La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement no 226 , à l'article 18.
L'article 18 vise à supprimer l'habilitation ou l'agrément du préfet nécessaires aux agents de sécurité privée pour effectuer des palpations de sécurité. Ces opérations ne sont pas des actes anodins, elles portent atteinte à l'intimité des personnes. Nous estimons qu'elles doivent être rigoureusement encadrées. Il importe que les agents qui les réalisent aient les habilitations nécessaires pour que ces actes échappent à d'éventuelles dérives.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 699 .
Il vise lui aussi à supprimer l'article 18 afin de conserver l'habilitation délivrée aux agents de sécurité privée pour réaliser des palpations de sécurité. Hier, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le rapporteur, vous avez refusé un amendement visant à soumettre à une habilitation et ou un agrément les agents publics municipaux chargés de procéder à des palpations de sécurité pour éviter que bouteilles d'alcool ou armes par destination ne soient introduites dans des lieux où se rassemble du public, comme les parcs de stationnement privé ou les fan zones. Avec cet article 18, vous autorisez des agents de sécurité privée, qui remplissent parfois les mêmes tâches pour les collectivités territoriales, à procéder à de telles opérations, sans qu'ils soient soumis à une quelconque habilitation. Cela ne nous semble ni cohérent ni équilibré.
J'abonde dans le sens de mes collègues. La palpation de sécurité est une opération sensible, qui affecte l'intégrité physique de la personne sur laquelle elle est effectuée. Pourquoi réduire les garanties qui l'entourent ? Avec cet article 18, vous procédez à une simplification à outrance.
Rappelons qu'en 2003, lorsque le législateur avait autorisé les agents de sécurité privée à procéder à de telles palpations, le Conseil constitutionnel avait jugé conformes à la Constitution ces dispositions parce que le législateur avait prévu « une stricte procédure d'agrément en vue d'habiliter des personnels de sécurité privés à participer à des opérations de contrôle ». Cela vaut avertissement. En supprimant ces procédures, on viendrait enlever ces garanties, ce qui irait à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La parole est à Mme Alice Thourot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression.
Je veux bien que nous reprenions un débat de fond sur les palpations de sécurité opérées par les agents de sécurité privée mais l'objet de l'article 18 est de procéder à une simplification administrative. Comme il soulève des inquiétudes chez certains collègues, je vais le présenter plus en détail.
Il existe déjà des dispositions autorisant les agents de sécurité privée à effectuer des palpations. Nous ne procédons à aucune extension de compétences, mais nous limitons à une simplification administrative. Les agréments du préfet, que l'article 18 supprime, se justifiaient à l'origine par le besoin de sélectionner uniquement des professionnels formés or, depuis 2016, les organismes de formation sont contrôlés par le Conseil national des activités privées de sécurité – CNAPS – et les agents ont une obligation de formation continue pour les palpations – la présente proposition de loi permettra d'aller encore plus loin dans ce sens. Cet agrément n'est donc plus utile puisque son objectif, qui était de s'assurer que les agents soient formés, est atteint.
Cette autorisation n'est plus qu'une contrainte administrative supplémentaire qui n'apporte aucune garantie. Le nombre d'agréments délivrés pour les palpations s'élève à un peu plus de 15 000 en 2019. Les supprimer permettrait donc une réelle simplification. Nous préférons que les agents du CNAPS consacrent leur temps à des missions de contrôle, notamment de certains profils.
Pour être complète, j'ajoute que, pour procéder à ces palpations, les agents doivent remplir des conditions très strictes que le présent texte ne modifie pas : pour les palpations réalisées en cas de menace grave à la sécurité publique, ils ne peuvent intervenir que si un arrêté motivé du préfet le prévoit et avec le consentement de la personne concernée ; quant aux palpations aux abords des grands événements, elles ont lieu sous le contrôle d'un OPJ – officier de police judiciaire – et, là encore, avec le consentement de la personne.
Il y a donc, je le répète, un encadrement très strict et ces dispositions ne relèvent que d'une simplification administrative. C'est la raison pour laquelle, je vous demanderai de retirer vos amendements, si vous considérez que nous ne nous sommes pas bien compris sur la portée de cet article ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'explication de Mme la rapporteure est très claire. Remontons le fil : on a autorisé les agents de sécurité privée à procéder à des palpations avec en contrepartie, comme garantie, une habilitation délivrée par les autorités préfectorales ; puis, on s'est rendu compte que la garantie procédurale inscrite dans notre droit se traduisait dans le monde réel par un simple tampon apposé sur une feuille et non par un réel contrôle ; sur la base de cet état de fait, qui ne correspond nullement à la protection qui avait été vendue au législateur à l'époque de la mise en place de ce nouveau dispositif, on décide de procéder à une simplification administrative en considérant qu'il vaut mieux supprimer ce coup de tampon qui n'apporte rien. Et on aboutit à donner des prérogatives à des agents de sécurité privée sans que l'autorité qui leur délègue ces pouvoirs puisse exercer un contrôle réel.
On nous appelle à ne pas nous inquiéter et à nous raccrocher à la formation des agents et au contrôle exercé par le CNAPS, mais vous aurez beau renforcer les moyens juridiques de contrôle de cet organisme, tant que vous ne renforcerez pas ses moyens, tout court, nous nous trouverons toujours devant la même équation. Une taxe sur les sociétés de sécurité privée était censée être affectée au CNAPS pour le financer, or jamais il n'a reçu la totalité de son produit – seulement 50 % quand elle existait encore. Maintenant que les petites taxes ont été supprimées par ce gouvernement, il n'y a plus de financements fléchés.
J'ai discuté, monsieur le président, avec les responsables de la Fédération française de la sécurité privée : voici des patrons qui sont favorables à la remise en place d'une taxe car, à leurs yeux, elle permettrait d'assurer le bon fonctionnement de leur organisme régulateur. Les garanties que vous nous présentez, madame la rapporteure, n'en sont pas. Voilà pourquoi il faut supprimer l'article 18.
Beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues, je pense notamment à la référence de Paula Forteza à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. J'observerai qu'il y a des agréments administratifs – même si ce n'est pas la dénomination exacte – qui ne sont pas anodins. La rapporteure réplique en disant que le contrôle de la formation sera désormais assuré par le CNAPS, or cet organisme est encore en devenir puisque dans cette proposition de loi même, nous avons voté des dispositions qui visent à contrôler, à mieux structurer et à garantir le statut de ses agents. Celui-ci mérite d'être très largement conforté avant que l'on puisse nous opposer l'argument selon lequel le contrôle du CNAPS viendra remplacer l'agrément du préfet.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 34 .
Il vise à supprimer l'alinéa 2 de l'article 18. Hier, nous avons eu une discussion approfondie sur la sécurité privée et ses missions mais il me paraît nécessaire de nous arrêter un instant sur le fait que vous voulez supprimer l'habilitation délivrée par le représentant de l'État dans les départements ou par le préfet de police à Paris pour les palpations de sécurité et les inspections visuelles de bagages effectuées par les agents de sécurité privée. Pour éviter tout glissement vers l'automaticité, il importe de conserver cette procédure.
Je constate que ni la rapporteure ni le ministre n'ont répondu. Il y avait des garanties auparavant, on les supprime et on nous en présente d'autres qui n'en sont pas. Pourrait-on avoir des engagements sur une augmentation d'au moins 30 % du budget du CNAPS, voire de 100 %
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM
grâce au rétablissement d'une taxe que la Fédération française de la sécurité privée appelle de ses voeux ? Il faut bien comprendre que disposer d'un régulateur exerçant un contrôle efficace et pertinent est dans l'intérêt même des entreprises de ce secteur. Une société qui s'affranchit des règles exerce une concurrence libre et non faussée du point de vue de celui qui prône la liberté d'entreprendre. Toutes les sociétés de sécurité privée ont donc intérêt à ce que les règles soient respectées, d'autant qu'il s'agit de missions de sécurité.
Hier, vous nous appeliez à donner toutes les garanties possibles à ces sociétés pour leur permettre d'accomplir leurs missions de sécurité alors que vont leur être transférées des compétences régaliennes. Et aujourd'hui, vous nous expliquez que par souci de simplification administrative, il faudrait supprimer cette garantie – du reste loin d'être parfaite – qu'est l'habilitation préalable pour les fouilles et palpations. Ce n'est pas acceptable !
Plusieurs groupes ont exprimé leurs inquiétudes face à la suppression des garanties que le Conseil Constitutionnel avait approuvées. En outre, beaucoup de réserves ont été émises par les représentants de la police nationale comme de la police municipale que nous avons auditionnés. Ils estiment nécessaire que les missions de la sécurité privée fassent l'objet d'un encadrement clair.
J'aimerais que vous nous répondiez sur ces points, madame la rapporteure, monsieur le ministre. Peut-être pourriez-vous profiter de la discussion au Sénat pour améliorer cet article très inquiétant, y compris pour les policiers.
Je m'étonne du silence de M. le ministre et de Mme la rapporteure. En effet, comme viennent de le rappeler mes collègues, mon amendement vise à apporter une garantie supplémentaire quant à l'encadrement de la sécurité ; il fait d'ailleurs écho à la discussion que nous avons eue hier soir. Les rédacteurs de cette proposition peuvent-ils nous en expliquer l'origine et la raison ? J'aimerais comprendre pourquoi vous souhaitez alléger le système, plutôt que de l'encadrer et, ainsi, d'assurer une meilleure sécurité.
L'amendement no 34 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 689 .
Déposé par Jean-Christophe Lagarde, il vise à autoriser les agents de sécurité privée à effectuer des palpations de sécurité afin de s'assurer du respect des arrêtés municipaux. Ces agents doivent pouvoir constater si, par exemple, un individu contrevient à un arrêté municipal interdisant la consommation d'alcool dans certains lieux – lors de rassemblements sportifs ou culturels, en particulier – , ou encore l'utilisation d'articles pyrotechniques et de gaz hilarant.
Il est frustrant de ne pas avoir de réponse de Mme la rapporteure et M. le ministre sur ce qu'ils considèrent comme une simplification administrative. Il serait pourtant utile de prévoir des garanties supplémentaires afin de s'assurer que les agents de sécurité privée, quand ils se voient déléguer une mission, respectent bien le cadre, notamment municipal. Manifestement, ce n'est pas l'objectif poursuivi. Vous voulez réduire la paperasse mais, ce faisant, vous réduisez les garanties. En apportant cette modification, vous vous donnez l'assurance, au moins, d'une censure partielle de l'article 18 par le Conseil constitutionnel. Entendez-le !
La Fédération française de la sécurité privée est d'accord pour que soit rétablie la taxe qui avait cours, afin d'accroître le financement du CNAPS et d'assurer une meilleure régulation du secteur. Ce serait dans l'intérêt de tous. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement a fait le contraire : il a supprimé la taxe et, en conséquence, n'a pas augmenté le budget du CNAPS. Vous vous targuez de l'existence d'organismes régulateurs pour affirmer que le secteur est régulé, alors qu'en réalité, ces organismes n'ont pas les moyens d'assurer pleinement leurs missions, et la loi présente ces régulateurs comme une garantie suffisante pour confier des missions régaliennes à des agents de sécurité privée : c'est inacceptable et anticonstitutionnel.
L'absence de réponse de Mme la rapporteure et M. le ministre m'incite à réitérer mes propos : nous nous dirigeons vers un système complexe dans lequel des agents municipaux, qui sont des agents publics, n'auront pas le droit d'effectuer des palpations pour faire respecter des arrêtés municipaux interdisant, notamment, l'introduction de bouteilles d'alcool ou d'armes par destination dans des zones de rassemblement de supporters, ou fan zones. Dans le même temps, des agents de sécurité auront le droit de faire des palpations, alors qu'ils ne sont pas chargés de faire respecter ces arrêtés. Cette incohérence obligera les collectivités territoriales à faire intervenir, lors d'un même événement, d'une part des agents de police municipale etou des agents municipaux, et d'autre part des agents de sécurité, les uns et les autres ayant pour mission de sécuriser des fan zones.
L'amendement no 689 n'est pas adopté.
L'article 18 est adopté.
Avant de le défendre, je signale que la diffusion de la séance en direct sur le site de l'Assemblée nationale ne fonctionne pas.
Merci de l'avoir signalé ; nous verrons ce qu'il en est avec le service technique. C'est dommage, les jours où nous pouvons faire des bons scores d'audience, avec des sujets importants !
L'amendement no 48 vise à réduire de dix-huit à douze mois le délai dans lequel le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport concernant les dispositifs du présent texte et l'opportunité de réglementer certaines activités ayant trait à la sécurité.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 397 .
Déposé par Ian Boucard, il vise à intégrer la formation des agents de sécurité privée à la liste des sujets à propos desquels le Gouvernement doit fournir un rapport au Parlement. La proposition de loi étendant la possibilité de recourir aux agents de sécurité privée, il y a lieu d'éclairer la représentation nationale sur la stratégie de formation qui les concerne, afin d'assurer l'adéquation de ce métier essentiel avec les nouveaux objectifs qui lui sont assignés.
L'article 19 invite à réfléchir à l'opportunité d'encadrer et de mieux réguler différents secteurs de la sécurité privée. Il me semble qu'une mission d'information est consacrée à cette question – mais je me trompe peut-être… – ; tirons-en plutôt profit pour identifier des pistes.
Je pensais que la proposition de loi résultait justement d'une réflexion sur le continuum de sécurité et l'encadrement nécessaire des divers métiers de la sécurité. Notez que ces derniers ne se limitent pas à la surveillance humaine, mais recouvrent de nombreux autres métiers, comme la cybersécurité, la pose de caméras de vidéosurveillance, la veille informatique ou le transport de fonds. La sécurité privée fait d'ailleurs l'objet de quatre ou cinq conventions collectives différentes, preuve qu'elle comprend des activités extrêmement larges.
L'article 19 prévoit la remise d'un rapport sur l'opportunité de réglementer certaines activités privées de sécurité. C'est bien la preuve qu'a contrario, le reste du texte ne vise pas l'objectif qu'il dit s'assigner. Comme le montreront les articles à venir, il s'agit en fait, essentiellement, d'un affichage politique – voire d'un affichage de business, allez savoir ! – pour affirmer, dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, que la France est à la pointe du sécuritaire dans tous les domaines, y compris la sécurité privée. Il faut donc être conscients que cette proposition de loi n'est pas un texte de régulation, et qu'elle transfère des missions régaliennes à des agents de sécurité privée.
L'amendement no 397 n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 700 .
L'article 19 bis autorise les agents de sécurité privée à utiliser des aéronefs – c'est-à-dire des drones – lors de leurs missions de surveillance de bâtiments, sans encadrement particulier. Il est précisé que ces drones pourront survoler des espaces publics situés aux abords des biens surveillés. Actuellement, pour utiliser un drone à titre professionnel au-dessus d'espaces publics – pour photographier, par exemple, et non pour surveiller – , il faut être agréé par le représentant de l'État dans le département et bénéficier d'une autorisation municipale de survol. Il paraîtrait cohérent d'appliquer les mêmes conditions à l'utilisation de drones lorsqu'ils survolent un espace public aux abords d'un bien privé faisant l'objet d'une surveillance. Cette utilisation peut en effet avoir des conséquences sur la liberté publique de circulation des personnes.
Pour lever une incompréhension, je précise que l'article 19 bis permettrait aux agents de sécurité privée de détecter des drones – qui survoleraient des sites industriels sensibles, par exemple – , et non d'en faire voler. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Si Mme la rapporteure confirme que les moyens radioélectriques, électroniques ou numériques visés par l'article 19 bis n'incluent pas les drones, je retire mon amendement.
L'amendement no 700 est retiré.
L'article 19 bis est adopté.
Pour justifier que les agents de sécurité privée doivent se former à la détection des explosifs, l'article 19 ter avance, comme principal argument, que les fonctionnaires du service public chargés de cette mission – en particulier les centres de déminage – sont en tension et n'ont pas les capacités suffisantes pour agir. Face à un tel constat, deux choix sont possibles : soit on se donne les moyens de renforcer les capacités détection des explosifs – les budgets du ministère de l'intérieur étant, paraît-il, en hausse constante, ce ne serait pas une dépense inutile – ; soit, comme vous le proposez, on facilite la possibilité de confier au secteur privé cette mission pourtant importante, dont on peut souhaiter qu'elle soit assumée par l'État au bénéfice de tous.
Article après article, nous basculons vers un fonctionnement qui pose problème, car on délègue de plus en plus de missions de service public aux agents de sécurité privée. Ce n'est pas de la complémentarité, mais de la délégation.
Cela me conduit à poser à nouveau ma devinette du matin, en y ajoutant un indice. Qui a dit, au sujet de la candidature d'Emmanuel Macron à la présidence, le 26 janvier 2017 : « Son élection, ce qu'au diable ne plaise, précipiterait la France dans l'instabilité institutionnelle et conduira à l'éclatement de notre vie politique. » ? Nous y sommes ! Et de poursuivre : « Alors, dans ce vide, le populisme le plus abject arrivera, celui de Mme Le Pen. À n'en point douter. »
Exclamations sur tous les bancs.
L'amendement no 1325 du Gouvernement est rédactionnel.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous n'avons toujours pas la réponse à la devinette de M. Bernalicis, mais j'ai un indice.
Ah non, la séance ne va pas devenir un dialogue entre M. Bernalicis et M. Balanant !
La personne qui a tenu ces propos s'est gravement trompée : en réalité, ce n'est pas le populisme de Mme Le Pen qui arrivera, mais celui de M. Mélenchon que nous voyons se déployer !
Chers collègues, je vous demande d'éviter les invectives sur des sujets connexes. Concentrons-nous sur le texte et sur les amendements.
La parole est donc à M. Ugo Bernalicis.
L'amendement du Gouvernement revient à supprimer l'obligation d'un décret en Conseil d'État pour prendre diverses décisions concernant la sécurité privée. Je ne comprends pas l'objectif qui est visé. Vous me direz, une nouvelle fois, que c'est une simplification, et je n'en doute pas ! Malheureusement, on retire le peu de garanties qu'on est en droit d'attendre concernant le transfert de missions et de compétences à des sociétés privées. Je le déplore une fois de plus. On croira que je ressors toujours le même argumentaire, article après article, mais dans cette proposition de loi, le Gouvernement applique toujours la même logique, article après article !
L'amendement no 1325 est adopté.
L'article 19 ter, amendé, est adopté.
L'article 19 quater habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans plusieurs domaines. En particulier, il serait le seul à décider des modalités d'organisation, de fonctionnement et d'exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité, mais aussi à modifier son collège et les missions de ses commissions d'agrément et de contrôle, ou encore à étendre les pouvoirs exécutifs du directeur de cet établissement public ainsi que les prérogatives des agents de contrôle.
La sécurité est et doit rester un pouvoir régalien. Cette proposition de loi élargit déjà les pouvoirs des agents de sécurité privée. Il apparaît alors grave que les modalités de fonctionnement et d'organisation des missions du CNAPS ne reviennent pas au Parlement.
L'habilitation à légiférer par ordonnance est d'autant plus inadmissible qu'il a été précisé en commission que cette habilitation était légitime au motif que cette organisation serait trop complexe à comprendre pour le législateur ! Il n'est pas acceptable que les parlementaires puissent se voir confisquer ainsi ce qui relève de leur attribution : voter la loi au terme d'un véritable débat parlementaire et contrôler l'action du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, les cosignataires de cet amendement s'opposent fermement à cet article. J'espère que nous pourrons continuer à débattre de cette proposition de loi dans un climat qui respecte la gravité de ce dont il est ici question.
Pour compléter les propos très précis de Mme Buffet, j'ajoute que, sur un sujet aussi sensible, nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de procéder par ordonnances, car cela reviendrait à dessaisir le législateur d'un pouvoir de contrôle pendant une durée telle qu'il ne pourrait pas se prononcer durant cette législature, la loi de ratification ayant peu de probabilités d'être examinée d'ici là.
Je rappelle aussi que le recours aux ordonnances empêche une saisine a priori du Conseil constitutionnel, ce qui ferait courir le risque d'introduire dans le corpus législatif des mesures anticonstitutionnelles.
Sur l'article 19 quater, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
J'ai eu un échange, un entretien très intéressant avec les représentants de la Fédération française de la sécurité privée à propos de ce texte. Nous ne sommes pas tombés d'accord sur tout, ce qui n'était d'ailleurs l'objectif ni pour eux ni pour moi, mais j'ai pu connaître leur point de vue et leur dire si je le partageais ou non.
Parfois, certains acteurs extérieurs à l'Assemblée ont intérêt à ce que ces ordonnances soient prises, car ils préfèrent une bonne discussion avec le Gouvernement à un débat parlementaire qui se solderait par des contraintes trop exigeantes ou des procédures d'habilitation avec des papiers. Or, en l'espèce, le secteur ne comprend pas lui-même à quoi servent ces ordonnances.
Pourquoi cet entêtement à modifier le fonctionnement du CNAPS par ordonnance ? Qu'avez-vous derrière la tête ? Pourriez-vous au moins nous dire quel est votre objectif, afin que cela figure dans le compte rendu des débats ? Vous nous diriez par exemple que vous prenez des ordonnances parce que vous n'avez pas eu le temps d'écrire cette partie du texte, qui est un peu technique et que vous souhaiteriez que telle ou telle personne siège dans le collège du CNAPS… Pouvons-nous avoir le minimum d'information que la représentation nationale est en droit de réclamer ?
L'amendement no 236 de M. Dino Cinieri est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Depuis ce matin, je m'inquiète du mutisme des rapporteurs et du ministre, qui ne daignent même pas nous dire approximativement ce qu'ils veulent faire avec deux ordonnances – le fait qu'il y ait des articles numérotés 19 quater ou 19 quinquies montre d'ailleurs que tout cela n'était pas prévu initialement. Qui a pu suggérer cette mesure, dans quel but et pour quoi faire ? Cette question, le Conseil constitutionnel se la posera légitimement, et s'il ne peut pas faire de vérification a priori, il vérifiera tout de même que les ordonnances sont bien constitutionnelles, c'est-à-dire qu'elles respectent bien certaines règles. Ce qui se dit dans cet hémicycle, notamment, est retenu par le Conseil constitutionnel pour apprécier la constitutionnalité d'un tel dispositif.
Je demande donc une nouvelle fois des explications sur l'objectif poursuivi par cette ordonnance relative au CNAPS. Nous sommes en droit de savoir. Mais ne nous dites pas qu'on le saura lors de l'examen du projet de loi de ratification, car je vous rappelle que nous attendons toujours le débat sur la ratification des ordonnances relatives à l'état d'urgence sanitaire. Jusqu'à preuve du contraire, elles s'appliquent et continuent de s'appliquer par une décision – étrange, cette fois – du Conseil constitutionnel.
L'amendement no 236 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 84
Contre 6
L'article 19 quater est adopté.
Avec cet article, il s'agit d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier, d'une part, les modalités de formation à une activité privée de sécurité ainsi que les modalités d'examens et d'obtention des certifications professionnelles se rapportant à ces activités et, d'autre part, les conditions d'exercice et de contrôle des activités de formation aux activités privées de sécurité.
En fait, avec cette ordonnance et celle que prévoit l'article précédent, c'est tout le secteur de la sécurité qui peut être tranquillement réglementé par ordonnances. Finalement, ce dont nous avons discuté hier à propos des garanties fixées pour obtenir la carte professionnelle, notamment l'obligation d'être sur le territoire national depuis cinq ans – ce que je trouve d'ailleurs scandaleux – , sera réellement organisé, non dans un débat à l'Assemblée nationale sous le regard du peuple français – si tant est que la retransmission en direct de nos débats soit de nouveau possible sur le site de l'Assemblée nationale – , mais dans un cabinet ministériel, avant de faire l'objet peut-être – qui sait ? – d'une ratification. Ce n'est pas possible. Votre entêtement à ne pas nous expliquer quel est l'objectif de ce genre d'ordonnances n'est pas constitutionnel. J'adjure nos collègues présents de ne pas se délester de leur pouvoir au profit du Gouvernement en le laissant écrire des ordonnances – je rappelle que la dernière, relative à la justice pénale des mineurs, dont on nous avait promis qu'elle ne serait pas appliquée, est déjà entrée en application dans sa partie réglementaire.
Cet amendement entend supprimer l'article 19 quinquies, qui vise à habiliter le Gouvernement à légiférer une nouvelle fois par ordonnances pour adapter les modalités d'obtention d'une certification professionnelle ainsi que les modalités de contrôle aux activités privées de sécurité.
Le Gouvernement a souligné la très faible qualification des agents concernés, en raison notamment de l'atomisation des offres de formation, dont certaines présentent peu de garanties, de l'existence de passerelles permettant d'être exonéré de tout ou partie du suivi de la formation et de l'importante disparité observée dans la qualité des formations, qui s'explique en partie par les limites des compétences et de l'organisation du CNAPS en matière de contrôle. Il s'agit donc de légiférer sur la formation des agents privés de sécurité afin de renforcer leur formation.
Les auteurs de cet amendement, outre leur opposition de principe au recours répété aux ordonnances, considèrent qu'il n'est pas possible de tenir le Parlement à l'écart de l'élaboration de dispositions législatives relatives à la qualité et à la fiabilité des formations des agents de sécurité privée.
Sur l'article 19 quinquies, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Paula Forteza, pour soutenir l'amendement no 891 .
Je vais répéter les mêmes arguments que tout à l'heure : le recours récurrent aux ordonnances est très problématique. Ce processus doit demeurer une exception ou, le cas échéant, être vraiment justifié et expliqué à la représentation nationale.
Nous avons déjà donné d'abondantes explications dans le cadre de la discussion générale, ainsi qu'en commission. Je rappelle que le Parlement sera saisi d'un projet de loi de ratification, conformément à l'article 38 de la Constitution. Il ne s'agit donc pas de ne pas évoquer les sujets sur lesquels le Gouvernement pourrait négocier directement avec certains acteurs professionnels à propos de la formation des agents de sécurité privée, dont nous augmentons la qualification. Le Parlement aura bien évidemment son mot à dire lorsque le projet de loi de ratification lui sera présenté.
Merci monsieur le président. Vous avez bien remarqué.
Monsieur le ministre, vous nous dites qu'il s'agit d'améliorer le niveau de qualification des agents, mais nous n'en savons rien, car l'article ne le dit pas. Il indique en effet que vous allez revoir les exigences, les modalités de formation. J'ignore si c'est pour les améliorer ou pour les réduire.
À ce stade de la discussion, je suis obligé de vous croire sur parole, ce qui est très embêtant parce que, par le passé, vous avez fait à propos de la situation présente des déclarations qui n'ont rien à voir, et qui même sont plutôt antagonistes. Je vous prie donc de m'excuser de ne pas vous croire sur parole.
Par ailleurs, il n'est pas vrai que, lors du débat en commission et de la discussion générale, nous soyons entrés dans le détail de ce que vous comptez faire avec ces ordonnances. Il n'est pas vrai non plus que nous n'ayons pas à nous inquiéter puisque, comme vous nous l'assurez, ces ordonnances seront de toute façon ratifiées – j'ai cité tout à l'heure, l'exemple d'ordonnances prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et qui ne nous ont jamais été soumises. Quelques dispositions ont été recasées dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « loi ASAP », d'autres dans des textes que l'on a votés ces jours-ci. D'ailleurs, prenez garde à ce qu'il ne s'agisse pas de cavaliers législatifs, ce qui serait un peu embêtant.
Chat échaudé craint l'eau froide ! Permettez-moi de craindre l'avenir avec un tel dispositif.
Enfin, s'agissant de la justice pénale des mineurs, je rappelle que Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, nous avait promis que ce texte ne serait pas appliqué avant une discussion et une ratification. Or, depuis deux semaines, la partie réglementaire de l'ordonnance sur le code de la justice pénale des mineurs s'applique en raison d'un amendement introduit en cours de débat. Voilà comment on se dépossède de son propre pouvoir !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 79
Contre 10
L'article 19 quinquies est adopté.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, pour soutenir l'amendement no 846 , portant article additionnel après l'article 19 quinquies.
Cet amendement vise à modifier les règles d'octroi de la médaille de la sécurité intérieure. Il me semble en effet pertinent de pouvoir élargir, dans l'esprit du rapport d'Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue dont cette proposition de loi est la transcription législative, l'attribution de cette distinction aux personnels de la sécurité privée, qui participent au continuum de sécurité. Les hommes et les femmes de la sécurité privée qui ont accompli des actions ou des missions particulièrement honorables en lien avec la sécurité intérieure méritent la considération de la nation. Ce serait justice que de leur permettre de recevoir cette distinction.
La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Vous rappelez avec raison les actes de bravoure que les agents de sécurité privée ont accomplis, en particulier pendant la période noire de 2015, et votre demande est tout à fait justifiée, mais elle ne relève pas du domaine de la loi. Je crois comprendre que le ministre prendra un engagement qui la satisfera et, si c'est le cas, je vous proposerai de retirer l'amendement.
En effet, votre proposition relève du domaine réglementaire ; je suis donc défavorable à l'amendement. Il est déjà possible de décerner la médaille de sécurité intérieure à des agents de sécurité privée pour des faits exceptionnels, mais j'ai bien compris votre demande de contingentement. Je m'engage devant la représentation nationale à prévoir ce contingent sur votre proposition, monsieur Mis. Je vous propose donc le retrait de l'amendement
C'était un amendement d'appel mais, l'appel ayant été entendu, je vous en remercie pour les sociétés privées de sécurité, qui y seront sensibles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 846 est retiré.
Rappel au règlement
Au titre de l'article 58 du règlement, sur l'organisation des débats : nos travaux ne sont toujours pas retransmis en direct sur le site de l'Assemblée nationale. Les sujets dont nous discutons intéressent, vous le savez, beaucoup de gens hors de l'hémicycle – en particulier les articles à venir concernant les drones et la vidéosurveillance, qui suscitent une mobilisation citoyenne, comme ce fut le cas mardi soir et comme ce sera de nouveau le cas demain. Il me semble normal que les citoyennes et les citoyens aient accès à nos débats, sans attendre la publication du compte rendu de la séance au Journal officiel. Je vous demande donc de suspendre la séance, monsieur le président, jusqu'à ce que la retransmission en direct de nos travaux soit rétablie.
L'obligation constitutionnelle à laquelle nous sommes tenus n'est pas celle de la retransmission en direct, mais de la publicité des débats ; d'une part, les images de nos travaux ont été enregistrées malgré un problème technique survenu en début de séance et, d'autre part, le débat donne lieu à l'établissement d'un compte rendu intégral, conformément à ladite obligation.
J'ajoute qu'une méthode alternative de diffusion audiovisuelle de nos travaux sur les réseaux sociaux a été appliquée pendant la durée de la panne. En outre, la retransmission en direct sur le site de l'Assemblée a été rétablie – précisément depuis votre précédente intervention sur le sujet, monsieur Bernalicis !
J'ignore s'il existe un lien de cause à effet mais peut-être avez-vous contribué à la résolution de ce problème technique !
J'espère, si la retransmission fonctionne, que les images ne sont pas floutées…
L'article 20 va dans le bon sens : celui d'une plus grande mutualisation et de l'élargissement de l'accès aux images de vidéoprotection aux agents de police municipale, aux pompiers, aux douaniers ou encore aux agents de la ville de Paris.
Néanmoins, nous ratons l'occasion d'un débat sur les nouvelles technologies, sur l'intelligence artificielle, sur la reconnaissance faciale, domaines dans lesquels la France est en retard sur d'autres pays. Ces nouvelles technologies permettent pourtant d'améliorer la sécurité par l'identification de mouvements suspects, la détection d'objets, voire la reconnaissance d'individus fichés ou recherchés. Je regrette que nous n'ayons pas eu ce débat approfondi à l'occasion de l'examen de ce texte relatif à la sécurité, car je suis persuadé que nous aurions pu trouver, en lien avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés – la CNIL – et dans le respect du principe de la proportionnalité des mesures, des solutions reposant sur de nouvelles technologies pour améliorer les systèmes. C'est une occasion ratée pour la sécurité des Français !
Conforme au reste de la proposition de loi, l'article 20 prévoit d'élargir à de nombreux nouveaux acteurs ce qui relève normalement de la police nationale et de la gendarmerie, des douanes et des services d'incendie et de secours. En l'occurrence, il s'agit d'étendre la liste des destinataires d'images de vidéosurveillance. C'est un problème : chacun convient que ces images concernent la sécurité publique et que c'est à ceux dont c'est la mission que leur visionnage devrait être réservé. De même que les compétences de la police municipale et des sociétés privées de sécurité ont été élargies, vous proposez que les images de vidéosurveillance soient désormais visionnées par des acteurs dont j'ignore s'ils ont les compétences nécessaires mais qui, en tout état de cause, ne sont pas chargés de protéger la sécurité publique. Voilà pourquoi nous sommes opposés à cet article.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 475 , 574 , 749 et 1320 , tendant à la suppression de l'article 20.
Sur ces amendements identiques, ainsi que sur l'article 20, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 475 .
Le visionnage des images de vidéosurveillance doit être rigoureusement encadré afin de respecter les libertés privées et individuelles des citoyens. Les images collectées doivent donc être visionnées à bon escient et par des agents dûment formés.
L'élargissement, à titre expérimental, des prérogatives et des missions de la police municipale atténue de plus en plus la frontière qui la sépare de la police nationale. Nous estimons au contraire que leurs missions respectives doivent être précisément établies et que le cadre actuel y suffit, raison pour laquelle nous sommes opposés au présent article.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement no 574 .
Nous proposons également de supprimer l'article car nous ne pouvons pas accepter d'habiliter largement les agents de police municipale à visionner et à exploiter les images de vidéoprotection. Le groupe Socialistes et apparentés considère que ces missions revêtent un caractère sensible, a fortiori du fait du lien de subordination des agents de police municipale à l'égard du maire. C'est pourquoi nous avons proposé la désignation d'un déontologue pour suivre l'expérimentation prévue à l'article 1er.
Au moins nous semble-t-il souhaitable de limiter les habilitations prévues au présent article aux seuls directeurs et chefs de service de la police municipale, dans l'esprit de l'article 1er, au reste, qui leur réserve certaines des prérogatives étendues aux policiers municipaux. En effet, ces cadres de la police municipale, contrairement aux autres agents, auront reçu une habilitation et passé un examen technique spécifique renforçant leur qualification, dont nous avons longuement parlé ces derniers jours.
Nous entamons l'examen d'une série d'articles visant à ce qu'il soit possible de filmer de plus en plus, partout, tout le temps et au profit de nombreux acteurs, ce qui devrait nous interpeller. Les articles du texte, mis bout à bout – et même lus un à un – vont accroître les possibilités d'être filmé.
C'est la démonstration que l'affirmation selon laquelle la sécurité est la première des libertés est une bêtise puisque, sous couvert de sécurité, on augmente le périmètre de la captation vidéo dont nous faisons l'objet.
En résultera-t-il plus de liberté ? Non, évidemment, mais moins ! Oui, moins de liberté, parce que le respect de la vie privée, loin d'être anecdotique, est l'une des notions fondamentales du droit français, et même européen. Or en l'occurrence, vous faites comme si cette notion fondamentale était annexe ou anecdotique, et que dans l'échelle des valeurs, la sécurité primait sur tout le reste. Non, il n'est pas neutre d'observer n'importe qui n'importe quand derrière un écran. Au reste, cela crée des problèmes dans les centres de sécurité urbaine chers au ministre, où des agents sont postés pour regarder les images vingt-quatre heures sur vingt-quatre – ce qui, d'ailleurs, est totalement inutile car on n'arrête pas davantage de délinquants pour autant ; passons.
Quoi qu'il en soit, une telle mesure est dangereuse pour une société démocratique car elle nous fait basculer dans un autre régime.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement no 1320 .
Nous souhaitons, quant à nous, la suppression de l'article, non pas parce qu'il serait inutile que les agents de police municipale aient un jour la possibilité de visionner les images de vidéoprotection pour faire leur travail – au contraire, c'est nécessaire – mais parce que la disposition n'est pas équilibrée. Il faut, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, que les agents concernés soient formés et disposent des moyens nécessaires pour exercer cette mission. Si la proposition de loi entrait en vigueur en l'état, ils auraient le droit de visionner les images sans y avoir été formés.
Je ne suis évidemment pas favorable à la suppression de l'article 20. Les commerçants ont déjà le droit d'installer sur la voie publique un système de vidéoprotection afin de protéger les abords immédiats de leurs bâtiments et installations dans des lieux particulièrement exposés aux risques d'agression et de vol, mais le visionnage des images ainsi filmées est réservé aux agents de l'autorité publique, c'est-à-dire la police nationale et la gendarmerie.
L'article 20 étend cette faculté aux policiers municipaux, rien de plus. Ce n'est pas la collecte d'images qui est élargie, mais seulement la liste des personnes autorisées à les visionner. J'ajoute que les policiers municipaux sont parfaitement formés pour exercer cette mission qu'ils accomplissent déjà chaque jour. Demain comme aujourd'hui, ils seront désignés individuellement et dûment habilités. C'est pourquoi je souhaite que cet article soit adopté.
Je réponds par anticipation à l'amendement no 575 de Mme Karamanli, qui sera examiné dans un instant et vise à restreindre l'habilitation aux directeurs et chefs de service de la police municipale. J'y suis également défavorable, car cette règle serait beaucoup trop restrictive. Le visionnage des images demande beaucoup de temps et de travail ; il n'est pas réaliste de le confier aux seuls chefs de service.
Le groupe Les Républicains, quant à lui, est favorable à cet article. Ce débat me ramène vingt-cinq ans en arrière, alors que j'étais jeune élu municipal et que les communes commençaient à installer des équipements de vidéoprotection : le débat était le même. En vingt-cinq ans, la gauche n'a pas changé, elle campe sur ses positions ! Pourtant, les villes de gauche des Alpes-Maritimes – elles ne sont pas nombreuses mais il y en a tout de même quelques-unes – sont toutes vidéoprotégées, et l'une d'entre elles, dans ma circonscription, est même largement en avance.
En somme, ce débat a trente ans de retard. Je le répète : la France est en retard en ce qui concerne les nouvelles technologies, dont il ne faut pas avoir peur car elles sont un moyen permettant de sécuriser la France et les Français !
Alors, pourquoi êtes-vous contre en matière de bioéthique ? Ce n'est pas logique !
Nous pensons également qu'il est utile que la police municipale ait accès à ces images, mais la confiance et la réconciliation sont également importantes – et ce n'est pas vraiment ce qui ressort de ce débat. C'est la Cour des comptes elle-même, madame la rapporteure, qui a signalé la faiblesse de la formation des personnes habilitées à visionner les images.
L'extension de cette habilitation ? Pourquoi pas, mais donnons aux agents concernés les moyens de faire leur travail correctement afin de rassurer l'ensemble de la population.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 11
Contre 81
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement no 575 .
Mme la rapporteure a répondu par anticipation, mais nous ne sommes pas d'accord car son argumentation est contradictoire. On ne peut pas utiliser l'argument de la qualification et de l'habilitation à exercer cette mission tout en affirmant que les directeurs et chefs de service n'auraient pas le temps de s'en acquitter ! Les deux arguments ne peuvent pas être opposés.
Au moins nous semble-t-il donc important que seuls les directeurs et chefs de service soient habilités – autrement dit, que ces missions sensibles soient exercées par des personnes qualifiées et compétentes, parce qu'il existe une qualification et une habilitation spécifiques.
Limiter l'accès à ces images me semble être la moindre des choses et la garantie strictement minimale.
En plus de vingt ans, la droite n'a pas changé.
La gauche non plus d'ailleurs – c'est, du moins, notre cas. Vous restez complètement aveugles à ce que maintes études scientifiques démontrent depuis des années, une des plus récentes étant l'excellent travail de Laurent Mucchielli sur la vidéosurveillance, dite vidéoprotection. D'après cette étude, l'utilisation de ces équipements améliore le taux d'élucidation d'à peine 1,5 %. Ce taux est bien meilleur pour l'être humain, qui fait de bien meilleures enquêtes et présente en outre la vertu de ne pas être attaché à un poteau : il peut se déplacer, être vu et assurer une véritable prévention des actes de délinquance. Et, sur le plan budgétaire, les deux formules n'ont pas le même coût !
Je ne suis pas opposé par principe à la vidéo : nous sommes nous-mêmes filmés, et je me réjouis qu'on permette ainsi à chacun de suivre nos débats. Je me contente de regarder les faits de façon rationnelle : mettre des caméras partout ne sert à rien ; permettre à des tas de gens d'avoir accès aux vidéos non plus. C'est d'ailleurs aussi une marque de défiance envers l'autorité judiciaire que d'étendre ainsi l'accès à ces vidéos, qui jusqu'à présent devait être justifié par les besoins de l'enquête.
Je suis étonné de votre discours, monsieur Bernalicis : vous êtes vraiment un des derniers dinosaures en la matière. Même la commune du Rove, dernière commune communiste de ma circonscription…
… à la lisière des quartiers nord Marseille, a adopté la vidéosurveillance après l'avoir refusée pendant très longtemps : elle est désormais équipée d'un des systèmes de vidéosurveillance les plus sophistiqués.
Si on doit mettre un homme derrière chaque caméra, comment vont faire les communes qui n'en ont pas les moyens ?
Sur le terrain, les gendarmes n'arrêtent pas de me dire que les caméras leur permettent d'élucider un maximum de délits.
… de ce qu'on me dit quand je me rends au commissariat de Vitrolles ou à la brigade de gendarmerie de Carry-le-Rouet.
Au mépris des progrès de la technologie et alors que même les villes communistes adoptent la vidéoprotection et en sont satisfaites, vous continuez de dire que ce n'est pas bien et qu'il faut mettre des hommes. Non ! Il faut se servir de la technologie.
L'amendement no 575 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l'amendement no 1236 .
Cette défense vaudra également pour l'amendement no 1238 .
Cet amendement vise à donner compétence aux agents de police municipale pour visionner et traiter les images de vidéoprotection non seulement de leur commune, mais également, le cas échéant, d'une commune voisine, dans un souci d'efficacité opérationnelle et budgétaire. Je précise que ces amendements ne visent pas des personnels intercommunaux mais bien des agents communaux.
Je rappelle que l'article L. 132-14 du code de la sécurité intérieure permet déjà la mutualisation des équipements de vidéoprotection au niveau intercommunal. Un EPCI, ou établissement public de coopération intercommunale, compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance peut ainsi prendre en charge, pour le compte de communes membres et avec leur accord, l'acquisition, l'installation et l'entretien d'équipements de vidéoprotection et créer un centre de supervision urbain – CSU – intercommunal.
Le dispositif peut être amélioré et nous sommes d'accord avec votre objectif, mais nous préférons la rédaction proposée par d'autres amendements, plus précis : l'amendement no 1338 du Gouvernement et celui du groupe Dem portant article additionnel après l'article 20, qui devraient vous satisfaire. L'avis est donc une demande de retrait au profit de ces amendements.
Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais souligner que ma proposition concernait le niveau intercommunal, soit un groupe de trois ou quatre petites communes, ce qui permet plus de souplesse et d'agilité. J'espère que cette demande sera satisfaite.
L'amendement no 1236 est retiré.
Je regrette de ne pas avoir signé ces excellents amendements de Mme Bazin-Malgras et de Mme Anthoine. Ils tendent en effet, conformément à la logique qui est la nôtre depuis le début de ces débats, à moderniser le statut des gardes champêtres en les intégrant dans les dispositifs contemporains de lutte contre les incivilités et en leur permettant d'accéder à ces vidéos au même titre que les policiers municipaux.
Les gardes champêtres nous ont beaucoup occupés depuis le début de nos débats, et c'est bien normal. Je voudrais à mon tour rendre hommage à leur travail, en particulier à celui des gardes champêtres de la Drôme, évidemment.
Cependant, nous ne sommes pas là dans le cadre des missions dévolues aux gardes champêtres. À titre personnel, je considère que leur place est sur la voie publique, surtout dans des territoires ruraux. Si donc l'amendement n'est pas retiré, l'avis sera défavorable.
En réalité, il y a deux sujets dans ce débat. Il y a d'abord celui de la vidéosurveillance : cela fait très longtemps qu'on a compris l'intérêt de ces dispositifs et même la gauche la défend dans beaucoup de structures locales, communes ou conseils régionaux.
La vraie question ici est de savoir si on peut étendre à l'infini le nombre des personnes autorisées à visionner les vidéos issues des dispositifs de vidéoprotection. Ce n'est quand même pas anodin : il s'agit de la protection de la vie privée !
Je suis navrée de devoir vous rappeler que ces personnels sont hiérarchiquement soumis au maire, qui est un élu politique. Dans ces conditions, élargir ainsi l'accès à ces vidéos sans aucune autre forme de contrôle, sans prévoir un renforcement des sanctions en cas d'utilisation abusive des informations ainsi recueillies ni aucun véritable encadrement d'une façon générale, m'apparaît problématique au regard des exigences de protection de la vie privée de nos compatriotes.
La question n'est pas une question de technologie, chers collègues du groupe Les Républicains : nous sommes, nous aussi, favorables aux nouvelles technologies, en particulier à la vidéosurveillance là où elle est nécessaire. La question est celle du rôle de la police nationale. La sécurité est une compétence régalienne. À ce titre, la police nationale, qui est au service de la sécurité de nos concitoyens et concitoyennes comme elle est au service de la République, du respect des lois, a donc un rôle premier.
Je veux qu'on garantisse à la police nationale ses missions et les moyens de les assumer. On nous dit que regarder des vidéos prend du temps. Eh bien ! il faut des policiers et des gendarmes supplémentaires au service de la République. Je m'étonne que nos collègues du groupe Les Républicains ne défendent pas le rôle de la police nationale.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Je ne peux pas vous laisser dire ce que vous avez dit, madame Le Pen. Je partage l'opinion qu'il faut surveiller ceux qui surveillent : …
… les contre-pouvoirs sont évidemment la base de la démocratie.
Je ne pense pas, madame Buffet, que les communistes refusent les nouvelles technologies…
… mais je constate qu'il y a deux types de gauche – s'agissant des socialistes, en tout cas, c'est évident – : il y a ceux qui sont aux responsabilités locales, comme au Mans, à Nantes ou dans d'autres villes, où ils font installer des systèmes de vidéoprotection et qui s'en portent très bien, et puis il y a les élus nationaux, qui s'y opposent par idéologie. Il y a là une dichotomie.
Madame Le Pen, vous dites que le maire est une autorité politique, et cela ne fait aucun doute ! Mais c'est aussi le cas du Président de la République, et même des ministres.
Le ministre de l'intérieur recrute les membres de la police nationale comme le maire recrute les policiers municipaux.
Mais si ! C'est moi qui les recrute en tant que chef de l'administration de mon ministère. Certes je délègue à d'autres le soin de s'en charger, mais comme les maires !
Lorsque j'étais maire de Tourcoing, je n'ai jamais recruté personnellement un policier municipal. Soyons sérieux ! Arrêtez de caricaturer le débat ! Vous pensez que la maire de Paris recrutera un par un tous les policiers municipaux personnellement ? Est-ce que le maire de Béziers recrute un par un les policiers municipaux ?
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Arrêtez de faire de l'idéologie : ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Soyez maires, et vous verrez.
Le maire est une autorité politique au même titre que le Président de la République et les ministres.
Mêmes mouvements.
Je ne pense pas qu'il faille pour autant jeter l'opprobre sur les maires sous prétexte que tel ou tel agent relèverait de leurs responsabilités. Comme s'ils risquaient de demander secrètement à visionner ces images ou de permettre à n'importe qui de les visionner ! Ce n'est pas du tout l'objectif. Les agents qui visionnent ces images sont assermentés ; ils sont évidemment soumis à des contrôles, sous l'autorité du procureur de la République et ils ne peuvent extraire des images que sur réquisition de ce dernier. En outre, la CNIL contrôle les centres de supervision urbains ; à ce titre, elle fait des remarques, des recommandations, voire des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale lorsqu'elle constate des infractions aux lois de la République. En tant qu'élue d'Hénin-Beaumont – qui est, je crois, équipé de caméras de vidéo-protection – ,…
… vous devez savoir que ses remarques et recommandations sont portées à la connaissance de l'opposition.
On ne peut donc pas dire que les choses se passent de façon sauvage et sans contrôle dans ces centres de supervision urbains : ce n'est absolument pas le cas – et si ça l'était, madame Le Pen, je partagerais votre analyse.
D'ailleurs, ces vidéos peuvent d'ores et déjà être visionnées, non seulement par des membres de la police nationale ou des gendarmes, mais aussi par des policiers municipaux, et même par des personnels civils pourvu qu'ils soient assermentés. Le débat sur les risques de dérives orwelliennes me semble donc purement rhétorique puisque cela existe déjà et que c'est très bien contrôlé.
Que le législateur souhaite renforcer ce contrôle, rien de plus normal. Qu'on étende demain les pouvoirs de la CNIL dans ce domaine, j'y suis personnellement favorable : plus ceux qui contrôlent sont contrôlés, mieux on se porte. Mais je ne peux pas laisser dire que des personnels qui ne seraient ni membres de la police nationale ni de la gendarmerie ne devraient pas pouvoir visionner ces images et qu'une telle mesure serait absolument liberticide, premièrement parce que c'est déjà le cas…
Exclamations et rires sur les bancs du groupe FI.
… deuxièmement parce qu'elle protège les libertés.
Je recommande à chacun d'aller visiter un centre de supervision urbain ou d'aller observer ce que font les maires, quelle que soit leur couleur politique : ils verront que le pragmatisme et les libertés publiques font très bon ménage.
L'amendement no 827 de Mme Typhanie Degois est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La discussion que nous sommes en train d'avoir est lunaire ! Nous ne nous posons même pas la question de savoir si mettre autant de caméras fonctionne.
Voyons, combien êtes-vous à me dire que oui, là-bas… Sept ? Allez, je vous offre à tous les sept le bouquin de Laurent Mucchielli : j'irai le chercher à la pause !
Ce sera possible, je le contacterai pour lui demander s'il accepte. Si ça peut faire avancer le débat sur la science…
Qu'a-t-il été constaté quant au taux d'élucidation obtenu grâce aux caméras ? Il n'y a en réalité pas de corrélation entre le nombre de caméras, la taille de la ville et la hausse ou la baisse de la délinquance.
« C'est faux ! » sur les bancs du groupe LR.
Tous ces éléments-là n'ont rien à voir les uns avec les autres. Dans certaines villes, équipées de plein de caméras, il arrive des choses horribles ; dans d'autres, où il n'y a pas de caméras, il y a peu de délinquance : tous les cas de figure sont possibles.
Vous en tirez des conclusions péremptoires, …
Le plus péremptoire, depuis trois jours, c'est vous, monsieur Bernalicis !
… en disant que les caméras fonctionnent et fonctionneront d'autant mieux qu'un plus grand nombre de gens pourront y accéder. Mais il y a tout de même un problème de fond : au-delà de la défiance vis-à-vis de la police nationale et de l'autorité publique, c'est une défiance envers l'autorité judiciaire qui s'exprime. En effet, jusqu'à présent, les images ne devaient pas servir à observer les gens, mais uniquement à identifier la personne responsable d'une infraction, pour lancer une procédure judiciaire. Dans le circuit que vous proposez, où est l'autorité judiciaire ?
Elle est bien contente d'avoir des images des caméras de vidéosurveillance, l'autorité judiciaire !
Monsieur Bernalicis, ces conclusions n'ont rien de péremptoire. Elles sont, au contraire, tout à fait pragmatiques. Permettez-moi d'évoquer mon expérience personnelle : lorsque j'étais adjointe au maire de ma commune péri-rurale, nous avions, fort heureusement, installé quelques caméras, bien situées, et l'accès aux images de surveillance a heureusement permis aux forces de l'ordre d'appréhender la personne qui venait de commettre un délit de fuite. Ces images ne servent donc pas à surveiller, mais bien à protéger : elles facilitent grandement le travail des forces de l'ordre et protègent nos concitoyens.
L'amendement no 827 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l'amendement no 1235 .
Il concerne les centres de supervision urbains à l'intention des communes moyennes, qui comptent entre 10 000 et 20 000 habitants. Pour créer ces centres et traiter les images, elles ont besoin de mutualiser leurs moyens avec les communes moyennes limitrophes : cela leur est indispensable. Les centres seraient placés sous l'autorité du préfet, après autorisation conjointe du préfet et des conseils municipaux.
Entre l'EPCI et le regroupement de quelques communes, il y a encore un échelon, auquel je voudrais que l'on travaille.
Je vous remercie, là encore, de l'attention que vous portez à ces sujets importants. Nous partageons votre objectif mais, comme précédemment, je vous demanderai de retirer votre amendement au profit des amendements identiques nos 1338 du Gouvernement et 1163 du groupe Dem, qui seront examinés après l'article 20 et qui satisfont votre demande.
Je vais le retirer, mais j'insiste vraiment sur l'intérêt et l'utilité qu'il y a à offrir à ces communes une facilité et une agilité qu'elles n'ont pas encore.
L'amendement no 1235 est retiré.
L'amendement no 1238 est retiré.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 340 .
Il vise à étendre la durée durant laquelle les policiers municipaux peuvent vidéo-verbaliser les infractions routières. Dans les plus petites communes, en effet, où la vidéoprotection se déploie, les moyens humains ne sont malheureusement pas suffisants pour qu'il y ait en permanence un policier municipal derrière les caméras. Cependant, on peut facilement constater des délits et des infractions routières, qu'il est pourtant impossible de vidéo-verbaliser. Je propose donc de prévoir un délai de quarante-huit heures durant lequel les policiers municipaux pourraient regarder a posteriori les vidéos et verbaliser les comportements délictueux.
Je vais vous raconter l'anecdote à l'origine de cet amendement. Lorsque j'étais maire de Marck-en-Calaisis, j'y avais développé la vidéoprotection. Un jour, au sortir de la boulangerie, une grosse cylindrée allemande qui roulait devant moi a grillé plusieurs stops et un feu, et franchi des lignes blanches. Mais, alors que son conducteur avait mis en danger la vie des enfants près des passages piétons, et que nous disposions des images de vidéoprotection, il était impossible de le verbaliser a posteriori. Pour assurer la sécurité et, en particulier, lutter contre la délinquance routière, je pense donc qu'il est nécessaire de pouvoir autoriser la police municipale, durant un court délai de quarante-huit heures, à accéder à la vidéo et à verbaliser a posteriori les comportements routiers délictueux.
L'amendement va à l'encontre des recommandations de la CNIL, pour qui la constatation des infractions routières ne peut être réalisée que par le visionnage en temps réel des images issues des caméras, et donc pas a posteriori.
Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Je comprends l'esprit de l'amendement, même si le délai de quarante-huit heures est peut-être un peu long – c'est un autre sujet.
Cependant, les éléments exposés par la rapporteure sont importants et, pour ce qui concerne les caméras de vidéoprotection et les contraintes qu'elles entraînent, il faut que nous puissions évoluer en lien avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce n'est pas par un amendement que nous pourrons faire avancer l'idée d'une verbalisation différée, car la disposition serait à coup sûr censurée.
La verbalisation peut aujourd'hui être décalée lorsqu'un OPJ ou le procureur de la République enquête sur un délit, qui peut d'ailleurs être routier, mais cela ne s'applique pas au contraventionnel.
Par ailleurs, monsieur Dumont, je vois bien la difficulté que rencontre une ville comme Marck-en-Calaisis, qui est une petite commune aux moyens modestes par rapport aux grandes collectivités dotées de logiciels légaux et contrôlés par la CNIL, pour distinguer, sur un mur d'images, les comportements qui relèvent de la vidéo-verbalisation automatique – comme une voiture qui roule trop vite, grille des feux ou ne respecte pas une priorité, par exemple – , pour les verbaliser en temps réel. Il faudra donc y travailler, et je propose que vous soyez associé à ces réflexions.
En l'état, cependant, votre amendement serait certainement censuré et créerait de grosses difficultés avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Avis défavorable.
Tout d'abord, ayant été maire d'une commune périurbaine, je soutiens l'idée de mon collègue : la présence de caméras nous aurait grandement facilité la tâche.
Par ailleurs, je voudrais également réagir aux propos de Mme la rapporteure, qui a invité l'Assemblée à voter contre la possibilité pour les gardes champêtres de visionner les images des caméras. Je pense que c'est une erreur, car certaines communes rurales sont équipées de caméras et emploient des gardes champêtres. Organisés en brigades territoriales, ils protègent les parcs naturels et aimeraient, à ce titre, pouvoir visionner les images. J'invite donc le ministre de l'intérieur à y réfléchir au cours de la navette : il n'y a pas de sous-force de sécurité intérieure, mais seulement des forces de sécurité intérieure, et j'en veux pour preuve que nous avons ajouté, à l'article 1er, la mention de la police rurale.
Je voulais réagir plus tôt, mais je n'ai pas pu. Cela étant, le débat est toujours le même. M. Dumont, qui parle toujours clairement, a l'honnêteté et la franchise de dire que certaines communes n'ont pas toujours les personnels nécessaires, raison pour laquelle les caméras jouent un rôle. C'est bien sur ce sujet que nous voulons avoir un débat avec vous.
Tout à l'heure, Mme Brocard disait que grâce à la vidéo, un délit dans sa commune avait pu être sanctionné. Certes, mais ce n'est pas le débat ! Il faudrait établir le ratio entre le coût des caméras et leur rendement : combien une caméra coûte-t-elle sur une année entière par rapport à l'embauche d'une ou deux personnes ? Un business s'est développé, fondé sur des chiffres souvent bidons et renforcé par la pression médiatique qui entraîne une inquiétude dans beaucoup de communes. Il y a un peu d'insécurité, ou quelques cas d'incivilités, et la police ne peut pas toujours être là : cela crée une pression sur l'équipe municipale, qui y répond en installant de la vidéosurveillance. Mais combien cela coûte-t-il et rapporte-t-il ? Voilà le sujet.
Se généralisent alors des gadgets, assez peu efficaces au demeurant. Vous pouvez toujours mettre en avant tel ou tel cas, survenu cette année – encore heureux ! Mais c'est parce que moins de policiers et de moyens humains sont mobilisés, qui sont pourtant plus efficaces, …
Vous adoptez une logique de rendement sur les questions de sécurité : c'est incroyable !
… que se développent ces gadgets, dont l'utilisation et la généralisation posent en outre problème. Ils coûtent cher, ils rapportent peu, et nous vous engageons plutôt à embaucher des personnels qualifiés.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Je voudrais revenir rapidement sur deux points abordés.
Mme Liso évoquait la nécessité de mutualiser la vidéoprotection. Je la rejoins totalement, car dans les petites communes, dont les agents de police municipale ne travaillent pas la nuit, ce sont bien les caméras qui prennent le relais. Béziers, par exemple, surveille la nuit les images des caméras des communes alentour, pour pouvoir, le cas échéant, alerter ou intervenir. C'est un véritable progrès, une amélioration.
M. Bernalicis disait que les caméras ne fonctionnaient pas : pourtant, cela marche tellement bien qu'à Béziers, la gendarmerie et la police nationales sollicitent tous les jours les agents de la police municipale – qui sont assermentés et ont reçu un agrément au terme d'une formation en bonne et due forme. Comme M. le ministre l'a rappelé tout à l'heure, tout cela est très contrôlé et se déroule sous l'autorité du procureur, qui vient lui-même, de temps en temps, visionner les images.
Un OPJ de la police nationale est même affecté au centre opérationnel de surveillance – puisque c'est le nom que porte chez nous le centre urbain de supervision – , où il est présent toute la journée pour visionner et communiquer lui-même à la police et à la gendarmerie nationales les images demandées pour les besoins des enquêtes, ce qui arrive plusieurs fois par jour.
Tout est très encadré, et je ne peux pas laisser dire que la police municipale ferait n'importe quoi : il existe un cadre et des règles, et tout est fait en bonne intelligence, je ne cesserai de le répéter, en lien avec les services de police et de gendarmerie nationales lorsque c'est nécessaire.
Je voudrais remercier M. le ministre pour sa proposition : je suis bien évidemment disponible pour travailler sur ce sujet au cours de la navette. Ce serait une bonne chose que de trouver le dispositif qui sera juridiquement validé par la CNIL – peut-être en réduisant le délai de visionnage des images ?
Chers collègues de la France insoumise, je suis désolé, mais c'est mon expérience de maire qui parle. Lorsque j'ai été élu, en 2014, il n'y avait aucune caméra de vidéoprotection. J'en ai déployé une cinquantaine dans cette ville de 11 000 habitants et, entre 2017 et 2019, la délinquance a été divisée par trois, …
… tandis que les taux d'élucidation doublaient. Peut-être n'y a-t-il pas de lien de cause à effet, mais la réalité, c'est qu'à Marck-en-Calaisis, la vidéoprotection déployée par l'équipe municipale a parfaitement rempli son rôle et permet d'accompagner la police nationale et la gendarmerie dans leurs enquêtes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement no 340 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 96
Contre 11
L'article 20 est adopté.
La parole est à M. Pierre-Alain Raphan, pour soutenir l'amendement no 860 , portant article additionnel après l'article 20.
Monsieur le ministre, vous êtes garant de notre sécurité, et notamment de celle de nos données, dont je vais vous parler.
Des images vont être captées – et nous discuterons juste après de l'utilisation de drones – , et j'aimerais que vous nous apportiez la garantie que les données collectées par ces outils, ainsi que leur traitement, ne seront pas soumises à l'extraterritorialité. Je parle ici du Cloud Act, et donc de notre souveraineté numérique – je salue d'ailleurs au passage Philippe Latombe, qui est rapporteur d'une mission d'information de l'Assemblée relative à la souveraineté numérique nationale et européenne.
En effet, je ne voudrais pas que les données collectées puissent être utilisées à mauvais escient et récupérées par des entreprises privées à l'étranger. Je vous demande donc de garantir la protection des données des Français.
L'État est responsable des données générées par ses activités : je voulais vous rassurer sur ce point. C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. Je voudrais également rassurer M. Raphan. Bien que ces dispositions relèvent du domaine réglementaire, je répondrai à l'interrogation qu'il formule : le sujet est important, notamment l'interdiction du traitement par des algorithmes, en dehors du fonctionnement de l'État, des données relatives à des activités de sécurité, données à propos desquelles vous voulez compléter le code de la sécurité intérieure.
S'agissant des grands principes, l'essentiel figure dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que dans le RGPD, le règlement général sur la protection des données : responsabilisation des autorités chargées du traitement des données à caractère personnel, minimisation de ce traitement, encadrement de leurs conditions de conservation et de communication. Des obligations concrètes sont imposées aux représentants de l'État, singulièrement à ceux qui utilisent ou obtiennent des données touchant aux activités de sécurité. Celles des systèmes d'information et de communication sont soumises au contrôle de la CNIL. La création d'un traitement de données demande des formalités préalables, afin de s'assurer du respect des prescriptions juridiques et techniques que vous avez évoquées.
J'ai entendu votre question, qui porte sur les libertés publiques et la protection des données. Aujourd'hui, notre arsenal permet d'y répondre. Demain, si cette protection réclamait davantage de mesures, notamment dans le cadre de notre souveraineté numérique, nous les prendrions. Je le répète, ces mesures, y compris celles que vous proposez, sont réglementaires et ne relèvent donc pas du domaine législatif.
Encore une fois, je prends cette question très au sérieux. Depuis que je suis ministre de l'intérieur – et auparavant, en tant que ministre de l'action et des comptes publics, sur les questions relevant de ces fonctions – , chaque fois qu'un rapport de la CNIL ou d'une autre autorité administrative indépendante a relevé des difficultés particulières en matière d'utilisation de ces données, j'ai donné des instructions afin que le droit soit mis en conformité et le Conseil d'État saisi s'il y avait lieu, ce qui s'est produit encore tout récemment. Je souscris à ces finalités ; je suis favorable à ce que nous donnions des moyens supplémentaires aux forces de l'ordre, aux forces de sécurité, mais à ce que nous protégions les données personnelles de nos concitoyens. Cet équilibre est précisément celui que recherchent le Gouvernement et la majorité parlementaire.
J'irai dans un sens légèrement différent de celui de Pierre-Alain Raphan. En effet, si les dispositions relatives au traitement des données par l'État sont essentiellement de nature réglementaire, les collectivités territoriales, en revanche, pourraient avoir besoin d'un encadrement législatif, afin d'éviter qu'elles n'en viennent, à l'issue d'un appel d'offres, à utiliser un logiciel américain ou une solution de stockage américaine, de type cloud, qui seraient autant de brèches dans notre sécurité et notre souveraineté. La voie législative permettrait d'imposer dans les appels d'offres des clauses évitant de tels risques. Je comprends votre réponse, monsieur le ministre, mais les futurs appels d'offres des collectivités en matière informatique ne manqueront pas de soulever ce problème.
Si une faille juridique ou législative devait apparaître, je suis tout prêt à l'étudier. En attendant, le RGPD s'applique à l'ensemble des pouvoirs publics susceptibles d'utiliser des données et les protège contre la tentation d'exploiter celles-ci. Notre droit concerne également les collectivités locales.
Merci, monsieur le ministre, de votre point de vue et de l'éclairage que vous nous apportez. La CNIL et le RGPD, au sujet duquel nous échangeons avec nos homologues européens, laissent subsister une zone grise, celle du Cloud Act. Le problème ne sera pas réglé aujourd'hui par voie législative, j'en conviens, et je vais donc retirer mon amendement. En revanche, il y a là quelque chose qui n'est pas résolu et qui nous expose à de potentielles fuites vers l'étranger de données concernant les Français. C'est pourquoi, avec ceux de mes collègues qui maîtrisent le sujet, nous nous tenons à votre disposition pour travailler à la sécurisation de ces données.
L'amendement no 860 est retiré.
L'amendement no 1195 de Mme Jennifer De Temmerman est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je voulais interpeller les collègues : qu'ils se méfient des garanties que semble nous donner le ministre lorsqu'il nous dit de ne pas nous inquiéter, puisque nous avons le RGPD et la CNIL. L'un des derniers dossiers majeurs au sujet desquels on nous a apporté des garanties similaires, du moins au micro, était celui des plateformes de données de santé, les health data hubs – vous me pardonnerez mon accent approximatif. On nous affirmait que notre souveraineté n'était pas en cause, que la CNIL vérifierait, que chacun ferait son travail. Résultat : la CNIL a dû hausser le ton car, pour finir, les données de santé étaient gérées par Microsoft, ce qui posait un problème de souveraineté. En l'état actuel de la procédure législative et du fonctionnement du Conseil constitutionnel, nous avions donc fait passer quelque chose que la patrouille CNIL a finalement rattrapé, alors que le Gouvernement nous répétait qu'il l'avait consultée, qu'elle donnerait un avis favorable, et ainsi de suite – ce qui était faux.
Par conséquent, je m'inquiète, et vous devriez bien en faire autant, de ne pas voir dans ce texte suffisamment de garanties. En outre, son dépôt à la va-vite a empêché les uns et les autres de fouiller les sujets abordés et de se former une opinion éclairée, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, et nous devons nous en remettre à la bonne parole d'un ministre qui, comme je viens de le rappeler, nous a déjà enfumés lors de l'examen des textes précédents !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1195 n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1338 , 1163 , 1194 et 1173 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1338 et 1163 sont identiques. Le premier fait l'objet de deux sous-amendements, nos 1350 et 1351 .
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 1338 .
J'en profite pour répondre à Mme Liso, qui est intervenue à plusieurs reprises, notamment au sujet de la mutualisation entre communes des CSU, les centres de supervision urbains. Cet amendement vise en effet à autoriser cette mutualisation jusqu'à l'échelon départemental, en particulier pour les communes rurales, qui, même à plusieurs, n'ont pas toujours les moyens de financer des équipements de vidéoprotection, et ne se situent pas forcément à proximité d'une grande ville à laquelle elles pourraient s'associer – un tel voisinage peut être une malchance à d'autres égards, mais il constitue une chance en la matière.
Cet élargissement des possibilités de mutualisation sera un grand progrès, réclamé par les élus locaux. Il ne changera évidemment rien au pouvoir de police générale, dont le maire reste détenteur, mais il permettra que les images soient visionnées et au besoin transmises à un officier de police judiciaire par des agents intercommunaux, peut-être bientôt départementaux, soumis aux mêmes conditions d'assermentation que ceux d'un CSU communal.
J'ajoute dès à présent que je serai défavorable aux sous-amendements émanant du groupe Dem, qui visent, si j'ai bien compris, à rendre possible la mutualisation des CSU entre plusieurs départements. Ce n'est pas que j'y sois opposé par principe, mais cette proposition de loi autorise déjà la surveillance des CSU intercommunaux par des personnes relevant de l'EPCI et non plus des maires des communes en cause, ainsi que la création de CSU départementaux ; passer à l'échelon interdépartemental serait plus complexe et donc prématuré, alors que nous n'avons pas encore regardé ce que donneraient les dispositions prévues par l'amendement du Gouvernement. La mesure proposée a, quoi qu'il en soit, un caractère pratique et répond à une demande forte des élus de la ruralité.
Monsieur le ministre, nous soutenons votre amendement. C'est d'ailleurs plutôt Jean-Noël Barrot qui, au sein de notre groupe, travaille sur ce sujet.
Le début de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales est rédigé comme suit : « Le président du conseil départemental gère le domaine du département. À ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion ». Il serait donc paradoxal qu'un syndicat mixte défini à l'article L. 5721-8 du même code et comportant un ou plusieurs départements ne puisse mettre à la disposition d'un département un agent chargé de visionner des images du domaine départemental et placé, à cet effet, sous l'autorité du président du conseil départemental concerné. Ce sous-amendement a pour objet de le prévoir explicitement.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir le sous-amendement no 1351 .
Il vise à restreindre le champ des amendements identiques nos 1338 et 1163 . Si la facilitation du déploiement des CSU par la mutualisation d'équipements et de personnels jusqu'au niveau départemental est souhaitable, il serait préférable, pour des raisons de confidentialité, de ne pas étendre à toute personne agréée relevant d'une commune, d'un EPCI ou d'un syndicat mixte concerné la possibilité de visionner des images de vidéoprotection de la voie publique. Mieux vaudrait habiliter davantage d'agents des polices nationale et municipale, le nombre de ceux qui peuvent procéder à ce visionnage étant actuellement restreint.
Cet amendement vise à permettre à une commune disposant de faibles moyens, qui souhaite être rattachée à un CSU, mais dont l'EPCI n'est pas compétent en matière de vidéosurveillance, de s'adosser, par exemple, au CSU d'un EPCI voisin.
On dit souvent que la sécurité n'a pas de frontières : soyons pragmatiques, et donnons les moyens aux maires d'adapter leur réponse dans ce domaine en adhérant à un CSU sans pour autant faire partie de l'EPCI qui le supporte. Monsieur le ministre, vous avez dit mardi, je crois, dans cet hémicycle que la sécurité devait profiter aux plus faibles. Chiche ! Faisons donc en sorte que la vidéosurveillance leur profite.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements en discussion commune ?
Avis favorable à l'excellent amendement no 1338 du Gouvernement, défendu par M. le ministre. Je demande le retrait à son profit des autres amendements ; à défaut, avis défavorable.
Concernant les sous-amendements, avis défavorable : le no 1350 va trop loin, en prévoyant la possibilité de mutualiser les CSU à une échelle beaucoup trop importante ; le no 1351 reviendrait concrètement à priver l'amendement no 1338 de sa substance et donc de son intérêt.
Même avis : je souscris aux propos de Mme la rapporteure. Toutefois, je conçois l'intérêt de l'amendement no 1173 , car la délinquance ne s'arrête pas aux limites des EPCI. Je n'émettrai pas, cependant, un avis favorable, car je souhaite savoir comment les choses fonctionnent d'un point de vue juridique, s'il faut un amendement ou une convention ; là encore, beaucoup de dispositions relèvent du domaine réglementaire.
Je propose à M. le député Benassaya d'étudier la question et de voir ce qu'il est possible de faire avec le Sénat, en lien avec les rapporteurs. Je n'ai pas, sur le principe, un avis défavorable à cet amendement que je viens de découvrir et dont je ne pense pas qu'il ait été étudié en commission. Vous pouvez donc le retirer, monsieur Benassaya, sachant que nous y travaillerons. J'ai conscience des difficultés dans lesquelles se trouvent certains territoires qui, même s'ils ne sont pas membres de l'EPCI, en sont parfois limitrophes, ou bien sont concernés par la même délinquance. Il doit être possible de mutualiser la surveillance.
Concernant le niveau départemental, je répète aux membres du groupe Dem que le schéma départemental des CSU constitue déjà une avancée importante, dont nous pourrions peut-être commencer par mesurer les résultats. Les limites départementales sont effet plus stables que celles des EPCI, qui sont plus mouvantes. Je maintiens donc mon avis, comme Mme la rapporteure, ce qui n'exclut pas de continuer de travailler sur ce sujet.
Le groupe Les Républicains est favorable à l'amendement du Gouvernement. Les CSU sont devenus de vrais outils de pilotages de la lutte contre la criminalité dans les territoires – une lutte dans laquelle les collectivités territoriales sont en première ligne. La technicité et la lourdeur de mise en place des équipements rendent souhaitable une mutualisation. Promise depuis longtemps aux collectivités, celle-ci est donc la bienvenue. Il est satisfaisant que nous puissions avancer sur ce point.
Je voudrais d'abord remercier le Gouvernement pour cet amendement qui tient compte du travail réalisé par notre collègue Brigitte Liso. Il était important qu'une suite y soit donnée, dans un cadre élargi et plus formalisé. Nous voterons donc, bien sûr, l'amendement. Nous sommes en revanche défavorables à une mutualisation sur plusieurs départements. La mise en place de CSU au niveau départemental répond à une demande de l'Assemblée des départements de France. Il me semble nécessaire d'attendre le retour d'expérience, comme dirait notre collègue Fauvergue, pour mieux appréhender le sujet. Si le besoin de CSU interdépartementaux était exprimé à l'avenir, peut-être les collectivités pourraient-elle faire preuve d'adaptabilité en mettant en place des syndicats intercommunaux à vocation unique – SIVU – pour mutualiser les équipements de sécurité, sous la supervision d'un ou plusieurs départements. Ceci ne pourra toutefois être envisagé qu'à l'avenir. Pour l'heure, le Gouvernement est allé assez loin avec l'amendement qu'il propose, et je le remercie d'avoir pris en compte le travail des parlementaires de la majorité. Il ne me semble pas nécessaire d'étendre davantage la coopération intercommunale.
Je vous donne la parole, monsieur Bernalicis, pour éviter que vous n'invoquiez l'alinéa 7 de l'article 100 du règlement. J'imagine en effet que vous souhaitez exprimer un avis défavorable à l'amendement.
Tout à fait. Des avis favorables et défavorables ont été émis au sujet des sous-amendements mais, s'agissant de l'amendement du Gouvernement, aucun avis défavorable n'a été émis. Je vais donc porter la contradiction dans cet hémicycle, non pas pour le plaisir mais bien parce que je suis opposé à cet amendement.
Si j'y suis défavorable, c'est d'abord parce que je suis opposé aux centres de supervision urbaine : offrant une très faible efficacité pour un coût élevé, ils présentent en effet le plus mauvais rendement possible. Nous pourrions éventuellement discuter du caractère opérationnel des caméras de vidéosurveillance lorsqu'elles sont installées sur les axes de fuite et permettent de visionner les images a posteriori : ce sont celles qui présentent le meilleur rendement entre coût et utilité en termes de taux d'élucidation – quoique ce rendement ne soit pas très élevé. En revanche, installer des agents pour surveiller des écrans en permanence, c'est à coup sûr dépenser de l'argent pour rien !
En plus, on nous fait croire que ces équipements contribuent à la prévention de la délinquance. Or, monsieur le ministre, il n'y a jamais eu autant de caméras dans notre pays – je pourrais prononcer cette phrase tous les jours, car des caméras ne cessent d'être installées partout ! Pourtant, vous nous avez dit vous-même, lors de la dernière publication mensuelle des chiffres de la sécurité, que la délinquance et la violence augmentaient et que la société était à feu et à sang. Il faudrait savoir ! Soit vos caméras sont réellement très efficaces, et dans ce cas je ne comprends pas vos chiffres. Soit il n'y a pas de rapport entre les caméras et la sécurité, et l'on dépense de l'argent pour rien – au profit néanmoins de quelques-uns, qui en tirent avantage. On voit bien, par l'intermédiaire du CIPDR, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, par exemple, que ce n'est pas de la prévention que l'on finance mais, au mieux, un outil d'élucidation.
Non, mais je voudrais remercier monsieur le ministre d'avoir pris en compte sa pertinence. Je propose pour ma part qu'on l'adopte, car il apporte une réponse à un vrai problème, celui des communes isolées ou rattachées à un EPCI ne disposant pas de la compétence en matière de sécurité. Sans doute pourra-t-il être amélioré lors de la navette.
J'ai été sensible à vos arguments, monsieur Benassaya. J'émets donc finalement un avis favorable à votre amendement no 1173 et m'engage à ce qu'il soit retravaillé durant la navette.
Je partage l'avis favorable de la rapporteure sur l'amendement no 1173 , en attendant sa réécriture. S'agissant en effet de plusieurs amendements en discussion commune, nous ne pouvons émettre des avis différents. C'est la raison pour laquelle je proposais plutôt à l'origine un retrait des amendements. Quoi qu'il en soit, l'adoption de celui du Gouvernement les fera tomber.
Je m'engage à ce que l'amendement no 1173 soit repris au Sénat et complété. Enfin, madame Florennes, je peux comprendre la question que vous soulevez au sujet des départements, même si la réponse que vous proposez me semble précipitée. J'émets donc un avis défavorable au sous-amendement no 1350 mais je m'engage à travailler sur ce sujet avec vous et avec le groupe centriste au Sénat.
Je vous propose donc d'adopter l'amendement no 1338 du Gouvernement. Encore une fois, cela ne signifie pas que nous sommes opposés aux autres amendements, qu'il fera tomber ; nous pourrons les retravailler avec les rapporteurs au Sénat ou en deuxième lecture.
Compte tenu de ces explications, je retire finalement le sous-amendement no 1350 .
Le sous-amendement no 1350 est retiré.
Le sous-amendement no 1351 n'est pas adopté.
À l'heure actuelle, seuls les établissements publics de coopération intercommunale sont autorisés à avoir un centre de vidéoprotection intercommunal. Cet amendement porté par ma collègue Lise Magnier propose que les communes limitrophes soient également autorisées à en mettre en place.
L'amendement no 546 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Comme je l'évoquais précédemment, cet amendement propose de faire évoluer la réglementation relative à la vidéoprotection pour tenir compte des nouvelles technologies, notamment de l'intelligence artificielle, dans le but de rendre les dispositifs plus efficaces. Le réseau de transports de la RATP par exemple – qui compte 50 000 caméras surveillées, dans un centre de supervision, par dix agents – , pourrait être beaucoup plus efficace et efficient grâce aux algorithmes utilisés par l'intelligence artificielle.
Je suis défavorable à ce que la vidéoprotection soit rendue obligatoire. Quant à la reconnaissance faciale, elle ne figure pas dans le texte. Ces amendements sont donc hors sujet. À défaut de leur retrait, avis défavorable.
Je regrette cet avis défavorable et l'argumentation développée par Mme la rapporteure. Au XXIe siècle, ne pas aborder la question de la reconnaissance faciale dans un texte intitulé « Sécurité globale » et contenant des articles relatifs à la vidéosurveillance, à la vidéoprotection et aux drones, ce n'est pas qu'un oubli : c'est une faute. C'est un sujet dont nous devons pouvoir débattre ! Si nous ne le faisons pas aujourd'hui, une norme que nous n'aurons peut-être pas choisie finira par nous être imposée un jour. Il est essentiel que nous puissions en débattre dans cet hémicycle.
Il est très intéressant de constater qu'effectivement, ce texte n'aborde pas le sujet de la reconnaissance faciale. Le fait que l'on n'en parle pas, néanmoins, ne signifie pas qu'elle n'existe pas et qu'elle n'est pas en cours d'expérimentation dans de nombreux endroits en ce moment même, notamment dans le réseau de la RATP. Cela ne signifie pas non plus que ce texte ne favorisera pas sa mise en place. En effet, quand on mène des expérimentations, on ne sait pas toujours où l'on va et, avec ce texte, nous nous trouvons aujourd'hui dans une sorte de no man's land.
Je ne sais pas si les gens sont au courant de l'expérimentation de reconnaissance faciale qui a lieu actuellement dans la station de métro Châtelet. Tous ceux qui ont traversé cette station récemment sont passés dans la moulinette du système ! Pourtant, ils n'en ont pas été informés, alors que la moindre des choses serait d'installer des panneaux pour l'annoncer, afin que les gens fassent un sourire et se comportent correctement ! La reconnaissance faciale est sans doute le pire, le parachèvement ultime du dispositif de surveillance totale des populations.
Sans doute est-ce le but poursuivi par quelques-uns mais, dans ce cas, il faut l'assumer ! Si l'on déploie l'ensemble des dispositifs prévus par les articles 20, 20 bis, 20 ter, 21, 22 et 23, que l'on synchronise les caméras piétons qui filment en temps réel avec celles de certains opérateurs privés, de la SNCF et de la RATP, et que l'on couple le tout avec des algorithmes de reconnaissance faciale, le résultat sera diabolique ! Or c'est bien l'objectif politique qui est poursuivi. Il est d'ailleurs présenté par le Gouvernement, au-delà de cet hémicycle et de cette proposition de loi, comme étant le nec plus ultra pour les Jeux olympiques de 2024 !
Nous disposons désormais d'un recul important sur la vidéoprotection. Il m'apparaît donc que la commission départementale de vidéoprotection n'a plus de raison d'être. Je propose de la supprimer, tout en maintenant l'autorisation nécessaire du préfet – même si l'on aurait pu se contenter, en réalité, d'une simple déclaration au préfet de la part du maire. Quoi qu'il en soit, la commission départementale ne constitue aujourd'hui qu'une perte de temps.
La commission départementale de vidéoprotection que vous souhaitez supprimer, madame Le Pen, est l'une des garanties de la proportionnalité du dispositif, dont elle assure aussi la constitutionnalité. Nous tenons donc à la conserver, raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 439 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons un moratoire sur l'utilisation de la reconnaissance faciale par les pouvoirs publics dans l'espace public à des fins d'identification sans consentement des personnes concernées. Ce moratoire, très encadré et limité à une durée de deux ans, ne concernerait pas les autres types d'expérimentation, comme celles relatives à l'authentification. Il ne s'appliquerait pas non plus lorsque des alternatives sont proposées aux utilisateurs, par exemple dans le cas de l'application ALICEM – authentification en ligne certifiée sur mobile – ou du dispositif PARAFE – passage rapide aux frontières extérieures – , actuellement en cours d'expérimentation ou de déploiement. Il ne concernerait pas non plus d'autres types d'automatisation de la vidéo, comme les « heat maps », ou cartes de chaleur, qui permettent de détecter les violences ou les comportements inhabituels.
Quoi qu'il en soit, l'identification des personnes à leur insu dans l'espace public est problématique.
D'autres villes dans le monde, comme San Francisco ou Portland, ont instauré un moratoire de ce type, car elles considèrent que ces technologies ne sont pas encore abouties et peuvent donner lieu à des discriminations ou à des difficultés opérationnelles : elles ne reconnaissent pas avec autant de précision tous les profils humains – des disparités sont par exemple constatées en fonction du genre ou de la couleur de la peau – , ce qui n'est pas sans poser des problèmes sur le terrain.
Un moratoire permettrait d'organiser un vrai débat de société sur la façon dont nous voulons permettre aux autorités d'utiliser ces technologies dans l'espace public. Nous proposons, en parallèle, de créer une convention citoyenne sur le numérique afin de mener ce débat et d'aborder d'autres questions sur lesquelles nos concitoyens s'interrogent, comme le contact tracing ou la 5G.
Vous nous proposez un débat très intéressant sur l'exploitation des données biométriques. Nous ne l'entamerons pas aujourd'hui, car il excède le champ du texte.
Je précise en outre qu'il ne me semble pas pertinent d'instaurer le moratoire que vous proposez, alors que certains usages existent depuis plusieurs années, dans un cadre tout à fait précis, sans que cela suscite d'oppositions, par exemple pour faciliter le passage aux frontières. L'adoption de cet amendement pourrait donc avoir des conséquences très graves. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
Je veux appeler l'attention de la rapporteure et du ministre sur le fait que la proposition de Mme Forteza est raisonnable et responsable. N'oublions pas que le Parlement a mené deux missions d'information sur ces questions : la première, que j'ai présidée, a porté sur l'identité numérique ; la seconde, toujours en cours, traite de la souveraineté numérique nationale et européenne. Ce débat me semble essentiel : nous ne pouvons pas continuer à prendre des dispositions sans nous poser la véritable question de fond, qui est celle de l'association des citoyens aux utilisations et aux usages de ces outils.
Enfin, un moratoire donnerait à la CNIL le temps nécessaire pour se prononcer. Il me semble qu'il serait raisonnable et responsable de prendre cette mesure, afin de ne pas partir dans tous les sens.
J'ai déposé, sur l'article 22, un amendement, no 204 , visant à interdire l'usage de la reconnaissance faciale. La proposition consistant à instaurer un moratoire est intéressante. Je rappelle qu'un moratoire n'entraîne pas simplement une interdiction temporaire : il est également l'occasion de mener un débat avec nos concitoyens sur les valeurs que nous voulons promouvoir. À titre d'exemple, pour ne pas me voir accusé d'américaniser notre société – les exemples mentionnés par Paula Forteza concernant les États-Unis – , j'évoquerai une expérimentation menée par la ville de Toronto, au Canada.
En effet, mais la culture y est tout de même légèrement différente, cher collègue. La ville de Toronto avait confié la création d'un nouveau quartier à Google, qui avait eu largement recours aux caméras et à la reconnaissance faciale. La population elle-même a demandé l'arrêt de cette expérimentation, car la surveillance excessive posait des problèmes de valeurs et d'éthique.
Nous devons donc mener cette réflexion dès maintenant, madame la rapporteure. Je ne partage pas l'idée selon laquelle cette question ne serait pas liée à la présente proposition de loi : nous touchons bien à la reconnaissance faciale, puisque sa généralisation fait partie des conséquences possibles de l'adoption du texte. Nous devons donc absolument nous pencher sur le sujet : l'interdiction temporaire permise par le moratoire n'aura de valeur que si une réflexion est menée en parallèle.
Enfin, Mme Karamanli a raison de souligner que la CNI souhaite intervenir sur cette question, afin que nous puissions ensuite légiférer sereinement. Nous devons entendre cette demande.
Si, comme je l'ai dit, je regrette que cette question ne soit pas abordée dans le texte – qui devrait la traiter, car nous devons absolument en débattre – , un moratoire constituerait la pire des solutions. Vous pouvez le mettre en scène comme vous voulez et y associer tous les mots et les explications politiques du monde, il ne s'agit de rien d'autre que de la stratégie de l'autruche.
Sur l'amendement no 750 et sur l'article 20 bis, je suis saisi par le groupe La France insoumise de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Paula Forteza.
Madame la rapporteure, les spécifications que nous avons apportées au moratoire proposé excluent précisément les utilisations que vous avez mentionnées, à savoir les sas PARAFE – passage automatisé rapide aux frontières extérieures – et l'expérimentation de l'application Alicem. Il s'agit d'interdire l'identification des personnes dans l'espace public sans leur consentement, c'est-à-dire à leur insu. Le moratoire ne s'appliquerait pas quand une solution alternative est proposée aux personnes, comme c'est le cas dans les deux exemples mentionnés. Il n'a donc pas du tout la portée que vous lui attribuez.
L'amendement no 980 n'est pas adopté.
Il va de soi que cet article s'inscrit dans la continuité des débats qui viennent de se tenir et que nos arguments s'inscriront eux aussi dans la même veine que ceux que nous avons déjà développés. L'article 20 bis traite cependant d'un cas particulier, puisqu'il touche au code de la construction et de l'habitation. Disons-le clairement : il traite de l'occupation des halls d'immeuble, laquelle dérange parfois certaines personnes. Que les choses soient claires : je ne conteste pas le fait que, dans de nombreuses habitations, l'occupation des halls d'immeuble pose problème, soit parce qu'elles gênent réellement les habitants, soit parce qu'elles créent une sensation désagréable lorsqu'ils rentrent chez eux.
Il arrive que des personnes ne fassent rien de répréhensible en occupant un hall et que, s'il n'est pas agréable, pour les habitants, de devoir traverser un groupe en rentrant chez eux, rien de concret ne se passe pour autant. Ces personnes ont tout de même le droit de stationner quelque part. J'admets néanmoins qu'il s'agit d'un sujet de préoccupation pour certains habitants.
Mais, là encore, qui connaît la réalité du terrain sait que les lieux concernés sont souvent des cités dans lesquelles il n'y a plus ni gardien, ni lieu de vie commune, ni aucun endroit où des groupes – de jeunes, pour généraliser, car c'est souvent d'eux qu'il s'agit – peuvent se retrouver. Ces derniers considèrent ainsi parfois le hall d'immeuble comme le seul endroit où ils peuvent se réunir, discuter, écouter de la musique, ou tout simplement être au chaud, parce que rien d'autre n'est prévu dans l'organisation du quartier.
Plutôt que de répondre à cette situation en veillant à ce que l'organisation du quartier prévoie des lieux d'habitation et en créant les conditions pour que des gardiens discutent avec ces jeunes gens, vous encouragez la diminution de la présence humaine et vous affichez clairement, à travers cet article, la volonté toujours plus forte de criminaliser les comportements en prévoyant la transmission immédiate des images à la police. Voilà ce qui pose problème.
En cas d'acte de délinquance, les images de vidéosurveillance peuvent, évidemment, déjà être utilisées. Seulement, à travers cet article, vous projetez de généraliser une technique, alors que l'enjeu, très concret, consiste à savoir comment répondre aux besoins de certaines cités déshumanisées qui, pour des raisons une nouvelle fois liées à la volonté de faire des économies, se trouvent privées de personnel. J'estime que cet article rate sa cible et apporte une mauvaise réponse à cette question.
Je suis saisi d'un amendement, no 750 , tendant à supprimer l'article 20 bis.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour le soutenir.
Comme mon collègue Corbière vient de le souligner, si des infractions sont filmées, le détenteur des images peut tout à fait les transmettre aux autorités publiques et à la justice pour que des suites y soient données. Ce n'est pas de cela que nous discutons : ce dont il s'agit, c'est de la capacité à accéder à ces images en temps réel, que cette capacité soit donnée à l'autorité publique ou à d'autres personnes habilitées, en vertu des articles précédents. C'est pourquoi je vous alerte une nouvelle fois sur la combinaison des articles que nous examinons successivement : il ne faut pas simplement regarder un à un comme s'ils n'avaient aucun rapport entre eux.
L'article 20 bis dispose qu'« en cas d'urgence, la transmission des images peut être décidée par les services de la police ou de la gendarmerie nationales [… ] à la suite d'une alerte déclenchée par le gestionnaire de l'immeuble ». Cette transmission nécessitait auparavant une convention préalablement conclue. Le champ s'en trouve donc élargi. Il est en outre prévu de remplacer les mots : « est strictement limitée au temps nécessaire à » par les mots : « dès que les circonstances l'exigent », ce qui constitue une acception bien plus large que le cadre actuel. Pour parler simplement, il sera possible, au moindre doute, d'accéder en temps réel à des images recueillies par un acteur du secteur privé dans un hall d'immeuble.
Je maintiens que c'est disproportionné par rapport au but affiché : je ne suis pas favorable à ce qu'on puisse filmer tout le monde, tout le temps, quand on veut, au cas où. Ce n'est pas acceptable dans une société démocratique et un État de droit.
Ne m'étant pas inscrit à temps pour m'exprimer sur l'article, je répondrai en même temps à nos collègues Bernalicis et Corbière.
Nous avons, encore une fois, un désaccord de fond : je suis pleinement favorable à cet article. Ayons bien conscience que certains lieux, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont sujets à un véritable problème d'occupation des halls d'immeuble. Ces situations causent des difficultés aux locataires qui y vivent – donc pas à nous, évidemment – et nuisent à la mixité parce qu'il est difficile, de ce fait, d'amener un nouveau public à s'installer dans ces quartiers.
Pour autant, je vous rejoins sur un point, monsieur Corbière : au-delà de la nécessité de mener une action de répression pour désoccuper les halls d'immeuble, se pose le problème de l'absence de lieux d'occupation dans les quartiers. Il est vrai que, dans certaines zones où il n'y a plus grand-chose – plus de commerces ouverts le soir, par exemple – , le fait que les habitants ne puissent pas se rencontrer pose un vrai souci.
Je veux, à ce titre, témoigner de l'expérience que nous avons menée à Belfort, ville dont j'étais adjoint au maire voilà encore quelques mois : face à ce constat, nous avons ouvert des espaces citoyens intergénérationnels – le nom peut paraître pompeux – où les jeunes et les moins jeunes peuvent se rencontrer après vingt heures, ce qui les conduit, mécaniquement, à délaisser les halls d'immeuble pour se retrouver dans ces espaces. Le fait que seuls les groupes ayant de mauvais comportements restent dans les halls d'immeuble a permis à la police d'intervenir très rapidement auprès de ceux qui posaient problème, pendant que la municipalité offrait aux autres un lieu où se réunir.
Je regrette simplement qu'à cette occasion, l'opposition de gauche nous ait attaqués en nous accusant d'ouvrir des bars clandestins : ce n'était évidemment pas le cas, puisque nous répondions en réalité à la préoccupation que vous exprimiez et qui est réelle – à Belfort comme, j'imagine, en Seine-Saint-Denis, où vous avez été élu.
Les élus du groupe La République en marche sont complètement opposés à l'amendement de suppression déposé par le groupe de La France insoumise. L'article 20 bis permet de répondre à un grand nombre de problèmes qui se sont accentués au fil des années dans les halls d'immeuble et que nous sommes nombreux à connaître. Contrairement à ce que prétend notre collègue Corbière, il ne s'agit pas, bien entendu, d'empêcher certains jeunes de se retrouver en bas des immeubles. Mais lorsque certains commettent des actes de délinquance, portent atteinte à la liberté de se déplacer des autres et choisissent ces halls d'immeuble pour faire leur trafic, il est évident que la situation devient insupportable pour les résidents.
L'article 20 bis n'est absolument pas destiné à empêcher certains jeunes d'avoir des activités ou de se retrouver dans les halls d'immeuble – s'ils ont un comportement inoffensif et respectueux du voisinage, cela ne pose aucun souci – , mais il ne faut pas non plus être aveugle à la réalité que vivent un grand nombre de familles et de personnes dans ces quartiers, où la situation est devenue intenable. L'adoption de ces mesures permettra, en cas d'actes de délinquance, d'intervenir et d'engager des poursuites.
Rappel au règlement
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement, dont j'ose espérer qu'il ne se fonde pas sur l'alinéa 7 de l'article 100, relatif aux prises de parole sur les amendements.
Si, monsieur le président. Je sais qu'il y est écrit que doivent être entendus « deux orateurs, dont un au moins d'opinion contraire », mais vous aurez remarqué que nous avons été interpellés par un collègue siégeant de l'autre côté de l'hémicycle. Pour garantir la clarté de nos débats, il serait bon que ceux qui ont déposé l'amendement initial puissent répliquer.
Une telle réponse n'est nullement de droit. Votre intervention ne s'inscrit donc pas dans le cadre d'un rappel au règlement.
C'est tout de même vous qui faites la police des débats, monsieur le président !
Absolument. Je vous informe donc que le règlement ne prévoit pas que le député ayant déposé un amendement réponde au ministre ou au rapporteur. J'entends bien votre position et je prends note de votre rappel au règlement, mais il ne me conduira pas à modifier la façon dont je mène les débats, car la règle que vous me demandez d'appliquer ne figure pas, j'en suis désolé, dans notre règlement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
Je regrette que vous ayez une appréciation aussi restrictive : cela nuit à la clarté des débats.
Il me semble que peu de parlementaires nourrissent des doutes sur le vote qu'ils auront à faire. Les débats sont donc pleinement éclairés.
Article 20 bis
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 12
Contre 97
L'amendement no 750 n'est pas adopté.
L'amendement no 1106 de Mme la rapporteure est de précision.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Vous souhaitez intervenir sur cet amendement de précision rédactionnelle, monsieur Coquerel ?
Dans la mesure où je suis libre de mon intervention, je souhaite revenir sur ce qui vient d'avoir lieu.
Ce n'est pas ainsi que se déroule un débat, je suis désolé, monsieur le député.
M. Éric Coquerel proteste.
Je vais vous laisser vous exprimer, mais je vous demande de respecter le cours de nos débats.
Lorsque je ne vous donne pas la parole, c'est parce que cinq autres députés ont formulé la même demande. J'ajoute que vous avez déjà largement contribué à la discussion – ce qui est d'ailleurs positif. Ne faisons pas comme si je souhaitais occulter votre parole.
Je vous laisse donc vous exprimer sur cet amendement. Puis nous reprendrons le fil d'un débat serein en procédant au vote.
Je tiens simplement à préciser qu'il me semble normal qu'il y ait une prise de parole pour l'amendement et une prise de parole contre. Concernant le no 750, les deux prises de parole étaient contre. Par conséquent, dans l'esprit du règlement, …
L'alinéa 7 de l'article 100 est extrêmement clair. Il prévoit que, sur chaque amendement, sont entendus « deux orateurs, dont un au moins d'opinion contraire ». Il ne vous aura pas échappé que, sur cet amendement de suppression, M. Rudigoz était bien d'opinion contraire. Je ne peux donc pas vous laisser dire que le règlement n'a pas été respecté.
Reprenons le fil de nos débats. Je vous donne à présent la parole. J'imagine que vous vous exprimerez contre l'amendement rédactionnel.
Il y a bien eu deux interventions contraires. Je vous laisse juge.
Pour revenir à la discussion que nous avons eue tout à l'heure, je peux vous assurer que le problème des halls d'immeuble, y compris lorsque certains s'y livrent à un trafic de drogue, nous importe beaucoup.
On peut avoir recours à tous les dispositifs de vidéosurveillance que l'on veut – la police peut d'ailleurs déjà consulter les images et intervenir – , il n'empêche que rien ne remplacera la présence humaine. C'est pourquoi nous ne cessons de demander le retour d'une police de proximité nationale.
Quand on sait qu'un escalier peut rapporter 25 000 euros par jour grâce au trafic de drogue, on peut être sûr que la situation ne s'améliorera pas simplement parce qu'on décide de conserver plus longtemps les images. Ce type de mesure ne réglera rien. Ce qu'il faut faire, c'est réinstaller une police de proximité nationale dans les quartiers et augmenter le nombre d'OPJ. Si nous voulons discuter sérieusement, abordons les questions de fond plutôt que d'avoir recours à des mesures qui ne régleront rien.
Je tiens à mettre en avant l'importance du caractère opérationnel ou non des dispositifs. Dans nos communes, nous sommes en effet confrontés à des occupations de halls d'immeuble qui peuvent s'accompagner d'un trafic de stupéfiants. Or ces faits ne sont pas réprimés parce que, d'après ce que l'on m'a souvent dit, la police considère qu'ils garantissent une certaine tranquillité : de fait, pendant qu'ils s'adonnent à ce type d'activités, les jeunes ne commettent pas d'actes plus graves.
Je trouve dommage que, plutôt que d'intervenir en ayant recours aux dispositifs existants, on se contente d'employer un mot tel que « tranquillité », sujet à une très large interprétation, et qui relève bien plus de la communication que du constat objectif.
L'amendement no 1106 est adopté.
Par ces amendements, nous proposons d'insérer à l'alinéa 5, après le mot « municipale » : « ou les gardes champêtres ».
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 105
Contre 10
L'article 20 bis, amendé, est adopté.
Je vous demande une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
Sur l'amendement no 751 et sur l'article 20 ter, je suis saisi par le groupe La France insoumise de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
Notre discussion a commencé il y a quelques jours et se poursuivra pendant encore quelques heures. Des dispositions importantes figurant dans cette proposition de loi font débat, qu'il s'agisse de celles qui sont relatives à la police municipale, dans le titre Ier, à la sécurité privée, dans le titre II, ou encore à l'utilisation des images par la police, dans le titre III.
Une autre discussion importante nous attend avec l'article 24, qui suscite déjà un débat dans la société et au Parlement. Le Gouvernement en convient – il a d'ailleurs dépose un amendement rendu public hier et que les parlementaires peuvent consulter depuis ce matin.
Afin d'éviter que le Gouvernement se voie reprocher d'organiser cette discussion en catimini, lors d'une séance nocturne – donc, peut-être, en l'absence de certains parlementaires – , je propose, en application de l'article 95 du règlement de l'Assemblée, de réserver cet article et d'en discuter à quinze heures, dès l'ouverture de la séance de cet après-midi, afin de ne prendre personne par surprise.
Je souhaite, dans le respect évidemment de l'organisation des débats par le président, que nous prenions alors le temps d'écouter tous les arguments et que le Gouvernement puisse bien sûr défendre son nouvel amendement de synthèse. Ainsi cet article important ne sera-t-il pas étudié à une heure du matin, dans la nuit de vendredi à samedi.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Cet article prévoit que « dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent [… ] visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles ».
L'article est encadré par certaines conditions. Néanmoins, à nos yeux, cela revient à ouvrir de nouveau une boite de Pandore puisque des pouvoirs délégués à des policiers et à des gendarmes sont étendus à d'autres personnes, en l'occurrence des agents de la SNCF et de la RATP.
Notre groupe n'est pas favorable à cet élargissement de l'accès à la vidéo, nous l'avons dit depuis le début des débats. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à supprimer l'article 20 ter.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement de suppression no 751.
Il traduit une fois encore notre opposition, rappelée par mon collègue Éric Coquerel, au fait d'étendre à l'infini, sans se poser de questions, l'accès à des dispositifs de vidéosurveillance. En l'occurrence, il s'agit d'en ouvrir l'accès aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, sous prétexte qu'il faut bien qu'ils puissent discuter avec la police de ce qu'il en est… C'est sans limite. Si on avait une police nationale de proximité digne de ce nom, on se ferait moins de noeuds au cerveau.
Nous nous opposons, donc, à ce que des agents des services internes de sécurité aient accès en temps réel aux images fournies par les systèmes de vidéosurveillance. C'est un problème majeur puisque, dès lors, il n'y a plus de cloisonnement entre vie privée et vie publique, plus de différenciation entre les uns et les autres, tout est dans tout. Et c'est là où pointe le totalitaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 108
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 10
Contre 98
L'amendement no 751 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Souad Zitouni, pour soutenir l'amendement no 1039 .
Je souhaite, par cet amendement, apporter une précision sur les agents autorisés à visionner les images. Je propose ainsi d'insérer, après l'alinéa 3, l'alinéa suivant : « Quatre agents sont tirés au sort par le représentant de l'État dans le département sur une liste mise à sa disposition. Les agents inscrits sur la liste doivent justifier d'une activité dans le transport d'une durée de 10 ans après avoir prêté serment annexé au rapport qui suit le visionnage des images. » Cela permettrait une plus grande transparence du dispositif à la SNCF et à la RATP, dans un cadre mieux précisé.
Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable. Je ne vois pas en quoi le tirage au sort répondrait à vos préoccupations, bien au contraire, ma chère collègue.
L'amendement no 1039 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 99
Contre 13
L'article 20 ter est adopté.
Avant l'examen des amendements, notamment des amendements de suppression qui permettront aux collègues d'argumenter sur la problématique du rapport entre le représentant des forces de l'ordre et celui que l'on interroge avec les nouvelles dispositions proposées, j'en profite pour dire une chose : il y a quelques mois, nous avions proposé qu'un récépissé soit remis à la personne contrôlée afin de rétablir une confiance entre nos concitoyens et les forces de police. On nous avait alors répondu : « On ne peut pas, c'est trop compliqué, ce serait faire preuve de défiance vis-à-vis des forces de l'ordre. » Cela ne nous a absolument pas convaincus, car c'était vraiment très simple : à l'occasion d'une intervention, le fonctionnaire remettait un récépissé, ce qui permettait à chacun de savoir ce qu'il en était de la sensation, justifiée ou non, d'un abus de contrôle vécu comme assez discriminatoire, notamment à l'encontre de la jeunesse. Il y a un sentiment largement partagé qu'en fonction des origines sociales ou de la couleur de peau, les contrôles sont plus ou moins nombreux, très fréquents dans certains quartiers et tout à fait absents dans d'autres. Et, subitement, ce qui était très compliqué devient possible : l'intervention sera filmée et la vidéo accessible en temps réel aux policiers.
Mais pour quelle raison serait-il impossible de donner un récépissé aux citoyens qui font l'objet d'une intervention policière, alors qu'ils devront accepter, avec ce texte, d'être filmés et reconnus ? Cela nous inquiète grandement et montre bien que vous n'arriverez pas, avec ce dispositif, monsieur le ministre, à rétablir la confiance nécessaire, y compris pour l'efficacité du travail des fonctionnaires de police, entre la population et celui qui interroge. C'est totalement déséquilibré.
Sur l'amendement no 753 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Je tiens tout de même à rappeler que, depuis 2016, la loi autorise les policiers et les gendarmes à filmer leurs interventions au moyen de caméras embarquées. Je me permets au passage, monsieur le ministre, de vous signaler qu'il serait souhaitable que le matériel mis à la disposition des forces de l'ordre ne se décharge pas au bout de deux heures…
L'article 21 prévoit que les images pourront être transmises en direct au poste de commandement, les personnels concernés pouvant accéder directement à l'enregistrement ainsi qu'aux images à destination du public sur les circonstances de leur intervention. Il s'agit donc là d'un moyen de s'imposer dans la guerre des images sans même avoir à flouter les contrevenants ou les manifestants. L'agent qui porte la caméra ne pouvant accéder aux images, celles-ci ne sont exploitables qu'a posteriori, conformément à l'avis rendu par la CNIL. Cela va conduire à une analyse automatisée et instantanée des images, donc des personnes filmées. Or, pour l'ordre public, des communications orales peuvent suffire.
On peut donc se poser la question suivante : l'utilisation de l'identification faciale – peu contrôlée aujourd'hui – ne va-t-elle pas servir à appliquer des mesures du type garde à vue préventive ? La possibilité qu'auront les policiers, y compris municipaux, de consulter les images des caméras de vidéoprotection sans habilitation va renforcer le sentiment que les forces de l'ordre disposent d'un droit illimité à l'identification de toute personne. C'est pour cette raison que le groupe Socialistes et apparentés est contre cet article.
Je profite de l'intervention de notre collègue Corbière pour confirmer que je partage sa position en faveur du récépissé. J'avais même déposé il y a dix ans une proposition de loi qui visait à permettre d'objectiver les contrôles et de détendre certaines situations.
Mais il y a aussi une autre possibilité d'objectiver les contrôles et de détendre les rapports entre la police et la population, donc de rétablir une forme de confiance. Les policiers sont de plus en plus sous pression du fait de vidéos tournés ici et là, souvent séquencées ou coupées dans le seul but de dénoncer leur intervention ; voilà pourquoi je souhaite expliquer la philosophie du groupe UDI et indépendants en la matière. Il nous semble urgent, monsieur le ministre, que la caméra piétons soit une obligation pour l'ensemble des forces de l'ordre lorsqu'elles interagissent avec une autre personne, et qu'elles aient alors le devoir de déclencher la caméra. Cela permettrait de dissuader à la fois ceux qui la portent et ceux qui sont filmés d'avoir une attitude irrespectueuse, qu'il s'agisse d'abus de droit pour les uns ou d'agressivité pour les autres. La situation en serait plus détendue, et les éventuelles difficultés de l'intervention aplanies du fait de l'objectivation du dispositif.
Nous ne sommes pas favorables à un accès direct à ces vidéos, car ce sont potentiellement des éléments de preuve en cas de problème. Il faudrait sans doute que les caméras soient de meilleure qualité que celles distribuées actuellement, mais, sur le fond, il ne faudrait pouvoir consulter les images qu'à la suite de la plainte du policier qui s'estime agressé ou du citoyen qui considère que le policier a outrepassé ses droits. Cela nous semble l'équilibre le plus sain, celui qui associe une généralisation de la vidéo et son utilisation en cas de plainte d'une des deux parties prenantes.
Il est en effet important de réfléchir à l'usage des caméras piétons. À un moment donné j'ai pensé, comme Mme Karamanli, qu'elles étaient attentatoires à la vie privée ; puis, en y repensant, je me suis dit que participer à une manifestation, c'est faire un acte public. Je ne vois donc pas où serait l'atteinte à la vie privée puisque manifester consiste à s'exprimer publiquement, à visage découvert – nous en reparlerons – pour ou contre tel ou tel sujet.
Toutefois, le dispositif des caméras piétons doit en effet être réglementé et extrêmement bien cadré. J'ai été à cet égard troublé par l'alinéa 11, qui prévoit que les images puissent servir à « l'information du public » ; car, si je suis tout à fait d'accord pour qu'elles servent à la justice en cas de contentieux, je ne crois pas que ce soit la vocation des forces de l'ordre de fournir des informations au public. J'exprime sur ce point ma réticence, mais il faut de toute façon améliorer l'utilisation de ces caméras parce qu'elles sont un outil qui sert autant à la bonne tenue des manifestations qu'à l'apaisement des tensions éventuelles entre le citoyen et le policier, en ce qu'elles permettent au premier de constater que le second n'a, en l'occurrence, rien fait de répréhensible. On doit au moins cela aux policiers.
Cette discussion est intéressante, s'agissant d'un article qui peut apparaître technique mais qui soulève un certain nombre de questions et qui ouvre des perspectives. Je pense d'ailleurs que l'on peut être pour ou contre cet article pour des raisons diamétralement opposées, mais non pas contradictoires. On peut souhaiter apporter davantage de sécurité aux forces de l'ordre durant leur intervention en offrant plus de moyens à l'administration – j'y reviendrai – pour rétablir la vérité des faits, au-delà de quinze secondes qui, diffusées hors de leur contexte, peuvent apparaître désolantes ; mais l'on peut aussi vouloir, comme c'est bien normal et légitime en démocratie, que les citoyens aient la capacité de contrôler l'action des forces de l'ordre : sur ce point, je rejoins ce qu'on dit M. Lagarde et des orateurs à gauche de l'hémicycle.
De même que chacun a le droit de voir les images enregistrées par les caméras de vidéoprotection lorsqu'il a été filmé sur la voie publique, je confirme à M. Lagarde que l'on a déjà accès, aujourd'hui, aux images captées par les caméras piétons. Monsieur Mendes, vous aviez déposé des amendements qui, à ma connaissance, ont été déclarés irrecevables, mais je vous dis ici, ainsi qu'à M. Lagarde, que je suis tout à fait prêt, afin de confirmer ce que je viens de dire, à ce que l'on précise dans le texte que les citoyens ont tout à fait le droit de voir les images des caméras piétons et des caméras de vidéoprotection lorsqu'elles les concernent – c'est déjà le cas, d'ailleurs. J'entends les interrogations à ce sujet ; et si mes propos ne suffisent pas à y répondre, je suis prêt à clarifier davantage les choses en ce domaine.
De quoi s'agit-il ? En intervenant sur l'article, j'aurai ainsi répondu par anticipation aux amendements dont il fait l'objet.
Les caméras piétons sont actuellement autorisées pour les fonctionnaires de la police nationale, pour les gendarmes et pour les policiers municipaux. En pratique, pour faire fonctionner ces caméras, trois opérations sont nécessaires : premièrement, il faut entrer son numéro d'identifiant de policier ou de gendarme ; deuxièmement, il faut appuyer sur un bouton quand on veut filmer ; troisièmement, quand la caméra est rapportée au commissariat ou à la brigade, on télécharge la vidéo, laquelle n'est pas vue par les policiers ou les gendarmes mais peut être utilisée, notamment par l'autorité judiciaire, en cas de difficultés particulières, pour montrer si les faits relatés par les forces de l'ordre ou les personnes qui les accuseraient sont vrais ou pas. C'est l'état du droit.
Nous sommes confrontés à une triple difficulté, et cela a conduit le Président de la République à prendre position le 14 juillet dernier pour la généralisation de la caméra piétons, non pour chaque policier mais pour chaque brigade.
La première difficulté, c'est que ces caméras piétons ne sont pas très pratiques. Datant d'il y a trois ans, elles présentent plusieurs problèmes, notamment le fait que leur charge ne correspond pas aux horaires de patrouille et qu'elles se déchargent rapidement. En outre, il faut bien avouer qu'en pleine intervention – certains ici peuvent sans doute en parler mieux que moi puisque je n'ai qu'une vision livresque et qu'ils ont expérimenté la chose personnellement – , avoir la présence d'esprit d'introduire son numéro RIO – référentiel des identités et de l'organisation – et d'appuyer sur le bouton au moment où quelqu'un vous insulte, où vous êtes en train de secourir une personne ou vous trouvez dans une situation difficile, n'est pas forcément évident et intuitif. Les forces de l'ordre, par conséquent, soit n'utilisent pas la caméra soit entrent leur numéro RIO avant d'aller en intervention ; par conséquent la batterie se décharge d'autant plus vite que l'appareil reste allumé.
Le deuxième problème, c'est que les policiers et gendarmes ne peuvent jamais voir les images qu'ils ont filmées, et ce non pour les utiliser – ce n'est pas le sujet et la proposition de loi ne leur donne pas la possibilité de récupérer personnellement ces images et de les diffuser – , mais, ayant vu quelque chose de manière très furtive, pour mieux distinguer les faits et peut-être donner une alerte à leurs collègues – telle immatriculation de voiture, telle couleur de cheveux ou de pull d'une personne qui vient de commettre une agression – , mais aussi, et peut-être surtout, pour rédiger leur rapport une fois revenus au poste. De fait, notamment lorsque l'on intervient la nuit, l'appréciation des faits n'est pas forcément la même au vu des images.
Nous parlions tout à l'heure des classements par les parquets ou de décisions de justice qui peuvent nous apparaître minimales ; c'est souvent le fait de rapports de police qui ne sont pas argumentés, et il est légitime que les avocats défendent les personnes accusées et que les magistrats jugent en fonction des éléments à leur disposition. Il nous semblerait donc normal que le policier ou le gendarme puisse accéder aux images de l'intervention, non pour les utiliser, en physique, mais pour rédiger son rapport. Cela peut prévenir des erreurs car l'agent peut très bien avoir vu quelque chose que la vidéo permet de corriger en partie. Ces images restent évidemment à la disposition de la personne visée et de la justice.
Troisièmement, en réponse au groupe MoDem, il ne s'agit pas pour l'administration de diffuser des images à tout va, mais de répondre aux cas où il est important de montrer l'intégralité d'une scène. Je me rappelle cette polémique, à une époque où je n'étais pas encore ministre de l'intérieur : des forces de l'ordre étaient vilipendées, notamment sur les réseaux sociaux – nous aurons cette discussion à l'article 24 – , pour s'en être prises, prétendait-on, à une personne handicapée. Quelques heures plus tard, les images précédant celles déjà diffusées arrivaient et montraient que, en fait, ces policiers, dans un premier temps, aidaient cette personne. La polémique s'était alors arrêtée. Il paraît normal de ne pas juger l'ensemble d'un discours ni l'ensemble d'une intervention sur dix secondes, car il faut pouvoir contextualiser.
Cette proposition de loi vise donc plusieurs objectifs : donner aux policiers la possibilité de regarder les images d'une intervention, non pour les modifier mais afin de comprendre ce qui se dit et, le cas échéant, d'interpeller les personnes ; leur permettre, sous l'autorité de leur chef, à savoir un d'OPJ, de remplir leur rapport en s'appuyant sur la vidéo et pas seulement sur le ressenti de leur intervention ; enfin, permettre à l'administration d'utiliser les images de la scène complète, s'il y a lieu – donc pas de façon systématique – , dans un contexte polémique, étant entendu que l'autorité judiciaire, qui disposera elle aussi de l'intégralité de ces images, pourra les interpréter comme elle le souhaite dans le cadre d'une enquête.
D'autre part, madame Karamanli, nous changerons les caméras : un appel d'offres a déjà été lancé à cette fin, et des entreprises y répondent en ce moment même. Nous souhaitons accroître la capacité de charge, de façon que la caméra utilisée par la brigade ait une batterie dont l'autonomie corresponde au temps de patrouille. C'est d'autant plus important, madame la députée, qu'il ne faut pas non plus limiter l'individualisation de la caméra, afin que ces images puissent être identifiées par le policier ou le gendarme qui la porte au sein d'une brigade : c'est nécessaire au bon déroulement de l'enquête. Il est enfin prévu que nous puissions actionner des clauses particulières du contrat d'appel d'offres pour permettre aux entreprises de répondre aux finalités voulues par le législateur dans le présent article.
Je veux, c'est mon troisième point, souligner l'importance de ces caméras piétons pour une meilleure appréciation de la relation entre la population et la police. Cela m'agace beaucoup quand j'entends dire qu'il faut réconcilier la police et la population, car je pense que la police fait partie de la population ; ce sont les enfants, les frères, les parents de Français, et ils sont eux-mêmes, dans leur vie civile, fondus dans la population. Mais je comprends ce que l'on veut dire par là, et je crois, à cet égard, que les caméras piétons répondent aux deux buts que l'on peut se fixer : d'une part, protéger davantage les forces de l'ordre et mieux incriminer ceux qui les insultent ou les frappent – et il est normal qu'un magistrat puisse aggraver les sanctions contre quelqu'un qui commet ces actes envers une personne dépositaire de l'autorité publique ; et, d'autre part, rendre compte de l'intervention actionnée au nom de la contrainte légitime exercée par l'État et la documenter. Cela me semble tout à fait logique, pour faire écho à ce que disait le président Lagarde avec d'autres, que l'on améliore l'accès à ces images pour les citoyens.
Cet article 21 me semble donc très équilibré. Il tire parti de l'amélioration permise par les nouvelles technologies, et il ne vaut pas que pour les forces de l'ordre : il vaut aussi pour les citoyens.
Je terminerai en disant, sans aucun esprit polémique, …
Sourires sur quelques bancs du groupe FI.
… que nous avons passé une matinée quasi entière sur la diffusion des images de vidéosurveillance. Selon partie de l'hémicycle, l'hyperprésence des images, leur diffusion sans contrainte – alors que nous pensons au contraire qu'il existe beaucoup de contraintes – est mauvaise pour la société. Or les images que peuvent prendre les citoyens ne sont régies par aucune contrainte, …
… la CNIL n'intervenant à aucun moment pour la protection individuelle ou le respect de la vie privée. Les images utilisées par l'administration sont très réglementées, organisées, contrôlées, et on peut les demander ; mais les images prises par tout un chacun ne sont aucunement encadrées, et elles participent pourtant de la même manière à la diffusion que j'évoquais.
Ce qui est très étonnant dans votre démonstration, monsieur Bernalicis, c'est que vous demandez la liberté totale, pour tout le monde, de filmer sans contrainte, mais que vous considérez en même temps qu'il faudrait que l'autorité publique légitime, elle, n'ait aucun moyen de filmer quoi que ce soit. Il faut être cohérent.
On peut tout à fait – vous avez cité Orwell, et l'on pourrait citer d'autres romans ou séries d'anticipation – poser la question de la nature d'une société des images, en se demandant si c'est une bonne société, qui respecte la vie privée ; c'est un débat politique légitime mais, si l'on part du principe que les images peuvent être diffusées, moyennant bien entendu un encadrement, notamment pour le respect de la vie privée, …
… il ne faut pas dénier à l'autorité publique la possibilité d'y avoir accès aussi. Vous ne pouvez pas refuser à l'État les images que vous acceptez sans contrainte pour l'ensemble des citoyens.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article relatif à la bonne tenue des débats.
Votre longue intervention, monsieur le ministre, montre que cette proposition de loi est la vôtre, celle du Gouvernement, et non celle qu'on nous a vendue comme venant de collègues de l'Assemblée.
Je ne peux pas laisser dire que Jean-Michel Fauvergue et moi-même n'avons pas été associés à l'élaboration de ce texte…
… ou que nous n'en serions pas rédacteurs.
Cette proposition de loi est le fruit d'un travail de plus de deux ans, avec plus de 200 auditions conduites à l'Assemblée nationale et de nombreux déplacements. Nous avons un débat parlementaire sur une initiative parlementaire. Je ne peux donc pas vous laisser tenir de tels propos.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Article 21
Nous en venons aux amendements à l'article 21, en commençant par un amendement de suppression no 753.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, vous venez à nouveau de citer Orwell. Son roman 1984 est un livre de science-fiction ; et de science-fiction, il l'est parce que la technologie de l'époque ne permettait pas le célèbre « Big Brother is watching you ». Aujourd'hui c'est possible, on peut écouter et filmer vingt-quatre heures sur vingt-quatre, reconnaître quelqu'un immédiatement, on peut même le juger immédiatement, en fonction non de ce qu'il fait mais de ce qu'il est. Il y a ceux qui disent « la technologie a progressé, utilisons-là ». Je considère quant à moi qu'en matière de libertés et de sécurité comme en matière de bioéthique, c'est une erreur. Le progrès technologique ne vaut pas forcément progrès humain.
C'est exactement ce qu'illustre cet article. Comme vous l'avez rappelé, on ne permet pas aujourd'hui à quelqu'un qui filme via une caméra piétons d'avoir directement accès aux enregistrements. Cela, vous le modifiez : cet accès sera désormais possible. Il pourra même être élargi aux policiers municipaux et, plus grave encore, être transmis en temps réel au poste de commandement.
Ce que l'on ouvre ici, c'est la reconnaissance faciale en temps réel, reconnaissance faciale promue par le Livre blanc sur la sécurité. Dès lors, le centre de commandement pourra renseigner en direct les agents sur le terrain au sujet de l'identité de la personne filmée. On entre dans une procédure consistant à intervenir par rapport non à ce que fait quelqu'un mais à ce qu'il pourrait faire, en fonction de ce qu'il est. On entre dans une loi des suspects, ce qui ouvre la voie à tous les abus : confisquer un appareil ou mettre en garde à vue sans que la justice s'en mêle.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Avant de m'exprimer sur l'amendement, je veux dire à M. Coquerel et à ses amis que « le sens des convenances fondamentales est inégalement distribué à la naissance ». Ainsi s'exprimait Francis Scott Fitzgerald. Cette phrase vous sied assez bien…
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
S'agissant du déport en temps réel des images enregistrées par les caméras, un exemple pratique permet d'illustrer son intérêt. Imaginez un service de police ou de gendarmerie engagé dans une opération importante, avec plusieurs objectifs, sur un périmètre restreint. En général, pour ce type d'opération, un poste de commandement opérationnel commun est installé, où se trouve le chef du dispositif. Si les équipes sur le terrain disposaient de caméras pour filmer les interventions, le chef du dispositif pourrait suivre le déroulement de l'opération en temps réel. Aujourd'hui, quand la tension monte et quand des accrochages surviennent, les radios sont inutilisables en raison du bruit. Une caméra prendrait alors tout son sens. Si les policiers et les gendarmes étaient munis de caméras mobiles et si le dispositif de la proposition de loi était adopté, alors le déport en temps réel des images enregistrées vers le poste de commandement permettrait au chef de l'opération de déployer des renforts sur le terrain en soutien des équipes en difficulté.
Voilà les conditions opérationnelles dans lesquelles le déport des images interviendrait. On le voit, celui-ci est nécessaire, mais il n'est pas réglementé actuellement. Nous proposons donc de l'inscrire dans la loi, tout en dotant les policiers de caméras performantes. Un tel dispositif constituerait un véritable progrès pour la police et la gendarmerie nationales.
Monsieur Coquerel, avant que vous ne commentiez la phrase de Francis Scott Fitzgerald, permettez-moi de préciser que l'avis sur l'amendement est défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Avis défavorable.
J'ai bien saisi, monsieur Corbière, où veulent nous emmener les députés de La France insoumise – si, bien sûr, vous me permettez de vous associer à vos collègues. Avec ses interventions répétées depuis le début de l'examen du texte, M. Bernalicis veut faire croire que le monde que prépare le Gouvernement est une dictature.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Pas seulement nous : l'ONU aussi le pense, sans oublier la Défenseure des droits !
S'il vous plaît, chers collègues…
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
La grande différence entre 1984 et le Gouvernement, c'est que le roman d'Orwell dénonçait une dictature communiste, un État totalitaire, et faisait la promotion de la liberté et du libéralisme politique.
Vives exclamations sur les bancs du groupe FI.
Pas du libéralisme ! Vous n'y connaissez rien ! Vous dites n'importe quoi !
Lisez des livres, monsieur le ministre, allez en librairie ! Vous en avez besoin !
Monsieur Coquerel, cela ne sert à rien de hurler pendant le débat en interrompant M. le ministre ! Gardons les analyses littéraires pour plus tard.
Vos injures et vos attaques ad hominen montrent bien, monsieur Coquerel, que vous n'êtes pas des partisans du libéralisme… Acceptez au moins le débat contradictoire.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Monsieur Coquerel, ça suffit. Je vous demande de cesser vos hurlements et vos invectives ! Si vous avez quelque chose à dire, vous le direz quand vous prendrez la parole. Vous avez de multiples occasions de vous exprimer, y compris par les rappels au règlement que vous avez demandés. Respectez l'orateur, en l'occurrence M. le ministre.
Quant à moi, je respecte M. Coquerel, mais je ne suis pas sûr qu'il me respecte.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Rappel au règlement
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, vous dites que nous vous lançons des insultes, mais vous n'êtes pas en reste !
J'ai demandé la parole pour un rappel au règlement parce que le rapporteur m'a mis en cause personnellement. À propos de la citation de Fitzgerald, on pourrait bien sûr s'interroger sur le fait d'attribuer un caractère inné au respect des convenances – certains le faisaient sous l'Ancien régime, prétendant avoir le sang bleu – , mais je la considère surtout comme une provocation !
Rires et exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous ne faites que ça ! M. Bernalicis a passé quatre jours à faire des provocations !
Et vous ne faites jamais de provocation, vous, les députés du groupe FI ?
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
Au lieu de crier, dites-moi ce qui m'a valu cette interpellation du rapporteur ? En défendant l'amendement no 753 comme dans toutes mes interventions depuis ce matin, j'ai toujours porté le débat sur le fond. Qu'est-ce qui justifie le jugement moral du rapporteur ? Rien !
Chers collègues de la droite, vous êtes également la cible de la majorité ; vous devriez être solidaires !
Exclamations sur les bancs des groupes La REM et LR.
Je vois bien quelle stratégie se cache derrière les provocations de la majorité et du Gouvernement. Vous cherchez à nous faire réagir – comme je l'ai fait bêtement en répondant à la provocation du rapporteur. Vous cherchez à faire croire que nous ne voulons pas débattre sur le fond, parce que vos arguments sont faibles.
Monsieur le rapporteur, cessez les provocations et les accusations personnelles, et répondez sur le fond quand nous nous donnons la peine de faire des propositions de fond ! Ce faisant vous changeriez, au moins en partie, la teneur de nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Article 21
Avant de souligner les interrogations que suscite cet article chez les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je veux dire d'emblée que nous sommes favorables aux caméras piétons, qui sont utiles. Qu'il faille améliorer leur fonctionnement et leur utilisation par les forces de l'ordre, nous le pensons également. Sur ce point, les explications de M. le ministre nous ont été confirmées par plusieurs policiers.
Toutefois, nous tenons à alerter l'Assemblée sur le risque que fait courir l'article 21 au débat public, à la relation entre la police et la population et à la consolidation de leur lien de confiance. Rappelons que cet article permettra de verser les images enregistrées par les caméras-piétons dans le débat public, ce qui ne sera pas sans conséquences.
Selon moi, le lieu où se tranchent les conflits entre la police et la population doit être le tribunal et non l'espace public. Tout individu a la liberté de diffuser des images sur les réseaux sociaux, mais l'État républicain doit-il s'abaisser à cela ? S'il y consent, il alimentera le climat délétère qui règne actuellement dans les relations entre la police et la population.
Les images filmées par les caméras-piétons des policiers doivent pouvoir être utilisées devant un tribunal pour attester, par exemple, du bon usage de la force. À cela, nous ne voyons pas d'inconvénient. En revanche, leur diffusion par l'État conduirait à alimenter les polémiques sur les réseaux sociaux, chaque camp jugeant les images partielles. Ce n'est pas le rôle de l'État que de prendre part à ces polémiques.
Je suis opposée à la suppression de l'article 21 car je trouve qu'il s'agit d'un très bon article.
Les caméras piétons doivent être généralisées. L'idéal serait même qu'il y en ait dans toutes les voitures de police et qu'elles soient munies de puissantes batteries afin que nous puissions savoir exactement tout ce qui se passe.
Je suis d'ailleurs étonnée par la position des députés d'extrême gauche. S'ils étaient de bonne foi, ils devraient se réjouir aussi de cet article ! Je vous ai écouté, monsieur Peu : vous estimez donc que les policiers n'ont pas le droit de se défendre quand on diffuse des vidéos mal intentionnées sur lesquels ils apparaissent ! Les députés de la Gauche démocrate et républicaine et ceux de La France insoumise sont pourtant les premiers à crier à la bavure en toutes circonstances, sur la base de vidéos diffusées par les réseaux sociaux ! Pourquoi les policiers n'auraient-ils pas le droit de défendre leur honneur et leur dignité en démontrant qu'ils n'ont pas commis de bavure et qu'ils ont été victimes d'injures ? Et dans ces injures, il y a des injures racistes, monsieur Coquerel ! Souvenez-vous, vos amis ont traité de « vendu » un policier de couleur…
Je crois, pour ma part, que les Français ont le droit de savoir comment travaillent les policiers et ce à quoi ils sont confrontés tous les jours. Si vous étiez de bonne foi, vous vous réjouiriez avec nous de cet article, chers collègues d'extrême gauche, mais il va révéler les mensonges que vous racontez tous les jours à nos concitoyens !
M. Ugo Bernalicis rit.
Vous affirmez que tous les policiers se conduisent mal, sont racistes et commettent des délits de faciès. Nul doute que cet article va changer les choses et, pour ma part, croyez-moi, je m'en réjouis !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 12
Contre 118
L'amendement no 753 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 122 de Mme Emmanuelle Anthoine et 130 de Mme Valérie Bazin-Malgras, qui tendent à corriger une erreur matérielle, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
J'ai noté votre demande de parole, monsieur Bernalicis. Concerne-t-elle ces amendements de nature rédactionnelle ? Vous aurez l'occasion d'intervenir sur le fond avec d'autres amendements.
La suppression de l'article 21 n'ayant pas été adoptée, nous allons en effet poursuivre la discussion de l'article et tenter d'y apporter des modifications, mais je veux dès maintenant souligner plusieurs éléments.
Je rappelle, pour commencer, que l'Assemblée a déjà examiné un texte sur les caméras piétons, qui visait à généraliser leur expérimentation, notamment pour les polices municipales. L'une des garanties qui avaient alors été apportées par le Gouvernement était que le policier ne pourrait pas accéder aux images qu'il aurait filmées. En cas d'agression, les images seraient examinées dans le cadre judiciaire, en lien avec le parquet. On partait alors du principe que tout le monde ne pouvait pas être filmé partout, tout le temps et librement. La CNIL considérait la garantie apportée par le Gouvernement comme absolument fondamentale.
Aujourd'hui, vous faites sauter tout cela, ce qui fait grand plaisir aux collègues d'extrême droite ! J'imagine que cela contente également le ministre Gérald Le Pen.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
S'il y a un tract ambulant pour le Rassemblement national, il est au banc du Gouvernement ! La convergence est visible et avait d'ailleurs été assumée par Mme Le Pen lors de la discussion générale, quand elle s'est félicitée, notamment, des articles 21, 22, 23 et 24.
Les plus républicains d'entre vous et les plus farouchement opposés aux atteintes aux libertés individuelles et fondamentales pourraient s'alarmer. Pour notre part, nous tenons bon ! Nous avons raison, je le sais.
La fuite en avant à laquelle nous assistons et le régime autoritaire que vous mettez en place, monsieur le ministre, ne recueilleront jamais l'assentiment de la majorité des Français !
Chers collègues, je vous invite, dans l'intérêt du débat, à revenir à des échanges plus sereins.
La parole est à M. le ministre.
J'invite les nombreux parlementaires de cet hémicycle désireux de participer à un débat digne et respectueux à ne pas répondre aux provocations de M. Bernalicis.
Monsieur Bernalicis, les attaques personnelles et ad hominem dont vous êtes coutumier et dont vous êtes manifestement un expert montrent que votre sens démocratique a les limites de votre parti politique.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Ian Boucard applaudit également.
L'art d'allumer des incendies tout en faisant semblant de les éteindre !
Très franchement, vous avoir combattu sera la plus belle décoration que j'aurai reçue dans ma vie.
Nouveaux applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
On voit quels sont les adversaires que vous avez choisis !
Vous avez choisi vos adversaires, monsieur le ministre !
Monsieur Bernalicis, s'il vous plaît, on ne peut pas débattre dans ces conditions.
S'il vous plaît, nous allons essayer de retrouver un peu de sérénité. Nous devons faire en sorte que le débat parlementaire puisse pleinement s'exprimer, avec les oppositions et la majorité. S'il vous plaît, gardons un peu de sérénité et arrêtons de hurler lorsqu'un orateur prend la parole. Je vous passe la parole lorsque vous la voulez, dans les limites du règlement et des deux prises de parole autorisées par amendement.
Je vous propose donc que nous continuions nos débats en retrouvant de la sérénité ; sinon, nous n'avancerons pas. C'est peut-être l'objectif de certains, mais il faut respecter le débat parlementaire.
Le groupe MoDem et démocrates apparentés a déposé plusieurs amendements ayant trait aux caméras embarquées. Nous les avons déjà examinés en commission, où la question centrale qui s'est posée était la suivante : doit-on créer un régime juridique spécifique pour les caméras embarquées, ou doit-on seulement les adosser à celui des caméras piétons individuelles ? Comme toujours, les deux solutions comportaient des avantages et des inconvénients.
Il a finalement été proposé d'adosser le régime juridique des caméras embarquées à celui qui existait pour les caméras individuelles, et toutes deux sont évoquées dans l'article 21. Les forces de l'ordre m'avaient interpellée car elles souhaitaient que ce dispositif soit sécurisé, à la fois en le rendant pérenne et en validant certaines pratiques en vigueur qui n'étaient pas suffisamment encadrées. J'avais donc déjà alerté M. le ministre sur ce sujet au moment de sa prise de fonctions.
Je me permettrai de présenter ensemble les trois amendements concernés – cela nous fera gagner du temps, je l'espère – , les nos 902, 901 et 900. Il me paraît important que les caméras embarquées soient réellement visibles et installées de manière apparente dans les véhicules d'intervention, afin que, lorsque la loi aura été votée, les personnes concernées sachent qu'elles sont susceptibles d'être filmées également par ce biais. Comme cela a été dit à de nombreuses reprises, ces pratiques doivent être sécurisées pour protéger non seulement les forces de l'ordre mais aussi chaque citoyen.
L'intérêt de nos amendements, c'est qu'ils permettent de valider rapidement la sécurisation juridique du dispositif en évitant de la repousser dans le temps. Cependant, j'ai bien évidemment vu qu'un amendement portant article additionnel après l'article 22 avait été déposé à ce sujet par le Gouvernement. J'avais sollicité Mme la rapporteure pour savoir quel régime aurait sa préférence ; je lui laisse donc le soin de me répondre.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement no 913 .
L'examen de l'article 21 doit absolument nous permettre de débattre du régime juridique encadrant l'utilisation de ces dispositifs. Il y a une différence technique et technologique entre les deux types de caméra : comme l'a dit M. le ministre tout à l'heure, les problèmes de batterie, donc d'autonomie que rencontrent les caméras piétons ne se posent pas aux caméras embarquées. En outre, les caméras piétons doivent être déclenchées lors des interventions, alors que les caméras embarquées peuvent l'être dès la sortie du commissariat et tourner en continu.
Cependant, c'est dans le cadre de l'article 21 que nous devons pouvoir discuter de la protection des libertés et de la réglementation qui l'accompagne. Je n'ai donc pas compris pourquoi l'amendement no 1328 du Gouvernement était placé après l'article 22.
Nous posons la question du régime juridique relatif à l'utilisation de ces caméras et nous souhaitons débattre des protections qui y sont associées. Nous avions proposé de ne pas créer un régime spécifique pour les caméras embarquées ; en effet, éviter la juxtaposition de deux régimes différents permet de définir un régime commun, plus lisible, afin que les garanties soient les mêmes pour les deux types de caméra. Leur utilisation s'en trouverait ainsi sécurisée à la fois pour les forces de l'ordre, dont les droits sont clarifiés par l'article 21, mais aussi pour les citoyens, qui auront connaissance de leur fonctionnement et se verront garantir l'accès aux images filmées.
Toutefois, et nous attendons votre réponse sur ce point, nous avons conscience du fait que la captation en continu des caméras embarquées est différente de celle des caméras piétons : nous voudrions savoir quelles restrictions pourraient être apportées au régime juridique encadrant leur utilisation, afin de simplifier leur appréhension par l'ensemble des personnes concernées. On ne peut se passer des caméras embarquées, car elles font partie du matériel d'avenir pour les forces de l'ordre.
C'est un point très important abordé par nos collègues du groupe MoDem et démocrates apparentés. Après en avoir débattu en commission, nous avions abouti à un consensus quant à l'importance d'intégrer les caméras embarquées dans notre droit. Ce faisant, fallait-il les intégrer à un régime préexistant, celui des caméras piétons, ou créer un cadre juridique dédié ? C'est cette dernière option qui a été choisie.
Je remercie M. le ministre de de nous avoir écoutés sur ce sujet, puisque c'est le Gouvernement qui nous proposera un excellent amendement, le no 1328. Il a été placé plus loin dans la discussion, en l'occurrence après l'article 22 car le nouveau chapitre qu'il créé dans le code de la sécurité intérieure sera classé après ceux qui sont visés par les articles 21 et 22. Il tend à la création d'un cadre juridique dédié et adapté aux caméras embarquées.
Je vous propose donc de retirer les amendements identiques no 902 et 913 , tout comme ceux que vous avez évoqués et qui doivent être défendus un peu plus loin, au profit de l'amendement no 1328 du Gouvernement, qui propose un encadrement spécifique pour les caméras embarquées. À défaut, l'avis sera défavorable.
Je comprends tout à fait les interrogations exprimées, et je remercie Mme la rapporteure de ses explications. Même si la discussion en séance est organisée autrement, peut-être pouvons-nous en effet d'ores et déjà débattre de l'amendement no 1328 du Gouvernement, dont je crois qu'il répond à vos interrogations.
Il prévoit, et c'est un point très important, la possibilité d'installer des caméras embarquées dans les véhicules d'intervention des autorités publiques. Je le dis aux nombreux parlementaires qui nous ont sollicités à ce sujet : cela vaut notamment pour les pompiers. L'utilisation des caméras embarquées permet de réconcilier les populations avec la police et le service public en général, en leur permettant d'accéder à ces images, mais elle sert aussi à mieux lutter sur le plan pénal contre les agressions de pompiers, qui interviennent dans des moments difficiles et dans des lieux qui ne sont pas toujours équipés de caméras de vidéoprotection : grâce à ces caméras, on peut retrouver les auteurs de ces attaques et ainsi les condamner.
Ces caméras permettront en outre d'assurer la régulation des flux de transports par l'adaptation en temps réel des signalisations routières. Enfin, le dispositif proposé prévoit, à l'article additionnel après l'article 22 qui serait introduit par l'amendement no 1328 , plusieurs garanties pour préserver les droits des personnes concernées, en particulier le droit à la vie privée. L'information du public serait ainsi assurée de manière adéquate, tandis que la durée de conservation des images serait strictement délimitée, comme dans le cadre du régime juridique déjà prévu à l'article 21.
Je crois vraiment que l'amendement du Gouvernement répond à vos interrogations. Je comprends très bien que nous ayons ce débat, mais il me semble que vous pourriez retirer vos amendements en faveur de celui-ci : il est à même de vous rassurer d'abord concernant l'amélioration technique fournie non seulement aux forces de l'ordre, mais aussi à l'ensemble des services de l'État – et des collectivités territoriales, pour ce qui est des pompiers – , et ensuite s'agissant du régime juridique protégeant ces données et la vie privée des Français. Il sera le même que pour les caméras individuelles visées à l'article 21, en prévoyant une conservation limitée des images.
Ce que nous voulons comprendre, monsieur le ministre, c'est la raison pour laquelle vous créez un régime juridique spécifique. Était-ce vraiment nécessaire, et, si oui, pourquoi ? Est-ce parce que les durées de conservation des données ne sont pas les mêmes pour les différents types de caméra ? L'existence de deux régimes juridiques différents implique qu'ils pourront à terme diverger ; l'un risque alors de ne plus apporter les mêmes garanties que l'autre aux citoyens. Chaque fois que l'on touchera à l'un de ces régimes, nous serons forcés de nous demander si l'autre doit également évoluer de manière parallèle.
Je n'ai toujours pas compris pourquoi il y aurait deux régimes juridiques séparés alors qu'un régime unique serait possible et potentiellement suffisant.
Il me semble que les deux régimes recouvrent deux finalités différentes, même si elles concernent toutes les deux la récupération et l'utilisation des images. L'une relève de la protection des données, tandis que l'autre relève de l'intervention des autorités publiques. Deux finalités différentes méritent deux régimes spécifiques, et c'est la raison pour laquelle nous créons ces deux régimes séparés.
En lisant l'amendement du Gouvernement, monsieur le ministre, je me rends compte que la création d'un régime spécifique pour les caméras embarquées répond à un objectif qui va bien au-delà de l'exigence de sécurité des agents et des biens de l'autorité publique. Le but est à la fois de « prévenir les incidents au cours des interventions », ce que permettent déjà les caméras individuelles, mais aussi « de faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves, d'assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, de faciliter la surveillance des littoraux, des eaux intérieures et des zones frontalières et de réguler les flux de transport ». On voit bien qu'il ne s'agit pas seulement de rattacher les caméras embarquées aux caméras piétons : les finalités visées vont ici bien au-delà de la sécurisation des personnes et des interventions.
On voit en effet que le cadre juridique prévu est très large. Il serait plus judicieux d'ajouter simplement les caméras embarquées au régime prévu à l'article 21, afin que celui-ci englobe les deux dispositifs.
Mais il serait surtout utile que nous disposions d'éléments d'analyse et d'étude concernant l'efficacité de ces caméras. Je ne vous parle pas de le faire chez nous, puisque nous avons certes commencé à les utiliser, mais pas dans les proportions prévues par les articles de la proposition de loi. En revanche, d'autres États ont généralisé l'usage des caméras piétons et embarquées, et des études scientifiques ont été menées. Selon elles, soit le bilan est neutre – il n'y a ni désavantage ni avantage à leur utilisation – , soit il peut y avoir potentiellement des effets négatifs.
Je me demande donc toujours sur quel fondement nous étendrions des régimes juridiques dont on ne sait même pas s'ils auront des effets positifs ou négatifs, car nous n'avons pas d'études à notre disposition pour les évaluer. Peut-être le ministre en a-t-il ! Je ne le crois pas, mais c'est possible. Peut-être nous dira-t-il qu'il se fonde sur des éléments un peu rationnels, plutôt que de faire des effets de manche au micro pour nous asséner des contre-arguments qui n'en sont pas !
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Voilà donc la question fondamentale qui se pose : à quoi tout cela va-t-il bien pouvoir servir ? À surveiller les gens, bien sûr ! On en revient à la question du périmètre : il ne s'agit pas de protéger les gens. Regardez ce qui s'est passé à chaque fois que des tentatives ont été faites pour mettre en cause des policiers, notamment pour des actes commis au cours de manifestations dans lesquelles des caméras piétons devaient être utilisées à chaque tir de LBD – lanceur de balles de défense. Vous vous souvenez ?
À chaque tir de LBD. Chaque fois, l'affaire est classée sans suite parce que la vidéo n'est pas disponible. C'est étrange, tout de même !
Le groupe La République en marche remercie collectivement le groupe MoDem d'avoir attiré son attention sur cette question des caméras embarquées. Il était en effet important que nous décidions du régime juridique spécifique qui encadrerait leur emploi.
Nous sommes satisfaits de ce que propose le Gouvernement en termes de régimes spécifiques. Nous vous remercions, chers collègues, pour ces amendements mais nous voterons contre et nous soutiendrons celui du Gouvernement.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre en même temps ceux de mes deux excellents collègues de la Réunion, Nadia Ramassamy et David Lorion.
Comme nous avons déjà eu le débat en commission, je sais que la rapporteure va me dire qu'ils sont satisfaits par celui qu'elle s'était engagée à déposer. Puisqu'elle a tenu parole, ce dont je la remercie, je vais retirer mon amendement. En revanche, je ne peux pas retirer ceux de mes collègues.
Profitant de l'occasion, j'indique que j'avais voulu inclure les agents de surveillance de la voie publique – ASVP – qui sont également victimes de violences, notamment quand quelqu'un n'est pas content d'avoir pris une contravention.
Cet amendement a été déclaré irrecevable au motif qu'il induisait une nouvelle dépense, ce qui n'est pas du tout le cas puisque je donnais la possibilité aux communes d'équiper leurs ASVP. Comme il n'y avait pas d'obligation, la mesure n'induisait donc aucune dépense contrainte.
Je voulais appeler votre attention sur ce point, en regrettant que cet amendement ait été jugé irrecevable pour des motifs qui me semblent faux. Disons que cela peut arriver.
Les amendements identiques nos 598 de Mme Nadia Ramassamy et 1306 de M. David Lorion ont donc été défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous proposez d'étendre le régime de l'article 20 aux caméras individuelles des policiers municipaux. Je suis tellement d'accord avec vous que j'ai déposé le même amendement en commission, et que nous l'avons d'ores et déjà adopté – ce sont les alinéas 10 à 17 de l'article 21. Ces amendements étant satisfaits, je demande leur retrait ; sinon j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 901 de Mme Élodie Jacquier-Laforge a été précédemment défendu.
L'amendement no 901 est retiré.
Cette prise de parole me donne l'occasion de m'exprimer, au nom du groupe Libertés et territoires, sur l'article 21.
Nous ne sommes pas contre cet article car nous pensons que ces images de caméras piétons individuelles sont utiles pour protéger les policiers sur le terrain – eux aussi enclins à filmer avec leur smartphone et à envoyer les images sur les réseaux sociaux – et évidemment pour protéger les citoyens lorsque ça peut se passer assez mal pour eux.
Nous n'opposons pas la police aux citoyens, mais, en l'occurrence, nous parlons de situations où les policiers interviennent dans le cadre de leurs fonctions.
L'idée étant de rétablir la confiance, nous pensons que cet article doit être encadré. Pour ce faire, nous avons déposé plusieurs amendements, dont celui-ci, par lequel nous souhaitons exclure le traitement des images par des logiciels de reconnaissance faciale. Nous voulons que ce soit expressément interdit.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le sous-amendement no 1358 .
C'est un sous-amendement rédactionnel destiné à bien englober tous les logiciels permettant la reconnaissance faciale.
Nous voyons bien que l'objectif du texte est de concentrer le maximum d'images en un point unique, puis d'en donner l'accès à un maximum de personnes. Je ne crois pas que l'utilisation de logiciels de reconnaissance faciale soit le procédé le plus efficace, mais c'est sans doute le moins coûteux pour y parvenir.
J'imagine que, dans les rêves les plus fous du ministre, il s'agit, par exemple, de coupler ces images avec le fichier du traitement d'antécédents judiciaires – TAJ – , afin de savoir quel manifestant est déjà connu des services de police, comme l'on dit, et de mieux cibler les interpellations préventives.
Qui sait dans quel monde nous vivrons après l'adoption de cet article de loi ? Nous voyons déjà – ô combien ! – la répression par le biais de moyens aéroportés, les drones dont nous allons reparler, est déjà utilisée dans le cadre des manifestations publiques, notamment par la préfecture de police de Paris.
Nous voulons poser ici un garde-fou en excluant la reconnaissance faciale. Chers collègues, si ce n'est vraiment pas pour faire de la reconnaissance faciale, votez pour cet amendement et ce sous-amendement. Pour nous, c'est une position de repli car nous sommes opposés à l'article 21, comme vous l'avez évidemment compris. Si vous ne votez pas pour cet amendement, c'est que l'un de vos objectifs est de déployer massivement la reconnaissance faciale.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Personnellement, la reconnaissance faciale est un sujet qui me terrorise. Un peu plus tôt dans nos débats, j'ai dit que, dans notre pays, on manifestait à visage découvert. Comme cela a été visiblement mal compris, au vu des réactions ici et sur les réseaux sociaux, je tiens à préciser ma pensée : tout cela doit évidemment être fait dans le cadre du respect de la vie privée.
Quitte à me répéter, j'insiste sur deux points. Tout d'abord, je ne pense pas que les forces de l'ordre ont vocation à utiliser ces images hors procédure d'enquête. Ensuite et surtout, je pense que nous devons effectivement poser un interdit en matière de reconnaissance faciale.
Nous avons des exemples de pays où la vie des gens est régie par la reconnaissance faciale, où les bons comportements sont récompensés par des points sociaux. Tout cela est expérimenté et terrifiant.
À titre personnel, je suis favorable à l'amendement de M. Molac, défendu par Mme Dumas, qui tend à inscrire l'exclusion de la reconnaissance faciale dans le dur de la loi, dans ce cas et à ce stade des avancées techniques et de notre vision de la société.
Il n'est pas exclu que la reconnaissance faciale puisse être un jour efficace pour le vote à distance, par exemple, mais c'est un autre sujet.
Sans engager mon groupe, j'indique donc que je vais voter pour l'amendement de M. Molac.
Pour ma part, je ne m'exprime pas à titre personnel mais bien au nom du groupe La République en marche, pour dire qu'il faut éviter une confusion.
Il ne faut pas vouloir interdire dans ce texte une mesure qu'il ne propose pas : il est très clair qu'il ne nous engage pas sur la voie de la reconnaissance faciale. Au sein de notre groupe, nous tenons d'ailleurs à ce que la reconnaissance faciale ne soit pas employée et intégrée dans ce texte.
Nous voterons donc contre l'amendement de notre collègue Molac, qui nous paraît inopportun puisqu'il souhaite interdire quelque chose qui n'est pas dans le texte.
Je voudrais rassurer les collègues qui s'inquiètent. Le débat sur la reconnaissance faciale est très intéressant mais il n'a pas lieu d'être en la circonstance puisque, comme l'a très bien rappelé notre collègue Poulliat, cette technique n'est pas évoquée dans ce texte.
Les exemples d'autres pays peuvent susciter la peur, en effet, monsieur Balanant, mais nous ne poursuivons évidemment pas les mêmes objectifs. Il y a pas mal de fantasmes sur la reconnaissance faciale qui, je le répète, n'est pas dans le texte.
C'est pourquoi je réitère mon avis défavorable.
Non, je ne vais pas accorder de nouvelles prises de parole car l'article 100, alinéa 7, de notre règlement a été pleinement respecté : il ne vous aura pas échappé qu'il y a eu un orateur pour et un autre contre cet amendement et ce sous-amendement. Nous allons passer au vote.
Il y a eu cinq demandes de prise de parole, et j'ai même entendu quelqu'un, sur vos bancs, demander que nous passions directement au vote.
Le sous-amendement no 1358 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 23
Contre 90
L'amendement no 1204 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 482 .
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai également l'amendement no 483 qui porte sur la police municipale.
Au cours de nos débats, M. le ministre a invité la CNIL à jouer pleinement son rôle de garant du respect des protections des données. Cet amendement va dans ce sens : il prévoit qu'un décret, pris après avis de la CNIL, apporte des précisions quant aux situations dans lesquelles les agents de police et les militaires de la gendarmerie nationale sont autorisés à activer leurs caméras individuelles. L'amendement no 483 prévoit d'inclure les policiers municipaux au nombre de ces professionnels.
La CNIL s'en était notamment alarmée, dès 2016, regrettant que le Gouvernement n'ait pas précisé, par décret, les éléments devant conduire les policiers et gendarmes à enregistrer leurs interventions.
La CNIL s'inquiétait aussi du fait que les forces de l'ordre puissent procéder à des enregistrements dans le domicile de particuliers, sans que des règles spécifiques ne soient prévues pour un tel cas de figure.
En somme, tout laisse à penser que l'activation des caméras piétons pourrait se faire au bon vouloir de l'agent, ce qui ne va pas dans le sens d'un apaisement avec les personnes ciblées.
Il serait donc appréciable qu'un décret vienne préciser les cas de figure dans lesquels les caméras doivent être activées : crime ou flagrant délit, intervention déséquilibrée, agressivité ou violences verbales, par exemple.
Vous proposez d'inscrire dans la loi les conditions d'activation de l'enregistrement. Or ce genre de disposition ne relève pas de la loi…
… mais du domaine réglementaire, et doit être précisé par décret en Conseil d'État. La loi ne va pas aussi loin dans la précision pour de telles considérations matérielles.
Ce décret en Conseil d'État est pris après avis de la CNIL, ce qui offre une garantie importante et répond à vos inquiétudes. C'est d'ailleurs la procédure classique en la matière. Avis défavorable.
Peut-être pourrions-nous avoir un peu confiance dans la faculté de discernement de nos forces de l'ordre ? Les policiers savent s'ils peuvent ou non commencer à enregistrer. Ils ne s'amusent pas à le faire quand ils pénètrent dans un domicile et se retrouvent face à des violences conjugales, des violences sur des enfants ou d'autres situations délicates du même type. Ce ne sont pas des voyeurs.
Comme je n'ai pas pu m'exprimer sur le moment, je profite de cette prise de parole pour dire que, si je me réjouis de l'extension de ces dispositions aux policiers municipaux, à l'instar de certains de mes collègues du groupe Les Républicains, je regrette qu'elle ne soit pas étendue aux ASVP et, évidemment, aux gardes champêtres, que je ne peux pas oublier.
« Ah ! » sur de très nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Les amendements que j'avais déposés en ce sens sur cet article ont été déclarés irrecevables.
Madame la rapporteure, j'entends bien vos arguments car c'est exactement ce que tend à corriger mon amendement : il demande un décret en Conseil d'État après l'avis de la CNIL, ce qui n'est pas prévu dans le texte.
L'amendement met précisément l'accent sur le fait que le réglementaire a failli en matière de conditions d'usage de la caméra, ce qui n'a pas manqué de poser des problèmes dans des cas concrets.
Prenons l'exemple des manifestations. Le précédent ministre de l'intérieur avait indiqué que tout tir avec un lanceur de balles de défense de 40 millimètres – LDB40 – devait être accompagné du déclenchement de la caméra piétons individuelle. En fait, il n'y a pas eu de sanction à l'égard des policiers qui ne l'ont pas fait, sans parler des nombreux cas où la caméra n'a pas fonctionné sans que l'on sache pourquoi.
Je relève que, dans de très nombreux cas, l'autorité judiciaire ne peut pas enquêter, faute d'images. Le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, l'a dit devant la commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre : il a besoin de disposer de ces vidéos, donc de plusieurs points de vue. Qu'il n'y ait qu'un seul point de vue, celui des caméras mobiles des policiers, est déjà un problème, mais à cela s'ajoute le fait qu'elles ne sont pas toujours déclenchées dans les conditions où elles devraient l'être.
Cela nous a amené à dire, au moment où nous avions examiné le texte sur les caméras piétons, qu'il fallait prévoir au minimum qu'elles filment en continu ou alors instaurer une sanction pour les policiers qui n'ont pas activé l'enregistrement et qui sont mis en cause pour n'avoir pas respecté la déontologie.
L'amendement no 482 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 11, autrement dit de proscrire l'usage des enregistrements à des fins d'information du public sur les circonstances de l'intervention.
J'ai bien entendu, monsieur le ministre, votre argument selon lequel ce qui est autorisé pour les citoyens dans l'espace public doit l'être aussi pour les forces de l'ordre, dans un souci d'équilibre. Cette mise en balance n'est pas tout à fait juste puisqu'il existe a priori un déséquilibre entre citoyens et forces de l'ordre, lesquelles détiennent des prérogatives de puissance publique, notamment le recours légitime à la force. Il n'est pas nécessaire de rechercher un équilibre systématique, compte tenu du fait qu'il y a dans la loi un déséquilibre de nature institutionnelle.
J'en viens à la deuxième raison qui motive cet amendement. S'il y a une intervention, c'est qu'il y a eu constatation d'un délit ou d'un crime. Les images pourraient donc être utilisées ultérieurement au titre des enquêtes ou des informations judiciaires. Les diffuser risque de porter atteinte à la procédure judiciaire. Je comprends bien votre intention, mais ce n'est pas forcément opérant.
Troisièmement, cette disposition risque de nous conduire à une surenchère dans la guerre des images : ce n'est pas ce que vous souhaitez, ce n'est pas ce que nous souhaitons.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 486 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no 487 , qui porte sur la police municipale.
Dans un avis du 3 novembre, la Défenseure des droits « s'interroge sur le fait que cette nouvelle finalité corresponde à un objectif d'intérêt général au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et considère qu'elle est susceptible de porter directement atteinte au respect de la vie privée des personnes visibles sur ces enregistrements ».
Je ne vois pas en quoi cela serait source de difficultés. Nous proposons que les images des caméras piétons puissent être utilisées à des fins d'information du public, ce qui me paraît au contraire très positif. Cela contribuera à faire toute la lumière sur ce qui s'est effectivement passé, en cas de doute. C'est une réelle avancée que nous vous proposons.
J'ajoute, monsieur Latombe, que la diffusion de ces images a son utilité en amont puisqu'elles permettront de décider si oui ou non il est nécessaire de déclencher une procédure judiciaire.
Enfin, il est important de pouvoir rétablir la vérité sur certaines images, parfois fausses – même si les cas sont rares – , qui circulent, notamment sur les réseaux sociaux, en leur opposant les images de l'enregistrement pour établir toute la vérité.
C'est une réelle avancée que nous vous invitons à adopter, tout comme l'article 21, avec beaucoup d'enthousiasme. Avis défavorable.
Je suis en totale opposition avec votre présentation, monsieur Latombe, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
Je ne reviens pas sur l'idée que les forces de l'ordre seraient les seules à ne pouvoir se défendre dans l'opinion publique, argument avancé par M. Peu. Malheureusement, des fonctionnaires ayant fait parfaitement leur travail en respectant la déontologie voient leur vie brisée, après avoir été pendant des mois et des mois couverts d'opprobre. Et je crains que les quelques lignes qui leur sont consacrées à la fin, pour les gracier, ne soient pas suffisantes face aux dizaines de titres et aux centaines de milliers de tweets ou d'images exprimant toute la saloperie que l'on pensait d'eux. Telle est notre société. Peut-être faut-il donner des armes à ceux qui ont vu leur vie brisée et pour lesquels on s'aperçoit à la fin que, pas de chance, ils étaient innocents – « Pardon, monsieur, on vous rappellera… »
Je pense d'abord à ces fonctionnaires de la police nationale, à ces militaires de la gendarmerie nationale, à ces policiers municipaux qui ont fait leur travail et qui, victimes de manipulations, voient leur vie professionnelle, et parfois personnelle, brisée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.
Dans les dépressions et les suicides des fonctionnaires de police et de gendarmerie, …
… entrent en compte aussi ces opprobres. Quand on choisit de revêtir l'uniforme de la République, c'est pour servir les autres. Or, dans nos débats, je crains qu'il n'y ait parfois une suspicion a priori à l'encontre des policiers et des gendarmes. Pourquoi seraient-ils les seuls à ne pas pouvoir démontrer leur innocence en utilisant des images qui sont indiscutables ?
Oui, je suis du côté des policiers, je n'ai aucun problème à le dire. C'est une grande différence qui nous sépare, je l'assume bien volontiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Par ailleurs, on ne peut mettre à égalité les images produites par les citoyens et les images générées par les policiers, car ces dernières ne peuvent être utilisées que par leur administration et non par eux-mêmes. Il y a plus qu'une nuance.
Je voudrais maintenant souligner en quoi votre deuxième argument, qui me paraît fonder le plus votre amendement – et je vous sais honnête dans votre démarche, monsieur Latombe – est une erreur. Vous évoquez l'existence d'une infraction. Le code pénal est formel – et de manière générale, nous fonctionnons toujours ainsi : nous ne divulguons pas d'éléments, à commencer par des images issues d'enregistrements vidéo, s'il y a une enquête et un juge. Le juge pourra, et le plus vite possible nous l'espérons, établir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Dans ce cas nous ne diffuserons pas les images, bien évidemment : mes paroles, retranscrites dans le compte rendu, l'attestent.
En revanche, il y a beaucoup d'opérations filmées qui ne donnent pas lieu à des enquêtes et à l'intervention d'un juge. C'est justement cela le problème. Il n'y a pas d'enquêtes parce qu'il n'y a pas de faits mais on jette l'opprobre sur tel ou tel policier ou tel ou tel gendarme avec des images tronquées, des rumeurs, et certaines manipulations. Comment, dans ces conditions, les fonctionnaires de police peuvent-ils défendre leur honneur ? Comment peuvent-ils regarder leurs enfants dans les yeux pour leur dire qu'ils ne sont pas des salauds et que la scène qui est montrée ne correspond pas à la réalité ? C'est tellement vrai que ni la justice, ni l'inspection ne sont saisies. Rappelons ici que les policiers sont les plus contrôlés de tous les fonctionnaires.
C'est peut-être normal, mais j'aimerais que le même pouvoir de contrôle s'applique à l'ensemble des fonctionnaires. Comment leur innocence peut-elle être établie s'ils ne peuvent pas eux-mêmes la prouver, dès lors que seul le tribunal médiatique les accuse ?
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
Quand il y a une infraction, il y a intervention du procureur et du juge, et les images ne sont pas diffusées. Quand il n'y a pas d'ouverture d'enquête, quand le juge ne se saisit pas de l'affaire, il faut que les policiers puissent défendre leur honneur. Et moi, je suis très heureux d'être un défenseur des policiers.
Mêmes mouvements.
Je voudrais intervenir car j'ai encore un doute. Je commencerai par rendre hommage à des personnes avec lesquelles on ne saurait me soupçonner d'être toujours d'accord : M. Peu, Mme Le Pen, qui s'est exprimée calmement, et Mme Ménard, que je salue. Ils participent à la démocratie, débattent, ne crient pas et nous font réfléchir même lorsqu'ils sont opposés à nos textes.
Monsieur le ministre, j'ai bien écouté ce qui a été dit. J'ai quand même un problème, et j'irai ici dans le sens de M. Peu et à l'opposé de Mme Le Pen. Quand elle dit que le policier doit aussi avoir la possibilité de répondre sur les réseaux sociaux, à la manière d'une vendetta, cela m'inquiète. Certes, il faut se défendre dans le même tribunal que celui d'où vient l'attaque. Si c'est le tribunal médiatique, tribunal injuste, il faut pouvoir être défendu dans ce tribunal, et au rythme qui est le sien, autrement dit pas six mois après.
À cet égard, toutefois, je me demande si nous ne pourrions pas introduire dans l'article 18 un élément supplémentaire relatif à l'État. À mon sens, ce n'est pas à la personne mise en cause de se défendre seule, avec son petit téléphone. Je ne sais plus exactement comment l'article est rédigé, mais ne pourrait-on imaginer d'introduire une formule comme « sous l'autorité de » ?
La voie indiquée par Mme Le Pen me semble relever de la jungle : le policier répliquerait tout de suite et rentrerait dans une logique de cour d'école pour se défendre. Il faudrait être plus précis dans la rédaction de l'article.
Notre société est une société de l'image et, dans une société de l'image, l'image est une arme. Aujourd'hui, cette arme, avec des images et des vidéos tronquées, sert à démolir la réputation de certains policiers qui ont fait leur devoir, et qui l'ont fait correctement.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
Rétablissons donc l'équilibre des armes.
J'étais avocat et je sais à quel point l'équilibre des armes est important. Nous qui sommes habités par l'État de droit, rétablissons cet équilibre dans la vie publique et permettons aux policiers d'en bénéficier lorsqu'ils sont traînés dans la boue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
Nous pouvons avoir un débat sérieux sur ce point. Je me sens, moi aussi, défenseur des policiers et d'une police républicaine.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Tout mon engagement d'élu local, avant je ne sois député, m'a conduit à être du côté des policiers, et je n'ai d'ailleurs cessé d'en réclamer toujours davantage pour ma ville. C'est dire à quel point je comptais sur eux et je les aimais.
Mais la question n'est pas de savoir si nous aimons ou pas les policiers ou si nous sommes ou pas de leur côté : nous sommes du côté de la République. Nous faisons face à une invasion des images et à une multiplication des campagnes menées à travers les images, qui visent les policiers mais aussi d'autres corps de métier. Pensons aux enseignants qui sont filmés à leur insu pendant qu'ils font cours ! Les élus n'échappent pas à ces pratiques : des personnes venues dans mon bureau ont diffusé sur les réseaux sociaux des vidéos de notre entretien filmées à mon issu. Ce phénomène envahit tout le corps social.
Ce qui importe pour l'État républicain, c'est le droit et le droit, c'est la justice qui le dit et non pas le tribunal médiatique. Il n'y a qu'un tribunal dans notre pays, c'est le tribunal du droit républicain au sein duquel délibèrent les juges.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Mme Albane Gaillot applaudit également.
Je le répète, je suis favorable à ce que les policiers puissent se défendre, individuellement ou collectivement, donc à ce qu'ils puissent diffuser des enregistrements dans une procédure de justice républicaine afin de montrer leur bonne foi et, éventuellement, démontrer qu'ils ont fait un usage proportionné de la force. Mais, de grâce, que l'État ne s'abaisse pas à participer à cette escalade d'images dans le climat délétère qu'entretiennent les réseaux sociaux ! Ce n'est pas ça, le droit républicain.
Mêmes mouvements.
Oui, mais que fait-on lorsqu'il n'y a pas de procédure ?
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra