La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos trois nouveaux collègues élus dimanche dernier : Mme Sophie Métadier, députée de la troisième circonscription d'Indre-et-Loire ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, SOC, UDI-I, Agir ens, LT et GDR
M. Victor Habert-Dassault, député de la première circonscription de l'Oise
Applaudissements sur tous les bancs
et Mme Lamia El Aaraje, députée de la quinzième circonscription de Paris.
Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés du groupe SOC et M. Rémy Rebeyrotte se lèvent.
Je salue également l'élection de Mme la ministre déléguée Brigitte Bourguignon, députée de la sixième circonscription du Pas-de-Calais.
Applaudissements sur tous les bancs. – Quelques députés du groupe LaREM se lèvent.
Je tiens tout d'abord – et je pense que l'ensemble de la représentation s'associera à moi – à condamner avec la plus grande fermeté la tentative d'agression dont a été victime le Président de la République.
Applaudissements sur tous les bancs. – Plusieurs députés se lèvent.
Ma question s'adresse à M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. La semaine dernière, une panne géante a empêché, pendant plusieurs heures, les Français de joindre les services d'urgence de la police, des pompiers ou encore du SAMU. Je voudrais avant tout exprimer nos condoléances pour les victimes qui n'ont pu être secourues à temps et dire toute notre solidarité à leurs familles et à tous ceux qui ont été confrontés à un moment d'angoisse et de désespoir.
Je veux aussi saluer les services de l'État, qui ont réagi avec une très grande efficacité. La cellule interministérielle qui a vu le jour dès les premières heures a assurément permis de sauver des vies. Sur le terrain, j'ai pu observer dans ma circonscription, à Mulhouse, la même réactivité des services de la préfecture et des services d'urgence, qui ont très vite pris les mesures nécessaires pour surmonter la panne.
Mais notre responsabilité politique nous impose aujourd'hui de faire toute la lumière sur cette affaire, de prendre au plus vite toutes les décisions pour que, plus jamais, les Français ne vivent cela. En effet, en 2012 nous avions déjà vécu une situation identique et en 2015, après les attentats du 13 novembre, les services d'urgence s'étaient retrouvés saturés. Dès lors, pourquoi une telle panne se produit-elle encore aujourd'hui ? Qu'aurait dû faire le Gouvernement de l'époque, qui n'avait pas pris les bonnes décisions ?
Les différentes enquêtes diligentées questionneront les responsabilités de chacun, notamment de l'opérateur Orange. Pour ma part, je voudrais vous interroger sur le dispositif technique choisi. Dans tous les procédés industriels sensibles, des plans de continuité opérationnelle assurent un minimum de services lors des défaillances informatiques ou des cyberattaques. Paradoxalement, ici, alors que des vies sont en jeu, force est de constater que la continuité n'a pas fonctionné.
Le cahier des charges fixé par l'État à l'opérateur Orange est-il suffisamment clair et contraignant ? Doit-il être amélioré ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les Français puissent disposer d'un service public des urgences totalement fiable ? Des vies humaines sont en jeu.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Christophe Castaner applaudit également.
Même si elle s'adressait à M. Cédric O, je répondrai moi-même à votre question, compte tenu du préambule dont vous l'avez assortie – et je vous en remercie – à la suite de l'agression dont a été victime le Président de la République. Je souhaite indiquer à la représentation nationale – qui est, j'en suis sûr, tout à fait solidaire – que, à travers le chef de l'État, c'est tout simplement la démocratie qui est visée.
Tous les députés se lèvent et applaudissent longuement.
La démocratie, vous en êtes l'illustration, c'est bien entendu le débat, le dialogue, la confrontation d'idées, l'expression de désaccords légitimes mais cela ne peut en aucun cas être la violence, l'agression verbale et encore moins physique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Il y va des fondements de notre démocratie.
J'en arrive à votre question. Vous avez tout à fait raison, ce qui s'est passé la semaine dernière est grave et a vraisemblablement eu des conséquences dramatiques – sous réserve des conclusions des enquêtes, y compris judiciaires, qui ont été diligentées. Je tiens donc avant tout, une nouvelle fois, à avoir une pensée pour les victimes de ce très grave incident, survenu, vous le savez, chez l'opérateur historique Orange, lequel a d'ailleurs reconnu sa responsabilité dans la commission des faits.
Je souhaite apporter devant la représentation nationale deux éléments de réponse très importants. Tout d'abord, je crois pouvoir dire que la réaction des services de l'État a été immédiate, parfaitement à la hauteur et assez exemplaire puisque, vous l'avez vu, nous avons créé partout en France, dans des délais record, ce que l'on appelle des numéros longs. Ainsi, en particulier dans les zones les plus densément peuplées, les pertes d'appel ont-elles pu être limitées au maximum grâce à la réactivité de l'ensemble des services des préfectures, des centres 15 ou encore des services des pompiers.
Tout le monde était sur le pont, nous avons aussitôt réuni une cellule de crise. Le ministre de l'intérieur, qui m'accompagnait dans mon déplacement officiel en Tunisie a immédiatement regagné la capitale pour animer cette cellule de crise. Assez rapidement, les choses ont pu rentrer dans l'ordre.
Vous avez parfaitement raison, il nous faut maintenant tirer toutes les conséquences de ce très grave dysfonctionnement. Indépendamment des procédures judiciaires, deux enquêtes ont été diligentées, à l'initiative l'une d'Orange, l'autre, évidemment, de l'État.
Je m'engage, premièrement, à faire, devant la représentation nationale, toute la transparence sur les conclusions de ces enquêtes, deuxièmement, à tirer l'ensemble des enseignements opérationnels que cette situation appellera incontestablement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Au nom du groupe Les Républicains, je tiens tout d'abord à dénoncer fermement l'agression dont a été victime le Président de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des autres groupes.
Avant de poser ma question, permettez-moi d'avoir une pensée émue pour mon oncle Olivier Dassault, qui a siégé pendant vingt-huit ans dans l'hémicycle, avec fierté et bienveillance, au service de l'Oise et de la France.
Tous les députés se lèvent et applaudissent.
Monsieur le garde des sceaux, je vous sais très habile et agile avec les mots. Les états généraux sont de grands mots mais je crains forts qu'ils ne soient qu'une échappatoire pour éviter d'agir. Après des états généraux de l'éducation, de la santé, de l'environnement, de la sécurité et de la laïcité, voici donc venu le tour de la justice.
Il n'y a plus d'appel : nul besoin d'un tel événement pour établir un constat anxiogène et distiller le poison du doute, celui que nourrit une société à l'égard de sa justice. Ces nouveaux débats ne colmateront pas le gouffre d'incompréhension, transformée en défiance, qui sépare la sécurité intérieure, l'administration pénitentiaire et la justice.
Il est temps d'agir : agir pour plus de moyens et d'effectifs dans la police, la gendarmerie et les tribunaux ; agir maintenant pour créer plus de places de prison dans les années à venir ; agir contre les délais insupportables pour les victimes, qui font perdre tout leur sens aux condamnations ainsi qu'à la réponse pénale, neuf mois étant le délai moyen avant une convocation au tribunal, quarante-trois mois celui pour l'instruction d'une affaire complexe. Le Parlement examine actuellement un texte aux accents prometteurs visant à rétablir la confiance dans la justice ; un autre est attendu sur la responsabilité pénale. Allons-y maintenant !
Avez-vous prévu un financement adapté pour mener ce combat ? Monsieur le garde des sceaux, il est temps d'agir. Il ne vous reste plus que quelques mois pour démentir ceux qui pensent que la justice est déjà condamnée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais tout d'abord m'associer à l'hommage que vous avez rendu à votre oncle. Je l'ai connu personnellement, nous avions une passion commune.
Qu'il me soit permis à présent de vous répondre. Non seulement vous n'avez pas vu ce que nous avons fait mais vous critiquez déjà ce que nous allons faire sans savoir de quoi il s'agit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Puisque vous venez d'arriver à l'Assemblée nationale, je vais vous rappeler ce que nous avons accompli. Tout d'abord, nous avons fait voter le plus beau budget de la justice depuis vingt-cinq ans.
Mêmes mouvements.
Nous avons instauré la justice de proximité, nous aurons d'ailleurs des retours à ce sujet le 15 juin, vous serez alors contraint de reconnaître que nous avons beaucoup travaillé. Voilà pour le volet pénal.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
S'agissant du volet civil, nous avons embauché 1 000 personnes supplémentaires – dont dix, au passage, dans votre circonscription – afin de réduire de moitié les délais de jugement.
Enfin, après les attaques insupportables dont la justice a été victime, les deux plus hauts magistrats de notre pays ont demandé, vendredi dernier, en ma présence, à notre Président de la République, la tenue d'états généraux de la justice.
Le président a dit oui, avec enthousiasme, et m'a confié la tâche de les organiser. Je peux vous dire que les citoyens, mais également, bien sûr, les parlementaires, seront associés à cette démarche. Si vous venez à la chancellerie pour me faire part de vos propositions, j'espère que vous me soumettrez d'autres idées que les peines planchers, une mesure dont nous savons qu'elle n'est pas efficace.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je tiens tout d'abord à dénoncer l'acte de violence inacceptable qui s'est produit dans la Drôme. Nous estimons, au sein du groupe Socialistes et apparentés, que la violence n'a pas sa place dans le débat démocratique et tenons à l'affirmer aujourd'hui aux côtés de tous ceux qui, comme nous, représentent la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la situation que nous traversons a des effets durables sur le moral et sur le portefeuille de nos concitoyens.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que les plus éprouvés sont ceux qui étaient déjà les plus fragiles socialement.
Sourires.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la pauvreté explose et que les jeunes sont particulièrement concernés.
Ces jeunes sont divers – actifs, en cours d'insertion, étudiants ou en apprentissage – mais ils ont un point commun : le chômage comme seul horizon, l'isolement en perspective continue et un amer sentiment d'abandon.
Comment pourrions-nous nous résoudre à ce qu'un million et demi de jeunes vivent en France sous le seuil de pauvreté et que 30 % des moins de vingt-cinq ans soient touchés par le chômage ? Comment pourrions-nous nous résoudre à ce que nos jeunes fassent la queue aux distributions alimentaires, aient à choisir entre leur loyer et leur subsistance ?
Monsieur le Premier ministre, il est temps de leur donner le minimum de ce que nous leur devons : mettez en place le RSA pour les moins de vingt-cinq ans !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
De nombreux territoires sont prêts à l'expérimenter. Je vous relaie l'appel de quinze présidents de département et de la maire de Paris, Anne Hidalgo ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LR
…pour vous demander de retrouver un minimum de cohérence avec l'héritage social de notre pays en permettant cette expérimentation. Cessez de vous entêter avec des arguments idéologiques sur l'assistanat et sur le travail ,
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR
personne ne rêve de vivre avec le RSA. Celui-ci n'est que le retour à un minimum de dignité pour subsister, dignité justement nécessaire pour reprendre des parcours de formation et intégrer le monde du travail. Monsieur le Premier ministre, je vous le demande solennellement : pour que nos jeunes puissent rêver encore, permettez leur déjà de se nourrir !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Permettez-moi à mon tour de vous féliciter pour votre élection dimanche dernier, mais permettez-moi aussi de vous dire que je m'étonne que votre groupe Socialistes et apparentés, et les présidents de conseils départementaux que vous avez évoqués, fassent preuve d'autant d'aveuglement
Protestations sur les bancs du groupe SOC
en refusant de voir que le plan « un jeune, une solution », lancé depuis juillet dernier, est un plan inédit pour accompagner la jeunesse afin qu'aucun jeune ne reste sur le bord de la route.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Mais je vous remercie de me donner à nouveau l'occasion de dire que jamais un Président de la République n'a à ce point placé la jeunesse au cœur de son projet.
Mêmes mouvements.
Le plan « un jeune une solution », ce sont ainsi 9 milliards d'euros pour accompagner chaque jeune dans l'accès à un emploi, à un apprentissage ou à une formation, ou bien pour bénéficier d'un accompagnement vers l'emploi, pour ceux qui en sont les plus éloignés.
Même si cela vous gêne, vous voyez bien que ce plan porte ses fruits : 1,6 million de jeunes ont été recrutés en CDD de plus de trois mois ou en CDI depuis août dernier ,
Mêmes mouvements
plus de 500 000 contrats d'apprentissage ont été signés au cours de l'année 2020, soit un record absolu dans notre pays, et depuis le début de cette année, plus de 380 000 jeunes ont déjà été accompagnés vers l'emploi.
Évidemment, il faut accompagner tous les jeunes qui ont des difficultés financières, mais nous, nous pensons que les jeunes méritent mieux que le minimum jeunesse que vous leur proposez et nous voulons non seulement les accompagner vers l'emploi, répondant ainsi instantanément à leurs difficultés financières présentes, mais également leur donner un accompagnement personnalisé pour qu'ils accèdent à un emploi durable.
Mêmes mouvements.
Tout d'abord, je souhaite associer l'ensemble du groupe La République en marche à l'indignation que j'éprouve après l'acte dont vient d'être victime M. le Président de la République. De tels faits n'ont pas leur place en République.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur plusieurs autres bancs.
Ma question s'adresse à Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, que je tiens préalablement à chaleureusement féliciter pour sa réélection en sa qualité de députée de la sixième circonscription du Pas-de-Calais. .
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem
Madame la ministre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit la revalorisation des salaires des personnels dans le secteur de la prise en charge à domicile des personnes âgées : les services d'aide et d'accompagnement à domicile vont ainsi bénéficier d'une enveloppe supplémentaire à hauteur de 200 millions d'euros par an. Cette mesure votée sur nos bancs est historique et souligne l'engagement sans faille de ces femmes et de ces hommes pour le bien-être de nos aînés. Je tiens ici à leur adresser la reconnaissance de la nation. Dans la droite ligne du plan d'action pour les métiers du grand âge et de l'autonomie d'octobre 2020, cette mesure de justice sociale permet une augmentation de salaire moyenne de l'ordre de 15 % et favorise le parcours et l'évolution de carrière de ces personnels. Aussi, madame la ministre, quel est l'état d'avancement de ce plan visant à revaloriser les métiers du prendre soin, sachant que cette revalorisation, fruit d'un travail concerté avec les fédérations d'aide à domicile, doit être accompagnée par les départements si nous souhaitons que cette mesure soit effective ?
Par ailleurs et alors qu'à l'horizon 2030, nous compterons 200 000 personnes de plus en perte d'autonomie et que 82 % des Français aspirent à vieillir à leur domicile, une meilleure prise en compte des métiers liés à l'accompagnement à domicile devient prioritaire. Aussi, quelles mesures entendez-vous prendre afin de développer l'attractivité de ces beaux métiers ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, Dem et Agir ens. se lèvent et applaudissent vivement.
Je vous remercie d'abord pour vos félicitations chaleureuses qui me vont droit au coeur, et aussi pour poser une question si essentielle pour les métiers du prendre soin dont j'ai fait le fil rouge de mon action aux côtés d'Olivier Véran et de l'ensemble du Gouvernement.
Au cours de cette décennie, 200 000 personnes supplémentaires vont faire face à une perte d'autonomie, et les Français disent toujours plus fort qu'ils veulent vieillir chez eux plutôt qu'en établissement. Pour que notre pays se prépare enfin au virage domiciliaire, je mets en œuvre avec mes collègues du Gouvernement concernés, tous très mobilisés, un plan d'action pour les métiers du grand âge et de l'autonomie, afin de les rendre plus attractifs, c'est-à-dire moins précaires et mieux formés. On part de très loin, tant ces métiers étaient jusqu'ici oubliés. L'avenant 43 de l'accord de branche de l'aide à domicile, présenté par les partenaires sociaux, en sera un élément important puisqu'il va permettre à deux tiers des professionnels du secteur, bloqués au SMIC depuis près de vingt ans, de bénéficier, dès le 1er octobre prochain, d'une revalorisation moyenne de 15 %. La commission d'agrément a rendu un avis favorable vendredi et je vais donc agréer cet avenant. Grâce à l'enveloppe de 200 millions que vous avez votée, l'État financera la moitié du montant à la charge des départements.
Les autres secteurs de l'aide à domicile, public et privé commercial, ne seront pas oubliés puisque je vais lancer prochainement une concertation sur un tarif national de référence permettant d'harmoniser le financement des services à domicile et d'améliorer les salaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Enfin, la crise sanitaire a mis en relief les solidarités intergénérationnelles : c'est l'occasion de susciter des vocations pour ces métiers d'avenir. Sarah El Haïry et moi-même avons créé plus de 10 000 missions de service civique pour lutter contre l'isolement et, avec Élisabeth Borne, nous lançons 16 000 places de formation en soins infirmiers et en aide-soignant, outre le développement de l'apprentissage dans ce type d'activités.
Tous les leviers sont donc mobilisés pour permettre, demain, à chacun de vieillir chez soi.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, de violents orages se sont abattus sur la région de Reims vendredi dernier, en début d'après-midi : en quarante-cinq minutes, c'est l'équivalent de deux mois de précipitations et pas moins de 5 531 décharges de foudre qui ont été relevés par l'Observatoire français des orages ; de véritables vagues charriant de la boue ont déferlé dans les rues de Reims, plus particulièrement avenue Jean-Jaurès, place Aristide-Briand et rue Cérès. Les images catastrophiques diffusées par les médias nationaux attestent de la violence de ce phénomène imprévisible et donc imprévu par Météo France. Fort heureusement, aucun blessé n'est à déplorer malgré ces images inquiétantes de scooters emportés, de véhicules submergés et de bus bloqués. Les conséquences sont évidemment désastreuses pour de nombreux particuliers, qu'il s'agisse des caves inondées ou d'autres dégâts matériels importants, et les commerces comme les artisans rémois, qui n'avaient reconstitué leur stock de marchandises et, pour la plupart, repris leur activité que depuis quelques jours, seulement, ont été très frappés et déplorent d'importantes pertes économiques.
Je tiens à saluer devant la représentation nationale la mobilisation des forces de sécurité publique, police et sapeurs-pompiers, sans oublier les services municipaux de la ville de Reims et du Grand Reims, qui ont réalisé un formidable travail de nettoyage, qui s'est poursuivi durant tout le week-end.
Dès vendredi après-midi, le maire de Reims, Arnaud Robinet, a sollicité vos services pour demander la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. J'ai moi-même saisi immédiatement M. le préfet de la Marne. Comme les délais de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sont parfois très longs, il est primordial que les Rémois, qui sont très en attente d'un accompagnement, puissent compter sur la reconnaissance de cette catastrophe par l'État.
Dans de telles circonstances et face à l'urgence de l'indemnisation pour les commerçants et pour les habitants concernés, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, vous engager que l'arrêté ministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle soit pris dans les plus brefs délais ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais en premier lieu saluer l'engagement de chacun, services de secours, pompiers, militaires, élus, opérateurs et fonctionnaires sur le terrain. Il y a eu, par exemple, plus de cent interventions de pompiers liées aux intempéries et, grâce à leur efficacité, on a évité des drames.
Comme ministre de la transition écologique, je vous confirme, madame la députée, que ces crues et ces inondations sont une préoccupation du Gouvernement, sachant que plus d'un quart de la population française est concernée, soit dix-sept millions de nos concitoyens, et que ces catastrophes coûtent entre 650 millions et 800 millions d'euros par an à la collectivité. Ces phénomènes existent certes de longue date, mais ils sont en plus susceptibles de s'aggraver du fait de la bétonisation des terres et du dérèglement climatique. Nous devons donc protéger les Français. À cette fin, il s'agit de s'adapter en réduisant la vulnérabilité de notre territoire. Cela passe souvent par des mesures simples et de bon sens, telles que la construction d'une pièce-refuge en hauteur ou encore la surélévation des compteurs électriques et des chaudières. Je rappelle que l'État soutient à hauteur de 80 % les travaux de réduction de la vulnérabilité des habitations.
Protéger les Français, c'est aussi améliorer les capacités de prévision. Le nouveau supercalculateur de Météo France, un investissement de 144 millions d'euros, multiplie par cinq la puissance de calcul. Il vient d'être mis en service et va accroître notre horizon de prévision de plusieurs heures, sachant que celles-ci sont absolument essentielles pour mieux préparer la gestion de crise.
En outre, s'agissant des moyens dédiés à la prévention des risques, j'indique que le fonds Barnier a été doté de 50 % de crédits supplémentaires, soit un total de 250 millions d'euros par an.
Quant à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, j'en ai parlé à l'instant avec le Premier ministre et nous allons instruire le plus vite possible pour prendre les mesures appropriées dans les plus brefs délais.
Je vous remercie pour votre réponse, mais je pense que nos concitoyens attendent une date précise.
Il faudrait que vous vous engagiez sur ce point, monsieur le Premier ministre, parce qu'à circonstances exceptionnelles, il faut une réponse exceptionnelle.
Monsieur le Premier ministre, le groupe communiste condamne fermement le geste commis à l'encontre du Président de la République. Il est urgent de réparer la démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'étais hier à Bourgtheroulde, dans l'Eure, en Normandie, là où le Président de la République lançait, il y a deux ans et demi, son grand débat, là où tout devait recommencer… Jamais plus comme avant ! Mais alors qu'un rendez-vous démocratique important se déroule dans quinze jours, alors que la démocratie est restée confinée des mois, Emmanuel Macron décide de s'essuyer les pieds sur ces scrutins, de mépriser les régions et les départements, pour entrer en campagne présidentielle.
Il part en tournée hexagonale avec les mêmes trompettes, avec les mêmes ficelles et avec le même circus communicant que pour le grand débat.
Tout recommence donc… comme avant Bourgtheroulde. Preuve en est la mauvaise réforme des retraites. Sortie par la grande porte, une fois débarrassée de ses mensonges flatteurs grâce au mouvement social et à la bataille de tranchées parlementaire, elle nous reviendrait par la petite porte : l'allongement de la durée de cotisation et le report de l'âge de départ à taux plein à soixante-quatre ans seraient emballés dans l'enveloppe du budget de la sécu à l'automne prochain, comme si nous avions tous les mêmes durées de vie en bonne santé.
Monsieur le Premier ministre, pendant qu'Emmanuel Macron fait sa campagne présidentielle, les Françaises et les Français ont le droit de savoir maintenant, sans attendre, quand et comment vous envisagez de leur faire payer la crise du covid en remettant en cause notre système de retraite ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Vous interrogez le Gouvernement sur la perspective d'une réforme de notre système de retraite, suite aux déclarations du Président de la République. La priorité absolue, le Président l'a rappelé, c'est celle du travail et de la reprise de notre activité. Notre pays doit être en première ligne dans la reprise économique mondiale. Il s'agit donc de stimuler notre économie, notamment grâce au plan de relance, et d'encourager les créations d'emplois et les embauches,…
…je pense notamment aux secteurs comme les hôtels, les cafés et les restaurants ou encore au bâtiment, tous recrutant à nouveau.
À cette fin, le Gouvernement mobilise le service public de l'emploi pour faciliter les recrutements des jeunes mais aussi des demandeurs d'emploi.
Mais en sortie de crise, les questions qui se posaient au sujet du système de retraite restent toujours d'actualité. Les constats qui prévalaient avant la crise demeurent : nous devons rendre notre système de retraite plus juste, plus lisible, plus équilibré.
Le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) confirme que le système de retraite est structurellement déficitaire. Dès lors, il sera nécessaire de trouver les voies et moyens pour remédier à cette situation. Par ailleurs, la question de la transition entre la vie professionnelle et la retraite demeure entière. Ces sujets ont été inscrits dès l'été dernier à l'agenda social partagé avec les partenaires sociaux – je pense notamment au travail des seniors ou à l'aménagement des fins de carrière.
Le Président de la République l'a indiqué, ces différents sujets doivent désormais faire l'objet d'un débat avec les Français, les organisations patronales et syndicales, ainsi que les forces politiques. Je suis sûre que vous aurez à cœur d'y prendre toute votre part, monsieur le député.
…vous confirmez que le Président de la République entame un tour de France en ayant rédigé les réponses à l'avance. Vous confirmez que l'intention du Gouvernement est, selon la formule de Coluche, de faire payer les pauvres parce qu'ils sont les plus nombreux, en épargnant les plus riches. Vous confirmez votre volonté de casser le socle du système de retraite construit par Ambroise Croizat.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – MM. François Ruffin et Ugo Bernalicis applaudissent également.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; j'y associe mes collègues Sira Sylla, Huguette Tiegna et Jacques Maire. Ces dernières années, de nombreuses attaques attribuées à des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et à l'État islamique sont à déplorer dans les pays du G5 Sahel.
Dans la nuit du 4 au 5 juin, le Burkina Faso a connu une attaque particulièrement meurtrière. Un groupe de terroristes est entré dans la ville de Solhan, a visé un poste de volontaires pour la défense de la patrie et s'en est ensuite pris aux maisons avant d'exécuter des habitants. On déplore plus de 160 morts, dont une vingtaine d'enfants. Un deuil national de trois jours a été décrété en hommage aux victimes, et le Président de la République burkinabée a appelé ses compatriotes à rester unis et soudés contre les forces obscurantistes. Je souhaite m'associer à la douleur des familles et exprimer au nom de mes collègues parlementaires – et plus particulièrement des membres du groupe d'amitié France-Burkina Faso – l'effroi ressenti face à cette attaque ignoble et barbare.
Consciente des situations précaires et difficiles dans les nombreuses zones où les groupes terroristes prospèrent, la France s'est engagée, à la demande des pays du G5 Sahel, notamment avec l'opération Barkhane depuis 2014. Cette opération, qui mobilise plus de 5 000 militaires français et 3 000 militaires européens, appuyés par les troupes locales, a pour mission de lutter contre le terrorisme. Elle participe également à la consolidation des États et à l'accentuation des actions de développement des territoires menées par l'Agence française de développement, comme l'a rappelé le rapport de nos collègues Sereine Mauborgne et Nathalie Serre en conclusion des travaux de la mission d'information sur l'opération Barkhane.
Sachant ce pays longtemps réticent à demander l'appui de l'opération Barkhane sur son territoire, pourriez-vous nous renseigner sur la capacité des forces armées du Burkina Faso à combattre le terrorisme ? Quelles actions militaires, humanitaires et politiques la France envisage-t-elle de déployer ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le drame qui s'est déroulé au Burkina Faso dans la nuit du 4 au 5 juin a entraîné un carnage innommable. Avec une sauvagerie inouïe, 160 habitants de ce village situé à proximité du Niger – des femmes, des jeunes et des enfants – ont été assassinés,…
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
…après l'attaque du poste de volontaires pour la défense de la patrie installé pour les protéger. Dimanche dernier, j'ai adressé au président Kaboré les condoléances de la France, en l'assurant de notre pleine solidarité avec le peuple burkinabé.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Berta applaudit également.
Ces villageois innocents ont été victimes de la lâcheté de terroristes qui n'ont pas encore été identifiés. Je vais me rendre à Ouagadougou cette semaine pour faire part au président Kaboré de l'empathie et du soutien du président Macron et du peuple français, et de celui de votre groupe d'amitié et, plus largement, de l'ensemble du Parlement français.
Je rappellerai que les élections au Burkina Faso se sont déroulées récemment, au mois de novembre, dans les meilleures conditions démocratiques – c'est important de le souligner. Le Burkina Faso fait partie de la force conjointe du G5 Sahel ; en ce moment même, nous poursuivons les opérations militaires dans la zone des trois frontières en étroite coordination avec les armées partenaires, avec la force conjointe du G5 Sahel et évidemment avec la force Barkhane. Mais cet événement dramatique nous montre que les actions militaires ne suffiront pas…
…si les États ne reconquièrent pas leur propre territoire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, j'exprime la solidarité du groupe La France insoumise au Président de la République, à la suite de l'agression qu'il vient de subir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
En démocratie, on règle ses comptes avec des arguments et des bulletins de vote ; pas dans la violence.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes en danger. Nous, ce sont les 7 millions d'électeurs de Jean-Luc Mélenchon, les militants communistes et insoumis, visés par une vidéo intitulée « Le gauchisme est-il pare-balle ? » mise en ligne sur la chaîne YouTube de Papacito, qui compte plus de 100 000 abonnés.
Cet individu est un proche revendiqué des réseaux d'extrême droite. Nous vous alertons en vain depuis des mois sur la menace croissante qu'il représente. Il s'est notamment déjà illustré par les propos suivants : « Si tuer 20 000 journalistes sauve 70 millions de Français, il ne faut plus hésiter. » Ou encore : « J'attends le coup d'état militaire pour la purge. »
Dans cette vidéo, Papacito est accompagné de l'un de ses acolytes ; tous deux portent une tenue paramilitaire. Ils s'attellent à mettre en pièces, à grand renfort d'armes à feu et de couteaux de chasse, un mannequin en plastique…
…censé représenter un électeur de Jean-Luc Mélenchon. Dans la même vidéo, ces individus expliquent comment se procurer des armes en toute légalité.
Cette vidéo, jugée gaguesque par le chroniqueur et délinquant récidiviste Éric Zemmour, a glacé le sang de nombreux électeurs et militants que le mannequin en plastique est censé représenter. Cette utilisation d'un prétendu humour vise à passer au-delà de la censure – cela a été explicité par les auteurs de la vidéo.
Non, cela n'a rien d'un gag. Plusieurs parlementaires de la majorité, versant dans le complotisme, parlent de contre-feu et ne semblent pas voir le problème. Votre ministre de l'intérieur, qui d'ordinaire tweete plus vite que son ombre quand il s'agit de s'indigner des propos de Mme Pulvar ou de la mise en place des cantines bio, n'a toujours rien trouvé à dire. Le parquet, auprès duquel nous avons effectué un signalement, n'a toujours pas ouvert d'enquête préliminaire. Monsieur le Premier ministre, je vous alerte.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Stéphane Peu applaudit également.
Monsieur le député, le Gouvernement de la République condamne sans réserve, et de la manière la plus ferme, la vidéo dont vous venez de faire état.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Stéphane Peu applaudit également.
La haine, l'extrémisme, la violence sont irrémédiablement inconciliables avec nos valeurs fondamentales et avec notre projet politique.
Mêmes mouvements.
Que toutes celles et ceux qui, directement ou indirectement, alimentent ce climat délétère qui affaiblit la démocratie en même temps que la France, sachent qu'ils trouveront toujours la République sur leur chemin.
Mêmes mouvements.
Merci, monsieur le Premier ministre. Voilà sans doute le moment de se souvenir de la parole de l'historienne Mona Ozouf, qui prévenait que l'ensauvagement du langage annonce, prépare et fabrique l'ensauvagement des actes. Chacun devrait garder cela à l'esprit ; ce qui s'est passé aujourd'hui nous le rappelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Avant de poser ma question, je voudrais, au nom de tous les membres du groupe Libertés et territoires, dénoncer l'agression physique dont a été victime le Président de la République, qui doit être respecté en tant que chef de l'État.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs jours, nous voyons l'exécutif multiplier les ballons d'essai concernant la réforme des retraites. Cette grande réforme promise par Emmanuel Macron semblait enterrée depuis le premier confinement. Soyons honnêtes : dès le départ, elle était vouée à l'échec. D'ailleurs, le Président de la République a lui-même reconnu que cette réforme était très ambitieuse, extrêmement complexe et, du coup, porteuse d'inquiétudes.
Le Gouvernement avait également pêché par défaut d'humilité, en voulant tout à la fois une réforme paramétrique pour faire des économies et une réforme systémique pour – en principe – assurer plus de justice et de lisibilité. Un « en même temps » pour satisfaire tout le monde, mais qui n'a convaincu personne. La méthode du Gouvernement d'avancer à marche forcée s'est achevée par l'activation du 49.3, nous nous en souvenons tous, puis par le gel de la réforme.
Nous y revoici donc. Le Président de la République annonce des décisions difficiles ; des fuites évoquent la piste du recul de l'âge légal de départ à la retraite. Un rapport du COR prévoit un déficit de 18 milliards d'euros en 2020 et le retour à l'équilibre n'est envisagé, au plus tôt, qu'en 2030. Face à cette situation, les messages sont contradictoires et les intentions ne sont pas claires. La majorité et le Gouvernement semblent bien divisés sur l'opportunité de mener à bien cette réforme, sur son calendrier ou sur l'opportunité de la lier à la réforme – tant de fois reportée – de la dépendance.
Monsieur le Premier ministre, ma question est toute simple : allez-vous réformer jusqu'au dernier quart d'heure ? Quel scénario envisagez-vous ? Comptez-vous y associer pleinement, cette fois-ci, les partenaires sociaux ? L'incertitude et le flou doivent cesser, clarifiez vos intentions !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Vous l'avez rappelé, le COR est en train de remettre son rapport, comme il le fait chaque année, pour présenter la situation de notre système de retraite. Il était particulièrement important de disposer de ses analyses dans le contexte inédit créé par la crise sanitaire.
Le diagnostic est partagé au sein du COR avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les partenaires sociaux. Sans surprise, la crise a eu un impact fort sur le système des retraites avec un déficit estimé à 18 milliards d'euros en 2020. Certes, les projections actualisées présentent une situation moins pessimiste qu'en novembre 2019. Cela s'explique notamment par des perspectives de croissance économique plus favorables, qui traduisent l'efficacité des mesures prises par le Gouvernement pour protéger notre économie. Néanmoins, nos régimes de retraite resteront structurellement déficitaires dans les prochaines décennies.
Or l'équilibre des régimes de retraite est indispensable au rétablissement de la confiance des Français dans notre système de retraite par répartition et à la préservation, dans la durée, du niveau des pensions. Dès lors, il sera nécessaire de trouver les leviers pour ramener le système à l'équilibre.
Au-delà de cet enjeu financier, les questions liées à la justice et à la lisibilité de nos régimes de retraite restent entières. Nous le savons, le système actuel pénalise les salariés qui ont des carrières hachées ou des temps partiels souvent subis, au premier rang desquels les femmes. Il convient également de mieux gérer les fins de carrière en prévenant l'usure professionnelle et en encourageant les reconversions tout au long de la vie.
Cela confirme la nécessité de rendre notre système de retraite plus juste, plus lisible et plus équilibré. C'est tout le sens de la phase d'écoute voulue par le Président de la République pour entendre les Français, les forces politiques et les partenaires sociaux. Je suis sûre, monsieur le député, que vous aurez à cœur d'y participer.
Madame la ministre, votre réponse est formidable : je n'en sais pas plus après l'avoir écoutée qu'avant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Brigitte Kuster applaudit également.
Après le scandale du Mediator et l'affaire des prothèses mammaires PIP, l'industrie pharmaceutique se trouve de nouveau au cœur d'une polémique qui, cette fois-ci, porte sur le Lévothyrox, un médicament traitant les problèmes de thyroïde.
Il y a quelques années, le laboratoire Merck a développé une nouvelle formule validée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, considérant l'ancienne comme moins stable…
Elle a raison !
…Aujourd'hui encore, 75 000 des 3 millions de patients prennent l'ancien médicament. De nombreux malades ont demandé à revenir à la première formule, la nouvelle entraînant des effets secondaires très handicapants.
La détresse des patients a conduit beaucoup d'entre eux à se fournir à l'étranger, l'État l'ayant autorisé jusqu'en 2021.
Pour ne pas risquer de se retrouver sans solution thérapeutique après cette date, de nombreux patients, soutenus par leurs médecins, ont déposé plainte devant la justice française.
Le juge d'instruction a mandaté des experts. Le rapport que ceux-ci ont remis la semaine dernière, repris par la presse, est édifiant. Il dénonce l'absence d'analyses réalisées chez les malades, alors que l'administration française a validé la mise sur le marché de la nouvelle formule.
Depuis des années, les scandales à répétition sapent toujours plus la confiance des Français dans leur système de santé et, davantage encore, dans les produits de santé, à tel point que notre pays est devenu l'un des plus anti-vaccins au monde. Faudra-t-il d'autres affaires encore pour que le Gouvernement prenne la mesure de la situation dramatique ? Le rapport demandé par le juge d'instruction ne suffit-il pas pour lancer une réflexion sur la réorganisation de nos procédures de contrôle et de validation ? Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, il est urgent d'agir. Que répondez-vous aux milliers de patients qui vous demandent le retour de l'ancienne formule du Levothyrox ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous posez une question complexe, qui appelle plusieurs réponses.
En effet, vous l'avez dit, une nouvelle formule de médicament à base de lévothyroxine, qui traite les dysthyroïdies chez 3 millions de patients français, a été mise sur le marché après avoir été approuvée par les autorités sanitaires européennes et françaises. Un grand nombre de patients se sont plaints d'effets indésirables plus ou moins intenses, qui ont retenu l'attention des autorités sanitaires de l'époque. La différence entre l'ancienne et la nouvelle formule tenait aux excipients non identiques. Des rapports ont été demandés ; vous en avez cité un.
Je ne commenterai pas, bien sûr, la procédure judiciaire en cours. Sachez toutefois que ma ligne restera la même que dans tous les autres dossiers : transparence totale…
…et écoute attentive des associations d'usagers. Je crois profondément en la démocratie sanitaire. Lorsqu'un grand nombre de patients signale un problème, notre première réaction doit être de les croire et de lancer les actions correctrices nécessaires.
C'est bien ce qui a été fait. Vous l'avez dit, à côté du nouveau traitement de la dysthyroïdie, nous avons conservé l'ancien médicament, Euthyrox, que les patients peuvent toujours se procurer. Des protocoles sont établis avec les médecins, les autorités savantes et les collectifs de patients et d'usagers pour accompagner ceux qui le souhaitent dans le changement de traitement, la nouvelle formule étant désormais très majoritaire en Europe. J'insiste : nous devons tenir compte de la parole des patients, assurer la transparence totale et accompagner tous les malades dans leur prise en charge thérapeutique.
Sourires.
Comme l'a dit mon collègue Charles de Courson, la réponse est parfaite, mais elle n'apporte aucune information nouvelle aux patients !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans vingt-trois jours, avec la fin du couvre-feu, après quinze mois de privations, les Français assouviront leur soif de culture, de retrouvailles, de sorties, de danse et de nuits de fêtes, ces nuits qui forgent les souvenirs de nos 20 ans. Tous les Français, particulièrement les 36 millions de nos concitoyens âgés de 18 à 60 ans, retrouveront ces libertés et feront la fête à leur rythme, comme partout en Europe. La question est de savoir où ils pourront la faire légalement en France. Pour l'instant, la réponse est simple : dès le 1er juillet, partout sauf en discothèque.
Ils danseront légalement, jusqu'au bout de la nuit, dans des lieux clos : salles des fêtes ou salles polyvalentes, bars ou restaurants. Soyez sûrs qu'ils danseront ! Et soyez sûrs que ces établissements feront tout pour accueillir et conserver cette clientèle, sans autorisation, sans respect des normes de sécurité, sans système de ventilation et sans protocole. Illégalement, on dansera comme l'été dernier, dans des villas louées où tous les interdits s'écrouleront. On dansera sur les plages, avec des risques d'hyper-alcoolisation et de noyades nocturnes.
On dansera dans des gîtes, sans garde-fous, ce qui rend tous les excès possibles, notamment les agressions sexuelles.
Le Gouvernement peut changer de position et innover avec le monde de la nuit, qui en a l'habitude. Les professionnels ne l'ont pas attendu pour promouvoir les pratiques festives responsables et accompagner nos jeunes : avant-hier, en luttant contre l'alcoolisme ou les drogues ; hier, en proposant un protocole sanitaire jamais examiné. Il y a un mois, le ministre des solidarités et de la santé s'est engagé ici même, pour la mi-juin, à « travailler avec les parlementaires, avec la société civile et le monde de la nuit, de manière à déterminer les bonnes conditions d'ouverture » des discothèques. Monsieur le ministre, qu'en est-il de ce rendez-vous ?
Quel message allez-vous envoyer à notre jeunesse et aux Français de tout âge, qui attendent de vivre les nuits d'été festives en toute sécurité ? Peut-on espérer une réouverture rapide de ces établissements ? Le 21 juin marque le début de l'été et la fête de la musique ; ce serait un beau symbole.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Depuis plusieurs mois, nous avons beaucoup travaillé avec les représentants des gérants de discothèque. Nous avons déployé des dispositifs complémentaires à côté de ceux en vigueur pour les autres secteurs d'activité : activité partielle, fonds de solidarité renforcé, exonération de cotisations sociales. Mais les aides ne comblent évidemment ni l'envie ni le besoin de rouvrir les établissements. C'est pourquoi nous avons envisagé d'annoncer, à la mi-juin, une date de réouverture.
Les jeunes et tous les Français ont besoin de se retrouver et de s'amuser, dans des conditions sanitaires satisfaisantes, avec des protocoles renforcés. Tout à l'heure, dans la Drôme, Le Président de la République a indiqué que, le 21 juin, il préciserait les conditions de réouverture de ces établissements.
Rendez-vous donc à cette date, pour trouver des solutions adaptées permettant aux jeunes de s'amuser et aux discothèques, de rouvrir.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, en février 2020, lors de votre prise de fonctions, je vous interpellais sur le souhait de nombreux Polynésiens de voir l'expérimentation sur le cannabis à usage médical étendue à la Polynésie. Vous me répondiez fort aimablement que c'était une bonne idée et qu'il fallait étudier le nombre de patients potentiels pour les cinq indications, et vous m'invitiez à me rapprocher de votre cabinet, ce que j'ai fait. On m'a recommandé de contacter l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'exécutif polynésien, le centre hospitalier de Taaone devant faire une demande pour devenir un centre de référence. J'ai transmis la recommandation à l'exécutif polynésien, qui m'a assuré avoir fait une demande en ce sens. Depuis, plus rien. Plus d'un an après, l'expérimentation n'a toujours pas été étendue à la Polynésie française. Où en est-on ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur Brotherson, je me souviens bien de notre échange…
…sur la possibilité, pour la Polynésie française, de faire bénéficier ses patients de l'expérimentation sur le cannabis à usage médical, qui a démarré le 26 mars 2021. Je confirme : c'est au gouvernement local de prendre la décision, les articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 portant statut d'autonomie de la Polynésie disposant que la politique de santé relève de la seule compétence de cette collectivité, désignée « le pays ». Si la collectivité décide d'autoriser l'usage médical du cannabis, j'ai pris – et je renouvelle – l'engagement de faire intervenir l'ANSM, directement ou par le biais d'une convention avec les praticiens du territoire, pour assurer la formation de ces derniers, qui peut se faire à distance, en ligne. Puis nous pourrons étudier ensemble les circuits de distribution, pour que les patients polynésiens puissent bénéficier de cette expérimentation, qui rencontre d'ailleurs un franc succès. Des centaines de praticiens sont formés et des centaines de patients profitent désormais de ce traitement pour spasticité douloureuse dans la sclérose en plaques, les épilepsies, les symptômes rebelles de douleur dans les cancers, des douleurs neuropathiques, etc. J'y mets beaucoup d'espoirs. Au Parlement, d'ailleurs, le vote en faveur de l'expérimentation avait été unanime. Soyez assuré de ma bonne volonté pour accompagner le déploiement de cette expérimentation dans votre beau territoire !
Je vous remercie de cette réponse, mais connaissez-vous la théorie des formalités impossibles ? L'article 14 que vous citez dispose bien que la Polynésie est compétente en matière de santé, mais précise que l'État est seul compétent en matière pénale. Or il s'agit d'une expérimentation d'une substance prohibée. Le territoire, même muni de son statut particulier, ne peut pas l'autoriser de son propre chef ; seul l'État peut le faire.
Je vous le redis avec toute la bonne volonté possible : si le gouvernement de Polynésie en fait la demande, nous verrons s'il faut prévoir un véhicule législatif ; j'espère que non et qu'il est possible de passer par la voie réglementaire. Je vais vérifier les formalités avec mes services et avec l'ANSM, pour qu'on accompagne le démarrage de l'expérimentation en Polynésie dans les plus brefs délais.
Le 15, le 17, le 18, le 112 : des numéros qu'on connaît tous, qu'on enseigne à nos enfants, mais qui ne fonctionnent pas ; du moins, qui n'ont pas fonctionné pendant plusieurs heures. Les gens ne parvenaient pas à joindre les services, des appels n'arrivaient pas, d'autres se coupaient en pleine conversation, a expliqué François Brown, président du syndicat SAMU-Urgences de France et médecin urgentiste. Pour la place Beauvau, il s'agit d'une panne « partielle mais significative » paralysant les moyens de joindre nos services d'urgence. Le lendemain, la facture tombe : dans le Morbihan, un homme de 63 ans n'a pas reçu des soins à temps ; à La Réunion, on parle de deux personnes ; en Vendée, la préfecture annonce d'ores et déjà la mort d'un enfant de 2 ans. Un bilan doit encore être établi. En disposez-vous ?
Il y a eu des victimes, des morts, qui n'ont rien de partiel ; chaque cas est significatif. Qui sont-ils ? Des dommages collatéraux ? Un coût du système ? Si nous croyons le porte-parole d'Orange, la piste de la cybercriminalité est à exclure : il s'agirait donc soit de lacunes dans l'entretien des réseaux, soit d'une erreur humaine – probablement « partielle mais significative », elle aussi –, soit d'un malheureux concours de circonstances n'ayant pas été anticipé. Ces morts sont-elles dues uniquement à l'incompétence ? Impossible de le dire car, aux dernières nouvelles et d'après le PDG d'Orange, l'origine de la panne n'est pas identifiée. Votre porte-parole l'a pourtant rappelé : Orange a une obligation de résultat et non uniquement de moyens.
Monsieur le ministre de l'intérieur, que fait-on quand l'État ne peut pas remplir ses fonctions les plus rudimentaires de protection, de sécurité et de soin, quand un opérateur clé faillit à ses devoirs ? Vous avez qualifié ces incidents de « graves et inacceptables ». Je vous remercie de les condamner, mais qu'allez-vous faire ? Allez-vous chercher des solutions de remplacement, l'opérateur historique se révélant capable de paralyser le pays ? Quelles actions d'entretien, de mise à jour et de protection sont effectuées par l'opérateur ? Devons-nous craindre une prochaine gifle, un nouvel hébergeur OVH qui partirait en fumée avec les données des Français ? Êtes-vous préparés à y faire face ? Faut-il attendre de nouvelles pannes, comme celle du fournisseur Fastly, il y a quelques heures ? Y a-t-il quelqu'un au bout de fil, autre que le chef de train du Paris-Nice ?
Pour commencer, les numéros d'urgence 15, 17, 18 et 112 sont de nouveau pleinement opérationnels sur l'ensemble du territoire national, et ce depuis le 4 juin. La veille, l'incident technique sur le réseau de l'opérateur Orange avait affecté de manière « partielle mais significative » la réception des appels d'urgence dans notre pays. Ce sont des dysfonctionnements graves, inacceptables et inédits. Le ministre de l'intérieur l'a dit, tout comme le porte-parole du Gouvernement. Nous ferons tout pour que cet incident reste unique et ne se reproduise jamais.
Il a été pris avec le plus grand sérieux, déclenchant la totale mobilisation de l'ensemble de l'appareil d'État.
La cellule interministérielle de crise a été ouverte immédiatement. Alors que les ministres Gérald Darmanin et Cédric O rentraient en urgence de Tunis, à la demande du Premier ministre, cette cellule a été activée à dix-huit heures quarante-sept précises au ministère de l'intérieur. Dès dix-neuf heures, l'ensemble des services d'urgence touchés ont mis en place des numéros alternatifs à dix chiffres pour que les appels continuent à être reçus. Ils ont communiqué ces informations à la population – je remercie les journalistes et les médias pour leur aide précieuse.
L'ensemble des services de l'État, sous la coordination des préfets, ainsi que les équipes des opérateurs ont été mobilisés, et la continuité a bien été assurée. Je salue l'engagement des forces de sécurité et de secours, des personnels de santé et des agents de l'État.
Pour terminer, je veux répondre aux discours complotistes que l'on a pu entendre sur le sujet. J'affirme solennellement devant votre assemblée que ce dysfonctionnement n'a rien de suspect, n'est en rien une manœuvre qui serait, je cite, « organisée par l'État ». Pour information, l'État possède 23 % du capital d'Orange, qui a été privatisée en 2004.
Au-delà des polémiques stériles, je veux avoir à nouveau une pensée pour les agents publics, les policiers, les gendarmes, les pompiers, les médecins, les urgentistes qui, chaque jour, répondent, agissent, sauvent des vies, avec plus de 150 000 appels quotidiens. Eux sont la République.
M. Sylvain Maillard et M. Jean-René Cazeneuve applaudissent.
Permettez-moi de commencer par exprimer, au nom du groupe UDI-I, notre indignation face à l'agression qu'a subie le Président de la République et notre condamnation sans réserve de son ou de ses auteurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le Premier ministre, après une semaine de rencontres et d'échanges avec les formations politiques calédoniennes dans la perspective du troisième référendum d'autodétermination, et sous l'autorité du ministre des outre-mer, un cap a été fixé.
D'une part, la date du 12 décembre 2021 a été retenue pour l'organisation de la troisième et ultime consultation prévue par l'accord de Nouméa. Pour la première fois, le référendum sera éclairé, conformément à une attente que nous formulions de longue date : un document analysant les conséquences du oui et du non, préparé par les services de l'État, sera diffusé aux Calédoniens.
D'autre part, une nouvelle ère post-accord de Nouméa a été ouverte, la date du 30 juin 2023 ayant été arrêtée pour la tenue d'un référendum de projet visant, cette fois, l'approbation des nouvelles institutions calédoniennes.
Enfin, le Gouvernement a précisé que le chemin qui mène au référendum du 12 décembre sera, lui aussi, éclairé puisque la discussion sur l'avenir institutionnel doit nécessairement commencer avant la troisième consultation, même si elle ne pourra trouver sa validation définitive qu'après.
Mon collègue Philippe Gomès et moi-même serons reçus très prochainement par le ministre des outre-mer pour approfondir cette démarche d'autant plus indispensable que le résultat du deuxième référendum – 53 % contre 47 % – rend probable la victoire électorale d'une courte tête de l'un des deux camps.
Le Président de la République, lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie en mai 2018, faisant référence à notre histoire, avait déclaré : « Il est tellement difficile de tendre la main et il est tellement difficile d'accepter la main tendue, mais c'est bien ce qu'il fallait faire. »
Plus que jamais, à la veille du troisième référendum, il nous semble indispensable de garder cette phrase en mémoire. Comment le Gouvernement entend-il prolonger dans les prochains mois la dynamique engagée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Monsieur le député, je vous remercie d'avoir assez bien résumé ce qui s'est passé la semaine dernière à l'occasion de la visite à Paris d'une délégation de représentants de différentes formations de Nouvelle-Calédonie. Vous avez vous-même été reçu par le ministre des outre-mer et par moi-même. Je voudrais d'ailleurs souligner devant la représentation nationale l'important travail préparatoire qui avait précédé cette séance de concertation, conduite, vous l'avez rappelé, sous la houlette du ministre des outre-mer.
Nous devons, sur tous les bancs, nous réjouir, me semble-t-il, de l'esprit de dialogue et de responsabilité qui a présidé à ces discussions et permis au Gouvernement, dont c'est la responsabilité, d'arrêter la date de la troisième consultation référendaire au 12 décembre prochain.
Ce n'était pas évident, vous le savez, monsieur le député : il fallait – et c'est la première fois – que nous éclairions de la façon la plus nette, non seulement les délégations qui sont venues, mais aussi l'ensemble des habitants de ce territoire sur les conséquences très précises du oui ou du non. C'est la première chose que nous avons faite.
Ensuite, il fallait, alors que nous souhaitons achever ce cycle dit de l'accord de Nouméa, préparer la phase suivante et entamer sans délai la concertation : la concertation encore, la concertation toujours. C'est parti et, nous l'espérons, bien parti.
Troisième élément, que vous n'avez pas précisé mais que je veux rappeler à la représentation nationale : nous avons invité les parties, et l'État y prendra toute sa part, non seulement à discuter des questions institutionnelles majeures pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, mais également à s'emparer de la question de la réduction des inégalités et du développement économique de ce territoire, qui est une composante essentielle au succès de la démarche que nous avons entamée avec eux.
Qu'allons-nous faire, demandez-vous ? Eh bien nous allons poursuivre dans cette voie, celle du dialogue et de la concertation, pour essayer d'inventer ensemble un avenir nouveau pour la Nouvelle-Calédonie.
M. Philippe Gomès et M. Thierry Benoit applaudissent.
Il y a un peu plus d'un an, ici à l'Assemblée, tous les soirs à vingt heures, vous étiez là, fiers, à applaudir les soignants. Aujourd'hui, une fois encore, dans un silence assourdissant, les personnels hospitaliers sont en grève. Où est la belle époque des applaudissements, des héros et du « quoi qu'il en coûte » ?
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le 19 février dernier je vous interpellais sur vos actions visant à rappeler les soignants ayant quitté leur métier. Fait rare et inattendu, vous sembliez ce jour-là disposé à l'écoute et prompt à la promesse : vous avez alors promis d'agir et de nous donner les chiffres. Alors, où sont les chiffres ? Où sont tous les soignants qui devaient revenir ?
Le virus est-il en pause actuellement ? Non, les services de réanimation ne désemplissent pas et il nous reste à rattraper le retard dû aux déprogrammations. Jusqu'à dix-huit mois de suractivité sont nécessaires pour revenir à une situation qui n'était déjà pas brillante.
M. Jean Lassalle applaudit.
Comment comptez-vous gérer ce surplus considérable d'interventions ? Avec qui, avec quels moyens et dans quelles conditions ?
Partout, dans notre pays, les démissions s'enchaînent. Les absences pour cause de maladie sont le quotidien des services de ressources humaines de nos structures de santé. Les délais pour une opération, bénigne il y a encore quelques mois et devenue vitale aujourd'hui, s'allongent. Les soignants se mobilisent à nouveau et à nouveau vous les méprisez.
Alors, monsieur le ministre, où sont les chiffres ? Pas ceux des fermetures qui continuent, pas ceux des réductions budgétaires programmées : où sont les chiffres des vraies augmentations de salaire des soignants, des recrutements et d'une reconstruction programmée de l'hôpital public, pour que la santé soit enfin un bien commun ?
MM. Ugo Bernalicis, Stéphane Peu et Sébastien Jumel applaudissent.
Sur les 4 000 lits à la demande que le Ségur s'était engagé à ouvrir, plus de 3 000 ont déjà été ouverts en quelques mois. Ce n'était pas arrivé depuis quinze ou vingt ans dans l'histoire de l'hôpital de notre pays.
Vous posez la question de la hausse des salaires, mais vous connaissez le chiffre : c'est près de 9 milliards d'euros.
Vous le savez car vous ne l'avez pas voté, madame la députée.
C'est 183 euros nets par mois pour 1,5 million de salariés de l'hôpital, soignants et non-soignants, sans compter les revalorisations des grilles salariales qui autorisent en moyenne des gains de 50 euros, mais qui permettront en réalité à des infirmières en fin de carrière de percevoir non pas 300 euros supplémentaires, mais 500 voire 600 euros.
Ce sont les plus fortes hausses salariales jamais rencontrées dans l'histoire de l'hôpital de notre pays.
Il y a eu, à cette fin, non pas un ni deux, mais trois accords majoritaires signés avec les syndicats. Je suis sûr que vous êtes respectueuse du dialogue social et du fonctionnement des syndicats.
Eh bien, sachez que Force ouvrière, la CFDT, l'UNSA ont signé, à trois reprises – la dernière fois, il y a dix jours, j'étais présent avec Mme Brigitte Bourguignon –, les avenants au Ségur, dans le cadre d'accords majoritaires.
M. Christian Hutin proteste.
Monsieur le député, vous n'êtes pas obligé de me hurler dessus ou de hurler sur tous les intervenants.
Nous essayons de répondre calmement.
Madame la députée, vous posez la question de la déprogrammation. Il n'y a pas, fort heureusement, dix-huit mois de déprogrammation de soins à l'hôpital.
Nous avons eu, pendant la dernière vague, jusqu'à 60 % de déprogrammations en moyenne, sur une période de six à sept semaines, ce qui va, certes, nécessiter des efforts de reprogrammation des soins, avec priorisation de la chirurgie en cancérologie et en matière de greffe et de prise en charge des pathologies chroniques. Nous avons demandé aux soignants de recommencer à reprendre tous les soins différés. Nous suivons la situation avec grande attention, parce que c'est la santé des Français qui est en jeu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Tout fonctionne tellement bien, monsieur le ministre, que les démissions continuent. Bravo à vous !
L'Assemblée mondiale de la santé a achevé ses travaux la semaine dernière avec des médecins du monde entier, du monde entier sauf de Taïwan. Ma question porte donc sur la position de la France sur la demande récurrente de Taïwan de participer à ces travaux, afin de mieux lutter contre la pandémie de covid-19 qui a provoqué 4 millions de morts sur la planète.
Parce que Taïwan a alerté le monde dès le mois de décembre 2019, parce que Taïwan a remarquablement maîtrisé la crise sanitaire, avec trente-cinq morts pour 23 millions d'habitants, comme si la France comptabilisait 100 morts au lieu de 110 000, parce que Taïwan a, aussi, remarquablement maîtrisé la crise économique, avec la plus forte croissance mondiale en 2020, parce qu'enfin la santé passe avant la politique et que le virus n'a pas de passeport, nous devons partager les informations, favoriser les échanges scientifiques, renforcer la veille sanitaire avec tout le monde, et donc avec Taïwan.
Cette situation est d'autant plus dommageable que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a prévu des modalités de participation pour des entités non étatiques et que Taïwan a participé à ses travaux jusqu'en 2016 mais n'a plus été conviée depuis.
Le Sénat a examiné et voté à l'unanimité une proposition de résolution. L'Assemblée nationale va elle-même déposer une proposition de résolution transpartisane soutenant la participation de Taïwan à l'OMS. Pouvez-vous rappeler la position de la France sur le sujet ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Hervé Berville et Mme Christine Pires Beaune applaudissent également.
Les principes, tout d'abord : la France reconnaît le gouvernement de la République populaire de Chine comme seul représentant de la Chine depuis 1964, et n'entretient pas de relations diplomatiques avec Taïwan. C'est une position constante,…
…engagée par le général de Gaulle.
La France développe des coopérations avec Taïwan dans le cadre exclusif de ce qu'il est convenu d'appeler la politique d'une seule Chine. La France considère, par ailleurs, que les relations entre les deux rives doivent reposer sur un dialogue constructif et qu'il est dans l'intérêt de tous que la voie du dialogue soit privilégiée, afin que la paix et la stabilité soient préservées dans le détroit de Taïwan.
S'agissant spécifiquement de la participation de Taïwan aux organisations internationales, nous y sommes favorables lorsque le statut des organisations le permet et que cette participation répond aux intérêts objectifs de la communauté internationale. C'est de toute évidence le cas de l'OMS. Il est clair, de plus, que, dans la lutte contre la pandémie, l'action collective requiert de couvrir l'ensemble des territoires. On sait, en outre, le rôle important qu'a joué Taïwan dans la lutte contre cette pandémie – vous y avez fait référence.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement français regrette vivement que Taïwan n'ait pas pu participer à la soixante-quatorzième session de l'Assemblée mondiale de la santé qui vient de se tenir, tout comme l'année précédente, alors qu'auparavant sa participation était possible et que, par ailleurs, Taïwan est membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sans aucune difficulté. Nous souhaitons que Taïwan soit, à l'avenir, associée aux travaux de l'OMS.
M. Hervé Berville, M. Philippe Berta et Mme Géraldine Bannier applaudissent.
Merci, monsieur le ministre. Ce qui vaut pour l'OMS vaut aussi pour l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), pour la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, pour la police criminelle avec Interpol… Cette demande est non seulement légitime pour Taïwan mais aussi et surtout utile pour tous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Le justiciable doit pouvoir prétendre à une justice protectrice et efficace, dans le domaine tant civil que pénal. Face à une crise de notre justice tant conjoncturelle que structurelle, Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, évoque une « désespérance collective » au sein de l'institution judiciaire. « Une perte de sens, un système à bout de souffle », dit également François Molins, procureur général : délais trop longs, difficultés de communication entre magistrats et avocats, multirécidivisme, sentiment de défiance, et nous, parlementaires, sommes régulièrement saisis par nos concitoyens.
Pourtant, depuis le début du quinquennat, nous avons adopté plusieurs textes relatifs à la justice, afin de renforcer ses moyens – ils augmenteront de 22 % au cours de la période 2018-2022 –, de simplifier ses procédures et de la rendre plus proche de nos concitoyens, d'augmenter le nombre d'agents grâce à la création de centaines d'emplois et, plus récemment encore, d'élaborer un nouveau code de la justice pénale des mineurs.
La police et la justice ont tour à tour fait l'objet d'attaques ces derniers mois. Elles forment pourtant un couple au cœur du pacte républicain. On les oppose, alors que leur coopération est la garantie d'un service public bien rendu. Les agents qui ont manifesté récemment souhaitaient exprimer leurs inquiétudes face à la dégradation continue de leur travail. Aussi le Président de la République a-t-il lancé les états généraux de la justice pour mener une réflexion sur l'organisation de notre appareil judiciaire et formuler des propositions visant à régler des problèmes connus de tous, mais jamais vraiment résolus.
Monsieur le garde des sceaux, je ne doute pas que les déclarations des professionnels vous interpellent. Vous aurez la charge d'organiser les états généraux de la justice : je souhaite que vous nous présentiez les modalités d'organisation et les objectifs de cette démarche et que vous précisiez quelle sera éventuellement l'implication des parlementaires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie d'avoir rappelé les actions que nous avons engagées, sous l'impulsion de M. le Premier ministre, depuis que je suis à la chancellerie. L'une d'entre elles, non la moindre, est la justice de proximité déclinée au pénal et au civil. Certains feignent de n'avoir rien vu, d'autres font semblant d'ignorer : je vous remercie, en tout cas, d'avoir rappelé ce que nous avons fait.
Reste qu'il n'y a pas que cette gifle scandaleuse infligée au Président de la République : le fait de traiter les policiers de « barbares » procède du même effondrement de l'État de droit ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
tout comme le fait de dire que la justice est le seul problème de la police ou de se lancer dans une surenchère populiste, à des fins purement démagogiques, en proposant des mesures dont chacun sait qu'elles sont inconstitutionnelles.
Nous devons faire face à cet effondrement de l'État de droit et redire à la justice la place essentielle qu'elle occupe. Cela ne signifie en rien être complaisant ! Les dysfonctionnements doivent bien entendu être sanctionnés, mais il nous faut défendre la police et la justice de manière républicaine.
Je l'ai dit tout à l'heure et vous venez de le rappeler : les plus hauts magistrats de notre pays ont demandé au Président de la République des états généraux de la justice. Celui-ci m'a confié la tâche de les organiser. Tout d'abord, nous irons à la rencontre des citoyens avec des professionnels.
Les parlementaires seront associés et chacun pourra nous présenter sa proposition de façon claire et nette. Car la critique est bien plus difficile que l'art – c'est une réalité bien connue, que je n'ai pas inventée. Ensuite, bien sûr, tous les professionnels du monde de la justice seront appelés à participer aux réflexions sur les différentes thématiques liées à la justice. Un projet particulièrement ambitieux s'engage donc.
Oui, monsieur le député, c'est magnifique. Merci pour votre enthousiasme !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous, vous ne faites rien !
M. Christian Hutin s'exclame. Brouhaha.
M. Christian Hutin continue de s'exclamer
Veuillez laisser parler votre collègue, monsieur Hutin ! Que vous interrompiez les autres n'est déjà pas agréable, mais c'est franchement indélicat quand il s'agit d'une collègue de votre groupe.
Mêmes mouvements
Je vous en prie ! Mme Untermaier a la parole et elle seule. Tenez-vous convenablement !
Vous avez la parole, madame Untermaier, si tant est que votre collègue vous laisse en placer une…
Exclamations sur divers bancs.
…je voudrais dénoncer, dis-je, l'agression dont a été victime le Président de la République : elle constitue une injure à notre démocratie et à nos institutions.
Applaudissements sur tous les bancs.
Le 2 juin dernier, les services d'appel dédiés aux urgences ont été inaccessibles durant sept heures – des heures mortelles, interminables, aux conséquences tragiques que nous connaissons. Comment a-t-on pu confier à Orange la mission de remplir ce service public universel sans exiger un système de secours garantissant le fonctionnement, en cas de panne, d'un dispositif vital pour la population ? Mon intention, à travers cette question, est moins de pointer la réaction de l'État, dont je salue les acteurs, que d'insister sur la prévention.
Cette panne technique, inimaginable tant nous pensions que le fonctionnement du dispositif était garanti par l'existence d'un système de secours, a par ailleurs mis en lumière, de manière dramatique, la très grande fragilité de notre système d'accès aux soins : pas de médecins de proximité, pas de médecins de garde, personne sur le territoire pour prendre le relais de cette défaillance, qui est venue décupler l'inquiétude légitime des personnes vivant dans les déserts médicaux. Nous savons tous, ici, que les efforts des collectivités locales, prises quelquefois dans la surenchère, ne peuvent remplacer une vraie politique nationale de santé publique.
Ce qui vient de se passer est très grave. Au pire moment des tempêtes de 1999 ou de la tempête Xynthia de 2010, alors que la France était dévastée, le système de communication a toujours fonctionné. Nos concitoyens ne peuvent pas être à la merci d'un tel échec, qui jette par ailleurs un terrible doute sur l'ensemble des systèmes de sécurité de l'État. Alors, monsieur le Premier ministre, comment a-t-on pu en arriver là ? Quelles sont les procédures de vérification mises en œuvre ? À quel rythme et par qui sont-elles assurées ? Quels financements ont été prévus pour garantir la sécurité du dispositif ? Que dites-vous à nos concitoyens qui vivent déjà dans des déserts médicaux et qui constatent aujourd'hui qu'ils pourraient même être privés des soins d'urgence ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
J'ai déjà répondu à la question que vous soulevez, madame Untermaier. Rappelons que, dès dix-neuf heures, le 2 juin, les numéros d'urgence ont été remplacés par des numéros à dix chiffres, lesquels ont permis aux Français, informés en temps réel de cette modification temporaire, de pouvoir joindre les services d'urgence. C'est sous la coordination des préfets, avec les équipes des opérateurs, que l'ensemble des services de l'État, main dans la main, ont été mobilisés pour assurer la continuité des services d'urgence. Je veux de nouveau saluer leur travail et redire que, grâce à eux, huit appels sur dix ont pu aboutir.
Malgré tout, et sous réserve des conclusions des enquêtes administratives et judiciaires, cinq décès potentiellement imputables à ce grave dysfonctionnement seraient, hélas, à déplorer. En notre nom à tous, permettez-moi d'avoir une pensée pour les familles des victimes.
Notre responsabilité est maintenant de tirer tous les enseignements de ces graves dysfonctionnements et de prendre toutes les mesures qui s'imposeront pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise. Le Gouvernement, sous l'impulsion du Premier ministre, a décidé de lancer un audit formel de contrôle de la sécurité et de l'intégrité du réseau et des services d'Orange, afin de faire toute la lumière sur cet incident et de prendre les mesures nécessaires pour corriger les dysfonctionnements. En toute transparence, le Gouvernement rendra publiques les conclusions de cet audit, lequel lui sera remis dans un délai de deux mois. La société Orange doit également rendre des comptes et présentera le 11 juin les conclusions de son enquête interne. Elle est soumise à une obligation de résultat dans l'acheminement des appels d'urgence.
Madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, notre pays compte plus d'1,5 million d'associations, fortes de 16 millions de bénévoles. Ces chiffres démontrent la solidarité dont font preuve les Français. Les associations sont au cœur de la vie de nos communes : elles œuvrent au quotidien pour aider les personnes en difficulté et pour faire vivre la culture et le sport. Je pense au club de foot qui fait la fierté du village, à la troupe qui fait vibrer les planches du théâtre municipal ou encore à l'entreprise solidaire qui favorise la réinsertion et l'inclusion.
Toutes les associations sont indispensables. En effet, face aux défis sociétaux actuels, les acteurs associatifs sont des bâtisseurs incontournables du lien social. Bien souvent, ils permettent de rassembler toutes les bonnes volontés d'un territoire et contribuent ainsi, de manière utile, au développement local.
Toutefois, si l'action des associations n'a jamais été aussi essentielle, elles sont nombreuses à se retrouver aujourd'hui en difficulté car, comme les entreprises, elles n'ont pas été épargnées par la crise sanitaire : explosion des demandes pour celles qui assurent des missions de solidarité et baisse des cotisations pour les associations sportives, par exemple. Toutes partagent la même crainte face à l'avenir en soulignant leur manque de visibilité. Ces associations appellent aujourd'hui à l'aide et demandent un véritable soutien pour pérenniser leur activité et aborder l'avenir avec sérénité.
Vous le savez, madame la secrétaire d'État, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est fortement mobilisé aux côtés des associations depuis le début de la législature. Pour preuve, deux propositions de loi qui seront bientôt examinées par l'Assemblée nationale : la première, de notre collègue Sylvain Waserman, en faveur de l'engagement associatif ; la seconde, que vous connaissez bien puisque vous en êtes à l'origine, sur l'amélioration de la trésorerie des associations. Nous saisissons cette occasion pour vous demander quelles actions le Gouvernement entend soutenir pour assurer un avenir serein à notre tissu associatif.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Vous avez tout à fait raison : les associations font vivre nos territoires, elles sont diverses et elles ont toutes été percutées par la crise, quoique de manière plus ou moins forte. La mobilisation du Gouvernement à leurs côtés est totale. Nous tentons de répondre aux différentes conséquences de la crise sanitaire. Les associations font vibrer nos territoires, dont elles sont le visage. Elles sont absolument essentielles au lien social, auquel, je le sais, vous êtes particulièrement attachée.
Évidemment, nous avons d'abord apporté des réponses financières aux associations : 58 % d'entre elles, les associations employeurs, ont bénéficié du chômage partiel et plus de 48 % ont touché des aides financières. Je pense non seulement aux aides sectorielles, au fonds UrgencESS placé sous la responsabilité de ma collègue Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, mais aussi, bien sûr, au fonds d'urgence et de solidarité, qui a permis le versement de plus de 535 millions d'euros d'aides, ou encore au fonds de développement de la vie associative (FDVA), qui a bénéficié à plus de 12 000 associations.
Au-delà de ces aides financières, vous l'avez souligné, l'essentiel est aussi de favoriser l'engagement humain au sein des associations, lesquelles expriment le vif désir de retrouver leur vie d'avant et leurs activités. Avec le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, nous avons la volonté d'accompagner l'engagement des jeunes et des moins jeunes, en aidant les bénévoles à bâtir des protocoles et en facilitant les rapprochements. Ce soir même, le site associations.gouv.fr sera mis à jour pour permettre aux associations d'entrer en contact et de retrouver ce dont elles manquent le plus dans l'immédiat : le lien.
Notons, enfin, que cette année est un peu particulière puisque nous fêterons en 2021 les 120 ans de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, qui a marqué bien davantage que l'avènement d'un droit nouveau : une véritable conquête. Cette conquête, nous y tenons et nous la défendons à travers des mesures de relance telles que le pass culture, le pass'sport et les mesures de soutien aux associations. Croyez-le, madame la députée, le Gouvernement est entièrement mobilisé !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la pérennité des services de réanimation en France est une véritable inquiétude. La situation s'est considérablement dégradée en dix ans : au total, en 2021, 329 postes de médecins réanimateurs ne seront pas pourvus, contre 163 en 2012. Le mal est profond, puisqu'il manque un à deux médecins dans chaque service de réanimation, hors pandémie. La situation ne pourra qu'empirer si rien n'est fait rapidement. Les soignants sont épuisés, la surcharge de travail est devenue quotidienne et de nombreux départs de l'hôpital public sont à craindre. Les postes ouverts ces dix dernières années n'ont jamais été pourvus faute d'un nombre suffisant de médecins réanimateurs formés. Pour pouvoir prendre en charge les patients, 36 % des services de réanimation ont recours à des intérimaires. Or, outre son coût très élevé pour les finances publiques, le recours au personnel intérimaire joue un rôle négatif en matière de stabilité des équipes et de continuité du soin. L'abandon du numerus clausus pouvait laisser penser que les choses allaient s'améliorer, mais les facultés de médecine et les agences régionales de santé (ARS) n'ont ni les moyens, ni les locaux, ni les enseignants suffisants pour augmenter le nombre de places dans les formations médicales.
Il s'agit non pas d'un déficit de vocations, mais d'un manque d'anticipation quant aux moyens alloués à la formation des médecins. Seulement soixainte-dix places d'intensivistes sont ouvertes chaque année par décret ministériel, c'est-à-dire à peine de quoi compenser le nombre de départs à la retraite – ces derniers atteindront le chiffre de 300 dans les cinq ans. La situation est particulièrement inquiétante. Le énième report du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie est un signal supplémentaire du désintérêt de votre gouvernement pour la gestion du vieillissement dans notre pays. Qu'attendez-vous pour doubler le nombre d'internes en réanimation ? Quels moyens supplémentaires comptez-vous allouer aux ARS et aux facultés de médecine pour qu'elles puissent, enfin, former un nombre suffisant de soignants ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Si la crise sanitaire liée au covid-19 aura, en effet, montré que la France ne disposait pas d'un nombre suffisant de lits de réanimation pour faire face à une pandémie d'une telle ampleur, elle a aussi mis en lumière la grande réactivité de l'hôpital et des soignants. Ces derniers ont été capables de passer de 5 000 à près de 11 000 lits de réanimation quand cela s'est avéré nécessaire. Chaque fois qu'il a fallu augmenter le nombre de lits de réanimation, ils ont réussi à le faire.
La crise sanitaire a aussi montré la technicité et l'importance cruciale des infirmiers spécialistes. Je pense aux infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE) et aux infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE), très nombreux à intervenir tout au long de la crise. Il est évident que nous devons en tirer des conclusions s'agissant de la mobilisation du parc de réanimation, c'est-à-dire de la création et de la non-fermeture de lits.
Chacun des hôpitaux qui bénéficient du Ségur depuis son lancement a vu la différence : certains lits qui devaient être supprimés ne le seront finalement pas, d'autres sont rouverts ; chaque semaine, ou presque, j'ai l'occasion d'annoncer des dizaines de lits de réanimation et de soins intensifs supplémentaires. Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est en cours pour définir et répartir les besoins territorialisés en matière de réanimation ; elle s'attache à déterminer comment structurer la réanimation dans une France post-covid. Le rapport me sera rendu dans le courant de l'été et des décisions seront prises en conséquence.
Sachez aussi que nous avons supprimé le numerus clausus dans l'admission aux études de médecine : de plus en plus de médecins seront donc formés et, dès cette année, plus de 10 000 médecins seront admis en formation – vous voyez que le chiffre augmente puisque nous étions moins de 4 000 lorsque j'ai passé le concours, il n'y a pas si longtemps. Une attention particulière sera évidemment portée aux postes d'internes en anesthésie-réanimation et en médecine intensive-réanimation au moment des prochains choix d'internats, de manière à renforcer nos capacités en la matière, et il en est de même pour les IADE – infirmiers anesthésistes diplômés d'État.
M. Florian Bachelier applaudit.
Monsieur le ministre, le numerus clausus a en effet été supprimé mais les moyens des facultés de médecine sont toujours insuffisants. Il manque de professeurs, il manque de locaux et il n'est pas possible de former nos médecins !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, j'observe des Françaises et des Français qui, derrière leur masque, retrouvent le sourire et l'envie de faire, d'échanger, de vivre. Dès demain, une nouvelle étape très attendue du déconfinement aura lieu, qui devrait notamment être marquée par la réouverture des salles de fitness.
Ce secteur lourdement affecté par les fermetures administratives est impatient d'accueillir nos concitoyens dans le respect des règles sanitaires. Si, depuis le début de l'année, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont sonné la charge contre le virus grâce à une vaccination massive, nous devons maintenant proposer aux Français d'aller puiser de l'énergie dans nos centres de remise en forme. Une bonne condition physique et mentale est essentielle pour lutter contre la covid-19. Les Français le savent et se sont rendu compte que l'activité physique leur manquait cruellement.
Les salles de sport espèrent que cette prise de conscience stimulera non seulement la reprise de l'activité mais aussi la reprise économique du secteur, même si l'État est à son chevet depuis le début de la pandémie. Christophe Andanson, qui a lancé la Fédération française de fitness, me confiait ce matin qu'aucun pays dans le monde n'a fait autant que la France pour soutenir les entreprises de sport.
Monsieur le ministre, ce soutien à l'économie des salles de sport est le fruit d'une collaboration étroite entre le Gouvernement – en particulier Roxana Maracineanu, ministre déléguée aux sports, Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises et Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé –, les syndicats et les entreprises sportives. C'est de cette manière que l'on doit travailler et je vous en remercie.
Les entreprises sportives ont même imaginé et conçu un masque spécifique, décliné sous quatre formes et adapté à l'activité physique. Voilà la France qu'on aime !
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie d'avoir restitué au début de votre intervention cette atmosphère que nous ressentons tous et que nous désirions tous retrouver : le retour à la normale et le désir de vie, qui doivent se traduire concrètement et que le sport incarne tout particulièrement.
Je vous remercie aussi d'avoir souligné l'esprit de responsabilité de tous dans ces circonstances, et tout particulièrement celui des responsables de toutes les structures sportives, notamment des salles de sport. Ils ont dû traverser une période très difficile et ils l'ont fait de manière responsable : ils ont compris les mesures qui étaient prises et il est vrai qu'ils ont bénéficié d'un soutien important. Pour l'ensemble du monde sportif, près de 4 milliards d'euros ont été dépensés, sans l'application de mesures spécifiques. Nous savons qu'un désir de réouverture se fait aujourd'hui sentir.
C'est vrai, de ce point de vue, demain sera un jour de joie : nous allons rouvrir les salles de sport. En extérieur, les matchs de football ou de rugby pourront se dérouler comme auparavant ; en intérieur, la jauge sera d'abord limitée à 50 % et les contacts seront toujours interdits dans un premier temps. C'est le 29 juin prochain que les salles pourront rouvrir à 100 % et que les contacts seront de nouveau autorisés.
Les responsables concernés ont aussi fait preuve d'un grand sérieux dans la définition des protocoles permettant de rendre possible les gestes et l'action à l'intérieur des salles. Vous avez aussi mentionné le masque spécifique adapté au sport, que je porte comme vous. C'est notamment grâce au travail de Roxana Maracineanu qu'il a pu être validé par l'AFNOR – Association française de normalisation ; plusieurs fabricants en produisent, ce qui facilitera aussi les pratiques sportives.
Nous pouvons donc nous réjouir du retour du sport et de l'ensemble des compétitions sportives. Je salue le tournoi de tennis qui se déroule en ce moment même à Roland-Garros et le match de football France-Bulgarie de ce soir. Le retour du sport, c'est un peu le retour de la vie : bravo à tous les acteurs du sport pour leur résilience et, tout particulièrement, aux responsables des salles de sport fermées dont l'attitude fut très belle pendant la crise et qui sont désormais prêts pour la reprise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Avec plusieurs de mes collègues parlementaires de tous bords, nous étions à Redon, samedi, pour demander la réunification de la Bretagne.
M. Bertrand Pancher applaudit.
La revendication de la population en Bretagne ne faiblit pas. L'association Bretagne Réunie a récolté en 2018 500 000 signatures d'électeurs de Loire-Atlantique, soit 10 % du corps électoral, demandant l'organisation d'une véritable consultation de la population sur ce sujet.
Il s'agit de démocratie. C'est une demande historique et légitime de la population, qui souhaite ici exprimer son avis. Ce son de cloche est relayé par le conseil régional de Bretagne et le conseil départemental de Loire-Atlantique, ainsi que par les grandes villes de Bretagne : Nantes, Brest, Rennes, Saint-Nazaire, Saint-Herblain, Quimper, Vannes, Saint-Brieuc ou encore Guérande. Tous ont récemment adopté un vœu appelant l'État à organiser cette consultation.
L'association À la bretonne ! a commandé un sondage dont les résultats ont été publiés le 20 mai dernier. Ils sont clairs : 80 % des citoyens de Loire-Atlantique jugent légitime de pouvoir décider par référendum de leur retour éventuel en région Bretagne ; 66 % des habitants de la région Pays-de-la-Loire jugent, quant à eux, légitime que les citoyens de Loire-Atlantique puissent décider de leur avenir ; 64 % des Vendéens sont favorables à une évolution de leur département ; 54 % des habitants du Maine-et-Loire, de la Mayenne et de la Sarthe se prononcent pour que ces trois départements forment une région.
Ma question est donc simple : le Gouvernement est-il favorable à l'organisation de cette consultation ?
MM. Bertrand Pancher et Jean Lassalle applaudissent.
Le rattachement du département de la Loire-Atlantique à la Bretagne est une question très ancienne et, vous le savez, monsieur le député, il faut l'aborder avec beaucoup de sagesse et de responsabilité. Que ce soit en Bretagne ou ailleurs, la modification de la carte des départements et des régions est un exercice très encadré, et cela à raison puisqu'il peut porter atteinte à des équilibres territoriaux.
Comme vous le savez, les limites territoriales des régions ne peuvent être modifiées que par la loi. J'ajoute que l'organisation d'une consultation locale ne peut se faire que dans des conditions précises, dans le respect de la loi. Une collectivité territoriale ne peut pas organiser un référendum sur un sujet pour lequel elle n'a pas de compétences. Par ailleurs, en l'état actuel du droit et comme le prévoit la Constitution, sans mesure législative nouvelle, l'État n'est pas non plus en mesure d'organiser une consultation concernant une partie du territoire national.
Le Gouvernement est profondément attaché à la décentralisation et croit en la responsabilité des élus locaux, qui œuvrent au quotidien pour développer leur territoire. Ainsi, ce sujet doit faire l'objet d'une discussion au sein de chaque assemblée délibérante, pour que l'État puisse l'examiner de la manière la plus éclairée possible.
Je regrette que les demandes locales ne soient pas prises en compte et que les cartes des régions ne soient pas élaborées en concertation avec les intéressées : celles de 2015 constituent un fiasco total.
MM. Bertrand Pancher et Jean Lassalle applaudissent de manière répétée.
C'est bien le problème ! Que vont nous dire nos concitoyens ? « Monsieur le député, vous êtes bien gentil, vous voulez que nous allions voter mais, de toute façon, vous ne tenez pas compte de nos avis : donc à quoi bon ? »
Le groupe Agir ensemble condamne évidemment avec la plus grande fermeté l'agression du Président de la République, survenue dans la Drôme.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
« Qui ne peut attaquer le raisonnement, attaque le raisonneur », écrivait Paul Valéry. La violence n'a pas sa place dans le débat démocratique.
Monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, après plus d'une année éprouvante pour l'économie française, l'heure est aujourd'hui à la reprise économique et à la sortie progressive des dispositifs d'urgence, à la faveur d'une situation sanitaire qui, nous l'espérons, continuera de s'améliorer de jour en jour.
Mais la reprise économique est souvent associée à des pressions inflationnistes et à des pénuries temporaires. À l'international, la forte reprise, dopée par les divers plans de relance, a suscité des goulots d'étranglement, par exemple dans les secteurs des métaux industriels et des semi-conducteurs. Nous observons, en outre, avec une réelle inquiétude, l'envolée du cours du bois de charpente, à l'heure où les Français plébiscitent ce matériau à l'empreinte carbone réduite, notamment pour l'habitat individuel.
Dans nos territoires, les industriels du BTP – bâtiment et travaux publics – souffrent d'une hausse des prix et de délais de livraisons fortement accrus : cette situation risque de grever le redémarrage des TPE et des PME. À cette tension importante sur les matières premières s'ajoute un manque de main-d'œuvre dans certains secteurs, alors que les carnets de commande sont, par ailleurs, le plus souvent complets.
Quelles sont les principales pénuries identifiées par vos services ? Comment y répondent-ils pour minimiser leurs conséquences sur les entreprises et sur les consommateurs, et pour sécuriser nos chaînes d'approvisionnement ? S'agissant plus particulièrement de la filière bois, comment pourrait-on mieux la structurer au bénéfice des acteurs et des consommateurs français, en mettant notamment à profit les outils du plan de relance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Vous avez raison, monsieur le député : dans plusieurs secteurs d'activité, des entreprises font face à des augmentations importantes des prix de leur approvisionnement, voire à des pénuries ou à des arrêts temporaires. Cette situation résulte de multiples facteurs, tels qu'une reprise économique mondiale particulièrement vigoureuse et des difficultés sanitaires ou sociales dans certains pays fournisseurs.
Après avoir consulté les fédérations professionnelles représentatives du secteur, j'ai demandé aux acheteurs publics de l'État de veiller à ne pas appliquer de pénalités, lorsque les retards de livraison et d'exécution sont liés aux envolées des prix des matières premières ou à des pénuries. Je leur ai aussi demandé, quand cela est possible, d'accorder des reports de délais. L'ensemble des décideurs publics sont investis dans la relance de notre économie et doivent donc participer à cette démarche de soutien à nos entreprises.
Concernant la situation spécifique du secteur du bâtiment et des travaux publics, je vais instaurer une médiation de filière entre les différents acteurs, du producteur jusqu'au client final, en passant par les transformateurs et les distributeurs. L'objectif est d'identifier d'éventuels comportements abusifs et de sécuriser les approvisionnements ainsi que l'activité des entreprises.
S'agissant du recrutement, notamment dans les secteurs de l'HCR – hôtellerie, cafés, restauration – et de l'événementiel, où un manque de main-d'œuvre important est prévu, nous avons décidé non seulement d'étendre les aides exceptionnelles d'apprentissage et les primes à l'embauche jusqu'à la fin de l'année 2021, mais aussi de former plus particulièrement les personnes en recherche d'emploi aux métiers en tension, grâce au plan d'investissement dans les compétences (PIC). Nous devons redonner de l'attractivité aux métiers de l'hôtellerie et de la restauration : sur ce point, nous travaillons avec les organisations professionnelles pour sensibiliser les jeunes à la diversité des possibilités qu'offre le secteur.
Après la crise, il y aura le monde d'avant, votre monde d'avant et les réformes auxquelles vous n'avez pas renoncé : ce sont de mauvaises réformes. Après le « quoi qu'il en coûte » que chacun avait salué, il commencera à en coûter à beaucoup de nos concitoyens, d'abord aux plus modestes. Cela commencera le 1er juillet prochain avec la brutale réforme de l'assurance chômage, faite contre les partenaires sociaux – c'est une première depuis quarante ans, d'une grande brutalité contre le paritarisme. Dans quelques jours, le Conseil d'État examinera leur recours.
Vous avez durci les conditions d'entrée dans l'assurance chômage, les conditions pour s'y maintenir et les règles de calcul de l'allocation chômage : il en coûtera à tous ceux qui, bien malgré eux, alternent CDD et intérim. Sur les 2,8 millions de chômeurs qui entreront dans le système d'assurance chômage à partir du 1er janvier prochain, 1,15 million seront les perdants de votre réforme,…
…d'après les chiffres de l'UNEDIC. Leurs allocations baisseront en moyenne de 17 %, mais 365 000 d'entre eux les verront baisser de 30 % par rapport à la situation actuelle, puisqu'elles passeront de 885 à 662 euros. Parmi ces nombreux perdants, il y aura 340 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans. Et vous prétendez défendre la jeunesse !
Ce ne sont là pas seulement des chiffres : ce sont des vies, des vies abîmées dans tous nos territoires :…
…en Île-de-France, 200 000 perdants ; en Auvergne-Rhône-Alpes, 128 000 perdants ; en Nouvelle-Aquitaine, 100 000 perdants ; dans les Hauts-de-France, 110 000 perdants. Chez moi, dans les Landes, ils seront plus de 7 500 perdants, dont près de 2 200 jeunes ; dans la Sarthe, 9 600, dont 3 700 jeunes ; en Seine-Saint-Denis, plus de 33 000 dont plus de 8 000 jeunes.
Monsieur le Premier ministre, ce sont autant de familles que vous allez plonger dans la difficulté. Entendrez-vous enfin les partenaires sociaux, les parlementaires, les nombreux chômeurs qui paieront chèrement le retour du monde d'hier ? Allez-vous retirer cette réforme brutale ?
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Je m'étonne que vous défendiez autant un système injuste qui enferme des centaines de milliers de travailleurs dans la précarité.
Je m'en étonne d'autant plus, monsieur Vallaud, que lorsque le parti socialiste était au gouvernement, ce dernier défendait des réformes allant dans le même sens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Votre volonté de vous opposer ne doit pas conduire à accumuler les contre-vérités.
Je le répète : aucun demandeur d'emploi actuellement indemnisé, ou qui le sera au 1er juillet, ne verra son allocation baisser.
Le montant total des droits ne baissera pas. Votre présentation de la réforme est biaisée car, lorsque le montant mensuel de l'allocation sera plus bas, alors l'indemnisation sera plus longue. Les seuls demandeurs d'emploi dont l'allocation pourra, demain, être plus faible que dans le système actuel, sont ceux qui gagnent plus en étant au chômage que pendant la période durant laquelle ils n'y étaient pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons aussi été attentifs à la situation des demandeurs d'emploi : nous avons introduit un plancher, pour que les allocations ne soient pas trop basses.
Par ailleurs, nous voulons changer les comportements des entreprises pour éviter le recours excessif aux contrats courts. En quinze ans, on a enregistré une hausse de 250 % des contrats à durée déterminée de moins d'un mois. Vous trouvez peut-être cela satisfaisant, monsieur le député, moi je ne peux pas m'en satisfaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Notre premier devoir est d'accompagner les demandeurs d'emploi vers un emploi. C'est ce que nous faisons avec le plan d'investissement dans les compétences qui nous permet d'accompagner non pas 600 000 mais plus d'1 million d'entre eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre de la transition écologique, dans le cadre du volet « environnement » du projet de loi de finances pour 2021 puis du projet de loi « climat et résilience », a été définie dans l'hémicycle une stratégie nationale pour les aires protégées. L'objectif est de parvenir, d'ici à 2022, à 30 % d'aires protégées et 10 % de territoires sous protection forte. Il s'agit d'un saut qualitatif et quantitatif très important, puisque les zones dites de haute protection devraient être multipliées par cinq. Concrètement, dans ces espaces, toutes les activités humaines – en particulier l'agriculture, le pastoralisme et la chasse – susceptibles de compromettre les enjeux écologiques seront supprimées de manière pérenne.
Considérant l'impact de telles mesures sur les activités existantes, Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba, a annoncé des concertations avec toutes les parties prenantes, dont les chambres d'agriculture, pour arrêter des projets matures. Elles sont en cours. Selon les informations dont je dispose, la consultation, notamment celles des services de l'État et des instances agricoles, pour délimiter les périmètres des aires sous protection forte, n'a pas encore débuté dans le département du Haut-Rhin.
Face aux enjeux d'un tel texte, il est capital que la concertation annoncée ait bien lieu entre l'ensemble des représentants et des acteurs intervenant dans les zones potentiellement concernées par ces projets, notamment, chez nous, dans le parc naturel régional des Ballons des Vosges. C'est pourquoi je vous remercie de bien vouloir nous préciser quand vous comptez débuter ces consultations sur un sujet aussi sensible, car 2022, c'est demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez raison : il est très important de développer des aires protégées. C'est l'un des moyens que nous avons retenus pour lutter contre la perte de biodiversité qui a, vous le savez, des conséquences lourdes, ne serait-ce que pour les agriculteurs qui en ont besoin pour travailler. Ils sont les premiers cultivateurs de la biodiversité : c'est pourquoi nous travaillons aussi pour protéger les pollinisateurs ou les sols. Le plan de relance comporte, par exemple, des mesures destinées à planter des haies, refuges de biodiversité.
Notre pays compte déjà un grand nombre d'aires protégées. Avec le Président de la République, nous soutenons une stratégie internationale afin de protéger 30 % des aires marines et terrestres, dont 10 % sous protection forte. Cela nous permettra de lutter contre la déforestation, dont nous savons qu'elle peut avoir des effets délétères – je n'ai désormais malheureusement plus à vous démontrer que des zoonoses peuvent avoir des conséquences graves.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité, prépare actuellement la stratégie des aires protégées, qui a déjà été annoncée. Des concertations sont en cours dont je vous avoue que je n'ai pas en tête le calendrier – je ne savais pas que vous me poseriez cette question. Bérangère Abba est évidemment attentive à ce que toutes les parties prenantes soient consultées pour que chacune trouve sa place.
Je rappelle qu'il y a déjà, en France, des aires sous protection forte dans les cœurs des parcs nationaux, et que, pourtant, comme vous le constatez, des activités peuvent s'y dérouler. En tout cas, nous ferons toujours très attention à ce que la concertation inclue tous les acteurs.
Monsieur le Premier ministre, vous qui aimez les paysages alsaciens et vosgiens, je compte sur vous pour donner des instructions fermes afin que les futures zones sanctuarisées tiennent comptent effectivement du fait qu'elles constituent l'outil de travail des agriculteurs de montagne – Mme la ministre l'a bien dit –, confrontés à des conditions de travail très dures, notamment pour le nourrissage de leur bétail. Ils sont nos véritables jardiniers de la nature et…
Madame la ministre déléguée chargée de la ville, parfois stigmatisés, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont pourtant des lieux d'innovations dans lesquels habitants, élus locaux et associations font preuve d'une grande implication pour améliorer le quotidien de chacun. J'en veux pour preuve les diverses initiatives prises dans les différents QPV de Moselle Est avec le soutien des élus.
À Creutzwald, les centres sociaux de l'ASBH, l'Association d'action sociale et sportive du bassin houiller, aident les publics les plus fragiles à accéder à l'emploi grâce à des chantiers d'insertion très innovants. Pour permettre aux habitants de mieux vivre le confinement, l'association Audace's de Folschviller a créé un centre aéré virtuel pour tous. Afin de préparer l'avenir des enfants, le centre social ACCES – Association de coordination culturelle, éducative et sportive – de Hombourg-Haut a ouvert une école de robotique pour les initier à l'intelligence artificielle. Un partenariat avec plusieurs associations et la participation d'entrepreneurs a permis le déploiement du projet Valo'tti, en particulier à Saint-Avold, qui a pour ambition, grâce à des parcours ludiques, de remobiliser les jeunes des cités autour de la recherche d'un emploi durable adapté à leur personnalité.
Cependant, malgré l'implication exceptionnelle des acteurs locaux, les cités des politiques de la ville sont des territoires dans lesquels les inégalités restent criantes. Pauvreté, emploi précaire, chômage, échec scolaire et sentiment d'abandon font que l'équilibre social y demeure fragile et que les risques de débordements sont toujours bien présents.
La lutte contre ces écarts de chances, qui se sont amplifiés durant la crise, justifie pleinement la création de dispositifs adaptés à ces situations. Ayant moi-même travaillé durant près de dix ans pour la politique de la ville, je me réjouis fortement de tous les outils déjà mis en place. Mais nous devons aller encore plus loin et proposer un projet d'avenir à ces jeunes. Madame la ministre déléguée, vous avez annoncé, lors d'une conférence de presse, à Poitiers la création des labels « Cités de la jeunesse ». Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette expérimentation et son apport par rapport aux autres dispositifs existants ? Comme l'a dit notre président, il est dur d'être jeune actuellement.
C'est dur d'avoir 20 ans de nos jours : ça l'est d'autant plus pour les jeunes de nos quartiers de politique de la ville. Quand d'autres veulent les enfoncer dans un avenir de plus en plus sombre, nous souhaitons mettre en œuvre des politiques qui puissent redonner du sens et des perspectives, là où ils en ont le plus besoin.
Vous l'avez dit, madame la députée, dans nos quartiers naissent des initiatives innovantes et règne une volonté d'acier, celle de s'en sortir. Pour ce faire, nous accompagnons les jeunes grâce à des aides inédites que ma collègue Élisabeth Borne a rappelées tout à l'heure. C'est aussi tout l'engagement de Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Il reste que, souvent, les jeunes de nos quartiers sont désarçonnés face à la multitude d'offres dont ils sont les destinataires. Simplifier l'information, mieux les accompagner, c'est tout le travail du dernier kilomètre que nous devons coconstruire avec les élus locaux et tous les acteurs de terrain. Avec les « Cités de la jeunesse », nous labellisons des structures existantes qui agissent pour les 15-25 ans. Nous renforçons le soutien de l'État avec une aide qui peut aller jusqu'à 70 000 euros et un agrégateur d'opportunités, élaboré par la Fédération Léo-Lagrange, qui permet de centraliser toutes les informations destinées aux jeunes, toutes les mesures d'initiative, de l'échelon communal à l'échelon national. Dans un seul et même endroit, quelle que soit la demande, les jeunes trouveront une écoute attentive et active de la part d'un professionnel, et ils bénéficieront d'un suivi personnalisé. De l'insertion professionnelle jusqu'à l'offre culturelle, en passant par les associations sportives ou encore l'engagement, tout y sera concentré.
L'action du Gouvernement ne s'arrête pas là. Nous agissons de façon déterminée pour prévenir la délinquance juvénile grâce au déploiement des bataillons de la prévention. Nous souhaitons aussi offrir à nos jeunes un été culturel d'apprentissage et de loisirs. C'est le sens de l'effort développé par Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et Roselyne Bachelot, ministre de la culture, pour déployer un plan global pour la jeunesse, afin de créer un véritable accélérateur de sortie de crise.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. David Habib.
Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 137 à l'article 1er .
Les amendements identiques n° 137 de M. Patrick Hetzel, 340 de M. Xavier Breton, 726 de Mme Anne-Laure Blin et 1180 de M. Marc Le Fur, ainsi que le n° 819 de Mme Annie Genevard, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, sont défendus.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
L'amendement n° 819 n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 138 de M. Patrick Hetzel, 341 de M. Xavier Breton, 1181 de M. Marc Le Fur, 1511 de M. Julien Ravier et 1565 de Mme Josiane Corneloup sont défendus.
L'amendement n° 552 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 139 de M. Patrick Hetzel, 342 de M. Xavier Breton, 728 de Mme Anne-Laure Blin, 1146 de M. Thibault Bazin et 1182 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques n° 140 de M. Patrick Hetzel, 343 de M. Xavier Breton et 1183 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 861 , 870 , 1039 , 862 , 871 , 1147 , 31 , 958 , 330 , 525 , 325 , 30 et 10 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 861 et 870 , d'une part, et 862 et 871, d'autre part, sont identiques.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 861 .
Le don dirigé est strictement interdit, afin d'éviter la réalisation de gestations pour autrui. De plus, l'insémination d'un ovocyte provenant de la compagne de celle qui le porte contrevient très directement au principe de l'anonymat du don. Nous voyons bien que cette disposition contreviendrait à plusieurs principes éthiques importants, raison pour laquelle nous cherchons par cet amendement à réécrire l'alinéa 15 de l'article 1er .
Il a pour objet de prioriser l'utilisation des gamètes disponibles au sein du couple en cas de recours à l'aide médicale à la procréation (AMP) en rétablissant un principe fondateur de la loi de bioéthique de 1994 codifié à l'article L. 156 puis L. 2141-6 du code de la santé publique.
Compte tenu des tensions actuelles sur les stocks de gamètes – le ministre Olivier Véran ayant reconnu lors de son audition au Sénat une situation de « flux tendu » et un risque de pénurie – et de celles qui pourraient résulter des dispositions du projet de loi en matière d'ouverture de l'accès à l'assistance médicale à la procréation décidée simultanément avec la levée de l'anonymat des donneurs, il convient de ne pas imposer aux couples qui disposent des gamètes nécessaires pour procréer l'intervention d'un tiers donneur.
Par ailleurs, il convient de rappeler le principe fondamental souligné par M. Adrien Taquet en deuxième lecture et qui doit guider nos votes : il ne peut être pratiqué d'acte médical qui ne soit nécessaire et justifié. On privilégie donc d'abord l'insémination, puis la stimulation, et enfin, si nécessaire, la fécondation in vitro (FIV).
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur de la commission spéciale, pour soutenir l'amendement n° 958 .
Il vise à empêcher que les personnes ou les membres d'un couple en parcours d'AMP soient contraints de recourir à un don de gamètes, alors qu'ils disposent de leurs propres gamètes frais ou cryo-préservés. Il permet ainsi d'éviter que la technique de FIV-ROPA – fécondation in vitro avec réception des ovocytes de la partenaire – soit refusée aux couples de femmes ou encore d'assurer que les personnes, lorsque cela est possible, puissent procréer à l'aide de leurs propres gamètes.
Cette disposition est conforme à la réglementation prévoyant que les procédures d'AMP sont réalisées en priorité avec les gamètes du couple, avant de recourir à un don de gamètes ou d'embryon. Le projet de loi ouvrant le double don, à savoir la possibilité pour une femme receveuse de recevoir un don de spermatozoïdes et un don d'ovocytes, il apparaît incompréhensible qu'elle ne puisse pas recevoir d'ovocytes de sa compagne mais doive faire appel à des ovocytes provenant d'une tierce donneuse.
Cet amendement propose d'autoriser la pratique de la méthode dite ROPA dans le cadre du parcours de procréation médicalement assistée (PMA) des couples de lesbiennes. En effet, si le Gouvernement nous a opposé qu'il existe un risque de marchandisation du corps des femmes dans cette démarche, nous souhaitons effacer ses inquiétudes : cette méthode permet de lier les deux femmes à l'enfant à naître et il nous semble que vouloir l'empêcher, alors même qu'elle existe sans risque dans d'autres pays, constitue une forme de paternalisme de l'État.
Évidemment, dès lors que cette ROPA constituerait un danger pour l'un des membres du couple, de toute évidence le corps médical informerait dûment les femmes et ne pratiquerait pas l'assistance médicale.
Il propose d'autoriser la méthode dite de la ROPA, déjà autorisée dans plusieurs pays européens. Cette disposition avait été adoptée par notre commission spéciale en deuxième lecture, avant d'être supprimée en séance.
Cette méthode permettrait pourtant de respecter le principe selon lequel chacun des membres du couple candidat à l'AMP doit pouvoir disposer librement de ses gamètes. Grâce à celle-ci, une femme pourrait ainsi mettre à la disposition de sa conjointe ses ovocytes pour que cette dernière porte l'enfant. Enfin, cette disposition est conforme à l'objectif du projet de loi qui autorise le double don de gamètes.
Comme les amendements précédents, celui-ci vise à autoriser la ROPA, c'est-à-dire l'utilisation des gamètes de la partenaire dans le cadre d'une PMA. Toutefois, la version que je propose est un peu différente, car elle vise explicitement et uniquement les couples de femmes et est, à ce titre, plus restrictive que les amendements de mes collègues.
Bien que je sois évidemment favorable à une autorisation plus large et sans discrimination de cette pratique, je pense que nous faisons encore malheureusement face à des considérations dépassées de nos collègues, qui ne perçoivent pas l'évolution de notre société et les pratiques réelles.
Mon amendement s'inscrit donc dans une évolution minimale, mais parfaitement cohérente avec les objectifs de ce projet de loi. Il s'agit ainsi d'autoriser la ROPA avec une limitation, à mon sens malheureuse, en ne l'ouvrant qu'aux femmes. Le texte du Gouvernement visant l'ouverture de l'accès à la PMA à toutes les femmes, celle-ci doit s'organiser sans discrimination et donc sans obliger les unes à recourir à des dons quand les couples hétérosexuels n'y sont pas contraints.
Il faut aussi enfin reconnaître que l'on est femme, lorsque l'on est une femme trans, car il n'y a aucun doute à avoir à ce sujet. À ce titre, le projet de loi devra s'appliquer à toutes les femmes, cis ou trans, sans distinction. Mon amendement propose donc de permettre à tous les couples de femmes d'utiliser les gamètes disponibles dans le couple comme c'est le cas pour les couples hétérosexuels.
La commission a donné un avis défavorable à tous ces amendements, bien qu'ils soient contradictoires. Les premiers suggèrent d'interdire la ROPA, les autres de la recommander. En vérité, comme cela a été rappelé, la commission avait statué en deuxième lecture en faveur du recours à la ROPA, en vertu du principe édicté par l'Agence de la biomédecine dans son guide de bonnes pratiques, suivant lequel les gamètes des parents doivent être privilégiés en première intention par rapport à des gamètes extérieurs. Cela est d'ailleurs d'autant plus nécessaire qu'il existe une pénurie dans ce domaine, vouée à s'aggraver faute de campagne de sensibilisation au don. Le recours à la ROPA avait donc été accepté, avant d'être récusé.
La commission spéciale a donné la semaine dernière un avis défavorable à la totalité des amendements, tant à ceux opposés à la ROPA qu'à ceux qui la préconisent. Je laisse chacun se décider en son âme et conscience. Pour ce qui me concerne, il existe une logique dans ce domaine, encouragée par l'ensemble des praticiens et par l'ensemble des femmes concernées ainsi que par le bon sens qui veut, comme cela vient d'être décrit, qu'une femme stérile puisse bénéficier du don des ovocytes de sa compagne si elle le propose, plutôt que d'être inscrite sur une liste d'attente pour être satisfaite quelques années plus tard à partir d'un don d'ovocytes extérieurs.
L'argument qui avait été opposé à cette idée est d'ailleurs étonnant : il consiste à dire que cela ferait courir à un risque à la compagne. Le risque est-il plus important pour la compagne que pour la donneuse d'ovocytes non apparentée au couple qui va offrir ses ovocytes ?
Il y a une certaine logique à ce que les parents, les deux femmes, puissent contribuer à la conception – en particulier quand l'une est stérile. Je vous laisse donc décider en votre âme et conscience, mais j'émets personnellement un avis défavorable sur les premiers amendements d'interdiction et un avis favorable à titre personnel sur les amendements permettant de recourir – en tant que de besoin, bien entendu – à cette méthode.
Ces amendements en discussion commune poursuivent effectivement parfois des objectifs différents. Je vais donc prendre le temps, si vous m'y autorisez, de détailler les réponses du Gouvernement.
S'agissant des amendements identiques n° 861 et 870 de M. Patrick Hetzel et de M. Xavier Breton visant à interdire le don dirigé au sein d'un couple de femmes et exprimant une volonté partagée de maintenir le principe de l'anonymat du don, vous savez que ce principe, auquel le Gouvernement est évidemment très attaché, est déjà prévu dans la loi. C'est pourquoi nous formulons une demande de retrait ; sinon l'avis sera défavorable.
S'agissant de votre amendement n° 1039 , monsieur Brindeau, qui souhaite inscrire explicitement dans la loi que le don d'ovocytes de la compagne est interdit dans le cas d'un couple de femmes et ainsi faire obstacle à cette méthode dite de la ROPA, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir, nous avons pris position sur cette technique lors de nos débats précédents. Nous n'y sommes pas favorables pour des raisons que j'aurai l'occasion de développer, notamment en réponse aux amendements de vos collègues de la majorité.
Il n'est toutefois pas besoin, à l'inverse, d'inscrire une telle interdiction dans la loi puisque le don de gamètes ne peut être dirigé, y compris vers son partenaire. Le cadre actuel fait donc déjà obstacle à une telle pratique, raison pour laquelle je vous proposerai également, votre amendement étant satisfait, de le retirer, faute de quoi l'avis sera défavorable. Il en est de même pour les amendements identiques n° 862 et 871 de M. Patrick Hetzel et de M. Xavier Breton, ainsi que pour l'amendement n° 1147 de M. Thibault Bazin, qui visent les mêmes objectifs.
L'amendement n° 31 de M. Raphaël Gérard vise, quant à lui, à prioriser l'utilisation des gamètes au sein du couple, qui relève en réalité du don dirigé ou a, à tout le moins, cette implication. Or la loi ne le permet pas, puisqu'elle garantit, comme vous le savez, un anonymat strict entre donneur et receveur. Il est aisé de comprendre qu'en autorisant une dérogation dans le cadre d'un couple d'autres demandes se feront jour, pour justifier une extension des dons dirigés au-delà d'un couple. Le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur le principe d'anonymat au moment du don, c'est-à-dire de permettre au donneur ou au receveur de connaître leurs identités respectives. Les risques de pression financière ou morale entre le bénéficiaire et le donneur existent et ne peuvent être évacués – raison pour laquelle l'avis du Gouvernement est défavorable à cet amendement.
De la même façon, monsieur Leseul, nous exprimons un avis défavorable sur l'amendement n° 958 , ainsi que sur l'amendement n° 330 qui a été défendu par Mme Caroline Fiat. Avis défavorable également sur l'amendement n° 525 de M. Guillaume Chiche.
Enfin, l'avis est aussi défavorable, mais pour des raisons sensiblement différentes, à l'amendement n° 325 de Mme Sylvia Pinel. Cet amendement, qui vise à autoriser la méthode dite de la ROPA, touche au principe fondamental de la médecine consistant à ne pas pratiquer d'acte médical non nécessaire et non justifié médicalement, que M. le député Raphaël Gérard a évoqué précédemment.
Dans la grande majorité des cas, il suffit, pour aboutir à une grossesse au sein d'un couple de femmes, de procéder à une insémination artificielle. Or la ROPA suppose plusieurs stimulations ovariennes du membre du couple donneur d'ovocytes, qui viennent s'ajouter à la fécondation in vitro, au transfert d'embryons et à la congélation d'embryons. Nous sommes évidemment sensibles à la volonté de deux mères de participer au projet parental, mais cette conception de la double maternité entre en contradiction avec toute la philosophie de ce projet de loi, selon laquelle le projet parental repose sur l'amour que l'on souhaite donner à un enfant sans que la biologie prime.
Si nous considérons effectivement que les deux femmes membres du couple doivent participer à la fusion des gamètes pour être considérées l'une et l'autre comme mères, nous devons par ailleurs nous interroger sur notre vision de la parentalité pour les FIV avec tiers donneur dans un couple hétérosexuel. Tout le projet de loi repose sur le principe selon lequel un donneur de gamètes n'est pas forcément un père ou une mère, les parents étant ceux qui élèvent l'enfant et lui apportent amour et sécurité – cela a fait l'objet de nombreux débats entre nous hier soir –, raison pour laquelle nous exprimons un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur les amendements n° 30 et 10 de M. Raphaël Gérard et de Mme Laurence Vanceunebrock.
Monsieur le secrétaire d'État, nous partageons votre avis sur la ROPA pour plusieurs raisons : tout d'abord, parce que l'adoption de la ROPA contreviendrait à l'anonymat du don, qui est un principe clairement établi dans notre droit, et parce que c'est une forme de gestation pour autrui – certes, entre deux femmes : néanmoins l'accueil d'un embryon par une femme à partir de l'ovocyte d'une autre femme constitue une forme de GPA.
Plus encore, il y a chez les promoteurs de la ROPA la volonté d'accréditer l'illusion que l'enfant est celui de deux femmes – ce que vous appelez, monsieur le ministre, la double maternité.
C'est sur ce point que notre opposition est la plus forte : nous pensons que le lien biologique clair doit être privilégié, afin de ne pas ajouter de la confusion à la confusion. Enfin, en créant l'illusion de la double maternité, la ROPA signe l'effacement définitif du père, ou du moins de la branche masculine de la filiation. Pour nous, ce n'est pas acceptable : c'est une ligne rouge que nous ne voulons pas voir franchie.
L'obsession de certains, ainsi que du Gouvernement, à vouloir ériger la ROPA en ligne rouge, nous conduit à de véritables contradictions de fond. Elle va aussi, immanquablement, mettre le juge dans des situations délicates qui, in fine, seront tranchées par la Cour européenne des droits de l'homme, dont je ne doute pas qu'elle démontera point par point vos arguments, monsieur le secrétaire d'État.
Comment associer la ROPA à un don dirigé, alors que le code de la santé prévoit que le recours à un tiers donneur est le recours ultime en cas d'indisponibilité de matériel génétique dans le couple ? Vous considérez le projet parental tantôt comme un projet de couple ou de femmes seules, tantôt comme l'assemblage de deux volontés qui seraient étrangères l'une à l'autre. En allant par là, nous devrions accepter la PMA uniquement avec des tiers donneurs : on pourrait considérer que le matériel génétique masculin apporté par le père – ce qui est le cas dans la majorité des AMP – est aussi un don dirigé du père vers la mère.
Parce que cela vous arrange, parce qu'on considère qu'un couple de femmes et un couple hétérosexuel, au fond, ce n'est pas tout à fait la même chose,…
Il faut des gamètes mâles et des gamètes femelles pour faire un enfant !
…il faudrait tolérer que les droits de la mère sociale – dans un couple de femmes – ou du père – dans un couple hétérosexuel – soient différents. C'est, constitutionnellement, une discrimination fondée sur le sexe, ni plus ni moins.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne comprends pas votre réponse. Vous évoquez les risques en matière de santé pour la femme qui donne ses gamètes, mais ces risques existent pour toutes les donneuses. Je ne vois pas pourquoi on pourrait autoriser le don d'ovocytes de manière générale et ne pas l'autoriser dans ce cas-là.
Je souscris également aux propos de M. Gérard. Le double don de gamètes existe pour les couples hétérosexuels : nous créons donc une discrimination à l'égard des couples de femmes.
Cela pose un problème en droit – nous sommes là pour faire la loi. Nos amendements semblent conformes au principe éthique, puisque ce qui est permis aux couples hétérosexuels doit être permis aux couples de femmes.
Quant au risque médical, je n'entends pas votre argument : si le don d'ovocytes est dangereux et nécessite des traitements lourds – j'ai évoqué hier la souffrance qu'ils peuvent causer –, la situation est la même pour toutes les donneuses. Pourquoi certaines pourraient prendre le risque et pas d'autres ? Il nous faut avancer sur ce point.
Je ne comprends pas l'argumentaire du secrétaire d'État. Lors d'une PMA dans un couple hétérosexuel, on connaît le donneur et cela ne pose pas de problème : le don est dirigé. Je ne comprends donc pas pourquoi vous utilisez l'argument du don dirigé pour un couple de femmes qui a besoin d'un don d'ovocytes. Ce n'est pas plus un don dirigé dans un couple de femmes que dans un couple hétérosexuel.
Monsieur le secrétaire d'État, votre argument ne tient pas. Vous devriez reprendre vos fiches et demander une suspension de séance, afin de nous apporter une vraie réponse à ces amendements.
Les promoteurs de la ROPA oublient une chose très claire : pour un couple hétérosexuel, une AMP sans tiers donneur signifie qu'il lui est possible de concevoir l'enfant, à partir d'un gamète masculin et d'un gamète féminin.
Lorsque vous dites qu'il n'y a pas de don dirigé de l'ovocyte de la mère sociale vers celle qui portera l'enfant, vous omettez de dire qu'il faut un gamète masculin pour que cela fonctionne.
C'est donc bien un don dirigé et une logique de gestation pour autrui, même si c'est un couple.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Mais oui ! C'est une gestation pour autrui, que vous n'arriverez pas ensuite à interdire dans d'autres situations sociales – couples ou familles multi-personnelles. Ne l'oubliez pas, lorsque vous dites que la situation est la même que dans les couples hétérosexuels.
Non, la situation biologique n'étant pas la même, elle ne peut emporter les mêmes conséquences juridiques.
Je voudrais ajouter un argument en faveur de la ROPA : beaucoup de couples de femmes attendent l'adoption du projet de loi pour faire aboutir leur projet d'enfant. Avec la ROPA, on peut l'accélérer. Pour les couples de femmes concernés, il ira beaucoup plus vite que de devoir attendre un don d'ovocytes. C'est un argument important dans ce débat, en plus des autres arguments en faveur de la ROPA développés par plusieurs de mes collègues.
J'ai écouté très attentivement l'argumentation de M. Brindeau. Faisons attention : nous sommes en train d'opérer une discrimination à l'égard des femmes. Il y en a déjà plusieurs dans le texte, n'en ajoutons pas en traitant moins bien les femmes que les hommes ! Vous dites que cette discrimination doit même concerner les gamètes : les gamètes féminins n'auraient pas les mêmes droits que les gamètes masculins. Je veux bien entendre que nous sommes dans une société paternalistes, mais là, ça va loin !
Je souhaite simplement rappeler que nous vivons dans une société schématisée,…
…dans laquelle il est difficile, encore en 2021, pour un petit garçon de commander une poupée pour Noël ; où l'on achète un pyjama bleu pour la naissance d'un garçon et rose pour celle d'une fille.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et UDI-I – Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Nous venons de passer une séance de questions au Gouvernement à applaudir méthodiquement pour condamner une gifle et à dire que la démocratie consiste à laisser parler les gens. Alors, merci de me laisser parler !
S'il vous plaît, sortons de ces schémas dépassés ! Oui, un petit garçon peut jouer à la poupée ; oui, une petite fille peut jouer aux voitures ; oui, deux femmes peuvent concevoir un enfant…
…et partager des gamètes – c'est l'objet de notre amendement. Parce que nous sommes en 2021 : il faut vivre et avancer !
L'amendement a pour objet de dire que c'est possible. Ce n'est pas un don dirigé, ou alors il faudra expliquer aux couples hétérosexuels que monsieur ne peut plus donner son gamète à madame, puisque c'est un don dirigé. Cela nous ferait retourner très en arrière, ce que personne ne souhaite sur ces bancs je pense.
Premièrement, en votant l'article 1er , nous mettrons fin à une discrimination. Ne laissons pas croire à celles et à ceux qui nous regardent que nous en créerions une nouvelle…
…en n'adoptant pas la ROPA. De facto, nous mettons fin à une discrimination envers les femmes en permettant à chacune d'entre elles d'avoir accès l'AMP.
Murmures sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Laissez Mme Bergé s'exprimer ! C'est un sujet important, sur lequel M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur se sont exprimés de manière approfondie. Chaque orateur a ensuite pu prendre la parole correctement. Seule Mme Bergé a la parole.
Deuxièmement, nous avons à nouveau rejeté la ROPA en commission spéciale, parce qu'elle va à l'encontre même de la philosophie du texte et de ce que nous souhaitons défendre. Depuis le début de son examen, nous ne cessons de dire que celui qui fait un don n'est pas celui qui élèvera l'enfant et ne doit pas être reconnu comme le père ou la mère. Nous différencions bien celui qui fait le don de gamètes de celle qui va le recevoir. À partir du moment où on fait de facto un don dirigé dans un couple, cela signifie qu'on veut – et je peux comprendre la philosophie de celles et ceux qui le souhaitent – que les deux mères aient une place égale dans le couple : celle qui fournit le gamète et celle qui le reçoit. Mais cela va à l'encontre de l'idée que nous avons défendue : on est mère grâce à la PMA pour toutes, quand bien même ce n'est pas avec ses propres gamètes.
Les amendements viennent rompre la philosophie de l'anonymat du don : on ne fait pas de don dirigé. Nous faisons une vraie différence entre celui qui donne et qui n'est qu'un donneur, et celui qui reçoit, qui élève et qui devient le parent, au-delà des considérations médicales que le secrétaire d'État a expliquées – une FIV a des effets importants. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité maintenir cette clarté dans le débat. Elle nous a conduits à de nombreuses reprises – nous en sommes à la troisième lecture – à refuser l'introduction de la ROPA, non pas pour faire une discrimination, mais parce qu'on distingue le donneur de celui qui élèvera, aimera et sera le parent de l'enfant.
Mme Caroline Fiat proteste.
Mme Bergé dit que lorsque l'on supprime une discrimination, on n'en crée pas d'autres. C'est faux. C'est vrai qu'on supprime une discrimination,…
…mais on en crée d'autres, comme lorsque l'on refuse d'ouvrir la PMA aux personnes transgenres. Mais passons.
J'entends parfaitement l'argument de Mme Bergé selon lequel l'adoption de la ROPA reviendrait sur la logique relative au parent biologique. Je l'entends et, d'une certaine manière, je partageais encore cette position il y a peu.
Dans certaines situations, une femme peut porter un enfant, mais a besoin pour cela d'un don d'ovocytes. Dans le même temps, sa partenaire pourrait se trouver dans la situation inverse, c'est-à-dire ne pas pouvoir porter, mais avoir des ovocytes. Le don d'ovocytes est alors nécessaire. Pour ces cas-là au moins, nous devrions adopter le principe de la ROPA, car il n'y aurait pas de logique à le rejeter.
En allant jusqu'au bout de la logique de Mme Bergé, à partir du moment où la PMA existe, pourquoi autoriser, dans un couple hétérosexuel, l'utilisation des gamètes du père ? Le père n'est-il pas celui qui donne de l'amour, le père social ?
Des réalités existent : nous pouvons essayer d'aller plus loin, en disant que seul le père social compte, mais je pense que Les Républicains ne seraient pas d'accord.
C'est d'ailleurs pour cela qu'ils devraient soutenir la ROPA. En tout état de cause, pour les cas où les dons d'ovocytes sont nécessaires à la réalisation de la PMA, nous devrions autoriser la ROPA dans un couple.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement n° 1039 n'est pas adopté.
Il vise à réintroduire la notion de consentement à l'appariement. La commission spéciale de l'Assemblée nationale l'avait inscrite dans le texte lors de l'examen en deuxième lecture, mais elle a été supprimée en séance. Cette disposition est pourtant importante car le délai nécessaire pour trouver un donneur compatible varie d'un centre à l'autre, en fonction du stock de gamètes disponibles, ainsi que des contraintes d'appariement. Il s'agit d'assortir certaines caractéristiques morphologiques ou biologiques : l'origine ethnique est le premier critère, puis viennent les principaux traits morphologiques, comme la couleur de la peau, des cheveux, des yeux, et le groupe sanguin, lorsque cela est possible.
L'amendement que je défends tend à permettre aux membres du couple ou à la femme non mariée demandant un don de gamètes de refuser un appariement correspondant notamment à leur origine ethnique et à leur apparence physique. En effet, du fait de leur appartenance à un groupe minoritaire ethnique, certaines personnes peuvent voir leurs chances de trouver un donneur diminuer. D'après les données de l'Agence de la biomédecine, le délai moyen pour bénéficier d'un don d'ovocytes conforme aux critères d'appariement varie de un à trois ans, en fonction du nombre de donneuses qui se sont présentées dans le centre.
La ressemblance physique ne doit pas être une priorité si tel n'est pas le choix des candidats à l'AMP. Il faut donc les laisser accepter de refuser l'appariement, tant qu'il n'y a pas de contre-indication médicale.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement identique n° 957 .
Identique à celui défendu par Mme Pinel, il vise à réintroduire l'alinéa adopté en commission spéciale lors de l'examen en deuxième lecture, puis supprimé en séance.
Néanmoins, la logique est inversée : l'amendement initialement adopté tendait à conditionner l'appariement des caractères phénotypiques à l'accord du couple receveur ou de la femme receveuse. Nous proposons que l'appariement reste la norme, mais que le couple receveur ou la femme receveuse puissent s'y opposer.
En effet, il est surprenant qu'en amont d'une tentative d'AMP avec don, le couple receveur ne soit pas informé d'un appariement des caractères phénotypiques, ou qu'il ne puisse s'y opposer. Il s'agit d'une pratique qui consiste notamment à chercher un donneur dont les caractéristiques physiques et le groupe sanguin sont les plus proches possible de ceux du couple receveur. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a recommandé de l'encadrer. C'est l'objet de cet amendement, qui vise à prendre en considération l'éventuel refus des receveurs.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement n° 1557 .
Il a été déposé par Didier Martin et tend à autoriser les couples ou les femmes seules à refuser l'appariement. Cette pratique s'est peu à peu imposée comme normale lors d'une AMP, avec toutes les conséquences que l'on sait. Or beaucoup de futurs parents se moquent de savoir si leur enfant leur ressemblera.
La proposition de mon collègue vise notamment à accélérer les procédures. Les candidats à l'AMP de certains territoires, ultramarins en particulier, comme certaines personnes originaires de l'immigration, rencontrent parfois de vraies difficultés à trouver des gamètes qui remplissent les critères d'appariement, ce qui entraîne des délais souvent très longs. En outre-mer notamment, certains sont contraints d'aller à l'étranger, faute de gamètes disponibles.
La possibilité de refuser l'appariement serait un vrai progrès pour toutes et tous.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je comprends parfaitement la logique qui sous-tend ces amendements. Nous adhérons tous je crois à l'idée qu'il ne faut plus que l'appariement entrave l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA). Au fil des lectures, la commission a évolué sur cette disposition. On s'est aperçu que l'appariement faisait attendre certains couples très longtemps, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes issues de minorités ethniques, pour lesquelles très peu de donneurs correspondent aux critères, en métropole notamment. Il avait été suggéré d'inscrire dans la loi un alinéa précisant qu'il n'était pas obligatoire de respecter ce principe.
Dans un second temps, on a remarqué qu'aucun texte ne préconise l'appariement. Il s'agit seulement d'une pratique, regrettable, abusive, qui remonte à l'origine des dons, en un temps où tout le monde faisait comme si le père était le géniteur, ce qui conduisait à dissimuler l'existence d'un donneur extérieur. Ce manque de transparence impliquait de faire en sorte que l'enfant naisse avec une couleur de peau, de cheveux, d'yeux proche de celles de son parent, voire avec le même groupe sanguin. Ces principes ont abouti à des appariements excessifs, qui se sont révélés néfastes.
Il est vrai qu'il ne faut pas faire perdurer cette pratique. Cependant, ces amendements tendent à introduire le terme « appariement » dans le projet de loi, ce qui reviendrait à reconnaître cette pratique, à affirmer qu'elle doit avoir cours dans certaines circonstances. Pourtant, il n'existe pas de conditions qui la rendent nécessaire. Il faut s'en tenir à la volonté parentale : si les receveurs veulent attendre un appariement relatif, pourquoi pas, mais s'ils préfèrent un enfant peut-être plus éloigné de leur morphotype, mais sans attendre, qu'ils soient satisfaits.
Il nous a donc semblé beaucoup plus expédient et efficace d'agir par voie réglementaire, avec le concours de l'Agence de la biomédecine, afin de dire à tous les centres de prélèvement des gamètes, qui organisent les dons, de cesser la pratique excessive de l'appariement, pour simplement répondre à la demande parentale. Pour ne pas aggraver la situation en introduisant une notion qui n'existe pas officiellement, mais qui donne lieu à des pratiques abusives, la commission spéciale a décidé de vous demander de retirer ces amendements, sinon l'avis sera défavorable.
Avis défavorable aux trois amendements. D'une part, cette mesure ne relève pas de la loi. D'autre part, la demande est satisfaite, dans le cadre de guides de bonnes pratiques. Un arrêté du ministère des solidarités et de la santé précise : « Outre l'appariement résultant d'un facteur de risque relatif présent chez le donneur et le receveur, un appariement entre le couple receveur et le donneur ou la donneuse de gamètes prenant en compte les caractéristiques physiques et les groupes sanguins du couple receveur est proposé, dans la mesure du possible et si le couple le souhaite. »
Il était important de souligner ce point, je vous remercie d'en avoir donné l'occasion. Une fois encore, rien n'est imposé au couple ; le cas échéant, celui-ci ne choisit pas la caractéristique de l'appariement.
Je suis quelque peu étonné par les arguments du rapporteur et du ministre. Nous sommes en plein examen du projet de loi relatif à la bioéthique ; nous légiférons sur des sujets d'une grande importance, dont celui-ci. Vous nous dites, comme différentes commissions l'ont relevé, qu'une pratique déraisonnable a cours, mais vous ne proposez pas de l'interdire par la loi. Au contraire, vous nous renvoyez à un arrêté ministériel,…
Cet arrêté existe !
…or je ne crois pas que dans le domaine de l'éthique un arrêté ministériel ait davantage de valeur qu'une mention dans la loi. Je ne comprends donc pas que vous refusiez nos propositions.
L'amendement n° 1557 est retiré.
Je suis saisi de onze amendements, n° 103 , 46 , 1599 , 145 , 348 , 741 , 1188 , 146 , 349 , 744 et 1189 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 145 , 348 , 741 et 1188 sont identiques, ainsi que les amendements n° 146 , 349 , 744 et 1189 .
Les amendements n° 103 et 46 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1599 .
Il vise à lutter contre la conception d'embryons en surnombre et contre leur conservation. Jusqu'à présent, on prélevait à la femme plusieurs ovocytes, qu'il fallait féconder pour les conserver. Cependant, la congélation d'embryons humains suscite de graves réserves. On peut notamment se demander quelles sont les conséquences pour l'enfant, dont le développement embryonnaire a été suspendu plusieurs années. Il ne faut pas oublier non plus les interrogations du couple qui doit décider quoi faire des embryons congelés.
Il existe désormais une méthode de congélation ultrarapide, qui s'appelle la vitrification. Comme la loi de juillet 2011 l'autorise, elle permet de congeler des ovocytes, et non des embryons. On peut donc éviter de concevoir puis congeler des embryons en surnombre. Il me semble nécessaire de congeler plutôt des ovocytes, afin d'éviter des situations inextricables.
Les amendements identiques n° 145 de M. Patrick Hetzel, 348 de M. Xavier Breton, 741 de Mme Anne-Laure Blin et 1188 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques n° 146 de M. Patrick Hetzel, 349 de M. Xavier Breton, 744 de Mme Anne-Laure Blin et 1189 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Nos collègues ont raison beaucoup trop tôt et sont de très grands progressistes ! Ils se projettent dans une phase très avancée du XXI
Les embryons surnuméraires sont donc indispensables, il n'y a pas d'autre solution, faute de quoi il faudrait à nouveau convoquer la femme pour des stimulations ovariennes itératives, au détriment de sa santé. Si les techniques de vitrification d'ovocytes sont intéressantes et utiles, elles ne sauraient se substituer totalement à la production d'embryons surnuméraires.
Comme vous, j'aspire à voir diminuer la quantité, excessive, d'embryons surnuméraires présents dans les congélateurs des centres de fécondation in vitro. Cependant, les diminuer est une chose, les supprimer en est une autre. Nous serons encore condamnés à développer des embryons surnuméraires pendant quelques décennies, parce que nous ne savons pas faire autrement – tous les professionnels pourront vous l'expliquer clairement ; mais nous devrons le faire avec modération, pour éviter de pénaliser la santé des femmes concernées.
Même avis.
Nos collègues ont le mérite de poser une nouvelle fois une question qui a hanté nos débats depuis la première loi bioéthique. À l'époque, en 1994, les techniques de cryogénisation mises au point au Japon était interdites en France, ce qui nous a placés dans la situation, inextricable, d'avoir des embryons en surnombre. Depuis lors, la question se pose de connaître le statut des embryons surnuméraires. On a monté des usines à gaz permettant l'adoption d'embryons surnuméraires, et, pour ne pas les détruire, on a renvoyé la problématique à la loi bioéthique suivante : voilà pour l'histoire.
Les amendements de nos collègues sont plein de sagesse. Nous pourrions d'ailleurs nous inspirer de la prudence allemande en la matière,…
…puisque, en Allemagne, il est fait en sorte qu'il n'y ait pas d'embryons surnuméraires, pour que ne se pose pas la question de leur statut. J'ai longuement débattu avec notre cher rapporteur Alain Touraine sur ce point : quand commence la vie ? Nous étions d'ailleurs d'accord sur le fait que la vie commence à la conception, et que c'est un processus. L'adoption de ces amendements permettrait de régler ce problème.
…on passe de l'absence de vie, quand les gamètes sont séparés, à la vie, quand le fœtus est viable, avec, dans l'intervalle, des étapes, ce que tout le monde, intuitivement, reconnaît. Même ceux qui sont défavorables à l'IVG – interruption volontaire de grossesse – reconnaissent que la gravité n'est pas la même entre un infanticide, le meurtre d'un enfant déjà né, et l'implantation d'un stérilet, qui empêche un embryon de s'implanter dans l'utérus maternel. Tous savent que le regard que nous jetons sur l'embryon, potentialité d'être humain, est différent du celui que nous portons sur un enfant.
Nous n'aurons pas le temps de traiter de cette vaste question philosophique qu'est l'origine de la vie. Nous en sommes d'accord, il n'y a pas de moment magique ; le moment de la rencontre de l'ovocyte et du spermatozoïde, et de la fusion, est important mais il y a plusieurs étapes successives. C'est une chaîne progressive :…
C'est la raison pour laquelle je conteste l'expression d'enfant à naître, parfois appliquée à un embryon, parce que c'est un oxymore : un enfant est un être humain déjà né et non pas à naître. Si l'enfant né doit bénéficier de toute la protection possible, il n'en va pas de même pour l'embryon, qui n'est qu'une potentialité d'être d'humain même si nous considérons avec beaucoup de respect. Dans certains cas, ce dernier dispose d'une protection, dans d'autres cas il peut être détruit, comme c'est le cas des 100 000 à 200 000 embryons surnuméraires qui sont actuellement dans les congélateurs en France, sans avenir puisque surnuméraires. Ils n'ont vocation à être utilisés ni pour le développement d'enfants, ni pour la recherche : seuls quelques embryons sont nécessaires à celle-ci, la recherche sur les cellules souches utilisant un seul prélèvement, ensuite multiplié des millions de fois.
Ce sont donc des quantités infiniment plus faibles qui sont utilisées, les embryons restants étant tout simplement décongelés au bout de quelques années, donc détruits. Vous avez donc raison, il est opportun de ne pas multiplier le nombre des embryons congelés, de se montrer très parcimonieux, mais nous ne pouvons pas encore nous en dispenser.
Avis défavorable à ces amendements.
Je suis saisi de neuf amendements, n° 100 , 141 , 344 , 556 , 732 , 1042 , 1184 , 1568 et 1043 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 141 , 344 , 556 , 732 , 1042 , 1184 et 1568 sont identiques.
Les amendements n° 100 de Mme Emmanuelle Ménard, 141 de M. Patrick Hetzel, et 344 de M. Xavier Breton sont défendus.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 556 .
Il vise à interdire le double don de gamètes. Il est très important à mes yeux que l'enfant soit conçu avec les gamètes de l'un au moins des membres du couple.
Avis défavorable à toutes ces tentatives d'interdiction du double don de gamètes. Madame Genevard, lorsque l'on fait un don d'embryon, aucun des deux parents n'a fourni les gamètes de cet embryon, qui provient d'un autre couple : qu'il s'agisse d'un don d'embryon ou d'un double don de gamètes, dans les deux cas l'enfant naîtra sans avoir un quelconque patrimoine génétique en commun avec ses parents.
L'amendement n° 100 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1043 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1044 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1045 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 558 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 48 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La rédaction actuelle du texte évoque un projet parental, ce qui, en raison des principes d'égalité et d'équité, nous conduira inévitablement à passer de la PMA à la GPA – gestation pour autrui.
Les amendements identiques n° 345 de M. Xavier Breton, 737 de Mme Anne-Laure Blin, 1046 de Mme Valérie Six et 1185 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable à tous ces amendements, dont les auteurs ne croient pas au projet parental.
L'amendement n° 49 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 1047 de M. Pascal Brindeau et 1052 de Mme Agnès Thill, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
Les amendements identiques n° 143 de M. Patrick Hetzel, 346 de M. Xavier Breton, 738 de Mme Anne-Laure Blin et 1186 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Je suis défavorable à tous ces amendements qui refusent qu'une femme seule puisse être bénéficiaire de ces procédures.
Les amendements identiques n° 50 de Mme Emmanuelle Ménard, 144 de M. Patrick Hetzel, 347 de M. Xavier Breton, 739 de Mme Anne-Laure Blin, 1048 de Mme Agnès Thill, 1148 de M. Thibault Bazin et 1187 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements n° 51 de Mme Emmanuelle Ménard et 1049 de Mme Valérie Six, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
Les amendements identiques n° 52 de Mme Emmanuelle Ménard, 147 de M. Patrick Hetzel, 350 de M. Xavier Breton et 1191 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement n° 1050 .
Nous avons déjà débattu de ce point en première et en deuxième lecture : le texte évoque « un problème de qualité [qui] affecte les embryons », formulation qui peut choquer et gagnerait à être remplacée par les mots « les caractéristiques des embryons qui le nécessitent ».
La formulation proposée par M. Brindeau est plus floue que celle utilisée par le texte, et correspond moins à la réalité vécue dans les laboratoires. Il s'agit bien d'un problème de qualité, terme défini par les professionnels, plutôt que de caractéristiques, terme assez vague. Avis défavorable,« sauf si M. Brindeau le retire.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Nous avions déposé des amendements similaires ; nous n'avons pas pris la parole pour les défendre, en raison du temps législatif programmé. Nous considérons que la rédaction actuelle de l'article 1er pourrait ouvrir la porte à l'eugénisme. C'est cela, le problème. Nous ne souhaitons pas aller dans ce sens et nous le rappelons ici : votre rédaction présente un risque. Vous n'avez pas réussi à nous convaincre du contraire.
L'amendement n° 1050 n'est pas adopté.
Dans le même esprit, cet amendement est rédactionnel : il vise à préciser la définition du terme « qualité » qualifiant les embryons, afin d'éviter que ce terme ne serve de prétexte à un tri dans une perspective eugéniste.
La formulation que vous proposez est trop restrictive : la qualité des embryons ne peut être évaluée à l'aune de la seule biologie moléculaire. Si plusieurs cellules sont endommagées ou perdues, l'embryon ne sera pas de bonne qualité, alors même qu'il n'y aura pas d'atteinte moléculaire ; il y aura une atteinte cellulaire. Ainsi, vous voulez que soient implantés des embryons qui n'ont aucune chance d'arriver à leur terme car ils sont mal formés.
En commission spéciale, j'ai répété à M. Hetzel que le terme « qualité » des embryons, qui a été introduit par les professionnels il y a de nombreuses années, est celui qui correspond précisément à la réalité. En effet, il recouvre les anomalies cellulaires, moléculaires ou d'autres encore observées morphologiquement. Il ne porte en lui aucun risque de dérive eugéniste. Dès lors, il faut conserver la terminologie en vigueur depuis longtemps.
Avis défavorable.
L'amendement n° 1631 n'est pas adopté.
Ils visent à inscrire dans la loi le principe selon lequel la stimulation hormonale proposée lors de la PMA doit être adaptée à chaque situation.
Si la question de la stimulation hormonale est abordée dans le cadre des guides de bonnes pratiques – nous reviendrons sûrement sur cette question –, il est important de fixer dans la loi les principes généraux qui doivent l'encadrer afin de s'assurer qu'elle ne sera pas proposée lorsqu'elle n'est pas nécessaire.
Les stimulations hormonales sont fréquentes lors d'une PMA même lorsque l'infertilité n'est pas ovarienne. Ainsi, préalablement à l'insémination artificielle, la femme subira un traitement hormonal important, qui entraînera des effets indésirables et douloureux. Pourtant, une femme fertile peut disposer de six à huit follicules par ovaire sans stimulation. Il est ainsi très surprenant que même lorsque l'infertilité est exclusivement liée à l'homme, ce protocole ne soit pas révisé. Ces amendements visent à ce qu'il le soit afin que les différences des femmes du point de vue hormonal soient respectées lors d'une PMA.
Vous avez raison, il ne faut pas procéder à une stimulation hormonale qui ne serait pas nécessaire. C'est toute la question de la pertinence des soins, vaste question qui se pose pour presque toutes les thérapeutiques. Nous pourrions voter une loi sur chaque traitement pour affirmer qu'il est indispensable d'adapter chaque prescription aux circonstances. Ceci relève de la bonne pratique clinique ; il n'est pas souhaitable de le définir dans la loi, d'autant plus que celle-ci ne pourrait détailler ni les doses ni les modalités de prescription du traitement hormonal pour chaque femme particulière.
Si certains réalisent des stimulations hormonales inutiles, ils doivent être pénalisés. L'assurance maladie contrôle certaines pratiques dans certaines circonstances, par exemple si elle a l'impression que leur usage n'est pas opportun. Prescrire un médicament à bon escient ne relève pas de la loi mais de la déontologie médicale, contrôlée par les autorités chargées de surveiller la pertinence des prescriptions.
Même avis, pour les mêmes raisons.
J'entends les arguments du rapporteur ; je serais tenté de le suivre. Malheureusement, force est de constater – et de nombreuses études le montrent – qu'aujourd'hui, notre médecine, nos traitements médicaux, ont été conçus et développés par des hommes à destination des hommes. Les femmes subissent de nombreuses discriminations relatives aux traitements et à l'accès aux soins. L'amendement de notre collègue Gérard Leseul permettrait d'inscrire dans la loi des mesures claires pour qu'on prenne enfin conscience de ce problème et qu'on y apporte une réponse.
Je prendrai un autre exemple, celui de la mutilation des enfants intersexes. Le rapporteur Jean-François Eliaou l'a rappelé lors de la deuxième lecture :…
…des mutilations existent aujourd'hui en France, malgré le fait que les protocoles, le code de déontologie, etc., les prohibent. Je vois le rapporteur Jean-François Eliaou opiner. Nous avons besoin que le législateur le rappelle : halte, ça suffit, il faut cesser de réaliser sur les femmes des stimulations ovariennes qui ne sont pas nécessaires ! L'amendement de notre collègue Gérard Leseul nous en donne l'occasion.
J'entends que cela relève du domaine réglementaire. C'était aussi le cas de l'interdiction de l'utilisation des téléphones portables dans les collèges, que nous avons pourtant votée dans l'hémicycle. La santé des femmes est autrement plus importante que l'usage des téléphones portables dans les collèges !
J'entends également les arguments juridiques développés par M. le rapporteur, qui semblent justes. Néanmoins, je soutiendrai cet amendement car il pointe une réalité qui n'est pas marginale, mais constitue aujourd'hui la norme lors de la réalisation des procréations médicalement assistées. Nous disposons de données ; autour de moi, les nombreuses femmes qui ont eu recours à des FIV ou à des inséminations artificielles ont toutes subi la même stimulation ovarienne et ce, quel que soit le nombre de follicules – seize, huit, quatre ou vingt – dont elles disposaient au départ. Il ne s'agit pas de bonnes ou de mauvaises pratiques, mais de la norme. Nous constatons ensemble que cette norme doit être modifiée.
Je rejoins mon collègue Bastien Lachaud : les hommes, qui ont globalement conçu et pensé ce traitement, ont aussi voulu qu'on ne pense surtout pas que c'était de leur faute quand ils étaient stériles. En effet, du point de vue des normes et de la virilité, qui est un signe de force attribué aux hommes, faire en sorte que ce soit les femmes qui suivent un traitement revenait à dire que la stérilité ne pouvait venir que d'elles et non d'eux. Il faut y mettre fin.
Alors que les bénéfices et les risques de ce type de traitement doivent être évalués, cette estimation est mal réalisée. Si l'assistance médicale à la procréation constitue la technique la plus efficace pour connaître le bonheur d'avoir un enfant, lorsque la stimulation ovarienne n'est pas nécessaire, elle ne doit pas avoir lieu.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, rapporteur de la commission spéciale.
J'ai été interpellé très gentiment par M. Lachaud. Il ne s'agit pas du tout du même sujet.
La question que nous discutons maintenant ne relève pas forcément du domaine de la bioéthique, mais s'inscrit dans le cadre de l'optimisation des moyens permettant de satisfaire les couples stériles qui viennent consulter leur gynécologue obstétricien. C'est un point important : on essaie de mettre toutes les chances du côté du couple, notamment en obtenant le maximum d'ovocytes.
Bien entendu, ce processus ne va pas dans le même sens que celui de conservation des ovocytes et des embryons. Nous ne disposons pas aujourd'hui de moyens optimaux pour prédire le nombre d'ovocytes chez une femme et s'ils donneront, après fécondation par des spermatozoïdes, un nombre adéquat d'embryons ayant des capacités de nidation – c'est ce qui est important. En effet, le fait qu'un embryon soit de qualité ne suffit pas, encore faut-il qu'il se niche dans la muqueuse utérine de la mère. C'est d'ailleurs tout le sens de la recherche clinique sur l'embryon dans les quatorze jours qui est très importante, chers collègues du groupe Les Républicains : elle permettra d'optimiser les conditions de formation des ovocytes, de leur fécondation par les spermatozoïdes, et ainsi d'obtenir un nombre limité adéquat d'embryons. Mais pour l'instant, nous n'y sommes pas parvenus.
J'entends et j'adhère à l'idée que les traitements devraient être adaptés à chaque circonstance. Si vous avez l'impression que les pratiques ne sont pas adaptées, il faut saisir l'autorité qui est habilitée à établir les protocoles adéquats, la Haute Autorité de santé. Ce sont ces protocoles qui sont utilisés. Tous les traitements hormonaux auxquels certaines femmes sont soumises doivent être adaptés, quelle que soit la pathologie – insuffisance hormonale, cancer du sein, etc. –, et pas seulement ceux administrés dans le cadre de la stimulation ovarienne. Il n'y a aucune raison de singulariser une situation particulière.
Aujourd'hui, la stimulation ovarienne n'est pas réalisée de la même manière qu'il y a quinze ans et elle aura à nouveau changé dans dix ans, ces pratiques évoluant significativement. Inscrire dans la loi les modalités relatives à la pratique de la stimulation ovarienne n'est pas pertinent puisqu'elles seront rapidement dépassées. Ce sont ceux qui s'adressent au quotidien aux praticiens concernés qui peuvent encadrer cette pratique.
Enfin, vous craignez que des hommes imposent des traitements inadaptés à des femmes. De nos jours, davantage de femmes sortent des facultés de médecine que d'hommes ; il y a plus de médecins qui sont des femmes, en gynécologie comme dans d'autres spécialités. Croire qu'il y aurait des hommes animés de mauvaises intentions quant à l'utilisation des hormones pour la stimulation ovarienne ne correspond pas à la réalité.
Mme Elsa Faucillon et M. Bastien Lachaud protestent.
Les hormones, les antibiotiques ou tous les traitements, que ce soit dans le cadre d'une chimiothérapie ou d'autres protocoles, doivent être utilisés à bon escient, sous le contrôle d'agences sanitaires. Adressons-nous à elles, d'autant que ces protocoles varient année après année. J'adhère à l'objectif que vous recherchez mais ce n'est pas par ce moyen que nous y parviendrons.
Monsieur le rapporteur, merci pour vos propos. Nous n'examinons pas un texte définissant des modalités pratiques voire statistiques, comme le disait notre collègue Jean-François Eliaou. Nous examinons bien un texte de bioéthique visant à encadrer l'ensemble des pratiques. Nous discutons aujourd'hui de cet encadrement et il doit être inscrit dans le projet de loi. Il doit être un texte d'information, de transparence et non un texte technique – j'adhère tout à fait à votre point de vue. C'est pourquoi les amendements qui sont proposés ne visent pas à fixer des modalités mais un cadre adapté.
L'amendement n° 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 148 de M. Patrick Hetzel, 351 de M. Xavier Breton, 751 de Mme Anne-Laure Blin et 1193 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements n° 1053 de Mme Agnès Thill, 1054 et 1056 de M. Pascal Brindeau, 1055 de Mme Valérie Six et 1633 de Mme Agnès Thill sont défendus.
Je suis saisi de huit amendements, n° 1632 , 1475 , 892 , 1058 , 149 , 352 , 756 et 1194 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 149 , 352 , 756 et 1194 sont identiques.
L'amendement n° 1632 de Mme Agnès Thill est défendu.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 1475 .
Une fois que la loi aura été promulguée, il reviendra au notaire de recueillir le consentement du couple homosexuel ou de la femme seule lors du recours à un tiers donneur. Or, pour deux raisons, nous estimons que le juge devrait demeurer au cœur du droit à la procréation médicalement assistée. Premièrement, confier cette tâche au notaire reviendrait à banaliser, à déconsacrer ce moment important qu'est le recueil du consentement. Deuxièmement, et il s'agit à mes yeux du motif le plus important, à la différence du notaire, le juge appartient à un service public gratuit et accessible à toutes et tous.
Ce texte étend des droits et permet à des femmes qui ne sont pas aisées et qui n'avaient pas les moyens de se rendre à l'étranger d'avoir accès à un parcours de PMA. Nous corrigeons une inégalité, aussi n'en créons pas une nouvelle en confiant au notaire, qui n'appartient pas à un service public gratuit et accessible à toutes et tous, le recueil du consentement à un tiers donneur. Il me semble que ce serait contraire à la logique de l'article 1er .
Nous souhaitons également que le juge intervienne lors du recours à un tiers donneur, et ce pour une raison très simple : se préoccuper de l'intérêt supérieur de l'enfant et donc, par voie de conséquence, du plus faible. À nouveau, nous voyons que nous orientons la législation en fonction des désirs d'adultes, en passant complètement sous silence l'intérêt des plus faibles.
Les amendements identiques n° 352 de M. Xavier Breton, 756 de Mme Anne-Laure Blin et 1194 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces huit amendements ?
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice dispose qu'il revient désormais au notaire, et non plus au juge, de recueillir le consentement des couples hétérosexuels lors d'un recours à un tiers donneur. Avec ce texte, il en ira de même des couples homosexuels et des femmes seules. Il n'y a pas de raison de défaire en 2021 ce qui a été voté en 2019. Cette disposition, qui emporte la satisfaction de tous et qui avait été analysée par l'ensemble de l'appareil judiciaire, tient compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Même avis, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
L'amendement n° 554 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous raconterai une autre fois la genèse du temps législatif programmé, madame Blin. Vous verrez que, quand on appartient à votre camp, il convient d'en parler avec beaucoup de précaution.
Sourires. – M. Sacha Houlié applaudit.
Errare humanum est!
Sourires.
La rédaction actuelle de l'article 1er prévoit que « seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d'accueil ». Cet amendement vise à préciser que l'autorisation donnée à ces établissements provient du ministère chargé de la santé et de l'Agence de la biomédecine, afin d'éviter autant que possible les risques de détournement et de marchandisation.
Je comprends votre intention, mais une telle disposition serait de nature à compliquer les procédures. Vous souhaitez que tout soit centralisé sous l'égide du ministère de la santé au moment où, au contraire, nous cherchons à confier davantage de compétences aux régions. Sachez que cette autorisation dépend actuellement du directeur général de l'ARS – agence régionale de santé – concernée, après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie et de l'Agence de la biomédecine. Au total, trois autorités sont donc impliquées, l'une centrale – l'Agence de la biomédecine – et deux régionales, ce qui me paraît suffisant pour nous prémunir contre tout risque de dérive.
Je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion de rappeler combien les choses se déroulent dans de bonnes conditions. Je suis donc défavorable à une modification de cette procédure.
Même avis, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
L'amendement n° 1060 n'est pas adopté.
Il vise à supprimer l'alinéa 32, qui prévoit l'abrogation de l'article L. 2141-7 du code de la santé publique. Une telle disposition permettrait à un couple naturellement fertile d'accéder à un don de gamètes. Un pas serait donc franchi en direction de l'avènement d'une société eugéniste.
L'amendement n° 1061 de M. Pascal Brindeau est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Défavorable.
L'amendement n° 1062 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 152 de M. Patrick Hetzel, 355 de M. Xavier Breton, 765 de Mme Anne-Laure Blin et 1197 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1063 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'Assemblée nationale a tenu à préciser dans la loi la composition, du moins partielle, de l'équipe pluridisciplinaire des centres d'AMP et les professionnels auxquels celle-ci peut faire appel. Cet amendement vise à prévoir la présence obligatoire d'un pédopsychiatre au sein de l'équipe pluridisciplinaire évaluant les demandes d'AMP.
L'ajout d'un pédopsychiatre serait superfétatoire dans la mesure où l'équipe pluridisciplinaire peut déjà, en tant que de besoin, faire appel à un tel spécialiste. Imposer sa présence de manière systématique pour évaluer les demandes d'AMP de couples qui ne nécessitent aucunement une évaluation psychiatrique serait inutile et, en pratique, de toute façon irréalisable compte tenu du nombre disons… non excessif de pédopsychiatres dans notre pays.
L'amendement n° 1064 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à rendre l'évaluation médicale, psychologique et sociale systématique et non pas seulement éventuelle.
Je ferai la même remarque : il est des cas où la présence d'un assistant social est nécessaire et il en est d'autres ne présentant aucune problématique sociale. Il serait dommageable d'imposer à ces praticiens de divertir de leur temps pour assister à des entretiens auxquels ils ne pourront contribuer efficacement. Encore une fois, je ne crois pas que nous ayons des assistants sociaux en nombre excessif. Aussi, soit vous retirez votre amendement, en comptant sur la capacité de l'équipe pluridisciplinaire à faire appel à un assistant social lorsque c'est nécessaire, soit je rendrai un avis défavorable.
L'amendement n° 1066 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 561 de Mme Annie Genevard et 1065 de M. Pascal Brindeau sont défendus.
Les amendements identiques n° 153 de M. Patrick Hetzel, 356 de M. Xavier Breton, 766 de Mme Anne-Laure Blin et 1199 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Il s'agit à nouveau de l'intérêt supérieur, prioritaire, de l'enfant. Nous adhérons évidemment à cette idée sans qu'il soit nécessaire de le rappeler à chaque alinéa du texte.
Les amendements identiques n° 154 de M. Patrick Hetzel, 357 de M. Xavier Breton, 767 de Mme Anne-Laure Blin et 1200 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1067 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 155 de M. Patrick Hetzel, 358 de M. Xavier Breton, 768 de Mme Anne-Laure Blin et 1201 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1585 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il ne doit y avoir aucune discrimination dans l'ouverture de l'accès à la PMA. Avec certains collègues, nous martelons, depuis la première lecture du texte, ce principe qui est régulièrement remis en cause sur les bancs d'une certaine opposition. Il est temps, à l'occasion de cette nouvelle lecture, que le législateur exprime clairement sa volonté en la matière.
Cet amendement précise que l'évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée ne pourra jamais conduire à un refus d'accéder à la PMA qui serait fondé sur l'orientation sexuelle, le statut marital ou l'identité de genre du demandeur. D'autres motifs pourront évidemment justifier un refus, mais pas ceux-là.
Il faut impérativement se montrer clair à ce sujet car si la législation s'applique en principe sans discrimination en toute situation, on peut légitimement craindre que certains médecins ne profitent de l'occasion de l'évaluation médicale préalable pour refuser l'accès à la PMA pour des motifs subjectifs non médicaux. Le Conseil d'État avait d'ailleurs mis ce risque en avant dans son avis sur le projet de loi, conduisant notre assemblée à apporter, lors des précédentes lectures, la précision que l'amendement reprend.
Je souhaite obtenir l'appui de mes collègues car l'amendement est bien plus qu'une simple précision rédactionnelle : il s'agit d'un symbole fort pour ceux qui attendent l'application de ce texte. L'orientation sexuelle, le statut marital ou l'identité de genre du ou des futurs parents ne pourront jamais justifier un refus d'accès à l'assistance médicale à la procréation.
L'amendement n° 529 de M. Guillaume Chiche est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission a donné un avis défavorable, mais, à titre personnel, je suis favorable à l'adoption de ces amendements.
L'avis est défavorable. Avec vous, madame la députée, nous réaffirmons qu'il est indispensable que toutes les personnes qui ont recours à l'AMP bénéficient des mêmes conditions de prise en charge, d'une égalité réelle de traitement des dossiers et des mêmes délais d'accès aux techniques, ainsi que de la même écoute et accompagnement.
L'article L. 2141-2 du code de la santé publique, modifié par l'article 1er du projet de loi que nous examinons, garantit l'absence de discrimination. En outre, nous avons déjà débattu de l'importance de l'identité de genre. Pour ces raisons, l'avis est défavorable à ces deux amendements.
L'amendement n° 54 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à compléter l'alinéa 43 par les mots « pour raisons médicales ». Il est primordial que seules les AMP effectuées pour raisons médicales soient intégralement remboursées. La prise en charge de l'extension à la PMA pour toutes par la solidarité nationale n'est pas opportune puisque le texte que nous examinons valide officiellement un comportement privé.
L'amour relève de la gratuité – vous en parlez beaucoup –, même pour les penseurs matérialistes. En faire une prestation remboursable revient à imposer pratiquement et philosophiquement le règne de l'argent. Cela repose sur une confusion volontaire entre la santé publique et les options de vie personnelles, ainsi que sur l'effacement de la vocation thérapeutique de la médecine au profit d'une ingénierie du vivant forcément onéreuse – onéreuse pour tous et rentable pour certains. Ce texte prétend favoriser l'amour, mais il favorise en réalité l'argent. Enfin, n'oublions pas que de nombreux soins, pourtant indispensables, ne sont pas remboursés.
L'amendement n° 1068 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 156 de M. Patrick Hetzel, 359 de M. Xavier Breton et 1203 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Je suis saisi de quatre amendements, n° 157 , 360 , 1204 et 1602 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 157 de M. Patrick Hetzel, 360 de M. Xavier Breton et 1204 de M. Marc Le Fur sont identiques et défendus.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1602 .
Il s'agit de réintroduire un amendement adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Comme pour tous les actes médicaux, il convient de fournir aux candidats à l'AMP l'information la plus complète possible afin que leur consentement soit libre et éclairé.
Lors des précédents débats, le rapporteur avait refusé cette communication au motif que les informations seraient difficiles à fournir et les risques non étayés. Or les risques de la PMA sont bien réels, connus et très bien documentés à l'étranger – vous qui n'hésitez pas, monsieur le rapporteur, à mettre en avant des études étrangères, vous devriez y être sensible : il faut donc en informer les candidats à la PMA. L'exposé sommaire de l'amendement présente certaines de ces études.
Ce sont des médecins et des scientifiques pratiquant la PMA qui affirment que celle-ci entraîne des désordres médicaux, en raison notamment de la « manipulation mécanique des gamètes comme des embryons in vitro qui occasionne un stress cellulaire ainsi que des différences thermiques non physiologiques subies par les cellules embryonnaires dans un laboratoire ». Ce n'est pas moi qui pourrais inventer cela !
Un deuxième effet négatif de la PMA, trop rarement souligné, est son faible taux moyen d'efficacité, qui ne dépasse pas 16,9 %. Cela entraîne des déceptions immenses pour les femmes et les adultes désirant avoir un enfant.
La commission – de même que le Gouvernement, M. le secrétaire d'État nous le confirmera – s'est montrée constante et a toujours été défavorable à cet amendement, qui traite à l'emporte-pièce d'une situation complexe.
Depuis la naissance de la petite Louise Brown en 1978 grâce à Robert Edwards et Patrick Steptoe puis celle de la petite Amandine en France, 7 millions d'enfants ont été conçus par fécondation in vitro. Vous imaginez que la littérature scientifique sur le suivi de ces enfants est très riche : dans l'ensemble de ces études, il n'y a que très peu d'éléments établissant avec certitude des inconvénients significatifs. Des recherches sur les différences sont conduites, mais l'indice RR – l'indice du risque relatif – est si faible qu'il n'est pas possible de distinguer ces enfants des autres.
Pour établir l'existence d'un risque, il faut dresser une comparaison avec un élément identique. Dans de nombreux cas, les malformations ou autres difficultés qui adviennent – de l'ordre d'une pour 10 000 ou 20 000 naissances – ne sont pas liées à la procédure mais à la faible fertilité des parents, les fécondations in vitro ayant surtout été réalisées pour des couples hétérosexuels jusqu'à présent. Lorsque l'on compare les résultats entre fécondations naturelles et celles issues d'une AMP pour des parents présentant le même état, la plupart des différences disparaissent.
Enfin, même s'il était établi demain que des anomalies additionnelles surviennent parfois dans des couples de femmes homosexuelles, il faudrait regarder le nombre d'enfants car les anomalies sont plus fréquentes dans les grossesses de jumeaux ou de triplés que dans celles où il n'y a qu'un seul enfant. Or je ne vous apprends rien en vous disant qu'il y a plus de grossesses gémellaires dans les fécondations in vitro que dans les fécondations naturelles.
Il est donc très difficile d'attribuer une responsabilité directe, qui n'est néanmoins pas exclue, à ce mode de procréation. Il convient d'adopter une démarche prospective, de conduire des études additionnelles et d'améliorer les techniques, mais également d'avoir le bon sens de reconnaître qu'il n'existe aucune technique médicale qui ne présente pas le moindre risque de complications. Ce risque doit être rapporté au bénéfice attendu de procréer et d'avoir une famille.
Il serait dommageable d'informer les personnes de complications qui n'ont pas été prouvées. En revanche, dès le début de l'article 1er , le texte pose l'obligation d'éclairer les candidats à l'AMP de toutes les informations disponibles. L'explication doit être audible et je ne conseille pas à ces personnes de se pencher sur la quarantaine d'études scientifiques que j'ai lues pour faire plaisir à Mme Brocard et qui sont, pour la plupart, incompréhensibles pour des non-spécialistes. Les médecins qui reçoivent ces femmes doivent leur résumer les informations opportunes afin que celles-ci puissent prendre une décision éclairée.
L'avis est défavorable à ces amendements.
Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 1602 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 716 .
Il est le fruit d'échanges avec des chefs de service de PMA, notamment la professeure Nathalie Rives, présidente de la Fédération française des CECOS – centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains , qui veille à outiller davantage les équipes clinico-biologiques pour l'évaluation médicale des demandes des couples. Les critères restent insuffisamment harmonisés, si bien que les équipes se retrouvent souvent seules face à la décision, ce qui provoque un effet de vagabondage des couples qui sollicitent un autre service – en allant par exemple du public vers le privé – après avoir essuyé un refus. L'harmonisation des pratiques et des évaluations est donc nécessaire, et l'élaboration d'un référentiel national fondé sur des critères objectifs serait profitable aux équipes.
L'amendement n° 716 est en deçà du texte. Il importe, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, d'accroître la possibilité que celui-ci soit informé de l'existence d'un tiers donneur : cette question a été très débattue ces dernières années. Il y a beaucoup de dégâts chez les enfants nés d'un don lorsqu'ils apprennent à l'âge adulte que leur père n'est pas leur géniteur et qu'ils ont été conçus grâce à un donneur. Le silence, le mensonge même font des ravages. Pour l'intérêt supérieur de l'enfant, auquel vous êtes attachée, il faut inciter à ce que la vérité lui soit révélée dès l'enfance : nous préférons conserver le terme « inciter » afin que les candidats à l'AMP se persuadent de l'importance d'informer l'enfant de l'origine de sa conception.
L'avis est donc défavorable à cet amendement.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, vous ne m'avez pas répondu sur le bon amendement. Celui-ci porte sur l'outillage de l'évaluation médicale des équipes clinico-biologiques.
Sourires.
Nous débattons bien, je crois, de l'amendement n° 716 visant à supprimer l'incitation à l'information de l'enfant né d'un don.
Je présente mes excuses à M. le rapporteur, mes feuilles n'étaient pas bien rangées. Il a raison : l'amendement visait à remplacer le mot « inciter » par « informer », de façon à ne pas faire d'ingérence dans l'autorité parentale. Les parents doivent prendre seuls leur décision ; ils n'ont pas à subir d'influence, quelle qu'elle soit.
L'amendement n° 716 n'est pas adopté.
Nous traitons d'un sujet sensible : celui de savoir si les parents doivent ou non dire à l'enfant né par une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur qu'il est issu d'un don. Les réalités sociales ont d'abord fait que c'était une chose qu'on ne disait pas ; aujourd'hui, cela se dit davantage. Mais cela, ce n'est pas le droit, c'est ce qui se passe dans la société.
Quand une famille ne le dit pas, ce n'est pas un mensonge, monsieur le rapporteur, c'est un secret. Les secrets de famille, cela existe, et je crois qu'il faut conserver la possibilité pour les familles de faire ce choix. Ce qui est grave, c'est que nous allons légiférer dans ce domaine avec des expressions qui font un peu froid dans le dos. On lit : « Les membres du couple ou la femme non mariée sont incités à anticiper […]. » Qu'est-ce que cela veut dire, être incité ? On peut craindre le pire : comment va se faire l'incitation, sous quelle forme, par quelles pressions ?
Je le répète, on peut dire que l'information des parents vers l'enfant né avec un tiers donneur est souhaitable ou préférable, mais que la loi veuille les y obliger, qu'il y ait une intrusion de l'État dans la vie des familles, cela peut choquer beaucoup d'entre nous.
Les amendements n° 564 de Mme Annie Genevard, 770 de Mme Anne-Laure Blin et 1205 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Avis défavorable. Vous le savez bien, monsieur Breton : inciter, ce n'est pas obliger. Personne ne va mettre un pistolet sur la tempe des parents, au contraire, mais il va leur être expliqué que l'intérêt supérieur de leur enfant est que, avant d'avoir atteint l'âge adulte – et j'imagine avant même la puberté, avant cette période de l'adolescence parfois troublée –, cet enfant ait été confronté à la réalité. La réalité est d'ailleurs beaucoup facile à expliquer à un enfant en bas âge. Le texte défend donc l'intérêt de l'enfant.
Encore une fois, inciter, ce n'est pas contraindre. S'ils ne veulent pas le faire, ils ne le feront pas. Aujourd'hui, malheureusement, la majorité ne le font pas, et il y a ultérieurement des dégâts psychologiques chez ces enfants.
Inciter, c'est leur faire comprendre le bénéfice de l'information pour l'enfant, mais c'est aussi leur donner des moyens de la lui communiquer. J'imagine que certains parents ne savent pas trouver des mots qui soient audibles par un enfant de quatre ou sept ans. Il faut donc que des personnes spécialisées dans le développement de l'enfant puissent leur donner les éléments de langage, comme on dit aujourd'hui, qui leur permettront de parler utilement à leur enfant et de se préparer à cette question qui, pour lui, sera facile à accepter, qui ne remettra pas du tout en question la parentalité, mais qui lui fera comprendre qu'une aide extérieure, l'apport d'un gamète, a permis aux parents d'avoir un enfant, et à l'enfant de se développer dans cette famille-là.
Même avis, pour les mêmes raisons.
La réponse de M. le rapporteur, à défaut d'une réponse de M. le secrétaire d'État, est intéressante. Vous dites : « C'est l'intérêt supérieur de l'enfant. » La question est de savoir qui définit l'intérêt supérieur de l'enfant ! Dans votre conception, c'est l'État, c'est la loi, qui le définit. Mais les parents eux-mêmes sont capables de définir ce qu'est l'intérêt supérieur de leur enfant. Sur des sujets comme celui du don pour une assistance médicale à la procréation, est-ce à l'État d'interférer ? Les familles ne sont-elles pas suffisamment responsables et mûres pour décider de partager cette information ? Elles seront informées du fait que c'est souhaitable pour le développement de l'enfant. Dans la société, d'une certaine manière, on va les y inciter. Mais que la loi veuille le faire parce que c'est l'État qui a défini l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est vraiment une intrusion dans la vie des familles.
Sans chercher la polémique, je veux dire que les mots ont leur importance dans la loi. Quiconque regarde dans tous les dictionnaires qui existent verra la différence entre le mot « obliger » et le mot « inciter ». Inciter, c'est expliquer aux parents l'importance d'expliquer aux enfants nés et à naître d'où ils viennent ; en aucun cas cela ne veut dire obliger. Vous nous parlez du secret, des secrets de famille. Chaque famille a ses secrets.
Oui, heureusement, et c'est pour cela qu'il ne sera pas écrit dans la loi « obliger »,…
…mais « inciter », pour encourager les familles à parler avec leurs enfants, nés et à naître, de leurs origines.
Si vous vous rappelez bien, lors des auditions, René Frydman lui-même avait déconseillé d'obliger. Il y voyait une intrusion dans la vie des familles. Ce qui est préjudiciable à l'enfant, c'est la révélation fortuite, mais que les familles fassent le choix de taire l'origine, c'est un choix respectable. Je trouve qu'il y a là un débordement de notre pouvoir législatif : je ne crois pas souhaitable d'obliger les familles à dire.
Nous n'avons pas tous la même conception de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les amendements identiques n° 159 de M. Patrick Hetzel, 362 de M. Xavier Breton, 774 de Mme Anne-Laure Blin et 1206 de M. Marc Le Fur par sont défendus.
Les amendements identiques n° 160 de M. Patrick Hetzel, 363 de M. Xavier Breton, 775 de Mme Anne-Laure Blin et 1207de M. Marc Le Fur sont défendus.
Sur l'article 1er , je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 162 de M. Patrick Hetzel, 365 de M. Xavier Breton, 777 de Mme Anne-Laure Blin et 1210 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1603 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 161 de M. Patrick Hetzel, 364 de M. Xavier Breton, 776 de Mme Anne-Laure Blin et 1208 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1634 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 1070 de Mme Valérie Six, 163 de M. Patrick Hetzel, 366 de M. Xavier Breton, 778 de Mme Anne-Laure Blin et 1211 de M. Marc Le Fur, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 163 , 366 , 778 et 1211 sont identiques.
Tous les amendements sont défendus.
L'amendement n° 1070 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 1071 de Mme Valérie Six, 1605 de Mme Blandine Brocard et 530 de M. Guillaume Chiche sont défendus.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 717 .
C'est l'amendement que j'ai défendu tout à l'heure. Il vise à créer un référentiel national pour outiller les équipes clinico-biologiques et mieux harmoniser l'évaluation médicale sur le territoire, afin d'éviter le vagabondage des couples.
L'amendement n° 717 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, n° 1149 de M. Thibault Bazin et 56 de Mme Emmanuelle Ménard, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements sont défendus.
Les amendements identiques n° 164 de M. Patrick Hetzel, 367 de M. Xavier Breton, 779 de Mme Anne-Laure Blin, 1213 de M. Marc Le Fur et 1606 de Mme Blandine Brocard sont défendus.
L'amendement n° 567 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 81
Contre 39
L'article 1er est adopté. – Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UDI-I et LT.
Les amendements identiques n° 580 de Mme Annie Genevard, 1150 de M. Thibault Bazin et 1510 de M. Julien Ravier, visant à rétablir cet article, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable à ces amendements qui visent à rétablir l'article 1er bis A que nous avons supprimé en commission.
Même avis pour la même raison.
L'article 1er bis est adopté.
L'article 2 du projet de loi comprend une avancée majeure. Il donne en effet la possibilité aux Françaises et aux Français de bénéficier du prélèvement, du recueil et de la conservation de leurs gamètes dans le cadre d'un projet parental ultérieur sollicitant l'aide médicale à la procréation.
Rappelons que ce dispositif d'autoconservation des gamètes n'est contraire à aucun principe de bioéthique. Le législateur donne la possibilité aux femmes et aux hommes qui ne peuvent concrétiser leur projet d'enfant à un moment donné de conserver leurs gamètes, leur permettant ainsi de différer ce projet en ayant alors de plus grandes chances de succès.
Une telle avancée présente d'autres avantages, à moyen et à long termes. Avec le temps, ce dispositif contribuera, d'une part, à réduire la demande de don d'ovocytes, les propres ovocytes de la femme conservés antérieurement pouvant être utilisés, d'autre part, à augmenter le nombre de gamètes disponibles pour les dons, dans l'hypothèse où les gamètes conservés n'entrent plus dans un cadre de projet parental. Il renforcera enfin l'égalité entre les femmes et les hommes, en réduisant l'impact de l'écart biologique entre eux – je pense notamment à la fameuse horloge biologique subie par les femmes.
Notons pour conclure que, par dérogation, si, dans un département aucun organisme ou établissement public ou privé à but non lucratif ne pouvait assurer le prélèvement, le recueil ou la conservation des gamètes, alors le directeur général de l'ARS pourrait autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à pratiquer cette autoconservation.
Mme Monique Limon applaudit.
Je suis saisi de quatre amendements de suppression, n° 731, 1072, 1525 et 1540.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement n° 731 .
Il vise à supprimer cet article, qui ouvre la possibilité d'une autoconservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes, en dehors de toute considération médicale.
Or une telle possibilité risque de conduire à des frustrations et à des dérives. L'autoconservation ne conduit pas toujours à une grossesse. Ce procédé est susceptible d'encourager les grossesses tardives, qui sont risquées pour la femme et pour l'enfant. En outre, certaines femmes peuvent subir des pressions de leur employeur leur demandant de repousser leur projet parental pour privilégier leur emploi.
Il vise à supprimer l'article 2, comme l'avait fait le Sénat. En effet, cet article autorise l'autoconservation de gamètes sans raison médicale.
Or, selon nous, cette pratique engendrerait très certainement des planifications de fertilité, notamment pour répondre à des exigences professionnelles et sans doute à des injonctions à faire carrière avant de tomber enceinte.
Nous jugeons cette dérive inacceptable et mensongère car derrière l'apparente opportunité que constitue l'autoconservation, il s'agit en fait de préparer une grossesse tardive qui risque tout de même de poser des difficultés.
Par ailleurs, le don de gamètes doit rester, à nos yeux, un don altruiste, c'est-à-dire totalement gratuit. En proposant à une personne qui fait un don de gamètes l'autoconservation de ces gamètes, on met en place, au fond, une rémunération, ou une conditionnalité, déguisées. Nous y sommes opposés.
L'amendement n° 1540 de M. Bernard Perrut est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
S'il a été moins médiatisé que l'article 1er , cet article est très important pour la vie de nombreuses femmes et de nombreux couples puisqu'il permet l'autoconservation des gamètes, une avancée significative mais aussi nécessaire pour que la fertilité puisse perdurer, car il faut tenir compte du fait que l'âge de procréation n'est plus le même aujourd'hui qu'au XX
Pour une raison mystérieuse, le Sénat avait voulu abroger cet article. Je constate que certains d'entre vous ont été séduits par cette initiative sénatoriale. Mais nous l'avons bien évidemment restauré en commission.
Il est important de le maintenir puisque, non seulement il offre les avantages que je viens de décrire et que M. Marilossian a très bien résumés, mais il le fait en prévoyant aussi un encadrement tel que toute dérive devient impossible. Je vous rappelle ainsi que les frais relatifs à la conservation des gamètes demeurent à la charge de l'assuré, ce qui empêche tout risque de recours excessif et indu à cette possibilité.
D'autre part, les entreprises privées ou publiques ne peuvent assurer cette prise en charge, si bien que l'on ne courra pas le risque de voir se développer les pratiques observées dans certains pays, où des multinationales incitaient leurs salariées à conserver leurs ovocytes et à retarder le moment de leur grossesse pour rester dans l'entreprise et y travailler pendant toute leur jeunesse.
En France, cette pratique, bien encadrée, ne donnera lieu à aucune dérive. En revanche, elle permettra de prévenir de nombreux cas de stérilité. Nous devons absolument maintenir cet article 2.
Avis défavorable à ces amendements de suppression.
L'essentiel a été dit par M. le rapporteur et par certains des intervenants précédents, notamment M. Marilossian. Je souhaite cependant apporter quelques éléments de recadrage et rappeler les objectifs que vise l'article 2.
Je rappelle à mon tour que nous sommes confrontés à un recul de l'âge du premier enfant, conséquence d'un mouvement d'ampleur qui ne devrait pas s'inverser parce qu'il résulte de changements considérables – divers et variés – dans les comportements, survenus au cours des dernières décennies, liés aux aspirations aussi bien scolaires que professionnelles des uns et des autres.
Parmi les moyens à notre disposition, notamment pour maintenir notre taux de natalité, qui a fait l'objet d'un rapport récent du haut-commissariat au plan, nous pouvons offrir la possibilité aux femmes et aux hommes qui ne peuvent concrétiser leur projet parental à un moment donné, pour des raisons qui leur sont propres, de conserver leurs gamètes, et leur permettre ainsi de différer ce projet en ayant alors de plus grandes chances de succès. Tel est le premier objectif de l'article 2.
Cette avancée présente d'autres avantages à moyen et à long termes. Elle permettra de réduire la demande de don d'ovocytes, puisque les propres ovocytes de la femme, conservés antérieurement, pourront être utilisés, mais aussi d'augmenter le nombre de gamètes disponibles pour le don, dans l'hypothèse où, n'en ayant pas eu besoin, les femmes et les hommes concernés les donneraient finalement pour qu'ils bénéficient à d'autres personnes.
Cette mesure contribuera enfin au renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes en réduisant l'impact de l'écart biologique entre eux – je fais référence à la fameuse horloge biologique déjà évoquée par M. Marilossian.
Enfin, l'autoconservation de gamètes n'apparaît contraire à aucun principe bioéthique et, comme l'a rappelé le rapporteur, cette pratique est très encadrée afin d'éviter toute dérive.
Pour toutes ces raisons, l'article 2 est important et a toute sa place dans ce projet de loi bioéthique. Nous sommes donc défavorables à ces amendements de suppression.
J'ai évoqué tout à l'heure le drame que vivent les couples à qui l'on fait croire qu'une PMA leur permettrait facilement d'avoir un enfant alors que seules 16,9 % d'entre elles aboutissent. C'est la même chose ici : on dit à des femmes de 25 à 30 ans qu'il n'y a aucun souci, qu'elles peuvent sans problème choisir de privilégier leur carrière professionnelle ou la maternité – un choix que je trouve terrible –, et que, de toute manière, elles pourront avoir un enfant quand elles le voudront. Or ce n'est pas vrai, et cela me pose problème.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que cet article 2 était nécessaire pour que la fertilité des femmes « puisse perdurer ». Or il s'agit justement pour moi d'un leurre. Combien de femmes, arrivées à 40 ans, se disent qu'elles sont tranquilles car elles ont congelé leurs ovocytes mais s'aperçoivent, lorsqu'elles essaient d'avoir un enfant, que cela ne fonctionne pas ?
Madame Brocard, j'ai plus confiance que vous dans le bon sens, la réflexion et l'intelligence des femmes.
Je ne crois pas que, comme vous le prétendez, les femmes qui atteignent l'âge de 40 ans se disent qu'elles vont décongeler leurs ovocytes et faire un enfant tout de suite. Non, les femmes savent bien que c'est très aléatoire car elles ne peuvent conserver leurs ovocytes sans avoir été confrontées à des professionnels qui les ont informées du – faible – taux de succès des procréations médicalement assistées.
En revanche, vous devez tenir compte du fait qu'il existe des femmes, non pas de 40 ans mais de 30 ou 35 ans, qui souhaitent attendre d'être au sein d'un couple stable pour élever un enfant mais qui savent très bien que, lorsque leur prince charmant arrivera, elles auront peut-être 40 ans.
Eh oui, madame, ça arrive.
Ces femmes n'ont pas encore formé le couple au sein duquel il leur semble possible d'élever un enfant. Elles ont pourtant un fort désir d'enfant et beaucoup d'amour à donner à celui-ci ultérieurement. En conservant leurs ovocytes, elles pourront, le moment venu, construire leur famille.
Mais c'est quand, le moment venu ? Vous ne pouvez pas l'inscrire dans la loi !
Elles savent très bien que la première tentative ne sera pas forcément couronnée de succès et que leur désir ne se concrétisera peut-être jamais mais elles se donnent une chance où cas où une possibilité existerait.
Parmi les autres raisons justifiant l'autoconservation des ovocytes, nous avons banni toutes celles qui pouvaient correspondre à des pressions.
Pour des raisons liées à leur vie privée ou à leur vie professionnelle, certaines femmes souhaitent retarder leur première grossesse. Nous pensons qu'il est important que, le plus souvent, les ovocytes soient prélevés à un âge relativement jeune, non seulement parce que le taux de succès de la fécondation sera plus élevé mais aussi parce que le risque d'anomalie pour l'enfant sera moindre.
Vous le voyez, tout plaide en faveur de cette possibilité accordée aux femmes. Mais celle-ci sera évidemment circonscrite aux femmes qui le désirent et en font la demande. Elle ne donnera lieu à aucune communication spécifique ou promotion de notre part. Enfin la conservation sera à la charge des femmes concernées.
Vous pouvez donc être rassurée. Ne vous inquiétez pas et faites confiance aux femmes, je vous assure qu'elles le méritent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le rapporteur, nous ne vous avons pas entendu sur le point suivant. Dès lors que vous ouvrez la voie à l'autoconservation sans raison médicale, vous favoriserez tôt ou tard le développement du business de la procréation.
Des intérêts marchands majeurs exerceront en effet des pressions. Là est la vraie question, que vous n'abordez pas du tout. Je note donc, monsieur le rapporteur, que, s'agissant d'enjeux liés au corps des femmes, vous êtes ultralibéral.
Il est défavorable à ces amendements qui posent comme condition pour être donneur le fait d'avoir déjà procréé. Cette disposition n'a évidemment plus aucune raison d'être.
Même avis pour la même raison.
Je vous informe qu'à la demande du Gouvernement, en application de l'article 95, alinéa 4, du règlement, les articles 4 et 4 bis seront examinés demain, mercredi 9 juin, à 15 heures.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra