La réunion débute à 21 heures 05.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (n° 1844) (M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur).
Chers collègues, nous reprenons l'examen des articles du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace. Nous nous étions interrompus après l'amendement CL89 à l'article 1er.
Article 1er (suite)
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL2 de M. Éric Straumann, les amendements identiques CL66 de M. Olivier Becht et CL132 de M. Vincent Thiébaut, ainsi que les amendements CL122 de M. Vincent Thiébaut et CL61 de M. Raphaël Schellenberger.
L'amendement CL2 porte sur le recrutement d'intervenants bilingues.
En Alsace, le bilinguisme est une réalité ancienne – à raison de douze heures d'enseignement en français et douze heures en allemand à l'école primaire, par exemple. L'État a signé des conventions avec les départements et la région – autrefois l'Alsace, aujourd'hui le Grand Est – concernant le recrutement et la formation d'enseignants bilingues. Or, depuis de nombreuses années, nous ne parvenons pas à atteindre les quotas fixés et manquons cruellement d'enseignants compétents en la matière. C'est pourquoi cet amendement vise à autoriser la Collectivité européenne d'Alsace à proposer sur son territoire, tout au long de la scolarité et dans le cadre du temps scolaire, le recrutement d'enseignants et d'intervenants bilingues, y compris par contrat.
L'Alsace, région frontalière, partage son bassin d'emploi avec nos voisins allemands et suisses. Il est très important de doter ses habitants de compétences linguistiques, en allemand bien sûr mais aussi en anglais, puisque c'est la langue la plus couramment parlée dans certaines grandes entreprises de Bâle et du reste de l'Allemagne.
La dimension linguistique est essentielle. L'allemand est assez développé même si nous rencontrons encore des problèmes de recrutement. C'est pourquoi, comme le prévoient les accords de Matignon, il est proposé d'ajouter à l'enseignement classique dispensé par l'éducation nationale un enseignement complémentaire, selon le terme employé dans lesdits accords, qui soit assuré au besoin par des personnes recrutées par l'Alsace, le cas échéant par contrat. C'est le sens de l'amendement CL66.
L'amendement CL132, identique au précédent, reste assez général puisqu'il fait référence à un « enseignement linguistique facultatif ». L'amendement CL122, quant à lui, est plus précis : il s'agit de proposer un « enseignement facultatif de la langue régionale d'Alsace », étant entendu qu'il engloberait l'enseignement du dialecte alsacien et celui de l'allemand.
L'amendement CL61, proposé par M. Schellenberger, va dans le même sens, dans la perspective de voir l'Alsace devenir un véritable laboratoire – non seulement du bilinguisme franco-allemand, mais aussi du multilinguisme. Il s'agit d'assurer au mieux les missions d'enseignement de la langue régionale dont chacun sait que la forme écrite correspond à l'allemand standard. C'est pourquoi nous souhaitons qu'il soit plus facile de recruter des enseignants dans ce domaine.
Le bilinguisme est un aspect essentiel du texte, au service non seulement de l'Alsace mais aussi du Grand Est et du pays tout entier : nous avons intérêt à former des Français qui maîtrisent l'allemand afin de conserver des liens privilégiés avec notre voisin d'outre-Rhin – comme nous aurions d'ailleurs intérêt à ce que davantage d'Allemands pratiquent la langue française.
Je vous propose de retirer ces amendements au profit de mon amendement CL207 qui en fera la synthèse. Quant à l'adoption d'une charte de l'enseignement bilingue entre la Collectivité européenne d'Alsace et l'État, elle est tout à fait souhaitable, mais elle ne relève pas du domaine de la loi.
À la lecture de l'amendement CL207, je constate qu'il reprend en effet les mêmes objectifs. Je retire mon amendement.
Je ferai de même tout en me réservant la possibilité d'expertiser celui du rapporteur d'ici à la séance publique afin d'y apporter éventuellement des éléments complémentaires.
L'amendement de M. Straumann allant dans le même sens, je le retire au profit de l'amendement du rapporteur.
Les amendements sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL105 et CL94 de M. Sylvain Waserman, ainsi que l'amendement CL156 de M. Paul Molac.
Les amendements CL105 et CL94 portent sur une question fondamentale : l'éducation nationale partagera-t-elle avec la Collectivité européenne d'Alsace des réflexions, des plans d'action et une évaluation de la politique d'enseignement de l'allemand en Alsace ? Nous pourrons toujours tourner autour du pot en appelant langue régionale ce qui est en fait de l'allemand – en vertu d'une convention à valeur infra-législative… Les langues régionales évoquées englobent-elles l'enseignement de l'allemand ? Les langues régionales extrascolaires ?
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, j'appelle votre attention sur le fait que le traité d'Aix-la-Chapelle, qui sera bientôt ratifié, prévoit que « les deux États sont attachés à l'objectif du bilinguisme dans les territoires frontaliers et accordent leur soutien aux collectivités frontalières afin d'élaborer et de mettre en oeuvre des stratégies appropriées » en faveur de l'enseignement de la langue du voisin. Cette question fondamentale est l'objet de mes amendements. Je comprends que l'éducation nationale soit réticente. Mais je sais votre volontarisme, monsieur le rapporteur. Ne nous contentons pas d'une heure d'enseignement du dialecte alsacien le vendredi soir ; nouons un véritable dialogue avec l'administration concernant l'enseignement de l'allemand. Sur ce sujet, l'intention du législateur est déterminante !
L'amendement CL156, dans la même veine, vise à promouvoir l'enseignement bilingue, voire immersif, afin que les enfants apprennent le dialecte ou l'allemand – selon une distinction bien française. L'allemand n'est pas aussi normé que le français et ses variantes dialectales restent importantes au point qu'il faut parfois ouvrir grand les oreilles – et je passe sur le suisse alémanique, encore différent. Le Hochdeutsch correspond à la langue écrite standard mais il n'existe guère de prononciation standard en Allemagne ; elle varie selon les dialectes. En France, au contraire, il en existe une, même s'il arrive que l'accent méridional ne s'y retrouve pas. Sortons de ce tropisme français consistant à imposer aux apprentis journalistes de la presse audiovisuelle d'abandonner au plus vite leur accent pour adopter le parler « pointu ».
Je demande le retrait de ces amendements en précisant d'emblée qu'il nous faut – même si nous aurons à revoir le code de l'éducation sur ce point – distinguer langue vivante et langue régionale. Si nous examinons l'allemand comme langue vivante, la compétence incombe exclusivement à l'éducation nationale. Nous avons donc systématiquement privilégié la référence à la langue régionale selon la définition de la convention quadripartite de 1995 – infra-législative, il est vrai – sur le bilinguisme en Alsace : l'État et les collectivités régionale et départementales ont entendu par langue régionale, depuis cette date, l'allemand standard et ses variantes dialectales. C'est une question de terminologie ; nous travaillons dans le cadre existant.
En revanche, je vous proposerai d'adopter l'amendement CL102 de M. Fuchs qui institue un comité stratégique. Il n'est pas certain que cet amendement aboutisse : nous avons, en effet, demandé au Gouvernement de nous proposer une rédaction en séance publique afin de mettre en place un pôle d'excellence. C'est une demande forte de l'ensemble des acteurs locaux et des élus. Le ministre de l'éducation nationale nous a indiqué que cette formule porte ses fruits dans d'autres territoires, où elle permet d'élaborer une stratégie partagée sur la question de la langue. Retenir l'amendement CL102 évitera toute lacune en la matière dans le texte issu des travaux de la Commission, même si des évolutions seront possibles et souhaitables ensuite. Nous insisterons auprès du Gouvernement pour que l'engagement de créer un pôle d'excellence soit tenu.
J'ajoute que M. Bruno Studer a rédigé un rapport très utile formulant huit propositions ambitieuses en faveur de l'enseignement bilingue. Nous nous en sommes inspirés. Tout converge pour que nous fassions preuve de fermeté concernant la création d'un pôle d'excellence en matière d'enseignement bilingue.
Je retire également mes amendements tout en rappelant le caractère nécessaire du pôle d'excellence, notamment en matière d'évaluation.
Mes filles ont appris l'allemand à l'école élémentaire, comme le veut l'usage. Or, leur enseignant n'avait jamais prononcé un mot d'allemand avant de le leur enseigner – je dis bien : pas un mot ! – alors que l'enseignante de la classe voisine était quasiment bilingue. Le système est ainsi fait qu'il leur était impossible d'échanger leurs classes deux heures par semaine. Participer à l'évaluation, au plan d'action, à la réflexion : voilà tout ce que nous demandons. Il faut nouer un dialogue avec l'éducation nationale afin de discuter la politique d'enseignement de l'allemand.
Sur le fond, nous sommes d'accord avec le rapporteur. L'intervention de M. Waserman m'incite à prendre la parole pour rappeler une question que j'ai posée à Mme Jacqueline Gourault sur la qualification des enseignants. Je suis moi-même enseignante de langues ; je ne tiens donc évidemment pas un discours hostile aux professeurs. Je m'interroge cependant sur les qualifications des enseignants d'allemand et leur adéquation au niveau d'enseignement. Le pôle d'excellence pourra se saisir de cette question.
Faut-il reprendre le référentiel de l'éducation nationale en matière d'enseignement de l'allemand ? Cela suppose des professeurs formés au niveau licence et master ayant passé au moins une année à préparer le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) ou l'agrégation. Est-ce ce type d'enseignants qui est souhaité ? Sinon, quelle formation instaurer et comment la valider ? Il se pose d'innombrables questions auxquelles il ne peut pas être répondu en deux minutes, ni dans cette salle ni dans l'hémicycle. En revanche, le pôle d'excellence est sans doute le lieu qui permettra de réunir tous les acteurs susceptibles de définir ce qu'est l'enseignement de l'allemand, en particulier dans les classes maternelles et élémentaires, puisque c'est là que se pose le problème. En collège et en lycée, les professeurs ont généralement suivi le cursus ordinaire.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir cité mes modestes travaux. L'Alsace présente cette particularité de pratiquer une langue régionale qui est aussi la langue vivante d'un pays voisin. Or, la pratique de cette langue régionale au sens traditionnel est en très net recul. La volonté politique de faire de l'Alsace un territoire bilingue franco-allemand est réelle, sous couvert de la référence à la langue régionale qui, pour les parents qui inscrivent leurs enfants dans ce type d'enseignement, englobe des réalités et des motivations très variées. Pour certains, il s'agit d'aider l'enfant à trouver un emploi de l'autre côté de la frontière ; pour d'autres, il s'agit d'une véritable question d'identité. Pour d'autres encore, l'objectif est celui d'un évitement de l'école de secteur, car la question de la mixité scolaire dans les sections bilingues est réelle.
C'est pourquoi nous devrons avoir un débat approfondi en séance publique sur le pôle d'excellence. La politique d'enseignement actuelle, encadrée par la convention quadripartite à laquelle il a précédemment été fait référence, souffre d'un manque d'évaluation criant. On ignore si le fait de commencer dès la petite section dans l'enseignement bilingue produit une différence par rapport à l'inscription initiale en moyenne section – l'ajout ou la suppression d'effectifs en dépend pourtant, et cette question n'est pas négligeable dans le contexte de pénurie des ressources humaines. Le recrutement d'enseignants capables d'assurer cet enseignement bilingue pose difficulté. De même, nous ne disposons d'aucune évaluation de l'efficacité comparée de l'enseignement bilingue paritaire et de l'enseignement bilingue progressif, ni des motivations des enfants à la sortie d'un cycle primaire bilingue.
En clair, ce pôle d'excellence, qui sera au service de l'enseignement linguistique partout en France, devra se saisir à bras-le-corps de cette question de l'évaluation. Tout ne peut naturellement pas figurer dans la loi, mais nous devrons avoir ce débat en séance publique pour définir les missions de ce pôle d'excellence afin de remédier à l'inexistence actuelle de l'évaluation.
J'entends la référence à la convention de 1995 mais, dans les différents textes en vigueur, l'allemand n'est pas considéré comme une langue régionale ; c'est la langue d'un pays allié. Le débat que nous avons me pose donc problème : toute recherche sur ce qu'est l'alsacien fait apparaître plusieurs variantes dialectales selon que l'on vient du nord, du sud ou du centre de la région.
Mon voisin, M. Reiss, kann uns nicht verstehen, ne peut pas nous comprendre, par exemple !
S'y ajoute la proximité de certains Mosellans et Vosgiens. En bref, je suis préoccupé par la perspective d'inscrire dans ce texte que l'allemand est une langue régionale. Nous devrons avoir un débat approfondi sur les langues régionales, au-delà de la région frontalière de l'Allemagne.
Quoi qu'il en soit, l'allemand n'est pas une langue régionale : il serait problématique de l'écrire ainsi dans la loi. Les professeurs d'allemand n'enseignent pas une langue régionale. Ce sont deux matières différentes qui font l'objet d'une reconnaissance distincte par l'éducation nationale. Ne prenons pas ce risque, même si l'Assemblée nationale peut se saisir du débat sur les langues régionales, qui comme les autres évoluent au fil du temps.
Les signataires de la convention sur le bilinguisme en Alsace sont la région et le rectorat.
En effet. Après cette réforme, elle ne sera donc plus signée que par le rectorat et les deux départements, n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ? Je pose la question car cette convention comporte tout de même de nombreux éléments relatifs à la formation des enseignants, aux ouvertures de postes, aux filières et ainsi de suite.
La deuxième chose qu'il faut avoir à l'esprit, c'est qu'à partir du moment où l'allemand est parlé dans une partie de la France, il devient une langue de France. Et je ne vois pas pourquoi on ferait une différence pour cette langue sous prétexte que c'est celle d'un État voisin. Les différences dialectales entre le nord et le sud de l'Alsace se retrouvent de l'autre côté du Rhin.
Évaluer des politiques publiques et mettre en place des dispositifs efficaces a son importance, je n'en disconviens pas. Mais nous parlons ici simplement de politique, de vie en collectivité, d'histoire, d'hommes et de femmes vivant sur un territoire et, j'ose le dire, d'un peu de coeur.
L'Alsace, au cours des deux derniers siècles, est passée de la tutelle française à la tutelle allemande, de la tutelle allemande à la tutelle française, de la tutelle française à la tutelle allemande, pour revenir à la tutelle française. S'il y a eu des changements de frontière, c'est que chaque État revendiquait la mainmise sur ce territoire du bassin rhénan. Les Allemands ont pris prétexte de la langue : rappelons que c'est à Strasbourg qu'a été imprimée la première bible en allemand. Et ce n'est pas l'allemand de Strasbourg qui a été choisi mais un allemand méridional, le Hochdeutsch, qu'on a considéré comme la langue autour de laquelle pouvaient se fédérer tous les Germaniques afin de disposer d'un support commun pour se comprendre par écrit et augmenter leur puissance.
Savoir si l'on doit enseigner dans nos écoles l'allemand ou l'alsacien n'est pas simple. À Paris, on peut toujours dire des choses sympathiques – comme « L'Allemagne veut récupérer l'Alsace ». Je peux vous dire qu'en Alsace, il y a des générations qui n'aiment pas trop qu'on s'amuse avec ce genre de choses. Je suis d'avis de ne pas rentrer dans les détails car nous risquons d'ouvrir des plaies difficiles à supporter pour les Alsaciens.
Les amendements sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL207 et CL208 du rapporteur, CL18 de M. Patrick Hetzel, CL90 de M. Hervé Saulignac, CL95 et CL96 de M. Sylvain Waserman et CL159 de M. Paul Molac.
Par l'amendement CL207, la Collectivité européenne d'Alsace se voit reconnaître la possibilité de recruter des intervenants bilingues de manière à conforter l'enseignement de l'allemand, en complément des enseignements de langue obligatoire dispensés par l'éducation nationale. Des heures d'enseignement facultatives hors temps scolaire pourront ainsi être proposées.
En outre, il supprime la possibilité de prendre des mesures relevant de compétences exclusives du ministère de l'éducation nationale, notamment en matière d'évaluation des enseignements, de formation des enseignants et d'ouverture de classes bilingues ou d'immersion.
L'amendement CL206 est un amendement de coordination avec le précédent.
La question de l'enseignement de la langue régionale – et par conséquent de l'allemand – est importante. Des efforts ont été consentis, mais le nombre de locuteurs continue de baisser. Lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, le ministre de l'éducation nationale a affirmé que l'État faisait le maximum. Nous considérons qu'il faut permettre à la Collectivité européenne d'Alsace d'aller plus loin car l'objectif à atteindre est d'inverser la tendance.
L'amendement CL18 a pour objet de reconnaître une pleine capacité à la nouvelle collectivité en matière de recrutement d'intervenants bilingues. Son positionnement géographique, tout comme l'intensité de ses liens avec ses voisins germanophones, constituent des spécificités qui justifient une possibilité d'action accrue en matière de bilinguisme.
Je tire la sonnette d'alarme. Si nous voulons que ce patrimoine linguistique perdure, nous devons accélérer. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de renforcer les leviers d'action de la collectivité.
Notre amendement CL90 indique que l'alinéa 20 constitue une dérogation à l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales. Celui-ci précise que la promotion des langues régionales est une compétence partagée entre les différentes catégories de collectivités au même titre que la culture, le sport ou le tourisme. Or, une compétence ne peut à la fois être partagée et confiée à un chef de file.
Je ne vais pas rouvrir le débat sur le statut de l'allemand. J'aimerais simplement réaffirmer qu'il y a une fragilité juridique : l'allemand sera enseigné par des personnes qui ne parlent pas le dialecte, mais qui parlent allemand, et il sera considéré par la loi comme une langue régionale. Autrement dit, nous allons faire quelque chose de différent de ce qui est écrit dans la loi. Mes amendements visent à lever cette ambiguïté.
Vous militez, monsieur le rapporteur, pour la création d'un pôle d'excellence et vous prenez soin de procéder à des clarifications dans les exposés sommaires. Fort bien ! Mais encore une fois, il faut se poser la question de la différence entre ce nous allons faire et ce que les Bretons font avec le breton en Bretagne. Elle tient, selon moi, à la frontière qui nous sépare de la langue du voisin. Dans quelques mois, nous validerons le traité d'Aix-la-Chapelle dans lequel il est stipulé que l'enseignement de la langue du voisin est une priorité pour la France et l'Allemagne dans la zone frontalière.
Nous aurions bien aimé dire les choses clairement, mais le code de l'éducation ne nous le permet pas. À partir du moment où le traité sera signé, nous aurons peut-être à revoir tous les actes d'un niveau inférieur dans la hiérarchie de normes, ce qui peut faire bouger les choses.
Je vous propose, chers collègues, de retirer vos amendements au profit de mes amendements CL207 et CL208 qui consolident la rédaction de l'article 1er. Je renouvelle ici mon engagement de soutenir l'amendement de M. Fuchs. Nous avons répété encore ce matin notre détermination au Gouvernement. Il faut que nous ayons la garantie que figure dans la loi la mention d'un pôle d'excellence, même si cela relève du domaine réglementaire. Ce serait un levier essentiel, y compris en termes d'évaluation, pour accélérer le développement du bilinguisme.
Qu'est-ce qui pose problème à M. Waserman ? Le seul dispositif dans le droit français qui permette des enseignements bilingues est celui qui concerne les langues régionales. Une langue vivante étrangère ne peut en faire partie, ce qui me semble être une règle acceptable.
Dans une convention de 1995, renouvelée pour la dernière fois en 2015, les collectivités locales et le ministère de l'éducation nationale ont convenu que la forme académique de l'alsacien pouvait être l'allemand. Pourquoi, nous législateurs, ne voterions-nous pas des textes qui laissent ouvertes des interprétations à des niveaux inférieurs de norme ? Cela ne me paraît pas poser difficulté. Si nous apportons trop de précisions, nous ne cesserons de faire gonfler des textes déjà beaucoup trop volumineux.
Je veux aussi combattre l'idée selon laquelle un enseignant recruté de l'autre côté du Rhin parlerait nécessairement un dialecte très différent de l'alsacien. La commune de Wattwiller dans le Haut-Rhin, dont j'ai été maire, est jumelée avec une commune située juste de l'autre côté de la frontière, Wasenweiler, dont le dialecte est bien plus proche du dialecte parlé à Wattwiller que de l'allemand académique. On peut très bien trouver en Allemagne des locuteurs allemands qui maîtrisent parfaitement les dialectes régionaux.
Les linguistes distinguent langues véhiculaires et langues vernaculaires. Peut-être serait-il intéressant de se rapprocher de sociétés savantes pour affiner notre terminologie et trouver un mot qui évite l'identification à une langue régionale, que nous savons connotée en ce qu'elle renvoie au patrimoine, au territoire, à la différence de la langue nationale.
Rappelons les termes de la fameuse convention de 2015 : « Par langue régionale d'Alsace, il faut entendre la langue allemande dans sa forme standard et dans ses variantes dialectales, alémanique et francique. Cette définition n'exclut pas la reconnaissance parallèle du welche, du yiddish ou du manouche utilisés dans la région en tant qu'expression de sa richesse culturelle et historique. »
L'allemand pourrait être considéré comme une langue véhiculaire vernaculaire. Je ne prétends pas être une spécialiste de linguistique mais je suggère seulement que cela pourrait être une solution d'écriture.
Je partage les considérations juridiques du rapporteur : il a parfaitement raison quand il dit que nous sommes bloqués par le code de l'éducation. Je fais miennes aussi les préoccupations de Sylvain Waserman : notre volonté est de permettre l'enseignement complémentaire de la langue allemande pour favoriser les échanges à l'échelle d'un bassin de vie et d'emploi. J'ai le plus grand respect pour ceux qui veulent transmettre l'usage du dialecte dans le cadre familial, associatif, ou scolaire. Mais ce n'est pas le but que nous recherchons ici. Il faut être clair car la hiérarchie des normes s'impose. Si demain le juge devait être saisi, il se référerait d'abord à la loi, autrement dit au texte que nous allons voter la semaine prochaine en séance publique. Je sais, pour avoir été juge dans une vie antérieure, que les magistrats, lorsqu'ils s'interrogent sur l'interprétation d'un texte de loi, peuvent s'appuyer sur les débats qui ont présidé à son élaboration. Il est donc fondamental que nous soyons précis : nous visons dans ce texte l'enseignement de la langue allemande et non pas du dialecte.
Je reprends le Bulletin officiel de l'éducation nationale du 13 avril 2017 : « L'introduction d'un article 75-1 dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Ve République, aux termes duquel ‘‘les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France'', confirme la volonté institutionnelle d'oeuvrer pour la préservation et la valorisation des langues régionales. La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République a réaffirmé en son article 40 modifiant l'article L. 312-10 du code de l'éducation que ‘‘les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage'' et que ‘‘cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité'' ». Il est précisé que « cet enseignement s'applique au basque, au breton, au catalan, au corse, au créole, au gallo, à l'occitan-langue d'oc, aux langues régionales d'Alsace, aux langues régionales des pays mosellans, au tahitien, aux langues mélanésiennes ainsi qu'au wallisien et au futunien ». L'allemand n'est donc pas considéré comme une langue régionale susceptible de faire l'objet d'un enseignement bilingue. Il faut faire attention : l'allemand est une langue vivante qui peut être choisie comme langue complémentaire au baccalauréat. Si elle est aussi enseignée comme langue régionale, un candidat pourrait la passer à double titre.
La remarque d'Olivier Becht sur la nécessaire clarté de nos débats était judicieuse, raison pour laquelle nous détaillons nos intentions dans tous les exposés sommaires.
Le consensus qui s'est dégagé depuis plusieurs décennies sur cette question a pour base une position développée par le recteur de l'académie de Strasbourg, M. Pierre Deyon, dans les années 1980. Il a voulu combiner de manière astucieuse deux objectifs : d'une part, assurer le développement de la langue et de la culture régionale ; d'autre part, permettre une ouverture vers la langue du voisin, donc vers l'espace germanique. Du fait de la particularité de notre territoire, nous sommes influencés aussi bien par la littérature française que par les lettres allemandes. C'est ce qui fait l'originalité de notre culture régionale.
Ne remettons pas en cause le consensus actuel. Prenons garde à ne pas utiliser une terminologie qui risquerait de rouvrir des débats qui n'ont pas lieu d'être et de donner lieu à des recours contentieux.
La démonstration du rapporteur est éloquente. Nous connaissons le cadre de la convention de 1995 et, en l'état actuel des textes, nous ne pouvons pas faire autrement. Il faut bien voir, toutefois, que les pratiques ont évolué. Dans les années 1980, il y avait un journal en français et un journal en allemand. Au moment des élections, les affiches et les programmes étaient rédigés dans les deux langues. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'un cahier bilingue dans les journaux et il n'y a plus d'affiches qu'en français. Qualifier l'allemand de langue régionale était quelque chose de naturel dans un passé récent. Aujourd'hui, la réalité a changé. Les Alsaciens parlent le dialecte entre eux et lisent très peu l'allemand. Il faut adapter les termes.
La Commission adopte successivement les amendements CL207 et CL208.
En conséquence, les amendements CL18, CL90, CL95, CL96 et CL 159 tombent.
La Commission examine l'amendement CL17 de Patrick Hetzel.
Cet amendement a pour but d'intensifier l'entente interdépartementale avec la Moselle, auquel le Haut-Rhin et le Bas-Rhin sont unis par le droit local – régime cultuel, registre foncier, droit de chasse, régime local d'assurance maladie.
Votre amendement, cher collègue, est satisfait puisqu'en application de l'article L. 5411-1 du code général des collectivités territoriales, une telle entente est toujours possible.
Juridiquement, vous avez raison, monsieur le rapporteur. Mais il me semble important de rappeler dans le projet de loi l'importance du droit local en tant que lien entre les trois départements que je viens de citer.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL84 de M. Hervé Saulignac.
Cet amendement a pour objet de permettre à la Collectivité européenne d'Alsace de négocier des accords d'échange d'enseignants avec le Land du Bade-Würtemberg afin de faciliter l'enseignement de la langue du voisin. Il ne s'agit pas d'entrer dans le champ du recrutement, qui relève bien sûr de l'éducation nationale.
Votre amendement, qui pose des difficultés de rédaction, est satisfait. La Collectivité européenne d'Alsace pourra, dans le cadre de la coopération transfrontalière avec les collectivités situées sur le territoire allemand, effectuer des recrutements d'intervenants bilingues. C'était l'objet de mon amendement CL207.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL102 de M. Bruno Fuchs.
Je serai bref car cet amendement a déjà fait l'objet d'une forte promotion de la part du rapporteur. Nous proposons que la Collectivité européenne d'Alsace crée un comité stratégique de l'enseignement de l'allemand en Alsace réunissant le rectorat et les collectivités territoriales. Ses missions consisteraient à définir une stratégie de promotion de l'allemand, à évaluer les dispositifs et à favoriser l'interaction avec les politiques publiques en matière de culture et de jeunesse. Il se situe dans la logique du traité d'Aix-la-Chapelle, en particulier de ses articles 9 et 10.
Je confirme l'avis favorable que j'ai déjà exprimé. Je le prends comme un amendement de préfiguration : à charge pour le Gouvernement d'élaborer un amendement sur le pôle d'excellence et son rôle en matière d'évaluation !
Je me réjouis de la création de ce pôle, même si son périmètre reste à définir et même si je considère qu'il relève davantage du règlement, voire de la délibération de la collectivité. Je me garderai toujours de demander à notre Commission de mener les politiques à la place des collectivités territoriales.
Toujours est-il qu'une fois le principe acté, nous devons trancher le débat sur l'allemand et l'alsacien. Les observations de M. Fuchs sur la presse et les communications électorales sont parfaitement exactes mais elles vont à l'inverse de ce qu'il veut démontrer. Si les productions officielles étaient rédigées en allemand, c'est que cette langue était considérée comme la langue de l'espace public en tant que forme écrite partagée. Ce n'était pas en allemand que se faisaient les échanges interpersonnels. Depuis cent cinquante ans, la langue du privé, de l'intime, de la cellule familiale, c'est l'alsacien.
Je voudrais saluer – je pèse mes mots ! – le courage dont fait preuve le rapporteur en donnant un avis favorable à cet amendement. Je vous invite à résister à toutes les pressions qui risquent de s'abattre sur vous pour vous faire renoncer.
Notre démarche est cohérente. Tout à l'heure, nous parlions de l'enseignement en dehors des heures obligatoires d'une langue régionale en précisant qu'il devait s'agir de l'allemand. Là, nous indiquons que le dialogue avec l'éducation nationale doit porter sur l'enseignement de l'allemand standard dans le cadre des heures obligatoires. Le traité d'Aix-la-Chapelle ira même un peu plus loin en précisant que l'État doit soutenir les collectivités territoriales dans le développement de l'enseignement de la langue du voisin.
Le comité de suivi de la mise en oeuvre de la convention quadripartite entre l'État et les collectivités n'a manifestement pas suffi. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que vous donniez un avis favorable à cet amendement – que je considère comme un amendement d'appel en vue d'un approfondissement en séance.
Je vous confirme que c'est ainsi que je le conçois. Nous ne voulions pas laisser un vide dans le texte de la Commission. La création d'un pôle d'excellence pourrait relever simplement du règlement mais nous avons souhaité que son existence soit garantie en l'inscrivant noir sur blanc dans la loi. Dans d'autres territoires de notre pays aux configurations semblables, des pôles d'excellence ont montré leur capacité à concentrer les moyens et à définir une stratégie.
Nous avons un amendement prévoyant la création de ce pôle d'excellence. Il est tout prêt pour la séance !
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL85 de M. Hervé Saulignac.
Cet amendement définit les modalités de détermination du chef-lieu de la Collectivité européenne d'Alsace, sujet tout à fait consensuel comme nous le savons tous. (Sourires)
Nous reprenons les règles qui ont prévalu pour la désignation du chef-lieu du département du Rhône lors de la création de la métropole de Lyon. Au Sénat, le Gouvernement s'est opposé à un amendement analogue déposé par des sénateurs socialistes, au motif qu'il « entend maintenir, au sens administratif du terme, les deux départements ». Il y aura donc une collectivité, deux préfectures – Strasbourg et Colmar – et pas de chef-lieu. Voilà pour l'objet institutionnel non identifié, protéiforme, que nous évoquions tout à l'heure.
En Corse, collectivité à statut particulier, il y a deux départements et deux chefs-lieux. En Alsace, il y aura toujours deux départements administratifs, deux préfectures, mais un seul conseil départemental avec des compétences particulières. Lors de l'élaboration de l'accord de Matignon, il a été clairement affirmé la volonté de ne pas choisir le siège de la collectivité à la place des élus locaux. Il leur appartiendra de trancher cette question.
Il y a des débats nourris à ce sujet même si une unanimité se dégage – je ne vous dirai pas en quel sens. Chacun fera ses propositions – M. Raphaël Schellenberger en a déjà formulé. C'est aux acteurs du territoire de décider car ce texte entend leur faire toute confiance. Nous ne venons pas avec des solutions toutes prêtes à prendre ou à laisser.
L'amendement CL85 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL19 de M. Patrick Hetzel.
Le présent amendement donne à la collectivité alsacienne un rôle de chef de file pour organiser les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sur l'enseignement de l'histoire, de la culture et de la connaissance de l'Alsace, ainsi qu'à la formation initiale et continue des enseignants en ces matières.
Juridiquement, rien ne s'oppose à une telle dérogation. Il n'est que de voir ce qui a été fait en Corse.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL20 de M. Patrick Hetzel.
Nous entendons rendre la nouvelle collectivité compétente pour organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics relatives à la coordination de l'enseignement public, privé et associatif en matière d'enseignement de la langue régionale.
C'est une manière de traduire au niveau législatif ce qui a été réalisé au moment des accords de 1995 auxquels vous vous êtes vous-même référé, monsieur le rapporteur.
La convention de 1995 précise qu'il n'y a pas de chef de file, mais une collaboration entre les différentes collectivités pour concourir à l'organisation et à la mise en place du bilinguisme. Nous pensons que c'est grâce à la convergence de l'ensemble des acteurs qu'une stratégie peut réussir en ce domaine.
C'est un point de divergence. En 1995, la Collectivité européenne d'Alsace n'existait pas et nous voulons tirer toutes les conséquences de sa création. Nous voyons bien qu'elle est le chef de file le plus pertinent.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL21 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de doter la Collectivité européenne d'Alsace d'un rôle de chef de file afin d'organiser les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de création artistique et de culture locales, largement évoquées dans l'accord de Matignon.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL22 de M. Patrick Hetzel et CL46 de M. Raphaël Schellenberger.
Nous avons eu un débat pour savoir de quelle collectivité devait relever la formation professionnelle et le soutien à l'apprentissage. Nous considérons qu'il s'agit d'une compétence plus éducative qu'économique. De ce fait, la collectivité alsacienne peut jouer le rôle de chef de file pour définir les formations et les qualifications professionnelles adaptées au marché de l'emploi rhénan. Nous n'avons aucune prétention s'agissant d'autres territoires. Cela rejoint ce que vous disiez au début de notre discussion de ce soir en précisant que ce projet de loi ne concernait que le territoire alsacien.
L'apprentissage en Alsace, du fait de l'héritage rhénan, comporte une spécificité que la région a du mal à saisir à sa grande échelle.
Il s'agit d'une compétence régionale. Dans le cadre de l'accord, nous avons bien vu que la région Grand Est souhaitait préserver ses compétences en matière d'économie, d'apprentissage et de formation. Cela n'empêche bien sûr pas les acteurs de travailler ensemble au-delà des frontières de l'Alsace. L'intérêt de tous consiste en ce que la France compte davantage de locuteurs allemands.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement CL98 de M. Bruno Fuchs.
Cet amendement devrait faire consensus et recueillir les suffrages de M. Schellenberger. Il confie à la Collectivité européenne d'Alsace le soin d'organiser un plan de développement de l'enseignement de l'allemand ainsi que de la langue et de la culture alsaciennes.
L'Alsace est en retard par rapport à d'autres régions : seulement 16 % des enfants alsaciens sont en classe bilingue contre 40 % des enfants basques. Les personnes de 65 ans et plus parlent alsacien à plus de 70 % ; cette proportion tombe à moins de 20 % pour les moins de 20 ans.
La Collectivité européenne d'Alsace sera habilitée, à raison de ses compétences, à définir un plan de soutien à la langue régionale. Il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour ce faire.
La rédaction de cet amendement est incompréhensible. Il faudrait recueillir l'avis du conseil économique, social, environnemental et culturel du Grand Est, alors même que ce texte propose de créer une chambre de consultation à l'échelle alsacienne.
Je m'apprêtais à le retirer après avoir entendu les arguments imparables du rapporteur, mais l'intervention de M. Schellenberger me donnerait presque envie de le maintenir !
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL23 de M. Patrick Hetzel.
La promotion de la langue et de la culture alsaciennes est une question importante pour la nouvelle collectivité. Nos débats le prouvent. Elle doit constituer l'un de ses principaux axes d'action. Quatre sondages réalisés au cours des dernières années ont montré que les Alsaciens sont, eux aussi, très sensibles à cette question et favorables à une gestion plus décentralisée de l'audiovisuel public.
Nous estimons qu'il revient au législateur de donner la possibilité aux sociétés publiques du secteur audiovisuel de répondre à cette attente. Nous proposons que les modalités soient fixées par des conventions qu'il reviendra à la collectivité alsacienne de négocier. C'est tout l'objet du présent amendement qu'ont également signé mes collègues Frédéric Reiss, Éric Straumann, Raphaël Schellenberger et Laurent Furst.
Je vous invite à retirer cet amendement, car il est satisfait. Depuis 2003, les collectivités territoriales peuvent intervenir sur les chaînes hertziennes et y assurer une activité de distributeur de services audiovisuels. L'article 1er bis, introduit par le Sénat, précise que les programmes proposés peuvent promouvoir la langue régionale. En l'espèce, trente-trois collectivités ont fait le choix de s'investir dans le soutien à l'audiovisuel et au cinéma : seize régions, treize départements, la métropole de Strasbourg, deux communes et Rhône-Alpes Cinéma. Le cadre légal actuel rend déjà possible les initiatives que vous proposez. Si vous le souhaitez, vous pourrez interroger la ministre sur ce point en séance.
Je maintiens cet amendement car la question est importante. Aujourd'hui, certaines collectivités rencontrent des obstacles lorsqu'elles veulent agir en faveur de l'audiovisuel public. C'est pourquoi il me semble utile de sécuriser le dispositif pour la nouvelle collectivité. Je redéposerai cet amendement en séance publique afin d'avoir une discussion avec le Gouvernement sur ce point.
Je voudrais vous demander une précision, monsieur Hetzel. Il me semble que le rapporteur parlait plutôt des chaînes régionales et départementales, comme la chaîne ViàMirabelle en Lorraine. Mais je crois que votre amendement concernait plutôt la télévision publique…
Mais vous pensiez à France 3, n'est-ce pas ? J'essaie seulement de comprendre à quoi vous faites précisément référence. La question des chaînes locales est extrêmement importante. Certaines d'entre elles rencontrent effectivement des difficultés parce qu'elles sont trop taxées. Pour une fois, je ne suis pas en désaccord avec vous mais j'aimerais que vous précisiez les choses.
Le débat est plus large. France 3 Régions est une chaîne nationale : les politiques locaux ont certes la volonté de maintenir ce service public régional, mais la collectivité territoriale n'a pas, pour autant, la volonté de gérer cette chaîne. En revanche, il existe aujourd'hui en Alsace une chaîne régionale privée. Compte tenu de l'évolution que connaissent actuellement le service public audiovisuel et la presse écrite, pourquoi ne pas imaginer, demain, un service audiovisuel à l'échelle alsacienne, qui soit à même d'assurer la promotion de la langue, de la culture et de la vie du territoire alsacien, et qui soit financé par une collectivité publique ? L'idée est de continuer à offrir, par l'intermédiaire de la collectivité locale, un moyen de diffusion audiovisuel.
Nous allons devoir explorer de nouveaux territoires, y compris dans le numérique, pour produire des contenus qui soient à la fois en phase avec notre époque et susceptibles de présenter les choses sous l'angle de la culture alsacienne.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL25 de M. Patrick Hetzel.
Avec cet amendement, nous proposons que l'État puisse confier par délégation à la Collectivité européenne d'Alsace la gestion de tout ou partie des actions qui relèvent aujourd'hui du Fonds social européen (FSE). Sur ce sujet, le périmètre de la nouvelle collectivité serait parfaitement adapté.
Votre amendement est satisfait par le droit en vigueur puisqu'une collectivité départementale peut déjà se voir attribuer des compétences qui vont au-delà du FSE en matière d'aide sociale. Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL209 du rapporteur.
Cet amendement supprime la disposition, introduite par le Sénat, permettant à la Collectivité européenne d'Alsace de déléguer, par convention, à une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale situé sur son territoire, la gestion des prestations d'aide sociale dont elle a la charge.
Une telle délégation est en effet déjà possible au bénéfice des communes en application de l'article L. 121-6 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit que, « par convention passée avec le département, une commune peut exercer directement tout ou partie des compétences qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L 121-2 ».
Cela peut aussi être le fait d'une intercommunalité à travers un syndicat intercommunal d'action sociale (SIAS). Tout cela étant déjà possible, je propose de supprimer l'alinéa 21.
Si le Sénat a introduit cette précision, c'est parce que nous ne connaissons pas encore le statut de la future collectivité : sera-t-elle un département ou une collectivité à statut particulier ? Comme nous ne sommes pas encore sûrs de son identité juridique, mieux vaut sécuriser le texte. Votre argument consiste à dire que le département a cette compétence, mais nous ne sommes pas certains qu'il s'agit d'un département !
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL80 de M. Raphaël Schellenberger.
Cet amendement transfère à la Collectivité européenne d'Alsace la ou les parties de la gestion du Fonds social européen relevant de ses compétences.
Votre amendement est satisfait par le texte adopté par le Sénat. Je vous signale, en outre, que le Gouvernement souhaite expérimenter une plateforme unique qui gérerait à la fois le social et l'insertion. Il réfléchit actuellement à un amendement visant à introduire une telle expérimentation en Alsace. Si ce dispositif s'avère intéressant, il pourra ensuite être généralisé à d'autres territoires.
L'amendement CL80 est retiré.
L'amendement CL81 de M. Raphaël Schellenberger est également retiré.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement CL163 de M. Paul Molac.
Par cet amendement, nous proposons d'insérer, après l'alinéa 22, l'alinéa suivant : « La Collectivité européenne d'Alsace, après concertation avec l'État, la région, les chambres consulaires et les organismes de formation ayant leur siège en Alsace, définit les formations et les qualifications professionnelles adaptées au contexte du marché de l'emploi rhénan et axées sur la connaissance de l'allemand. Elle peut déroger aux règles nationales dans la matière. À défaut d'opposition de l'État dans les trois mois, la dérogation est réputée applicable. »
Les travailleurs frontaliers, s'ils maîtrisent la langue allemande, peuvent prétendre à des salaires bien meilleurs en Allemagne qu'en France – c'est en tout cas ce que m'ont dit les Alsaciens. S'ils ne maîtrisent pas l'allemand, on leur préfère des professionnels qui viennent de l'Est de l'Allemagne ou de Hongrie. Nous proposons donc, avec cet amendement, que la collectivité d'Alsace supervise les formations professionnelles.
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que c'est une compétence régionale. Mais nous sommes favorables à une coopération. Avis défavorable.
Je vous remercie, madame la présidente, de donner la parole à un Lorrain dans ce débat très alsacien. (Sourires.)
En effet : la question de la langue allemande, qui a fait l'objet de plusieurs amendements, ne concerne pas seulement l'Alsace. Je soutiens pleinement l'aspiration de l'Alsace à redevenir une collectivité territoriale, avec tout ce que cela implique, mais il faudrait offrir les mêmes possibilités aux territoires voisins. La Moselle a les mêmes besoins s'agissant de la maîtrise de l'allemand. Les politiques publiques doivent être cohérentes. Il faudra tirer les leçons de l'émergence de la Collectivité européenne d'Alsace, par exemple dans le domaine des transports. Je suis un élu de Meurthe-et-Moselle et je veux dire à mes amis mosellans que nous avons les mêmes besoins que l'Alsace. Il faudra que la Lorraine ait les mêmes prérogatives. La Champagne-Ardenne a de moindres besoins, s'agissant de l'allemand…
Cette discussion sur la formation professionnelle me rappelle celle que nous avons eue au sujet des bassins d'emploi. J'entends bien qu'il s'agit d'une compétence régionale, mais une région de taille XXL ne peut pas répondre aux problèmes qui se posent au niveau de nos bassins d'emplois. Dans les scieries des Vosges, les jeunes doivent connaître l'allemand s'ils veulent réparer les machines. Il faut donc un vrai plan en faveur de l'allemand, non seulement pour l'Alsace, mais aussi pour la Lorraine. Vive la Lorraine ! (Sourires.)
Merci, cher collègue, pour ce plaidoyer en faveur de la Lorraine. Rassurez-vous, le Lorrain que je suis avait déjà bien défendu notre territoire – vos collègues alsaciens vous le confirmeront.
Cet amendement me semble problématique. Il fait référence aux chambres consulaires et aux organismes de formation « ayant leur siège en Alsace ». Or, au sein de la nouvelle région, de nombreux organismes de formation ont leur siège en Alsace. Nous en avons récupéré quelques-uns à Nancy, à Metz et dans les Vosges, mais il en reste encore beaucoup en Alsace. Cet amendement donnerait donc un très grand pouvoir à la Collectivité européenne d'Alsace, ce qui est très dangereux. Cela nous ramènerait à l'époque qui a précédé le vote de la loi NOTRe, qui a créé les grandes régions. Je ne crois pas que ce soit l'objet de ce débat. Je répète que cet amendement me paraît dangereux.
En reprenant un mot historique, je veux simplement dire aux Lorrains : « Osez ! » (Sourires.)
Je crois que plusieurs membres du Gouvernement seraient tout à fait disposés à vous recevoir et à chercher avec vous des réponses adaptées à la question que vous soulevez.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL165 de M. Paul Molac.
Les trois départements de l'Est de la France sont unis par le même droit local – en matière de régime cultuel, d'artisanat, de droit du travail ou d'assurance maladie par exemple. Ils ont d'autres points communs : une histoire partiellement partagée, la pratique de dialectes germaniques, le souci de promouvoir le bilinguisme français-allemand, la coopération frontalière avec l'Allemagne, un certain nombre de traditions professionnelles et culturelles et des territoires très imbriqués.
Dans ce contexte, il convient d'intensifier la coopération sur les sujets d'intérêt commun. La constitution d'une entente interdépartementale marquera la volonté des présidents des deux collectivités de trouver des moyens concrets de renforcer la coopération dans les domaines d'intérêt commun mentionnés ci-dessus. Cette entente sera chargée d'évaluer les coopérations existantes et de tirer la leçon de ces expériences. Elle aura aussi pour mission d'associer l'ensemble des instances concernées par la valorisation des domaines susmentionnés.
Votre amendement est déjà satisfait par le droit en vigueur puisque des conférences interdépartementales peuvent tout à fait débattre des questions d'intérêt commun : c'est ce que prévoit l'article L. 5411-2 du code général des collectivités territoriales. Je vous invite donc à le retirer.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL83 de M. Hervé Saulignac.
Cet amendement supprime les alinéas relatifs au conseil de développement. Il nous semble inutile de préciser dans la loi que la Collectivité européenne d'Alsace peut créer un conseil de développement, puisque le droit actuel le lui permet déjà.
La proposition du Sénat de créer un conseil de développement à l'échelle de la nouvelle collectivité me paraît, au contraire, tout à fait intéressante. Il est judicieux de laisser à la collectivité le soin de définir la composition de ce conseil, en prenant en compte la dimension frontalière. Il sera également utile de conforter son rôle en faisant en sorte que ses rapports soient débattus au sein de la nouvelle collectivité. Contrairement à vous, monsieur Saulignac, nous pensons que nos homologues sénateurs ont eu une bonne idée.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL228 du Gouvernement.
Je suis favorable à cet amendement gouvernemental. Plusieurs d'entre nous ont déposé un amendement précisant que la nouvelle collectivité veille au bon fonctionnement de ce conseil. Il lui faut quelques moyens, ne serait-ce que pour acheter du matériel de bureau, voire quelques outils numériques. Mais, pour s'affranchir des règles de recevabilité financière, il fallait un amendement du Gouvernement.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels ou de précision CL181, CL182, CL223 et CL210 du rapporteur.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL211 du rapporteur, CL73 rectifié de M. Olivier Becht et CL123 rectifié de M. Vincent Thiébaut.
La Commission adopte les amendements.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL183 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL48 de M. Raphaël Schellenberger.
Cet amendement concerne les fonds européens dont il a déjà été question tout à l'heure. Lors des débats sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), nous avons vu qu'un certain nombre de fonds européens étaient mal gérés et mal utilisés. Je pense par exemple au programme LEADER, l'un des axes du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui n'a pas trouvé preneur.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l'heure que la Collectivité européenne d'Alsace pourrait avoir un rôle d'expérimentation en la matière. Je tiens à préciser que feu Adrien Zeller, lorsqu'il était président de la région Alsace, avait obtenu cette compétence pour la région et que les choses s'étaient plutôt bien passées. Nous pourrons donc nous appuyer sur cette expérience.
Cet amendement de repli propose de compléter l'article 1er en indiquant que « la gestion des Fonds européens confiée par l'État aux régions pour mettre en oeuvre la politique de l'Union européenne fait l'objet d'une consultation de la Collectivité européenne d'Alsace, dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État ». Cet amendement ne concernerait pas seulement le FSE, mais aussi l'ensemble des autres fonds européens.
L'idée de mieux coordonner la gestion de ces fonds est bonne, l'exemple que vous prenez est intéressant et le Gouvernement a effectivement la volonté de mieux coordonner l'aide sociale et l'insertion. Cela étant, il paraît inenvisageable que l'une des collectivités du Grand Est contrôle la manière dont la région utilise ses fonds. Mon avis est évidemment défavorable.
Dans la mesure où la nouvelle collectivité s'appellera Collectivité européenne d'Alsace, il semble paradoxal qu'elle ne s'intéresse pas aux fonds européens.
Monsieur le rapporteur, l'alinéa que nous souhaitons ajouter se termine par les mots suivants : « pour les projets s'inscrivant sur son territoire ». Il ne s'agit donc pas de contrôler l'usage des fonds européens sur l'ensemble du territoire régional.
Qu'il s'agisse de son territoire ou d'autres territoires, il est exclu qu'une collectivité exerce une tutelle ou un contrôle sur une autre collectivité.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL24 de M. Patrick Hetzel.
En Bretagne, depuis 2015, l'État délègue ses compétences à la région en matière culturelle conformément à l'article L. 111-8-1 du code général des collectivités territoriales. En nous inspirant de cette initiative, nous proposons de compléter cet article par l'alinéa suivant : « III. – Dans les six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer l'opportunité de déléguer à la Collectivité européenne d'Alsace les compétences exercées par l'État en matière de soutien à l'audiovisuel, sur le fondement de l'article L. 1111-8-1 du code général des collectivités territoriales. » Nous voulons engager une réflexion sur ce sujet. Vous dites souvent que la réforme constitutionnelle introduira un droit à la différenciation : notre amendement va dans ce sens.
Jusqu'ici, nous sommes parvenus à éviter les demandes de rapport au Gouvernement. Essayons de rester sur cette voie vertueuse : cela ne nous empêchera pas, si nous le souhaitons, de lancer une mission d'information. Avis défavorable.
Je propose à mes collègues alsaciens de venir voir en Bretagne comment les choses s'organisent : ils pourront ensuite faire une demande en bonne et due forme au Gouvernement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
La Commission examine l'amendement CL106 de M. Patrick Hetzel.
Lors de l'examen de la loi relative à l'école de la confiance, le ministre de l'éducation nationale a indiqué que les recteurs de région académique disposeraient de moyens ensuite redistribués aux autres recteurs d'académie. Parce qu'il s'agit d'une question sensible, il me semble opportun, dès lors que l'on crée une Collectivité européenne d'Alsace, de préciser que le recteur de l'académie de Strasbourg, par ailleurs chancelier des Universités, est de plein droit recteur de région académique. Cela n'aurait aucune incidence sur la Lorraine et la Champagne-Ardenne : cette disposition aurait pour objet de consolider le rectorat de Strasbourg, indépendamment de ce qui aurait cours, aussi bien dans l'académie de Nancy-Metz que dans celle de Champagne-Ardenne.
Comme nous l'avons dit au début de nos travaux, nous excluons les sujets qui ne sont pas directement liés à la création et aux compétences propres à la Collectivité européenne d'Alsace. Je vous propose donc de ne pas rouvrir le débat sur la manière dont les services se sont organisés dans le cadre du Grand Est. Je peux concevoir qu'il y ait des demandes diverses et variées en la matière, mais nous sommes hors sujet.
Je vous remercie de permettre à un Champenois d'intervenir dans ce débat. (Sourires.)
Un accord a été conclu au sein du ministère de l'éducation nationale pour maintenir les trois recteurs dans la nouvelle région. Nous étions pourtant persuadés qu'il y aurait une fusion. La rectrice de Reims pensait qu'elle serait la dernière à tenir le poste en Champagne-Ardenne, mais elle m'a dit que les trois recteurs seraient finalement maintenus. Cet amendement me semble donc sans objet. En outre, il me semble que ces questions ont un caractère réglementaire.
Permettez-moi de faire deux remarques. Premièrement, lorsque nous avons rencontré le ministre de l'éducation nationale, il nous a dit que, dans la mesure où l'on créait une collectivité spécifique à l'Alsace, il n'était pas opposé a priori à l'idée de traiter de manière spécifique l'organisation de l'État sur le territoire alsacien.
Deuxièmement, les recteurs sont censés gérer les budgets opérationnels des programmes (BOP) « Enseignement scolaire public du premier degré », « Enseignement scolaire public du second degré » et « Vie de l'élève ». En revanche, seul le recteur de région académique gérerait le BOP « Soutien de la politique de l'éducation nationale », c'est-à-dire les moyens financiers et humains concernant l'ensemble des recteurs de la région académique. Le ministre l'a dit dans l'hémicycle lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, un vendredi soir – nous avons d'ailleurs dû insister pour qu'il donne ces précisions. Je vous renvoie au compte rendu des débats de l'Assemblée nationale. Le recteur de l'académie de Reims ne dispose donc pas de moyens autonomes ; il doit négocier ses moyens avec son homologue de Nancy-Metz. Or, nous ne voulons pas cela pour le recteur de Strasbourg : nous voulons qu'il soit en relation directe avec le directeur général de l'enseignement scolaire.
Cette question concerne également la Nouvelle-Aquitaine, née de la fusion de trois régions. La loi dite de l'école de la confiance a habilité le Gouvernement à réorganiser la carte académique par ordonnance. Désormais, l'organisation rectorale relève donc entièrement du Gouvernement. Je n'en étais pas le premier satisfait et je l'ai manifesté de façon assez explicite. Des mouvements sociaux et des négociations ont permis le maintien des rectorats dans les régions de taille significative, comme Grand Est ou Nouvelle-Aquitaine. Mais nous devons maintenant nous montrer vigilants et prêter attention au contenu des ordonnances à venir.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL144 de M. Bruno Fuchs.
Cet amendement a pour objet de reconnaître une pleine capacité à la Collectivité européenne d'Alsace en matière de recrutement d'intervenants bilingues. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la position stratégique de l'Alsace par rapport à l'Allemagne et à la Suisse. Nous devons améliorer le niveau des Alsaciens en allemand. Mais nous manquons de professeurs. Nous avons besoin, à l'échelle de la collectivité, de gérer cette capacité au plus près du terrain.
Nous avons déjà longuement débattu de cette question. Je vous invite à retirer cet amendement pour les raisons précédemment exprimées.
L'amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CL143 de M. Bruno Fuchs.
Cet amendement est différent du précédent puisqu'il concerne l'alsacien. Il prend sa source dans la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, dont l'article 7 dispose que la langue corse est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires du territoire. Nous proposons d'appliquer le même genre de disposition en Alsace. La langue alsacienne serait dispensée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternel et élémentaire dans un enseignement facultatif. Aujourd'hui, en Alsace, 74 % des personnes de plus de 60 ans parlent alsacien, mais seulement 12 % des jeunes âgés de 18 à 29 ans. Il est important de maintenir l'apprentissage de l'alsacien, y compris parce que d'aucuns ont démontré que le fait de le maîtriser favorise l'apprentissage de l'allemand.
Cet amendement vise donc à renforcer l'identité alsacienne à travers la pratique de la langue et à remédier à la pénurie de professeurs d'allemand.
Il sera possible d'avoir des cours d'alsacien sur la base du volontariat, en recourant à des intervenants. Cet enseignement pourra même être l'un des éléments de ce pôle d'excellence que nous appelons de nos voeux. Il ne me paraît pas nécessaire de l'inscrire spécifiquement dans le texte. Je vous invite à retirer votre amendement.
Le pôle d'excellence n'a pas encore vu le jour : tout cela reste donc de l'ordre de la spéculation… Je maintiens mon amendement : ce qui est vrai pour la Corse est vrai pour l'Alsace.
Je pense, comme mon collègue Bruno Fuchs, qu'il faut inscrire cette disposition dans la loi. Elle permettra d'accroître l'offre d'enseignement de la langue. Ce dispositif, introduit en Corse, n'existe dans aucune autre région alors même que certaines le souhaiteraient. Il est pourtant le seul instrument dont nous disposons pour éviter que les langues régionales ne disparaissent à un horizon plus ou moins proche. Il ne s'agit pas de rendre cet enseignement obligatoire, mais possible dans le cadre de l'horaire normal des écoles. Si les élèves ne souhaitent pas le recevoir, il suffit que leurs parents l'indiquent au chef d'établissement.
Nous avons eu tout à l'heure un débat technique de près d'une heure sur la manière dont il convient de qualifier l'alsacien : il a été question de langue régionale, mais aussi de langue allemande. J'ai indiqué que cette caractérisation ne me convenait pas parce qu'elle ne correspond pas à l'histoire du territoire. Et, à présent, on vient introduire une nouvelle notion, celle de langue alsacienne ! Il est communément admis que l'alsacien n'est pas une langue, mais un dialecte. C'est d'ailleurs l'un des rares dialectes reconnus en France ; beaucoup de langues régionales n'ont pas ce statut. C'est un dialecte germanique, un dialecte alémanique ; il n'existe pas de langue alsacienne.
Il faut que nous soyons sérieux quand nous abordons ces questions : nous devons veiller, dans nos débats et nos propositions, à décrire précisément ce qu'est l'Alsace, son héritage, son histoire et le chemin par lequel elle est devenue ce qu'elle est.
Permettez-moi de vous rappeler que l'amendement CL207, que nous avons voté, a introduit l'alinéa suivant : « La Collectivité européenne d'Alsace peut proposer sur son territoire, tout au long de la scolarité, un enseignement facultatif de langue régionale selon des modalités définies par la convention mentionnée à l'alinéa précédent, en complément des heures d'enseignement obligatoires dispensées par le ministère de l'éducation nationale. »
Personnellement, j'aurais placé mon amendement un peu plus haut dans le texte pour l'aborder en même temps que celui que vous venez de citer.
L'amendement est retiré.
La Commission examine les amendements CL49, CL50 et CL51 de M. Raphaël Schellenberger.
Ces amendements ont un objectif assez simple : rendre cohérentes les ambitions du traité d'Aix-la-Chapelle. Il s'agit de doter la Collectivité européenne d'Alsace des compétences qui lui permettront de lever les obstacles s'opposant à la réalisation de projets transfrontaliers dans le domaine économique, social, environnemental, sanitaire, énergétique et des transports. Notre but est de décliner à l'échelle alsacienne les ambitions que la France et l'Allemagne ont définies ensemble.
Premièrement, les dérogations que vous demandez sont réservées aux collectivités à statut particulier. Deuxièmement, ces compétences sont celles de la région. Je vais répéter que cela a fait l'objet d'un accord conclu à Matignon en octobre 2018, qui s'est prolongé, depuis, par un certain nombre d'échanges entre les partenaires.
La Commission rejette successivement les amendements CL49, CL50 et CL51.
Elle examine ensuite l'amendement CL168 de M. Paul Molac.
Cet amendement est soutenu par les régionalistes, notamment par un petit parti régionaliste nommé Unser Land qui est implanté en Allemagne... Pardon, en Alsace ! (Sourires.)
Je suis moi aussi un Français de l'extérieur et, comme on dit chez nous, il y a un pays qui sépare la Bretagne et l'Alsace : c'est la France. (Sourires.)
Cet amendement vise à transposer à l'Alsace un dispositif qui existe déjà en Corse : donner à la collectivité la possibilité de demander au Gouvernement ou au Parlement de modifier le règlement ou la loi, en fonction des besoins locaux. Ce n'est pas contraire à la Constitution puisque celle-ci dispose que les collectivités territoriales ont un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.
L'Alsace n'est pas une collectivité à statut particulier et je rappelle que le droit à la différenciation n'a pas encore été inscrit dans la Constitution. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, la Constitution permet déjà un certain nombre de différenciations. Il se trouve seulement qu'aucune loi votée à l'Assemblée nationale n'est encore allée dans ce sens : ce n'est pas tout à fait la même chose.
La Commission rejette l'amendement.
Article 1er bis (art. L. 1426-1 du code général des collectivités territoriales) : Chaînes de télévision locales destinées à la promotion des langues régionales
La Commission adopte l'article 1er bis sans modification.
Article 2 (art. L. 132-1 du code du tourisme et art. L. 3431-7 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Rôle du département d'Alsace en matière de tourisme et de promotion de l'attractivité de son territoire
La Commission examine les amendements identiques CL3 de M. Éric Straumann et CL29 de M. Patrick Hetzel.
La création de la Collectivité européenne d'Alsace permet de redonner une existence institutionnelle à l'Alsace. En matière de tourisme, elle est toujours restée une destination prisée et reconnue. (Sourires)
Aujourd'hui, si vous cherchez le village de Kayserberg sur le site TripAdvisor, on vous indique qu'il est situé dans le Grand Est, et pas en Alsace. Demandez à un Belge ou à un Allemand où est le Grand Est ! Le président de la région a écrit à TripAdvisor à ce sujet, mais il n'a pas encore reçu de réponse. Cela ne risque pas de se régler puisque la collectivité n'aura pas la compétence exclusive en matière de tourisme.
L'amendement CL3 précise que la Collectivité européenne d'Alsace coordonne sur son territoire la politique du tourisme, en lien avec les autres collectivités et les acteurs du secteur. L'Alsace doit devenir maîtresse de son destin en matière touristique.
Comme mon collègue Éric Straumann vient de l'indiquer, le secteur du tourisme est éminemment stratégique, particulièrement dans les régions à l'identité touristique forte. C'est le cas de l'Alsace, qui est une marque. La Collectivité européenne d'Alsace n'a pas seulement vocation à gérer la plantation des géraniums : elle doit s'occuper du secteur du tourisme.
Le Parlement a un vrai rôle à jouer : ne nous contentons pas d'être des greffiers et dotons la collectivité de ce qui doit lui revenir assez naturellement. Du reste, le préambule de la déclaration de Matignon est clair à ce sujet. Nos deux amendements s'inscrivent dans le droit fil de celui-ci, ni plus ni moins.
Le projet de loi va au-delà de ce que vous demandez, puisque l'alinéa 2 de l'article 2 dispose que la nouvelle collectivité anime et coordonne les activités touristiques. Votre amendement est donc satisfait. La collectivité pourra décider de mesures pour promouvoir la destination Alsace, dans le respect des compétences reconnues aux autres collectivités.
Nous avons même ajouté, et le Sénat nous y a aidés, l'idée qu'elle peut soutenir l'attractivité touristique. Nous sommes convaincus que c'est un élément-clé et qu'il faut promouvoir la marque Alsace. Du reste, nous avons constaté, en allant à Strasbourg, que le président du Grand Est se situe tout à fait sur cette ligne et qu'il a lui-même facilité les choses. Il nous a dit avoir réglé la question.
J'irai dans le même sens que le rapporteur en m'appuyant sur l'exemple de l'agence d'attractivité de la Moselle, négociée avec le président Jean Rottner, dont l'un des pôles est consacré au tourisme et au fonctionnement de l'office de tourisme. Cette possibilité, que vous voulez inscrire dans la loi, existe déjà. Avec l'agence d'attractivité que vous avez obtenue, vous avez tous les outils pour agir.
Ce qui fait la différence, et vous avez raison, ce sont les marques que nous développons dans le Grand-Est : MOSL ou « Moselle sans limite », « Je vois la vie en Vosges » et « Alsace ». Nous avons de quoi agir en bonne intelligence dans notre région. Pour aller plus loin dans le débat, il faut se demander quel schéma touristique mettre en place pour que les touristes puissent rayonner et passer facilement de Moselle en Alsace puis se rendre dans les Vosges. Il faut développer ces offres complémentaires et profiter des avantages qu'offrent les zones transfrontalières.
Certaines appellations se vendent très mal auprès des touristes. Je me souviens d'une réflexion du directeur du tourisme des Pays-de-la-Loire qui nous enviait le nom de « Bretagne », qui est connu et qui signifie quelque chose. Je ne suis pas certain que « Grand Est » évoque quoi que ce soit à un étranger, sinon la Sibérie à un Russe… Il faut faire attention car l'attractivité touristique du territoire, et partant, de la France, pourrait en pâtir.
La Belgique est le premier pays d'origine de nos visiteurs. En déplacement à Bruxelles, j'ai demandé à mes interlocuteurs où se trouvait le Grand Est : tous l'ont situé quelque part entre Berlin et Moscou !
Je défendrai tout à l'heure un amendement sur la marque « Alsace ». Il paraîtrait incongru, et déraisonnable, que ce soit une autre collectivité que la Collectivité européenne d'Alsace qui soit propriétaire de ce nom. Je n'imagine pas l'Alsace propriétaire de la marque « Bretagne », ni l'inverse d'ailleurs.
Monsieur Mendes, il ne faut pas réécrire l'histoire de la coordination des agences à l'échelle du Grand Est. J'entends bien que le département de la Moselle a pu passer un accord avec la région Grand Est, mais il ne faut pas imaginer que la création de la région Grand Est soit à l'origine de toute politique de développement économique, en tout cas dans le territoire alsacien. Je ne commenterai pas ce qui a pu se passer ailleurs dans la région, mais il est certain que la région Alsace n'a pas attendu la création du Grand Est pour s'intéresser au développement économique ou touristique.
Au contraire, elle a dû réorganiser tous les outils. L'Agence d'attractivité de l'Alsace, l'AAA, qui gérait le tourisme, le développement économique, endogène et exogène, et la marque « Alsace », était très opérationnelle. L'obligation de créer des comités régionaux du tourisme a complètement déstructuré l'AAA et il n'en reste plus grand-chose. Il faut maintenant trouver des organismes d'accueil. Cela ne doit pas se faire au détriment des politiques menées par les départements, notamment via l'agence « Alsace destination tourisme » qui résulte de la fusion des agences de développement touristique des deux départements. Rebattre les cartes en matière de gouvernance ne doit pas être le prétexte pour reprendre la main sur des politiques. L'enjeu, pour la Collectivité européenne d'Alsace, est de maîtriser le développement touristique et la stratégie de développement touristique.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques CL71 de M. Olivier Becht et CL121 de M. Vincent Thiébaut.
Je ne peux pas laisser M. Straumann faire seul la promotion de sa circonscription : j'évoquerai pour ma part Rixheim et son magnifique musée du papier peint ou encore Mulhouse, sa cité de l'automobile et sa cité du train ! (Sourires.)
Il me semble légitime que la Collectivité européenne d'Alsace se voie confier ce rôle d'animation et de coordination en matière touristique. Et je le dis maintenant pour ne pas reprendre la parole ensuite : la marque « Alsace » doit être la propriété de la Collectivité européenne d'Alsace. Je ne sais pas si cela doit faire l'objet d'une inscription dans la loi ou d'un accord avec la région Grand Est, mais l'essentiel est que la collectivité concernée soit propriétaire de la marque qui incarne le territoire. C'est une simple question de logique.
Je n'ajouterai rien… sauf que Haguenau s'enorgueillit du très beau musée du bagage, unique en Europe ! (Sourires.)
Le compte rendu de nos échanges pourra servir très efficacement de document de promotion touristique. Je pense que les termes « animer », « coordonner » et « promouvoir » suffisent à caractériser un chef de filât. Sur la propriété de la marque, le président Jean Rottner s'est montré prêt à faire avancer le dossier, qui ne relève pas de la loi. Il est clair qu'il se place dans cette optique et qu'il n'y a pas de blocage sur ce point.
Permettez-moi de dire que lorsqu'un Américain vient en vacances dans le Grand Est, il ne doit manquer sous aucun prétexte la grange à bécanes, à Bantzenheim, le seul musée vivant dédié à la moto ! (Sourires.)
La Commission rejette les amendements.
Elle adopte les amendements rédactionnels du rapporteur CL212 et CL215, ainsi que l'amendement CL213 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Après l'article 2
La Commission est saisie de l'amendement CL35 de M. Patrick Hetzel.
Reprenant la mention dans la déclaration de Matignon selon laquelle les « fédérations culturelles, sportives et les acteurs sociaux qui le souhaitent pourront organiser leur gouvernance infrarégionale à l'échelle alsacienne », le présent amendement vise à permettre aux fédérations sportives présentes sur le territoire de la nouvelle Collectivité européenne d'Alsace de se regrouper sous la forme de ligues régionales alsaciennes.
Nous nous sommes informés auprès du Gouvernement, qui diligente de nouvelles vérifications. Il apparaît que votre amendement est satisfait par les articles R. 131-1 à R. 131-11 du code du sport : « la fédération peut constituer (...) des organismes régionaux ou départementaux (...) dont le ressort territorial ne peut être autre que celui des services déconcentrés du ministère chargé des sports que sous réserve de justifications et en l'absence d'opposition motivée du ministre chargé des sports ». Sous réserve d'une autorisation, les fédérations peuvent s'organiser à un niveau infra-régional sans difficulté particulière. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Nous le maintenons car ce que nous souhaitons, c'est que les fédérations n'aient pas besoin d'en référer au niveau national. Cela a pu constituer un combat : la Ligue d'Alsace de football a ainsi été la première à s'être organisée à l'échelle alsacienne. Inscrire dans la loi cette possibilité permet de lever toute ambiguïté.
Il ne s'agit pas seulement d'une bataille identitaire inspirée par la volonté d'exister à l'échelle alsacienne. Ces ligues ne trouvent plus de bénévoles pour les administrer car les réunions en région supposent de longs déplacements, parfois une nuitée d'hôtel, si bien qu'il faut prendre deux jours de congé pour y participer. Les choses sont plus fluides à l'échelle de l'Alsace : les réunions peuvent se tenir en fin de journée et il est plus facile de concilier obligations professionnelles et engagement bénévole. Cet amendement part d'un constat concret et il me semble important pour la vitalité associative dans nos territoires.
Je crois me souvenir que des discussions, lors des réunions préparatoires avec le Gouvernement et lors des accords de Matignon, avaient porté sur ce point. J'entends que les fédérations ont déjà la possibilité de constituer des organismes régionaux ou départementaux, mais sous réserve d'autorisation. Le fait que les ligues ne puissent pas s'organiser librement, qu'elles aient à demander une dérogation avec l'accord de la ligue supérieure, pose vraiment des problèmes. Nous sommes confrontés à une démotivation importante des fédérations sportives qui mettent effectivement en avant la difficulté de se libérer pour assister à une courte réunion à l'autre bout de la région. Nous aurions tout à gagner à trouver un cadre qui permette une organisation libre et souple, qui ne soit pas soumise à l'autorité du ministère.
L'existence d'une ligue régionale permet à certains sports de se renforcer et de briller. Prenons le rugby : les confrontations entre Épernay, Metz, Haguenau ou même Strasbourg, ont permis d'accéder à un certain niveau et d'avoir une région plus compétitive que ce que nous avions jusque-là. Permettre aux ligues de s'organiser librement risque d'introduire des divisions et de priver certains sports des moyens financiers et des athlètes que la grande région avait mis à leur disposition.
La question est davantage celle des bénévoles associatifs et de leur sentiment de délaissement, un débat que la majorité a ouvert sous l'impulsion du MODEM.
Si le département pouvait décider de se constituer en ligue autonome, cela risquerait de fracturer les ligues régionales – celles-là mêmes qui créent les opérations sportives, remettent les licences, apportent une reconnaissance à certaines compétitions. Mieux vaut des compétitions régionales qui permettent aux équipes de se renforcer face aux autres équipes françaises qu'une organisation répartie sur de plus petits territoires, où le niveau, plus faible, ne permet plus de former les athlètes du futur.
Cette possibilité, qui a fait l'objet de tractations, concerne, dans l'accord de Matignon, les associations sportives, les associations culturelles, mais aussi les associations socioprofessionnelles qui le souhaitent. C'est un point important et attendu. J'apprends que cela suppose de demander une dérogation : cela m'inquiète. À ma connaissance, les regroupements qui se sont effectués pour épouser la nouvelle carte régionale n'étaient pas le fait de la loi, mais d'une suggestion du ministère. Je m'interroge donc : ne faut-il pas inscrire cette possibilité dans la loi pour la sécuriser ?
J'ai la chance d'appartenir à la plus petite des trois ex-régions qui forment désormais le Grand Est. Je peux vous dire que tout le monde hurle, car une réunion à Strasbourg, cela signifie trois heures de trajet aller et autant pour le retour – le problème se pose aussi pour les séances du conseil régional. Pour autant, faut-il faire éclater les ligues régionales après tous les efforts qu'il a fallu consentir pour les créer ? Faut-il retrouver l'organisation antérieure avec des ligues Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace ? Ça ne va pas être triste ! Je comprends les Alsaciens car tout cela a été fait en dépit du bon sens. Mais maintenant que nous sommes là, est-il raisonnable de revenir en arrière ?
Permettez-moi de reprendre l'explication : il était jusque-là impossible de réorganiser une ligue à la dimension de l'Alsace puisqu'elle n'avait plus d'existence institutionnelle et que l'organisation ne peut se faire qu'à la dimension des régions ou des départements. Cette possibilité existe désormais, sous réserve de l'accord de la ligue nationale et du ministère. Il ne s'agit pas d'une dérogation mais simplement d'un accord du monde sportif. Une ligue ne peut revivre au niveau alsacien que s'il existe une institution à la dimension de l'Alsace.
C'est un sujet plus important qu'il ne paraît car il implique le quotidien de milliers de personnes. La réponse du rapporteur est très claire : les mesures ne peuvent être prises de façon unilatérale, il faut l'accord des autres ligues. Sans cela, on ne peut faire sécession. La question porte plus sur l'accord du ministère, dont je ne perçois pas l'utilité si l'on considère que ces collectivités sont précisément créées pour permettre d'exercer localement des compétences. C'est l'intérêt d'inscrire cette possibilité dans la loi.
Je pense que les ligues donneront cette autorisation de façon raisonnable, en fonction des objectifs sportifs. La réponse équilibrée du rapporteur a apaisé mes craintes.
Il est vrai que les ligues sont confrontées aujourd'hui à la difficulté de s'organiser à l'échelle de ces immenses régions, comme la Nouvelle-Aquitaine et le Grand Est. Part ailleurs, le sport s'organise en France au niveau de l'État, autour du ministère et des fédérations délégataires. Ce ne sont pas les régions ou les départements qui décident. La création de la Collectivité européenne d'Alsace permettra aux ligues de se réorganiser au niveau alsacien.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL9 de M. Éric Straumann.
Dans la même logique, cet amendement vise à permettre aux ordres professionnels de s'organiser sur le périmètre de la Collectivité européenne d'Alsace. Les conseils de discipline ont beaucoup de difficultés à se tenir car les médecins ou les vétérinaires sont obligés de fermer leurs cabinets pour aller à Nancy, alors qu'avant, il leur fallait se libérer seulement une demi-journée. L'échelle de la région n'est absolument pas pertinente pour ces ordres qui sont en train de se vider de l'intérieur : leurs membres ne se voient plus, ne se déplacent plus. Il faut leur permette de se réorganiser à une échelle pertinente afin qu'ils puissent de nouveau travailler ensemble.
Après la création de la grande région, des structures se sont organisées à l'échelle des deux départements. La chambre de commerce et d'industrie, la chambre d'agriculture, la chambre des métiers fonctionnent ainsi. Nous avons interrogé le ministère sur cette question, qui n'avait pas été évoquée lors de l'audition de la ministre. Nous comptons travailler sur ce sujet ; je vous demande, dans l'intervalle, de retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques CL4 de M. Éric Straumann et CL32 de M. Patrick Hetzel.
C'est un sujet qui me tient à coeur. La marque « Alsace » n'est pas la propriété de la Collectivité européenne d'Alsace, mais de la région Grand-Est. Bien sûr, la délégation est possible. Mais ce sont toujours, au bout du compte, les propriétaires qui décident ! Cela me semble anormal ; si l'on veut donner un minimum de contenu à cette nouvelle collectivité, il me paraît légitime de lui octroyer la propriété de son nom.
Je le répète, nous avons posé la question au président du Grand Est. Une fois que l'Alsace aura de nouveau une existence institutionnelle, il ne voit aucun problème à lui céder cette marque aujourd'hui gérée par l'ADIRA.
En tant que vice-président de la commission régionale tourisme, je tiens à souligner que nous avons mis quatre destinations en place dans le cadre du schéma régional du tourisme Grand Est.
Nous sommes heureux d'apprendre, de la bouche du rapporteur, que cela ne devrait pas poser de problème. Mais, et c'est l'objet de l'amendement, cela va mieux en l'écrivant ! On ne comprend pas comment une collectivité qui ne porte pas dans son nom le terme « Alsace » peut être propriétaire de la marque « Alsace ».
Comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. « Je vois la vie en Vosges » et « La Haute-Marne respire et inspire ! » sont deux exemples concrets, dans le Grand Est, de l'organisation de la propriété des marques, donc de la stratégie de développement touristique. Je ne vois pas pourquoi il en irait autrement pour la marque « Alsace ».
À partir du moment où la Collectivité européenne d'Alsace est créée, il me semble de bon sens de prévoir que la marque Alsace lui sera transférée au plus tard le 1er janvier 2021. J'ai signé l'amendement de M. Éric Straumann et renoncé à déposer le mien, mais cela ne vaut pas engagement pour les autres amendements de notre collègue !
Vous demandez d'écrire dans la loi la possibilité de voler la marque à la région. Il appartient à la région de la concéder à la nouvelle collectivité alsacienne. Je m'étonne de voir des personnes issues de la majorité au conseil régional ne pas pouvoir se mettre d'accord avec le président du Grand Est, lui-même issu d'Alsace.
La première chose, c'est que cela relève du droit de propriété. Ensuite, il fallait attendre que l'Alsace retrouve sa dimension institutionnelle pour redonner la marque, sans quoi je vous laisse imaginer les discussions entre les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin… Je le redis, nous avons interrogé M. Jean Rottner et sa réponse est claire : il redonnera la marque Alsace à la collectivité éponyme.
La Commission rejette les amendements.
Article 2 bis : Expérimentation sur la délégation aux départements de l'octroi d'aides aux entreprises
La Commission est saisie de l'amendement CL214 du rapporteur.
Le Grand Est se montre attaché à la compétence économique dans sa globalité, pour des raisons d'efficacité et de logique. C'est l'un des éléments majeurs de l'accord conclu entre les deux départements et la région sous le vocable de « déclaration commune de Matignon ». Nous souhaitons donc en revenir au texte initial du projet de loi.
Je ne saisis pas bien la position du rapporteur sur cet article. Lorsque l'accord sur l'Alsace a été conclu, les huit autres départements du Grand-Est ont demandé à bénéficier de ces dispositions ; le conseil régional a accepté de rentrer dans les agences et il est en train d'en créer une dans la Marne afin que tout le monde soit traité de la même façon. L'article 2 bis ne fait que prendre acte du fait que le département et, dans le cas de la Marne, les 14 intercommunalités qui couvrent le département, peuvent se voir déléguer une partie de la compétence économique. Supprimer cet article ne changera rien.
Les agences départementales sont des émanations des régions qui permettent une organisation au plus proche des territoires. Dans le cas du Grand Est, il existe neuf agences dont celle qui vient d'être créée dans la Marne. Les régions exercent ainsi leur compétence de façon partagée, notamment avec les EPCI, dans une logique paritaire. Mais les départements ne sont aucunement concernés. La région Grand Est a fait le choix de conserver ce modèle selon une logique rappelée régulièrement par l'Association des régions de France, déterminée à ce que les régions soient le chef de file, sur le plan de l'organisation économique aussi bien que sur celui de la stratégie.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 2 bis est ainsi supprimé.
En conséquence, les amendements CL54 et CL65 de M. Raphaël Schellenberger, ainsi que l'amendement CL172 de M. Paul Molac, tombent.
Article 3 : Transfert à la Collectivité européenne d'Alsace des routes nationales et des autoroutes non concédées
La Commission examine l'amendement CL109 de Mme Caroline Fiat.
Par cet amendement de suppression, nous nous opposons à ce que les routes et autoroutes non concédées classées dans le domaine public routier national sur le territoire des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin soient transférées dans le domaine public routier de la Collectivité européenne d'Alsace. Quelle est la cohérence de cette disposition dans le cadre d'une stratégie d'aménagement et des transports qui se doit d'être à la hauteur de l'urgence écologique et qui pour cela nécessite une planification nationale – que nous avons d'ailleurs baptisée dans notre programme « planification écologique » ?
Ce transfert de compétences semble aussi concerner les tronçons d'autoroutes non concédées du futur grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg, alors que cela reporterait la responsabilité de l'État sur l'Alsace pour faire passer plus facilement un projet largement contesté, aux conséquences environnementales désastreuses. Ce sera d'ailleurs l'objet de l'amendement CL113.
C'est l'un des éléments clés de l'accord. Les acteurs souhaitent sortir d'une situation intenable : entre 2003 et 2008, le transit des poids lourds sur le réseau alsacien s'est accru de plus de 6 300 véhicules par jour, soit une hausse de près de 23 % en cinq ans. Transférer à la Collectivité européenne d'Alsace les routes et autoroutes non concédées permettrait de trouver une solution locale pour rééquilibrer le trafic au niveau de l'axe rhénan, notamment par la mise en place d'un équivalent de la Lastkraftwagen Maut allemande. Le Gouvernement sollicitera une habilitation à légiférer par ordonnance sur ce point. C'est en tout cas une situation qui préoccupe au plus haut point les Alsaciens.
Les députés de La France insoumise sont opposés aux concessions ; ce n'est ni notre point de vue ni celui de l'Eurométropole de Strasbourg, qui est en train de réaliser le GCO, un axe essentiel pour mieux réguler le trafic routier. Des solutions concrètes doivent être mises en oeuvre rapidement pour résoudre ces difficultés.
Cet amendement montre combien nos approches sont radicalement opposées : tandis que M. Bernalicis fait de l'idéologie, nous prônons le pragmatisme alsacien. Si l'on avait appliqué la méthode alsacienne en France, le problème écologique que représente le trafic des poids lourds serait réglé depuis bien plus longtemps. En 2004, l'Alsace a obtenu, par l'amendement de notre ancien collègue Yves Bur, l'autorisation d'expérimenter la mise en place d'une « redevance écologique ». Puis il s'est trouvé des politiques qui ont pensé que l'idée était tellement bonne qu'elle devait bénéficier à l'ensemble de la France : c'est devenu l'écotaxe, mais elle a coûté 2 milliards d'euros au contribuable sans que rien ne soit mis en place. Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est la méthode alsacienne : on commence par faire ce que l'on sait faire, on regarde comment cela évolue, et si cela fonctionne, on étend le dispositif.
Je reconnais à M. Bernalicis une certaine cohérence, mais je ne partage pas son opinion. Nos écoles politiques sont différentes : étant davantage influencé par Proudhon que par Marx, j'ai tendance à penser que l'État ne nous veut pas toujours du bien.
L'Alsace est une zone de transit entre la Suisse et l'Allemagne, et l'on sait très bien que les poids lourds, pour éviter de payer l'écotaxe en Allemagne, empruntent les axes français. Nous avons toujours dit que l'écotaxe avait sa pertinence dans les zones de transit, mais pas dans des régions comme la Bretagne, où les camions apportent les marchandises qui nous sont destinées et en repartent avec celles que nous produisons. La logique est différente selon les territoires, et c'est la raison pour laquelle nous avions proposé que l'écotaxe soit régionalisée.
J'invite M. Bernalicis et nos amis de la France insoumise à venir en Alsace et à emprunter l'autoroute A35, séparée par le Rhin de l'autoroute allemande A5. Ils y croiseront des caravanes de camions, qui préfèrent rouler côté français plutôt que de payer la Maut, la taxe allemande sur les poids lourds. Chaque jour, des accidents surviennent sur l'A35 et ils sont parfois mortels. Ce serait faire oeuvre de salut public que d'instaurer une taxe et d'éviter ainsi le report de trafic. Il faudra laisser le plus de liberté possible à la Collectivité européenne d'Alsace pour trouver une solution pragmatique ; l'essentiel est d'assurer la sécurité des usagers qui empruntent régulièrement cet axe.
Si ce projet de loi a été présenté comme une différenciation avant l'heure, M. Bernalicis est opposé au transfert à la Collectivité européenne d'Alsace de la partie du réseau routier national située sur son territoire, estimant qu'elle ne fera pas mieux que l'État pour régler le problème d'engorgement du réseau. Pour ma part, je rejoins M. Schellenberger pour considérer que ce texte constitue un moyen pragmatique de régler un problème que l'État n'a pas résolu au cours des dernières décennies, et qui se traduit par du temps perdu et de très nombreux accidents, parfois mortels, sur l'une des routes les plus dangereuses de France, alors même qu'il s'agit d'une autoroute.
Comme cela a été dit, l'idée d'une taxe sur les poids lourds en Alsace ne date pas d'hier, puisque c'est notre ancien collègue Yves Bur qui avait fait voter un amendement en ce sens en 2005.
Ce sont d'abord les Lorrains qui ont eu l'idée de faire de même dans le sillon lorrain, avant que l'idée de généraliser cette taxe – que j'ai d'ailleurs soutenue – ne se fasse jour.
À un moment donné, certains de nos collègues bretons ont enrayé le système, avec l'appui des bonnets rouges, et le gouvernement d'alors, faible comme ils le sont tous, a cédé, ce qui nous a coûté 800 à 900 millions d'euros – l'estimation de notre collègue Schellenberger est un peu exagérée –, sans compter la perte de recettes d'environ un milliard d'euros par an.
Je me suis félicité que le Sénat ait rajouté l'article 3 bis au projet gouvernemental, car transférer à la Collectivité européenne d'Alsace le réseau routier national situé sur son territoire sans mettre en place parallèlement une taxe sur les poids lourds, c'est ingérable ! En effet, comme l'ont montré les rapports de la Cour des comptes, les moyens actuellement consacrés par l'État au réseau ne permettent même pas d'assurer son entretien.
Parmi les voies qu'il est proposé de transférer à la Collectivité européenne d'Alsace figure la RN4, qui rejoint l'autoroute A4 en Seine-et-Marne. Le problème ne se pose donc pas simplement dans une optique nord-sud, mais aussi est-ouest, avec un trafic qui est l'un des plus importants de France : c'est ce qui a conduit nos collègues du Sénat à estimer qu'on ne pouvait pas limiter la création d'une taxe poids lourds à la future Collectivité européenne d'Alsace. Pour ce qui est de la RN4, cela n'aurait pas de sens d'appliquer la taxe uniquement sur la petite portion de cette voie passant en Alsace, qui ne représente qu'un dixième des quelque 500 kilomètres qu'elle fait au total. Certes, la taxe a été étendue à la Moselle, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges, mais ce n'est pas suffisant, et il serait logique de l'élargir aux huit autres départements.
Monsieur Bernalicis, vous n'êtes pas sans connaître cette citation : « Le communisme, c'est les soviets plus l'électricité. » Pour simplifier les choses, je dirai pour ma part que la Collectivité européenne d'Alsace, c'est la fusion de deux départements avec l'écotaxe ! (Sourires.)
L'amendement de nos collègues de La France insoumise présente au moins l'intérêt de susciter un vrai débat sur le transport routier dans la région Grand Est qui, comme cela a été dit, est celle où est née l'idée d'une taxe poids lourds.
En tant que Mosellan, je veux insister sur le fait que l'A35 et l'A31 sont confrontées à la même problématique : il passe entre 10 000 et 11 000 camions par jour sur l'A31, qui est l'une des voies européennes les plus fréquentées – nous sommes donc au-delà du trafic de Strasbourg. Le tronçon autoroutier de Thionville à Toul est la plus longue section autoroutière gratuite de France.
La question du transport routier dans le sillon lorrain est donc loin d'être négligeable, et elle ne me paraît pas devoir se poser uniquement dans le cadre de la Collectivité européenne d'Alsace, mais donner lieu à un débat à vocation nationale et européenne.
En matière de ferroutage, nous sommes en train de nous faire doubler par les Allemands et les Luxembourgeois, puisque nous n'avons aucun projet à proposer dans ce domaine. De ce fait, je redoute qu'une partie du trafic autoroutier passe de l'A35 vers l'A31. Quand on me dit que cela ne va faire que douze camions de plus par jour sur un flux actuel de 10 000 à 11 000, cela me fait sourire : puisque, sur la section Rotterdam-Bâle, les usagers peuvent passer soit par Strasbourg, soit par l'Allemagne, soit par l'A31, il est évident qu'ils choisiront de passer par l'A31, les Vosges étant gratuites pour ceux qui passent par les cols. Il ne faut donc pas que le débat se limite à la Collectivité européenne d'Alsace.
Chers collègues alsaciens, figurez-vous qu'il n'y a pas que l'Alsace à être confrontée à des problèmes en matière de transport routier, ce qui pourrait justifier que l'écotaxe soit généralisée. En tout état de cause, je vous rappelle que l'autoroute la plus fréquentée d'Europe est l'A1, qui passe à Lille !
Elle ne l'est qu'à partir d'Arras. Entre Arras et Lille, et jusqu'à la Belgique, elle est gratuite ! Je vous invite à m'écouter deux secondes, ce qui va vous permettre de réviser vos classiques. Moi aussi je peux faire le donneur de leçons en parlant de « mon » autoroute, « mon » circuit autoroutier…
De quoi parlons-nous ? Il ne s'agit pas ici de faire un contournement pour éviter que le passage de très nombreux camions sur telle ou telle autoroute française ne provoque des accidents, mais de se demander comment faire pour avoir moins de camions en Europe. Le camion est peut-être le plus beau symbole de ce qu'est l'Europe, où on a favorisé le développement de ce moyen de transport au détriment du rail. Ainsi le train de marchandises allant de Perpignan à Rungis va-t-il être supprimé dès le 30 juin, alors qu'on aurait au moins pu prolonger son existence jusqu'à la mi-juillet…
En tant que député français – n'en déplaise à nos collègues, il n'y a pas ici que des Alsaciens –, je m'efforce de porter un regard objectif sur la situation, et le souci de l'intérêt général me conduit à souhaiter la mise en oeuvre d'une stratégie d'État visant à ce qu'il y ait le moins de camions possible circulant dans notre pays, ce qui nécessiterait d'investir massivement dans le ferroutage. Pourquoi ne met-on pas tous ces camions sur des trains, alors qu'on sait parfaitement le faire ?
Pour cela, ce n'est pas seulement Strasbourg qu'il faudrait contourner, mais la loi de la concurrence libre et non faussée et les traités européens, dont l'application conduit à ce que le recours aux camions et aux travailleurs détachés constitue la solution de transport la moins chère. Comme l'a dit tout à l'heure notre collègue Charles de Courson, c'est la faute des affreux capitalistes, qui se tournent toujours vers la solution la moins chère : si nous sommes tous d'accord sur ce constat, sortons donc du capitalisme !
Pour une fois, je vais être d'accord avec M. Bernalicis… (Exclamations.) Non, rassurez-vous, je plaisante ! Nous ne prétendons pas que ce qui est proposé constitue l'alpha et l'oméga pour résoudre le problème auquel nous sommes actuellement confrontés, et nous n'en espérons en réalité qu'un rééquilibrage du trafic entre les deux autoroutes rhénanes : il s'agit de faire en sorte que tout le trafic ne se concentre pas sur l'une des deux autoroutes alors que l'autre serait épargnée.
Bien sûr, tout ce qui peut être reporté sur le transport ferroviaire ou fluvial doit l'être, mais nous devons surtout faire en sorte de trouver une solution pragmatique le plus rapidement possible – c'est pourquoi nous avons souhaité que l'habilitation soit rédigée en employant l'expression « instaurant une contribution spécifique » plutôt que « tendant à mettre en place une contribution spécifique » – à un problème qui prend une ampleur catastrophique, ce qui nuit d'ailleurs au développement de l'Alsace dans sa globalité.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL113 de M. Ugo Bernalicis.
La société Vinci, dont on entend beaucoup parler en ce moment, est dans tous les mauvais coups, comme elle l'est dans le cadre de son implication dans l'un de ces grands projets inutiles qui nous coûtent un « pognon de dingue » sans rien régler.
Vous dites qu'il faut rééquilibrer le trafic autoroutier. Bien sûr, partageons-nous les particules fines ! Il serait dommage qu'elles soient réservées aux Lillois ou à une partie de l'Alsace ! Je rappelle qu'il y a chaque année en France 60 000 décès directement liés à la pollution de l'air, dont 1 700 dans la seule métropole lilloise. Le préfet du Nord, Michel Lalande, a déclaré que la pollution de l'air constituerait, au XXIe siècle, un scandale équivalant à celui de l'amiante. Effectivement, en plus des décès directs, ce fléau provoque également de très nombreuses maladies venant s'ajouter à celles se rencontrant en milieu urbain.
Si on continue à penser qu'on peut contourner le problème, on se met le doigt dans l'oeil ! Il est grand temps d'arrêter de gaspiller du « pognon » pour ça, et de le consacrer enfin à des projets d'intérêt général, visant en l'occurrence à réduire fortement la circulation de camions dans notre pays. En disant cela, je me considère comme un lanceur d'alerte.
Je ne dis pas que l'écotaxe est une mauvaise idée, et je suis même pour qu'on la généralise à l'ensemble du pays. Je souhaite aussi qu'on taxe le diesel davantage quand il est utilisé pour le transport routier que quand il l'est par les particuliers et, en matière de transport aérien, qu'on augmente les taxes sur le kérosène destiné aux lignes intérieures – nous avons déposé des propositions de loi sur ce thème.
Chacun s'accorde sur le fait qu'il y a une cohérence, pas simplement idéologique, mais pragmatique, sur la question qui nous occupe, dans le cadre d'une planification écologique. C'est pourquoi nous sommes pour l'arrêt de ce projet et pour la mise en place d'une vraie planification à l'échelle du pays, si ce n'est de l'Europe ou du monde.
Vous voulez mener deux débats en même temps, monsieur Bernalicis : d'une part, celui de l'équilibre à trouver entre le transport routier et les modes de transport alternatifs, d'autre part, celui sur la concession. Vous me concéderez que, ce faisant, vous avez tendance à mélanger les genres…
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL184, CL185 et CL186 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL216 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser la répartition des compétences en matière de pouvoir de police de la circulation et du stationnement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL187 et CL188 du rapporteur.
Puis elle adopte l'amendement CL36 de M. Patrick Hetzel.
Elle adopte enfin l'article 3 modifié.
Article 3 bis : Expérimentation d'une redevance kilométrique sur les poids lourds
La Commission est saisie de l'amendement CL217 du rapporteur.
Le présent amendement supprime la taxe poids lourds instituée au Sénat en première lecture. Il est présenté parallèlement à l'amendement qui rétablit à l'article 10 l'habilitation législative permettant d'instaurer des contributions spécifiques versées par les usagers sur les axes relevant de la Collectivité européenne d'Alsace en vue de maîtriser le trafic routier de marchandises.
Si le Sénat a fait une proposition, il reste en réalité un énorme travail à accomplir avec les acteurs du territoire alsacien pour déterminer à la fois la forme que prendra la contribution, la meilleure façon de la compenser vis-à-vis des acteurs économiques, qui la perçoit et comment elle est mise en oeuvre et appliquée. Il semble compliqué de la concevoir comme une extension de la Maut, c'est-à-dire du péage en vigueur en Allemagne, puisque, de leur côté, les Allemands semblent avoir plutôt décidé de nationaliser leur dispositif. Des débats complexes devront avoir lieu et, dans ce contexte, la voie de l'ordonnance nous semble la plus efficace pour faire travailler les acteurs à une solution pragmatique qui pourra s'appliquer dans les meilleures conditions.
Si les arguments techniques avancés par le rapporteur sont bien fondés, le vrai problème est celui de la volonté politique à faire avancer les choses. Pour agir de façon cohérente, et éviter que ce que nous avons vécu avec l'amendement Bur ne se reproduise, il faut que les mesures prises soient appliquées au minimum sur la région du Grand Est, et pas seulement au niveau de la Collectivité européenne d'Alsace. Le Sénat a voulu prendre en considération la situation de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges, mais finalement on pourrait continuer à faire de même jusqu'aux confins du Grand Est…
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous préciser votre position sur ce point ? Êtes-vous favorable à ce que la taxe poids lourds concerne tous les grands axes du Grand Est ?
Pour le moment, nous travaillons dans le cadre alsacien, mais nous ne décourageons personne de prendre des initiatives au sujet d'autres. Soyons pragmatiques : si nous pouvons permettre à la Collectivité européenne d'Alsace d'avancer dans le cadre du présent projet de loi, cela fera déjà un élément réglé !
Comme l'a dit M. Mendes, l'étude effectuée à la demande du ministère des transports met en évidence l'absence d'effet de report évident de la réforme sur l'A31, ces reports se faisant actuellement entre les deux axes les plus proches du Rhin, c'est-à-dire entre l'autoroute allemande et l'autoroute alsacienne. Essayons déjà de régler cette question !
J'avais pour ma part déposé, avec mes collègues du groupe Libertés et Territoires, un amendement CL173 visant à élargir le dispositif proposé, non pas seulement aux départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges, mais à toutes les régions qui le souhaiteraient, car l'article 10 ne concerne que la Collectivité européenne d'Alsace – malheureusement, je pense que cet amendement va tomber.
En effet, si on ne prévoit rien dans ce projet de loi, les autres départements de la région Grand Est pourront éventuellement formuler des demandes, mais il faudra alors déposer de nouveaux projets de loi, ce qui va être lourd et prendre beaucoup de temps. Il me semble donc que nous devrions inscrire dans la loi une mention habilitant le Gouvernement à aller un peu plus loin…
Je vous conseille de vous arrêter au Grand Est, si vous ne voulez pas avoir des bonnets rouges partout !
J'entends bien que, d'un point de vue technique, la rédaction de l'article 3 bis ne répondait peut-être pas à toutes les espérances de la direction des routes et des transports. Cependant, le législateur peut aussi considérer que, pour ce qui est de l'instauration d'une fiscalité nouvelle – en l'occurrence une redevance plutôt qu'une taxe forfaitaire, puisqu'il s'agit d'une contribution versée pour un service, à proportion du service consommé –, son rôle va un peu au-delà de celui consistant à donner au Gouvernement une habilitation à légiférer par ordonnances. Nous n'avons déjà que trop tendance à nous défausser sur le Gouvernement avec des ordonnances, et si nous commençons à le faire même en matière de fiscalité, un domaine où l'Assemblée nationale représente l'État souverain dans sa capacité à prélever l'impôt, cela devient franchement limite !
Pour ce qui est de la notion de pragmatisme, je peux comprendre que d'autres territoires soient tentés par l'application de ce que j'appellerai une « redevance écologique ». Cela dit, à ce jour, le territoire qui a travaillé sur ce sujet, qui l'a préparé et attend désormais les résultats de son action, c'est l'Alsace ! Je sais que la Moselle a commencé à faire de même, et cela ne me dérangerait pas que, demain, elle puisse bénéficier d'un élargissement du dispositif. Dans l'immédiat, il est normal que l'Alsace soit la première bénéficiaire des mesures sur lesquelles elle travaille depuis quinze ans pour résoudre le problème des poids lourds circulant sur ses axes routiers.
J'aimerais que le rapporteur nous donne quelques précisions au sujet de l'article 10 et de l'amendement rétablissant l'habilitation à légiférer, afin que nous comprenions bien où nous allons. C'est important car, en mettant en oeuvre un dispositif au niveau territorial, nous allons créer des différenciations entre les territoires, susceptibles de mettre certains d'entre eux en danger.
Avec tout le respect que nous vous devons, monsieur le rapporteur, je crains qu'avec votre amendement, nous ne fassions encore que procrastiner. Nous allons en effet devoir revenir avec des ordonnances législatives, ce qui va prendre du temps et retarder les choses.
C'est pour éviter cela que nous avions déposé les amendements CL37 et CL63, qui visaient à limiter l'application du dispositif aux territoires de la Collectivité européenne d'Alsace dans un premier temps, dans un souci de pragmatisme. Il y a aujourd'hui une taxe qui s'applique en Allemagne et, tant que nous n'aurons pas mis en place l'équivalent pour l'ensemble du sillon rhénan, le trafic continuera à se reporter sur une partie de celui-ci. On peut toujours rouvrir le débat en invoquant les autres effets de l'application de ce dispositif à certains territoires, mais il est clair que la question prioritaire aujourd'hui est de savoir ce qui peut être fait pour limiter et compenser financièrement l'effet de ce report.
Procrastiner avec des ordonnances n'est pas de nature à nous rassurer, en dépit des amendements gouvernementaux à l'article 10 auxquels vous avez fait référence.
Nous agissons dans une logique d'efficacité : de notre point de vue, les ordonnances vont permettre de continuer un travail déjà largement engagé, mais qui n'a pas encore abouti, même si tous les acteurs impliqués s'activent à cette fin : nous n'avons pas encore réussi à mettre au point la solution adéquate, notamment pour ce qui est des compensations à mettre en place.
L'idée des ordonnances est de donner un délai – qu'il vous sera d'ailleurs proposé de faire passer à dix-huit mois – afin de pouvoir nous mettre d'accord sur la solution à mettre en oeuvre. Par ailleurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons souhaité que l'habilitation soit rédigée en employant l'expression « instaurant des contributions spécifiques versées par les usagers concernés afin de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes relevant de la Collectivité européenne d'Alsace » plutôt que « tendant à mettre en place une contribution spécifique… » – c'est l'objet de l'amendement CL227 à l'article 10. Pour nous, cela témoigne de la volonté du législateur d'assurer qu'une solution soit trouvée.
Je précise, pour ceux qui ne connaissent pas bien le réseau routier de l'est de la France, qu'il s'agit de faire en sorte que le maximum de poids lourds reste sur l'axe Bâle-Karlsruhe pour rejoindre l'Europe du Nord, en les dissuadant de passer en France. Cela pouvait présenter un avantage lorsqu'ils faisaient le plein chez nous mais, maintenant que les carburants sont plus chers en France qu'en Allemagne, ils ne font que passer sur notre territoire et n'y provoquent donc que des nuisances.
Je suis entièrement d'accord avec M. le rapporteur sur l'efficacité que l'on peut attendre du fait de légiférer par ordonnances, et la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale pourra d'ailleurs nous permettre d'examiner ces ordonnances en Commission de manière plus rapide et de perdre ainsi moins de temps. Gardons-nous d'inscrire dans la loi des choses qui, à terme, pourraient empêcher la mise en oeuvre de ce que l'on souhaite pour les Alsaciens !
La Commission adopte l'amendement.
L'article 3 bis est ainsi supprimé.
En conséquence, les amendements CL37 de M. Patrick Hetzel, CL63 de M. Raphaël Schellenberger et CL173 de M. Bertrand Pancher tombent.
Après l'article 3 bis
La Commission est saisie des amendements CL100 et CL101 de M. Bruno Fuchs.
Nous avons adopté en début de séance l'amendement CL199 du rapporteur, qui précise que le volet sanitaire est intégré aux compétences transfrontalières.
Les deux accords-cadres conclus, d'une part avec le Luxembourg, d'autre part avec la Suisse, désignent chacun une seule caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) responsable de leur mise en oeuvre. Ainsi l'accord d'application avec le Luxembourg dispose-t-il que les conventions de coopération s'inscrivant dans l'accord-cadre seront conclues par la CPAM de Moselle, située à Metz, tandis que l'accord-cadre avec la Suisse désigne comme responsable de sa mise en oeuvre la CPAM de Haute-Savoie, située à Annecy.
Cette solution ne paraît pas réaliste, car elle revient à confier à une personne de la CPAM d'Annecy le soin de développer tous les accords de coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse, alors que la frontière avec ce pays, longue de 572 km, concerne trois régions et six départements français, et huit cantons suisses. Les subtilités du droit local rendront la tâche encore plus difficile pour une personne travaillant à Annecy. Dans ces conditions, la coopération sanitaire transfrontalière ne sera jamais une réalité – ou bien cela prendra dix ou quinze ans.
Pour y remédier, l'amendement CL100 vise à préciser que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, située à Mulhouse, est désignée comme référente dans la mise en application de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la République française et le Conseil fédéral suisse.
De même, l'amendement CL101 vise à préciser que la CPAM de Mulhouse est désignée comme référente dans la mise en application de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la République française et la République fédérale d'Allemagne
Afin de remédier au problème que vous évoquez, nous avons voulu rouvrir toute la question du transfrontalier sanitaire – fermée par la rédaction du Sénat, qui ne concernait que la question hospitalière.
Nous avons évoqué cette problématique avec la direction déléguée de l'agence régionale de santé (ARS) la semaine dernière et, même si cela ne relève pas directement du projet de loi, on note une vraie volonté d'apporter une solution à cette question. Pour des raisons pratiques, la CPAM de Haute-Savoie ne peut effectivement pas être la seule responsable de la coopération sanitaire avec la Suisse : au nord, il serait intéressant qu'un interlocuteur alsacien ait à connaître de l'accord-cadre avec la Suisse. La question évoquée fera donc l'objet d'un débat global autour du transfrontalier sanitaire.
J'entends vos explications, monsieur le rapporteur, mais si la question de la compétence n'est pas tranchée dans le cadre du présent projet de loi, la coopération sanitaire transfrontalière va mettre des années à devenir une réalité. La commission des affaires étrangères a adopté à l'unanimité un rapport portant sur cette question et, quand on se penche sur le champ d'application de l'accord-cadre conclu avec la Suisse, qui porte aussi bien sur la question des urgences vitales que sur celle de la mise au point d'une offre de soins coordonnée dans le bassin de vie France-Suisse – on compte six grands thèmes en tout –, on se rend compte de la nécessité de pouvoir disposer sur place d'un interlocuteur chargé de déployer cette compétence, comme nous le proposons avec nos deux amendements visant à confier cette compétence à la CPAM du Haut-Rhin. À défaut, celle-ci ne pourra pas être exercée efficacement.
La Commission rejette successivement les amendements.
J'insiste sur le fait qu'il y a actuellement une réelle volonté de relancer la réflexion sur cette question.
Article 4 : Reprise des personnels des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
La Commission adopte successivement les amendements de précision ou de coordination CL218, CL219, CL220 et CL221 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : Transfert des services et agents de l'État affectés à l'exploitation et à l'entretien de la voirie nationale
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL189 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Article 6 : Compensation financière du transfert de la voirie nationale
La Commission examine les amendements identiques CL206 du rapporteur et CL5 de M. Éric Straumann.
Il n'a jamais été dans les intentions de l'État, ni dans le texte des accords de Matignon, d'envisager une compensation des compétences transférées diminuée du montant des contributions qui pourraient être demandées aux usagers des axes désormais gérés par la Collectivité européenne d'Alsace. Un tel dispositif serait même impensable, puisque cette contribution n'est pas aujourd'hui en vigueur et que son produit demeure par conséquent hypothétique.
Le présent amendement, identique à l'amendement CL5 déposé par M. Straumann, a donc pour objet de lever l'ambiguïté sur ce point, en précisant que la compensation est bien calculée hors la taxe en question, dont on ne connaît pas le montant – pas plus qu'on ne connaît celui des compensations financières qui seront accordées aux acteurs locaux.
La Commission adopte les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL196 rectifié du rapporteur.
Le présent amendement établit le montant des compensations financières consécutives aux transferts routiers prévus à l'article 3 selon la règle communément admise de la moyenne des sommes consacrées par l'État au cours des trois dernières années pour le fonctionnement et des cinq dernières années pour l'investissement.
Cette méthode de calcul est employée pour l'ensemble des transferts de compétences depuis la réforme dite Raffarin de 2003. Les dates de départ et de fin ont donné lieu à un débat, mais nous en avons discuté sur place, à Strasbourg, avec l'ensemble des acteurs, qui sont d'accord pour se ranger à la règle générale. Ils craignaient que l'État ne profite de la situation pour diminuer ses financements en 2019 et 2020. Or, il s'avère qu'en 2019, l'État continue à investir – cela a été le cas jusqu'à présent –, et que ce qui est prévu en 2020 est également significatif.
M. le rapporteur peut-il nous confirmer que ces estimations seront soumises à la commission de transfert des charges ?
Les intuitions initiales que l'on pouvait avoir sur ce point n'étaient pas forcément justifiées, et cet amendement tend effectivement à une adaptation à la réalité de l'état des discussions. D'après les informations dont je dispose, les discussions entre les services de l'État et les départements sont plutôt en bonne voie. Quelles que soient les règles adoptées aujourd'hui, elles dégageront suffisamment de marge de négociation pour s'entendre sur des modalités très techniques portant, par exemple, sur les types de camions passant d'un côté ou de l'autre de la frontière, ou sur les coûts d'entretien et d'investissement. L'intelligence et la volonté de discuter sont présentes et, si la signature portant sur le montant du transfert est encore loin, j'espère que la qualité actuelle de la discussion se poursuivra jusqu'à la date du transfert et que les collectivités et l'État parviendront à un accord correspondant à la juste réalité.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL229 du Gouvernement.
Le présent amendement rétablit la rédaction initiale du projet de loi précisant les modalités de financement du contrat de plan État-région (CPER) à compter du 1er janvier 2021. L'État, les collectivités territoriales et leurs groupements continueront d'assurer le financement des opérations routières dans les mêmes conditions jusqu'à leur achèvement.
En outre, les crédits CPER correspondent à des opérations de grande ampleur dont les financements ne sont pas pérennes par nature. Ils ne peuvent donc être pris en compte dans le calcul du droit à compensation à établir pour la Collectivité européenne d'Alsace et l'Eurométropole de Strasbourg.
Je tiens à préciser que la nouvelle collectivité sera naturellement éligible aux financements du CPER. Il est toutefois difficile de prendre ces financements en compte dans les charges transférées, puisqu'il s'agit de soutiens destinés à des programmes particuliers, dont la collectivité pourra continuer à bénéficier dans les mêmes conditions.
J'émets un avis favorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur, vous pouvez donc nous confirmer que les opérations effectuées sous maîtrise d'ouvrage « État » vont basculer sous maîtrise d'ouvrage de la Collectivité européenne d'Alsace, et que les contributions de l'État seront transformées en une subvention à ladite Collectivité ? De ce point de vue, l'amendement gouvernemental n'est pas très clair.
La nouvelle collectivité pourra abonder aux crédits du CPER, comme d'autres collectivités le font dès lors que le programme correspondant est éligible.
Oui, mais ce n'est pas la question. Quand un CPER prévoit un investissement sous maîtrise d'ouvrage « État », il est logique que le transfert d'une route à la Collectivité européenne d'Alsace entraîne le transfert de la maîtrise d'ouvrage à celle-ci. Dans ce cas, si l'État avait prévu l'apport d'une subvention de 50 millions d'euros, cette somme a-t-elle vocation à se transformer en une subvention d'investissement à la Collectivité européenne d'Alsace ? Cela n'est pas dit explicitement dans l'amendement. Pourtant, l'État ne peut continuer à avoir la maîtrise d'ouvrage sur des biens transférés.
L'État, les collectivités territoriales et leurs groupements continueront d'assurer le financement des opérations routières dans les mêmes conditions que celles prévues actuellement jusqu'à l'achèvement de ces opérations. Lorsque des engagements ont été pris sur la maîtrise d'ouvrage, ils seront effectivement maintenus. C'est écrit noir sur blanc dans le dispositif.
La question de M. de Courson portant sur les investissements en cours – une question technique, ne posant pas de problème particulier – devra être levée d'ici à la séance publique.
Pour ma part, je m'interroge sur les investissements à venir. En effet, la logique change puisque, si jusqu'alors le CPER était conçu comme un moyen pour l'État de faire contribuer les collectivités à ses propres investissements – en l'occurrence, aux routes nationales, au financement desquelles les collectivités abondent –, demain c'est l'État qui va abonder aux investissements de la Collectivité européenne d'Alsace dans les projets d'infrastructure.
Pour l'existant, c'est le contrat de plan 2015-2020 qui s'applique et, même si la maîtrise d'ouvrage change, les soutiens seront maintenus jusque vers 2023 – le temps d'achever la réalisation des projets.
Pour ce qui est des investissements à venir, il existe un cas particulier, celui du CPER dans le cadre duquel l'État et la région se mettent d'accord sur un certain nombre de projets à soutenir. La Collectivité européenne d'Alsace aura alors la possibilité d'abonder aux fonds concernés. Il y a eu débat sur l'opportunité de maintenir les CPER. S'ils venaient à disparaître, cela poserait certaines difficultés, comme pour toutes les autres collectivités, et nous ne pouvons qu'espérer que cela n'arrivera pas.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Article 7 : Succession de la Collectivité européenne d'Alsace aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
La Commission adopte l'amendement de précision CL197 du rapporteur.
En conséquence, l'amendement CL56 de M. Raphaël Schellenberger tombe.
Si mon amendement CL56 tombe, il aurait fallu le mettre en discussion commune, madame la présidente ? Je le redéposerai en vue de la séance publique. Je suis désolé, mais les amendements du rapporteur nous ont été communiqués trois heures avant le début de cette réunion…
Allons, monsieur Schellenberger, restons-en à ce que vous vouliez dire au sujet de votre amendement…
Il y a un débat important que nous n'avons pas pu avoir en raison du classement des amendements, madame la présidente…
Il n'y a aucun problème de classement, monsieur Schellenberger, et les débats se déroulent de manière parfaitement satisfaisante. Je vous demande maintenant de poursuivre votre intervention sur le fond.
Je maintiens que, si l'adoption de l'amendement du rapporteur a eu pour conséquence de faire tomber le mien, c'est qu'il aurait dû faire l'objet d'une discussion commune. L'amendement du rapporteur est basé sur la même logique que le texte initial, puisqu'il fixe une date butoir pour l'extinction des délibérations des collectivités : d'ici à cette date, la nouvelle collectivité, qui reprend jusqu'à fin 2026 les délibérations en l'état, devra avoir délibéré à nouveau dans tous les domaines.
À mon sens, nous devons faire en sorte d'assurer la sécurité juridique des délibérations en ne mettant pas de date butoir, car il peut se trouver que sur certains sujets, il ne soit pas nécessaire de délibérer à nouveau, et que des délibérations antérieures puissent vivre au-delà du 31 décembre 2026. La rédaction du rapporteur me paraît donc convenir, si ce n'est qu'il faudrait supprimer la précision « et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2026. »
Je redéposerai un amendement en ce sens, mais je souhaite que nous puissions travailler sur cette question avant la séance publique.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL190, CL191 et CL192 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La Commission est saisie de l'amendement CL8 de M. Éric Straumann.
Cet amendement vise à ce qu'à l'instar de Strasbourg, qui a été désignée chef-lieu de la région grand Est, Colmar soit le chef-lieu de la Collectivité européenne d'Alsace. Il ne faut pas confondre chef-lieu et siège de la collectivité : si le siège est fixé par l'assemblée concernée elle-même, lors de sa séance d'installation, la détermination du chef-lieu permettra de fixer définitivement les services de l'État. Je souhaite voir appliquer le même régime qu'en Corse, où il y a deux préfectures, ceci afin d'éviter que la préfecture de Colmar ne disparaisse.
Je vous rassure, monsieur Straumann, même sans votre amendement, la préfecture de Colmar n'a pas vocation à disparaître, non plus que celle de Strasbourg. Il restera bien deux départements, deux chefs-lieux, et un conseil départemental, qui choisira son siège. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, en réponse à M. Schellenberger, je précise que la date retenue à article 7 l'a été à la demande des acteurs concernés. Quoi qu'il en soit, suite à ce qui s'est passé dans le cadre des régions, tout le monde s'accorde sur le fait qu'il est opportun de fixer une date pour que les régularisations se fassent dans un délai donné.
Comme l'a très justement rappelé M. le rapporteur, il existe un précédent, celui de la Corse. Cela dit, ce précédent n'est pas un exemple : deux départements pour 340 000 habitants, et alors qu'il existe une collectivité territoriale unique, vous avouerez que ce n'est pas raisonnable ! À l'heure où on cherche partout des économies à réaliser, il y aurait sans doute là quelque chose à faire… De même, il ne me paraît pas justifié d'avoir deux préfets en Alsace, alors qu'il existe une collectivité départementale unique. Je sais bien que des problèmes d'organisation peuvent se poser, et qu'on devrait alors assurer la répartition équilibrée des services entre Colmar et Strasbourg, mais la réforme proposée n'est pas raisonnable !
Je pense que l'organisation déconcentrée de l'État n'a pas à se caler systématiquement sur l'administration décentralisée – c'est aussi cela, l'innovation – et il me paraît parfaitement légitime de conserver une préfecture à Colmar et une autre à Strasbourg, d'autant que cette dernière, qui est également préfecture de la région Grand Est, a des fonctions-support que ne possède pas la préfecture du Haut-Rhin. L'examen des amendements portant sur ce point est l'occasion de préciser que le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ne disparaissent pas, mais que ces deux départements restent des administrations déconcentrées.
Nous pourrions tous déposer des amendements visant à ce que le chef-lieu de la Collectivité européenne d'Alsace soit situé dans telle ou telle ville – Strasbourg, Mulhouse, Haguenau, etc. Je rappelle que l'échec de la création du conseil d'Alsace unique est, au moins pour partie, dû au fait qu'on avait instillé le poison de la division entre les Alsaciens, en faisant croire que les Haut-Rhinois allaient se faire manger par les Bas-Rhinois, ou l'inverse… De grâce, mes chers collègues, laissons les Alsaciens choisir le siège de leur collectivité et répartir les services, les assemblées et les exécutifs – et de même, laissons à l'État ses attributions en matière d'organisation administrative !
Si cet amendement n'est pas adopté, il y a de grands risques pour que, d'ici à quelques années, la préfecture de Colmar disparaisse. Au demeurant, il n'y a pas de raisons pour ne pas faire pour Colmar ce que nous avons fait précédemment pour Strasbourg. Notre collègue Becht confond toujours le chef-lieu et le siège, qui sont deux choses bien distinctes.
Le Haut-Rhin est un grand département, qui compte 770 000 habitants, ce qui justifie la présence d'une préfecture. Il s'y ajoute le fait que le préfet du Bas-Rhin est surchargé d'activité et qu'il a du mal à gérer cette grande collectivité. Le fait d'attribuer à la préfecture de Colmar le contrôle de légalité et l'exercice de l'action de l'État garantit aussi une forme de décharge au préfet de la grande région, et j'espère donc que cet amendement de bon sens va être adopté.
Notre collègue Charles de Courson est brillant, mais je dois lui rappeler qu'il n'y a pas deux préfets en Alsace : il y a un préfet du Haut-Rhin et un préfet de la région Grand Est et du Bas-Rhin. Prenons l'exemple de la météo : on ne peut pas annoncer qu'il pleuvra dans le Grand Est car l'Alsace a un microclimat. Colmar est la ville où il pleut le moins en France !
Je vais en profiter pour défendre par avance mon amendement CL141 qui est quasiment identique. Le précédent référendum sur la collectivité territoriale d'Alsace a échoué parce que dans le Haut-Rhin, le « non » l'a emporté par 55 %. Les Haut-Rhinois ont exprimé la crainte de voir les centres de décision transférés vers Strasbourg, qui est déjà l'Eurométropole. Un girondin n'est rien d'autre qu'un jacobin de province et je trouve qu'il est bon d'inscrire dans la loi que les services de l'Etat doivent être préservés dans le Haut-Rhin.
La Commission rejette l'amendement.
Article 8 (art. L. 280-1 et L. 280-2 [nouveaux] du code électoral) : Dispositions électorales
La Commission examine les amendements identiques CL59 de M. Raphaël Schellenberger et CL99 de M. Bruno Fuchs.
Dès 2010, j'avais proposé que le conseil d'Alsace installe son siège dans la commune de Wattwiller et je vous promets que d'ici à la séance, j'élaborerai un argumentaire étayé pour expliquer à quel point l'histoire de ma commune rejoint celle de l'Alsace.
L'amendement CL59 vise à simplifier la compréhension qu'ont les Alsaciens du fonctionnement de la collectivité en désignant sous le nom de « conseillers d'Alsace » les conseillers départementaux de la Collectivité européenne d'Alsace.
Le groupe MODEM, qui a déposé un amendement identique, ne peut que se féliciter de la démonstration de M. Schellenberger.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL141 de M. Bruno Fuchs.
L'amendement CL146 de M. Bruno Fuchs est retiré.
La Commission adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL193 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Article 9 : Habilitation à légiférer par ordonnances pour procéder aux adaptations rendues nécessaires par la création de la Collectivité Européenne d'Alsace
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL194 et CL195 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 9 modifié.
Article 10 : Habilitation à légiférer par ordonnance dans le domaine routier
La Commission examine l'amendement CL131 de M. Vincent Thiébaut.
Cet amendement propose de porter de douze à dix-huit mois le délai d'habilitation pour le Gouvernement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite les amendement CL227 et CL226 du Gouvernement.
L'amendement CL227 rétablit l'habilitation législative et confirme que l'ordonnance instaurera des contributions spécifiques versées par les usagers sur les axes relevant de la Collectivité européenne d'Alsace en vue de maîtriser le trafic routier de marchandises.
L'autre amendement du Gouvernement, le CL226, vise, quant à lui, à rétablir l'habilitation initialement prévue par le 2° de l'article 10 du projet de loi. Cette habilitation est nécessaire pour préciser les dispositions techniques applicables au réseau routier qui sera transféré. En outre, la répartition des pouvoirs de police pourra être précisée par ordonnance, au regard de leur complexité – nous avons tout à l'heure adopté un amendement prévoyant que ces pouvoirs seront exercés pour l'essentiel par le président de la nouvelle collectivité – et dans le respect des principes définis à l'article 3 du texte. Le président du conseil départemental disposera sur la voirie transférée, hors autoroutes, des pouvoirs de police de la circulation prévue à son bénéfice pour la voirie départementale, dans le cadre des conditions de droit commun, tandis que le préfet disposera de ce pouvoir sur les autoroutes.
En vingt-six ans, je n'ai jamais vu un amendement semblable ! On ne peut déléguer le pouvoir de créer un nouvel impôt par le biais d'une ordonnance sans l'encadrer un minimum. Soit nous devons repousser cet amendement en invitant le Gouvernement à déposer un autre amendement qui encadre la délégation, soit notre rapporteur doit s'engager à proposer un encadrement.
Relisez donc le dispositif : « Instaurant des contributions spécifiques versées par les usagers concernés afin de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes relevant de la Collectivité européenne d'Alsace ». Ce n'est tout simplement pas possible de voter une telle disposition !
Il y a une volonté de l'ensemble des acteurs d'avancer sur la question, mais nous sommes confrontés à la nécessité de mener un travail de fond sur la manière dont seront mises en place ces contributions spécifiques, sur leur nature même, sur leurs bénéficiaires.
Le Gouvernement fera diverses propositions aux acteurs locaux et c'est seulement quand ils se seront mis d'accord qu'interviendra l'ordonnance. Son intention n'est pas de travailler seul et d'imposer une solution sui generis. Compte tenu de la complexité des sujets à traiter, le délai dont il disposera sera de dix-huit mois au lieu de douze mois.
J'estime que c'est une bonne manière de procéder car ce processus se fait au bénéfice de l'ensemble des acteurs.
Je suis tout à fait d'accord avec M. de Courson. Monsieur le rapporteur, nous avons supprimé le mécanisme que le Sénat avait introduit par l'article 3 bis et je ne comprends pas votre justification – qui, en réalité, est celle du Gouvernement. Vous nous dites qu'il faut un temps de préparation, que le dispositif n'est pas prêt techniquement. Mais ce que vous vous apprêtez à introduire en Alsace, c'est l'écotaxe, qui était prête et qui devait être généralisée à la France entière !
Ce que je crois, c'est que le ministère des transports n'est pas prêt à assumer l'introduction de cette écotaxe en Alsace. Et je peux vous dire nous nous battrons en séance pour que ce dispositif soit inscrit dans la loi, parce que nous avons besoin de garanties certaines sur l'instauration en Alsace d'une redevance écologique sur le trafic des poids lourds.
Il ne faudrait pas donner l'impression que ce débat est local ou national, alors qu'il est européen. La Cour de justice de l'Union européenne a d'ailleurs rendu un arrêté, dans lequel elle indique que la taxe doit s'appliquer à tous les poids lourds, ou à tous les utilisateurs de la route, et pas seulement aux étrangers, avec une exonération ou une compensation au niveau national.
L'Union européenne travaille actuellement à des directives relatives aux mobilités et aux transports, afin d'homogénéiser les règles au niveau européen. Je pense qu'il est sage de se donner dix-huit mois pour mener à bien cette réflexion. Des propositions avaient certes été faites sous le quinquennat de François Hollande, mais on a fait marche arrière. Ma circonscription a d'ailleurs payé les pots cassés, puisque 300 emplois y ont été détruits. Nous devons préparer l'avenir intelligemment, éviter de nous précipiter et travailler avec le Gouvernement et les acteurs concernés.
Certes, mais ne prenons pas le risque de voir notre texte condamné par la Cour de justice de l'Union européenne. Nous ne réglerons cette question qu'au niveau européen : construire une réponse franco-française ou franco-alsacienne ne servirait strictement à rien.
J'aimerais apporter une précision, en me faisant le porte-parole des collectivités locales, qui sont conscientes des difficultés. Je signale, au passage, qu'une assistance à maîtrise d'ouvrage est en cours d'élaboration et doit être finalisée.
Nous cherchons à inscrire dans la loi des dispositions très techniques et très détaillées, mais nous ne sommes pas en mesure de juger du travail qui est fait par les collectivités et par le Gouvernement – et je peux vous dire qu'ils travaillent. En deux ans, nous avons déjà réussi à apporter des réponses à des problèmes qui se posaient depuis trente ans. Je pense donc que nous pouvons encore attendre dix-huit mois, même si je suis conscient de l'urgence. Je remercie le Gouvernement, le rapporteur et cette majorité pour leur action.
Je voterai cet amendement du Gouvernement, parce que je pense qu'il faut un maximum de flexibilité. Comme le disait Jean de La Fontaine : « En toute chose il faut considérer la fin. » Et la fin, c'est bien de réguler le trafic sur l'axe routier.
Il convient d'examiner les différentes voies possibles. La taxe en est une, mais je partage les préoccupations de M. Mendes : l'instauration de cette taxe peut poser des problèmes juridiques. Il ne faut donc pas écarter d'un revers de la main les autres possibilités, y compris celle d'une redevance, qui pourrait être perçue par le propriétaire de l'ouvrage sur les différents publics qui y circuleraient, notamment les poids lourds – mais peut-être pas exclusivement. C'est en faisant preuve du maximum de flexibilité que nous trouverons les solutions les meilleures, dans le temps qui nous est imparti. Il faut que cette taxe soit effective en vue de la création de la Collectivité européenne d'Alsace le 1er janvier 2021.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que l'instauration d'une telle taxe devrait être accompagnée de mesures réduisant les charges qui pèsent sur les transporteurs français. Mais cet amendement ne permettra pas au Gouvernement de prendre de telles mesures, puisqu'il n'en dit pas un mot. Il faudrait, au minimum, ajouter une phrase indiquant que le Gouvernement veillera à prendre des mesures de compensation. Je maintiens que ce dispositif ne tient pas et qu'il faut l'encadrer.
Au contraire, nous pensons que le débat doit continuer. Nous tenions absolument à ce que l'amendement ne contienne pas une formule vague ou un verbe au conditionnel, mais qu'il indique clairement que l'ordonnance instaurera des contributions spécifiques pour réguler le trafic de poids lourds. Et c'est le cas.
Monsieur Schellenberger, lorsque nous avons débattu la semaine dernière en présence de la ministre, vous avez parlé d'une écotaxe, tandis que votre collègue Éric Straumann disait qu'il fallait seulement généraliser la Maut, le péage en vigueur en Allemagne. Vous le voyez : entre vous, entre nous, entre les acteurs, il y a aujourd'hui un débat sur la technique à employer. Faut-il une vignette, des péages, des portiques ? Sur le plan des techniques, fiscales aussi bien que physiques, de vraies questions se posent encore. Il faudra que le Gouvernement nous fasse des propositions et qu'elles soient validées par les acteurs, y compris les acteurs économiques.
La Commission adopte successivement les amendements CL227 et CL226.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Article 11 : Entrée en vigueur
La Commission adopte l'amendement de coordination CL198 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Après l'article 11
La Commission examine l'amendement CL142 de M. Bruno Fuchs.
Je suis très heureux de présenter ce dernier amendement, qui concerne la décentralisation, l'efficacité et l'intérêt public.
Il faut souvent du temps pour reconstruire des bâtiments ouverts au public lorsqu'ils ont été détruits par un incendie ou une inondation – je songe par exemple à des sièges d'associations ou à des gymnases. Les citoyens sont alors privés de leur usage.
L'État a imaginé, pour Notre-Dame, une procédure particulière. Je propose, avec cet amendement, que l'on puisse, dans certains cas, imaginer un système dérogatoire aux règles en matière de commandes publiques, d'urbanisme ou d'environnement, de façon à accélérer la réfection de bâtiments ouverts aux publics. Je propose que la Collectivité européenne d'Alsace profite de ce dispositif à titre expérimental, pour une durée de cinq ans.
Il s'agit, me semble-t-il, d'un amendement d'appel, qui soulève un certain nombre de questions intéressantes. Nous sommes loin, néanmoins, du cadre précis de ce projet de loi. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable. Il pourrait être déposé sur d'autres textes et enrichir ainsi notre droit en la matière.
Je félicite le rapporteur pour sa sagacité et son esprit d'analyse. Il s'agit effectivement d'un vrai sujet de réflexion. Je retire mon amendement, mais je le retravaillerai en vue de la séance.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La réunion s'achève à 0 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Éric Ciotti, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Sacha Houlié, Mme Catherine Kamowski, Mme Alexandra Louis, M. Ludovic Mendes, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, M. Jean-Pierre Pont, M. Rémy Rebeyrotte, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Huguette Bello, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Mansour Kamardine, Mme Maina Sage, M. Arnaud Viala
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Jacques Cattin, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Charles de Courson, M. Bruno Fuchs, M. Antoine Herth, M. Patrick Hetzel, M. Frédéric Reiss, M. Éric Straumann, M. Bruno Studer, M. Vincent Thiébaut, M. Sylvain Waserman