La réunion débute à 21 heures 25.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission poursuit l'examen des articles des projets de loi ordinaire puis organique, adoptés par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice (n° 1349) et relatif au renforcement de l'organisation des juridictions (n° 1350).
Nous reprenons nos travaux à l'article 6 du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice.
Article 6 (suite)
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL858 de Mme Laetitia Avia, rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CL67 de Mme Danièle Obono.
Nous avons déposé un amendement de repli que je ne présenterai pas davantage : je me suis déjà exprimé sur le principe.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL68 de M. Ugo Bernalicis.
Je vous suggère de retirer cet amendement car il est satisfait : la procédure devant la CAF sera gratuite.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL956 du Gouvernement.
Nous arrivons au premier amendement d'une série visant à rétablir l'expérimentation qui confie aux CAF la révision des pensions alimentaires.
Nous ne l'avons pas encore fait car nous attendons que la loi soit adoptée. Des contacts ont été pris avec les CAF, mais pas sur ce point.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL433 de M. Stéphane Peu.
C'est un amendement de repli inspiré par l'idée que la révision des pensions alimentaires nécessite tout de même une décision du juge aux affaires familiales.
Même avis. C'est entièrement contraire à ce que nous proposons.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL1044 du Gouvernement.
Je ne détaille pas davantage que tout à l'heure : j'ai déjà parlé de ces amendements.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL1045 du Gouvernement.
Là aussi, il s'agit de rétablir la rédaction initiale.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL434 de M. Sébastien Jumel.
C'est une proposition du barreau de Paris qui vise à faire en sorte que la demande de modification de la pension alimentaire prenne en compte, outre les revenus des parents, la situation particulière des finances du foyer.
J'émets un avis défavorable. Il ne s'agit pas de faire évoluer les éléments sur la base desquels les barèmes sont établis. Surtout, votre amendement fait référence à la situation financière du foyer alors que celui-ci n'existe manifestement plus, tant au sens fiscal que familial du terme, après la procédure de divorce.
Les pensions alimentaires sont fixées, aux termes de l'article 371-2 du code civil, à proportion des ressources des parents et des besoins de l'enfant. Une révision peut être demandée lorsqu'une évolution survient en ce qui concerne l'un de ces critères. C'est ce qui est repris dans le projet de loi, qui confie la révision à la CAF à titre expérimental : l'article 6 précise qu'il faut tenir compte de l'évolution des ressources des parents et du temps passé par l'enfant avec l'un et l'autre. Ce que vous demandez est déjà prévu.
Je crois que l'amendement a pour objet d'attirer l'attention sur ce que nous avons expliqué tout à l'heure : la CAF a connaissance d'éléments déclaratifs qui ne recouvrent pas forcément tous les revenus au sein du « foyer ». En réalité, ils ne peuvent pas être appréciés par le directeur de la CAF alors qu'ils pourraient l'être par un juge.
L'amendement précise que la CAF devra vérifier cet aspect, c'est-à-dire les revenus dans toute leur complexité. Vous avez l'air de dire que ce n'est pas satisfaisant sur le plan légistique, mais c'est l'idée de fond. Il y a une question : un directeur de CAF pourra-t-il prendre en compte la complexité des revenus comme un juge jusqu'à présent ?
Le juge aux affaires familiales ne dispose pas de pouvoirs aussi exceptionnels que vous semblez l'imaginer. En effet, ce n'est pas un juge pénal : il n'a pas les pouvoirs d'enquête et d'investigation de ce dernier. Il ne faut pas surestimer la capacité du juge à apprécier l'ensemble des éléments davantage que le directeur de la CAF.
Je n'ai pas d'expérience personnelle dans ce domaine, mais on m'a dit comment les choses se passent. Quand on se présente devant le juge aux affaires familiales, en cas de divorce, et qu'il s'agit de construire la manière dont on va prendre en charge les enfants et de répartir la contribution des parents, il y a un principe contradictoire assuré par le juge, dans le respect des parties. Chacune peut demander la prise en compte de revenus de son ancien conjoint qui ne sont pas évidents à la lecture des éléments transmis ou des données fiscales, mais qui apparaissent dans le cadre du contradictoire. Le juge a la capacité de statuer avec discernement, équité et humanité, ce qui lui permet de prendre une décision juste – car c'est bien la définition de la justice, me semble-t-il. Le principe contradictoire disparaît devant la CAF : on se référera à des barèmes. Les parents viendront devant le directeur de la CAF pour défendre leur « bout de gras », ou ai-je mal compris ?
Il y aura un échange contradictoire de pièces.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL1046 du Gouvernement.
Il s'agit, une fois encore, de rétablir le texte initial.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL1047 du Gouvernement.
Cet amendement a le même objet que les précédents.
J'ai du mal à comprendre le sens de cet amendement qui déroge aux dispositions prévues en matière de compétence territoriale par le code de procédure civile. En principe, le juge du ressort dans lequel se trouve le domicile habituel des enfants est compétent pour la révision de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. L'expérimentation, si j'ai bien saisi, n'aura pas lieu sur l'ensemble du territoire, de sorte que l'on risque d'avoir un débiteur habitant dans un département où l'on pourra faire ce nouveau type de demande alors qu'il faudra saisir, en cas de contestation, un juge exerçant dans un département où l'expérimentation n'a pas lieu. Ne craignez-vous pas que cette dérogation ne complique considérablement la situation, contrairement à l'objectif du Gouvernement de simplifier les procédures ?
Je pense qu'il y a une erreur de lecture de l'amendement : il permet simplement d'établir la compétence territoriale des CAF en vue de l'application de l'expérimentation. Il est ainsi rédigé : « la demande modificative est formée par un créancier résidant ou ayant élu domicile dans l'un des départements désignés ou par un débiteur à l'égard d'un créancier résidant ou ayant élu domicile dans l'un de ces départements ». Il n'y a pas de remise en cause des dispositions existantes.
L'idée me semble claire même si je peux mal comprendre. Il faut que le créancier et le débiteur résident, non pas nécessairement dans le même département, mais dans un département ayant engagé l'expérimentation.
Ce n'est pas clair, en effet. Le créancier peut vivre dans un département où le dispositif est expérimenté ; le débiteur peut habiter un autre département. Si le créancier saisit la CAF, comme ce texte le permettra, pour demander une révision, et qu'il y a ensuite une contestation du débiteur, qui peut très bien vivre dans un département où l'expérimentation n'a pas lieu, c'est devant le juge aux affaires familiales du domicile habituel des enfants que l'affaire sera portée. Je pense qu'il y a une confusion dans la rédaction.
J'entends et je comprends ce que vous voulez dire. La difficulté que vous évoquez est le cas où l'on saisirait la CAF d'un département, puis le JAF d'un autre département.
C'est toujours le lieu de résidence du créancier qui est pris en compte.
Pas nécessairement. Il peut y avoir des gardes alternées.
En cas de recours du créancier ou du débiteur, ce sera le TGI du lieu où se situe la CAF qui sera saisi – et ce sera donc aussi celui du lieu de résidence du créancier.
Si je comprends bien, un débiteur qui ne vivrait pas dans un département où le système est expérimenté pourrait quand même saisir la CAF si la créance est due dans un département où l'expérimentation a lieu, et on ne déroge pas à la règle de compétence territoriale en la matière. Ce sera au débiteur de se déplacer dans le département où réside le créancier.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL1048 du Gouvernement.
Il s'agit de compléter le rétablissement du périmètre de l'expérimentation tel qu'il a été défini dans le texte initial du projet de loi.
Avis favorable. Cet amendement permet de prendre en compte les cas dans lesquels un des parents dissimule volontairement certaines des pièces demandées lors de la procédure de fixation de la pension alimentaire.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL756 de M. Jean Terlier.
Cet amendement vise à préciser que le recours formé devant le juge contre la décision d'un organisme débiteur des prestations familiales portant sur la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants a un caractère suspensif. Cependant, Mme la garde des Sceaux nous ayant indiqué qu'il serait possible de saisir en urgence le juge afin d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire d'une telle décision, je retire l'amendement.
Je remercie M. Jean Terlier d'avoir retiré l'amendement. La disposition relative au recours suspensif figurera, je m'y engage, dans les textes réglementaires d'application. Je précise que le référé sera formé devant le président du tribunal de grande instance, mais que celui-ci pourra parfaitement déléguer ce pouvoir au juge aux affaires familiales.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL200 de M. Philippe Gosselin.
Cet amendement a le même objet que celui que nous venons d'examiner. Dès lors qu'il s'agit de simplifier la vie de nos concitoyens, n'est-il pas préférable, plutôt que de prévoir une procédure de référé, de préciser que le recours aura pour effet de suspendre le caractère exécutoire du titre et que l'ancien titre s'applique dans l'attente de la décision du juge ? Une telle disposition présenterait l'avantage, dans l'hypothèse où une baisse de la pension aurait été indûment accordée, de protéger le parent le plus faible économiquement. Et si, d'aventure, cette baisse s'avérait fondée, le juge aux affaires familiales, qui a la possibilité de donner à sa décision un caractère rétroactif au jour de la saisine, effacerait de facto la créance née à compter du recours. Cette procédure me paraît rapide, simple et protectrice.
Avis défavorable. J'ai été, un temps, séduite par cette proposition, mais je crains qu'un recours suspensif ne vide le dispositif de sa substance. De fait, ces recours, s'ils étaient systématiques, empêcheraient la mise en oeuvre de l'expérimentation. La solution proposée par le Gouvernement, qui souhaite ouvrir une voie de référé pour contester avec rapidité les décisions éventuellement aberrantes de la CAF, me paraît plus équilibrée et protectrice des intérêts de chacun.
Avis défavorable. Il faut en effet donner sa chance à l'expérimentation et ne pas la vider a priori de sa substance.
Il faut être d'autant plus prudent et attentif à la protection des intérêts de chacune des parties qu'il s'agit d'une expérimentation. Dès lors, plutôt que de prendre le risque de les fragiliser, il me paraît préférable de prévoir des protections supplémentaires, quitte à en rediscuter lors de la généralisation du dispositif si l'on s'aperçoit qu'est faite une utilisation abusive du recours suspensif. Encore une fois, mieux vaut être prudent dans ces matières.
C'est dans cet état d'esprit, monsieur Schellenberger, que j'avais déposé l'amendement CL756. Mais on sait que, lorsqu'ils existent, les recours suspensifs sont systématiquement utilisés à des fins dilatoires par les praticiens du droit. L'expérimentation serait vidée de sa substance puisqu'on repartirait devant le juge.
Cela prouve bien qu'il faut maintenir la procédure judiciaire actuelle. (Sourires.) C'est la vérité, mes chers collègues : si les JAF étaient en nombre suffisant, les affaires seraient jugées séance tenante. Le recours suspensif, dès lors qu'il permet de contester une décision administrative devant le juge, préserverait l'autorité de celui-ci sur l'administration. Le risque de manoeuvres dilatoires existe peut-être mais, au regard des principes, il me paraît limité.
Il ne faut pas désespérer de la nature humaine : les recours ne seraient pas systématiques.
Si le directeur de la CAF décide de réduire la pension alimentaire, on peut faire naître des situations de grande précarité. S'il décide de l'augmenter, les débiteurs peuvent se trouver dans l'impossibilité d'assumer la charge qui leur incombe, auquel cas on les conduit à commettre un délit puisque le non-paiement de la contribution à l'entretien et à l'éducation a des conséquences pénales. Dans les deux cas, la décision du directeur de la CAF n'est pas anodine : ses conséquences humaines sont importantes. Si l'on veut faire fi de l'intervention systématique du juge, prévoyons au moins que le recours devant lui a un caractère suspensif. Encore une fois, n'exagérons pas, les recours ne seront pas systématiques : ils ont un coût et ils demandent du temps.
Je rappelle que le Gouvernement propose d'ouvrir une voie de référé pour régler la question en quelques jours et éviter ainsi que le débiteur ne soit conduit à commettre un délit.
Mon intervention portera moins sur le fond, car les arguments développés par nos collègues de l'opposition me semblent de bon sens, que sur l'état d'esprit de la majorité. Doit-on considérer que tous les amendements de l'opposition sont a priori irrecevables ? Lorsque nous avons des désaccords de fond, politiques, on peut les assumer. Mais, en l'espèce, il s'agit, en définitive, de préserver l'intérêt de l'enfant. En général, dans un divorce, le conflit est intense jusqu'à l'audience devant le JAF. Ensuite, les parents s'efforcent de calmer les choses. Parier sur le fait qu'ils formeront systématiquement un recours, c'est avoir une conception très pessimiste de la nature humaine. Pourquoi ne pas retenir la proposition de notre collègue dans le cadre de l'expérimentation et, si l'on constate une utilisation abusive, en tirer les conséquences ? En attendant, on aurait au moins préservé les personnes les plus fragiles.
Sur la forme, sans doute cela vous a-t-il échappé, monsieur Jumel, mais je vous signale que nous avons déjà accepté un amendement de M. Gosselin.
Sur le fond, notre désaccord n'a rien d'idéologique au sens où nous refuserions par principe les amendements des oppositions. Notre objectif est très simple : nous voulons mener une expérimentation. Pour qu'elle ait du sens, nous l'avons construite de manière à proposer une procédure innovante qui protège le droit au recours. En l'espèce, celui-ci peut avoir un effet suspensif qui est laissé à l'appréciation du juge.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL1049 du Gouvernement.
Il s'agit, là encore, de rétablir le texte initial du projet de loi.
Madame la ministre, si vous voulez mener une expérimentation complète, prévoyez un recours suspensif dans quelques-uns des départements choisis. Vous aurez ainsi des éléments de comparaison. Allez au bout de votre logique !
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
La Commission examine l'amendement CL14 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons, pour ce qui relève du droit de la famille, de renverser la charge de la preuve dans les cas d'insolvabilité afin d'éviter le non-paiement de pensions alimentaires du fait d'une insolvabilité organisée.
Avis défavorable. Votre amendement me semble contraire aux principes du droit pénal. Par ailleurs, il va un peu plus loin que la jurisprudence de la Cour de cassation que vous invoquez dans l'exposé sommaire, puisqu'il aurait pour conséquence d'exposer le contrevenant à une peine de deux ans d'emprisonnement pour abandon de famille.
Cet amendement reprend, en le modernisant, l'ancien article 357-2 du code pénal aux termes duquel « l'insolvabilité qui résulte de l'inconduite habituelle, de la paresse ou de l'ivrognerie ne sera en aucun cas un motif d'excuse valable pour le débiteur ». Ces dispositions n'ont pas été conservées car juridiquement inutiles. Pour être déclaré coupable de l'infraction d'abandon de famille, il suffit que le débiteur ait volontairement omis de payer une pension alimentaire durant plus de deux mois. Son éventuelle insolvabilité n'est juridiquement pas exonératoire de sa responsabilité pénale ni de son obligation civile de verser les sommes dues.
Il appartient au débiteur appauvri ou devenu insolvable de saisir le JAF afin de demander une suppression ou une diminution pour le futur de la pension alimentaire. La Cour de cassation, dans un arrêt de 2014, a validé la condamnation d'une personne qui avait cessé de payer une pension au motif de son impécuniosité, en indiquant notamment que la réduction ou la suppression des pensions alimentaires, fût-ce avec effet rétroactif, ne pouvait avoir pour effet de faire disparaître l'infraction déjà consommée – le non-paiement des pensions.
Par conséquent, l'amendement me semble satisfait par la jurisprudence. Au demeurant, il pourrait laisser penser que, hors des cas d'inconduite, le débiteur pourrait valablement alléguer son insolvabilité pour échapper à la répression, ce qui serait exactement contraire aux objectifs que nous recherchons. Je vous demande donc, monsieur Bernalicis, de bien vouloir retirer l'amendement.
Nos collègues ont raison de soulever cette question. Cependant, leur amendement me paraît mal rédigé car ils visent, me semble-t-il, non pas l'inconduite ou le manque de diligence, mais plutôt l'organisation délibérée de l'insolvabilité. Or, l'arrêt de la Cour de cassation ne me semble pas couvrir ce type de faits.
Il s'agit, en tout état de cause, d'un véritable problème. En effet, nous avons tous en tête des situations dans lesquelles un homme – le plus souvent, reconnaissons-le ! – organise son insolvabilité parce qu'il refuse, comme je l'ai entendu dire dans mon bureau, que son « ex-femme ait le moindre fric ». Il me semble que nous devrions réfléchir à cette question collectivement et sans parti pris d'ici à la séance publique.
Notre amendement s'inspire d'une recommandation de la délégation aux droits des femmes. Il s'agit, pour nous, d'obliger celui qui prétend ne pas avoir d'argent parce qu'il a été négligent à prouver que c'est bien la raison pour laquelle il est insolvable. Nous proposons d'inverser la charge de la preuve : la bonne foi ne doit pas être présumée. S'il ne s'agit que d'une question de légistique, nous pouvons y retravailler d'ici à la séance publique pour trouver la formulation appropriée.
Pour être reconnu coupable d'abandon de famille, il suffit de ne pas avoir payé sa pension pendant deux mois.
Encore faut-il qu'un jugement oblige le débiteur à payer une pension. Un certain nombre de personnes organisent leur insolvabilité avant même la décision du juge.
Le fait qu'un débiteur organise son insolvabilité est constitutif d'un délit, qui sera qualifié comme tel par le juge.
Le sujet est important. De très nombreuses personnes organisent leur insolvabilité, que ce soit dans le cadre d'un divorce ou d'une liquidation d'entreprise. Je me fais ici l'interprète des victimes de cette forme de malhonnêteté qui, en l'espèce, sont souvent les ex-conjointes qui ont la garde des enfants au quotidien. Il s'agit d'une question très pragmatique qui mérite une véritable réponse. Peut-être celle-ci existe-t-elle déjà, auquel cas je m'inclinerai.
Il me semble qu'elle existe bien, monsieur Gosselin. Le cas de la personne qui, en vue de son divorce, organise frauduleusement son insolvabilité pour ne pas payer la pension alimentaire relève de l'article 314-7 du code pénal, lequel proscrit « le fait pour un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette, d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité […] ».
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL22 de M. Ugo Bernalicis.
Par cet amendement, nous proposons d'encadrer les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) en limitant le délai de réponse à quinze jours pour toutes les réclamations relevant de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale. Il s'agit de permettre au requérant de saisir plus rapidement la justice.
Avis défavorable également sur le fond. En outre, cette disposition est de nature réglementaire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL21 de M. Ugo Bernalicis.
Par cet amendement, nous proposons qu'en cas d'urgence, c'est-à-dire lorsqu'une personne connaît des troubles graves dans ses conditions d'existence ou une situation de pauvreté, le président du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) puisse, en référé, prendre des mesures conservatoires – gel d'une dette, versement d'allocations dues ou limitation du montant d'une saisie sur les prestations familiales, cette liste n'étant bien évidemment pas limitative. Ceci permettrait de remédier au plus vite à ces situations dramatiques. Nous souhaitons éviter que des personnes dans des situations de détresse pâtissent d'interprétations divergentes du texte et que le juge des référés du tribunal des affaires sociales s'interdise de prendre certaines mesures conservatoires.
Défavorable également. Votre amendement ne tient pas compte de la suppression, à compter du 1er janvier prochain, des tribunaux des affaires sociales et de leur transfert aux TGI, en application de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite « J21 ». Par ailleurs, un décret du 29 octobre dernier relatif au contentieux de la Sécurité sociale et de l'aide sociale a ouvert la procédure de référé à toutes ces matières. Enfin, il me semble qu'il n'y a pas lieu de prévoir, devant les juridictions sociales, d'autres critères que ceux des référés de droit commun.
La Commission rejette l'amendement.
Article 7 (art. 1397 du code civil) : Allégement des conditions dans lesquelles les époux peuvent modifier leur régime matrimonial
La Commission est saisie de l'amendement CL1053 du Gouvernement.
Le représentant du mineur sous tutelle doit être avisé du changement de régime matrimonial des parents afin de pouvoir faire opposition s'il estime menacés les intérêts de l'enfant qu'il représente. Tel est l'objet de cet amendement, corollaire de la simplification proposée à l'instant.
Je puis vous assurer que la suppression de l'homologation judiciaire est très précieuse, notamment lorsque le changement de régime matrimonial est demandé en cas de maladie. Il est arrivé que l'homologation n'intervienne pas à temps, ce qui a pu provoquer des drames familiaux.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL1052 du Gouvernement.
Cet amendement complète le rétablissement de l'article 7.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 7 modifié.
Article 8 (art. 116, 500, 507, 507-1 et 836 du code civil) : Suppression du contrôle préalable du juge pour certains actes relevant de la responsabilité du tuteur d'une personne protégée
La Commission examine les amendements identiques CL69 de M. Ugo Bernalicis et CL441 de M. Stéphane Peu.
Par l'amendement CL69, nous proposons de supprimer l'article 8 afin de préserver le rôle du juge dans la protection des personnes en situation de vulnérabilité, telles les personnes sous tutelle, et d'éviter la mise en danger de leur patrimoine. Certes, le Sénat a supprimé le 2° de cet article, relatif à la fin du contrôle du juge des tutelles sur les actes du tuteur relatifs aux frais de gestion pour la rémunération d'actes particuliers, mais les dispositions restantes posent problème.
En effet, elles tendent à supprimer le contrôle préalable du juge sur certains actes qui relèvent, soit exclusivement de la responsabilité du tuteur, soit de la responsabilité du professionnel intervenant dans l'opération, lequel est, dans ce cas, astreint à une obligation de conseil renforcée à l'égard des majeurs protégés et des mineurs. Plus précisément, le texte supprime le contrôle du juge lorsque le tuteur souhaite inclure dans les frais de gestion de la tutelle la rémunération des administrateurs particuliers ou conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières de la personne protégée.
S'agissant d'un sujet aussi problématique, on peut s'étonner que le Conseil d'État estime, dans son avis, que « ces dispositions n'appellent pas d'observations » de sa part. Comme l'a dit Mme la sénatrice Esther Benbassa, « le marché représente plus de 60 millions d'euros et le Gouvernement veut faire peser la carence de l'État sur les plus fragiles, qu'il sacrifie ».
Mon amendement vise également à supprimer l'article 8. Sur la forme, le projet de loi comporte plusieurs mesures éparses relatives à la protection des majeurs et des mineurs alors qu'une réforme d'ampleur est annoncée dans la continuité du rapport de la mission interministérielle consacré à ce sujet que Mme Anne Caron-Déglise a remis le 21 septembre dernier. Cela ne paraît pas cohérent et la lisibilité de la réforme y perd.
Sur le fond, le dispositif vise à transformer le juge d'instance en juge de l'incident en « déjudiciarisant » ou en privatisant une part importante du droit des personnes protégées. Comme le souligne le Syndicat de la magistrature, cette orientation est de nature à transférer de fait le contentieux et la responsabilité sans faute du juge du fait de sa mission générale de surveillance vers les professionnels.
Avis défavorable. Le projet de loi a pour objet de simplifier les procédures et d'éviter, chaque fois que c'est nécessaire, le recours préalable au juge pour l'établissement d'actes du quotidien.
Monsieur Jumel, vous faites erreur en estimant que nous devrions attendre la grande loi sur les tutelles. Mme Buzyn, Mme Cluzel et moi avons en effet confié à Mme Caron-Déglise une mission sur les majeurs protégés. Son rapport comporte 109 recommandations. Il nous a semblé important que, dans le projet de loi de réforme pour la justice, puissent figurer des dispositions qui s'attachent à la dignité des personnes placées sous tutelle. D'autres mesures concernant les tutelles seront prises prochainement, mais elles ne relèveront pas du même domaine.
Dans le cadre de ces mesures de dignité, nous souhaitons donner au juge toute sa place car il est nécessaire de protéger les majeurs sous tutelle. C'est bien le juge qui ouvre les mesures de protection. Mais, ensuite, toute une série d'actes – dont la réalité montre qu'il ne les accomplit absolument pas – peuvent être confiés à d'autres professionnels tout en maintenant un contrôle judiciaire. Telle est la philosophie qui me guide dans ce texte.
Je m'interroge également sur la concordance des temps. Certes, les dispositions de l'article 8 relèvent d'un domaine spécifique. Mais la commission des Lois a également confié une mission sur le sujet à notre collègue Aurélien Pradié. Cette mission est en cours. Il serait intéressant que l'on attende ses conclusions. Sur le fond, je n'ai pas de désaccord avec vous, madame la ministre : il est important de préserver la dignité de ces personnes. Mais il importe d'avoir une vision globale de la question plutôt que d'agir de manière pointilliste. Or, c'est un peu le sentiment que nous donne l'article 8.
Je puis vous assurer, pour m'être récemment rendu dans un lieu qui accueille des majeurs protégés, que ces derniers attendent ces mesures importantes pour leur dignité.
Je ne nie pas la réalité des atteintes à la dignité des majeurs protégés, mais je ne suis pas certain que cela tienne uniquement à une question de procédure. Certaines tutelles et curatelles fonctionnent bien, souvent parce que la personne qui les exerce est un proche et que la réactivité est alors absolue. Dans d'autres cas, le majeur protégé se voit privé du peu de liberté nécessaire à sa dignité sous de faux prétextes de protection. Ce n'est pas une question de mauvaise foi ou de mauvaise gestion. Il s'agit de cas où la personne chargée de la tutelle est éloignée du majeur protégé. Quant aux organismes tutélaires, ils peuvent faire face à une charge de travail invraisemblable. Les collaborateurs de ces associations sont les premiers à en souffrir car ils ne parviennent pas à respecter la dignité des personnes dont ils ont la charge. Cela ne tient pas uniquement à la procédure juridique.
Il est certes urgent d'agir mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Cette proposition ne règle rien à ce problème majeur qu'est l'insuffisance des moyens donnés aux associations tutélaires ; c'est en leur redonnant du temps, ne serait-ce que pour faire de la médiation et expliquer le pourquoi de certaines décisions aux majeurs protégés, que l'on permettra à ceux-ci de retrouver leur dignité.
Je mesure la force de conviction de la ministre et la sincérité de cette proposition. Mais je ne peux laisser prospérer l'idée que, dans l'opposition, nous serions moins pressés de nous préoccuper de la dignité de ces personnes. J'ai simplement souligné que le texte manquait de lisibilité et, au bout du compte, de force symbolique et de cohérence.
Par ailleurs, lorsque nous avons soulevé le fait que l'insuffisance des moyens consacrés à l'aide juridictionnelle constituait aussi une atteinte à la dignité des personnes précaires, on nous a répondu que ce n'était pas l'enjeu du texte. Notre amendement visait à souligner l'absence de garanties que représente le contrôle a priori du juge.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement CL748 rectifié de M. Jean Terlier.
Cet amendement renforce l'autonomie des personnes majeures par l'intermédiaire de leur tuteur. Il procède de l'idée que le tuteur est une personne de confiance et que le juge exerce le contrôle des mesures qu'il prend. Il est ainsi prévu que le tuteur fasse appel à un tiers pour l'aider à établir un budget avec l'accord du conseil de famille, sans passer par le juge. Cela semble pertinent, particulièrement dans le cas de patrimoines complexes.
Le tuteur pourra également prendre des décisions relatives à des opérations chirurgicales ou à tout autre acte médical grave, le juge n'étant appelé à intervenir qu'en cas de désaccord entre le tuteur et le majeur protégé.
Cet amendement prévoit enfin de renforcer l'habilitation familiale, une procédure qui prend progressivement son essor. Par ailleurs, le dossier de saisine, remis au procureur de la République, sera beaucoup plus complet, ce qui permettra une meilleure vision de la situation sociale et pécuniaire du majeur protégé.
Cet amendement approfondit la logique de l'article 8, qui supprime des doublons et allège la procédure en remettant la décision entre les mains du majeur protégé et de son tuteur. J'émets un avis favorable sous réserve d'une rectification : seul le Gouvernement peut demander à être habilité à légiférer par ordonnance sur le fondement de l'article 38.
Je vous remercie, madame Abadie, d'avoir proposé cet amendement qui relève précisément de la recherche d'un équilibre entre dignité et protection des personnes majeures. Il vise à libérer de l'autorisation préalable du juge les décisions prises par les personnes majeures et le tuteur, dans un esprit de simplification tout autant que de dignité. L'autorisation du juge, requise jusqu'alors pour une simple extraction dentaire considérée comme une opération chirurgicale, n'a plus lieu d'être.
À la suite de la rectification que vient d'opérer Mme Abadie, je propose à la commission des Lois un sous-amendement CL1084 qui prévoit, mais à la demande du Gouvernement, une habilitation à fixer par voie d'ordonnance les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d'un majeur protégé et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge médico-sociale.
La Commission adopte le sous-amendement puis l'amendement ainsi sous-amendé.
Enfin, elle adopte l'article 8 modifié.
Article 8 bis [nouveau] (art. 63, 174, 175, 249, 249-1 [abrogé], 249-3, 249-4, 460 et 462 du code civil) : Droits matrimoniaux d'une personne protégée
La Commission examine l'amendement CL744 de M. Jean Terlier, qui fait l'objet du sous-amendement CL1079 de la rapporteure.
Le groupe La République en marche a voulu reprendre à son compte cet amendement défendu par le Gouvernement au Sénat, qui concerne l'exercice d'un droit fondamental. Attachés aux principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité qui doivent guider toute mesure de protection, et soucieux de concrétiser enfin les engagements internationaux de la France, nous souhaitons rendre aux personnes vulnérables que sont les majeurs protégés l'exercice effectif de leur droit au mariage, au pacte civil de solidarité (PACS) et au divorce, aujourd'hui soumis à l'approbation préalable du juge.
Nous voulons changer de paradigme. Mais le respect des droits de la personne protégée doit s'accompagner d'une sécurisation de sa situation. Il est prévu que la personne chargée de la mesure de protection soit informée du projet et qu'elle ait la faculté, s'il apparaît un abus, de s'y opposer.
Le Défenseur des droits, dans son rapport de septembre 2016, et Mme Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation spécialiste des tutelles, dans son rapport à la Chancellerie, soulignent que les mesures d'accompagnement doivent permettre de respecter les droits, la volonté et les préférences des personnes concernées et pas seulement répondre objectivement à un intérêt supérieur.
Je salue cette avancée considérable en matière de dignité et d'exercice des droits fondamentaux. Désormais, les majeurs protégés pourront choisir de s'unir et de se désunir.
Pour renforcer leur protection et préserver leurs intérêts, je propose un sous-amendement précisant la place du tuteur dans le régime matrimonial. Nous garantirons ainsi la liberté matrimoniale tout en protégeant les intérêts patrimoniaux.
Nous sommes là parfaitement dans l'équilibre entre dignité et protection. Les majeurs protégés considèrent souvent que la surprotection dont ils font l'objet dans l'exercice de leurs droits fondamentaux confine à la maltraitance. Il est proposé de passer d'un contrôle a priori, avec autorisation préalable du juge, à un contrôle a posteriori où le tuteur, informé du projet de mariage, peut s'y opposer le cas échéant. Cet équilibre est renforcé par le sous-amendement de Mme la rapporteure. Sous réserve de son adoption, avis favorable.
Nous partageons le même constat : nous n'avons pas à être fiers de la façon dont les personnes vulnérables sont protégées.
Je me réjouis que nous puissions débattre de la question de leur dignité. Pour autant, nous devrions prendre plus de temps pour y réfléchir. Nous satisfaire du rétablissement d'un droit fondamental me semble un peu court. D'ailleurs, le sous-amendement de la rapporteure vient rafraîchir quelque peu l'enthousiasme soulevé par ce qui pourrait être un discours d'affichage.
Je m'interroge donc : pourquoi renverser le paradigme ? Sincèrement, la situation sera-t-elle plus simple lorsque le mariage sera autorisé pour tous les majeurs protégés, mais interdit par exception ? Qu'en sera-t-il de la dignité de la personne à qui l'on expliquera que le mariage est possible, sauf dans son cas ? Tout n'est pas blanc ou noir. Je ne pense pas que, grâce à ce texte, ce sera mieux demain. Nous devrions prendre le temps de cette discussion.
J'entends vos interrogations ; elles sont légitimes. Ce n'est pas uniquement un débat philosophique. Qu'est-ce qui est le plus difficile ? Devoir obtenir l'autorisation préalable du juge pour exercer ses droits fondamentaux ou pouvoir les exercer, comme tout individu, au risque que d'autres personnes s'y opposent parce que l'on se trouve dans une situation particulière qui nécessite une protection exacerbée ?
Nous pensons que les majeurs protégés doivent rejoindre le droit commun et se voir appliquer les mêmes dispositions que tout un chacun. Chacun a le droit de se marier mais, même en droit commun, une procédure d'opposition est possible suite à la publication des bans. C'est la logique qui sous-tend cette mesure. Les droits fondamentaux sont des acquis pour toute personne, quelle que soit sa condition, mais des garde-fous sont mis en place, liés à son statut particulier.
Tout n'est pas noir ou blanc, monsieur Schellenberger, puisque la possibilité de choisir le régime matrimonial apporte précisément une nuance, un entre-deux. Le majeur protégé pourra choisir de se marier avec qui il souhaite. Mais, si son entourage et son tuteur ont des doutes, il ne pourra pas faire n'importe quoi avec son patrimoine dans le cadre de son régime matrimonial. C'est cet entre-deux qui sera, je pense, le plus souvent choisi. La logique est celle de l'inclusion : il s'agit de donner les mêmes droits aux majeurs protégés, tout en les protégeant si leur entourage exprime des craintes.
Vous dites que nous n'avons pas suffisamment réfléchi. Mais cela fait des années que les rapports s'entassent – je ne citerai que ceux de la Cour des comptes, du Défenseur des droits et d'Anne Caron-Déglise – et que la France se voit enjoindre de respecter ses engagements internationaux ! Cela ne fait que quelques minutes que nous débattons de la question, mais ces propositions ont été formulées pendant des années sous différentes plumes.
Il n'est pas question d'avoir un débat idéologique sur le sujet. Le principe de dignité de la personne, indéniable, me semble surplomber tout. Au-delà, et de façon plus pragmatique, nous abordons un certain nombre de difficultés du quotidien.
S'il est évident que nous avons trop tardé à reconnaître la nécessité de respecter la dignité des personnes protégées, je m'interroge sur les modalités de la protection. Je crains que nous soyons un peu « à côté de la plaque » en prévoyant un droit de regard sur le contrat de mariage car, dans la plupart des cas, le patrimoine n'est pas suffisamment important pour constituer un enjeu. Bien évidemment, nous avons tous à l'esprit, dans nos entourages familiaux ou municipaux, des contre-exemples d'escroquerie affective et intellectuelle. Pour autant, je ne suis pas sûr que les protections prévues soient à la mesure des enjeux.
Je ne suis pas vent debout contre ces modifications et je pourrai voter en leur faveur sans difficulté. Mais je crois que nous devons poursuivre la réflexion d'ici à la séance publique, et envisager des mesures permettant de mieux protéger les majeurs vulnérables. La protection est aussi un élément de la dignité.
Je rappelle que lorsque l'on parle de libertés individuelles : le régime d'autorisation est beaucoup plus sévère que le régime répressif. En supprimant l'autorisation préalable et en prévoyant un contrôle, nous revenons au droit commun de l'exercice des libertés et de la dignité.
Monsieur Gosselin, la protection est assurée puisque le tuteur doit être obligatoirement informé du projet de mariage, afin qu'il puisse, le cas échéant, s'y opposer ou choisir le régime matrimonial. Il me semble que nous sommes à l'équilibre.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement ainsi sous-amendé.
L'article 8 bis est ainsi rédigé.
Article 8 ter [nouveau] (art. L. 5 [abrogé], L. 64, L. 72-1 [nouveau], L. 111, L. 387-1 [nouveau] et L. 388 du code électoral) : Droit de vote d'une personne protégée
La Commission examine l'amendement CL746 de M. Jean Terlier.
L'article L. 5 du code électoral précise que, lors de la prise ou du renouvellement d'une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée. Dans huit cas sur dix, ce droit est retiré. Cet article et son application constituent une discrimination à l'égard des majeurs protégés. De nombreux observateurs, notamment le Défenseur des droits et la rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, en demandent l'abrogation.
J'ai eu le privilège de participer lundi à une table ronde à laquelle étaient invitées des personnes handicapées. Celles-ci demandent à exercer ce droit qui participe de leur citoyenneté.
Cet amendement vise donc à abroger l'article L. 5 du code électoral. Dans la mesure où il convient de garantir la sincérité du vote, et pour écarter tout risque d'influence, il prévoit que la personne en charge de la mesure de protection ne peut représenter le majeur lors des opérations électorales.
Nous avons tous été frappés par notre rencontre, lundi, avec ces majeurs protégés, qui demandent à accéder à la citoyenneté pleine et entière. Avis très favorable.
J'espère que la France marchera dans les pas de l'Espagne, qui vient de procéder à cette réforme. Au-delà de nos engagements internationaux, il y a un enjeu de dignité pour notre pays. Mais il convient de respecter la sincérité du vote, un principe constitutionnel. Nous avons réfléchi avec le ministère de l'intérieur à la meilleure façon de la garantir : les procurations ne pourront pas être données aux personnes en lien direct avec le majeur protégé, comme le personnel des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il est important de permettre l'expression du droit de vote tout en prévoyant les garde-fous.
Comme tout à l'heure, je ne m'oppose pas à vos propositions mais je m'interroge. La littérature, les recommandations, les avis abondent peut-être sur le sujet, mais le débat parlementaire compte aussi. N'économisons pas notre salive sur un sujet aussi important que celui-là !
Le simple fait de placer sous protection des majeurs leur ôte une part de liberté, donc de dignité. Il convient de faire en sorte que cette part soit la moins perceptible possible et que le majeur protégé se sente le plus digne, le plus responsable et le plus libre possible. Le droit de vote, dont bénéficient aujourd'hui 20 % des personnes placées sous tutelle, peut y participer. Mais exercer son droit de vote, c'est prendre part à une décision collective qui concerne la collectivité. On va donc se retrouver dans une situation où une personne, qui a été considérée par décision de justice incapable de prendre des décisions pour elle-même, pourra prendre des décisions pour les autres. Je ne dis pas que ce n'est pas bien ou qu'il ne faut pas faire évoluer le droit en la matière, mais permettez-moi de m'interroger sur l'opportunité d'une telle disposition.
Il s'agit toujours là de la mise en musique des annonces gouvernementales de ces dernières semaines. Le débat de ce soir est évidemment compliqué car l'on peut vite se retrouver accusé d'avoir mauvais esprit ou de ne pas respecter les personnes handicapées. Nous aussi, nous voulons une société inclusive car nous considérons que le handicap est vaincu lorsqu'il fait partie de la vie de tous les jours. Cela ne fait aucunement débat.
L'article L. 5 du code électoral permet au juge de statuer sur le maintien ou la suppression du droit de vote. Nous devrions nous interroger sur ce qui conduit les juges à le retirer aussi souvent. La dignité, cela consiste aussi à être protégé, à ne pas pouvoir agir contre soi. À force de banaliser, au nom de la dignité, l'ensemble des droits, on finit par se demander ce qui a pu conduire un certain nombre de personnes à être placées sous protection. Or si une mesure de tutelle est décidée, c'est que la personne doit être protégée contre elle-même, parfois contre la société. À force de vouloir à tout prix rechercher le droit commun, ne risquons-nous pas de tomber dans l'excès inverse ? Je m'interroge à haute voix : il ne s'agit pas de s'engager dans un débat dogmatique mais de se demander ce qu'il est bien de faire. Nous devons poursuivre nos échanges. Beaucoup de doutes s'expriment ici.
Exercer sa citoyenneté, c'est prendre des décisions pour les autres mais aussi pour soi-même. Le droit de vote est un droit fondamental et l'exercer permet à tout citoyen de sentir qu'il appartient à la société. L'abrogation de l'article L. 5 est une demande forte des majeurs protégés pour qui c'est une question de dignité. La seule question qui se pose est : pourquoi un majeur protégé ne pourrait-il pas être un citoyen à part entière ?
J'entends bien cette interrogation mais je pense qu'il faut aussi se demander ce qui fait que cette personne majeure a été placée sous protection. La mesure de tutelle est prise lorsqu'une partie du discernement est abolie et que la famille souhaite protéger la personne d'elle-même et des autres. Même si la sincérité de son vote est garantie, le défaut de discernement autorise-t-il à voter ? Vous voyez bien que le raisonnement bloque sur ce point.
On place une personne sous tutelle pour la protéger d'elle-même, préserver sa santé ou son patrimoine. Or, il ne me semble pas que l'exercice de son droit de vote puisse mettre en danger sa santé ou son patrimoine. Il ne faut retirer des droits que si cela s'avère nécessaire et proportionné. Je ne vois pas en quoi la suppression du droit de vote protège quiconque. Les personnes que nous avons rencontrées nous ont expliqué qu'elles ont vu les spots des candidats, qu'une simulation de vote a été organisée : on ne peut pas dire qu'elles n'ont pas le discernement suffisant pour voter. Elles ont une préférence pour un candidat. Il est important qu'elles puissent l'exprimer.
C'est une discussion intéressante sur le plan philosophique mais aussi politique. Nous assumons d'être dans une tradition de pensée qui défend l'extension des droits et la création de nouveaux droits. En entendant l'intervention de nos collègues, je m'interroge sur la capacité de faire des choix en conscience et en conviction. Pouvoir disposer de ses biens ou de sa personne est, d'une certaine manière, une liberté fondamentale. Si cette capacité, ou ce droit, sont retirés ou restreints par une décision de justice, c'est qu'une partie du discernement est considérée comme faisant défaut.
L'interrogation de nos collègues est légitime et justifie que nous prenions le temps de poursuivre la réflexion. Encore une fois, c'est une question suffisamment sensible – nous parlons de droits fondamentaux – pour que nous ne nous contentions pas d'un avis favorable et des arguments de la majorité. Pour ma part, je m'abstiendrai.
Nous ne négligeons pas du tout le débat et nous consacrons un certain temps à cette question. Je pense que la Commission sera suffisamment éclairée à l'issue de ces échanges pour se prononcer sur cet amendement.
Les esprits ont l'air de s'agiter alors que, sur un sujet comme celui-ci, il faut se garder de toute certitude absolue. Nous nous interrogeons, en fin de compte, sur la meilleure façon de construire la dignité des personnes protégées.
Lorsque l'on place quelqu'un sous tutelle, c'est qu'il n'est plus en situation de veiller sur ses propres intérêts ; il peut avoir envie de dilapider son patrimoine ou de perdre sa dignité. Mais est-ce que la citoyenneté a moins de valeur que le patrimoine ? Doit-elle être mise sur un autre plan que l'expression d'un sentiment amoureux, par exemple ?
La tutelle concerne 800 000 personnes dont 80 % sont privées du droit de vote. Faut-il en déduire que les juges sont animés par une idéologie de privation des libertés fondamentales ? Si c'est le cas, c'est une véritable mise en cause des juges concernés. J'aimerais vous entendre sur ce point.
Faut-il, à la faveur d'un amendement qui n'est pas d'initiative gouvernementale et qui n'a pas fait l'objet d'expertise contradictoire, inverser le système et généraliser l'automaticité du droit de vote ? J'en doute, d'autant que les détournements de consentement, qui existent, peuvent être facilités lorsqu'il s'agit de personnes qui ne sont pas en situation de veiller à leurs propres intérêts. Ce n'est pas une petite question, y compris pour les équilibres de la démocratie !
Je m'étonne de cet amendement qui, quoique construit et intéressant, ne repose sur aucune étude d'impact. Contrairement à vous qui connaissez les rapports rédigés sur ce point, je suis relativement ignorante de ces questions et je ne dispose pas des éléments me permettant de les cerner correctement. Je regrette que nous n'ayons pas pu débattre davantage. Nous avons tous rencontré des personnes sous tutelle et des mandataires, et nous avons tous écrit à un juge pour l'informer qu'un mandataire ne faisait pas son travail. Nous sommes donc conscients de la nécessité d'agir. Notre collègue Caroline Abadie a réalisé un travail de qualité qui mérite l'attention que nous lui portons.
Intuitivement, je distinguerais entre la citoyenneté et le patrimoine. Je comprends ceux de mes collègues selon lesquels on voudrait protéger les biens en négligeant le reste. Tout en réservant mon vote en séance, ma réponse, à ce stade, consiste à dire spontanément que la citoyenneté n'est pas de même nature que le patrimoine. La protection du patrimoine sert à protéger les personnes qui, si elles en sont privées, vivront dans la misère ; elle répond donc à un souci de protection matérielle. La citoyenneté, en revanche, est le moyen de leur donner la dignité. Voilà ce que je ressens en entendant vos propos, même si je comprends la difficulté qu'ont nos collègues à prendre position sur cette question majeure. En ce qui me concerne, je suis tout de même tentée de voter en faveur de cette disposition intéressante.
Je crois profondément à cette mesure. Le Gouvernement l'a déjà défendue au Sénat. Il fallait le faire ici et plusieurs députés ont manifesté leur intérêt ; il m'a donc semblé utile de les associer à cette démarche. Il va de soi que le Gouvernement est pleinement favorable à cette évolution. Je comprends les doutes qui s'expriment et je les respecte. Compte tenu de mon engagement sur ce sujet, toutefois, j'aurais souhaité – dans mes rêves les plus fous – que nous nous engagions ensemble et que nous soyons unanimes.
Encore une fois, je respecte les doutes que suscite cette question difficile. Je rappelle néanmoins devant vous, mesdames et messieurs les députés, que le droit de vote n'est pas capacitaire ; l'époque où il était lié au degré de capacité des personnes est révolue. Tout le monde peut voter et chaque voix est prise en compte.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 8 ter est ainsi rédigé.
Article 8 quater [nouveau] (art. 26 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires extérieures) : Durée légale avant le réexamen des mesures de protection
La Commission est saisie de l'amendement CL602 de Mme Caroline Abadie, qui fait l'objet du sous-amendement CL1081 de la rapporteure.
La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a mis fin aux mesures de protection à durée indéterminée. Ces mesures peuvent désormais être renouvelées pour une durée maximale de vingt ans à condition que l'état de santé du majeur concerné ne puisse pas connaître d'amélioration, cette décision étant prise après avis conforme d'un médecin.
Pourtant, l'article 26 de la loi du 16 février 2015 relative à la simplification du droit prévoit que ces mesures soient réexaminées à l'issue d'une période de cinq ou dix ans. Mon amendement vise à ce qu'il n'y ait plus lieu de réviser les mesures de protection dans ces délais mais bien au terme de la durée de validité de la mesure, c'est-à-dire après vingt ans.
Sur le principe, je suis favorable à cet amendement mais je propose d'en limiter quelque peu la portée par le sous-amendement CL1081 afin de permettre aux personnes protégées de voir un juge dans un délai compris entre dix et vingt ans, de sorte que toutes les mesures puissent être révisées avant 2035.
Avis favorable à l'amendement et au sous-amendement.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement ainsi sous-amendé.
L'article 8 quater est ainsi rédigé.
Avant l'article 9
La Commission examine l'amendement CL11 de M. Ugo Bernalicis.
Permettez-moi de présenter en même temps les amendements CL11 et CL13, qui visent à revenir sur des dispositions des lois « El Khomri » et « Macron ». L'amendement CL11 concerne la barémisation des indemnités de licenciement instaurée en 2015 et renforcée en 2017. En effet, le plafonnement à un niveau ridiculement bas des indemnités prud'homales permet à des employeurs peu scrupuleux d'anticiper les coûts d'un licenciement contraire aux dispositions du code du travail. De ce fait, ils sont désormais susceptibles de planifier un licenciement illégal, de l'intégrer dans les coûts prévisionnels et d'agir abusivement en toute sérénité.
Une enquête du journal Le Monde sur les conséquences de la barémisation révèle que la moitié des conseillers et conseillères de la juridiction de Lorient souhaitent démissionner. Le témoignage de l'un d'entre eux exprime bien notre sentiment : « Imaginez la même chose au pénal : pour un meurtre, c'est maximum tant de dommages et intérêts, pour un viol, tant. Ce serait un tollé ! » Cette barémisation à marche forcée nous semble avoir été conçue au mépris de toute considération humaine. Nous demandons à y revenir.
Quant à l'amendement CL13, il vise à rétablir la saisine simplifiée qui prévalait avant le 26 mai 2016, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de la loi « Macron ».
Même avis. J'ajoute que ces amendements sont sans lien avec le texte dont nous débattons et me semblent être des cavaliers.
Les mesures relatives aux tutelles ne sont pas des cavaliers.
Le Gouvernement fait ce qu'il veut comme nous l'avons constaté à de nombreuses reprises depuis un an. En l'occurrence, il s'agit de la procédure judiciaire devant les tribunaux de prud'hommes. Nous avons eu ce débat, madame la rapporteure, et nous connaissons désormais les conséquences de ces mesures sur l'accès des usagers à la justice. Nous ne sommes aucunement hors sujet. Nous savons que ces lois ont réduit l'accès des salariés et des travailleurs à la justice prud'homale. C'est avec ce recul, et pour éviter que la situation n'empire, que nous proposons de revenir immédiatement sur ces mauvaises évolutions. Dès lors, nos amendements ont un lien évident avec le projet de loi. Vous assumez quant à vous le fait de poursuivre dans la même voie, illustrant l'incohérence entre les principes que vous prétendez défendre et la réalité de l'application de la loi.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la Commission rejette l'amendement CL13 de M. Ugo Bernalicis.
Elle est saisie de l'amendement CL12 de Mme Danièle Obono.
Dans le même esprit, nous proposons, pour renforcer les moyens de la justice prud'homale, un amendement d'appel – à titre expérimental, donc, à défaut de pouvoir le proposer à titre systématique – visant à renforcer la formation initiale des conseillers prud'homaux, assurée par l'État, ainsi que leur formation continue, à modifier le ressort territorial des juridictions prud'homales selon des critères démographiques et à augmenter les moyens qui leur sont alloués. Ainsi, cette juridiction ne se réduirait plus comme une peau de chagrin – comme les droits des travailleurs, même si je suis conscient que c'était un objectif. Nous ne parlons plus là de code du travail mais d'accès au droit et à la justice, ce qui prend un tout autre sens.
Même avis. La politique de formation des conseillers prud'homaux ne saurait être expérimentale, car elle doit être conduite selon un principe de continuité. Nous avons déjà instauré plusieurs éléments en ce sens : une formation obligatoire de cinq jours et d'autres stages de formation continue.
La Commission rejette l'amendement.
Article 9 : Compétence de la Caisse des dépôts et consignations pour la gestion de certaines sommes saisies ou consignées et leur répartition entre créanciers
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL945 du Gouvernement et CL565 de M. Philippe Chalumeau.
Je vous propose par cet amendement de rétablir un article supprimé par le Sénat, qui vise à confier à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) des missions qui s'inscrivent pleinement dans le cadre de celles qu'elle exerce déjà.
En effet, la Caisse dispose de toutes les capacités utiles pour gérer les frais d'expertise et les sommes dues aux créanciers dans le cadre des saisies de rémunération. Il est tout à fait de sa compétence de recevoir des fonds issus des rémunérations en cas de pluralité des créanciers, de les gérer puis de les répartir entre les créanciers en question ; ce ne sont au fond que des opérations bancaires assez classiques. La seule particularité consiste, lors de l'opération de répartition, à déterminer la part qui revient à chaque créancier. Ce calcul procède de règles simples et aisément applicables.
De même, la Caisse des dépôts et consignations maîtrise les attributions qui lui sont transférées en matière d'expertise. Elle les pratique déjà s'agissant des expertises ordonnées par les conseils de prud'hommes et par les juridictions d'Alsace et de Moselle. L'accomplissement de ces tâches ne nécessite aucun accueil des justiciables : l'accès au service public de la justice ne changera pas. Les juridictions conserveront l'intégralité des dossiers et resteront compétentes pour traiter les demandes initiales, c'est-à-dire déterminer les sommes dues et les éventuels incidents en cours de procédure. Autrement dit, la CDC n'exercera qu'un rôle de support pour exécuter les décisions judiciaires.
Le transfert de ces tâches à la CDC constituera un gain de temps pour les greffes qui, aujourd'hui, les exercent manuellement. Il permettra en outre de professionnaliser des opérations qui reposent sur des greffiers dont ce n'est pas le coeur de métier. La procédure sera modernisée, dématérialisée et rendue plus fluide grâce au versement direct à la CDC des fonds saisis et des sommes consignées par virement ou par carte bancaire. Nous travaillons avec la Caisse à l'opérationnalisation de ce processus.
J'ajoute simplement que, la Caisse des dépôts et consignations étant le comptable public de l'État, elle est en mesure d'assurer cette compétence que les greffes, déjà surchargés, n'assurent pas de la manière la plus efficace car elle ne correspond pas à leur compétence initiale – d'où l'amendement CL565.
Je soutiens la volonté du Gouvernement de confier la gestion de fonds saisis par la justice à des professionnels et non à des greffiers dont les compétences sont bien plus utilement employées à l'exercice de tâches proprement judiciaires. Le Sénat a supprimé cette disposition en première lecture en raison des interrogations de la Caisse des dépôts et consignations concernant les mécanismes de mise en oeuvre de l'article. Je constate que l'amendement du Gouvernement comporte plusieurs évolutions par rapport à l'article initialement présenté au Sénat, qui répondent aux préoccupations de la CDC – notamment au sujet de l'utilisation de moyens de transmission par voie électronique. J'émets donc un avis favorable à l'amendement du Gouvernement et je demande le retrait de l'amendement CL565, qui ne comporte pas les améliorations susmentionnées.
L'amendement CL565 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CL945.
L'article 9 est ainsi rétabli.
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
Article 9 bis (art. L. 311-5, L. 322-1, L. 322-4 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution) : Procédure de saisie et de vente immobilière
La Commission examine l'amendement CL716 de Mme Typhanie Degois.
Une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances a été instaurée le 1er janvier 2016 afin de pouvoir obtenir un titre exécutoire sans saisir le tribunal, grâce à la simple intervention de l'huissier de justice. Or, cette procédure simplifiée se heurte à un écueil : elle suppose l'envoi par l'huissier de justice d'une lettre recommandée avec accusé de réception. Si le débiteur ne retire pas la lettre en question, la procédure est en échec.
C'est pourquoi cet amendement permet aux huissiers de justice de prendre contact avec les débiteurs au moyen d'un message électronique. Cette modification de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances permettra de la développer en augmentant le nombre de débiteurs acceptant d'y participer.
Avis favorable. Cette disposition qui concerne des litiges portant sur un montant inférieur à 4 000 euros permettra d'adresser des notifications par messages électroniques. L'élément essentiel demeure la date d'envoi et la réponse éventuelle du débiteur. Il n'y a aucun obstacle à ce que la notification puisse être adressée non pas seulement par lettre recommandée, mais aussi par voie électronique.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 9 bis modifié.
Article 9 ter [nouveau] (art. L. 211-1-1 [nouveau] et L. 523-1-1 [nouveau] du code des procédures civiles d'exécution ; art. L. 151 A du livre des procédures fiscales) : Transmission électronique des saisies-attribution et des saisies conservatoire
La Commission est saisie de l'amendement CL859 de la rapporteure.
Cet amendement de simplification impose la transmission aux établissements bancaires des actes relevant de procédures de saisie-attribution et de saisie conservatoire des créances de sommes d'argent par voie électronique, et non pas seulement par la voie physique.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 9 ter est ainsi rédigé.
Article 10 : Modernisation des modalités de délivrance des apostilles et légalisations
La Commission examine les amendements identiques CL70 de M. Ugo Bernalicis et CL437 de M. Stéphane Peu.
Cet amendement de suppression vise à préserver les ressources budgétaires et financières liées à la délivrance par le service public des légalisations et des apostilles. En effet, le projet de loi prévoit, par ordonnance, de déléguer en tout ou en partie la délivrance des apostilles et des légalisations à des officiers publics ou ministériels, à toute personne publique ou à tout organisme de droit privé chargé d'une mission de service public. Pour nous, ce n'est pas acceptable : il en résulterait pour l'État une perte de 1,3 million d'euros de ressources. Les apostilles, jusqu'ici gratuites, deviendraient payantes.
Avis défavorable : la mesure de déjudiciarisation que vous proposez de supprimer s'inscrit dans la continuité des autres mesures déjà adoptées dans ce texte. J'ajoute qu'il s'agit de procéder par ordonnance et que les conditions qui auront à s'appliquer ne sont pas encore arrêtées.
L'apostille reconnaît la vérité de la signature et la qualité du signataire qui figurent sur un document public. Elle permet la reconnaissance de ces éléments à l'étranger, notamment dans les cent dix-sept États qui ont ratifié la Convention de La Haye de 1965. Les parquets généraux n'ont rien à faire dans ce dispositif sur papier géré dans chaque cour. Il est bien plus pertinent de créer un registre national dématérialisé et confié à des officiers publics ou ministériels. C'est l'objet de cet article ; je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement CL71 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement de repli est défendu pour les mêmes motifs : une partie des actes qui étaient jusqu'à présent gratuits et publics vont être privatisés.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL860 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l'article 10 modifié.
Article 10 bis (art. L. 651‑2 du code de la construction et de l'habitation) : Allègement du rôle des parquets généraux dans les procédures de changement irrégulier d'usage d'un local
La Commission est saisie de l'amendement CL72 de M. Ugo Bernalicis.
Par cet amendement de suppression, nous proposons de préserver la garantie que constitue l'avis du procureur dans les procédures de sanction du changement irrégulier d'usage d'un local – un délit au regard du droit du logement. Le projet de loi prévoit d'ôter tout rôle au procureur dans cette procédure de sanction pour laisser la seule initiative de son lancement aux maires des communes concernées. Or, les maires ne sont pas forcément réactifs, d'où l'importance de préserver la place du procureur dans le lancement et le déroulement de la procédure. Selon nous, cet article nuirait à l'efficacité de la lutte contre les promoteurs véreux et les marchands de sommeil.
Avis défavorable. Selon l'exposé des motifs de votre amendement, « les maires ne sont pas forcément réactifs et indépendants comme les procureurs »… Tout est dit !
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 10 bis sans modification.
Article 10 ter [nouveau] (art. L. 3332-3 et L. 3332-4-1 du code de la santé publique) : Contrôle des débits de boissons
La Commission examine l'amendement CL861 de la rapporteure.
Cet amendement de simplification poursuit le recentrage du parquet sur ses tâches proprement judiciaires en le libérant d'attributions administratives qui peuvent être confiées à d'autres autorités. C'est le cas en ce qui concerne les débits de boisson : le code de la santé publique charge le parquet d'intervenir aux côtés du préfet, qui peut très bien s'en charger seul.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 10 ter est ainsi rédigé.
Article 11 (art. L. 444-2, L. 444-7 et L. 950-1 du code de commerce) : Révision des critères de détermination des tarifs des professions réglementées du droit et du dispositif des remises.
La Commission adopte l'article 11 sans modification.
Après l'article 11
La Commission examine l'amendement CL39 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement d'appel lance une expérimentation concernant le montant des frais requis par les officiers publics ou ministériels en les obligeant à en proposer une estimation contraignante – c'est-à-dire un plafond – ou raisonnable qui, en cas de dépassement, pourrait être contestée par les justiciables devant l'ordre concerné. Nous proposons une autre expérimentation consistant à intégrer aux conventions d'honoraires un plafond raisonnable qui garantit une sécurité juridique au justiciable requérant les services de ces officiers publics et ministériels.
Avis défavorable. Je rappelle que les frais facturés par les professionnels du droit sont de deux sortes : les émoluments d'une part, qui qui sont tarifés par l'autorité publique, et les honoraires d'autre part, qui touchent à la libre prestation de services pour lesquels les professionnels sont en concurrence avec d'autres intervenants.
La Commission rejette l'amendement.
Article 11 bis [nouveau] (art. 45 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels) : Prestation de serment des officiers publics et ministériels
La Commission examine l'amendement CL862 de la rapporteure.
Cet amendement revoit le régime des prestations de serment des officiers publics ou ministériels. Le délai de prestation de serment est aujourd'hui limité à un mois et son non-respect entraîne la démission d'office, sauf en cas de force majeure. Je vous propose d'admettre tout motif valable afin de prendre en compte d'éventuels impondérables, qui peuvent advenir dans la vie de chacun sans pour autant relever d'un cas de force majeure.
L'amendement vise également à ce que tout officier ne s'étant pas installé dans les six mois qui suivent la création de l'office puisse être démissionné d'office. Ceci permettra, en fonction des circonstances, de constater la vacance ou de supprimer la charge.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 11 bis est ainsi rédigé.
Sous-titre II Assurer l'efficacité de l'instance
Chapitre Ier Simplifier pour mieux juger
Article 12 [rétabli] (art. 233, 238, 246, 247-2, 251 à 254, 257, 262-1, 311-20, 313, 375-3 et 515-12 et art. 247-3 [nouveau] du code civil) : Réforme de la procédure de divorce contentieux
La Commission examine l'amendement CL958 du Gouvernement, qui fait l'objet du sous-amendement CL1080 de la rapporteure.
Cet amendement porte sur la simplification de la procédure applicable au divorce contentieux. La procédure actuelle est peu lisible, complexe et très longue puisqu'elle comprend une phase d'attente entre l'ordonnance de non-conciliation et l'assignation qui dure en moyenne dix mois. Les deux actes de saisine entraînent un coût non négligeable pour le justiciable, qui comprend difficilement pourquoi il lui faut assigner en divorce alors qu'un dossier est en cours depuis le dépôt de la requête.
L'amendement que je vous propose rétablit une procédure de divorce plus simple et plus cohérente qui réduit certains frais et qui permet un jugement plus rapide. Il préserve l'accès au juge et, surtout, maintient toutes les mesures que le juge peut prononcer de manière provisoire pour assurer l'équilibre des intérêts des parties. La nouvelle procédure de divorce que je propose permettra toujours de prendre une ordonnance de protection organisée à brefs délais dans les situations de violences conjugales, par exemple. De même, l'intérêt supérieur des enfants sera pris en compte.
Pour continuer d'inciter les parties à recourir à des fondements de divorce moins conflictuels, dans l'esprit de la réforme du divorce de 2004, le demandeur n'aura pas à indiquer le fondement de sa demande en divorce dès la saisine du juge mais pourra le faire ultérieurement. La saisine immédiate en divorce pour faute sera même impossible.
Autrement dit, ces évolutions permettront qu'un rapprochement des époux intervienne lors des premières étapes de la procédure pour, le cas échéant, choisir un divorce accepté. Le juge conservera son rôle de conciliation, notamment lors de l'audience sur les mesures provisoires qui aura lieu juste après la saisine, qui continuera de se dérouler selon la procédure orale afin que les parties puissent échanger et éventuellement trouver un accord sur les mesures visant leurs enfants. Je vous propose donc une procédure plus lisible, des délais réduits et du temps gagné par le juge pour qu'il le consacre à des procédures plus complexes.
Le sous-amendement CL1080 vise à compléter le dispositif proposé par le Gouvernement – dont je me réjouis qu'il ait pour effet de réduire considérablement les délais de procédure. La procédure de divorce, extrêmement longue, est l'un des éléments qui cristallise le plus la tension qui existe parfois entre la justice et nos concitoyens.
La suppression de l'audience de conciliation ne doit pas empêcher de prévoir la tenue d'une audience au cours de laquelle des mesures provisoires peuvent être prises. L'alinéa 27 de l'article prévoit que cette audience de fixation des mesures provisoires a lieu « si au moins une des parties le demande ». Je propose de rendre cette audience plus systématique en prévoyant qu'elle a lieu « sauf si les parties s'y opposent ». Une audience se tiendra donc en début de procédure pour fixer les mesures provisoires sauf si les parties considèrent que les circonstances ne l'imposent pas.
Les travaux que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a conduits sur ce sujet, dont j'étais le rapporteur, ont suscité une intense réflexion tant les inégalités entre les sexes sont nombreuses et parce que le divorce les amplifie : celui-ci entraîne en effet une perte de pouvoir d'achat de 20 % pour les femmes contre 3 % pour les hommes.
Je me félicite du dispositif que propose le Gouvernement : il prévoit la possibilité explicite d'une audience de fixation des mesures provisoires, conformément à la recommandation n° 3 de la délégation, et permet de ne plus causer le divorce pour faute dès le début de la procédure, conformément à la recommandation n° 6. J'approuve également le sous-amendement de la rapporteure qui va plus loin en rendant cette disposition automatique.
Enfin, je me réjouis de la terminologie de cet amendement et de ce sous-amendement : il n'y est plus question d'audience de « non-conciliation ». La délégation aux droits des femmes a également travaillé sur cette question, car l'emploi du terme « conciliation » laissait penser que la procédure de divorce doit avant tout viser la réconciliation du couple. Nous jugeons utile de supprimer ce terme pour donner à l'audience en question l'appellation qui doit lui revenir : celle d'une audience de fixation des mesures de protection. C'est pourquoi je voterai en faveur du sous-amendement et de l'amendement. Je reviendrai simplement sur la question des délais à l'occasion d'un amendement que je défendrai dans un instant.
Je ne comprends guère la rédaction proposée de l'alinéa de l'article 233 du code civil qui dispose que « si la demande en divorce est introduite sans indication de son fondement, les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage en cours de procédure ». Cette disposition me semble antinomique avec le reste de la réforme que vous proposez puisque, a contrario, si le fondement est indiqué dans l'acte introductif de la procédure, les époux ne pourront plus accepter le principe de la rupture du mariage en cours de procédure. C'est une difficulté qui exposerait celui des époux qui engage la procédure à ne pas trouver de solution transactionnelle ou, à défaut de transaction, à ne pas pouvoir éviter que le débat ne s'envenime concernant l'un ou l'autre des griefs à l'encontre de celui ou celle qui est appelé à ne plus être son époux ou son épouse. Quel est le sens de cet alinéa ? Il enfermera les parties dans le cadre d'un fondement juridique alors qu'en vertu de l'article 2 du code de procédure civile, les parties conduisent la procédure et ont toujours la possibilité de renoncer aux moyens de droit qu'elles avaient employés en début de procédure – et, le cas échéant, à accepter le principe de la rupture du mariage.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement ainsi sous-amendé.
L'article 12 est ainsi rétabli.
Après l'article 12
La Commission examine l'amendement CL348 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Issu de la recommandation n° 10 du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement vise à prendre en compte des difficultés qui surviennent dans certains cas de divorce par consentement mutuel sans juge. Faute d'un jugement, ces divorces ne sont pas reconnus dans certains pays. Cet amendement vise à corriger cette difficulté juridique de procédure en prévoyant que dans les cas qui peuvent impliquer un pays étranger risquant de ne pas reconnaître l'acte de divorce, le divorce par consentement mutuel sans juge n'est pas possible.
Je comprends la difficulté, déjà soulevée à de nombreuses reprises, liée aux éléments d'extranéité en cas de divorce par consentement mutuel. Il s'agit toutefois d'une procédure encore récente puisqu'elle a été instaurée par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. À mon sens, nous devons évaluer la situation avec davantage de recul avant de procéder à d'éventuelles modifications.
En tout état de cause, lorsqu'il existe un élément d'extranéité, la procédure actuelle, au-delà du consentement mutuel, doit être homologuée par le juge afin de pouvoir être reconnue à l'étranger. Sans pouvoir l'affirmer au moyen de données probantes, j'ai l'intuition qu'une procédure de divorce par consentement mutuel suivie d'une homologation sera toujours plus rapide que la judiciarisation de la procédure de divorce en raison d'éléments d'extranéité. En toute hypothèse, et parce que ce mécanisme est encore assez récent, je vous propose d'attendre que la loi de 2016 ait fait l'objet d'une évaluation plus approfondie et, pour l'heure, de retirer l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends parfaitement votre propos, monsieur le député : dans un certain nombre de pays, y compris parmi nos voisins européens les plus proches, l'absence d'homologation judiciaire empêche de reconnaître les divorces, ce qui peut poser problème. Nous travaillons activement au sein du Conseil Justice et affaires intérieures, puisque c'est lui qui est compétent en la matière, pour résoudre ces questions dans le cadre du règlement Bruxelles II bis. Nous devrions obtenir l'acceptation des pays les plus réticents pour avancer. Parallèlement, nous conduisons également des négociations avec nos proches voisins du Maghreb. Je vous propose donc de retirer l'amendement.
Je le retire en vous proposant que nous poursuivions nos échanges sur ce sujet dans les mois à venir.
L'amendement est retiré.
Article 12 bis A [nouveau] (art. 238 du code civil) : Réduction du délai de séparation requis pour constituer la cessation de la vie commune entre les époux
La Commission examine l'amendement CL755 de M. Jean Terlier.
Cet amendement, qui a fait consensus chez les commissaires du groupe La République en Marche, résulte d'échanges que nous avons eus avec les professionnels, à qui nous avons demandé comment simplifier la procédure de divorce en matière de délais. S'ils ont été unanimes pour dire que le dispositif prévu à l'article 12 constituait une simplification, il nous ont indiqué que c'est le divorce pour rupture de vie commune qui pose actuellement le plus de problèmes en termes de délais. L'article 238 du code civil prévoit en effet que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé dans deux hypothèses alternatives, dont celle de cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux durant les deux années précédant l'assignation en divorce. Les professionnels nous disent que ce délai de deux ans est un peu obsolète, trop long pour les couples qui envisagent de divorcer. Nous proposons donc de porter ce délai à douze mois.
Même avis. Il s'agit là d'un instrument de simplification qui va tout à fait dans le sens du projet de loi.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 12 bis A est ainsi rédigé.
Après l'article 12 bis A
La Commission examine l'amendement CL345 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Cet amendement, issu des recommandations n°s 3, 4 et 5 du rapport d'information de la délégation aux droits des femmes, est pour partie satisfait par l'article 12 que nous venons d'adopter. Il vise, d'une certaine manière, à le compléter puisqu'il propose que l'audience permettant de fixer les mesures provisoires dans le cas d'une procédure de divorce contentieux ait lieu dans un délai d'un mois.
En effet, cet amendement est satisfait partiellement par le sous-amendement CL1080 que nous venons d'adopter à l'article 12.
Il ne me semble pas opportun de fixer un délai si contraignant. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.
Même avis. Il n'est pas nécessairement opportun d'établir un tel délai. Je ne crois pas qu'il y ait, sauf peut-être dans certains lieux, de difficultés quant à ce délai pour fixer les mesures provisoires.
Le délai est actuellement de cinq à six mois, ce qui peut s'avérer assez long pour fixer les mesures provisoires.
Je veux bien retirer l'amendement cependant, tout en souhaitant que nous poursuivions les échanges pour voir comment aboutir à réduire des délais.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL346 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Cet amendement, issu de la recommandation n° 8 du rapport de la délégation aux droits des femmes, précise la procédure de l'audience introductive de fixation des mesures transitoires dans le cas d'un divorce contentieux. Il prévoit que chacun des deux époux peut, à sa demande, être reçu individuellement par le juge aux affaires familiales concerné.
Les personnes que nous avons auditionnées nous ont dit que cet espace de parole confidentiel était particulièrement utile dans une situation de divorce pouvant exacerber les tensions et parfois les violences au sein du couple. Compte tenu de l'ampleur des violences conjugales et intrafamiliales, aucun moment où la parole des victimes peut être recueillie ne doit être négligé, y compris au cours des procédures de divorce.
Vous savez combien je partage votre objectif de renforcement de la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales. Toutefois, dans le cadre de ces procédures, il ne faut pas oublier le respect d'une règle fondamentale de la procédure : le respect du contradictoire. Une partie ne peut être entendue sans l'autre partie, sinon ce serait méconnaître les règles du contradictoire.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Article 12 bis (art. 296, 298, 301, 303 et 307 du code civil) : Alignement du régime procédural de la séparation de corps sur celui du divorce par consentement mutuel
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement rédactionnel CL957 du Gouvernement.
Puis elle adopte l'article 12 bis modifié.
Article 12 ter (art. 1175 du code civil) : Autorisation de la signature électronique dans la procédure de divorce par consentement mutuel
La Commission est saisie de l'amendement CL73 de M. Ugo Bernalicis.
Nous avions déposé cet amendement parce que nous considérions qu'il n'était pas évident de constater le consentement des personnes à distance. Mais, au vu des amendements suivants qui visent à garantir toute signature des actes en présence des parties, je le retire.
L'amendement est retiré.
La Commission étudie l'amendement CL349 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Cet amendement, issu de la recommandation n° 11 du rapport de la délégation aux droits des femmes, permet aux avocats de recourir au procédé de signature électronique au cours des procédures de divorce par consentement mutuel sans juge. Une telle évolution allégerait les démarches et améliorerait la transmission des documents entre avocats et notaires.
Cela dit, je retire cet amendement au profit de l'amendement CL863 de la rapporteure.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL863 de la rapporteure.
Cet amendement vient compléter une disposition introduite par le Sénat qui permet le recours à la signature électronique en cas de divorce par consentement mutuel. Nous craignons que l'article 12 ter, dans la rédaction adoptée par le Sénat, ne permette le divorce à distance, ce qui n'est pas une évolution souhaitable. C'est pourquoi je propose qu'il soit précisé que toute signature électronique des actes se fait en présence des parties. Cet acte, moins lourd car électronique, se fera donc en leur présence.
Le Gouvernement était effectivement hostile à l'extension du recours à la signature électronique en matière de divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire pour éviter toute tentation de contourner le rendez-vous commun de signature de la convention. La présence des deux parties et des deux avocats permet de s'assurer d'un consentement réel et éclairé des époux sur l'ensemble des dispositions de la convention du divorce.
Votre rapporteure propose d'inscrire dans la loi l'obligation de présence des parties pour cette signature électronique en matière de divorce par consentement mutuel, ce qui vient répondre à notre préoccupation. J'émets donc un avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 12 ter modifié.
La Commission examine l'amendement CL171 de M. Dimitri Houbron.
Aux termes de l'article 515-11 du code civil, l'ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais par le juge aux affaires familiales. Or, dans la pratique, on constate une réticence de certains juges à l'octroyer juste après la survenue de faits de violence, par crainte de l'usage d'une action disproportionnée. Par ailleurs, les délais sont variables d'une juridiction à l'autre : ils peuvent aller, dans certains cas, jusqu'à une année pour une audience en ordonnance de protection.
Cet amendement vise à raccourcir le délai entre la saisine du juge aux affaires familiales et le prononcé de l'ordonnance de protection en le portant à soixante-douze heures. Nous avons tous conscience de l'urgence de la situation dans ces cas de figure. C'est l'intégrité de la victime qui est en jeu.
L'exposé sommaire de votre amendement montre que la loi répond déjà à votre objectif et qu'aucune disposition n'impose un dépôt de plainte. Si certains magistrats ont pris la mauvaise habitude de réclamer des conditions supralégales, on ne peut pas, par voie législative, ajouter des éléments qui existent d'ores et déjà. Je vous propose de retirer cet amendement.
Même avis. Je considère que votre préoccupation, très légitime, est satisfaite par les textes existants.
Je me rends compte que je n'ai pas défendu le bon amendement, mais je constate que personne ne s'en est aperçu ! (Sourires.) Je ne sais pas si c'est rassurant…
Il faut vraiment sensibiliser les forces de l'ordre, car leur comportement n'est pas en adéquation avec la réglementation actuelle. Mais je sais bien que cette question ne peut pas être résolue dans un cadre législatif. Si j'ai présenté cet amendement d'appel, c'est bien pour vous sensibiliser sur ce point. Je retire l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL347 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Les violences au sein du couple sont une réalité massive de notre pays. En 2016, 123 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire. Chaque année, 225 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles commises par leur partenaire ou ex-partenaire.
Le présent amendement, issu de la recommandation n° 7 du rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, vise à inscrire dans le code civil une définition claire des violences au sein du couple en s'inspirant de celle de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011, dite « convention d'Istanbul ». Cela faciliterait le travail des magistrats, notamment des juges aux affaires familiales qui doivent tenir compte de ce type de violence dans leurs décisions.
Je comprends et partage votre objectif. Cela dit, je pense que la définition actuelle de la violence en droit civil répond à vos préoccupations.
La violence, au sens du droit civil, est « l'acte délibéré ou non provoquant chez celui qui en est la victime un trouble physique ou moral comportant des conséquences dommageables pour sa personne ou pour ses biens ». Je ne pense pas qu'il soit opportun de faire évoluer cette définition.
Même avis. Je pense que la définition à laquelle vient de faire référence Mme Avia est plus pertinente qu'une énumération qui, par définition, omet toujours un certain nombre de données.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL169 de M. Dimitri Houbron.
Il s'agit de l'amendement que je viens de défendre par erreur à l'instant… L'ordonnance de protection doit être délivrée dans les meilleurs délais. Or, ce délai est parfois très long. Au vu de l'urgence de la situation, nous proposons de le fixer à soixante-douze heures, ce qui nous paraît raisonnable.
Si nous partageons une fois de plus votre objectif, votre proposition de substituer aux mots « dans les meilleurs délais » une contrainte de soixante-douze heures risque d'être contre-productive. En effet, si jamais ce délai n'est pas respecté, cela aboutira à la nullité de la procédure. Je ne pense pas que ce soit votre objectif initial. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Même avis. D'ores et déjà, les juges peuvent, en fonction des situations d'urgence, délivrer des ordonnances de protection dans des délais inférieurs à soixante-douze heures. J'ajoute que je ne suis pas non plus favorable à un délai impératif.
Je vous informe que les services de la Chancellerie procèdent actuellement à une étude sur les décisions d'ordonnance de protection qui ont été délivrées en 2016. Cela permettra d'affiner les actions du Gouvernement en matière de lutte contre les violences conjugales.
Votre réponse me surprend un peu, puisque le juge des libertés et de la détention (JLD) est tenu, pour des cas très complexes et ayant trait à la privation de liberté, de se prononcer en général sous quarante-huit heures. Il ne me semblait pas que ce délai de soixante-douze heures soit trop court pour prendre une décision d'ordonnance de protection, sachant que si le magistrat ne répond pas dans le délai, on encourt à mon sens un déni de justice et non la nullité de la procédure. Mais je peux comprendre que vous ne soyez pas d'accord sur ce point.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL170 de M. Dimitri Houbron.
Le dispositif « Téléphone grave danger » a été généralisé au mois d'avril 2013 afin de développer une réponse harmonisée aux violences conjugales sur l'ensemble du territoire. Il a ensuite été consacré dans la loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Depuis, 600 victimes ont pu être accompagnées par des associations ou des centres d'information sur les droits des femmes et des familles. En 2016, la société de téléassistance a sollicité à 222 reprises les forces de l'ordre à la suite des alertes déclenchées par les bénéficiaires. Trente-six interpellations ont eu lieu.
Cet amendement vise à étendre le dispositif à l'ordonnance de protection afin d'accentuer la protection physique des victimes.
Il n'est pas nécessaire de faire intervenir le législateur pour que le juge aux affaires familiales et le procureur de la République échangent des informations utiles à la protection des personnes. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.
Je note par ailleurs que vous citez dans votre amendement un dispositif précis de téléprotection. Mais il ne faut pas oublier que d'autres mesures sont parfois plus utiles et plus efficaces. L'ajout de ce seul dispositif ne semble pas non plus opportun.
Je sais l'intérêt et l'attention que M. Houbron porte à cette question. Il me semble que, dans la réalité, le procureur de la République est informé sans délai de toute demande d'ordonnance de protection formulée par la victime ainsi que de toute ordonnance délivrée par le juge aux affaires familiales lorsque des violences sont susceptibles de mettre en danger la victime ou ses enfants. En cas de danger imminent, il peut déjà mettre en place le « Téléphone grave danger ». Je ne voudrais pas qu'on laisse entendre qu'il faut attendre l'ordonnance pour mettre en sécurité une femme soumise à un danger imminent. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL344 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Cet amendement, issu de la recommandation n° 2 du rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, propose que, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la formation du personnel judiciaire et précisant comment celle-ci prend en compte les questions de violence faites aux femmes et d'égalité entre les femmes et les hommes. Il nous paraît impératif que ces problématiques soient connues et prises en compte au cours des procédures judiciaires par l'ensemble des personnels, notamment les magistrats.
Avis défavorable. Une fois de plus, je vous renvoie à la pratique de la commission des Lois en matière de rapports parlementaires.
La problématique des violences faites aux femmes est une priorité dans la formation initiale au sein de nos écoles. À l'École nationale de la magistrature (ENM), la formation initiale des auditeurs de justice comporte des séquences consacrées à la question des victimes, de leur prise en charge et des violences faites aux femmes, et cette question est également abordée en formation continue. En 2018 par exemple, cinquante-sept magistrats ont assisté à l'une de ces sessions de formation continue. Mais je considère que ce n'est pas suffisant. J'ai donc chargé Mme Isabelle Rome, haute fonctionnaire chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, d'organiser davantage de sessions de formation continue avec l'ENM et l'École nationale des greffes, et de formation pluridisciplinaire et pluricatégorielle, pour que des enquêteurs, des magistrats et d'autres personnels assistent à ces formations-là. C'est une action volontariste que nous souhaitons conduire à ce sujet, mais qui ne relève pas de mon point de vue de la loi.
Je vous demande de retirer votre amendement.
Madame la ministre, je vous remercie pour vos explications et cet engagement volontariste à aller plus loin. Je retire cet amendement.
L'amendement est retiré.
Article 13 (art. 2-1 et 2-2 [nouveaux] de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ; art. L. 212-5-1 et L. 212-5-2 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire) : Procédure sans audience devant le tribunal de grande instance et procédure dématérialisée de règlement des litiges de faible montant
La Commission étudie l'amendement CL74 de Mme Danièle Obono.
Avec cet amendement de suppression de l'article 13, nous souhaitons mettre l'accent sur l'importance de la publicité des audiences, qui doit être le principe par défaut et non le contraire, comme le prévoit le projet du Gouvernement qui en ferait désormais une simple option à la demande d'une des parties. Ce serait la mort du caractère public des audiences pour les contentieux relevant des tribunaux d'instance, donc la fin de la justice d'instance. Cela s'appliquerait aussi à des procédures dématérialisées.
Nous considérons que le droit à une audience publique serait menacé. Au travers de son deuxième volet sur l'absence d'audience par principe pour les demandes en dessous d'un seuil défini par décret, le droit des parties à une audience publique est mis en cause puisque, même si une partie est d'accord pour une procédure dématérialisée, elle pourra ensuite se voir refuser une audience.
Plus fondamentalement, le droit du peuple français à une justice publique n'est plus pris en compte. Cette logique de désagrégation de l'entité politique démocratique au profit des seuls choix d'individus justiciables nie, de notre point de vue, la solidarité et le caractère collectif et démocratique de la justice, qui doit rester publique et accessible à toutes et à tous. La justice ne doit pas être simplement rendue, elle doit aussi montrer qu'elle a bien été rendue. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 13.
Je comprends que l'élément principal d'opposition à l'article 13 relève de la publicité des débats, publicité à laquelle il est déjà fait dérogation dans de nombreux cas de figure sans que cela ne présente de difficulté particulière. Le coeur de cet article n'est pas tant la question de la publicité des débats que la possibilité d'avoir des jugements sans audience.
En ce qui concerne votre préoccupation première, celle de la publicité des débats, je vous renvoie à des discussions que nous aurons ultérieurement. Il y aura en parallèle des avancées considérables en ce qui concerne la publicité du jugement, avec la mise à disposition au public, de manière gratuite, de toutes les décisions de justice par l'open data.
Je veux replacer dans leur ensemble cet amendement et la mesure que propose le Gouvernement. Il s'agit effectivement de permettre le règlement de petits litiges sans audience. Il ne s'agit pas de chercher à éloigner le juge du justiciable ni de porter atteinte au mode de fonctionnement traditionnel de notre justice, mais de s'adapter à la demande de certains justiciables.
J'ai souvent eu l'occasion de prendre l'exemple de cet étudiant qui habite à Rennes et qui vient faire ses études à Paris. Il loue un logement, mais comme il a un problème pour récupérer sa caution, il fait un contentieux. Entre-temps, il est retourné vivre à Rennes. Si l'on considère qu'il doit être présent à l'audience qui doit trancher sur ce petit litige, il devra à nouveau faire un aller-retour entre Rennes et Paris. Il peut aussi décider de donner au juge la capacité de résoudre ce litige sans audience. Premièrement, cela correspond à une demande de justice « contemporaine », si je puis dire. Deuxièmement, la procédure est encadrée puisque ce contentieux sans audience ne pourra se dérouler qu'avec l'accord exprès des parties. Et le juge pourra toujours décider, s'il le souhaite, de tenir néanmoins une audience. Dès lors qu'il n'y a pas d'audience, il n'y a pas atteinte au principe de publicité des débats. Et, bien évidemment, cette absence d'audience n'exclut pas que la décision soit rendue publiquement.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Votre argumentation selon laquelle il n'y a pas de problème de publicité des débats puisqu'il n'y a pas d'audience est un peu étrange.
Avec cet article, nous ouvrons la porte à une justice qui se réglera de plus en plus sans audience et sans que le justiciable puisse être présent à cette audience. J'entends bien que ce ne sera pas obligatoire puisque vous avez fixé un principe, celui de l'accord des deux parties, mais demain votre gouvernement ou le suivant pourra aller plus loin en considérant que l'audience n'est pas nécessaire pour des litiges inférieurs à 10 000 ou 20 000 euros, ou encore pour telle partie du droit, et finalement à ce qu'il n'y ait plus de juge. Cela me semble préjudiciable à l'idée que l'on peut se faire de la justice, qui est rendue, rappelons-le, au nom du peuple français.
Si je comprends l'objectif de l'article 13, je m'interroge sur la coordination entre cet article et la mise en place d'un processus obligatoire de médiation amiable avant contentieux. On incite à ce que ces petits litiges soient réglés par la voie de la médiation ou de la conciliation. Mais si celles-ci échouent, c'est vraisemblablement en raison de points de blocages structurants ou autres. On ouvre encore la voie d'échapper à une audience. Pouvez-vous préciser quelle est l'articulation entre ces deux mesures ?
Mme la garde des Sceaux a clairement expliqué qu'en réalité ces garde-fous permettaient de ne pas exclure totalement la possibilité pour le justiciable de voir le juge. Mais voir le juge, ce n'est pas non plus l'alpha et l'oméga de la manière dont on souhaite parfois que la justice soit rendue. Je vous conseille d'aller dans les salles de tribunal d'instance où sont tranchés ces petits litiges. Vous verrez que les contentieux ne sont gérés qu'entre des particuliers qui viennent avec leur paquet de pièces, qu'ils posent sur le bureau du magistrat en lui demandant de plaider le dossier. Sauf que, comme le justiciable n'a pas communiqué ses pièces à son adversaire, le magistrat reporte l'affaire d'un mois. À ce moment-là, le justiciable est fou furieux car il a dû poser une demi-journée de congé pour assister à l'audience. Il y a donc un intérêt pratique pour certains justiciables à pouvoir communiquer avec leur juridiction par voie dématérialisée et à ne pas assister à ces audiences.
De la même manière, quand les parties sont assistées ou représentées par un avocat, on voit souvent que celui-ci ne plaide pas, qu'il dépose le dossier et s'en remet aux écritures. Demander une audience pour avoir une audience est une perte de temps. C'est un vrai gain pour le justiciable et pour les praticiens que ces procès aient lieu sans audience.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL1070 de la rapporteure.
Cet amendement vise à étendre la possibilité de recours à la procédure dématérialisée, donc sans audience, aux demandes portant sur le paiement d'une somme et aux oppositions aux ordonnances portant injonction de payer, par anticipation de la discussion que nous aurons sur la procédure qui sera mise en oeuvre avec l'article 14 du projet de loi.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL704 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Le recours à la procédure dématérialisée doit être réservé à des recours à faible conflictualité, plutôt qu'aux demandes portant sur des sommes inférieures à un certain montant à définir par décret en Conseil d'Etat. Souvent, en effet, le niveau de conflictualité n'est pas proportionnel aux sommes en jeu. Nous sommes conscients que cet amendement propose une limite subjective et que sa rédaction pourrait être affinée, mais il nous semble important que le débat ait lieu.
Il s'agit moins d'une question de rédaction que de principe, étant donné que vous proposez de réserver la procédure dématérialisée aux cas où il n'y a pas réellement de conflit – et où, pour notre part, nous préférons encourager le règlement amiable du litige. Tout à l'heure, notre collègue Schellenberger demandait justement quelle était l'articulation entre les deux dispositifs. Elle est la suivante : plus on essaie de parvenir à un règlement amiable, plus on sait s'il sera opportun, nécessaire, pertinent de rencontrer un juge, donc de recourir à une procédure non dématérialisée. Avis défavorable.
Même avis. Cet amendement restreint à l'excès le périmètre des possibles, ce que je ne souhaite pas.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL946 du Gouvernement.
Cet amendement vise à rétablir le traitement par voie dématérialisée des petits litiges. Comme l'a dit un orateur tout à l'heure, il y a un certain nombre de cas pour lesquels les parties ne viennent pas, et parfois les avocats ne plaident pas non plus. Si les parties font le choix de la dématérialisation pour éviter d'avoir à être présentes, il ne me semble pas opportun de la leur refuser.
Je partage globalement l'avis exprimé sur l'ensemble de cet article et sur l'opportunité ou non de tenir des audiences systématiquement publiques. Toutefois, pour les petits litiges, les décisions seront rendues en premier et dernier ressort, c'est-à-dire que la contestation de la décision du juge de ne pas tenir d'audience sera pour ainsi dire rendue impossible. Sauf erreur de ma part, les articles précédents qui ont été adoptés prévoient que, pour les petits litiges, la représentation n'est pas obligatoire. Ainsi, le particulier, livré à lui-même ou se défendant lui-même, sera placé dans une position d'extrême faiblesse, n'étant pas nécessairement un rédacteur né, capable de transmettre des écritures parfaitement claires au magistrat. C'est d'ailleurs précisément pour cela qu'il préférera venir s'expliquer directement devant le juge. Mais, avec cet amendement, il n'aura plus la possibilité de le faire.
Je suis donc particulièrement sceptique quant à l'opportunité de supprimer la faculté offerte aux plus faibles économiquement de venir s'exprimer et d'avoir accès à la justice.
Je ne comprends pas très bien votre argumentation. En fait, nous nous adressons là à des parties qui ont fait ab initio le choix d'une demande de dématérialisation. Nous considérons donc que le juge peut leur donner satisfaction. Mais cela ne sera pas imposé pour tous les litiges de moins 4 000 euros.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 13 modifié.
Article 14 (art. L. 211-17 et L. 211-18 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire) : Traitement dématérialisé des injonctions de payer par une juridiction à compétence nationale
La Commission examine l'amendement CL60 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de supprimer l'article 14. En effet, nous souhaitons insister sur l'importance de préserver la tenue publique des audiences – nous venons d'argumenter sur le sujet à propos de l'article 13 – et sur le fait que la dématérialisation risque de dissuader une partie des justiciables de contester les injonctions de payer.
J'ai bien compris que la délivrance de l'injonction de payer – lorsque, par exemple, une banque formule une demande en ce sens à l'encontre de l'un de ses clients – était une formalité administrative pour le juge : il regarde les pièces et met un coup de tampon. On pourrait d'ailleurs imaginer que, dès cette première phase, le juge ne se contente pas de vérifier les pièces, même s'il est vrai qu'à ce stade de la procédure les parties ne sont pas reçues et que, lorsqu'on en arrive à la phase contentieuse – qui s'engagera désormais de manière dématérialisée, puisque les oppositions devront être formées par voie dématérialisée –, on retrouve le juge de proximité.
Quoi qu'il en soit, avec le dispositif que vous proposez, la première phase sera concentrée autour de cinq magistrats et je ne sais plus combien de greffiers, réunis à Paris pour mettre des coups de tampon sur les demandes d'injonction de payer. Nous pensons qu'il faut prévoir des mesures plus protectrices, notamment concernant la dématérialisation, étant donné les publics concernés, à savoir des personnes ayant contracté des crédits revolving ou, plus généralement, ayant des difficultés à payer leurs factures. Ces gens mériteraient qu'on leur attache plus d'importance, plutôt que de se contenter de dématérialiser et de rationaliser, avec des gens qui tamponnent à Paris des demandes d'injonction de payer.
Le dispositif prévoit en effet une procédure dématérialisée et centralisée pour le traitement des demandes d'injonction de payer mais, par la suite, on retrouve une procédure classique – support papier, présence physique et compétence territoriale du TGI en cas d'opposition. Il me semble que cela répond à votre préoccupation. Comme je le disais, les tribunaux territorialement compétents traitent les oppositions, y compris dans l'hypothèse d'une procédure dématérialisée qui serait engagée en application de l'amendement que j'ai proposé et que nous avons adopté à l'article 13. Je vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur Bernalicis. À défaut, avis défavorable.
En proposant la création d'une juridiction nationale des injonctions de payer, nous avons voulu améliorer le traitement de ce qui constitue un contentieux de masse grâce aux potentialités du numérique, tout en prenant en compte – j'y viendrai dans un instant – la situation de ceux de nos concitoyens qui n'y ont pas aisément accès.
Je rappelle que la procédure d'injonction de payer est non contradictoire : rien ne change à cet égard. Lorsqu'un créancier saisit la justice d'une demande en recouvrement, le juge prend sa décision tout seul dans son cabinet, comme vous le disiez, monsieur Bernalicis, c'est-à-dire sans audition des parties. Ce n'est qu'en cas d'opposition à l'injonction de payer qu'une audience a lieu et que l'on retrouve une procédure classique. La phase non contradictoire est traitée par le juge tout seul – donc, d'une certaine manière, à distance de l'usager. Cela peut donner, notamment en matière de crédits à la consommation, des jurisprudences assez variées et pas forcément cohérentes d'un tribunal à l'autre. Nous proposons de rationaliser le traitement des injonctions de payer en établissant le principe selon lequel les demandes sont faites par voie dématérialisée. Pour les professionnels, cela vaut dans tous les cas ; pour les personnes physiques, présentant seules leur requête, nous avons déposé un amendement visant à leur ouvrir la possibilité de le faire par voie papier.
Le traitement des demandes d'injonction de payer sera concentré dans une juridiction unique, ce qui permettra d'harmoniser les décisions rendues. Je n'ai pas dit que ce serait à Paris, monsieur Bernalicis : cela peut être n'importe où, aussi bien à Carpentras qu'à Strasbourg ou à Rennes, peu importe. Dans un objectif de simplicité pour le contribuable, les oppositions seront elles aussi formées devant la juridiction unique, qui les traitera elle-même dans le cas, très fréquent, où elles ont pour seul objectif de demander des délais de paiement. En revanche, les contestations au fond seront transmises au juge territorialement compétent, pour préserver la proximité nécessaire entre le justiciable et le juge dans ce type de contentieux.
Le système uniformise donc le traitement de masse tout en protégeant ceux qui n'ont pas accès à la numérisation en maintenant la possibilité d'une saisine par voie papier pour les personnes physiques. Il centralise également les contestations tendant à l'obtention de délais de paiement, mais renvoie à la juridiction locale les autres catégories d'opposition. Le système est à la fois plus rapide, plus harmonieux et plus efficace, tout en préservant la proximité. Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur Bernalicis.
Madame la garde des Sceaux, vos services nous ont adressé un joli petit fascicule, intitulé « Chiffres clés de la justice 2018 », qui détaille également un certain nombre de chiffres pour l'année 2017. Les injonctions de payer représentent 438 279 décisions. Il s'agit donc effectivement de contentieux de masse ; le chiffre est même faramineux. Pourrions-nous avoir, d'ici à la discussion en séance publique, une qualification de ces 438 279 décisions ? En effet, si la majorité concerne des crédits à la consommation, cela veut dire que le problème n'est pas de savoir comment on rend la décision de justice, mais comment faire en sorte d'en arriver moins souvent à des décisions de justice dans de tels cas. Si l'essentiel des injonctions de payer concerne des crédits à la consommation, la solution que vous proposez sera peut-être utile pour faciliter le fonctionnement de la justice, mais elle ne servira à rien pour les justiciables et n'améliorera pas leur situation.
Les arguments avancés devraient, à mon avis, conduire M. Bernalicis à retirer son amendement : en réalité, il a été rassuré quant au fait que tout le contentieux lié aux oppositions aux injonctions de payer serait bien traité dans les juridictions compétentes, en présence d'un magistrat. Sur ce point, il n'y a donc pas de difficulté, sauf, bien sûr, si les parties ne sont pas d'accord pour la tenue de l'audience.
Cela dit, monsieur Bernalicis, au début de la procédure, lorsqu'une requête est déposée pour obtenir une ordonnance portant injonction de payer, il ne s'agit pas seulement, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, de donner un coup de tampon : un magistrat contrôle qu'il existe bien un contrat, des factures et une mise en demeure de payer. Si ces pièces ne sont pas réunies, la requête est rejetée et l'ordonnance portant injonction de payer n'est pas accordée.
Un autre élément devrait vous conduire à considérer que la mesure que nous prenons est fondamentale : dans 95 % des cas, l'ordonnance portant injonction de payer n'est pas contestée par celui auquel elle est adressée.
Autrement dit, dans 95 % des cas, l'exigence de procéder au paiement est justifiée. Ce que nous proposons va donc dans le bon sens et vous devriez, monsieur Bernalicis, retirer votre amendement.
Le Gouvernement a effectivement déposé un certain nombre d'amendements, et nous pouvons nous retrouver autour de certains points.
Toutefois, la question est en réalité de savoir pourquoi il y a autant de contentieux dans ce domaine. Je ne sais pas si c'est ce que M. Schellenberger voulait dire, mais nous pourrions réfléchir à l'interdiction des crédits à la consommation…
Vous n'iriez peut-être pas jusque-là, effectivement, parce que vous êtes quand même de droite,…
…mais, si c'est là le principal fournisseur de contentieux, il y a matière à réflexion. De même, l'explosion du nombre d'interdits bancaires pose question. On peut se dire qu'il faut rationaliser le traitement de ce contentieux, mais on pourrait aussi traiter le mal à la racine.
J'entends bien que les personnes physiques pourront déposer leur demande par voie papier, mais cela veut dire, concrètement, envoyer un courrier au tribunal, quelque part – pas forcément à Paris, peut-être à Lille.
Actuellement, n'importe quelle personne physique peut aller déposer son dossier papier au tribunal d'instance à côté de chez elle. Dorénavant, il faudra l'envoyer par courrier, plus loin. J'espère que, quand les personnes concernées iront dans un service d'accueil unique du justiciable (SAUJ), on ne leur expliquera pas qu'elles doivent envoyer le courrier ailleurs et qu'elles ne peuvent pas déposer leur demande au tribunal le plus proche !
On pourrait tout aussi bien établir que la requête est recevable dans le tribunal d'instance du coin. En effet, combien de personnes vont être concernées ? Je n'ai pas en tête le nombre de demandes formulées par des personnes physiques par rapport à celles émanant de professionnels mais, s'il est limité, on pourrait ouvrir la possibilité de déposer le dossier papier au tribunal le plus proche, au lieu d'obliger les gens à l'envoyer à l'adresse indiquée – cela dit, madame la garde des Sceaux, pour faire écho à l'un de vos amendements qui sera examiné par la suite et gagner ainsi du temps.
Par ailleurs, il est prévu – dites-moi si je me trompe – que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer soient traitées sans audience lorsque l'opposition tend exclusivement à l'obtention de délais de paiement. Or, souvent, les gens demandent…
Je n'interviendrai plus sur le reste, madame la présidente. (Rires et exclamations.)
Le juge, quand il voit les parties en présence – ce sont souvent des populations défavorisées qui font l'objet d'injonctions de payer –, en vient à soulever certains moyens, ou les interroge pour faire valoir des moyens visant à diminuer la somme à payer. En effet, les crédits à la consommation, par exemple, créent encore et encore des intérêts, que le juge d'instance annule très souvent, ne conservant que le montant de la créance.
Tout cela, visiblement, ne vous intéresse pas ! Si vous m'aviez laissé m'exprimer, j'aurais peut-être retiré mon amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL1074 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CL953 du Gouvernement.
Cet amendement renvoie à la discussion que nous venons d'avoir : je ne détaillerai pas davantage.
J'en profite pour terminer mon intervention précédente. Madame la garde des Sceaux, que penseriez-vous de faire en sorte que l'on puisse déposer sa demande papier dans le tribunal d'instance à côté de chez soi, quitte à ce que ce tribunal le transmette ensuite à votre tribunal centralisé traitant les injonctions de payer ? Je vous pose la question afin de préparer des amendements en vue de la séance.
Votre demande est déjà satisfaite, monsieur Bernalicis : comme je vous l'ai expliqué, il y aura dans chaque tribunal un service d'accueil unique du justiciable, où l'on pourra déposer sa demande, laquelle sera ensuite réadressée à qui de droit.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL705 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Cet amendement vise tout simplement à faire en sorte que le justiciable voie sa requête examinée par le tribunal de grande instance le plus proche de chez lui.
D'une part, il y va de l'aménagement du territoire, auquel je suis attaché : il faut que nous conservions des services publics. D'autre part, il est important que le justiciable puisse se présenter devant le juge et que celui-ci lui explique pourquoi il va être condamné – ou non. Un dialogue doit exister entre le prévenu et l'autorité judiciaire.
Mme la garde des Sceaux vient de répondre à votre préoccupation. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Je l'ai dit clairement : le justiciable pourra déposer sa demande au SAUJ du tribunal dont il dépend, qui transmettra ensuite à la juridiction nationale. L'amendement est donc satisfait.
L'amendement est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements CL1054, CL1055 et CL1056 du Gouvernement.
Ils s'inscrivent, une fois encore, dans la continuité de ce que j'ai expliqué.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte successivement les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL172 de M. Dimitri Houbron.
Le projet de loi institue le traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par le tribunal de grande instance. Or il existe certaines réticences persistantes à l'installation du numérique au sein des tribunaux. L'École nationale de la magistrature (ENM) propose un service performant de formation continue, mais certains professionnels ne s'en saisissent pas. L'objectif du présent amendement est de créer un référent chargé de la formation des professionnels au numérique dans chaque tribunal de grande instance. Il s'agit d'un amendement d'appel. L'idée est de dire : « Allons vers la numérisation et la dématérialisation, mais en accompagnant les professionnels de la justice. »
Lorsque nous avons entendu Mme la garde des Sceaux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, elle a détaillé l'ensemble des moyens techniques, financiers et humains déployés dans le cadre de la transformation numérique de la justice. Je demande le retrait de cet amendement.
J'entends parfaitement votre préoccupation, monsieur Houbron. Vous savez que la question de la transformation numérique est essentielle pour mon ministère, et que je suis totalement impliquée. Nous avons créé, au sein des juridictions, des postes de correspondants locaux informatiques. Il me semble donc que je satisfais votre préoccupation. Par ailleurs, ce que vous proposez ne relève pas du niveau législatif.
Ce sujet ne relève peut-être pas du niveau législatif, madame la garde des Sceaux, mais il est important ; il faut vraiment que le ministère s'en empare. L'accès au numérique est une vraie question. Dématérialiser un certain nombre de procédures, notamment les dépôts de plainte, ce qui les rend possibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c'est parfait, et je n'ai pas d'objection de principe, mais un grand nombre de nos concitoyens sont en difficulté : il faut absolument que l'accueil et la formation soient assurés. Du reste, c'est vrai aussi de l'autre côté de la barrière, si je puis dire : dans les tribunaux, au-delà des moyens matériels qui vont être mis en oeuvre – et que vous avez soulignés lors de l'examen des crédits de la mission « Justice » –, il faut une prise en compte effective de cette exigence. C'est un peu l'objet du présent amendement. Au-delà donc du sort qui lui sera réservé, il faut donc conserver en permanence à l'esprit cette préoccupation, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et de l'accès à la justice.
Au vu des explications de Mme la rapporteure et de Mme la garde des Sceaux, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 14 modifié.
Après l'article 14
La Commission examine l'amendement CL380 de M. Jean-Michel Mis.
Cet amendement vise à reconnaître une valeur de preuve à tout fichier numérique enregistré dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé, tel que défini par l'ordonnance du 8 décembre 2017. La finalité est de répondre à l'objectif de désengorger les services de la justice : ces derniers pourraient être redéployés sur des missions à plus forte valeur ajoutée.
L'amendement vise à reconnaître dans le code civil une présomption de fiabilité des preuves issues de ce que l'on appelle les blockchains. Il revient à détailler, dans un article du code civil consacré aux principes généraux relatifs à l'admissibilité des modes de preuve, un moyen spécifique de preuve plutôt qu'un autre. Du reste, plusieurs raisons s'opposent à la reconnaissance des signatures électroniques utilisées dans la technologie des blocs de chaînes, parmi lesquelles l'exigence d'identification du signataire. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Il s'agissait d'un amendement d'appel, qui ne concernait pas seulement, d'ailleurs, la technologie des blocs de chaîne et des registres distribués. La réflexion est en cours au sein des directions des services informatiques (DSI), mais aussi du ministère de la justice. C'était une manière d'aborder le sujet. Vous avez compris l'amendement comme tel, et je vous en remercie. Je le retire.
L'amendement est retiré.
Article 15 : Habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour harmoniser les procédures au fond à bref délai devant les juridictions judiciaires
La Commission adopte l'article 15 sans modification.
L'Assemblée vote un dessaisissement législatif à une heure du matin : ce n'est pas très joli !
Chapitre II Simplifier pour mieux protéger
Article 16 (art. 428, 494-1, 494-3, 494-5 à 494-9 et 494-11 du code civil) : Assouplissement de l'habilitation familiale
La Commission examine l'amendement CL963 du Gouvernement.
Cet amendement vise à développer le mandat de protection future, qui permet à chacun d'anticiper sa propre perte d'autonomie. L'idée est d'en faire le dispositif de protection privilégié, avant d'envisager toute autre mesure conventionnelle, légale ou judiciaire. Toute personne doit pouvoir organiser ses affaires et anticiper sa perte éventuelle d'autonomie, ainsi que sa perte de volonté. Lorsqu'une telle volonté a été clairement exprimée, il faut qu'elle soit respectée et qu'elle passe avant toute application des règles de représentation, lesquelles ne doivent être envisagées qu'à titre subsidiaire.
Le mandat de protection future doit, en outre, être révoqué seulement en cas d'atteinte aux intérêts de la personne et non pas par la mise en oeuvre d'une mesure de protection judiciaire.
L'amendement vise également, dans les cas où une mesure d'habilitation familiale a été ordonnée, à permettre à toute personne intéressée de saisir le juge des tutelles en cas de difficulté. Je rappelle que l'habilitation familiale, qui est une mesure consensuelle, ne doit pas faire oublier que des difficultés peuvent survenir. Il est donc important d'étendre le droit de recours à toute personne intéressée, au-delà de l'entourage, car cela revient à améliorer la surveillance générale du juge des tutelles sur les mesures de protection qui sont de son ressort.
Ces mesures participent à la prise en compte de la volonté des majeurs protégés – on en revient au sujet que nous avons abordé tout à l'heure – et à la nécessaire promotion des mesures conventionnelles ou consensuelles qui assurent la protection effective des majeurs les plus vulnérables.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL76 de M. Ugo Bernalicis.
Par cet amendement, nous souhaitons interpeller le Gouvernement sur la réforme de la tutelle et de la curatelle qu'il entreprend. En effet, nous entendons garantir que cette réforme ne se fasse pas au détriment des droits des personnes sous curatelle ou sous tutelle, qui sont par définition en situation de vulnérabilité particulière.
Les tutelles et curatelles sont des mesures de protection judiciaire. L'habilitation familiale, créée en 2015, permet à un proche du majeur concerné hors d'état de manifester sa volonté de le représenter pour la réalisation d'actes relatifs à ses biens ou à sa personne. Le dispositif nécessite un accord familial. Or l'habilitation familiale implique un contrôle plus distant du juge et peut donc, de notre point de vue, induire des risques pour la personne vulnérable. Cela est d'autant plus vrai que le dispositif a aussi permis de facto à la justice de se décharger du suivi de ces personnes.
L'habilitation peut se voir fixer une durée maximale de dix ans. Une telle durée, sans qu'intervienne le contrôle d'un juge, nous pose problème. D'ailleurs, la disposition a été créée en 2015 par voie d'ordonnance, c'est-à-dire sans réelle étude d'impact.
Tout cela s'inscrit, en outre, dans un contexte de déjudiciarisation de la protection des majeurs. Cette procédure, nécessaire pour la protection des majeurs vulnérables, implique une mobilisation importante de moyens financiers. Or un processus d'externalisation a été enclenché avec le mandat de protection future et l'habilitation familiale. Ces dispositions sont problématiques : nous considérons qu'en l'absence de décision d'un juge, les droits fondamentaux de la personne protégée ne sont pas respectés. Cet amendement vise donc à garantir l'intervention d'un juge et, ce faisant, à rendre la protection effective, contrairement à la disposition visée qui, selon nous, la mettrait à mal.
Le dispositif que vous évoquez est assez récent : cela fait seulement deux ans qu'il a été mis en oeuvre. Nous n'avons pas encore suffisamment de recul sur ces mesures. Avis défavorable.
Avis défavorable également. Je rappelle que la durée maximale de l'habilitation générale est conforme aux durées prévues pour les mesures de tutelle. Certes, le contrôle du juge n'est pas systématique dans le cas de l'habilitation familiale, mais la mesure ne peut être mise en oeuvre qu'en cas de consensus familial. Cela signifie qu'il ne doit pas y avoir de conflit – ce que vérifie le juge au moment où la demande est formulée. Le Gouvernement a néanmoins proposé, par voie d'amendement, d'élargir le droit d'alerte à toute personne intéressée. Cela paraît garantir l'objectif de protection, qui est poursuivi à travers le présent amendement, étant ici rappelé que, lorsque le consensus familial n'existe plus, les proches peuvent déjà saisir le juge pour qu'il soit mis fin à l'habilitation.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 16 modifié.
Mes chers collègues, nous en avons terminé pour ce soir. Je vous propose que nous nous retrouvions demain à neuf heures trente. Conformément à la décision que nous avons prise en consultant tous les groupes, nous n'interromprons pas nos travaux pour l'examen en séance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ce qui nous permettra de nous réunir également l'après-midi et le soir. Une convocation rectificative va vous être adressée.
La réunion s'achève à 1 heure.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Typhanie Degois, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Jumel, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Cédric Villani
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Maina Sage, M. Arnaud Viala, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann