La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à Mme Sophie Mette, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Madame la ministre de la culture, vous avez lancé hier les chantiers qui doivent donner lieu à une réforme de notre audiovisuel public. Cet engagement de campagne du Président de la République est, depuis le début de cette législature, une priorité de l'exécutif. Il doit aboutir à présenter aux Français d'ici à l'automne 2019 une réforme pour engager la transformation de l'audiovisuel public. Car c'est bien devant les Français qu'il convient de justifier les changements annoncés, tant en termes de contenu, qu'en termes de financement et de gouvernance.
Vous avez décidé, contrairement à ce qui a souvent été fait, de vous concentrer sur les objectifs en termes de contenu et de redéfinition de l'offre, avant de traiter le financement ou la gouvernance. Tout en rappelant que cette réforme des contenus n'est pas imperméable aux questions de structure et de financement, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutient cette démarche. Il souhaiterait néanmoins avoir davantage de précisions sur la méthode.
Vous avez annoncé la mise en place d'une mission chargée de réfléchir aux transformations à apporter à l'offre de notre service public audiovisuel. Ce service public, pour nombre de nos concitoyens, est un patrimoine et un accès à la diversité culturelle, qu'il convient de promouvoir. C'est par ailleurs une contribution décisive au libre arbitre et à l'esprit critique, dans une société envahie par les flux d'informations des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – et la propagande qui y est parfois distillée.
Il nous apparaît donc indispensable d'associer les publics, et particulièrement la jeunesse, à la réflexion autour de l'évolution de ces médias, pour tenir compte de leurs attentes et de leurs usages. Malgré tout, la transformation numérique de France 4 soulève quelques inquiétudes car l'animation pourrait en souffrir, alors que la chaîne y a déjà investi 14 millions d'euros en 2018.
Madame la ministre, nous partageons vos orientations mais, au-delà de la méthode, pouvez-vous nous assurer que le service public aura bien l'ambition de remplir les missions qui sont les siennes – l'accès à la culture, l'éducation, l'information, la création – tout en retrouvant sa légitimité et l'audience qui devrait être la sienne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Madame la députée, je vous remercie de votre question. L'audiovisuel public est au coeur de la vie des Français, avec deux heures par Français et par jour en moyenne. Il doit retrouver sa vocation universelle, ce qui suppose qu'il réponde aux attentes du public fidèle, qui est attaché à sa radio et à sa télévision linéaire, qui en est globalement satisfait, mais qui attend davantage en termes de qualité, d'une part, et aux usages des jeunes, qui privilégient le numérique et veulent des séries et des formats courts qu'ils puissent regarder n'importe où, d'autre part.
Nous souhaitons mener une réforme pour le public, avec le public. Et la jeunesse, comme vous le savez, est au coeur de nos préoccupations. Parler à la jeunesse, c'est se placer sur tous les terrains, c'est s'assurer que les enfants qui ont seulement accès à la télévision linéaire puissent voir des programmes de qualité sur plusieurs chaînes et, en même temps, renforcer la présence numérique de ces programmes. C'est aussi, vous l'avez dit, renforcer la dimension éducative. Demain sera présentée la plateforme d'éducation aux médias et de décryptage, hébergée sur le site de France Info. Nous en reparlerons au cours du débat sur les propositions de loi ordinaire et organique relatives à la lutte contre la manipulation de l'information.
Nous créerons également une plateforme éducative, sur le modèle de celle de la BBC, pour accompagner les jeunes dans leurs révisions. Les sociétés seront chargées de mener une large consultation du grand public – auditeurs, téléspectateurs et internautes – et elles devront veiller à y associer tout particulièrement les jeunes.
La mission que j'ai nommée auprès de moi sera la garante de la bonne tenue de ce débat public et elle mènera la concertation auprès des professionnels. Dans un deuxième temps, nous ouvrirons les autres chantiers à l'horizon 2019.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cette question s'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, et j'espère qu'elle retiendra toute votre attention. Dans le domaine agricole, l'information majeure de ces dernières semaines, ce n'est pas le vote du projet de loi agricole – nous ne nous faisons aucune illusion sur un texte de circonstances. L'information majeure, c'est l'annonce d'une diminution très forte du budget de la politique agricole commune, baisse catastrophique puisque l'on parle de 10 % à 12 %. Cela représente une perte de 5 milliards d'euros pour l'agriculture française entre 2021 et 2027.
Cette baisse aurait des conséquences pour nos agriculteurs dont les revenus seront directement touchés, des conséquences pour la crédibilité de l'Europe dont c'était la seule vraie grande politique pérenne et volontariste ! Cette baisse serait également le reflet de l'affaiblissement de notre pays qui, à force d'évoquer les grands principes européens dans de grands et beaux discours, en oublie nos intérêts fondamentaux.
Monsieur le Premier ministre, que va faire le Gouvernement ? Je rappelle, avec une certaine solennité, que jamais vos prédécesseurs, jamais les prédécesseurs du Président de la République, n'ont cédé sur la PAC. Ne renoncez pas ! Cette baisse intervient au moment même où nous ouvrons largement nos frontières aux produits canadiens, aux produits d'Amérique latine, du Brésil et de l'Argentine, à ceux du Mexique, et bientôt à ceux de l'Australie.
Dans une région comme la Bretagne, marquée par une forte spécialisation agricole et agroalimentaire, une baisse de la PAC aura des conséquences dramatiques – une perte de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros est envisageable dans la même période. Je vous invite à en prendre conscience ! D'ailleurs, monsieur le Premier ministre, puisque vous vous êtes rendu dans le Cher, après vous être rendu dans le Lot, je vous invite maintenant en Bretagne pour travailler, entre autres, sur ce sujet.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Merci de votre courtoisie !
Monsieur le député Marc Le Fur, la proposition de budget présentée par la Commission n'est qu'un projet. Pour ce qui concerne la PAC, ce projet n'est pas acceptable
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir
car il conduirait à une baisse drastique des revenus de nos agriculteurs et toucherait la plupart des exploitations agricoles.
Il n'est pas acceptable car la PAC est au coeur des enjeux stratégiques de l'Union européenne. Elle assure notre souveraineté et notre sécurité alimentaire. Elle accompagne les nouveaux défis de l'environnement, du changement climatique. Elle aide à transformer les filières, les modèles et les pratiques agricoles.
Puisque cette proposition n'est pas acceptable, nous ne l'accepterons pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir
Nous l'avons dit publiquement dès le 2 mai, Stéphane Travert et moi-même. Stéphane Travert se trouvait la semaine dernière à Madrid avec ses partenaires. Il est aujourd'hui à Sofia avec les ministres de l'agriculture de l'Union européenne. Moi-même, je l'ai dit au Conseil des affaires générales et à l'ensemble de mes partenaires.
Je le redis devant vous comme je l'ai dit à la Commission. Moderniser la PAC, oui, car c'est ce que les agriculteurs nous demandent pour qu'elle soit plus efficace et plus simple. Mais sacrifier la PAC, il n'en est pas question !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir
La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, pour le groupe La République en marche.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, je veux aujourd'hui vous interroger sur certaines dispositions du projet de loi ELAN discuté en ce moment dans l'hémicycle.
Dans le cadre de l'élaboration de ce texte, une longue concertation a été menée, impliquant l'ensemble des parties prenantes, en premier lieu les associations de personnes en situation de handicap.
Rappelons-le : répondre à la pénurie et faciliter l'accès au logement des personnes handicapées est au coeur de ce projet de loi, qui forme l'ambition de construire mieux, plus vite, et à coût maîtrisé.
L'article 18 tend à préciser les critères d'accessibilité appliqués aux logements neufs. Ainsi, nous nous dirigeons vers 100 % de logements évolutifs. Cette notion doit encore faire l'objet d'un décret pour être définie.
C'est une très grave régression ! Les personnes handicapées seront assignées au rez-de-chaussée !
L'esprit de la loi veut que le logement évolutif soit un logement qui, par de simples travaux, pourra s'adapter. Son accessibilité pourra être configurée au plus près des besoins de son occupant. Il n'en reste pas moins que des prévisions seraient opportunes pour rassurer sur cette vision. Ainsi, quelles conséquences concrètes auront ces évolutions sur l'accès aux bâtiments pour les personnes à mobilité réduite ?
Pouvez-vous nous rappeler la raison du passage du 100 % accessible au 100 % évolutif ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Madame la députée, merci de me permettre de reprendre devant vous la stratégie que nous menons en faveur du logement, portée par mes collègues Jacques Mézard et Julien Denormandie, afin de rassurer l'ensemble des personnes en situation de handicap, que ce changement de paradigme interroge.
Nous passons du 100 % adapté au 100 % adaptable parce que le logement doit répondre aux besoins de chacun et doit l'accompagner tout au long de sa vie.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Cela n'empêche en rien une personne à mobilité réduite de rendre visite à quelqu'un dans son appartement, car toutes les parties communes resteront accessibles, en particulier le séjour et les toilettes !
Aujourd'hui, si vous êtes en couple avec des enfants, vous préférez sans doute avoir une grande chambre plutôt qu'une salle de bain adaptée.
Et pourtant, 80 % des handicaps peuvent être la conséquence d'un accident. Dès lors, vos besoins changeront, et ce texte vous permettra de faire des aménagements, rapides, à moindre coût, car pensés dès la conception, en amont.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. – Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR, FI, NG et LR.
Oui, des précisions sont nécessaires. Un décret est à l'écriture, en concertation depuis vendredi, avec les associations. Je veillerai à ce que les garanties nécessaires soient apportées.
Concernant les logements sociaux, ces travaux sont à la charge des bailleurs s'ils ne peuvent pas proposer de logement adapté.
C'est vrai !
Pour ce qui est des logements privés, nous prévoyons des aides au financement.
La seule question désormais portée par les associations est celle de pouvoir disposer d'un ascenseur dès le troisième étage, plutôt que le quatrième. Cette question mérite un vrai débat dans une société inclusive !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir – Huées sur les bancs des groupes LR, GDR, FI et NG.
Avant de vous passer la parole, monsieur Bricout, j'exprime le souhait que les mêmes réactions ne se fassent pas entendre à l'écoute de votre question, et qu'il en soit de même lorsque M. Wulfranc. posera la sienne.
Sinon, jamais nous ne pourrons, lors des séances de questions au Gouvernement, entendre et les questions et les réponses.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.
Je vous rappelle par ailleurs que ces sujets sont débattus actuellement dans notre hémicycle et que chacun peut faire entendre ses arguments, sans avoir besoin de couvrir de sa voix les questions ou les réponses.
Exclamations persistantes sur les bancs du groupe GDR. sur les mêmes bancs. – « Hou ! » sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, et à lui seul, pour le groupe Nouvelle Gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous avez fait le choix politique et budgétaire de faire des cadeaux aux plus riches : ISF, flat tax… Ces pertes de recettes vous obligent à prendre des mesures d'économie drastiques : coupes dans les contrats aidés et les aides personnalisées au logement – APL. Vous devez également chercher de nouvelles recettes fiscales – hausse de la CSG – et vous portez la fiscalité écologique à 46 milliards d'euros. Vous la rendez presque punitive.
La facture est sévère pour les citoyens les plus modestes et les territoires les plus en difficulté. Combien de fois, lorsque je passe à la pompe, celui qui est devant moi n'a pu prendre que 10 ou 20 euros de carburant pour aller travailler ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et FI.
Que dire de ce couple de retraités que j'ai rencontré ? Rendez-vous compte, ils mettent de côté leurs pièces de 2 euros et, quand ils en ont cinquante, ils partent chercher leur fioul en Belgique. J'ai presque honte pour vous de rapporter ces témoignages qui traduisent la terrible réalité de votre politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Je vous le dis d'emblée : ne me répondez pas que c'est la faute des gouvernements d'hier et d'avant-hier. D'abord, vous n'avez pas été élus pour critiquer vos prédécesseurs. Ensuite, nous avons assez d'humilité pour accepter une part de responsabilité. Ne me sortez pas non plus votre couplet désormais classique sur l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés et la suppression de la taxe d'habitation. Tout simplement, le compte n'y est pas en matière de pouvoir d'achat.
Nous vous avions pourtant proposé le doublement du chèque énergie en intégrant la dépense pour le fioul.
Mme Valérie Rabault applaudit.
Mais, depuis un an, vous nous prouvez que le Président est bien celui des riches…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, quand agirez-vous en faveur du pouvoir d'achat, pour que notre Président devienne enfin celui de tous les Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Exclamations sur les bancs des groupes NG et LR.
Monsieur le député, comme vous, je ne serai pas homme à critiquer le précédent gouvernement.
Comme vous, en revanche, je ferai preuve de lucidité. Vous avez consacré une large part de votre question à la fiscalité sur les carburants. Ce gouvernement assume avoir, dans la loi de finances pour 2018, poursuivi la stratégie de décarbonisation de l'énergie que nous avions adoptée, vous et moi, en 2014. Nous avons également pris d'autres mesures. Toutefois, puisque vous avez souligné auprès du Premier ministre que vous ne souhaitiez pas que nous revenions sur les mesures déjà prises, je me contenterai d'annoncer celles qui sont à venir.
Vous ne voulez pas l'entendre, mais 80 % des ménages verront leur taxe d'habitation réduite de 30 % en octobre prochain.
Au mois d'octobre également, la prime d'activité augmentera de 20 euros. En 2019, nous poursuivrons la revalorisation de l'allocation adulte handicapé, ainsi que celle du minimum vieillesse pendant trois ans. Ces deux minima sociaux augmenteront ainsi au total de 100 euros.
Vous le savez, nous conduisons par ailleurs un travail tant dans le cadre de la préparation du projet de loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – que des lois de finances à venir, à la fois pour développer l'intéressement et la participation dans les entreprises de moins de 250 salariés et instaurer la désocialisation des heures supplémentaires, afin d'atteindre notre objectif qui est que le travail paie.
Nous avons la volonté d'aider les plus fragiles grâce aux minima sociaux, de revaloriser les revenus du travail et de redresser la trajectoire budgétaire de la France, afin qu'elle la respecte.
Enfin, nous voulons tenir la trajectoire de décarbonisation de l'économie : c'est la raison pour laquelle nous respectons également les engagements de 2014.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Depuis toujours, l'homme est confronté à un problème récurrent et autrefois imprévisible, les inondations. Il s'en produit quasiment tous les ans en France, causant d'immenses pertes matérielles et, pire, humaines. Au nom de tous les députés de La République en marche, je tiens à adresser nos sincères condoléances à la famille de la victime de ces intempéries dans le département de l'Eure.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Aujourd'hui, les rues de Morlaix dans le Finistère sont sous cinquante centimètres d'eau. Il est tombé ces derniers jours entre 200 et 300 millimètres, soit l'équivalent de quatre à cinq mois de pluie en quelques heures. Dans le département de la Somme, soixante communes ont déjà sollicité la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle : les caves inondées et les coulées de boue ne se comptent plus. Ma circonscription, comme d'autres, est régulièrement le théâtre d'inondations par ruissellement à la suite de violents orages. Sur le bassin versant de la Somme, depuis 1983, un arrêté de catastrophe naturelle sur deux concerne ce phénomène. En France, 70 % des communes ont déjà connu au moins une inondation par ruissellement.
Le constat est dressé de la nécessité d'aborder ces problématiques de manière globale, dans laquelle la seule échelle pertinente est le bassin versant et en garantissant les principes de solidarité et de subsidiarité entre les acteurs du territoire.
Devant de tels phénomènes, dont la fréquence semble s'intensifier sous l'effet des changements climatiques, je souhaite connaître l'état des réflexions du Gouvernement sur l'articulation de la maîtrise des eaux pluviales et, plus largement, de la gestion globale de l'eau avec la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, ainsi que sur la définition d'un mode de financement pérenne des opérations de maîtrise de l'eau.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le député, je tiens avant tout à avoir une pensée particulière pour la personne malheureusement décédée au cours des dernières inondations, inondations qui ont également provoqué des coulées de boue. Nous sommes aux côtés de leurs victimes. Nous suivons la situation avec attention au quotidien et sommes conscients des difficultés éprouvées par un grand nombre de Français dans ces territoires.
Des mesures ont déjà été prises et des dispositifs mis en place. Météo France a émis des vigilances orange « orages » en amont des événements. En mars 2017, le ministère de l'écologie et du développement durable a également mis en place un nouvel outil à destination des collectivités. Je suppose qu'un grand nombre d'entre vous le connaissent déjà : il s'agit de Vigicrues Flash. Ce service donne des prévisions anticipées de phénomènes rapides, violents, brutaux et parfois même quasiment imprévisibles : 10 000 communes sont déjà couvertes par ce dispositif. Je vous invite à en parler autour de vous et à le développer sur vos territoires. Je rappelle que ce service est gratuit.
S'agissant des villes, nous voulons poursuivre notre approche globale centrée sur la résilience.
Enfin, un rapport du Gouvernement, publié en avril dernier, propose des modes de financement des opérations de maîtrise des eaux fluviales et de ruissellement. Soyez donc assuré que nous continuons de suivre la situation et que nous déployons les moyens nécessaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Tout d'abord, monsieur le président, il n'y aura pas de vociférations autour de ma question.
« Ah ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Plusieurs semaines d'action revendicative. Un leitmotiv : des postes supplémentaires pour accueillir et soigner convenablement. Une réponse récurrente des autorités de santé indiquant que les postes ne sont pas le sujet. Résultat : dans le troisième centre hospitalier spécialisé de France, celui du Rouvray, sept agents grévistes de la faim depuis quinze jours et trois hospitalisations en urgence ces dernières quarante-huit heures.
Quelle que soit l'appréciation portée sur cette forme d'action, cela dénote une situation ayant atteint une périlleuse extrémité et illustre l'état du secteur psychiatrique, parent pauvre du système sanitaire français, lui-même en crise aiguë.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Madame la ministre, le groupe communiste a deux questions à vous poser.
Quelle décision allez-vous prendre en matière de dotation annuelle de financement, dont l'enveloppe a diminué en valeur absolue, conduisant les établissements de santé mentale à rendre un service profondément dégradé, insoutenable pour les soignants et maltraitant pour les patients ?
Par ailleurs, Mme la préfète de région serait prête à renouer le dialogue. Avez-vous réuni sous votre autorité les conditions pour qu'un volant de créations de postes soit proposé à cette table ronde ?
Madame la ministre, il n'y a pas de déshonneur à prendre ses responsabilités quand, dans un contexte déjà très lourd, un geste politique peut dénouer une tension majeure. Ainsi, l'intégrité physique et morale d'un collectif de travail serait sauvegardée.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, ainsi que sur quelques bancs des groupes NG et LaREM.
Monsieur le député, vous avez raison de pointer du doigt la situation critique que connaît aujourd'hui la psychiatrie française. À mon entrée en fonction, j'avais déjà fait de la psychiatrie, notamment de la pédopsychiatrie, ma priorité – c'est l'une des revendications du centre hospitalier du Rouvray.
Concernant la situation tout à fait particulière de ce centre, je suis extrêmement attentive à la situation des professionnels qui ont entamé aujourd'hui, comme vous l'avez dit, une grève de la faim. Le dialogue n'est pas rompu, ni avec l'agence régionale de santé – ARS – , ni avec les professionnels, puisqu'un certain nombre d'engagements ont déjà été pris la semaine dernière à l'égard des personnels travaillant dans ce centre hospitalier. Je citerai en particulier deux engagements portant sur des revendications majeures.
D'une part, l'ARS s'est engagée à créer une unité hospitalière de soins adaptée aux détenus et a anticipé cette création en prévoyant des financements qui permettront d'hospitaliser les détenus qui se trouvent actuellement au centre hospitalier du Havre.
D'autre part, nous nous sommes engagés à créer une unité spécialisée en psychiatrie de l'adolescent. Vous savez les difficultés que nous avons aujourd'hui en France pour suivre les enfants et les adolescents, avec un nombre de postes de pédopsychiatres largement insuffisant dans notre pays. C'est pourquoi j'ai demandé dès l'année dernière à tous les doyens de facultés de médecine de créer des postes pour former des internes et des jeunes. Je soutiens totalement cette spécialité.
Enfin, nous avons missionné aujourd'hui trois personnes – un directeur des soins, un directeur d'établissement psychiatrique et un président de commission médicale d'établissement de psychiatrie – pour mener une enquête flash, un audit de l'établissement hospitalier du Rouvray et évaluer les moyens nécessaires pour accompagner cet établissement. Elles devraient nous rendre leurs conclusions dans les prochains jours.
Nous sommes donc au plus près de cet établissement, que nous voulons accompagner.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour le groupe La République en marche.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez lancé au mois de janvier une concertation autour du reste à charge zéro. Ces travaux sont conformes à la promesse faite par le Président de la République, qui s'était engagé à ce que les Français puissent accéder à une offre sans reste à charge dans les domaines de l'optique, de la prothèse auditive et de la prothèse dentaire.
Selon une étude de l'assurance maladie parue en mars 2017, plus de 25 % des personnes se présentant à un guichet de la Sécurité sociale déclarent avoir déjà renoncé à des soins dans l'année. Dans trois cas sur quatre, les obstacles sont financiers. Pour les soins dentaires, le reste à charge des patients est d'environ 25 %, contre 10 % sur l'ensemble des dépenses de santé. La conséquence directe est que seuls 43 % des Français ont recours aux soins dentaires, alors que l'état de santé bucco-dentaire des Français n'est pas satisfaisant.
La concertation avec les organismes complémentaires et les professionnels de santé est organisée pour une période de quatre mois au sein de ces trois secteurs. De nombreux Français nous interpellent sur la réalisation de ce projet, tandis que les professionnels s'inquiètent de la mise en place d'un panier de soins bas de gamme.
Ce projet de santé porte aussi une ambition sociale. Nous nous sommes engagés devant les Français à garantir un reste à charge zéro dans ces trois domaines, qui sont aujourd'hui des angles morts de la protection sociale, ceux où le reste à charge est le plus élevé.
La semaine dernière, madame la ministre, vous avez annoncé la signature d'un accord historique entre deux syndicats dentaires et l'assurance maladie. Pouvez-vous nous faire un point d'étape de cette concertation et présenter les conclusions de la convention dentaire ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Protestations sur plusieurs du groupe LaREM.
Effectivement, madame la députée, l'accord conclu vendredi dernier entre deux syndicats dentaires et la Caisse nationale d'assurance maladie est historique : nous allons enfin pouvoir offrir aux Français des soins dentaires de qualité, remboursés et pris en charge à 100 % par l'assurance maladie et les complémentaires santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
C'était une promesse du Président de la République. Nous l'avons tenue : la première étape est franchie.
Pourquoi le syndicat dentaire majoritaire n'a-t-il pas signé l'accord ?
C'est aussi un succès pour la santé publique. Cet accord traduit un changement de paradigme : nous allons revaloriser les actes de prévention et de conservation dentaires auxquels les Français renoncent aujourd'hui du fait de ce reste à charge. En effet, nous allons réduire de 200 euros le reste à charge actuel sur les prothèses dentaires et permettre une prise en charge d'environ 50 % des prothèses avec un reste à charge zéro, qui sera accessible à tous les patients français qui le souhaitent, sans distinction de revenus, et qui sera de qualité, conformément à notre engagement. Il s'agit donc d'une victoire pour l'accès aux soins. C'est aussi, pour nos concitoyens, la chance de ne plus jamais avoir à renoncer à des soins de qualité en raison d'un reste à charge.
La promesse a donc été tenue. Elle le sera aussi pour l'optique et les prothèses auditives : je m'y suis engagée. Les discussions sont en cours et un accord sur ces deux filières devrait pouvoir être trouvé avant la fin du mois de juin. C'est ce que nous devons aux Français pour une meilleure prise en charge des soins de ces trois filières absolument nécessaires à la santé de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits.
Monsieur le ministre de l'intérieur, la semaine dernière, pour la trente-cinquième fois, je dis bien la trente-cinquième fois, vos services ont évacué à Paris un camp de plus de mille migrants. À chaque fois c'est le même scénario : les clandestins sont évacués, ils sont relogés aux frais du contribuable et le camp se reforme, puisque de nouveaux arrivants peuvent revenir et que vous ne traitez pas les causes profondes de la crise migratoire.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe FI.
Vous l'avez du reste reconnu avec honnêteté, monsieur le ministre, en parlant de « submersion migratoire ». Vous avez même osé employer le terme de « benchmarking » pour décrire la sélection par les clandestins des pays les plus généreux et les plus laxistes.
Voilà pourquoi Jean-Louis Masson, sénateur de la Moselle, et moi-même avons déposé une proposition de loi référendaire, qui comporte des mesures de bon sens : …
… le rétablissement des contrôles aux frontières, une politique de quotas, comme au Canada, la suppression de toute aide sociale pendant cinq ans pour que l'étranger qui arrive sur le sol français travaille légalement avant de bénéficier d'un appel d'air social et, enfin, l'expulsion des délinquants étrangers.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Si 185 députés ou sénateurs, notamment les députés et sénateurs Les Républicains qui souscrivent à ces propositions, signaient cette proposition de loi référendaire, le peuple français pourrait enfin prendre les mesures que vous refusez de prendre.
Ma question est très simple : comment allez-vous faire avec le nouveau ministre de l'intérieur italien, homme courageux qui a clairement dit que les clandestins devaient faire leurs valises ?
Protestations sur de nombreux bancs.
Comment allez-vous faire pour qu'ils ne les déposent pas sur le territoire français ?
Exclamations et huées sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, la question que vous venez de me poser s'adresse, presque autant qu'à moi-même, aux députés qui siègent à droite de l'hémicycle.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Répéter en boucle des contrevérités sur un sujet aussi difficile que celui de l'immigration ne fait pas une vérité. Quand je vous écoute, je me dis que le long voyage exploratoire au fin fond de la droite française que vous avez entamé au centre et qui, aujourd'hui, vous rapproche de la partie droite de cet hémicycle ne fait que continuer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Face à un afflux migratoire important depuis 2015, le Gouvernement tient une ligne claire, qui repose sur deux piliers. Le premier est l'humanité, en intégrant mieux les réfugiés,
Dénégations sur les bancs des groupes LR, GDR et FI
parce que nous devons être à la hauteur de la tradition qui a fait notre pays.
C'est ce que nous avons fait avec le projet de loi Asile et immigration en améliorant les conditions d'accueil,
Mêmes mouvements
en protégeant mieux les plus vulnérables, notamment les jeunes femmes, et en accompagnant plus efficacement l'intégration, par exemple en doublant le nombre d'heures de cours de français. Je sais que vous partagez avec moi cet amour de la langue française. Il est en effet important pour l'intégration de maîtriser notre langue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Humanité, donc, mais aussi fermeté sur le respect du droit et des règles applicables aux personnes éligibles ou non à l'asile. Là encore, la ligne est très claire : ceux qui ne remplissent pas les critères doivent pouvoir voir leur dossier instruit rapidement et être reconduits effectivement. En 2007, le nombre d'éloignements a augmenté de 14 %.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous le voyez, monsieur Dupont-Aignan, nous sommes, avec la politique que nous conduisons, fidèles à la France. Être fidèle la France, c'est préférer Zola à Maurras, préférer le général De Gaulle à Poujade.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, GDR et FI.
Être fidèle à la France, c'est être fidèle à ses valeurs, et ne pas leur tourner le dos.
Il vous suffit, pour être fidèle à la France, de lever les yeux quelques instants et de lire à voix haute les trois mots inscrits en haut de cet hémicycle : liberté, égalité, fraternité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM où plusieurs députés se lèvent et continuent d'applaudir longuement. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Lise Magnier, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Madame la ministre de la justice, garde des sceaux, en mars dernier, le Président de la République a annoncé une réforme de grande ampleur du système pénal de notre pays. Son double objectif est de redonner du sens à la peine prononcée et de réduire la surpopulation carcérale. Aujourd'hui, en France, 250 000 personnes relèvent de l'administration pénitentiaire, dont 170 000 sont en milieu ouvert et plus de 80 000 sont écrouées.
Oui, madame la ministre, notre groupe UDI-Agir et indépendants est favorable à une réforme de notre système pénal, cette réforme devant aller de pair avec une justice plus efficace. Mais comment parler d'efficacité alors que nous manquons de magistrats et que, par exemple, dans ma ville de Châlons-en-Champagne, les avocats en arrivent à se proposer pour remplacer bénévolement les juges assesseurs manquants lors des audiences du tribunal correctionnel, pour que notre justice soit rendue ?
Pour ce qui concerne le deuxième objectif, qui est celui de la réduction de la surpopulation carcérale, c'est dans les maisons d'arrêt que ce problème est majeur puisque la surpopulation y atteint 142,2 %. Le Président de la République a annoncé la construction de 7 000 places supplémentaires durant le quinquennat, avec une planification des constructions à venir. Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler cette programmation ? En effet, tous les territoires concernés, et notamment le mien, à Châlons, restent encore dans l'attente de la confirmation de la réalisation des projets, pourtant bien avancés.
Madame la ministre, à la suite des chantiers de la justice, quelle réponse apporterez-vous à ces deux problèmes du manque de magistrats dans certaines juridictions et de la construction de places en maison d'arrêt ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Madame la députée, vos deux questions trouveront leur réponse dans la réforme de la justice que j'aurai l'occasion de vous présenter à l'automne prochain. En effet, il ne s'agira pas simplement d'une loi de réforme, mais aussi d'une loi de programmation, dont je vous rappelle qu'elle devrait nous permettre, avec un budget en augmentation de plus de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans et 6 500 emplois supplémentaires, de faire face à l'ensemble de nos besoins.
Pour ce qui concerne les magistrats, que vous évoquez, nous avons pu en recruter dès l'année 2018 cent de plus que l'année précédente, auxquels se sont ajoutés une cinquantaine d'emplois d'assistants, qui forment autour des magistrats une équipe que tous revendiquent, et plus de cent emplois de greffiers.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vais répondre précisément à votre question sur la situation à Châlons-en-Champagne, où deux postes sont en effet vacants au siège, dont celui du président du tribunal. Comme le code de l'organisation judiciaire nous y autorise, nous avons complété la formation de jugement avec l'appui de deux avocats. C'est grâce au concours de ces auxiliaires de la justice que nous pouvons ainsi améliorer les passerelles entre les professions, qu'eux-mêmes appellent de leurs voeux.
Pour ce qui est de la surpopulation carcérale, nous avons pris trois mesures : refonte des peines, accroissement des personnels – c'est très important et nous augmenterons de 30 % le nombre des conseillers d'insertion et de probation qui accompagnent les détenus dans l'exécution de leur peine – et, bien entendu, nouveaux établissements pénitentiaires. Je vous présenterai toutes ces mesures lors de l'examen du projet de loi sur la justice.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Maud Petit, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, la gynécologie médicale concerne le suivi gynécologique d'une femme tout au long de sa vie : prévention, contraception, information sur les IST – infections sexuellement transmissibles – , stérilité, IVG. Le gynécologue médical est le spécialiste avec lequel la patiente établit une relation de confiance spécifique et primordiale pour un suivi efficace. Il est le médecin de l'intime.
En 1987, pourtant, cette filière a été fermée. Elle rouvre en 2003 grâce à une forte mobilisation. Hélas, en quinze ans, le mal a été fait : au 1er janvier 2017, l'effectif total des gynécologues s'élève à 1 136 praticiens – 1 136 pour 28 millions de femmes en âge de consulter ! Et 62 % d'entre eux ont 60 ans et plus. En dix ans, 809 gynécologues ont cessé d'exercer – une diminution de 42 % des effectifs, selon l'Ordre des médecins. Dans six départements métropolitains, il n'y a aucun gynécologue médical ; en outre-mer, aucun en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Wallis-et-Futuna.
Sur le terrain, la pénurie se ressent : des mois d'attente pour un rendez-vous, des consultations parfois éloignées du domicile. Alors, des femmes renoncent à se soigner. Les récentes campagnes pour la prévention des cancers du sein et du col de l'utérus soulignent pourtant l'importance d'un suivi régulier. Les généralistes ou les sages-femmes ne sont pas assez formés à la maladie et aux autres événements de la vie de femme pour suppléer le gynécologue.
Le rétablissement de la formation diplômante a ouvert un certain nombre de postes d'internes – 20 en 2003, 70 en 2017 – , insuffisant pour pallier la pénurie actuelle et les futurs départs en retraite ; insuffisant car, en 2018, le nombre de places d'internat ouvert diminue encore. Pourquoi un tel choix ?
Madame la ministre, il faut des solutions urgentes pour augmenter les places de formations d'étudiants en gynécologie médicale. Faisons en sorte que le sort de cette spécialité indispensable à la santé des femmes ne devienne pas une inégalité de plus !
Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés des groupes LaREM, MODEM, FI et GDR, ainsi que quelques députés du groupe NG se lèvent et continuent à applaudir.
Madame la députée, ce sujet est d'importance et vous avez bien décrit la situation dont j'hérite aujourd'hui : vingt ans d'abandon d'une spécialité.
Nous sommes en train de rattraper ce retard. La première brique consiste à former plus de gynécologues médicaux : c'est ce que nous faisons avec la réforme du troisième cycle des études médicales. Ainsi, 70 postes ont été ouverts l'année dernière ; nous augmenterons progressivement ce nombre d'internes mais, pour augmenter la formation des médecins, il faut des services. Or, aujourd'hui, nous n'avons pas la quantité de services suffisante pour augmenter considérablement le nombre d'internes. Les choses s'arrangeront mais en quelques années.
En attendant, il nous faut organiser les soins. J'ai demandé à chaque ARS – agence régionale de santé – d'organiser dans ses programmes régionaux de santé un projet de santé adapté et sur mesure en fonction de l'offre de soins existante. Ensuite, vous l'avez rappelé, un certain nombre d'actes et de suivis peuvent être faits par les médecins généralistes, qui sont formés à faire un frottis ou un dépistage du cancer du sein, de la même façon que les sages-femmes ont tout à fait dans leurs missions la capacité à faire un frottis et à suivre des femmes pour le dépistage. Elles sont aussi en capacité de suivre des femmes sans pathologie.
Avec l'offre de soins existante – généralistes engagés, sages-femmes et gynécologues existants – , nous organiserons dans chaque région une offre et un parcours de soins qui permettront à toutes les femmes françaises d'accéder à la prévention, au dépistage et au suivi des maladies gynécologiques. Vous pouvez compter sur mon engagement, mais cela n'est pas en une année que nous rattraperons vingt ans d'indigence.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.
La parole est à M. Jacques Maire, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le président Trump l'a dit : il ne croit ni aux accords commerciaux régionaux, ni à l'Organisation mondiale du commerce. Il préfère les relations bilatérales, c'est-à-dire le règne du rapport de forces, qui permet à l'administration américaine d'imposer ses volontés. C'est pourquoi il est sorti du partenariat transpacifique ; il remet en cause l'ALENA – Accord de libre-échange nord-américain – et bloque les organes de l'OMC.
Le 8 mars dernier, le président Trump a annoncé une taxe de 25 % sur les importations européennes d'acier et de 10 % sur celles d'aluminium. Cette décision est entrée en vigueur vendredi dernier, malgré les efforts de tous pour l'en dissuader. Aussitôt, le président Emmanuel Macron a déploré une décision illégale et erronée, car s'il y a des pratiques déloyales en matière commerciale, ces dernières ne sont le fait ni de la France ni de l'Union européenne.
Aujourd'hui, les conséquences économiques directes de la décision américaine sont limitées pour la France, mais elles peuvent déraper en cas de guerre commerciale. Or la riposte s'organise : le Canada annonce 12,8 milliards de dollars de taxes sur les produits américains. La commissaire au commerce Cecilia Malmström a annoncé la taxation de nombreux produits, mais encore faut-il que l'Union européenne parle d'une seule voix, d'une voix forte, et ce n'est peut-être pas gagné.
J'ai donc deux questions, monsieur le ministre. D'abord, à court terme, pouvez-vous nous en dire plus concernant les contre-mesures qui sont envisagées par l'Europe, ainsi que leur calendrier ?
Ensuite, à plus long terme, Mme Malmström a également confirmé vendredi dernier le dépôt d'une plainte devant l'OMC contre les Américains. Son instruction peut cependant prendre des années. Pendant ce temps, le président Emmanuel Macron a appelé à une modernisation urgente de l'OMC. Comment la concevez-vous, avec ou sans les États-Unis ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le député, la décision du président Trump a été fermement condamnée par la France. Nous la considérons comme illégale du point de vue du droit, inacceptable dans la relation entre alliés et inopportune pour les relations commerciales avec les États-Unis. Nous savons qu'il y a une surcapacité en matière de production d'acier et d'aluminium dans le monde, mais ce n'est de la responsabilité ni de la France, ni de l'Union européenne, ni du Mexique, ni du Japon, ni du Canada. Et pourtant ce sont ces pays qui sont mis en demeure de réagir ! Pour notre part, nous respectons l'Organisation mondiale du commerce.
À cet égard, il n'y a pas d'autre solution que de prendre des mesures de riposte fermes. La première est de se pourvoir au sein de l'Organisation mondiale du commerce, seule habilitée à régler ce type de différends ; c'est en cours, de la part de l'Union européenne, qui, je vous l'affirme, est sur ce point tout à fait déterminée et unie dans sa détermination.
La deuxième mesure concerne des actions que nous allons entreprendre, des contre-mesures de riposte pour taxer des exportations américaines vers l'Union européenne, cela de manière à la fois calibrée et proportionnée mais de manière aussi très déterminée, sur la base d'une liste de produits manufacturés ou agroalimentaires ; cela sera fait très rapidement.
Enfin, troisième mesure, nous ferons en sorte, si le cas devait se produire, de protéger nos propres industries d'acier et d'aluminium contre des importations supplémentaires qui seraient liées aux mesures prises par les États-Unis.
Comme vous le voyez, nous sommes très déterminés à faire valoir notre droit, mais dans le cadre multilatéral, le seul qui régule efficacement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, vous vous êtes déplacée dans le Nord vendredi dernier et je vous en remercie. Du congrès de l'UNAPEI au foyer de l'Arche comme à la MDPH, la maison départementale des personnes handicapées, nous avons pu échanger sur le désarroi des familles et des personnes handicapées face aux complexités administratives.
Quel que soit son handicap, le bénéficiaire d'une allocation, d'une reconnaissance ou d'un dispositif doit en demander le renouvellement régulièrement. Cet état de fait génère une violence symbolique insoutenable à l'encontre de nos concitoyens handicapés et de leur famille. Il les enferme dans un dédale administratif sans fin. Leur quotidien s'émaille d'évaluations sociales et médico-sociales, de formulaires fastidieux et de dossiers volumineux. Cela ne favorise ni leur sentiment d'autonomie, ni l'accélération de la société inclusive à laquelle notre assemblée travaille.
C'est pourquoi je défends l'allongement de la durée de validité des notifications de la MDPH pour certains types de demandes, et ce pour deux raisons. Premièrement, pour paraphraser le rapport de notre collègue Adrien Taquet, il s'agit de simplifier la vie des personnes en situation de handicap. Deuxièmement, il est d'une impérieuse nécessité de décharger autant que possible nos MDPH afin qu'elles se recentrent sur les missions à plus forte valeur ajoutée d'accueil, d'information et d'accompagnement.
Pour la MDPH du Nord, que je connais bien, ce sont plus de 500 dossiers par jour et une file active de 250 000 personnes. Aussi, madame la ministre, ne serait-il pas opportun de passer d'un système justificatif à un système déclaratif en attribuant, pourquoi pas, un certain nombre de droits à vie de nature à rendre nos concitoyens encore plus acteurs de leur vie et à replacer la confiance au coeur de notre système de solidarité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Madame la députée, j'ai eu la chance de passer avec vous et beaucoup d'autres députés une journée très riche vendredi à Lille, à la rencontre des personnes en situation de handicap, des familles ainsi que de l'ensemble des acteurs qui les accompagnent au quotidien. C'est vrai, les attentes des familles sont très fortes sur la simplification de l'accès à leurs droits, les attentes des personnels qui les accompagnent le sont tout autant. Je ne m'étends pas sur le constat : il est partagé, vous l'avez fait.
Il est temps de remettre la confiance au coeur des relations entre l'administration et les personnes car leur demander sans cesse de prouver leur handicap est violent et inutile.
Nombre de situations complexes sont en réalité des situations complexifiées par notre système administratif. Avec les 112 propositions du rapport « Plus simple la vie », je dispose de pistes très riches, en cours d'expertise par mes services, pour avancer rapidement.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ma décision sera pragmatique. Je veux avancer vite, octroyer des droits à vie pour les personnes dont les difficultés fonctionnelles ne sont pas susceptibles d'évoluer positivement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est une piste majeure sur laquelle je souhaite m'engager.
Il est temps aussi d'outiller enfin les MDPH pour qu'elles puissent rendre un service à la hauteur des besoins et des attentes. J'ai mis toute mon énergie à déployer le système d'information commun des MDPH, qui était en chantier depuis trop longtemps. Le 17 juin prochain, avec Mounir Mahjoubi, nous serons en mesure de présenter aux cent MDPH leur système d'information labellisé par l'Agence, testé dans sept MDPH pilotes, dont celle du Nord. Il équipera 100 % d'entre elles d'ici à la fin de l'année 2019.
Connaître les besoins, sortir des notifications virtuelles, des droits virtuels, suivre leur mise en oeuvre, harmoniser les procédures, voilà ce qui est en jeu. C'est ce à quoi nous nous attachons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour le groupe La République en marche.
Madame la ministre de la culture, quand André Malraux décrivait la télévision, il disait qu'il existait une télévision pour passer le temps et une autre pour le comprendre. Et si notre audiovisuel public avait la capacité de réconcilier ces deux visions : fédérer et divertir, éduquer et cultiver ?
Passer le temps, oui, si c'est fédérer les publics et recréer des temps partagés ; divertir, si c'est avec des programmes qui singularisent notre audiovisuel public ; éduquer, pour comprendre le présent et lutter contre la manipulation de l'information ; cultiver, en donnant à voir notre diversité et notre patrimoine.
Pour allier ces objectifs, il faut assumer la réforme de notre audiovisuel public, une réforme qui prend les choses dans le bon ordre. Elle n'est pas d'abord celle de la gouvernance ou des modalités de financement ; elle part de l'essentiel : les contenus, l'offre présentée aux Français, et l'adaptation nécessaire à leurs nouveaux usages face à un choix désormais quasi illimité de programmes.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Madame la ministre, vous avez fixé hier un cadre précis à la réforme de notre audiovisuel public pour renforcer sa légitimité et ses audiences.
Plus de numérique : on le sait, les investissements sont trop faibles et il faut changer d'échelle. Plus de proximité, avec des programmes régionaux renforcés et des synergies réelles, pour un audiovisuel public pour tous les territoires, pour tous les Français. Plus de création : l'audiovisuel public consacre déjà 560 millions d'euros à la production audiovisuelle et cinématographique. Plus de renouvellement, parce qu'un service public à vocation universelle doit à nouveau s'adresser aux plus jeunes.
Cette réforme est importante car elle touche au quotidien des Français. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les pistes concrètes d'action et les modalités de mise en oeuvre de cette réforme ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame la députée, j'ai présenté hier une transformation ambitieuse du service public de l'audiovisuel, fondée sur la prise de risque et l'innovation dans l'offre proposée aux Français.
Pour reconquérir la jeunesse, nous voulons un audiovisuel public qui s'engage pleinement dans la révolution numérique, avec un investissement de 150 millions d'euros de plus à l'horizon 2022.
Sa singularité, c'est aussi le lien particulier qu'il crée avec les Français. Nous voulons un média de proximité. J'ai demandé à France 3 et France Bleu de lancer trois à quatre expérimentations régionales dès la rentrée pour la mise en place d'un média de proximité. Les deux sociétés travaillent sur les régions Bretagne, Île-de-France et PACA.
En Bretagne, ce sont deux locales de France Bleu et une antenne de France 3 qui produiront six heures de programme commun ; en Île-de-France, une de France Bleu et une de France 3 ; en PACA, deux antennes de France 3 et trois locales de France Bleu.
Enfin, nous voulons un média qui soit le fer de lance de la création. J'ai demandé que les budgets de la création soient sanctuarisés. Il faut aussi faire évoluer les relations entre l'audiovisuel public et ses producteurs. Les entreprises doivent avoir à leur actif un riche catalogue d'oeuvres à valoriser, en particulier dans l'univers numérique.
Nous allons continuer à soutenir la filière stratégique de l'animation. Le passage de France 4 sur le numérique ne remettra pas en question cet accompagnement. Non seulement France Télévisions va développer une offre délinéarisée, ambitieuse, sans publicité mais elle va aussi maintenir une offre linéaire pour les enfants sur les autres chaînes. Le renforcement des programmes jeunesse est une priorité pour France Télévisions mais aussi pour les autres sociétés : j'ai demandé à Arte d'y participer.
Pour cette ambition nouvelle, il est nécessaire que les sociétés réalisent des gains d'efficience grâce au développement des coopérations entre elles. J'ai installé hier la mission de concertation qui expertisera les scénarios de mise en oeuvre. La réforme se fera pour les Français…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, depuis bientôt un an j'alerte Mme la ministre de la santé, je me déplace dans différents établissements et, à chaque fois, la même colère, les mêmes demandes : « Nous les soignants, nous n'en pouvons plus ! ». Pas un jour, sans recevoir un appel, un message, un mail, un courrier pour m'annoncer l'inimaginable ! « Notre collègue a fait une tentative de suicide ou a mis fin à ses jours, on place des enfants en service psychiatrique adulte par manque de places, ma maman est décédée seule dans sa chambre en EHPAD derrière son plateau-repas, mon papa est décédé sur un brancard aux urgences… ». Et j'en passe.
Monsieur le Premier ministre, les soignants ne réclament pas une augmentation de salaire, des congés supplémentaires ou je ne sais quoi d'autre ! Ils réclament des moyens, des moyens pour traiter dignement leurs patients !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
La semaine dernière, j'interpellais Mme Buzyn par une lettre ouverte dans laquelle je lui demandais : « Êtes-vous prête à assumer vos responsabilités pour tous ces actes de maltraitance et s'il devait arriver un malheur à l'un des grévistes de la faim de Rouvray ? » Ma question est restée sans réponse malgré l'hospitalisation en urgence de quatre des sept grévistes de la faim. Maintenir une telle action pendant deux semaines présente des risques de séquelles irréversibles !
En 2018, en France, des soignants mettent en danger leur vie pour avoir les moyens de s'occuper dignement de leurs patients ! Cette situation n'a que trop duré, tous les établissements de santé sont concernés, une réunion entre Bercy et la santé s'impose, les moyens doivent être débloqués de suite ! Quand il a fallu prendre cinq euros d'APL aux plus démunis, vous avez été très réactifs ! Serez-vous tout aussi réactifs pour aller chercher l'argent là où il y en a – bénéfices CAC40, ISF, Exil Taxe, évasion fiscale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous vous engager à organiser cette réunion interministérielle rapidement et, si oui, où et quand ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur plusieurs banc du groupe NG
Toujours plus, encore plus, toujours plus ! Nous sommes face à un système qui dysfonctionne. Le constat est clair, aujourd'hui, en France, en ce qui concerne notre système de santé : nos organisations ne sont plus adaptées à une prise en charge correcte des patients âgés, des pathologies chroniques.
Avec M. le Premier ministre, j'ai lancé le 13 février dernier à Eaubonne une très grande concertation sur une transformation en profondeur, structurelle, de notre système de santé pour améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens en proximité, lutter contre les déserts médiaux, …
… améliorer la psychiatrie française – puisque vous parliez du Rouvray et que j'ai présenté un plan lors du congrès français de psychiatrie en décembre.
Nous avons l'intention de décloisonner le système. Vous avez parlé des EHPAD : leur problème, c'est que les personnels, qui prennent en charge des personnes de plus en plus âgées, ne disposent pas de la formation adéquate et ne sont pas assez nombreux pour assurer les soins. Nous avons augmenté le budget des soins puisque 360 millions d'euros ont été mis sur la table en trois ans, au lieu des sept ans prévus, pour accélérer la médicalisation des EHPAD
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
Nous allons créer des postes d'infirmières de nuit dans tous les EHPAD, annonce qui a été saluée par l'ensemble de la profession
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous allons installer dans tous les EHPAD des équipements de télémédecine pour l'accès aux soins. Nous allons désengorger les urgences en permettant une meilleure prise en charge des patients en ville de façon à ce que l'accès aux urgences soit facilité pour ceux qui en ont vraiment besoin. Nous allons désengorger les lits d'aval en créant des filières de prise en charge des personnes âgées en aval des urgences. La transformation est en marche et je compte sur vous pour l'accompagner !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferriere, pour le groupe La République en marche.
Ma question, à laquelle j'associe Sira Sylla, présidente du groupe d'amitié France-Rwanda, s'adresse à Mme Florence Parly, ministre des armées.
Madame la ministre, il y a quinze jours, le Président de la République française recevait le Président de la République du Rwanda, Paul Kagame, à l'Elysée pour la première fois depuis 2011. Bien sûr, nous pouvons avoir sur ces bancs un regard critique sur la gouvernance de Paul Kagame, mais comment ne pas être admiratif devant la capacité de résilience de ce pays après le génocide des Tutsis de 1994 qui, rappelons-le, a fait un million de victimes ?
Alors que des Rwandais avaient massacré des Rwandais à la machette, le pays a su se réconcilier et s'unir en peu d'années ! Bien que dévasté par la guerre, le Rwanda a su devenir rapidement un pays à l'économie florissante. Le Rwanda s'est aussi fait une place de choix parmi ses grands voisins. Le 23 mars dernier, il est d'ailleurs devenu le premier contributeur financier africain de la force G5 Sahel.
Par ailleurs, je souhaite saluer le soutien de la France à la candidature de la ministre des affaires étrangères rwandaise à la tête de l'Organisation internationale de la francophonie.
Madame la ministre, vous connaissez, nous connaissons tous les accusations portées à l'encontre de la France et de ses armées depuis le génocide des Tutsis. C'est d'ailleurs pourquoi lors de leur rencontre, les deux chefs d'État ont évoqué la création d'une commission composée d'historiens rwandais et français. Il est dans l'intérêt de tous que cette commission puisse travailler dans de bonnes conditions, grâce au processus d'ouverture des archives, qui doit continuer, comme l'ont également souhaité les deux chefs d'État. Mes chers collègues, le travail de mémoire, comme la lutte contre l'impunité, sont indispensables pour prévenir de tels drames.
Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur le processus d'ouverture des archives et indiquer quelles sont les ambitions de la France pour rétablir des relations franco-rwandaises apaisées ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
Monsieur le député, vous avez raison : nous devons parler au Rwanda, quel qu'en soit le dirigeant. Il est nécessaire de parler à un pays dynamique qui, par ailleurs, exerce cette année la présidence de l'Union africaine.
La décision, responsable, du Président de la République a permis de rétablir le dialogue, mais comme vous le dites également, certains tentent de réécrire l'histoire et tiennent des propos inacceptables, souvent vendeurs.
Je tiens à dire ici très clairement que je ne laisserai pas entacher l'honneur de nos armées et que je serai toujours là pour le défendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir, LR et sur quelques bancs du groupe FI.
Concernant l'ouverture des archives, je salue la décision du Président de la République, qui a affirmé que toutes les archives devaient être concernées, pas seulement celles des armées, lesquelles ont systématiquement donné suite aux demandes de déclassification qui leur ont été adressées. Il n'y a donc aucune raison d'avoir peur, car c'est la déclassification qui permettra aussi d'apaiser les fantasmes et de mettre un terme à d'insupportables suspicions.
C'est aussi ce que permettra la seconde annonce du Président de la République : réunir les conditions pour un travail d'étude et de mémoire. Il faut dépassionner l'histoire pour pouvoir l'étudier et se forger une opinion éclairée. Nos enfants doivent savoir ce que la France a fait au Rwanda, ce que nos militaires y ont fait. Nous sommes toujours aux côtés de ceux qui ont combattu pour la France et nous y serons jusqu'au bout, jusqu'à ce que la vérité ait été faite, et c'est tout ce que désirent nos armées.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le Premier ministre, depuis le 1er janvier 2018, vous avez augmenté les impôts et les taxes de 4,5 milliards d'euros, mais vous avez surtout augmenté massivement les taxes sur les carburants.
Or, aujourd'hui, sous l'effet de cette taxation sans précédent et de la hausse du prix du baril, l'essence et le diesel atteignent des prix extrêmement élevés pour nos compatriotes. Rendez-vous compte : dans ma circonscription, le prix du gazole à la pompe s'élevait hier soir à 1,46 euro le litre, et presque 1,60 euro pour le sans-plomb 98. C'est plus de 30 centimes par litres depuis un an ! C'est une perte de pouvoir d'achat insupportable pour tous les Français, parfois modestes, qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur voiture – vous le savez bien, nous vous l'avons déjà dit à plusieurs reprises.
Cela affecte aussi l'activité économique de nombre d'indépendants, artisans et livreurs qui ont besoin d'utiliser leur voiture ou leur camion tous les jours. Augmenter le prix des carburants, c'est pénaliser les marges et le prix de vente, c'est en fait pénaliser les deux parties ! Hélas, les prix à la pompe continueront de flamber puisque les taxes que vous avez votées augmenteront de manière constante d'ici à 2021.
Surtout, avec votre système, cela ne réduira jamais la quantité de CO2 répandue dans l'atmosphère. Il n'y a qu'à regarder la courbe de la consommation des produits pétroliers en France : elle ne change pas depuis de très nombreuses années.
Alors, monsieur le Premier ministre, je vous le demande, qu'allez-vous faire quand le prix du carburant dépassera les deux euros ? Qu'allez-vousfaire pour éviter que, demain, aller au travail ou partir en vacances en voiture ne devienne un luxe ?
Je vous serais reconnaissant, enfin, de penser à nos compatriotes modestes qui ne disposent pas de transports en commun pour se déplacer…
… et de cesser de penser aux recettes de l'État qui, ici, n'ont qu'un seul effet : grever le budget des plus modestes d'entre nous.
Applaudissements sur les bancs des groupe LR et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe NG
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le député, vous soulignez que nos concitoyens sont sensibles à l'augmentation du prix des carburants, ce dont nous sommes conscients. C'est pourquoi notre politique d'incitation environnementale doit être non seulement résolue, mais aussi équilibrée et juste :
Exclamations sur les bancs du groupe LR
à l'alignement progressif de la fiscalité du diesel et de l'essence, nous ajoutons la prime à la conversion, le chèque énergie – de 150 euros en moyenne – et la prorogation du crédit d'impôt transition énergétique, le CITE.
Surtout et avant tout, nous voulons travailler en profondeur pour faire en sorte que le travail paie mieux en France, que notre modèle de croissance créé davantage d'emplois grâce à la réforme du code du travail, au développement des compétences,
Protestations sur les bancs du groupe LR
au plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – PACTE – qui vous sera bientôt soumis.
Par ailleurs, les charges sur les salaires doivent être allégées – puisque vous parlez d'argent, l'intéressement et la participation doivent être généralisés. Il faut également que notre modèle soit plus juste, avec une réévaluation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, des aides aux modes de gardes pour les familles monoparentales et de la prime d'activité.
Toutes ces mesures, auxquelles s'ajoute la disparition progressive de la taxe d'habitation, contribueront à soutenir le pouvoir d'achat des Français. Celui-ci devrait croître en 2018 de 1,6 %, selon les évaluations de mon ministère.
Nous sommes mobilisés pour faire en sorte que les finances de nos concitoyens soient plus robustes pour faire face aux évolutions du prix des carburants.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (nos 846, 971, 881, 942, 944).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de : huit heures pour le groupe La République en marche, dont 318 amendements sont en discussion ; quatre heures trois minutes pour le groupe Les Républicains, dont 429 amendements sont en discussion ; deux heures trois minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 61 amendements sont en discussion ; deux heures vingt-et-une minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 64 amendements sont en discussion ; deux heures vingt-quatre minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 69 amendements sont en discussion ; deux heures dix minutes pour le groupe La France insoumise, dont 46 amendements sont en discussion ; vingt-neuf minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 80 amendements sont en discussion. Les députés non inscrits, dont 35 amendements sont en discussion, ne disposent plus de temps de parole.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 209 portant article additionnel après l'article 40.
Rappels au règlement
Il reste, sur ce projet de loi, 1 115 amendements en discussion, parmi lesquels 80 pour notre groupe. Notre porte-parole sur ce texte, Stéphane Peu, ne dispose plus que de vingt secondes pour défendre chacun d'eux. Ce matin, en conférence des présidents, j'ai proposé des aménagements que je qualifierais de raisonnables pour mettre fin à cette situation – pour ne pas dire à cette farce.
J'ai proposé de donner deux minutes aux députés qui ne disposent de plus de temps de parole pour défendre leurs amendements – je pense notamment aux députés non inscrits.
Cela a été refusé.
J'ai proposé de jouer sur le temps de parole des présidents de groupe : dans la situation actuelle, qui n'est pas de votre fait, monsieur le président, les présidents de groupe disposent de deux heures de temps de parole alors qu'ils ne sont pas nécessairement des spécialistes du sujet. J'ai proposé qu'ils puissent céder leur temps de parole, au moins en partie, au porte-parole de leur groupe sur le texte. Cela a aussi été refusé.
Tout le monde voit bien que les conditions d'examen de ce texte sont absurdes et que nous ne légiférons pas dans de bonnes conditions. Je vous fais remarquer d'ailleurs que Stéphane Peu a fait adopter, au nom de notre groupe, dix-huit amendements en commission, et neuf amendements en séance.
Les débats ne sont donc pas fermés à nos propositions. Si je cite ce bilan, c'est pour montrer que nous ne sommes absolument pas dans une démarche d'obstruction.
Ni nous dans un refus systématique !
Nos amendements sont le résultat d'un travail de fond. Je reconnais tout à fait que les ministres et la rapporteure ne sont pas dans une démarche de refus. Mais le problème qui se pose à nous, c'est que dans la suite de nos débats, nous n'aurons pas le temps de défendre nos amendements alors justement que certains seraient susceptibles d'être adoptés par l'Assemblée, car ils répondent à des besoins réels avec des solutions raisonnables.
J'ai abordé ce point ce matin en conférence des présidents. Celle-ci s'est réunie à 10 heures, et j'ai dû la quitter à 11 heures pour rejoindre notre réunion de groupe hebdomadaire. D'autres membres de la conférence ont également dû sortir avant la fin. Or il semblerait qu'après mon départ, il ait été décidé de recourir de nouveau au temps législatif programmé pour la semaine prochaine, pour une durée de trente heures, et une heure supplémentaire pour chaque président de groupe.
Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de multiplier les recours à cette procédure : c'est le troisième projet de loi de suite que nous examinerons en temps programmé. Cela pose indéniablement un problème, notamment pour les petits groupes qui déposent beaucoup d'amendements : ils ne peuvent les défendre tous de façon sérieuse.
La procédure normale d'examen d'un texte, elle, permet aux groupes de défendre chaque amendement, d'avoir l'avis de la commission et du Gouvernement, puis de répliquer. Voilà le déroulement normal. Dans le cadre du temps législatif programmé, nous nous exprimons le chronomètre à la main, en sachant bien que nous ne pourrons pas défendre la totalité des amendements que nous avons déposés, que ce soit cette semaine ou la semaine prochaine.
J'insiste, au risque de me répéter, sur le fait que nos amendements ne sont pas de l'obstruction. Nous menons un travail sérieux, en nous appuyant sur notre expérience : je pense aux connaissances de Stéphane Peu dans le domaine du logement, et au travail colossal accompli par Pierre Dharréville sur le projet de loi que nous examinerons la semaine prochaine.
Je vous appelle à être raisonnables, et à nous laisser la possibilité de travailler dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR. – Mme Sylvia Pinel applaudit.
Nous travaillons sur ce texte depuis mercredi dernier, et je pense que nos débats sont de qualité : nous nous sommes écoutés, nous nous sommes compris dans un certain nombre de cas, nous avons fait évoluer ce texte ensemble. Pourtant, nos conditions de travail ne sont pas optimales ; elles sont même franchement difficiles.
Stéphane Peu a trouvé une méthode pour faire durer les débats sans consommer de temps de parole : demander un scrutin public sur chaque amendement. On peut toujours dire que ce n'est pas correct, mais il a le droit de le faire !
Chers collègues, il nous reste plus de 1 100 amendements à examiner : si chacun, passez-moi l'expression, s'amusait à faire la même chose, alors cela représenterait 96 heures de débats !
Monsieur le président, nous avons trouvé un accord sur un certain nombre de thèmes qui paraissent incontournables, comme les marchands de sommeil ou la loi solidarité et renouvellement urbains – loi SRU. Il serait normal que les groupes d'opposition n'ayant plus de temps de parole puissent s'exprimer sur ces sujets. Or il existe un moyen de rouvrir du temps de parole : il suffit que le Gouvernement dépose un ou deux amendements sur les articles en cause.
C'est une méthode intelligente, constructive. Le Gouvernement y a déjà eu recours, du reste, et je l'en remercie. Cela permet de discuter sur des questions bien déterminées qui nécessitent un vrai débat – l'article 55 de la loi SRU, ce n'est pas n'importe quoi !
Monsieur le président, un message est paru sur votre compte Twitter, où l'on lit que vous souhaitiez commencer cette séance en examinant par priorité l'article 46.
En tout cas, moi, je ne suis pas au courant !
J'ai bien noté votre question, monsieur Pupponi, je vous répondrai après.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, toujours pour un rappel au règlement.
Je souhaite en effet intervenir à propos de l'organisation de nos débats, pour que les choses soient claires. Nous pensons parfois que ce que nous vivons dans cet hémicycle est compris à l'extérieur, mais ce n'est pas le cas.
Ce que nous vivons, c'est une thrombose du travail parlementaire. Nous arrivons à la limite : nous le savons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Les gens sont épuisés. Beaucoup ont travaillé deux week-ends d'affilée, et risquent de travailler encore le week-end prochain. Tout le monde est à bout de nerfs : les ministres, les rapporteurs, les députés et tout le personnel de l'Assemblée nationale. On fait semblant de rien, mais tout le monde sait que les gens sont à bout.
Quant aux députés, je tiens à répéter ici ce que j'ai dit à la tribune une première fois, même s'il paraît qu'il n'est pas de bon ton, pour un homme, de faire état de son sentiment d'épuisement : un certain nombre de députés de mon groupe sont physiquement à bout, en raison du roulement qu'ils doivent assurer en séance. Nous ne sommes que dix-sept ! Vous voulez faire de la politique avec des robots ? Vous voulez que les députés soient capables de rester dans l'hémicycle sept jours sur sept, nuit et jour ?
Il n'y aura bientôt plus personne en séance ! C'est très mauvais, car on ne prend pas de bonnes décisions dans un tel cadre.
Si nous en sommes là, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, c'est que le Gouvernement a mal géré le temps parlementaire depuis le début de l'année. Pendant deux mois et demi, la cadence était normale…
Il faut dire les choses comme elles sont. La session unique, cette invention magique, était déjà une absurdité, parmi d'autres déjà décidées ici. Elle a été instituée au prétexte qu'on ne siégerait plus la nuit, ni en session extraordinaire. Résultat : nous délibérons toute l'année, la nuit, et pendant les sessions extraordinaires !
Voilà pourquoi je dis que cette réforme était aberrante, sans vouloir porter atteinte à la mémoire de son inspirateur, qui est un ancien président de cette assemblée.
Lors de la conférence des présidents de ce matin, nous avons pris une décision en gens raisonnables : terminer l'examen de ce texte vendredi soir, pour ne pas siéger le week-end prochain, sachant que nous enchaînons lundi prochain sur le prochain texte inscrit à l'ordre de jour. Mais tout le monde sait que cette décision n'est pas tenable – même sans appliquer le cas exagéré qu'a évoqué François Pupponi !
Personne, ici, n'a envie de faire durer les débats. Notre groupe en est l'exemple : les députés du groupe La France insoumise n'ont pas abusé de leur temps de parole, ni moi du mien en tant que président de groupe – car il me reste encore une heure à vous régaler, vous savez ! Nous n'avons pas non plus abusé de notre droit d'amendement : 100 amendements, ce n'est pas de l'obstruction ! Nous sommes plusieurs ici à avoir vécu de véritables séances d'obstruction, et c'était autre chose ! Il y avait mille, deux mille, trois mille amendements, jusqu'à ce que le débat finisse par partir en sucette !
Comment arriverons-nous à terminer vendredi ? On le sait d'avance : il faudra délibérer toutes les nuits ! Nous nous donnerons à nouveau le ridicule de finir un soir à deux ou trois heures du matin, puis le lendemain à quatre heures du matin, jusqu'à ce que, le dernier soir, un robot ou deux votent les derniers amendements vers quatre ou cinq heures du matin ! Ça s'est déjà produit !
Mieux aurait valu accepter que la séance roulât avec des horaires normaux, et décaler l'ordre du jour. Mais cela, c'est le Gouvernement qui peut le faire, si bien que tout ce que nous disons à ce propos est en un sens pur bavardage. On se demande si cela vaut même la peine d'être dit, et si on ne fait pas soi-même perdre son temps à tout le monde ! Cette situation ahurissante n'est pas acceptable.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Sylvia Pinel applaudit
Où est M. Castaner ? Où est M. le ministre des relations avec le Parlement ?
Sur le fondement de l'article 58, alinéa 1 du règlement, monsieur le président. Je ne peux évidemment que souscrire aux propos qui viennent d'être tenus. J'insiste sur la situation totalement ubuesque dans laquelle se retrouvent les députés non inscrits : cela fait maintenant trois jours que nous sommes obligés de siéger dans l'hémicycle, sous peine de voir nos amendements être considérés comme non soutenus, mais sans pouvoir les défendre, et donc sans pouvoir convaincre MM. les ministres du bien-fondé de nos arguments.
Nous sommes donc contraints de siéger à longueur de temps, nuits comprises : nous ne pouvons pas nous absenter, car alors nos amendements ne seraient pas appelés, mais nous sommes privés de toute possibilité de les défendre, ce qui me semble pour le moins étonnant venant de personnes qui se prétendent adeptes du pluralisme.
Il ne faut pas se méprendre sur les causes de cette situation : elle n'est pas due à nos procédures ! Le temps législatif programmé a toute sa pertinence. La preuve, c'est que notre rythme horaire est plus rapide que si nous avions dû examiner chaque amendement l'un après l'autre.
Ce qui est en cause, c'est l'ordre du jour communiqué par le Gouvernement. Nous avons connu trois mois et demi de quasi-inactivité. Qui, dans cet hémicycle, peut citer les textes sur lesquels nous avons travaillé pendant les premiers mois de l'année ? Personne ! Aucun texte d'importance n'a été examiné. Et nous devons maintenant examiner successivement trois textes qui ne sont peut-être pas essentiels, mais qui sont lourds : sur l'agriculture, sur le logement et demain sur la formation. À l'évidence, ils ne pouvaient pas être examinés en trois semaines. L'évidence interdisait un tel ordre du jour.
Je voudrais également rendre un hommage à l'ensemble des fonctionnaires et des collaborateurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, MODEM, NG, FI, GDR et parmi les députés non inscrits, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le dévouement des fonctionnaires de cette maison est connu. Nous devons d'autant plus le dire aujourd'hui que je constate que dans un certain nombre d'articles, ils sont attaqués – dans leur statut, dans leur profession, voire dans leurs compétences.
Le meilleur hommage que nous puissions leur rendre, c'est de les applaudir ici tous ensemble.
Les députés des groupes LR, UDI-Agir, MODEM, NG, FI et GDR se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe LaREM applaudissent.
Mes chers collègues, je tiens à faire le point sur les différents sujets évoqués. Tout d'abord, je rejoins M. Le Fur sur le travail des fonctionnaires, des agents de l'Assemblée nationale, mais également de tous les collaborateurs de groupe et de députés. Ils subissent le contrecoup de l'ordre du jour, dont ils ne sont pas responsables et qu'ils assument, car cela fait partie des obligations de service prévues par le statut des fonctionnaires. Je tiens à dire que, contrairement à ce qui est raconté dans certains articles, ils ne touchent pas de primes ou de suppléments de salaires pour cela.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.
M. Le Fur faisait peut-être référence à un article publié sur le site internet de Le Point, qui est truffé de mensonges.
Il fait état d'un soi-disant ancien agent de notre assemblée qui disposerait d'informations qui ne seraient pas publiques sur le fonctionnement de la fonction publique parlementaire. Pour ma part, j'ai commandé un rapport aux deux secrétaires généraux de notre assemblée, que j'ai transmis à tous les membres du bureau et aux organisations syndicales de l'Assemblée, et qui est à la disposition de tous les députés qui me le demanderont. Ce n'est pas la peine de propager de fausses informations sur internet ou dans la presse.
Cette parenthèse étant refermée, j'en viens au déroulé de nos débats. Tout d'abord, comme je l'ai dit ce matin lors de la conférence des présidents, le fonctionnement actuel de notre assemblée n'est pas normal, puisque nous avons siégé deux week-ends successifs, et déjà quinze jours successifs. En intégrant les deux prochains jours, nous aurons siégé pendant dix-sept jours successifs, ce qui n'était pas arrivé pendant les précédentes législatures.
Je crois pouvoir dire, au nom de tous les députés, pour celles et ceux qui nous regardent, que les députés ne se plaignent pas de trop travailler.
« Non ! » sur divers bancs.
Nous voulons simplement que le fonctionnement de notre assemblée et l'organisation de nos débats soient corrects. C'est pourquoi j'ai abordé la question dès l'ouverture de la conférence des présidents de ce matin. Je tiens à saluer l'état d'esprit des interventions des uns et des autres. M. Mélenchon a parlé de décisions de gens raisonnables : je crois en effet que ce qui a été dit lors de la conférence des présidents ce matin relève de cet état d'esprit. Il s'agit d'organiser correctement nos débats, afin qu'ils aient lieu sans dérive et sans enlisement, car ce ne serait pas non plus une façon correcte de débattre. Nous devons tirer les leçons de ce qui s'est passé ces dernières semaines pour que le débat politique soit correct.
C'est pourquoi plusieurs choses ont été proposées, dont je pense qu'elles sont de nature à répondre à certaines questions. Tout d'abord, il a été demandé s'il y aurait des séances le week-end prochain et les suivants. Puisque nous sommes dans une semaine de l'Assemblée nationale, c'est le groupe La République en marche qui aurait pu modifier l'ordre du jour, dans un sens ou un autre. Or le président du groupe, à l'unisson de tous les présidents de groupe et conformément à ce que j'avais proposé, a dit clairement qu'il n'y en aurait pas. C'est clair et net.
Par ailleurs, monsieur Pupponi, j'ai proposé que les débats puissent être un peu « séquencés », autrement dit qu'on puisse mieux savoir quand viendront en discussion les sujets sur lesquels tous s'accordent à considérer que le débat politique mérite d'être approfondi. Il existe une possibilité pour cela : l'inscription prioritaire de certains articles – j'avais mentionné l'article 46, car certains amendements à cet article portent sur une éventuelle modification de la loi SRU. Il revient soit au Gouvernement, soit à la commission d'inscrire prioritairement cet article. Je l'ai proposé, et c'est en discussion avec le Gouvernement et la commission.
Ma dernière proposition vient à la suite des discussions que nous avons eues lors de la conférence des présidents ce matin, et après avoir examiné, avec les services, les différentes dispositions réglementaires et ce qui a pu se faire par le passé. Il s'agit qu'un président de groupe puisse céder trente minutes de son temps de parole à un député de son groupe, qu'il aura désigné pour l'ensemble du débat. Cela sera valable pour le présent texte, et pour un prochain texte examiné selon la procédure du temps législatif programmé.
Pour les députés non inscrits, sur ma proposition, la conférence des présidents a décidé que leur temps de parole minimal serait dorénavant porté à une heure trente, sans que cela soit pris sur le temps des autres groupes. Cela vaudra pour les prochains textes sur lesquels la procédure du temps législatif programmé sera engagée.
Ces propositions peuvent nous permettre de poursuivre correctement nos débats.
J'ajoute un dernier point, car, s'il n'en a aucunement été question ici, il y a parfois des fantasmes à l'extérieur sur le sujet : en additionnant les séances de cet après-midi et de ce soir, demain après-midi et demain soir, et toute la journée de vendredi, nous avons encore vingt-six heures pour l'examen du texte relatif au logement, ce qui est très supérieur au nombre d'heures restant pour l'ensemble des groupes d'opposition. Même si l'ensemble des groupes d'opposition utilisaient tout leur temps de parole, ces vingt-six heures ne seraient pas épuisées. Je tiens à le dire, pour montrer que les droits de chacun sont respectés dans cette procédure. Je crois que cela nous permettra de poursuivre les débats dans un bon état d'esprit.
Je connais mal le temps législatif programmé, parce que cela n'existe pas dans le règlement du Sénat.
Pour autant, je tiens à souligner, monsieur le président, qu'hier, à la demande de M. Peu, j'ai pris l'initiative de déposer des amendements de forme pour redonner du temps de parole au groupe GDR. Ce n'est pas toujours facile de créer un nouvel amendement : nous l'avons fait, et je ne le regrette pas car, dans le cadre d'un débat démocratique, je me devais de le faire.
En ce qui concerne l'inscription prioritaire de certains articles, j'aurais aimé, monsieur le président, être averti de cette proposition.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI, Agir et indépendants.
J'espère que la communication au sein du Gouvernement fonctionne bien, car le Premier ministre et le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ont été informés, dès avant la conférence des présidents, de cette proposition.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un nouveau rappel au règlement.
Il porte à nouveau sur l'organisation des débats. Je veux être sûr d'avoir bien compris. Je suis parti un peu avant la fin de la conférence des présidents. Auparavant, mon collègue André Chassaigne avait demandé s'il était possible de déléguer une partie du temps de parole spécifiquement alloué aux présidents des groupes. Il arguait, à juste titre, que le président de groupe, qui bénéficie de ce privilège, n'est pas forcément l'expert du dossier.
J'ai dit « pas forcément » : il peut arriver qu'il le soit aussi.
Quoi qu'il en soit, il lui a été répondu qu'on ne pouvait pas changer le règlement tout de suite, mais qu'on pourrait le faire pour l'avenir.
Entre ce matin et maintenant, on a donc changé le règlement. Tant mieux. Je peux donc donner une demi-heure de mon temps de parole, si j'ai bien compris. Je peux dès à présent vous indiquer à qui je transfère ce temps de parole.
Cependant, pour mon confort, j'aimerais savoir comment s'est produit ce miracle qui a permis ce qui n'était d'abord pas possible, et quelle instance l'a décidé.
C'est pour mon instruction et pour perfectionner mon travail de président : comment a-t-on rectifié le règlement, sans M. Chassaigne ni moi ? Et pourtant cela va dans notre sens et nous sommes très contents – voyez que nous n'hésitons pas à prendre des risques pour mieux comprendre !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je vous remercie de cette appréciation positive, même si vous savez que, sans doute comme vous, je ne crois pas aux miracles.
Cela ne fait pas partie de ma culture, mais chacun a sa culture en la matière. En revanche, nous pouvons appliquer notre règlement de façon tout à fait saine. Je vous propose que nous en venions à l'examen des amendements.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 40.
La parole est à M. Guy Teissier, pour soutenir l'amendement no 209 .
En tout cas, de la discussion jaillit la lumière, puisqu'il y a eu une avancée notoire. Vous ne croyez peut-être pas aux miracles, mais le débat fait florès.
Les articles 40 à 42 du présent projet de loi prévoient, pour les locataires endettés ayant bénéficié de la part de la commission de surendettement d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, la possibilité de suspendre, pendant un délai de deux ans, les effets de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location. Ils prévoient également un effacement de la dette locative mentionnée au protocole de cohésion sociale et, au terme dudit protocole, une renonciation du bailleur à la poursuite de la procédure, ainsi qu'à la conclusion d'un nouveau bail.
Le mécanisme d'effacement des dettes constitue une incitation pour tous les locataires à ne payer ni leur loyer ni divers autres crédits, et à saisir la commission de surendettement pour paralyser une expulsion et un apurement de leur dette. Si leur propriétaire est un bailleur social, ce sont les autres locataires payant régulièrement leur loyer qui, indirectement, subiront la perte sèche imposée à l'organisme HLM.
Afin de ne pas contrevenir à l'intérêt général de l'ensemble des locataires de HLM, il convient donc d'exclure la possibilité pour une commission de surendettement de prononcer un effacement de dette locative issue d'un bail conclu avec un organisme HLM.
La parole est à Mme Christelle Dubos, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
L'effacement des dettes est un principe du dispositif de surendettement jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, qui a estimé qu'il ne portait pas d'atteintes disproportionnées aux intérêts des bailleurs. Un locataire ne sera pas expulsé s'il est à nouveau en mesure de se maintenir dans le logement. Je ne vois pas pourquoi les organismes HLM feraient l'objet d'un dispositif spécifique en la matière, alors même qu'ils sont investis d'une mission d'intérêt général au service des locataires les plus modestes. Avis défavorable.
Avis défavorable. J'ai eu l'occasion, hier soir, au sujet d'un autre amendement, de rappeler quel était l'objectif poursuivi par l'article 40, qui est de mieux coordonner la procédure concernant le surendettement et la procédure de résiliation et d'expulsion devant le tribunal d'instance. L'objectif n'est pas d'allonger les procédures, mais d'améliorer cette coordination. Vous proposez de supprimer la possibilité, pour la commission de surendettement, de prononcer un effacement de dettes dans le cadre d'un bail avec un organisme HLM.
Or s'il y a bien un domaine, chez les bailleurs sociaux, dans lequel il faut faire la part des choses et avoir une politique de prévention des expulsions et de maintien dans les lieux, c'est bien celui-ci. Cela étant, vous avez bien vu que l'article propose de conserver l'effacement de dette à condition que le locataire ait repris intégralement le paiement des loyers et des charges. Voilà ce qui me paraît important. Il ne s'agit pas de donner un plus à des gens de mauvaise foi, mais de coordonner les deux procédures et d'assurer le maintien dans les lieux lorsqu'il y a bonne foi et reprise intégrale du paiement des loyers et des charges.
La parole est à M. Guy Teissier, pour répondre à la commission et au Gouvernement. J'ai noté deux demandes de rappel au règlement, qui viendront juste après.
Je remercie M. le ministre pour sa réponse argumentée, mais, madame la rapporteure, vous avouerez que c'est bien mal connaître les difficultés financières dans lesquelles se meuvent les organismes d'HLM que de proposer une mesure incitative pour ne pas payer le loyer. Il y a toujours quelqu'un qui paie : au bout du bout, ce sont les bons locataires, ceux qui paient leur loyer, qui sont victimes de l'endettement aggravé de l'organisme d'HLM – avec des travaux qui ne seront pas effectués par exemple.
Je ne nie pas le bien-fondé de cette mesure, et vous venez de dire des choses que j'apprécie beaucoup, monsieur le ministre, mais nous savons vous, moi et tous ici, que l'enfer est pavé de bonnes intentions. L'intention est bonne, mais je crains que le résultat soit catastrophique.
Je demande une suspension de séance de deux minutes, monsieur le président.
Avant le vote, monsieur Nogal ? Très bien, mais je propose d'entendre les deux rappels au règlement auparavant.
Rappels au règlement
Fondé sur l'article 58, alinéa 1, ce rappel au règlement porte sur le bon ordonnancement de nos travaux. Je voudrais avoir confirmation concernant l'ordre du jour et la manière dont vont être abordés les articles : respectera-t-on bien l'ordre chronologique ? J'ai dit ce matin en conférence des présidents que si un accord se dessinait pour un autre ordre, le groupe LR était prêt à en discuter. Mais encore faut-il que l'on sache ce qu'il en est, pour que les députés sachent s'il y a décalage ou non. Si on continue à suivre l'ordre de la numérotation, fort bien ; sinon, on pourra s'adapter, mais il faut savoir.
Ensuite, j'ai cru comprendre que les présidents de groupe pouvaient dorénavant céder une partie de leur temps de parole, une demi-heure je crois, à un membre de leur groupe. Soit. Mais, cette mesure relevant du règlement, elle pourrait créer un précédent. Au gré des situations, on va modifier en séance, sans aucune discussion, le règlement ? Pourquoi pas, mais en tout cas, cela engendrera d'autres demandes de ce type. Je rappelle tout de même que le règlement a été voté par l'Assemblée. Je ne veux pas faire d'objection sur cette mesure, mais il est quelque peu surprenant de décider de le modifier directement en séance, sans aucune forme de concertation, sans aucune délibération et sans aucun vote. Pourquoi pas, mais sur quelle base juridique le fait-on ?
Pouvez-vous nous préciser tout cela, monsieur le président ?
Il s'agit aussi de l'organisation de nos débats.
Je souscris à votre proposition, monsieur le président : examinons en priorité les sujets importants qui restent, en particulier l'article 46 qui concerne l'évolution de la loi SRU. L'autre soir, nous avons commencé à analyser les dispositions relatives à la vente des logements sociaux, ce qui n'est pas une petite affaire, à minuit et demi. Il y avait 200 amendements sur le sujet ! Ce n'est pas une bonne manière d'aborder un sujet, on est obligé de tout saucissonner.
Mettons-nous donc d'accord pour commencer à aborder les quelques sujets importants lorsqu'il y a du monde, à une heure moins tardive, pour pouvoir vraiment en débattre. Sachant que le nombre d'amendements sur l'article 46 est important, débattons d'abord de cet article avant d'engager une autre discussion. Sinon, cela risque d'être la même histoire : comme il reste une centaine d'amendements avant l'article 46, on commencera la loi SRU vers minuit, et le débat sera étalé sur plusieurs séances. Ce n'est pas une bonne manière d'aborder des sujets aussi sensibles.
Tout d'abord, je tiens à dire à M. Jacob que la décision a été prise après avoir vérifié que cette pratique avait déjà été mise en oeuvre. Ainsi, la cession par les présidents de groupe d'une partie de leur temps de parole à un autre membre de leur groupe, et à un seul, a été appliquée en 2015, lors des débats sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, plus connue sous le nom de « loi Macron ».
« Ah ! » sur divers bancs.
Comment ça, il avait une responsabilité, dans le gouvernement précédent ?
C'était sous la présidence de mon prédécesseur, Claude Bartolone, et plutôt destiné à l'époque à s'appliquer à un président de groupe majoritaire, dans des circonstances sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir aujourd'hui.
Par ailleurs, je confirme qu'une prévisibilité du déroulement de nos débats serait souhaitable – ce qui suppose évidemment qu'elle soit connue à l'avance.
Suspension et reprise de la séance
À la demande du groupe La République en marche, la séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.
L'amendement no 209 n'est pas adopté.
Ils sont proches, mais permettez-moi de présenter tout d'abord l'amendement no 1786 , monsieur le président. J'y associe mes collègues Jean-Michel Mis et Marie Guévenoux.
Il vise à pallier les difficultés rencontrées par les bailleurs sociaux pour faire respecter la sécurité et la tranquillité de leurs résidents, en proposant de modifier l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation qui sanctionne l'occupation illicite des parties communes. Car, bien qu'attentifs aux difficultés des bailleurs sociaux, les parquets, trop souvent, ne donnent pas suite aux constats des forces de l'ordre.
L'amendement no 1786 vise donc, premièrement, à élargir la liste des espaces communs dans lesquels ces troubles ont lieu. Deuxiemement, il ouvre au juge la possibilité d'interdire à l'auteur d'une telle infraction l'acces a certains lieux, pour une duree maximale de trois ans. Troisiemement, il renforce les sanctions en cas de recidive. Enfin, et il s'agit de la partie la plus importante de cet amendement, il contraventionnalise le délit d'occupation illicite des parties communes.
La contraventionnalisation, préconisée par le rapport d'information de la commission des lois sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire, présenterait l'avantage certain d'entraîner des poursuites quasi-automatiques.
Il convient cependant de prévoir une contravention de cinquième classe, afin que les faits restent accessibles à la transaction pénale, tout en maintenant bien évidemment la qualification de délit lorsque les faits sont accompagnés de voie de fait ou de violence.
À dix-sept heures vingt, M. Marc Le Fur remplace M. François de Rugy au fauteuil de la présidence.
Nos concitoyens sont exaspérés de constater que de nombreuses personnes occupent les cages d'escalier et les parties communes des immeubles. Cela limite leur liberté d'aller et de venir en sécurité.
Cet amendement de bon sens et de respect des espaces communs, qui a été déposé par Pierre Cordier, propose qu'une contravention, qui sera définie par décret, sanctionne le fait d'occuper en réunion les espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d'habitation.
Cet amendement prévoit une sanction rapide ainsi qu'une procédure simplifiée en vue d'empêcher ces regroupements et de permettre à nos concitoyens d'aller et de venir en sécurité et en toute liberté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est proposé d'instaurer une contravention, qui serait définie par décret, pour sanctionner le fait d'occuper en réunion les espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d'habitation.
En remplaçant l'actuel délit par une contravention, l'objectif poursuivi est de graduer la sanction, puisque cette infraction continuera d'être punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende lorsqu'elle est accompagnée de voie de fait ou de menaces. Il s'agit également d'apporter une sanction rapide, par une procédure plus simple à mettre en oeuvre, alors que ces situations restent aujourd'hui largement impunies.
Cet amendement se situe dans la logique de l'article L. 126-1 du code de la construction et d'habitation, relatif à l'autorisation permanente donnée à la police et à la gendarmerie nationales ainsi qu'à la police municipale de pénétrer dans les parties communes, et de l'article L. 126-2 relatif à la possibilité de faire appel aux mêmes pour rétablir la jouissance paisible des lieux en cas d'occupation des espaces communs. Il donne également compétence aux polices municipales pour constater la contravention.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
L'amendement no 1786 substitue une contravention de cinquième classe, pouvant aller jusqu'à 3 000 euros, à une peine d'emprisonnement de deux mois.
Je comprends l'intérêt d'une sanction plus facilement applicable. Cependant, avec la contraventionnalisation, certaines enquêtes ne seront plus possibles. Par exemple, pas de flagrance, pas de perquisition possible sans le consentement de la personne, pas de garde à vue.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle y serait défavorable.
Rappel au règlement
Je fais ce rappel au règlement sur le fondement de l'article 58, alinéa 1.
Pour une parfaite information de tous les députés présents, je voudrais savoir – j'ai d'ailleurs posé la question au président de Rugy – si le temps de parole d'une demi-heure supplémentaire accordé aux députés non inscrits, qui s'appliquera sur le prochain texte que nous examinerons, s'appliquera également au projet de loi ELAN – évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – que nous examinons en ce moment.
Il me semblerait assez juste que ce soit le cas, puisqu'il a été décidé ce matin, en conférence des présidents, que chaque président de groupe pouvait déléguer une demi-heure du temps de parole qui lui est réservé au député de son groupe qui suit le texte. Les députés non inscrits n'ayant par définition pas de président de groupe, je souhaite savoir s'ils peuvent bénéficier de cette décision pour la suite de l'examen de ce projet de loi.
Chère collègue, votre question a bien été enregistrée. J'y répondrai dans quelques instants, afin qu'aucune ambiguïté ne subsiste sur ce point.
Après l'article 40
Madame la rapporteure, pardonnez-moi de vous avoir interrompue pour ce rappel au règlement. Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune ?
Concernant les amendements identiques nos 69 et 2734 , la création d'une nouvelle infraction, sous la forme d'une contravention, sanctionnant les occupations d'espaces communs – comme les toits collectifs – qui nuiraient à la tranquillité des lieux sans pour autant empêcher la circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité, n'apparaît pas opportune et complexifierait le droit existant.
Actuellement, les possibilités d'intervention offertes aux services de police et de gendarmerie permettent déjà le rétablissement de la tranquillité du voisinage. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Concernant l'amendement no 1784 , l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation prévoit déjà un délit d'occupation de tous les espaces communs des immeubles. Cela devrait inclure les espaces communs souterrains.
La peine prévue actuellement, qui est de six mois de prison, est rarement prononcée aujourd'hui. Je ne sais pas si l'alourdir aurait beaucoup d'effet. Compte tenu du fait que cette une question relève plutôt des compétences de la commission des lois, la commission s'en remet à la sagesse de l'assemblée.
Nous avons déjà abordé ce débat hier, avec un amendement assez similaire. Nous avons échangé avec M. le député Jean-Christophe Lagarde sur cette question.
Le principe de la contraventionnalisation revient à passer du délit à la contravention, et par conséquent à descendre sur l'échelle des peines. Pourquoi pas ? Mais, ainsi que l'avons bien vu hier au cours de nos échanges, la difficulté tient dans la caractérisation de l'infraction. Je ne pense donc pas du tout que ces amendements apportent une solution à cette difficulté et fassent, de ce point de vue, avancer les choses.
J'avais dit qu'il serait bon qu'au cours de la navette nous puissions améliorer la rédaction actuelle, si cela s'avère possible, sachant que cela est assez difficile.
Dans la mesure où plusieurs amendements portent sur ce point, je rappelle que les dispositions existantes portent sur le fait d'occuper en réunion les espaces communs, notamment les parties souterraines, les caves et les toits, en empêchant délibérément l'accès, la libre circulation des personnes ou le fonctionnement des dispositifs de sécurité.
Nous savons que très peu de poursuites sont engagées sur leur fondement, et que très peu ensuite débouchent sur des condamnations, parce qu'il est extrêmement difficile de caractériser l'infraction en question.
Par conséquent, même si je comprends et partage totalement l'objectif poursuivi par ces amendements, surtout compte tenu de ce qui se passe précisément dans ce type d'immeubles, le Gouvernement a choisi de ne pas proposer de disposition similaire. Dont acte, il aurait pu le faire.
Il faut donc que nous travaillions ensemble, au cours de la navette, pour améliorer la rédaction du dispositif. Avis défavorable aux quatre amendements.
Je partage évidemment l'avis du ministre sur la nécessité d'améliorer la rédaction du texte. Comme le disait Montesquieu, le mieux est parfois l'ennemi du bien.
Certes, l'idée d'une contravention est séduisante, mais on voit déjà que le droit en vigueur n'est pas appliqué, tout simplement parce qu'il n'est pas applicable. La question qui se pose n'est pas celle de la caractérisation en délit ou en infraction : lorsque nos forces de police et de gendarmerie sont confrontées à ces problématiques, elles ont beaucoup de mal à qualifier la réunion concernée. Après tout, la liberté d'aller et de venir comme la liberté de réunion sont des libertés fondamentales garanties dans notre pays. Sur le terrain, il est donc compliqué de caractériser concrètement ces faits.
Il faudrait, d'une manière générale, aller vers une individualisation de ces troubles afin de pouvoir en poursuivre les auteurs.
Pour caractériser les faits, à mon sens, il faut se fonder sur le trouble à la tranquillité. Lorsque vous faites du tapage nocturne, lorsque vous embêtez vos voisins, vous pouvez effectivement recevoir une visite de la police.
Le coeur du sujet est que nous sommes tous conscients que les halls d'immeubles comme les parkings souterrains de certains ensembles collectifs se transforment en zones de non-droit : les habitants n'osent tout simplement plus rentrer chez eux – sans parler des trafics annexes comme le trafic de drogue.
Je ne suis pas du tout d'accord avec l'analyse faite par la rapporteure, selon laquelle les dispositions proposées viendraient alourdir et complexifier le droit existant. Au contraire, lorsqu'on dresse une contravention au lieu de poursuivre un délit, on raccourcit et on allège la procédure !
La contravention permet de constater immédiatement les faits : il me semble par conséquent qu'elle renforcerait la réactivité de la réponse pénale.
Si la question de la caractérisation se pose, je me demande dans quelle mesure il est possible d'entrer encore davantage dans le détail. Il reviendra effectivement à l'officier qui dressera la contravention de décider lui-même de la nature des faits.
On sait très bien faire la différence entre des individus qui discutent paisiblement dans un hall d'immeuble et d'autres qui en font un espace privatisé et qui empêchent effectivement les voisins et les riverains d'aller et venir.
Il ne faudrait pas que, sous couvert de réécriture, cet aspect disparaisse. L'amendement qui a été proposé par Pierre Cordier est à mon sens le plus lisible et le plus simple.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je vous ai bien écoutés. Les troubles dans les halls d'immeuble constituent une véritable préoccupation. Ils sont théoriquement interdits depuis des années et la loi en fait un délit, mais, comme l'a très justement relevé ce week-end Guillaume Larrivé, ces dispositions ne sont jamais appliquées.
Plusieurs pistes d'action sont possibles. Nous allons vous en proposer. C'est important, car les attentes sont fortes aujourd'hui sur ce point.
Monsieur le ministre, nous vous demandons d'inviter votre collègue Mme la garde des sceaux, comme Guillaume Larrivé l'a dit hier, à donner des instructions au parquet afin que des opérations coup de poing puissent être menées sur certains territoires bien ciblés, et sans mollir. C'est important.
Ensuite, nous défendrons des amendements – je pense notamment au no 943 – visant à aider à la caractérisation. On sait que pour caractériser notamment le délit d'entrave, il faut pouvoir apporter des preuves, ce qui passe également par les images de la vidéoprotection. Il faut dégager des moyens pour que cela puisse se faire.
Ce qui est sûr, c'est qu'il faut faire quelque chose, car certains immeubles sont devenus de véritables espaces de non-droit. Les Français qui y vivent s'y sentent légitimement abandonnés par la République. Il est donc de notre devoir de mettre en place les mesures nécessaires.
Pour suivre l'avis de Mme la rapporteure et du Gouvernement, je retire l'amendement no 1786 . Je tiens néanmoins à préciser que ce débat reviendra à l'automne prochain, lors de l'examen du projet de loi sur les chantiers de la justice. J'espère bien à ce moment-là présenter un nouvel amendement qui puisse aboutir, parce qu'il s'agit d'un vrai problème que rencontrent les bailleurs sociaux et surtout les résidents.
Il faudra donc trouver des solutions. La contraventionnalisation est l'une d'elle, et nous l'utiliserons d'ailleurs sans doute aussi en matière de stupéfiants.
Une dernière précision concernant l'amendement no 1784 , puisque je n'ai pas pu le défendre : il s'agit d'un amendement de repli qui ne prévoit pas la contraventionnalisation mais qui renforce un certain nombre de sanctions. J'ai bien noté qu'il a reçu des avis de sagesse.
L'amendement no 1786 est retiré.
Il s'agit, comme on l'a dit, d'un sujet très important, qui perturbe la vie de nombre de nos concitoyens.
Nous n'avons plus le droit à l'erreur : cela fait globalement dix ans que nous essayons de légiférer, tous gouvernements confondus. À chaque fois, nous affirmons régler le problème du « squat de l'escalier », comme on l'appelle dans un certain nombre de territoires. Or la loi est inapplicable, parce que la police ne parvient pas à prouver qu'il y a eu un délit d'entrave.
Si nous votons une nouvelle disposition sans être sûrs ni de notre expertise ni de son efficacité, on en sera à quinze ans : quinze ans, trois législatures, et le problème ne sera pas réglé !
Pour l'avoir lu rapidement, nous serions plutôt séduits par l'amendement no 1784 , de préférence à notre amendement no 2734 . De toute façon, il faut prendre le temps de bien légiférer. Soit nous essayons de trouver une solution, la plus efficace possible, d'ici la deuxième lecture, soit nous attendons le projet de loi relatif à la justice, car le sujet y est lié.
Quoi qu'il en soit, nous devons légiférer à coup sûr. Il ne faut pas se louper. La communication, les grandes annonces sur le fait que les députés ont réglé le problème, et le constat, deux mois ou deux ans, que rien n'est réglé du tout ? Nos concitoyens n'en peuvent plus.
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement no 3023 .
Comme indiqué précédemment, le délit d'occupation des espaces communs d'immeubles existe déjà et peut conduire à des peines de prison ou de travaux d'intérêt général bien plus fermes qu'une contravention de troisième classe. On enverrait un mauvais signal en adoucissant la sanction pénale. Avis défavorable sur les deux amendements.
Même avis. Ce n'est pas pour mécontenter M. Bazin, mais je crois que si la mesure qu'il propose devait être appliquée, ce ne serait pas facile : définir pénalement la tranquillité résidentielle serait un exercice difficile !
Je réitère ma proposition : je suis prêt à travailler en collaboration avec les groupes parlementaires d'ici la navette sur le sujet des occupations d'espaces communs, qu'il s'agisse du hall, des espaces publics ou du toit, en vue d'améliorer les textes actuels. Comme l'a dit M. Pupponi, malgré tout ce qui a été fait au cours de ces dix dernières années, le constat, sur le terrain, c'est qu'il y a très peu de poursuites parce que c'est extrêmement difficile à caractériser. Or le problème est de plus en plus pressant. Ce que je vous propose donc, c'est que nous essayions de nous mettre d'accord sur une rédaction commune afin d'améliorer le dispositif existant, parce que ni la contraventionnalisation ni les ajouts successifs ne permettront de résoudre le problème.
Je vous remercie, monsieur le ministre. Je pense qu'il faut en effet réécrire les textes. La difficulté, c'est précisément de prouver le délit d'entrave : quand les policiers se présentent, il n'y a bien évidemment plus personne pour empêcher qui que ce soit de circuler. Si l'on en reste à cette caractérisation, on ne pourra pas restaurer la tranquillité résidentielle. Il faut sanctionner la gêne abusive et tout ce qui peut empêcher les habitants de vivre correctement.
L'amendement no 3023 est retiré.
L'amendement no 942 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1905 et 941 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Madame Ménard, vous êtes l'auteur du no 1905. Je peux maintenant répondre à la question que vous avez posée tout à l'heure.
Vous avez entendu ce qu'a dit le président de l'Assemblée : il a admis deux évolutions importantes pour le déroulement de nos débats. La première, à effet immédiat, permet au président d'un groupe d'allouer à un collègue de son groupe trente minutes de son temps spécifique ; il lui appartiendra, le moment venu, de déterminer à qui. La seconde, pour l'avenir, permettra aux députés non inscrits de disposer d'un temps de parole non plus d'une heure mais d'une heure et demie. Pourquoi cette différence ? La raison est objective : l'allocation des trente minutes ne changera rien à la durée de l'ensemble du débat en cours, puisque ces trente minutes seront juste utilisées par un autre député. C'est pour cela que l'allocation de la demi-heure supplémentaire, qui représente un « plus » conséquent pour les non inscrits, …
… ne sera valable que pour le prochain débat soumis au temps programmé.
Conclusion : puisque vous n'avez plus de temps de parole, madame Ménard, votre amendement no 1905 est considéré comme défendu.
Monsieur le ministre, comme je suis très attaché à la tranquillité résidentielle, le présent amendement y revient. Les Français savent combien elle est précieuse.
Cet amendement est toutefois différent du précédent. Il vise à autoriser les échanges d'informations factuelles émanant des tribunaux et des forces publiques pour permettre à un bailleur d'étayer ses sommations et assignations aux fins de résiliation judiciaire du bail d'un locataire fauteur de troubles lorsque ceux-ci sont graves ou répétés. Il s'agit donc de rapporter des troubles qui sont causés dans l'immeuble, et non à l'extérieur, de manière à bien cibler les choses, afin de donner aux bailleurs les moyens de lutter efficacement contre ceux qui gangrènent certains immeubles.
Avant de le donner, je voudrais préciser que depuis que je suis au banc, je rappelle systématiquement l'objet des amendements des personnes qui ne peuvent pas les défendre.
L'amendement no 1905 de Mme Ménard a donc pour objet la transmission des décisions judiciaires aux bailleurs. Avis défavorable : la coopération entre les acteurs locaux doit passer par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
Quant à l'amendement no 941 , il se heurte au principe du secret de l'enquête et de l'instruction, qui vise à éviter la divulgation d'informations sensibles ou pouvant porter atteinte à l'ordre public et social ou aux parties ayant intérêt à la procédure. Je le répète : la coopération entre les acteurs locaux doit passer par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Cet amendement vise à permettre aux organismes de logements à loyer modéré d'installer la vidéoprotection dans les parties communes des immeubles sociaux.
Qui peut le plus, peut le moins : je ne vois pas ce qui, dans le cadre de la législation actuelle, empêcherait de poser ces équipements. Par conséquent, je considère que l'amendement est satisfait. Cela devrait satisfaire M. Bazin !
Sourires.
Sourires.
L'amendement no 943 est retiré.
Cet amendement vise à améliorer la sécurité et la tranquillité dans le parc locatif social, en facilitant les procédures d'expulsion des locataires qui causent des troubles de voisinage graves et répétés. Trois choses sont prévues : d'abord, que les organismes HLM intègrent dans leur contrat de bail une clause résolutoire pour non-respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués ; ensuite, que tout trouble de voisinage soit signalé par l'organisme HLM à la police ou à la gendarmerie et qu'il fasse l'objet d'un rappel au règlement ; enfin, et c'est le plus important, qu'en cas de manquement grave et répété, le droit au maintien dans les lieux du locataire s'éteigne purement et simplement.
Il convient de donner une base légale à une action systématique contre ceux qui profitent de la générosité de notre système social, qui pensent que les droits ne s'accompagnent d'aucun devoir et qui pourrissent la vie de leurs voisins, quand ils ne vont pas jusqu'à les menacer, les violenter ou dégrader leurs habitations ou leurs biens en toute impunité. Mes chers collègues, le rétablissement de l'autorité est la condition première du retour de la mixité sociale, notamment dans les quartiers défavorisés. Les personnes qui troublent la quiétude du voisinage ou violent la loi alors qu'elles se sont vu octroyer un logement social doivent pouvoir être sanctionnées fortement et rapidement.
Cette clause résolutoire est extrêmement importante. Il s'agit d'une demande des locataires, pour les protéger.
Le trouble de voisinage est une réalité que l'on vit dans les logements HLM. Cette mesure de protection me semble indispensable, d'autant plus qu'il faut attendre une décision de justice : cela permettrait au bailleur social, une fois celle-ci rendue, d'envisager l'expulsion. Le fait d'intégrer une telle clause dans le contrat de location permettrait en outre de responsabiliser le futur locataire.
L'état actuel du droit permet d'ores et déjà aux bailleurs d'expulser les locataires pour trouble de jouissance à l'aide d'une clause résolutoire qui peut être inscrite dans le bail, que ce soit dans le parc privé ou dans le parc social. Il n'est pas souhaitable de rendre obligatoire cette clause résolutoire en particulier, alors que toutes les autres sont laissées à l'appréciation des parties contractantes. Avis défavorable.
Même avis : comme l'a souligné Mme la rapporteure, en l'état actuel du droit, le bailleur peut expulser un locataire pour trouble de jouissance à l'aide d'une clause résolutoire qu'il peut inscrire dans le bail, qu'il se trouve dans le parc social ou dans le parc privé.
Il existe deux motifs de résiliation d'un bail : le défaut de paiement de loyer – on délivre dans ce cas un commandement avec un délai pour régularisation et, si ce délai est passé, on saisit le tribunal d'instance ; et la clause éventuellement insérée dans le bail d'user paisiblement des lieux loués. Je ne crois pas que l'amendement ajouterait quelque chose. Pour avoir plaidé quelques centaines, voire quelques milliers de cas de ce type dans ma carrière, je ne vois pas ce qui pourrait manquer en la matière.
Si cette possibilité est d'ores et déjà offerte, force est de constater qu'il y a un dysfonctionnement, car elle est très rarement utilisée.
Ce que nous demandons au travers de cet amendement va en réalité bien au-delà : c'est que quand des troubles sont constatés, ils soient systématiquement signalés à la police et à la gendarmerie, et qu'en cas de répétition, cela donne lieu à une expulsion immédiate du locataire qui perturbe l'ensemble de l'immeuble, voire du quartier.
Il existe aujourd'hui une faille dans la législation. On voit bien qu'au quotidien, quel que soit le quartier, la loi ne s'applique pas. C'est pourquoi il faut la renforcer pour rendre les choses systématiques et remettre de l'autorité au coeur de nos quartiers.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous avez raison, monsieur le ministre, il y a deux cas qui permettent d'engager une procédure d'expulsion – sauf qu'il y en a un qui est factuel et irrécusable, la dette, tandis que l'autre est beaucoup plus aléatoire. Je pense donc qu'il convient de créer un cadre qui permette à la justice de travailler avec les bailleurs.
Pour ma part, j'ai déjà fait expulser des dealers, mais c'est parce que le directeur départemental de la police du moment, le préfet du moment et le procureur du moment ont joué le jeu – ce qui supposait un alignement des planètes assez exceptionnel !
Sourires.
Ils ont transmis à l'appui de ma procédure les procès-verbaux de perquisition de l'appartement qui prouvaient qu'il y avait de la drogue et des armes sur place. C'est ce qui nous a permis d'engager une procédure. Quelques mois plus tard, une demande similaire a essuyé un refus : ce n'était plus le même préfet ni le même procureur… Il faudrait donc que cela devienne une règle afin d'inciter les bailleurs à appliquer une politique ferme en la matière – mais c'est plutôt le projet de loi sur la justice qui nous permettra de le faire.
Peut-être est-ce le résultat de plusieurs dizaines d'années d'exercice de la profession d'avocat, qui m'ont vu plaider fréquemment pour des bailleurs sociaux, mais je reste sur ma position. L'article 4, modifié par la loi du 24 mars 2014, de la loi du 6 juillet 1989 précise très clairement ce que sont les clauses non écrites, et en exclut le non-respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. Je ne vois pas ce que l'adoption de ces amendements apporterait. On peut, comme le demandait M. Pupponi, prévoir des modalités afin d'améliorer les choses sur le terrain, mais, au point de vue législatif, l'arsenal dont disposent les tribunaux est suffisant.
Sur les amendements identiques nos 346 et 1171 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous laisse, mes chers collègues, le soin de regagner vos places.
… …… …… …… …… …… …… …… …… …… …… …… …… …… …… …….
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 346 et 1171 .
Il est procédé au scrutin.
Pour l'adoption | Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants 130Nombre de suffrages exprimés 120Majorité absolue 61Pour l'adoption 23Contre 97 |
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 2318 .
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui qui tendait à interdire les expulsions sans relogement. Alors que plus de 140 000 personnes sont d'ores et déjà sans domicile fixe, le nombre d'expulsions locatives a atteint, en 2016, un nouveau record, avec augmentation de 140 % sur quinze ans.
À défaut d'obtenir le principe d'une interdiction des expulsions sans relogement, nous souhaitons, avec cet amendement, que les bailleurs sociaux désireux de procéder à une expulsion soient tenus de proposer une solution de relogement aux locataires concernés. Il nous semble que le logement social devrait être exemplaire dans la prévention des expulsions.
L'instruction ministérielle du 22 mars 2017 relative à la mise en oeuvre du plan interministériel pour la prévention des expulsions locatives prévoyait déjà, d'ailleurs, « une politique spécifique au parc social » qui serait définie « afin de tendre vers un objectif "zéro expulsion sans relogement" pour les locataires qui y demeurent ». Cet amendement vise à faire de cette instruction une réalité en l'inscrivant dans la loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il s'agit en effet d'un amendement de repli : je ne reprendrai donc pas mon argumentaire. Je rappellerai seulement que tous les efforts sont faits, notamment grâce aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives – CCAPEX – , afin de trouver des solutions de relogement avant tout recours à la force publique. Avis défavorable.
Défavorable également. Conditionner l'exécution de la décision de résiliation du bail par une proposition de relogement par le bailleur paraît mission impossible. Une telle mesure ne peut être mise en oeuvre juridiquement.
Nous souhaitons néanmoins, monsieur le député, mener une politique de prévention des expulsions, comme le projet de loi l'illustre à travers plusieurs de ses articles. Mme la rapporteure a évoqué à juste titre les CCAPEX, dont les derniers chiffres de 2016 révèlent que, pour la première fois, le nombre d'expulsions a diminué, s'établissant à 15 000 au total. C'est encore beaucoup trop au regard de ce que l'on pourrait espérer, certes – et je plaide moi-même pour qu'on les prévienne autant que faire se peut – , mais on constate, pour la première fois, une légère décrue.
La politique de prévention des expulsions doit être poursuivie par des interventions le plus en amont possible. De fait, c'est lorsque les dettes s'accumulent que la situation devient très délicate et qu'elle débouche sur les décisions d'expulsion.
L'amendement no 2318 n'est pas adopté.
Il s'agit, à travers cet amendement, d'aider certains propriétaires qui rencontrent malheureusement des difficultés. Les cas de violation de domicile et d'occupation des biens immobiliers par des squatteurs, qui font un usage extrême du droit existant pour demeurer dans les lieux, sont hélas toujours aussi répandus.
Cette atteinte manifeste au droit de propriété est inacceptable. Le recours à la justice privée est également inquiétant, et démontre que notre arsenal juridique est aujourd'hui inefficace pour lutter contre les squats. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites se trouvent donc dans une situation d'impuissance à laquelle nous devons répondre.
Aussi nous paraît-il important de modifier le code pénal, pour faire obligation au tiers occupant dépourvu de droit et de titre de prouver sa bonne foi par la présentation d'un titre de propriété, d'un contrat de bail le liant au propriétaire de l'immeuble occupé ou d'une convention d'occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien.
Il faut également donner la possibilité au propriétaire, après qu'il a déposé plainte et apporté la preuve que le logement est occupé de manière illicite, de demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux.
Les propriétaires confrontés à ces squats, monsieur le ministre, attendent une réponse de votre part afin de pouvoir conserver la jouissance de leur bien en toute quiétude.
Cet amendement s'inspire d'une proposition de loi que j'ai déposée en 2015. Je m'efforcerai d'en exposer la philosophie.
Aujourd'hui, le code pénal protège la vie privée, et la Constitution protège la propriété. Cependant, le code pénal ne s'appliquant qu'au cas de violation de la vie privée, il se réfère à la notion de « domicile ». Le droit vous protège si quelqu'un pénètre dans votre domicile, y compris s'il s'agit d'une résidence secondaire – que le juge peut considérer, par extension, comme votre « domicile ». Mais si, comme ce fut le cas d'un propriétaire à Garges-lès-Gonesse, vous possédez une maison, que vous ne l'occupez plus – en l'occurrence, ce monsieur était allé vivre avec quelqu'un – et que des personnes y pénètrent, celle-ci devient leur domicile, si bien que le droit ne vous protège plus, et ce en dépit de la loi votée en 2015 pour empêcher le phénomène du squat. Si les occupants sont en mesure de prouver qu'ils sont là depuis plus de quarante-huit heures, c'est vous qui attentez à leur vie privée en essayant de pénétrer dans le domicile, quand bien même celui-ci est votre propriété !
À Garges-lès-Gonesse, le propriétaire a tenté de se défendre par des moyens juridiques. Sauf que, passé un certain délai, cela déclenche des procédures judiciaires et la saisie d'un juge, ce qui suppose d'avoir des connaissances juridiques et de faire appel à un avocat… Les personnes confrontées à ces problèmes ne sont pas toujours très riches, il peut s'agir d'un petit pavillon. On se souvient ainsi de l'affaire Maryvonne, à Rennes, il y a trois ans.
À la fin, ce sont des jeunes qui sont venus déloger les squatteurs, ce qui a provoqué des troubles à l'ordre public et des batailles de rue. Le problème, c'est que ces personnes qui ont exercé une justice privée sont évidemment passibles de poursuites pénales – le code pénal prévoit d'ailleurs des sanctions assez dures en pareil cas.
À travers le présent amendement, je propose que toute occupation sans droit ni titre – ni bail, ni rien d'autre – soit en elle-même constitutive d'un délit pénal. Cela suppose donc d'étendre les dispositions de l'article 226-4 du code pénal, qui ne visent que le « domicile », à toute « propriété immobilière ».
Le coeur de ce débat, mes chers collègues, c'est donc la défense du droit de propriété. Aujourd'hui, des associations professionnelles expliquent, sur des sites internet, comment abuser du droit et faire d'un squat un domicile. Le droit est ainsi contourné, et le droit de propriété n'est plus défendu dans ce pays, comme plusieurs affaires l'ont démontré.
Dans ma circonscription, à Pertuis, une résidence était devenue une zone de non-droit. Il a fallu que la police finisse par intervenir, l'an dernier, car les trafics de drogue s'y étaient développés : les voisins du logement squatté vivaient dans la terreur, non seulement d'emprunter les cages d'escalier, mais tout simplement de sortir de leur propre appartement.
Le présent amendement vise donc à réparer ce qui me semble être un oubli et à étendre, au sein du code pénal, les dispositions qui défendent le droit de propriété.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ils visent à assurer la protection exclusive de la propriété privée en transformant un délit qui, actuellement, protège le domicile, autrement dit la vie privée.
L'instauration d'une présomption de culpabilité est délicate au regard de la jurisprudence constitutionnelle. Elle l'est d'autant plus lorsqu'elle ne peut pas être combattue par tout moyen. Or les amendements listent trois documents limitatifs permettant de prouver la bonne foi. Cela me semble présenter un risque constitutionnel. Avis défavorable.
Défavorable également. Il est ici proposé d'inverser la logique de présomption. Nous considérons que la situation visée doit demeurer dans le champ du droit civil. La charge de la preuve étant inversée, on pourrait très bien utiliser la mesure proposée pour, par exemple, expulser un locataire qui dispose d'un droit et d'un titre.
L'instauration d'une présomption de culpabilité contrevient à la jurisprudence constitutionnelle.
Je comprends l'objectif poursuivi par ces amendements, au vu de situations jugées inacceptables depuis des années. Vous avez déposé, monsieur Aubert, une proposition de loi que nous avons examinée sur le plan purement juridique – je ne parle pas de l'approche politique que l'on peut en avoir – afin de déterminer si elle est constitutionnellement recevable. Or, selon l'analyse de la Chancellerie, elle présente en effet des risques constitutionnels.
Je n'utilise que rarement cet argument – on me l'a suffisamment opposé ! – mais il y a là, me semble-t-il, un vrai débat.
J'espère en effet que nous aurons un vrai débat de fond, au Parlement, sur la protection du droit de propriété : le groupe Les Républicains a déposé une proposition de loi sur ce sujet. Je ne dispose pas, monsieur le ministre, de services de la qualité de ceux du Gouvernement. Par conséquent, je suis preneur de toute solution permettant d'améliorer cette proposition de loi.
Cela dit, je veux quand même vous répondre. Vous reprochez à ces amendements d'instaurer une présomption de culpabilité. Non ! Il n'y a aucune présomption de culpabilité dans le cas d'un squat.
Vous parlez des locataires indélicats. Mais il n'y a, dans ce que nous proposons, aucun critère subjectif ! Il s'agit de savoir si l'occupant du logement dispose d'un titre, d'un bail, ou non. C'est très simple !
Nous ne parlons pas, ici, d'un locataire « mauvais payeur » : lui, il a un bail ! Nous parlons de quelqu'un qui se serait installé chez vous sans être en mesure de prouver que, à un moment ou à un autre, vous avez bien voulu le laisser entrer, ou qui est resté dans le logement après l'expiration de son bail.
Il y a en effet un débat très intéressant sur le fait de savoir si la question relève du civil ou du pénal. Ma conviction, monsieur le ministre, est que lorsque des affaires finissent par se régler en justice privée, que des individus en viennent à faire le travail de la justice et que cela conduit à des débordements dans l'espace public, le sujet relève du pénal.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Des centaines, pour ne pas dire des milliers de gens, propriétaires comme locataires, vivent ces affaires comme des drames. On ne peut, en arguant de petites imperfections techniques, repousser la question. Entrons dans le débat, modifions la loi pour traiter le problème !
Si le Conseil constitutionnel juge qu'une partie du texte ne convient pas, alors il la censurera et nous remettrons l'ouvrage sur le métier. Reste que beaucoup de gens, très attentifs à ce problème, attendent du Parlement qu'il prenne ses responsabilités.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, je regrette la nature de vos réponses. Sur un sujet aussi concret, je suis déçu que vous n'ayez placé votre réponse que sur le plan du droit.
Julien Aubert a évoqué un exemple à Rennes, qui a ému toute la France. Sans droit ni titre, quelqu'un peut s'approprier un logement inoccupé par son propriétaire depuis quelques jours, simplement en l'occupant. Si j'entends la réponse d'un point de vue juridique, je ne comprends pas celle qui est apportée au propriétaire de ce logement.
Sans être juriste, je crois que le droit s'applique à partir de ce que les députés et les sénateurs, c'est-à-dire le Parlement, ont voté dans la loi. Il s'applique à partir de ce que nous avons inscrit dans la loi, que nous fabriquons ici.
J'aurais aimé, monsieur le ministre, que vous puissiez entrouvrir la porte et la fenêtre, pour laisser des perspectives à ces propriétaires qui, devant des situations semblables à celles que Julien Aubert a décrites, se trouvent démunis.
Nous venons de débattre du projet de loi découlant des états généraux sur l'alimentation pendant soixante-dix-sept heures et onze minutes.
Nous montrons là à nos concitoyens que, finalement, les députés et les sénateurs sont démunis devant les situations concrètes qu'ils vivent.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes un ministre concret, pragmatique, qui connaissez la vie réelle. J'aurais aimé, non pas que vous apportiez une réponse directe, mais que, par une réponse appropriée, vous laissiez une ouverture à l'amendement de M. Aubert.
Monsieur le ministre, j'entends vos arguments d'ordre constitutionnel. Mais je ne suis pas convaincue que vous reviendrez dans cet hémicycle pour défendre un nouveau projet de loi relatif au logement dans les semaines ou les mois à venir, voire avant la fin de la législature : je trouve regrettable que cette question n'ait pas été traitée, alors que ce projet de loi aborde de très nombreux sujets.
Comme mes collègues l'ont dit, c'est une question importante, qui a fait à plusieurs reprises la une de l'actualité. On a montré la détresse de certains propriétaires face à leur impuissance juridique. Il est vraiment regrettable qu'à travers le présent projet de loi, vous n'ayez pas pris le temps d'examiner cette problématique, pour proposer à la représentation nationale une solution qui puisse sécuriser les propriétaires et leur donner des solutions à des situations totalement inacceptables.
J'aurais du mal à comprendre que nous puissions sortir du débat sur la loi ELAN sans avoir trouvé une solution efficace à ce problème.
C'est incompréhensible, pour le commun des mortels : que quelqu'un puisse entrer en toute impunité dans le bien d'autrui et que l'on ne puisse pas l'en faire sortir à moins de six mois de procédure judiciaire, on ne peut pas le comprendre !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR et quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
En tant que député d'une circonscription incluant Garges-lès-Gonesse, j'ai vu des propriétaires appeler des milices privées pour déloger des squatteurs, sous les applaudissements et les félicitations des habitants du quartier, de type « Vous, au moins, vous agissez ! » Quand la République est impuissante, les habitants décident de faire le ménage, dans des conditions illégales – en l'occurrence, ils ont dégagé manu militari les squatteurs.
Par ailleurs, ce ne sont plus simplement quelques squatteurs qui décident d'occuper des biens, mais de véritables réseaux organisés qui se développent. À Sarcelles, un réseau organisé a pris de force un immeuble neuf, construit par Action Logement dans un quartier rénové par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU. Il y a installé vingt locataires squatteurs, en encaissant bien sûr les loyers. Action Logement, avec la police, a dû déloger les locataires, murer l'immeuble neuf et le rénover, alors qu'il venait d'être livré !
Ces réseaux organisés choisissent des immeubles dont la construction vient d'être achevée et installent eux-mêmes des locataires, qui squattent l'immeuble. Et la police, dans l'attente d'une décision de justice, ne peut rien faire… Vous pensez bien que dans un quartier neuf, rénové par l'ANRU, les habitants vont voir leur député, leur maire ou le commissaire pour qu'il fasse quelque chose ! Or tout ce que nous pouvons leur dire, c'est que ma foi c'est comme ça, et qu'il faut attendre une décision de justice… Et pendant ce temps-là, le réseau organisé touche les loyers !
Nous ne pouvons plus leur dire cela. Devons-nous agir dès maintenant ou attendre la nouvelle lecture du projet de loi ? Je ne sais pas. Mais nous ne pouvons pas achever la discussion du projet de loi ELAN sans avoir fait évoluer la loi dans ce domaine, pour donner le sentiment aux citoyens que la République est capable de mettre un terme à ces pratiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Julien Aubert, a cité deux situations qui ont été fortement médiatisées, mais il existe des milliers de cas en France. Pour ce qui me concerne, j'ai rencontré des dizaines de propriétaires.
Les vacances sont une période idéale pour cela : des spécialistes, véritables bernard-l'hermite professionnels, identifient les appartements libres, s'y installent pendant l'été et n'en bougent plus car, depuis de très nombreuses années, la loi comprend visiblement un vice que personne n'a encore corrigé. Il est légitime de se pencher aujourd'hui sur ce bug, car il existe des milliers de cas similaires, qui n'ont pas été médiatisés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LR.
Monsieur le ministre, puisque vous invoquez le sujet constitutionnel, je vous rappelle que le droit de propriété figure bien dans le bloc de constitutionnalité. Par conséquent, la jurisprudence constitutionnelle que vous avez évoquée devra être réconciliée avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui n'est pas non plus une référence sur laquelle on peut s'asseoir.
Par ailleurs, outre la proposition de loi que j'ai déposée, je vous indique que le président Le Fur a également proposé une amélioration du droit dans ce domaine, qu'il est dans l'impossibilité de défendre. La discussion actuelle, la nouvelle lecture ou la proposition de loi qui sera débattue le 21 juin sont autant d'occasions d'envoyer un signal aux propriétaires concernés.
Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, je ne demande que d'avoir un dialogue avec vous d'ici cette date pour, enfin, sortir main dans la main et de manière transpartisane de ce problème, en montrant que les parlementaires de tous bords confondus sont capables de faire fi de leurs différences idéologiques, pour régler les problèmes concrets des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce sujet, comme d'autres, fait consensus sur nos bancs car nous connaissons tous ces réalités sur le terrain. Si j'osais, je demanderais à mon collègue de retirer son amendement car, en effet, il soutiendra la semaine prochaine une proposition de loi sur ce sujet en commission des affaires économiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
L'intention est louable et partagée, mais il est important que nous puissions travailler la question juridique de façon approfondie. C'est pourquoi le groupe La République en marche ne votera pas ces amendements, mais s'associera aux travaux qui seront conduits à partir de la semaine prochaine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir. M. Stéphane Peu applaudit.
Nous avons tous de tels exemples en tête, et pas seulement dans les villes. En tant qu'élu d'une circonscription rurale, j'ai rencontré plusieurs familles dont la maison était occupée : ils font un recours, le tribunal ordonne l'expulsion, mais comme c'est l'hiver, cela peut traîner pendant plus d'un an… Sans compter les dégâts occasionnés dans l'habitation !
Les habitants ne comprendraient pas que nous ne fassions rien. C'est le moment d'agir. Parce que l'ensemble des groupes politiques et du Gouvernement en ont la volonté, je propose que le dispositif soit revu de façon précise, dans le cadre de la présente loi.
Mes chers collègues de la majorité, vous voyez que ces amendements parviennent à rallier, de façon unanime, des députés Nouvelle Gauche, MODEM, Les Républicains et UDI-Agir.
Sur ce sujet essentiel qu'est l'atteinte au droit de la propriété, qui attente au patrimoine que les Français ont constitué, à leur domicile, à leur maison, il faut constater qu'aujourd'hui, nous n'arrivons simplement plus à faire respecter le droit.
Ce que nous vous demandons, c'est de pouvoir agir pour que nos droits soient respectés en France et que nous ayons les outils juridiques pour le faire. Les Français en ont assez des politiques qui n'arrivent pas à régler leurs problèmes quotidiens. Vous le savez, car vous l'avez vécu pendant la campagne, et c'est pour cela qu'il y a eu autant de renouvellement.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR et quelques bancs du groupe MODEM.
Il n'y a pas grand risque juridique à voter l'amendement de Julien Aubert, puisque nous sommes en pleine navette. Et il n'y a pas de raison, monsieur Nogal, de repousser encore ce sujet au débat en commission.
Nous sommes là pour débattre, et nous sommes en plein dans le sujet du projet de loi. Si nous parvenons à nous unir pour voter ces amendements, les Français seront fiers de nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR – Mme Deprez-Audebert applaudit aussi.
« Bravo ! » sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir
en précisant qu'il doit clairement viser l'ensemble des propriétaires, à la fois les propriétaires du parc privé et les propriétaires sociaux, comme François Pupponi l'a indiqué. La problématique porte en effet sur l'ensemble du patrimoine, qui est confronté à des pratiques de cette nature.
Nous convenons tous que le sujet est d'importance. Certains redoutent que les amendements ne soient pas constitutionnels. Nous pouvons donc soit demander leur retrait, pour les retravailler pendant la navette,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
soit les voter, afin de ne pas oublier de les retravailler pendant la navette !
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LR et UDI-Agir.
Monsieur le ministre, comme l'attestent les interventions de différents groupes, vous avez l'occasion ici de faire montre de l'ouverture d'esprit qui a été la vôtre au cours de ces journées de débat. L'occasion vous est donnée d'accepter ces amendements et de les retravailler ensuite. C'est un signal fort à l'intention des propriétaires et de l'ensemble de la représentation nationale, qui travaille depuis plusieurs jours sur ces sujets.
Vous montrerez par-là que votre projet de loi traite de toutes les questions. C'est un signal important pour l'ensemble des Français !
Nous avons tous conscience du problème, mais il faut voir quelle réponse cette proposition apportera, notamment en pratique.
En matière d'expulsion, monsieur le ministre l'a rappelé, c'est le juge civil qui a le monopole. Le délit spécifique que les auteurs des amendements suggèrent conduira à un déplacement de la totalité du contentieux vers le juge pénal.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mais si ! Et le juge pénal n'est pas un spécialiste et a du mal à appréhender ces questions, notamment celles du contrat de bail et de l'occupation sans droit ni titre.
En adoptant un amendement plein de bons sentiments, vous risquez en fait d'aggraver le problème. Le sujet est évidemment majeur, mais la sagesse, c'est de repousser ces amendements.
Les exemples donnés, que ce soit par M. Pupponi ou par des députés du groupe Les Républicains, reflètent un problème bien réel : c'est celui de la personne qui revient de vacances et qui trouve son logement occupé. Elle doit montrer qu'il a été occupé moins de quarante-huit heures pour espérer une intervention de la police, sans quoi elle doit, M. Pupponi a raison, se débrouiller par ses propres moyens.
Mais, chers collègues du groupe Les Républicains, je suis tenté de vous retourner ce que vous nous avez demandé hier, et que le Gouvernement a fini par accepter, s'agissant de la priorité accordée aux victimes de viol et d'agression sexuelle pour l'accès à un logement social. Vous nous avez dit que notre amendement n'était pas très bien écrit et qu'il fallait y retravailler au cours de la navette parlementaire, afin d'apporter la bonne réponse.
Là où vos amendements me posent problème, c'est qu'ils mélangent tout !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous mélangez tous les cas, tous les types de squats ; vous ne faites aucune différence entre l'occupation du logement d'une personne qui y habite effectivement et celle d'un immeuble vide.
J'estime pour ma part que le droit de réquisition n'est pas suffisamment appliqué en France, tout comme le droit au logement opposable – DALO. Il faut donc établir une distinction forte entre le cas d'une association qui décide d'occuper un immeuble vide depuis plusieurs années, pour des raisons qui ne tiennent parfois qu'à la volonté de spéculation immobilière d'un propriétaire privé ou d'une grande société, et le cas de ces bandes décrites par M. Pupponi qui organisent le squat sauvage d'habitations.
Je ne peux pas voter un amendement qui confond ces deux cas, et qui va punir certes des gens qui méritent effectivement de l'être, mais aussi des gens qui exercent eux-mêmes le droit de réquisition sur des logements vides.
Je vous propose qu'avec l'accord de tous les groupes, nous utilisions la navette pour apporter des réponses plus rapides aux occupations sauvages, notamment en faisant sauter la condition que le logement doive être occupé depuis moins de quarante-huit heures pour que la police agisse, en les distinguant de ce que j'appellerai les « squats d'habitation ». Il doit être possible de trouver une solution.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le problème, monsieur Coquerel, c'est que l'on ne peut pas établir de distinction par type d'utilisation de l'immeuble. La seule différence que l'on peut faire, c'est en fonction de catégories existantes : résidence principale, résidence secondaire, ou lieu vacant. Vous parlez, vous, des immeubles vacants.
Or vous ne pouvez pas faire de différence entre un immeuble entier, appartenant à une grande entreprise et laissé vide, et la maison vacante d'un monsieur qui habitait ailleurs et qui, devenu veuf, veut y revenir – un monsieur, s'il fait partie des classes populaires, dont ce bien constitue toute l'épargne ! Il n'a alors plus nulle part où aller ! Il y a une misère sociale derrière ces histoires.
Je le redis, on ne peut pas établir de distinction entre ces deux types de vacance.
Monsieur Gauvain, le juge civil et le juge pénal sont tous deux des juges judiciaires, gardiens des libertés. Le problème que vous soulevez ne se pose donc pas. De plus, dire que seul le civil peut connaître de ces sujets, c'est nier les troubles à l'ordre public causés aujourd'hui par ces problèmes de squats, et c'est perpétuer le système actuel, qui conduit en effet les gens à se faire justice eux-mêmes.
Encore une fois, nous ne parlons pas d'un ou deux, mais de milliers de cas. Nous avons identifié un vide juridique : ne rien faire, c'est tout simplement encourager la fraude et la délinquance.
Voter ces amendements, c'est montrer que nous avons identifié le problème et que nous avons commencé à nous y attaquer – quitte à faire évoluer le texte par la suite.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LR.
Il ne s'agit pas d'encourager la fraude et la délinquance ! Ces amendements mettent la charrue avant les boeufs. Aujourd'hui, le DALO n'est pas appliqué, et des gens sont à la rue. J'ai été élu à Bordeaux, où il y a plus de 20 000 logements vides et 2 000 personnes à la rue !
Commençons par traiter le problème des personnes qui vivent dehors été comme hiver, et que personne n'est fichu de mettre à l'abri pour préserver leur vie, tout simplement ! Voilà la priorité. Ensuite, on reparlera des amendements sur les problèmes de squats.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur Benoit, vous avez eu l'amabilité de dire que j'étais concret et pragmatique.
« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe LR.
Je ne dirai pas n'importe quoi car ce sujet, ce n'est pas n'importe quoi. Le problème est bien réel, et je comprends parfaitement que les députés veuillent adresser un message à la nation. Mais nous écrivons la loi, vous le savez comme moi – et j'ai entendu des mots sur le droit qui m'ont un peu choqué. Je ne pense pas qu'il faille adopter ces amendements, car cela ne rendrait pas service à nos concitoyens, et en particulier à ceux à qui vous voulez apporter des solutions.
Monsieur Pupponi, je ne m'attendais pas à cela de votre part. J'ai envie de vous dire : pas vous, pas ça, pas dans ces conditions !
Je vous le dis comme je le pense, puisque nous avons l'habitude de nous dire les choses.
Je ne vais pas remonter aux calendes grecques. Mais si ces situations étaient faciles à régler, ce serait fait depuis belle lurette, disons-le-nous !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je ne dis pas qu'il ne faut rien faire ! Mais on confond ici le droit pénal, le droit civil, le respect de la propriété privée et la violation de la vie privée… Ce sont des choses bien différentes et nous devons trouver des solutions appropriées. Il serait inexact de prétendre – je l'ai entendu – qu'il n'existe pas de dispositions pénales. Il y en a déjà ! Le problème, c'est leur application.
Je ne vous le fais pas dire.
Depuis 2015, l'article 226-4 du code pénal punit l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ainsi que le maintien dans le domicile qui peut suivre. Lorsque ces faits sont constatés de manière flagrante au sens de l'article 53 du code de procédure pénale, l'évacuation forcée est possible, permettant l'arrestation des auteurs de l'infraction ; l'occupant légitime peut ainsi récupérer l'usage de son domicile.
Le problème, je le redis, c'est l'application ! C'est donc en partie un problème de politique pénale. À mon sens, les textes existants permettent de résoudre ces situations. Mais il y a un problème dans les dispositions législatives relatives à l'exécution.
Je prends l'engagement personnel, en tant que ministre de la cohésion des territoires, de travailler à un texte avec vous, durant la navette, pour améliorer la situation. Je considère en effet que la situation n'est pas bonne. Voilà ma proposition.
Je ne peux pas accepter cet amendement qui ne me semble pas apporter une solution juridique satisfaisante. Mais je m'engage, je le redis, à travailler avec M. Aubert…
Écoutez, votez-le si vous voulez, mais je vous donne la position du Gouvernement et je vous dis ce que je pense personnellement d'un point de vue juridique. Cet amendement ajoute de la confusion.
Enfin, j'ai reçu pas mal de leçons depuis mercredi, monsieur Peu. Mais là, franchement, ce n'était pas mal !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, j'entends votre argumentation. Nous sommes tous d'accord sur le constat : non seulement ces situations existent, mais il n'y a pas de maire qui n'ait pas, à un moment ou à un autre, connu des cas concrets.
Vous nous dites qu'il y a une réponse pénale : certes, mais la difficulté d'application est bien réelle. Il faut donc corriger nos textes. Vous nous proposez d'utiliser la navette. Mais nous sommes en procédure accélérée ! C'est sur le texte qui lui sera transmis par l'Assemblée nationale que le Sénat travaillera. Il faut donc adopter cet amendement, afin que ce débat ait à coup sûr lieu à la Haute Assemblée.
Vous pourrez, d'ici là, travailler à des propositions de corrections. Mais si nous ne votons pas ces amendements, il n'y aura pas de travail pendant la navette ! Il faut que les sénateurs puissent se saisir du sujet, et que la discussion ait lieu. Sinon, en procédure accélérée, et quelle que soit votre bonne foi, dont personne ne doute monsieur le ministre, le sujet sera mis de côté.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Monsieur le ministre, j'ai dû louper un épisode : je ne comprends pas du tout votre réaction. Ce que j'ai dit, au nom du groupe Nouvelle Gauche, c'est que nous sommes confrontés à un vrai problème, absolument insupportable pour nos concitoyens, et que nous ne pouvons pas achever nos débats sur le texte ELAN sans proposer de réponse.
Si, sur un texte relatif au logement, nous ne traitons pas d'un sujet pareil, nous commettons une faute, une faute collective ! Faut-il voter ces amendements maintenant, faut-il amender le texte au Sénat, le Gouvernement doit-il déposer son propre amendement ? Je ne sais pas. Mais ne pas répondre à une telle question, qui prend de plus en plus d'importance, serait très mal compris par nos concitoyens.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 151 |
Nombre de suffrages exprimés | 140 |
Majorité absolue | 71 |
Pour l'adoption | 56 |
contre | 84 |
L'amendement no 1942 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Actuellement, la procédure d'expulsion d'un mauvais payeur de mauvaise foi comprend au moins six mois incompressibles pour le propriétaire : deux mois de délai suite au commandement à payer avant assignation, deux mois entre la notification au préfet et l'audience, deux mois avant l'exécution de la décision d'expulsion. À ce délai incompressible se rajoutent des délais supplémentaires : surcharge des tribunaux, les différents recours, trêve hivernale…
L'allongement des délais condamne les propriétaires à l'occupation sans titre de leur logement. Cet amendement entend donc répondre, en partie, à cette difficulté pour les propriétaires en divisant par deux les six mois incompressibles.
L'amendement no 784 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mireille Robert, pour soutenir l'amendement no 2985 .
L'amendement no 2985 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
« Quand il n'y a pas de toit, il n'y a plus de droits. » Vous connaissez l'auteur de cette citation : c'est l'abbé Pierre. Selon nous, en effet, le droit au logement est l'un des droits fondamentaux, comme la santé, l'accès à la nourriture, à l'eau ou à un air non pollué, dont aucun être humain ne devrait être privé. Tout à l'heure, M. le ministre nous a expliqué qu'il y avait eu une amélioration en 2017 du nombre de ménages expulsés avec le concours de force publique, puisqu'il y avait eu 15 000 expulsions au lieu de 15 222 l'année précédente. En réalité, l'augmentation de ces expulsions est dramatique, puisqu'elles ont augmenté de 140 % en quinze ans. Ces chiffres sont à lire en rapport avec ceux donnés chaque année par la Fondation Abbé Pierre : il y a 4 millions de personnes mal logées ou privées de domicile et 12 millions qui voient leur situation fragilisée par la crise du logement.
Selon les derniers chiffres, dans la capitale de la cinquième puissance économique du monde, dans la nuit du 15 au 16 février, à Paris, lorsqu'il faisait si froid, on a comptabilisé pas moins de 3 000 SDF. S'il devait y avoir un premier droit, ce devrait être celui-là. Il n'est pas admissible que quelqu'un soit privé de logement dans notre pays aujourd'hui.
Contrairement à ce que nous avons pu entendre sur certains bancs de cet hémicycle, la très grande majorité, la quasi-totalité des gens qui vivent dehors le font de manière contrainte. Nous devons trouver une solution, afin de prévenir le cercle vicieux dans lequel tombent ceux qui se retrouvent dehors. Les expulsions, évidemment, font courir à une personne déjà fragilisée – c'est parce qu'elle est fragilisée qu'elle ne peut pas payer son loyer – le risque de se retrouver dehors, parfois avec sa famille, voire ses enfants. Il suffit de circuler dans n'importe quelle ville de France pour voir ces personnes. C'est pourquoi nous proposons, au nom de ce droit fondamental, qu'il ne puisse pas y avoir d'expulsion sans solution de relogement. Il faudrait écrire en grand dans la Constitution que personne ne devrait être sans logement. Notre amendement est à destination des personnes qui ne peuvent pas se payer un logement au moment de l'expulsion.
Si je ne me trompe pas, c'est le troisième amendement que vous proposez en ce sens. Comme je vous l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises, tous les efforts sont faits, notamment avec les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, pour trouver des solutions de relogement avant l'intervention de la force publique. Cette question est déjà prise en compte par les services sociaux. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Madame la rapporteure, je ne doute pas que tout le monde fasse du mieux qu'il peut. Cela ne fait plaisir à personne d'expulser de pauvres gens. Nous le savons bien. Mais, pour avoir été élu local, je sais bien comment cela finit. À la fin des fins, quelqu'un passe entre les dents du peigne et se fait expulser avec sa famille. Nous avons tous connu cela. Les élus sont alors prévenus ; ils mettent leur écharpe ; vont faire du bruit devant la porte de l'intéressé ; et disent au commissaire qui s'est rendu sur place qu'il ne peut pas procéder à l'expulsion, parce qu'il y a un trouble manifeste de l'ordre public. Comme vous connaissez le commissaire, en tant qu'élu local, celui-ci vous regarde et vous dit que c'est vous, le trouble à l'ordre public. Il arrive un moment où c'est l'impasse.
On ne peut pas se contenter de dire que l'on a fait tout ce que l'on a pu. Si nous avions fait tout ce que nous pouvions et qu'il y avait, malgré tout, 3 000 personnes dans la rue, c'est que nous n'avons pas la solution. Il faut en amorcer le cycle. Nous ne disons pas que notre solution est la bonne idée qui réglera définitivement le problème. Mais si vous imposez de reloger quelqu'un qui a été expulsé, vous amorcez un cercle vertueux. L'élu local, confronté à cette obligation, fera une demande de réquisition au préfet, qui fera réquisitionner des surfaces vides. En s'en remettant à la seule bonne volonté, on obtient le résultat qui est sous nos yeux.
J'ai vécu assez longtemps pour m'étonner de ce que je vois. Du temps où j'étais gamin, dans un pays qui était fort pauvre à l'époque, il y avait une ou deux personnes qui dormaient en bas, dans la rue. Lorsque nous avons été rapatriés, ce qui nous a frappés, sur la terre de France, c'est que personne ne dormait dans la rue, ni ne mendiait. Vous me direz que nous avions peut-être un regard biaisé et que nous ne voyions pas les bidonvilles.
Aujourd'hui, dans mon boulevard, il y a une vieille dame qui dort sur un matelas devant une banque en rénovation et, un peu plus loin, deux gars installés sur des cagettes et des journaux. Que faisons-nous ? Ce que nous pouvons, nous aussi. Une fois, c'est une pièce ; une autre, un mot amical ou un sourire. Mais ce n'est pas dans ces conditions-là que nous voulons vivre. Que devons-nous faire ? Téléphoner ? Mais pour appeler qui ? On m'a répondu une fois – c'était le comble ! – qu'ils ne voulaient pas partir et que cela ne servait à rien de discuter. Mais renseignez-vous auprès de ceux qui s'occupent des gens dans la rue ! Un homme qui reste un an dans la rue mettra deux ans à être resocialisé, à réapprendre tous les circuits par lesquels passent le logement et les autres aspects de la vie en société. Le mal-logement est destructeur et extraordinairement coûteux pour la société.
Et puis… je le dis, parce que nous pouvons dire ces choses à l'occasion d'un débat parlementaire : que faites-vous, quand vous passez avec votre gosse à la main, cet enfant auquel vous essayez d'apprendre la morale et les bonnes manières, à qui vous dites, quand vous lui servez son assiette, de ne pas regarder dans l'assiette de son frère ou de sa soeur, mais de s'occuper de lui-même, soit de partager ? Que faites-vous, quand il vous demande dans la rue pourquoi on ne fait rien pour cette personne, pourquoi on ne lui dit rien ? Que devons-nous faire ? Non seulement nous nous endurcissons au spectacle de la violence que représente cet abandon, mais nous éduquons à l'indifférence à cette violence, bon gré mal gré. Si je n'en rends personne coupable dans l'hémicycle, nous avons tous cette expérience intime.
Débrouillez-vous, c'est vous qui gouvernez ! Pardon, monsieur le ministre, mais supposez que ce soit moi, on me dirait de même : « Débrouille-toi ! Si tu es là, c'est à toi de trouver la solution ! » On ne peut pas accepter que des gens soient dans la rue à se désocialiser, à grelotter de froid quand il fait très froid, de fièvre quand il fait très chaud, à faire leurs besoins entre les voitures, à chercher de l'eau potable, parce qu'il n'y a plus de fontaines dans nos villes, des bains-douches, qui ont disparu de nos villes, pour avoir un minimum de dignité humaine. C'est de tout cela dont nous parlons, pas seulement d'une quantité de gens à la rue, mais de la disparition de la dignité d'un être humain, à laquelle nous sommes indifférents. Je voulais à tout prix le dire, parce que, ce soir, quand je vais rentrer chez moi et que je vais revoir cette femme sur son matelas, en me faisant le reproche de ne pas en avoir un à lui proposer chez moi, je me dirai qu'au moins j'ai fait cela, et que je suis sûr que la plupart d'entre vous pensent exactement comme moi à cet instant.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur Mélenchon, permettez-moi de rappeler que l'article 40 vise à articuler les procédures de surendettement et d'expulsion locative, et permettra d'éviter les expulsions, notamment grâce au maintien dans leur logement des locataires ayant repris le loyer et s'acquittant du remboursement. Actuellement, les procédures d'expulsion et de surendettement ne sont pas coordonnées et sont même en contradiction.
Par ailleurs, vous avez parlé de votre connaissance du terrain. J'ai rarement fait allusion à mon expérience dans l'hémicycle, mais, en tant qu'élue locale et travailleuse sociale, adjointe d'un centre communal d'action sociale – CCAS – , j'ai travaillé pendant plus de vingt ans avec du public vivant dans la rue, auprès de centres d'hébergement et de réinsertion sociale – CHRS – et du fonds de solidarité pour le logement – FSL – , dans le cadre des préventions d'expulsion et de maintien dans les lieux. Il existe en effet un vrai problème auquel l'article 40 permettra de répondre : les locataires seront maintenus dans les lieux, après que leur dette aura été reprise et le propriétaire remboursé. Cela permettra d'éviter les expulsions. Permettez-moi aussi de saluer les services sociaux pour tout le travail mené auprès de ces personnes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Mélenchon, après vous avoir bien écouté lors de la discussion générale, je vous avais dit en aparté que je partageais le tableau que vous aviez brossé de l'évolution historique de la ville, mais qu'il restait à trouver les solutions. Nous essayons, avec des sensibilités différentes et des oppositions, d'avancer dans ce domaine. Comme vient de le dire la rapporteure, l'article 40, que j'ai tenu à insérer dans le projet de loi, représente un progrès dans la prévention des expulsions et le traitement de ces procédures.
Même si les procédures d'expulsion ont diminué entre 2016 et 2017, comme je l'ai dit, quand on voit ce que l'on voit, cela interpelle et l'on ne peut se réjouir de tels chiffres. Si je vous disais autre chose, humainement, je vous mentirais. Chacun ne peut qu'en être convaincu. Ce matin, la Fondation Abbé Pierre a communiqué son troisième regard européen sur le mal-logement, qui fait écho à ce que disait Stéphane Peu, hier ou avant-hier, sur la manière dont nous devons regarder ce qui se passe à nos frontières. Ce n'est pas une consolation, mais cela revient à ce que vous aviez dit en discussion générale : si nous ne sommes pas plus mauvais que les autres, et parfois même meilleurs, c'est à une crise de civilisation que nous devons faire face, pour des raisons que vous avez largement exposées et qui relèvent de la démographie ou de la construction de la nouvelle ville. Nous essayons, d'une manière peut-être inadéquate – tout du moins que vous ne partagez pas – , de trouver des solutions. Sachez que l'approche humaine n'a jamais été absente de nos réflexions.
Monsieur le ministre, j'entends bien ce que vous nous dites. Sans vouloir tomber dans le misérabilisme, vous savez que cela n'arrive pas qu'aux autres. Vous ne pouvez pas régler votre facture EDF ; on vous coupe le courant ; vous prenez un crédit à 20 % d'intérêts, parce que plus personne ne veut vous prêter d'argent. Mais vous avez aussi pris un crédit pour la cantine, parce que vous vous désoliez que vos enfants mangent un sandwich sur les marches de l'école, alors que les autres peuvent avoir un repas chaud. Et, ceci plus ceci plus ceci, jamais vous ne reprenez le paiement de votre loyer, non pas parce que vous ne voulez pas, mais parce que vous ne pouvez pas.
Comment peut-on accepter en France que des personnes se retrouvent à la rue, non pas parce qu'elles ne veulent pas payer leur loyer pour embêter le monde, mais parce qu'elles n'en ont pas les moyens financiers ? Cela m'est arrivé ! J'ai toujours eu la chance d'être bien entourée, mesdames et messieurs, d'avoir eu des gens qui ont bien voulu m'aider et des parents qui avaient mis quelques sous de côté pour me payer mon loyer.
Mouvements divers sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Mais cela n'arrive pas qu'aux autres, voyons ! Savez-vous ce que c'est que de vous coucher et de regarder vos enfants sans dormir, vous demandant si demain ils seront à la rue – non parce que vous ne voulez pas payer votre loyer, mais parce que vous ne pouvez pas ? Comprenez-le, il y a des situations en France où on n'y arrive pas : on a un travail, on a un salaire, mais on a pris des crédits pour payer d'autres factures et on se retrouve dans une situation tellement embrouillée qu'elle est impossible à démêler. Quand on me répond qu'il faut aller voir l'assistante sociale, sachez que cela implique de prendre rendez-vous en semaine, du lundi au vendredi, le matin ou l'après-midi ; c'est une demi-journée de congé à prendre auprès de votre employeur. Allez donc voir votre employeur et dites-lui qu'il vous faut une demi-journée parce que vous ne pouvez pas payer votre loyer ! Il y a vraiment des situations dramatiques, ne les laissons pas perdurer dans ce pays, s'il vous plaît !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne voudrais pas envenimer les débats, mais j'ai été assistante sociale pendant vingt-cinq ans, madame Fiat – voulez-vous m'écouter, s'il vous plaît ? – , et il y a des choses que je ne peux pas vous laisser dire.
En effet, il peut arriver que des personnes ne puissent pas payer leur loyer, et qu'il faille les accompagner ; nous avons tous rencontré ce genre de situations, écouté et entendu ces récits. Mais aujourd'hui, en France, la loi fait que lorsqu'une personne est expulsée, la procédure prend un an ou un an et demi, ou au moins six mois. Voilà la réalité ! Les personnes savent qu'au bout du bout, si elles ne paient pas leur loyer, elles s'exposent en effet à l'expulsion, mais avant d'en arriver là, tout un travail est mené par les travailleurs sociaux et par les élus.
Tout un travail d'accompagnement est également fait par les associations. Donc si l'on arrive au bout du bout, cela relève aussi de la responsabilité de la personne !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 106 |
Nombre de suffrages exprimés | 98 |
Majorité absolue | 50 |
Pour l'adoption | 7 |
contre | 91 |
L'amendement no 2310 n'est pas adopté.
C'est un plaisir pour moi que de défendre cet amendement de notre collègue Marc Le Fur. La situation est difficile puisqu'actuellement la flagrance justifiant l'intervention de la police doit être caractérisée sous un délai fixé à quarante-huit heures. Ce délai est manifestement trop court, et plusieurs réseaux de squatteurs ainsi que des associations profitent de cette faille connue pour squatter des locaux vides ou même occupés, le squat démarrant généralement les week-ends ou pendant les vacances. C'est pourquoi on propose d'instaurer un délai spécifique de constatation permettant d'établir à quatre-vingt-seize heures la flagrance applicable aux constats d'occupation illicite de locaux à usage d'habitation. Cette disposition permettrait d'élargir les constats de flagrance sans encombrer l'institution judiciaire et tout en respectant l'état du droit.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 1296 .
Comme nous l'avons déjà noté, les occupations illicites de domicile continuent de se multiplier et de défrayer la chronique, et la réponse de notre droit pénal à cette infraction demeure imparfaite. Mon collègue l'a souligné : la durée pendant laquelle on peut constater le flagrant délit est jugée trop courte ; cet amendement propose de la porter à quatre-vingt-seize heures au lieu de quarante-huit actuellement.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 202 .
La flagrance qui justifie l'intervention de la police en cas d'occupation sans droit ni titre de locaux à usage d'habitation doit être établie dans un délai de quarante-huit heures – un délai manifestement trop court dont les squatteurs profitent pour s'établir dans la durée. Le présent amendement vise à porter ce délai à soixante-douze heures. Je voudrais également regretter que les députés de La république en marche aient voté, à la demande du Gouvernement, contre les propriétaires, au risque de favoriser le squat ; c'est tout simplement inadmissible au moment où l'on discute des moyens d'améliorer l'accès à la propriété !
Ce vote discrédite la propriété et ôte aux propriétaires l'envie d'investir.
Je suis défavorable à ces dispositions qui ont pour but de fixer une durée précise et spécifique à la flagrance dans le délit de violation de domicile, alors même que l'article 53 du code de procédure pénale – texte général qui définit la flagrance pour l'ensemble des crimes et délits – ne fixe pas de durée pour la flagrance.
Votre préoccupation a été prise en compte par la loi du 24 juin 2015 : pour lever toute ambiguïté sur la nature continue du délit de violation de domicile, la rédaction de l'article 226-4 du code pénal a été modifiée afin que le maintien dans le domicile reçoive la même qualification et les mêmes peines que l'introduction dans les lieux.
Vous êtes bien défavorable à l'ensemble de ces amendements, assez différents les uns des autres ?
L'amendement no 1910 n'est pas adopté.
L'amendement no 202 n'est pas adopté.
On en vient aux trois amendements identiques. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 752 .
Dans cet amendement, il s'agit d'accompagner les bailleurs. Nous le savons tous, la politique d'urbanisation des années 1960-1970 a conduit à la constitution de quartiers parfois gigantesques qui concentrent les difficultés et où une partie de notre population est abandonnée face à une certaine délinquance liée principalement au trafic de drogues. L'autorité de l'État doit être restaurée dans ces quartiers comme sur l'ensemble du territoire national. Le Président Emmanuel Macron a d'ailleurs annoncé vouloir lancer un plan de lutte contre le trafic de drogues. Il a d'ailleurs reconnu que nous avions « perdu la bataille du trafic dans de nombreuses cités ». Cet amendement doit donc permettre la mise en application immédiate la volonté du Président en autorisant l'expulsion des locataires de logements sociaux condamnés pour ce type d'infraction. La situation est d'ailleurs similaire dans des quartiers moins vastes : j'ai été maire d'une commune du Sud de Seine-et-Marne, qui a connu une réelle insécurité due à la montée des trafics de stupéfiants. Dans ces quartiers, les bailleurs se retrouvent abandonnés et impuissants, et les locataires des autres logements n'osent dénoncer les faits de peur de représailles à leur encontre ou à l'encontre de leur famille. Cet amendement vise à restaurer l'autorité de l'État en permettant aux bailleurs la résiliation immédiate du bail de location des personnes condamnées pour ces infractions.
On sait tous que le trafic de stupéfiants représente une grave nuisance et provoque d'importants troubles pour le voisinage. La pratique est simple : une personne ou un groupe de personnes prend possession d'un immeuble, se livre à un trafic et soumet, par la menace, le chantage et la violence, l'ensemble des autres occupants à son mode de vie. Ni le bailleur ni les occupants ne peuvent s'en sortir sans l'autorité de l'État puisque les individus placés en garde à vue ressortent quarante-huit heures après ; condamnés, ils reviennent vivre dans le quartier. L'autorité de l'État n'est pas respectée puisqu'on leur permet de continuer à se livrer à la même activité, maintenant les autres habitants dans la terreur. Il s'agit de permettre à la police et surtout aux bailleurs de rompre le contrat et de reloger ces personnes dans d'autres communes, pour permettre aux habitants de l'immeuble ou du quartier de retrouver une vie paisible.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 2735 .
Comme le disait Mme Lacroute, ces quartiers urbains connaissent en effet de vrais problèmes liés au trafic de drogues. Pour améliorer les rapports locatifs dans les immeubles, cet amendement permet aux bailleurs de résilier de plein droit le contrat de location lorsque le locataire ou l'un des occupants du logement a fait l'objet d'une condamnation passée en force de chose jugée pour trafic de stupéfiants.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. S'il est nécessaire de lutter contre les troubles de voisinage importants suscités par le trafic de drogues, faire de la condamnation pénale pour trafic de stupéfiants un motif automatique de résiliation du bail ne semble pas être la bonne solution. Une telle disposition risquerait de porter une atteinte manifestement excessive au droit au logement et pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel. En effet, seraient concernés par la résiliation du bail non seulement les personnes condamnées, mais également les autres occupants du logement, qui peuvent être étrangers à l'acte délictueux. Il apparaît donc souhaitable de conserver le droit en l'état, laissant au juge sa capacité d'appréciation selon les cas d'espèce. En effet, même si la clause résolutoire pour troubles de voisinage n'est pas prévue au contrat, le bailleur peut toujours saisir le juge pour demander la résiliation judiciaire du bail, la jurisprudence considérant qu'il peut s'agir d'un manquement aux obligations du locataire. Enfin, le bailleur peut également faire une demande de rupture de bail s'il y a trafic dans l'appartement. Avis défavorable.
Que nos concitoyens qui nous écoutent ne s'y trompent pas : la résiliation de plein droit – applicable dans les cas définis par la loi de 1989 – impose malgré tout le passage devant le tribunal d'instance. En effet, on pourrait se dire qu'avec la résiliation de plein droit, à partir du moment où il y a trafic de stupéfiants, il n'y aurait pas besoin d'une décision de justice, alors qu'en réalité même si on votait cet amendement, il faudrait toujours saisir le tribunal d'instance, le juge étant alors tenu de prononcer la résiliation du bail et d'enclencher la procédure d'expulsion, ce qui ne l'empêcherait pas, le cas échéant, d'accorder des délais. À mon avis – et Mme la rapporteure l'a elle aussi rappelé – , cela ne change pas grand-chose par rapport au droit actuel. Il ne faut pas se limiter au message – car c'est tout ce qui reste si l'on ne change pas les dispositions ni n'améliore concrètement la situation sur le terrain. La responsabilité du Gouvernement est plutôt de faire en sorte que les instructions de politique pénale soient nettement affirmées et exécutées sur le terrain. Je suis allé au Mirail – territoire que connaissent bien quelques parlementaires ici présents – quelques jours après les récents incidents dont l'origine était le resserrement de la politique pénale face aux trafiquants de drogue… ,
… qui avait déclenché la réaction des dealers. Il faut qu'en matière de politique pénale, le Gouvernement donne les instructions nécessaires pour lutter efficacement contre les trafiquants sur le terrain. Nous avons entendu le message du terrain et nous allons dans cette direction ; mais la proposition formulée dans ces amendements ne permet pas d'avancer en matière juridique. Avis défavorable.
Les questions dont nous débattons cet après-midi nous tiennent à coeur, car nous savons tous, par les informations qui nous remontent du terrain, que ce sont des problèmes qui se posent concrètement. Nous avons parlé tout à l'heure de certains problèmes qu'on rencontre dans les parties communes – et dont fait partie le trafic de drogue – , et nous avons proposé, entre autres dispositifs, la vidéoprotection.
Si nous vous faisons cette proposition à présent, c'est parce que la procédure actuelle est lourde et longue – vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre. Entre le commandement à payer, l'assignation et, éventuellement, la procédure d'appel, beaucoup de temps passe, pendant lequel le trafic peut continuer. Le projet de loi, en l'état, ne comporte pas le genre de mesures que nous vous proposons, et vous nous renvoyez constamment à un autre véhicule législatif.
S'agissant de la transmission des informations, vous nous avez dit que cela peut être attentatoire. Il est vrai que les bailleurs ne peuvent pas faire cela, mais les avocats des bailleurs, eux, pourraient le faire. Il importe de fluidifier le dispositif actuel, de le simplifier, pour lutter plus efficacement contre les trafics. On attend, de la part de la garde des sceaux, une politique plus efficace, mais il y a aussi une question de cohérence : vous parlez beaucoup de faire respecter la République dans les quartiers, et le Président Macron s'est exprimé à plusieurs reprises sur ce thème, mais maintenant, il faut des actes.
Si ces actes n'arrivent pas, il est normal que la représentation nationale, à travers ces amendements, vous demande les outils nécessaires pour rétablir l'ordre dans les quartiers.
Je vous entends, monsieur le député, mais il existe déjà des dispositions législatives qui permettent d'agir. Or, ce qu'on nous reproche souvent, à nous tous, c'est d'accumuler texte sur texte. En l'occurrence, les instruments législatifs existent : la clause résolutoire du bail existe et le juge d'instance peut l'utiliser – et d'ailleurs, il l'utilise, heureusement. Ensuite, il y a la saisine du tribunal, qui peut nécessiter un délai, et la procédure d'appel. À la limite, vous pourriez nous demander de trouver un moyen d'accélérer cette procédure. Mais puisque nous avons déjà des instruments législatifs, je ne vois pas l'intérêt d'en ajouter de nouveaux.
Les outils existent en effet mais, grâce à cet amendement, nous allons pouvoir simplifier la procédure, car le contrat sera résilié de plein droit. Cela signifie que le juge pourra être saisi en référé. En référé, il suffira de constater qu'une infraction a été commise dans tel appartement, et le juge prononcera la résiliation.
Si nous n'adoptons pas cet amendement, on retombera sur les dispositions en vigueur, à savoir le « trouble anormal de voisinage ». Il faudra que le juge apprécie, eu égard aux éléments qui seront apportés par le demandeur, si le « trouble anormal de voisinage » se trouve effectivement caractérisé, et la procédure sera beaucoup plus longue. Elle durera un an, voire un an et demi, alors qu'en référé, la décision peut être immédiate, voire mise en délibéré dans les huit jours.
C'est par souci de rendre la justice plus efficace qu'il vous est demandé de faire droit à cet amendement.
Sur l'amendement no 944 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Lacroute.
Monsieur le ministre, avec ce texte, vous voulez construire plus, mieux et moins cher. Vous allez certes permettre à des territoires de construire dans de bonnes conditions, même si nous ne sommes pas d'accord avec tous les articles que vous nous avez proposés, mais vous oubliez de traiter tout ce qui relève du « bien vivre » dans les quartiers.
Et c'est dommage, car c'est sur ces sujets-là que les propriétaires, les bailleurs et les habitants vous attendent. Ce sont des questions qui se posent tous les jours. J'ai été maire d'une commune de 13 000 habitants, qui compte un quartier prioritaire de la politique de la ville regroupant 5 300 habitants. Et même dans un quartier de petite taille, nous rencontrons ce genre de difficultés. Avec ces problèmes de trafic de drogue, une petite dizaine d'individus peut « pourrir » la vie d'un quartier, si vous me passez cette expression triviale.
Il n'y aura pas d'autre loi relative au logement au cours de cette législature et, dans celle-ci, vous ne répondez pas aux attentes de nos concitoyens. Je trouve vraiment dommage que vous n'ayez pas réfléchi à ces questions et qu'à chaque fois, vous nous opposiez la question de la constitutionnalité. Il est regrettable que ce projet de loi ne prenne pas en compte tout ce qui relève du bien vivre, car c'est ce qui fait le quotidien des Français.
Je n'ai pas l'habitude de me laisser enfermer dans un message politique. Que vous adressiez ce message politique, je le conçois, et peut-être que je ferais la même chose si j'étais à votre place. Il n'en reste pas moins que nous devons faire la loi. Et je ne vais pas vous dire que c'est une bonne chose de rajouter des textes qui, je suis désolé de vous le dire, n'améliorent rien.
Le défaut de paiement entraîne une résiliation de plein droit. Eh bien, il faut quand même que le juge intervienne, et cela ne se passe pas en référé.
Madame, je respecte tout ce que vous pouvez me dire, mais j'ai fait cela pendant trente-huit ans. On peut saisir le juge des référés, mais il n'est pas obligé de vous donner satisfaction.
Madame Anthoine, seul le ministre a la parole. Vous pourrez intervenir après.
Le défaut de paiement de loyer est une clause résolutoire et vous pouvez attaquer en référé, mais je vous dis que le résultat, in fine, sera le même.
Il s'agit de nuances juridiques. Le juge des référés n'a qu'une seule chose à faire, constater la résiliation, alors que le tribunal d'instance va devoir prononcer cette résiliation. Et, pour prononcer la résiliation, il va falloir monter un dossier et rassembler des éléments de preuve pour arriver à démontrer la faute ou les manquements du locataire. Voilà toute la différence !
La clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et charges, pour défaut de paiement de la part du garant : dans ces cas-là, le juge des référés constate la résiliation. Et c'est exactement ce que nous vous proposons avec cet amendement, qui simplifierait les choses en permettant au juge des référés de constater les faits.
Si le demandeur saisit le juge des référés, on va lui opposer la contestation sérieuse : le juge lui répondra qu'il ne peut pas prononcer la résiliation, parce qu'il suffit que le défendeur oppose un élément pour qu'il n'y ait plus d'évidence aux yeux du juge des référés. Mais si le texte prévoit que la résiliation est de plein droit, le juge des référés n'aura qu'à constater.
L'amendement no 1912 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 95 |
Nombre de suffrages exprimés | 90 |
Majorité absolue | 46 |
Pour l'adoption | 34 |
contre | 56 |
L'amendement no 944 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous le savez, il faut un bon équilibre entre bailleur, ou propriétaire, et locataire. Cet amendement vise à allonger le délai, au terme duquel le propriétaire doit prévenir le garant en cas d'impayé.
Aujourd'hui, le propriétaire a quinze jours pour prévenir le garant que le locataire n'a pas payé son loyer. D'un autre côté, le commandement à payer est adressé au locataire au bout de deux mois. Je propose donc qu'un même délai de deux mois s'applique dans les deux cas. Le propriétaire aurait deux mois pour contacter la personne qui se porte caution et pour discuter avec elle. Aujourd'hui, si le délai de quinze jours n'est pas respecté, la responsabilité du garant est annulée, à la fois pour les pénalités et pour les intérêts. Il semblerait donc logique que le droit soit le même pour le propriétaire et pour le locataire.
L'amendement no 785 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2314 .
L'amendement no 2314 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je défends cet amendement dont notre collègue Julien Aubert est le premier signataire. Le squat de logement est un phénomène hélas toujours aussi répandu, qui porte atteinte de manière inacceptable au droit de propriété, lequel a pourtant valeur constitutionnelle. Les cas de violation de domicile et d'occupation de biens immobiliers par des squatteurs se multiplient, ces derniers exploitant les failles du droit en vigueur pour se maintenir dans les lieux. Le droit au logement opposable est un exemple de ces dispositions que les squatteurs détournent de leur sens originel pour se maintenir illégalement dans un domicile. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose de modifier l'article 38 de la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, en ajoutant l'occupation sans droit ni titre aux cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui.
En complément, le II de l'amendement crée un cas d'exclusion du bénéfice des dispositions de la loi DALO pour toute personne ayant été condamnée pour occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier.
Cet amendement aurait pour conséquence d'exclure pour toujours une personne du droit au logement opposable. Cette mesure est disproportionnée au regard des urgences sociales auxquelles peuvent être confrontées certaines personnes en difficulté. Avis défavorable.
L'amendement no 1677 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je défends cet amendement dont le premier signataire est notre président de séance cet après-midi.
La médiatisation de la situation de Maryvonne Thamin à Rennes au mois de mai 2015 avait légitimement ému nos concitoyens. Cette femme de 83 ans, infirme et malvoyante, s'était retrouvée sans domicile, alors que la maison dont elle était propriétaire était habitée par des occupants sans droit ni titre. Après le décès de son compagnon, cette personne de 83 ans avait été contrainte par les héritiers de celui-ci de quitter la longère de Saint-Domineuc où elle résidait avec lui et de regagner sa maison de Rennes, maison occupée par un groupe d'une quinzaine de squatteurs. Ces squatteurs avaient invoqué la loi DALO du 5 mars 2007 et en avaient affiché le texte sur la porte de la maison. La quinzaine d'occupants avait en outre changé les serrures et installé des barbelés au pied des murs du jardin.
Une situation similaire s'est produite en ce début d'année 2018 à Garges-lès-Gonesse où la maison d'un retraité de 76 ans, Youssef, a été occupée sans titre pendant plusieurs semaines.
L'article 38 de cette loi a pourtant entendu sanctionner les actes des squatteurs puisqu'il dispose qu'« en cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. »
Un amendement sénatorial à cette loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable a introduit dans le code pénal un article L. 226-4 prévoyant et réprimant l'occupation illicite du domicile d'autrui, « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet » et le punissant « d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Au-delà du cas singulier de Maryvonne Thamin et des récents événements de Garges-lès-Gonnesse, ce sont bien les lacunes de la loi DALO qui sont apparues au grand jour.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement identique no 1196 .
Nous voilà à nouveau confrontés à cette affaire de squat, une situation unique où l'opinion publique considère que les squatters ont plus de droits que le propriétaire ou le locataire régulier. Pourtant, l'article 38 de la loi DALO prévoyait de sanctionner de tels actes. Hélas, au moment de l'exécution de la mise en demeure, ce qui nécessite déjà d'engager une lourde procédure, si le squatter prétend qu'il est locataire des lieux, le propriétaire ou le locataire régulier est contraint d'engager une procédure de droit commun. Cet amendement vise donc à mettre fin à cette injustice pour garantir les droits des personnes physiques et morales dont les domiciles sont squattés.
Je voudrais insister sur le sujet des personnes morales auxquelles il n'a guère été fait référence au cours des débats. Le problème est réel au sein des HLM. Il est de plus en plus fréquent que, dès la libération d'un appartement, des familles s'y introduisent, sans droit ni titre, sans même être inscrites ni avoir obtenu de numéro départemental, avant que le successeur désigné par la commission d'attribution n'arrive.
Il sera bientôt inutile de convoquer les commissions d'attribution, ce sera le Far-West, et les gens s'introduiront dans les logements par la force. Il deviendra encore plus long et compliqué de les en chasser, car le juge est réticent à prendre une décision rapidement et l'autorité préfectorale n'est pas nécessairement pressée de recourir à la force publique.
Au final, l'affaire durera des années et bien plus longtemps que les délais que se donnent les commissions d'attribution pour affecter les logements.
Cet amendement, porté par M. Le Fur, est un amendement de repli, en cohérence avec ceux relatifs au régime des occupations sans titre.
Nous vous proposons ainsi que la loi relative au droit au logement opposable ne permette pas prioritairement à des personnes condamnées pour occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier, de bénéficier de ses dispositions.
Faire en sorte que les propriétaires d'un logement ou les personnes qui détiennent un droit d'occupation sur un logement ne soient pas privées de leur droit d'occupation, n'est que bon sens.
En refusant cet amendement, vous vous privez de la possibilité de répondre aux occupations illégales de maisons ou d'appartements, qui se multiplient. Vous privez les propriétaires concernés de tout recours alors que ce sont eux qui sont dans le droit.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement identique no 1159 .
Cet amendement de bon sens tend à prévenir des situations incompréhensibles pour des personnes en attente de logement, de façon qu'une personne condamnée pour occupation sans droit ni titre ne se retrouve pas prioritaire au sens de la loi DALO.
Je comprends l'esprit de ces amendements. Il ne faut pas encourager les occupations sans titre, ni les squats. Les exemples de personnes n'ayant pas pu revenir chez elles parce que leur domicile était occupé, sont très intéressants. Nous devrons sans doute prendre des mesures pour que de telles situations ne se reproduisent pas.
Cela étant, vos amendements me gênent en ce qu'ils remettent en cause un principe essentiel de la loi DALO : la prise en considération des personnes en difficulté. Il y a squat et squat, occupation et occupation. Les situations peuvent être extrêmement variées. Bien sûr qu'il y a des voleurs, des tricheurs, des usurpateurs, mais il y a aussi des personnes qui se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Je connais beaucoup de cas où des personnes ont été obligées d'occuper illégalement un domicile parce que leur situation personnelle était devenue dramatique et les empêchait d'accéder à un logement – femmes battues, personnes exclues de leur famille, ou victimes d'un désastre social. Et ces personnes peuvent être condamnées.
Pour toutes ces raisons, je trouve que ces amendements vont un peu loin. Il ne s'agit pas, pour moi, de soutenir le Gouvernement, qui fait son travail et que je respecte, mais de refuser que l'on porte atteinte au principe du droit universel à la solidarité.
Relisez l'amendement ! Nous ne remettons pas en cause la loi DALO, mais nous refusons que la priorité soit accordée à des personnes qui occupent un logement sans droit ni titre. Si nous voulons que les lois de la République soient appliquées, nous ne pouvons pas donner une prime à ceux qui ne les respectent pas.
Par cet amendement, au contraire, nous voulons donner toute sa force à la loi DALO, en donnant la priorité précisément qui n'ont jamais squatté.
Vous subordonnez la priorité à l'existence ou non d'une condamnation. Qu'il y ait eu une condamnation est une chose, mais la priorité dépend aussi de l'état de la famille, de la personne, du positionnement d'un individu.
Je pourrais vous citer le cas d'une mère de famille qui a occupé une maison abandonnée depuis longtemps. Elle a été condamnée. Je ne justifie pas l'occupation, mais que faire à présent ? Sept enfants sont dans la rue, dont deux bébés de quelques mois ! Une contrainte judiciaire ayant été prononcée contre cette personne, elle n'aurait pas droit à une priorité, contrairement à quelqu'un d'autre qui serait seul et pourrait très bien s'arranger pour trouver un autre logement ?
Ne confondons pas les choses. C'est un problème de valeurs et de principes, liés à la loi DALO. Au-delà de la sémantique juridique, les lois ont un sens. Certaines lois sont des sanctuaires de morale, sur le plan social et humain, auxquels il ne faut pas s'attaquer même si, je suis d'accord, nous ne devons pas cautionner les occupations illicites.
Vous vous trompez de cible car la plupart des personnes qui occupent un logement sans droit ni titre, notamment dans le parc social, ont été victimes de réseaux. Elles ont payé en liquide un faux contrat de location, souvent de bonne foi, par méconnaissance de la langue ou pour une autre raison.
Ce n'est pas une bonne solution que de les condamner deux fois, une première fois en ce qu'elles ont été abusées par une mafia, une deuxième fois en ce qu'elles seraient privées de perspective de relogement.
M. Peu a raison. De plus en plus, des réseaux affectent les logements à la place de la puissance publique.
En revanche, je citerai à M. Letchimy l'exemple d'une famille, avec deux enfants, qui a engagé toutes les démarches pour obtenir un logement social. Elle est sur liste d'attente depuis deux ans, ce qui est la durée moyenne d'attente dans mon département, quand, enfin, un logement lui est accordé. Enthousiaste et heureuse, elle s'apprête à y emménager quand elle s'aperçoit que le logement a été occupé illégalement entre-temps. C'est cette injustice que je combats au travers de ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Exemple pour exemple : si cet amendement est adopté, 20 % de la population de Fort-de-France ne pourraient pas bénéficier des dispositions de la loi DALO car les gens qui se sont installés sur les anciens cinquante pas du roi, à l'époque, l'ont fait sans droit ni titre. Ils ont, depuis, construit des maisons, eu des enfants et plusieurs générations se sont installées là.
Je comprends votre raisonnement, car il ne faut pas encourager l'occupation illicite de biens et de locaux, mais il existe des cas particuliers. Ne dégradons pas le droit moral à la reconnaissance d'une priorité sociale en matière d'attribution de logements.
Je voterai donc contre ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 75 |
Nombre de suffrages exprimés | 75 |
Majorité absolue | 38 |
Pour l'adoption | 19 |
contre | 56 |
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l'amendement no 1678 .
Le squat de logement constitue, hélas, un phénomène toujours aussi répandu, qui porte une atteinte inacceptable au droit de propriété, lequel a valeur constitutionnelle. Les cas de violation de domicile et d'occupation de biens immobiliers se multiplient, les squatteurs utilisant les failles de notre droit en vigueur pour demeurer dans les lieux.
C'est pourquoi cet amendement tend à rendre obligatoire le recours à la force publique pour expulser les occupants sans droit ni titre d'un bien, de manière que le préfet soit tenu de faire appel aux forces de l'ordre dans les quarante-huit heures après la décision d'un juge accueillant la demande du propriétaire ou du locataire lésé.
Je vous invite à retirer cet amendement, qui est satisfait. Sinon avis défavorable.
L'amendement no 1678 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 1679 .
S'il est un droit qui a bien valeur constitutionnelle, c'est le droit de propriété. Or, le squat de logement est un phénomène toujours aussi répandu qui lui porte atteinte.
C'est pourquoi cet amendement de notre collègue Julien Aubert tend à obliger la signature de conventions entre propriétaires et occupants à titre gratuit d'un bien immobilier. Ces conventions, qui pourront être résiliées selon les mêmes règles que les baux locatifs classiques, permettront de mieux protéger les occupants et les propriétaires, les occupants à titre gratuit se soumettant aux mêmes règles que les locataires d'un bien, mais sans verse de contrepartie financière.
De même, un propriétaire qui souhaiterait récupérer un bien prêté temporairement pourrait le faire, sous la seule condition de donner une période de préavis d'un mois à l'occupant, afin que celui-ci puisse quitter le logement qu'il occupe à titre gratuit.
S'agissant de l'amendement précédent, je précise qu'il est satisfait par l'article 38 de la loi du 5 mars 2017.
La commission est défavorable à l'amendement no 1679 parce qu'il n'apporte aucun avantage par rapport au contrat de droit commun tel que prévu dans le code civil. Cette disposition ne serait donc pas un outil efficace contre les squats.
L'amendement no 1679 n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1013 .
L'amendement no 1013 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2312 .
On vient d'évoquer longuement les expulsions locatives. Il faudrait surtout se pencher sur leurs causes : une augmentation exponentielle des loyers dans toutes les villes couplée à un manque criant de logements sociaux, notamment les PLAI – prêt locatif aidé d'insertion – et les PLUS – prêt locatif à usage social. Aujourd'hui, 10 % de la population la plus pauvre consacre plus de la moitié de son revenu aux dépenses de logement. Pourtant, « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent » est « un objectif de valeur constitutionnelle », comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision de janvier 1995.
C'est pourquoi cet amendement vise à franchir une première étape vers la création d'un fonds de garantie universelle des loyers, qui permettrait d'indemniser les bailleurs en cas de loyers impayés et d'aider les locataires à résoudre leurs difficultés à se maintenir dans leur logement.
Aujourd'hui les garanties locatives existent sous deux formes : d'une part, des contrats d'assurance privée dont le coût est déraisonnable au regard des impayés – 4 % du loyer alors que les impayés représentent 2,5 % ; d'autre part, des dispositifs publics qui sont limités et, dès lors, peu efficaces. Je pense notamment à la garantie Visale.
C'est pourquoi il est nécessaire d'envisager la création d'une garantie universelle et obligatoire qui, en mutualisant le risque sur tous les bailleurs, d'une manière collective et obligatoire, représenterait une solution efficace, en termes tant de coût que d'accès.
Je tiens à rappeler que le logement est bien un droit primaire fondamental dont personne ne saurait être exclu. Les associations et les travailleurs sociaux le savent : expulser un locataire qui ne réussit pas à payer son loyer ne règle en rien sa situation. Plutôt que de mettre tout le monde, propriétaires comme locataires, devant le fait accompli, prévenons les situations difficiles en créant ce cadre pour accompagner largement les locataires en difficulté et les bailleurs.
Comme un amendement ayant cet objectif serait déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution pour création de charges, le présent amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant l'impact de la création d'une telle garantie universelle des loyers, notamment en termes de moyens publics.
L'amendement no 2312 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2316 .
L'amendement no 2316 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 41 est adopté.
La parole est à Mme Christelle Dubos, pour soutenir l'amendement no 3081 , portant article additionnel après l'article 41.
L'objet de cet amendement est d'améliorer les modalités d'accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres. En effet, ils sont très souvent confrontés à une impossibilité matérielle de parvenir physiquement jusqu'à la boîte aux lettres du débiteur. En effet, la multiplication, dans les centres urbains, des systèmes de sécurité des habitations collectives rend extrêmement complexe l'accès aux domiciles. Dès lors la mission de conseil et de prévention des huissiers de justice s'en trouve empêchée.
Pour cette raison, cet amendement propose d'aligner les modalités d'accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres sur celles de l'opérateur du service postal universel, afin qu'ils puissent accomplir leur mission et tenter de nouer un contact avec le débiteur en vue d'une procédure amiable.
L'amendement no 3081 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à ce que, en cas de loyers impayés, le bailleur propose au locataire une mutation de logement combinée à un plan d'apurement.
L'amendement no 95 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 93 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 42 est adopté.
Cet amendement vise à rappeler l'importance des conseils locaux de santé mentale, qui se penchent attentivement sur les parcours complexes des personnes en situation de souffrance psychique, dont la dynamique de vie peut être très compliquée.
Les conseils locaux de santé mentale, créés en 2008 et inscrits dans le code de la santé publique, se sont révélés des outils très efficaces pour faire converger et dialoguer les équipes de soins et les acteurs de la ville, notamment les maires, au regard des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé – OMS.
Il est important de souligner leur rôle en matière de prévention des expulsions locatives de ces personnes très fragiles. Nul n'ignore que, pour une personne atteinte d'une pathologie psychiatrique, être expulsée de son logement peut se traduire par un traumatisme supplémentaire.
Cet amendement de bon sens, qui permet de redéfinir l'action de ces conseils locaux de santé mentale, devrait être accepté.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l'amendement no 249 .
Les conseils locaux de santé mentale, instances de concertation instituées par le code de la santé publique, se sont révélés des outils très efficaces d'insertion des personnes fragiles du fait de leurs troubles de santé mentale.
Il paraît donc pertinent de renforcer leurs compétences en ce qui concerne l'accès et le maintien dans le logement de personnes vivant avec des troubles de santé mentale, compte tenu du nombre croissant d'expulsions. Cela permettrait de mieux les prévenir et d'éviter des déboires.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement identique no 370 .
Il paraît pertinent de développer le rôle des conseils locaux de santé mentale en matière de prévention des expulsions locatives des personnes fragiles du fait de leurs pathologies mentales.
Les conseils locaux de santé mentale ont déjà pour mission d' « engager des actions d'amélioration de l'accès et du maintien dans le logement », comme le précise l'instruction commune de la direction générale de la santé – DGS – et du commissariat général à l'égalité des territoires – CGET – du 30 septembre 2016. Ces amendements, qui prévoient simplement de renforcer le rôle des conseils locaux de santé mentale en la matière, manquent de portée normative. Je vous propose de les retirer. Faute de quoi, je leur donnerai un avis défavorable.
L'amendement no 42 est retiré.
L'article 43 vise à renforcer l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement vers l'insertion et le logement par le biais de nouveaux outils. Or, au-delà de ces outils, un véritable tournant s'opère avec la mise en place de la stratégie du plan Logement d'abord. Trop longtemps, nous avons pensé que le logement était la finalité d'un long parcours de réinsertion, palier par palier. Cette politique s'est malheureusement révélée inefficace et coûteuse. Le plan Logement d'abord vise à donner immédiatement aux personnes un toit, en les acceptant telles qu'elles sont, avec leurs addictions et leurs névroses.
Cette stratégie a fonctionné à l'étranger, notamment en Norvège où, en quatre ans, le nombre des personnes sans-abri a diminué de 36 %. Même si le Gouvernement s'est engagé dans cette politique, sa réussite réclamera le concours de tous les acteurs. Elle dépendra également de la qualité de l'accompagnement et de notre capacité à recenser les besoins réels. Quel est le nombre des sans-abri en France ? Personne ne le sait aujourd'hui : aucun chiffre n'a été donné depuis 2012. Or, comment envisager de mettre fin au sans-abrisme sans en connaître les données ?
Il faudra, à cette fin, multiplier les initiatives, telles que la nuit de solidarité qui s'est déroulée à Paris en février. Voilà plus de sept jours et nuits que nous examinons ce projet de loi sur le logement : il nous faut désormais évoquer aussi la situation de ceux qui n'ont pas de logement. En France, l'espérance de vie d'un sans-abri est de 49 ans. Sa durée de vie dans la rue est de dix ans. Eh oui, mes chers collègues, la vie dans la rue tue. Or on a le sentiment de ne plus voir les sans-abri. Quel paradoxe ! Alors que la solidarité des Françaises et Français est reconnue et que la mobilisation des bénévoles est quotidienne, le nombre des sans-abri ne cesse d'augmenter. Il est grand temps d'unir toutes les bonnes volontés pour mettre un terme au sans-abrisme.
Comme le souligne la Fondation Abbé-Pierre : « Mettre fin au sans-abrisme, ce n'est pas une utopie, c'est une stratégie ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 43.
L'amendement no 1093 est-il défendu ? Monsieur Prud'homme ?
Sans développer plus longuement mes arguments, je demande le retrait de cet amendement au bénéfice de l'amendement no 2966 qui sera examiné un peu plus tard.
L'amendement no 1093 est retiré.
L'amendement no 447 est retiré.
Cet amendement apporte de la cohérence en précisant que le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées doit prendre en compte les souffrances psychiques des individus, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l'amendement no 247 .
Il s'agit d'un amendement de cohérence. Alors que les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées et les plans régionaux médico-sociaux vont être rénovés, il convient que les objectifs portés par ces différents types de plans soient cohérents entre eux.
Malgré le temps de parole supplémentaire accordé aux députés du groupe GDR, aucun signataire de l'amendement no 1164 n'est présent. Je souhaite donc reprendre cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Tiens donc ! Les députés du groupe GDR ne veulent pas utiliser leur temps de parole ?
Madame la rapporteure, cet amendement n'a pas été accepté par la commission. Vous ne pouvez donc pas le reprendre.
Sourires.
Pourquoi ne puis-je pas reprendre cet amendement, alors que je suis rapporteure ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous auriez dû nous inviter à votre réunion ! Nous aurions déposé un amendement identique !
Madame la rapporteure, il n'y a aucune ambiguïté : l'amendement no 1164 n'a pas été accepté par la commission. Il ne peut donc pas être défendu – pas plus que les sous-amendements dont il fait l'objet. Si le travail en commission avait été un peu plus opérationnel, nous aurions évité cette situation.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Christelle Dubos, pour soutenir l'amendement no 2916 .
L'amendement no 2916 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 2736 .
Cet amendement s'inscrit dans le cadre du plan quinquennal pour le logement d'abord dont parlait notre collègue Nicolas Démoulin. Le Gouvernement prévoit, en fin de compte, de confondre les régimes d'autorisation et de déclaration pour l'accueil dans les CHRS.
Cet amendement vise donc à garantir la prise en compte des plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens afin de garantir la qualité des nouvelles places d'hébergement en CHRS et d'assurer une certaine stabilité de ces structures.
Avant toute chose, monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de dire que la commission des affaires économiques a beaucoup travaillé sur ce texte et qu'elle a travaillé correctement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement no 2736 , madame la rapporteure ?
Je m'appelle M. Nogal, monsieur le président. Vous allez peut-être y arriver, après une semaine de débats ! Je ne vous en tiendrai pas rigueur.
Je vous demande une suspension de séance de deux minutes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly