La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Sur les amendements nos 225 , 487 , 701 , 1064 , 1116 , 1323 , 1538 , 1551 , 1878 , 2079 , 2080 et 2081 , je suis saisi par les groupes Les Républicains, Socialistes et apparentés, et La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à exprimer ma solidarité avec mes collègues ultramarins, qui souhaitent la suppression de l'article 4. L'abattement supplémentaire de l'impôt sur le revenu n'est pas un caprice ou un cadeau fiscal, mais correspond à une réalité : la cherté de la vie et la rupture d'égalité qu'entraînent l'éloignement et l'insularité de nos outre-mer. En outre, je rappelle que Saint-Martin, qui a été dévasté il y a un peu plus d'un an par le cyclone Irma, et dont l'économie est en berne, subit de surcroît un effet ciseaux lié à la double insularité et à la règle des cinq ans de résidence fiscale. L'article 4 prévoit le plafonnement de la réduction, mais celui-ci s'appliquera également aux non-résidents fiscaux vivant à Saint-Martin, c'est-à-dire aux personnes demeurant depuis moins de cinq ans sur le territoire de la collectivité et considérées comme contribuables en Guadeloupe ou dans un autre DOM – département d'outre-mer. Ce serait particulièrement injuste pour ces personnes, particulièrement fragilisées depuis le passage d'Irma, comme tous les Saint-Martinois. Dès lors, je demande la suppression de l'article 4.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 701 .
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, madame la ministre des outre-mer, je voudrais associer à mon propos celui qui m'a alertée sur les dispositions de l'article 4 : mon collègue Mansour Kamardine. Cet article traite des collectivités visées à l'article 73 de la Constitution, à propos desquelles j'ai retrouvé des déclarations fort intéressantes. En 2000, alors qu'il était Président de la République, Jacques Chirac a plaidé, à Madiana, en Martinique, pour des statuts différenciés, sur mesure, pour ces collectivités. En 2010, Nicolas Sarkozy – ce nom doit vous parler, monsieur le ministre – a défendu, à La Réunion, les statuts multiples et des solutions institutionnelles adaptées à ces territoires ultramarins. Ce sont des déclarations de grands Présidents de la République. L'article 4 impactera de façon impressionnante – à hauteur de 10 % – l'impôt sur le revenu de ces contribuables qui créent des emplois au niveau local. C'est l'inverse du discours présidentiel, des lois de programmation pour les outre-mer et des conclusions du « Livre bleu outre-mer », présenté récemment, en 2018. Pour toutes ces raisons, cet article doit être supprimé.
Madame la ministre, ce matin, vous avez vous-même admis qu'il n'y a pas eu de concertation sur ce point, ce qui est tout à votre honneur – je n'imaginai pas que vous puissiez dire le contraire. Ce matin, nous avons souligné, avec l'unanimité poignante et sincère de ceux qui connaissent leur territoire et prennent le pouls de ses populations, que 10 % d'augmentation sur une part d'impôt – à laquelle il faut ajouter, pour certains, l'augmentation de la CSG, la contribution sociale généralisée – représentait une rupture d'égalité. Nous avons également expliqué que nos économies sont, qu'on le veuille ou non, par le fait de l'histoire, des économies de comptoir, essentiellement fondées sur la solidarité : 25 % de la population et 50 % de la jeunesse y est au chômage ! Si nous ne connaissons pas actuellement la même situation qu'en 2009, c'est grâce à cette solidarité. C'est peut-être là que la théorie du premier de cordée vaut pleinement. Madame la ministre, nous vous avons expliqué qu'il aurait fallu davantage de concertation et une évaluation, mais vous ne semblez pas nous entendre. Puisque votre intransigeance va vous amener à réitérer un avis défavorable, je persiste, en argumentant, à demander la suppression de l'article 4.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 1116 .
Madame la ministre, j'ai bien entendu vos propos de ce matin. Vous nous avez dit en préambule : « Vous me connaissez tous ». Mais je ne vous reconnais pas ! Ce ne sont pas 4 % mais bien 20 % de ceux qui paient l'impôt qui seront touchés par cette mesure législative, qui ne m'apparaît porteuse ni d'efficacité ni de développement. Vous évoquez le fonds exceptionnel d'investissement, le FEI, mais vous savez que celui-ci ne sera jamais utilisé dans sa totalité puisqu'il est impossible de mener à bien des projets d'envergure en une année. Dans ces conditions, d'une part, l'État va faire de la trésorerie sur le dos des contribuables ultramarins et, d'autre part, le reliquat du FEI ne profitera probablement pas à l'économie locale. En maintenant cet article, vous reprenez aux ultramarins les plus vulnérables leur salaire mensuel. Ce sont des gardes d'enfants, des jardiniers, des aides ménagères, des animateurs sportifs qui iront demain pointer à Pôle emploi. C'est du concret ! C'est la réalité ! Vous ne pouvez pas nier que les classes moyennes aisées devront faire des choix quand leur pouvoir d'achat sera ainsi revu à la baisse, et que l'économie locale s'en trouvera mise à mal, puisque les activités de service à la personne, le tourisme local, la restauration et le sport pâtiront de cette décision brutale – c'est peu dire – et prise sans concertation. Les outre-mer connaissent un taux de chômage important, qui a encore progressé de plus de 4,7 points – soit 168 000 chômeurs – à la suite de différentes mesures prises par votre Gouvernement : baisse drastique des contrats aidés, fin de l'APL, l'allocation personnalisée au logement, et bien d'autres. Nous n'avons pas besoin de ce nouveau coup de poignard. Cet amendement vise donc à supprimer l'article 4.
En plus de tous les arguments qui ont été évoqués ce matin dans la discussion sur l'article, je voudrais faire observer qu'il s'agit d'un affaiblissement de la solidarité nationale, et même d'une négation du principe de solidarité nationale, dans la mesure où l'on veut faire financer leur développement par les outre-mer elles-mêmes. Surtout, je voudrais insister sur le fait – qui suffirait à lui seul à justifier la suppression de l'article – qu'une bonne loi ne saurait se faire contre l'avis de tous les intéressés. C'est le cas pour cet article, qui rencontre l'hostilité de tous les parlementaires issus de ces territoires, quels que soient les bancs où ils siègent, y compris ceux de la majorité.
Madame la ministre des outre-mer, vous le savez, au mois de juillet, j'ai testé cette réforme du plafond de l'abattement fiscal dans mon département : la Guadeloupe. Aussi, nos concitoyens m'ont convaincu : la réforme est hasardeuse, à trois égards.
Tout d'abord, s'agissant de la méthode, c'est une réforme non concertée que le ministère a engagée non avec les outre-mer, mais contre les ultramarins. Les assises des outre-mer auraient dû être l'occasion de la concertation préalable et d'une communication d'envergure sur le sujet. Par manque de méthode, la réforme parvient à faire pratiquement l'unanimité contre elle.
Ensuite, sur le principe, sous couvert de solidarité nationale, la réforme sème les ferments de la division nationale. Oui, elle divise les DOM et les COM – les collectivités d'outre-mer – en laissant les contribuables « domiens » participer seuls au financement de dispositifs situés aussi dans les COM, où l'impôt sur le revenu n'est pas applicable. Elle divise également les DOM entre eux en distinguant les abattements selon une prétendue richesse de certains DOM, la Martinique, la Guadeloupe ou La Réunion, par rapport aux autres, la Guyane ou Mayotte, comme si une misère valait mieux qu'une autre. Elle divise enfin en faisant perdre de son sens à la notion même de solidarité nationale puisqu'elle fait reposer sur les seules capacités contributives des foyers des DOM les investissements nécessaires au développement de tous les outre-mer.
Enfin, madame la ministre, la mesure est contestable dans ses effets. Le FEI existe depuis l'adoption de la LODEOM – la loi pour le développement économique des outre-mer – , en 2009, et, alors même qu'il n'est abondé pour l'heure qu'à hauteur de 40 millions d'euros, ce fonds n'est même pas mobilisé à 100 %, faute d'expertise et de pilotage de projets, notamment au niveau communal.
D'ailleurs, l'inspection générale de l'administration le relevait déjà dans un rapport du mois de septembre 2012, dénonçant le manque de lisibilité dans les investissements réalisés grâce au fonds exceptionnel d'investissement.
Aussi, madame la ministre, les outre-mer vous demandent-ils solennellement de ne pas jouer aux apprentis sorciers avec cette réforme, dont l'impréparation et l'inefficacité auront des incidences négatives sur nos économies.
Pour notre part, en deuxième partie du projet de loi de finances, nous déposerons un amendement visant à supprimer l'indemnité d'éloignement, qui bénéficie exclusivement aux fonctionnaires hexagonaux mutés dans certaines COM. L'économie, que la Cour des comptes a évaluée à 140 millions chaque année, n'aurait aucun effet sur le pouvoir d'achat des ménages ultramarins, …
… et ce montant pourrait venir abonder le fonds exceptionnel d'investissement, donc rendre sans objet la réforme de l'abattement fiscal.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, LR, SOC et FI.
En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 4 du projet de loi de finances pour 2019, qui prévoit de réformer l'abattement fiscal en outre-mer.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1551 .
Je partage l'analyse de M. Serva mais je tiens à insister sur quelques points, madame la ministre, pour essayer une fois encore de vous convaincre.
Comment pouvez-vous admettre l'existence d'une prime d'éloignement de 60 % pour les fonctionnaires de l'Hexagone qui vont travailler en outre-mer et ne pas y toucher ? Comment expliquer cela ? Une prime d'éloignement de 60 % pour aller travailler dans un département d'outre-mer ! Nous sommes dans la continuité territoriale…
Tout à l'heure, vous avez dit que 4 % des contribuables seront touchés. Vous avez raison, votre calcul étant fondé sur une base de 1,18 million de personnes, si l'on se réfère aux foyers fiscaux. Mais 80 % de ceux-ci ne paient pas l'impôt, pour des raisons multiples – s'ils bénéficient de l'abattement, mais aussi s'ils vivent dans une situation difficile. En effet, n'oubliez pas que le taux de chômage atteint 23 à 25 % à La Réunion, par exemple, ce qui signifie que de nombreux habitants ne paient pas d'impôts parce que leurs revenus sont insuffisants, qu'ils se situent sous le seuil, voilà tout !
Vous avez également indiqué, non sans vigueur, que ce sont non pas 4 % mais 20 % des 244 000 personnes redevables de l'impôt qui sont concernées, ce qui est très clair. J'insiste sur ce point : il ne s'agit pas des classes supérieures mais de personnes dont les revenus se situent entre 40 000 et 50 000 euros.
Je souhaite réfuter un argument surprenant que ma jeune collègue Amélie de Montchalin a repris en commission.
Je vous prie de m'excuser, madame, même si parler de « jeune collègue » est une marque de respect.
Vous avez dit que les ex-colonies ont bénéficié d'un apprentissage, d'une espèce d'éducation au paiement de l'impôt. Comment avez-vous pu dire cela ? Si vous le permettez, je vais vous faire un rapide cours d'histoire. Dès 1866, sous Napoléon III, les outre-mer ont bénéficié de ce que l'on appelle « l'autonomie fiscale » : les gens payaient un impôt spécifique, une espèce de taxe personnelle. En 1892, le ministre Méline a supprimé ce dispositif et a mis en place une aide particulière pour accompagner les gens dans le paiement de l'impôt, dont dès lors ils se sont acquittés. Ce n'est qu'en 1946 que ce dernier est étendu aux revenus, quatorze ans avant cette fameuse date de 1960, où l'abattement est instauré parce que des Européens venus travailler en Martinique et en Guadeloupe bénéficiaient d'un autre abattement, de 40 %, contrairement aux Martiniquais ou aux Guadeloupéens exerçant le même boulot.
À mon avis, votre argumentation ne tient donc pas du tout.
Pardonnez-moi, mais le système n'est pas le même.
Enfin, vous me gênez terriblement parce que, sur les 70 millions que vous prélevez, vous reversez 20 millions aux cinq départements d'outre-mer et 50 millions à des départements qui ne sont pas soumis à l'IR, l'impôt sur le revenu ! C'est une injustice incroyable ! Vous nous opposez les uns aux autres car, vous êtes bien placée pour le savoir, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, la fiscalité est très différente ! Ces amis, ces frères et soeurs bénéficieront de la redistribution d'une partie de cette somme ! De mon point de vue, c'est une injustice !
Je vous suggère donc d'accepter les amendements de suppression de l'article 4 ou au moins de vous contenter de réduire l'abattement, de sorte que nous puissions dialoguer. Pour conclure, je vous le répète : nous ne sommes pas opposés à ce qu'une discussion s'ouvre, le temps qu'il faudra. Vous le constatez vous-même : il n'y a pas eu de concertation. Il me semble extrêmement injuste de l'avouer et de maintenir votre position.
Je rappelle à tout le monde que le temps de parole est de deux minutes…
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1878 .
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet dans mon intervention sur l'article mais je souhaite dire, avant d'y revenir, combien je m'associe aux différentes interventions de mes collègues, notamment de celle du président de la délégation aux outre-mer, membre de votre majorité.
Monsieur le ministre, madame la ministre, vous voyez bien que les élus ultramarins de cet hémicycle sont unis contre votre proposition. Je vous appelle donc à entendre raison et à abandonner vos arguments, qui ne tiennent pas la route. Nous nous opposons à ce coup de rabot sur notre économie locale, suffisamment fragile pour qu'on ne puisse pas se permettre d'en retirer au moins 70 millions, afin de nourrir un fonds dont nous ne connaissons ni la répartition ni l'efficacité. L'étude d'impact sur cette question est très insuffisante. Par ailleurs, nos territoires ont besoin de la solidarité nationale, pas de la solidarité entre territoires ultramarins. Ce n'est pas aux régions pauvres de financer des régions encore plus pauvres ; c'est à l'État de prendre ses responsabilités et d'assumer son rôle vis-à-vis des territoires ultramarins, qui ont terriblement besoin d'un immense plan de rattrapage.
Plusieurs problèmes se posent.
Premièrement, nous n'avons aucune assurance que le fonds sera utilisé intégralement – je crois me souvenir que, certaines années, ce ne fut pas le cas.
Deuxièmement, le taux de contribution de chaque territoire ne sera pas obligatoirement proportionnel à ce que le fonds y financera concrètement. On va donc déshabiller Pierre pour habiller Paul. Nos services publics se meurent sur nos territoires, nos concitoyens vivent de moins en moins bien et sont de plus en plus pauvres ! L'outre-mer a surtout besoin d'une politique de lutte contre l'exclusion et la cherté de la vie, et c'est à la solidarité nationale d'intervenir !
Mes chers collègues, faites confiance aux ultramarins pour savoir ce qui est bon pour eux ! Nous ne voulons pas de cette mesure. Je vous appelle donc à voter pour les amendements de suppression, qui dépassent les clivages politiques et fédèrent les ultramarins, quels que soient les groupes politiques auxquels ils appartiennent !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 2079 .
Je ne reviendrai pas sur les propos que j'ai tenus lors de mon intervention sur l'article mais sachez, madame la ministre, que vos arguments peinent à me convaincre. Il est vrai, vous l'avez dit, que vous assumez ; c'est une bonne chose car vous devez, je crois, assumer pleinement la décision que vous prenez aujourd'hui.
Vous êtes désormais convaincue que ce ne sont plus 4 % mais 15 % – c'est la première fois que j'entends évoquer ce taux – ou plutôt, selon nous, 20 % de personnes qui seront effectivement lésées. Vous avez terminé votre intervention en annonçant 2,1 milliards pour les contrats de convergence, et la majorité vous a applaudie. J'ai donc essayé de comprendre d'où sort cette somme. Selon le « bleu budgétaire », les autorisations d'engagement pour les contrats de convergence s'élèvent à 188 millions, ce qui, sur quatre ans, revient à 752 millions. Nous sommes loin de 2,1 milliards !
Pourquoi donc cette somme ? Je me suis reportée à un document publié par votre propre service de la communication, selon lequel l'État n'abandonne en aucun cas les territoires d'outre-mer, l'ensemble des ministères s'apprêtant à débloquer 2 milliards d'euros dans le cadre des prochains contrats de convergence et de transformation. Mais voici ce que vous y avez mis : la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, qui sert à la péréquation ; 1 milliard pour les établissements hospitaliers – je rappelle à ce propos, puisque mon territoire est concerné avec le CHU de Pointe-à-Pitre, établissement public, que l'État est obligé d'intervenir en la matière et que cela ne passe pas par les contrats de convergence – ; et enfin, chose surprenante, 700 millions en faveur de la formation professionnelle. Qui fera croire ici qu'une telle somme sera dépensée quand on sait que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel votée ici est inapplicable chez nous et que l'ordonnance qui permettra de l'appliquer n'est pas encore écrite ?
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 2080 .
Madame la ministre, je vous ai entendue ce matin ; donc, vous assumez. Je reviens sur une décision fondamentale qui distingue sans doute nos approches, car j'assume également mon action pendant une année – moins de temps que vous, donc – en tant que ministre des outre-mer. Je crois, moi, à la solidarité nationale. Je crois que, pour les territoires les plus éloignés des moyennes nationales en termes d'indice de développement humain et sanitaire, de besoin d'écoles, de crèches, la solidarité nationale a toute sa place et rien que sa place. C'est ce qui fait la différence entre ce que vous nous proposez et la politique que nous avons menée.
Dans la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, nous avons en effet soutenu un rattrapage pour Mayotte en matière de prestations sociales, le maintien de la ZFA – zone franche d'activité – , des investissements structurants via le FEI, mais par et uniquement par la solidarité nationale.
Vous nous dites que l'argent de l'IR sera ponctionné dans les départements d'outre-mer, ce qui nous gêne beaucoup car il s'agit de solidarité ultramarine. Vous ne pouvez d'ailleurs pas faire autrement puisque les collectivités d'outre-mer, elles, bénéficient de l'autonomie fiscale. Néanmoins, trois d'entre elles sur six ne perçoivent pas d'IR. Et, même si d'autres pratiquent aussi des abattements, en raison du régime d'autonomie fiscale, on ne peut pas prendre leur argent. Vous prenez donc la richesse des départements d'outre-mer pour financer l'ensemble des politiques publiques pour les outre-mer.
C'est une différence fondamentale. Moi, je ne crois pas à cette méthode. Conformément à la loi de programmation pour l'égalité réelle outre-mer, votée à l'unanimité ici et au Sénat, je crois qu'au bout d'un certain temps, dix, quinze ou vingt ans, selon les territoires, lorsque ceux-ci auront atteint le niveau moyen national en matière d'éducation, de santé ou de sécurité, oui, nous pourrons revenir sur des systèmes qui existent depuis trop longtemps mais qui ont fonctionné, madame la ministre. Si, à La Réunion, je suis passée d'une case en tôle sans eau et sans électricité à ma situation actuelle, qui permet de vivre dignement, c'est grâce à ce système !
C'est un fait, vous devez l'entendre, madame la ministre ! À l'avenir, nous pourrons toujours réviser ce système mais ce que vous faites là est très dangereux.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement no 2081 .
Ma demande est identique : la suppression de l'article 4.
Je souhaite poser des questions simples à M. le ministre et Mme la ministre, qui sont venus chez nous, comme d'autres – M. le Premier ministre, Mme la ministre des solidarités et de la santé, M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, le Président de la République. Mais êtes-vous allés sur nos marchés ? Avez-vous acheté un yaourt dans un petit « lolo », comme on dit en Guadeloupe ou en Martinique, pour comparer les prix avec la métropole ? Connaissez-vous la différence de prix d'un livre scolaire, à la rentrée de septembre, entre l'Hexagone et nos territoires ultramarins ? Madame la ministre, la coupe est pleine, nos territoires grondent et nous ne savons pas comment nous pourrons répondre aux populations ultramarines.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur cette série d'amendements tendant à supprimer l'article 4.
Je serai bref car je ne veux pas paraphraser les longs propos que Mme la ministre des outre-mer a tenus ce matin. Il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre. Vous nous expliquez tous – et c'est un avis que je partage – qu'il y a beaucoup à faire dans les outre-mer de France en faveur du rattrapage économique, mais aussi de la lutte contre la grande pauvreté qui y sévit. Or le plafonnement de la réduction d'impôt prévu à cet article, s'il est appliqué, ne concernera que 50 000 foyers fiscaux, soit 4,34 % du total – les ménages qui atteignent le plafond n'étant que 6 500, soit moins de 2 % du total. Le recentrage d'une mesure de réduction d'impôt sur les foyers les plus modestes ne me semble pas être autre chose qu'une mesure de justice fiscale et sociale. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
La parole est à Mme la ministre des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Cette question a pris une ampleur démesurée par rapport au nombre de personnes qui seront touchées par la réforme. Ce que je veux vous dire, c'est que personne ici, surtout pas moi, ne conteste les spécificités, les difficultés ou les retards des territoires d'outre-mer en termes d'infrastructure. Oui, madame Manin, j'ai fait le tour de tous les territoires d'outre-mer, je les connais bien, et je peux vous dire que le yaourt est malheureusement un peu plus cher encore chez moi qu'à la Martinique.
Mais ne dites pas que la réforme de l'abattement fiscal aura des répercussions sur le coût de la vie dans les territoires d'outre-mer ! Il ne bénéficie qu'à 4 % des ménages ! Est-il normal que l'État aide davantage ces 4 % de la population, plutôt que les personnes, très nombreuses en outre-mer, qui vivent de minima sociaux ? On se trompe de combat. Je suis d'accord avec vous : nous devons travailler sur les minima sociaux ; le Gouvernement vient d'ailleurs de le faire puisque l'augmentation de la prime d'activité concerne aussi les territoires d'outre-mer. J'ai entendu que les classes moyennes seraient touchées par cette mesure mais, pour ma part, je ne considère pas qu'une personne qui gagne plus de 4 500 euros par mois fasse partie de la classe moyenne – et cela vaut aussi pour moi. La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers représentera 134 millions d'euros de plus pour les territoires d'outre-mer, au bénéfice de l'ensemble de leur population, notamment de leur classe moyenne. Il ne faut pas se focaliser sur la question de l'IR, car l'ensemble des mesures prises par le Gouvernement s'appliquera aussi dans les territoires d'outre-mer, ce qui est normal.
L'exonération des prélèvements sociaux sur les heures supplémentaires, dont vous avez débattu préalablement, va aussi s'appliquer dans les départements et régions d'outre-mer – mais pas dans les COM.
Le débat sur le statut des COM, des DOM et des ROM – les régions d'outre-mer – n'est pas d'actualité. Quand j'ai été nommée ministre des outre-mer, j'ai été celle qui a dit à tous les députés et tous les sénateurs que s'ils voulaient ouvrir la question des statuts, j'y étais prête, et je le suis toujours ! Mais le seul député qui a essayé de réfléchir à ces questions et qui a formulé des propositions – j'ai l'habitude de dire la vérité – , c'est Serge Letchimy : lui seul a cherché à aller plus loin pour préciser les spécificités des territoires d'outre-mer et la reconnaissance de leur différenciation. Nous y travaillerons dans le cadre de la réforme constitutionnelle.
Si chacun des territoires d'outre-mer persévère à vouloir gérer lui-même sa fiscalité, alors allons-y ! Je ne transférerai pas la fiscalité aux outre-mer s'ils n'en font pas la demande, mais si tel est leur volonté, pourquoi ne pas leur reconnaître cette liberté ? Serge Letchimy appelait à plus de démocratie économique : j'y suis favorable, mais les territoires d'outre-mer y sont-ils prêts ? Je n'en suis pas certaine, et nous devrons avoir ce débat dans les jours à venir.
J'aimerais maintenant que nous nous mettions d'accord sur les chiffres, une fois pour toutes. Le nombre de foyers imposables n'est pas de 244 000, comme l'a dit Serge Letchimy, mais de près de 350 000. Cela signifie que nos calculs sont justes et que seuls 4 % des foyers et 15 % des bénéficiaires seront concernés par cette réforme, comme je l'ai dit ce matin. Cela signifie que 85 % des bénéficiaires ne seront pas touchés.
J'aimerais apporter quelques précisions, parce que tout le monde ne connaît pas finement les territoires d'outre-mer, ce qui est d'ailleurs normal. Les élus de l'outre-mer ne connaissent pas non plus finement la situation de la Bretagne ou de la Normandie, par exemple ; quand je voyage à travers l'Hexagone, je découvre des situations que je ne connaissais pas, et il est normal que nous nous informions les uns les autres. Il faut que vous sachiez que les territoires d'outre-mer sont les territoires de France dont la fiscalité est la plus inégalitaire : le système fiscal y est deux fois moins redistributif que dans l'Hexagone. Il faut donc que nous nous interrogions sur ce modèle et que nous essayions de le faire bouger.
Je suis d'accord avec vous pour dire que la convergence ne peut pas aller sans la transformation. Nous parlions l'autre jour, avec le Président de la République, de tous les jeunes qui quittent la Martinique : s'ils partent, ce n'est pas parce qu'on va toucher à l'IR ni parce que nous essayons de définir un écosystème économique différent ; c'est parce qu'ils ne voient pas d'avenir, parce qu'ils ne se projettent pas dans le futur. Moi, je vous propose que nous nous projetions ensemble dans l'avenir. Or ce n'est pas la question de l'IR qui va changer quoi que ce soit, vous le savez.
J'essaie ! Le FEI est un outil essentiel : c'est justement lui qui vient aider les collectivités à combler les retards constatés dans les territoires d'outre-mer. Vous m'avez donné des chiffres de 2012, je crois ; moi, je vais vous donner ceux de 2016 et de 2017, que certains d'entre vous connaissent. En 2016, sur les 40 millions du FEI, 39,4 millions d'euros ont été consommés. Alors ne prétendez pas que le FEI n'est pas consommé ! En 2017, on a même consommé 49 millions d'euros, ce qui signifie qu'on a même ajouté 9 millions d'euros – bravo à ceux qui l'ont fait ! Selon les territoires, on finance d'un projet sur cinq à un projet sur dix déposés ; c'est bien le signe que ce mode de financement pose un problème et qu'il faut aller beaucoup plus loin.
C'est ce que nous ferons, mais l'IR ne sera pas le seul outil ; nous allons renforcer la solidarité nationale.
Du reste, vous ne pouvez pas dire qu'elle n'existe pas déjà : la solidarité nationale existe en matière de santé, puisque le plan santé fait des territoires d'outre-mer une priorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ne dites pas qu'il n'y a pas de solidarité nationale, alors que l'État finance à 100 % l'hôpital de la Guadeloupe – je le dis avec transparence et réalisme, même si cette décision ne m'est pas due.
On construit un nouvel hôpital en Guadeloupe, qui est financé à 100 % par la solidarité nationale : on peut s'en féliciter !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
On pourrait prendre de nombreux autres exemples. La solidarité nationale augmente de jour en jour dans les territoires d'outre-mer ; elle a augmenté sous le gouvernement précédent et cela continue sous celui-ci, vous ne pouvez pas dire le contraire. Je déteste les chiffres par habitant mais, s'il le faut, je les donnerai – même si je ne suis pas certaine que cela serve l'outre-mer de recourir à de telles données…
Justement, c'est ce que je fais !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Que sommes-nous en train de faire avec l'IR ? Nous considérons que 4 % des foyers fiscaux bénéficient aujourd'hui d'un abattement qui peut être remis en cause et nous avons obtenu – j'ai obtenu – que le Gouvernement redistribue 100 % de la somme obtenue par cette mesure dans les territoires d'outre-mer.
Lorsque nous en viendrons au vote sur les crédits de la mission « Outre-mer », nous pourrons poser la question de la réforme du FEI. Devons-nous en faire un outil co-piloté ? Pourquoi pas : je ne suis pas fermée sur la question. Faut-il qu'une partie des 70 millions d'euros soit partagée avec les COM ? Je ne suis pas opposée à ce qu'on en discute, même si j'estime, à titre personnel, qu'on risque globalement d'y perdre en mélangeant les DOM et les COM.
Ce que je veux, c'est le progrès pour tous et partout ! Mais le progrès pour tous, cela signifie aussi que ceux qui doivent contribuer davantage le fassent effectivement, dans les territoires d'outre-mer comme en métropole, pour qu'on puisse aider ceux qui sont en difficulté. Je suis une femme de gauche et je l'assume : c'est pour cela que je réforme l'impôt sur le revenu pour les 4 % de foyers fiscaux les plus aisés dans les outre-mer. Je n'ai aucune difficulté à le dire et je l'assume complètement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai entendu des choses totalement fausses au sujet des contrats de convergence et de transformation, qui vont remplacer les contrats État-région. Ce sont 2,1 milliards d'euros qui seront investis dans les territoires d'outre-mer, par le ministère des outre-mer, bien sûr, mais pas seulement : les ministères chargés de l'intérieur, des transports, de la santé, de la formation professionnelle et des sports participeront également à ces projets, qui seront négociés par les préfets sur chaque territoire. Cela n'inclut pas la CSPE, la contribution au service public de l'électricité, pas plus que les crédits concernant les hôpitaux ou l'agriculture, mais cela laisse, on le voit, une grande liberté de décision. La solidarité nationale existe plus que jamais, mais cela n'interdit pas d'être plus équitable et plus juste avec tous les contribuables sur tous les territoires d'outre-mer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous nous avez fait remarquer, madame la ministre, que nous n'étions pas des spécialistes de la fiscalité d'outre-mer – moi le premier – , que nous ne connaissions pas toutes les spécificités et les difficultés de vos territoires. Toutefois, en écoutant mes collègues représentant les outre-mer, sur tous les bancs de l'hémicycle, j'ai perçu un sentiment d'humiliation et de discrimination, j'ai ressenti le mépris dont souffrent ces territoires. Votre relation avec les territoires en général me semble assez dégradée. On perçoit clairement une forme d'incompréhension, par exemple sur les chiffres, puisqu'on assiste, depuis tout à l'heure, à une bagarre de chiffres assez spectaculaire.
Nous sommes d'accord sur les chiffres !
Madame la ministre, vous êtes même allée jusqu'à dire que ces territoires auraient besoin d'une éducation citoyenne à l'impôt !
Je n'ai pas dit cela ! Jamais ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Par ailleurs, certains de vos propos ont presque prouvé que la théorie du ruissellement ne marche pas dans les outre-mer. Alors pourquoi voulez-vous que cela marche en métropole ?
Nos collègues d'outre-mer sont manifestement presque en état de choc et rejettent unanimement la disposition que vous leur proposez. J'ai presque l'impression qu'il manque une ministre au banc : celle de la lutte contre les discriminations.
Madame la ministre, vos propos s'inscrivent dans la droite ligne des convictions que nous vous connaissons : vous pensez que les outre-mer sont privilégiés et qu'il y a des privilégiés en outre-mer. Vous vous apprêtez à porter un coup à l'économie des outre-mer, puisque je répète qu'aucun élément des plans de convergence n'est mis en place au jour d'aujourd'hui. Vous allez légiférer contre l'avis de l'ensemble des députés ultramarins ; vous allez légiférer contre l'avis de la population ultramarine ; vous allez légiférer contre ceux qui font l'économie dans l'outre-mer. Nous en prenons acte.
Madame la ministre, vous savez que je ressens un profond respect pour vous. Je prends la parole dans cet hémicycle avec beaucoup de gravité, mais aussi avec le sens des responsabilités. Peut-on sérieusement considérer que la suppression de l'abattement ou la diminution du seuil suffira à faire des économies et à rediriger les flux ? Mon propos est de nous faire sortir d'un onirisme coupable qui voudrait que des territoires longtemps délaissés soient transformés en mauvais élèves de la République. Oui à la refonte fiscale ! Oui aux investissements ! Oui à la solidarité nationale ! Oui à la définition de nouveaux modèles économiques sur nos territoires ! Mais pas à n'importe quel prix, mes chers collègues. Mon propos est non pas de m'opposer à la transformation de nos économies, vous le savez très bien, madame la ministre, mais d'inscrire toutes nos initiatives, nos démarches et nos lois dans des logiques économiques lisibles par tous, qui ne participent pas d'un pur symbolisme ou d'une recherche effrénée des bons coupables.
Mes chers collègues, je vous invite, vous tous ici sur ces bancs, à venir sur nos territoires, et pas seulement pour une ou deux journées. Je crois à la sincérité de Mme la ministre des outre-mer, Annick Girardin, car elle est îlienne comme nous, mais il faudra bien qu'à un moment donné, elle écoute les parlementaires qui ont systématiquement accompagné chacune de ses décisions. Mes chers collègues, venez sur nos territoires et restez-y une semaine ! Je vous invite personnellement !
Madame la ministre, je ne mets pas en doute votre sincérité car je sais, depuis de longues années, combien vous êtes attachée au développement de nos territoires d'outre-mer. Il est vrai que les mesures prévues aux articles 4 et 5 visent de très anciennes dépenses fiscales : le plafonnement de la réduction d'impôt sur le revenu et la suppression de la TVA non perçue récupérable. Depuis des années, nous nous interrogeons quant à leur réelle efficacité réelle, voire leur équité, disons-le honnêtement. L'idée de transformer ces aides fiscales anciennes en des actions beaucoup plus efficaces, liées à l'investissement outre-mer, est une bonne orientation, mais je ne comprends pas, madame la ministre, la brutalité avec laquelle vous opérez.
J'ai étudié les évaluations préalables, tant de l'article 4 que de l'article 5. Aucune option progressive n'est proposée. Or, s'il est bien un proverbe que nous devons appliquer en matière de finances publiques et de fiscalité, c'est celui-ci : chi va piano, va sano.
Sourires.
Il s'agit, en l'espèce, de transformer de la dépense fiscale en crédits budgétaires. Or nous savons tous que les crédits budgétaires se régulent, se limitent, qu'ils diminuent au fil du temps. Puisque vous avez à vos côtés l'excellent ministre de l'action et des comptes publics, il faut que soit pris un engagement absolu sur le fait que ces crédits budgétaires, dans ce fonds d'investissement exceptionnel, seront utilisés jusqu'au dernier euro, qu'il n'y aura pas de régulation ! Je me mets à la place des collègues d'outre-mer, de Serge Letchimy et d'Olivier Serva pour ne citer qu'eux. On ne connaît que trop la musique, entendue dans le domaine du logement et dans bien d'autres : une dépense fiscale est remplacée par du crédit budgétaire mais l'année suivante, le crédit budgétaire est raboté, réduit !
Nous avons été obligés de déposer des amendements de suppression parce que nous ne pouvions pas faire autrement, mais nous ne demandons rien d'autre que des mesures progressives. Cela dit, je ne doute pas de votre sincérité, madame la ministre, et je souhaite que nous trouvions un consensus sur ce sujet.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Merci pour votre accueil, chers collègues. Je n'interviendrai pas sur le fond, qui est très technique.
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne comprends pas tout, certains sigles m'échappent, à peu près autant qu'à tous ceux qui applaudissent sur ces bancs.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je tiens toutefois à signaler la quasi-unanimité des collègues qui se sont exprimés avant moi : M. Max Mathiasin, groupe du Mouvement démocrate et apparentés, Guadeloupe ; M. Jean-Hugues Ratenon, groupe La France insoumise, La Réunion ; M. Serge Letchimy, groupe Socialistes et apparentés, Martinique ; Mme Ericka Bareigts, groupe Socialistes et apparentés, La Réunion ; Mme Hélène Vainqueur-Christophe, groupe Socialistes et apparentés, Guadeloupe ; Mme Justine Benin, groupe du Mouvement démocrate et apparentés, Guadeloupe ; M. David Lorion, groupe Les Républicains, La Réunion ; Mme Nathalie Bassire, groupe Les Républicains, La Réunion ; et surtout M. Olivier Serva, groupe La République en marche, Guadeloupe, qui préside la délégation aux outre-mer et appartient à vos rangs, chers collègues de la majorité.
Voulons-nous faire le bonheur des peuples d'outre-mer malgré eux ? Savons-nous ce qui est bon pour eux ? N'est-il pas gênant de constater que, lorsque vous vous exprimez, madame la ministre, seuls des élus métropolitains vous applaudissent ?
À nouveau, chers collègues de la majorité, je vous invite à réfléchir à votre vote.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
J'ignore si mon collègue Jean-Hugues Ratenon compte publier les noms des votants sur Facebook
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LaREM
mais je crois que nous devons réfléchir à notre vote quand, aussi clairement, tous les élus des îles se sont exprimés sur cet article et que vous n'avez été applaudie que par des élus métropolitains.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai redemandé la parole, monsieur le président, pour éclaircir un problème et lever toute ambiguïté. Il est vrai, madame la ministre, que vous, personnellement, n'avez jamais parlé d'aider l'outre-mer à l'apprentissage de la fiscalité, mais cela a été dit.
Vous avez dit, en commission, que le dispositif des abattements avait été instauré en 1960 pour habituer l'outre-mer à payer l'impôt.
C'est même le verbe « acclimater » qui a été employé…
Oui, et c'est encore pire ! Connaissez-vous le Jardin d'acclimatation, dans le bois de Boulogne ?
Ce n'est pas moi qui ai employé ce terme.
Je ne vous intente pas de procès d'intention, madame la ministre. Je me suis simplement permis de corriger cette erreur en vous rappelant que nous payons des impôts depuis 1866 : l'autonomie fiscale a alors été accordée à la Martinique ; puis elle a été supprimée au profit d'un autre système ; plus tard, en 1947, l'impôt sur le revenu a été instauré. Cela ne date pas de 1960. Nous n'avons pas eu besoin de leçons d'apprentissage. Nous ne sommes ni des enfants ni des bébés ; nous sommes capables de payer l'impôt comme tout le monde !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, FI et GDR.
Il me semblait important de le rappeler car vous êtes en train de faire naître un contentieux moral. Je ne le dis pas pour stigmatiser ma collègue mais parce qu'elle n'a pas voulu s'exprimer aujourd'hui et qu'elle ne connaît pas l'histoire. Or les fonctionnaires de l'Hexagone qui venaient travailler chez nous bénéficiaient, en compensation, de 60 % d'abattements, tandis que les pauvres Réunionnais et Antillais n'avaient absolument droit à rien ! La mesure que vous mettez en cause relevait donc de la justice sociale. Vous parlez d'égalité mais, selon l'article 73 de la Constitution, l'égalité peut justifier que des mesures différentes s'appliquent quand les situations sont différentes. C'est parce que notre économie est particulière que cet abattement a été décidé. Pourquoi voulez-vous le supprimer à présent ?
Madame la ministre, excusez-moi, mais vous savez que je suis un partisan sincère de ce que l'on appelle l'émancipation économique, d'une nouvelle démocratie économique, car, en toile de fond, il s'agit de sortir de l'économie de plantation et d'importations massives. Je ne suis pas celui qui veut rester arc-bouté sur la fiscalité telle qu'elle est, …
… mais comment pouvez-vous mettre fin à ce dispositif avec une telle virulence, sans mettre en place un plan de développement pour ces territoires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR.
Qui ne voit pas le piège qui nous est tendu dans ce débat ? Vous essayez d'installer un clivage entre les représentants des territoires d'outre-mer et le reste de la représentation nationale. Mon groupe parlementaire ne veut en aucun cas entrer dans cette dialectique et tomber dans ce piège. Je comprends parfaitement que les représentants de ces territoires puissent être amenés à défendre la position qui est la leur. Je la respecte – je respecte autant celle des membres de mon groupe que les autres – et je ne suis même pas certain que je ne défendrais pas la même ligne si j'étais à leur place.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.
Sourires.
Néanmoins, le devoir de la représentation nationale est de défendre l'intérêt général et, en l'espèce, il s'agit de répondre très clairement à deux ou trois questions simples.
Exclamations.
Laissez-moi finir. Collectivement, non. Le rôle du débat démocratique est de faire apparaître cet intérêt général, et nous essayons d'y parvenir par un débat controversé mais absolument légitime.
Je reviens à ces questions, qui sont simples. Objectivement, les avantages fiscaux accordés, sur lesquels nous souhaitons revenir, ont-ils servi le développement des territoires d'outre-mer par le passé ?
Nouvelles exclamations.
Non ! Si nous revenons sur ces avantages fiscaux, la solidarité nationale cessera-t-elle de jouer en direction de l'outre-mer ? Il est bien évident que non. Les montants en jeu, ces 70 millions, pèsent-ils lourd par rapport à la totalité des transferts de la métropole vers les territoires d'outre-mer ? Non, ce montant représente très peu, par rapport à des milliards.
L'effort que nous demandons aux contribuables des DOM-TOM frappe-t-il les populations les plus fragiles, les plus vulnérables ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations ininterrompues.
Ces faits sont incontestables, et vos arguments font litière de la dimension symbolique que représente cette mesure. Nous devons prendre cette décision, elle est saine, elle ne désavantage en rien, elle consiste à prendre aux populations les plus aisées pour financer des infrastructures qui bénéficieront à tous.
Je suis étonné qu'aucun de nos collègues de gauche, notamment de La France insoumise, ne reconnaisse cette réalité, alors qu'ils nous accusent, à longueur de débat, de mener une politique en faveur des riches ! Je leur oppose le démenti le plus fort.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur de nombreux bancs.
Je constate que nous sommes tous très en forme. J'espère que nous le serons tout autant dans la nuit de vendredi à samedi, à cinq heures du matin.
Exclamations.
Pourquoi pas ? Je n'y vois aucun inconvénient.
Monsieur Ruffin, pour votre anniversaire, je vous offre un cadeau, une jolie phrase, d'un grand poète français, Charles Péguy : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles. »
Sourires. – Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vous avez avoué vous-même que vous ne compreniez pas tout – je ne m'attendais pas à être à ce point éclairé sur votre propre pensée – mais je ne vous jetterai pas davantage la pierre car je crois que vous avez assez bien résumé le contenu de votre intervention.
J'ai au moins la franchise de le dire, pas comme les 300 députés de la majorité qui font semblant de comprendre !
Commencez par apprendre, monsieur Ruffin, que ce n'est pas celui qui crie qui a raison. Je vous ai écouté calmement et attentivement. J'espère que nous pourrons échanger, …
… que votre respect de la démocratie vous permet d'écouter ceux qui pourraient exprimer un avis différent du vôtre, sans couvrir leurs propos du son de votre voix.
Monsieur Carrez, chi va piano, va sano e va lontano. Vous, on ne peut pas dire que vous ayez été doucement puisque vous n'avez rien fait, lorsque vous présidiez la commission des finances, pour avancer sur la question des niches ultramarines ou de l'impôt sur le revenu.
Je trouve assez salé, monsieur le député, que vous donniez désormais des leçons de non-réduction de crédit budgétaire alors que vous nous invitez chaque jour à tout réduire – les dépenses fiscales, les crédits budgétaires. Hélas, à chacune de nos propositions, vous rétorquez que ce n'est pas le lieu ou qu'il faudrait aller plus doucement !
J'avoue, monsieur Carrez, que votre intervention m'a amusé. Je le dis d'autant plus que je peux prendre l'engagement solennel, devant la ministre de l'outre-mer, que le Gouvernement ne touchera pas aux crédits de l'outre-mer – d'ailleurs nous les augmentons.
Prenons du recul. Je respecte les différentes opinions qui se sont exprimées, et je les comprends, comme je comprends les difficultés de ces territoires. Le chiffre de 22 % de taux de chômage a été cité ; c'est le même dans ma commune ! Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui aiment un territoire et, de l'autre, ceux qui ne l'aiment pas ; il y a peut-être des gens un peu plus ignorants d'un sujet ou d'un autre. En outre, il me semble légitime que, même si vous êtes député de la nation, vous défendiez en partie ce qui vous touche le plus, à savoir votre territoire. Cela étant, monsieur le député, vos arguments sont souvent faux, notamment pour ce qui concerne les chiffres, nous y reviendrons.
Votre question est importante ; puisque, jusqu'à présent, personne ne l'avait posée, je me permets d'y répondre. Nous nous engageons à ne pas diminuer les crédits des outre-mer. Ils augmentent même de 20 %, en passant de 2 milliards à 2,4 milliards, soit une augmentation de 400 millions d'euros, alors que nous parlons là de 70 millions – je reviendrai sur tous les chiffres dans quelques instants. Ces 400 millions, obtenus par Mme Girardin, représentent la plus importante augmentation des crédits d'outre-mer – je le dis notamment à l'attention de ceux qui furent naguère aux responsabilités. De plus, monsieur le député, depuis l'adoption de la magnifique LOLF – la loi organique relative aux lois de finances – , les décrets d'avance, que les gouvernements venaient vous présenter en vue de raboter des crédits, n'existent plus : à la demande du Président de la République et du Premier ministre, je n'en présenterai pas tant que je serai ministre de l'action et des comptes publics, afin de garantir la sincérité de nos budgets. Nous avons donc sanctuarisé l'augmentation des crédits de l'outre-mer et, jusqu'à la fin du quinquennat, ces 2,4 milliards d'euros ne seront pas amputés d'un seul euro.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je perçois le doute, assez néfaste, qui s'installe, selon lequel il y aurait, d'un côté, les intérêts des ultramarins et, de l'autre, ceux du reste de la nation, privée des ultramarins.
Il convient en effet de la combattre absolument.
Des deux côtés, monsieur Pupponi, nous devons rester calmes : vous représentez la nation française dans sa totalité, tandis que je suis un simple exécutant. Des territoires ultramarins étaient déjà français bien avant Nice et la Savoie. Il ne s'agit donc pas d'établir des distinctions géographiques dans la volonté de servir la France, voire dans le fait d'avoir versé son sang pour elle. Il est toutefois possible de regarder les chiffres en prenant un peu de recul – je suis là pour cela.
Nous parlons de 70 millions d'euros, dans le cadre d'un dispositif qui concerne des personnes qui gagnent au moins 5 000 euros par mois – c'est-à-dire, pour aller vite, les revenus d'un parlementaire – , à savoir 4 % de la population. Que la droite trouve cette mesure scandaleuse, c'est une habitude culturelle, …
Sourires
… et j'ai pu pécher. Mais il est intéressant que la gauche juge scandaleuse la redistribution d'un avantage concernant les 4 % les plus riches au bénéfice des 96 % restants.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM – Exclamations.
D'autant que vous avez signé, monsieur Pupponi, en tant que membre du groupe Socialistes et apparentés – je sais que la composition des groupes est en voie de modification – , un amendement que Mme Pires Beaune a défendu avant-hier visant à demander un effort supplémentaire aux plus hauts revenus, en ne revalorisant, pour les métropolitains, que de 0,3 %, et non de 1,6 %, le seuil de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu. Nous n'y étions pas défavorables.
La critique pourrait honnêtement venir de Mme Pires Beaune, qui n'est pas encore intervenue et dont je me fais le porte-parole : elle pourrait, en effet, ne pas trouver cette mesure cohérente avec notre refus de la revalorisation de 0,3 %. Je constate, en tout cas, des divergences au sein même de votre groupe.
Puisque nous en sommes aux calculs, connaissez-vous le montant des dépenses fiscales consenties par la nation, c'est-à-dire par tous les contribuables assujettis à l'IR, au bénéfice des territoires d'outre-mer ?
Il s'élève à 4 milliards. Or voici la difficulté spécifique à laquelle doit faire face la ministre des outre-mer : elle ne pilote que peu de crédits, à peine 2 milliards – nous les augmentons l'année prochaine – sans pouvoir piloter 4 milliards de dépenses fiscales, lesquelles profitent manifestement aux plus riches, puisque ces dépenses concernent ceux qui sont assujettis à l'impôt.
Monsieur Letchimy, les territoires ultramarins – notamment les départements d'outre-mer, que vous avez cités – sont les plus grands bénéficiaires, devant les territoires métropolitains, de la suppression de la taxe d'habitation pour les 80 % des contribuables les plus modestes : le manque à gagner pour les finances publiques s'élèvera à 134 millions d'euros, Mme la ministre a déjà cité ce montant !
Connaissez-vous, monsieur le député, le montant des crédits européens versés aux territoires ultramarins français ? Il s'élève à 3,5 milliards d'euros.
Je n'ai jamais dit le contraire ! Vous pourriez même vous battre pour obtenir une augmentation de ces crédits. Des crédits sont même tellement légitimes que, pour notre part, nous vous proposons une augmentation de 400 millions d'euros. J'ignore quel autre ministère voit ses crédits augmenter de 20 % dans le PLF ; il n'y en a aucun, monsieur le député.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Que ce rattrapage soit nécessaire, je n'en disconviens pas. Les territoires ultramarins n'ont pas à demander l'aumône mais il faudrait sans doute faire un peu plus. Mais il n'est pas possible d'affirmer, comme je vous entends le faire depuis onze heures ce matin, que les outre-mer sont maltraités en matière de finances – je vous ai écoutés silencieusement, voire religieusement.
Et connaissez-vous le montant de l'impôt sur le revenu acquitté par les ultramarins, si vous m'autorisez cette distinction géographique : 800 millions d'euros pour 4 milliards de dépenses fiscales. Et vous protestez pour 70 millions d'euros concernant 4 % des contribuables les plus riches ! J'ai entendu des propos excessifs, parfois même insultants pour la politique gouvernementale, alors que nous augmentons les crédits de 20 %.
Je me permettrai d'ajouter quelques mots à propos des territoires ultramarins qui jouissent d'une fiscalité propre, laquelle, comme Mme la ministre l'a souligné, peut faire l'objet d'un débat. Je pense notamment à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie fiscale…
Rires.
Lapsus intéressant ! Madame Sage, je suis allé en Polynésie française, territoire à l'égard duquel nous sommes particulièrement à l'écoute, nous le démontrerons dans les heures ou les jours à venir. Pardonnez-moi mais il me paraît un peu piquant, alors même que vous avez évoqué votre territoire au titre de la solidarité, que ses habitants bénéficient de dépenses fiscales – ce que nous trouvons légitime, puisque nous souhaitons améliorer encore le dispositif – sans être assujettis à l'impôt sur le revenu. Alors que les habitants des départements ultramarins sont assujettis à l'impôt sur le revenu, ceux de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie bénéficient de dépenses fiscales et une défiscalisation leur est accordée. Votre sort, si je puis dire, est donc tout à fait différent de celui des territoires ultramarins dont les habitants sont assujettis à l'impôt sur le revenu et ne jouissent pas de l'autonomie fiscale.
Même si je n'ai pas à la trancher, la question suivante se pose : pour les territoires ultramarins, la solution réside-t-elle dans l'autonomie fiscale, dont bénéficient déjà la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy ? Vous n'êtes pas sans savoir que gérer la fiscalité de son territoire n'est pas sans inconvénient : qui gère la fiscalité de son territoire doit également gérer les ennuis qui ne manquent pas d'accompagner l'autonomie fiscale. Je le répète : celle-ci peut faire l'objet d'un débat, mais ce n'est pas l'enjeu de notre discussion.
Nous avons discuté durant sept heures de 70 millions d'euros pris, pour reprendre une terminologie qui sied à la gauche de la gauche, aux 4 % les plus riches, et nous augmentons les crédits de l'outre-mer de 400 millions d'euros, indépendamment de la reconstruction des hôpitaux et des autres actions réalisées au nom de la nécessaire solidarité de la nation – l'annonce du Président de la République me paraît totalement justifiée et je ne la remets pas en cause. Je rappelle toutefois qu'en métropole, nous demandons aux collectivités locales de participer à la reconstruction d'un hôpital, …
… ce que je trouvais scandaleux lorsque j'étais élu local, mais vous connaissez, comme moi, le fonctionnement des comptes publics. Quoi qu'il en soit, indépendamment de l'aide ministérielle apportée aux outre-mer à la suite des décisions du Président de la République, l'État redistribue 400 millions d'euros de crédits, un montant, je le répète, bien supérieur aux 70 millions que nous évoquons dans le cadre de cet article. C'est vrai, notre disposition fait un peu penser à Robin des Bois, puisque nous prenons aux moins modestes pour donner aux plus modestes. Vous devriez donc la soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je ferai deux remarques mais très rapidement, car je suis évidemment d'accord avec les propos du ministre.
Tout d'abord, je ne voudrais pas que notre assemblée accrédite l'idée que, parce qu'elle a une conception différente de l'utilisation des crédits alloués aux territoires et aux départements d'outre-mer, elle oublie ces populations ou elle est injuste envers elles. Que les nouvelles dispositions ne doivent pas avoir pour conséquence de diminuer ne serait-ce que d'1 euro les crédits qui leur étaient attribués fait consensus parmi nous. Et le ministre a montré que la nation consent, par ailleurs, un effort considérable. C'est en revanche tout à fait légitimement que nous nous interrogeons sur la meilleure façon d'utiliser cet argent.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Nous comprenons la suspicion de nombreux élus de ces territoires, voire de tous, compte tenu de ce qu'ils ont subi par le passé : ils ont donc toutes les raisons de se méfier ou de s'inquiéter. Toutefois, monsieur Ruffin, nous n'acceptons pas que vous nous mettiez en cause simplement parce que nous considérons que l'exonération, dans ces départements, des revenus les plus élevés, n'est pas une mesure efficace contre la cherté de la vie que subit le plus grand nombre. Nous proposons autre chose : l'investissement. C'est pourquoi nous suivrons attentivement la politique que conduira le Gouvernement pour utiliser différemment cet argent. De grâce, épargnez-nous un procès en illégitimité morale ! Nous sommes tous ici attentifs à la défense de ces populations et de ces départements, et nous n'acceptons pas une telle suspicion.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je veux ensuite dire à mon ami Gilles Carrez, qui craint légitimement que nous n'allions trop vite – « ton moulin va trop fort » – , que, quand on souhaite réaliser un effort, il vaut mieux procéder d'un seul coup, car il est imprudent de couper la queue d'un chien en plusieurs fois.
Rires sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
De plus, l'opération que nous voulons mener suppose, pour conserver tout son sens, un seuil critique. Les sommes doivent être suffisamment importantes pour que leur reconversion dans l'investissement soit significative, et c'est maintenant qu'il faut agir. De grâce, ne découpons pas cet effort car, si vous le limitez, vous limiterez également la reconversion et l'effet de levier des sommes réaffectées.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
Madame la ministre, vous avez indiqué ce matin vouloir demander un effort aux 4 % de la population la plus aisée d'outre-mer – j'emploie vos propres termes – afin d'en redistribuer le fruit aux autres. Dans ces conditions, pourquoi demander un effort à 8 millions de retraités modestes afin d'en redistribuer le fruit au 1 % des Français les plus aisés ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous avez, ce matin, justifié la suppression de cet abattement fiscal en prétextant que ceux qui en bénéficient préféreraient l'assurance-vie à l'investissement réel dans l'économie.
Soit ! Mais ne croyez-vous pas que ceux qui, chez nous, perçoivent des revenus importants, préfèrent, eux aussi, l'assurance-vie à l'investissement dans l'économie réelle ? La question se pose. Nous avons vraiment l'impression de deux poids deux mesures : outre-mer, les plus aisés seraient appelés à fournir un effort, tandis qu'en métropole, ce seraient les familles modestes et les retraités. Oui, monsieur le ministre, je vous rejoins : où est la cohérence ?
Je suis, en revanche, cohérente avec l'amendement que j'ai défendu avant-hier visant à revaloriser la dernière tranche de l'impôt sur le revenu différemment des autres tranches. Ces 400 millions d'euros supplémentaires qu'il convient d'allouer aux outre-mer auraient pu provenir du budget de l'État, c'est-à-dire de la solidarité nationale.
La politique que la majorité souhaite adopter est la démonstration que la France métropolitaine veut toujours imposer sa vision du développement, ou du sous-développement programmé, de l'outre-mer : vous voulez toujours décider pour nous, avec un mépris inqualifiable. Alors que tous les élus ultramarins de cet hémicycle vous ont demandé de ne pas toucher à ce dispositif, vous, monsieur le ministre, vous, les parlementaires métropolitains, vous voulez nous imposer absolument votre projet. Est-ce à dire que vous nous considérez, nous les élus des outre-mer, comme des représentants de seconde zone ? Devrons-nous toujours rester sous la tutelle du pouvoir métropolitain ? Depuis trois législatures, sous Nicolas Sarkozy, sous François Hollande puis, pire encore, sous Emmanuel Macron, à aucun moment vous n'avez souhaité le véritable développement de l'outre-mer. Vous voulez nous garder sous cloche. Vous ne voulez pas que les outre-mer décident eux-mêmes ce qui est bon ou mauvais pour eux.
Mes chers collègues, faites-nous confiance ! Nous connaissons nos territoires, nous y avons grandi, nous y vivons, nous connaissons la situation. N'adoptez pas l'article 4 ! Ce n'est pas une histoire de gauche ou de droite, encore moins du centre. Des ultramarins de tous les groupes, membres de la délégation aux outre-mer, présidée par un membre de la majorité, s'opposent à cet article. Rappelez-vous nos débats sur la révision constitutionnelle, notamment à propos du premier alinéa de l'article 1er : vous voulez un consensus pour nos territoires. En l'occurrence, vous vous trouvez face à un consensus très large mais vous voulez voter contre nous. Plus grave : vous appelez à la rescousse les élus métropolitains du groupe La République en marche pour voter contre les élus ultramarins.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En revanche, vous ne toucherez pas aux primes versées aux métropolitains venant dans les outre-mer. Cela relève d'une vision coloniale détestable !
Protestations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
J'ai tenu à être le plus discret possible pendant nos débats. De toute façon, beaucoup de choses ont déjà été dites. Je suis député de Nouvelle-Calédonie – pas encore de Polynésie fiscale –,
Sourires
l'un des territoires jouissant d'une large autonomie et donc l'un des bénéficiaires indirects de cette mesure. Je ne dirais pas que nous sommes des bénéficiaires indus car, au sein des outre-mer, nous sommes tous solidaires. C'est la raison pour laquelle je tenais à intervenir : nous devons éviter de tomber dans le piège – c'est le terme utilisé par le président Le Gendre, et je reviendrai d'ailleurs tout à l'heure sur un autre terme qu'il a utilisé et qui m'a fait bondir – qui consisterait à nous opposer les uns aux autres. Ce n'est l'intention de personne, et ce n'est probablement pas un hasard si le président et les membres de la délégation aux outre-mer vous disent la même chose, au-delà de leurs différences de sensibilités, y compris d'approche fiscale en matière d'impôt sur le revenu, qui devrait plus ou moins peser sur les plus aisés.
Que nous soyons en désaccord, c'est possible – c'est même normal et légitime. Par contre, monsieur le président Le Gendre, je vous le dis très solennellement, comme je l'ai déjà dit hier à Mme de Montchalin, quand vous appelez les députés ultramarins à la responsabilité et que vous dites, bien que vous ayez très bien introduit votre propos, que vous défendez l'intérêt général – ce qui signifie, en creux, que les députés ultramarins ne le défendent pas – ,…
… vous vous trouvez face au piège dans lequel il ne faut pas que nous tombions.
M. Bourlanges, qui a utilisé la métaphore que j'apprécie beaucoup de la queue du chien coupée en une fois ou en trois fois, l'a très bien résumé.
Nous pouvons nous opposer sur le fond mais, s'il vous plaît, faites attention aux termes que vous employez et qui résonnent chez nous de manière particulière. Je suis l'élu d'un territoire dans lequel un référendum se tiendra dans deux semaines. Pour ma part, je souhaite bien entendu que nous ne quittions pas la République française et que nous y restions ancrés durablement. Certes, il s'agit d'une spécificité tout à fait locale comme en ont tous les territoires, mais à aucun moment vous ne m'entendrez ici appeler les députés de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle ou de la Somme à plus de responsabilité parce que nous serions en désaccord sur le fond. S'il vous plaît, faites attention à vos propos ! Nous pouvons être en désaccord sur cette mesure et sur celles qui suivent, mais il ne faut pas qu'elles nous amènent à nous opposer les uns aux autres alors que ce sont des mesures structurelles et pérennes.
Monsieur le ministre, merci de votre engagement à ne pas toucher aux crédits de l'outre-mer. Effectivement, une partie de nos interrogations portent sur la durabilité des mesures dont nous bénéficions. Mais une nouvelle fois, ne nous opposons pas les uns aux autres. Nous pouvons exprimer sans problème nos divergences de fond, mais entendez aussi que nous pouvons faire preuve de responsabilité et défendre nos positions en fonction de notre perception de l'intérêt général.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et LR.
Je rejoins les propos que M. Dunoyer vient d'exprimer avec beaucoup de talent. Monsieur le ministre, vous avez énuméré tout ce que nous coûtons et tout ce que nous devons à la France, mais vous n'avez jamais touché du doigt ce que nous pouvions lui apporter.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR.
C'est un procès d'intention !
Je le dis quand même, tranquillement, monsieur le ministre ! Si la France est la deuxième puissance maritime au monde, c'est parce que ses territoires ultramarins lui apportent leur richesse, leur biodiversité, leur multiculturalisme et cette présence dans tous les océans…
… qui fait de notre pays une grande puissance. Nous apportons à la France des territoires jeunes et dynamiques, ainsi qu'une vraie intelligence. Nous apportons de la richesse à la France.
Bien sûr, ma chère collègue, comme tous les territoires français ! Sauf que vous dressez la liste de ce que nous coûtons ! Faisons donc la même chose pour tous les territoires !
Par ailleurs, nous bénéficions, bien sûr, de la solidarité européenne. Dans l'ensemble des territoires ultramarins, de nombreux hommes politiques sont montés au créneau et ont bataillé pour que nous en bénéficiions. Nous sommes des régions ultrapériphériques ; l'Europe a reconnu nos handicaps structurels…
… et elle nous accompagne pour que nous réussissions notre rattrapage grâce à la solidarité européenne, comme nous devrions le faire grâce à la solidarité nationale que vous refusez aujourd'hui. Nous parlons d'une mesure à 70 millions d'euros – 170 millions si nous ajoutons les 100 millions de la TVA NPR – non perçue récupérable – , dont nous parlerons tout à l'heure !
Exclamations sur divers bancs.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dans nos collectivités territoriales, nous n'attendons pas que vous nous donniez des leçons ! À La Réunion, les communes construisent des écoles, la région et les départements construisent des lycées et des collèges. Quand vous mettez en place une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous instaurons chez nous la gratuité des cantines. Nous savons prendre nos responsabilités, et nous n'attendons pas que vous nous donniez des leçons en la matière.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Le Père Noël arrive tôt cette année puisqu'il passe au mois d'octobre ! Qui peut croire un instant, sur quelques bancs que ce soit, que les crédits d'une mission budgétaire augmentent de 20 % ? Pouvez-vous croire à une telle fable ? Alors que nous avons besoin de faire des économies, le budget de l'outre-mer augmenterait subitement de 20 % ?
D'où vient ce taux ? Nous n'avons rien pris dans les poches des 4 % des habitants les plus aisés : c'est un mensonge !
M. Jean-Hugues Ratenon applaudit.
Nous ne pouvons pas compter les bébés réunionnais puisqu'ils ne paient pas d'impôts ! Nous sommes obligés de compter les familles qui paient des impôts : ce ne sont donc pas 4 % mais 25 % des gens qui seront touchés ! Et ce ne sera pas à partir de 40 000 euros mais de 35 000 euros que tous les habitants des DOM seront contributeurs.
Mme Ericka Bareigts applaudit.
En plafonnant une réduction d'impôt qui augmentait le pouvoir d'achat dans les départements d'outre-mer, vous enlevez 170 millions d'euros de ressources. Vous augmentez les impôts de 10 % pour abonder les crédits de votre mission budgétaire, sans quoi elle ne passerait pas, sans quoi elle ne serait pas alimentée et elle baisserait. Vous prenez dans la poche des départements d'outre-mer pour mettre dans la poche de ces mêmes départements d'outre-mer ! En réalité, vous jouez au bonneteau. Vous nous faites du cinéma en disant que vous aimez les outre-mer mais, en fait, vous n'avez pas de projet pour l'outre-mer. Vous n'avez que des projets de suppression d'avantages fiscaux car vous n'aimez pas l'outre-mer.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et FI.
J'ai bien écouté l'ensemble des interventions dans ce débat. Je mets de côté l'aspect fiscal et purement financier pour exprimer un certain malaise. Permettez-moi d'appeler plusieurs de nos collègues à faire attention aux termes qu'ils emploient dans l'hémicycle lorsqu'ils parlent des outre-mer.
J'ai la chance d'être le député d'une circonscription où les populations ultramarines sont extrêmement présentes. Elles n'ont pas forcément choisi de venir dans cette circonscription proche de Paris. Dans les années 1960, l'État avait mis en place le BUMIDOM – Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer – , qui prenait les populations vivant outre-mer pour les amener en métropole sans qu'elles soient forcément d'accord. Ce phénomène a été organisé par l'État. Ces populations ultramarines se sont donc retrouvées en banlieue parisienne. J'ai grandi avec elles, je les ai écoutées et j'ai appris bien des choses.
Il y a des idées, des attitudes et des mots que ces populations ne peuvent pas et ne veulent pas entendre. Cher collègue Bourlanges, vous avez parlé de la queue des chiens. Je vais vous raconter une histoire de chiens qui ne m'a pas du tout fait rire. Nous parlons ici de descendants d'esclaves. Le système esclavagiste, c'est nous – la France – qui l'avons mis en place collectivement. Nous n'avons pas à exprimer de repentance, mais il faut bien dire que c'est nous qui l'avons organisé. Comment ces territoires sont-ils devenus français ? L'ont-ils voulu ou le leur avons-nous imposé ? Ça aussi, c'est l'histoire de France, qu'il ne faut pas oublier. Nous avons vis-à-vis de ces populations une certaine dette, au moins morale, que nous devons assumer collectivement.
M. Jean-Hugues Ratenon applaudit.
J'en viens donc à cette histoire de chiens. Un jour, un Antillais m'a dit : « Monsieur Pupponi, vous nous demandez quel est notre traumatisme, comment nous fonctionnons et quelles sont nos difficultés psychologiques et morales. Mais il y a 160 ans, nous étions moins que les chiens en France, car eux avaient le droit de se reproduire comme ils voulaient ! »
Murmures.
Monsieur Bourlanges, j'avais demandé la parole pour un rappel au règlement car, très honnêtement, votre métaphore peut prêter à confusion.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Eh oui ! Vous ne connaissez pas une once de l'histoire de l'esclavage et de la colonisation, que M. Pupponi a évoquée.
Je m'attendais d'ailleurs à ce que vous preniez la parole pour affirmer que vos propos n'avaient rien à voir avec l'outre-mer, mais que vous faisiez une métaphore, peut-être malheureuse, avec la notion de niche fiscale. Je pensais que c'était cela… Mais si vous ne le confirmez pas, faites attention : nous sommes dans une assemblée où il est très important de veiller aux mots que l'on emploie ! Si vous connaissez l'histoire de l'esclavage, vous savez que c'est aussi avec des molosses et des chiens que l'on abrutissait, asservissait, assassinait et tuait des gens. Je le répète, faites très attention !
Monsieur le ministre, je comprends le raisonnement que vous avez développé tout à l'heure : nous coûtons 4 milliards d'euros d'avantages fiscaux mais n'apportons que 800 millions d'euros de recettes. Mais, très honnêtement, pourquoi la France est-elle aujourd'hui une grande puissance maritime mondiale ?
À un moment donné, il va falloir se pencher sur de nouveaux modèles économiques mais, madame la ministre, vous avez mis la charrue avant les boeufs.
Lorsque vous touchez à la fiscalité, vous touchez aussi à un outil de développement. J'ai participé très activement à la mutation du modèle économique local, à laquelle vous avez contribué, mais vous n'avez pas encore engagé toutes vos actions. Les zones franches d'activité viennent de voir le jour. Entre-temps, vous avez freiné des dynamiques économiques par la fiscalité.
Enfin, 80 % de la biodiversité française se trouve dans les outre-mer. Sur les 12 millions de kilomètres carrés de surfaces maritimes françaises, 11 millions se trouvent dans les outre-mer ; de ce point de vue, la France est la deuxième puissance après les États-Unis. Ne faites donc pas de comparaisons comptables, sinon nous oublierons, comme nous l'avons fait par le passé, l'aspect humain que nous trouvons dans chaque individu, dans chaque homme vivant sur le territoire de la République.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.
Sans vouloir relancer la polémique, je trouve tout à fait abusif le procès qui m'est intenté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
En réalité, nul n'est plus conscient que moi de l'histoire de ces populations. Je me rappelle les livres que j'ai lus et qui m'ont profondément marqué. Quand j'avais quinze ans, mon livre préféré était Le Siècle des Lumières, d'Alejo Carpentier : ce livre, qui était lu sur France Culture, racontait toute l'histoire de la révolte de Toussaint Louverture, le massacre des noirs et l'horrible attitude de Rochambeau – je ne parle pas du libérateur de l'Amérique mais de son fils, un odieux tortionnaire. Je suis tout à fait conscient de tout cela !
La comparaison que j'ai faite n'est qu'une métaphore destinée à éclairer l'idée que, lorsqu'on prend une mesure, il ne faut pas multiplier les actes de souffrance. Je refuse donc ce procès que vous m'intentez !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM. – Quelques députés du groupe LaREM se lèvent et continuent d'applaudir.
Je comprends que vous disiez tous que vous vous méfiez de nous, parce que vous avez, dans le passé, trop subi pour nous faire vraiment confiance, mais je vous dis malgré tout de nous faire confiance, …
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 126
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 39
Contre 85
Je remercie Mme la ministre des outre-mer de participer à notre débat, comme les autres ministres thématiques. J'espère que l'Assemblée apprécie la façon dont le Gouvernement s'efforce de travailler avec elle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pour éclairer au mieux l'Assemblée, je précise que nous avons passé près de cinq heures sur ces premiers amendements. Il me semble que nous avons bien débattu et que nous comprenons bien les arguments des uns et des autres, mais aussi que nous nous sommes peut-être un peu éloignés, à la fin de cette discussion, de l'objet du PLF proprement dit. C'est évidemment un point sur lequel je n'ai pas à débattre avec l'Assemblée, mais je le constate. Peut-être pourrions-nous tous nous dire, pour avancer, que nous avons beaucoup parlé de l'article 4 et que le vote est assez incontestable. En effet, après cet article, nous devons encore examiner, d'ici à lundi, de très nombreux articles fiscaux qui vont nous séparer.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 699 .
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 1113 .
Je serai brève, comme cela a été demandé. Pour limiter une politique de casse sociale massive, brutale et répétitive comme les territoires ultramarins n'en avaient jamais connu en trente-cinq ans, nous demandons la suppression de l'alinéa 2 de l'article 4.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1563 .
Monsieur le ministre, vous avez maintenu votre dispositif. Nous en prenons acte car nous sommes respectueux de la démocratie et de la République. Il y a cependant un décalage entre cette décision – et je répète que je suis très ouvert à ce débat – et la question de l'investissement. Je vous propose donc, au lieu de procéder avec la brutalité qui a été unanimement soulignée, d'avancer par paliers, car des familles qui ne paient pas l'impôt actuellement risquent d'en être redevables si l'abattement est appliqué selon la procédure prévue par votre texte. Il serait donc préférable d'en moduler l'application, afin d'éviter que les classes moyennes ne soient touchées de plein fouet. Je crains en effet que votre mesure ne touche pas seulement les 4 % les plus riches : elle aura un impact sur la fiscalité familiale à partir d'un revenu de 4 400 ou 4 500 euros, soit 50 000 euros annuels. Notre amendement permettrait de répondre à l'une des attentes qui s'expriment : ne pas toucher les classes moyennes.
En cohérence avec ce qui a été dit en discussion générale et avec l'accord de M. Mansour Kamardine et de l'ensemble des députés Les Républicains, nous défendons l'idée d'une progression et proposons de remédier à la brutalité de la mesure en l'adoucissant dans le temps.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 1117 .
Il s'agit, pour contribuer au financement des mesures annoncées du « Livre bleu outre-mer », de porter les limites de l'abattement fiscal outre-mer à 4 500 euros, au lieu de 5 100, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, et à 6 100 euros, au lieu de 6 700, en Guyane et à Mayotte.
Je rappelle que le dispositif prévu vise aussi à renforcer la progressivité de l'IR, comme vous l'évoquiez vous-même à propos de la réflexion à mener sur la fiscalité. L'avis est donc défavorable, et je vous renvoie aux arguments exposés tout à l'heure.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 26
Contre 43
L'amendement no 1564 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 2237 .
Avec l'article 4, le Gouvernement propose non seulement de remettre en cause l'abattement fiscal sur le revenu dont bénéficient les contribuables, mais également d'adapter les grilles de taux par défaut du prélèvement, ce qui facilitera considérablement l'entrée des contribuables dans des tranches supérieures. Par exemple, si le prélèvement à la source avait été appliqué dès 2018, un contribuable guadeloupéen serait entré dans la tranche des 14 % d'imposition à compter de 5 587 euros de revenus, alors qu'il y entrera, en 2019, à compter de 4 910 euros, soit près de 700 euros d'écart !
Cet amendement tend donc à appliquer l'indexation des seuils des tranches telle que prévue dans l'Hexagone, par application d'un coefficient égal à 1,02616, comme le prévoit l'article 2 du projet de loi de finances. Nous restons naturellement opposés à l'article 4, mais cet amendement de repli permet au moins que les contribuables ultramarins soient traités, dans l'évolution de leur fiscalisation, sur un pied d'égalité avec l'ensemble de leurs compatriotes.
Ce projet d'amendement repose sur une certaine confusion, car la grille de taux par défaut est un outil qui permet de procéder au prélèvement à la source, pas un barème concurrent. Vous n'avez donc pas de motif d'inquiétude, chère collègue, et je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
L'amendement no 2237 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Dans un souci de justice fiscale et de sécurité juridique, cet amendement de repli vise à reporter à 2024 l'entrée en vigueur du dispositif, afin de permettre aux contribuables ayant moins de cinq ans de résidence à Saint-Martin, et donc considérés comme résidents fiscaux de leur département d'origine, d'atteindre le seuil de cinq années de résidence sans passer par le plafonnement de l'abattement.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement no 1552 .
La demande de déplafonnement ayant été refusée, cet amendement tend à repousser de deux ans la date du dispositif prévu à l'article 2, afin de pouvoir mettre en place des dispositifs neutralisant les conséquences de la mesure sur le pouvoir d'achat des classes moyennes et des professionnels concernés, dont le niveau de consommation et d'investissement fait vivre les économies des outre-mer.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 1304 .
Je ne dirai que deux choses.
Tout d'abord, monsieur le président Letchimy, il est faux de dire que certaines personnes deviendraient imposables à cause du changement de barème. Personne n'entrera dans cette catégorie.
Je vous rassure et vous le confirme : cela n'arrivera à personne. Vous viendrez me voir et nous nous expliquerons – car c'est impossible ici, où il faudrait nous expliquer tous ensemble. Je confirme en tout cas que nul ne sera imposable s'il ne l'était pas auparavant.
En deuxième lieu, les impatiences qui s'expriment sur le terrain à propos des infrastructures me font dire qu'il ne faut pas retarder la réforme. Il ne faut pas perdre de vue la vision du développement économique – et qu'on ne vienne pas me dire que c'est grâce aux outre-mer que nous disposons du premier domaine maritime européen, car ceux qui ont siégé ici depuis dix ans avec moi savent que c'est l'un de mes plus grands combats, ils savent combien je reproche à la France de ne pas défendre ces zones économiques. Là-dessus, donc, il n'y a rien à dire. Notre vision des territoires d'outre-mer est sans doute partagée par la plupart des députés ultramarins. Il nous faut donc dépasser la question de l'impôt sur le revenu, sur laquelle nous cristallisons tous, alors qu'il ne s'agit que d'un outil pour aller plus vite vers ce que demandent les territoires d'outre-mer, comme cela s'est exprimé dans le cadre des assises des outre-mer. Tous les gens que j'ai rencontrés sont impatients. Je vais donc répondre à leur patience en leur disant que c'est maintenant que nous allons investir.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, si cette mesure s'applique au 1er janvier 2019, les contribuables concernés seront touchés dès le mois de janvier, avec le prélèvement à la source.
Or l'intérêt du décalage n'est pas tant pour les finances publiques que pour les contribuables.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rassurer. Vous pensiez, en entendant ce que je demandais ce matin, que nous voulions défendre les très riches, ou les riches, ou les classes moyennes, mais je vous prends au mot : je suis favorable, comme vous, à l'augmentation de l'impôt sur le revenu de 4 % pour les contribuables les plus riches de notre pays – et pas seulement outre-mer, mais aussi en métropole. Voici la question que je me pose : pour les contribuables concernés – et vous trouvez normal qu'ils le soient – , cette augmentation apparaîtra-t-elle dès le 31 janvier sur la fiche de paie ? Si cela relève de la retenue à la source, l'impact sera immédiat.
Monsieur Pupponi, la question peut, bien sûr, se poser, mais le changement de taux prévu pour l'année prochaine s'appliquera à régularisation de septembre, pas en janvier – sauf si, comme nous l'avons évoqué hier avec Mme Louwagie, le contribuable souhaite anticiper et contacte les services fiscaux pour modifier son taux d'imposition.
Cela s'appliquera en septembre 2019, pas en janvier.
L'article 4 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 4.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1377 .
L'amendement no 1377 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1051 .
L'amendement no 1051 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'évoquerai un aspect particulier de cet article. Actuellement, le taux réduit de TVA de 5,5 % s'applique à la fourniture de chaleur lorsqu'elle est produite au moins à 50 % à partir de la biomasse, de la géothermie et des déchets – nous savons tout cela. Il est difficilement explicable que l'énergie solaire thermique, dont on connaît le potentiel, ne figure pas dans cette nomenclature. Nous soutiendrons donc les amendements allant dans ce sens.
Sur un plan général, je voudrais souligner la nécessité de modeler une fiscalité véritablement incitative à la transition énergétique, de favoriser l'investissement privé dans ce domaine et de pousser également l'investissement public en matière d'énergie renouvelable. Il y a un sujet incontournable : l'avenir ne pourra pas se bâtir sur des énergies fossiles non renouvelables et largement entamées. Il convient d'intégrer au plus vite cette réalité dans le mix de réalisations concrètes et donc dans les politiques budgétaires.
Il vise à maintenir la TVA NPR, cette mesure fiscale participant pleinement à gommer l'effet de seuil pour le financement des investissements productifs. Cela permettrait vraiment à nos acteurs économiques, très inquiets, de garder confiance en la politique gouvernementale.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 1324 .
Il tend également à supprimer cet article. En effet, la suppression de la TVA NPR obéit à la même logique que la suppression de l'abattement fiscal, dont nous avons beaucoup parlé tout à l'heure : faire financer par les outre-mer eux-mêmes leur développement.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1553 .
Sur la base d'une sémantique totalement inadaptée – je connais votre réponse – , vous prenez la décision de supprimer un outil d'investissement. Il est vrai qu'une TVA non perçue et récupérable, cela paraît un peu bizarre. D'ailleurs, si c'est cela qui vous gêne, je vous invite à changer son nom ! Il peut arriver que l'on change de nom, voire de prénom, quand cela gêne. Je suis disposé à déposer un amendement en ce sens.
Cependant, il ne faut pas s'abriter derrière la question du nom pour ignorer ce qui se passe, madame la ministre. Vous savez pertinemment que cet outil est destiné à financer le coût de l'éloignement, reconnu par l'article 349 du traité de Lisbonne – ce dernier autorise des différences de traitement, qui ne remettent pas en cause le principe de l'égalité des droits s'appliquant dans la République. Il s'agit d'une aide fiscale à l'investissement, ne nécessitant ni agrément ni procédure lourde pour les entreprises – c'est très important – , et totalement transparente. Pouvez-vous démontrer que cette aide n'est pas transparente ?
Comme vous le savez, si le taux normal est de 8,50 %, le taux de base retenu n'est pas de 8,50 mais de 5,66 %. C'est très important car cela touche toutes les entreprises ; la TVA NPR permet de construire le tissu industriel nécessaire à ces pays-là. J'ai entendu dire que cela ne marchait pas. À mon avis, vous êtes en train de tuer le tissu industriel naissant et c'est dommage. Les ZFANG – zones franches d'activité nouvelle génération – , comme vous les appelez, disposent d'outils financiers extrêmement importants pour relancer le tissu industriel, mais il ne faut pas se limiter au tertiaire. La diplomatie économique territoriale permet d'importer des matières premières de base et transformées mais il ne faut pas importer de l'orange, des mangues Julie ou d'autres produits : la Martinique pourrait entrer dans un processus de production locale interne, dont nous avons besoin.
Nous sommes donc totalement d'accord avec la création d'un nouveau modèle économique. En revanche, les méthodes que vous utilisez ne sont pas les bonnes : vous mettez la charrue avant les boeufs !
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1882 .
Nous nous opposons, vous l'avez bien compris, à la suppression de la TVA non perçue récupérable. En effet, la suppression de cette TVA n'est pas complètement compensée et représentera une réduction de recettes pour les entreprises ultramarines, ce qui affectera leur santé financière. Vous proposez la création d'un dispositif de crédits d'intervention, que vous dites mieux ciblés, mais limité à 100 millions d'euros par an, alors que la TVA NPR représente 220 millions à 250 millions d'euros. Ce tour de passe-passe, faisant passer des économies faites sur le dos des ultramarins pour un investissement accru de l'État en outre-mer, est, à mon sens, intolérable.
Quand prendrez-vous enfin en compte la réalité des entreprises ultramarines ? Pourquoi ne réalisez-vous pas une réelle étude d'impact ? Il y a quelque temps, la Cour des comptes soulignait que tous vos projets de loi étaient marqués par la faiblesse et l'insuffisance des études d'impact les accompagnant. Mes chers collègues, ne confondez pas rapidité et empressement ! À l'heure actuelle, vous faites les choses à moitié et prenez des décisions précipitées, dans un flou incroyable. L'économie des entreprises ultramarines est bien trop fragile pour se permettre le moindre risque. Présentez-nous de vraies études d'impact, nourries et approfondies ; alors nous jugerons sur pièce.
En attendant, nous demandons la suppression de l'article 5.
Mme Panot applaudit.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2008 .
Dans la même logique que l'article 4, l'article 5 prévoit de financer les nécessaires investissements outre-mer par la suppression d'aides considérées comme inefficaces. Ici, c'est le dispositif de taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable s'appliquant en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, qui est abrogé – ce dispositif avait pour objectif de faciliter le financement des entreprises sur ces territoires. En effet, récemment, durant les assises des outre-mer, le Gouvernement a conclu à l'inefficacité de cette aide mais s'est engagé à ce que sa suppression soit compensée par la création d'un dispositif de crédits d'intervention de 100 millions d'euros.
Bien entendu, je ne m'oppose pas au principe de cette mesure : questionner le bien-fondé des aides est évidemment du devoir de l'État. Toutefois, je m'inquiète que les belles promesses ne soient pas toujours suivies d'actes. Avec la suppression de la TVA non perçue récupérable, nous sommes confrontés strictement à la même logique que pour le plafonnement de la réduction d'impôt sur le revenu, mis en oeuvre par l'article précédent : le Gouvernement promet de supprimer des aides et s'engage à les reverser intégralement pour le développement des territoires d'outre-mer mais ne prend pas les mesures nécessaires pour tenir sa promesse. Ainsi, l'article 5 prévoit bel et bien la suppression de la TVA non perçue récupérable, sans pour autant créer le dispositif de 100 millions d'euros promis. Alors forcément, je ne peux que m'inquiéter de la sincérité de cette mesure et demander la suppression de l'article, non pour enterrer la mesure mais au contraire pour prendre le temps nécessaire à la création du dispositif de compensation. Autrement, la confiance de nos concitoyens d'outre-mer en serait gravement affectée.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 2085 .
Il s'agit d'une aide à l'investissement pour des TPE-PME – très petites entreprises et petites et moyennes entreprises – confrontées à une forte concurrence. Sur nos territoires, 95 % des entreprises sont des TPE-PME. Pour faire face à la concurrence des pays voisins, elles ont besoin d'investissements. La TVA NPR est en fait une aide à l'investissement simple – Serge Letchimy rappelait à l'instant qu'elle ne nécessitait pas de procédure d'agrément, ce qui présente l'avantage d'aller vite. En favorisant l'investissement, elle assure de la pérennité, de la création de richesses et donc de l'emploi. Avec cette démarche, l'État lui-même s'y retrouve puisqu'il récupère des impôts sur cette création de richesses. Ainsi, à moins que vous ne nous démontriez que la traçabilité et la sécurisation de ces dispositifs posent problème, nous pensons que le dispositif actuel est tout à fait pertinent et qu'il faut le maintenir. Voilà pourquoi nous présentons cet amendement.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 2155 .
Cet amendement, présenté par le groupe Socialistes et apparenté, revient sur la suppression voulue par le Gouvernement du dispositif de TVA NPR. Dans la même logique que celle prévue à l'article 4, le Gouvernement souhaite, par cet article, supprimer le dispositif de subventionnement des entreprises via le mécanisme de la TVA NPR, et il espère ainsi récupérer 100 millions d'euros par an au détriment des entreprises des outre-mer. Votre gouvernement se proclamant décentralisateur et libéral, il est un peu étrange qu'il opère, en l'occurrence, une recentralisation des financements. D'une ressource fiscale directement mobilisable par les entreprises, il passe à une logique de subventions, servies et distribuées par le seul Gouvernement aux entreprises.
Je vous pose donc trois questions, madame la ministre.
Que se passera-t-il pour les entreprises ayant sollicité le dispositif avant l'annonce de la suppression et qui ne se seront pas acquittées de la taxation avant le 1er janvier ?
Nous avons l'impression que le chiffrage de 100 millions d'euros a été fait au doigt mouillé. Pouvez-vous nous donner le chiffrage précis de cette dépense fiscale ?
Vous opérez là une budgétisation sur la mission « Outre-mer ». Quelle garantie nous donnez-vous que ces sommes seront sanctuarisées lors des prochains exercices budgétaires ?
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement no 2156 .
Sur les amendements identiques nos 1135 , 1324 , 1553 , 1882 , 2008 , 2085 , 2155 et 2156 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Pour être clair, ces amendements proposent de maintenir ce que l'on appelle « la TVA non perçue récupérable » – je sais que la sémantique pourrait être changée mais elle dit bien ce qu'elle veut dire. Ce mécanisme est en fait une subvention de 8,5 % du montant d'acquisition des biens d'investissement en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. À l'origine, cela a été présenté comme une compensation des coûts de transport occasionnés par l'éloignement insulaire. Le problème, c'est que cela devait avoir une répercussion sur les prix, qui n'est pas évidente, loin de là. Deuxième problème, un dispositif consistant à récupérer de la TVA qui n'a pas été perçue initialement est absolument impossible à contrôler.
L'intérêt de la mesure que nous proposons est de récupérer les 100 millions d'euros de ce dispositif pour les injecter directement dans l'économie de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, d'une manière un peu plus saine. Effectivement, dans la deuxième partie du projet de loi de finances, la mission « Outre-mer » comporte un surcroît de crédits qui contrebalance la suppression de la TVA NPR. Cela me semble beaucoup plus sain que le dispositif actuel, lequel sera de toute façon contesté un jour car il n'est pas sain de récupérer une TVA qui n'a pas été perçue.
Nous avons opéré une revue de toutes les aides économiques et des outils qui les sous-tendent, ce qui représente 2,5 milliards d'euros. L'objectif était de déterminer ce qui est efficace sur le terrain et ce qui ne l'est pas. Il est normal que l'on fasse ce type de contrôle ; je suis d'accord avec vous, madame Vainqueur-Christophe.
L'outil TVA NPR a été créé en 1953. À l'époque, 80 produits de référence étaient visés ; aujourd'hui, il y en a 8 000 ! Je me suis donc intéressée à ces références : cela va du paquebot et de la péniche aux ustensiles en bois, en passant par l'ombrelle, le bidet ou l'urinoir en céramique. Du point de vue du développement économique, cela ne présente pas de sens et l'on ne peut deviner quelle impulsion cela pourrait donner aux territoires d'outre-mer ni quels secteurs pourraient davantage se développer. J'ai fait ce choix et, en l'occurrence, la concertation a été très large, tant avec les parlementaires qu'avec le milieu économique. Si certains y perdent par rapport à un outil qu'ils ne connaissent pas, d'autres seront gagnants. Je pense toujours à cette jeunesse qui veut revenir sur ces territoires et n'est pas suffisamment soutenue.
La TVA NPR à 200 millions d'euros, c'était avant la réforme ; c'est le montant d'avant 2009. Cette TVA NPR a déjà fait l'objet de nombreuses études, de rapports de l'inspection générale des finances en 2007 et 2011 et de la direction générale du Trésor en 2018. Tous ces rapports évaluent le coût du dispositif à 100 millions d'euros à peu près. Or on découvre en 2018 qu'il coûte en réalité 23 millions mais comme la négociation avec les outre-mer s'était engagée sur la base de 100 millions, j'ai obtenu du ministre que 100 millions de crédits soient réorientés vers de nouveaux outils plus efficaces, par exemple pour subventionner le secteur du tourisme. Alors que ce secteur est par excellence celui dans lequel les territoires d'outre-mer peuvent développer leur économie, on n'a pas suffisamment d'outils pour rénover les hôtels par exemple.
De même on constate que les jeunes de ces territoires ont besoin d'être soutenus pour obtenir des prêts et c'est pourquoi nous compter aller vers une transformation de notre garantie aux projets. Nous lancerons aussi des appels à projets en concertation avec les territoires d'outre-mer, conformément à votre volonté que ces appels à projet soient adaptés aux spécificités de chaque territoire d'outre-mer, tant il est vrai que chacun d'eux peut avoir ses ambitions propres. Nous allons aussi accompagner la transformation de productions locales, c'est extrêmement important.
Rien de tout cela n'est possible dans le cadre de la TVA NPR. Ni moi ni mes prédécesseurs n'avons été capables d'évaluer cet outil, au point qu'on ne s'était jamais rendu compte que son coût réel n'était pas de 100 millions ! Nous pourrons désormais disposer d'outils beaucoup plus adaptés.
Vous me demandez, madame la députée, où figurent ces 100 millions d'euros. Eh ! bien ils figurent dans le budget de l'outre-mer : 50 % au titre du programme 138 et 50 % du programme123. C'est très transparent. Il nous reste à valider les différents outils qui seront mis en place avec la BPi et la Caisse des dépôts et des consignations, comme je l'ai annoncé.
Cela permettra aussi d'intervenir en matière d'impayés des entreprises. S'il y a bien une difficulté spécifique aux entreprises d'outre-mer c'est le retard avec lequel les collectivités règlent leurs factures. Ces impayés sont sans doute aujourd'hui la difficulté la plus importante à laquelle les entreprises sont confrontées dans ces territoires. Nous pourrons désormais remédier à cela aussi.
Nous répondrons désormais aux besoins réels des territoires, c'est pour cela que j'émets un avis défavorable à ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai lu l'étude d'impact avec attention et j'ai vu comme vous que cette mesure d'aide à l'investissement était difficile à évaluer, voire inefficace, du moins en ce qui concerne le niveau des prix. D'ailleurs personne ici n'a démontré l'utilité de cette mesure.
Il est important cependant, madame la ministre, de rassurer nos collègues ultra-marins quant au fait que ces 100 millions seront utilisés en concertation avec les élus, qui connaissant très bien ces territoires peuvent les orienter vers les secteurs où il convient de les utiliser.
Je suis d'autant plus favorable à la suppression de cette TVA NPR que certains territoires ultra-marins n'en bénéficient pas – je pense notamment à Mayotte. Il y a pourtant des besoins là aussi.
Vous me permettrez, mes chers collègues, de pointer une contradiction : on ne peut pas à la fois dire qu'il ne faut pas que les territoires d'outre-mer financent eux-mêmes leurs investissements et regretter qu'on ne soit pas à 200 millions. Nous avons voté la suppression d'autres aides fiscales sans chercher à les remplacer pour permettre aux territoires ou aux personnes concernés de continuer à en bénéficier !
Vous savez bien que je partage votre ambition, madame la ministre, et surtout la volonté que vous exprimez sans cesse d'assurer la mutation de notre modèle économique. Il n'y a rien de plus insupportable que d'être encore aujourd'hui prisonniers d'une économie de comptoir, fondée sur une importation massive. On ne peut pas éternellement fermer les yeux sur cette réalité d'un système économique fondé sur l'importation. Plus il y a d'importations, plus les collectivités locales voient leurs recettes augmenter, celles-ci étant basées sur l'octroi de mer. C'est dramatique.
Comment les collectivités sont-elles financées ici où il n'y a pas d'octroi de mer ? Vous voyez bien qu'il y a une inégalité. Par le système fiscal on impose à ces pays de vivre éternellement dans un modèle d'importation massive puisque sans cette ressource, qui représente 40 % de leurs recettes globales, elles seraient en difficulté.
Deuxièmement l'expression TVA NPR est à mon avis inappropriée. Vous rapatriez ces fonds au niveau central, national, alors qu'il y avait une automatisation de leur utilisation. Vous dites que cela ne fonctionne pas, qu'il n'y a pas de lisibilité : jusqu'à présent on n'a mis personne en examen, il n'y a pas eu de plainte pour détournement de la TVA NPR. Les acteurs économiques l'ont dit, par la bouche du président Serva, le contrôle est extrêmement efficace. Les gens paient l'impôt au taux de 8,5 %et vous ne donnez qu'à 5,5 ù aux entreprises.
Troisièmement, j'y insiste, si une modernisation est certes indispensable, vous enlevez à ces pays ce qui était un outil d'industrialisation dans le cadre de leur modeste autonomie de fonctionnement. Désormais, c'est Paris qui décidera comment on doit transformer de la goyave en jus au Gros-Morne, et non l'initiative individuelle locale, à partir de cette aide.
Enfin vous ne serez pas éternellement ministre. Je crois en votre volonté de sanctuariser ces 100 millions seront sanctuarisées mais que se passera-t-il si dans trois ans les Républicains, les Insoumis ou je ne sais qui vous succèdent au pouvoir – pourquoi pas les socialistes, c'est la démocratie – ? Comment pouvez-vous garantir que ces 100 millions seront toujours là dans quatre ou cinq ans ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 23
Contre 52
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 575 , 1308 , 1528 , 1555 , 2052 , 2086 , 2360 , 1310 et 2051 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 575 , 1308 , 1528 , 1555 , 2052 , 2086 et 2360 sont identiques.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 575 .
Cet amendement a été déposé à l'initiative de notre collègue Philippe Gomès, auteur avec Philippe Vigier d'un rapport sur la défiscalisation des investissements outre-mer. Dans ce rapport figure la substantifique moelle de cet amendement, qui vise, dans la perspective de l'aménagement voire de la suppression de la TVA NPR, à laisser le temps aux acteurs de se concerter plus largement voire de se préparer. Comme notre collègue Letchimy vient de le dire, il faudra veiller à sanctuariser ces crédits.
Il faudrait à tout le moins se donner un délai supplémentaire, ne serait-ce que pour les entreprises qui se sont peut-être lancées dans un projet pour lequel elle compte sur cette TVA NPR qui représente 10 % des projets d'investissement, alors que celle-ci sera peut-être supprimée dans deux mois, ce qui se traduira par l'impossibilité de mener à bien ces projets faute de financements.
Il vise à reporter d'un an la suppression du dispositif de TVA NPR.
Le Gouvernement justifie cette suppression par le redéploiement des sommes affectées à cet avantage fiscal vers des crédits d'intervention fléchés dans le budget de la mission « Outre-mer ». Le livre bleu des outre-mer affirme que la TVA non perçue récupérable est une dépense fiscale non traçable, mal pilotée et dont les effets sur le développement économique sont illisibles.
Nous n'avons pas de données chiffrées hors celle que la ministre vient de nous indiquer – le coût de 23 millions. On ne peut pas vraiment démontrer que ce dispositif est inefficace puisqu'on n'en a pas expérimenté d'autre. Il faut en outre éviter les effets négatifs d'une telle mesure pour ceux qui sont déjà entrés dans le processus pour cette année. C'est pourquoi je vous demande de reporter d'une année son entrée en vigueur.
Vous venez de donner une information intéressante à la représentation nationale, madame la ministre : alors que le coût estimé de la mesure est de 100 millions, le coût réel est de 23 millions.
Je vous propose un deal à coût budgétaire nul. Puisque les acteurs économiques que nous avons rencontrés ce matin nous ont dit qu'ils étaient contre la suppression de la TVA NPR ; puisque nous pensons que l'évaluation de cette mesure mériterait d'être approfondie ; puisque nous sommes conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur l'État et puisque cette mesure ne coûte que 23 millions d'euros, nous vous proposons d'abonder en deuxième partie du PLF de 77 millions le fonds exceptionnel d'investissement et de ne maintenir cette année la TVA-NPR qu'à hauteur de 23 millions, le temps que vous et nous, avec les acteurs économiques, nous échangions, nous comprenions, nous évaluions et nous assurions que ce FEI pourra prendre le relais de la TVA NPR pour les investissements outre-mer.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1555 .
J'ajouterai aux arguments de M. Serva que j'ai senti que les acteurs économiques n'avaient pas la volonté de s'opposer à la réflexion mais il me semble que le travail d'élaboration de nouveaux outils d'expertise de la TVA NPR n'est pas abouti. C'est pourquoi je propose de reporter à 2020 l'application de cette mesure.
Par cet amendement de repli nous demandons le report d'une année de la suppression de la TVA NPR.
C'est un appel à la démocratie. Comment peut-on vouloir supprimer aussi arbitrairement un tel dispositif, sans consulter les milieux socio-professionnels de ces territoires ? Vous prétendez avoir consulté les entreprises, madame la ministre, mais avez-vous consulté le modeste menuisier qui, quand il achète du matériel venu de métropole, inclut la TVA NPR dans son plan de financement ? C'est lui qui sera touché.
Même en admettant que ce dispositif est effectivement obsolète et peu efficace, sa suppression doit être précédée de dispositifs d'accompagnement. Ce délai d'un an permettra de conduire une véritable étude d'impact pour déterminer si ce dispositif est véritablement obsolète et trouver les voies et moyens d'accompagner au mieux nos entreprises.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements. Je signale toutefois qu'un amendement du Gouvernement, no 2577, va en partie les satisfaire en prenant en compte la problématique des entreprises qui ont acquis des biens et verser un acompte au fournisseur, et introduit lesdits biens sur le territoire ultramarin à compter du 1er janvier 2019.
Les auteurs de ces amendements ont demandé la sanctuarisation des 100 millions d'euros comme, mon collègue pourra le confirmer, pour les autres crédits. Mais il y a un constat évident : nombre d'élus des territoires d'outre-mer, y compris des députés, m'ont reproché d'avoir mené les assises des outre-mer en entendant les gens de tous les territoires, ceux qui avaient perdu confiance dans l'ensemble de la classe politique, ceux qui ne s'exprimaient plus, y compris le petit charpentier. Mais moi je les ai entendus. Et ils m'ont dit : « La transformation, c'est maintenant, pas demain. » Voilà pourquoi je tiens à conserver la dynamique ici proposée car elle est née dans le cadre des assises et doit se poursuivre. J'ai bien entendu l'argument de la sortie en sifflet du dispositif actuel car il y a une inquiétude chez ceux qui ont passé des commandes, et un amendement du Gouvernement va y répondre. Mais vous ne pouvez pas me reprocher d'avoir soi-disant perdu un an pour apporter des réponses dans les territoires d'outre-mer et, en même temps, me dire que les réponses que j'apporte maintenant devraient attendre une autre année. Eh bien non, je ne le souhaite pas pour les gens des territoires, qui me les ont demandées. Mais on les mettra en oeuvre de manière à ne pas porter préjudice à ceux qui ont fait des investissements soumis au régime de la TVA NPR.
Le dispositif actuel n'est ni lisible ni transparent, on n'arrive même pas à avoir les chiffres, vous le savez bien. Et ce n'est pas en le prolongeant d'une année de plus, recueillant ainsi deux études supplémentaires que j'ai évoquées tout à l'heure, que cela changerait quelque chose. Ce n'est vraiment pas un domaine où l'on manque de rapports : cela fait quinze ans que des rapports sont rendus sur la TVA NPR – ce qui du reste a conduit à modifier son application en passant à des taux différents. Il n'est pas vrai que l'évaluation complémentaire soit nécessaire : c'est une question de choix. Et j'assume le nôtre, mais nous devons le mettre en oeuvre avec les entreprises. Je sais que certains ont rencontré, il y a quelques minutes encore, des représentants de la FEDOM, la Fédération des entreprises d'outre-mer, et ils savent bien que son président a soutenu ce projet jusqu'au dernier moment, c'est-à-dire il y a trois jours encore. Il est vrai que pour d'autres raisons dont nous débattrons dans un autre cadre, le milieu économique a quelques reproches à faire. On en discutera le moment venu. Mais la suppression de la TVA NPR répond à toutes leurs demandes puisque l'ensemble des outils développés proviennent de demandes de la FEDOM. Il y a un moment où il faut juste se dire les choses : oui, le milieu économique a été entendu, et a largement contribué à la création des outils de remplacement de la TVA NPR ; oui, c'est à lui que le Gouvernement répond, comme à toutes les petites entreprises des territoires que j'ai pu rencontrer, à travers cette nouvelle mesure.
Le Gouvernement n'attendra pas. Mais l'on discutera dès l'amendement no 2577 de la manière dont on procédera.
Dans mon amendement, je demande que le dispositif ne se termine pas brutalement. J'attends d'en savoir plus sur l'amendement du Gouvernement puisque j'ai entendu qu'une disposition éviterait que ceux qui ont pris des engagements cette année en pâtissent.
Madame la ministre, vous dites que les milieux économiques ont évolué depuis trois jours. Mais ce sont des gens pragmatiques, qui font preuve de souplesse, d'écoute, et qui peuvent évoluer. J'aimerais que chacun ici puisse en faire autant. Vous dites aussi que les territoires ont demandé la suppression de la TVA non perçue récupérable. Je suis expert-comptable, proche des milieux économiques, et n'ai jamais entendu qui que ce soit la demander. Vous dites prévoir 23 millions pour cette réforme alors que nous, nous vous proposons à budget constant de temporiser, d'y aller piano, piano, sans déséquilibrer pour autant les équilibres budgétaires et tout en continuant la réforme. Mais vous dites « non ». Nous, nous trouvons ce type de posture quelque peu rigide.
L'amendement no 2423 de M. David Lorion est soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Demande de retrait au profit de l'amendement no 2577 que nous examinerons juste après. À défaut, l'avis serait défavorable.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais d'abord répondre aux orateurs : si on ne prévoit pas la suppression de la TVA NPR, les 100 millions de l'an dernier n'existeront plus du tout, il n'en restera pas même une partie. Le deal que vous proposez omet le fait que les quelque 30 millions prévus pour la réforme sont liés à la suppression de la TVA NPR.
S'agissant de l'aménagement de l'entrée en vigueur de la réforme, vous êtes nombreux à avoir signalé à raison que l'article 5 qui prévoit la suppression à partir du 1er janvier 2019 doit être complété car il faut aussi préciser comment s'effectuera la sortie en sifflet. Le choix a été fait de prendre comme date butoir du 16 octobre, jour de la décision prise à ce sujet en Conseil des ministres et du dépôt de l'amendement, permettant à ceux qui ont passé commande au plus tard le 16 octobre de bénéficier du maintien temporaire de la TVA NPR. Ils devront avoir reçu la marchandise avant le 1er juillet 2019. Tel est le sens de l'amendement du Gouvernement.
Madame la ministre, faites encore un effort : vous avez accepté six mois de plus, qu'est-ce qui vous empêche de prévoir six mois supplémentaires ? Alors que des commandes ont été passées et déjà lancées, vous posez deux limites : la première, c'est qu'elles doivent l'être avant le vote de l'ensemble du projet de loi, c'est-à-dire d'ici un bon mois, et la seconde, c'est la date du 1er juillet. Si quelqu'un passe une commande en novembre, juste avant le vote, il n'aura qu'un délai de six mois pour faire arriver son matériel alors qu'il lui faut négocier le montage financier, préparer le dossier pour bénéficier de la subvention – soit 8,5 % du prix moins les impôts, au final 5,5 % – , puis donner le temps aux fabricants de produire le matériel. Je trouve que le délai est court. En quoi cela vous gêne que l'année 2019 soit entièrement intégrée dans le dispositif comme une année-tampon qui permettrait une mise en application à partir du 1er janvier 2020. Ce serait respectueux pour les intéressés. Ne soyez pas trop dure. Je pense qu'une telle souplesse démontrerait que vous écoutez la représentation nationale. Je sais que vous écoutez… Mais on peut écouter sans entendre.
Ainsi, jusqu'à présent, je n'ai pas été entendu, ni par le ministre du budget, ni par vous, madame la ministre, alors que c'est généralement le cas.
Oui, c'est vrai, mais il ne s'agit pas ici de répétition : c'est un souhait. Techniquement, passer commande dans le cadre d'un investissement industriel n'est pas la même chose que de commander une chemise ou une paire de chaussures, et les délais d'arrivée ne sont pas les mêmes.
Par rapport à ce qui nous avait été initialement présenté, je considère, madame la ministre, que c'est un bon amendement. Je partage, il est vrai, l'opinion de mon collègue Serge Letchimy, mais je pense que vous avez entendu nos cris provoqués par l'article 4. J'espère que vous allez sanctuariser les 70 millions – après les 700 millions en quatre ans – , et je considère, au regard de cet amendement que je voterai, que vous commencez à faire des efforts.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Une question claire, madame la ministre : qu'entendez-vous par « passer une commande » ? Vous avez dit que la commande devra être passée avant l'adoption de l'amendement.
J'aurais dû dire : « avoir versé un acompte ». Je veux bien tenir compte des quelques remarques que vous avez faites les uns et les autres : on se disait avec le ministre du budget qu'on pourrait faire encore un pas au Sénat – puisqu'on ne peut sous-amender maintenant l'amendement du Gouvernement – pour fixer le 31 décembre comme date finale de versement d'un acompte.
De toute façon, c'est bien au plus tard le 1er janvier 2019 qu'il faudra avoir reçu la marchandise et c'est bien à cette date que les nouvelles mesures vont commencer à s'appliquer et que le dispositif de la TVA NPR prendra fin officiellement.
Madame la ministre, c'est bien ce que je craignais. Pardonnez-moi de vous le dire, mais ce que vous proposez dénote une méconnaissance des systèmes d'investissements en outre-mer.
En effet, la TVA non perçue récupérable, qui comprend 8,5 % du plan de financement, revient à tout ou rien. Cela veut dire que si le plan de financement n'inclut plus les 8,5 %, les banquiers ne prêteront pas le surplus et il sera impossible de verser un acompte faute de pouvoir lancer la commande. Je pourrais citer des exemples d'investisseurs qui seront demain confrontés à cette impasse. L'amendement du Gouvernement ne sert en fait pas à grand-chose.
Monsieur le député, je crois que vos propos sont un peu cavaliers envers la ministre alors que, pour ma part, je ne me permettrai pas de dire que vous ne connaissez pas le dossier.
Regardons le fond des choses : les nombreux rapports commis sur le sujet et dont la représentation nationale a eu connaissance, notamment dans le cadre des états généraux de l'outre-mer et aussi manifestement à la commission des finances, font apparaître le montant de la vraie TVA NPR. Au passage, je note qu'elle porte très mal son nom : reconnaissons que c'est une subvention, puisque le produit de cette taxe est récupéré par les intéressés sans être reversé, et on peut comprendre pourquoi le milieu économique n'est pas favorable à sa suppression. Je dois avouer que je ne connaissais pas la TVA NPR avant d'être ministre des comptes publics, mais on voit bien qu'il s'agit d'un système shadokien. M. Letchimy a eu raison de dire qu'à la limite, il faudrait d'abord changer le nom… En tout cas, ce n'est pas de la fiscalité puisqu'il s'agit d'une subvention. Elle ne profite qu'à un petit nombre de personnes qui, en l'occurrence, récupèrent cet argent, et on peut tout à fait comprendre qu'elles soient mécontentes de ne plus le récupérer à partir de l'année prochaine. De surcroît, la TVA PNR ne sert pas le territoire que vous êtes censé représenté dans cette discussion, monsieur le député, parce qu'il s'agit de 33 millions – je me permets de rectifier le chiffre de 23 millions évoqué par Mme la ministre – – alors qu'on en redistribue 100 millions.
Non seulement vos propos envers la ministre sont totalement déplacés, monsieur Serva, mais je pense qu'en plus, c'est vous qui démontrez une certaine méconnaissance du sujet : refuseriez-vous ainsi que l'on redistribue 70 millions, en transformant 33 millions en 100 millions ?
Je veux bien que vous vous opposiez par principe à la politique du Gouvernement – même si en l'occurrence cela ne manque pas de sel – , mais vous ne pouvez pas dire que cette évolution ne se fait pas au profit des ultramarins et du territoire ultramarin.
Je me permets de dire ici, à l'invitation de Mme la députée et de Mme la ministre, qu'effectivement cette transformation importante – il s'agit d'un sujet complexe et un peu shadokien – est réalisée pour les territoires ultramarins, et que les crédits budgétaires en question ne seront pas modifiés, dans le cadre des crédits de l'outre-mer, au cours du quinquennat.
Nous transformons 33 millions de subventions qui ne disent pas leur nom en 100 millions de vrais crédits budgétaires : ce triplement, en quelques minutes, est à mon sens intéressant.
Monsieur le président, si vous en êtes d'accord, je propose, au nom du Gouvernement, de rectifier en séance l'amendement no 2577 du Gouvernement pour y substituer à la date du 16 octobre, celle du 31 décembre, afin de plaire à la fois à Mme la ministre des outre-mer ainsi qu'aux députés qui me l'ont demandé.
L'amendement no 2577 est ainsi rectifié.
La parole est à M. Charles de Courson.
Il faut, certes, et cela sera ma première observation, que nous sortions de cette situation. Êtes-vous néanmoins sûr, monsieur le ministre, que l'amendement permette de répondre à ce système shadokien du remboursement d'une TVA que l'on n'a jamais versée ?
Je m'explique : le premier alinéa précise que « le I ne s'applique pas aux opérations pour lesquelles l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée [… ] ». Nous sommes vraiment dans le monde des Shadoks : cette TVA existe-t-elle ?
Elle existe, mais elle n'est pas payée.
Et elle est récupérée.
Si elle n'existe pas, quelle peut être sa date d'exigibilité ? Un impôt qui n'existe pas ne peut en effet en avoir une. Vous avouerez que c'est un peu compliqué.
Deuxième observation : comment appliquerez-vous, madame et monsieur les ministres, votre dispositif à des livraisons fractionnées ? Imaginons que j'ai commandé trois camions, le premier m'étant livré en janvier 2018, le deuxième en 2019 et le troisième en 2020. Comment l'amendement s'appliquera-t-il alors ?
Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux renvoyer à un texte d'application ?
En d'autres mots, êtes-vous sûr que cette rédaction vous permette de faire face à la multitude de situations qui ne manqueront pas de se présenter ? J'ai pris l'exemple des livraisons fractionnées et étalées sur deux ou trois ans, comme c'est souvent le cas lorsque l'on achète des biens d'investissement : comment l'amendement s'appliquera-t-il dans ce cas ?
Cela veut dire que le premier de mes camions fera encore l'objet d'un remboursement de TVA, et que les deux autres non.
Je ne sais pas. Cher collègue, vous êtes plus fort que le ministre. Il existe beaucoup de cas différents : ne vaudrait-il donc pas mieux, monsieur le ministre, que nous vous donnions délégation pour régler cela ? Sinon, nous n'en sortirons pas.
Je vous remercie, M. de Courson, d'aider le Gouvernement dans la rectification de son amendement. La parole est à M. le ministre.
Monsieur de Courson, le jour où un étudiant fera une thèse sur la TVA NPR en s'appuyant sur nos débats, j'espère qu'il pensera à nous en les lisant. J'espère également que le Conseil constitutionnel, qui lit la totalité du compte-rendu de nos débats, se dira : ils se sont bien amusés.
Sourires.
Effectivement, de ce que j'en ai compris, monsieur le député, la TVA NPR est en fait une vraie taxe, si ce n'est que les contribuables concernés en sont totalement exonérés – c'est donc une taxe à zéro – mais qu'ils en touchent le remboursement.
M. de Courson fait la moue.
Si, monsieur le député, je crois que c'est cela.
C'est pour cette raison que c'est une TVA qui n'est pas perçue, mais qui est récupérée. D'où son nom.
Ce n'est pas moi qui l'ai inventée : j'essaye justement de mettre fin à cette histoire.
Un objet sui generis. Cette remarque répond, monsieur de Courson, à votre première question. La seconde portait sur les livraisons fractionnées : il me semble que l'exigibilité de la TVA devient effective au moment de la livraison.
Nous avons fixé une date au 31 décembre 2018. Pourquoi avions-nous initialement prévu le 16 octobre ? Parce que lorsque nous avons resserré le dispositif Pinel, nous avons prévu cette même date du 16 octobre.
Un tel choix nous évitera donc un certain nombre d'effets de bord entre le moment de la décision, c'est-à-dire aujourd'hui, et le moment où le projet de loi de finances sera adopté par les parlementaires de la République, c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre.
Pour revenir à votre question, l'exigibilité de la TVA est déclenchée au moment de la livraison. Cela ne pose donc pas de problème. Des livraisons interviendront avant et après le 31 décembre, ce qui tombe bien puisque Noël a lieu avant, en tout cas cette année.
Sourires.
L'amendement no 2577 rectifié , est adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
Il a pour but de permettre la comptabilisation de l'énergie solaire thermique – type d'énergie qui désigne l'utilisation du rayonnement solaire pour chauffer un fluide, ce qui la distingue de l'énergie solaire photovoltaïque – dans la détermination du seuil d'énergie renouvelable ouvrant le bénéfice du taux de TVA réduit de 5,5 %.
En France, cette énergie est un peu plus marginale que chez nos voisins européens alors qu'elle présente un grand intérêt dans le sud du pays et dans les outre-mer, et peut-être même à Saint-Pierre-et-Miquelon…
Sourires.
Cet amendement de notre collègue Bruno Duvergé porte sur l'application du taux de TVA à 5,5 % à l'énergie solaire thermique. Il vise donc à parvenir à une égalité de traitement.
C'est en effet une énergie qui a toute sa place à côté de la biomasse, de la géothermie ou de la valorisation des déchets : il s'agit donc d'un amendement pertinent.
Il est favorable. Et le gage sera levé.
Applaudissements sur tous les bancs.
Cet article transforme les anciens dispositifs zonés en zones franches d'activité nouvelle génération, ou ZFANG. Si je salue ce mouvement, je m'inquiète, dans ma circonscription, pour la vitalité économique de deux îles de l'archipel de la Guadeloupe, la Désirade et Marie-Galante.
En effet, hors activités des secteurs sensibles, ces îles verront leurs taux d'abattement baisser, alors même que peu d'entreprises y sont implantées. Je souhaite ainsi, madame la ministre, que vous m'assuriez que cette mesure permettra le développement des activités économiques nécessaires à ces deux territoires, la Désirade et Marie-Galante.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 2088 .
Il vise à supprimer l'article 6, et ce pour une raison de fond et pour une raison de forme.
Tout d'abord, ce sujet des différents zonages est vraiment très complexe. Notre collègue Justine Benin s'interrogeait à l'instant sur deux îles : effectivement, en fonction des territoires, les approches, comme les enjeux et les secteurs prioritaires, sont assez différents.
Ce sujet est donc vaste, aussi vaste que les territoires qui composent les outre-mer : c'est d'ailleurs pour cette raison que, dans la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, un rapport – le plus complet et le plus exhaustif possible – avait été prévu.
Le Gouvernement devait le remettre au Parlement afin que nous puissions ensemble, et au regard de cette évaluation, proposer véritablement le zonage ou les zonages les plus pertinents et les plus efficaces.
Or ce n'est pas ce qui s'est passé : madame la ministre, les débats des Assises des Outre-mer ont peut-être intégré, de façon très claire, les interrogations que le monde économique exprimait ce matin encore lors de la réunion organisée par le président Serva, mais ce que je vois et ce que je ressens, c'est, là aussi, comme sur beaucoup de sujets, du flou, de l'incertitude, et beaucoup de questionnements.
C'est pour cette raison que nous proposons de supprimer l'article 6, non pour être figés mais pour avancer en pleine lumière.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, suppléant M. le rapporteur général.
Il est défavorable, pour deux raisons principales. La première renvoie effectivement au livre bleu : je rappelle qu'entre octobre 2017 et avril 2018 se sont tenues les assises des outre-mer.
Un grand nombre de participants a été associé à cet événement. La deuxième raison tient plus au fond : dans la mesure où les ZFANG sont plus efficaces que les dispositifs actuels, cet amendement de suppression constitue une surprise.
L'opportunité de ce nouvel outil a d'ailleurs été reconnue en commission, à commencer par M. Serge Letchimy, qui pourra peut-être le confirmer.
La réforme qui est présentée ici appartient à l'écosystème de la réforme des aides économiques, qui est ambitieuse : il est donc normal qu'elle suscite des inquiétudes et qu'elle soulève des questions.
Nous sommes ici pour y répondre, à travers nos débats, et nous y répondons également en dehors de cet hémicycle, notamment par nos échanges avec le monde économique.
Il s'agit de transformer ce zonage afin de favoriser les secteurs qui porteront l'économie de demain, et qui feront que ces territoires d'outre-mer créeront davantage d'emplois. On sait en effet le taux de chômage qu'ils subissent : il est, même s'il varie selon les territoires, beaucoup plus élevé que celui constaté en métropole.
Il s'agit également de faire rayonner ces mêmes territoires dans leur environnement, donc de mieux accompagner les entreprises dans leur environnement économique : tel est l'objectif de l'ensemble de cette réforme.
Nous parlons d'une réforme à 2,5 milliards d'euros, qui resteront mobilisés, chaque année, au bénéfice des territoires d'outre-mer, avec pour objectif de faire plus, de faire mieux et de placer l'entreprise en son coeur.
Ses principales mesures sont les suivantes : prolongation de la défiscalisation jusqu'en 2025, réorientation de la TVA-NPR dont nous venons de parler, avec de nouveaux outils, à hauteur de 100 millions d'euros par an, pour le financement de l'économie. Nous débattrons également des exonérations.
L'une des dispositions de cette réforme est effectivement la création d'une nouvelle génération de zones franche d'activité, ce qui était un minimum, compte tenu de l'enchevêtrement des anciens dispositifs.
En outre, ceux-ci étaient zonés géographiquement, ce qui, dans un monde insulaire, n'a pas de sens. Pourquoi, par exemple, choisir une partie d'une île et pas une autre, ou, dans un archipel, une île et pas une autre – cette dernière remarque me permettant de répondre à Mme Benin ?
Nous avons effectivement fait le choix de regrouper l'ensemble des zones – les ZFA, les zones franches d'activité, les ZFU, les zones franches urbaines, et les ZRR, les zones de revitalisation rurale – en une seule, qui a pour intérêt d'aller beaucoup plus loin que l'accompagnement que l'on peut offrir aujourd'hui.
Nous avons aussi supprimé les obligations qui étaient liées à ces zones, en matière de dépenses de formation et d'appui aux expérimentations en faveur de la jeunesse. Ce surcroît de visibilité et cette simplification étaient demandés par le monde économique.
Vous souhaitez supprimer l'article 6, donc ce nouveau dispositif, qui a pourtant été pensé attentivement. Il est vrai que la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer prévoit que le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport dressant le bilan des zonages existants. Le Gouvernement n'entend pas se soustraire à cette obligation, mais vous savez fort bien qu'il y a déjà eu énormément de rapports sur le sujet, sur lesquels nous avons pu nous appuyer. En outre, avec mon collègue Bruno Le Maire, nous avons demandé une inspection supplémentaire, afin de pouvoir poser un diagnostic et faire des propositions pour avoir un outil plus efficace, plus performant et plus visible. Les entreprises éligibles au nouveau dispositif bénéficieront d'un abattement de 50 % à 80 % sur l'impôt sur les sociétés et de 80 % à 100 % sur certains impôts locaux. Cela améliorera d'une part leur besoin en fonds de roulement, d'autre part leur performance, ce qui permettra sans nul doute de renforcer ce qu'on appelle le « haut de bilan ».
Ce dispositif a été élaboré en liaison avec le monde économique, qui nous a fait part de ses questionnements. Certes, il fera des perdants, car nous avons fait des choix.
Certains secteurs en seront exclus, mais nous l'assumons. Nous voulons aller plus loin avec ceux qui vont créer de l'emploi, qui vont soutenir le développement des territoires. Et si des secteurs ont été exclus, c'est aussi parce qu'ils bénéficieront automatiquement du développement économique que nous appelons de nos voeux pour les territoires d'outre-mer. Voilà notre objectif : faire décoller les territoires d'outre-mer et les faire rayonner dans leur bassin maritime.
Madame la ministre, merci pour cette réponse. Nous prenons acte du fait que nous aurons ce rapport à étudier. Je suis sûre qu'il éclairera certains aspects de la question.
Par exemple, dans les territoires divisés géographiquement, on peut se demander ce qu'il en sera pour les zones rurales. Prenons le cas de La Réunion : dans les zones excentrées, très rurales, cette nouvelle formule de zonage sera-t-elle pertinente ? C'est un point que l'on ne peut pas évacuer comme ça. Voilà pourquoi ce rapport est si important.
Vous dites, avec la franchise qu'on vous connaît : « J'ai choisi certains secteurs et je l'assume. Il y aura forcément des perdants. » C'est en effet le propre de tout choix, et c'est aussi pour cela que l'on fait de la politique. Le problème, c'est que dans l'esprit de la loi relative à l'égalité réelle outre-mer, ce choix devrait être fait en liaison avec les territoires. Certains secteurs contribuent davantage à la création de richesse dans certains territoires que dans d'autres. Nous sommes très différents les uns des autres, vous le savez. Le choix doit donc être fait conjointement et la décision venir, non de Paris, mais des territoires eux-mêmes.
Je voudrais intervenir au nom des membres ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Il y a dans ce projet de loi, madame la ministre, une volonté de clarifier et de simplifier les choses via la création de nouvelles zones franches, qui correspondraient à un nouveau dispositif. Toutefois, il semblerait que concertation et évaluation aient fait défaut.
La concertation fut insuffisante. Vous venez de reconnaître qu'il y aurait des perdants. C'est vrai – et c'est bien de l'assumer ; d'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le Gouvernement le fait. Toutefois, on parle là de la situation des outre-mer. Les députés ultramarins confirment qu'il y aura des perdants. Certaines entreprises ne bénéficieront plus des exonérations et verront le coût du travail augmenter ; elles annoncent déjà à leurs salariés qu'il leur faudra faire des efforts, en termes de salaires et d'effectifs. Certains territoires sortiront du zonage. Certains salariés paieront plus d'impôts et perdront du pouvoir d'achat, alors que, dans les secteurs concernés, le chômage est déjà très élevé et qu'on enregistre des records de pauvreté. Le nouveau dispositif, qui est uniforme et qui ne tient pas compte de la réalité propre aux différentes îles et aux différents territoires qui composent les outre-mer, va créer des trappes à bas salaires.
Vous parlez de concertation, mais les socioprofessionnels de Guyane menacent déjà de descendre dans la rue, car ils anticipent une hausse de 7 % du coût du travail par suite de l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier. Selon eux, celle-ci aura un effet ciseaux, qui sera défavorable au tissu économique ultramarin et dont le Gouvernement aurait mal évalué les conséquences.
Vous êtes en train de remplacer ce qui avait été fait ces dernières années par un seul et unique dispositif. Certes, les dispositifs antérieurs étaient nombreux, mais on faisait dans la dentelle – ce que vous, en revanche, ne faites pas ! Le dispositif que vous proposez suscite déjà émotion et crainte.
Monsieur Roussel, vous faites allusion au dispositif d'exonération des charges sociales, mais ce n'est pas l'objet du présent article. On ne traite ici que des aspects fiscaux. Et puisque vous évoquez le cas de la Guyane, je tiens à vous signaler que les territoires de Mayotte et de la Guyane bénéficieront, dans leur totalité, d'un dispositif renforcé. Le nouveau dispositif prend précisément en compte les difficultés spécifiques de ces deux territoires.
Les critiques des entreprises portent, non pas sur ce point, mais sur les exonérations de charges sociales. Cela regarde le projet de loi de financement de la sécurité sociale ; il faudra en débattre dans ce cadre-là. Pour ce qui nous concerne, les zones franches d'activité nouvelle génération permettront à Mayotte et à la Guyane de bénéficier d'un dispositif renforcé, sur la totalité de leurs territoires respectifs. Ce n'est donc pas ce qui soulève des difficultés – sauf pour quelques secteurs qui, comme dans les autres départements et régions d'outre-mer, seront exclus du dispositif. Il n'y a que chez eux que l'on note quelques réticences – ce qui est parfaitement normal. Cette décision découle, je le répète, d'un choix politique.
Nous reparlerons de tout cela à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », mais je serais favorable à ce que l'on avance sur ce point. Nous n'allons pas attendre un an de plus. En revanche, je suis d'accord pour mettre le dispositif sous surveillance pendant un an et nous laisser de la marge en vue de le corriger éventuellement l'année prochaine, en revenant, au cas par cas, territoire par territoire, sur les mesures qui nous apparaîtraient injustes. Évitons les blocages, sur cela comme sur la TVA non perçue récupérable et l'ensemble des propositions que nous faisons, et organisons une veille sur l'ensemble des dispositifs, afin de pouvoir les corriger, si besoin était, l'année prochaine.
L'amendement no 2088 n'est pas adopté.
Tout le monde ici sait que l'accompagnement à la création des entreprises, le suivi des entreprises et le conseil à celles-ci sont extrêmement importants pour le développement économique des territoires, en particulier dans les outre-mer. Or ces activités ne seront pas éligibles au dispositif des zones franches d'activité nouvelle génération, alors qu'elles l'étaient à l'ancien dispositif des zones franches d'activité. Le présent amendement vise par conséquent à inclure les activités de conseil parmi les secteurs éligibles au nouveau dispositif proposé par le Gouvernement.
La caractéristique du tissu économique ultramarin est d'être constitué majoritairement de très petites entreprises et de petites et moyennes entreprises. Or celles-ci sont peu structurées et mal accompagnées. Les activités de conseil, d'ingénierie ou d'études techniques à destination des entreprises sont par conséquent très importantes pour les territoires ultramarins. Or les professionnels du conseil, les bureaux d'études techniques et les experts-comptables ayant une activité légale sur place sont encore trop rares.
En Guyane, comme dans de nombreux territoires ultramarins, on observe ainsi une corrélation entre le nombre d'experts-comptables et le taux de déclarations fiscales, qui est passé de 50 % à 75 %. Toutefois, cet effort ne permet pas de combler le lourd retard des territoires ultramarins sur la métropole.
S'agissant des bureaux d'études, les difficultés rencontrées sont du même ordre. Les secteurs privé et public peinent à faire émerger des projets, à les mener et à assurer leur suivi effectif. L'État se voit obligé de sortir de ses compétences de droit commun afin d'apporter un soutien en ingénierie aux collectivités locales.
Enfin, l'inclusion de ces secteurs d'activité dans le champ des zones franches d'activité nouvelle génération, notamment en Guyane et à Mayotte, serait cohérent avec les tendances observées dans les tissus économiques locaux. En effet, certains secteurs qui sont inclus dans la zone franche renforcée, à savoir la pêche et le tourisme, ne sont pas ceux où se créent le plus grand nombre d'emplois. Les secteurs du conseil et de l'ingénierie, au contraire, aident les entreprises à se structurer et ainsi à créer de l'emploi.
Aussi le présent amendement vise-t-il à inclure les activités de comptabilité, de conseil, d'ingénierie et d'études techniques à destination des entreprises dans le nouveau dispositif. C'est nécessaire pour la survie de ces secteurs économiques, et aussi pour soutenir le développement de l'économie ultramarine.
Les conclusions des assises des outre-mer sont très claires sur ce point. Il s'agit, dans le cadre des ZFANG, d'apporter une aide renforcée à des secteurs qui ont été jugés prioritaires, exposés à la concurrence et créateurs d'emplois.
En outre, pour que les choses soient bien claires, je rappelle que le conseil aux entreprises ne perdra pas les avantages dont il bénéficie actuellement, puisqu'il est prévu une sortie « en sifflet » du dispositif actuel. Ce sera donc soft.
Avis défavorable.
Je confirme qu'il y aura bien une sortie en sifflet du dispositif actuel. Il était important de le préciser, car cela n'avait pas encore été dit. Toute entreprise incluse dans le dispositif actuel ira jusqu'au bout des cinq ans.
Nous estimons que les professions réglementées et les conseils aux entreprises sont des activités qui vont obligatoirement se développer avec le développement économique des territoires. Puisqu'elles accompagnent les entreprises, elles accompagnent le développement économique et elles bénéficieront de l'effort supplémentaire qui sera fait dans les territoires en faveur des investissements et des infrastructures. Elles verront donc nécessairement leur activité se développer.
Il fallait faire des choix. Certains sont liés à l'emploi, d'autres au développement économique futur, d'autres encore visent à répondre aux besoins exprimés par les jeunes ou aux projets promus dans le cadre des Assises des outre-mer. Je ne dis pas qu'il ne faut pas chercher d'autres solutions pour les métiers que vous évoquez. Peut-être faudrait-il étudier les possibilités offertes par le FEDER, le Fonds européen de développement régional, une ressource qui est aujourd'hui très peu mobilisée dans les territoires d'outre-mer. Elle pourrait l'être davantage s'agissant de l'accompagnement économique.
Enfin, je réitère ma proposition que l'application de ces nouvelles mesures soit suivie par un groupe qui réunirait des représentants des parlementaires, du milieu économique et du Gouvernement, de manière que nous puissions examiner ensemble comment cela se passe et faire de nouvelles propositions, en accord avec les régions et l'ensemble des territoires. Une dynamique est née ; il ne faut pas l'arrêter.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 2089 .
Cet amendement de repli du groupe Socialistes et apparentés tend à supprimer plusieurs alinéas de l'article 6 qui remettent en cause, d'une part, la contribution à la formation professionnelle, à laquelle est subordonné le bénéfice des abattements fiscaux, et, d'autre part, les dispositifs fiscaux majorés actuellement réservés à certaines zones géographiques, comme les îles des Saintes, Marie-Galante et La Désirade.
La remise en cause de la contribution à la formation professionnelle induit un manque à gagner, pour les organismes de formation, de 3 millions d'euros : pourquoi donc avoir fait ce choix ? Tout à l'heure, vous avez dit qu'il relayait une demande des entreprises.
D'autre part, pourquoi supprimer les dispositifs fiscaux majorés dans les îles que j'ai nommées ? Votre étude d'impact l'indique clairement, les entreprises qui s'y trouvent seront perdantes. Vous connaissez les problèmes que pose, pour elles, la situation de double insularité : pourquoi ne les laissez-vous pas dans les zones bénéficiaires des dispositifs majorés ?
Je veux apporter quelques précisions sur la formation et sur le fonds d'expérimentation pour la jeunesse – dont vous savez combien elle est une priorité à mes yeux.
Le fonds bénéficie d'importants reliquats budgétaires, qui suffiront, je puis vous l'assurer, pour tenir plusieurs années, jusqu'à la fin du quinquennat. C'est pourquoi notre volonté de simplifier le dispositif n'implique en rien une critique du fonds, bien au contraire : celui-ci est généreusement abondé, et nous entendons le mobiliser bien davantage qu'il ne l'a été jusqu'à présent.
Quant à la formation outre-mer, sur l'ensemble du quinquennat – donc pour les quatre années qui restent – , elle mobilise 700 millions d'euros : il y a donc une vraie volonté du Gouvernement en la matière.
Dans ces conditions, il m'est apparu évident qu'il fallait accéder à la demande de simplification du dispositif exprimée par les entreprises, sans exiger de contrepartie de leur part dans le cadre des ZFANG.
Avis défavorable.
L'amendement no 2089 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1312 , 1529 , 1556 , 2352 et 1313 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1312 , 1529 , 1556 et 2352 sont identiques.
Ils font l'objet d'un sous-amendement no 2570 .
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l'amendement no 1312 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no 1313 .
Vous avez traversé le « dur » avec beaucoup de courage, mais aussi d'intransigeance, madame la ministre. Votre capacité d'écoute habituelle vous conduira, j'en suis sûr, à accueillir ces deux amendements avec bonhomie et bonne foi.
Ils visent à étendre les abattements renforcés des zones franches d'activité de nouvelle génération aux activités de nautisme et de plaisance, qui seraient ainsi logées à la même enseigne que le tourisme. D'après le rapport remis en octobre 2016 par le contrôle général économique et financier – CGEFI – , l'inspection générale de l'administration – IGA – et le conseil général de l'environnement et du développement durable – CGEDD – , intitulé « Le renforcement de l'attractivité et de la compétitivité des ports de plaisance des régions et départements d'outre-mer », il est en effet nécessaire d'accompagner le secteur du nautisme, secteur d'avenir pour l'économie de nos territoires. Je souhaite donc que, comme le suggère ce rapport, ce secteur bénéficie des mesures d'accompagnement et de soutien à la compétitivité prévues dans le cadre des ZFANG.
Ce n'est pas faire injure au Gouvernement que de signaler les zones de tremblement de son raisonnement. Et ce n'est pas parce que nous sommes proches de ces territoires que nous en avons une vision moins objective que vous, monsieur le ministre, madame la ministre.
Je me dois de vous faire quelques observations sur les ZFANG. Si vous aviez le choix, installeriez-vous le siège social de votre entreprise à Paris 7e ou en Seine-Saint-Denis ? Je suppose que, spontanément, vous choisiriez Paris 7e ! Figurez-vous que la Guadeloupe et la Martinique ne sont pas des territoires uniformes. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, des zones franches urbaines furent créées en Guadeloupe, dans des « ghettos » où il importait de réimplanter de l'activité économique. Pourtant, ces territoires, vous les considérez comme uniformes, comme si le 7e arrondissement était pareil à la Seine-Saint-Denis. Ce n'est pas le cas !
Il y aura donc des perdants non seulement selon les secteurs d'activité, mais aussi selon la zone géographique. Un effort intéressant avait pourtant été consenti, avec les zones franches urbaines, dans sept petits territoires ultramarins. Ils seront « reghettoïsés » car l'entrepreneur, au vu de leur insalubrité et de l'insécurité qui y règne, n'aura plus aucun intérêt à s'y installer : il privilégiera les zones économiquement plus attractives. Aussi, bien que les activités éligibles au dispositif des zones franches soient revues dans le cadre des ZFANG, mon amendement tend-il à maintenir les zones franches urbaines au bénéfice des territoires en difficulté.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1556 .
Vous avez osé franchir un pas, madame la ministre, pour faciliter une mutation économique locale. Si je ne vous ai rien concédé dans la première partie de nos débats, je considère que vous allez ici dans le bon sens. Mon collègue Serva n'a pas tort de dire que les ZFU ont apporté quelque chose dans les quartiers difficiles, comme celui de Dillon, où le nombre d'entreprises installées est passé de 200 à 2 000. En même temps, on ne peut ignorer les territoires qui ne bénéficient pas d'un tel soutien, comme le nord de la Martinique, devenu un désert médical.
Je suis également favorable à la filiérisation, c'est-à-dire à l'identification des quatre ou cinq grandes filières qui pourraient développer une activité économique structurée, couvrant la formation, l'environnement, les matières premières de base, la transformation et la création de valeur ajoutée.
J'insiste également sur la nécessité d'espaces nouveaux de démocratie économique. On me demande souvent ce que j'entends par là, s'étonnant que je suggère qu'il n'existe pas de démocratie économique ; mais quand le développement économique est structurellement figé, à la racine, depuis trois ou quatre cents ans, il est assez logique que les investissements n'aient aucune chance de s'étendre au-delà des périmètres habités. Ce que je veux, c'est qu'à Grand'Rivière, à Fort-de-France, au François, à Dillon comme à Volga-Plage, on utilise l'intelligence des jeunes pour investir et redonner de la liberté, autrement dit pour libérer les énergies locales.
À cette fin, je puis vous conseiller plusieurs orientations. Vous avez déclaré vouloir continuer à travailler pour éviter tout isolement dans une seule logique. Premièrement, je vois mal comment on peut parler d'une ZFANG globale sans évoquer aussi les ports francs. N'oubliez pas que nos territoires sont des îles : l'important n'est pas de tourner en rond dans notre calebasse, mais d'exporter chez nos voisins et d'importer des matières premières venues de chez eux. Sortons du ridicule qui consiste à importer des matières premières brésiliennes ayant transité par Bordeaux ! Le développement économique à l'échelle locale est bien préférable.
Deuxième observation : au-delà des ports francs, nous avons besoin d'un soutien logistique à l'exportation qui ne se cantonne pas au rhum et à la banane. Il doit aussi profiter aux petites productions locales. On ne peut invoquer nos immenses richesses en matière de biodiversité sans accompagner la production et sa transformation.
Enfin, nous devons être très prudents. Lors de la réunion organisée tout à l'heure par Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer, il a été rappelé que les modifications qu'il est prévu d'appliquer aux zones franches, conjuguées à certaines dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pourraient entraîner, aux dires des acteurs économiques, une hausse des cotisations de 25 à 30 %. Lorsque l'on crée un dispositif, il faut veiller à ce qu'il ne pénalise pas certains secteurs.
Pour en venir à mon amendement, il n'est pas normal de ne pas faire du tourisme une priorité. Il en va de même de l'industrialisation, objet d'un autre de mes amendements.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement identique no 2352 .
Monsieur Letchimy, je suis partisane d'une démocratie économique qui libère les énergies et permette aux jeunes de s'investir dans leur territoire, en Martinique comme en Guadeloupe, où se posent en effet des problèmes démographiques, ainsi qu'à Mayotte et en Guyane, où la jeunesse peut être une richesse à condition que l'on sache l'accompagner.
Je suis même d'accord pour aller plus loin encore avec les régions volontaires : la démocratie économique telle que nous la concevons, vous et moi, verra le jour lorsque les régions en prendront véritablement les rênes. Mais nous n'y sommes pas encore. En attendant, nous proposons des outils qui nous mèneront peut-être sur cette voie.
Oui, la priorité est donnée au tourisme ; quant au nautisme, il n'était pas cité, et il faut en effet qu'il le soit. Aussi le Gouvernement vous propose-t-il un sous-amendement qui intègre les activités « de loisirs et de nautisme », tout en excluant la notion d'« activités culturelles [et] de loisirs ». La notion de loisir est en effet très difficile à définir, et il existe d'autres outils d'accompagnement pour la culture. Le nautisme figurera donc bien au nombre de nos priorités, au même titre que le tourisme.
Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements et sur le sous-amendement ?
Je m'inquiète de la durée de nos débats. Sur le fond, je pense que nous gagnerions à densifier nos interventions. Nous avons beaucoup de sujets à étudier, et j'imagine que tous ceux qui siègent sur nos bancs cet après-midi seront là aussi demain, après-demain et lundi, y compris dans la nuit, lorsque nous aurons achevé l'examen des articles qui nous occupent en ce moment.
Je suggère donc une suspension de séance, peut-être après le vote de ces amendements, pour faire le point sur l'objectif que nous nous fixons d'ici à vingt heures.
Il nous reste encore un peu plus d'une heure trente d'ici là ; peut-être pourrions-nous aller jusqu'au bout de l'article 7, pour débattre de la TEOM, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. En tout état de cause, nous devons adopter un rythme de travail qui, évidemment, n'empêche pas l'examen des questions difficiles que nous avons à étudier.
Peut-être pourriez-vous suspendre très brièvement la séance, monsieur le président, de façon que les représentants des groupes se mettent d'accord sur le rythme de nos travaux.
Mme Olivia Gregoire applaudit.
Je suis bien entendu d'accord avec vous, monsieur le président Woerth : j'avais moi-même alerté notre assemblée sur cette question en début de séance.
Pour la bonne organisation de nos débats, je vous propose d'en terminer avec l'article 6 avant de suspendre la séance quelques minutes. Mais, pour que cette suspension soit utile et efficace, j'invite les responsables des groupes à se rapprocher du président et du rapporteur général de la commission des finances. Si tout le monde s'égaille, la suspension n'aura guère d'intérêt.
Le sous-amendement no 2570 est adopté.
Je constate que les amendements identiques ont été adoptés à l'unanimité.
Je suis maintenant saisi de plusieurs amendements, nos 1311 , 1530 , 1557 et 2359 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1311 , 1530 et 1557 sont identiques.
Ils font l'objet d'un sous-amendement no 2590 .
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l'amendement no 1311 .
Je vais faire un effort de concision puisque M. Woerth commence à s'impatienter – je pensais que l'outre-mer valait bien une journée, voire davantage. D'ailleurs, pour avoir assisté aux débats dans l'hémicycle ou pour les avoir regardés à la télévision, je puis vous assurer que les ultra-marins n'ont pas été les plus prolixes.
Le présent amendement vise à intégrer les secteurs industriels dans la liste des secteurs bénéficiant des abattements fiscaux majorés des ZFANG. Le secteur de l'industrie est en effet composé à 75 % d'entreprises artisanales des secteurs de la production, de la transformation et de la réparation. Vous connaissez bien le sujet, madame la ministre, et c'est pourquoi je pense qu'il s'agit d'un oubli de votre part. Vous pourrez constater, monsieur le rapporteur général, que nous sommes dans un bon état d'esprit.
La parole est à M. Olivier Serva, pour soutenir l'amendement identique no 1530 .
Les secteurs industriels ont été ajoutés à la liste des secteurs bénéficiant d'exonérations de charges sociales patronales. Pour respecter le parallélisme des formes, il apparaît donc tout naturel de procéder de même s'agissant des zones franches d'activité nouvelle génération. Il doit en effet s'agir d'un oubli.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement identique no 1557 .
Je salue votre décision, madame la ministre, d'étendre aux activités du nautisme et de la plaisance le bénéfice des abattements renforcés de la ZFANG. Nous ne pouvons pas faire abstraction de notre propre géographie, en particulier de la mer, et si des activités peuvent prospérer outre-mer, ce sont bien celles-là.
Reste que MM. Serva et Mathiasin ont raison : comment parler de développement en laissant de côté l'industrialisation ? Au cas où les activités industrielles – c'est-à-dire de production, quel qu'en soit le niveau – ne feraient pas partie des secteurs bénéficiant des abattements fiscaux majorés des ZFANG, il faudra les y ajouter. Il s'agit par là de promouvoir le développement économique interne, car le le développement endogène peut structurer une nouvelle dynamique locale. Il faut rétablir la confiance ; en adoptant cet amendement, vous ferez un nouveau pas sur cette voie.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 2590 .
Je propose de prendre en effet en considération le volet industriel, mais en en précisant le contenu. Nous entendons étendre le dispositif aux transformations de produits destinés à la construction, en particulier à la construction navale – il s'agit ici de favoriser la croissance bleue, ce qui est notamment attendu en Guadeloupe – ainsi qu'à la production cosmétique et pharmaceutique, car je crois en ce secteur industriel dans lequel les collectivités d'outre-mer peuvent produire l'excellence grâce à la richesse maritime et à la biodiversité dont elles disposent.
Comme la ministre, je souhaite que nous soutenions encore davantage des secteurs particulièrement porteurs pour l'outre-mer tels que la construction navale ou les produits cosmétiques. Aussi la commission est-elle favorable au sous-amendement et aux amendements identiques sous-amendés. Quant à l'amendement no 2359 , légèrement différent, il conviendrait de le retirer.
Pour ma gouverne, madame la ministre – je n'ai pas tout compris – , est-ce que le secteur agro-alimentaire est concerné ?
Oui, il fait déjà partie de la liste.
Le sous-amendement no 2590 est adopté.
Le sous-amendement et les amendements identiques ont été adoptés à l'unanimité.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 2090 .
L'amendement no 2090 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1571 .
Le présent amendement répond à une demande de députés siégeant sur tous les bancs concernant le dispositif des ZFANG. Pour en mesurer la pertinence, il convient de le faire vivre mais, en même temps, de l'évaluer assez rapidement. C'est pourquoi une évaluation est proposée dès l'année 2020.
Le Gouvernement est évidemment favorable à cette évaluation. Il est en effet important que nous parvenions à travailler ensemble pendant toute l'année. Je renouvelle mon offre et espère qu'au moment de l'examen de la mission « Outre-mer » nous pourrons concrétiser cette proposition.
L'amendement no 1571 est adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1572 .
Je propose que cet amendement soit présenté par Mme Charlotte Lecocq qui l'a soutenu en commission.
L'amendement vise à étendre aux communes limitrophes le périmètre géographique des bassins urbains à dynamiser. Si elles correspondent aux critères propres à ces territoires, elles pourront ainsi bénéficier de dispositifs fiscaux spécifiques. Je souhaite que l'Assemblée vote cet amendement adopté par la commission des finances.
Avis favorable.
Il s'agit d'une mesure de défiscalisation prise pour le bassin minier du Nord de la France. C'était une promesse du gouvernement de la précédente législature qui n'a pas été concrétisée. L'année dernière, M. Fabien Roussel avait travaillé avec l'actuel gouvernement sur le sujet. À la suite de votre intervention, madame la députée, nous avions constaté que la commune d'Ostricourt – qui se trouve dans le bassin minier, comme chacun le sait – ne bénéficiait pas du dispositif fiscal propre aux bassins urbains à dynamiser. Ce sera désormais le cas ; les habitants et les entreprises d'Ostricourt pourront vous en remercier.
Sourires.
L'amendement no 1572 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 2483 .
Cet amendement d'appel vise à demander la création d'une « zone fiscale prioritaire de montagne » en Corse, conformément à l'article de la loi du 28 décembre 2016, dite « loi montagne », qui reconnaît la Corse comme territoire cumulant les contraintes d'insularité et celles de la montagne, ainsi qu'à la délibération de l'Assemblée de Corse en 2016.
Il s'agit de créer les conditions d'une fiscalité adaptée dans des territoires fracturés qui cumulent plusieurs contraintes : la densité démographique y est faible ou très faible, les temps de parcours sont longs ou très longs, un nombre faible ou très faible d'entreprises y est installé, et ils connaissent une dynamique d'emploi très inférieure à la moyenne nationale, alors qu'ils recèlent les principales ressources naturelles – on pense notamment à la filière bois.
L'équité fiscale constitue donc une nécessité qui pourrait se traduire dans le cadre d'un statut fiscal et social que la collectivité de Corse demande au Gouvernement. Je voudrais connaître l'avis du Gouvernement sur le principe d'une discussion, d'ici à la deuxième lecture, sur la création de cette zone fiscale prioritaire de montagne.
Puisqu'il s'agit d'un amendement d'appel, j'en demande le retrait. À défaut, mon avis serait défavorable.
Je n'ai pas eu de réponse sur la possibilité de discuter de la zone fiscale de montagne. En conséquence, je le maintiens.
Je ne voudrais pas que M. Acquaviva se sente méprisé, et je réponds bien volontiers à sa question. Cela dit, il y a quelque chose que je ne comprends pas bien, monsieur le député : si je l'ai bien compris, le dispositif que vous proposez de mettre en place est moins intéressant que les deux dispositifs d'exonération fiscale qui existent déjà pour le territoire corse. Je crois que, pour le bien de l'île de Beauté, mieux vaudrait que votre amendement ne soit pas adopté, quitte à ce que nos discussions se poursuivent sur l'évaluation des dispositifs existants qui concernent les communes corses.
On voit bien que de la discussion jaillit la lumière – et c'est tant mieux. Si j'ai insisté initialement sur le fait qu'il s'agissait d'un amendement d'appel, c'est parce que nous étions conscients, dès son dépôt, du fait que le dispositif qu'il propose est effectivement de moindre portée que celui des ZRR ou des zones d'aide à finalité régionale.
Bien entendu, la délibération de 2016 de l'Assemblée de Corse formule des propositions plus poussées dans le cadre de ce dispositif. L'amendement vise à nouer un dialogue sur ce dernier, à partir des dispositions législatives en vigueur et des propositions désormais sur la table. Y a-t-il un espace pour en discuter d'ici à la deuxième lecture ?
Le ministre vous a dit qu'il était ouvert au dialogue. Maintenez-vous votre amendement ?
L'amendement no 2483 est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 1345 .
En abaissant progressivement le taux de l'IS, l'impôt sur les sociétés, dans le projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement mentionnait dans l'exposé des motifs : « En effet, comme souligné par le conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de 2016 « Adapter l'impôt sur les sociétés à une économie ouverte », une baisse du taux normal d'IS constitue un enjeu d'attractivité pour notre territoire et de compétitivité pour nos entreprises. »
Ce qui est vrai pour la France entière l'est également pour la Réunion, qui souhaite prendre un tournant radical afin de prendre une part active au flux des échanges mondiaux, en attirant notamment des entreprises métropolitaines ou internationales désireuses d'exporter à partir de son territoire.
En Irlande, la baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés, ramené à 12,5 %, a été à l'origine d'un boom économique, en particulier dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il s'agit d'une sorte de « produit d'appel » destiné aux entreprises afin qu'elles investissent sur place.
L'amendement propose une expérimentation, conforme à l'article 37-1 de la Constitution, qui pourra être généralisée en cas de succès. La combinaison de la zone franche d'activité et du taux d'IS à 15 % marquerait la création d'une « entreprise franche ». Elle serait aujourd'hui réunionnaise ; elle sera peut-être, demain, ultramarine.
L'amendement prévoit ainsi une généralisation expérimentale pour cinq ans, sur le territoire de la Réunion, d'une mesure existant déjà pour certaines PME détenues par des personnes physiques, avec des montants limités. Elle concernerait l'ensemble des redevables situés sur le territoire dont les bénéfices imposables sont issus d'activités exercées localement.
L'amendement no 1345 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 1765 .
Il vise à étendre à la Corse le bénéfice des taux dérogatoires appliqués à l'outre-mer en matière de crédit d'impôt recherche – CIR – et de crédit d'impôt innovation – CII – , prévus à l'article 244 quater B du code général des impôts.
La Corse est la dernière région française en termes de dépenses de recherche et développement, ou R& D. Le ratio entre R& D et PIB y est même inférieur de 40 % à celui des départements d'outre-mer, classés avant-derniers. Elle a également le ratio le plus faible parmi les grandes îles méditerranéennes occidentales. Enfin, si l'on mesure l'écart qui sépare des moyennes nationales respectives le ratio entre R& D et PIB de ces îles, la Corse est de très loin la dernière.
Parmi les mesures fiscales spécifiques à la Corse dont bénéficient les entreprises, aucune ne concerne la R& D et l'innovation. Le retard dont souffre la recherche est un handicap majeur pour l'avenir des îles, et pour celui de la Corse en particulier.
Nous sommes partisans de mesures fiscales adaptées à l'investissement productif et à l'investissement en R& D. Nous souhaitons stimuler la R& D en Corse par une mesure fiscale incitative, et combler ainsi son retard par rapport aux autres territoires.
Je soutiens cet amendement. Vous devez prendre conscience du fait que, sur ce sujet, la demande est très forte en Corse. Partout, l'innovation et la R& D sont des éléments d'avenir, mais, chez nous, c'est particulièrement vrai en raison notre tissu entrepreneurial.
Les sommes que l'État devrait engager seraient très faibles, et le retour sur investissement serait très bon. Nous jouerions gagnant-gagnant, car cette politique constituerait l'un des facteurs de développement de la Corse. Prenez-en conscience avant de refuser ce qui vous est proposé !
Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, je trouve vos réponses un peu rapides et sibyllines. D'après mes informations, le ministre de l'économie et des finances se rend en Corse, lundi prochain, avec en poche un rapport de l'inspection générale des finances sur l'évolution de la fiscalité en Corse – soit l'objet même de l'amendement présenté par M. Acquaviva et soutenu par M. Castellani.
Monsieur le ministre, si votre réponse consiste à dire que vous allez réfléchir globalement à la fiscalité en Corse, et que cette proposition sera étudiée dans ce cadre, cela laisse ouvert le champ des possibles. Si vous vous contentez de dire « défavorable », sans autre forme de procès, je crains que cela ne crée un léger malaise. Et que dira le ministre en Corse, lundi prochain ?
Je n'en sais rien !
Si je puis me permettre, vous devez en savoir un peu plus que nous !
Je rappelle aussi que le Gouvernement s'est engagé, dans le cadre de la révision en cours, à inscrire la Corse dans la Constitution, en particulier afin de permettre des dérogations fiscales. Dans ce contexte, on peut entendre que l'on demande le retrait de l'amendement, mais à condition que l'on propose de rediscuter globalement de l'évolution de la fiscalité en Corse.
En fait, monsieur Pupponi, nous étions convenus, y compris avec les représentants de votre groupe, d'avancer assez rapidement dans cette discussion, sachant que le débat en cours relève plutôt de la seconde partie du projet de loi de finances que de la première – même si je comprends bien que nous avons affaire à des amendements d'appel, souvent déposés par des députés élus en Corse. Nous aurons cette discussion en seconde partie, et vous pourrez en particulier en discuter avec le ministre de l'économie et des finances. Je ne sais pas ce qu'il annoncera ; je sais seulement qu'il se rend sur l'île de Beauté. Franchement, je ne sais pas grand-chose, si ce n'est que j'ai eu sur mon bureau le rapport de l'inspection générale des finances.
Ce n'était pas méprisant de dire « défavorable ». Les députés ont eux-mêmes présenté leurs amendements comme des amendements d'appel, et j'ai déjà indiqué que j'étais prêt à discuter dans le cadre de la seconde partie ou de la lecture suivante.
Monsieur le ministre, le projet de loi de finances rectificative que vous avez annoncé pour le mois de mars prochain, qui portera en particulier sur la réforme de la fiscalité locale, proposera-t-il des dispositions spécifiques pour les départements et les territoires d'outre-mer ou, par exemple, pour nos collègues alsaciens qui demandent à créer une taxe spécifique sur les poids lourds en transit ? Est-ce dans vos cartons ?
Pour tout vous dire, les discussions gouvernementales commencent seulement sur ce texte. Ce que vous évoquez n'est en tout cas pas dans les cartons, comme vous dites, du ministère de l'action et des comptes publics ; cependant, dès lors que ce projet de loi de finances rectificative sera spécifiquement consacré à la fiscalité territoriale, les parlementaires comme le Gouvernement pourraient imaginer d'y introduire ce type de mesures. En tout cas, ce n'est pas prévu à ce jour par le Gouvernement.
L'amendement no 1765 n'est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements, nos 1574 , 2220 , 2325 , 2319 , 2332 et 1780 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 1574 fait l'objet d'un sous-amendement no 2611 et l'amendement no 2220 fait l'objet d'un sous-amendement no 2553 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1574 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais m'exprimer globalement sur cette série d'amendements.
L'amendement no 1574 résulte d'un amendement de notre collègue Jean-Félix Acquaviva, adopté par la commission des finances. Il vise à exclure du champ d'un crédit d'impôt spécifique à certains investissements réalisés et exploités en Corse ceux réalisés pour les besoins de la gestion ou de la location de meublés de tourisme, en raison de comportements d'optimisation et de la raréfaction du foncier pour les habitants.
J'ai par ailleurs déposé un sous-amendement, no 2611 , qui vise simplement à préciser que le dispositif ne s'applique qu'aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019.
L'amendement no 2220 de MM. Acquaviva, Colombani et Castellani obéit à la même logique que celui de la commission des finances, mais pose problème en ce qu'il réserve un sort particulier aux chambres d'hôtes.
Toujours en discussion commune, nous en viendrons à quatre amendements de M. Pupponi, dont la rédaction est moins précise, et qui n'excluent pas les chambres d'hôtes. Ils visent à fixer des seuils différents. Parmi eux, les amendements nos 2332 et 1780 comportent certains risques.
Je vous propose, pour accélérer cette discussion commune, d'adopter le sous-amendement no 2611 puis l'amendement no 1574 sous-amendé. Nous pourrons ensuite, en deuxième lecture, affiner la rédaction du nouvel article ainsi ajouté au texte dans l'esprit de l'amendement no 2220 .
Je comprends, monsieur le rapporteur général, que vous avez ainsi défendu le sous-amendement no 2611 . Pour éclairer l'Assemblée, monsieur le ministre, peut-être pouvez-vous donner l'avis du Gouvernement ?
Même avis que M. le rapporteur.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 2220 , qui fait l'objet du sous-amendement no 2553 rectifié .
Cela a déjà été dit, mais j'insiste : au départ, l'amendement que nous avons examiné en commission visait à éteindre une niche fiscale que nous considérons nocive en ce qu'elle favorise la spéculation immobilière, l'augmentation du nombre de résidences secondaires, et fait ainsi monter les prix du foncier.
L'amendement no 1574 vise à exclure du bénéfice de ce crédit d'impôt la gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse. Par l'amendement no 2220 , nous proposons de ne pas exclure les entreprises touristiques professionnelles telles que les chambres d'hôtes, les maisons d'hôtes et les hôtelleries de petite capacité.
Je rappelle qu'en Corse, 37,2 % des logements sont des résidences secondaires, contre 9,6 % en moyenne au niveau national : le phénomène est galopant. Il est donc nécessaire d'agir, de manière juridiquement sûre ; c'est une exigence non seulement économique, mais aussi éthique et morale.
En ce qui nous concerne, nous sommes favorables à une démarche en deux temps : adopter cet amendement, puis rendre le dispositif plus sûr, notamment pour éviter la rétroactivité fiscale – il ne faudrait pas, évidemment, que des projets pour lesquels un permis de construire a déjà été déposé soient pénalisés par le resserrement de ce crédit d'impôt.
La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara, pour soutenir le sous-amendement no 2553 rectifié .
Monsieur le ministre, comme vous le savez, je n'ai pas la même sensibilité politique que mes trois collègues corses ; sur ce point, cependant, je partage leur analyse. Ce crédit d'impôt procédait d'une intention louable, mais pour les raisons qui ont été évoquées, il a été dévoyé ; désormais, contrairement à son objectif initial, il sert à des investissements spéculatifs dans l'immobilier, au détriment de la population de la Corse et des finances publiques.
Je pense qu'il faut, tout en remédiant à cette injustice, préserver les habitants de la Corse qui sont propriétaires d'une maison ou d'un terrain transmis dans le cadre d'une succession ou acquis depuis au moins dix ans. Il faut que ces personnes continuent à bénéficier de ce crédit d'impôt pour leurs projets d'investissement. Le crédit d'impôt renouerait ainsi avec son objectif originel et s'appliquerait uniquement aux contribuables légitimement éligibles.
Vous me répondrez probablement que cela n'est pas possible à cause du principe d'égalité devant l'impôt ou d'un autre principe : sachez que, pour ma part, je suis ouvert à toute discussion. Je suis à votre disposition et à celle de vos services pour trouver la manière la plus adéquate de parvenir au résultat visé.
Très bien. J'en profiterai pour répondre à M. le rapporteur général et lui poser des questions.
Nous avons tous déposé en commission des amendements tendant à limiter la dérive de ce crédit d'impôt. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général : il faudra expertiser l'amendement présenté par notre collègue Jean-Félix Acquaviva d'ici à la deuxième lecture, pour s'assurer qu'on ne prenne pas dans ce filet des personnes qui ne font pas de la spéculation, mais méritent de bénéficier de l'avantage que représente le crédit d'impôt.
En revanche, monsieur le rapporteur général, je pense que votre sous-amendement no 2611 ne convient pas. Il tend en effet à exclure du bénéfice du crédit d'impôt les personnes réalisant des investissements après le 1er janvier 2019. Mais il y a des personnes qui ont déjà déposé une demande de permis de construire, qui l'obtiendront avant le 31 décembre 2018 et qui, pour des raisons techniques ou pratiques, ne pourront commencer les investissements qu'après le 1er janvier. Ces personnes, qui pensaient avoir droit au crédit d'impôt et ont bâti leur plan de financement en tenant compte de l'abattement de 30 %, seront pénalisées par votre sous-amendement.
C'est pourquoi je propose, par l'amendement no 2319 , que le crédit d'impôt continue de s'appliquer aux personnes ayant obtenu un permis de construire avant le 31 décembre 2018, quelle que soit la date de début des travaux. Il faut protéger les personnes qui comptent sur le crédit d'impôt de 30 % pour la réalisation de leur projet : si on leur ôte le bénéfice de ce dispositif entre le moment où elles ont obtenu le permis de construire et celui où elles envisagent de commencer les travaux, alors elles ne pourront plus financer leur projet.
Vous avez dit, par ailleurs, que certains de mes amendements comportent des risques : j'aimerais bien savoir lesquels. Je subodore que vous visiez les amendements nos 2332 et 1780 , aux termes desquels le crédit d'impôt serait réservé aux personnes fiscalement domiciliées en Corse. Pourtant, monsieur le rapporteur général, je me permets de vous faire remarquer que les articles 4, 5 et 6 de ce projet de loi de finances, tels qu'ils ont été modifiés, réservent certains avantages fiscaux aux personnes fiscalement domiciliées dans les DOM. Pourquoi ce qui est possible pour les DOM serait-il impossible pour la Corse ?
Le code général des impôts regorge de dispositions qui bénéficient uniquement aux personnes fiscalement domiciliées à tel ou tel endroit. C'est le cas des ZFU et des ZRR : des personnes morales ont droit à un avantage fiscal en raison du fait que leur siège social, leurs activités, sont situés dans ces zones. Le code général des impôts admet donc tout à fait que l'on subordonne le bénéfice de certains dispositifs à la localisation des personnes. J'ai du mal à comprendre pourquoi cela serait possible sur tout le territoire national sauf en Corse !
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements en discussion commune ?
Je l'ai donné tout à l'heure en présentant l'amendement no 1574 de la commission des finances. Nous avons trouvé un certain consensus avec les députés de la Corse sur cet amendement, tel qu'il sera modifié par le sous-amendement no 2611 . Pour être tout à fait franc avec vous, j'ajoute que sa rédaction provient de la direction de la législation fiscale. S'il y a une erreur de plume, nous la corrigerons de toute façon.
En tout état de cause, il importe que cette modification du crédit d'impôt soit actée dans la première partie du PLF. Nous reprendrons en deuxième lecture l'esprit des dispositions proposées par M. Acquaviva par l'amendement no 2220 : nous résoudrons ainsi le problème des chambres d'hôtes.
Pour ce qui concerne les autres amendements en discussion commune, j'ai donné brièvement l'avis de la commission, puisque nous semblions tous d'accord pour aller plus vite. Je constate que nous n'y arriverons pas : je vais donc reprendre un par un vos amendements, monsieur Pupponi.
Protestations sur les bancs du groupe SOC.
Il n'est pas nécessaire de reprendre un par un mes quatre amendements : répondez-moi simplement sur la question de la domiciliation.
De toute façon, à chaque fois que nous essayons d'aller un peu plus vite, nous n'y parvenons pas. J'en prends acte : nous serons ici ce week-end !
L'amendement no 2319 est tout simplement moins précis que les précédents, et n'exclut pas les chambres d'hôtes. L'amendement no 2325 fixe un seuil de chiffre d'affaires à 20 000 euros, qui ne correspond pas à votre objectif : il est tout à fait possible de s'arranger pour rester sous ce seuil au moyen de fractionnements. Les amendements nos 2332 et 1780 comportent un risque : s'ils étaient adoptés, il suffirait à une entreprise française de créer une filiale en Corse pour échapper à tout encadrement.
C'est pourquoi je vous invite à retirer ces amendements. Par l'amendement no 1574 , nous installerons une architecture que nous pourrons compléter en deuxième lecture.
Je répète que le sous-amendement no 2611 ne convient pas, car il ne tient pas compte des dossiers de demande de permis de construire en cours de traitement : vous faites erreur. Vous persistez dans cette erreur : c'est votre problème !
J'en viens aux autres amendements en discussion commune. Vous dites, monsieur le rapporteur général, qu'il faut adopter l'amendement de la commission des finances, et que nous nous reverrons d'ici à la deuxième lecture pour savoir comment réécrire l'article additionnel qui en résultera, afin qu'il soit plus satisfaisant. Nous aurons plusieurs questions à examiner à cette occasion, notamment celles de la domiciliation fiscale et des personnes que nous voulons empêcher d'investir. La discussion ne doit donc pas être limitée aux dispositions de l'amendement no 2220 de M. Acquaviva : c'est un cadre trop restreint. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de revoir la rédaction de cet article additionnel pour déterminer qui doit bénéficier du crédit d'impôt et qui ne doit pas en bénéficier ?
Je voudrais aborder trois points. Premièrement, comme l'a fait mon collègue Jean-Félix Acquaviva, je rappelle que cette niche fiscale a été totalement dévoyée. À l'origine, ces dispositions visaient à encourager les entreprises corses. Mais, à la faveur de cette niche fiscale, plusieurs problèmes sont apparus. Tout d'abord, nos hôteliers sont concurrencés par le développement de la para-hôtellerie, à laquelle ne s'applique pas le même régime fiscal. Ensuite, une très importante spéculation immobilière est apparue. Nous voulons, par l'amendement no 2220 , mettre fin à ces problèmes.
Deuxièmement, nous sommes d'accord pour réécrire notre amendement afin d'en améliorer la sécurité juridique, pour éviter de mettre en péril les projets qui auront démarré dans les derniers mois de l'année ainsi que les chambres d'hôtes.
Troisièmement, je remercie notre collègue Jean-Jacques Ferrara de son sous-amendement. Pour le parti auquel il appartient, c'est une novation, puisqu'il ne s'agit de rien de moins que d'avancer vers le statut de résident auquel nous sommes très favorables – c'est une vieille revendication de notre majorité nationaliste.
Il faut que les choses soient claires : on ne peut pas rester dans la confusion. Le problème soulevé par l'amendement no 2220 n'est pas simple : il importe d'en identifier les éléments essentiels.
Premièrement, tout le monde s'accorde à reconnaître que le crédit d'impôt dont il est question, qui a été concédé dans l'objectif de promouvoir les activités productrices dans l'île, a été dévoyé. Si vous interrogez un moteur de recherche sur internet avec les mots-clés « investissement immobilier en Corse », vous comprendrez rapidement que l'argent public n'a pas à favoriser les opérations de ce type, qui bradent notre patrimoine foncier, causent une sélection par l'argent et mettent en place une économie résidentielle – bref, dont l'effet est intégralement négatif.
Cependant, les Corses ne doivent pas être pénalisés collectivement – cela aussi, il faut le dire. Il est heureux que ce crédit d'impôt aide des familles à procéder à des investissement modestes. Ce sont des personnes qui génèrent des revenus par leur travail et non par la spéculation. C'est pourquoi il est nécessaire de recentrer le bénéfice de ce crédit d'impôt.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur général, que nous reverrons cela en deuxième lecture. Je ne vois pas pourquoi ! Comprenons-nous bien : les activités de nature familiale ne doivent pas être exclues du dispositif, seules les activités spéculatives doivent l'être. Ce n'est tout de même pas compliqué ! Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, essayons dès aujourd'hui de recentrer le crédit d'impôt au nom de l'intérêt collectif.
Le sous-amendement no 2611 est adopté.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 2271 .
Cet amendement anticipe sur la discussion que nous aurons certainement lundi avec Bruno Le Maire, même si l'on nous a dit que nos questions n'ont pas encore trouvé réponse. Le taux de crédit d'impôt au titre des investissements réalisés et exploités en Corse est actuellement de 20 % à 30 % ; cet amendement vise à le porter à 50 % pour certains secteurs stratégiques, afin de muscler l'appareil productif de l'île.
Cet objectif est important, sachant que nous sommes par ailleurs d'accord pour éteindre les niches fiscales spéculatives et rentières qui ont été dévoyées. Pour l'atteindre, il faut tenir compte des surcoûts objectifs liés à l'insularité. C'est pourquoi nous proposons d'augmenter le taux de crédit d'impôt au bénéfice des secteurs agricole, agroalimentaire, industriel et sylvicole. Cela leur permettra de mieux se structurer, dans le cadre d'une économie sur-administrée.
L'amendement no 2271 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1531 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1760 .
Vous avez décidé d'instituer des zones franches d'activité nouvelle génération dans les départements et régions d'outre-mer. Si cela est nécessaire à la vitalité économique de ces derniers, peut-être le Gouvernement pourrait-il promouvoir d'autres zones franches, notamment en faveur des centres-villes.
Je rappelle que le taux moyen de la vacance commerciale y est passé de 7,2 % en 2012 à 11,1 % en 2017 ; or le seuil critique pour la vitalité d'un centre-ville est atteint lorsqu'il s'élève à 10 %. La situation est dramatique dans certaines villes : 62 % des centres-villes observés dans l'étude de la fédération PROCOS pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé ont un taux de vacance supérieur.
Le Gouvernement contribue déjà à aider 222 villes par le projet « Action coeur de ville », mais ce dispositif devrait être soutenu, notamment, par l'établissement de zones franches spécifiques en faveur des centres-villes.
C'est pourquoi je propose la création d'une taxe spécialement dédiée à la revitalisation de ces derniers. Il s'agirait de « dispositifs fiscaux dissuasifs », créés par décret, « en cas de non-renouvellement des zones franches périurbaines dans les villes dont les centres-villes connaissent des taux de vacance commerciale supérieur à 10 % ».
Au fond, il s'agit de tourner la page de la culture de la périphérie qui a amoindri la vitalité et la spécificité de nos territoires. Ces mesures fiscales permettraient aux villes de rayonner à nouveau depuis leur centre-ville unique. Ce dispositif fiscal ne serait pas financé à perte, puisqu'il créera de la richesse au coeur des 400 villes moyennes qui comptent entre 20 000 et 100 000 habitants.
Le soutien aux centres-villes français peut et doit passer par de telles dispositions. Ce projet de loi de finances en est l'occasion et, certaine que la vitalité de nos commerces vous est chère, je ne doute pas que vous aurez à coeur d'adopter cet amendement utile.
Défavorable.
Sur cette question, chère au Gouvernement puisqu'il a pris, je le répète, la très bonne initiative de lancer le plan « Action coeur de ville », il serait peut-être de bon aloi de donner un peu plus d'explications. Ce genre de dispositif incitatif pour les commerces des centres-villes de nos villes moyennes comportant nombre d'aspects positifs, je ne comprends pas très bien pourquoi on balaie celui que je propose d'un revers de main.
L'amendement no 1760 n'est pas adopté.
Cet amendement, proposé par notre excellent collègue Vincent Descoeur, vise à instaurer un dispositif favorisant le développement du télétravail en zone rurale et incitant à créer ce type d'emplois, notamment dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR.
L'amendement no 106 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je les ai comptabilisées, monsieur Hetzel !
Il me semble que tout le monde était d'accord pour que nos travaux avancent ! Il est aussi possible de les freiner, c'est vrai… Je peux suspendre la séance, on peut aller faire la fête…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous ne sommes pas à la récré !
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 998 .
Cet amendement est très important pour aider les territoires ruraux. De même qu'il existe des zones franches urbaines qui ont permis le développement économique et renforcé l'attractivité des quartiers en bénéficiant, il importe, monsieur le ministre, de créer des zones franches rurales pour aider ces territoires fragiles, pour que les entreprises s'y installent, que des emplois y soient créés, que les familles puissent y rester avec leurs enfants et, bien évidemment, y conserver des services – bref, maintenir de la vie dans ces territoires !
Certes, les zones de revitalisation rurale existent mais ce dispositif ne va pas assez loin.
Avis défavorable à cet amendement qui, de surcroît, risque de poser un problème d'incompétence négative du législateur puisqu'il ne définit aucune caractéristique de ces nouvelles zones franches.
L'amendement no 998 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 7 met directement en oeuvre la feuille de route pour une économie 100 % circulaire élaborée début 2018 avec les associations environnementales, les élus locaux, les entreprises et les citoyens et dont les conclusions ont également été discutées avec les associations d'élus dans le cadre de l'instance de dialogue de la CNT, la conférence nationale des territoires.
Cette feuille de route ambitieuse vise notamment à répondre au paradoxe actuel qui veut qu'une tonne de déchet incinérée coûte moins cher qu'une tonne de déchet recyclée.
La transition énergétique est l'affaire de tous – je pense que nous en sommes tous d'accord. Je tiens à saluer l'engagement particulièrement remarquable des élus locaux en la matière. Nous souhaitons les accompagner dans la mise en oeuvre de cette transition en leur donnant de la visibilité et les moyens de s'y adapter.
Trois mesures sont ainsi prévues pour compenser l'impact pour les collectivités territoriales de l'augmentation de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, et favoriser la mise en oeuvre de la part incitative de la TEOM, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Un : faire baisser le taux de TVA de 10 % à 5,5 % sur certaines prestations de traitement des déchets.
Deux : ramener les frais de gestion de l'État de 8 % à 3 % pendant trois ans pour permettre aux élus d'augmenter le produit de la part incitative de la TEOM sans que celle-ci ne soit répercutée sur le contribuable.
Trois : élargir l'assiette des dépenses prises en compte pour définir le taux de la TEOM.
Mon collègue Christophe Jerretie et moi-même avons déposé des amendements visant à apporter davantage de sécurité juridique aux collectivités, qui prendront désormais en charge les dégrèvements en cas de décision de justice défavorable, et à rendre la « TEOM incitative » encore plus attractive à leurs yeux.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2221 , 161 , 481 , 1160 , 2091 , 286 , 723 , 1179 et 1924 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2221 , 161 , 481 , 1160 et 2091 sont identiques. Les amendements nos 286 , 723 , 1179 et 1924 sont également identiques.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2221 .
Je propose à l'un de ses auteurs, M. Cazeneuve ou M. Jerretie, de le présenter.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement identique no 161 .
On vote tout le temps, madame Louwagie. Laissez-vous guider : comme d'habitude, cela se passera bien ; nous sommes là pour la nuit, nous passerons de nombreuses nuits ensemble, laissez-vous guider !
Rires sur plusieurs bancs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même si nous sommes heureux de vous accueillir en séance, chères collègues...
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement identique no 481 .
Rappel au règlement
Vous n'allez pas aimer mon intervention, monsieur le président, mais je vais tout de même la faire.
Toutes mes collègues femmes, autour de moi, sont un peu surprises, pour ne pas dire choquées, des propos que vous venez de tenir
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je souhaiterais que l'on évite toute forme de paternalisme à l'égard des collègues femmes.
Il n'y a là aucun paternalisme… Enfin, je ne réponds pas, cela ne servirait à rien. C'est stupide, vraiment !
Article 7
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement identique no 1160 .
En deux mots, nous suggérons qu'à l'article 1520 du code général des impôts, le CGI, soit insérée la phrase : « Une disproportion de 15 % est admise entre le produit de la taxe et les dépenses susmentionnées. »
Il importe en effet de définir précisément la notion actuellement jurisprudentielle de « taux manifestement non disproportionné par rapport au montant des dépenses ». Il s'agit donc d'une précision.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement identique no 2091 .
L'article 7 est bienvenu car, depuis quelques années, les contentieux relatifs à la TEOM se multiplient – on dénombre plus de 2 200 affaires – , ce qui fragilise les délibérations des collectivités.
Les délibérations sont souvent attaquées au motif que le produit issu de la TEOM est disproportionné par rapport au montant des dépenses qu'elle couvre, ces dernières étant insuffisamment précisées dans le CGI.
L'article étend le champ des dépenses pouvant être prises en compte dans le calcul de la TEOM : c'est bien. Vous favorisez également l'institution d'une part incitative de TEOM, ce qui est là encore une bonne chose.
Notre amendement sécurise encore davantage le dispositif puisqu'il établit à 15 % la disproportion « autorisée » entre le produit de la taxe et les dépenses assumées.
Nous en venons à une autre série d'amendements identiques.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 286 .
Cet amendement, comme les amendements nos 1384 , 288 et 290 à venir, vise à éviter que la TEOM ne soit fragilisée comme elle a pu l'être ces dernières années : il est arrivé que son taux soit annulé, ce qui a mis en difficulté le financement du service public.
Il s'agit donc de clarifier le montant des dépenses qui pourraient être couvertes par cette taxe.
Nous suggérons que le produit de la TEOM ne puisse « excéder de plus de 15 % le montant des dépenses ». Cette spécification s'impose en raison de l'imprécision de la notion de disproportion, que nous essayons ainsi de sécuriser juridiquement.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement identique no 1924 .
Je me réjouis tout d'abord que l'article 7 aménage le régime de la TEOM en généralisant l'institution de sa part incitative, conformément aux décisions prises dans le cadre de la feuille de route pour l'économie circulaire.
Toutefois, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a déposé deux amendements à cet article. Le premier, l'amendement no 1924 , vise à mieux accompagner et soutenir les collectivités en les sécurisant juridiquement par la prévention du risque de contentieux ; il tend plus précisément à encadrer le taux de la taxe, qui pourrait être jugé disproportionné.
En s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'État dans son arrêt de 2014, cet amendement dispose ainsi que le produit de la TEOM perçu par la collectivité ne peut être supérieur de plus de 15 % aux dépenses engagées par celle-ci lors de l'exercice précédent pour financer le service de collecte et de traitement des déchets.
Je ne peux qu'être favorable à l'amendement no 2221 de la commission des finances ainsi qu'aux amendements identiques. Avis défavorable à tous les autres.
Je ne partage pas du tout le point de vue des deux commissions et des parlementaires qui ont présenté cette série d'amendements. Je vais essayer de m'en expliquer.
Tout d'abord – je m'adresse notamment à la représentante de la commission du développement durable – parce que l'article 7 consiste précisément à apporter l'éclaircissement que vous demandez, afin d'éviter les différences d'interprétation et de sécuriser ainsi la vie des collectivités locales.
Par ailleurs, ces amendements ont pour effet de décorréler la taxation du service rendu, ce qui est très gênant s'agissant d'une taxe précisément censée entretenir un lien avec celui-ci.
La jurisprudence du Conseil d'État, notamment sa décision relative à la société Auchan, d'une part, et la liberté donnée en pratique aux élus de fixer de manière approximative le montant de la taxe à la date du 15 avril, d'autre part, permettent déjà aux collectivités de fixer un taux un peu supérieur au coût effectif du service rendu. Or, avec ces amendements, vous augmentez purement et simplement le taux d'imposition, ce qui va se voir sur la feuille d'impôt. Je m'adresse en particulier aux élus de la majorité : vous êtes en train d'augmenter la fiscalité des contribuables. Vous le faites au bénéfice des collectivités locales, c'est vrai, mais vous n'en augmentez pas moins la fiscalité de tous les contribuables, y compris de ceux qui bénéficient de la baisse de la taxe d'habitation.
Pour résumer, je ne suis pas certain, premièrement, que vos amendements soient nécessaires, dans la mesure où le Gouvernement a déjà apporté, avec l'article 7, une solution au problème qui se posait. Deuxièmement, ces amendements feraient disparaître le lien qui existe entre le service rendu et la taxe. Troisièmement, les élus peuvent déjà compter sur la jurisprudence du Conseil d'État, ainsi que sur la liberté qui leur est laissée de fixer un taux légèrement supérieur à ce qui serait nécessaire. Enfin, vos amendements auraient pour conséquence d'augmenter la fiscalité locale. Or le Gouvernement n'est pas favorable à cette hausse, et il me semblait que la majorité n'y était pas favorable non plus.
Pour toutes ces bonnes raisons, je suis absolument défavorable à l'ensemble des amendements en discussion commune.
Par ailleurs, vous aurez constaté que le Gouvernement va assez loin sur la question de l'économie circulaire : Nicolas Hulot et Brune Poirson avaient présenté une feuille de route sur le sujet et François de Rugy prolonge aujourd'hui cette action. Je vous invite donc à vous en tenir à l'épure proposée par le Gouvernement, pour éviter à nos concitoyens toute augmentation de la fiscalité.
Monsieur le ministre, je vais me ranger à vos arguments, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Parce que nous opérons un transfert de l'État vers les collectivités territoriales, notre objectif était seulement de rassurer les collectivités. Ce que nous proposions à cette fin, ce n'était pas d'autoriser les collectivités à augmenter la taxe de 15 %, mais de leur accorder une marge d'erreur : en deçà de 15 %, elles n'auraient pas eu à payer de dégrèvement.
Pour ma part, je suis plutôt favorable à l'amendement de la commission des finances, qui a été voté à une large majorité et qui a le mérite de donner de la souplesse aux collectivités. On voit bien que la jurisprudence s'en mêle systématiquement et qu'il est assez compliqué d'évaluer le coût du service à l'euro près, comme l'article du Gouvernement le dit d'ailleurs assez clairement.
Vous nous objectez, monsieur le ministre, que l'instauration d'une marge de 15 % va entraîner une augmentation d'impôt. Mais je crois que vous cherchez surtout à protéger votre réforme de la taxe d'habitation. Or si les collectivités prélèvent 115 % du prix du service, cela signifie qu'elles financeront le budget général à hauteur de 15 % sur la TEOM. Si elles ne le font pas, elles le répercuteront sur le taux des autres taxes, notamment sur la taxe d'habitation. Faites attention à cela : je pense que l'option que vous défendez va plutôt compliquer les choses s'agissant de la taxe d'habitation.
Vous voyez le mal partout, monsieur le ministre. Les amendements n'introduisent pas un droit à augmenter le taux d'imposition. En tout cas, je ne crois pas que les élus voient les choses de cette manière. Nous cherchons avant tout à diminuer le nombre de contentieux, ce qui est aussi une manière de faire des économies. Aujourd'hui, ce taux de 15 % est admis dans la jurisprudence : nous ne l'avons pas fixé au hasard.
Je ne suis pas insensible aux arguments du ministre. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne faut plus augmenter les impôts et qu'il faut plutôt essayer de les baisser. Or ce que je crains, c'est que certains de nos collègues utilisent la règle des 15 % qui est proposée par ces amendements pour procéder à des reversements dans la section principale, ou qu'ils augmentent les dépenses de transfert – on peut toujours se débrouiller pour donner l'apparence de l'équilibre…
J'aimerais aussi vous poser une question, monsieur le ministre. Ce qui est vrai pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TOEM, est-il vrai pour la redevance d'enlèvement des ordures ménagères – REOM ? Parce que l'on oublie toujours que 25 % des collectivités recourent à la REOM… En d'autres termes, est-ce que l'on peut fixer un niveau de REOM ? Je vous le demande, parce que la jurisprudence du Conseil d'État, comme votre article, ne concerne que la TEOM.
Envisagez-vous de fixer les mêmes règles pour la REOM ? Je ne vois pas pourquoi il y aurait des règles différentes, selon que c'est une TEOM ou une REOM qui finance le service des ordures ménagères.
Le problème des amendements qui ont été adoptés par la commission, c'est qu'ils proposent une solution qui se fonde sur la jurisprudence existante, donc sur le passé, mais qui ne sécurisera pas nécessairement l'avenir, et qui risque même de mettre les citoyens en difficulté. Nous avons entendu les arguments du ministre et il semble plus prudent de repousser ces amendements.
Premièrement, il importe de sécuriser ce dispositif afin d'éviter les contentieux, extrêmement fréquents, qui dissuadent d'adopter ce système certaines communes pourtant tentées de le faire.
Deuxièmement, vous connaissez bien les élus locaux, monsieur le ministre, pour en avoir été un vous-même. Alors faites-leur confiance ! Ils sont capables de prendre des mesures qui vont dans le bon sens.
Je vous remercie pour vos précisions, monsieur le ministre. Vous nous avez fait prendre conscience d'un biais que nous n'avions pas perçu, au sein de la commission du développement durable. Nous pensions naïvement qu'il fallait sécuriser ce taux, mais j'entends vos arguments, qui me paraissent de bon sens. Je retire donc l'amendement no 1924 , au nom de la commission du développement durable.
L'amendement no 1924 est retiré.
Je remercie les députés qui ont pris part à ce débat et qui ont tenu compte de l'avis du Gouvernement.
Pour répondre à votre question, monsieur de Courson, la REOM est une redevance, ce qui signifie qu'elle est affectée, à la différence de la taxe. Si la taxe augmente indépendamment du service rendu, le risque, c'est qu'elle soit affectée au budget général, comme vous l'avez bien dit vous-même.
Si, si l'on augmente un peu trop la taxe par rapport au coût du service… En tout cas, une taxe n'est pas une redevance.
Madame Dalloz, vous faites comme si l'article 7 n'existait pas. Nous avons constaté des problèmes, et des inquiétudes chez les élus, et l'article 7 y répond. Relisez-le : vous verrez que nous sécurisons le dispositif pour les élus et que nous n'avons pas besoin d'augmenter la fiscalité.
Quant à la confiance, je suis confiant par nature, mais la confiance n'exclut pas le contrôle. Or je constate que certains élus augmentent la fiscalité locale et que d'autres la baissent. Certains se font même élire sur un programme qui prévoit une augmentation de la fiscalité : vous les combattez au niveau national, mais c'est une réalité. Toutes les majorités, tous les élus ne se valent pas et si tout le monde menait la même politique, nous n'aurions pas besoin de partis politiques, ni d'élections municipales. Certains gèrent mieux que d'autres ; certains augmentent la fiscalité et d'autres la baissent. L'argument qui consiste à dire qu'il faut faire confiance aux élus me semble donc un peu simpliste. C'est comme si je vous disais de faire confiance aux parlementaires... ou aux ministres ! M'écouteriez-vous ?
Sourires.
J'entends vos questions. Je m'adresse notamment à Mme Rossi, qui s'exprimait au nom de la commission du développement durable, et à M. Cazeneuve, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités locales ». Si, l'année prochaine, nous constatons que le Gouvernement a eu tort, nous pourrons apporter des modifications au dispositif. Mais ne prenons pas le risque de voir la fiscalité augmenter cette année. Je fais un pas dans votre direction, mais je pense qu'il faut repousser ces amendements, tenant compte du fait que l'article 7 répond à la question qu'ils soulèvent à juste titre.
Cet amendement vise à sécuriser le calcul des dépenses prises en compte pour le calcul de la TEOM en y intégrant les charges à caractère général de structure de la collectivité qui assure le service, par la mise en place d'un ratio uniforme qui correspondrait au rapport entre les dépenses de fonctionnement relevant directement du service et les dépenses réelles de fonctionnement de la collectivité. En effet, les charges de structure supportées par la collectivité en lien avec le service rendu ne se réduisent pas à celles directement afférentes au service de gestion des déchets.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1136 .
Notre collègue a parfaitement exposé les choses. Le présent amendement propose de sécuriser le calcul des dépenses prises en compte pour le calcul de la TEOM par l'utilisation d'un ratio intégrant les dépenses indirectes. Ces charges d'administration sont indispensables et font partie intégrante du coût du service finançable par la taxe. L'utilisation d'un ratio uniforme, aisé à calculer par la collectivité, est essentielle afin de prendre en compte les frais de gestion nécessaires à l'exercice du service public.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1332 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1384 .
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 2148 .
Pour sécuriser le dispositif afin d'éviter les contentieux, il est proposé d'utiliser un ratio uniforme – entre les charges qui sont directement liées à la collecte des déchets et celles qui sont liées aux compétences générales de la collectivité – permettant d'objectiver la prise en compte des frais de gestion nécessaires à l'exercice du service public d'enlèvement des déchets.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement no 2161 .
L'article 7 étend le champ des dépenses prises en compte : c'est très bien. L'objet de cet amendement est de l'étendre encore un peu plus, en y intégrant des charges communes.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements identiques ?
Ils me semblent satisfaits, puisqu'il est déjà possible de prendre en compte ces dépenses dans le cadre du financement du service public de collecte et de traitement des déchets. De surcroît, ces amendements portent sur un domaine qui est d'ordre réglementaire. Si vous ne me croyez pas, peut-être croirez-vous le ministre, s'il dit la même chose que moi. Je vous invite, en tout cas, à retirer ces amendements.
Avis défavorable.
L'amendement no 2161 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 288 , 751 , 290 , 769 , 483 , 1161 et 2092 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 288 et 751 sont identiques, ainsi que les amendements nos 290 et 769 et que les amendements nos 483 , 1161 et 2092 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 288 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 290 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 483 .
Je le défendrai en posant une question à M. le ministre : puisque l'article 7 est censé résoudre tous les problèmes relatifs à la TEOM ou à la REOM, dites-moi donc comment vous procédez, en comptabilité analytique, pour affecter dans la plus totale transparence au service d'enlèvement des ordures ménagères tout ce qui relève de l'assistance juridique, du contrôle de gestion, du système d'information et du système de paie, lorsqu'ils sont pris en charge par un autre service !
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement identique no 1161 .
Dans sa rédaction initiale, l'alinéa 6 n'apparaît pas suffisamment précis eu égard à la jurisprudence du Conseil d'État, qui distingue, d'une part, les dépenses exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés et, d'autre part, les dépenses exposées pour la seule administration générale de la collectivité ou de l'établissement public exerçant cette compétence, ces dernières ne pouvant pas être financées par la taxe.
L'amendement tend donc à préciser la rédaction de cet alinéa.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement identique no 2092 .
Comme les précédents, ces amendements sont satisfaits et sont en outre d'ordre réglementaire. Fort du succès obtenu tout à l'heure par mon invitation au retrait, je me contenterai cette fois d'émettre un avis défavorable...
Sourires.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 269 .
En contrepartie de l'extension du champ de la TEOM, l'article 7 indique, en son alinéa 10, qu'est à la charge de la collectivité le dégrèvement de la taxe consécutif à la constatation, par une décision de justice passée en force de chose jugée, de l'illégalité des délibérations prises par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale – EPCI – , fondée sur la circonstance que le produit de la taxe et, par conséquent, son taux, sont disproportionnés par rapport au montant des dépenses.
L'État justifie ce transfert aux collectivités locales de la prise en charge du dégrèvement par la volonté de ne plus faire peser sur le budget de l'État les conséquences de l'illégalité des délibérations prises par les communes et les EPCI.
Or les délibérations relatives à la TEOM n'échappent pas au contrôle de légalité exercé par les préfectures sur les budgets locaux.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2007 .
Jusqu'à présent, le dégrèvement de la TEOM obtenu par des contribuables grâce à une décision de justice relevait de la responsabilité de l'État. Pourquoi celui-ci veut-il, en la matière, se décharger de toute responsabilité sur les collectivités territoriales ? Cela ne me semble pas cohérent avec le fonctionnement actuel.
En effet, l'alinéa 10 part du principe que des communes ou des EPCI auraient pu prendre illégalement des délibérations concernant la TEOM ; l'État rejette donc délibérément la faute sur les collectivités. Mais, en réalité, les délibérations des collectivités sont soumises au contrôle de légalité, tout comme les délibérations relatives au vote des taux d'imposition, elles aussi transmises à la direction générale des finances publiques.
Pourquoi donc parler de délibération prise illégalement par les communes ou les EPCI ? Le terme semble exagéré : si le taux de la TEOM risque d'être illégal, les services étatiques doivent être en mesure d'en avertir les collectivités en amont, afin d'anticiper d'éventuels recours en justice.
Il s'agit donc de simplifier la vie des administrés comme celle des collectivités. Qui plus est, l'assiette de la TEOM étant quasiment identique à celle de la taxe foncière, il paraît préférable que l'État reste responsable des contentieux relatifs à la TEOM comme à ceux qui touchent à la taxe foncière.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 2093 .
En effet, nous trouvons fort de café que l'État, par cet alinéa 10, se décharge sur les collectivités des frais liés à des décisions de justice, alors que les délibérations auront été soumises dans l'intervalle au contrôle de légalité et que l'État perçoit déjà 3,6 % de la TEOM en contrepartie des frais de dégrèvement.
Avis défavorable.
Cette mesure tend à responsabiliser les collectivités territoriales. Rappelons que la disproportion est examinée sur le fondement des informations disponibles à la date du vote du taux de la TEOM. Par conséquent, elle relève uniquement de la responsabilité de la collectivité. La mesure, qui est la contrepartie logique de la diminution à 3 % des frais d'assiette, me semble en elle-même intéressante.
Cet amendement tend à préciser les conditions dans lesquelles les dégrèvements de TEOM sont imputés à la charge des collectivités, comme prévu à l'article 7.
Prendre cette mesure sans permettre aux collectivités, moins armées que l'État en cette matière, de faire face aux risques contentieux, compromettrait considérablement l'équilibre des budgets locaux à compter de 2019.
Pour cette raison, la question des conditions mérite d'être clarifiée.
Il conviendrait par ailleurs de limiter les dégrèvements prononcés, à compter des impositions de TEOM établies au titre de 2019, à la seule part de TEOM que le juge de l'impôt aura estimée excédentaire et d'offrir ainsi un fondement légal au maintien partiel de l'imposition.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement identique no 1137 .
Inutile de répéter ce qui vient d'être très bien expliqué. L'amendement est défendu.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement identique no 1335 .
Il faut sécuriser le dispositif. Nous sommes, sur ce point, en désaccord avec le Gouvernement. Nous souhaitons faire confiance aux acteurs locaux. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement identique no 1386 .
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement identique no 2066 .
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement identique no 2147 .
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 2615 du Gouvernement.
J'invite M. Cazeneuve à retirer son amendement no 2066 au profit de cet amendement, qui s'en inspire largement. Avis défavorable aux autres.
L'amendement no 2066 est retiré.
Je suis défavorable à la limitation du dégrèvement en cas de décision illégale de la collectivité, car elle pourrait conduire à limiter le remboursement par la collectivité territoriale d'un impôt indûment payé par le contribuable, puisqu'il a été jugé illégal.
En revanche, je suis sensible à vos demandes de communication d'informations aux collectivités concernées. Le Gouvernement y répond par l'amendement no 2615 , auquel je suis donc favorable. Avis défavorable aux autres amendements.
L'amendement no 2615 est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 271 .
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement no 2361 .
Cet amendement de précision tend à éviter un effet de rétroactivité pour les collectivités territoriales.
Ils sont satisfaits : il est précisé à l'alinéa 16 de l'article que ce dispositif s'applique aux délibérations prises à compter du 1er janvier 2019 ; il n'existera donc pas d'effet rétroactif.
Par conséquent, j'invite les auteurs des amendements à les retirer, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Les auteurs des amendements m'indiquent qu'ils les maintiennent, à l'exception de M. Cazeneuve, qui retire le sien.
L'amendement no 2361 est retiré.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1061 .
L'amendement no 1061 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 291 .
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir l'amendement no 2001 .
L'amendement no 2001 est retiré.
Cet amendement tend à renforcer l'incitation prévue par l'article 7 en étendant la diminution des frais d'assiette, de recouvrement et de dégrèvement – ramenés de 8 % à 3 % – aux cinq premières années au cours desquelles est mise en oeuvre la tarification incitative. L'allongement de la durée durant laquelle les collectivités l'ayant instaurée bénéficient du taux réduit est puissamment incitatif, car il permet de mieux échelonner les dépenses liées au surcoût qui en résulte, sans pour autant accroître la pression fiscale sur les contribuables.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement identique no 2016 .
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement identique no 2094 .
Il a déjà été parfaitement défendu. J'ai toutefois une question subsidiaire.
À partir de quelle date la révision des frais de gestion et de recouvrement s'appliquera-t-elle aux collectivités qui auront déjà mis en oeuvre la part incitative : à compter de 2019, de la date à laquelle elles l'ont instaurée… ou pas du tout ?
Avis favorable.
Monsieur Bricout, la disposition ne s'appliquera qu'aux collectivités qui s'engageront nouvellement dans cette voie : il n'y aura pas de rétroactivité. C'est, me semble-t-il, ce que souhaite Mme Rossi.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1951 .
L'amendement no 1951 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 190 rectifié , 202 , 293 et 2009 .
La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l'amendement no 190 rectifié .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 202 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 293 .
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir l'amendement no 2009 .
Nous venons déjà d'adopter un amendement étendant la durée du dispositif de trois à cinq ans. Avis défavorable.
Défavorable.
L'amendement no 2009 est retiré.
Les amendements identiques nos 190 rectifié , 202 et 293 ne sont pas adoptés.
Cet amendement vise à diminuer le montant de la TEOM due par une entreprise lorsque celle-ci a passé un contrat avec un prestataire privé et ne bénéficie donc pas des services municipaux, à condition qu'elle recoure au tri 5 flux ou au tri à la source des biodéchets. Il propose donc de faire bénéficier les entreprises concernées d'un abattement de 40 %, équivalent à la part du ramassage des déchets par les collectivités locales.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1060 .
Je ne leur suis pas favorable, dans la mesure où les conseils municipaux ont déjà la possibilité de déterminer les cas dans lesquels les locaux à usage industriel et commercial peuvent être exonérés de la taxe, et d'en exonérer les locaux dont disposent les personnes assujetties à la redevance spéciale pour les déchets non ménagers.
L'article 7, amendé, est adopté.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 1307 .
Il ne s'agit pas d'un amendement d'appel, parce que vous allez certainement lui donner suite !
Il vise à supprimer progressivement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – , qui est l'une des deux composantes de la contribution économique territoriale. Je suis persuadé que le Gouvernement finira par se rendre compte que les impôts sur la production minent la compétitivité de l'économie française. Il suffit pour s'en convaincre de constater le déficit de notre commerce extérieur. Les impôts de production pèsent non pas sur les résultats des entreprises, comme chacun le sait, mais sur le chiffre d'affaires, la valeur ajoutée ou le foncier.
Nous présenterons un amendement similaire au projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – , au titre de laquelle sont encore prélevés quelque 3 milliards d'euros sur les entreprises.
Si la CVAE finance assurément les collectivités locales, elle le fait selon une sorte de ruissellement peu clair et qui n'a rien à voir avec la cotisation foncière.
La part des impôts de production dans le PIB est deux fois plus élevée en France que dans l'ensemble de la zone euro, et bien plus élevée, en particulier, qu'en Allemagne.
Notre amendement vise à inciter le Gouvernement à travailler davantage sur le sujet en vue d'aligner notre pays, en cette matière, sur la moyenne de la zone euro, afin d'améliorer sa compétitivité.
Sourires.
Un projet de loi consacré à la fiscalité locale sera examiné au printemps 2019 : il sera possible de reparler de la CVAE dans ce cadre.
Cet amendement coûte 2,2 milliards d'euros : cela fait beaucoup d'argent. Les impôts de production posent certes un problème, que M. le ministre de l'économie et des finances a évoqué. Quant au fond, l'amendement m'étonne : l'État fournit déjà de gros efforts en matière de dégrèvement barémique, à hauteur de 4,8 milliards d'euros, qu'il compense aux collectivités locales. Or il faudra bien que vous leur compensiez également ce dégrèvement, et ce ne sera pas à l'euro près, contrairement à ce qui se passe pour la taxe d'habitation. Mais vous n'expliquez pas comment vous comptez le faire ; c'est pourtant important.
De plus, la suppression de la CVAE bénéficierait surtout aux grandes entreprises, celles dont le chiffre d'affaires excède 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, et presque pas aux TPE ni aux PME.
Votre amendement aurait donc trois conséquences : il aggraverait le déficit de l'État par une perte de recettes de 2,2 milliards d'euros ; il ferait perdre 2,2 milliards aux collectivités locales, qui consacrent parfois le produit de la CVAE au développement économique ; il ne concernerait que les très grandes entreprises.
Avis défavorable, donc, même si, de toute évidence, les impôts de production représentent un coût pour notre pays. Je crois toutefois savoir, bien que cette conséquence n'ait peut-être pas été prévisible, que la création de la CVAE résulte de la suppression de la taxe professionnelle par la majorité de l'époque...
Au total, il conviendrait de réexaminer un peu plus sérieusement la question.
Nous parlons sérieusement, monsieur le ministre. La taxe professionnelle était un très mauvais impôt ; vous vous en souvenez.
C'est vrai.
Sa réforme a suffisamment agité l'hémicycle. Dix ans après, il est possible de passer à une nouvelle version et de revoir les impôts économiques applicables aux collectivités. Il faut évidemment compenser aux collectivités le dégrèvement opéré. Je suis persuadé que, dans le cadre du texte que vous préparez sur le sujet, vous aurez réfléchi à toutes ces questions.
Notre logique ne serait toutefois pas la même que la vôtre. Voyez le « double CICE » cette année, par exemple. Sur de nombreux sujets, vous avez compté large. Il est possible de réfléchir différemment : nous n'aurions pas présenté le même projet de budget que vous. Nos priorités, me semble-t-il, sont justifiées.
La CVAE touche en effet au coeur de l'industrie française : elle ne concerne pas seulement les très grandes entreprises, qui réussiraient toujours par s'en tirer. D'ailleurs, même elles sont soumises à une compétition très forte et si elles sont grandes, c'est que la concurrence internationale les contraint à affronter à armes égales leurs concurrentes. Or la CVAE crée de l'inégalité entre les flux économiques et donc dans la compétition économique.
M. le ministre a dit l'essentiel : la CVAE s'est bien substituée à la taxe professionnelle. Or nous subissons encore les conséquences de cette réforme qui n'est pas si ancienne que cela. Je tiens à rappeler que la CVAE n'est pas seulement acquittée par les entreprises : elle est également supportée par l'État. Le MEDEF cite souvent le montant total de la CVAE en omettant que l'État en supporte une bonne partie en raison du plafonnement. En outre, le versement transport est parfois assimilé à un impôt de production : il faut faire attention à ce que l'on dit à ce sujet.
Enfin, une mission a été lancée il y a peu sur les impôts de production : laissons-la travailler avant de prendre des décisions aussi importantes.
Monsieur le ministre, les taxes sur la production sont régulièrement accusées de participer aux difficultés réelles auxquelles sont confrontées les entreprises françaises en matière de compétitivité. Celles-ci attendaient beaucoup du projet de loi PACTE : or il ne contient rien à ce sujet. Le ministre Bruno Le Maire l'a d'ailleurs reconnu en faisant valoir, en substance, que l'État n'en avait pas les moyens. Tous s'accordent pourtant sur le problème ; vous aussi. Il faut donc travailler à le résoudre.
Vous avez, par ailleurs, répondu à M. Woerth que la CVAE ne poserait pas un problème très grave dans la mesure où elle ne concernerait que les grandes entreprises. Or, à partir du moment où nos fleurons nationaux peuvent être concernés, nous devons nous en préoccuper.
Enfin, le rapporteur général a semblé ouvrir une porte : tous les espoirs sont peut-être permis dans le cadre du prochain texte sur la fiscalité locale. Nous attendrons donc quelques mois supplémentaires.
L'amendement no 1307 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2019.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra