loin de là. Le lieu de la distribution n'étant pas forcément celui de la production, le prix doit correspondre au lieu où le produit est vendu : toute autre logique n'aurait aucun sens. Avis défavorable.
La solution que vous proposez, monsieur Leclerc, serait beaucoup trop restrictive et contraignante pour les producteurs, qui ont aussi affaire à des marchés nationaux et internationaux. Avis défavorable.
L'amendement no 286 n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 716 .
Cet amendement concerne lui aussi les indicateurs de coûts de production.
J'ai écouté très attentivement vos arguments, monsieur le ministre, et vous rejoins sur l'idée de placer chacun face à ses responsabilités. Les filières doivent en effet s'organiser, se structurer et assumer leur rôle. Mais l'État, de son côté, doit aussi assumer le sien. Je ne puis me contenter, à cet égard, d'un État qui froncerait les sourcils, ferait les gros yeux en disant : « Ce n'est pas bien ! », et s'en tiendrait là.
C'est ainsi que l'on a procédé par le passé. Lors des précédentes négociations commerciales, votre collègue Bruno Le Maire, d'ailleurs, avait repris une grande enseigne dont les pratiques n'étaient pas aussi vertueuses que ce qu'elle affichait.
On le sait très bien, si l'État n'assume pas son rôle de régulateur dans une économie de marché, le déséquilibre, dans le rapport de force, risque de perdurer, et pour longtemps. C'est pourquoi nous proposons, à travers cet amendement, que l'État, au nom de sa mission de régulation, assume son rôle d'arbitre impartial. Il le ferait pour attester que les indicateurs proposés sont sincères, loyaux, et qu'ils permettent de discuter dans de bonnes conditions.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise donc à garantir la sincérité des négociations commerciales. Concrètement, les indicateurs de coûts de production seraient soumis à l'approbation de l'autorité publique après avis de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Voilà une démarche simple et pragmatique – pour reprendre un mot cher à la majorité – , qui, surtout, vise à l'efficacité et replace chacun dans le rôle qu'il doit assumer.
Dès lors que l'autorité publique est appelée à valider un indicateur, celui-ci devient public ; et de toute façon, il ne pourra en aucun cas être imposé à des entreprises privées qui entretiennent des relations commerciales.
En admettant même que l'on enfreigne ainsi le règlement européen et la loi française, le premier acheteur, s'il n'a pas validé l'indicateur, s'arrangera pour le marginaliser à l'extrême dans le contrat, si bien que l'effet sera nul pour le prix payé au producteur : le système que l'on connaît aujourd'hui perdurera. Les indicateurs doivent impérativement être validés par l'ensemble de la filière pour servir de base au prix payé au producteur et avoir un effet concret ; faute de quoi on ne sortira pas de la logique actuelle, qui conduit à payer le producteur à un prix inférieur au coût de production.
Le cadre communautaire, vous le savez, interdit toute intervention de l'État en matière de fixation des prix. Aussi avons-nous souhaité que l'interprofession, en cas de blocage dans la négociation des indicateurs, puisse se retourner vers l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Celui-ci pourra alors donner des indications précises et apporter son aide dans l'élaboration des indicateurs.
Nous souhaitons en rester à ce cadre, sur un problème qui est de la responsabilité des interprofessions. L'État, lui, joue parfaitement son rôle, d'abord en exerçant la pression suffisante quand c'est nécessaire, ensuite en offrant un cadre aux interprofessions. En outre, celles-ci se sont engagées à respecter l'état d'esprit des états généraux de l'alimentation, je veux parler du consensus issu des ateliers s'agissant des indicateurs et de la répartition des prix entre tous les maillons de la chaîne. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous avons parfaitement intégré les contraintes européennes : nous avons nous-mêmes avoué que nous avions été trop timides pour les bousculer, malgré toute notre bonne volonté. Ce que nous avons recherché, avec Guillaume Garot et l'ensemble du groupe Socialistes et apparentés, c'est une voie fine, médiane, permettant d'appuyer une très forte demande de l'interprofession. C'est donc avec beaucoup de finesse et de pragmatisme que nous sommes intervenus.
Il ne s'agit pas que l'État fixe le prix, mais qu'il vienne certifier que l'issue des négociations menées dans le cadre que vous avez indiqué, dans l'esprit de la charte signée en novembre dernier et qui, aujourd'hui, n'est à proprement parler respectée ni pour le lait ni pour la viande – vous l'admettez vous-mêmes – , n'a pas été atteinte au forceps et du fait de rapports léonins, mais est le fruit d'un accord de bon sens, résultant d'indicateurs reconnus par tous.
Nous ne voulons pas reproduire la logique des domaines dans les transactions foncières, avec un État juge qui vient trancher un conflit : nous voulons un État expert qui, s'appuyant sur ses agences, ses savoirs et ses connaissances, détermine si l'accord provient du sens commun ou d'un déséquilibre profond.
Cette idée, vous devez au moins l'expérimenter ; nous devons donc la voter. C'est en effet la plus respectueuse du cadre européen. En adoptant notre amendement, nous donnerons une perspective à des filières qui sont en crise, à des producteurs qui n'en peuvent plus, qui, outre les problèmes climatiques conjoncturels de l'année, nourrissent une angoisse terrible vis-à-vis de l'avenir. Nous devons leur adresser ce signal. C'est ce qu'ils attendent de nous.
Mes chers collègues, ayons le courage, au-delà de nos différences, de pousser le ministre,
M. le ministre rit
de l'aider à défendre cette idée pleine de bon sens et de réalisme à la Commission européenne et dans les cadres européens pertinents. C'est au bon sens du terme que nous voulons vous pousser, monsieur le ministre : non pas vous pousser dehors, mais vous soutenir avec force à Bruxelles pour défendre nos producteurs lors des négociations de la PAC.
Oh, je ne me laisse pas pousser si facilement !
Vous invoquez les règles du commerce européen. Nous n'allons pas refaire le débat, qui a été très long et très riche ; mais si Guillaume Garot et moi-même sommes convaincus, avec tous nos collègues Socialistes et apparentés, qu'il existe une « exception agriculturelle », c'est que nous avons tous mesuré qu'à l'échelle de la planète comme de chacun de nos territoires, l'agriculture ne serait jamais une activité comme les autres, ni l'alimentation une marchandise comme les autres. Les effets de l'agriculture sur les écosystèmes et sur la cohésion sociale, au-delà même de la santé de nos entreprises, sont trop importants pour qu'on la considère ainsi. Voilà pourquoi il faut une intervention de l'État, qui soit un juge de paix lorsque, décidément, le loup est dans la bergerie.
Tel est le sens, très simple, de notre amendement, que nous avons voulu soumettre à un scrutin public pour donner un caractère solennel à notre engagement, très partagé, je crois, sur ces bancs.
Monsieur le ministre, ce n'est pas la première fois que vous répondez à ce type d'amendements de façon un peu caricaturale. Vous dites que l'on ne peut pas fixer un prix plancher. Mais ce n'est pas l'objet de l'amendement !
Vous l'avez dit, vous le dites en toute occasion.
Certes, personnellement, je souhaiterais qu'il existe un prix plancher – j'ai même déposé des propositions de loi en ce sens.
Mais cela devient alors un prix plafond !
Que l'on parle de prix plancher ou de prix de référence, on sait les difficultés que cela pose vis-à-vis des règles de l'Union européenne ; on peut pourtant faire bouger les choses en faisant preuve de volontarisme politique.
Mais il ne s'agit pas de cela ! De même que, dans l'amendement que j'ai défendu tout à l'heure, il s'agissait de disposer de critères d'évaluation des coûts de production, le présent amendement tend à établir non un prix plancher, mais des règles permettant de fixer les paramètres. Nous parlons d'indicateurs, et il est de la responsabilité de l'État de les déterminer ; mais cette affaire est aussi une question de process. Comment l'État va-t-il valider une forme de process qui permettra de résoudre les problèmes ? Tel est l'enjeu.
Ne nous parlez donc pas de prix plancher, puisqu'il n'en est pas question ; ne nous dites pas que l'amendement est en contradiction avec les règles de l'Union européenne, car ce n'est pas le cas. Bien au contraire, ces règles permettent d'aborder de tels problèmes à bras-le-corps. C'est une question de responsabilité politique. Vous n'avez pas raison de vous opposer à ce type d'amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et Socialistes et apparentés.
Je soutiens l'amendement de nos collègues Socialistes et apparentés, et tutti quanti.
Sourires.
J'ai souvenir qu'à l'époque où le cours du porc était très bas – c'était, je crois, du temps de Stéphane Le Foll, et Manuel Valls était Premier ministre – on en accusait le ministre de l'agriculture, qui, naturellement, fait et défait les marchés... Comme si une nouvelle crise se déclenchait dans quelques jours et que l'on disait : « Que fait Travert ? Le prix du porc, ce n'est pas un prix ! C'est scandaleux ! Et Travert ne fait rien ! » Je me disais alors que ce n'était ni à Manuel Valls ni à Stéphane Le Foll, qu'il s'agisse du porc, du lait ou de n'importe quelle autre production, de réunir les parties prenantes pour leur dire de se mettre d'accord et d'entendre les producteurs qui souffrent, qui vendent leurs produits à perte – ce qui est inadmissible – , qui ont des annuités d'emprunt à payer et toutes les difficultés que l'on connaît. Ce n'est pas le rôle du politique de réunir des parties prenantes responsables qui ne sont pas fichues de s'accorder et de faire preuve de solidarité.
Par conséquent, l'idée est que, si les acteurs de l'interprofession – pour reprendre le même exemple, les éleveurs de porc, les charcutiers, les industriels, les distributeurs – ne parviennent pas à se mettre d'accord, une autorité intervienne pour dire : « En dessous de 1,40 euro, ce n'est pas viable pour les producteurs. » Pour le déterminer, elle se fonderait, évidemment, sur les cours nationaux, mais aussi mondiaux. Elle aurait l'expertise et l'intelligence que nous n'avons pas – ce serait son métier – , et sa décision ferait autorité.
La crainte de la voir agir serait l'aiguillon qui obligerait les parties prenantes à sortir des discussions par le haut en trouvant un accord.
Sinon, alors même que votre texte, monsieur le ministre, vise à rééquilibrer les relations commerciales, ce sera toujours la loi du plus fort qui s'imposera. Or, comme le dit Valéry Giscard d'Estaing que je citais hier soir à la tribune, dans les années que nous vivons, le plus fort est celui qui a le plus d'argent.
C'est bien là notre problème. Le dérèglement des relations commerciales est tel qu'il n'y a plus de morale chez certains interlocuteurs. Je n'hésite pas à les nommer : certains industriels, mais en nombre limité, et surtout un mode de distribution, à savoir la grande distribution fédérée en centrales d'achat et qui, ainsi, avance masquée.
J'en reviens donc à mon « collègue » breton Michel-Édouard Leclerc, qui nous a expliqué dans l'émission de Jean-Jacques Bourdin qu'il allait être solidaire des éleveurs – rendez-vous compte ! – en réduisant ses marges – il me ferait presque pitié – pour redonner de la valeur aux agriculteurs.
J'attends de voir...
Ce qui me met en colère, c'est à la fois qu'il manipule l'opinion publique et qu'il nous prenne, nous autres élus, pour des gugusses.
M. Richard Ramos applaudit.
Voilà pourquoi je soutiens l'amendement de nos collègues socialistes, au nom du groupe UDI, Agir et indépendants.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et Socialistes et apparentés.
Ce n'est pas un amendement bolchevique, contrairement à ce que pense le ministre !
Sourires sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés.
Sourires.
À propos de cet amendement, Dominique Potier a parlé de finesse ; je parlerais presque de mollesse. Ce qui nous y est proposé est d'un extrême modérantisme. Il ne s'agit pas de fixer les prix, ni même de les indiquer, mais de faire en sorte que les indicateurs puissent être validés par l'État. On se situe donc ici au troisième niveau de la régulation. C'est une sorte de base minimale sur laquelle nous pourrions tous être d'accord. Je la voterai tout de même, mais mon coeur me ferait aller plus loin !
Et c'est à cette proposition minimale que l'on oppose l'existence du cadre européen ? Je suis désolé, mais ce type de réponse est une machine à vous dégoûter de l'Europe.
Oh, c'est pareil !
Rires sur les bancs de la commission et du Gouvernement.
Si le cadre communautaire empêche de mettre cette proposition en oeuvre, c'est évidemment lui qu'il faut bousculer un peu.
À la place de Michel-Édouard Leclerc ou de Lactalis, si la validation des indicateurs de prix par un tiers ne devenait pas obligatoire, je lancerais un institut scientifique du lait qui me servirait de couverture et me permettrait de proposer le prix le plus bas, à ma convenance ; et cela ferait partie des éléments sur lesquels se fonderait la négociation.
Ces masques, il faut que la puissance publique les fasse tomber. On nous dira que l'unanimité sera requise au sein de l'interprofession, mais on sait comment peut s'arracher l'unanimité quand les parties ne jouent pas à armes égales, certains étant flanqués de cabinets d'avocats, d'experts et de comptables dont les paysans sont dépourvus.
Contrairement à mon collègue Ruffin, je féliciterai les auteurs de l'amendement non de leur mollesse, mais de la finesse dont ils font preuve...
Ouvrez les yeux ! En créant ces indicateurs, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, l'OFPM, va complètement déresponsabiliser les organisations professionnelles et les interprofessions. Vous savez très bien que, si l'on ouvre cette porte, plus personne ne voudra s'en charger et tout le monde laissera faire l'État.
Vous savez donc bien, au fond, que c'est une très mauvaise idée.
Ce qui ressort des ÉGA, c'est que les agriculteurs sont de grands garçons, qui souhaitent prendre leur destin en main. Nous devons donc les laisser créer eux-mêmes l'indicateur et ne surtout pas interférer.
L'indicateur de coût perdra tout son intérêt si l'État doit intervenir, par le biais de l'OFPM, pour le définir.
Protestations sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés.
Vous dites bien que, s'il n'y a pas d'indicateur de coût, il faut demander à l'État de le fournir.
Mais si, à travers l'OFPM, et vous le savez très bien. C'est exactement ce que vous proposez.
Protestations sur les bancs des groupes FI et Socialistes et apparentés.
Je vous laisse vous réexpliquer ; en tout cas, le résultat sera exactement le même.
C'est un débat de fond que nous avons, sur le rôle de l'État face au marché. Ce que nous affirmons, c'est qu'un marché sans régulation équivaut au renard dans le poulailler. Cela a été dit sur tous les tons et très justement.
L'objet de l'amendement n'est pas du tout de permettre que l'État se substitue aux acteurs économiques privés, mais simplement de faire en sorte que l'État assume son rôle dans l'impartialité, c'est-à-dire qu'il valide la sincérité et la loyauté des indicateurs proposés par les acteurs en vue de la discussion, qu'il valide leur démarche – André Chassaigne a très justement parlé de process. Dans ce cas, chacun est dans son rôle.
Monsieur le ministre, je reviens à ce que je disais à la tribune hier soir, pendant la discussion générale. Vous avez là un amendement que certains qualifieront de mesuré, d'autres de raisonnable ; un amendement qui propose une porte de sortie au débat que nous avons depuis maintenant plusieurs heures. Vous nous avez longuement expliqué que le Gouvernement serait attentif aux bonnes idées, d'où qu'elles viennent ; et vous avez là un amendement présenté par les Socialistes et soutenu par le groupe GDR, par le groupe FI et par le groupe UDI :...
... quel arc politique ! Il doit bien y avoir un peu de bon sens dans un amendement sur lequel des parlementaires d'horizons, de parcours, de sensibilités si différents parviennent à s'accorder.
Cet amendement est un pas en avant. Monsieur le ministre, faites ce pas avec nous, avec la représentation nationale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 21
Contre 33
L'amendement no 716 n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune, dont plusieurs séries d'amendements identiques.
La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour soutenir l'amendement no 287 .
Le présent amendement vise à donner une place centrale à l'Observatoire de la formation des prix et des marges, puisque les indicateurs à prendre en compte devront en émaner, alors que le projet de loi prévoyait que les parties pouvaient utiliser tous les indicateurs disponibles ou spécialement construits par elles. Les indicateurs produits par l'OFPM seront le gage d'une objectivité que nous recherchons tous.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 454 .
Tous les collègues de la commission des affaires économiques qui ont en mémoire les auditions que nous avons menées dans le cadre des états généraux de l'alimentation se souviennent combien il était perturbant de recevoir les acteurs, industriels, producteurs, et distributeurs, qui se renvoyaient la balle les uns après les autres. Jamais nous n'avons vraiment réussi à savoir où se situait le gros de la marge – même si, en fin de compte, nous le devinions très bien.
L'amendement vise à ce que les indicateurs soient systématiquement définis et rendus publics par les organisations interprofessionnelles, ou à défaut par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. Cette dernière disposition complète le dispositif et pourrait permettre de trouver un terrain d'entente sur l'ensemble des amendements.
Le système de formation des prix alimentaires et agricoles souffre non seulement d'une formation des prix à l'envers, mais aussi d'un manque total de transparence. Mon amendement permet de garantir que, quoi qu'il en soit, le système de formation des prix via les indicateurs choisis, donnera à tous les acteurs de la chaîne, y compris aux producteurs et aux consommateurs, les vraies données sur la localisation des marges et sur les prix, en ayant recours, si c'est nécessaire, à l'OFPM.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 59 .
Cet amendement capital pose le principe de l'élaboration et de la diffusion des indicateurs par l'interprofession, principe indispensable à nos yeux, qui semble assez largement partagé dans cette enceinte.
Monsieur le rapporteur, cet amendement se différencie de celui que vous nous présenterez sur le même sujet, car il identifie le rôle de l'OFPM. En prévoyant qu'il puisse se substituer à l'interprofession, on crée une obligation de résultat et l'on s'assure de l'efficacité du dispositif. Cette efficacité devra être vérifié par un bilan prévu dans les deux ans. Ce contrôle nous semble indispensable.
Le rôle de l'interprofession a été évoqué. Il est important de s'assurer qu'elle puisse concevoir et diffuser les indicateurs, ce qui semble correspondre à l'esprit de ce que vous allez nous proposer, mais il faut aussi prévoir une sorte d'obligation de résultat, et exercer une forme de pression via l'Observatoire.
Dans la discussion commune, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 983 rectifié et 989 .
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 983 rectifié .
Il vise à répondre à l'inquiétude exprimée depuis de nombreux mois par la profession s'agissant de l'utilisation du mot « peuvent » à l'alinéa 15. Nous proposons donc d'écrire que les interprofessions doivent élaborer et diffuser les indicateurs qui serviront d'indicateurs de référence dans les futures négociations commerciales entre les producteurs et les premiers acheteurs.
Monsieur Descoeur, je vous confirme qu'un désaccord persiste entre nous, car je considère que l'OFPM n'a pas à valider ces indicateurs. L'OFPM peut cependant venir en aide au interprofessions pour les déterminer, et le médiateur des relations commerciales peut intervenir pour permettre qu'un consensus se dégage. Je rappelle que ce dernier est un représentant de l'État puisqu'il dépend du ministère de l'agriculture.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement identique no 989 .
Sur les amendements identiques nos 983 rectifié et 989 , je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement no 91 .
Il prévoit que les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles ou, à défaut, par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Au plus tard le 1er septembre 2020, le médiateur des relations commerciales agricoles réalise un bilan afin d'évaluer l'efficacité du dispositif.
Il va plus loin que l'amendement no 983 rectifié de la commission en indiquant que : « Les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles ou, à défaut, par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. » En effet, dans certains cas, il n'existe pas d'interprofession.
Nous traitons là d'un point majeur du projet de loi. L'article 1er est fondamental. L'élaboration et la mise en place des indicateurs sont des sujets essentiels.
L'amendement prévoit également qu'un « bilan est réalisé en septembre 2020 par le médiateur des relations commerciales agricoles pour évaluer l'efficacité du dispositif ». Il est important de faire une évaluation de ce dispositif nouveau pour l'améliorer en cas de besoin.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 163 .
Le premier signataire en est M. Pancher.
Le principe doit être celui d'une diffusion des indicateurs par l'interprofession. Pour ne pas risquer de remettre en cause leur caractère privé, une solution de recours à l'Observatoire de la formation des prix et des marges est prévue, mais uniquement en cas de défaut de l'interprofession. Les acteurs, qui redouteront, pour certains, que les indicateurs diffusés par l'OFPM leur soient défavorables, seront, de cette manière, beaucoup plus enclins à faire des efforts pour trouver un compromis pertinent que par une voie optionnelle et facultative.
Il n'est pas question de demander à la puissance publique de fournir des indicateurs, mais bien de donner la responsabilité aux acteurs économiques des filières de les construire en étant aussi incitatifs que possible.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 480 .
Il est parfois bon de rappeler des évidences : pour nos agriculteurs, les indicateurs de prix ne constituent pas une option ; ils sont primordiaux. De ces indicateurs dépend que nos agriculteurs perçoivent un revenu décent ou non. Quand on sait qu'un agriculteur sur trois gagne moins de 350 euros par mois, l'on comprend que c'est une question de survie.
Vous envisagez d'élargir la liste des organismes qui élaboreront les indicateurs de prix. Vous mettez fin à la compétence d'un organisme unique alors que l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires rassure les agriculteurs en tant qu'organisme étatique, donc neutre.
Vous modifiez le marché agricole, et vous le libéralisez encore plus afin que chaque acheteur propose sa grille tarifaire. Pourquoi pas ? Mais, dans ce cas, il faut contrôler les risques d'abus de la part des acheteurs. Cette question se pose vraiment, car nous ne discutons pas ici du sexe des anges ; nous parlons de l'espoir d'un revenu décent pour nos agriculteurs.
Il faut dès maintenant penser que les décisions que nous prenons bien confortablement installés dans l'hémicycle auront des conséquences pour nos agriculteurs. Il faut être en mesure d'analyser leurs effets dès 2020. Je propose de confier cette mission au médiateur des relations commerciales agricoles.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 571 .
Pour le respect des équilibres dans le cadre d'une contractualisation, il convient que les indicateurs utilisés soient les plus fiables possible, et qu'ils soient actualisés et neutres pour les parties. L'utilisation et la pondération de ces indicateurs pourront faire l'objet d'une négociation dans le cadre du respect des principes de la liberté contractuelle.
Le dispositif doit aussi responsabiliser les interprofessions pour qu'elles diffusent des indicateurs adaptés à la filière. À ce stade des discussions, l'alinéa 15 ne retient qu'une formulation optionnelle et peu incitative.
L'indicateur doit être établi par l'interprofession et, à défaut, par l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Ainsi, les parties qui pourraient craindre que des indicateurs défavorables soient fixés par l'OFPM s'efforceront de s'entendre dans le cadre de l'interprofession.
Je vais faire entendre la voix unanime de notre groupe. Nous avons bien entendu le rapporteur, mais un différend persiste s'agissant du rôle de l'OFPM. L'amendement de notre collègue Dino Cinieri indique très précisément qu'à défaut d'accord l'Observatoire peut avoir un rôle, ce qui crée une obligation de résultat au cas où, d'aventure, l'interprofession ne parviendrait à se mettre d'accord.
Monsieur le rapporteur, on peut considérer que votre amendement est une avancée que l'on juge intéressante mais pas suffisante. Il nous semble essentiel de donner un rôle à l'OFPM. Il s'agissait d'ailleurs de l'un des acquis de la première lecture du projet de loi. Nous avions pu introduire dans le texte une proposition que nous aurions aimé retrouver en nouvelle lecture. C'est sur ce sujet que la commission mixte paritaire nous avait chagrinés.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement no 680 .
Il a beaucoup été question des promesses de cette loi et de la déception des agriculteurs. Je voudrais remettre une couche : oui, ils seront déçus si on leur fait croire que la puissance publique va se substituer au pouvoir commercial qu'ils n'ont pas et leur permettre d'imposer des prix. On n'a jamais promis une telle chose. Oui, un acheteur de la grande distribution pourra toujours brutalement déréférencer un de ses fournisseurs. Cela arrive, c'est la liberté des acteurs, et cette loi ne la leur ôte pas. Le rapporteur et le ministre l'ont rappelé : dans une interprofession, il n'y a par définition pas de rapport de forces ; on laisse les revolvers et les fusils à l'entrée et on se réunit pour se parler. Lorsqu'une interprofession est unanime, elle a le pouvoir de créer du droit – par exemple en définissant des contrats cadres sur la base d'indicateurs – , c'est à cela qu'elle sert. Ce faisant, elle crée un climat des affaires et c'est là l'esprit de cette loi : on respecte la liberté du marché et celle des acteurs ; on leur donne uniquement des outils pour changer le climat des affaires. Il est trop facile de larmoyer, mais ne leur faisons pas croire que nous, la représentation nationale, allons, comme en 1957, fixer des prix publics ; ce n'est pas le cas. Maintenant que je l'ai dit, madame la présidente, je retire mon amendement...
... car je soutiens celui du rapporteur, no 983 rectifié, qui me semble résoudre ce problème des indicateurs. Ceux-ci n'auront pas la puissance de l'autorité publique, mais les interprofessions seront bien plus incitées à les fournir.
L'amendement no 680 est retiré.
Cet amendement rejoint le propos de Guillaume Garot : lorsque les interprofessions n'arrivent pas à se mettre d'accord, il faut disposer d'une autorité. « Lorsqu'une filière ne dispose pas d'organisation interprofessionnelle ou lorsque celle-ci n'est pas en capacité de fournir des indicateurs de coûts pertinents de production, alors cette tâche est confiée à l'observatoire ». Comme Guillaume Garot et Dominique Potier, nous souhaitons redonner de la légitimité à l'Observatoire, notamment lorsque la filière ne dispose pas d'organisation interprofessionnelle ou lorsqu'il n'y a pas d'accord en son sein.
La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour soutenir l'amendement no 758 .
Cet amendement reflète les craintes que certains députés de la majorité nourrissaient s'agissant de l'élaboration des indicateurs de coûts de production au sein des interprofessions.
Mais l'amendement du rapporteur no 983 rectifié montre que nous avons été entendus ; sa rédaction nous satisfait. C'est pourquoi nous retirons notre amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 758 est retiré.
Toute l'opportunité de la définition de contrats de vente de produits agricoles permettant un meilleur partage de la valeur ajoutée au service des producteurs repose sur la prise en compte réelle des coûts de production pour chaque filière de production et par type de produit. Les auteurs de cet amendement souhaitent que la définition des indicateurs pris en compte à l'occasion du renforcement du cadre contractuel soit assurée par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, FranceAgriMer, seul établissement public aujourd'hui capable de travailler et de définir réellement de tels indicateurs.
Notre collègue du groupe LaREM a tort de retirer son amendement si elle veut être complètement rassurée...
... et je l'invite à voter l'amendement pour lequel nous avons demandé un scrutin public. Comme l'a très bien dit mon collègue Vincent Descoeur, l'amendement du rapporteur va dans le bon sens, mais nous pensons qu'il ne va pas assez loin et qu'il a besoin d'être précisé afin d'assurer la sincérité et l'objectivité dans la détermination des coûts de production via un avis extérieur avisé. C'est pourquoi cet amendement, comme celui qui a été présenté par Vincent Descoeur, prévoit, pour les indicateurs autres que publics ou définis par les interprofessions, une procédure de validation préalable par décision de l'autorité administrative compétente après avis de l'OFPM.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements soumis à la discussion commune ?
Je suis évidemment favorable à mon amendement et à celui, identique, de M. Thierry Benoit, et défavorable aux autres. Je répète : pour moi, la validation par la puissance publique d'un indicateur est non seulement inconstitutionnelle et contraire au droit français et européen, mais surtout complètement inefficace. Elle ne résoudra pas le problème du prix en dessous du coût de production. En effet, si le premier acheteur ne valide pas l'indicateur, il ne sera pas obligé de l'inclure dans son contrat. En revanche, s'il doit le valider au sein de l'interprofession, il lui sera très compliqué de ne pas en tenir compte dans le contrat. De plus, on prévoit une intervention du médiateur des relations commerciales qui pourra rappeler ses devoirs au premier acheteur.
Ce débat démontre de façon flagrante que le Gouvernement et la majorité recherchent des équilibres, le consensus et le compromis, et acceptent de faire des pas en direction de leurs interlocuteurs. Vous l'avez compris, nous ne sommes ni sourds ni aveugles. Nous avons bien entendu l'inquiétude des professionnels et celle qui s'est exprimée sur différents bancs de l'Assemblée. Nous vous proposons donc une solution de compromis à travers l'amendement no 983 rectifié du rapporteur, identique à celui de Thierry Benoit. Que chacun fasse le pas nécessaire vers ce compromis qui permet de souligner l'importance que nous accordons à l'OFPM dans la construction des indicateurs.
Je voudrais également vous redonner quelques éléments relatifs au rôle de l'OFPM car il est important de bien connaître l'ensemble des dispositifs qui vont en accompagner le travail. L'Observatoire vient en appui des filières et des organisations professionnelles représentées au sein du comité décisionnel qui pilotera les différents groupes de travail. Les acteurs ont toute la latitude pour, à travers ce comité de pilotage, orienter les travaux de l'Observatoire et en fixer le programme. Certains indicateurs existent déjà ; publiés par l'OFPM à l'occasion du rapport annuel qu'il remet au ministère, ils peuvent être utilisés par les différentes interprofessions. Ils sont sourcés, leur contenu est parfaitement clair et précis, et ils constituent un vivier naturel à la disposition des interprofessions. En tant que ministre, je demanderai à l'OFPM de bien veiller à publier tous ces indicateurs et de travailler étroitement avec les interprofessions.
Enfin – nous le verrons plus tard – , l'article 5 quater permet à l'OFPM d'apporter son expertise aux interprofessions. Nous avons besoin que toutes les parties s'approprient cette loi qui invite les organisations professionnelles à se mobiliser pour les accompagner. Nous avons entendu les inquiétudes et la rédaction que nous proposons dans l'amendement no 983 ... pardon, la rédaction que propose le rapporteur...
.. me paraît représenter une avancée notable pour mobiliser les interprofessions sur la question. C'est le fruit d'un travail étroit entre le rapporteur et le Gouvernement, qui illustre la très grande qualité de nos relations tout au long de l'élaboration de ce texte. Parfaitement équilibré, son amendement représente une avancée significative de nature à rassurer les acteurs sur la pleine mobilisation de l'Observatoire et des interprofessions dans cette tâche importante qu'est l'élaboration des indicateurs. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant quant à l'organisation par les interprofessions d'un véritable appui à l'amont agricole. Dès à présent, elles sont les mieux placées pour définir les indicateurs, les plus adaptées aux réalités des filières. Sous l'impulsion et sous le contrôle du Gouvernement, les interprofessions travaillent depuis des semaines activement sur la question. Je suis donc défavorable à l'ensemble des amendements présentés...
.. et je vous demande de soutenir l'amendement no 983 rectifié du rapporteur, qui permet de préciser le rôle de l'OFPM et de répondre aux inquiétudes soulevées à la fois par les professionnels et par certains d'entre vous.
Monsieur le rapporteur, force est de constater que votre amendement va plutôt dans la bonne direction et fait un pas pour répondre aux préoccupations de l'ensemble des organisations professionnelles, qui avaient beaucoup d'inquiétudes quant à ces indicateurs. Le bon point de votre amendement, c'est le caractère obligatoire de l'élaboration et de la diffusion des indicateurs par les interprofessions. Mais certaines questions demandent toujours à être éclaircies. D'abord, comment les choses vont se passer là où il n'existe pas d'interprofession ? S'il n'y a pas de consensus pour élaborer ou diffuser les indicateurs – cela peut arriver au sein d'une interprofession – , aucune sanction n'est prévue. On devra donc compter uniquement sur le « name and shame » ou l'action du médiateur, et les choses pourront rester au point mort durant des semaines, des mois voire des années.
Il y a également deux pas, essentiels à nos yeux, que vous ne faites pas et que nous proposions dans nos amendements. D'abord, le texte n'indique pas que les indicateurs des interprofessions sont automatiquement des indicateurs de référence. Or, vous savez très bien que c'est important pour caractériser le prix de cession abusivement bas et que dans le cas d'un rapport de forces, il faudrait pouvoir le prouver. Ensuite, le recours à l'OFPM reste facultatif. Or il est absolument nécessaire de lui confier cette mission lorsque le consensus fait défaut et que les filières n'ont pas élaboré d'indicateurs.
Ne soyons pas dupes : les indicateurs sont tripartites, mais l'une des parties, la grande distribution, a déjà recruté pour gagner en puissance face à des agriculteurs qui ne pourront pas en faire autant. Leclerc et Intermarché ont ainsi procédé à ces recrutements dès le mois de juin. Certes, c'est à l'interprofession d'élaborer ces indicateurs, mais il faudra rester très vigilant car à l'intérieur de l'interprofession, la grande distribution n'hésitera pas à jouer le rapport de forces.
La voie médiane choisie par le rapporteur et par Thierry Benoit est, selon moi, la bonne. Elle ne sera peut-être pas suffisante, mais il faut la tenter : ces indicateurs doivent être élaborés et publiés. La qualité de nos débats nous a permis d'avancer.
Mais, attention, je rappelle tout de même un point évoqué au cours de ces débats : l'Observatoire de la formation des prix et des marges ne compte actuellement que trois salariés. Je serai donc attentif, pour ma part, au nombre de fonctionnaires ou de salariés qui sera prévu au sein de l'observatoire, monsieur le ministre. Il faut augmenter sa capacité.
C'est prévu !
Avec cet amendement proposé par le rapporteur, nous constatons une fois de plus l'intérêt du travail parlementaire. Comme Sandrine Le Feur l'a indiqué, nous étions un certain nombre, sur plusieurs bancs, de la majorité comme de l'opposition, à nourrir des doutes sur cet article. Nous avons pu y travailler tous ensemble, et c'est très bien. Nous y avons passé de longues heures, et tant mieux, car c'est l'un des points les plus importants de la loi.
Personne ne s'est exprimé pour dire que l'amendement du rapporteur n'allait pas dans la bonne direction. Chacun a peut-être un peu de mal, évidemment, à abandonner ses positions de départ, mais nous pouvons converger à ce sujet. Je n'ai aucun doute sur le fait que l'ensemble des organisations professionnelles salueront cette avancée, qu'elles demandaient, ainsi que le consensus qui va se concrétiser dans les prochaines minutes. C'est le signal fort qu'elles attendaient.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l'objectif de cette loi est de protéger notre système de production. Pourquoi fait-on le choix de maintenir l'activité de production ? Pour plusieurs raisons : bien entendu pour préserver le revenu des agriculteurs, mais, bien au-delà, pour protéger toute l'industrie agroalimentaire. Car il n'y a pas au monde d'exemple d'une industrie agroalimentaire qui tienne sans production. Nous en avons très souvent débattu avec de grands industriels, qui évoquaient l'achat de lait en Roumanie ou de viande ailleurs. L'histoire montre que, s'il n'y a plus d'activité de production, l'industrie tombe. En d'autres termes, lorsque l'on défend l'acte de production, on défend les agriculteurs, mais aussi, bien au-delà, l'ensemble de l'économie et de l'industrie agroalimentaires.
On peut mettre de côté la distribution car, sans production, il y aurait tout de même un réseau de distribution. Mais, dans ce cas, les coûts seraient beaucoup plus élevés à terme pour le consommateur. Il s'agit donc bien d'une problématique de fond, sur laquelle nous pouvons tout à fait nous retrouver.
D'autre part, il s'agit d'éviter, par ces dispositions, les ventes à perte, toutes les réglementations élaborées en la matière ayant trouvé, on le voit bien, leurs limites. Comme cela a été évoqué sur tous les bancs, certains producteurs se trouvent dans une situation économique très difficile : ils ne couvrent pas leurs coûts de production. D'où la nécessité, encore une fois, de maintenir la protection du système de production.
Considérons la situation des interprofessions telles qu'elles existent actuellement. Monsieur le ministre, je voudrais que nous soyons bien d'accord sur ce point : actuellement, rien n'empêche une interprofession de définir une grille de prix ou des indicateurs, qui peuvent prendre en compte la qualité du produit, sa quantité et la situation du marché. Les interprofessions peuvent déjà librement faire tout cela.
Pouvez-vous m'expliquer, dès lors, ce que l'amendement du rapporteur va changer, très concrètement, par rapport à la situation actuelle ?
Absolument rien ! Nous sommes d'accord sur l'objectif. Mais, en réalité, si l'on compare la situation telle qu'elle est aujourd'hui avant le vote de votre loi et celle qui prévaudra demain après ce vote, l'amendement change-t-il quelque chose ? Absolument rien !
L'amendement prévoit que l'interprofession élabore des indicateurs, nous sommes bien d'accord, ce qu'elle peut déjà faire aujourd'hui. Mais, que se passera-t-il si elle n'en élabore pas ? Rien ! Rien ne change ! C'est ce qui manque à votre loi !
Il faut donc trouver les moyens de maintenir notre activité de production – à condition que nous soyons bien d'accord sur cette nécessité, mais je pense qu'il y a un accord général à ce sujet. Encore une fois, au-delà des agriculteurs, ce sont tous les emplois liés, de près ou de loin, à l'industrie agroalimentaire et le pouvoir d'achat des consommateurs qui sont en cause. En tout cas, ce texte ne changera strictement rien par rapport à la situation antérieure.
Mes collègues Christian Jacob et Jérôme Nury s'étant parfaitement exprimés, je n'ai rien à ajouter.
Sourires.
Je trouve également que mes collègues, y compris M. Lurton, se sont très bien exprimés et ont tout à fait raison. J'aimerais malgré tout, en complément, exprimer mon désaccord avec le rapporteur sur un point technique. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, qu'un organisme public ne pouvait pas définir les indicateurs de prix. Or, sur votre proposition, l'article 5 quater prévoit que les indicateurs de coûts de production puissent être élaborés et publiés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires s'ils ne sont pas définis par les interprofessions. L'observatoire pourrait donc définir des indicateurs de coûts de production, mais non des indicateurs de prix ? En outre, l'inflation, sur laquelle des montants sont indexés dans certains contrats, est définie, si je ne m'abuse, par l'INSEE – l'Institut national de la statistique et des études économiques – ou des organismes publics. Donc, rien n'empêche l'observatoire d'intervenir en la matière ; l'argument est totalement fallacieux...
... et ne doit pas conduire au rejet de nos amendements. Pour le reste, je souscris totalement aux propos de mes collègues.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Nous nous abstiendrons sur cet amendement. Comme le disait ma grand-mère, cet amendement, c'est « moins pire que si ça l'était plus »,
Sourires
mais, au bout du compte, il ne changera rien, d'abord parce qu'il reste enfermé dans le carcan des règlements européens. Comme le président Chassaigne l'a brillamment montré ce matin, ceux-ci inscrivent les relations entre États dans une démarche de concurrence libre et non faussée, qui s'assoit, en définitive, sur les règles communes que nous évoquons en ce moment. Nous avons déposé de nombreux amendements pour faire en sorte que l'État protège, fixe des règles du jeu claires qui s'imposent à l'ensemble des parties prenantes, s'appuie sur des indicateurs objectifs, se dote d'un arbitre muni d'un sifflet. L'État a les moyens de le faire, mais cet amendement, même s'il est, comme on dit, pavé de bonnes intentions, ne permet malheureusement pas cela et ne permet rien de nouveau. Il ne réglera donc pas les situations que nous déplorons les uns et les autres, avec la même honnêteté. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Ayant déposé un amendement identique, nous voterons, naturellement, celui du rapporteur, de même, je le pense, que bon nombre de députés, car nous sommes au coeur de la discussion. Mais, en même temps,
Sourires
il faut rappeler, parce que les agriculteurs nous regardent, que c'est précisément sur ce sujet, sur cette partie de l'article 1er, que Jérémy Decerle, président du syndicat Jeunes agriculteurs, vous a interpellé dimanche dernier, monsieur le ministre, ainsi que nous, en notre qualité d'élus.
Car, dans les négociations commerciales, qui sont âpres, un certain nombre d'acteurs « bien connus de nos services », si je puis dire – n'est-ce-pas, monsieur Ramos ? – , sont des caïds. Or il n'y a que la manière autoritaire pour mettre les caïds au pas. Une fois que les interprofessions se seront mises d'accord sur les indicateurs, comme cela sera possible, il faudra, à un moment donné, avoir recours à une autorité. Avec cet amendement, j'en suis convaincu, nous allons dans la bonne direction et nous gravissons une marche – je le dis en m'adressant au rapporteur – , mais c'est insuffisant.
Je reviens à la discussion que nous avons eue tout à l'heure avec Dominique Potier et Guillaume Garot. Le Sénat va continuer à travailler sur le sujet, mais, à un moment donné, le débat va s'arrêter. Il faut vraiment, monsieur le ministre, que vous puissiez pousser autant que possible Matignon, l'Élysée,...
... tous ceux qui vous empêcheraient d'agir. Car, j'en suis convaincu, vous pensez ce que nous pensons ; vous avez la volonté d'agir, mais certaines personnes autour de vous sont peut-être moins sensibles aux problèmes que rencontrent les agriculteurs...
... et à la déstabilisation des relations commerciales dont nous sommes témoins, notamment dans les discussions avec la grande distribution.
Il faut donc voter cet amendement, mais, le moment venu, monsieur le ministre, il faudrait pouvoir remettre l'ouvrage sur le métier, afin qu'il y ait véritablement, dans notre pays, une autorité susceptible de corriger, de rectifier et de tailler les oreilles en pointe à celles et ceux qui se livrent à des pratiques qui ne sont plus de notre époque.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Sourires.
Pour vous répondre, monsieur Di Filippo, en vertu de l'article 5 quater, l'OFPM pourra, à la demande de l'un des membres de l'interprofession, donner un avis sur des indicateurs de coûts de production ou de prix – c'est effectivement une des avancées que nous avons entérinées en première lecture. Toutefois, il ne les validera pas. Ce n'est donc pas du tout la même chose ; les mots ont un sens.
Quant à mon amendement, il changera beaucoup de choses. Par ailleurs, en première lecture, vous avez passé votre temps à me dire qu'il fallait remplacer le verbe « pouvoir » par le verbe « devoir ». Or, en l'espèce, nous avons écrit « doivent », et cela ne vous convient toujours pas. Il arrive un moment où j'ai du mal avec la schizophrénie.
Sourires.
Le projet de loi ne prévoit pas, en effet, de sanctions, mais, si les interprofessions ne remplissent pas les fonctions pour lesquelles elles sont désignées, à savoir, dans le cas d'espèce, établir des indicateurs de coûts de production, le ministre peut parfaitement prendre des sanctions, comme la non-reconnaissance d'une interprofession, ce qui aurait des conséquences en cascade assez graves pour celle-ci – je pense qu'aucune d'elle ne se risquera à aller jusque-là.
Vous pouvez parler de schizophrénie ou de ce que vous voulez, monsieur le rapporteur, mais il faut que nous allions au bout des choses. Je vous ai posé une question : concrètement, qu'est-ce qui changera en la matière après le vote de la loi ?
Absolument rien ! Qu'est-ce qui interdit aujourd'hui à une interprofession – je vous ai posé la question tout à l'heure – de définir une grille de prix ? Expliquez-moi au nom de quoi cela lui serait interdit ! Qu'est-ce qui empêche une interprofession de définir des critères de qualité et de quantité, de tenir compte de la situation du marché ? Absolument rien ! Tout cela est tout à fait possible aujourd'hui !
Dans votre texte, il est écrit non pas que les interprofessions « doivent élaborer » mais qu'elles « élaborent » des indicateurs.
On a supprimé le conditionnel !
Or que se passera-t-il si elles n'élaborent pas d'indicateurs ? Rien ne changera, c'est ce que je veux vous démontrer. Nous pouvons discuter pendant des heures des objectifs que nous partageons tous, mais, en réalité, si l'on compare les situations avant et après le vote du texte, rien ne change. En d'autres termes, votre texte n'apporte absolument rien de nouveau, en la matière, par rapport à la situation actuelle.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 55
Contre 0
Les amendements identiques nos 983 rectifié et 989 sont adoptés ; en conséquence, l'amendement no 91 tombe, de même que les amendements identiques nos 9 , 37 , 163 , 180 , 200 , 480 et 571 , les amendements identiques nos 239 et 718 , les amendements identiques nos 90 et 530 ainsi que les amendements nos 603 , 680 , 985 , 758 , 804 , 781 et 92 .
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 717 .
Nous nous sommes abstenus, vous l'avez compris, sur l'amendement précédent, car nous doutons qu'il s'agisse de la formule magique. Nous ne nous y sommes pas opposés, comme à rien de ce qui va dans le bon sens. Néanmoins, nous avons été prudents, car nous ne voudrions pas créer d'illusion.
À l'instar de certains amendements suivants, qui visent notamment à privilégier les signes de qualité dans les accords de prix vertueux, l'amendement no 717 prévoit l'intervention de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Il faut reconnaître le rôle moteur des organisations interprofessionnelles, qui doivent rester à l'initiative de la proposition des indicateurs, tout en conservant, à travers l'avis de l'OFPM, une garantie dans l'hypothèse d'un échec. Avec ces formulations diverses, nous sommes dans une même recherche, celle d'une présence publique qui évite un rapport de force par trop déloyal.
Pour moi, l'amendement est déjà satisfait. La troisième phrase de l'article 5 quater prévoit en effet que l'OFPM peut émettre un avis. Je vous suggère par conséquent de retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Avis défavorable.
L'amendement no 717 est retiré.
L'amendement vise à renforcer le rôle de l'Observatoire de la formation des prix et des marges, et à objectiver davantage les relations entre producteurs et acheteurs. Si l'on veut disposer d'un indicateur objectif et partagé par tous, il convient d'établir un indicateur public du coût de production moyen. L'OFPM pourra s'appuyer sur les instituts techniques et les interprofessions volontaires pour participer à sa définition.
Il importe que la puissance publique joue ici son rôle et garantisse la neutralité de l'évolution des coûts de production comme indicateur clé des négociations contractuelles. Le refuser, c'est laisser à la seule initiative des parties le soin de produire un indicateur sur l'évolution des coûts, lequel indicateur ne fera que traduire l'asymétrie de leur position.
Avis défavorable. Comme j'ai dit précédemment, le rôle de l'OFPM est prévu à l'article 5 quater. Il consiste à donner un avis sur les indicateurs, mais en aucun cas à les fixer. L'Observatoire se borne à les constater et, le cas échéant, à appuyer les interprofessions dans leur construction.
Avis défavorable.
L'amendement no 531 n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 8 et 60 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 8 .
Sur cet amendement no 8 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Si les députés du groupe Les Républicains se sont abstenus sur l'amendement du rapporteur, c'est qu'ils considèrent, vous avez compris, que cet amendement ne va pas assez loin, à la différence de celui dont M. Viala est le premier signataire.
L'amendement no 8 tend en effet à ce que les indicateurs soient systématiquement publiés par les parties et rendus accessibles au public. Au cas où ils ne seraient pas construits, pas publiés, donc pas connus du public, il prévoit un dispositif de sanction, sous la forme d'une mise en demeure, afin qu'ils soient publiés.
À défaut, et après une mise en demeure restée infructueuse pendant un délai de deux mois, l'autorité administrative compétente sanctionnerait obligatoirement toute défaillance et ce jusqu'à publication des indicateurs. L'amendement prévoit également qu'un décret détermine l'autorité administrative compétente ainsi que les modalités de la sanction.
Cette disposition est capitale pour garantir l'efficacité du dispositif. On ne peut pas prévoir une possibilité sans l'assortir de garde-fous, essentiels pour garantir la loyauté du dispositif et éviter des pratiques déloyales qui mettent en difficulté nos agriculteurs.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas y renoncer. À défaut, vous créeriez de facto des prix injustes pour les agriculteurs. Nous savons à quel point le poids des parties est disproportionné. L'amendement vise à leur apporter une garantie. Son adoption est capitale si l'on veut que le dispositif fonctionne.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 60 .
Dans le droit fil de l'intervention de Mme Louwagie, l'amendement no 60 vise à répondre à une préoccupation qui a déjà été exprimée et qui a trait au défaut de publication des indicateurs. Dans ce cas, il est important que la loi prévoie la possibilité de sanctions.
Nous l'avons déjà dit : les indicateurs seront publiés et diffusés par les interprofessions. Par essence, les indicateurs publics, notamment ceux de l'OFPM, seront publiés.
Je ne comprends pas l'utilité pour le producteur et les cocontractants de communiquer au public les indicateurs qu'ils utilisent. À mon avis, cela n'apportera pas grand-chose...
.. quant à la meilleure rémunération des producteurs.
Par ailleurs, cette publication poserait problème à l'égard du secret des affaires. Je vois mal comment elle pourrait s'insérer dans notre droit, alors même, répétons-le, qu'elle n'apporterait rien aux producteurs. Avis défavorable.
Avis défavorable. Le projet de loi offre déjà aux parties la possibilité de construire des indicateurs qui leur sont propres et d'en faire de puissants éléments de négociation. Nous souhaitons leur conserver le bénéfice de ce travail et la possibilité de prendre en compte des indicateurs adaptés à leur situation. Les amendements mettent en avant la possibilité de dénoncer les indicateurs qui aboutiraient à des prix injustes.
Parce que je partage totalement cette préoccupation, j'ai soutenu l'amendement visant à introduire à l'article 5 quater la possibilité de disposer de l'avis technique et scientifique de l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Nous le verrons tout à l'heure, lorsque nous examinerons cet article. Nous prévoyons aussi la possibilité et l'opportunité de porter à la connaissance du public, donc à l'ensemble des opérateurs concernés, les avis et les recommandations de l'OFPM.
Monsieur le ministre, je vais rebondir sur vos arguments. À vous entendre, la communication des indicateurs au public ne présenterait guère d'intérêt. Je pense au contraire que, dans certains cas, l'opinion publique peut exercer une pression importante sur la grande distribution ou l'industrie agroalimentaire, et permettre à ce titre de retrouver une répartition plus équilibrée de la valeur ajoutée entre tous les acteurs. Vous avez tort de négliger cette possibilité.
Ces amendements plaident en outre pour une certaine transparence, dont on entend souvent parler sur certains bancs de cet hémicycle. La publication des indicateurs irait dans ce sens. L'opinion publique a le droit de les connaître, puisqu'ils constituent un élément essentiel de la répartition de la valeur ajoutée et qu'ils permettent à nos agriculteurs de vivre de leur travail. À mon sens, vous faites une erreur en rejetant ces amendements.
Ma circonscription s'étend dans le pays de Bray, où se trouvent de nombreux producteurs laitiers. Le ministre connaît bien cette partie du territoire. J'ai en tête les déclarations de la Fédération nationale des producteurs de lait, début septembre, qu'André Chassaigne a rappelées ce matin dans son intervention : « Nous sommes censés nous entendre sur des indicateurs de valorisation de l'ensemble des marchés laitiers : c'est écrit noir sur blanc dans les plans de filière signés par toutes les parties… et pourtant les transformateurs refusent cette nécessaire transparence. »
Et puis, le groupe Lactalis, numéro un mondial, qui a fait parler de lui ces derniers temps, notamment dans le cadre d'une commission d'enquête, déclare tranquillement : « Nous sommes d'accord pour un indicateur public des prix » – dont il refuse de transmettre de manière transparente les modalités de calcul – et ajoute : « Mais nous nous réservons le droit de moduler le prix aux producteurs en fonction du marché. » La boucle est bouclée. C'est la raison pour laquelle nous voterons les amendements.
Tout ce qui est de nature à renforcer la transparence, à permettre au bout du compte d'inverser le rapport de force entre les producteurs et les acheteurs est de nature à donner un peu plus de force aux petits face aux gros, donc un peu plus de poids aux agriculteurs. C'est ce souci qui nous rassemble aujourd'hui et qui fait que nous sommes présents pour examiner cette loi.
Les amendements sont déterminants, voire capitaux, pour une juste redistribution des profits. On sait très bien qu'il n'y a pas de transparence, comme on sait où sont les marges. Aujourd'hui, producteurs et agriculteurs constituent les variables d'ajustement. La transparence permettrait de retrouver une juste répartition des marges, un juste rééquilibrage. Il me semble important de les voter.
S'il s'agit d'un problème de transparence et qu'il soit question de connaître les marges et les prix payés aux producteurs, nous pourrons compléter le texte tout à l'heure, quand nous définirons le rôle de l'Observatoire de la formation des prix et des marges.
Un rapport annuel rend transparentes un grand nombre de données intervenant dans les négociations du secteur agroalimentaire. Pour renforcer encore la transparence, je défendrai un amendement tendant à ce que, dans son rapport, l'OFPM dresse chaque année un bilan sur l'utilisation des indicateurs des coûts de production. Au reste, la transparence existe déjà. On sait déjà que les supermarchés, dont un des principaux porte-parole nous a réservé récemment une prestation de haut vol en matière de communication, prélèvent entre 35 % et 55 % du prix des produits agroalimentaires de première transformation. La précision figure dans le rapport de l'OFPM de cette année.
M. Leclerc nous explique que, quand on l'oblige à prendre 10 %, il est obligé d'augmenter ses prix de 10 %. Mais, quand il prélève 55 % du prix d'une carotte, il lui reste de la marge ! Qu'il ne prétende pas qu'il va réduire sa marge sur les alliances locales, qui constituent à peu près 0,2 % de ses rayons ! De tels propos sont presque insultants et je pense, comme l'a dit tout à l'heure M. Benoit, qu'il nous prend pour des jambons.
Par définition, les indicateurs dictent la détermination des prix. Les formules utilisées sont souvent complexes, pour ne pas dire incompréhensibles. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Les prix doivent être fixés selon le mode le plus transparent et le plus juste possible, fondé bien entendu sur les coûts initiaux et intégrant l'ensemble des coûts intermédiaires. Les choses sont simples. C'est pour cela que les amendements vont dans le bons sens en intégrant le concept de transparence.
Je viens d'écouter le rapporteur. À mon sens, il est favorable aux amendements puisqu'il vient de plaider pour la transparence et la lisibilité.
Dans ma circonscription, quand on rencontre des problèmes agricoles, c'est d'abord ce qu'on nous demande. Elles sont d'ailleurs nécessaires au public.
Au moment où elle prend un rôle important dans tous les domaines, la transparence doit s'appliquer aussi dans le monde agricole. Les amendements du groupe Les Républicains vont donc dans le bon sens – c'est un socialiste qui le dit – et, pour ma part, je les voterai.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 19
Contre 33
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
L'amendement no 60 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à éviter que l'acheteur le plus fort n'impose un indicateur qui pourrait déséquilibrer la fixation du prix, et à cadrer les formules de détermination du prix dans les contrats, en encourageant le recours aux indicateurs des interprofessions.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 185 .
Même avis que précédemment : nous avons défini dans l'article 5 quater que l'OFPM pouvait donner un avis sur ces indicateurs de coûts de production a posteriori, et non les évaluer ou les valider. Défavorable.
Cet amendement a pour objet d'imposer que les indicateurs utilisés datent de moins de trois mois.
C'est déjà le cas puisque les indicateurs sont mis à jour en fonction du cycle de production et actualisés très régulièrement : nul besoin de l'inscrire dans la loi. Défavorable.
L'amendement no 288 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'objet de cet amendement est de mieux appréhender l'évolution des prix alimentaires français. Il apparaît nécessaire de pouvoir disposer d'une estimation des coûts effectifs de production en agriculture, tels qu'évalués par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et par les interprofessions. Aujourd'hui, le prix de revient versé aux producteurs apparaît totalement déconnecté des coûts réels de production.
De fait, les interprofessions s'appuieront sur les indicateurs les plus consensuels. Elles constituent la forme pertinente et institutionnalisée des conférences publiques puisqu'elles regroupent absolument les mêmes personnes. Mais ne compliquons pas le mécanisme de définition de ces indicateurs, qui seront essentiellement techniques. Les conférences publiques de filière ont avant tout pour objet de permettre aux parties de se parler ; le cas des états généraux de l'alimentation, gigantesques conférences publiques de filière, est assez révélateur. Laissons donc aux interprofessions le soin de s'occuper de ces indicateurs. Défavorable.
Pour la même raison, avis défavorable.
L'amendement no 89 n'est pas adopté.
Cet amendement concerne la disposition introduite par le Sénat sur les prix déterminés ou déterminables. Ceux-ci sont indispensables dans les contrats pour assurer plus de transparence dans la fixation des prix. Nous avions déjà proposé cette disposition lors de la première lecture : sa suppression est un très mauvais signal adressé aux producteurs. Ceux-ci sont en effet très attachés à ce que le projet de loi entérine clairement cette notion de prix déterminé ou déterminable dans les contrats agricoles.
Même si le Gouvernement avance que c'est déjà le cas, ce n'est pas ce que nos agriculteurs observent sur le terrain. En effet, les plaintes déposées pour extorsion contre les laiteries dans divers départements, durant la crise de 2015-2016, n'ont toujours pas abouti. Il serait donc urgent et plus que nécessaire d'envoyer un signal clair aux producteurs concernant la transparence des prix.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 135 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je partage tout à fait la préoccupation de donner de la visibilité aux producteurs. Toutefois, la plupart des contrats agricoles contiennent une formule de calcul de prix car il est impossible de prévoir un prix fixe sans le déconnecter des aléas de production comme de marché. À l'alinéa 37 de l'article 1er, nous avons adopté une formule qui devrait vous satisfaire. Je vous invite à en relire le texte, qui précise un certain nombre d'éléments allant dans le sens d'une formule de prix claire et accessible. Avis défavorable.
Défavorable.
L'amendement no 532 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 654 .
Je rappelle en premier lieu que la moitié des paysans gagnent moins de 350 euros par mois. Aussi, par cet amendement, nous souhaitons préciser l'objectif des indicateurs prévus à l'article 1er et, ainsi, garantir un revenu décent à nos agriculteurs.
Pour mémoire, vous prévoyez que les contrats agricoles prennent en compte les coûts de production, les prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels opère l'acheteur, ainsi que les quantités, la qualité, la traçabilité des produits et le respect d'un cahier des charges. Ces indicateurs sont très flous mais il y a encore plus flou : la notion de « prise en compte » figurant dans votre texte. Pour notre part, nous voulons préciser que la prise en compte de ces indicateurs vise à garantir un revenu décent aux paysans, ce qui implique un prix de vente supérieur aux coûts de production auxquels doit s'ajouter la rémunération du producteur.
Nous avons déjà eu ce débat précédemment. Les indicateurs des coûts de production contiennent déjà la rémunération du producteur, notamment dans l'élevage : représentant environ 1,5 SMIC par unité de main-d'oeuvre, elle est déjà prise en compte dans les indicateurs de coûts de production, par défaut. Tous les indicateurs confondus, que ce soit ceux de l'OFPM ou ceux des instituts techniques – Institut de l'élevage, ARVALIS et d'autres – intègrent systématiquement la rémunération du producteur : il est donc inutile de la rajouter. Avis défavorable.
Il ne faut pas confondre l'objectif de la loi et ses dispositions. Avis défavorable à cet amendement.
L'amendement no 654 n'est pas adopté.
Lorsqu'un producteur ne peut honorer son contrat, et donc les volumes et la qualité qui vont avec, parce qu'il a subi un aléa climatique, nous proposons qu'il n'ait pas de pénalité, c'est-à-dire qu'il ne subisse pas de double peine, à savoir à la fois une baisse de ses revenus et des pénalités. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 566 .
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 793 .
Lorsque des aléas climatiques exceptionnels sont survenus, nous considérons qu'il ne peut être imposé de pénalité à un producteur qui subirait sinon une double peine : à la fois celle de l'aléa climatique empêchant une bonne récolte, et celle d'un contrat qui se retournerait contre lui. Il s'agit donc d'une mesure de justice.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour soutenir l'amendement no 867 .
À mon avis, ces amendements sont déjà satisfaits par l'alinéa 13 de l'article 1er, qui prévoit justement les règles applicables en cas de force majeure – et, naturellement, tout ce qui est aléa climatique entre dans la catégorie des cas de force majeure. Demande de retrait ou avis défavorable.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 195 .
L'amendement no 195 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Dans la lignée de l'amendement no 557 , le présent amendement vise à éviter la double peine, c'est-à-dire la baisse des revenus et les pénalités en cas d'aléas climatiques pour les agriculteurs.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 567 .
Il s'agit d'un amendement identique. Je veux souligner que nos agriculteurs sont de plus en plus confrontés à des aléas climatiques, à des stress hydriques – sécheresses ou périodes d'inondations de plus en plus longues et fréquentes – , à des conditions climatiques toujours plus difficiles. C'est un vrai sujet aujourd'hui, que nous devons prendre en considération au travers de cet amendement.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 794 .
Les écarts entre les volumes attendus et ceux réellement livrés s'expliquent parfois tout simplement par des conditions climatiques défavorables. Comme pour l'amendement que j'ai précédemment défendu, il n'est pas envisageable qu'un producteur se voie infliger une amende en raison de conditions qu'il ne maîtrise pas. Dans ce cas, il est proposé que le contrat ne puisse prévoir de sanctions lorsque ces écarts sont dus à un aléa climatique.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour soutenir l'amendement no 866 .
Défavorable. C'est la même argumentation que précédemment : les cas de force majeure sont prévus à l'alinéa 13 de l'article 1er, qui prévoit des mesures protectrices. Il n'y aura donc pas de sanction en cas d'aléa climatique. Avis défavorable.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 7 .
L'amendement no 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 94 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour soutenir l'amendement no 289 .
Afin d'assurer une réelle prise en compte de l'évolution des coûts de production, il paraît nécessaire d'encadrer la liberté qu'ont les parties de fixer l'occurrence de révision des indicateurs pris en compte à une revoyure a minima trimestrielle, sans les empêcher de fixer une périodicité plus rapprochée.
Il est préférable de laisser les co-contractants convenir de la fréquence de communication, en fonction du type de production et de la volatilité des prix. En effet, la communication trimestrielle n'est pas forcément adaptée à toutes les productions. Avis défavorable.
L'amendement no 289 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement no 649 .
Cet amendement est de nature presque rédactionnelle. Les alinéas 32 et 33 de l'article 1er sont relatifs au contrat-cadre et au contrat, et mentionnent l'idée de prix déterminé ; les alinéas 34, 35 et 36 traitent d'autres notions liées à la conclusion des accords ; mais l'alinéa 37 fait de nouveau référence à la notion de prix, déterminable cette fois. Je vous propose de placer l'alinéa 37 immédiatement après l'alinéa 33, en remplaçant la notion de prix déterminable par celle d'accord-cadre ne comportant pas de prix déterminé.
Le texte se lirait donc comme suit. Alinéa 32 : « Dans l'hypothèse où le contrat conclu pour l'acquisition de ces produits comporte un prix déterminé, le contrat de vente mentionné au premier alinéa du présent article prend en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles concernés ». Alinéa 33 : « L'acheteur communique à son fournisseur... » – vous connaissez la suite. Puis viendrait l'actuel alinéa 37, un peu modifié : « Lorsque le contrat ou l'accord-cadre ne comporte pas un prix déterminé, l'acheteur communique au producteur et à l'organisation de producteurs ou à l'association d'organisations de producteurs, avant le premier jour de la livraison des produits concernés par le contrat, de manière lisible et compréhensible, le prix qui sera payé. »
Cela reviendrait donc à à créer un alinéa 33 bis écrit comme l'alinéa 37, sauf que l'on remplacerait « déterminable » par « ne comporte pas un prix déterminé ».
Vous souhaitez déplacer l'alinéa 37 au sein de dispositions sur les contrats en cascade, ce qui n'est pas approprié. J'ai déposé un amendement qui modifie l'alinéa 37. Je vous propose donc de retirer le vôtre. À défaut, avis défavorable.
Monsieur le député, votre amendement comporte deux volets. Vous voulez remplacer « le prix est seulement déterminable » par « le contrat ne comporte pas un prix déterminé ». Il s'agit effectivement d'une modification rédactionnelle, qui peut être cohérente avec le texte tel qu'il est issu des débats que nous avons eus.
En revanche, votre amendement prévoit également de déplacer la disposition, actuellement insérée à l'alinéa 37, qui oblige l'acheteur à donner une information claire et lisible au producteur sur le prix auquel il sera payé. Cette modification n'est pas seulement rédactionnelle, car la disposition, qui ne concernait que le secteur du lait de vache, soumis à une contractualisation obligatoire, s'appliquerait à tous les secteurs. Certains amendements se font l'écho des filières, comme celle du lin, et s'inquiètent d'une telle évolution. Je les rejoins là-dessus et vous demande de retirer votre amendement au profit du no 713, que vient d'évoquer le rapporteur et qui introduit votre modification rédactionnelle sans transformer la portée du texte.
L'amendement no 649 est retiré.
L'un des objectifs des états généraux de l'alimentation était de faciliter et d'accélérer la montée en gamme du secteur agricole. Cela pourra notamment se faire à travers un encadrement strict des relations commerciales au sein de la chaîne d'approvisionnement des produits agricoles sous signe d'identification de la qualité et de l'origine – SIQO – , incitant les producteurs à s'engager dans cette voie.
Alors qu'un certain nombre de filières ne sont pas soumises à l'obligation de contractualiser, cet amendement propose d'encourager l'interprofession à rendre obligatoire, à très court terme, la conclusion de contrats de vente et d'accords-cadres écrits, mentionnés à l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, spécifiquement pour les produits agricoles sous SIQO. Cette démarche pourra être conduite de façon prioritaire en direction de la filière de la viande bovine, afin de participer au bon déroulement des plans de filière.
Comme vous l'avez compris, cet amendement vise à donner la priorité aux produits sous SIQO.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 61 .
Comme vient de le dire notre collègue, l'amendement s'intéresse spécifiquement à la filière de la viande bovine, qui n'est pas soumise, à cette heure, à contractualisation obligatoire. Il propose donc d'encourager l'interprofession à rendre obligatoire à très court terme la conclusion de contrats de vente et d'accords-cadres pour les viandes bovines commercialisées sous SIQO.
Il s'agit effectivement d'un signal important à adresser aux interprofessions, en particulier à celle de la viande bovine mais pas seulement. Voilà pourquoi je donne un avis favorable à l'adoption de l'amendement no 719 et demande le retrait du no 61 : l'amendement no 719 est le seul à donner une priorité aux produits sous SIQO issus de l'ensemble des filières et pas seulement de celle de la viande bovine.
Avis favorable à l'adoption de l'amendement no 719 , défavorable au no 61.
Si je vous ai bien entendu, monsieur le rapporteur, vous soutenez cette disposition pour l'ensemble des filières, n'est-ce pas ?
Mon amendement portant sur la filière de la viande bovine sera donc satisfait. Je le retire, curieusement avec plaisir !
Rires.
L'amendement no 61 est retiré.
Je note avec satisfaction l'ouverture, une fois n'est pas coutume, du rapporteur et du ministre. Quand les choses vont dans le bon sens, il faut le saluer ! Il est en effet important, comme M. le rapporteur vient de le dire, de mobiliser les SIQO pour la filière bovine, mais également pour les autres. En effet, cette démarche peut être reproduite dans d'autres filières aux problématiques comparables. Il s'agit donc d'un pas en avant.
Un grand pas !
L'amendement no 719 est adopté.
La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour soutenir l'amendement no 585 .
Je vous propose de défendre en même temps l'amendement no 586 , qui porte sur le même sujet et qui s'avère presque identique.
Le texte initial du projet de loi paraît suffisamment précis pour régir les relations contractuelles entre acheteurs et vendeurs.
L'alinéa 37, inséré au cours de la discussion parlementaire, semble inadapté à la réalité de toutes les filières agricoles. Par exemple, la filière du lin fonctionne selon un mécanisme différent de celui des autres filières, puisque le prix payé au producteur résulte de la valorisation des fibres, qui dépend à la fois du niveau qualitatif de la marchandise, mais aussi du niveau des cours de la fibre traitée au moment de la vente – et même du niveau du cours du change, la vente se faisant en dollars. Or le lin se récolte dans une période d'un mois et demi environ, mais les usines de teillage fonctionnent toute l'année, si bien qu'un producteur peut voir sa récolte travaillée par l'usine plusieurs mois après la livraison de la marchandise et ne connaître donc les qualités intrinsèques de sa production qu'à ce moment. Le délai peut atteindre quinze, voire dix-huit mois.
Je propose, monsieur le ministre, de supprimer cet alinéa. Sinon, l'amendement no 586 visera à le compléter par la phrase suivante : « Toutefois, dans la mesure où certaines filières ont un fonctionnement particulier de fixation du prix en fonction de critères qualitatifs qui ne peuvent pas être décelés le jour de la livraison de la marchandise, le ministre chargé de l'agriculture peut, par arrêté, exonérer certaines productions agricoles des dispositions du présent alinéa. ». Cet amendement laisse donc la possibilité au ministre de décider, par voie réglementaire, d'exonérer certaines productions agricoles des dispositions de l'alinéa 37.
Je peux rassurer les auteurs de l'amendement : l'alinéa 37 ne s'appliquera qu'aux secteurs soumis à la contractualisation obligatoire. Avis défavorable.
Défavorable. L'alinéa ne concerne que les secteurs soumis à la contractualisation obligatoire et ne s'appliquera donc pas à celui du lin. Vous voilà rassuré, monsieur Leclerc.
L'amendement no 585 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 713 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. La notion de prix déterminable a été supprimée partout dans le texte, il n'y a aucune raison de la laisser à l'alinéa 37.
L'amendement no 713 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour soutenir l'amendement no 586 .
L'amendement no 586 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 72 .
Cet amendement, qui concerne les coopératives agricoles, propose d'introduire une précision visant à ce que les coopératives aient les mêmes obligations que les autres opérateurs économiques, afin d'assurer la cohérence du dispositif.
Il est ainsi suggéré que le contrat d'apport fasse référence aux indicateurs mentionnés dans le pacte coopératif.
Retrait, ou avis défavorable. La commission a décidé d'appliquer le cadre général de la cascade aux coopératives, si bien que votre amendement est satisfait.
L'esprit de la loi est de retrouver les seuls indicateurs utilisés pour la rémunération des apports des producteurs dans les contrats de vente des sociétés coopératives, et non tous les indicateurs. Le texte issu de la commission a pour objet de préserver la spécificité du secteur coopératif.
Défavorable.
L'amendement no 72 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous estimez que les contrats de vente de betteraves et de canne à sucre aux entreprises sucrières doivent être expressément soustraits du champ d'application des nouvelles dispositions, au motif que leur contenu est régi par l'article 125 du règlement OCM – organisation commune des marchés agricoles – , alors même que la Commission européenne a confirmé la possibilité, pour les États membres, de compléter les dispositions communautaires en la matière par des dispositions législatives nationales dès lors que celles-ci ne contreviennent pas au droit communautaire.
Le refus d'accorder une dérogation à l'usage des néonicotinoïdes pour les betteraves est absolument incompréhensible : celles-ci ne produisent pas de fleurs et n'attirent donc pas les abeilles. De même, la fin des quotas de production de sucre, la chute des cours et le contexte social que connaissent certains sucriers coopérateurs nécessitent d'assurer la contractualisation et la juste répartition de la valeur au sein de cette filière au cas où l'accord européen ne serait pas reconduit. En effet, nos agriculteurs doivent avoir confiance en l'avenir. Ils seraient ainsi assurés de percevoir un juste revenu si le règlement européen venait à disparaître.
Nous avons eu ce débat à de nombreuses reprises. Je comprends les inquiétudes exprimées, notamment après la récente contestation du prix de contractualisation par Cristal Union, qui vient toutefois de trouver un accord avec les producteurs.
Le système en vigueur a été mis en place l'année passée. Il nous semble prématuré d'inscrire d'ores et déjà dans la loi qu'on bascule dans un autre, avant toute évaluation.
Au demeurant, je doute que les producteurs soient forcément gagnants si des renégociations étaient engagées aujourd'hui, ce qui se produirait s'ils étaient soumis aux mêmes dispositions que les autres filières. J'émets donc un avis défavorable à l'amendement. Toutefois, il faudra étudier la situation dès 2020 afin de déterminer quelles perspectives nous pouvons offrir aux producteurs de betterave à sucre sur ce point.
Madame Magnier, vous savez que nous sommes vigilants sur la situation de la filière sucre et que nous travaillons sur ce sujet. L'application de l'OCM n'est pas optionnelle. Pour l'heure, il n'y a pas lieu d'anticiper une possible évolution dont le contenu, par définition, n'est ni connu ni certain. Dans la filière sucre, la contractualisation est encadrée par l'OCM. Depuis 2016, le secteur dispose de la capacité d'établir les clauses de répartition de valeur, lesquelles sont régies par un accord interprofessionnel.
En outre, par-delà les aspects strictement juridiques de la question, il convient d'attendre le retour d'expérience de cette première mise en oeuvre dans la filière, comme vient de le rappeler M. le rapporteur. Celle-ci doit également établir des règles équivalentes par le biais d'accords interprofessionnels. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement. Toutefois, nous continuerons à veiller au grain, si j'ose dire, et à être vigilants sur la situation de la filière sucre.
Je soutiens l'amendement de Lise Magnier, dont je suis cosignataire. C'est un véritable filet de sécurité. Si l'OCM n'est pas renouvelée, ce qui est vraisemblable,...
Il n'y a pas de raison !
Quoi qu'il en soit, il est en vigueur jusqu'à fin 2020. Nous pourrions donc être amenés, pour pouvoir préparer les contrats, à légiférer à nouveau d'ici là, autrement dit en catastrophe.
Cet amendement ne mange pas de pain, monsieur le ministre. Vous avez exclu la filière sucre du champ des dispositions tant que l'OCM existait. « Après, on verra », dites-vous. Mais ce filet permet de sécuriser l'après 2020, si l'OCM sucre n'est pas renouvelée dans des conditions permettant le maintien des accords interprofessionnels, faisant basculer alors la filière dans le régime de droit commun que nous nous apprêtons à voter. L'amendement Magnier est plein de sagesse.
L'amendement no 95 n'est pas adopté.
Il porte sur le secteur de la canne à sucre, particulièrement important dans certains territoires ultramarins. Ce marché est caractérisé par un petit nombre d'acteurs et présente donc une situation d'oligopole, voire parfois de duopole ou de monopole. L'amendement vise à faire en sorte que le secteur de la canne à sucre ne soit pas exclu des nouvelles modalités de contractualisation. C'est une façon de stabiliser le marché.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 372 .
Il procède du même esprit. S'agissant du risque d'exclusion évoqué par notre collègue, je tiens à rappeler que certaines organisations, telles que la Confédération paysanne, nous ont fait part de leur incompréhension au sujet de l'exclusion de certains secteurs, notamment celui de la canne à sucre, du champ d'application des dispositions de l'article 1er. Pourquoi les producteurs de canne à sucre ne bénéficieraient-ils pas des nouvelles modalités de contractualisation, sur le principe de la marche en avant et de la prise en compte des coûts de production que prétendent défendre Gouvernement et majorité ?
Sur l'article 1er, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Je précise, comme je l'ai fait précédemment, que la filière sucre – betterave comme canne à sucre – bénéficie d'un chapitre propre au sein de l'OCM adoptée en 2013, donc d'un système contractuel propre. Il n'y a aucune raison de distinguer les deux filières. Il faut attendre d'évaluer l'application concrète de l'OCM avant d'envisager un système distinct et concurrent, qui ne serait pas forcément adapté à cette filière. Avis défavorable.
Ce projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans l'agriculture a fait l'objet d'une adaptation nécessaire aux spécificités de la filière vitivinicole. La rédaction des alinéas 49 et 50 de l'article 1er permet le maintien du fonctionnement contractuel de la filière viticole, dans laquelle la contractualisation écrite joue d'ores et déjà un rôle extrêmement positif. Elle laisse la loi s'appliquer intégralement pour les produits qui ne sont pas couverts par un contrat-type interprofessionnel. La loi acquiert dès lors un caractère vertueux : elle renforce la contractualisation interprofessionnelle et encourage la négociation de contrats-types pour les produits qui ne so nt pas encore couverts.
Afin de renforcer l'articulation entre la loi nouvelle et les contrats-types interprofessionnels en viticulture d'une part et de rassurer sur le caractère protecteur de ces derniers d'autre part, nous proposons de préciser que les contrats-types interprofessionnels viticoles doivent comporter les clauses a minima prévues au II de l'article L. 631-24 et de rendre le non-respect des contrats-type interprofessionnels par tous les opérateurs passible des sanctions administratives prévues par la loi.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 371 .
Je le défends au nom de Mme Dalloz. Il a pour objet de renforcer l'articulation entre la nouvelle loi et les contrats-types interprofessionnels en viticulture. Il vise à préciser les clauses a minima des contrats-types interprofessionnels viticoles et à faire en sorte que leur non-respect par tous les opérateurs soit passible des sanctions administratives prévues par la loi.
Chers collègues, il me semble que vous avez manqué un épisode. En effet, nous sommes parvenus en commission à un compromis à propos de la filière vitivinicole, qui semble satisfaire tous les acteurs. En outre, soit dit pour vous rassurer, tout accord interprofessionnel allant au-delà de ce que prévoit la loi serait à l'évidence validé. Par conséquent, la question des clauses d'accord excédant ce que prévoit l'article 1er a été résolue, en accord avec les producteurs concernés, à l'alinéa 50. Demande de retrait, ou avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Monsieur le rapporteur, comment vais-je dire à Mme Dalloz qu'elle a manqué un épisode ? Je tâcherai de rendre votre formulation un peu plus recevable !
Rires.
L'article 1er dont nous débattons vise à améliorer et à développer la contractualisation écrite en matière agricole. Or, dans le secteur vitivinicole, celle-ci fonctionne d'ores et déjà pour chaque appellation concernée, et globalement de façon très satisfaisante. Le présent amendement vise donc à jouer de la complémentarité entre la loi nouvelle et les contrats interprofessionnels. Il donne la primauté aux contrats interprofessionnels mais conserve l'application de la loi en cas d'absence d'accord au sein de l'interprofession.
En outre, certaines spécificités économiques justifient qu'un traitement particulier soit réservé aux contrats conclus par les opérateurs du secteur vitivinicole, dont le contenu peut différer de celui des contrats conclus dans d'autres secteurs. Ainsi, la moitié du chiffre d'affaires de cette filière est réalisée à l'étranger. Par ailleurs, la contractualisation écrite y est une pratique développée, qui entretient le lien entre les 80 000 opérateurs de la production et les 1 500 opérateurs commerciaux. Enfin, la vente directe aux restaurateurs et aux cavistes y occupe une place importante.
Les effets de la multiplication des accidents climatiques comme du contexte actuel du marché mondial ont amené la filière à procéder par contrats ponctuels, appelés « spot », généralement inscrits dans le cadre de relations à long terme. Le plan de la filière vitivinicole élaboré dans le cadre des états généraux de l'alimentation vise à inciter à la contractualisation pluriannuelle.
En l'état, l'article 1er du projet de loi rendrait caducs les contrats de ventes et les contrats-types ne comportant pas les clauses qui y sont mentionnées. Compte tenu des contraintes juridiques nouvelles qu'il instaure, qui ne permettent pas de répondre de façon optimale aux réalités du secteur vitivinicole, il découragerait les opérateurs concernés de recourir à l'écrit, ce qui irait frontalement à l'encontre de l'objectif même du projet de loi, et en l'espèce de l'article 1er.
En quelque sorte, il s'agit d'un amendement subtil. Il prévoit que l'on puisse déroger aux dispositions législatives dans les conditions prévues, mais qu'en l'absence d'accord, l'article 1er s'impose. Vous conviendrez, chers collègues, que l'on ne peut pas faire mieux ! J'ajoute que nous l'avons élaboré avec notre collègue Girardin et de nombreux autres concernés par la filière viticole.
En outre, il a obtenu l'approbation de la CNAOC – Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées – , donc de toutes les filières viticoles. Il permettrait de résoudre leurs problèmes spécifiques tout en respectant les dispositions de l'article 1er.
Je ne voudrais pas me montrer redondant. Même analyse, même argumentation et mêmes effets recherchés. Il s'agit d'un cas spécifique méritant de faire l'objet d'une vision particulière.
Comme précédemment, il est défavorable. En tout état de cause, si les accords interprofessionnels vont au-delà de ce que prévoit la loi, ils s'imposent à elle d'office. Telle est la règle qui prévaut en matière d'interprofessions.
Je suis désolé de décevoir les représentants du beau département de la Marne, qui produit quelques boissons dont tous les Français se délectent.
Sourires.
Cet amendement prévoit des dérogations aux dispositions prévues pour les contrats-types étendus pour le secteur vitivinicole. J'estime, comme le rapporteur, que ce ne serait ni souhaitable ni justifié. Il n'y a pas de raison de distinguer cette filière des autres sur ce point. En revanche, il est utile de prévoir que les clauses des contrats-types précisent et complètent celles qui sont prévues par extension d'un accord interprofessionnel, afin de prendre en considération les spécificités des différentes filières : c'est l'objet de l'alinéa 50 de cet article 1er.
Nous voulons conforter les organisations interprofessionnelles dans leur mission d'élaboration des contrats-types : il faut leur laisser le temps de travailler avant d'exiger une mise en conformité des contrats passés avec les différents acteurs. Je vous proposerai un amendement en ce sens à l'article 16.
En toute amitié, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que vous êtes mal renseigné. Les accords interprofessionnels ne concernent pas que le champagne ! Il en existe de très nombreux. Cet amendement a d'ailleurs été préparé en liaison avec la CNAOC.
Les situations diffèrent selon les filières : parfois, certains critères obligatoires de l'article 1er ne figurent pas dans les accord interprofessionnels ; d'autres fois, c'est l'inverse. Dans ce second cas, il n'y a pas de problème, mais dans le premier, si.
L'article 1er vise à améliorer le partage de la valeur. Les filières qui ont déjà trouvé des accords conventionnels n'ont pas besoin de la loi ! C'est pourquoi l'amendement prévoit qu'en l'absence d'accord interprofessionnel, on retombe dans le filet de sécurité de l'article 1er.
Monsieur le ministre, il ne faut jamais essayer de faire le bonheur des gens contre eux et malgré eux : cela finit toujours mal. Ce que nous vous demandons, c'est seulement de ne pas détruire des accords qui remontent parfois à des décennies. Vous avez rencontré la profession, et ils vous l'ont tous dit. Écoutez les modestes députés qui vous parlent : nous sommes assez proches de ces milieux ! Ce ne sont pas des amendements contre le Gouvernement, pas du tout. Ce que nous vous proposons, c'est, dans l'esprit même du projet de loi, de maintenir ce qui a déjà réussi.
Dans les explications de vote sur l'article 1er, la parole est à M. Jérôme Nury.
Cet article 1er est essentiel : le volet économique, c'est le coeur du réacteur de ce projet de loi. Il est attendu de la profession depuis les états généraux de l'alimentation et le discours de Rungis. On y retrouve l'idée, cruciale, que nos paysans doivent avoir un revenu décent. Malheureusement, si les objectifs sont bons, les moyens nous paraissent très insuffisants. La déception risque d'être forte.
Ainsi, les organisations de producteurs sont non pas renforcées, mais affaiblies : les accords-cadres pourront être contournés de manière individuelle là où il n'existe pas d'accord-cadre obligatoire. Les dispositions portant sur les indicateurs ne sont pas non plus satisfaisantes. Votre approche est timorée : le rôle de l'État est bien trop faible, l'Observatoire ne fera qu'observer... Et vous n'avez pas répondu à nos questions : que se passera-t-il en l'absence d'interprofession ? Et que se passera-t-il s'il n'y a pas d'accord au sein des filières, puisqu'alors les indicateurs n'existeront pas ?
Ce texte est donc une régression par rapport à celui que nous avons voté en première lecture, et que notre groupe avait approuvé. Un pas en avant, deux pas en arrière : c'est du tango agricole, et nous craignons que les chutes ne soient nombreuses dans nos campagnes.
Le groupe Les Républicains votera donc contre cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Tout au contraire, le groupe La République en marche votera cet article de façon très convaincue. L'article 1er a retrouvé toute son ambition, complété par l'amendement no 983 rectifié du rapporteur, qui permet de sécuriser les futures relations commerciales.
Nous serons toujours aux côtés des professionnels, tout en les laissant agir : la loi repose tout entière sur la responsabilisation des acteurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je propose à mes collègues du groupe UDI, Agir et indépendants de s'abstenir. Nous sommes au milieu du gué. Je comprends l'esprit de ce qui a été engagé il y a un an, notamment l'accent mis sur la contractualisation. Le Président de la République avait aussi annoncé l'inversion de la construction du prix. Mais, pour cela, il fallait procéder à un véritable rééquilibrage des négociations commerciales.
Depuis dix ans, on dit aux agriculteurs de se structurer, en amont de la filière, mais ce texte ne donne pas à leurs organisations la légitimité pour engager des négociations commerciales. Avec ce que nous devons voter aujourd'hui, dans le cas du lait, que je connais bien, les organisations de producteurs discuteront des volumes, mais pas de la négociation des prix !
Quant aux indicateurs, dès lors que l'on limite la discussion aux interprofessions, et qu'aucune autorité n'est à même de taper du poing sur la table s'il n'y a pas d'accord, je le redis : nous nous arrêtons au milieu du gué.
Une partie du chemin est faite. Je vous fais confiance, monsieur le ministre : vous êtes, je le sais, conscient de cette difficulté. Je sais aussi que les agriculteurs vous poussent à agir. Notre rôle est de les accompagner, jusqu'à l'aboutissement complet de la loi. Nous n'en sommes qu'à la moitié.
Nous sommes en effet au milieu du gué, monsieur Benoit, car nous sommes en train de le traverser. Certaines interprofessions fonctionnent bien. Elles ont déjà défini des indicateurs et des règles de répartition de la valeur. L'exemple de la filière vitivinicole a été mentionné, et on pourrait citer aussi celui de la filière des semences.
Ce qui permettra d'achever ce mouvement, c'est le poids des interprofessions. Il faut donc les aider à trouver des accords. Cet article leur offre les outils nécessaires, en prenant exemple sur celles qui fonctionnent bien.
Le groupe MODEM votera cet article.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 38
Contre 12
L'article 1er, amendé, est adopté. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cet article, introduit par le Sénat, permettait de protéger les producteurs laitiers en cas de rupture des relations contractuelles. La filière laitière est, en Normandie comme dans tout le pays, particulièrement touchée par la baisse des prix. Pour certains éleveurs, la perte d'un acheteur est synonyme de faillite.
Cet amendement permet au producteur, en cas de rupture du contrat, d'avoir trois mois devant lui pour trouver de nouveaux acheteurs.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 534 .
Nous proposons également de rétablir l'article introduit par le Sénat, qui avait le mérite de traiter – en partie, certes, mais de traiter tout de même – la question du chantage à la collecte, protégeant ainsi le producteur laitier, qui se trouve en position de dépendance économique du fait de caractéristiques spécifiques au lait cru, et notamment de son caractère périssable.
En cas de résiliation du contrat par l'acheteur, le producteur pourrait exiger la poursuite de la collecte durant trois mois. Ce délai permet en outre le déroulement d'une éventuelle médiation, et le cas échéant d'un jugement en référé.
En commission, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que le chantage à la collecte ne pouvait exister aujourd'hui car le droit prévoit qu'il ne peut y avoir de rupture de collecte, et que cet article porte une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle – autrement dit la liberté du renard libre dans le poulailler libre. Le chantage à la collecte est pourtant une réalité qui perdure, et le législateur a, selon nous, le devoir de prendre en considération la particularité de ce marché captif.
Considérant que cet article portait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle, la commission a adopté un amendement du Gouvernement visant à le supprimer. L'article L. 442-6 du code de commerce prévoit déjà la sanction de la résiliation d'un contrat, qui pourrait s'assimiler à une rupture brutale de contrat, ou de la menace de déréférencement, qui s'apparente à une pratique abusive. En outre, l'article prévoyait injustement de limiter le dispositif aux seuls contrats laitiers, ce qui n'est pas l'objet du projet de loi. Avis donc défavorable.
Avis défavorable. J'entends bien la volonté de protéger la partie la plus faible au contrat. Mais la disposition qu'on veut réintroduire portait atteinte à la liberté contractuelle et posait de surcroît une difficulté constitutionnelle au regard du principe d'égalité, puisqu'elle se limitait aux seuls contrats laitiers.
Il n'est de toute façon pas nécessaire d'introduire dans le texte des dispositions supplémentaires : le contrat comporte déjà des clauses de résiliation qui permettent d'anticiper d'éventuelles difficultés. Si la résiliation peut être assimilée à une rupture brutale de contrat, alors il s'agit d'une pratique réprimée par le code de commerce. Il ne peut y avoir de rupture de collecte sans sanctions financières. En cas de désaccord entre le producteur et l'acheteur, la collecte doit continuer jusqu'à ce qu'un accord intervienne, amiable ou de nature juridique.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 2.
La parole est à M. Richard Ramos.
Dans le débat sur cet article, il s'agira de défendre les plus humbles. Nous devrons veiller à ce que les amendements adoptés ne privilégient pas les gros industriels, qui matraquent les producteurs. La main secrète de la grande distribution ne doit pas faire péricliter les articles que nous avons proposés, dans cet hémicycle et au Sénat. Il nous faudra donc défendre les intérêts de nos producteurs, de nos industriels, face à la grande distribution, s'agissant notamment des pénalités de retard.
J'espère ainsi que, ce soir, nous ne ferons pas bénéficier la grande distribution du pouvoir de revenir sur des dispositions adoptées par les députés et les sénateurs.
Cet article prévoit la possibilité de prononcer des sanctions administratives à l'encontre des producteurs et des acheteurs qui ne respecteraient pas leurs obligations contractuelles. Cependant, je voudrais insister sur le rapport de forces qui existe en faveur des acheteurs, telles les enseignes de la grande distribution. Ces acheteurs, puissants et organisés, sont capables d'imposer leurs conditions à des producteurs qui, bien évidemment, n'ont pas la même force de frappe.
Or, monsieur le ministre, même en seconde lecture, les dispositions que vous proposez ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité de ce rapport de forces, dont souffrent les producteurs.
De même, comme vous le savez, une sanction n'aura pas le même impact selon que l'auteur est une entreprise agricole ou une entreprise internationale agroalimentaire. En conséquence, afin de tenir compte de ce rapport de forces et de rétablir un nécessaire équilibre entre les producteurs et les acheteurs, je vous demande de mettre en place une proportionnalité dans les sanctions, qui soit garantie. Je vois d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous semblez approuver mes propos.
Cette proportionnalité existe déjà !
Le présent projet de loi envisage de sanctionner de façon indifférenciée producteurs et acheteurs qui ne se soumettraient pas à l'obligation de passer par un contrat pour toute transaction. Considérant l'état actuel des relations commerciales et le déséquilibre flagrant que l'on constate entre les acheteurs très organisés et des producteurs éparpillés, il ne nous paraît pas opportun, en cas d'absence de contrat, d'envisager des sanctions à l'encontre des producteurs.
Cet amendement vise donc à n'envisager de sanctions que pour les acheteurs. En conséquence, il est proposé de supprimer les mots « un producteur, une organisation de producteurs, une association d'organisations de producteurs, ou » à l'alinéa 3.
Cet amendement, ainsi d'ailleurs que le no 12 qui suivra, vise à épargner le producteur individuel, ne participant à aucune organisation de producteurs – OP – , qui ne peut pas s'appuyer sur un service juridique. Étant donné la complexité des choses, celui-ci ne doit pas être sanctionné s'il ne respecte pas l'ensemble des clauses. Il s'agit donc de sortir le producteur d'un système contraignant qui vise surtout les regroupements et groupements de producteurs.
Avis défavorable à ces amendements, comme aux suivants. Nous en avons déjà débattu en première lecture. En effet, parce que la loi doit être la même pour tout le monde, nous ne pouvons pas établir de différenciation. Dès lors que les responsabilités des producteurs et des OP se trouvent accrues, elles doivent être accompagnées de sanctions. Il est impossible qu'il y ait deux poids, deux mesures pour un même manquement envers les acheteurs. Il en va de la crédibilité du dispositif.
En revanche, le Gouvernement pourra nous rassurer sur le fait que les sanctions prévues à l'alinéa 2 ne sont que des plafonds. L'administration disposera sans aucun doute de circulaires d'application de cet article l'encourageant à sanctionner de telles pratiques le plus conformément possible à la capacité économique de l'acteur.
Avis défavorable. Le projet de loi mentionne les clauses devant obligatoirement figurer dans un contrat ou un accord-cadre, ou celles relatives à la délégation de la facturation. Au cours des états généraux, c'est ce qui est ressorti de l'atelier sur ce sujet.
Des sanctions sont prévues, qui visent à rendre ces dispositions effectives, car toute obligation doit être assortie d'une sanction. Je rappelle, si besoin en était, que la sanction n'interviendra qu'après un délai de mise en conformité, et qu'elle sera nécessairement proportionnée à la gravité des faits constatés.
Dans le même esprit que l'amendement que j'ai défendu précédemment, cet amendement de Sébastien Leclerc vise à supprimer les mots « un producteur, ou » à l'alinéa 4.
Le producteur est juridiquement lié au mandat qu'il donne à son OP. C'est ce qui donne du poids à la négociation collective. C'est pourquoi nous incitons les producteurs à se regrouper en OP, puis en association d'OP, afin de peser davantage, grâce à des mandats plus forts, face à leurs partenaires. Aussi, il est important que les producteurs respectent les termes de l'accord-cadre ainsi établi.
Ce matin, nous avons souligné que les producteurs, en particulier les éleveurs, ne devraient pas pouvoir conclure d'accords en dehors de leur OP, puisqu'ils mandatent celle-ci. Les sanctions devraient donc toucher non pas le producteur individuellement, mais l'organisation de producteurs chargée de négocier puisque, même si nous ne l'avons pas inscrit dans la loi, nous considérons que celui-ci ne doit pas pouvoir négocier directement.
Si des agriculteurs sont fédérés en OP, s'ils la mandatent pour négocier, c'est celle-ci qui doit subir la sanction. En cas de sanction, ils doivent pouvoir se réfugier derrière elle. Sinon, c'est que vous commettez l'erreur d'autoriser un agriculteur à négocier en individuel : là, on pourrait le sanctionner.
Si nous voulions vraiment renforcer la contractualisation par le biais des organisations de producteurs et des associations d'organisations de producteurs, et rééquilibrer ce rapport de forces que nous décrions à longueur de débat, tant en commission que dans l'hémicycle, nous voterions l'amendement, qui vise à ne pas sanctionner un producteur individuel.
Afin d'associer des sanctions à chaque obligation inscrite dans l'article 1 er du projet de loi, cet amendement de Fabrice Brun vise à sanctionner tout acheteur de produits agricoles qui ne formulerait pas ses réserves sur la proposition de contrat ou d'accord-cadre transmise par le producteur ou l'OP.
En pratique, les producteurs risquent d'être confrontés au refus par les acheteurs de la proposition de contrat, ce qui s'apparenterait à une fin de non-recevoir, exposée à l'oral ou à l'écrit, sans justification précise et concrète. Il est donc important de prévoir des sanctions lorsque l'obligation imposée à l'acheteur n'est pas respectée. Tel est l'objectif du présent amendement.
La transparence de la négociation commerciale implique une formalisation des conditions dans lesquelles le refus de la proposition de contrat est exprimé et ses motifs explicités.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 262 .
Comme ma collègue l'a excellemment dit, cet amendement vise à s'assurer que le producteur reçoive, dans un délai motivé, une réponse écrite de l'acheteur, qu'il s'agisse de signifier un refus ou d'apporter des réserves.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 321 .
Comme les précédents, cet amendement vise à sanctionner tout acheteur de produits agricoles qui ne formulerait pas ses réserves sur la proposition d'un contrat ou d'un accord-cadre transmise par le producteur ou l'OP.
Il s'agit de protéger les producteurs d'un refus des acheteurs du contrat ou de l'accord-cadre proposé. Il est indispensable que ce refus soit motivé et formalisé, dans des délais courts.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 806 , qui est en discussion commune.
L'absence d'une garantie de réponse écrite, qui puisse déterminer les motivations de l'acheteur dans le cadre du contrat auprès du producteur, nous semble un élément particulièrement discriminatoire pour l'acheteur.
Nous considérons donc qu'il y a lieu d'accorder une garantie supplémentaire dans ce cadre contractuel.
La commission a émis un avis favorable sur les amendements identiques, et demande à M. Wulfranc de retirer le sien, qui tomberait si les amendements étaient adoptés.
Avis favorable aux amendements identiques. Les travaux de notre assemblée en première lecture ont conduit à introduire l'obligation d'un retour formel de l'acheteur sur la proposition. La nouvelle rédaction de l'alinéa 6 permettra de couvrir ces ajouts.
Avis défavorable. L'alinéa 10 a été modifié en première lecture à l'Assemblée nationale, pour prévoir que la sanction ne puisse être prononcée qu'en cas de volonté du producteur de faire délibérément échec à la conclusion du contrat écrit. Cette réserve devrait être de nature à vous rassurer. Les sanctions visant des producteurs devraient être excessivement rares.
En outre, par équité avec ce qui est prévu pour les autres opérateurs, il n'était pas possible de ne pas prévoir de mesures de contrainte.
L'amendement no 292 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
À ce stade de nos délibérations, le déséquilibre reste très significatif, en défaveur des producteurs. La suppression de l'alinéa 10 est pour nous une manière de protéger ces derniers dont la situation est très fragile en ce moment.
L'objectif de ce texte est de renforcer les filières en s'appuyant sur les interprofessions et les organisations de producteurs. Il ne faut pas pénaliser les producteurs, qui ne pourront peut-être pas tous s'engager immédiatement dans des mécanismes contractuels complexes.
En supprimant l'alinéa 10, nous voulons protéger les producteurs qui ne seraient pas en mesure de proposer un contrat à l'acheteur, ce qui les exposerait à des sanctions très élevées.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 242 .
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 796 .
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 11 , 535 et 843 .
Je vous informe que je suis saisie par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés d'une demande de scrutin public sur ces amendements.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 11 .
Cet amendement, déposé par Arnaud Viala, vise à protéger les producteurs contre les clauses de retard. Afin d'éviter ces clauses dont les conséquences financières sont exorbitantes pour le producteur, l'amendement propose de fixer une limite raisonnable qui, si elle n'est pas respectée, pourra donner lieu à une amende. Ces dispositions, en instaurant un seuil clair, se veulent protectrices et dissuasives.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 535 .
La commission a supprimé, à l'initiative du Gouvernement, le 5o de l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoyait de sanctionner d'une amende administrative le fait pour un acheteur d'imposer des clauses de retard de livraison supérieures à 2 % de la valeur des produits livrés.
Cet amendement propose de rétablir ce régime de sanction. Nous sommes sensibles à l'argument selon lequel il pourrait valider implicitement toutes les clauses de retard imposées par les acheteurs et prévoyant des pénalités inférieures à 2 %. Toutefois, nous constatons aussi que ces pratiques sont insuffisamment encadrées. Conformément au voeu exprimé lors des états généraux, il importe d'adopter une mesure plus protectrice pour les agriculteurs.
Chacun le sait, la grande distribution organise le retard des PME lorsqu'elles viennent livrer, afin de pouvoir leur infliger de fortes pénalités. Et celles qui iront au tribunal seront déréférencées. C'est ainsi que cela se passe dans la vraie vie.
Cela peut aller jusqu'à donner à plusieurs producteurs la même heure de livraison !
L'amendement adopté en première lecture encadrait ces pratiques. Il permettait d'empêcher la grande distribution, M. Michel-Edouard Leclerc en tête, d'imposer à nos industries agroalimentaires, nos petites PME, des pénalités supérieures à 2 % de la valeur de la marchandise livrée. Car ce serait du racket, et nous, législateur, nous laisserions faire ! Nous laisserions la grande distribution tondre nos petits producteurs et nos industries agroalimentaires !
En première lecture, je croyais être tranquille, puisque le groupe Les Républicains, avec notamment M. Viala, ainsi que le groupe UDI-Agir, les amis communistes, ceux de La France insoumise et de nombreux membres de La République en marche soutenaient cette mesure : tout le monde était d'accord. Mais voilà que j'apprends pendant l'été que nos industriels reçoivent des pénalités de retard de la grande distribution multipliées par deux et par trois !
Au Sénat, nos sages ont validé ce que nous avons voté dans cet hémicycle. Je pensais que le bon sens prévaudrait, qu'une main invisible ne viendrait pas défaire ce qu'avait fait le bon sens collectif. Voilà pourquoi notre groupe a demandé un scrutin public. Je veux savoir, alors que nous ne cessons de dire que la grande distribution massacre nos PME et nos producteurs, qui est prêt à modifier ce que nous avons décidé ensemble
Le vote de ces amendements est un signe de notre volonté de défendre nos producteurs et nos industries alimentaires face à la grande distribution.
Et qu'on ne nous objecte pas le droit ! Nous avons beau être de jeunes députés, nous avons compris comment cela fonctionne. Nous aussi, nous avons pris maille avec le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel pour nous assurer que notre rédaction était juridiquement valable. J'ai la certitude qu'ils sont bien rédigés. Je ne veux pas qu'une main invisible détruise ce que nous avons tous voté.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, UDI-Agir et LR.
Il n'y a pas de main invisible, quelle qu'elle soit, et ces accusations sont relativement déplacées.
À l'initiative du Gouvernement, la commission a supprimé le 5° de l'article L. 631-25 qui prévoyait de sanctionner d'une amende administrative le fait, pour un acheteur, d'imposer des clauses de retard de livraison supérieures à 2 % de la valeur des produits livrés. Vous proposez de le rétablir.
Une telle pratique, possible dans certaines conditions, est déjà passible de sanctions au titre de l'interdiction de toute soumission ou tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Il est possible que les sanctions ne soient pas assez fortes, ou qu'il faille renforcer les moyens de contrôle. Mais, selon l'exposé sommaire des amendements, une telle disposition pourrait valider implicitement toutes les clauses de retard imposées par les acheteurs dès lors que la pénalité prévue est inférieure à 2 %, ce qui pourrait légitimer des comportements potentiellement abusifs. Avis défavorable.
D'abord, dans cet article 2, il n'est pas question des sanctions imposées au distributeur. Disons les choses : la disposition a été supprimée par la commission des affaires économiques à ma demande. Pourquoi ? Non parce que je refuse de protéger les producteurs ou de sanctionner – nous nous connaissons, vous savez la manière dont je travaille – mais au regard du droit. Or que faisons-nous ici, sinon du droit ? Nous essayons d'écrire le droit afin qu'il soit le plus adapté possible à nos sociétés de consommation.
Or cette disposition pose des difficultés juridiques. Elle crée un a contrario préoccupant, en validant implicitement toutes les clauses de retard de livraison imposées par les acheteurs dès lors qu'elles prévoient une pénalité inférieure à 2 %. En outre, elle conduit à interdire une catégorie de clauses de retard de livraison, alors que de telles clauses sont admises en droit des contrats, sous certaines conditions et sous le contrôle du juge.
Ainsi, une telle disposition, outre qu'elle n'est pas nécessaire car déjà présente dans le droit en vigueur, introduit de la confusion, et pourrait même, à rebours de l'objectif que nous poursuivons ensemble, légitimer des comportements potentiellement abusifs que nous avons tous pu constater.
Nous sommes pleinement conscients, évidemment, des difficultés que posent ces pratiques dans les relations commerciales. C'est pourquoi nous avons saisi cet été la Commission d'examen des pratiques commerciales – CEPC – pour lui demander d'établir, avant la fin de l'année, des recommandations afin d'identifier très clairement les acteurs économiques responsables des bonnes et des mauvaises pratiques dans ce domaine. Enfin, la DGCCRF, dans le cadre de son action de contrôle des relations commerciales, reste très vigilante quant à la mise en oeuvre de telles clauses.
Nous attendons les conclusions de la CEPC à la fin de l'année avant de prendre des mesures protectrices pour l'ensemble des contractants avec la grande distribution.
Je soutiens et je félicite Richard Ramos. Je le dis haut et fort, il n'est pas acceptable qu'un travail mené par l'Assemblée nationale et le Sénat soit ainsi cassé en deuxième lecture en commission, alors que nous nous sommes mis d'accord, à la virgule près, pour trouver des solutions.
La main invisible, nous la connaissons.
Ce n'est pas acceptable. À quoi servons-nous ? Nous travaillons des nuits entières, nous nous mettons d'accord, et en cinq minutes, tout est détruit. C'est inacceptable. Je tenais à soutenir mon collègue sur ce point.
Et nous, vous croyez quoi ? Que nous jouons au ballon ?
Si l'article avait été adopté conforme, nous ne serions pas en train d'en discuter. Vos accusations ne sont pas loin de la diffamation. Monsieur Vigier, je n'accepte pas ce genre d'allégations.
J'ai trituré le droit pendant des années. Aujourd'hui, je dois faire le droit. C'est très compliqué. Depuis ce matin, je vous ai entendu, à propos du porc, reprocher au ministre de ne pas faire ce qu'il fallait alors qu'il en avait les moyens. Mais il ne faut pas oublier qu'il ne peut s'agir que d'une décision collective au niveau européen !
Nous aussi, nous voulons protéger les agriculteurs mais il faut tenir compte du droit – nous vous le répétons à chaque fois. Vous ne pouvez pas évoquer une main invisible au sujet d'une disposition susceptible d'être censurée par le Conseil constitutionnel ! Nous sommes malheureusement limités. Nous avons fait tout ce que nous pouvions faire.
Vous avez insisté sur le rôle de l'observatoire des prix et sur la nécessité d'un contrôle. Mais si nous faisons bien notre travail, c'est nous qui feront ce contrôle !
Vous parliez aussi des contrats laitiers. Dans l'ouest, l'administration s'est déjà saisie des difficultés – car il y en a, tout le monde le sait. Le droit prévoit des sanctions. Il faut aussi que les agriculteurs, les producteurs s'emparent des outils de la voie judiciaire. Il faut qu'ils se fassent respecter. Nous sommes aussi là pour cela. Mais ne nous demandez pas d'aller au-delà de ce que peut faire le droit et ne croyez pas qu'il y a une main invisible. Ce n'est pas vrai.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce qui m'embête dans cette affaire, c'est que le droit – dont vous parlez si bien, madame – nos agriculteurs, nos producteurs…
Mais pourquoi cette loi existe-t-elle ? Pourquoi Stéphane Travert, ministre de l'agriculture, sous l'impulsion du Premier ministre, a-t-il ressenti le besoin de réunir des états généraux de l'alimentation ? Parce qu'en France, nous sommes confrontés à un problème de rémunération, je dirais même de survie de nos agriculteurs et de l'agriculture. Le sujet n'est pas seulement français, il est aussi européen et mondial.
Je ne suis pas juriste. Je considère qu'ici je suis représentant de la nation, représentant de mes concitoyens. Concernant les relations commerciales, je me range aux côtés des plus fragiles, dont Richard Ramos a décrit la situation. Nous faisons le constat, comme le ministre, du déséquilibre dans les négociations commerciales et nous nous efforçons d'apporter des corrections.
Ce qui m'embête dans cette affaire, monsieur le rapporteur, c'est que ce qui valait en première lecture...
Reste que ce qui valait en première lecture ne vaut plus. Pour ma part, je ne vous soupçonne pas, et je ne vais pas jusqu'à parler de main invisible ni de la main de Dieu – on y reviendra sur un autre sujet, et ce sera alors plutôt la main du diable ! Mais j'aimerais tout de même que mon collègue Ramos reçoive une réponse, de votre part ou de celle de M. le ministre, pour savoir s'il est possible de rester fidèle à l'esprit de ce que son groupe a proposé en première lecture. Je ne suis pas totalement convaincu par la réponse apportée.
Quant à l'argument des éléments de droit, je l'entends à longueur d'année. Dimanche, j'ai rencontré le préfet de la région Bretagne : il est beaucoup plus intelligent que moi mais, même si j'aime ce préfet de région qui est très bien et hautement qualifié, mes agriculteurs me disent que la directive qu'il a rédigée leur complique la vie, qu'elle leur donne une charge de travail supplémentaire. Donc, je me fiche de cette directive : je me dis qu'en tant que député, c'est mon rôle de secouer le cocotier, le préfet, les autres services de l'État, d'interpeller le ministre, pour trouver une solution. Car si on s'appuie uniquement sur ce que nous disent les esprits bien formatés, bien formés et très intelligents, on ne fera rien ! On dira à nos agriculteurs que c'est le droit, que c'est l'Europe, que c'est comme ça !
Si c'est ce que vous pensez, il faut clore les débats tout de suite, cela nous permettra de retourner dans nos circonscriptions. Sinon, je souhaite que l'interpellation forte de M. Ramos trouve une réponse et permette d'ouvrir des voies de passage.
Je veux bien que certains collègues n'entendent pas ce qu'on leur dit, mais je viens d'affirmer, et M. le ministre l'a confirmé, que les pénalités de retard sont aujourd'hui déjà sanctionnables par la loi et que le fait d'inscrire ce seuil de 2 % ne ferait que légitimer toutes celles qui sont inférieures, ce qui aboutirait à systématiser une pénalité de 2 % sur toutes les factures. Que les pénalités de retard abusives ne soient pas suffisamment contrôlées et sanctionnées, peut-être, mais il est déjà prévu par loi que si les pénalités de retard ne satisfont pas à un certain nombre de conditions, elles peuvent être soumises à sanction.
En outre, comme l'a dit M. le ministre, il n'est pas question des grandes surfaces dans cet article, mais de la relation entre le producteur et son premier acheteur.
Cet amendement ne concerne donc bien que les industries agroalimentaires.
J'entends parfaitement ce que dit Richard Ramos, dont chacun connaît ici le combat. Bien évidemment, je ne peux que soutenir sa volonté de contribuer à réduire les déséquilibres entre le pot de fer et le pot de terre, et c'est justement ce à quoi nous essayons d'aboutir à travers ce projet de loi loi : un juste équilibre dans les négociations commerciales et une bonne répartition de la valeur.
Mais à cette fin, on doit écrire le droit. Or juridiquement, la disposition qu'il propose serait contre-productive car, comme le rapporteur vient de le dire, elle validerait de fait toutes les pénalités inférieures à 2 %. Or il se peut que certaines d'entre elles puissent être considérées comme abusives ou illicites pour un autre motif. Par conséquent, c'est une fausse bonne idée que de vouloir ainsi poser cette limite.
C'est pourquoi nous avons choisi d'avoir recours à la CEPC, qui travaille sur le sujet. Il n'y a pas de volonté cachée, pas de main invisible. Chacun ici présent, nous représentons une parcelle de la République, et le Gouvernement est garant de la cohésion de la République et de l'État. Nous travaillons pour l'intérêt général. Et c'est dans ce but que nous devons aussi écrire le droit de la meilleure manière. L'avis que j'ai donné n'a donc évidemment pas évolué.
Qu'il n'y ait pas de malentendu dans mon propos : je connais le combat de Jean-Baptiste Moreau et de Stéphane Travert, pas de souci là-dessus. Mais je pense que de temps en temps, parmi les rédacteurs des textes dans les ministères, peuvent se trouver des technocrates qui ont tendance à surprotéger.
C'est pourquoi je pense, en tant que modeste représentant de nos concitoyens, en l'occurrence de nos agriculteurs, qu'il ne s'agit pas uniquement de faire le droit, mais de faire le juste. Quand quelque chose ne semble pas juste, il faut défendre sa position.
Et puis, bien évidemment, je suis allé voir des juristes, et ils n'ont pas la même interprétation que le Gouvernement.
Il fallait venir voir mes services !
Ils pensent que, dès lors que la formulation interdit les clauses supérieures à 2 %, elle ne crée pas de danger. Voter cet amendement serait un signe très important envoyé à nos industriels et à nos agriculteurs face à la grande distribution.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 23
Contre 28
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 720 .
Il s'agit ici d'évoquer des clauses contractuelles qui sont uniquement à la charge d'une des parties, en l'occurrence le vendeur. Il arrive qu'elles ne soient pas justifiées ou qu'elles ne donnent pas lieu à contrepartie. Dans le fil de ce que le groupe socialiste au Sénat avait proposé, notre amendement vise à sanctionner ces pratiques non conformes à l'état du droit. C'est déjà le cas pour les relations contractuelles industrie-commerce. J'ajoute qu'un avis récent de la CEPC relatif au secteur laitier a dénoncé de telles clauses abusives insérées dans un contrat entre les producteurs de lait et une laiterie.
Il est donc proposé, après l'alinéa 12, d'insérer l'alinéa suivant : « Le fait, pour un acheteur, de ne pas apporter de justifications ou de contreparties à des obligations pesant uniquement à la charge du vendeur. »
C'est un avis défavorable puisque, comme vous le savez, mes chers collègues, des sanctions sont d'ores et déjà prévues au code de commerce. De plus, l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, prévues à l'article 10, concerne notamment les sanctions pour déséquilibre significatif ou pour prix abusivement bas.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 797 .
Le groupe GDR a depuis le début de la discussion formulé un certain nombre de propositions pour objectiver les modalités de fixation des prix et pour renforcer le poids des organismes publics dans leur élaboration et dans le contrôle de leur effectivité. Nous avons dit à plusieurs reprises que regarder, dans un esprit de béatitude, les négociations se dérouler ne fonctionne pas. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose que quand un produit est acheté en dessous du coût de production – et c'est bien de cela dont il s'agit depuis que notre assemblée débat des moyens de parvenir à ce qu'un prix rémunérateur irrigue les fermes de France – l'État puisse se donner des moyens de sanction adaptés.
Je veux, au risque d'être redondant, reprendre la citation du Président de la République à Rungis : « L'État prendra quant à lui ses responsabilités pour une pleine application des dispositions de la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique avec un contrôle effectif et des sanctions véritablement appliquées. »
On ne va pas, monsieur le ministre, être plus macroniste que vous. Ce serait désobligeant.
Sourires.
Mais, au bout du compte, nous proposons de passer du discours aux actes. Sinon, la désespérance sera proportionnelle au rendez-vous manqué. Tel est le sens de cet amendement.
L'idée est en effet tentante, je ne peux pas le nier, mais son application poserait un gros souci dans certaines filières. On sait très bien que dans celles des produits les plus périssables, notamment dans les filières fruits et légumes, la vente à perte peut est être à un moment ou un autre obligatoire, pour dégager le marché, et que supprimer cette possibilité créerait pour les filières beaucoup plus de problèmes que cela n'en résoudrait. Évidemment qu'il faut prendre en compte les indicateurs de coûts de production et tout faire pour que les producteurs soient payés au-dessus, c'est tout l'objet de l'article 1er, mais interdire totalement la vente à perte serait pour certaines filières totalement destructeur. Avis défavorable.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, je n'ai pas votre connaissance et votre expertise du monde agricole, j'interviens donc avec modestie. Mais vous dites que ce serait compliqué dans certaines filières : alors dites-nous dans lesquelles ce ne le serait pas ! Commençons à appliquer ce que nous proposons dans les filières où c'est possible, prévoyez des exceptions prenant en compte les aléas que vous avez évoqués ! Sur les fruits et légumes, nous pouvons admettre, étant donné leur caractère périssable et les aléas qui touchent les récoltes, qu'il y ait parfois nécessité d'écouler le stock pour ne pas le perdre complètement. Faites-nous la liste des filières où l'on pourrait sanctionner la vente des produits en dessous des coûts de production, et ce sera déjà un pas colossal que nous aurons franchi et un signal déterminant que nous aurons envoyé aux agriculteurs. J'attends votre expertise sur le sujet : vous avez évoqué les filières où cela poserait problème, pas celles où il n'y en aurait pas.
L'amendement no 797 n'est pas adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
Étant donné le rôle capital des agents chargés de désigner les manquements mentionnés à l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime, il est nécessaire qu'ils soient mentionnés dans ce texte de loi afin que dans chaque cas ils aient mandat pour intervenir. Sinon, les sanctions pourraient être mal affectées.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 243 .
Avis défavorable. Je note l'intention du Gouvernement d'ajouter des agents de FranceAgriMer à la liste des agents chargés de constater les manquements. Aujourd'hui, seuls ceux de la DGCCRF en sont chargés et ils n'ont procédé à aucun contrôle sur les fondements des articles L. 631-24 et suivants. Par conséquent, laissons au Gouvernement la possibilité d'ajuster la liste des personnes chargées de cette responsabilité. Par ailleurs, inscrire une telle liste dans la loi l'obligerait par la suite à passer par un autre projet de loi pour la modifier. Il faut garder de la souplesse.
L'énumération des agents en charge du contrôle et habilités à constater les manquements aux dispositions relatives à la contractualisation doit faire l'objet d'une liste établie par décret en Conseil d'État, comme ce dernier l'a clairement indiqué lors de son examen du projet de loi. Il appartient donc au pouvoir réglementaire de fixer ladite liste. Je tiens à confirmer que le futur décret habilitera également les agents de FranceAgirMer à procéder auxdits contrôles, ce que ces amendements ne prévoient pas. L'avis est donc défavorable.
Il y a quelque temps, dans ma circonscription, dans un village du pays de Bray, village d'ailleurs déjà marqué par le suicide d'un agriculteur, j'ai eu connaissance de la situation d'une charcuterie à qui l'administration cause des soucis parce que son fumoir date un peu, son carrelage a vieilli... Nous sommes parvenus – vous nous y aviez aidés, je crois, monsieur le ministre – à obtenir un délai pour que le commerçant réalise la mise aux normes nécessaire, car il en va tout de même d'une dépense de 25 000 euros. J'ai dû informer les services qui, moins d'un an plus tard se réveillaient, qu'un dossier était en cours au FISAC – le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce – mais que l'instruction en était ralentie du fait de la fusion en cours des chambres de commerce, et que les notifications n'étaient toujours pas parvenues. Voilà d'ailleurs ce qui arrive avec toutes ces fusions qui éloignent des territoires les centres de décision !
À la faveur d'une discussion à ce propos avec vos services, monsieur le ministre – je ne dirai pas à quel niveau, pour ne mettre personne en porte-à-faux, même si je sais que vous ne vous mettrez pas en chasse de l'auteur de cette confidence – , j'ai appris qu'un certain nombre de missions régaliennes de contrôle dévolues à l'État, en l'espèce aux directions du ministère de l'agriculture mais également à la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, pourraient être demain confiées à des organismes extérieurs à l'État, voire à des organismes privés.
Cela m'a bien évidemment étonné, d'autant que l'objet de notre débat est de voir comment réaffirmer la place de la puissance publique et la force de l'État dans la protection et des consommateurs et des agriculteurs. Je n'ose donc y croire.
Je voulais donc, à la faveur de ce débat, vous donner l'occasion, monsieur le ministre, de dire qu'il n'en est pas question, que Bercy ne passera pas par là, qu'il est hors de question de supprimer des postes où que ce soit, à un moment où il nous paraît utile, non pas d'emmerder le charcutier du coin – lequel n'a rien demandé – mais de se doter, lorsque cela s'avère nécessaire, des moyens de contrôle adéquats pour les grands groupes, les transformateurs ou Lactalis pour ne citer qu'un exemple.
Effectivement, nous ne sommes pas là pour embêter le charcutier du coin.
C'est pour moi l'occasion de dire que j'apporte tout mon soutien aux bouchers et aux charcutiers qui sont injustement attaqués par des associations.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM, MODEM et Socialistes et apparentés.
Chacun peut avoir les pratiques alimentaires qu'il souhaite, mais cela ne doit en aucun cas conduire un certain nombre d'énergumènes à commettre des actes de violence. J'espère d'ailleurs que ceux qui s'y sont livrés contre des bouchers, contre des boucheries et des charcuteries seront retrouvés et sanctionnés comme il se doit.
Quoi qu'il en soit, j'apporte tout mon soutien à cette belle fédération des bouchers et des charcutiers de France.
Que les contrôles puissent être confiés à des organismes privés, je n'y avais pas pensé ! Je n'y avais pas pensé parce que cela ne fait pas partie de mon ADN, et vous le savez. Je suis attaché au service public, à la qualité du service public, et j'en suis le défenseur au sein du Gouvernement, l'un des défenseurs, devrais-je dire, car le Gouvernement tout entier d'ailleurs s'y attache. Ce qui a pu vous être dit, monsieur le député, fait – peut-être – partie des craintes que des représentants syndicaux peuvent parfois exprimer. En tous les cas, tant que j'occuperai la place que j'occupe au sein de ce ministère, il ne sera pas question de confier ces responsabilités à d'autres qu'à des agents du service public dûment assermentés et dûment formés pour mener à bien ces actions.
Très rapidement, puisque nous abordons ce sujet, je soutiens ce que M. le ministre vient de dire à propos des bouchers et charcutiers. Pour être confronté moi-même à ces associations, je peux vous dire que si elles ont beaucoup de respect pour l'animal, elles en ont très peu pour l'humain.
L'article 3 est adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 722 .
Le médiateur des relations commerciales agricoles peut saisir le ministre chargé de l'économie pour faire constater la nullité d'un contrat. Or nous savons tous ici, par expérience, que cette procédure de saisine pourrait gagner en efficacité et sans doute, également, en célérité.
Les relations commerciales agricoles concernent bien souvent des produits périssables. Il faut donc que cette saisine ait lieu le plus rapidement possible : c'est le sens de cet amendement qui renforce l'effectivité de cette saisine qui, de facultative, deviendrait directe et obligatoire.
Dès lors que le médiateur constaterait qu'un déséquilibre contractuel persiste, il saisirait le ministre sans attendre. Je précise que la procédure vaudrait aussi pour le ministre de l'agriculture.
Cette question de l'automaticité de la saisine a déjà été débattue. Sur ce point, ma position a évolué : j'y étais favorable au départ.
Pour en avoir discuté avec les différentes parties prenantes, le médiateur lui-même comme le ministère de la justice, il m'apparaît désormais qu'il faut que cette saisine demeure facultative, sans quoi ce même médiateur pourrait perdre sa capacité à oeuvrer afin que les parties parviennent à un accord.
Il faut que son rôle premier demeure bel et bien la médiation, et que la saisine du ministre, qui lui-même saisit le juge des référés, reste une possibilité qui lui est offerte. Nous avons longuement discuté de ce dispositif : il me semble que celui prévu par l'alinéa 8 est le plus pertinent en ce qu'il ne déstabilisera pas le rôle du médiateur.
Avis défavorable donc à l'amendement.
Défavorable.
L'amendement no 722 n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 721 .
Il est dans le droit fil du précédent : il s'agit du ministre chargé de l'agriculture qui pourrait – et qui devrait – être saisi par la médiateur.
Par cet amendement, vous supprimez, en cas de clause abusive, la possibilité de saisine du juge par l'intermédiaire du ministre. Or la notion de déséquilibre manifeste dans la relation contractuelle est déjà appréhendée par le code de commerce et fera l'objet de modifications législatives dans le cadre des ordonnances prévues à l'article 10 du projet de loi.
Si votre amendement s'était borné à ajouter le ministre de l'agriculture, j'aurais pu y donner un avis favorable, mais, en l'état actuel de sa rédaction, j'y suis défavorable.
Tout cela n'exclut pas le fait que puissions travailler de concert avec le ministre de l'économie : c'est d'ailleurs ce que nous faisons. Nous pouvons mener des actions concertées et je peux l'alerter si je le suis moi-même par une situation particulière.
Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cet amendement, car les choses se font naturellement en ce sens entre les ministères de l'agriculture et des finances.
Monsieur le rapporteur, nous pouvons, si vous le souhaitez, sous-amender cet amendement. Pour éviter que Bercy ait la main, on pourrait limiter la saisine au seul ministre de l'agriculture. Le débat que nous avons eu en commission en première lecture portait sur le point suivant : certes, il est toujours possible de saisir le juge. Cependant, vous le savez bien, un agriculteur qui saisit le juge en référé en raison d'un accord déséquilibré ou illicite est grillé sur la place.
Il faut qu'il ait recours à un avocat, qu'il supporte les dépenses permettant cette saisine, et, ensuite, il est grillé.
L'amendement no 721 n'est pas adopté.
L'idée est évidemment de favoriser la médiation – tel est même l'objet de votre texte. Mais c'est aussi de permettre que la tutelle intervienne en arbitrage conclusif afin d'éviter, précisément, le contentieux. Or qui mieux que le ministre de l'agriculture et ses services pourrait trancher les contentieux liés à leur domaine de compétences ?
Je suis saisie de sept amendements, nos 38 , 79 , 98 , 201 , 572 , 143 et 244 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 38 , 79 , 98 , 201 , 572 sont identiques, de même que les amendements nos 143 et 244 .
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 38 .
Cet amendement, proposé par notre collègue Jérôme Nury, vise à ce que le médiateur des relations commerciales agricoles puisse saisir le juge, en cas d'échec de la médiation et en justifiant de son intérêt à agir. Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'atelier no 7 des états généraux de l'alimentation prévoyait la création d'une commission arbitrale spéciale afin de faciliter et d'accélérer le règlement des litiges, en raison du caractère périssable des produits concernés. Cette solution n'ayant pas été retenue par le Gouvernement, il est essentiel que le médiateur puisse effectuer un recours en référé.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 79 .
Il s'agit d'une discussion que nous avons déjà eue en première lecture. Comme l'a excellemment dit notre collègue Valérie Beauvais, elle rejoint l'une des conclusions des états généraux de l'alimentation.
L'objectif poursuivi est, là encore, de s'assurer que la négociation connaisse une issue positive. Cet amendement en garantit les bonnes conditions : le médiateur doit pouvoir saisir le juge, afin que celui-ci puisse imposer aux parties de mettre en oeuvre ses recommandations.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement identique no 572 .
Nous en venons à la seconde série d'amendements identiques de cette discussion commune. La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l'amendement no 143 .
Seules les parties étaient en mesure de saisir le juge à l'issue de la médiation. Donner ce pouvoir au médiateur permettrait de renforcer la protection des parties et d'empêcher les opérateurs de faire volontairement échec à la médiation, ce qui peut bien sûr arriver.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 244 .
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements en discussion commune ?
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif permettant au médiateur des relations commerciales agricoles de saisir, après en avoir informé les parties, le ministre chargé de l'économie « de toute clause des contrats ou accords-cadres ou de toute pratique liée à ces contrats ou accords-cadres qu'il estime présenter un caractère abusif ou manifestement déséquilibré afin que le ministre puisse, le cas échéant, introduire une action devant la juridiction compétente ».
En nouvelle lecture, la commission a adopté un amendement du Gouvernement supprimant, dans ce cas, l'information préalable des parties. Sur une initiative commune de Dominique Potier, du groupe Nouvelle Gauche et de moi-même, la commission a adopté un amendement substituant à l'accord préalable des parties leur seule information, selon le dispositif dit du nommer et dénoncer – name and shame – introduit à l'Assemblée nationale en première lecture.
Rédigé avec l'appui notamment du médiateur des relations commerciales agricoles, il me semble que ce dispositif est équilibré. Il répond à toutes les inquiétudes de la profession agricole : je ne suis donc pas favorable à l'ajout d'une couche supplémentaire.
La commission est par conséquent défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. J'ai du mal à comprendre pourquoi l'on met en place un système aussi alambiqué : en cas d'échec de la médiation, le médiateur pourra saisir le ministre chargé de l'économie, qui lui-même pourra saisir le juge des référés. Pourquoi ne pas prévoir une procédure plus simple, plus rapide et plus efficace ? Pourquoi le juge des référés ne pourrait-il pas être saisi directement par le médiateur ?
Ne faisons pas d'angélisme : vous savez toutes et tous que, dans le cadre de telles négociations, le médiateur n'a aujourd'hui aucun pouvoir. Il intervient en tant que simple arbitre, sans avoir la possibilité de mettre ni carton jaune ni carton rouge. Comme le disait notre collègue tout à l'heure, votre texte, c'est le monde des Bisounours !
Nous avons intérêt à ce que le médiateur ait du poids, qu'il puisse se faire entendre. Le carton rouge qu'il pourrait distribuer reviendrait à lui faire dire : attention, si les négociations n'aboutissent pas, nous allons directement chez le juge des référés.
Je trouve dommage que nous ne puissions pas avancer sur ce point. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas simplifier la procédure.
L'Assemblée et le Sénat ont tous deux décidé de restreindre la capacité du médiateur à rendre publiques ses conclusions. Cela revient à le déposséder de cette faculté. La conditionner à l'accord des parties est une hérésie : on ne peut pas se satisfaire d'un médiateur qui n'aurait qu'un rôle consultatif. Il est donc impératif, pour rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole, que le médiateur puisse jouer pleinement son rôle, et de manière exécutive.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 245 .
Cet amendement vise à ce que le médiateur puisse jouer pleinement son rôle et qu'il puisse publier toutes ses conclusions. Une telle publication serait bénéfique pour le producteur, puisqu'elle dissuaderait les secteurs de la transformation ou de la distribution d'avoir un comportement abusif.
Ces amendements ne respectent pas le principe de confidentialité à l'égard des parties à la médiation. Un certain nombre d'opérateurs risquent de ce fait de ne plus utiliser la médiation, ce qui va à l'encontre de nos objectifs, puisque nous souhaitons que, dès lors qu'il n'y a pas d'accord, on puisse saisir le médiateur, qui est là pour aider à en trouver un.
La disposition a déjà été allégée par les travaux parlementaires. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'aller plus loin. Le dispositif de publication actuel, notamment s'agissant des manquements aux règles en matière de délai de paiement, a fait la preuve de son efficacité. Nous voulons que le médiateur soit là pour conduire une négociation et trouver les compromis nécessaires, sans qu'il soit considéré comme juge ou partie à un moment ou un autre de la procédure.
Avis défavorable.
L'amendement no 99 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 724 .
Par cet amendement, il s'agit de permettre au ministre chargé de l'agriculture ou à celui chargé de l'économie de solliciter le médiateur pour qu'il produise un rapport faisant le point sur les médiations qu'il a menées et émette éventuellement des recommandations sur les évolutions législatives et réglementaires qui lui paraîtraient nécessaires.
Avis défavorable : c'est déjà possible. Il suffit d'aller sur le site du ministère pour consulter les bilans du médiateur. En outre, l'article L. 631-27 du code rural confère à celui-ci les facultés demandées.
Défavorable.
L'amendement no 724 est retiré.
Cet amendement vise à protéger les producteurs. Afin d'éviter tout chantage de la part des industriels, il convient de faire en sorte que le contrat précédent reste en vigueur pendant la durée les négociations.
Avis défavorable : tant qu'il n'est pas réformé ou rompu, un contrat lie les deux parties, sous peine de sanctions.
L'amendement no 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à faciliter le travail du juge : si seules les parties ont la capacité de saisir le juge des référés, il est nécessaire que les recommandations du médiateur soient communiquées et puissent être utilisées par le juge.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 80 .
Je ne reprendrai pas l'exposé des motifs que vient de présenter notre collègue.
En revanche, diverses propositions sur les possibilités de saisine du juge ayant été repoussées, pourriez-vous, monsieur le rapporteur, faire le point sur le sujet, de sorte que nous sachions qui peut saisir qui, avec quel pouvoir et avec quelle chance de réussite ? Il serait nécessaire que la représentation nationale comprenne bien le dispositif que vous privilégiez.
Cet amendement vise à permettre au juge de prendre sa décision en se fondant sur les conclusions du médiateur, sans pour autant rouvrir tout le dossier. Ce serait un gain de temps considérable pour la partie saisissante.
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir l'amendement no 518 .
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 573 .
Considérant que le médiateur des relations commerciales agricoles et les parties peuvent saisir le juge des référés, il convient que ce dernier ait communication des recommandations du médiateur et la possibilité de les utiliser. Le juge disposera ainsi des éléments de négociation discutés et des points d'achoppement, ce qui lui permettra de gagner du temps pour forger sa décision.
Nous en venons à l'amendement no 725 .
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour le soutenir.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nul doute que le juge s'appuiera sur les recommandations du médiateur, qui connaîtra mieux que personne le dossier. Dès lors qu'elles seront publiques, les recommandations du médiateur pourront être prises en compte ; néanmoins, il n'est pas inutile de s'en assurer. Avis favorable sur l'ensemble des amendements.
La procédure est simple, monsieur Descoeur : si, au cours de sa médiation, le médiateur juge que certaines pratiques sont abusives ou qu'il observe des déviations manifestes dans la façon dont sont menées les négociations, il pourra saisir le ministre chargé de l'économie, qui pourra lui-même saisir le juge.
Voilà : c'est la procédure telle qu'elle est, pour l'heure, actée dans le texte de loi.
Nous écrivons la loi et nous écrivons le droit. Or, eu égard au droit, j'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements, même si je partage pleinement l'objectif de rendre l'intervention du médiateur la plus efficace possible, vu que nous souhaitons faire en sorte qu'en cas de litige ou de difficulté à trouver un accord, les parties saisissent le médiateur. Ces amendements prévoyant la transmission automatique des recommandations du médiateur au juge, sans vérification de l'accord des parties, une telle disposition méconnaîtrait le principe de confidentialité de la médiation prévu par l'article 21-3 de la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, cet article étant la transposition en droit interne d'une directive européenne relative à la médiation en matière civile et commerciale.
Par ailleurs, le fait d'inscrire dans la loi que le juge se prononce « sur la base des recommandations du médiateur » méconnaîtrait l'exigence constitutionnelle d'impartialité et d'indépendance des juges. On ne peut pas limiter l'office d'un juge en lui imposant d'apprécier et de qualifier les faits du litige qui lui est soumis à partir de tel ou tel élément, même si celui-ci est issu d'une médiation et que l'on sait le poids du médiateur.
Enfin, une telle disposition pourrait nuire à l'efficacité de la médiation, en conduisant les parties à ne pas tout mettre en oeuvre pour aboutir à un accord par crainte de retrouver les éléments de ladite médiation devant le juge. Le fait de tenir compte de l'avis du médiateur impliquerait en effet la transmission automatique des recommandations du médiateur au juge.
Une telle disposition ne prévoirait pas l'accord des parties, ce qui ne serait pas compatible avec la confidentialité que nous voulons garantir à la médiation. En outre, elle ne serait pas compatible non plus avec l'indépendance de la justice : on ne peut pas imposer à un juge la manière d'instruire son dossier.
Sur l'article 4, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 798 .
L'amendement vise à éviter les pratiques de chantage à la collecte et de déréférencement exercées sur les producteurs, ce qui donnerait une force colossale de négociation aux acheteurs industriels. L'inversion de la construction des prix comporte en effet des risques, notamment dans le cas de la production laitière. La crainte de ne plus être collecté est l'argument ultime, on l'a dit en commission, pour faire pression à la baisse sur le prix des 1 000 litres de lait – et le temps joue alors contre le fermier.
Nous proposons donc d'insérer, après l'alinéa 16, l'alinéa suivant : « Dans le cas de la production laitière, et le cas échéant de denrées périssables définies par décret, le blocage de la négociation entre un producteur, une organisation de producteurs et son acheteur ne doit pas entraîner un arrêt de la collecte ou de la livraison des produits agricoles concernés. Tant que la médiation et l'arbitrage ne sont pas rendus, le contrat précédent reste en vigueur. » Cela peut être pour une durée de trois mois, même si l'amendement ne le précise pas.
L'amendement no 798 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement tend à compléter l'article par l'alinéa suivant : « IV. – Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la résolution amiable et contentieuse des litiges ainsi que sur la faisabilité d'un arbitrage public. »
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 708 .
Défavorable : l'étude d'impact du projet de loi comporte déjà des éléments sur la faisabilité de l'arbitrage.
Défavorable également.
Même si nous nous doutions que l'idée d'un rapport ne susciterait guère l'enthousiasme du ministre, il conviendrait, eu égard à nos débats sur l'efficacité du dispositif, d'avoir un engagement quant à l'évaluation de son bon fonctionnement, y compris sur l'issue des recours. Que ce soit par un rapport ou une évaluation, il importe que notre assemblée ait connaissance de la manière dont le médiateur peut infléchir une négociation, dès lors qu'il la juge déséquilibrée.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour le groupe Les Républicains, pour une explication de vote sur l'article 4.
Cet article, principalement consacré au médiateur, est d'importance. De fait, le médiateur, acteur essentiel dans les négociations, est souvent au centre du jeu. Instruits par les organisations de producteurs, nous savons d'expérience que ces derniers sont « baladés » pendant des mois, au gré de centaines de réunions, et que, très souvent, les négociations n'avancent pas.
Nous nous félicitons que, du fait des amendements qui viennent d'être adoptés, les recommandations du médiateur soient communiquées au juge qui s'appuiera sur elles ; mais nous avons tout de même le sentiment que le dispositif, alambiqué, sera très long.
Pour être tout à fait honnête, nous aurions préféré que le ministre saisi soit, non celui de l'économie, mais celui de l'agriculture. S'agissant des affaires agricoles, nous faisons en effet beaucoup plus confiance au second qu'au premier, même si le ministre de l'économie actuel a quelque expérience en matière agricole.
Pour toutes ces raisons, on passe à côté de la question du médiateur, auquel on ne donne pas assez de poids. Aussi voterons-nous contre l'article 4.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 36
Contre 6
L'article 4, amendé, est adopté.
Dans la mesure où l'article 5 du projet de loi vise à insérer dans le code rural et de la pêche maritime une référence expresse aux « clauses énumérées aux II et III de l'article L. 631-24 », il convient, par souci de clarté, de prévoir également une réserve selon laquelle l'obligation de faire figurer ces clauses dans les contrats types ne s'applique pas aux contrats types définis par des accords interprofessionnels conclus dans le secteur vitivinicole ou par des décisions rendues obligatoires en application de la loi de 1941 portant création du Comité interprofessionnel des vins de Champagne, le CIVC.
Mme Beauvais a cosigné cet amendement, également soutenu par Mme Magnier. À travers lui, monsieur le ministre, nous ne sollicitons nul privilège pour le secteur champenois, mais une bonne compréhension de ses spécificités.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour soutenir l'amendement no 926 .
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture, monsieur de Courson. Ayant entendu les interprofessions, notamment le CNIV – Comité national des interprofessions des vins – j'ai conscience de la volonté de chaque filière de préserver sa spécificité. Mais le projet du Gouvernement permet justement de trouver un équilibre entre clauses obligatoires et respect des spécificités de filière, en renvoyant un grand nombre de dispositions aux accords interprofessionnels étendus.
Il faut d'ailleurs noter, si cela peut vous rassurer, que les accords qui respecteront la loi et iront plus loin qu'elle demeureront applicables, comme je l'ai précisé tout à l'heure. Le Président de la République a mis les filières face à leurs responsabilités, et la loi leur en donne les moyens, avec un souci commun de préserver les producteurs. La définition par les interprofessions des indicateurs de coûts de production et de marché est au coeur de leurs nouvelles missions ; sans cela, l'inversion de la proposition contractuelle entre les mains des producteurs ou de leurs organisations ne serait pas opérante. Avis défavorable.
Ici encore, je veux saluer la constance dans l'effort et le fait que cet amendement soit partagé sur quelques bancs. Je me suis néanmoins entretenu avec le CNIV en début de semaine, puisque, comme je vous l'ai dit, j'ai reçu les filières. La filière vitivinicole est une filière importante, et l'objectif est de conforter les organisations interprofessionnelles dans leur mission d'élaboration des contrats types et des indicateurs. Il convient donc de leur laisser le temps de le faire dans de bonnes conditions avant d'exiger la mise en conformité des contrats passés par les acteurs : c'est le sens de l'amendement que je défendrai à l'article 16. Avis défavorable.
Une nouvelle fois, monsieur le ministre, que cherche-t-on ? À emmerder le peuple ?
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est ainsi que c'est ressenti, mes chers collègues ! L'objectif que vous poursuivez, nous l'avons atteint. Pourquoi ne laissez-vous pas les acteurs trouver les bons équilibres ? Nous l'avons fait ! Si toutes les professions étaient comme celle-ci, l'agriculture ne serait pas là où elle en est, je puis vous le dire ! On a l'impression, monsieur le ministre, que vous voulez le même cadre pour tous. Or l'agriculture est d'une diversité extrême – vous le savez, d'ailleurs.
Laissez les gens trouver les bons accords ! Nous les avons trouvés : pourquoi vouloir les changer, puisque tout le monde est satisfait ? « Arrêtez donc d'emmerder les Français ! », disait le Président Pompidou. Intervenez là où ça ne va pas ; mais quand ça va, respectez les accords interprofessionnels !
Le principe, c'est que la loi s'applique à tous. Refuser un amendement, ne pas être d'accord avec une proposition, cela ne signifie pas forcément que l'on veut embêter les gens.
Quitte à me répéter, il s'agit d'écrire le droit sur des bases juridiques fiables et inattaquables. En l'espèce, c'est ce que nous prônons, même si je comprends parfaitement vos arguments. Le sujet a été évoqué avec le CNIV cette semaine encore.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 995 rectifié de la commission des affaires économiques.
L'amendement assure en effet la cohérence avec les dispositions votées cet après-midi à l'article 1er. Avis favorable.
L'amendement no 995 rectifié est adopté.
Il est ici proposé d'inscrire dans la loi un dispositif pour la création d'au moins un indicateur interprofessionnel et la manière de le prendre en compte, notamment pour la détermination du prix. Les adhérents des interprofessions devront faire preuve d'une obligation de moyens renforcés pour parvenir à un accord au sein de l'interprofession.
Il s'agit de donner la possibilité aux organisations professionnelles qui siègent au sein des interprofessions de proposer des indicateurs : leur proximité et leur connaissance du terrain pourraient en effet permettre d'adapter les critères fournis par l'OFPM, mais aussi par les interprofessions.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 247 .
Cet amendement, dont les motifs ont été parfaitement exposés par M. Nury, est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements en discussion commune ?
Je suggère leur retrait, à défaut de quoi l'avis serait défavorable. À mon sens, ils sont satisfaits par les dispositions votées à l'article 1er.
Défavorable.
Personne ne souhaite retirer son amendement ?...
Je vais donc passer à la mise aux voix.
L'amendement no 33 n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 869 .
Depuis les années soixante, les agricultures ultramarines se sont organisées pour faire face à la concurrence d'importations massives venant de pays voisins ; on parlait à l'époque de « produits de dégagement ». La manière dont les filières locales se sont ainsi structurées a entraîné le développement local d'une agriculture de proximité, ce qui est très intéressant, car cela a permis de maintenir ou de créer de l'emploi dans ces territoires, et de partager de la valeur ajoutée.
Cette structuration s'est opérée grâce à ce que l'on appelle le couplage des aides dans le cadre de la PAC.
Il faut reconnaître la spécificité de ces agricultures : le caractère confiné des territoires et les réalités insulaires doivent être prises en considération.
À cette fin, l'amendement tend à préciser que la structuration en filières est indissociable de la stratégie de développement économique des outre-mer.
En ce qui concerne la thématique particulière de l'outre-mer, je laisse le Gouvernement répondre.
Nous avons eu ce débat en commission. L'amendement est satisfait par l'article L. 691-1 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel les dispositions du livre VI du code rural, dont celles relatives aux organisations interprofessionnelles, s'appliquent dans les départements d'outre-mer.
Avis défavorable.
L'amendement no 869 n'est pas adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l'article 5 bis.
L'article 5 ter est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra