La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 1137 à l'article 4.
Sur l'amendement no 1137 , je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement.
L'amendement vise à rassurer les communes, qui craignent de ne pas pouvoir appliquer la loi, faute de moyens financiers, ou plutôt faute de pouvoir avancer les fonds. Vous avez déjà répondu à de nombreuses questions et vous nous avez rassurés quant au versement d'une compensation par l'État, en précisant que celle-ci prendrait en compte, par exemple, l'investissement nécessaire à l'agrandissement des dortoirs.
L'amendement vise cependant à lever une ambiguïté sur la temporalité de ce financement, en proposant une sorte de clause de sauvegarde. Nous proposons que l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire soit subordonné à l'attribution par l'État d'une compensation pérenne.
Par ailleurs, mes collègues d'outre-mer se demandent si le fonds intercommunal de péréquation sera réévalué chaque année.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission.
Avis défavorable. L'article L. 131-1 du code de l'éducation prévoit l'obligation de l'instruction pour chaque enfant de 3 à 16 ans. Cette instruction peut se faire en famille et, loin d'être limitée aux enfants de maternelle, elle s'applique à tous les enfants de 3 à 16 ans.
Il n'y a aucune raison de conditionner l'application de cet article à un financement qui ne concerne que les moins de 6 ans instruits à l'école.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu l'engagement que vous avez pris hier : une dotation viendra compenser les dépenses de fonctionnement. Vous nous avez également annoncé une prise en charge des dépenses d'investissement. Au vu de l'étude d'impact, cette prise en charge s'effectuerait à partir de la DSIL – dotation de soutien à l'investissement local.
Reste que, l'an dernier, vous nous aviez fait la même promesse pour le dédoublement des classes de CP à douze élèves. Or, lorsque les villes de Sarcelles et de Villiers-le-Bel, toutes les deux en quartiers prioritaires de la ville, ont déposé à cette fin une demande de financement auprès du préfet du Val-d'Oise, celui-ci a refusé. Rien ! Zéro !
Il a fallu crier et intervenir auprès du préfet de région, qui a versé 120 000 euros à la ville de Sarcelles et 25 000 euros à celle de Villiers-le-Bel, alors que celles-ci ont dépensé plusieurs centaines de milliers d'euros.
Si l'État précise que la DSIL sera obligatoirement affectée en priorité à ces investissements, nous serons rassurés. Mais si l'on indique aux préfets que, sur cette dotation, il faut financer les CP à douze élèves, l'application de la réforme dans les écoles maternelles et le programme « Action Coeur de ville », ils vont jouer au bonneteau pour essayer de contenter tout le monde.
Enfin, s'il n'y a pas suffisamment de moyens, il faut en donner d'abord aux villes pauvres. Dans le Val-d'Oise, certaines villes, qui ne sont pas forcément pauvres, ont reçu de la DSIL pour dédoubler les CP. La priorité doit être de financer les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine.
Comme M. Pupponi, je peux témoigner de l'écart qui existe entre les engagements de l'État et leur application concrète sur le terrain. Sur la séparation des classes de CP, je confirme ses propos. Mais il y a pire : on nous a indiqué que les montants versés seraient retranchés des crédits de la politique de la ville. Le fait qu'une commune soit éligible à la DSU ne changera donc rien à sa situation. En outre, les sommes versées aux communes n'ont aucun rapport avec les montants à engager pour diviser les classes.
Les communes appartenant au réseau d'éducation prioritaire qui, n'étant pas les premières années dans le réseau d'éducation prioritaire renforcé – REP+ – , n'ont pas dédoublé les classes de CP, vont le faire à présent. Dans la commune de Drancy que je connais bien, la séparation des classes de CE1, laquelle représente des montants considérables, interviendra cette année.
Dans le même temps, on nous dit qu'à la rentrée prochaine, il faudra accueillir les enfants de maternelle non seulement le matin mais aussi l'après-midi, alors qu'une partie de ceux qui vont actuellement en maternelle le matin ne reviennent pas l'après-midi.
Pardon de l'avouer, mais nous ne pourrons pas faire le nécessaire – ni en termes ni de budget ni en termes de temps – pour accueillir tous les élèves. L'amendement vise à rappeler que, si l'État ne respecte pas ses engagements, les obligations qu'il impose sont caduques. En somme, nous cherchons à obtenir une contractualisation législative.
Monsieur le ministre, je vous demande d'appeler l'attention du Premier ministre et du ministre des finances sur un dernier point. Nos dépenses de fonctionnement vont augmenter. Or l'augmentation de la dépense publique est limitée à 1,2 % par an dans les communes de plus de 50 000 habitants.
Nous rencontrons déjà une difficulté, compte tenu de la fin de l'accompagnement personnalisé en REP+. Nous récupérons les enfants. Nous les prenons en garderie scolaire le soir. Nous faisons payer les parents et nous engageons une dépense supplémentaire. À tout le moins, cette dépense ne devrait pas être comptabilisée dans le calcul de l'évolution des dépenses de fonctionnement, qui est plafonnée à 1,2 %. À défaut, on créera une équation que les élus locaux ne pourront pas résoudre.
Mes chers collègues, afin que nous puissions avancer dans le débat, je vous indique que, sur chaque amendement, seuls deux orateurs interviendront, ce qui n'empêchera pas l'expression de chacune des sensibilités représentées dans l'hémicycle.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, puisque nous sommes au début de la discussion et que les orateurs vont droit au but, je dresserai un tableau de la situation, quitte à être un peu long. Pendant le reste de la séance, je me montrerai plus discipliné, afin que nous puissions aller plus vite, comme vous le souhaitez.
Madame Descamps, je vous remercie d'avoir déposé cet amendement, car je partage votre objectif. Pour couvrir les dépenses d'investissement et de fonctionnement liées à la réforme, une belle alliance entre les communes et l'État est tout à fait possible, y compris en prenant en compte les contraintes mentionnées par M. Pupponi et M. Lagarde.
Permettez-moi un bref rappel historique pour mettre notre action en perspective. Nous l'avons suffisamment répété ces derniers jours : nous nous inscrivons dans la grande ligne de l'instruction obligatoire, créée par les lois Ferry des années 1880, qui ont aujourd'hui valeur constitutionnelle et qui ont imposé la présence d'une école dans chaque commune. L'existence de l'instruction primaire à proximité de chaque enfant est encore un devoir pour nous.
La loi Debré a ajouté que les écoles privées sous contrat relèvent de la même logique, parce qu'elles accomplissent un service public et contribuent à cette proximité.
Les lois de décentralisation ont représenté aussi une étape importante, en faisant apparaître l'idée d'un forfait, donc la prise en compte d'un surcoût éventuel lorsqu'il y a plus d'enfants scolarisés dans une commune.
En définitive, la loi Carle est aux lois de décentralisation ce que la loi Debré a été aux lois Ferry : elle tend à considérer que l'enseignement privé sous contrat rend un service public, ce qui crée à son égard, pour les communes, un devoir de même nature que celui qui les lie à l'enseignement public.
À ce sujet, je précise que les sommes dont nous parlons concernent aussi bien des écoles publiques que des écoles privées sous contrat. Au cours des débats précédents, j'ai eu l'impression que la discussion ne portait que sur ces dernières. Or les montants en cause – je ne parle que des dépenses de fonctionnement – concerneront majoritairement l'école publique.
Nous tirons les conséquences tant constitutionnelles que légales d'une décision – celle de rendre l'instruction obligatoire dès trois ans – qui est au coeur du projet de loi. Quelle logique poursuivons-nous ? L'application simple et nette de l'article 72 de la Constitution, qui nous oblige – nous, l'État, ce qui nous englobe nous, car nous sommes l'État – à accompagner les communes lorsqu'une extension de compétence crée des charges supplémentaires.
Je parle d'extension, non de transfert des compétences. Pour accompagner cette extension, il faut l'évaluer. Ce sera fait en n+1, c'est-à-dire à partir de la différence entre l'année 2019-2020 et l'année 2018-2019.
Je tiens à apporter un autre éclaircissement. Les décisions que nous prenons en rendant obligatoire l'instruction dès trois ans n'auront aucun effet sur le montant du forfait. Celui-ci reste intact. En discuter dans le cadre actuel, qui ne change pas, relève de la liberté des communes.
En revanche, notre discussion peut avoir un impact éventuel, qui sera nul dans nombre de communes, sur l'augmentation du nombre d'élèves allant à l'école maternelle, donc sur la modification du nombre de forfaits. Nous sommes en mesure d'évaluer cette augmentation. Nous avons d'ailleurs présenté ce principe au Conseil national d'évaluation du système scolaire, dont nous avons reçu l'assentiment en amont du projet de loi, ce qui prouve que les élus qui se sont penchés sur notre proposition l'ont trouvée honnête.
Nous proposons que toutes les communes qui, du fait de la réforme, devront acquitter un surcoût soient remboursées sur la base de la comparaison entre les dépenses engagées entre 2019-2020 et 2018-2019. Cette règle simple, respectueuse de la Constitution, permettra d'accompagner les communes dans une perspective collaborative.
Nous sommes dans le même bateau, comme nous l'avons été pour le dispositif REP et REP+, malgré les difficultés que vous avez citées et que nous avons su résoudre chaque fois, car nous souhaitons accompagner l'action que les maires mènent avec enthousiasme, conscients qu'elle est bonne pour leur commune.
Hier, j'ai parlé d'investissement, vous l'avez rappelé, madame Descamps. Outre les frais de fonctionnement que je viens d'évoquer et qui susciteront peut-être d'autres questions de votre part, il faut aussi prendre cet aspect en compte.
Quant à l'augmentation des charges qui découlerait de l'application de la réforme, du fait de l'augmentation du nombre de forfaits, monsieur Lagarde, non seulement vous en serez remboursés, mais elle ne figurera pas dans les sommes comptabilisées pour calculer l'évolution de la dépense des communes de plus de 50 000 habitants, plafonnée à 1,2 % par an.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
Sur ce point, je n'aurai pas à interroger Bercy, parce que je l'ai déjà fait. Voilà une information qui libérera peut-être les esprits. Vous le voyez, il s'agit d'enclencher une logique vertueuse en créant un partenariat pour une politique publique nationale et communale de la maternelle.
Cela nous renvoie aux enjeux d'investissement, mais, ceux-ci n'étant pas au coeur de l'article, je n'en parlerai pas très longuement à ce stade. Pour l'heure, nous réfléchissons au remboursement des frais de fonctionnement. Mais il est évident que nous voulons enclencher une politique de partenariat entre l'État et les communes pour créer la maternelle du XXIe siècle, qui passe par l'instruction obligatoire à trois ans et par des équipement toujours modernisés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 22
Contre 34
L'amendement no 1137 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1. Monsieur le président, nous avons bien entendu votre propos liminaire sur le déroulement des travaux, mais il est clair que le débat doit pouvoir se dérouler et que nous devons pouvoir nous exprimer. Nous comptons donc sur votre sagesse pour appliquer avec une certaine souplesse la règle que vous avez édictée. À défaut, vous savez que nous disposons d'outils, comme des suspensions de séance, des sous-amendements,
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
outils qui nous permettraient de nous exprimer, au cas où la présidence chercherait à bâillonner les groupes d'opposition.
Mêmes mouvements.
Je répète qu'il est important que la sagesse puisse prévaloir, et c'est le cas, monsieur le président, puisque votre sagesse est au rendez-vous. Merci de vous assurer que nous puissions nous exprimer, lorsque les sujets abordés sont particulièrement sensibles.
J'ai pris bonne note de votre rappel au règlement et je suis heureux que vous puissiez vous reposer sur ma sagesse, autant que je me reposerai sur la vôtre…
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Article 4
Cet amendement rédactionnel de mon collègue Sébastien Leclerc vise à préciser que les ressources correspondant à la compensation dont nous parlons seront attribuées directement à la collectivité ayant la charge de la scolarisation, soit la commune, qui peut assumer directement cette compétence ou la confier à un syndicat intercommunal, soit l'intercommunalité, qui peut s'être vu déléguer la compétence par la commune.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 1118 .
Il est rédactionnel. Sous réserve de son adoption, je donne un avis favorable à l'amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et sur l'amendement ?
Favorable.
Le sous-amendement no 1118 est adopté.
L'amendement no 3 , sous-amendé, est adopté.
Sur l'amendement no 1138 , je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour le soutenir.
Il vise à ce que la compensation soit calculée chaque année, et non une seule fois en fonction de l'augmentation des dépenses obligatoires au titre de l'année scolaire 2019-2020 par rapport à l'année scolaire précédente. De cette manière, les communes disposant déjà d'une convention avec les écoles privées de leur territoire ne seront pas pénalisées.
Le surcoût réel pour les communes de l'obligation d'instruction à 3 ans sera limité, comme l'a indiqué M. le ministre. Le périmètre sera constant, à savoir en excluant l'impact de l'obligation d'instruction à 3 ans. Le nombre d'enfants scolarisés devrait baisser d'environ 155 000 d'ici 2022. Je vous rappelle qu'on estime à seulement 26 000 le nombre d'élèves supplémentaires scolarisés à 3 ans. Le mécanisme d'ajustement annuel que vous proposez ne me semble donc pas justifié. Mon avis est par conséquent défavorable.
Même avis.
Je ne comprends pas que l'on s'oppose à cet amendement de bon sens. L'idéal serait, quand même, d'opérer une évaluation annuelle, parce que certaines situations seront défavorables aux communes, tandis que d'autres seront défavorables à l'État. Si l'on fige le calcul dans le temps en fonction de l'augmentation des dépenses obligatoires au titre de l'année scolaire 2019-2020, prendre en compte l'évolution, chaque année, du nombre d'élèves de 3 à 6 ans sera impossible. Cet amendement permet d'évaluer le coût annuel, donc la compensation par l'État. Si l'on fige ainsi le calcul en fonction de la seule année 2019-2020, les perdants seront, obligatoirement, soit l'État, soit la commune, soit l'intercommunalité. L'évaluation annuelle permet de recalculer en fonction de la réalité des dépenses.
Tout d'abord, je regretterais que la limitation du nombre d'intervenants empêche certains groupes de s'exprimer : en ne donnant la parole qu'à la droite et à la gauche, mon groupe risque d'être oublié.
Pour en venir à l'amendement, nous sommes, nous aussi, favorables à ce qu'on calcule chaque année le surcoût ou la diminution de coût : cela collerait davantage à la réalité des dépenses des communes et garantirait la pérennité d'une compensation qui serait, de la sorte, équilibrée chaque année.
J'ai du mal à comprendre l'argument avancé par la rapporteure, qui néglige le fait qu'un nouveau lotissement ou des logements sociaux ont pu être construits dans une commune, mais aussi que la diminution du nombre des naissances que l'on constate à l'échelle du pays ne se vérifie pas toujours au niveau local. Dans de tels cas, une réévaluation sera nécessaire pour ajuster et permettre aux communes de scolariser les enfants dès 3 ans.
J'ajoute que les dépenses de fonctionnement sont, souvent, opérées sur le long terme. Quand une commune embauche un agent territorial spécialisé des écoles maternelles supplémentaire, afin d'accompagner davantage d'enfants, ou plutôt de classes, cette dépense perdurera quand bien même les effectifs chuteraient, ne serait-ce que parce qu'on ne pourra pas licencier l'ATSEM du jour au lendemain.
Pour toutes ces raisons, il convient de soutenir l'amendement présenté par notre collègue Béatrice Descamps.
C'est un amendement de bon sens. Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre volonté d'accompagner les communes. Or c'est bien ce que permettra cet amendement ! Il colle à la réalité des élèves accueillis par les communes, il colle à la réalité démographique. Et cela vaut pour l'ouverture et la fermeture des classes comme pour l'accueil des enfants à 3 ans.
Je défendrai ultérieurement un amendement destiné à sortir les écoles maternelles privées du champ des nouvelles dépenses obligatoires des communes. Je déduis de ces échanges qu'il a peu de chances d'être adopté...
Force est pourtant de constater que la situation n'est pas la même à la campagne et dans des villes comme la mienne, en proche banlieue parisienne, où la construction de nouveaux quartiers peut entraîner l'installation de 1 500 à 2 000 habitants, souvent de jeunes couples avec des enfants en bas âge. En trois ans ou quatre ans, la situation peut donc fortement fluctuer et il importe de s'adapter à la logique des territoires, ce que permettrait cet amendement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Pour aller dans le même sens, il va de soi que l'article doit être corrigé. Je souhaite en particulier que la scolarisation des enfants de 3 ans permette au public de reconquérir du terrain sur le privé, en faisant en sorte que des parents ayant jusque-là scolarisé leurs enfants dans le privé choisissent l'école publique. Nous avons besoin d'affiner la compensation, année après année, quels que soient les effets démographiques.
Certains arguments peuvent apparaître séduisants, mais le bon sens n'est pas toujours là où il paraît.
D'abord, ce qui est préconisé par cet amendement n'est pas conforme aux usages. Ainsi, lors du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, on a en quelque sorte pris une photographie du nombre d'agents. Ensuite, bien entendu, au cours des années suivantes, chaque commune a vécu sa vie démographique et les transferts de l'État ont tenu compte de ces évolutions.
Ensuite, je ne pense pas au regard des tendances démographiques des prochaines années, je ne pense pas que la mesure proposée par cet amendement soit véritablement favorable aux communes, à la différence de la rédaction actuelle.
Enfin, le calcul de la DGF, comme l'ensemble des critères de transfert, prend parfaitement en compte les évolutions démographiques et leurs conséquences. Bref, on change la donne en prenant une année de repère caractérisée par l'afflux éventuel de nouveaux élèves, puis la vie poursuit son cours et les règles prennent en compte l'évolution démographique.
Cette méthode pragmatique est conforme à l'usage lors des transferts ou extensions de compétence. Je maintiens donc mon avis est défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 32
Contre 28
L'amendement no 1138 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.
Je demande une seconde délibération de l'amendement no 1138 .
La seconde délibération est de droit ; elle aura lieu à la fin de l'examen du texte.
Rappel au règlement
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement.
L'impréparation du Gouvernement est manifeste. Sur un sujet aussi important, vous demandez une suspension de séance, puis une seconde délibération sur un amendement voté ici, solennellement, par la représentation nationale.
Procéder de cette manière est extrêmement grave : vous voulez revenir sur la juste compensation obtenue par les communes.
Article 4
L'amendement no 1119 de la commission des affaires culturelles est rédactionnel.
L'amendement no 1119 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 918 .
L'amendement no 918 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 594 est retiré.
L'article 4 a déjà beaucoup évolué depuis le début de la séance : le Gouvernement et la majorité n'avaient pas, on le voit bien, mesuré toutes les conséquences de l'abaissement à 3 ans de l'âge de la scolarité obligatoire. Vous partiez d'un bon sentiment, puisqu'il s'agissait de compenser les frais nouveaux des communes ou des intercommunalités disposant de la compétence scolaire. Mais il y aura de réelles difficultés sur le terrain. Une réévaluation annuelle aboutira à des compensations beaucoup plus justes.
Je voudrais insister maintenant sur la question – évoquée déjà par certains hier soir – des communes qui avaient signé des accords avec les écoles maternelles privées sous contrat et – alors que ce n'était absolument pas obligatoire – mis en place un forfait. Avec la rédaction actuelle du projet de loi, ce sont les bons élèves qui seront sanctionnés !
Il est donc nécessaire de préciser le texte. J'avais déposé un amendement à ce sujet en commission, mais il a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Voilà pourquoi nous vous en proposons aujourd'hui une nouvelle rédaction.
Il précise que les forfaits versés volontairement par certaines communes aux écoles privées font partie des dépenses dont il est tenu compte pour le calcul de la compensation.
La parole est à Mme Nadia Essayan, pour soutenir le sous-amendement no 1132 .
En fixant l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans, nous avons voté une mesure historique. Cette avancée vers plus de justice sociale aura des conséquences financières qui vont bien au-delà d'un simple aménagement de locaux, puisque la scolarisation en maternelle est bien plus chère que celle des cycles suivants.
L'État s'est engagé à compenser de manière pérenne le surcoût réel de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. Cette mesure rend aussi obligatoire le versement par les communes d'une dotation aux écoles privées sous contrat : elles devront, pour chaque enfant, verser ce qu'il coûterait dans le public. Il ne s'agit pas ici de discuter du bien-fondé de cette disposition – les parents ont la liberté de choix – mais d'assurer une même compensation de l'État à toutes les communes concernées, indépendamment des éventuels accords passés préalablement au vote de la loi dont nous discutons.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LR.
Par cet amendement, nous réclamons donc une égalité de traitement pour assurer l'égalité devant la loi.
Si cela pose un problème financier à l'État, alors il faut trouver une solution ; mais une compensation inégale n'en constitue pas une. On pourrait penser, par exemple, à une progressivité de la compensation aux communes, donc de la dotation aux écoles privées, avec un étalement sur trois ans, de manière à intégrer ce surcoût dans le budget de l'État comme dans celui des communes. Nous avons su trouver une souplesse similaire pour les jardins d'enfants.
Quelle que soit la solution à laquelle nous nous arrêterons, elle devra être plus juste que n'est la situation actuelle. Les répercussions financières et politiques sur le terrain seront évidemment importantes. C'est pourquoi je souhaite qu'une solution soit trouvée au sein de la majorité plutôt qu'ailleurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Avis défavorable à l'amendement comme aux sous-amendements. Certaines collectivités territoriales ont conclu des accords avec des établissements privés sous contrats installés dans leur territoire, dans le cadre de la libre administration. Il n'y a pas de raison que l'État prenne ces conventions, signées de façon tout à fait libre, en considération.
Même avis.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, j'aimerais vous demander une précision. Il pourra arriver que le montant versé en raison d'un accord entre la commune et un établissement privé n'atteigne pas le forfait légal ; or, une fois la loi votée, la commune versera le forfait légal. Dans ces cas-là, j'imagine qu'il y aura une compensation de la différence.
Il y avait un accord, mais l'application de la loi coûte trois fois plus cher : direz-vous « tant pis pour vous, c'est votre droit » ? Cela ne va pas ! Sommes-nous bien d'accord que l'État prendra en considération dans ses calculs le forfait préalablement versé par la commune ? C'est loin d'être neutre !
Il faut distinguer deux sujets.
D'une part, certaines communes versent d'ores et déjà des sommes aux établissements privés. Demain, la loi votée, les communes qui ne versaient rien recevront une compensation de l'État, mais pas les autres : vous êtes en train de créer une injustice. Si vous voulez une école de la confiance, alors il faut créer les conditions de cette confiance !
D'autre part, un problème de trésorerie des communes va se poser. M. de Courson l'avait dit en commission : les communes subiront cette charge dès 2019, mais la compensation financière n'arrivera qu'en 2021.
Il y a bien deux problèmes ! Vous avez sans doute perdu un arbitrage à Matignon contre Bercy, monsieur le ministre, mais vous devez remonter au créneau. Votre rôle de ministre de l'éducation nationale est de gagner l'arbitrage contre Bercy : c'est comme cela que vous créerez de la confiance !
Le système est totalement inéquitable : il faut rembourser une commune payant pour des enfants scolarisés dans le privé ailleurs, quel que soit son choix précédent. Elle ne doit pas être pénalisée d'avoir accompli un geste de bonne volonté dans le passé. Il n'y a aucune raison juridique de traiter différemment des situations identiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et MODEM.
Il s'agit d'un point conflictuel de ce projet de loi, celui-ci étant très important car il consacre des avancées formidables pour les enfants. Il serait dommage que cette disposition gâche le texte. Elle pèsera sur les finances des communes et créera une iniquité regrettable. Nous tous, députés, sommes déjà saisis sur ces questions. L'impact sera plus fort dans les grandes villes que dans les petites communes.
Il faut regarder les choses en face et s'interroger avec les maires sur les solutions à trouver. J'aimerais que la réponse émerge des rangs de la majorité, par crainte de voir la situation dégénérer à cause d'une disposition ternissant l'appréciation sur l'ensemble de la loi.
Je me suis déjà exprimé sur cette question hier. Elle est d'une extrême importance dans certaines régions, notamment celle que je connais bien, la Bretagne, où 40 % des enfants du primaire et de la maternelle sont scolarisés dans l'enseignement catholique. Les communes ont adopté des attitudes diverses : certaines, peu nombreuses, n'ont rien donné aux écoles privées, d'autres ont participé à hauteur du forfait communal, et les dernières ont accordé des montants inférieurs au forfait.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que les réponses gouvernementales soient documentées : combien de communes donnent ? À quelle hauteur ? Pour quel montant ?
Il faut objectiver ce débat !
Je crains qu'un sentiment d'injustice ne se répande dans toutes les communes qui apportaient jusqu'à présent un financement. Elles se diront que si elles n'avaient rien fait, elles seraient aujourd'hui largement remboursées, car leur action positive se trouve condamnée.
Monsieur le ministre, vous conduisez, de votre point de vue, une grande réforme : ne la gâchez pas ! Ce n'est pas l'avancement de l'âge de la scolarité obligatoire à 3 ans que l'on retiendra – ne serait-ce que parce que la plupart des enfants vont déjà à l'école à 3 ans – , mais le fait que certaines communes sont aidées quand d'autres ne le sont pas. Or la France est le pays de la justice.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est le même principe que celui de l'amendement qui vient d'être adopté. Nous savons que vous êtes très attaché à une juste compensation ne pénalisant pas certaines communes : maintenant, prouvez-le ! Ces amendements sont de bon sens et pragmatiques. La plupart des communes ont déjà voté leur budget pour 2019, et certaines d'entre elles devraient, dès septembre, supporter ce coût supplémentaire. C'est une question de justice entre les communes, à laquelle vous êtes, nous le savons, très attaché.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce sujet est complexe. Revenons aux principes, que nous avons déjà exposés : notre groupe soutient la scolarisation obligatoire des enfants dès l'âge de 3 ans, mais comme cette mesure n'est pas accompagnée d'une volonté de construire des écoles publiques pour les accueillir, elle créera un effet systémique risquant de profiter aux écoles privées, notamment dans les départements dont parlait notre collègue Le Fur, où la République accuse un retard coupable. Nous ne voulons pas d'un effet systémique entérinant la situation actuelle, même si nous pouvons comprendre les communes lésées, qui ont financé des écoles privées à cause de l'absence d'écoles publiques. La question est complexe.
Pour notre part, nous nous abstiendrons sur cet amendement, mais il y aurait matière à remettre le sujet à plat, afin que l'obligation de scolarité dès 3 ans aille de pair avec la construction de bâtiments publics et qu'il n'y ait pas d'effet systémique de financement public du privé, induit par les mesures que nous sommes en train de prendre.
Aujourd'hui, deux situations cohabitent : certaines mairies ne financent pas l'école maternelle privée, mais la financeront demain, l'État compensant intégralement cette aide ; d'autres mairies ont fait le choix de financer leurs écoles maternelles privées et n'auront donc pas de nouvelles compétences, puisqu'elles apportent déjà ce concours financier. Le débat porte sur la seconde catégorie de communes.
Qu'en est-il de ces mairies ? Nous connaissons tous des maires dans cette situation – je connais bien une ville qui se trouve dans ce cas – , qui ont fait ce choix dans le cadre d'un partenariat avec les écoles maternelles privées, dimension que je n'ai pas entendue dans les interventions. Ces contrats avec les organismes de gestion de l'enseignement catholique – OGEC – sont parfois très anciens et sont souvent rediscutés chaque année pour évaluer le forfait versé. Ce forfait est très variable d'une mairie à l'autre et constitue l'objet de la discussion avec l'OGEC qui gère l'école maternelle privée.
Demain, ce contrat sera peut-être renégocié dans certaines communes et ne le sera pas dans d'autres. Cela dépendra des relations de la mairie avec son OGEC, de la nature des partenariats et de la façon dont ils travaillent ensemble. Je n'ai pas entendu dans les interventions précédentes la confiance dans les mairies et les maires pour gérer leur partenariat avec les écoles privées.
De nombreux éléments de ma réponse figuraient dans mon propos initial, mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je veux bien répéter ce que j'ai dit, mais je l'ai déjà dit. J'ai exposé le pourquoi et le comment du remboursement, et j'ai expliqué sa conformité à la Constitution ainsi que son caractère juste.
Quels montants sont en jeu ? Les communes dépensent plus de 6 milliards d'euros pour l'école primaire, et ce sujet représente environ 100 millions.
Toutes les communes de France sont-elles concernées ? Non. Nous savons parfaitement que le sujet se concentrera dans les territoires où l'avancement de l'âge de l'instruction obligatoire aura le plus d'effet. Il faut donc mettre en perspective le sujet dont nous parlons. Les dépenses de toutes les communes de France ne vont pas tout d'un coup augmenter dans des proportions incroyables. Je l'ai déjà expliqué hier : très souvent, le changement ne se verra même pas, car les 25 000 élèves en plus qu'entraînera l'avancement de l'âge de la scolarité obligatoire ne compenseront pas la perte de 60 000 élèves qu'induira l'effet démographique l'année prochaine en France. N'ayons pas l'image d'un afflux d'enfants dans les maternelles : cela ne sera malheureusement pas le cas, si j'ose dire. Remettons les choses dans leur juste perspective.
On a pu avoir l'impression d'un front commun contre le Gouvernement sur cet amendement, mais le fameux adage latin qui me sert beaucoup en ce moment, in medio stat virtus – vous pouvez traduire « virtus » par courage ou par vertu – , vaut plus que jamais. En effet, vous n'avez pas du tout dit la même chose, les uns et les autres ; ce serait un malentendu de croire le contraire. Si nous suivions les recommandations venues de la droite, vous seriez scandalisés sur les bancs de gauche : vous l'avez d'ailleurs un peu dit, monsieur Corbière, mais vous devriez aller un peu plus loin que l'abstention. Mais, outre M. Corbière, cela choquerait également le Conseil constitutionnel, qui pointerait un déséquilibre au profit des écoles privées.
On m'expliquait hier que j'allais vers le socialo-communisme en forçant les enfants à aller à l'école et on m'accuse parfois de privilégier indûment le privé : de nouveau, in medio stat virtus.
C'est justement un principe de justice qui se joue : le remboursement du surcoût constaté entre l'année n+1 et l'année n épouse ce principe ! Les communes ayant octroyé un financement dans le passé l'ont fait au titre des libertés locales. Nier cela revient à nier la libre administration des collectivités locales, à laquelle vous êtes si fermement attachés. Essayons d'être cohérents par rapport à nos principes et de proposer, c'est la moindre des choses, des mesures conformes à la Constitution. Tentons également de respecter le principe de justice, ce que fait cet article 4 : l'une d'entre vous a souligné que les communes avaient déjà préparé leur budget pour cette année, cette photographie étant justement utile pour constater le surcoût. Il n'y a pas de problème à cela.
Il s'agit d'une mesure sage et équilibrée, qui n'avantage pas plus le privé que le public.
Cet équilibre se romprait si nous suivions les raisonnements qui ont été tenus. Nous parlons à Bercy et aux représentants de l'enseignement catholique, qui perçoivent parfaitement notre logique raisonnable. Vous qualifiez, mesdames et messieurs du groupe Les Républicains, cette mesure d'improvisée, alors qu'elle est le fruit de mois de travail. Ne nous faites pas ce procès totalement infondé ! Elle est conforme aux pratiques qui ont toujours été suivies dans les transferts de compétences. Oui, elle est bienveillante avec les communes ! Oui, elle obéit à la justice, car nous compenserons les surcoûts ! Oui, elle s'accompagnera de ce que j'ai appelé tout à l'heure une « matrice de partenariat », puisque elle nous conduira à mener une politique bienveillante, accompagnant les investissements dans les maternelles !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 29
Contre 46
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 26
Contre 47
L'amendement no 296 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 822 .
Par le biais de cet amendement, je reviens sur le sujet des ATSEM. Qu'on m'excuse de donner depuis hier le sentiment d'être un peu monomaniaque, mais je tente d'obtenir une réponse de M. le ministre !
S'agissant des ATSEM, la loi dispose : « Toute classe maternelle doit bénéficier des services d'un agent communal occupant l'emploi d'agent spécialisé des écoles maternelles et des classes enfantines ».
Doit-on comprendre que la commune doit mettre un ATSEM à la disposition de chaque classe, y compris dans les écoles privées ? À l'évidence, la lettre de la loi ne le précise pas. Tel est l'objet de ma première question.
Deuxièmement, sommes-nous d'accord quant au fait que l'augmentation du nombre d'ATSEM mis à disposition par les communes sera prise en compte dans le calcul des dépenses indemnisées par l'État ? On a toujours dit qu'il faut affecter une ATSEM pour deux classes. Le texte de loi se fonde sur la classe, non sur l'école.
Peut-on obtenir une précision au sujet de l'état exact du droit en vigueur en matière d'ATSEM ? Par ailleurs, comment et selon quels critères l'État compensera-t-il le surcoût induit par l'affectation d'ATSEM aux nouvelles classes ?
Soit on affecte une ATSEM par classe – tel était le cas dans la commune dont j'étais maire – , soit on en affecte deux en toute petite section – TPS – , conformément aux préconisations des enseignants. Ceux-ci affirment que deux ATSEM sont nécessaires en TPS, afin que l'un supplée l'autre lorsqu'il faut emmener les enfants aux toilettes.
Nous avons donc procédé ainsi – à la demande de l'éducation nationale, mais tel était notre choix. Dans ce cas, les dépenses des communes seront-elles ou non compensées ?
L'État s'en tiendra-t-il à la règle d'une ATSEM pour deux classes, imposant aux communes de rémunérer les deux ATSEM affectés à chaque classe de TPS ? Telles sont les précisions que je souhaite obtenir à ce sujet par le biais de l'amendement.
Monsieur Pupponi, les dispositions que vous évoquez ne font l'objet d'aucune modification. Le coût induit par les ATSEM supplémentaires, recrutés en raison de l'augmentation du nombre d'enfants de 3 ans scolarisés, fera l'objet d'une compensation par l'État. Avis défavorable.
Je tâcherai d'être concis, car pour l'heure nous ne respectons pas du tout les règles que nous nous sommes fixées, même si je ne disconviens pas que votre question est importante, monsieur Pupponi.
Je le répète : n'écrasons pas l'article 2 avec l'article 4 ! Celui-ci accompagne celui-là. L'article 2 est une montagne, l'article 4 est une petite colline.
Je ne dis pas qu'il n'est pas important. Tout cela est complexe et amène à consentir des efforts. Comme à chaque fois qu'il est question de moyens et d'efforts, il faut placer ceux-ci au service d'une finalité. Celle-ci doit rester présente à nos esprits.
Par exemple, si, à l'avenir, nous dénombrons davantage d'ATSEM et si ceux-ci sont mieux formés, ce qui améliorera le ratio ATSEMélèves, il y aura là un progrès social incontestable à tous égards. Il faut d'abord se réjouir des conséquences que vous venez d'imaginer.
Cela étant, comme l'a indiqué Mme la rapporteure, les règles ne changent absolument pas, sur ce point comme sur d'autres. J'ai été amené à rappeler tout à l'heure que les règles applicables au forfait communal ne changent pas.
Au demeurant, la circulaire du 15 février 2012 établit assez clairement son mode de calcul. Le coût des ATSEM y est intégré. Les règles habituelles s'appliqueront. Les seules modifications résulteront de l'augmentation éventuelle du nombre d'élèves, laquelle ne se produira pas dans toutes les communes de France, loin s'en faut.
À ce sujet, je signale en passant qu'on constatera dans de nombreuses communes une diminution du nombre d'élèves. On ne leur retirera pas pour autant des financements. Il s'agit d'un point important.
S'agissant des communes où le nombre d'élèves augmentera, le forfait communal augmentera en proportion, ce qui imposera un accompagnement. Tout cela procède tout de même d'une logique forte. En tout état de cause, nous ne modifierons pas les règles relatives au nombre d'ATSEM, les modalités de calcul du forfait communal pas davantage.
Monsieur le ministre, j'entends bien. Toutefois, si je puis me permettre, depuis hier, ni vous ni Mme la rapporteure ne répondez à la question.
Peut-on nous rappeler les règles relatives aux ATSEM ? Je cite l'article R. 412-127 du code de l'éducation : « Toute classe maternelle doit bénéficier des services d'un agent communal occupant l'emploi d'agent spécialisé des écoles maternelles et des classes enfantines ». Il s'agit bien de toute classe d'une commune donnée.
Si les écoles privées prennent ce texte au pied de la lettre, elles peuvent demander au maire de leur mettre à disposition des ATSEM. Est-ce cela que ce texte prévoit ?
Si tel est le cas, c'est une révolution ! On ne l'avait pas compris, moi le premier ! Si tel est le cas, tout est bousculé ! Si tel est le cas, peut-être faut-il le modifier ! Il incombe peut-être aux écoles primaires de payer leurs ATSEM. Ce n'est pas à la commune de payer les ATSEM pour l'école privée !
Le texte, à la lecture, fait un peu peur. Telle est la question que je pose. J'ai bien compris que les règles ne changent pas, mais quelle règles ?
M. Dominique Da Silva applaudit.
Je tiens à rassurer M. Pupponi. La suite de l'article que vous avez cité dispose : « Les communes ont donc l'obligation de mettre au moins un ATSEM à disposition de l'école maternelle. Toutefois, les services de cet agent peuvent éventuellement être répartis sur plusieurs classes, en fonction des moyens mis en oeuvre par les municipalités ».
C'est précisément celle que je pose, et pour la sixième fois ! Comme disait tout à l'heure M. le ministre, il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre !
Monsieur Corbière, je vous remercie de bien vouloir me laisser diriger les débats.
L'amendement no 822 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement no 456 .
Il porte lui aussi sur le financement des ATSEM, notamment ceux affectés dans les écoles publiques.
À l'heure actuelle, certaines d'entre elles ne disposent pas d'une ATSEM par classe mais d'une ATSEM par école. Elles n'acceptent pas les enfants qui ne sont pas encore propres et accueillent les autres uniquement pour la matinée, faute d'ATSEM en nombre suffisant.
Afin de bien gérer l'intégration et l'assiduité de tous les élèves de trois ans à la rentrée prochaine, elles envisagent de recruter de nouvelles ATSEM. J'aimerais obtenir la confirmation que la compensation financière prévue prendra bien en compte le recrutement de personnels supplémentaires, même si celui-ci découle du fait que les élèves étaient accueillis à temps partiel et le seront dorénavant à temps plein.
Pour les raisons évoquées précédemment, l'avis de la commission est défavorable.
Avis défavorable.
Mes chers collègues, nous entendrons dorénavant deux orateurs par amendement, conformément à ce que j'ai indiqué en début de séance.
Sourires.
Sur celui-ci, deux orateurs sont déjà inscrits, MM. Juanico et Molac.
La parole est à M. Régis Juanico.
Nous avons de la suite dans les idées. M. le ministre a répondu à la question portant sur les communes ayant recouru au dispositif de contractualisation avec l'État en matière d'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement. Dont acte.
À présent, il importe que nous, membres de la représentation nationale, soyons suffisamment éclairés au sujet des conséquences du surcoût financier résultant, pour les collectivités territoriales, de l'élargissement de l'obligation d'instruction aux enfants de 3 ans.
Nous souhaitons notamment obtenir – François Pupponi et moi-même ne cessons de le demander depuis hier – le montant exact de la contribution financière destinée à abonder le forfait communal aux écoles maternelles privées, celui de la compensation des dépenses induites par le recrutement d'ATSEM supplémentaires – notamment pour les écoles privées – , celui du coût du recrutement de vacataires supplémentaires dans le cadre de l'accueil du matin et du soir et celui des moyens alloués à la restauration scolaire.
Il s'agit au minimum d'une enveloppe de 100 millions supplémentaires pour les collectivités territoriales. Ce n'est pas une paille !
À ce propos, je le dis très clairement : les écoles privées jouissent dans notre pays d'une grande liberté. Elles peuvent choisir leurs élèves, les renvoyer dans les écoles publiques lorsqu'ils sont exclus, limiter le nombre d'élèves par classe et se dispenser de tout effort d'inclusion scolaire ainsi que de l'accueil d'élèves allophones.
J'estime qu'une contribution financière supplémentaire comprise entre 100 et 150 millions d'euros pour l'école privée, versée sans aucune contrepartie – nous avons déposé un amendement relatif à la mixité sociale, à l'accueil de certains élèves, à l'inclusion et à l'accueil des élèves allophones – , est déraisonnable. Il faut prévoir une contrepartie.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Notre collègue Pupponi a demandé tout à l'heure que l'on précise la norme. La voici : un poste d'ATSEM en toute petite section, un poste d'ATSEM en petite section, un poste à trois-quarts temps en moyenne section et un poste à mi-temps…
C'est ce qui a cours dans la plupart des écoles que je connais. Si l'on affecte une ATSEM par classe, …
… ce qui me semble une bonne chose, les communes seront obligées d'embaucher des gens et de les payer. C'est ainsi. Sur le principe, je suis tout à fait d'accord avec une telle mesure, qui me semble être une bonne chose, mais il faut savoir qu'elle aura des conséquences financières.
L'amendement no 456 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1107 .
Il porte sur l'importante question du financement des écoles privées sous contrat. J'ignore pourquoi il est examiné en dernier. Quoi qu'il en soit, je saisis l'occasion de rappeler quelques principes qui me semblent essentiels.
En premier celui en vertu duquel les écoles privées sous contrat ont la même valeur que les écoles publiques. Elles assurent la même mission d'enseignement auprès des enfants. Leur existence découle de la liberté éducative dont jouissent les parents.
Ceux-ci – certains s'évertuent à l'oublier – financent déjà l'école publique par le biais de leurs impôts et font le choix de payer en sus l'école privée pour leurs enfants. Dès lors, je ne vois pas pourquoi les écoles maternelles privées ne seraient pas elles aussi soutenues financièrement, d'autant plus que l'on abaisse à trois ans l'âge auquel l'obligation d'instruction s'applique.
Murmures sur les bancs des groupes SOC et GDR.
À l'heure actuelle, verser un forfait pour le financement des écoles maternelles privées est facultatif pour les communes, l'école n'étant pas obligatoire à cet âge. En raison de l'adoption de l'article 2, ce financement deviendra obligatoire.
Je répète que la rédaction de l'article 4 pose un problème de constitutionnalité. En effet, il prévoit la compensation des augmentations de dépenses des communes. C'est donc la différence de dépenses entre l'année scolaire 2018-2019 et l'année scolaire 2019-2020 qui sera compensée.
Il en résultera une véritable rupture d'égalité entre les communes qui versaient un forfait annuel aux écoles maternelles privées et celles qui n'en versaient pas. Il s'agit, en quelque sorte, d'une pénalisation des bons élèves.
Il ne me semble pas tout à fait normal – il me semble même inadmissible – que les communes versant un forfait annuel, au prix d'un effort budgétaire supplémentaire, bénéficient d'une compensation moindre que celles qui n'en versaient pas.
La rédaction de l'article 4 témoigne d'un manque de préparation du texte – ou d'une intention cachée, je l'ignore. C'est pourquoi je propose de le compléter en précisant que la compensation financière prévue prendra en charge le forfait versé aux écoles maternelles privées.
Même avis.
Je saisis la dernière possibilité qui m'est offerte d'intervenir au sujet du financement des écoles maternelles. Monsieur le ministre, j'insiste lourdement et vous demande de fournir des précisions – peut-être pas maintenant mais dans la suite de nos débats – au sujet des références utilisées pour le calcul du forfait communal. Partout, celui-ci fait l'objet de controverses. Telle est du moins mon expérience de maire de la ville de Bar-le-Duc.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai pris conscience qu'il existe parfois des écarts de montants pouvant aller du simple au double entre une municipalité et la suivante. Je me suis donc adressé aux services de l'État, qui m'ont répondu : « Votre prédécesseur avait raison, et vous avez aussi raison ».
Si l'on se penche sur ce que versent les communes de ma circonscription et ce qu'elles versaient auparavant, on trouve des montants exactement identiques. Il importe que nous nous mettions d'accord sur une base solide, afin de savoir exactement comment les écoles sont financées. Je comprends que vous ne puissiez pas me répondre maintenant, monsieur le ministre. Toutefois, si vous pouviez en prendre l'engagement au cours de nos débats, vous éclairciriez l'avenir.
Comme il s'agit de la dernière occasion de m'exprimer avant la mise aux voix de l'article 4, j'aimerais répondre globalement aux questions qui ont été posées. Le processus dans lequel nous sommes engagés me semble pleinement légitime.
Vos propos, aux uns et aux autres, consistent à dire que les choses ne sont pas si claires qu'on l'imagine, indépendamment du présent projet de loi. En réalité, elles le sont plus qu'on ne le dit. Ainsi, la circulaire du 15 février 2012 relative au calcul du forfait communal est très claire.
En outre, elle est consensuelle, me semble-t-il. Il n'y a pas de raison de la faire évoluer de façon paradigmatique après l'adoption du présent projet de loi. Il importe donc de continuer à s'y référer et de savoir qu'elle fixe la règle du jeu s'agissant du calcul du forfait.
Quant aux lendemains de la loi, je souscris pleinement à votre demande, monsieur Pancher. Elle sera satisfaite, notamment dans le cadre du conseil national d'évaluation de l'école, devant lequel nous avons déjà présenté le dispositif.
Je l'ai rappelé tout à l'heure, le dispositif a été voté à l'unanimité, avec deux abstentions. Si nous avions imaginé un système inique, je ne vois pas pourquoi les représentants des collectivités locales auraient voté pour. Il y a là une logique, que j'ai rappelée. Je ne voudrais pas qu'on l'oublie au cours de nos débats.
Mais j'entends parfaitement ce que vous dites : nous avons besoin de clarté – et aussi d'avancées. De ce point de vue, non seulement le texte de loi ne nous aura pas fait reculer, mais, grâce à lui, nous aurons progressé s'agissant de plusieurs règles du jeu. Voilà pourquoi j'ai parlé d'une matrice de politiques publiques. Comme je l'ai dit au commencement de nos discussions, cette loi va ainsi créer un cercle vertueux de débats et surtout d'actions concernant la maternelle, en nous permettant d'encourager l'investissement et de clarifier ce qui le mérite en matière de fonctionnement, le tout sur des fondements justes qui ne déséquilibreront en rien les finances locales, puisque les surcoûts seront compensés, et qui respecteront les libertés locales, car il est normal de respecter les choix qu'ont pu faire les communes tout en accompagnant financièrement celles-ci et en se conformant aux textes. Tel est l'esprit selon lequel nous pouvons penser aussi les suites de la loi.
L'amendement no 1107 n'est pas adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
La parole est à M. Patrick Hetzel, premier orateur inscrit sur l'article.
L'article 4 bis crée un dispositif dérogatoire et transitoire tenant compte de l'existence dans notre pays de « jardins d'enfants » ; c'est une bonne chose. Mais cela soulève une question de fond. Monsieur le ministre, vous voulez absolument montrer que nos écoles maternelles sont exemplaires. Si elles le sont, c'est aussi grâce à l'ensemble des personnels qui y sont présents : les enseignants, mais également les ATSEM, cela a été rappelé à plusieurs reprises. Or, aujourd'hui, les postes de ces derniers sont financièrement à la charge des communes. Comment, dès lors, accompagner celles-ci pour que l'encadrement par les ATSEM soit amélioré ? À cette question, vous n'avez pas répondu.
Concernant l'article précédent, une autre question financière importante reste pendante, au-delà même des débats sur ce qui sera pris en compte dans le calcul de la compensation aux communes : cette compensation n'interviendra budgétairement qu'en 2021 alors que les dépenses seront effectuées par les communes dès 2019. Sur ce point aussi, nous aimerions des précisions. Le Gouvernement donnera-t-il aux trésoreries la consigne de consentir des avances aux communes ? La représentation nationale aimerait être éclairée sur ces points avant de se prononcer ; c'est la moindre des choses.
Je salue le travail des structures dites jardins d'enfants, fortes de la proximité dans l'accueil des jeunes enfants qu'elles ont historiquement expérimenté bien avant le développement des écoles pré-élémentaires ; nous devons assurer non seulement leur maintien, mais aussi leur déploiement, pour un véritable service public de la petite enfance, comme le disait Alexis Corbière. Nous sommes favorables à la coexistence d'une multiplicité de structures souples. Les jardins d'enfants ont la particularité de compter des éducateurs et éducatrices en sus des personnels enseignants, ce qui permet un accompagnement au plus près des enfants dans leur diversité. Ces structures sont donc très bienvenues.
Nous ne voudrions pas que la dérogation ici prévue soit un appel lancé au privé, le secteur public n'ayant pas développé suffisamment de structures de ce type pour satisfaire le besoin ainsi créé. Conformément à notre programme, nous plaidons au contraire, je le répète, pour que la réponse à ce besoin pédagogique passe par le développement d'un vrai service public de la petite enfance, inspiré des jardins d'enfants et assurant aux personnes qui y travaillent un statut pérenne et stable.
Favorable.
Je ne voudrais pas que nous passions trop rapidement sur cet article, introduit en commission par voie d'amendement alors qu'était écarté notre propre amendement demandant davantage de souplesse et de progressivité dans la mise en oeuvre de la scolarité obligatoire à 3 ans, dans l'intérêt de l'enfant.
Jusqu'à présent, certaines familles mettaient l'enfant la moitié du temps au jardin d'enfants et l'autre moitié à l'école. L'article 4 bis, proposé par la majorité, montre bien que des établissements adaptés d'accueil de la petite enfance peuvent parfaitement prendre en charge les jeunes enfants. Dans les jardins d'enfants, l'encadrement est en général d'un adulte pour huit à douze enfants. Nous avons d'ailleurs très peu parlé de ce que sera l'encadrement au sein des écoles maternelles une fois mise en oeuvre l'obligation d'instruction à 3 ans : selon le nombre d'enfants, la situation pourrait être plus difficile.
Le jardin d'enfants permet en outre l'entrée progressive dans le système scolaire, l'éducation à l'autonomie et une différenciation des rythmes d'activité selon les moments de la journée.
Les amendements qui nous sont présentés comme rédactionnels remplacent tout de même les « établissements d'accueil de jeunes enfants accueillant des enfants de moins de 6 ans » par les « établissement[s] d'accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de 2 ans dit[s] "jardin d'enfants" ». J'avoue que je ne comprends pas bien, même si l'article parle uniquement des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021.
L'article 4 bis, amendé, est adopté.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, première oratrice inscrite sur l'article.
Nous nous réjouissons que cet article permette de mieux veiller à ce qui se passe dans le cadre de l'instruction à domicile. On sait que, pour beaucoup de familles, celle-ci représente le choix de la liberté. Mais on sait aussi que beaucoup d'enfants relevant de ce système échappent aux radars et peuvent recevoir une instruction très insuffisante, voire qui n'est pas tout à fait conforme aux attendus de la République.
Nous devons donc au moins savoir qui sont les enfants concernés. Voilà pourquoi nous avons déposé un amendement après l'article 5 qui tend à leur attribuer un numéro d'identification afin que l'on puisse en dresser un inventaire, procéder à des études statistiques sur leur sort et vérifier leurs progrès. Pour l'instant, le flou règne : nous ne connaissons pas précisément leur situation. Certes, ils ne sont pas très nombreux, mais l'instruction à domicile se développe et nous devons y être très attentifs.
S'il est bon que nous ayons commencé à la réglementer, il faut donc aller plus loin, en procédant à un inventaire précis des enfants soumis à ce régime.
Nous aimerions également avoir plus d'informations sur le renforcement du contrôle de l'instruction à domicile : les moyens nécessaires à son exercice semblent inégaux d'un département à l'autre, avec d'importantes fluctuations. Or, pour se conformer aux objectifs de l'instruction obligatoire, il faut des moyens humains. Nous souhaitons donc des prévisions chiffrées à ce sujet pour pouvoir nous décider.
Je suis particulièrement attachée à cet article, issu du constat que le contrôle de l'instruction à domicile n'est pas assez récurrent et uniformisé et que ses résultats ne sont pas toujours satisfaisants, que ce soit pour nous ou pour les familles qui ont fait le choix de ce mode d'instruction.
Ce choix, nous le respectons, et nous ne souhaitons en aucune façon le contrecarrer. Il importe néanmoins d'en contrôler la mise en oeuvre afin de s'assurer du bien-être de l'enfant et de sa bonne progression dans l'acquisition du socle commun, au nom de son droit à l'éducation.
George Pau-Langevin et moi-même avons mené l'an passé une mission flash sur la déscolarisation. C'est aussi à ce titre que nous saluons cet article.
Je défendrai des amendements visant à l'enrichir, pour que chaque enfant ait les mêmes possibilités et que chacun parvienne à la même réussite sociale et scolaire quels que soient la forme de scolarisation et le type d'instruction choisis par ses parents.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'article 5 fait partie des articles importants du projet de loi. J'aimerais profiter de l'occasion pour insister sur un thème qui doit susciter toute notre attention : l'accueil des enfants handicapés en milieu ordinaire.
Hélas, dans certains cas, les familles s'aperçoivent que cet accueil est difficile à mettre en oeuvre ; elles peuvent alors décider de se tourner vers des structures spécialisées ou, le cas échéant, créer des établissements privés hors contrat. L'un des problèmes qu'elles rencontrent dans cette dernière hypothèse est l'impossibilité de faire appel à des auxiliaires de vie scolaire – AVS – ou à des accompagnants des élèves en situation de handicap – AESH.
En commission, notre collègue Constance Le Grip vous a interrogé à ce sujet, monsieur le ministre. Vous lui avez répondu qu'il fallait évidemment se pencher sur cette question en adoptant une approche humaine.
Je vous ai ensuite adressé un courrier, car de telles situations se répètent ; vous m'avez répondu le 5 février qu'il n'est pas possible d'affecter un AESH dans un établissement privé hors contrat – dont acte – , avant de conclure en rappelant que ces établissements peuvent recourir à des contrats aidés et que vous les invitez à suivre cette voie – assez curieusement, car vous avez nettement réduit le nombre de ces contrats. De fait, les établissements me disent ne pas avoir accès aux contrats aidés ou ne pouvoir y faire appel que très difficilement. J'aimerais que vous nous apportiez de véritables réponses au lieu de botter en touche lorsque des enfants atteints d'un handicap sont concernés.
Ce projet de loi aborde à juste titre l'instruction à domicile, qui a augmenté ces dernières années, puisqu'elle concerne aujourd'hui près de 30 000 enfants.
Il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause ce mode d'enseignement, ni d'entraver la liberté de choix des familles. Au contraire, nous pensons que les familles, par leur sensibilité, leur vision de la vie, leur culture régionale, font baigner les enfants dans un bain culturel décisif, qui leur apporte beaucoup.
Dans d'autres cas, l'instruction à domicile est rendue nécessaire par les aménagements particuliers ou les rythmes adaptés dont l'enfant a besoin et que l'école ne peut pas toujours garantir.
Parfois, cependant, l'enseignement à domicile résulte d'une défiance envers l'école et la société. Parce que nous devons prendre au sérieux les dérives potentielles de la déscolarisation, nous n'avons pas d'autre choix que de mettre en place un contrôle de l'instruction à domicile, qui non seulement garantisse les droits des enfants et protège ceux qui en bénéficient mais aussi punisse ceux qui ne respectent pas les règles ou qui en abusent.
L'article 5 bis, adopté en commission, donne la possibilité aux maires de saisir le procureur de la République s'ils constatent l'absence d'instruction d'un enfant. Mais les maires ne peuvent pas tout ; il revient à l'État, c'est-à-dire à son représentant dans le territoire, de faire respecter les règles en la matière.
Chacun sait combien nous sommes réservés face à l'intrusion publique dans la sphère individuelle. Un équilibre doit être trouvé entre la liberté culturelle des familles, au sens large, et la lutte contre d'éventuelles fraudes ou déviances, voire contre l'obscurantisme qui, dans certains cas, peut être associé à l'instruction à domicile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Le groupe Les Républicains, favorable à cette liberté donnée aux familles de notre pays d'instruire leurs enfants à domicile, estime bien sûr, dans l'intérêt de l'enfant, que cette instruction en famille doit être encadrée et assortie d'un contrôle. Cela ne nous pose pas de problème.
Tout est cependant question de mesure. Et c'est là que le bât blesse. Il nous semble disproportionné que l'inspecteur de l'éducation nationale intervienne pour vérifier si l'instruction dispensée à des enfants de 3 ou 4 ans leur permet bien d'acquérir la maîtrise progressive du socle commun de compétence, comme le prévoit le quatrième alinéa de l'article 5.
Jusqu'à présent, le code de l'éducation garantissait la liberté pédagogique : l'efficience de l'instruction en famille n'était vérifiée que pour garantir le droit de l'enfant à être instruit. Or le projet de loi tend à figer le contenu de l'enseignement obligatoirement dispensé. Pourtant, l'instruction d'un enfant de 3 à 6 ans dépend non pas de l'assimilation précoce des matières académiques, mais de la confiance de celui-ci en ses propres capacités. Les parents devraient donc pouvoir choisir librement l'instruction de leur enfant à cet âge, sans avoir nécessairement à procéder à des déclarations préalables.
Si nous reconnaissons l'importance de démanteler les écoles dispensant un enseignement à caractère extrémiste, cela ne doit pas se faire au détriment de la liberté des familles. Le texte adopté par la commission prévoit pourtant une obligation de résultat, alors que les enseignants ne sont soumis qu'à une obligation de moyens. Mon collègue Pierre Cordier m'a d'ailleurs confié que certaines familles de sa circonscription des Ardennes s'inquiétaient de la rédaction de cet article.
Dans les zones rurales, les parents d'enfants souffrant de troubles spécifiques du langage et des apprentissages, comme les troubles dys, sont parfois forcés d'opter pour l'instruction en famille, faute de pouvoir accéder à des classes adaptées, comme dans certaines grandes villes. Ces enfants, nous le savons tous, ont des besoins particuliers. Leurs parents sont très souvent les mieux placés pour les comprendre et y répondre, en respectant leur rythme.
M. Fabien Di Filippo applaudit.
Alors que nous abordons l'examen de l'article 5, je souhaitais appeler votre attention sur le cas particulier des familles dont les enfants souffrent de troubles spécifiques du langage et des apprentissages – dyslexie, dyspraxie, et autres. En l'absence de structures d'accueil spécialisées, ces familles sont souvent amenées à instruire leurs enfants à domicile.
Comme Gilles Lurton l'a dit, il me semble important d'accorder une attention particulière à ces familles confrontées à de multiples difficultés, qu'il s'agisse du repérage des troubles, de leur reconnaissance, y compris par l'éducation nationale, ou de l'identification de professionnels susceptibles de leur proposer un accompagnement personnalisé adéquat.
Et puisque nous évoquerons l'inclusion des enfants en situation de handicap, je souhaiterais que nous puissions également favoriser celle des enfants souffrant de maladies du métabolisme, qui nécessitent des régimes alimentaires spécifiques. Les intolérances alimentaires peuvent en effet conduire à des situations d'exclusion – de la restauration scolaire, avant tout, mais aussi d'activités comme les classes de découverte. Il me semble utile de profiter de l'examen de ce texte pour inscrire dans la loi l'obligation de mettre en place des projets d'accueil individualisé pour ces enfants.
L'instruction peut être dispensée en famille pour différentes raisons, tantôt incontournables, tantôt plus discutables – même si l'on sait que, malheureusement, 60 % des enfants instruits à domicile présentent une phobie scolaire, sont souffrants ou en situation de handicap.
Le groupe UDI, Agir et indépendants ne s'oppose pas au renforcement du contrôle de l'instruction en famille. Toutefois, nous nous interrogeons sur ses modalités dans le cas des jeunes enfants. Par ailleurs, si le socle commun doit rester un outil indispensable, il faudra prendre en compte le rythme de l'enfant dans l'acquisition non seulement de savoirs mais aussi de savoir-être, de savoir-faire et de sa culture générale.
Avec les maires, nous nous interrogeons aussi sur leur capacité à contrôler l'obligation d'instruction, alors que les familles concernées changent fréquemment de domicile et qu'elles sont nombreuses à ne pas se déclarer en mairie.
Renforcer le contrôle de la scolarisation à domicile est très positif, mais comment et avec quels moyens cette surveillance sera-t-elle rendue plus attentive ? Pour l'instant, le texte propose surtout d'accentuer la pression sur les parents, voire de les sanctionner, afin de remettre l'enfant à l'école.
Or, comme cela a été dit, les jeunes déscolarisés sont de plus en plus nombreux parce que l'école ne leur convient plus. Dans de nombreux cas, la scolarisation à domicile résulte donc plutôt d'un décrochage que du choix d'une pédagogie alternative. Les parents se trouvent alors bien démunis pour instruire leur enfant à domicile, d'autant que si le CNED est utile à certains, il ne convient pas à ces enfants décrocheurs.
L'enjeu est donc de répondre à ce phénomène de déscolarisation. Or l'article, tout en faisant semblant de traiter le sujet, n'y répond pas.
Comme l'a bien dit Sabine Rubin, il manque un débat sérieux sur les enfants déscolarisés, instruits à domicile. Ce phénomène réel fera sans doute l'objet d'un projet de loi ultérieur. Il recouvre des réalités différentes, qu'il convient de distinguer. Parfois, la volonté des parents d'instruire leurs enfants à domicile est liée à leurs convictions spirituelles, ce que nous pouvons accepter, sauf lorsque ces convictions sont trop exaltées. Il importe donc de comprendre clairement de quoi il s'agit.
Mais – et je m'exprime là aussi bien en père de famille qu'en législateur – je connais aussi des enfants déscolarisés parce qu'ils connaissent de réelles difficultés face auxquelles, disons-le franchement, l'éducation nationale est parfois démunie. Les parents ne savent alors plus à qui s'adresser. Les professionnels, notamment les psychologues travaillant auprès des enfants, confirment qu'il s'agit d'un phénomène de grande ampleur.
Or prévoir que l'enfant instruit à domicile, s'il ne progresse pas, pourra être à nouveau scolarisé dans un établissement, c'est nous faire revenir au point de départ. L'article 5 tourne autour du sujet, mais n'apporte aucune solution. Il ne s'attaque qu'à la partie émergée du problème auquel est confronté le service public de l'enseignement.
Loin de vouloir nous opposer au contrôle de l'instruction à domicile, nous souhaitons donc aller plus loin et offrir une vraie réponse à la déscolarisation des enfants, que celle-ci résulte de troubles comme la phobie scolaire ou qu'elle soit la conséquence d'usage addictif des réseaux sociaux ou de consommation de psychotropes, phénomènes qui touchent des enfants de plus en plus jeunes. En l'état, les dispositions de l'article sont en tout cas très insuffisantes.
Pour ma part, je me félicite de l'existence de cet article, car la liberté des familles, certes importante, doit aussi être placée en regard de l'intérêt de l'enfant. Or l'intérêt d'un enfant est que soit garanti son droit à l'instruction.
Nous proposerons un amendement destiné à ce que le contrôle de l'instruction à domicile s'assure que l'enfant dispose des moyens nécessaires à l'acquisition progressive de chacun des domaines du socle commun. Il s'agit de porter attention à son bien-être de l'enfant, de vérifier, par exemple, que l'éducation qui lui est donnée ne porte pas atteinte à sa santé ou sa capacité à profiter de son temps libre.
En ce qui concerne les enfants qui ont quitté l'école en raison des problèmes qu'ils y rencontraient, Alexis Corbière a raison de dire qu'ils représentent un enjeu pour le service public de l'éducation. De quels moyens l'école publique dispose-t-elle pour assurer un suivi personnalisé des enfants en difficulté ? Qu'est-il prévu pour accompagner les enfants qu'il aura fallu à nouveau inscrire dans une école parce que leur famille – et c'est normal – n'aura pas été capable d'assumer leur instruction à domicile ?
Nous abordons là un article particulièrement sensible, puisqu'il touche à la liberté éducative des parents et des familles, laquelle est garantie par la Constitution.
Il est normal qu'un contrôle soit exercé afin d'éviter des dérives préjudiciables à l'intérêt de l'enfant. Mais il doit être adapté, car le choix de l'instruction à domicile, on l'a vu, peut obéir à des motivations différentes. Il convient donc de tenir compte de la situation particulière de chaque famille et de chaque enfant. Le contrôle doit également être proportionné, en particulier selon l'âge des enfants. Enfin, il doit être équitable. On ne saurait imposer davantage d'obligations à l'instruction à domicile qu'aux autres formes d'instruction.
Or, s'il était adopté, cet article introduirait justement une obligation de résultat qui n'est pas exigée pour les autres modes d'instruction. Il créerait donc une inégalité problématique au regard du respect de la liberté des parents en matière d'éducation.
Nous en venons aux amendements.
Sur les amendements identiques nos 110 , 147 , 297 et 369 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Ces amendements visent à supprimer l'article 5.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 110 .
Nous avons déposé ces amendements de suppression car nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement souhaite revenir sur les modalités de contrôle de l'instruction en famille. Le dispositif législatif en vigueur permet déjà de contrôler la façon dont cette instruction est dispensée, plus particulièrement lorsque des doutes existent sur sa qualité.
Par ailleurs, il est surprenant de discuter à nouveau de ce sujet, quelques semaines à peine après l'examen de la proposition de loi similaire déposée au Sénat par Mme Gatel.
Xavier Breton l'a évoqué, certaines familles font le choix délibéré d'instruire leurs enfants à domicile. Or nous ne connaissons pas les intentions à leur égard. On entend qu'il faut être plus coercitif ; pouvez-vous préciser quelles formes prendra cette coercition ?
Nous considérons pour notre part que la famille joue un rôle essentiel en matière d'éducation. Or dans ce domaine, sa place se voit lentement grignotée, l'intention étant de faire de l'État le premier éducateur de l'enfant.
Si nous approuvons le principe d'un contrôle, celui-ci doit être adapté, proportionné et équitable. Or, l'article 5 étend les contrôles indifférenciés, confirmant ainsi la logique d'un État qui entrave la liberté éducative des parents.
Les modalités du contrôle avaient déjà été renforcées dans le cadre de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté. Vous franchissez une nouvelle étape, mus par la volonté de surveiller ce que font les familles. Vous faites preuve d'une véritable défiance envers les familles.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Il est question non pas de nier la nécessité d'un contrôle, mais d'exiger qu'il soit adapté et de refuser qu'il s'inscrive dans une logique de tutelle de l'État sur les familles.
À la lecture de cet article, je m'interroge encore plus sur la scolarité obligatoire à 3 ans. On ne peut que souscrire à l'idée d'un contrôle juste de l'instruction dispensée par les familles. L'oratrice du groupe LaREM a fait part de son double souci de préserver la liberté d'instruction en famille et d'améliorer le contrôle.
Pour les enfants âgés de 3 à 6 ans, ce contrôle me semble toutefois problématique. Des inspecteurs seront sans doute formés à cet effet et de nouveaux dispositifs devront être instaurés. Mais comment les inspecteurs pourront-ils s'assurer de la réalité de l'instruction ? On ne sait pas trop.
L'article a été en partie écrit pour les familles qui, sous couvert d'instruction en famille, inscrivent leurs enfants dans des écoles hors contrat, notamment celles qui diffusent les idées salafistes.
On ne peut évidemment qu'approuver votre volonté de mettre un terme à de telles supercheries et d'éviter ces dérives sous prétexte de liberté d'éducation.
Au demeurant, l'article pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Je propose donc de le supprimer.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 369 .
Nous savons à quel point l'équilibre est difficile à trouver. Cet amendement vise à préserver la liberté pédagogique des familles qui ont fait le choix d'instruire elles-mêmes leurs enfants. L'article 5 introduit un régime de contrôle sans équivalent, y compris au sein de l'enseignement privé hors contrat, qui paraît disproportionné et, partant, attentatoire à la liberté pédagogique des familles.
L'objectif n'est pas d'empêcher tout contrôle de l'État, mais plutôt de s'en tenir à la stricte application du décret no 2016-1452 du 28 octobre 2016 qui reflète l'équilibre entre le respect des familles et l'indispensable contrôle de la bonne acquisition des savoirs fondamentaux.
La liberté d'instruction en famille et la liberté pédagogique ne sont nullement menacées par le texte. La possibilité d'instruire ses enfants à domicile selon les méthodes pédagogiques de son choix est entièrement préservée – je me permets de le répéter, car à entendre certains députés, on pourrait en douter.
S'agissant des rôles respectifs de la famille et de l'école et de la tentation de l'État d'empiéter sur le rôle dévolu aux familles de premiers éducateurs de leur enfant, nous en avons déjà abondamment débattu. Je propose donc de ne nous en tenir là.
En ce qui concerne les sanctions, principal argument à l'appui de la demande de suppression de l'article, il me semble légitime que les inspecteurs de l'éducation nationale puissent vérifier que les enfants ont acquis des compétences notamment en matière de langage, compte tenu de l'importance des apprentissages dans la petite enfance – nous l'avons rappelée lors de l'examen des articles 2 et 3.
Cet article renforce l'information donnée aux familles ainsi que les sanctions.
En raison de la censure du Conseil constitutionnel, …
… aucune disposition n'a été véritablement adoptée dans la loi dite égalité et citoyenne.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements de suppression.
Je souscris évidemment aux arguments que vient de développer Mme la rapporteure. Je me permets d'apporter quelques précisions supplémentaires, notamment sur les moyens dévolus au contrôle de l'instruction en famille. Dans chaque rectorat, un inspecteur de l'éducation nationale sera dédié à ce sujet – c'est déjà le cas dans certaines académies.
M. Corbière l'a dit, il s'agit d'un phénomène de société dont nous devons prendre toute la mesure, indépendamment de cette loi. L'éducation nationale doit donc se muscler – nous avons commencé à le faire et nous continuerons, en adaptant les moyens aux réalités des territoires.
Je prends au sérieux l'ensemble des problèmes que vous avez soulevés – je m'adresse aussi bien à M. Corbière qu'à MM. Reiss et Hetzel. Je suis conscient de la nécessité de prendre en considération tant l'intérêt de l'enfant que la liberté des familles en recherchant la plus grande concordance entre ces deux exigences. Il peut arriver toutefois qu'elles entrent en contradiction – la maltraitance existe.
Un certain contrôle de l'État est donc indispensable sans qu'il n'aboutisse à une quelconque intrusion dans la vie familiale. Jusqu'à présent, nous étions face à un vide juridique, faute de moyens pour mettre fin à des situations anormales. Nous introduisons donc un critère – la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture que doivent acquérir tous les enfants de France, qu'ils soient scolarisés ou instruits à domicile.
Il me semble normal de porter un regard particulier sur les enfants qui sont instruits à domicile parce que cette modalité d'instruction appelle plus de questions. Je suis sûr que certains parents ayant fait ce choix seront très fiers de montrer qu'ils remplissent parfaitement leur mission. Ceux que vous voulez défendre n'ont donc pas grand-chose à craindre. En revanche, à l'égard de tous ceux qui ont choisi l'instruction dans la famille, pour les raisons qu'a évoquées M. Corbière ou pour toute autre raison qui peut donner lieu à de la maltraitance, nous devons nous donner les moyens d'agir et de pouvoir sanctionner.
Cet article est équilibré. À l'instar du précédent et d'autres articles de ce texte, il met l'accent sur un phénomène auquel il faut s'intéresser. La loi est l'occasion d'enclencher des cercles vertueux – j'en suis convaincu.
Ce phénomène de société est mondial. J'ai lu récemment une enquête sur les Hikikomori au Japon – ces personnes qui se désocialisent, vivent recluses à la maison. Nous savons que certaines évolutions sociétales conduisent à ce genre de phénomènes. Il nous appartient de les prévenir en portant une grande attention aux premières années de la vie et à l'épanouissement de nos enfants.
Oui, vous avez raison, cela nous interroge, et tant mieux. Cela interroge l'institution scolaire – est-elle encore pleinement adaptée ? – ; cela interroge la relation entre les familles et l'école – est-elle encore appropriée ? – ; cela interroge les solutions dont nous disposons ; cela interroge nos manières de faire. Puisque le problème existe, le fait de s'interroger est plus une bonne qu'une mauvaise chose.
La loi ne prétend pas tout résoudre, sur ce sujet comme sur d'autres. Elle comporte des avancées, qu'il s'agisse de sensibiliser les acteurs ou de notre organisation pour apporter des solutions.
Nous voterons contre les amendements de suppression parce que, comme l'a dit M. le ministre, il ne faut pas fermer les yeux face aux évolutions de la société.
Il faut tenir compte de la liberté des familles dans le choix des modalités d'instruction mais aussi de l'intérêt de l'enfant. Il faut également souligner les bénéfices de l'école.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'enfermement et la solitude de certains enfants. L'école offre une ouverture vers l'extérieur, vers les autres. Elle est un lieu de partage avec les autres.
Il n'est pas question d'opposer l'État aux familles. Pour respecter l'intérêt des enfants et assurer leur instruction, l'État a la responsabilité de leur offrir une bonne école publique dans laquelle ils se sentent bien. C'est ainsi qu'on peut éviter le phénomène de déscolarisation.
J'insiste sur le cas des enfants âgés de 3 à 6 ans. Qui peut nier l'apport de la maternelle dans le développement des enfants ?
Il est très important d'exercer un contrôle attentif sur l'instruction à domicile pour ces enfants-là – ce ne sont pas des bébés, ils peuvent beaucoup apprendre au cours de cette période.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je souscris aux propos de Mme Buffet et de M. le ministre. Je mets en garde nos collègues qui défendent de tels amendements contre le danger d'utiliser des arguments allant à l'encontre de nos grands principes républicains.
Personne dans cet hémicycle ne conteste les trois piliers de l'école républicaine – gratuite, laïque et obligatoire. Pourquoi veut-on, dès 1793, la rendre obligatoire ? Je pense au député montagnard Louis-Joseph Charlier qui, le premier, défendit ce principe. L'obligation ne visait pas les enfants qui n'allaient pas à l'école mais l'opposition au sein de la famille à l'instruction des enfants.
Il n'est pas question d'une confrontation avec les familles, mais nous connaissons les pressions au sein de la famille dont les raisons peuvent être très diverses – j'ai cité les motifs spirituels ; auparavant, c'était plutôt le travail des enfants qui leur interdisait de bénéficier d'une instruction.
Ne revenons pas sur de tels principes ! L'instruction – pas l'école – doit être obligatoire. En tant que législateurs, nous devons veiller au respect de l'intérêt général. Les contrôles ne sont là que pour vérifier que l'instruction est bien assurée même si les parents ont fait d'autres choix pédagogiques.
De grâce, dans la chaleur de nos échanges, …
… ne laissons pas croire que la République et le législateur se désintéressent de l'instruction, au motif que celle-ci relève des parents et non de l'intérêt général. Je ne suis pas du tout d'accord : cela concerne la République. L'instruction est obligatoire. Ceux qui aujourd'hui, au nom de je ne sais quel effet de mode, veulent revenir sur ce principe sont prêts à accepter que des enfants soient condamnés à l'obscurantisme. Nous ne l'accepterons jamais.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Didier Le Gac applaudit également.
Il est hors de question pour nous de remettre en cause l'importance de l'école maternelle et de l'école, de manière générale. Nous savons ce que l'école apporte aux enfants les plus jeunes. Nous y sommes très attachés.
Il est également hors de question pour nous de remettre en cause la nécessité d'un contrôle, mais tout est affaire de proportion.
Comment, en effet, allez-vous contrôler dans le cas d'un enfant de 3 ans ? Mme la rapporteure a indiqué que nous avions besoin notamment de connaître – c'est très important, j'en conviens – les évolutions en matière de langage. Or prenons de nouveau l'exemple d'un enfant atteint d'un trouble dys, qui reste à domicile en raison de ses difficultés particulières, parce qu'il n'existe pas d'école susceptible de l'accueillir dans le secteur où il habite – nous souhaitons tous que cela change à terme avec la politique que vous développez, monsieur le ministre, mais nous savons combien c'est difficile. Comment allez-vous évaluer la progression du langage de ce gamin ? Quels critères d'évaluation adopterez-vous pour effectuer les contrôles que vous envisagez ? Telle est la question que nous posons. Pour un enfant de 3 ans, cela nous paraît complètement infondé.
Le groupe MODEM votera, bien sûr, contre les amendements de suppression. Au-delà des savoirs fondamentaux, du socle de connaissances, de compétences et de culture, c'est l'intérêt de l'enfant qui est au coeur de l'article 5. Bien évidemment, nous ne remettons nullement en cause la liberté pédagogique des familles, mais, comme cela a été dit, la maltraitance, tant physique que psychologique, existe. C'est contre ces problèmes que nous entendons lutter.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM. – Mme Cécile Rilhac applaudit également.
Le groupe Liberté et territoires votera contre les amendements de suppression, car il faut évidemment qu'il y ait un contrôle. Les familles sont libres de choisir le mode d'enseignement, nous sommes bien d'accord, mais les enfants ont un droit, celui de recevoir une instruction. Je ne vois pas comment ils pourraient s'intégrer dans la société sans cette instruction. Leurs choix professionnels seraient nécessairement limités : ils pourraient exercer le métier appris avec leur père, c'est à peu près tout, et nous assisterions à une forme de reproduction sociale. L'instruction est absolument primordiale : elle donne une ouverture d'esprit et des clés pour comprendre le monde dans lequel on vit. Nous la devons aux enfants.
Chers collègues du groupe Les Républicains, en examinant les amendements suivants, nous allons discuter des modalités de l'évaluation, mais je crois que celle-ci est absolument nécessaire. Or, si l'on supprimait l'article 5, il n'y aurait plus d'évaluation du tout.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Il n'est pas du tout question, comme je l'ai entendu, de trouver un équilibre entre une liberté constitutionnelle et le contrôle de cette liberté. Le principe, constitutionnel, c'est la liberté éducative des familles et des parents, et c'est dans le cadre de ce principe qu'il faut effectivement assurer, dans l'intérêt de l'enfant, un certain nombre de contrôles, de façon à repérer les quelques situations dangereuses pour l'enfant qui peuvent exister.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que l'on pouvait se poser davantage de questions dans le cas de l'instruction à domicile que dans celui de l'instruction à l'école, qu'elle soit publique ou privée. Je m'interroge : pourquoi se poser davantage de questions ? C'est parce que vous vous placez du côté de l'État, pas de celui de la famille, qui a une liberté éducative.
Oui, il s'agit bien de se placer du côté de l'enfant : les premiers éducateurs sont les parents. Les enfants appartiennent à la famille, non à l'État. C'est sans doute une conception qui nous distingue de vous, et nous la revendiquons.
Les familles exercent donc cette liberté : elles choisissent librement la manière dont l'instruction est dispensée. Vous vous placez du point de vue de l'État, en distinguant les enfants qui sont à proximité immédiate, c'est-à-dire à l'école, a fortiori s'il s'agit de l'école publique, et ceux qui sont éloignés, pour lesquels on va se poser davantage de questions. Votre point de départ n'est pas la famille, c'est l'État.
Or la liberté affirmée dans la Constitution, c'est celle des parents. Il y a bien, nous le voyons, une différence d'approche.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 12
Contre 69
L'article 5 tend à modifier l'article L. 131-10 du code de l'éducation notamment en ce qui concerne les modalités de contrôle de la réalité de l'instruction dispensée aux enfants d'une même famille. Or sa rédaction est confuse et imprécise, ce qui risque de rendre ces dispositions caduques. Le présent amendement vise tout simplement à rendre l'article 5 plus lisible et plus aisément applicable.
L'amendement no 860 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 823 .
Il faudrait profiter de l'examen de l'article 5 pour toiletter les textes relatifs au contrôle de l'instruction à domicile. Le code de l'éducation dispose que, lorsque des personnes déclarent que leurs enfants seront instruits à domicile, c'est la commune qui doit vérifier ce qui se passe dans le logement. Or nous allons voter un article prévoyant que le représentant de l'État prescrira lui aussi un contrôle au domicile.
Sans trahir de grand secret, je ne suis pas sûr que toutes les communes concernées vérifient ce qui se passe dès l'année de la déclaration et, ensuite, tous les deux ans. Quel est le rôle du maire ? Vérifier qu'il y a un logement et qu'il est occupé ? Les communes ne s'occupent ni de la pédagogie ni des résultats de l'instruction donnée.
Le contrôle est indispensable et doit être effectué, mais rationalisons pour qu'il n'y ait pas deux institutions qui contrôlent la même année, au même domicile, l'instruction donnée dans la même famille ! Par mon amendement, je propose que seul l'État soit chargé du contrôle.
Avis défavorable. Comme vous le savez, il est déjà prévu que l'enquête soit diligentée par le représentant de l'État dans le département si elle n'a pas été effectuée par la mairie. Il y a un contrôle bisannuel par les mairies et un contrôle annuel par l'éducation nationale. Il ne me paraît pas opportun, à ce stade, de modifier cette règle.
Avis défavorable également.
Je suis confus, monsieur Di Filippo. M. Pupponi vous coupe un peu l'herbe sous le pied…
Ce n'est pas contre vous, monsieur Di Filippo, c'est pour gagner du temps !
L'amendement no 823 est retiré.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 580 .
Les deux contrôles n'ont pas le même objectif : celui que doit exercer l'autorité compétente en matière d'éducation, à savoir l'éducation nationale, porte sur le contenu de l'instruction et l'accès aux connaissances ; celui que doit exercer la mairie porte sur les conditions de vie de l'enfant, notamment les conditions de santé et d'hygiène. Il faut maintenir ces deux contrôles. Par cet amendement, nous proposons que la mairie exerce désormais le sien chaque année.
Comme je l'ai indiqué en répondant à M. Pupponi, l'éducation nationale procède déjà à un contrôle pédagogique annuel et la mairie à un contrôle bisannuel, qui n'a pas la même finalité, comme vous l'avez relevé. Il ne me paraît pas opportun de multiplier les contrôles. Avis défavorable.
Avis défavorable également.
Par cet amendement, nous souhaitons renforcer le contrôle effectué par la mairie, en le rendant annuel. Nous partons des réalités : bien souvent, les contrôles ne sont pas faits ; surtout, le premier contrôle intervient souvent avec beaucoup de retard, alors qu'il devrait être prioritaire. Ce contrôle de nature sociale, qui porte sur les conditions d'hygiène, de santé et d'accueil – on doit pouvoir faire classe dans le logement – , devrait être obligatoire dans les trois mois après la déscolarisation ou la déclaration d'instruction à domicile. Vous ne souhaitez pas multiplier les contrôles, soit, mais il faudrait voir comment renforcer ce contrôle et le rendre effectif.
Il y a la liberté des parents en matière d'instruction, mais il y a aussi un devoir pour la société de protéger les enfants, nous en sommes tous conscients ici. D'où ces deux contrôles, celui des conditions matérielles dans lesquelles vit l'enfant – il ne faudrait pas qu'il soit enfermé dans une sous-pente… – et celui des conditions pédagogiques, confié à l'éducation nationale.
Mais, avant de réaliser un contrôle chaque année, encore faut-il enclencher le processus, ce qui implique que la municipalité soit informée de la présence ou de l'arrivée d'enfants non scolarisés. Or, lorsque nous avons interrogé les uns et les autres, Anne Brugnera et moi-même nous sommes rendu compte qu'il pouvait très bien arriver que le maire ne sache pas qu'il y a, dans sa commune, un enfant qui reste chez lui et ne va pas à l'école, soit parce qu'il s'agit d'une très grande ville où il y a beaucoup de passage, soit parce qu'il s'agit d'un village avec des lieux isolés. D'où la nécessité, comme nous l'avons évoqué, d'une autorisation préalable et d'un numéro d'identification pour les enfants. Sans cela, il restera de très grands trous dans la raquette.
Je trouve l'amendement très intéressant, même si je ne suis pas d'accord sur un point : il ne devrait pas revenir aux municipalités de procéder à ces contrôles préalables ou réguliers.
Je n'aurai pas les mêmes pudeurs que mes collègues communistes, qui évoquent des problèmes de santé ou d'accueil matériel des enfants. La recrudescence des déscolarisations est liée, on le sait, au développement d'un certain islamisme radical.
Murmures sur divers bancs.
Certaines familles ne veulent pas que leurs enfants grandissent dans un lieu où sont enseignées les valeurs de la République ; elles veulent au contraire les élever dans la haine de ce que sont la France et la République.
Mme Pau-Langevin a relevé très justement qu'il y avait des trous dans la raquette : parfois, les contrôles ne sont pas faits à intervalle régulier, ou les changements de domicile ne sont pas déclarés, cette déclaration n'étant pas obligatoire. Nous avions déjà évoqué ce problème l'un et l'autre à propos de situations de très grand danger.
Vous avez donné un avis défavorable, madame la rapporteure, soit, mais quelles mesures prenez-vous pour lutter contre ces dérives très graves, avant tout pour les enfants ? Car c'est bien l'intérêt de l'enfant que vous mettez en avant pour défendre l'article 5.
L'amendement no 580 n'est pas adopté.
Selon des études récentes, le trouble neuro-psycho-développemental toucherait près de 5,6 % des enfants d'âge scolaire en France. La prévalence de ce trouble est très importante, et le diagnostic intervient, dans les faits, beaucoup trop tardivement, souvent plusieurs années après. S'il n'est pas identifié ou s'il est mal pris en charge, le trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité – TDAH – constitue un facteur de risque supplémentaire pour le développement d'un trouble de la conduite ou du comportement. Le présent amendement, rédactionnel, vise à préciser que la santé prise en considération dans les évaluations et diagnostics permettant à l'autorité administrative de déterminer si l'instruction dans la famille est souhaitable ou non est à la fois « physique et psychique ».
Avis défavorable. Le contrôle de la santé de l'enfant comporte nécessairement le contrôle de sa santé physique et celui de sa santé psychique.
L'amendement no 475 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1009 .
Lorsque l'on compare les obligations qui incombent aux écoles hors contrat et celles qui s'imposent aux familles ayant choisi de pratiquer l'instruction à domicile, on s'aperçoit d'une différence de traitement problématique. Si nul ne conteste qu'il existe bel et bien des parents dissimulateurs – je renvoie aux cas que vous avez évoqués à plusieurs reprises, monsieur le ministre, à savoir des parents qui prétendaient pratiquer l'école à la maison pour mettre leurs enfants dans des écoles salafistes – , le choix d'instruire les enfants à la maison obéit, dans la grande majorité des cas, à d'autres considérations, comme le respect des rythmes de l'enfant, l'adaptation aux enfants dits atypiques ou encore aux enfants victimes de harcèlement ou de phobie scolaire, qui ont besoin, pendant un certain temps, de faire une pause dans leur scolarisation au sein d'un établissement plus classique. Pourquoi faire peser sur ces parents davantage d'obligations que sur les autres ? Nul ne conteste la légitimité du contrôle, mais on peut contester les modalités de sa mise en oeuvre.
On impose en effet à ces familles une obligation de résultat, puisque c'est l'enfant et sa maîtrise du socle qui sont contrôlés, alors que les autres ne sont soumises qu'à une obligation de moyens : c'est le dispositif éducatif mis en place par l'instructeur pour permettre à l'enfant cette acquisition qui est contrôlé.
Il faut mettre fin à cette inégalité entre les enfants instruits au sein de la famille et ceux qui sont scolarisés. Quant à la mention d'un contrôle « au moins » une fois par an, elle semble surréaliste s'agissant d'un enfant de trois ans instruit à domicile. Faisons preuve de pragmatisme : amendons cet article pour rétablir une égalité de traitement entre les familles de France. Personne ne s'oppose au contrôle, bien au contraire, à condition qu'il soit adéquat, adapté et non discriminant.
L'amendement no 1009 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'objectif de cet amendement est très simple. Il tend à rétablir un concept qui nous paraît essentiel : celui de famille.
Jusqu'à présent, le code de l'éducation faisait référence à la famille et on trouvait cela très bien. Il est vrai qu'il y a aujourd'hui un certain nombre de situations qui imposent de préciser les choses sur le plan juridique, et c'est la raison pour laquelle le concept de « personne responsable de l'enfant » a été introduit. Là où nous ne sommes plus d'accord, toutefois, c'est quand le Gouvernement supprime la référence à la famille pour la remplacer par cette seule expression. Ce que nous souhaitons, c'est que le code de l'éducation continue de faire référence à la famille et que l'on évoque les personnes responsables de l'enfant seulement dans les cas où le terme de famille ne convient pas juridiquement. C'est vraiment le moment où le principe du « en même temps », cher au Gouvernement, doit jouer à plein ! Ce serait quand même un petit peu plus cohérent que de supprimer toute référence à la famille.
On peut effectivement s'étonner de la suppression du mot « famille » et de son remplacement par la notion de « personne responsable de l'enfant », cette dernière notion étant certes plus large. Soit il s'agit d'un choix sémantique délibéré traduisant la volonté de mettre de côté la famille au profit de l'État dans le processus d'éducation, soit il s'agit tout simplement d'une erreur des services du ministère qu'il convient d'un point de vue politique de réparer de façon à ce que la place des familles continue à être reconnue.
Nous proposons, non pas de supprimer la notion de « personne responsable de l'enfant », qui peut avoir sa pertinence sur le plan juridique, mais de maintenir la référence à la famille qui doit rester selon nous centrale dans l'éducation des enfants. Nous attendons votre réponse avec impatience !
Je vous ai répondu longuement en commission, cher collègue. Avis défavorable.
Je ne voudrais pas que s'installe progressivement l'idée selon laquelle ce projet de loi serait d'une quelconque façon dirigée contre les familles alors que c'est tout l'inverse. Nous le disons depuis le début et je le répète souvent : les bonnes relations entre la famille et l'école sont l'enjeu majeur de tout système scolaire, et c'est évidemment l'objectif que nous poursuivons. C'est tout le sens de l'expression « école de la confiance ».
Je rappelle à ce propos les deux éléments essentiels, dans ce projet et au-delà, pour faire progresser un système scolaire : la formation des professeurs et la relation entre la famille et l'école. Ce texte ne constitue en aucun cas une régression de l'estime et de la confiance envers les familles. Cela n'enlève rien à tout ce que nous avons dit sur le fait que l'intérêt de l'enfant impose d'effectuer un certain nombre de contrôles, mais je ne voudrais pas que ces choix lexicaux laissent à penser que nous agissons contre la famille.
Il se trouve que cette expression « personne responsable de l'enfant » que l'on trouve à maints endroits du code de l'éducation est l'expression consacrée sur le plan juridique : changer cela introduirait un trouble juridique. C'est pour cela que je suis d'accord avec l'avis de la rapporteure. En revanche, j'exprimerai tout à l'heure un avis favorable sur un amendement de M. Reiss relatif à ce sujet de sémantique.
Je ne veux pas laisser installer l'idée qu'il y aurait ceux qui aiment la famille et ceux qui ne l'aiment pas. Nous aimons tous la famille sur tous ces bancs, nous aimons tous la République et nous voulons renforcer cette alliance. Nous ne devons pas oublier que nous sommes en train de fabriquer du droit et que nous devons donc utiliser les expressions adéquates. On retrouvera le mot « famille » à d'autres endroits car celle-ci n'est évidemment exclue ni de notre vision ni de notre vocabulaire.
Vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre, de dire que nous fabriquons du droit. Il est dommage que vous ne l'ayez pas rappelé à propos de l'article 1er, comme l'a fait le Conseil d'État.
Vous ne pouvez pas dire, madame la rapporteure, que vous avez déjà justifié votre avis sur cet amendement puisque je ne l'avais pas déposé en commission.
Vous dites par ailleurs que cette question n'est pas importante ; pour nous elle l'est. Nous entendons vos arguments, monsieur le ministre, mais il est quand même assez frappant de constater que l'on supprime à plusieurs endroits du code de l'éducation cette référence à la famille pour y substituer celle du représentant légal. Nous ne contestons pas cette référence au représentant légal, mais ce qui nous perturbe, c'est la suppression de la référence à la famille.
Nous pensons même que vos arguments militent en faveur du maintien des deux notions pour éviter toute ambiguïté. On ne voit pas quel problème cela poserait sur le plan juridique.
Cet amendement de ma collègue Valérie Lacroute concerne le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. En le déplaçant de la partie réglementaire vers la partie législative du code de l'éducation, le projet de loi entérine le socle commun comme seul objet possible de l'instruction obligatoire pour les parents ayant fait le choix d'une instruction en famille ou d'une scolarité à distance. Ceci constitue une atteinte majeure à la liberté de choix d'enseignement et un frein à toute possibilité d'innovation pédagogique. Le socle commun peut rester un outil indispensable des méthodologies de contrôle mais ne saurait constituer le seul objet de l'instruction obligatoire, étant entendu que la liberté d'enseignement est garantie par la France en application des principes de la convention des droits de l'enfant.
De plus, le socle commun n'étant défini qu'à partir des 6 ans de l'enfant, on se heurte à un vide législatif s'agissant des trois années de scolarisation qui précèdent.
Dans ce contexte, la rédaction actuelle indiquant que le contrôle doit s'assurer de « la maîtrise progressive par l'enfant de chacun des domaines du socle », prête à confusion et n'est pas réaliste pour un enfant de trois ans. Il est donc demandé que le contenu des connaissances requis soit défini par décret ou le cas échéant que l'exigence de maîtrise par l'enfant soit remplacée par la fixation d'un objectif.
Ce passage du socle commun de la partie réglementaire à la partie législative constitue une véritable rupture d'égalité : alors que l'on imposera à l'instruction à domicile une obligation de résultat, les autres modes d'instruction resteront soumis à une simple obligation de moyens. C'est d'autant plus choquant que cela concerne des âges pour lesquels le contrôle est difficile.
L'objet de l'amendement est de remédier à cette inégalité.
Si nous demandons une réécriture de cette partie du texte, c'est pour une raison toute simple : les auditions nous ont permis de constater que des pédagogies alternatives étaient développées dans le cadre de l'instruction à domicile, en particulier les apprentissages autonomes, qui ont pour objectif de laisser en amont une grande liberté à l'enfant, plus encore que dans la méthode Montessori.
Beaucoup de familles s'inquiètent, à mon avis légitimement, du fait que ces pédagogies sont peu connues de l'éducation nationale, voire rejetées par une partie des inspecteurs de l'éducation nationale en raison de cette grande liberté laissée à l'enfant. Elles craignent qu'on leur reproche une approche excessivement ouverte, alors que ces pédagogies ont été validées par des travaux scientifiques tout à fait éminents, qui ont prouvé qu'elles donnent des résultats positifs en matière d'acquisition des connaissances et des compétences.
Que va-t-il advenir de ces pratiques ? Même si le nombre de familles concernées n'est pas élevé – encore que – , il y a là un vrai sujet : comment une approche extrêmement coercitive se traduira-t-elle concrètement pour les familles, pour les enfants ? Ces dispositifs seront-ils reconnus à leur juste valeur, et par voie de conséquence, respectés ?
Sur ce sujet comme sur d'autres, il faut faire confiance aux personnels, en l'occurrence aux inspecteurs de l'éducation nationale chargés d'évaluer l'instruction à domicile et de vérifier que les enfants ont bien acquis les compétences qu'ils doivent acquérir.
Non seulement j'ai plutôt tendance à leur faire confiance pour déterminer ce qu'il faut évaluer et à quel âge, mais il se trouve qu'ils ont en général une très bonne connaissance des méthodes dites alternatives qui les rend tout à fait capables d'apprécier la progression de l'élève en tenant compte des différentes méthodes pédagogiques. Ce qui importe, c'est que l'on puisse vérifier que les enfants ont acquis un certain nombre de compétences langagières et psychomotrices, ou encore en matière de lecture et d'écriture, quel que soit le moyen utilisé pour les transmettre. Les inspecteurs savent faire preuve de toute la souplesse nécessaire dans la prise en compte de la diversité pédagogique et des éventuels troubles des enfants.
Avis défavorable.
Je vous remercie pour ces amendements et les questions que vous avez posées, car les uns et les autres se situent dans le prolongement de nos débats extrêmement utiles et intéressants.
Je me souviens de nos discussions lors du vote de la loi dite Gatel et des commentaires auxquels cela a donné lieu. Certains d'entre eux m'ont beaucoup surpris, alors que l'objectif de cette loi était très clairement d'en finir avec un certain type d'abus qui, à la faveur d'un cadre juridique très libre, pouvait conduire à l'émergence d'écoles hors contrat fondamentalistes, essayant d'endoctriner les enfants dès le plus jeune âge – nous l'avons vu à l'occasion de fermetures récentes.
Le but était donc clair, il n'y avait aucun malentendu. Pour autant, certains ont réagi comme si nous voulions limiter la liberté de créer des écoles. J'ai répondu très clairement lorsque les critiques étaient de bonne foi. Lorsqu'elles l'étaient moins, il s'agissait d'introduire une forme de confusion et empêcher que nous puissions avancer sur un sujet pourtant sensible, car, encore une fois, nous devons être très attentifs à l'intérêt de l'enfant.
Comme l'a dit Mme la rapporteure, l'éducation nationale ne nourrit aucune hostilité vis-à-vis de la liberté d'enseignement et de la création d'écoles hors contrat. Simplement, nous devons distinguer ce qui entre dans le cadre républicain normal et ce qui n'y entre pas. Je dirais même que la création de telles écoles a une vertu stimulante, ce qui nous renvoie à notre discussion sur le décrochage scolaire : il est vrai que des structures sont parfois créées pour répondre à des phénomènes que l'éducation nationale, malheureusement, ne parvient pas à appréhender assez bien.
En la matière, je ne suis pas fataliste, au contraire, je suis volontariste. C'est pourquoi il convient avant tout de regarder les choses positives qui sont faites et de faire aussi bien voire mieux dans le cadre de l'école publique. Telle est la démarche : il ne s'agit pas d'écraser ce qui a de l'intérêt mais, le cas échéant, de s'en inspirer et de respecter les libertés.
Cette loi, pas plus que celle d'hier, ne vise ni à persécuter ni à entraver des initiatives qui sont prises dans un cadre juridique tout à fait convenable. Il faut être, en revanche, très attentif à ce que l'école de la République soit à la hauteur de ses missions et qu'elle accepte l'émulation – je me réfère souvent à des comparaisons internationales mais ce doit être aussi le cas dans le cadre national – , à travers des initiatives intéressantes.
Avec cette loi, il n'y a rien à craindre pour la liberté de l'enseignement. Mon avis est donc défavorable.
Je vous remercie pour ces précisions, car les familles, notamment celles qui assurent l'instruction à domicile, suivent nos débats et certaines en reprendront les comptes rendus. Elles pourront se référer à vos propos pour échanger avec les représentants de l'éducation nationale comme, par exemple, les inspecteurs.
Puisque nous évoquons la pédagogie des apprentissages autonomes, celle-ci compte parmi ses grandes particularités un dossier pédagogique qui est généralement constitué par les familles. L'éducation nationale, dans sa mission de contrôle, doit le prendre pleinement en compte puisque, encore une fois, les apprentissages autonomes des connaissances sont très hétérogènes. Il faut donc veiller à ne pas se focaliser sur la seule homogénéité ; un équilibre doit être trouvé.
Merci pour ces précisions mais, comme nous préférerions que tout cela soit inscrit dans la loi, nous maintenons ces amendements.
L'amendement no 948 n'est pas adopté.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous pensons qu'il faut mieux encadrer et accompagner l'instruction à domicile.
Par cet amendement, nous souhaitons faire prévaloir une idée qui vaut à la fois pour la scolarisation à l'école et à domicile. Il s'agit d'évaluer les moyens dont dispose l'enfant pour l'acquisition progressive des connaissances. À la deuxième phrase de l'alinéa 4, nous proposons donc de substituer aux mots : « de la maîtrise progressive par l'enfant » les mots : « que l'enfant dispose des moyens nécessaires à l'acquisition progressive. »
Cela se justifie d'autant plus dans le cas de l'instruction à domicile que – vous êtes nombreux à l'avoir rappelé – les enfants sont en situation de déscolarisation faute que l'école leur convienne. L'évaluation ne doit donc pas reposer sur les acquis mais sur les moyens dont ils disposent pour acquérir les connaissances. Tel est le sens de notre amendement.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n o 760 .
La magie de cet hémicycle fait parfois naître d'intéressantes correspondances ! En effet, il convient beaucoup plus de s'attacher à la question des moyens qu'à celle des résultats.
L'article 5 maintient un traitement inégalitaire au regard d'un certain nombre d'articles du code de l'éducation entre les instructeurs, qui nous paraît contraire à la liberté d'enseignement. Dans sa rédaction actuelle, le contrôle porte directement sur la maîtrise par l'enfant de chacun des domaines du socle alors que les établissements scolaires doivent seulement permettre à l'enfant cette même acquisition. Il y a donc, d'un côté, une obligation de moyens, de l'autre, une obligation de résultats. L'objectif de cet amendement est de faire en sorte que les différentes formes d'instruction soient traitées de manière juste et équitable.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement identique no 769 .
Il s'agit d'un amendement important, car il rétablit l'égalité entre les enfants et les familles.
Cet article prévoit de modifier l'article L. 131-10 du code de l'éducation en disposant que « ce contrôle permet notamment de s'assurer de la maîtrise progressive par l'enfant de chacun des domaines… ». Nous nous situons donc bien dans une obligation de résultat. Or celle-ci ne s'appliquerait que pour le contrôle de l'instruction à domicile.
Nous proposons que ce contrôle permette notamment de s'assurer « que l'enseignement dispensé permet l'acquisition » du socle commun de connaissances. Il est normal d'en revenir à une obligation de moyen, mais il ne faut pas imposer une maîtrise qui n'est pas exigée pour les enfants dont la voie d'instruction est différente. Nous nous situons dans une logique d'égalité des enfants et des familles devant la loi.
Avis défavorable.
S'agissant de la progressivité, madame Faucillon, la circulaire du 14 avril 2017 précise qu'« il ne faut pas y voir une obligation de résultat, mais un outil de dialogue pédagogique avec la famille permettant de vérifier que les moyens mis en oeuvre dans le cadre des choix éducatifs effectués par les personnes responsables permettent à l'enfant de progresser régulièrement vers l'acquisition du socle commun. » La notion de progressivité dans les acquisitions dont vous parlez me semble être satisfaite.
Par ailleurs, M. Hetzel et M. Breton semblent considérer qu'il existe une forme d'inégalité parce que les enfants scolarisés à l'école ne sont pas soumis à ces évaluations, mais le contrôle des résultats obtenus y est très régulier, les enseignants s'assurant de l'acquisition des résultats de leurs élèves. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 578 n'est pas adopté.
La rédaction actuelle a défini le socle commun comme objet de l'instruction obligatoire pour les enfants instruits en famille comme pour les écoles hors contrat. Or les objectifs de connaissances et de compétences attendus à la fin de chaque cycle sont contraires à la liberté d'enseignement et incohérents avec la rédaction visant les écoles hors contrat à l'article 442-3 du code de l'éducation, qui ne précise que le socle commun et non les cycles.
Ces références par cycle peuvent rester incluses dans les modalités de contrôle définies par décret mais ne devraient pas être immuables sur le plan législatif au regard de la liberté d'enseignement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement identique no 998 .
La rédaction actuelle de cet article introduit une profonde inégalité de traitement. Les établissements scolaires n'ont qu'une obligation de moyen, encore une fois, et doivent permettre aux enfants d'acquérir les connaissances et de maîtriser les compétences attendues. Avec cet article, les parents qui ont choisi l'instruction à domicile se retrouvent confrontés à une obligation de résultat, on l'a dit.
C'est d'autant plus problématique quand c'est le handicap de l'enfant qui implique l'instruction domicile. Alors que les parents font ce choix pour s'adapter aux besoins de leurs enfants, pour bénéficier de davantage de souplesse, cet article leur impose de suivre les objectifs fixés pour chaque cycle.
Je pense également aux enfants scolarisés à domicile en raison d'une phobie scolaire ou parce qu'ils ont été harcelés à l'école. Ils doivent retrouver la confiance en eux et le goût d'apprendre. S'il faut s'assurer que les bons moyens sont mis en oeuvre pour les instruire, des contrôles trop angoissants peuvent produire des résultats totalement faussés.
Enfin, cette obligation de résultat s'appliquera également aux enfants de 3 à 6 ans, ce qui paraît difficile dans la mesure où les différences de développement peuvent être grandes à cet âge.
Les établissements scolaires hors contrat ne sont pas soumis à de telles contraintes et l'on veut les imposer pour l'éducation à domicile. Avouez que c'est étonnant ! C'est d'autant moins compréhensible que la très grande majorité des contrôles montre que l'instruction à la maison se passe très bien.
Il est donc indispensable de rétablir le principe d'égalité de traitement entre les différentes formes d'instruction. C'est l'objet de mon amendement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
L'amendement no 759 vise à compléter la deuxième phrase de l'alinéa 4 par les mots : « en tenant compte des méthodes pédagogiques des parents et des besoins de l'enfant ». Il s'agit, en fait, d'inscrire dans le code de l'éducation que le principe de liberté pédagogique s'applique également lorsque l'instruction s'effectue à domicile. C'est là un sujet sensible, et nous aimerions que le code de l'éducation en fasse mention.
Si l'exigence de socle et de cycles est passée au niveau législatif, il n'en est pas de même des précédentes mentions de liberté pédagogique et d'adaptation à l'enfant – sans que l'on sache s'il s'agit d'un oubli ou d'une omission volontaire. Ainsi, les articles réglementaires D. 131-12, R. 131-13 et R. 131-14 sont rendus caducs par le présent projet de loi.
L'article D. 131-12 indique que « la progression retenue doit être compatible avec l'âge de l'enfant et son état de santé, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués et de l'organisation pédagogique », l'article R. 131-13 que « le contrôle [... ] est fait au regard des objectifs [... ] en tenant compte des méthodes pédagogiques retenues [... ] par les personnes responsables des enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille », et l'article R. 131-14 que « les personnes responsables de l'enfant précisent notamment à cette occasion la démarche et les méthodes pédagogiques qu'elles mettent en oeuvre. »
Pouvez-vous nous préciser ce que deviennent ces dispositions ? Restent-elles au niveau de l'exigence de socle et de cycles, passée au niveau législatif, ou sont-elles mises de côté, ce qui remettrait en cause le principe de liberté pédagogique ?
Ces amendements me paraissent satisfaits, dans la mesure où les contrôles tiennent compte des méthodes pédagogiques des parents et des besoins des enfants. Avis défavorable.
Même avis.
Il a pour objet de supprimer, à la fin de la première phrase de l'alinéa 5, les mots : « selon des modalités qu'elle détermine », afin de préserver la liberté pédagogique des familles ayant choisi d'effectuer l'instruction de leur enfant à domicile.
Selon la Déclaration universelle des droits de l'homme, « les parents ont par priorité le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ». Il convient donc de respecter la liberté d'instruction à domicile des familles et de permettre le choix de pédagogie alternative pour l'éveil des enfants en bas âge. Certaines familles sont parfois dans l'obligation de scolariser un enfant à domicile du fait de son handicap ; il faut en tenir compte.
Avec l'amendement identique no 150 , nous proposons donc que le contrôle prescrit par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation se fasse selon des modalités déterminées par les familles.
Dans les faits, les modalités de contrôle sont déjà strictement encadrées par un certain nombre de mesures réglementaires ainsi que par le code de l'éducation et par la circulaire no 2017-056 du 14 avril 2017, ce qui fait que la liberté des rectorats dans l'organisation des contrôles est très relative. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Même avis.
Cet amendement a pour objectif de préciser le texte et de renforcer la capacité de contrôle de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, dans l'intérêt de l'enfant.
Si le contrôle au domicile de l'enfant doit rester la règle, il peut arriver que les personnes responsables de l'enfant, pour des raisons diverses, ne souhaitent pas que l'on s'introduise dans leur domicile. Or, en l'espèce, la substitution par les mots : « en principe » du terme : « notamment » de la précédente rédaction de l'alinéa 5 de l'article L. 131-10 n'apporte pas grand-chose. Tout au plus précise-t-elle le caractère théorique habituel de cette procédure de contrôle sans offrir d'alternative. Sur le terrain, il n'est quasiment jamais recouru à l'alternative envisagée par le présent amendement.
Il faut offrir plus de possibilités et de pouvoirs de contrôle à l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation. Par conséquent, la précision demandée ne peut être déclarée satisfaite par une simple locution adverbiale : elle doit être inscrite dans le texte. Pour contrôler malgré tout le niveau scolaire de l'enfant, il convient d'offrir une alternative en proposant que ce contrôle puisse s'effectuer aussi dans un établissement scolaire proche du domicile où l'enfant est instruit. Tel est le sens de cet amendement.
L'ajout de cette précision me semble restrictif. Vous souhaitez que le contrôle ait lieu dans un établissement scolaire, ce qui serait difficile à imposer aux enfants souffrant de phobie scolaire, d'autant plus qu'il est prévu que le contrôle pourra s'exercer dans les locaux du rectorat. Avis défavorable.
Même avis.
Le fait d'inviter un enfant dans un établissement scolaire, où il verrait d'autres enfants, pourrait lui donner envie d'y revenir durablement et lui faire passer cette phobie scolaire.
Je ne comprends pas le sens de cet amendement et encore moins la précision qui vient d'être apportée. L'objectif est de contrôler les savoirs acquis mais aussi les conditions et l'environnement dans lesquels l'enseignement se déroule ainsi que les moyens déployés par les parents. Il est important que le contrôle s'exerce au domicile, là où l'enfant suit quotidiennement l'enseignement, afin de détecter les cas où les parents déscolarisent leur enfant pour l'éloigner de l'enseignement et des valeurs de la République dans un dessein de radicalisation islamiste.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe GDR.
L'amendement no 797 n'est pas adopté.
Cet amendement d'appel tend à améliorer le recensement et le suivi des enfants en âge d'être scolarisés par l'attribution d'un numéro d'identification unique « INE ». Cette proposition émane de la mission flash relative à la déscolarisation. George Pau-Langevin l'évoquait tout à l'heure, il arrive que des enfants soient déscolarisés en cours d'année. Il convient de suivre leur parcours, qu'ils soient instruits à domicile ou dans une école privée hors contrat, afin de s'assurer que chaque enfant accède à l'instruction à laquelle il a droit. Seule l'attribution de ce numéro le permettra.
Avis défavorable à cet amendement dont j'ai bien compris qu'il s'agissait d'un appel. Une réflexion est menée autour de l'attribution d'un INE à chaque enfant. Dans la mesure où elle est en cours, je rendrai un avis défavorable même si je partage l'objectif.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Nous poursuivons le même objectif par la voie réglementaire.
L'amendement no 780 est retiré.
Nous avons longuement évoqué le rôle essentiel de la famille. Or vous prévoyez de remplacer « la famille » par « les personnes responsables de l'enfant », à l'alinéa 6 de l'article L. 131-10 du code de l'éducation. Cet amendement tend à conserver la rédaction actuelle de cet alinéa.
Avis favorable. Il ne sera pas dit que le texte vise à écarter les familles.
Avis favorable, également. Le mot « famille » n'est pas éradiqué du code de l'éducation, au contraire.
En son alinéa 9, l'article 5 du projet de loi dispose : « Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l'enfant. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l'enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu. »
Or la notion de résultats insuffisants est sèche et peut conduire à un jugement subjectif et partial. Nous voudrions que ces résultats puissent être mis en perspective avec le droit de l'enfant à l'instruction tel qu'il est défini à l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation.
Nous voulons faire cesser la rupture d'égalité entre les parents instructeurs et les enseignants, qu'ils soient en établissement public ou privé. Votre niveau d'exigence est en effet bien supérieur pour l'instruction à domicile que pour l'enseignement en établissement. Nous souhaitons rétablir l'égalité entre les enfants et les familles.
Nous ne voulons pas que soit créée dans le code de l'éducation une asymétrie de conception juridique entre l'instruction à domicile et l'instruction à l'école. Nous préférons une vision symétrique, sans relation hiérarchique entre ces deux modes d'instruction.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1004 .
Cet amendement a le même objet que les deux précédents : s'assurer que le contrôle de l'instruction dispensée dans les familles soit juste et poursuive le bon objectif. Le but de ces contrôles est bien de s'assurer de l'intérêt de l'enfant, qui a le droit de recevoir une instruction. L'objet du contrôle doit donc être de vérifier que le droit de l'enfant est respecté et pas plus. Au-delà, la mesure contreviendrait à la liberté éducative et pédagogique des parents.
Ces parents ne doivent pas être soupçonnés de quoi que ce soit, surtout pas de maltraitance. Ils font simplement des choix éducatifs différents de la majorité de la population, parfois faute d'autre solution, d'ailleurs. Il s'agit souvent de parents particulièrement investis dans l'éducation de leurs enfants. Il serait heureux que le Gouvernement, à l'occasion de ce texte pour l'école de la confiance, donne davantage de crédit à leurs choix.
J'aimerais évoquer une autre injustice, concernant les conditions matérielles des enfants scolarisés à domicile, car les parents instructeurs à domicile ne sont pas éligibles à l'allocation de rentrée scolaire. J'avais déposé un amendement no 975 pour réparer cette injustice mais il a été jugé irrecevable. Je renouvelle ma demande, car les enfants instruits à domicile ont les mêmes besoins que les autres.
Afin de donner tout son sens au deuxième contrôle prévu par l'article L. 131-10 du code de l'éducation, il importe d'accorder au responsable de l'enfant instruit à domicile les moyens de mettre en oeuvre l'amélioration demandée.
La nouvelle rédaction de l'article L. 131-10 du code de l'éducation, en cas de contrôle insuffisant, ne prend pas en compte les modifications d'instruction que le parent peut apporter entre les deux contrôles. Cet amendement tend à rouvrir cette possibilité d'amélioration en insérant, à la deuxième phrase de l'alinéa 9, après le mot « délai », les mots « dans lequel elles doivent fournir leurs explications ou améliorer la situation ».
Vous devriez accepter cette proposition, sinon ce serait faire preuve d'un acharnement particulier sur les familles qui décident d'instruire leur enfant à domicile.
Nous souhaitons, par ces amendements, mettre en adéquation la rédaction du code de l'éducation avec les annonces du Gouvernement relatives à l'école de la confiance. Or la rédaction de cet article témoigne plutôt de votre défiance à l'endroit des familles. Nous souhaiterions que l'on sorte de cette logique. Nous comprenons qu'il soit nécessaire de contrôler ex post l'instruction délivrée mais pas ex ante. Il faut ouvrir le jeu : c'est cela aussi, l'école de la confiance.
Même avis.
Je remarque que nous n'obtenons plus de réponses à nos questions : il n'y a plus de débat.
Les amendements identiques nos 280 , deuxième rectification, 614 et 625 ne sont pas adoptés.
Nous n'obtenons plus de réponses, en effet, alors que nous abordons de nouvelles dispositions. « Circulez, il n'y a rien à voir » devient votre mot d'ordre !
Soit. Eh bien, nous poserons à nouveau les questions auxquelles il ne nous a pas été répondu. Pour revenir à la notion de résultat insuffisant au contrôle, je rappelle qu'il faut éviter à tout prix l'arbitraire, en inscrivant dans le texte le droit de l'enfant à l'instruction tel qu'il est défini à l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation. Nous aurons ainsi un repère qui fera barrage aux jugements partiaux à l'endroit de certaines familles qui exerceraient leur liberté éducative, reconnue par la Constitution.
Le refus de discuter est révélateur : vous ne voulez pas inscrire dans le code de l'éducation que l'obligation ne concerne que l'instruction, sans hiérarchie entre les modes d'enseignement, dès lors que les différents objectifs sont respectés.
Les dispositions contenues dans nos amendements seraient la seule manière de créer un véritable équilibre dans le code de l'éducation nationale. Le rejet de nos amendements, sans aucune explication, est angoissant pour les familles. L'existence d'une doxa officielle ne fait plus aucun doute, comme la hiérarchisation et la défiance à l'égard de l'instruction à domicile. Vous pourriez nous fournir un minimum d'explications, ce qui, hélas ! n'est pas le cas.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1109 .
Si je crois que la possibilité pour les parents d'instruire leur enfant à domicile est une liberté fondamentale, je n'ai évidemment rien contre le fait que cette instruction à domicile fasse l'objet d'un contrôle. Si les parents ont des droits, l'enfant aussi a le droit d'être instruit, et il est naturel de contrôler l'existence de cette instruction.
Cependant, ce contrôle doit être équilibré et proportionné, et il ne devrait pas être question de déposséder les parents de leur liberté éducative. Je crains, comme de nombreux parents qui assurent l'instruction de leurs enfants à domicile, que ce projet de loi ne respecte pas cet équilibre nécessaire au lien de confiance entre les parents et l'État. Par exemple, il me paraît disproportionné de contrôler les parents plus d'une fois par an. Si les résultats du contrôle ne sont pas satisfaisants, l'article prévoit déjà des contrôles supplémentaires. Pourquoi envisager, alors, de contrôler plusieurs fois par an les familles dans lesquelles le premier contrôle a montré que l'instruction se passait bien ?
Par ailleurs, je poserai, moi aussi, à nouveau ma question concernant l'allocation de rentrée scolaire : pourquoi les parents qui choisissent l'instruction à domicile n'y ont-ils pas droit ? Je vous avoue que j'aimerais une réponse à cette question.
Je vais vous donner à nouveau lecture de la circulaire du 14 avril 2017, relative à l'instruction dans la famille, s'agissant précisément des contrôles. Il y est indiqué que le socle commun vise surtout à fournir aux personnes chargées du contrôle et aux personnes responsables de l'enfant des « références communes pour apprécier la progression de l'enfant vers l'acquisition des compétences et des connaissances du socle commun. Il ne faut pas y voir une obligation de résultat, mais un outil de dialogue pédagogique avec la famille permettant de vérifier que les moyens mis en oeuvre dans le cadre des choix éducatifs effectués par les personnes responsables permettent à l'enfant de progresser régulièrement vers l'acquisition du socle commun. » Avis défavorable motivé.
Mme Jacqueline Dubois applaudit.
Même avis.
On peut tout dire sur le contrôle – après tout, pourquoi pas ? Mais sur l'allocation de rentrée scolaire, je vous signale que vous êtes en contradiction complète avec la Constitution. Si quelqu'un introduit un recours ou une QPC sur cette disposition, vous ne pourrez pas justifier la différence de traitement entre les parents : à partir du moment où vous acceptez que l'obligation de scolarisation dès 3 ans soit satisfaite par l'instruction à domicile aussi bien qu'à l'école, vous aurez tort au regard de la Constitution si vous n'accordez pas l'allocation de rentrée scolaire aux parents qui optent pour l'instruction à domicile. Je préfère vous le dire – mais vous êtes aussi juriste que moi et vous le savez, en réalité.
Je sais le contraire !
Il propose de corriger une ambiguïté à l'alinéa 10 de cet article, qui concerne les conséquences d'un défaut d'instruction constaté lors du deuxième contrôle effectué par les autorités académiques, qui donne lieu à une mise en demeure adressée à la famille de scolarisation de son enfant.
L'amendement propose que la scolarisation dure au moins une année scolaire complète afin d'éviter de perturber trop la vie quotidienne et les apprentissages de l'enfant, mais aussi de donner à l'établissement d'enseignement qui l'accueillera le temps de faire le bilan de ses apprentissages et de ses acquis, et de remédier aux insuffisances les plus graves qu'il aura constatées.
Par ailleurs, pour tenir compte du fait que les contrôles ont souvent lieu au cours de l'année scolaire, les seconds intervenant plutôt en fin d'année, vers les mois d'avril, mai ou juin, il convient que la mise en demeure porte sur la fin de l'année scolaire et l'année scolaire suivante.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et soutenir le sous-amendement no 1117 .
Avis favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement, qui est rédactionnel.
Avis favorable à l'amendement, également sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Je voudrais prolonger la question de M. Goasguen et celle de Mme Ménard, qui ont soulevé un point important. Monsieur le ministre, vous avez décidé de rendre obligatoire la scolarisation à 3 ans, ce qui mettra 26 000 enfants supplémentaires sur le chemin de l'école au mois de septembre 2019 – si la loi est adoptée. J'ai soulevé le problème dans une de mes interventions préalables sur l'article 3, et je vous le demande : où avez-vous prévu le budget d'allocation de rentrée scolaire pour ces 26 000 enfants ?
En principe, nous budgétons l'allocation de rentrée scolaire dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – , or rien n'a été prévu en ce sens dans celui que nous avons voté à l'automne dernier pour 2019.
Peut-être va-t-il y avoir un PLFSS rectificative. En tout cas, nous l'appelons de nos voeux, compte tenu des décisions qui ont été prises au mois de décembre dernier, juste avant Noël. J'aimerais avoir une réponse sur ce sujet.
Je ne veux pas vous donner l'impression que je ne veux pas répondre à ces questions, j'essaye simplement de me conformer aussi aux consignes que nous nous sommes assignées pour que l'examen du texte se tienne quand même dans des délais normaux.
Je ne dis pas que la question n'est pas intéressante ou pas légitime, et chacun pourra poser une QPC pour vérifier ce que je vais dire maintenant. Je ne suis pas aussi certain que vous que cette disposition soit inconstitutionnelle ; je suis même assez certain du contraire. L'allocation de rentrée scolaire a été conçue pour aider les familles à supporter les frais afférents à la rentrée scolaire, précisément. Il est donc tout à fait normal, dans la mesure où chacun est libre d'inscrire ses enfants à l'école ou d'organiser leur instruction en famille, que cette allocation ne revête pas un caractère absolu. Mais le juge constitutionnel pourra arbitrer cette question ; ce sera intéressant. Ce sont deux situations différentes qui peuvent justifier des solutions différentes, et je suis assez certain de la solution juridique qui serait donnée.
Lorsque l'enfant est inscrit au Centre national d'enseignement à distance – CNED – , il bénéficie de l'allocation de rentrée scolaire. Il est donc possible d'organiser l'instruction en famille en choisissant de s'inscrire au CNED ou, tout aussi librement, de ne pas s'y inscrire.
Par ailleurs, il est indiscutable que l'inscription à une école entraîne un certain nombre de frais que n'ont pas à supporter les familles dont les enfants ne vont pas physiquement à l'école, notamment en matière de fournitures.
Je trouve, au contraire, qu'il n'y a pas lieu d'avoir honte d'un système qui encourage à aller à l'école. Quand le Brésil a créé Bolsa Familia et que, grâce aux prestations familiales associées, davantage d'enfants sont allés à l'école, tout le monde a trouvé cela formidable. Je ne vois pas pourquoi un système qui encourage à aller à l'école devrait être révisé, alors même que nous nous efforçons tous de faire en sorte que les enfants fréquentent l'école dès 3 ans.
Je suis assez surprise de votre réponse, monsieur le ministre, parce que l'allocation de rentrée scolaire, comme vous le dites, est faite pour que les familles puissent subvenir aux besoins afférents à la rentrée scolaire.
Vous nous dites qu'un enfant qui entre à l'école a des besoins plus importants qu'un enfant dont l'instruction est organisée à domicile. Or, à l'école publique – et c'est très bien ainsi – , les manuels scolaires, par exemple, sont le plus souvent prêtés par les établissements aux familles. L'enfant qui est instruit à domicile, lui, ne bénéficie pas de cette prestation, et les familles sont obligées d'acheter les manuels, le plus souvent. Les cahiers aussi, d'ailleurs, puisque l'on n'a pas besoin de moins de cahiers quand on est instruit à domicile que quand on fréquente un établissement scolaire. Il me semble donc que la réponse n'est pas tout à fait juste et qu'au contraire, une famille qui instruit à domicile a des besoins matériels identiques, sinon plus importants, que ceux des familles dont les enfants sont scolarisés.
Monsieur le ministre, votre réponse est tout à fait valable dans le cadre de la législation actuelle. Mais vous êtes justement sur le point de la changer, puisque vous donnez aux familles des obligations nouvelles d'enseignement – nous n'y revenons pas, vous l'avez décidé. Mais dès lors que vous imposez aux familles des obligations nouvelles, vous devez les indemniser et, par conséquent, aligner l'allocation de rentrée scolaire sur la pratique de l'école. Je peux me tromper, c'est le Conseil constitutionnel qui décidera, mais vous prenez un risque, croyez-moi.
Le sous-amendement no 1117 est adopté.
L'amendement no 781 , sous-amendé, est adopté.
Pour revenir, d'un mot, sur la question de l'allocation de rentrée scolaire, vous dites, monsieur le ministre, qu'elle est faite pour encourager à aller à l'école. Pour moi, elle a plutôt vocation à compenser des charges d'instruction. Chercher à « acheter » ainsi les familles pour qu'elles envoient leurs enfants à l'école, quelle drôle de conception !
L'amendement no 613 vise à modifier l'alinéa 13, le dernier de l'article 5, aux termes duquel « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. » Nous vous proposons d'élargir cette rédaction, afin de garantir une réflexion complète sur toutes les modalités du contrôle et sur les dispositions déjà inscrites dans le code de l'éducation, de manière à ce que l'apport du Conseil d'État ne fixe pas seulement les modalités d'application de l'article, mais bien l'ensemble des modalités de contrôle de l'instruction dispensée dans la famille.
Notre collègue Breton vient de l'indiquer, à partir du moment où l'on fait appel à l'expertise du Conseil d'État pour prendre le décret d'application de cet article relatif à l'instruction à domicile, nous devrions en profiter pour créer une espèce de voiture-balai, de telle sorte qu'un seul décret régisse l'instruction à domicile. En même temps que cela permettra d'avoir une vision globale de la question, cela évitera les confusions et les interprétations diverses.
Le propos de cet amendement est donc de faire en sorte que le décret soit plus englobant que la simple application de l'article. Nous rendrons ainsi service, pour une fois, à l'administration de l'éducation nationale, mais aussi aux enfants et aux familles.
L'article 5, amendé, est adopté.
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l'article 5.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 703 et 825 , sur lesquels je suis saisi, par le groupe Socialistes et apparentés, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement no 703 .
Indiscutablement, la liberté d'instruire son enfant à domicile est accordée et, dans certains cas, elle est exercée de façon plus ou moins claire. C'est pourquoi nous souhaitons que l'on puisse examiner de plus près les raisons pour lesquelles un enfant est instruit à domicile, et dans quelles conditions. Nous proposons donc de rendre obligatoire, non pas seulement une déclaration, mais l'obtention d'une autorisation délivrée par les services de l'éducation nationale, qui vérifieraient pourquoi la famille préfère procéder à cette instruction à domicile.
L'amendement no 825 de M. François Pupponi est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. La liberté de l'enseignement est un principe à valeur constitutionnelle. Instaurer une autorisation préalable irait à l'encontre du principe du choix de l'instruction.
Même avis, pour les mêmes raisons. Nous avons déjà eu un débat semblable au moment de l'examen de la loi dite Gatel. Les arguments qui appuient nos propositions sont donc connus.
Lundi, le ministre s'offusquait de dispositions liberticides que j'évoquais ; avec cet amendement, on monterait encore d'un cran ! S'il était adopté, liberticides, nous le serions complètement : dès lors que la liberté d'enseignement est garantie par la Constitution, il serait un peu fort d'entrer dans une logique de contrôle a priori – clairement, une logique de défiance.
Il faut se garder de suivre une telle logique de défiance permanente. Pour ma part, je suis totalement hostile à une vision aussi coercitive.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 7
Contre 43
Les résultats du scrutin se sont pourtant affichés. Je suspends la séance quelques instants pour effectuer des vérifications.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Je vous confirme que les votes du groupe Les Républicains ont bien été pris en compte : 9 d'entre vous ont voté contre ces deux amendements identiques. Les résultats du scrutin public sont évidemment à votre disposition.
Je confirme donc que, conformément aux résultats que j'ai proclamés, les amendements identiques nos 703 et 825 ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Anne Brugnera, pour soutenir l'amendement no 782 .
Il s'agit de rendre obligatoire la déclaration d'instruction à domicile avant la fin du premier trimestre de l'année scolaire, si l'enfant n'est pas scolarisé.
J'ai corrigé, à la demande de Mme la rapporteure, la rédaction de cet amendement, qui a déjà été examiné en commission.
La liberté du choix de l'instruction justifie que les parents puissent décider d'instruire leur enfant à domicile à tout moment de l'année. Avis défavorable.
L'amendement no 782 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La déclaration de l'instruction dans la famille peut parfois être utilisée par des parents pour masquer une autre situation, en particulier l'inscription de l'enfant dans un établissement scolaire ouvert dans des conditions irrégulières – j'ai déjà évoqué un cas récent à Marseille. Ces déclarations volontairement erronées et mensongères contribuent au développement de ces établissements de fait qui fonctionnent en méconnaissance des règles relatives à leur ouverture.
La loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, dite loi Gatel, a permis de renforcer les moyens dont disposent les services de l'État pour contrôler les établissements hors contrat avant leur ouverture, mais aussi, une fois ces derniers ouverts, de renforcer les sanctions à l'égard de ceux qui ouvrent ces établissements en toute illégalité. En revanche, aucune sanction n'est prévue pour les parents qui procèdent à de telles déclarations volontairement erronées. C'est pourquoi, en vue de compléter le dispositif adopté l'année dernière, cet amendement vise à rendre de tels comportements passibles des mêmes peines que celles prévues à l'article 441-7 du code pénal relatif aux fausses attestations.
Cet amendement est important, car il complète notre boîte à outils juridique pour lutter contre de telles situations. On ne saurait tolérer un usage de l'instruction en famille contraire à l'esprit du texte que nous examinons.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement no 1140 .
L'amendement du Gouvernement est important et intéressant. Si j'ai souhaité le sous-amender, c'est que sa rédaction risque de provoquer un amalgame entre les établissements privés sous contrat et hors contrat avec les établissements privés hors-la-loi.
Par cette précision seraient visées les inscriptions dans un « établissement dit d'enseignement privé », de sorte qu'on ne jette pas l'anathème sur l'ensemble des établissements privés hors contrat. Je ne souhaiterais pas que les écoles Espérance banlieues, par exemple, qui sont des établissements privés hors contrat, puissent être assimilées à des établissements hors-la-loi.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement identique no 1141 .
Nous partageons l'objectif de l'amendement gouvernemental et nous le voterons.
Cela dit, cette précision permettrait d'éviter tout amalgame des établissements privés hors contrat avec des établissements dont chacun reconnaît les menaces qu'ils font peser sur notre société et notre pays.
Si l'amendement était ainsi sous-amendé, nous pourrions le voter sans aucune réticence.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les sous-amendements ?
Avis défavorable aux sous-amendements, dont je comprends l'objet, mais dont l'adoption provoquerait un risque de confusion.
Avis favorable à l'amendement du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements identiques ?
Défavorable, même si j'en comprends l'intention.
Nous sommes favorables à l'amendement du Gouvernement.
Puisque quelques articles sont parus dans la presse, monsieur le ministre, quels résultats a donnés l'application de la loi dite Gatel de 2018 ? Sont-ils significatifs par rapport aux écoles hors-la-loi ?
Je suis favorable à cet amendement. J'en avais proposé un quasi similaire, qui avait été considéré comme trop dur. Je m'aperçois que vous m'avez rejoint dans la rigueur qui doit être la nôtre, et vous avez entièrement raison.
Toutefois, cet amendement vise les établissements ouverts « malgré l'opposition » qui leur a été faite d'ouvrir par l'État. Or d'autres établissements ouvrent en toute illégalité, sans même avoir demandé d'autorisation. Ceux-là, votre amendement ne les vise pas, puisqu'il ne concerne que ceux qui n'ont pas respecté le refus d'autorisation.
Je connais quelques cas, que j'ai déjà évoqués, notamment avec le directeur académique des services de l'éducation nationale. Il m'a opposé que ce type d'établissement n'est pas une école, puisque non déclaré. Nous sommes donc face à un vide juridique : pour le ministère de l'éducation nationale, une école ouverte sans déclaration n'est pas une école, puisqu'il ignore officiellement son existence, alors même que le service central du renseignement territorial, lui, connaît parfaitement cet établissement qui accueille des enfants en toute illégalité.
Il conviendrait, au cours de la navette, de trouver le terme juridique permettant d'atteindre à la fois les établissements qui ouvrent malgré l'opposition des services de l'État et ceux qui ne demandent jamais d'autorisation et ouvrent en toute illégalité. Ceux-là doivent entrer aussi dans le champ de la sanction.
L'amendement du Gouvernement est justifié. Nos sous-amendements ne visent pas à le mettre en cause, puisqu'il faut lutter contre de telles ouvertures.
Cela étant, madame la rapporteure, je ne comprends pas votre argument selon lequel nos sous-amendements provoqueraient de la confusion : c'est précisément pour la raison inverse que nous les avons déposés, pour éviter toute confusion.
Je conçois la difficulté juridique de l'exercice, mais il conviendrait tout de même de bien distinguer le privé tout à fait régulier, même hors contrat, du privé irrégulier. Nous cherchons à lutter contre le privé irrégulier, sans jeter l'anathème sur le privé régulier, fût-il hors contrat.
Le ministre pourrait-il confirmer qu'il vise bien le privé qui s'est placé en dehors des lois de la République, sans chercher à mettre en cause le privé régulier hors contrat ?
Je n'ai, monsieur Hetzel, aucun problème à reprendre vos propos, qui correspondent d'ailleurs à ceux que j'ai tenus précédemment. Je les répète donc bien volontiers : nous visons, en effet, les établissements hors contrat qui se placent d'eux-mêmes en dehors des lois de la République.
Monsieur Pupponi, nous avons des outils juridiques suffisants, puisqu'ils nous ont permis de fermer l'établissement de Marseille que j'ai déjà évoqué, cette école clandestine qui n'avait demandé aucune autorisation pour ouvrir.
Madame Buffet, je vous répondrai franchement : la loi Gatel nous a permis d'être efficaces pour empêcher de nombreuses ouvertures à la rentrée, ce qui se voit moins que de réussir des fermetures. Les effets de cette loi sont donc, en la matière, très positifs.
Ne le cachons pas, fermer un établissement est très difficile, même si nous l'avons déjà fait et nous travaillons à le faire encore. Chacun peut comprendre ici les raisons des difficultés que nous rencontrons : les uns et les autres, vous défendez, avec force arguments et à juste titre, l'État de droit et la liberté d'enseignement, qui nous est chère à tous. Nous devons trouver un équilibre entre cette liberté, la protection de l'enfant et l'affirmation des valeurs de la République. Le fait de vivre dans un État de droit attentif à la préservation de l'ensemble de ces principes complexifie la tâche lorsqu'il s'agit de fermer un établissement, je ne vous le cacherai pas. Je l'ai dit, nous avons déjà opéré de telles fermetures et continuerons de le faire. Seulement, le cadre juridique d'un État de droit républicain et démocratique ne permet pas de le faire en toute simplicité.
Je sais bien qu'il existe un arsenal juridique pour faire fermer les écoles dont j'ai parlé. Or nous parlons ici des sanctions applicables aux parents. À la lecture du texte, je crains que des parents qui confient leurs enfants à des écoles illégales, n'ayant pas sollicité d'autorisation d'ouverture, ne soient pas sanctionnés. En tout cas, j'ai un doute sur ce point et je vous pose cette question, monsieur le ministre.
Pour montrer notre bonne volonté et puisque nous partageons les mêmes objectifs, mon collègue Patrick Hetzel et moi-même allons retirer nos sous-amendements. Il n'en demeure pas moins que l'expression « établissement d'enseignement privé », que vous retenez, est presque plus restrictive que l'expression « établissement dit d'enseignement privé », que nous proposions. Nous désignions d'une certaine manière les établissements illégaux, alors que vous maintenez un vide juridique. Ainsi, la formulation actuelle ne répond pas à l'objectif que nous partageons : elle devra donc être corrigée lors de la navette, par exemple lors de l'examen du texte au Sénat. Nous continuerons à travailler sur ce sujet mais, à ce stade, nous retirons nos sous-amendements.
L'amendement no 1112 est adopté.
Je reviens sur un sujet qui nous tient à coeur. Les maires sont responsables du suivi de l'obligation scolaire mais, comme vous le savez, ils ne disposent pas de tous les moyens ni de tous les outils pour assumer cette mission. Cet amendement tend donc à attribuer à chaque enfant un numéro d'identification national, qui sera communiqué aux maires. Il nous semble important que cette disposition figure dans la loi, sachant que ses modalités d'application pourront évidemment être précisées par décret.
Sur l'amendement no 704 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement.
Nous revenons, en effet, sur cette proposition de numéro d'identification, qui a déjà fait l'objet d'un amendement de notre collègue Anne Brugnera. Nous avons un peu de mal à comprendre l'ordre de discussion des amendements – il aurait été plus logique que tous les amendements portant sur ce sujet soient examinés en même temps – , mais cela nous permet de rouvrir le débat.
Lors de nos travaux, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de gens ne savaient pas où passaient les enfants. Pour exercer un contrôle, il faut déjà savoir que l'enfant existe, qu'il a changé de commune et qu'il n'est pas scolarisé. C'est pourquoi ce numéro d'identification nous semble extrêmement important.
J'ai bien compris que M. le ministre était en train de préparer quelque chose sur ce sujet, mais je ne vois pas très bien pourquoi il ne serait pas possible de poser dès maintenant le principe de ce numéro d'identification, que les services du ministère mettraient en oeuvre ultérieurement. Dans cet hémicycle, nous sommes plusieurs à estimer qu'il est utile de savoir où se trouvent les enfants dont la scolarisation doit être contrôlée. L'amendement no 704 vise donc à attribuer un numéro national d'identification à chaque enfant, à partir de 3 ans et jusqu'à la fin de sa scolarité.
Défavorable.
L'amendement no 747 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 6
Contre 43
L'amendement no 704 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 581 .
Cet amendement vise à garantir un contrôle annuel, par l'État, des classes des établissements hors contrat afin de s'assurer du respect du socle minimum de connaissances. De trop nombreux abus ont été constatés, avec des matières non enseignées et des partis pris pédagogiques contraires à l'article L. 111-1 du code de l'éducation.
L'amendement no 581 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 827 .
Quel bel accent, monsieur le président ! On voit que vous êtes proche des territoires !
Sourires.
Je me permets néanmoins de vous signaler une erreur de placement de l'accent tonique, monsieur le président.
Nouveaux sourires.
Cette correction était d'autant plus importante que nous examinerons tout à l'heure des amendements sur les langues régionales.
Rires et applaudissements.
Mêmes mouvements.
Absolument, monsieur le président.
Pour en revenir à l'amendement, il ressemble à celui que j'ai présenté tout à l'heure, mais il concerne les parents. La loi prévoit une lourde sanction, en l'occurrence une amende de 15 000 euros, pour les personnes dirigeant un établissement scolaire ouvert illégalement. Je propose que les parents qui ne respectent pas la loi en confiant leur enfant à une structure ouverte illégalement soient également punis d'une amende de 7 500 euros.
Défavorable. Nous avons déjà débattu de cette question. Dans un certain nombre de cas, les parents peuvent ignorer de bonne foi le caractère illégal de l'école concernée.
L'amendement no 827 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 826 .
Effectivement, il arrive que des parents soient abusés. Cependant, dans de nombreux cas, ils sont complices : ils savent qu'ils confient leur enfant à un établissement illégal alors même qu'ils ont déclaré l'instruire à domicile. En cela, ils violent la loi. J'ai du mal à croire qu'ils le fassent de bonne foi ! En nouvelle lecture, nous pourrons préciser que l'on sanctionne ceux qui l'ont fait de mauvaise foi, mais je le répète, les parents sont complices dans la quasi-totalité des cas.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et LT.
Favorable.
Applaudissements et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et LT.
L'amendement no 826 est adopté.
Cet amendement apporte une précision qui correspond davantage à l'esprit dans lequel a été rédigé cet article. En effet, il convient de bien définir le cadre dans lequel le maire exerce sa compétence de contrôle de l'instruction à domicile.
Chaque année, le maire recense les enfants soumis à l'obligation d'instruction. L'article 5 bis l'encourage désormais à saisir le procureur de la République s'il constate qu'un enfant recensé n'est pas scolarisé et que ses parents n'ont pas déclaré à l'inspecteur d'académie que l'instruction se faisait à domicile. C'est une bonne chose que de donner cette compétence au maire qui, en tant qu'acteur local de premier ordre et par sa mission de recensement, est à même de repérer de façon très efficace les enfants dont les parents ne respecteraient pas le droit à l'instruction. Mais il faut bien s'assurer que cet article ne fasse pas l'objet d'une autre interprétation.
Le maire doit exercer son contrôle dans le cadre de sa mission de recensement : il n'a pas vocation à juger de la qualité de l'instruction fournie à domicile, le contrôle pédagogique étant réalisé par ailleurs par les inspecteurs de l'éducation nationale. Ce principe était bien précisé dans l'exposé des motifs, mais je regrette qu'il ne soit pas affirmé plus clairement dans cet article ; c'est pourquoi je propose de remédier à cette ambiguïté.
L'article 5 bis ne s'appuie sur rien de précis. Nous aurions aimé connaître le nombre d'enfants qui ne bénéficient pas d'une instruction pour évaluer l'importance du problème.
L'enquête de la mairie vise à établir les raisons alléguées par les familles ou les personnes responsables de l'enfant pour justifier leur choix d'une instruction en famille, et à vérifier si l'enfant reçoit effectivement une instruction compatible avec son état de santé et les conditions de vie dans la famille. Lors de cette enquête, le maire peut tout à fait constater qu'un enfant censé être instruit en famille ne reçoit aucune instruction. C'est pourquoi la commission a prévu que le maire, constatant une infraction aux règles encadrant l'instruction en famille, puisse saisir le procureur de la République. Avis défavorable.
L'article 5 bis est adopté.
Je suis saisi d'un amendement, no 455 , portant article additionnel avant l'article 5 ter.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour le soutenir.
Je défends une nouvelle fois un amendement visant à introduire dans ce projet de loi pour une école de la confiance un chapitre consacré à l'inclusion scolaire. Au vu de tout le travail que nous avons réalisé depuis plusieurs mois et des avancées obtenues dans le cadre de la proposition de loi de M. Bouillon pour une école vraiment inclusive, ce chapitre a toute sa place dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Je l'avais déjà proposé en amont de notre discussion.
Sur le fond, madame Descamps, nous ne sommes évidemment pas opposés à votre proposition. Cependant, la commission a repoussé votre amendement parce qu'il crée un chapitre III et non un chapitre IV. Par ailleurs, le Gouvernement a déposé un amendement visant à introduire dans ce texte un chapitre relatif à l'école inclusive. N'y voyez aucune mauvaise volonté de ma part, il s'agit vraiment d'un problème d'ordre légistique. Avis défavorable.
Madame la députée, j'adhère tout à fait à l'esprit de votre amendement, mais Mme la rapporteure a présenté les raisons qui m'amènent à le repousser. Je présenterai d'ailleurs dans quelques instants la proposition du Gouvernement à l'article 5 quater.
J'avoue ne pas accorder une grande importance au numéro du chapitre et à son emplacement dans le code de l'éducation. L'essentiel est que les choses avancent et que les dispositions souhaitées soient introduites dans ce projet de loi, ce que nous savions déjà. Je suis donc satisfaite et je retire mon amendement.
L'amendement no 455 est retiré.
Cet amendement vise à supprimer l'article 5 ter afin de mieux récapituler à l'article 5 quater l'ensemble des dispositifs pour une école inclusive que nous avons commencé à adopter dans le cadre de la proposition de loi de M. Bouillon.
L'amendement no 1151 , accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l'article 5 ter est supprimé.
Lundi 11 février, date anniversaire de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, étaient présentées les conclusions de la consultation « Ensemble pour l'école inclusive ». Si les lois de 2005 et de 2013 ont permis de poser les principes puis de renforcer l'arsenal juridique en faveur de la scolarisation des élèves en situation de handicap, elles ne sont encore que partiellement appliquées.
Des contributions permettront d'adapter la politique gouvernementale aux attentes et aux besoins, comme l'ont souligné Mme la secrétaire d'État Sophie Cluzel et M. le ministre Jean-Michel Blanquer, dans trois domaines : la simplification des parcours, très attendue par les familles ; la coopération avec le médico-social ; le métier d'accompagnant, avec la création d'un service public du handicap.
Par ailleurs, je veux saluer la décision du ministre d'introduire dans ce projet de loi un chapitre intitulé « Le renforcement de l'école inclusive ». Fruit d'un travail de l'ensemble des groupes parlementaires, il prévoit des familles mieux accompagnées et un interlocuteur identifié ; la présence de l'accompagnant et, pour le périscolaire, celle d'un représentant de la collectivité locale dans les équipes de suivi et de scolarisation ; la rencontre de l'accompagnant d'élève en situation de handicap – AESH – facilitée ; des contrats de trois ans dès le premier contrat à durée déterminée pour les AESH ; une formation initiale renforcée pour les professeurs ; une attention au bâti lors de constructions ou de rénovations. Je vous invite donc, sur tous les bancs de cet hémicycle, à adopter cette disposition.
M. Francis Chouat applaudit.
L'objet de cet article 5 quater, qui consiste à remplacer les mots « intellectuellement précoces » par les mots « haut potentiel », me semble poser plusieurs problèmes.
D'une part, autant la précocité intellectuelle peut être mesurée par des outils ad hoc, autant la notion de haut potentiel est beaucoup plus subjective. Je ne suis donc pas sûr qu'une quelconque amélioration terminologique soit apportée.
D'autre part, ce terme remet en cause le fondement même de l'éducation, dont l'objectif est de tirer l'ensemble des élèves vers le haut. L'on pourrait en déduire en creux que les élèves ne bénéficiant pas d'aménagements spécialisés seraient considérés comme ayant un faible potentiel. L'usage de l'expression « haut potentiel » est tout de même paradoxal dans une perspective de promotion de l'égalité des chances grâce à l'école de la République. Cela revient à développer une catégorisation qui, par ailleurs, n'est pas reconnue par les spécialistes de l'éducation. Ces derniers font davantage référence, selon leurs termes mêmes, à des enfants ayant des « dispositions intellectuelles de précocité ». Je m'interroge donc vraiment sur le bien-fondé de cette évolution terminologique.
Tous les enfants doivent pouvoir trouver leur place au sein de l'école de la République, qui se doit de leur offrir les mêmes chances de réussite en dépit des difficultés qu'ils pourraient rencontrer. Six à 8 % des enfants scolarisés présentent des troubles de l'apprentissage de type « dys ». L'éducation nationale doit leur offrir une réponse adaptée pour les sortir des difficultés scolaires auxquelles ils seraient sinon condamnés. Plusieurs amendements ont été déposés pour prendre en considération les besoins spécifiques de cette population scolaire en souffrance : j'espère qu'ils seront adoptés pour améliorer non seulement le quotidien mais surtout l'avenir de ces dizaines de milliers d'élèves.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 1152 , tendant à la suppression de l'article 5 quater.
Je souhaite, tout d'abord, répondre aux interventions précédentes. Une fois de plus, grâce à nos débats, nous avons l'occasion de préciser des points très importants sur le plan pédagogique et éducatif. Je veux vous rassurer : l'expression « haut potentiel » a la préférence des associations spécialistes de ce sujet.
Par ailleurs, la publicité donnée à ces débats est une bonne chose. Je sais à quel point les associations sont mobilisées sur ces questions, qui correspondent à des problèmes rencontrés par de nombreux parents.
Cette question nous renvoie aussi au décrochage scolaire, que nous avons abordé tout à l'heure, auquel peut conduire le fait d'être intellectuellement précoce ou à haut potentiel. De fait, l'expression « intellectuellement précoce » peut être source d'ambiguïté : elle amène très souvent les acteurs à penser que l'élève a des facilités et ne requiert pas d'attention particulière. C'est évidemment un grand risque, et les familles sont souvent confrontées à ce problème. Environ 20 % des élèves à haut potentiel réussissent assez bien scolairement tandis que les autres rencontrent des difficultés, précisément parce qu'ils sont différents.
Ce sujet est d'ailleurs à relier avec les enjeux de l'école inclusive : lorsque le système scolaire est capable d'accueillir toutes les différences – au titre du handicap, du haut potentiel ou à tout autre titre – , il démontre sa capacité à faire de la personnalisation des parcours. Il se montre ainsi de son temps en évitant tous les phénomènes d'exclusion, de décrochage scolaire, de non-inclusion – nous en reparlerons en évoquant l'école inclusive – ou d'exclusion des élèves à haut potentiel. Ces élèves peuvent parfaitement réussir si nous réussissons à personnaliser leur parcours.
Ce choix terminologique n'est pas le plus important, mais il tient compte du malentendu qui entoure cette question et montre que ce sujet est pris très au sérieux. La direction générale de l'enseignement scolaire travaille sur ces questions en lien avec les associations de parents, en lien aussi avec le monde de la recherche, de façon à ce que notre système scolaire soit de plus en plus adapté. L'école de la confiance est aussi et surtout synonyme de personnalisation des parcours, qui vaut pour les différentes dimensions que j'ai mentionnées.
Le coeur du présent amendement est de créer un chapitre additionnel intégrant la proposition de loi pour une école vraiment inclusive.
Alors je n'ai fait que répondre aux précédentes interventions. Pardon ! Je croyais que vous m'aviez demandé de défendre en même temps le prochain amendement.
Vous avez présenté l'amendement no 1152 du Gouvernement, qui vise à supprimer l'article 5 quater ; c'est déjà énorme !
L'amendement no 1152 , accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l'article 5 quater est supprimé.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 5 quater.
Sur l'amendement no 1058 , je suis saisi par les groupes Les Républicains et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1058 , 706 , 187 rectifié , 298 , 189 , 712 et 756 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 1058 fait l'objet de plusieurs sous-amendements nos 1150 , 1164 , 1160 , 1162 , 1168 , 1165 , 1166 , 1142 , 1169 , 1167 , 1114 , 1161 , 1158 , 1143 et 1159 .
Les sous-amendements nos 1160 , 1162 et 1168 sont identiques.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 1058 .
Cet amendement est très important et je remercie Mme la députée Jacqueline Dubois de l'avoir replacé dans son contexte un peu plus tôt. Il s'inscrit dans la droite ligne de nos débats, parfois houleux mais souvent utiles et constructifs. Nous nous étions engagés, vous vous en souvenez, à organiser une concertation du mois d'octobre au mois de février pour, de manière à la fois sereine, constructive et surtout approfondie, aboutir à de véritables progrès de l'école inclusive. Nous avons pour cela écouté l'ensemble des propositions qui ont été faites tant par le monde associatif que par la représentation nationale.
Tout récemment, la proposition de loi de Christophe Bouillon, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 31 janvier 2019, a permis d'adopter différentes dispositions que nous voulons maintenant intégrer dans ce projet de loi. Il est également proposé d'intégrer, au sein de ce nouveau chapitre, les articles 5 ter et 5 quater du chapitre III, ainsi qu'une disposition nouvelle introduisant la création de pôles inclusifs d'accompagnement localisés – il s'agit de l'une des conclusions de notre concertation.
L'article 1er de ce chapitre additionnel détaille les dispositions permettant de renforcer les droits des élèves en situation de handicap ainsi que ceux de leurs accompagnants ; nous avons depuis le début lié intimement ces deux sujets. Pour les accompagnants des élèves en situation de handicap, les dispositions de l'article 1er prévoient leur recrutement en un CDD de trois ans, renouvelable une fois, ainsi que la création d'un AESH référent dans chaque département. Nous avons débattu très récemment de cette question de l'AESH référent : il s'agit d'un grand progrès, et la concertation nous a permis d'aboutir à ce contrat de trois ans renouvelable une fois avant sa transformation en CDI. C'est un pas considérable dans l'histoire des AESH, je tiens à le souligner !
Rappelons rapidement ce qu'il en est. Depuis la loi de 2005 et toute la politique menée en faveur du handicap dans les années 2000, c'est sous forme de contrats aidés que s'est effectué, pour l'essentiel, l'accompagnement des élèves en situation de handicap. La politique que nous poursuivons depuis que nous sommes arrivés au Gouvernement a consisté à substituer de manière volontariste les AESH aux contrats aidés. Cette politique a tout à la fois été saluée et provoqué des frustrations. Saluée, parce que le contrat d'AESH est considéré comme plus robuste que le contrat aidé. Génératrice de frustrations, parce que la durée des contrats d'AESH, de trois ans, ne paraissait pas suffisamment longue. De plus, ces contrats ne permettaient pas de travailler à plein temps et donc de percevoir une rémunération satisfaisante pour bon nombre des acteurs.
Le système auquel nous parvenons ancre dans la loi la durée de trois ans de ces contrats et nous permet de recruter les AESH de façon beaucoup plus systématique en amont de la rentrée. Au lieu d'être recrutés au fil de l'eau et sur la base de contrats précaires, les accompagnants d'élèves en situation de handicap seront recrutés en amont avec une sécurité sur trois ans, ce qui ouvre encore sur des perspectives de pérennité encore plus fortes. C'est évidemment un changement majeur et il est bon de pouvoir en inscrire les fondements dans la loi. Ce sujet a fait consensus dans le cadre de la concertation et il en ira de même, je n'en doute pas, sur ces bancs puisque cela correspond à l'objectif que nous partageons tous depuis le début : assurer les personnels de leur pérennité.
Pour les familles des élèves en situation de handicap, cela constitue également un progrès puisqu'il en résultera un contexte beaucoup plus favorable à l'organisation de formations en amont de la prise en charge des élèves.
L'article 1er renforce, en outre, l'accompagnement en consacrant le rôle de l'enseignant référent, en prévoyant un entretien entre la famille, l'enseignant et l'AESH lors de la prise de fonction de ce dernier, et en élargissant à la fois les missions des équipes de suivi de la scolarisation et leur composition à un représentant de la collectivité territoriale compétente quand cela est nécessaire. Cette disposition fait écho à nos débats puisque nous souhaitons tous que cette rencontre intervienne le plus tôt possible, en amont de la rentrée. Nous consacrons donc ce résultat de la concertation et des débats que nous avons eus : c'est un progrès très important.
L'article 1er prévoit également la publication d'un arrêté précisant le cahier des charges des contenus de la formation initiale spécifique concernant la prise en charge des enfants en situation de handicap. Ce nouveau progrès, qui complète les précédents, est de nature qualitative. Il est très important de disposer d'un référentiel précis de ce que nous voulons pour la formation des AESH. Nous avons tous fréquemment entendu, en particulier dans les temps récents, les critiques sur la qualité de la formation. Il ne s'agit pas seulement de prévoir soixante heures : il faut aussi s'assurer que cette formation soit de qualité et intervienne le plus en amont possible. Tel est le but de ce dispositif.
Par ailleurs, les dispositions de cet article introduisent la notion d'école inclusive pour les élèves à besoin éducatif particulier dans les missions de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et ajoutent aux critères d'homologation des établissements français de l'étranger le critère du respect du principe de l'école inclusive. Cette disposition est importante en elle-même, les établissements français à l'étranger devant bénéficier des mêmes progrès. Elle est importante également pour ce qu'elle signifie, l'existence des établissements français à l'étranger étant conditionnée au fait d'être une école inclusive. Ainsi, dans toute la France, le critère de l'école inclusive fera partie de l'évaluation des établissements et de leur projet éducatif.
Enfin, l'article 1er consacre dans le code de l'éducation la création des pôles inclusifs d'accompagnement localisés – PIAL – , expérimentés depuis la rentrée 2018 dans toutes les académies. Ces pôles coordonneront les moyens humains dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des écoles et établissements de l'enseignement public et privé sous contrat. Ils visent donc une meilleure prise en compte des besoins éducatifs particuliers.
Ce point, qui vient en complément des précédents, introduit un changement d'organisation fondamental dans l'éducation nationale. L'accueil des élèves en situation de handicap sera géré depuis l'établissement. Oui, c'est depuis l'établissement qu'il faut raisonner, ce qui permettra d'adopter une vision pragmatique et efficace non seulement de l'affectation des besoins humains aux élèves en situation de handicap, mais aussi de la formation initiale et continue des personnels concernés par ces élèves – donc, en principe, de tous les personnels – , ainsi que de toutes les politiques que doit mener l'établissement pour être véritablement inclusif.
Vous le voyez, avec toutes ces dispositions, nous procédons à un changement de paradigme. Lundi, j'ai plaidé pour un service public de l'école inclusive ; en ce moment, nous intégrons la logique de l'école inclusive dans le mode de fonctionnement de l'éducation nationale. C'est une avancée essentielle que je tiens à souligner, car nous la retrouvons dans tous les domaines que j'ai évoqués.
J'ai rappelé tout à l'heure l'importance de recruter des AESH en amont de la rentrée. Pour ce faire, les directions des ressources humaines des rectorats seront responsabilisées, en appui des établissements. Les politiques de formation initiale et continue des rectorats seront concernées par l'école inclusive, alors même que nous parlons de 80 000 accompagnants. C'est une révolution mentale et organisationnelle dont il ne faut pas sous-estimer l'importance.
Ces mesures très concrètes, qui s'appliqueront dès la rentrée prochaine, nécessiteront des adaptations fortes, que nous assumons, et dont on ne doit pas méconnaître la portée. Leur but est l'intérêt de l'élève et de sa famille. Leur mise en place a nécessité et exigera encore un travail technique important.
C'est son versant juridique que nous vous présentons aujourd'hui. Je crois qu'il dresse un tableau cohérent de l'école véritablement inclusive que nous voulons. Ces décisions auront des conséquences sur mille détails. Souvent, les AESH ont eu le sentiment de ne pas appartenir pleinement à la communauté éducative et au monde de l'éducation nationale. Entre autres revendications, ils ont souhaité recevoir une adresse électronique de l'éducation nationale. Cette mesure constituera un signe simple et concret de notre engagement.
L'article 2 prévoit la prise en compte des recommandations de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, lors de la construction ou de la réhabilitation des établissements scolaires. C'est, là encore, un élément important, comme d'autres dispositions du projet de loi. Nous prenons en compte l'enjeu que représente le bâti scolaire. Nous souhaitons que, dans une approche partenariale, l'État et les collectivités locales le fassent évoluer en intégrant des recommandations qui nous permettront d'avoir, dans ce domaine également, une véritable école inclusive.
Enfin, l'article 3 prévoit plusieurs modifications rédactionnelles.
Vous le voyez, avec cet amendement, c'est tout un chapitre du code de l'éducation qui trouve son ancrage. Nous sommes fidèles aux engagements que nous avons pris tous ensemble depuis plusieurs mois et à l'idée qu'il faut avancer par la concertation et le débat. La dernière proposition de loi sur le sujet a permis une avancée que nous réintégrons au texte et, comme promis, nous allons plus loin.
Nous adressons un message de soutien et d'optimisme tant aux élèves en situation de handicap qu'à leur famille en prévoyant des mesures très concrètes et en lançant un signal dans le code de l'éducation. L'amendement, que je considère comme d'importance, ouvre la voie vers d'autres évolutions. C'est un grand pas dans l'histoire de l'avènement de l'école inclusive en France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vous applaudissez les mesures que vous avez rejetées il y a quinze jours !
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir le sous-amendement no 1150 .
Dans le cadre d'une école inclusive peuvent se côtoyer, en plus des parents et des enseignants, divers personnels : AESH, professionnels du secteur médico-social, éducateurs spécialisés, orthophonistes ou psychologues. Ce sous-amendement vise à faire reconnaître la complémentarité de leurs expertises, car chacun concourt à la sécurisation et à la réussite des parcours de formation des élèves en situation de handicap.
La parole est à M. Christophe Bouillon, pour soutenir le sous-amendement no 1164 .
Le sous-amendement vise à supprimer l'alinéa 6. Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, nous souhaitons tous que les accompagnants jouent un rôle essentiel auprès des enfants en situation de handicap, mais, aux termes de l'alinéa 6, ils devraient également accompagner les parents.
Mieux vaut qu'ils se concentrent sur leur mission essentielle, à savoir l'accompagnement des enfants. Nous devons les maintenir dans ce périmètre d'action si nous voulons qu'ils exercent un vrai métier, d'autant que l'accompagnement des parents est une notion qu'il est difficile de définir précisément.
Nous en arrivons aux trois sous-amendements identiques, nos 1160 , 1162 et 1168 .
Sur ces sous-amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir le sous-amendement no 1160 .
Enfin ! Enfin, dans le cadre de ce débat, nous allons pouvoir revenir substantiellement et, je l'espère, longuement, avec autant d'attention que d'intensité, sur l'école inclusive.
Le sous-amendement, dont M. Pradié est le premier signataire et qu'ont cosigné de nombreux membres de notre groupe, qui s'investissent dans ces sujets depuis des mois et n'ont de cesse de formuler des propositions, tend à supprimer les alinéas 10 et 11.
Nous voulons en effet éviter la création des pôles inclusifs d'action localisés, qu'ont vivement critiqués des collectifs d'AESH. Nous partageons leur inquiétude et leur incompréhension. Comme eux, nous craignons que ces pôles ne permettent une mutualisation forcée des AESH.
L'idée de mutualiser leur expertise et leur action dans des pôles d'activité peut se comprendre dans certains cas. Le partage d'une aide peut être indiqué, voire préférable, pour certains élèves en situation de handicap. Mais nous savons d'expérience que beaucoup de ces élèves sont fragiles, vulnérables et qu'ils ont besoin, à ce titre, d'une aide individualisée, qui s'inscrive dans la durée. Ils doivent être accompagnés par une personne qui leur donne confiance en eux, les sécurise et leur permette de grandir.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir le sous-amendement no 1162 .
Le sous-amendement est identique au précédent, mais, pour le défendre, j'emploierai d'autres termes, issus des collectifs.
Chers collègues, nous contestons la création, par ce texte, des pôles inclusifs d'accompagnement localisés. D'une part, le ministre l'a reconnu lui-même, une expérimentation est en cours, dont il convient d'attendre les résultats. D'autre part, les collectifs d'AESH s'inquiètent d'ores et déjà de la logique qui sous-tend cette mesure : une « logique RH doublée d'une logique comptable face à l'inflation du besoin d'accompagnement ». Les PIAL ouvrent la voie vers une mutualisation des AESH, qui ne répond pas aux besoins spécifiques nécessitant un accompagnement individualisé.
Vous-même, monsieur le ministre, avez parlé à deux ou trois reprises d'une personnalisation des parcours, nécessaire à ces jeunes enfants. Je souligne, au passage, le manque cruel de structures adaptées à chaque situation de handicap : instituts médico-éducatifs – IME – , qui ne dépendent pas de vous ; instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques – ITEP – ; unités localisées pour l'inclusion scolaire – ULIS – ; classes d'insertion scolaire – CLIS… Il faut que chaque jeune en situation de handicap puisse bénéficier des articulations entre le système scolaire et des structures plus adaptées.
Par ailleurs, vous avez retiré du projet de loi la possibilité pour les AESH de bénéficier au bout de six ans d'un contrat à durée indéterminée. Plusieurs personnes ont demandé différemment sur les bancs de cet hémicycle que l'on trouve un statut à ces personnels, afin de conforter et de valoriser leur travail. Vous faites l'inverse ! Vous réduisez d'office sa durée à six ans. C'est une façon de mener une politique d'inclusion low cost.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1168 .
Monsieur le ministre, comme nous l'avons indiqué lors de la discussion générale et répété il y a quelques minutes, nous nous réjouissons que vous vous saisissiez de ce projet de loi pour réformer l'inclusion scolaire. Dans cet amendement, nous retrouvons certaines dispositions issues des débats que nous menons depuis plusieurs mois, ce qui atteste votre capacité d'écouter l'opposition.
Toutefois, le chemin est encore long. J'espère que le travail se poursuivra d'une manière ou d'une autre sur des sujets que j'avais abordés dans plusieurs amendements jugés irrecevables.
En revanche, nous sommes surpris par l'alinéa 11, qui porte création des pôles inclusifs d'accompagnement localisés ou PIAL. Trop d'interrogations subsistent, auxquelles nous n'avons pas obtenu de réponse. À cette fin, nous aurions aimé bénéficier d'un avis du Conseil d'État et d'une étude d'impact.
Nous proposons la suppression de l'alinéa, toujours dans le but de prévoir le meilleur accompagnement possible et d'approuver toute évolution et toute avancée, pourvu qu'elle soit évaluée et que son bénéfice soit constaté.
Je ne résiste pas à l'idée de réagir contre l'amendement du Gouvernement, que l'on pourrait qualifier d'amendement « pour solde de tout compte ».
Malgré certaines avancées, le compte n'y est pas s'il s'agit de garantir aux parents dont l'enfant est en situation de handicap le droit à une rentrée scolaire ordinaire. Vous nous dites que vous craignez de créer un droit opposable. Les familles, elles, craignent que la rentrée ne se passe pas dans de bonnes conditions.
Nous sommes là pour créer, non seulement des droits, mais aussi une obligation de résultat.
Le compte n'y est pas sur la question des accompagnants, dont le nombre – vous parlez de 80 000 personnes – devra être précisé. Je vous ai entendu déclarer, le 11 février, que vous souhaitiez créer un corps. Mais, si vous le construisez dans la précarité, ce sera tout au plus un grand corps malade. Vous n'atteindrez donc pas votre objectif : rendre le métier d'accompagnant attractif.
Le compte n'y est pas non plus s'agissant des PIAL – je rejoins sur ce point les collègues qui viennent de s'exprimer. L'expérimentation n'a pas été évaluée alors qu'elle devrait l'être avant d'être généralisée.
Le compte n'y est pas davantage concernant la question des effectifs. Vous en savez pourtant l'importance puisque vous avez agi pour les réduire en REP et REP+ ; ils sont particulièrement décisifs lorsqu'il s'agit d'accueillir un élève en situation de handicap et son accompagnant dans une classe chargée de collège ou de lycée, ce qui nécessite évidemment de modifier l'organisation des cours.
Le compte n'y est toujours pas en matière de chiffres. Nous-mêmes, comme le Défenseur des droits et plusieurs associations, avons réclamé à plusieurs reprises des données chiffrées concernant l'école inclusive, pour plus de transparence. Ces chiffres, nous dites-vous, existent. Reste qu'ils sont dissimulés.
Il vous appartient de nous les donner, monsieur le ministre.
Nous attendons non seulement des avancées, mais des réponses sur de nombreux points. Nous saluons donc l'initiative prise par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de demander la création d'une commission d'enquête, qui permettra d'éclaircir plusieurs points absents de l'amendement du Gouvernement.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir le sous-amendement no 1142 .
Aux termes de ce sous-amendement, un référent handicap sera nommé par le chef d'établissement dans les établissements scolaires du second degré. Il aura un double rôle. D'une part, comme membre de la commission hygiène et sécurité de l'établissement public local d'enseignement, il s'assurera de l'accessibilité matérielle de l'établissement. D'autre part et surtout, il veillera à rendre les contenus pédagogiques accessibles aux élèves à besoins particuliers, à l'instar des référents culture, numérique ou décrochage scolaire qui existent déjà dans les EPLE. Ce référent sera donc l'expert pédagogique en matière d'adaptation, tant matérielle que pédagogique, aux situations très variées que peuvent rencontrer les enseignants dans leur classe lorsqu'ils accueillent des élèves à besoins particuliers.
Sa nomination est nécessaire dans le cadre de l'école de la confiance pour faciliter l'accompagnement des élèves à besoins particuliers. Le soutien qu'il apportera au sein même des EPLE est également très attendu par les familles et les enseignants.
Une précision : ces enseignants référents devront bénéficier d'une indemnité pour mission particulière – IMP.
Lors de l'examen, le 31 janvier dernier, de notre proposition de loi pour une école vraiment inclusive, comme d'ailleurs au sujet de celle d'Aurélien Pradié il y a quatre mois, vous nous aviez renvoyés, monsieur le ministre, au projet de loi que nous sommes en train de discuter ainsi qu'à la fameuse concertation. Le 11 février ont été communiqués les résultats des différents groupes de travail. Vous nous avez précisé plusieurs de leurs conclusions. Mais j'ai cru comprendre que vous évoquiez désormais la fin mars et la perspective d'un grand plan d'action. Comment tout cela s'articule-t-il ? Vous avez distingué tout à l'heure ce qui relève du législatif de ce qui découlera de décisions de l'exécutif ; nous aimerions y voir plus clair.
En effet, votre amendement n'apporte pas une garantie absolue du fait que la rentrée se passera bien. Je le répète, notre proposition de loi contenait une disposition essentielle, et nous ne demandions pas la lune : à condition que les familles aient déposé le dossier à la MDPH cinq mois avant la rentrée, elles auraient eu, au plus tard quarante-cinq jours avant celle-ci, la garantie absolue qu'un accompagnant leur soit affecté.
Excusez du peu ! Si nous ne sommes pas capables de garantir cela, rien de ce que nous proposons par ailleurs ne sera crédible. Les associations de personnes en situation de handicap et de parents d'élèves attendent que nous leur garantissions ce droit. Vous craignez qu'il devienne un droit opposable ? Mais il doit être opposable par les familles : c'est bien la moindre des choses que de leur adresser ce message !
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir le sous-amendement no 1114 .
Il s'agit d'encadrer la nomination des AESH dans plusieurs établissements.
Le fait d'accompagner plusieurs enfants souffrant de handicaps différents dans des établissements éloignés représente un surcroît de travail pour les AESH – un travail invisible de consultation des familles, des équipes de suivi et des équipes pédagogiques, de formation et d'adaptation qui est nécessaire à la réussite des élèves suivis, sans parler du temps de trajet entre les différents établissements.
Par ce sous-amendement, je demande donc que les AESH ne puissent être affectés dans plus de deux établissements. Ce serait essentiel à la qualité de l'accompagnement des enfants comme des conditions de travail des accompagnants, et conforme à la logique du nouveau service public propre à l'école inclusive. La disposition proposée est conçue par référence à celle qui s'applique aux enseignants, lesquels ne peuvent être nommés que dans trois établissements au plus et bénéficient d'une décharge d'au moins une heure lorsque ces établissements sont situés dans des communes non limitrophes.
Je suis saisi d'un sous-amendement no 1161 .
Sur ce sous-amendement, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le soutenir.
La discussion sur l'amendement du Gouvernement évoque une session de rattrapage après le traitement funeste réservé à la proposition de loi Pradié, puis celui, guère plus satisfaisant, de la proposition de loi Bouillon. On en vient à suspecter une stratégie du coucou, à moins que les travaux sur l'école inclusive aient permis de progresser sur le sujet.
Vous dites avoir réalisé des avancées considérables, monsieur le ministre ; nous sommes entièrement d'accord, mais nous avons l'impression que la concertation vous laisse au milieu du gué. En effet, les AESH bénéficient aujourd'hui d'un statut spécifique en vertu duquel leur contrat est valable pour une durée maximale de six ans ; en prévoyant qu'ils seront dorénavant recrutés pour une durée de trois ans renouvelable une fois, on ne change absolument rien, d'autant que cette situation est actuellement la plus répandue.
Notre sous-amendement vise donc à rendre le dispositif plus souple en soumettant tous les AESH au droit commun qui s'applique aux contractuels de la fonction publique.
La Cour des comptes a dénoncé l'opacité que crée la multitude de statuts existants, obstacle à une bonne gestion. Le passage à un nouveau statut doit donc fournir l'occasion d'une clarification. Les AESH doivent dépendre directement du ministère de l'éducation nationale, ce qui permettra également de remédier au défaut de reconnaissance qu'alimente aujourd'hui leur absence d'identification.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement no 1158 .
Reprendre une proposition de loi émanant de l'Assemblée pour en faire un amendement du Gouvernement de sorte que celui-ci puisse en revendiquer la paternité, voilà qui n'est guère respectueux du Parlement.
Nous avons écouté attentivement le Gouvernement lors de l'examen des propositions de loi Pradié et Bouillon. Son argument principal était qu'il fallait absolument attendre les conclusions de la concertation avec l'ensemble des parties prenantes – parents, AESH, directeurs d'école, etc. Et cette objection à l'adoption de propositions de loi de l'opposition ne vaudrait plus pour le Gouvernement lui-même ? C'est tout de même curieux !
En outre, à y regarder de plus près, la traduction législative des mesures défendues par le Gouvernement s'apparente à une version très dégradée des deux propositions de loi. Tout ça pour ça ! Les AESH discutaient encore avec le ministère ces derniers jours ; manifestement, la concertation n'était pas terminée. Le dispositif qui nous est soumis aurait mérité que l'on attende qu'elle le soit. Il y a là, de nouveau, une vraie contradiction de la part du Gouvernement. On nous parle de confiance, de confiance, de confiance ; en réalité, plus le temps passe, plus on observe de la défiance, de la défiance, de la défiance.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1143 .
Il s'agit de faire en sorte que, lorsque la MDPH signale qu'un élève doit bénéficier d'un accompagnement matériel ou humain, celui-ci lui soit affecté dans le mois qui suit la notification.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement no 1159 .
La disposition qu'il contient, issue de la proposition de loi d'Aurélien Pradié, vise à permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle de contrôle de l'action gouvernementale en s'assurant du bon accompagnement de chaque élève et de l'adéquation entre les moyens mobilisés par la nation et les besoins.
Notre collègue Bouillon en parlait il y a quelques instants : les difficultés des familles qui n'ont pas d'AESH à la rentrée montrent que le sujet mérite davantage d'attention. En outre, le rapport demandé obligerait le ministère à communiquer les vrais chiffres à la représentation nationale au lieu de s'en tenir, selon son travers permanent, à une vision unilatérale promue par des opérations de communication et non fondée sur des données vérifiées.
La parole est à M. Christophe Bouillon, pour soutenir l'amendement no 706 .
J'aimerais vous lire un extrait d'une lettre du président de la fédération APAJH, l'association pour adultes et jeunes handicapés, une structure ancienne et importante – c'est aujourd'hui la deuxième association s'occupant du handicap dans notre pays – dont le sérieux est reconnu de tous. « Une école de la confiance », écrit-il, « ne peut se concevoir en continuant à avoir des accompagnants d'élèves en situation de handicap si mal payés, si précaires. Nous demandons pour ces accompagnants, indispensables dans la chaîne de la compensation, des CDI à temps plein, des rémunérations décentes, une vraie formation diplômante et des perspectives de carrière attractives. Nous voulons que les enfants et leurs familles se voient attribuer leur AESH avant même la rentrée scolaire, pour en finir avec le scandale des élèves condamnés à observer leurs camarades enfiler leur sac à dos pour reprendre sans eux le chemin de l'école ».
J'ajouterai, dans l'esprit de notre proposition de loi, que l'on ne saurait construire une école de la confiance alors qu'il manque plus de 3 000 enseignants référents – déjà trop peu formés – pour suivre la scolarité des élèves en situation de handicap. Dans certaines académies, un enseignant référent se retrouve parfois contraint de suivre 250 à 300 cas !
Voilà la réalité ! Vous la connaissez, et nous vous demandons d'entendre l'appel d'une grande association. Nous continuons à batailler pour que les dispositions que nous proposons soient inscrites dans la loi. Ce serait un excellent signal adressé à celles et ceux qui sont des militants depuis toujours de la cause du handicap et qui s'intéressent pleinement à la question de l'inclusion scolaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l'amendement no 187 rectifié .
Reprenant également une disposition de la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié, il prévoit la création d'un statut « d'accompagnant à l'inclusion scolaire ». Les nouveaux accompagnants devraient suivre une formation, et ceux déjà en exercice verraient la reconnaissance de leurs qualifications ou la validation de l'expérience acquise facilitée. La spécificité actuelle du statut, qui implique que les accompagnants effectuent deux contrats à durée déterminée avant de pouvoir obtenir un contrat à durée indéterminée, serait supprimée. Les accompagnants seraient désormais recrutés avec un CDI, et non plus un CDD. Enfin, l'amendement prévoit la possibilité pour les aidants à l'inclusion scolaire d'accompagner les élèves pendant les sorties scolaires.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l'amendement no 298 .
Bien que confronté à un problème de train qui m'a empêché de venir plus tôt, …
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
… j'ai pu écouter le débat. Je voudrais maintenant partager avec vous une expérience, avec l'espoir de vous arracher autre chose que des sarcasmes.
Aujourd'hui, j'étais sur le terrain – comme cela doit vous arriver souvent, monsieur le ministre – , plus précisément à Meaux, où j'ai rencontré des associations, visité plusieurs écoles qui accueillent des enfants en situation de handicap et participé à des tables rondes avec des acteurs du secteur.
Après cette journée passée sur le terrain, à rencontrer les familles, les AESH et les enseignants – vos enseignants, monsieur le ministre – , j'ai pu mesurer la différence entre les besoins qu'ils expriment et les évolutions permises par votre petit amendement. Je vous le dis sereinement : le fossé est abyssal !
Vous prétendez accomplir des avancées substantielles, mais il n'en est rien. Le recrutement des AESH en CDD de trois ans en est d'ailleurs un bon exemple. À propos d'autres corps d'État, le secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance soulignait ce matin, sur une grande radio, le problème posé par la précarité. Auprès d'une banque, un CDD de trois ans a la même valeur, qu'un CDD d'un an – c'est-à-dire qu'il n'en a aucune. Cette disposition n'enlève rien à la précarité du statut des AESH. En réalité, le problème ne réside pas dans la durée du contrat, mais dans sa sortie. Le problème, c'est la stabilité de l'emploi.
Vous savez que votre proposition ne règle rien, monsieur le ministre. D'ailleurs, vous avez déjà la possibilité de porter de un à trois ans, par une simple circulaire, la durée de ces contrats. La loi le permet.
En conclusion, la déception profonde de la représentation nationale, à laquelle vous avez beaucoup promis, et des familles aura de graves conséquences.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l'amendement no 189 .
Il tend à limiter la précarité subie par les accompagnants. Pour ce faire, il prévoit que l'ensemble des personnes recrutées sur la base de diplômes de niveau V au moins sous le statut d'AESH – c'est-à-dire sous contrat de droit public, et non plus sous contrats aidés de droit privé – bénéficieront de contrats à durée indéterminée, et non plus de contrats à durée déterminée. Ainsi, les AESH n'auront plus à effectuer deux CDD de trois ans pour pouvoir espérer obtenir un hypothétique CDI, comme c'est le cas aujourd'hui.
La parole est à M. Christophe Bouillon, pour soutenir l'amendement no 712 .
La discussion de ma proposition de loi avait débouché sur un acquis, celui de placer l'accompagnant auprès de l'équipe de suivi de scolarisation, afin qu'il puisse remplir son rôle en participant à toutes les démarches entourant l'élève en situation de handicap.
Vous avez, en revanche, repoussé l'idée de prévoir au moins une fois par trimestre une rencontre entre les différents acteurs. Comme nous regrettons ce refus, cet amendement vise à fixer un cadre régulier pour ces rencontres, au bénéfice des différents acteurs concernés.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l'amendement no 756 .
Monsieur le ministre, c'est désormais la fin du suspense. Lors de l'examen, il y a quatre mois, de la proposition de loi que nous avions déposée, il nous avait été expliqué, avec la brutalité dont nous avons l'habitude, que le sujet serait traité plus tard. Ensuite, lors de l'examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Bouillon, vous aviez dit à cette tribune, devant la représentation nationale – et donc devant l'ensemble des familles concernées – qu'il fallait attendre la fin des concertations avant d'agir. Une fois celles-ci achevées, vous nous avez promis à cette tribune des avancées significatives, en dehors de celles, très accessoires, qui avaient déjà été annoncées. Mais il n'y a pas une seule nouveauté ! Rien de rien !
Autant vous le dire, monsieur le ministre : il y a quatre mois, je ne vous faisais absolument pas confiance pour les rendez-vous à venir. Mais, peut-être à partir de l'examen de la proposition de loi Bouillon, ou dans des circonstances similaires, à force de vous entendre répéter avec assurance que des mesures fortes allaient être prises, j'ai fini par y croire, parce que je me suis dit que vous ne pouviez pas jouer avec le feu de cette manière.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Je me suis dit que vous ne pouviez pas promettre tant pour donner si peu. Je vous parle brutalement pour ne pas que vous vous imaginiez une seule seconde que vous allez vous en tirer pour si peu.
Mêmes mouvements.
La question du handicap mérite bien plus que du bricolage : elle mérite une révolution et un courage politique qui vous manque terriblement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune et les sous-amendements ?
Mon avis est favorable sur l'amendement no 1058 du Gouvernement. S'agissant des sous-amendements, mon avis est favorable sur le no 1150 ; défavorable sur le no 1164, qui tend à supprimer l'alinéa 6 de l'amendement ; défavorable sur les nos 1160 et identiques, qui tendent à supprimer les alinéas 10 et 11 ; favorable sur le no 1165 déposé par M. Bouillon ; défavorable sur le no 1166 du même auteur.
Je demande le retrait du sous-amendement no 1142 présenté par Mme Rilhac, car nous ne sommes pas favorables à ce qu'une seule personne soit référente en matière de handicap. Le principe de l'école inclusive implique que tous les enseignants se soucient de l'inclusion des élèves concernés.
La commission est favorable aux sous-amendements nos 1169 et 1167 présentés par M. Bouillon. En revanche, elle est défavorable aux sous-amendements no 1114 présenté par Mme Rilhac, no 1161 de M. Pradié – qui prévoit la suppression des alinéas 6 et 7 – , no 1158 de M. Hetzel, qui tend à supprimer l'alinéa 35, et no 1143 de Mme Descamps.
J'émets enfin un avis favorable au sous-amendement no 1159 de M. Hetzel car, même si nous refusons en général les demandes de rapport pour prévenir toute inflation en la matière, il faut reconnaître que le sujet revêt une importance particulière.
Mon avis est défavorable sur l'amendement no 706 de M. Bouillon, car l'amendement du Gouvernement en reprend les dispositions de manière à peu près identique. Il est également défavorable sur les amendements nos 187 rectifié , 298 , 189 , 712 – car l'amendement du Gouvernement en reprend, là encore, monsieur Bouillon, l'essentiel – et 756.
S'agissant des sous-amendements, le Gouvernement est favorable au no 1150, défavorable au no 1164 ainsi qu'aux nos 1160 et identiques, favorable au no 1165, défavorable aux nos 1166 et 1142, favorable aux nos 1169 et 1167 et défavorable aux nos 1114, 1161, 1158 et 1143. Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour le sous-amendement no 1159 .
Le Gouvernement est par ailleurs défavorable à l'adoption des amendements no 706 , 187 rectifié , 298 , 189 , 712 et 756 .
Je souhaite maintenant répondre à certains propos qui ont été tenus. De 2005 à 2018 – je m'en souviens bien pour en avoir été parfois l'acteur – , les politiques relatives à l'école inclusive faisaient l'objet d'un consensus national. Je voudrais d'ailleurs rendre hommage aux oppositions qui, au cours de cette période, ont accompagné les progrès que les gouvernements impulsaient.
M. Alexandre Freschi applaudit.
Ces progrès ont-ils permis de parvenir rapidement à une situation parfaite ? Certainement pas. Les efforts réalisés à partir de 2005 ont certes conduit à de grandes avancées, mais de très grandes insuffisances ont également subsisté.
Telle est donc la situation que nous avons trouvée à notre arrivée en 2017 : les accompagnants étaient tous en situation de précarité et le système des contrats aidés était le seul disponible.
Il n'en demeure pas moins que, quinquennat après quinquennat, les oppositions ont accompagné le mouvement. Elles pouvaient en effet constater que la situation, quoique peu satisfaisante, était marquée par des progrès constants. Cependant, ce n'est plus vrai depuis la fin de l'année dernière, puisque le Gouvernement doit désormais affronter l'opposition systématique de certains. J'en appelle donc à la responsabilité de chacun, afin au moins que, par des termes mieux choisis, on puisse éviter d'enflammer les esprits. Ce gouvernement a en effet le triste privilège d'être en butte à des oppositions qui cherchent à tout prix à décrire ses intentions pour ce qu'elles ne sont pas.
Exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.
C'est la vérité.
Vous permettez, monsieur Pradié : je vous ai laissé parler, permettez-moi d'achever mon propos.
Je m'adresse, à travers vous, mesdames, messieurs les députés, aux familles des élèves en situation de handicap. Elles étaient représentées lundi dernier, lorsque nous avons procédé à la restitution de la concertation « Ensemble pour l'école inclusive ». Or loin des insatisfactions que certains d'entre vous mentionnent, j'ai constaté, au contraire, qu'elles exprimaient beaucoup de satisfaction. Il ne sert donc à rien de minimiser ce que nous venons d'accomplir.
Cela étant, je ne cherche pas à présenter ces résultats comme un aboutissement définitif. Au demeurant, je n'ai jamais procédé ainsi : nous avons d'emblée indiqué qu'il fallait procéder par étapes.
Monsieur Pradié, vous saviez très bien, lorsque vous avez déposé votre proposition de loi, que la concertation allait commencer quelques jours plus tard…
… et qu'il n'y avait pas lieu de couper le blé en herbe au moment même où on plantait les graines.
Plusieurs de vos formules sont absolument malvenues et visent à induire en erreur l'opinion publique.
Qu'elles soient malvenues ou non n'est pas le sujet ! Vous n'avez pas à en juger !
Je le répète, la concertation était prévue bien avant le dépôt de votre proposition de loi, laquelle n'était d'ailleurs, à cette aune, pas spécialement avant-gardiste.
Nous pourrons en faire l'analyse. Quoi qu'il en soit, l'idée était de débattre du sujet pendant plusieurs mois afin de parvenir au résultat auquel nous sommes parvenus lundi dernier. Je répète que celui-ci n'est pas définitif. Nous procédons par étapes, sans jamais perdre de vue la rentrée 2019.
Ainsi, nous ne prenons aucun retard. Nous préparons sérieusement cette rentrée. Il est toujours facile, surtout si l'on siège dans l'opposition, de décrire un monde merveilleux, qu'on a curieusement échoué à faire advenir lorsque l'on siégeait avec la majorité et qui, soudain, devient une impérieuse nécessité.
Vous avez été directeur général de l'enseignement scolaire ! Vous connaissez la maison depuis longtemps !
Je comprends les impatiences dès lors qu'elles sont légitimes. Je comprends celle des collectifs AESH comme celle des familles d'élèves en situation de handicap. Je prends le sujet suffisamment au sérieux, et je ne peux pas laisser dire que nos accomplissements sont de petite taille.
Sitôt qu'une nouveauté apparaît, des questions surgissent, ce qui est tout à fait légitime. Il y a toujours des inquiétudes, telles celles suscitées par les pôles inclusifs d'accompagnement localisé. Je tiens à rappeler que ces pôles ont été conçus expérimentalement dès cette année grâce à des comparaisons internationales qui ont permis de constater que certains pays réussissent en s'organisant ainsi. L'Italie et le Danemark, par exemple, réussissent mieux que nous en la matière, non parce qu'ils y consacrent davantage de moyens, mais parce qu'ils sont mieux organisés, de façon pragmatique, sur le terrain.
Pour autant, proposer l'instauration de PIAL ne signifie pas que nous les généraliserons demain de façon uniforme. Cette disposition – comme d'autres du présent projet de loi – est une boîte à outils, qui doit nous permettre d'élaborer des solutions concrètes là où elles sont appropriées.
Une seconde inquiétude résulte de la nouveauté. On se dit – je l'ai bien entendu – : « N'est-ce pas là un moyen de ne pas y consacrer davantage de moyens ? N'est-ce pas un moyen de réaliser des économies sur le dos des élèves en situation de handicap ? » En réponse, je tiens à citer quelques chiffres.
Ils sont connus. Ne faisons pas comme s'ils ne l'étaient pas, ils le sont – et l'instauration d'une commission d'enquête sur le métier d'accompagnant d'élèves en situation de handicap me fait très plaisir, car elle permettra d'obtenir un effet de vérité. Nous créerons à la rentrée prochaine 12 400 postes d'AESH, qui se substitueront aux contrats aidés. En 2020, nous aurons réussi à généraliser les postes d'AESH, faisant disparaître les contrats aidés. Les sommes consacrées au handicap dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 représentent 2,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 45 % depuis 2016. Ces chiffres sont considérables !
Certes, on peut toujours s'efforcer de dépeindre les choses en gris pour telle ou telle motivation, mais si on aime la vérité, alors il faut regarder ces chiffres en face. Des efforts considérables sont consentis. Sur ce sujet comme sur d'autres, on ne rend pas service aux personnes concernées en cultivant un état d'esprit de polémique ou de pessimisme.
Il faut, au contraire, enclencher le cercle vertueux du progrès. C'est ce que nous faisons. Comme je pense qu'à la fin la vérité éclate toujours, je suis persuadé que les évolutions se verront nettement dès la rentrée prochaine.
Elles se voyaient d'ailleurs lundi dernier. Ne dites pas, mesdames, messieurs les députés, que les participants de la concertation sont insatisfaits. Si j'ai entendu quelques paroles d'insatisfaction, j'ai aussi entendu exprimer beaucoup de satisfaction.
Ce chemin de progrès, normalement – c'est encore un appel que je lance – , nous devrions le parcourir ensemble. Nous devrions être unis pour prolonger ce qui a été entamé et aller encore bien plus loin. Cette majorité n'a d'ailleurs certainement pas à rougir de son action, compte tenu de ce qui a été accompli par les majorités précédentes.
En effet, de nombreuses avancées sont absolument inédites. Pour la première fois, en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap, nous aurons uniquement, en France, des AESH et non des contrats aidés. Pour la première fois, ceux-ci pourront effectivement être embauchés à l'avance. Pour la première fois, ils seront intégrés dans la politique générale des rectorats. Pour la première fois, nous mènerons une politique de formation permettant de procéder d'emblée à leur formation initiale. Pour la première fois, nous organiserons des rencontres en amont de la rentrée.
Ces progrès sont absolument considérables. Ils sont de l'ordre de ceux que vous réclamez, mesdames, messieurs les députés de l'opposition. Ils sont en cours de réalisation. Et c'est à ce moment, bien entendu, que vous trouvez matière à critiquer !
Que vous fassiez des propositions me semble une excellente chose, …
… car nous devons encore progresser. En revanche, choisir le terrain du dénigrement, voire de la négation de la vérité – car les progrès que je viens de décrire sont vérifiables – , c'est s'aventurer sur un terrain dangereux, a fortiori si on emploie des mots inappropriés ou excessifs.
C'est donc en toute sérénité, mais avec une certaine solennité, que j'en appelle à ceux qui s'intéressent au sujet, qui le connaissent et qui sont concernés. Nous n'avancerons bien qu'en restant sereins. Tel est d'ailleurs le cas de l'immense majorité des acteurs. Et c'est pourquoi je suis confiant. Évitons les exploitations politiciennes ! Cela ne signifie pas que nous ne devons pas avoir de débats.
Débattons, mais en commençant par adopter le ton qui convient ! Reconnaissons les avancées ! Allons vers ce chemin de progrès, qui passe éventuellement par des amendements et des débats tels que celui que nous avons aujourd'hui !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Tout d'abord, je reprendrai le terme « déception », que peut-être vous pouvez nous accorder, monsieur le ministre. Nous pensons que les propositions avancées sont très insuffisantes pour résoudre la situation et répondre aux souffrances et aux besoins des enfants et des familles. Pour ma part, j'ai entendu aussi – chacun peut dire ce qu'il a entendu – s'exprimer une déception et des insatisfactions.
Ensuite, les propositions que vous avancez là sont à l'image des autres dispositions du présent projet de loi. Confronté au manque d'attractivité du métier d'AESH et à une pénurie de main-d'oeuvre, vous optez – au lieu de franchir l'obstacle par le haut, c'est-à-dire de renforcer l'attractivité du métier – pour la gestion de la pénurie.
Avec 2,7 milliards ?
La création des PIAL nous fait craindre qu'une telle logique ne soit à l'oeuvre et n'aboutisse à des mutualisations forcées.
M. Aurélien Pradié applaudit.
Enfin, s'agissant de l'intervention que vous venez de faire, je tâche de cacher ma colère. À un moment donné, il faut arrêter de nous prendre pour des idiots et de nous faire la leçon !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il faut surtout arrêter d'employer une technique assez connue – nous l'avons tous pratiquée – inspirée de l'adage « La meilleure défense, c'est l'attaque ». Vous maniez en effet le discours politicien – dans ce domaine, vous êtes même passé maître – tout en tentant de nous faire croire que tel n'est pas le cas.
Ainsi, vous prétendez rechercher le consensus, mais vous venez d'appeler à repousser tous les amendements visant à améliorer votre proposition d'article additionnel !
Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Arrêtez de nous prendre pour des idiots ! Défendez votre texte, mais cessez de prétendre que notre seul but est de vous mettre dans l'embarras, alors même qu'un travail parlementaire est en cours sur le sujet depuis plusieurs mois ! Nous constatons l'existence de problèmes auxquels nous tâchons d'apporter des solutions. C'est notre travail !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.
Mes propos s'inscriront dans la continuité de ceux de notre collègue Faucillon.
Tout d'abord, je tiens à remercier nos collègues des groupes Les Républicains et Socialistes et apparentés. En ouvrant ce débat à l'Assemblée nationale, ils ont permis de faire progresser la réflexion et nous ont permis d'élaborer, dans le cadre de notre groupe, nos propositions. Je remercie également les associations pour leur travail.
Ensuite, je souhaite réagir à votre intervention très malvenue, monsieur le ministre. Vous dénoncez une attitude malvenue, mais il n'était franchement pas nécessaire, après avoir repoussé sans explication les amendements de divers groupes d'opposition, de nous insulter en prétendant que…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
De nous insulter, oui, en dénigrant l'attitude des parlementaires et le travail qu'ils effectuent depuis des mois, mais que vous réduisez à une simple posture destinée à vous mettre en difficulté. Vous faites croire en outre que nous ne nous intéressons pas aux situations que dénoncent les associations – ces mêmes associations que vous prétendez avoir entendues, alors même que vous choisissez de n'entendre qu'une partie de leur message.
Je citerai la coordination des collectifs d'AESH : « Nous avons participé à cette pseudo-concertation et c'est avec dépit que nous en sommes sortis lundi matin ». Prétendrez-vous également que ces gens, qui travaillent quotidiennement avec les élèves en situation de handicap et avec leurs parents, tentent de vous mettre en difficulté ? Leur dépit relève-t-il de la posture ?
Nous avons avancé des propositions.
Nous considérons que votre proposition d'article additionnel est en deçà de qu'il faudrait faire. Nous continuerons à le dire. Les gens qui suivent ces débats n'auront pas besoin de nous pour continuer à le dire et pour se mobiliser afin que les choses avancent, ce que vous ne faites pas.
Monsieur le ministre, vous dites aimer la vérité. Tant mieux. La vérité m'oblige à vous dire que la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République a introduit l'inclusion scolaire dans le code de l'éducation.
La vérité m'oblige également à vous dire que le projet de loi de finances pour 2014 prévoyait la création des AESH. En 2016, la décision a été prise de faciliter le basculement de postes d'AVS – qui sont des contrats aidés, comme vous l'avez dit tout à l'heure – vers des postes d'AESH, qui sont des contrats de droit public.
La vérité m'oblige à vous rappeler les nombreuses créations de postes auxquelles nous avons procédé au cours des cinq dernières années. La vérité m'oblige également à vous rappeler – dès lors que vous avez fustigé les députés de nos groupes en affirmant que l'attitude de l'opposition, au cours des législatures précédentes, était bien différente – que d'anciens parlementaires comme Édouard Philippe n'ont pas voté les dispositions que je viens d'indiquer.
Monsieur le ministre, vous aimez les comparaisons internationales et vous avez raison. Celles-ci ont d'ailleurs inspiré l'article de la proposition de loi pour une école vraiment inclusive relatif à l'adaptation des effectifs d'AESH à celui d'élèves en situation de handicap. De même, ces comparaisons internationales – avec l'Italie ou les pays d'Europe du nord – nous ont inspiré les dispositions relatives à l'avenir de la construction des établissements scolaires.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé – sur ce point, nous pouvons nous rejoindre – qu'il fallait se garder de toute approche politicienne. Essayez de me dire sincèrement en quoi un article de loi visant à garantir, au plus tard quarante-cinq jours avant la rentrée scolaire, l'assistance d'un AESH aux familles ayant déposé un dossier à la MDPH cinq mois auparavant ressortit à une approche politicienne ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Les dispositions de la proposition de loi que nous avons déposée ne sont pas politiciennes. Elles sont inspirées par des témoignages de familles jugeant insupportable la situation qu'elles vivent à chaque rentrée scolaire, en raison de laquelle il est impossible que leur enfant soit scolarisé dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR.
Monsieur le ministre, je dois vous dire mon embarras. Le groupe Libertés et territoires considère cet amendement comme un progrès, mais un progrès tout à fait insuffisant. En particulier, en quoi est-il nécessaire d'écrire que les AESH seront recrutés par contrat de trois ans renouvelable une seule fois ? Si nous inscrivons cette disposition dans la loi, il faudra une autre loi pour la modifier – or la prochaine loi sur l'école sera probablement, on le sait bien, votée par la prochaine majorité.
Vous faites ce que vous pouvez à un moment donné, et tout ne peut pas être parfait tout de suite, je le comprends bien. Mais inscrire une disposition dans la loi, c'est la graver dans le marbre ! Si l'on s'en tenait à des dispositions réglementaires, il serait plus facile de les modifier par la suite.
J'ai rencontré des AESH. Elles s'investissent, elles s'occupent d'enfants différents, porteurs de handicaps différents ; ce n'est pas simple. On ne peut pas utiliser la même pédagogie pour tous ces enfants ! Alors elles se forment, mais quand elles commencent à avoir un peu d'expérience, au bout de six ans, on les renvoie. Nous nous privons de talents.
C'est vraiment ce qui nous pose problème, et il aurait fallu à notre sens retirer cet alinéa du texte.
Je regrette également que cet amendement ait été déposé tardivement ; nous aurions pu, sinon, en discuter plus en détail. C'est une autre difficulté.
Nous ne pouvons pas voter contre cet amendement ; mais nous ne pouvons pas voter pour non plus.
Je me souviens d'un temps pas si lointain où les enfants dits « différents » étaient cachés, mis à l'écart, et globalement maltraités, par méconnaissance et manque de moyens. Cette situation continue d'exister dans certains pays ; alors que nous nous écharpons pour créer ici de meilleures conditions, plus vite, il est bon de mesurer le chemin parcouru chez nous et de nous réjouir des avancées significatives que notre pays a pu réaliser dans le domaine de l'inclusion.
Nous franchissons encore un nouveau cap ce soir en promouvant une école vraiment inclusive.
Inutile de nous faire la morale !
J'ai visité récemment une classe de centre d'action médico-sociale précoce – CAMSP – intégrée dès l'école maternelle, et j'ai pu vérifier que lorsque les différents acteurs travaillent en bonne intelligence, l'inclusion est possible. Les mentalités progressent ; collectivement, nous avançons, et tous en retireront des bénéfices : les enfants en situation de handicap, les autres, et plus largement toute la société, qui y gagnera, je l'espère, en tolérance.
Le problème des AESH que l'on remercie à la fin de leurs deux CDD, alors qu'ils ou elles s'étaient formés, était désolant. J'ai moi-même dû intervenir dans des cas de fins de contrat d'AESH : ces situations sont compliquées pour les enfants comme pour les adultes, notamment quand les contrats se terminent en cours d'année. Globalement, je reconnais que des efforts sont faits pour que les choses se passent au mieux.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souligne toutes ces avancées dans l'inclusion de tous les enfants à l'école. Mais nous vous demandons, monsieur le ministre, de faire le maximum pour que le statut de ces personnels soit amélioré à l'avenir, afin de mieux accompagner cette école vraiment inclusive que nous souhaitons tous, et que nous arriverons, j'en suis persuadée, à faire vivre.
Monsieur le ministre, qu'en sera-t-il des AESH qui n'ont pas pu poursuivre leur travail au terme de deux CDD ? Pourront-ils postuler pour un CDI, alors que nous manquons de candidats et qu'ils ont la formation et l'expérience nécessaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Monsieur le ministre, en découvrant cet amendement no 1058 , j'ai d'abord ressenti une grande colère. Cet amendement reprend des propositions qui figuraient dans la proposition de loi d'Aurélien Pradié comme dans celle de Christophe Bouillon : l'association des collectivités locales, l'entretien entre la famille, l'AESH et les enseignants dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation, la mise en place d'un AESH référent dans chaque département, ou encore la prise en considération des enfants en situation de handicap lors de la construction ou de la réhabilitation d'un établissement public – ce qui paraît une évidence. Mais, parce que nos groupes siègent dans l'opposition, vous aviez choisi de balayer nos propositions d'un revers de main – comme vous vous apprêtez à balayer d'un revers de main, le 7 mars prochain, la proposition de loi de Mme Marie-George Buffet visant à cesser de tenir compte des revenus du conjoint pour le calcul de l'allocation aux adultes handicapés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui, en vous écoutant, monsieur le ministre, la tristesse a remplacé la colère.
Vous balayez des propositions constructives en faveur du handicap, alors que leurs auteurs n'ont jamais voulu faire du handicap un sujet d'affrontement politique – le handicap devrait en effet être un sujet parfaitement consensuel. Député depuis sept ans, je me suis toujours battu pour que nous avancions ensemble. Et ce soir, vous nous accusez d'en faire un thème politique. Je ne peux pas l'accepter.
Dans votre amendement, monsieur le ministre, un point nous gêne : la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisé. Ces PIAL sont, tous les AESH le disent, redoutés. Reconnaissez que nous aurions au moins pu, sur ce sujet, auditionner les collectifs d'AESH. On ne peut pas accepter cette façon de faire.
Pour toutes ces raisons, parce que nous sommes constructifs et que nous voulons des progrès sur le sujet du handicap, nous ne voterons pas contre votre proposition. Mais nous ne pouvons pas non plus voter pour. Le groupe LR, vous l'avez compris, s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR. – Mme Ménard applaudit également.
Monsieur le ministre, j'espère que vous savez bien que le groupe UDI, Agir et indépendants n'a jamais soulevé le sujet du handicap et de l'inclusion dans un autre but que celui de faire avancer les choses. C'est, vous le savez, un sujet qui me tient particulièrement à coeur ; si je m'exprime, vous l'entendez, avec beaucoup d'émotion, c'est parce que je suis ce soir très triste et très déçue. J'ai moi-même été critiquée sur les réseaux sociaux la semaine dernière, après l'examen de la proposition de loi de M. Bouillon, pour avoir dit qu'elle comportait des avancées !
Je ne refuse jamais la vérité. Non, je ne fais pas de politique politicienne lorsque je parle de l'inclusion et du handicap !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'espère vraiment que vous le savez.
Nous apprécions ce qui a été fait, mais j'avais besoin de vous dire ma déception. Tous mes amendements sur l'inclusion ont été déclarés irrecevables ou ont été rejetés. Malgré tout, j'espère que nous pourrons continuer à travailler avec vous, car le chemin est encore long.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir, LR et LaREM.
Ce sujet a évidemment déjà été traité par des majorités précédentes, et des avancées considérables ont été accomplies depuis 2005 pour accueillir à l'école les enfants souffrant de handicap. L'amendement du Gouvernement permet d'aller un petit peu plus loin.
Il faut souligner la cohérence de l'action du Gouvernement, de la majorité, des parlementaires sur cette question de l'inclusion scolaire des enfants en situation de handicap. Le budget ne cesse d'augmenter ; plus de 20 000 enfants porteurs de handicap ont pu découvrir le milieu scolaire l'année dernière. Il faut également citer les mesures relatives aux AESH, l'augmentation du nombre d'unités localisées pour l'inclusion scolaire – à la rentrée dernière, le dispositif PIAL, dispositif innovant qui répond aux attentes des enfants mais aussi des enseignants…
On pourrait encore parler de la stratégie nationale pour l'autisme 2018-2022, présentée par le Premier ministre et par Sophie Cluzel, secrétaire d'État, le 6 avril 2018.
Ces mesures cohérentes sont le fruit d'une réflexion menée depuis le premier jour par le Gouvernement. La restitution de la concertation sur l'école inclusive a eu lieu le 11 février dernier ; elle permet au Gouvernement de nous proposer, avec cet amendement, des avancées majeures pour les enfants et pour les familles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vais le retirer, mais je tiens à préciser à Mme la rapporteure que, lorsque l'on parle de référent…
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Il est donc retiré. Nous allons pouvoir mettre aux voix les différents sous-amendements.
Le sous-amendement no 1150 est adopté.
Le sous-amendement no 1164 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 23
Contre 41
Le sous-amendement no 1165 est adopté.
Le sous-amendement no 1142 est retiré.
Le sous-amendement no 1166 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 1169 est adopté.
Le sous-amendement no 1167 est adopté.
Le sous-amendement no 1114 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 20
Contre 41
Le sous-amendement no 1161 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 1158 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 1143 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 1159 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 42
Contre 3
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra