La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (n° 4406, 4721).
Mes chers collègues, je vous rappelle, pour la bonne organisation de nos débats, que le temps législatif programmé s'applique à l'examen de ce texte.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Comme l'a dit Mathilde Panot en soutenant la motion de rejet préalable déposée par notre groupe La France insoumise, et comme je l'ai dit moi-même durant la discussion générale, nous considérons que cet article porte atteinte au fait que notre République est une et indivisible et au principe d'égalité des citoyens devant la loi. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 2302 .
Il tend lui aussi à la suppression de l'article 1er car, comme je l'ai dit tout à l'heure dans la discussion générale, nous sommes favorables à un État fort, un État stratège, ce qui, du reste, ne contredit pas notre attachement au principe de la décentralisation et de l'autonomie financière y afférente. Certes, en droit public comme dans l'histoire de la République, le fait de traiter de manière différente des gens dont les situations sont différentes est gage du principe d'égalité, mais si la différenciation restait la règle, le risque serait grand que la République soit, au bout du compte, éclatée façon puzzle et qu'elle ne garantisse plus l'égalité républicaine.
Je crois que la ministre en est consciente, que ce n'est pas ce qu'elle souhaite, et qu'elle désire au contraire, d'une certaine manière, préserver l'égalité des citoyens devant la loi où qu'ils habitent et où qu'ils se trouvent. Cependant l'inscription du principe de différenciation dans la loi peut distiller à dose homéopathique, puis, si l'on n'y prend pas garde, à dose moins homéopathique, le risque de mettre en cause l'unicité de la République.
La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Les dispositions proposées n'attentent en rien à l'égalité républicaine. Au contraire, elles permettent de prendre en compte certaines spécificités territoriales, auxquelles sont attachés nos amis de l'outre-mer, que nous avons beaucoup entendus dans la discussion générale, ainsi que nos amis corses. Avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis. La Constitution garantit le respect du principe d'égalité et la différenciation est destinée à répondre aux spécificités locales – une loi « montagne » relève ainsi de la différenciation. Il s'agit, au fond, de mieux adapter les textes aux réalités des territoires.
Par ailleurs, il serait utopique de croire que tout le monde, sur l'ensemble du territoire français, vit dans les mêmes conditions : la différenciation vise, au contraire, à rattraper les retards de certains territoires. Cela dit, je souscris à l'idée que cela ne peut s'appliquer au principe régalien d'égalité dans les territoires.
L'amendement n° 126 de M. Paul Molac est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 126 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement n° 3146 .
Il tend à compléter ou à améliorer quelque peu la rédaction de l'alinéa 6 de l'article 1er , en substituant aux mots : « les règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des situations objectives » les mots : « il est tenu compte, pour la définition des règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales, des différences de situations, et notamment de leur caractère urbain ou rural ». Cette rédaction permet d'inscrire dans la loi les deux notions d'urbain et de rural, et de préciser ce qu'on entend par « différenciation » de situations.
Monsieur Morel-À-L'Huissier, vous avez, dans la discussion générale, fait valoir avec force et conviction votre attachement à l'hyper-ruralité. Toutefois, les différences de situation dont nous tiendrons compte dans l'élaboration de cette loi permettront de relever le caractère urbain ou rural des collectivités concernées, et donc de répondre en grande partie à vos attentes. Je souscris parfaitement à votre analyse, mais la spécificité géographique ne se résume pas à la densité de population : ce peut être aussi le relief ou d'autres particularités. À défaut de pouvoir en faire la liste, la notion de différences de situation utilisée à l'article 1er est assez large pour pouvoir inclure toutes les spécificités. Je propose donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis, car plus on précise les spécificités, plus on écarte certains territoires. L'article 1er invite précisément le législateur à prendre en compte la réalité de la diversité des territoires et l'amendement me semble donc satisfait. Mieux vaut ne pas rétrécir le champ. Je vous invite, monsieur le député, à retirer l'amendement.
Compte tenu des explications qui viennent d'être apportées, je le retire.
L'amendement n° 3146 est retiré.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 3232 .
Je profite du début de l'examen du texte pour saluer la ministre et les rapporteurs.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a travaillé sur ce texte et a proposé certains amendements en vue de l'enrichir. Le premier est rédactionnel.
L'amendement n° 3232 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté. En conséquence, l'amendement n° 605 tombe, ainsi que les amendements identiques n° 49 , 125 , 168 , 282 , 355 , 397 , 459 , 499 , 617 , 622 , 653 , 686 , 800 , 830 , 945 , 1092 , 1392 , 1564 , 1753 , 1785 , 2040 , 2650 , 3256 et 3377 .
L'amendement n° 3036 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 902 de M. Mansour Kamardine est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement est pleinement satisfait et s'applique de plein droit dans les collectivités ultramarines. J'en demande donc le retrait.
Il est en effet satisfait et j'en demande également le retrait.
L'amendement n° 902 n'est pas adopté.
J'ai été un peu surpris de ne pouvoir défendre l'amendement n° 126 , dont j'étais cosignataire, car la subsidiarité est tout de même un principe fondamental d'une bonne organisation de la société.
J'en viens à l'amendement n° 1542 . De nombreux rapports de la Cour des comptes, de France Stratégie et de beaucoup d'autres sources sont unanimes pour dire que, depuis le début du mouvement de décentralisation des années 1980 – depuis 1983, pour être précis –, l'État peine à tirer toutes les conséquences des démarches de décentralisation de ses compétences vers les collectivités territoriales, dans différents domaines. Citant un rapport de décembre 2017 de la Cour des comptes sur les services déconcentrés de l'État, M. Jean-Félix Acquaviva, auteur de l'amendement, avait déjà évoqué, dans le cadre d'une question orale sans débat adressée à Mme la ministre en mai 2018,…
Laissez-le parler de ce qu'il veut, nous sommes en temps législatif programmé !
Excusez-moi, monsieur le rapporteur : mes propos ne concernaient pas, en effet, l'amendement n° 1540 , qui vise à définir clairement dans la loi le principe de différenciation permis par la Constitution. Ce principe, qui figurait dans l'avant-projet de loi, doit être clairement réintroduit et réaffirmé dans le texte afin d'expliciter les marges de différenciation.
La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 3037 .
Il vise à définir clairement le principe de différenciation permis par la Constitution. Pour compléter la définition posée à l'article 1er , il rappelle que la différenciation repose sur une différence objective de situation entre territoires ou collectivités territoriales. Je vous demande, monsieur de Courson, de retirer votre amendement n° 1540 à son profit, car leur rédaction n'est pas tout à fait identique, comme nous l'avions vu en commission avec ceux de vos collègues qui représentaient votre groupe.
Nous pouvons nous rallier au texte du rapporteur, qu'est assez proche de l'idée, voire de la rédaction de notre amendement.
L'amendement n° 1540 est retiré.
L'amendement n° 3037 est adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement n° 2271 .
Il vise à intégrer la notion d'hyper-ruralité, qui avait fait l'objet d'un rapport assez complet de feu Alain Bertrand, sénateur de la Lozère. Jusqu'à présent, nous n'avons pas pu intégrer ce concept en le reconnaissant sur une base légale. Il me semblerait cependant intéressant de tenir compte du fait que toutes les ruralités ne sont pas identiques – on a, par exemple, l'habitude de distinguer montagne et ruralité.
Monsieur Morel-À-L'Huissier, comme je l'ai déjà dit, vous avez souligné avec force et d'une manière argumentée, dans la discussion générale, votre attachement à l'hyper-ruralité. Toutefois, le préfixe « hyper » pourrait être accolé à de nombreuses particularités locales. Je ne nie pas la spécificité des territoires ruraux, mais le principe de différenciation a vocation à englober toutes les situations différentes, y compris celles que vous décrivez. Je demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Il est impossible d'accoler de tels préfixes aux types de territoires. Après l'hyper-ruralité, on nous demanderait ensuite d'inscrire la semi-ruralité, or nous n'avons jamais inscrit non plus les zones périurbaines dans la loi : ces termes ne correspondent pas à des définitions précises.
J'ai été sensible au fait que vous ayez évoqué, dans la discussion générale, la décision prise par l'INSEE de mieux définir la ruralité. Il s'agit là d'une initiative que nous avons lancée dans l'agenda rural et nous avons fait avec l'INSEE un gros travail qui a permis de clarifier cette notion et donc d'élargir, comme vous l'avez démontré, le nombre de communes qui en relèvent.
Je me souviens bien des discours du sénateur de la Lozère et je comprends votre attachement à l'hyper-ruralité, mais on ne peut pas entrer dans de telles précisions. La ruralité est reconnue à part entière, et c'est justement le principe de la différenciation.
Je veux rappeler que le sénateur Bertrand n'avait pas eu le temps de donner une existence juridique à cette notion.
Je le sais.
L'évoquer, pour le seul député du département de la Lozère que je suis, relevait d'une marque de sympathie, voire d'affection.
Je comprends.
J'entends ce que vous dites, madame la ministre, et je sais qu'on peut distinguer différents types de ruralité, grâce au travail effectué par l'INSEE. Je tenais surtout, au travers de cet amendement, à rendre hommage au sénateur Bertrand. Je retire l'amendement.
Très bien !
L'amendement n° 2271 est retiré.
Monsieur le président, je demande la parole ! En temps législatif programmé, j'ai le droit de parler quand je veux.
Même sans temps législatif programmé, vous prenez souvent le droit de parler !
Sourires.
Je vous propose plutôt d'avancer dans la discussion.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement n° 1850 .
Il met l'accent sur la différenciation territoriale de nos territoires ultramarins. Je propose qu'une loi d'actualisation du droit applicable en outre-mer soit prévue tous les trois ans. Ce rendez-vous triennal me paraît une bonne piste pour éviter le renvoi systématique aux ordonnances pour l'adaptation à ces territoires ultramarins des dispositions de nombreux textes législatifs. Nos territoires ont besoin de plus de réactivité et d'attention, comme l'actualité nous le montre chaque jour.
Votre amendement pose une question pertinente et je sais que ma collègue Maina Sage y est tout aussi sensible : il s'agit du renvoi systématique aux ordonnances pour l'adaptation aux territoires des dispositions de nombreux textes législatifs. D'ailleurs, le projet de loi que nous étudions ce soir n'y échappe pas puisque son article 2 renvoie à cette procédure. Néanmoins le présent texte sera modifié à chaque étape de son examen et les rédactions stabilisées ne pourront être établies qu'à l'issue de son adoption définitive, d'où l'intérêt de passer par les ordonnances. Le délai de trois ans que vous proposez de prévoir, avec une loi triennale, pour procéder à une telle adaptation paraît beaucoup trop long. Je demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis.
Je suis très sensible à l'amendement de notre collègue Guion-Firmin, qui pointe le traitement à plusieurs vitesses des territoires de la République. Je crains que la différenciation se fasse surtout pour les hyper-métropoles et non pour l'hyper-ruralité dont on vient de parler ni pour l'hyper-outre-mer. Si la différenciation sert à ceux qui vont bien d'aller plus vite et plus loin, alors on aura raté notre cible. La vraie attente, c'est un aménagement équitable du territoire, une plus grande attention à ceux qui en ont véritablement besoin. Or l'outre-mer passe toujours après. Il en va de même pour l'hyper-ruralité : en Lozère, département que je connais bien, le phénomène d'enclavement n'a pas été enrayé. On voit donc qu'il y a de fortes inégalités territoriales. En tant que ministre de la cohésion des territoires, vous devez corriger ces fractures territoriales qui touchent l'outre-mer et l'hyper-ruralité. Cela passe par une différenciation qui aille dans le bon sens et qui ne se fasse pas seulement au profit des bien portants.
L'amendement n° 1850 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement n° 1542 . Vous l'avez évoqué tout à l'heure, monsieur de Courson, mais M. Acquaviva souhaite le défendre lui-même.
L'amendement renvoie au débat important et récurrent sur la question des doublons. Les rapports de différents organismes et institutions – la Cour des comptes, France Stratégie, l'Assemblée nationale – sont unanimes : depuis le début du mouvement de décentralisation des années 1980, l'État peine à tirer toutes les conséquences des démarches de décentralisation de ses compétences vers les collectivités territoriales, dans différents domaines.
Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2017 sur les services déconcentrés de l'État, que nous avions déjà évoqué dans une question à Mme la ministre au mois de mai 2018, insistait sur le fait que l'État persistait à vouloir conserver une présence et un rôle dans des domaines pourtant transférés. Les exemples de doublons, voire de freins, sont légion dans toutes les régions, par exemple dans le domaine de la formation professionnelle, alors que cette compétence est exercée de manière décentralisée par les régions. On peut également citer les domaines du sport, de la culture, du tourisme ou encore de l'aménagement du territoire où l'État, c'est-à-dire le préfet et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) veulent encore peser de tout leur poids alors que les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) sont prescripteurs. Les doublons sont également très nombreux s'agissant de la collectivité de Corse – on en connaît un rayon en la matière.
Le présent amendement entend inscrire le principe du non-doublon dans cette section nouvellement créée du code général des collectivités territoriales (CGCT), pour faire en sorte que la future loi clarifie utilement la notion de décentralisation.
Vous-même et vos collègues cosignataires de cet amendement avez totalement raison sur le fond. D'ailleurs, le Président de la République ne manque pas, à chacune de ses interventions, de rappeler que la décentralisation devrait s'accompagner d'un véritable transfert des responsabilités à destination des élus locaux.
Toutefois, le dispositif tel que vous le proposez pose un problème constitutionnel. Vous posez en postulat la possibilité pour le préfet de décréter, par exemple, la suppression du service des collectivités locales, ce qui, vous le savez, serait contraire à l'article 72 de la Constitution. C'est une donnée non négligeable. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de dire que M. Acquaviva a raison sur le fond. Si son amendement pose un simple problème de rédaction, vous pourriez prendre l'initiative d'en proposer un autre.
Je vais vous raconter une petite histoire. Il y avait, au ministère, un bureau chargé de la construction des collèges. Or ce bureau n'a pas été supprimé lorsque l'on a transféré la compétence des collèges aux départements, en 1983.
M. Sébastien Jumel rit.
Et un beau jour, les conseils généraux ont reçu une instruction leur expliquant comment ils devaient construire les collèges. Tout le monde a rigolé. À l'époque, la ministre était Ségolène Royal.
Cet exemple – et je pourrais vous en donner beaucoup d'autres – montre que l'État n'avait pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation de la gestion des collèges. Il faut donc créer une clause interdisant à l'État de conserver des services correspondant à des compétences qui ont été transférées.
Je sais, monsieur le rapporteur, que vous êtes d'accord sur le fond et il serait intéressant que Mme la ministre nous dise si elle l'est aussi.
Comme Charles de Courson, je regrette que cet amendement n'ait pas été sous-amendé. Si l'exemple des collèges est intéressant, je peux vous en citer un autre beaucoup plus récent relatif à la question de l'instruction des autorisations de droit du sol, dont la compétence a été laissée aux collectivités territoriales au motif que ce n'était pas une compétence.
Cette tâche n'a pas été transférée, donc pas indemnisée : on a simplement demandé aux collectivités territoriales de s'en charger en lieu et place de l'État. Comme elles ont dû recruter des instructeurs pour faire ce travail, on les a critiquées pour avoir augmenté leurs effectifs ; mais l'État, pendant ce temps, n'a pas dégraissé les siens. Dans mon département, une quarantaine d'instructeurs sont restés en place, payés par l'État. Certes, ces gens travaillent, ils ne font pas rien, et c'est bien le problème parce qu'ils contre-instruisent ce qui a été instruit par les collectivités territoriales. C'est évidemment insupportable pour les collectivités territoriales auxquelles on donne des leçons de compétences à longueur de journée et surtout pour nos concitoyens qui n'y comprennent plus rien et qui voient les services censés leur simplifier la vie se contredire.
Les collègues viennent de présenter des arguments pertinents, démontrant que la décentralisation est parfois inefficace sur l'exercice des compétences. Des freins et des craintes n'ont pas été levés, y compris dans le mouvement de décentralisation précédant le présent projet de loi. On est au cœur de la mécanique qui fait que la décentralisation, qui était pourtant voulue par beaucoup, n'a pas été appliquée pleinement. La question des doublons est un débat central et je ne verrais aucun inconvénient à ce que mon amendement soit sous-amendé.
Je réitère ma demande de retrait. Vous avez raison de soulever cette question, mais elle ne peut pas être réglée ce soir par le biais d'un amendement. Lourde de conséquences, elle ne pourra être appréhendée par le Parlement que dans le cadre d'un futur acte de décentralisation post-2022 que j'appelle de mes vœux.
L'amendement n° 1542 n'est pas adopté.
L'article 1er , amendé, est adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 2309 portant article additionnel après l'article 1er .
Un des rares amendements portant article additionnel après l'article 1er qui n'a pas été déclaré irrecevable !
Je suis attaché à l'état stratège et au couple commune-département. La création des grandes régions légitime le département dans sa capacité à apporter la réponse de proximité, notamment pour ce qui concerne les actions de solidarité. Les communes y tiennent beaucoup. À l'époque où les départements avaient les moyens d'accompagner financièrement les projets des communes, l'aménagement du territoire était, me semble-t-il, davantage au rendez-vous.
Mon amendement vise à réaffirmer que la République reconnaît les départements comme division territoriale fondamentale, inhérente à l'organisation administrative et politique française, et nécessaire à son bon fonctionnement, notamment par leurs compétences en matière de solidarités et leur soutien aux communes.
J'ajoute, et je l'ai dit dans mon propos introductif, que si l'on centralise le RSA, si l'on permet aux métropoles d'exercer en lieu et place du département un certain nombre de compétences, si l'on expérimente la possibilité pour les régions d'assumer la compétence des routes, alors le risque est grand de vider peu à peu les départements de leur substance – je ne dis pas que c'est la volonté du Gouvernement, aujourd'hui – et de les voir un jour disparaître, ce que je ne souhaite pas. Tel est le sens de mon amendement qui vise à inscrire dans la loi mon attachement et celui des Français à cette instance qu'est le département.
Vous êtes plusieurs, depuis le début de nos débats, à avoir fait référence à la question du transfert de la compétence routière aux régions. Je vous rassure : les articles 6, 7 et 8 feront l'objet d'amendements du Gouvernement et de moi-même visant à replacer les départements au cœur du dispositif.
Alors que les départements sont inscrits à l'article 72 de la Constitution, vous proposez de les reconnaître dans la loi ordinaire, autrement dit de leur donner moins d'importance qu'ils n'en ont actuellement. Aussi, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis.
Nous aimerions savoir où va le Gouvernement. Quand il rencontre les régions, il donne aux régions ; quand il rencontre les départements, il donne aux départements. Là, des amendements gouvernementaux vont modifier la donne. Je ne dis pas qu'ils ne vont pas dans le bon sens…
Vous avez indiqué que des amendements gouvernementaux concerneraient les routes. Le département est un échelon fondamental, mais il va falloir apporter des clarifications : quel sera l'avenir des départements s'il y a un futur acte de décentralisation ?
Ce n'est pas le Gouvernement qui a essayé de faire disparaître les départements ; je tiens à le rappeler.
Il n'a jamais été question de toucher aux départements.
Le Gouvernement a dit qu'il ne ferait pas de réforme institutionnelle ; on n'y revient pas.
La ministre a raison de rappeler que ce n'est pas ce gouvernement qui a eu l'intention de supprimer les départements. Mais c'est bien lui qui ne revient pas sur les malformations congénitales de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite MAPTAM, et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRE. Avant même que le projet de loi ne soit adopté, il est déjà possible pour les métropoles, lorsqu'elles le décident conjointement avec les régions et les départements, d'envisager des transferts de compétences qui vident les départements de leur substance. Par exemple, s'ils le décident ensemble, une métropole peut prendre la compétence de l'action sociale en lieu et place du département ; une métropole peut amputer les départements de certaines prérogatives, à la carte allais-je dire. D'où l'amendement.
La Constitution est évidemment très claire, elle reconnaît l'existence des départements, des régions et des communes. Vous n'avez heureusement pas été en mesure d'y toucher ; je ne vous en fais pas le procès. Lorsque la loi précise la reconnaissance de cette organisation territoriale, elle va plus loin encore que la Constitution ; elle ne la contredit pas ni ne l'affaiblit, elle la renforce.
L'amendement n° 2309 n'est pas adopté.
L'amendement de mon collègue Ian Boucard vise à ce que les collectivités soient tenues informées par le Premier ministre, dans un délai de six mois, des suites apportées à leurs propositions d'adapter des dispositions législatives ou réglementaires. En effet, les conseils départementaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter les dispositions en vigueur concernant leurs propres compétences, leur organisation ou leur fonctionnement. Cependant, la procédure actuelle relative à ces demandes n'est pas satisfaisante, car il n'existe aucune obligation de réponse de la part du Gouvernement. L'instauration d'un délai de six mois permettra aux collectivités d'obtenir des réponses réelles et concrètes.
En commission des lois, nous sommes revenus sur la disposition adoptée par le Sénat, pour lui substituer un dispositif plus opérant et surtout conforme à la Constitution. De manière constante, par sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel considère en effet l'obligation de notification qui serait imposée au Gouvernement comme contraire à la Constitution, en lien avec le principe intangible de la séparation des pouvoirs. C'est pourquoi il a précisé que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Gouvernement de répondre aux propositions de modification ou d'adaptation des normes.
Afin de surmonter cet écueil, nous avons assorti la transmission des demandes de modification ou d'adaptation de trois garanties. La première : le Premier ministre devra accuser réception de l'ensemble des demandes qui lui seront adressées. La deuxième : les demandes seront recensées dans un rapport qui indiquera les suites qui leur seront apportées. La troisième : ce rapport devra être rendu public. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Exactement le même avis, pour les mêmes raisons, grâce à l'amendement adopté.
J'ai tout de même une remarque concernant l'application de l'article : il n'y aura pas de différenciation à l'échelle infradépartementale, puisque le conseil départemental ou, par délibération concordante, plusieurs conseils départementaux devront se positionner pour le département.
L'amendement n° 1176 n'est pas adopté.
L'amendement n° 3038 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon, pour soutenir l'amendement n° 662 .
Le projet de loi entend approfondir les possibilités de différenciation des normes législatives et réglementaires pour les collectivités territoriales. L'amendement vise à éclairer les organes exécutifs et les conseils délibérants des régions tout en détaillant le champ du contrôle du juge administratif, en précisant qu'il est tenu compte des « différences de situations » dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales, « notamment de leur caractère urbain ou rural ».
Avec mes collègues, nous soutenons qu'il est nécessaire de mettre en lumière le fait que le caractère rural d'un territoire constitue bien une différence de situation. L'amendement a pour objectif d'avancer en ce sens.
Même avis que celui émis tout à l'heure sur l'amendement n° 3146 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier. Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis. Le principe même de la différenciation consiste précisément à différencier le rural et l'urbain. C'est évident !
L'amendement n° 662 est retiré.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement n° 1549 rectifié .
L'amendement est important dans le contexte corse actuel, à la suite des élections territoriales. Même s'il ne consacre pas un statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice, que les électeurs corses ont souhaité, il permet d'accroître l'effectivité de la procédure du titre II de l'article L. 4422-16 du statut de la Corse du 22 janvier 2002, afin de renforcer le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse.
De plus, l'amendement vise à réintroduire une disposition de la loi du 22 janvier 2002, adoptée par cette Assemblée mais censurée par le Conseil constitutionnel. Elle prévoyait une procédure de demande d'expérimentation par délibération motivée du conseil exécutif ou de l'Assemblée de Corse. Après évaluation et passage devant le Parlement, qui fixait la nature et la portée des expérimentations, ainsi que les conditions et délais dans lesquels la collectivité pouvait appliquer ces dispositions, l'expérimentation pouvait donner lieu à une annulation, une généralisation ou une différenciation.
Cette disposition avait été jugée anticonstitutionnelle à l'époque, mais c'était avant la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. Les travaux qui ont précédé cette loi, notamment ceux des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, considéraient la disposition introduite par la réforme constitutionnelle comme s'apparentant à la procédure censurée par le Conseil constitutionnel en 2002. Autrement dit, il serait fort à parier que le Conseil constitutionnel aurait aujourd'hui un avis différent, à la suite de la loi de 2003.
Enfin, l'amendement s'inscrit dans la lignée de la loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, adoptée le 16 mars dernier. C'est important, dans la mesure où ce texte améliore la lisibilité des décisions.
J'ajoute que l'amendement tient compte des remarques et des dispositions adoptées par la commission des lois à la suite de la proposition du rapporteur. J'appelle de mes vœux une convergence de vues sur l'amendement.
Mes chers collègues, vous l'avez sans doute constaté, j'ai souhaité cosigner l'amendement de M. Acquaviva et de ses collègues du groupe Libertés et territoires, pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il reprend le dispositif adopté en commission des lois lors de la niche parlementaire de ce groupe. Il serait malvenu, voire déconsidérant pour notre propre travail, de nous déjuger parce que nous serions dans un autre contexte.
La seconde, c'est que ce dispositif répond à une aspiration légitime, puisque consacrée par trois fois par le suffrage universel en Corse. Avis favorable à l'amendement de M. Acquaviva.
Monsieur Acquaviva, je vais être très précise. L'amendement a pour objet d'introduire la possibilité, pour la collectivité de Corse, de demander au législateur l'autorisation de conduire des expérimentations dans le domaine législatif, comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur. Il est vrai que cela a été discuté en commission des lois.
Je rappelle à nouveau que la création d'une voie d'expérimentation spécifique à la collectivité de Corse ne peut pas être votée ainsi – c'est pourquoi je suis opposée à l'amendement.
En effet, le législateur ordinaire – que vous êtes aujourd'hui – ne peut pas prévoir une délégation du pouvoir législatif à une collectivité territoriale. Il faut que cela figure dans une loi organique, comme le prévoit la Constitution. Voulez-vous que je vous lise l'article correspondant ?
Sourires.
Merci ! L'article 72 de la Constitution dispose : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental […] aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. » Il y a bien écrit au début « par la loi organique ». Peut-être êtes-vous plus fort que la Constitution, cher ami ? En tout état de cause, c'est ainsi. Avis défavorable.
Si je suivais le même raisonnement, je serais tenté de dire que tout le statut actuel de la Corse est anticonstitutionnel !
Non, non, non !
Murmures.
Il y a trois catégories de collectivités dans la République française : les collectivités d'outre-mer, les collectivités de droit commun et les collectivités à statut particulier, dont fait partie la collectivité de Corse. Les propos de MM. Clément et Garrec, rapporteurs respectivement de l'Assemblée nationale et du Sénat, lors de la réforme constitutionnelle menée par M. Raffarin, sont très clairs : ils estiment que la réforme de 2003 introduit des dispositions qui s'apparentent à celles qui avaient été adoptées dans la loi de 2002 pour la Corse.
Laissons le Conseil constitutionnel en débattre et ne prenons pas sa place, afin de substituer au doute une réflexion juridique sereine.
Ce n'est pas un doute !
Ce n'est pas une délégation du pouvoir législatif, mais une procédure précise, liée au statut particulier actuel de la Corse, de demande d'expérimentation par délibération motivée. Le Parlement est maître de l'avis d'expérimentation et de ses limites ; il est également maître, après publication d'un rapport, de la suite à donner. Ce n'est donc pas une délégation de pouvoir législatif, puisque c'est le Parlement qui décide de la conduite de la demande. Je veux bien tout entendre, mais nous ne sommes pas le Conseil constitutionnel !
Non !
Nous sommes le pouvoir législatif. D'ailleurs, en 2002, l'Assemblée nationale avait adopté cette mesure. Cela veut bien dire que nous pouvons faire preuve d'un peu d'innovation et prendre un peu de risques ; et compte tenu des propos des rapporteurs que j'ai évoqués, les risques sont faibles.
Je veux tout d'abord rendre hommage au rapporteur. Ce n'est pas si fréquent qu'un rapporteur appuie un amendement pour être cohérent avec ce que nous avons fait, à deux reprises. Je tenais à le remercier pour son attitude.
Madame la ministre, il ne s'agit pas d'un transfert de compétences…
Je n'ai jamais dit ça !
…mais d'une demande d'expérimentation. C'est le Parlement, saisi par le Gouvernement, qui dira oui ou non. L'amendement ne propose pas de transférer des compétences, mais d'expérimenter un transfert de compétences. Nous avons même modifié la Constitution ; c'est d'ailleurs mon ami Pierre Méhaignerie qui a été à l'origine de cette modification, qui vise à permettre des expérimentations. Le texte de la Constitution rendait les expérimentations presque impossibles ; nous l'avons modifié pour y remédier.
Mes chers collègues, soyons constants par rapport à ce que nous avons fait, respectons le droit à l'expérimentation qui figure désormais dans la Constitution et votons pour l'amendement, avec l'appui du rapporteur.
Cet amendement me met mal à l'aise.
Si j'écoute ses défenseurs, il vise simplement à autoriser la collectivité territoriale de Corse à demander au législateur de réfléchir.
M. Charles de Courson acquiesce.
Nous sommes tous parfois pris dans nos contradictions, toutefois j'ai tendance à penser que nous légiférons un petit peu trop : légiférer pour autoriser une collectivité territoriale à exprimer un point de vue à l'attention du Parlement me semble au mieux inutile.
Si j'écoute la ministre, l'amendement tend à confier un pouvoir législatif à une collectivité. Vous me trouverez toujours sur les bancs de ceux qui se battent pour la liberté locale et pour accorder des compétences aux collectivités territoriales, mais je ne considère pas pour autant qu'il faille confier à ces dernières un pouvoir législatif.
Il y a déjà beaucoup à faire pour confier aux collectivités un vrai pouvoir réglementaire. Ce texte n'y parvient pas. Il y a aussi beaucoup à faire pour que les collectivités aient les moyens de dialoguer avec le législateur sur des éléments qui se rapportent au droit coutumier ou local, comme il en existe dans certains territoires d'outre-mer, en Alsace-Moselle ou, dans quelques cas et quelques niches, en Corse. Néanmoins, confier un pouvoir de législateur aux collectivités territoriales reviendrait à rompre avec la façon dont nous considérons la V
Au mieux, M. Acquaviva a raison, et l'amendement qu'il défend est inutile ; au pire, la ministre a raison, et il est dangereux.
J'apprécie parfois les propos caricaturaux, mais point trop n'en faut. Il ne faut pas exagérer.
S'agissant de l'inutilité de l'amendement, je m'inscris évidemment en faux. Il vise à introduire une procédure d'expérimentation, motivée par une délibération de l'Assemblée de Corse, qui donc ressortit au pouvoir des élus. Cela représente un acquis démocratique qui devrait servir d'exemple pour d'autres collectivités, puisque l'amendement prévoit une motivation et une obligation de réponse.
Celle-ci concerne un choix démocratique des élus. Ce dispositif, que le statut particulier de la Corse autorise, devrait – je l'espère – être partagé par d'autres demain, notamment l'Alsace, dont les élus devraient saisir l'occasion plutôt que de dire que c'est inutile. À l'issue de l'expérimentation, au vu du rapport d'évaluation, le Parlement décide des suites à donner : extinction, différenciation ou généralisation.
Adopter cette mesure ferait de la Corse un laboratoire utile à toutes les collectivités de France et de Navarre. L'histoire institutionnelle de la Corse, qui bénéficie d'un statut particulier, le permet. Il ne s'agit nullement d'octroyer un pouvoir législatif, ce qui correspondrait à l'accession à l'autonomie. Je suis autonomiste, je demande une réforme constitutionnelle, mais cela n'entre pas dans le cadre de notre discussion.
M. Éric Bothorel applaudit.
Je prends la précaution de préciser que je m'exprime personnellement et non au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Je soutiens l'amendement de M. Acquaviva. S'agissant du débat théorique, nous pourrions, sans prendre un risque inconsidéré, laisser les sages du Conseil constitutionnel, souverain en la matière, apprécier la question.
Au-delà, il me semble que l'argument fondamental en faveur de l'adoption du dispositif est le respect de la souveraineté que le peuple corse a exprimée à trois reprises – il mérite d'être entendu par la représentation nationale.
Je n'ai jamais parlé de transfert de compétences – jamais. J'ai seulement affirmé qu'une telle décision relevait d'une loi organique. Or nous examinons une loi simple. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° 1549 rectifié est adopté.
Solidarité avec le rapporteur !
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 1389 .
Il s'agit d'une très modeste contribution. Nous demandons que les propositions de modification ou d'adaptation législative adoptées par l'Assemblée de Corse soient transmises aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, et fassent l'objet d'un avis motivé du Premier ministre sur l'opportunité de leur adoption.
On sait que toutes les demandes d'adaptation émises par l'Assemblée de Corse se sont heurtées à un mur de silence très désagréable. Ce dispositif tend à donner à de telles propositions davantage de chances d'aboutir. Nous sommes loin des transferts de compétences que nous évoquions ; cela constituerait un petit pas en avant dans le développement du dialogue entre la Corse et l'État.
Avis défavorable. Le dispositif que nous avons adopté satisfait largement votre demande. À titre personnel, j'avais imaginé que votre amendement tomberait, aussi ne me suis-je pas préparé à vous répondre. Je vous prie de m'en excuser.
Avis défavorable. L'amendement est satisfait par les dispositions adoptées précédemment.
Sourires.
Avec ce projet de loi, nous sommes loin de la grande réforme de l'État dont la France a manifestement besoin. La France est diverse, par son climat, par son relief, par son économie, par sa densité, par sa culture. Nulle part, la structure de l'État ne reflète cette diversité. L'égalité devant la loi constitue un des fondements incontournables de la démocratie et personne, je suppose, ne le met en cause. Cependant, il existe plusieurs moyens d'y arriver. L'égalité n'est pas l'uniformité. Il faudra que ce débat sur la structure et les compétences respectives des territoires et de l'État central ait lieu.
Pour ce qui est de la Corse, j'ajoute que nous sommes très loin du statut dont nous aurions réellement besoin. Son taux de chômage est largement supérieur à la moyenne ; le niveau de vie, largement inférieur ; elle subit une acculturation galopante et la spéculation que l'on sait. Quels sont les moyens réels dont disposent les élus corses et la collectivité pour améliorer la situation dans ces domaines ? Ils sont strictement limités, pour ne pas dire inexistants.
Notre idée est d'avoir recours au transfert de compétences, à la possibilité d'adapter les lois et les règlements, de façon à donner une meilleure emprise sur les réalités. On est très loin de l'état d'esprit nécessaire pour y parvenir : beaucoup de gens ici sont incapables de recevoir ce genre de message. Ils sont formatés pour une structure d'État central, d'État-nation, comme on dit, qui assure l'égalité des citoyens devant la loi, mais aucunement pour une structure qui prendrait en considération cette diversité. Un jour ou l'autre, il faudra bien que nous ayons ce débat de fond – il s'imposera – pour les territoires qui le désirent, en tout cas pour la Corse.
L'amendement n° 1389 est retiré.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement n° 2699 .
La loi d'orientation pour l'outre-mer permet aux conseils régionaux et départementaux des outre-mer de présenter au Premier ministre des propositions tendant à modifier les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, ainsi que toutes propositions législatives ou réglementaires concernant leur développement économique, social et culturel.
Afin de garantir que les propositions de modifications législatives émanant des collectivités seront pleinement prises en considération, et de les encourager, il convient que les parlementaires des territoires concernés en soient également informés. Les propositions de modifications d'ordre réglementaire pourront également faire l'objet d'une transmission, afin que le Parlement puisse les suivre, en vertu de son pouvoir de contrôle de l'action du Gouvernement.
Votre amendement est satisfait par le dispositif que nous avons adopté. Celui-ci tend à imposer au pouvoir exécutif de rendre publics la liste des demandes reçues, l'avis donné et, le cas échéant, les suites.
Je vous demande donc de retirer l'amendement, sinon l'avis sera défavorable. En outre, il ne concerne que les outre-mer, et non l'ensemble du territoire national.
Même avis.
L'amendement n° 2699 n'est pas adopté.
Notre collègue Kamardine a demandé à Raphaël Schellenberger et à moi-même d'incarner la voix de Mayotte dans ce débat. Après avoir relu plusieurs fois l'article 1er bis , nous nous demandons s'il s'appliquera à Mayotte. En effet, les dispositions particulières à Mayotte sont mentionnées dans le chapitre VII du titre III du CGCT. Les alinéas 19 à 24 de l'article 1er bis concernent-ils Mayotte ? L'article évoque la Corse, la Guyane et la Martinique ; les effets s'appliqueront aux régions à statut particulier et à la collectivité territoriale de Corse. Cette rédaction peut faire craindre que Mayotte ne soit pas concernée. L'amendement vise à s'assurer qu'elle l'est.
Le territoire de Mayotte n'est pas doté d'un statut spécifique ; le droit commun s'y applique. Étant à la fois département et région, il est donc doublement concerné. Avis défavorable.
Mayotte relève du droit commun, c'est-à-dire du CGCT. Avis défavorable.
L'amendement n° 896 est retiré.
La parole est à Mme Catherine Osson, pour soutenir l'amendement n° 1962 .
Il a été conçu à partir des retours d'expérience du terrain recueillis dans le Nord, notamment par la métropole européenne de Lille, dont je suis élue. Il vise à permettre aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) volontaires d'expérimenter le principe de différenciation introduit par le présent texte de loi, pour une durée de trois ans à compter de son entrée en vigueur.
Cette expérimentation offrirait aux acteurs des politiques locales plus d'agilité dans leur action quotidienne ; elle permettrait de réinventer la coconstruction des politiques au plus proche du terrain.
Grâce au format de l'expérimentation, nous ne voterions pas une loi à l'aveugle, mais construirions les fondements de la décentralisation et de la différenciation de demain, selon le retour d'expérience des acteurs locaux, avec qui cet amendement a été élaboré. Le dispositif confie au Gouvernement le soin de préciser les modalités de l'expérimentation, et celui de remettre au Parlement un rapport sur cette dernière, à son issue.
Les EPCI tirent leurs compétences des communes, qui ne sont pas non plus évoquées dans l'article 1er bis , sur lequel vous vous fondez. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Même avis. Le principe s'applique à l'ensemble des collectivités territoriales, dont les EPCI, qui émanent des communes, comme le rapporteur vient de le dire. L'amendement est donc satisfait.
Sourires.
Il démontre à quel point la différenciation ne veut rien dire. Rien du tout ! Les explications du rapporteur et de la ministre sont parfaites : dans le cadre des EPCI, la différenciation est hors sujet, ou alors elle induit une compétence extralégale. Comme ce fut le cas plus tôt, le présent amendement tend à confier aux EPCI la capacité de sortir de la loi, et non d'exercer une compétence particulière, adaptée au territoire.
Par nature, les EPCI peuvent exercer les compétences qu'ils veulent, si les communes les leur confient, par extension ou par transmission de la clause de compétence générale. S'il y a lieu de donner une autre capacité de différenciation aux EPCI, c'est celle de sortir de la loi. Ainsi, au moins pour le bloc communal, le principe de différenciation ne veut rien dire, puisqu'il existe déjà une clause de compétence générale. Au passage, cela démontre qu'il ne serait pas nécessaire de discuter de différenciation si l'on accordait cette clause aux départements et aux régions.
L'amendement n° 1962 est retiré.
L'article 1er bis , amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 1er bis .
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement n° 2700 .
Il a trait à la déconcentration et vise à ce que les élus locaux soient systématiquement informés et saisis des projets d'évolution des services déconcentrés sur les territoires afin que l'évolution de l'offre des services déconcentrés ne se fasse plus de manière unilatérale.
Votre excellente idée concerne l'ensemble des territoires de la République et non pas simplement les régions d'outre-mer, et correspond d'ailleurs à la pratique des services déconcentrés de l'État. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n° 2700 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à reconnaître dans la loi la spécificité des communes insulaires des petites îles métropolitaines, dont la situation est différente de celle des autres collectivités relevant de la même catégorie. Si une telle reconnaissance serait à la fois un symbole fort et la garantie que ces territoires bénéficieront de l'exercice du droit à la différenciation, tel qu'établi par le présent projet de loi en son article 1er , elle n'aurait cependant pas pour conséquence la création d'un statut juridique nouveau propre à ces îles.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 3039 .
Il a été brillamment présenté : l'élue de montagne que je suis soutient l'élu des îles !
Sagesse.
Notre sérieux – nous nous préparons à siéger au banc du Gouvernement – nous oblige à interroger les auteurs des amendements, car quel en est le sens ? Ils visent à reconnaître la spécificité des communes insulaires, tout en leur conférant, comme à toutes les autres communes, des compétences en matière sociale, environnementale, d'aménagement, de représentation, de communication et d'organisation de la vie associative, ce qui correspond grosso modo à ce que font toutes les communes.
On s'apprête donc à voter en faveur d'un amendement dépourvu de tout effet juridique,…
…dont le seul objet est de constater que certaines communes sont situées sur des îles et qu'il existe des îles constituées d'une seule commune : à quoi cela sert-il ? Le code général des collectivités territoriales ne ressemble pas encore tout à fait au code de l'environnement, désormais imbuvable…
…pour n'importe quel juriste, si mal écrit qu'il rend tous les projets infaisables, même en respectant les différentes règles de procédure.
Le CGCT, à peu près bien écrit, offre une sécurité juridique aux décisions des élus locaux, qu'il nous revient de protéger, et assure la solidité des décisions des tribunaux administratifs. À cet égard, la spécificité de la justice administrative française permet de protéger plus particulièrement la décision publique. On s'apprête à écrire n'importe quoi dans ce code, dont on va, progressivement, défaire toute la crédibilité.
En tant qu'élu alsacien se battant pour faire reconnaître nombre de spécificités, je ne nie pas la nécessité de certains combats symboliques, mais au-delà du symbole, cet amendement n'a aucun sens…
Bien au contraire, il brouille des cartes, et à force de brouiller les cartes, on crée de l'insécurité.
L'amendement pose une question de principe, madame la ministre. Votre avis de sagesse est respectable ; c'est une déclaration d'amour envers les communes insulaires. Mais quand on est ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, il me semble que l'on doit aimer toutes les communes de France.
Mme la ministre proteste.
Les amendements soulignent que le développement durable constitue « un objectif majeur d'intérêt national en raison de leur rôle social, environnemental, culturel, paysager et économique et nécessite qu'il soit tenu compte de leurs différences de situation dans la mise en œuvre des politiques publiques locales et nationales » : toutes les communes de France doivent y avoir droit.
Nous soutenons l'amendement de notre collègue Jimmy Pahun, qui a pour mérite d'introduire la notion d'insularité dans le droit français. J'en conviens, il faut soutenir toutes les communes. En tant que membre de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), je me sens tout à fait à l'aise quand les territoires de montagne sont défendus de manière spécifique dans la loi « montagne ». Si l'on protège de manière spécifique les territoires de montagne ou les territoires ruraux, il n'y a aucune raison pour que la loi ne puisse pas le faire aussi pour les communes insulaires : cela relève de la différenciation.
J'insiste sur la spécificité des communes insulaires – pensez à la difficulté de s'y rendre en cas de mauvais temps ! –, qu'il est important de prendre en compte dans ce texte, de même que les difficultés des communes de montagne ont été prises en considération dans la loi de 1985.
La commission mixte paritaire avec les sénateurs risque d'être sympathique…
L'amendement n° 3040 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er ter A, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 3233 rectifié , portant article additionnel après l'article 1er ter A.
Il vise à modifier le CGCT afin d'affirmer le principe de portée générale selon lequel les collectivités territoriales disposent d'un pouvoir réglementaire pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été reconnues par la loi. Il cherche ainsi à conforter le principe de libre administration des collectivités territoriales : en l'absence de ce principe, on s'en remettrait trop systématiquement, comme cela est actuellement le cas, aux décrets du Premier ministre.
Avis favorable à cet amendement réécrit après nos travaux en commission.
Avis favorable, en ce qu'il met en exergue la décentralisation du pouvoir réglementaire.
« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. »
Oui, oui.
L'amendement est un copier-coller de la Constitution, à cette différence près que celle-ci confie à la loi la mission de définir le pouvoir réglementaire, tandis que cet amendement se contente d'une incantation : les collectivités « disposent d'un pouvoir réglementaire ». Or la loi est supposée être un peu plus précise que la Constitution et ne pas se contenter de répéter bêtement ce qui est déjà dit dans le texte suprême. Certes, l'on ne peut que voter en faveur d'un tel amendement, mais à quoi bon ?
Vous semblez remonté, monsieur Schellenberger. Vous avez raison mais vous savez très bien que la loi n'est quelquefois pas suffisamment explicite, ce qui peut conduire à certains excès. Pour éviter de prendre des décrets, l'on ne cesse d'en rajouter dans la loi et la marge de manœuvre des collectivités territoriales devient nulle. Nous sommes dans le cas de figure où la loi est susceptible de laisser une certaine marge de manœuvre aux collectivités territoriales, pour qu'elles puissent exercer le pouvoir réglementaire.
« Dans les conditions prévues par la loi, ils disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. » Nous discutons d'un texte de loi : la mention des « conditions prévues par la loi » pourrait au moins ne pas y figurer, soyons sérieux ! Nous sommes d'accord sur l'objectif, mais convenons tout de même que cet excellent amendement de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est particulièrement mal écrit, puisque l'un des alinéas évoque « les conditions prévues par la loi » et que ce texte a vocation à devenir la loi ! Convenez-en.
L'amendement n° 3233 rectifié est adopté.
Il vise à compléter l'article L. 111-4 du code de l'action sociale et des familles en autorisant les départements à inclure des conditions supplémentaires d'accès dans le règlement départemental d'aide sociale (RDAS). La démarche a pour but d'étendre le pouvoir réglementaire local, mais aussi le champ de compétences des collectivités territoriales, en renforçant la portée juridique du RDAS, notamment en matière de conditions d'admission à certaines prestations. Ainsi, le refus d'admission à une prestation relevant de la compétence du département peut être fondé sur le seul motif que le postulant ne remplit pas les conditions fixées par le RDAS.
Vous proposez de modifier l'article L. 111-4 afin d'autoriser les départements à inclure, dans les RDAS, des conditions supplémentaires pour accéder à certaines aides. Un tel dispositif permettrait de différencier, selon les territoires, les conditions de refus ou d'admission à une prestation sociale, ce qui porterait atteinte au principe d'égalité des usagers bénéficiaires d'une même prestation. Défavorable.
Même avis. Autant je suis pour la différenciation, autant il faut respecter le principe de l'égalité entre les bénéficiaires dans le champ social.
Je comprends et je souscris à vos propos, madame la ministre, mais la réalité, c'est que les départements ne mènent pas les mêmes politiques sociales, et vous le savez bien ! On peut l'observer s'agissant des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – aucune d'entre elles ne pratique la même politique – ou de la prise en compte de ce qu'il est possible de financer avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou la prestation de compensation du handicap (PCH). Les réalités sont très différentes selon les départements.
Vous avez fait l'impasse sur le projet de loi « grand âge et autonomie », qui suscitait de formidables attentes. Certes, nous aurons bientôt le tarif plancher, mais cela ne changera rien dans tous les départements qui avaient des ambitions en la matière et qui étaient déjà bien au-dessus de ce tarif. Cela aidera seulement les établissements qui n'étaient pas sous contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) avec ces départements. La réalité n'est donc pas exactement celle que vous évoquez.
Je comprends parfaitement, madame la ministre, la nécessité de favoriser l'égalité et l'équité dans l'accès aux aides sociales. L'amendement ne vise pas à casser cette égalité, mais simplement à sécuriser l'action des départements. En effet, le RDAS respecte forcément la loi.
Si tel n'est pas le cas, le représentant de l'État dans les territoires peut faire respecter la loi, en déférant le règlement devant un tribunal administratif. Il s'agit de donner aux départements un moyen de faire appliquer leur politique qui respecte la loi. Sinon, les instructions, les procédures contradictoires et probatoires se multiplieront, ce qui allongera les délais et mobilisera un nombre d'agents plus important. Quand le département a adopté un règlement conforme à la loi, ce qui sera contrôlé par le préfet et le tribunal administratif, le simple fait qu'un postulant ne remplisse pas les conditions fixées par le règlement doit suffire à lui refuser une prestation sociale. Il s'agit simplement de donner aux départements les capacités d'agir.
L'amendement n° 1178 n'est pas adopté.
Il vise à donner la compétence aux conseils régionaux de fixer les quotas de places pour les formations de professionnels paramédicaux. En cette période de tension de l'offre de soins médicaux et paramédicaux dans les territoires, nous ne saurions nous priver de confier cette compétence aux conseils régionaux, qui connaissent le mieux les besoins des territoires et sont chargés de ces formations. Cet amendement est de bon sens.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement identique n° 1145 .
C'est presque un amendement de coordination. Est-il normal que les conseils régionaux financent et organisent les formations paramédicales et que les quotas de places soient fixés par l'agence régionale de santé ? C'est aberrant.
Nous proposons donc de transférer la compétence des ARS vers les conseils régionaux. C'est comme si les quotas de places en médecine – lorsqu'ils existaient encore – étaient définis par l'État alors que les facs seraient gérées par les conseils régionaux : ce système n'est pas cohérent.
Vos amendements visent à confier à la région, en lieu et place de l'État, la détermination du nombre d'étudiants ou d'élèves admis à entreprendre des études en vue de la délivrance des diplômes, certificats ou titres exigés pour les professions sanitaires.
L'intervention du pouvoir réglementaire de l'État paraît nécessaire dès lors qu'elle permet de réguler l'évolution démographique d'une profession et d'adapter l'offre aux besoins de la population dans l'ensemble du territoire national. Les régions disposent d'ores et déjà d'une influence importante sur les flux de formation : lorsqu'elles autorisent la création d'organismes de formation, elles déterminent les capacités d'accueil et elles élaborent le schéma régional des formations sanitaires et sociales. Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Pour les mêmes raisons, avis défavorable.
Vous voyez bien, monsieur le rapporteur, que la situation actuelle est indéfendable. Que se passe-t-il si les ARS fixent un quota de 100 places et que les régions donnent aux instituts de formation les moyens de former 80 personnes ? Cela signifie que le quota fixé par l'ARS est incohérent. Soit vous confiez à l'État la gestion des instituts de formation en soins infirmiers – IFSI – et de tous les instituts de formation des professionnels paramédicaux, lequel déterminerait également, de façon cohérente, les quotas de places, soit vous la décentralisez. Personne ne veut revenir sur le transfert aux régions de la gestion des IFSI.
Vous présentez l'argument d'un jacobin. Or, si j'en crois nos discussions, il y a du girondin en vous, cher ami,…
Sourires sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en reparlerons lors de l'examen des articles suivants : la gouvernance des ARS représente un vrai sujet sur lequel nous sommes en profond désaccord avec vous. En effet, vous ne voulez pas que les régions soient parties prenantes à leur gouvernance.
En matière sanitaire, heureusement que les collectivités locales ont été en première ligne : leur gestion des masques fut bien meilleure que celle erratique de l'État. Les régions ont acheté des masques et les ont fournis.
Ce sujet est important. Nous avons dû gérer cette situation ; je comprends que cela vous énerve. Il existe de forts besoins dans le secteur paramédical et les régions sont prêtes à s'engager pour y répondre.
Vous parlez de régulation alors qu'il existe des déserts paramédicaux : faites confiance aux régions, elles sont responsables, d'autant que vous avez créé des régions de taille XXL. Si les régions sont prêtes à financer les moyens de répondre aux besoins des territoires avec lesquels elles travaillent, laissez-leur la possibilité de fixer le quota nécessaire de places pour les formations de professionnels paramédicaux.
Sur ce sujet, la droite est à côté de ses pompes. Ce n'est pas parce que l'État fait mal qu'on doit accélérer son désengagement. La crise sanitaire que nous venons de traverser implique plus d'État et mieux d'État, notamment pour réarmer l'hôpital et la santé. L'exemple des IFSI et des instituts de formation d'aides-soignants – IFAS – le démontre. La gestion prévisionnelle des effectifs au niveau national révèle la nécessité impérieuse de former plus d'aides-soignantes et d'infirmières et de disposer d'une vision nationale de l'aménagement du territoire en matière sanitaire afin de combler tous les besoins.
Je rappelle qu'il y a quelques jours, j'ai défendu une proposition de loi pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale, afin que l'État assume davantage son rôle de régulateur de la présence des médecins dans les villes.
Ce n'est pas parce que les régions sont associées au financement des IFAS et des IFSI qu'elles doivent prendre la main sur l'élaboration d'une politique nationale en matière de santé et de formation des professionnels de santé. Je ne partage donc pas l'opinion de la droite. En fonction des moyens plus ou moins importants de la région et de sa politique plus ou moins audacieuse,…
…le risque est grand que les réponses sanitaires qui seront apportées ne soient inégales. Or la responsabilité de l'État qui prend soin c'est de veiller à l'égalité de cette réponse. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas et c'est insuffisant. Le fait que les régions soient dans le coup ne leur interdit pas de prendre l'initiative de fermer des IFAS ou des IFSI, lorsqu'elles ne mettent pas les moyens. Il faut que l'État garde cette prérogative et je soutiendrai le rapporteur sur ce sujet.
Il manque des infirmières et des aides-soignantes dans nos territoires, parfois de façon criante. Du reste, cela nous conduit à fermer des lits et des services. Les conseils régionaux financent leur formation. Personne ne comprend qu'on ne donne pas la possibilité aux territoires d'être beaucoup plus réactifs, en leur permettant de créer un nombre suffisant de postes pour répondre aux demandes.
Qu'il faille confier à l'État la gestion de toutes les organisations possibles et imaginables, alors qu'il est beaucoup plus simple de le faire au niveau territorial est une idée qui dépasse l'entendement. Je fais partie de ceux qui pensent que ce projet de loi dit de décentralisation contient peu de mesures. Si l'on pouvait confier quelques responsabilités aux territoires, notamment aux régions, en matière de formation des professionnels paramédicaux, afin qu'ils soient plus réactifs, on aurait fait une avancée.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 2288 .
Il vise à rétablir, en la précisant, la disposition adoptée par le Sénat relative à l'action des collectivités locales en matière d'enseignement des langues régionales, supprimée en commission des lois, ce qui est tout à fait regrettable.
En effet, nous avons quand même réussi à progresser sur la question des langues régionales grâce à l'adoption, bien que difficile, de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion de notre collègue Paul Molac, partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.
L'amendement introduit un b) qui vise à compléter le 2
Les modifications proposées par votre amendement ouvrent une troisième voie à l'enseignement des langues régionales qui s'apparente aux dispositions censurées en mai dernier par le Conseil constitutionnel.
En premier lieu, elles ne précisent pas ce qu'est l'enseignement substantiel en langue régionale, ni en quoi celui-ci diffère de l'enseignement immersif. S'il s'agit d'un enseignement qui consiste à utiliser la langue régionale comme langue principale d'enseignement, le Conseil constitutionnel trouverait inéluctablement à censurer ces dispositions comme il l'a déjà fait dernièrement.
En second lieu, une disposition offrant aux collectivités territoriales la faculté d'émettre des vœux ne relève pas d'un texte de loi ayant une portée normative. Avis défavorable.
Même avis.
Quand vous indiquez que la notion d'enseignement substantiel n'est pas très précise, vous faites preuve d'un peu de mauvaise foi. C'est assez clair.
…le juge administratif et le délibérant local aideront sans aucune difficulté à comprendre ce que signifie le mot « substantiel ». L'amendement indique que cet enseignement doit permettre un apprentissage correct de la langue régionale et du français, ce qui est une garantie importante, nécessaire et suffisante, comparable à l'expression « si et seulement si » des mathématiciens. C'est donc un amendement équilibré.
Acceptez enfin que les collectivités locales puissent décider que les écoles de leurs territoires dispenseront un enseignement en langue régionale. Il s'agirait d'un véritable signe pour elles. Je lance un cri de désespoir au moment où nous abordons enfin ce sujet dans l'hémicycle.
Je tiens à saluer le travail réalisé par Paul Molac et le groupe Libertés et territoires sur les langues régionales, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. Enfin, la question est débattue dans l'hémicycle et des avancées sont à souligner. Néanmoins, elles interviennent au moment où le nombre de locuteurs chute de manière exponentielle, car ils sont majoritairement âgés. Il y a beaucoup moins – toujours moins – de locuteurs jeunes, malgré des politiques parfois très offensives. Nous devons accepter l'idée que, si le français est la langue de la République et celle qui nous rassemble, des petits écarts locaux peuvent émailler l'identité nationale. Une langue régionale ne fait pas de mal et symbolise plus de diversité.
Bien parler la langue régionale et, parfois, ne parler que la langue régionale en étant jeune n'empêche pas de bien parler français, y compris à l'Assemblée nationale.
J'entends la complainte de Raphaël Schellenberger. Je voudrais d'ores et déjà le rassurer dans la mesure où les préconisations de l'amendement sont déjà très largement satisfaites à la suite du rapport que j'ai eu le plaisir de commettre avec Yannick Kerlogot. En effet, le Premier ministre nous a mandatés pour travailler sur les langues régionales à la suite de la décision du Conseil constitutionnel rendue après l'adoption de la loi Molac.
Nous avons fait plusieurs propositions, suggérant notamment que la maîtrise équivalente des deux langues soit acquise à l'issue du CM2. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, à la suite de la demande du Président de la République et du Premier ministre, rédige actuellement une circulaire dans laquelle cette disposition figurera. Que nos collègues soient donc rassurés : les langues régionales, loin d'être perdues, sont en voie d'être sauvées par ce dispositif conçu grâce à une large concertation auprès des institutions qui enseignent les langues régionales sous toutes les formes qui existent, et notamment l'enseignement immersif.
Je souhaite répondre à M. le rapporteur sur deux points.
Premièrement, si un élève suit vingt-quatre heures de cours par semaine, un enseignement « substantiel » occupera une part substantielle de son emploi du temps, soit plus qu'une demi-heure mais moins de vingt-quatre heures.
Deuxièmement, l'annulation partielle des dispositions de la loi Molac par le Conseil constitutionnel concernait l'enseignement immersif, c'est-à-dire un enseignement tenu uniquement dans la langue régionale. Comme l'a rappelé M. Schellenberger, l'amendement vise à promouvoir une « maîtrise équivalente des deux langues », la langue française et la langue régionale.
Ainsi, monsieur le rapporteur, il n'y a aucune inquiétude à avoir sur ces deux points.
Monsieur Euzet, vous annoncez que l'amendement sera satisfait par voie de circulaire. Il me paraît souhaitable de voter cet amendement pour que la circulaire décline précisément ces dispositions. En effet, l'amendement n'est pas contradictoire avec ce que vous avez annoncé. Soyons logiques par rapport aux dispositions que nous avons votées précédemment sur les langues régionales.
Je remercie M. Euzet d'être intervenu. Je rappellerai toutes les étapes, car Charles de Courson a mentionné seulement certaines d'entre elles : la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a été adoptée, le Conseil constitutionnel a rendu son avis, et le Président de la République a décidé de constituer un groupe de travail sur le sujet. La circulaire tiendra compte des conclusions de toutes les parties prenantes pour prendre des dispositions consécutives à l'annulation de certaines par le Conseil constitutionnel. Nous pouvons faire confiance au groupe de travail qui rédige actuellement les conclusions qui seront transcrites dans une circulaire, au lieu de mettre en doute sa capacité à répondre à l'objectif de la proposition de loi.
Madame la ministre, l'amendement est cohérent, comme M. Euzet l'a rappelé, avec les conclusions de ce groupe de travail.
Je ne vous ai pas dit le contraire.
Justement, n'opposez pas les conclusions du groupe de travail à l'adoption de l'amendement, puisqu'ils sont parfaitement cohérents.
Ce n'est pas moi qui les oppose, mais vous !
Pas du tout, je n'ai jamais dit cela : ils sont parfaitement cohérents.
Ensuite, l'annulation du Conseil constitutionnel portait sur l'enseignement immersif des langues régionales, c'est-à-dire un enseignement qui se tiendrait intégralement en langue régionale. Or notre amendement ne vise pas un tel enseignement : il demande même l'inverse !
L'amendement n° 2288 n'est pas adopté.
L'amendement tend à rétablir la rédaction adoptée par le Sénat dont je ne comprends pas pourquoi elle a été modifiée en commission des lois, puisqu'elle vise tout simplement à accorder aux conseils régionaux un pouvoir réglementaire pour définir le nombre d'emplacements à réserver pour les vélos dans les trains d'intérêt régional. Je ne vois vraiment pas quelle est la difficulté à leur confier ce léger pouvoir réglementaire.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement n° 1151 .
Nous sommes favorables au renforcement du pouvoir réglementaire des régions. Or, par cet amendement, nous ne vous demandons qu'un tout petit renforcement. Comme vous le savez, il y a deux catégories de trains : d'une part, les trains nationaux, à savoir les TGV et les trains d'équilibre du territoire (TET), et d'autre part les trains régionaux. Que l'État décide du nombre d'emplacements nécessaires pour les vélos dans les trains nationaux, c'est bien ! Mais les trains régionaux relèvent de la compétence des régions. Franchement, je ne comprends pas pourquoi on ne laisse pas cette responsabilité aux conseils régionaux. Cet amendement qui est soutenu à l'unanimité par Régions de France est un amendement de bon sens.
L'amendement n° 1605 de M. Robin Reda est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Les dispositions adoptées par le Sénat permettent déjà aux régions et à Île-de-France Mobilités en particulier de fixer librement le nombre minimal d'emplacements de vélos à bord des TER.
Un décret ayant fait l'objet d'une large concertation avec toutes les parties prenantes permet de concilier le développement de la pratique du vélo en France et le renforcement de l'intermodalité avec des spécificités locales. Il s'agit du décret du 19 janvier 2021 relatif à l'emport de vélos non démontés à bord des trains de voyageurs, pris en application de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, qui fixe un nombre minimal d'emplacements pour les vélos – entre quatre et huit – dans différents types de trains en prenant en considération les spécificités des trains régionaux – on ne parle pas des couleurs
Sourires
– en secteur urbain et celles des trains de petites capacités.
La commission émet donc un avis défavorable.
Même avis.
Si les régions demandent cette disposition, c'est que le décret du 19 janvier 2021 n'est pas satisfaisant. Ce que vous avez dit est vrai pour les TGV et les TET, mais ne semble pas être correct pour les TER et pour le réseau d'Île-de-France. Cette demande des régions mérite donc d'être examinée avec davantage d'attention.
Je suis fasciné par la façon dont on dialogue en France. Le Gouvernement avance des projets de loi dans lesquels il prône la décentralisation, la simplification, la différenciation et, dans le même temps, affirme que, puisque le Parlement a voté une loi affirmant qu'il était important que les vélos puissent entrer dans les trains, il faut prescrire aux régions le nombre d'emplacements pour les vélos dans chaque type de trains. Que chacun soit rassuré : je reconnais volontiers qu'il est très important que les vélos puissent entrer dans les trains.
Le Gouvernement ne peut pas se contenter de prescrire aux régions de faire de la place aux vélos dans les trains, il faut qu'il précise combien il faut d'emplacements pour les vélos dans chaque train ! Soyez rassurés, elle est appliquée depuis longtemps, la loi d'orientation des mobilités qui entraîne cette circulaire et ce décret prescrivant entre quatre et huit emplacements pour les vélos par train.
Ça dépend s'il y a des tandems ou non !
Ça fait longtemps que les standards de tous les fabricants de trains, tels qu'Alstom ou Bombardier, réservent plus de place pour les vélos que ce décret n'en prescrit ! Ça fait longtemps que le marché a réglé cette affaire-là ! Alors si les régions veulent aller plus loin, laissons-les être plus ambitieuses que le Gouvernement !
L'article 2 est adopté.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement n° 146 , portant article additionnel après l'article 2.
Le niveau minimum de performance énergétique est un élément essentiel pour apprécier la décence d'un logement. Ce projet de loi, en fixant une première échéance au 1er janvier 2028, constitue une première étape significative.
Toutefois, à niveau de performance énergétique égale, l'habitabilité d'un logement sera différente selon la région ou la zone – plaine ou montagne – où il est situé. C'est pourquoi, à titre expérimental et pour cinq ans, il est proposé que les EPCI à fiscalité propre puissent fixer un critère de performance énergétique minimale.
La loi tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent. Les caractéristiques d'un logement décent, parmi lesquelles figure depuis 2017 la performance énergétique, comme chacun le sait, sont définies par décret.
La loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat a renforcé la prise en compte de la performance énergétique en fixant des maximums. Vous proposez de fixer un critère minimal. Je vous demande néanmoins de laisser entrer en vigueur, au 1er janvier 2023, le dispositif que cette même assemblée a adopté.
L'amendement n° 146 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
La loi NOTRE a consolidé le rôle des régions en matière de développement économique et d'aménagement du territoire.
L'élaboration des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) et des SRADDET dont elles ont la charge illustre ces responsabilités. Par leur investissement dans la conception de ces démarches de planification, elles ont démontré leur capacité à analyser, à la bonne échelle, les dynamiques territoriales et à identifier les territoires qui ont besoin d'être soutenus plus fortement eu égard à un objectif d'égalité des chances de développement. L'élaboration des SRADDET a ainsi permis cette analyse fine des territoires infrarégionaux, en ce qui concerne aussi bien leurs dynamiques que leurs fragilités.
De leur côté, les zones de revitalisation rurale (ZRR) visent à aider le développement des entreprises sur les territoires ruraux à travers des mesures fiscales et sociales. Ces zones, reconnues comme fragiles sur le plan socio-économique, comprennent à l'échelle nationale les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre.
Compte tenu des responsabilités dévolues aux régions en matière économique et d'égalité des territoires, il est donc proposé, en déclinaison des schémas précités, que la définition du périmètre des zones de revitalisation rurale soit désormais établie par délibération du conseil régional et non plus par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l'aménagement du territoire.
L'amendement n° 1391 de M. Paul Molac est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Comme vous le savez, les zones de revitalisation rurale permettent de bénéficier d'exonérations sociales et fiscales qui relèvent du budget de l'État. On ne peut donc pas donner aux régions le pouvoir de décider d'exonérations fiscales sur leur propre territoire. Je vous demande donc de retirer ces amendements, sans quoi j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Sourires.
Monsieur le rapporteur, il faut dire non pas que l'État ne peut pas donner ce pouvoir aux régions, mais qu'il ne veut pas le faire. Si on le veut, en matière fiscale, on peut confier des compétences aux collectivités territoriales.
Par le passé, on a confié aux collectivités territoriales le pouvoir de fixer des abattements pour la taxe d'habitation, par exemple. Pourquoi ne pourrait-on pas, sur d'autres critères, permettre aux collectivités territoriales de bénéficier non pas d'un pouvoir fiscal mais d'une capacité d'adaptation fiscale ? On peut donc le faire : dites clairement que vous ne voulez pas le faire.
Madame la ministre, il est tellement fréquent que l'État décide et les collectivités locales paient qu'on pourrait bien envisager l'inverse pour une fois ! L'argument de M. le rapporteur n'est pas inexact, mais pourquoi ne pas faire différemment cette fois-ci ? Ne serait-il pas formidable que l'État paie et les collectivités locales décident ?
M. Thibault Bazin applaudit.
Décoinçons-nous, madame la ministre ! Il n'y a pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui décident et toujours les mêmes qui paient !
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'objet du présent amendement est de permettre aux EPCI à fiscalité propre de déléguer l'exercice d'une compétence dont ils sont attributaires. En effet, si à ce jour, conformément à l'article L.1111-8 du code général des collectivités territoriales, une commune ou toute autre collectivité territoriale peut déléguer sa compétence à un EPCI à fiscalité propre, l'inverse n'est pas prévu par la loi. Il n'est pas non plus envisageable pour un EPCI à fiscalité propre de déléguer l'exercice de l'une de ses compétences à une structure syndicale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1399 .
Pour compléter la présentation de mon collègue Dino Cinieri, je rappelle que la délégation de compétence permet pourtant de confier l'exercice d'une compétence d'attribution à une collectivité ou un EPCI qui dispose non seulement de l'expérience, des moyens, mais également de la volonté de l'exercer par la simple voie contractuelle. Ce mode d'exercice de la compétence est davantage pérenne et sécurisé que les simples conventions de gestion ou de prestation de services. Là encore, l'élargissement – et non le rétrécissement évoqué tout à l'heure – du champ d'application de l'article L.1111-8 du code général des collectivités territoriales permettrait de revenir à une intercommunalité librement consentie.
Il vise à donner la possibilité aux EPCI de déléguer tout ou partie de leurs compétences à leurs communes membres. Cette pratique existe déjà dans certains territoires que je connais et a permis de prendre en compte des réalités spécifiques et des particularités en matière de gestion décidées par les habitants, qui méritent de perdurer. Une telle souplesse permettrait de renforcer la coopération librement choisie entre les collectivités.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Sourires.
Désolé de vous décevoir, chers collègues, mais mon avis est évidemment défavorable. Vous le savez, l'intercommunalité repose sur un principe intangible de solidarité, affirmé à l'article L.5210-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ».
Ces amendements sont contraires au principe même de l'intercommunalité et soulèvent trois autres critiques. Tout d'abord, ils risquent de complexifier les relations entre l'administration et les administrés, dans la mesure où une même compétence pourra être exercée sur un même territoire à des échelons différents et avec des moyens différents, qu'ils soient humains ou financiers.
En matière de gouvernance, ensuite, tous les élus ne voteraient pas sur l'ensemble des sujets, ce qui porterait atteinte à l'homogénéité de la conduite des affaires de l'EPCI à fiscalité propre. Je vous laisse imaginer quelles inéluctables tensions en découleraient.
Enfin, le dispositif proposé par les amendements introduirait une complexité accrue en matière de gestion et d'organisation pour l'EPCI à fiscalité propre et pour les communes concernées.
Dans la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite loi engagement et proximité, nous avons introduit un dispositif de délégation ascendant, mais pour une compétence précisément identifiée et selon des modalités encadrées. Or ce dispositif fonctionne très bien.
Mon avis est identique à celui de M. le rapporteur. Je rappelle qu'un EPCI peut déléguer des compétences à des syndicats.
Si les arguments avancés par M. le rapporteur n'étaient pas de mauvaise foi, ils pourraient nous faire rire. Il nous explique que la possibilité pour l'EPCI de déléguer des compétences à la commune risquerait de nuire à la lisibilité des relations entre les usagers et l'administration. Mais n'est-ce pas précisément ce que le projet de loi nous propose en prévoyant le transfert de la gestion des routes nationales en fonction du bon vouloir des départements, parfois même des métropoles et, éventuellement, à titre expérimental, des régions ?
Vous inscrivez dans le texte le principe de différenciation, c'est-à-dire la possibilité de règles à géométrie variable en fonction des territoires, et, lorsque nous vous proposons de renforcer les prérogatives de la commune, instance de démocratie vivante à préserver à tout prix, vous rejetez nos amendements d'un revers de main. Vos arguments ne sont ni pertinents, ni justes.
Quant à la loi « engagement et proximité », elle prévoit une délégation de mise en œuvre de compétences. Ce n'est pas ce que propose notre amendement.
Madame la ministre, le dispositif que nous vous proposons ne vise évidemment pas à créer des conflits, comme le craint M. le rapporteur.
Parce que certains EPCI ne couvrent pas un bassin de vie homogène et que les problématiques géographiques diffèrent d'un territoire à l'autre, les communes expriment elles-mêmes le besoin d'exercer certaines compétences particulières, en fonction de leurs spécificités, de manière plus pertinente et efficace que dans le cadre intercommunal. Nous proposons que la possibilité de déléguer ces compétences soit décidée dans le cadre d'un vote du conseil communautaire de l'EPCI. L'intercommunalité pourrait ainsi faire le choix de déléguer ou non certaines compétences, dans le cadre d'un dispositif beaucoup plus large que celui prévu par la loi « engagement et proximité ».
J'ajoute que les syndicats ne sont pas pris en compte par le projet de loi. Or ceux qui possèdent plusieurs compétences pourraient être tentés d'en subdéléguer certaines. Mon amendement n° 1399 va donc dans le bon sens en permettant de régler les problèmes engendrés par les lois qui ont étendu les intercommunalités et transféré de force certaines compétences, qui seraient mieux exercées à un échelon inférieur.
Le projet de loi entend répondre aux besoins de proximité et d'efficacité exprimés par les citoyens au cours des dernières années. Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) travaillent sur les questions de nature économique, sociale et environnementale au niveau régional et expriment, par leurs délibérations, les souhaits de la société civile organisée. Les CESER sont donc intrinsèquement parties prenantes de la cohésion des territoires et témoignent de la vision de la société civile organisée.
En proposant que le président du CESER de chaque région intègre la conférence territoriale de l'action publique (CTAP), qui coordonne les échelons territorialisés, cet amendement permet de conjuguer démocratie participative et démocratie représentative.
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir l'amendement n° 3192 .
Je demande avec insistance le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Chère collègue, vous proposez en réalité de donner une compétence supralégale au président du CESER en en faisant l'égal du président du conseil régional, et d'étendre les prérogatives de ce dernier à l'ensemble des échelons des collectivités territoriales alors qu'il n'est compétent qu'à l'échelle régionale.
Même avis.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement n° 1840 rectifié .
Sur la base des recommandations de l'étude annuelle 2019 du Conseil d'État « Le sport : quelle politique publique ? », cet amendement propose d'intégrer le sport dans le champ des compétences obligatoires des conférences territoriales de l'action publique.
Parce que le sport est un fait social complet qui concerne à la fois l'éducation, la santé, la cohésion sociale, l'intégration et l'aménagement du territoire, il doit faire l'objet d'une politique publique ambitieuse, alors que la France sort d'une grave crise sanitaire et qu'elle se prépare à organiser les Jeux olympiques de 2024.
Cher collègue, c'est avec regret, mais je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Je formulerai une position de principe sur toutes les demandes visant à rigidifier le fonctionnement des CTAP, dont il faut, selon moi, préserver la liberté de fonctionnement. Aux élus locaux de décider librement de leurs priorités ! Quel paradoxe si l'on nous reprochait, à la suite de l'adoption du projet de loi, de ne pas faire suffisamment confiance aux territoires.
Je partage entièrement l'avis de M. le rapporteur. Avis défavorable.
Je retire l'amendement. Permettez-moi toutefois de rappeler que les CTAP ont été inscrites dans la loi pour permettre une meilleure coordination des politiques publiques. Or la politique publique du sport souffre de carences, bien que nous ayons créé l'Agence nationale du sport (ANS). Je pense notamment à la haute performance et à l'accompagnement du sport pour tous.
L'amendement n° 1840 rectifié est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 416 , 2005 , 2747 , 2993 , 418 , 2006 , 2749 , 3023 , 417 , 2007 , 2748 et 3013 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 416 , 2005 , 2747 et 2993 sont identiques, tout comme les amendements n° 418 , 2006 , 2749 et 3023 et les amendements n° 417 , 2007 , 2748 et 3013 .
L'amendement n° 416 de M. David Lorion est défendu.
La parole est à Mme Maina Sage, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 2005 .
Cet amendement a été préparé avec la direction des outre-mer de l'Union sociale pour l'habitat (USH) et émane des départements d'outre-mer qui relèvent de l'article 73 de la Constitution. Il vise à rendre obligatoire la création d'une commission thématique dédiée à l'habitat, ainsi que l'organisation d'un débat annuel sur les politiques de l'habitat au sein des conférences territoriales de l'action publique. Vous le savez, ce sujet revêt une importance majeure dans nos territoires, qui souffrent d'un très grand retard dans ce domaine.
Quant aux amendements de repli n° 2006 et 2007, ils prévoient ces deux mêmes mesures mais de manière séparée.
Permettez-moi de compléter les propos de Mme Sage. Cet amendement vise à inscrire dans le projet de loi la création d'une commission thématique dédiée à l'habitat et l'organisation d'un débat annuel sur les politiques de l'habitat au sein des conférences territoriales de l'action publique dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire : la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et Mayotte.
Les amendements identiques n° 418 de M. David Lorion, 2006 de Mme Maina Sage, 2749 de M. Philippe Naillet et 3023 de M. François Pupponi sont défendus.
Les amendements identiques n° 417 de M. David Lorion, 2007 de Mme Maina Sage, 2748 de M. Philippe Naillet et 3013 de M. François Pupponi sont également défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces douze amendements ?
Il est défavorable à l'ensemble de ces amendements qui viendraient, je le crois sincèrement, rigidifier le fonctionnement des CTAP, ce qui serait contraire au but recherché.
Je rappelle que les conférences territoriales de l'action publique ont pour but, au fond, de réunir les différents niveaux de collectivités territoriales, de sorte qu'elles travaillent entre elles sur des sujets de leur choix. Ce sont bien sûr les élus qui inscrivent telle ou telle thématique à l'ordre du jour, qu'il s'agisse de l'habitat ou encore du sport, les CTAP ayant tout loisir d'inviter les intervenants qu'elles souhaitent pour qu'ils partagent leur expertise. Cela vaut aussi pour le préfet et j'ai moi-même été invitée à une CTAP en Bretagne. Ayons bien conscience que ces conférences relèvent de la compétence des collectivités territoriales.
L'amendement n° 3042 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je reprends cet amendement de Mme Brulebois, adopté en commission et qui porte sur l'instauration du débat sur les modalités de fonctionnement des conférences territoriales de l'action publique, sur la création d'une ou plusieurs commissions et sur la publicité des travaux de la conférence.
L'amendement vise à ramener le délai de convocation des CTAP de douze à neuf mois : il s'agit d'une proposition opportune sur laquelle j'émets un avis favorable, comme en commission.
Dans la mesure où le président du conseil régional peut très bien réunir la CTAP sans attendre la fin du délai de douze mois, je donne un avis de sagesse.
L'amendement n° 1530 est adopté.
L'amendement n° 3043 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1395 .
Comme vous le savez, madame la ministre, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) est accordée par les préfectures de région dans l'opacité la plus totale, sans commission d'élus, contrairement à la DETR – dotation d'équipement des territoires ruraux. Vous imaginez donc ce que cela peut donner dans des régions de très grande taille, imposées sous le précédent quinquennat et que vous avez confirmées. Dans la région Grand Est, qui regroupe la Lorraine, l'Alsace et la Champagne-Ardenne, la préfète de région…
Êtes-vous sûr de soutenir le bon amendement ?
Sourires.
J'espère que cette interruption n'a pas été décomptée de notre temps de parole.
« Oh » sur les bancs des commissions.
Je disais que l'éloignement ne permet pas nécessairement à la préfète de la région Grand Est d'appréhender avec justesse les projets qui lui sont soumis. À cet égard, savez-vous ce que l'État répond quand il ne souhaite pas soutenir un projet ? Qu'il n'est pas « structurant ». Or la notion de « projets structurants », telle qu'elle apparaît à l'alinéa 5 de l'article 3, pose question, car un projet peut paraître ou ne pas paraître structurant suivant la collectivité qui le soutient ou qui l'examine : le regard n'est pas le même.
Je le répète, le terme « structurant » est davantage un prétexte pour bloquer des projets qu'un motif pour les soutenir. Cet amendement rédactionnel vise donc à modifier la rédaction du texte, afin que les projets soient soutenus dès lors qu'ils contribuent au développement du territoire dont il émane.
Il est défavorable, car les termes « structurants pour les territoires » offrent davantage de liberté aux élus pour mener des politiques innovantes. Le dispositif que vous proposez, qui tend à sérier les projets pouvant être soutenus, serait nettement plus limité.
J'estime sincèrement que votre amendement est satisfait, étant donné qu'il revient aux élus de fixer leur ordre du jour : je ne vois pas où est le problème !
En vertu du temps législatif programmé, vous savez, monsieur le président, que j'aurais pu prendre la parole même si l'amendement avait été retiré.
Quoi qu'il en soit, je souhaitais souligner l'inconstance de l'argumentation de M. le rapporteur.
Tout à l'heure, lorsque nous discutions des amendements relatifs aux communes insulaires,…
Ça semble vous rester en travers de la gorge.
…vous avez considéré qu'il convenait de décliner ce qui fait leur spécificité, mais sans pour autant leur conférer des compétences supplémentaires. Cela revenait à expliquer que les communes insulaires sont des communes insulaires, ce qui est du plus grand intérêt !
Or le présent amendement tend à affirmer que cette même déclinaison du rôle des collectivités détermine le caractère structurant, ou non, des projets. De cette manière, une commune insulaire aurait un rôle structurant sur son territoire insulaire. Vous nous répondez qu'opérer cette précision est inutile, que le terme « structurant » est bien plus parlant :…
…les amendements que vous avez adoptés tout à l'heure ne l'étaient donc vraisemblablement pas beaucoup plus.
Nous formons un bon duo !
Madame la ministre, si, comme vous le dites, l'amendement est satisfait, pouvez-vous nous confirmer que le représentant de l'État n'aura pas à juger du caractère structurant des délégations de compétences ?
En effet, si on lit bien ce que prévoit le texte, le représentant de l'État participe à la conférence. Cela signifie donc qu'il est spectateur et qu'il avalisera les projets qui auront été jugés structurants.
Encore une fois, je puis vous assurer que les CTAP sont l'affaire des élus. Ils peuvent inviter le préfet à y participer, mais celui-ci n'a aucun pouvoir, croyez-moi.
S'agissant de la DSIL, que je prenais pour exemple, il revient bien au préfet de juger si le projet est structurant : je réitère donc mon inquiétude vis-à-vis de la reprise de ce terme à l'alinéa 5.
Je vous confirme que le préfet a la main sur la DSIL.
Faites attention, monsieur Bazin, nous allons décompter ces interventions de votre temps de parole.
Sourires.
L'amendement n° 1395 n'est pas adopté.
L'amendement n° 3044 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement n° 2750 .
Il émane de mon collègue Philippe Naillet.
L'idée de lier les délégations à des projets et non sur une durée est une avancée significative, évitant d'avoir à attendre une année, entre le début du mandat municipal – et donc des EPCI – et celui des mandats régional et départemental, avant de lancer les projets. Cependant, la présente rédaction de l'alinéa 6 lie bien la fin de la délégation à la fin du mandat régional, alors que de nouvelles majorités municipales peuvent être élues avant le renouvellement du conseil régional. Coupler la fin de la délégation à la fin du projet permettrait donc de le dépolitiser.
L'amendement n° 2750 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 3236 de M. Jean-René Cazeneuve est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement n° 3236 est retiré.
L'amendement n° 3045 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 3237 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 3046 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 3047 de M. le rapporteur est un amendement de précision.
L'amendement n° 3047 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 3048 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.
L'amendement n° 3048 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 3240 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 3177 de M. Rémy Rebeyrotte est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Sagesse.
Nous venons d'adopter, en quelques secondes, quatre amendements déposés par le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de notre institution, lesquels devaient être si importants et essentiels que nous n'en avons même pas débattu. Or quand des amendements émanent de cette délégation, peut-être cela vaudrait-il la peine de prendre un moment pour en discuter.
Ce sont des amendements rédactionnels !
Si la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation en est réduite à déposer des amendements rédactionnels…
Elle le peut !
Quant au présent amendement de M. Rebeyrotte, qui a reçu un avis de sagesse de Mme la ministre, il vise à préciser que les représentants de l'État sont invités au moins une fois par an à s'exprimer devant la CTAP. Cela entre tout de même en contradiction avec ce que nous disions précédemment,…
C'est pour cette raison que j'ai donné un avis de sagesse !
…à savoir que la CTAP devait être dirigée par et pour les collectivités : elles discutent entre elles de leur organisation. Cela signifie qu'on ne leur impose pas leur ordre du jour, même lorsqu'il pourrait être légitime de le faire, s'agissant par exemple de l'habitat en outre-mer. Toutefois, quand il s'agit de s'assurer que les représentants de l'État, de tous les services déconcentrés et, bientôt, que les directeurs de patrimoine s'expriment au moins une fois par an devant la CTAP, alors là il faut l'inscrire dans le texte !
C'est pour cela que j'ai donné un avis de sagesse !
Certes, mais j'aurais trouvé plus cohérent que vous émettiez un avis défavorable. Je suis d'autant plus surpris…
Vous permettez que nous délibérions ? Depuis le début de nos débats, vous faites nombre au titre de la majorité, ce qui est très bien, mais nous aimerions aussi entendre votre vision des CTAP !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Tout à l'heure, Thibault Bazin ne soulignait-il pas que le projet de loi prévoit déjà que le représentant de l'État dans la région « participe » aux CTAP…
…– « participe » : c'est ainsi rédigé.
Cet amendement est une redite, au moins pour le représentant de l'État dans le territoire, même si on peut en comprendre l'objet pour les ARS et les services déconcentrés à l'échelle régionale. Néanmoins, il a reçu un avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement alors qu'il contredit toute la démonstration sur laquelle vous vous êtes appuyés jusque-là.
Mme la ministre vient de dire qu'elle s'était exprimée devant une CTAP à la demande des élus, ce qui montre que c'est tout à fait possible. En s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée, elle satisfait une requête des associations d'élus. On ne peut que s'en réjouir, monsieur Schellenberger !
Nous sommes en train d'écrire la loi : votre amendement ne correspond pas à vos propos. Il n'est écrit nulle part que les représentants de l'État sont auditionnés par la CTAP à la demande des élus : ils viennent devant la CTAP au moins une fois par an, voilà l'objet de votre amendement.
D'accord, les élus peuvent le demander, mais votre amendement ne dispose pas que les représentants de l'État doivent venir devant la CTAP si les élus le leur demandent. Ce serait très bien que les préfets, les directeurs généraux d'ARS ou les recteurs soient auditionnés par la CTAP dès qu'une classe est supprimée ou qu'il manque de médecins dans un territoire ! Hélas, cela ne se passe pas ainsi. Il faut laisser aux élus la faculté de convoquer les représentants de l'État s'ils le jugent nécessaire, mais ce n'est pas ce que prévoit votre amendement.
Je m'interroge : vous parlez des projets structurants des collectivités territoriales, qui, selon l'exposé sommaire de l'amendement, « ne peuvent être correctement choisis et définis que dans le cadre plus global de l'implantation des services publics ». En gros, vous dites que le choix des élus ne peut être bon que si l'État participe à la décision. Jusqu'où voulez-vous aller dans ce domaine ?
Je ne sais pas de quelle planète vient cette proposition. Il existe des instances démocratiques, que vous avez d'ailleurs du mal à faire vivre et que vous aimeriez sans doute supprimer. Les conseils académiques de l'éducation nationale (CAEN) traitent des questions qui touchent aux lycées ; les conseils départementaux de l'éducation nationale (CDEN) se penchent sur l'élaboration de la carte scolaire et sur les collèges ; les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) s'occupent des questions de santé. Peut-être faudrait-il, du reste, renforcer les prérogatives de ces instances démocratiques dans lesquelles siègent des élus et des représentants des usagers.
Là, vous nous inventez un machin selon lequel le préfet et le directeur général de l'ARS rencontrent les élus au moins une fois par an.
C'est au mieux inutile et, au pire, cela cache une tutelle des collectivités, qui s'administrent pourtant librement. Les élus – parfois des parlementaires, désormais – siègent, sous l'autorité du préfet, dans les instances et les commissions départementales chargées d'élaborer les critères des DETR et des DSIL. Le fonctionnement est clair : les commissions départementales émettent un avis, mais le préfet décide librement. Il peut choisir de ne plus subventionner un projet de rénovation d'école si le directeur académique de l'éducation nationale (DASEN) considère que l'école doit fermer. Le directeur général de l'ARS peut accepter comme refuser de labelliser un nouveau centre de santé, selon des critères qui échappent à la sagacité de tout un chacun comme au principe de libre administration des collectivités locales.
Votre amendement, monsieur Rebeyrotte, est celui d'un élu déconnecté et hors-sol ou il cache de mauvaises intentions. Donnez du contenu, des moyens et des prérogatives aux instances !
Non seulement hors-sol, mais insolent et méprisant qui plus est !
Je partage les réactions de mes collègues de droite sur cet amendement inopérant.
L'amendement prévoit que le président de la CTAP invite « au moins une fois par an » le représentant de l'État, le directeur général de l'ARS et les représentants d'opérateurs de services publics. S'il ne le faisait pas, il commettrait donc une faute pouvant produire des effets juridiques : c'est clair, en droit.
Je suis d'accord avec le fait qu'il invite au moins une fois par an le représentant de l'État dans la région…
…et même le directeur général de l'ARS à s'exprimer devant la CTAP. Mais les représentants des opérateurs de services publics ?
Vous appelez cela du droit, monsieur Rebeyrotte, vous qui êtes pourtant un fin juriste ?
Avec une telle rédaction, une quantité colossale de décrets sera nécessaire pour préciser l'identité des représentants des opérateurs de services publics que le président de la CTAP devra inviter. L'absentéisme promet d'être très élevé, car si tous les représentants des opérateurs d'une région sont invités, la perspective d'une réunion interminable en découragera beaucoup.
L'amendement n° 3177 est adopté.
Il vise à rétablir une avancée du texte du Sénat, qui consistait à appliquer un principe de subsidiarité en permettant aux régions de déléguer – si elles le souhaitent – l'octroi et le financement de certaines aides économiques aux départements. Rassurez-vous, cette disposition ne chamboule pas la loi NOTRE.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1396 .
Dans le domaine agricole, des conventions autorisent les départements à cofinancer les aides régionales. Reprendre l'apport du Sénat enrichirait le texte et améliorerait la complémentarité de l'action des départements et des régions en matière d'aides économiques. Cet assouplissement est fortement attendu dans notre région.
Il est défavorable. Vous souhaitez permettre au président du conseil départemental d'octroyer, par délégation du président du conseil régional, des aides aux entreprises, comme si les uns et les autres ne se parlaient pas et que le président de région ne connaissait pas le territoire dans lequel il est élu.
J'observe que les départements possèdent certaines marges de manœuvre, même si celles-ci sont réduites. Comme l'a rappelé M. Bazin, ils peuvent conclure une convention avec la région afin de contribuer, de manière complémentaire, aux aides à l'activité dans l'agriculture et dans la pêche. D'autres dispositifs sont prévus en matière d'aides à l'exploitation de salles de cinéma et à l'installation ou au maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires. Depuis la loi « engagement et proximité », ils peuvent également verser des aides aux entreprises en cas de catastrophe naturelle.
J'étais défavorable à cette disposition au Sénat et je le reste bien entendu. Nous avons beaucoup travaillé avec les régions et les départements sur ce sujet et nous avons trouvé un équilibre auquel il convient de ne pas toucher. En outre, la loi partage la compétence économique entre les régions et les intercommunalités, ces dernières agissant au plus près des territoires ; on entend souvent dire que les régions sont grandes et que leurs instances sont éloignées, mais ce reproche ne peut être adressé aux intercommunalités.
L'interprétation de la loi NOTRE varie selon les départements, cette différence pouvant se trouver dans la même région. Cela induit des conséquences pour les agences d'attractivité et la complémentarité des aides. On se trouve parfois à la frontière de plusieurs secteurs, par exemple dans l'économie sociale et solidaire (ESS), domaine que vous connaissez très bien, madame la ministre.
J'ai adressé, en mai 2020, une circulaire aux départements, aux régions et aux intercommunalités, qui précise l'interprétation de la loi.
J'entends que vous ne vouliez pas revenir sur l'équilibre que vous avez trouvé avec les régions – c'est hélas votre position de base pour l'examen de ce texte –, mais l'amendement ne bouscule pas l'économie de la loi NOTRE. Il se contente d'autoriser les régions et les départements qui s'entendraient dans la politique d'aides économiques à agir de concert ; s'ils n'ont pas envie de s'inscrire dans cette démarche, rien ne change. Si les départements et les régions s'entendent, notamment au sein des CTAP, pourquoi ne pas les laisser faire ? Quel risque prendrait-on à laisser les régions déléguer l'exercice de certaines compétences aux départements ? Je ne vois pas où est le danger. La CTAP, qui incite les acteurs à échanger, est l'outil le plus intéressant de la loi NOTRE : cette possibilité donnera de la consistance à ses discussions. Nous ne prendrions aucun risque à adopter l'amendement.
Je vois au contraire deux risques dans l'amendement. Le premier est qu'il est tellement simple pour un chef d'entreprise de savoir que c'est la région qui lui apportera éventuellement des aides ! Vous rencontrez comme moi des chefs d'entreprise : ils se plaignent de la complexité du circuit d'obtention des aides. Restons simples et essayons d'aller à l'essentiel !
Deuxièmement, le message que nous ont fait passer les électeurs aux dernières élections régionales et départementales, c'est qu'ils ne comprenaient rien aux compétences des uns et des autres.
Rires sur les bancs du groupe LR.
L'amendement rendra la répartition encore plus complexe. Comme si les choses n'étaient pas assez compliquées ! Essayons plutôt de faire simple pour les entreprises et pour les citoyens, et gardons les compétences telles qu'elles sont.
L'amendement n° 2751 deuxième rectification de M. Philippe Naillet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis favorable : il convient de préciser que les CTAP devront être réunies, sans attendre jusqu'à 2026 ou 2027.
L'amendement n° 2751 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra