La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Rappel au règlement
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour un rappel au règlement.
Je voudrais faire le point sur l'avancée de nos travaux. Pas moins de 469 amendements ont été déposés sur ce projet de loi de finances rectificative, ce qui illustre la créativité dont notre assemblée sait faire preuve, en commission comme en séance. Certains ayant été retirés ou déclarés irrecevables, il n'en restait plus que 373. Or nous en avons examiné 25 durant la séance de ce matin.
Peut-être, mais à ce rythme, il faudra une trentaine d'heures pour les examiner tous. Et même si ce texte ne viendra que lundi à l'ordre du jour du Sénat, nous n'avions pas prévu d'y consacrer le week-end. J'appelle donc l'Assemblée à montrer un minimum de discipline. Il y a certes quelques sujets importants sur lesquels on peut évidemment se pencher plus particulièrement, mais beaucoup d'autres peuvent être examinés dans un délai plus raisonnable.
J'ai bien conscience que cet avertissement n'aura aucun poids, mais j'aurai fait mon possible.
Et c'est déjà beaucoup, mon cher collègue. Je ne peux qu'abonder dans votre sens.
Il y a pratiquement un consensus dans notre pays pour considérer qu'aucune grande entreprise ne devrait verser de dividendes à ses actionnaires pendant cette crise. Le ministre de l'économie lui-même a dit qu'aucune aide publique ne serait versée, aucun report de charges accepté ni aucun prêt garanti par l'État aux entreprises qui le feraient – je rappelle que les entreprises du CAC40 avaient prévu de verser plus de 54 milliards d'euros au titre de l'exercice 2019 ! Pourtant, des entreprises ont prévu de passer outre. C'est le cas du groupe de Bernard Arnault, même si ce dernier a fait un geste en décidant de ne verser que 70 % du montant initialement prévu. D'autres entreprises vont suivre son exemple.
Pour les en dissuader, cet amendement propose que le taux du prélèvement forfaitaire unique – PFU – soit porté de 30 à 75 %. Ainsi les dividendes distribués ne seraient pas protégés par la flat tax que le Gouvernement et sa majorité ont mise en place. Les recettes supplémentaires serviraient à redresser le pays.
J'en profite pour rappeler au Gouvernement que beaucoup de ces entreprises ont des filiales dans des paradis fiscaux notoires – à Jersey ou en Belgique, où les bénéfices sur les plus-values sont totalement exonérés d'impôt. Il serait bon, particulièrement dans cette période de pandémie, que notre assemblée dispose de la liste des sociétés concernées et que celles-ci soient contrôlées afin d'éviter qu'elles ne délocalisent dans les paradis fiscaux les sommes qu'elles n'auraient pas versées sous forme de dividendes. Il faut empêcher que de telles stratégies d'évasion fiscale puissent être menées ; ce serait totalement indécent dans le contexte actuel.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 135 .
Il tend à porter le taux du PFU à 35 % – contre 30 % aujourd'hui – , et vise plus particulièrement les entreprises qui n'auraient pas entendu l'appel du ministre de l'économie et des finances en versant tout de même des dividendes.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Je vais m'efforcer d'être bref, répondant ainsi à l'invitation du président de la commission des finances, d'autant que nous avons eu à de multiples reprises ce débat sur la fiscalité des revenus du capital.
Je sais, monsieur Roussel, que nos avis divergent en la matière, mais j'estime que parmi les dispositifs fiscaux mis en place depuis le début de cette législature, le prélèvement forfaitaire unique est un des plus efficaces : il a permis d'attirer de nouveaux investissements dans notre pays, de faire grandir des entreprises et de développer l'emploi. Je pense donc que c'est une bonne mesure qu'il ne faut pas modifier ni a fortiori remettre en cause. Avis défavorable sur les deux amendements.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis, pour les mêmes motifs. Mais je tiens à rassurer M. Roussel : l'engagement du Gouvernement dans la lutte contre la fraude fiscale demeure entier, dans la mesure où il est possible de procéder à des contrôles en période de confinement. Nous avons obtenu ces derniers mois de très bons résultats – le ministre des comptes publics s'en est d'ailleurs fait l'écho.
De plus, une grande entreprise souhaitant obtenir le report des échéances sociales et fiscales ou signer un contrat de prêt garanti par l'État doit s'engager à ne pas distribuer de dividendes en 2020. Une clause résolutoire figurera dans le texte même dudit contrat. C'est donc à la fois très clair et très précis.
Notre groupe souhaite consacrer les 6 milliards gaspillés dans le cadre du crédit impôt recherche à la création d'un pôle public du médicament et à la relance de la recherche publique. Cette crise a en effet révélé le risque de rupture d'approvisionnement auquel notre pays est confronté s'agissant de produits tels que le curare, la morphine, le propofol, le midalozam, etc. Elle a aussi révélé que le secteur du médicament n'obéit qu'aux lois du marché et qu'il sert avant tout à augmenter les profits des grands groupes qui le dominent. De son côté, la recherche française, longtemps très en pointe, subit depuis des années des baisses de dotations publiques. C'est particulièrement vrai de la recherche fondamentale, dont l'apport est pourtant indispensable lorsqu'il s'agit de lutter contre un virus, quand bien même ses résultats ne permettent pas d'espérer une rentabilité immédiate.
Pour financer ce projet, nous proposons la suppression du crédit impôt recherche, dont le rapporteur général nous a encore fait l'éloge en commission. Je rappelle pourtant que, dans la mesure où il n'est plafonné qu'au niveau des filiales et non du groupe, ce dispositif favorise l'évasion fiscale. En outre, seulement quarante-deux grandes entreprises, soit 0,3 % des bénéficiaires, se partagent 31 % de son montant.
De son côté, le CNRS a perdu 3 000 équivalents temps plein depuis 2010, ce qui représente 11 % de sa masse salariale. Les pouvoirs publics auraient donc été bien inspirés, il y a quelques années, de tenir compte du mouvement lancé par le collectif Sauvons la recherche ; nous serions aujourd'hui un peu mieux armés face au coronavirus.
Nous avons en effet, monsieur Coquerel, un avis différent quant à l'utilité du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt innovation – même si nous pourrions à la rigueur nous retrouver s'agissant de ce dernier. Le crédit d'impôt recherche est un outil efficace pour aider la recherche appliquée dans notre pays. Certes, la recherche fondamentale doit également être soutenue, mais les deux sont complémentaires. Il ne serait donc pas opportun, ni maintenant, ni au moment où il faudra relancer l'économie, de supprimer ou même de réduire ce qui constitue pour notre pays un facteur de compétitivité et d'excellence. Bien au contraire !
Avis défavorable. S'il est vrai que le crédit impôt recherche bénéficie à un nombre limité d'entreprises, il n'en demeure pas moins que son montant est proportionnel à leur contribution à la recherche. Cela explique notamment que nous fassions partie des leaders mondiaux dans la filière aéronautique, devant bien d'autres pays de taille beaucoup plus importante.
Cela étant, je vous rejoins sur l'idée qu'il faut investir dans la recherche publique. C'était l'objet du projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, que Frédérique Vidal aura très prochainement, je l'espère, l'occasion de vous présenter. Vous le savez par ailleurs, le Président de la République a pris des décisions dont l'objectif est clairement de consacrer plus de crédits à la recherche.
Je partage l'avis de mon collègue Éric Coquerel. Le problème ne réside pas seulement dans le montant des moyens alloués à la recherche publique – notamment à la recherche fondamentale – , mais aussi dans la façon dont cet argent est utilisé. On voit bien, par exemple, que le système des appels à projets s'est révélé nuisible pour les laboratoires et la recherche fondamentale. Il faut donc modifier les circuits actuels. L'argent du crédit d'impôt recherche serait beaucoup plus utile s'il était consacré à la recherche fondamentale, notamment à celle menée dans les grands établissements publics, plutôt qu'attribué aux grandes entreprises.
Vous avez évoqué, madame la secrétaire d'État, le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, mais je vous rappelle qu'avant même cette crise sanitaire, l'ensemble des chercheurs, notamment dans le domaine de la recherche fondamentale, étaient vent debout contre ce texte. Je l'ai dit en commission : le retard pris par notre pays dans l'étude des virus tels que le coronavirus et la mise au point d'un traitement contre les maladies qu'ils provoquent vient précisément – je l'ai entendu partout – du manque d'argent dont souffre la recherche publique. Quant au crédit d'impôt recherche, mon collègue l'a rappelé, 31 % de son montant est accaparé par quarante-deux entreprises, soit 0,3 % des bénéficiaires, et il sert surtout d'outil pour pratiquer l'évasion fiscale.
L'amendement no 186 n'est pas adopté.
Comme l'a dit M. le ministre de l'économie et des finances, il faut privilégier l'investissement à l'épargne. Or les chiffres parlent d'eux-mêmes : de 1,5 milliard d'euros déposés sur les livrets A et sur les livrets de développement durable en février, on est passé à 3,8 milliards en mars.
L'amendement no 371 propose que le montant maximal des souscriptions exonérées au titre du dispositif Madelin soit augmenté, passant de 50 000 à 75 000 euros pour une personne seule, et de 100 000 à 150 000 euros pour un couple. Ce serait une bonne façon de relancer l'investissement dans nos PME et dans nos TPE sans faire appel, comme toujours, à la générosité de l'État.
Par cette mesure ainsi que par celle que je propose à l'amendement no 373 , il s'agit d'injecter dans l'économie réelle suffisamment de capitaux pour permettre aux entreprises de surmonter les conséquences de la crise sanitaire en s'appuyant sur l'investissement à long terme des particuliers plutôt que de fonder leur relance sur des dettes. Je rappelle qu'afin de soutenir le financement des PME, la loi de finances pour 2018 avait majoré le taux de la réduction de l'impôt sur le revenu en le portant à 25 %, mesure reconduite pour 2019 et 2020. Je propose que l'application de ce taux majoré soit prorogée jusqu'au 31 décembre 2022.
Ces amendements sont intéressants dans le sens où ils visent à encourager l'investissement productif, ce qui est notre volonté depuis deux ans et demi. Vous l'avez vous-même noté : dès le projet de loi de finances pour 2018, la majorité a relevé à 25 % le taux du dispositif Madelin, aussi appelé « réduction d'impôt IR-PME ». Mais cette décision n'est toujours pas appliquée, car nous attendons encore l'avis de la Commission européenne à ce sujet. J'aimerais qu'elle puisse entrer en vigueur et que les parlementaires n'aient pas besoin de proposer chaque année le même amendement !
Je ne vais pas donner un avis favorable parce que je souhaite une stabilité fiscale pendant cette tempête, mais le sujet que vous abordez fera partie de ceux que nous aurons à traiter au moment de la relance. Toute mesure fiscale favorable à l'investissement dans l'économie réelle doit être encouragée.
Avis défavorable. je n'ai rien à ajouter à ce qu'a excellemment dit M. le rapporteur général.
Il est vrai, monsieur le rapporteur général, que nous attendons toujours l'avis de la Commission européenne. Puisque, ces temps-ci, les ministres des finances des pays de l'Union tiennent de nombreuses réunions, on pourrait demander à la Commission quand elle va se décider à donner une réponse à la France. En ces temps troublés de crise sanitaire, l'Union européenne ferait la preuve de sa bonne volonté en accédant enfin à cette demande.
De tout temps, pendant les crises économiques et financières fortes, les États ont choisi de solliciter les grandes fortunes et de leur demander une contribution exceptionnelle pour faire face aux difficultés. C'est d'ailleurs dans cet esprit que le président Sarkozy avait proposé, après la crise de 2008, d'instaurer une taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu pour les plus hauts salaires – elle était fixée à 3 % pour les revenus fiscaux de référence supérieurs à 250 000 euros et à 4 % au-delà de 500 000 euros.
Nous proposons d'augmenter cette taxe sur les salaires les plus élevés en la portant à 8 % pour la première tranche et à 10 % pour la deuxième, afin de doter le budget du pays d'une recette supplémentaire et de faire face aux dépenses nouvelles nécessaires pour répondre à la crise.
Vous me pardonnerez de vous faire une réponse rapide, qui tiendra lieu d'avis défavorable, pour des raisons similaires à celles que j'ai opposées aux amendements précédents : je suis contre toute hausse de fiscalité, notamment dans la période actuelle, durant laquelle nous devons maintenir une fiscalité positive afin de préparer la reprise de l'offre comme de la demande.
Il est également défavorable. J'estime cependant que nous devrons avoir ces discussions, collectivement, lorsque nous aurons une visibilité sur la sortie de crise, le plan de relance et l'ensemble des mesures à prendre. Nous examinons pour l'heure un projet de loi de finances rectificative, qui a vocation à venir en aide à un certain nombre de personnes – travailleurs indépendants, salariés, entreprises. Nous sommes aujourd'hui dans le temps de l'urgence. Le temps de prendre la mesure du plan de relance, de son financement et de ses modalités viendra ensuite.
L'amendement no 97 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 190 .
Il a été rédigé par mon collègue Régis Juanico et procède de la même philosophie que celui de notre collègue Roussel. Nous débattons de mesures visant à soutenir l'économie et à répondre à l'urgence sociale en ces temps difficiles. Cette crise appelle à la solidarité, humaine bien sûr, mais également budgétaire. L'histoire nous rappelle que, si nous voulons nous en sortir collectivement, celles et ceux qui se portent bien devront faire preuve de solidarité.
Tel est l'objet de cet amendement, qui vise à rétablir la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, supprimée en 2018, en appliquant un taux de 20 % à la fraction de salaire supérieure à 152 279 euros. À ce niveau de salaire, il n'y a pas de honte à solliciter un peu plus le contribuable.
Pour des raisons proches de celles exprimées précédemment – même si le sujet est légèrement différent – , il est défavorable.
Pour des raisons similaires à celles que j'ai déjà exprimées, j'émets également un avis défavorable.
L'amendement no 190 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 91 .
Il a été déposé, entre autres signataires, par mes collègues Cariou, Causse et Maire et vise à moduler le mécanisme de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d'assurance de dommage.
Ce mécanisme taxe les excédents de provisions lorsque les entreprises d'assurance les réintègrent dans leur résultat. L'amendement tend à porter le taux mensuel d'intérêt, actuellement fixé à 0,40 %, à 0,50 % en 2020 puis à 0,60 % en 2021. Cette hausse de taux inciterait les assureurs à tenir compte de la taxe en accentuant les conséquences financières qu'aurait pour eux un surprovisionnement. Le fait de créer une incitation financière permettra de lutter contre les effets d'aubaine dont pourraient bénéficier les entreprises d'assurance et ainsi de réguler leur comportement dans les prochains mois, pour soutenir l'économie.
Nos collègues proposent que les fonds récoltés soient employés pour soutenir les petites et moyennes entreprises, dans le respect et les limites de l'article 40 de la Constitution.
Je me permettrai de développer ma réponse : elle fera office d'avis sur de nombreux amendements relatifs au secteur de l'assurance. Plusieurs amendements, déposés par des députés de la majorité comme de l'opposition, proposent des majorations de taux, qu'il s'agisse de la taxe sur les boni, des réserves de capitalisation ou d'autres mesures fiscales.
La commission des finances a auditionné cette semaine la présidente de la Fédération française de l'assurance. Nous l'avons interrogée sur l'engagement du secteur assurantiel, lequel nous paraissait trop faible – ce sentiment était, je le crois, partagé sur tous les bancs de l'Assemblée nationale. Nous avons demandé que le secteur assurantiel s'engage davantage. Les échanges qui ont eu lieu en ce sens entre le ministre de l'économie et des finances et les directeurs des grandes compagnies d'assurance ont été fructueux.
Ma position est donc la suivante : j'émettrai un avis défavorable à toute proposition de majoration du taux d'une taxe, qu'elle porte sur les boni, les réserves de capitalisation ou d'autres sommes. En revanche, je veux rappeler les engagements pris par les compagnies d'assurance et je proposerai, en fin de séance – il faudra donc rester jusqu'au bout – , à travers l'amendement no 459 , de prévoir un rapport de suivi du respect de ces engagements. Toute demande de rapports complémentaires sera d'ailleurs parfaitement bienvenue.
Les compagnies d'assurance se sont publiquement engagées à porter de 200 à 400 millions d'euros leur abondement au fonds de solidarité. Un deuxième mode d'intervention me paraît pertinent : il s'agit de l'investissement en fonds propres dans les entreprises et secteurs prioritaires, particulièrement dans les entreprises qui participent à la recherche appliquée dans le domaine de la santé. Par ce biais, le secteur des assurances, notamment à travers les fonds « Nov », apportera, au total, un soutien de 3,2 milliards d'euros à l'économie.
Je veux que ces engagements – investissements en fonds propres ou participation au fonds de solidarité – , fassent l'objet d'un suivi étroit. Le Gouvernement devra très régulièrement informer le Parlement afin que ce dernier puisse s'assurer – c'est le cas de le dire – que ces compagnies font bien ce qu'elles ont annoncé. Si tel n'était pas le cas, je m'engage à rendre un avis favorable, lors de l'examen d'un prochain projet de loi de finances, à des mesures de hausses de fiscalité, sur les boni comme sur les réserves de capitalisation. Pour l'heure, ma position consiste à faire confiance à la place et à m'assurer que le soutien apporté par le secteur assurantiel atteigne bien les 3,2 milliards d'euros annoncés.
Cette intervention, un peu longue, me permettra de répondre plus rapidement aux prochains amendements. Avis défavorable.
Je ne peux que confirmer que les assurances ont pris les engagements suivants : la participation, à hauteur de 400 millions d'euros, au fonds de solidarité créé par le Gouvernement à l'intention des travailleurs indépendants ; des gestes commerciaux à l'intention de leurs assurés à raison de 1,35 milliard d'euros – dont 450 millions d'euros additionnels pour les petites entreprises et les travailleurs indépendants, 550 millions d'euros pour les personnes particulièrement exposées au Covid-19, 150 millions d'euros pour les personnels soignants et 200 millions d'euros pour l'ensemble des ménages ; et le soutien à la relance de l'économie française, à travers un programme d'investissement de 1,5 milliard d'euros.
Je confirme que le ministre de l'économie et des finances est chargé de suivre le respect de ces engagements, dont il rendra compte devant la représentation nationale.
La pandémie actuelle soulève nécessairement la question des assurances. Je rappelle qu'après la catastrophe climatique qu'a constitué la tempête de 1999, le secteur assurantiel avait versé 7,5 milliards d'euros d'indemnisations. Alors que nous faisons aujourd'hui face à une catastrophe dont les dommages excèdent ceux enregistrés en 1999, ce même secteur n'abonderait le fonds de garantie de l'État qu'à hauteur de 400 millions d'euros ? Les réserves des compagnies d'assurance se montent à plusieurs dizaines de milliards d'euros : on ne saurait même pas dire sur quelles montagnes d'or elles sont assises ! Et vous leur faites confiance !
Vous ne pouvez pas, monsieur le rapporteur, vous satisfaire de 400 millions d'euros. Vous dites que les assureurs s'engagent à verser 3 milliards d'euros en investissant dans des entreprises ; mais ce faisant, ils n'indemnisent pas les PME, ils achètent des actions pour, demain, faire leur beurre : ce n'est pas la même chose ! Ce dont nous parlons ici, c'est de la nécessité d'indemniser les assurés, et notamment toutes les petites entreprises qui, alors qu'elles ont payé leurs cotisations mois après mois, ne percevraient rien aujourd'hui.
Si les compagnies d'assurance ne s'engagent pas davantage, ce n'est pas un rapport que nous demanderons, mais la création d'une commission d'enquête sur le rôle qu'elles n'auront pas joué pendant cette crise ! Vous pourrez compter sur les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour la réclamer.
L'accord que vous avez obtenu, madame la secrétaire d'État, n'est pas bon – Fabien Roussel vient de le souligner très clairement. De nombreux artisans et commerçants ont cotisé entre 5 000 et 20 000 euros par an pour pouvoir bénéficier, en vertu du contrat qu'ils avaient signé, d'une indemnisation en cas de perte d'exploitation. Or une des clauses de ce contrat stipule que les pandémies ne font pas partie des catastrophes naturelles prises en charge. Les conséquences d'une pandémie mettant notre économie à l'arrêt pendant plus de deux mois – ce qui est bien pire qu'une catastrophe naturelle – ne donneraient donc pas lieu à dédommagement ? Vous ne pouvez pas accepter un tel état de fait.
Le groupe socialiste avait déposé le 2 avril une proposition de loi visant à ce que tous ceux qui ont souscrit un contrat Pertes d'exploitation bénéficient immédiatement d'un dédommagement. J'entends bien que les clauses ne peuvent pas être modifiées rétroactivement, mais il serait possible de verser une compensation aux assurés. Voilà ce que vous devez négocier dès maintenant, plutôt que des investissements dans trois, quatre ou cinq ans, qui feront une belle jambe aux entreprises si elles sont mortes d'ici là ! C'est le premier problème.
Deuxièmement, comme nous l'avons indiqué dans la proposition de loi déposée il y a deux semaines, il faut absolument ajouter les pandémies aux facteurs permettant de faire jouer les clauses de garantie des pertes d'exploitation dans les contrats.
Je le répète, madame la secrétaire d'État : l'accord que vous avez obtenu est mauvais ; il est néfaste pour notre économie et injuste pour tous ceux qui ont payé jusqu'à 20 000 euros de cotisations par an et finalement ne toucheront rien.
Je prendrai un peu de distance dans ce débat en rappelant que, contrairement à ce dont on l'accuse, la majorité n'a pas fait beaucoup de cadeaux aux assureurs depuis le début de la législature, que l'on songe notamment à la réforme de la fiscalité de l'assurance-vie ou à la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi PACTE, qui a instauré une concurrence beaucoup plus forte dans le secteur. On ne peut pas non plus la soupçonner de conclure de mauvais accords avec les assureurs et de s'en satisfaire.
Les 200 millions proposés au départ étaient-ils suffisants ? De toute évidence, non, trois fois non. Il aura fallu une saine pression, issue de tous les bancs, de toutes les circonscriptions, de tous les territoires pour aboutir à un montant beaucoup plus élevé. Comme l'a rappelé le rapporteur général, ce qui est proposé aujourd'hui marque une amélioration, même s'il faudra s'assurer que tous les engagements seront tenus. Faudra-t-il aller plus loin ? Peut-être, si la situation l'impose.
Abordons réellement le fond du problème. Certains appellent à instaurer des taxes pour financer l'aide aux indépendants. Mais s'il faut, par exemple, taxer la compagnie d'assurances d'un restaurateur, il faudrait aussi, en suivant la même logique, taxer l'opérateur qui lui fournit un service de télécommunications, mais aussi son banquier, son expert-comptable et l'ensemble de ses fournisseurs. Telle n'est pas la solution que nous avons retenue et qui consiste plutôt à constituer, avec la Direction générale des finances publiques et les régions, un pot commun, un fonds de solidarité que tous – y compris les autres collectivités, comme l'a rappelé tout à l'heure ici même le ministre de l'action et des comptes publics – sont invités à abonder pour soutenir les indépendants qui en ont besoin.
Il est vrai que le montant de la contribution des assureurs au fonds de solidarité est minimal :
Mme Valérie Rabault applaudit
400 millions, c'est totalement insuffisant. Certes, il faut y ajouter les investissements destinés à soutenir les entreprises, à hauteur de 1,5 milliard, ainsi que 500 millions en gestes commerciaux. Mais même en additionnant toutes ces sommes, madame la secrétaire d'État, l'effort reste trop faible, surtout si on le compare aux 7 milliards d'euros d'indemnisations versés lors de la tempête de 1999, le montant le plus important engagé par les assurances au cours des vingt dernières années. Comme vient de le dire très justement Mme Rabault, il est incompréhensible qu'une pandémie entraînant l'arrêt de toute activité ne soit pas considérée comme une catastrophe naturelle – d'autant que, depuis 1999, les assurances ont pourtant eu le temps de constituer de nouvelles provisions.
D'autre part, je veux aborder la question de l'assurance-crédit, qui vous concerne directement, madame la secrétaire d'État. C'est elle qui rend possible la trésorerie interentreprises, entre les fournisseurs et les clients. Alors qu'en 2008 et 2009, les assureurs avaient déjà fortement réduit leurs engagements dans ce domaine, ce qui avait posé de gros problèmes, les retours que nous avons aujourd'hui sur ce point sont extrêmement inquiétants. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler lors de l'examen de l'article qui prévoit l'augmentation de la garantie de l'État au titre de l'assurance-export. En tout état de cause, il est essentiel que les assureurs fassent leur travail en matière de crédits interentreprises.
M. Marc Le Fur et M. Jean-Louis Bricout applaudissent.
J'approuve les propos qui viennent d'être tenus. Il y a en effet une véritable incompréhension de la part des commerçants et artisans qui ont souscrit une garantie de pertes d'exploitation – cotisant parfois lourdement, comme l'a rappelé Mme Rabault – avant malheureusement de découvrir qu'ils n'obtiendraient aucune indemnisation.
Madame la secrétaire d'État, le montant de la contribution des assureurs a certes évolué de façon très significative, mais, même si elle atteint désormais 3,2 milliards, celle-ci ne constitue pas la réponse concrète qu'attendent nos concitoyens sur la question des pertes d'exploitation. Comme mes collègues, je souhaite que les compagnies d'assurances tiennent leurs engagements à l'égard des artisans et des commerçants ayant souscrit un contrat de ce type.
Je voudrais tout d'abord saluer le travail accompli à la fois par le Gouvernement et par de nombreux députés, comme Valéria Faure-Muntian, Nadia Hai ou Marie-Christine Verdier-Jouclas, car, je le répète, il est plus difficile de mener une négociation fructueuse que de lever une taxe. D'ailleurs, la dernière fois qu'une disposition de cet ordre a été prise – c'était au cours du mandat de Nicolas Sarkozy – , les prélèvements sur la prévoyance et les complémentaires santé avaient certes permis de récolter 1 milliard d'euros, mais deux ans plus tard, nous avons dû payer la même somme à travers l'augmentation de nos cotisations.
Aujourd'hui, on ne taxe pas mais on augmente quand même les cotisations !
Par conséquent, je ne suis vraiment pas persuadée que ce soit une bonne solution.
Mme Lemoine a raison : de nombreux Français ne comprennent pas pourquoi la police qu'ils ont souscrite pour garantir les pertes d'exploitation ne prévoit pas d'indemnisation en cas d'épidémie. Mais je rappelle que seul un chef d'entreprise sur deux a souscrit un tel contrat. Peut-on vraiment prétendre qu'un fonds de 400 millions, dans lequel tous peuvent piocher, est une réponse négligeable ? Je pense au contraire qu'il constitue une solution satisfaisante et qu'il faut donc continuer à l'abonder. À ma connaissance, le secteur de l'assurance est le seul qui ait contribué à le faire. Ce n'est tout de même pas rien, même s'il a agi sous la pression du Gouvernement. Ce n'est tout de même pas rien.
Quant à Mme Rabault, elle affirme que les investissements ne serviront à rien si les entreprises concernées meurent avant. Mais pourquoi le redémarrage de notre économie a-t-il été si lent après la crise de 2008 ? Qu'est-ce qui manquait tant aux entreprises jusqu'à une période pas si lointaine ? À l'évidence, des investissements. Pour ma part, je suis contente de savoir que des investisseurs institutionnels vont fournir de l'argent aux entreprises françaises après la crise.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Il y a déjà plus d'un mois, notre groupe a été le premier, il faut le reconnaître, à poser la question de la distinction entre catastrophe naturelle et catastrophe sanitaire : il nous semblait évident que les pertes d'exploitation que connaissent actuellement les entreprises auraient dû être garanties par les contrats d'assurance. Mais de fait, ce n'est pas le cas. Il faut donc réfléchir à une solution pour l'avenir, peut-être en constituant un groupe de travail sur le sujet, même si, bien entendu, cela ne sera pas de nature à rassurer les entreprises aujourd'hui concernées.
Dans cette affaire, les assureurs ont très mal communiqué. Certes, ils ont accepté de verser un peu d'argent – je pense que les 3,2 milliards évoqués par la Fédération française de l'assurance seront effectivement distribués – , mais de façon diffuse et peu lisible. Leur contribution au fonds de solidarité – d'abord 200 millions d'euros, puis finalement le double – ne couvrira qu'une partie des pertes d'exploitation subies par les plus faibles, d'autant que cette aide est mutualisée. Tout se passe comme s'ils ne donnaient pas cet argent de bon coeur, comme s'ils hésitaient à revendiquer leur acte.
Il y a surtout un manque de visibilité. Ils auraient pu verser la même somme en expliquant qu'elle était destinée à indemniser – après une retenue de 10 ou 15 % – une partie des pertes d'exploitation subies, du moins pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Il était possible de faire plus, dans le respect des contrats signés. Cela étant, une crise de cette ampleur entraîne évidemment un risque systémique : on ne peut donc pas demander aux assureurs de couvrir de manière globale des pertes d'exploitation pour lesquelles il n'existait pas de couverture contractuelle. Personne ne souhaite fragiliser le secteur avant même la sortie de crise.
J'en viens à la question de la sinistralité. Va-t-elle augmenter ou baisser au cours de la crise ? Intuitivement, on pourrait estimer qu'elle sera au bout du compte plus faible, ce qui ouvrirait la voie au remboursement d'une partie des cotisations. Mais les assureurs disent qu'en réalité, la crise aura de multiples conséquences qui auront pour effet d'augmenter le taux de sinistralité. C'est possible, mais il faudra le vérifier.
Enfin, il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, autrement dit en demander tellement aux sociétés d'assurance qu'elles ne seraient plus en mesure, demain, de couvrir d'autres sinistres.
Il reste que pour l'instant, le secteur de l'assurance a échoué dans son traitement de la crise. Il devra se rattraper à l'avenir, en communiquant plus clairement, en expliquant son action, et surtout en rendant celle-ci plus visible auprès des assurés.
Si je comprends bien, il faudrait considérer que la négociation avec les assureurs est préférable à l'imposition d'une taxe. D'ailleurs, pour Mme Motin, une contribution de 400 millions, ce n'est pas rien, mais M. Carrez a souligné à juste titre la faiblesse d'un tel montant au regard de l'ampleur des sommes versées lors de la tempête de 1999.
Le problème de fond, c'est que la pandémie n'a pas été classée en tant que catastrophe naturelle, comme cela aurait dû être le cas. Or le Gouvernement peut le faire.
Si tel était le cas, les assureurs n'auraient pas le choix : ils devraient indemniser les assurés qui avaient souscrit un contrat prévoyant une prise en charge en cas de catastrophe naturelle.
Mais non, monsieur Pancher ! C'est l'argent des assureurs, pas le nôtre.
Cher collègue, vous devez vous inscrire si vous souhaitez me répondre ! Quoi qu'il en soit, cette épidémie a aussi un caractère environnemental. Ses caractéristiques ne sont pas si différentes d'une catastrophe telle que la tempête de 1999. Il faut donc la classer en catastrophe naturelle ; j'invite le Gouvernement à revoir sa position sur ce point.
Nous avons discuté de ce sujet pendant plusieurs heures. Arrêtons de faire croire à des mensonges. La vérité, que cela nous plaise ou non, est que les contrats de pertes d'exploitation ne couvrent pas le risque sanitaire. Tel est l'état du droit ! Monsieur Coquerel, si vous faisiez passer un amendement visant à assimiler la pandémie à une catastrophe naturelle, je peux vous dire que cette mesure serait aussitôt invalidée par le Conseil constitutionnel. Les contrats de droit privé sont en effet protégés par un principe constitutionnel, ils relèvent du droit de propriété. Par conséquent, mettons fin à ce débat.
Comme l'a noté M. Woerth, on ne peut pas dire que les assureurs aient fait preuve, à l'égard de leurs assurés, de sympathie – au sens grec du terme, qui implique la participation à la souffrance d'autrui.
Ce qui me frappe, à propos de l'amendement no 91 – que pas moins de soixante-dix-sept membres du groupe majoritaire ont cosigné – , c'est qu'il ne tendrait qu'à augmenter les recettes de l'État puisque c'est à ce dernier que reviennent les recettes de la taxe sur la réserve de capitalisation. Celle-ci est inutile si elle n'est pas affectée. Or vous ne pouvez pas l'affecter. Ces voies sont donc fermées.
Tout le monde semble d'accord pour créer un système de garanties contre les calamités sanitaires. C'est en effet la solution d'avenir. En effet, dans cette crise, qui a joué le rôle d'assureur ? L'État, donc le peuple français. Telle est la dure vérité. Je ne vois pas comment nous pouvons en sortir.
Les assureurs se seraient honorés en apportant 1 milliard au fonds de solidarité ; ils se sont contentés d'une aumône de 200 millions. Depuis, ils ont doublé la somme, mais le mal est fait.
Les écueils juridiques sont en effet très importants. Il faut privilégier la négociation et le Gouvernement a raison de s'y employer. Seulement, nous nous trouvons face à un obstacle de taille : les Français ne comprennent pas ce qui se passe. Il règne un sentiment d'injustice profond : les entrepreneurs se sont assurés pour leurs pertes d'exploitation, mais elles ne sont pas indemnisées parce qu'on leur répond : « Votre contrat ne couvre pas la pandémie, donc tant pis pour vous ! » Or les entrepreneurs sont des Français et des citoyens comme les autres. Ils continuent à payer des polices d'assurance, à verser tous les mois leurs contributions aux assureurs, pour leur entreprise, leur véhicule, leur maison. Et alors que, pendant le confinement, il n'y a plus de cambriolages ni d'accidents de la route, les assureurs continuent à percevoir les cotisations sans devoir indemniser des sinistres.
Les Français se disent que les assureurs – et ils ont pour cette raison mauvaise réputation – sont très forts pour prendre leur argent, mais, quand il s'agit pour eux de rembourser, il y a toujours le petit codicille, en très petits caractères, à la fin du contrat, qui leur permet de se défausser… Voilà le sentiment dominant aujourd'hui en France. Et même s'il est sommaire, je comprends ce raisonnement, qu'il ne serait pas bon d'entretenir. J'insiste donc pour que le Gouvernement continue de négocier avec les assureurs afin d'obtenir beaucoup plus.
À titre exceptionnel, j'ai permis à tous les groupes de s'exprimer sur cette question. La parole est à Mme la secrétaire d'État, puis nous passerons au vote.
Laissez-moi tout d'abord rappeler les faits : pour ce qui est de la contribution des assurances, on parle de 1,75 milliard d'euros débloqués immédiatement, dont 400 millions d'euros pour le fonds de solidarité, 450 millions destinés aux petites entreprises et aux indépendants, 550 millions aux personnes particulièrement exposées au Covid-19, 150 millions aux personnels soignants et 200 millions à l'ensemble des ménages. Et à ces sommes sonnantes et trébuchantes s'ajouterait un engagement d'investissement de 1,5 milliard d'euros.
Il reste en effet à savoir si cette contribution représente un effort particulier ou si elle est la contrepartie d'une baisse du taux de sinistralité, correspondant par exemple à la chute du nombre d'accidents de voiture. À cet égard, le suivi effectué par le ministre de l'économie et des finances sera important, de même que le contrôle de la représentation nationale.
Sur le plan technique, M. de Courson a fort bien exposé la situation : on ne peut, pour des raisons juridiques, déclarer l'état de catastrophe sanitaire. Il paraît très légitime, en revanche, de travailler au développement d'une assurance qui ait les mêmes « fonctionnalités » qu'en cas de catastrophe naturelle. Nous allons d'ailleurs faire participer la représentation nationale à ces travaux dans la perspective d'aboutir au mois de juin. Il s'agit donc d'une promesse d'exécution rapide.
Enfin, il est essentiel, et je vous rejoins sur ce point, que les assureurs-crédit jouent leur rôle dans cette crise. On sait qu'en 2008 et 2009, lorsqu'ils ont été amenés à réduire leur exposition, cela a eu des conséquences majeures pour l'économie. Nous essayons donc de nous montrer très présents et – nous n'allons pas nous mentir : c'est compliqué – d'exercer sur eux la même pression que celle que nous exerçons sur les assureurs. Nous avons mis en place une garantie à hauteur de 90 %, et les dispositifs de complément d'assurance crédit CAP et CAP+ sont réactivés. Il est vrai que nous devons suivre attentivement la situation car les remontées du terrain sont préoccupantes. C'est une question d'intérêt commun.
L'amendement no 91 n'est pas adopté.
Nous proposons d'alourdir la taxe sur les transactions financières – TTF – afin de faire entrer un peu plus de 1 milliard d'euros supplémentaires dans le budget de l'État. Si nous avons des mesures d'urgence à prendre, il faut également penser au monde de demain, celui dans lequel nous voudrions vivre, et qui ne peut plus être celui où la spéculation boursière fait monter les prix de certaines denrées au point de provoquer des famines, où le libéralisme et la mondialisation ont pour effet d'affaiblir des pays entiers, y compris le nôtre. Alourdir la TTF, c'est envoyer un signal à tous les spéculateurs, les avertir que nous allons changer d'époque. C'est important, d'autant que cela permet en outre, j'y insiste, d'augmenter les recettes de l'État.
Il y a une pénurie de certains produits, en particulier de matériels sanitaires, dont l'acquisition – on pense aux masques – donne lieu à une guerre sans nom entre différents pays. C'est criminel ! Cette guerre est le plus laid visage que le capitalisme peut présenter à tous les peuples. Alors, oui, il faut pouvoir affirmer que cette époque est révolue et c'est pourquoi nous demandons l'augmentation de la TTF.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 192 .
En cette période de crise sanitaire, les plus vulnérables sont les plus pauvres et ceux dont les revenus vont drastiquement baisser. Aussi proposons-nous la gratuité des quantités nécessaires au bien-être s'agissant de l'électricité, de l'eau et du gaz. Nous proposons également la baisse des remboursements des prêts bancaires des particuliers à proportion de la baisse de leurs revenus et l'annulation des frais applicables aux incidents bancaires. Il faut en outre faciliter l'accès au téléphone pour pouvoir appeler ses proches sans frais supplémentaires : le lien social est essentiel en cette période traumatisante que nous traversons.
En 2008, les États ont largement contribué au sauvetage des banques. Il serait donc bon qu'aujourd'hui l'État contribue fortement au sauvetage des vies malmenées par les conséquences économiques de la crise sanitaire.
Pour contribuer à cet effort de solidarité, nous proposons d'augmenter la taxe sur les transactions financières en en portant le taux de 0,3 % à 0,5 %. C'est d'ailleurs une des principales préconisations des organisations non gouvernementales telles qu'Oxfam ou Coalition Plus. Il est urgent de dégager des moyens nouveaux afin de venir en aide à ceux qui payent le plus lourd tribut aux crises que nous traversons.
Avis défavorable. Même si je peux comprendre la finalité de ces amendements, la TTF est une taxe volatile : l'augmentation de son taux aurait un effet d'éviction, et ce au pire moment, alors que nous voulons au contraire que les entreprises disposent des liquidités nécessaires pour surmonter la crise. D'ailleurs, personnellement, je n'ai jamais été très favorable à cette mesure, soucieux que je suis de préserver la compétitivité de la place financière de Paris, notamment dans le contexte du Brexit.
Je vous remercie, madame Autain, d'avoir mentionné la situation des plus précaires, que nous soutenons grâce à un plan d'une ampleur inédite. Ainsi, pour ceux qui peuvent en bénéficier, le chômage partiel permet de percevoir jusqu'à la totalité du SMIC : les travailleurs dont la rémunération est ce niveau ne subissent donc aucune perte nette. Nous allons par ailleurs examiner des mesures budgétaires en faveur des plus précaires. Enfin, nous négocions avec les opérateurs de télécommunications pour étendre les services proposés à leurs abonnés et faire en sorte que, pour le même prix, les gens puissent non seulement téléphoner, mais aussi suivre à distance un enseignement scolaire ou supérieur. Nous travaillons donc à prendre toutes les mesures indispensables.
La TTF, quant à elle, relève davantage de la logique fiscale et nous ne sommes pas forcément d'accord avec l'analyse que vous faites de son impact sur le fonctionnement de l'économie. Nous pourrions certes avoir une discussion globale en sortie de crise : quel cadre définir par rapport à la trajectoire financière actuelle, par rapport à la croissance, à la situation des revenus, à l'évolution de la précarité ou du taux de chômage… ? Mais pour l'heure, nous devons nous concentrer sur les réponses urgentes à apporter à certaines situations, en particulier s'agissant des plus précaires. C'est d'ailleurs ce que nous faisons, comme le montrent les différents projets de loi de finances rectificative que nous soumettons à votre examen.
Nous ne cessons de l'affirmer : l'après commence maintenant. Vous ne modifiez en rien les modalités d'organisation de l'économie et de la société, alors que la situation d'urgence sociale nous impose de mettre fin à des décennies d'austérité budgétaire et de dérégulation économique. Vous refusez d'augmenter la taxe sur les transactions financières au prétexte de relancer la croissance et de ne pas empêcher les grandes entreprises de continuer, as usual, leur business. Ce sont deux logiques qui s'affrontent. Je parlais de précarité : je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce qui se passe dans le pays mais des étudiants qui avaient des petits boulots pour survivre sont obligés de faire la queue au Secours populaire pour pouvoir manger décemment. Nous en sommes là ! C'est gravissime. Or vous n'acceptez pas de toucher au dogme vous interdisant de mettre à contribution les revenus du capital, pour, comme toujours, relancer la machine sur ces mêmes rails qui nous ont menés là où on sait. La différence entre nos projets ne peut être plus claire : nous ne souhaitons pas une relance de la croissance, une relance de l'économie à l'ancienne, mais un véritable chamboule-tout, un bouleversement de nos normes sociales et économiques.
L'amendement no 460 , d'Émilie Cariou, vise à redéployer la taxe exceptionnelle instaurée par le gouvernement Fillon, sous la présidence Sarkozy. Cette taxe était acquittée par certaines entreprises du secteur bancaire relevant de la compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel et soumises à des exigences minimales en fonds propres s'élevant à au moins 500 millions d'euros. Nous souhaitons donc ainsi faire participer le secteur bancaire à l'effort collectif.
L'amendement no 93 , de notre collègue Causse, vise quant à lui à instaurer une taxe exceptionnelle sur les bénéfices des banques et des compagnies d'assurance d'un montant égal à l'impôt sur les bénéfices des sociétés pour l'année 2019. Le produit de cette contribution extraordinaire pourrait contribuer au financement du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement affectées par la crise sanitaire.
Comme promis, je serai très bref et, en cohérence avec mes précédents propos sur la question des assurances, j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements. Je suis néanmoins d'accord avec le président de la commission des finances : le secteur assurantiel a loupé le coche tant il a manqué de réactivité au début de la crise. Je rappelle que le Gouvernement a lancé des travaux avec ce secteur pour penser le régime de catastrophe sanitaire de demain et imaginer un mécanisme de primes pour couvrir ce risque.
Je rappellerai, à propos de l'amendement no 460 , que la création de la taxe de risque systémique était justifiée par le risque même que faisait courir le redevable, à savoir les banques, sur le système financier, et la définition de son assiette était en lien direct avec son objet. Or la suppression de cette taxe ne s'est pas traduite par l'abandon de tous les mécanismes de protection, bien au contraire, puisque pour parer au risque de crise bancaire, des moyens jugés plus efficaces et coordonnés au niveau européen ont été instaurés. Cette taxe correspondait à une situation à laquelle nous avons répondu par un mécanisme structurel : les banques contribuent au fonds de résolution unique, mécanisme qui s'est substitué à celui lié à la taxe systémique. La demande exprimée par l'amendement no 460 est donc satisfaite depuis que l'on a tiré les conclusions de la crise de 2008.
S'agissant de l'amendement no 93 , je ne reviens pas sur la négociation qui s'est tenue pour faire participer davantage les assureurs à la prise en charge de la pandémie. Nous serons très attentifs à ce que leurs engagements se traduisent de façon concrète dans les plus brefs délais. Nous travaillerons par ailleurs à l'établissement d'un régime destiné à garantir les effets d'une catastrophe sanitaire, à l'image de celui qui existe pour les catastrophes naturelles et qui fonctionne plutôt bien.
Madame la secrétaire d'État, combien rapporterait l'application de l'amendement no 93 , cosigné par soixante-quinze membres de la majorité, sachant que la modulation de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d'assurances, proposée à l'amendement no 91 dont nous avons longuement débattu il y a un instant, et qui était également soutenu par un grand nombre de membres de la majorité, aurait rapporté 10 à 15 millions d'euros – c'est-à-dire des clopinettes ?
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 56 .
Il vise à inciter les entreprises privées du secteur sanitaire et social à verser des primes à leurs employés, à l'instar de ce qui déjà prévu par le texte pour le secteur public. Dans ce cadre, les établissements privés doivent pouvoir bénéficier d'un crédit d'impôt.
Il me semble important d'assurer une forme d'équité entre le privé et le public en la matière, car ces deux secteurs sont fortement mobilisés face à la crise.
Avis défavorable. Je vous l'ai dit hier en commission, et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics s'est aussi exprimé en ce sens : il faut étudier le versement d'une prime aux personnels des EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Néanmoins, je le répète, le dispositif proposé n'est pas opportun et est risqué sur le plan juridique.
Avis défavorable. Je comprends l'intention de l'amendement : permettre le versement d'une prime aux personnels des établissements médico-sociaux du privé, à l'instar de ce qui est fait dans le public, sans grever les finances de ces établissements, que la crise va conduire à procéder à certains ajustements dans leur budget. Cependant, le moment n'est pas le bon ; nous sommes pour l'instant dans le temps de l'urgence. Cela étant, nous accompagnerons dans la mesure du possible et de la manière la plus appropriée l'ensemble des établissements qui contribuent à la lutte contre le coronavirus, qui tous doivent faire face à des surcoûts qu'ils ne pouvaient pas anticiper.
Est-ce à dire, madame la secrétaire d'État, que les collectivités publiques – en l'espèce, l'État et les départements – augmenteront à nouveau les tarifs de responsabilité – par exemple les prix de journée dans les EHPAD – pour compenser ces surcoûts ?
L'amendement no 56 , dont M. Philippe Vigier est le premier signataire, n'a d'autre but que de rétablir l'égalité entre toutes les personnes exerçant les mêmes fonctions, que ce soit dans le secteur public ou privé, à but lucratif ou non. Nous annoncez-vous une augmentation, dans les établissements privés ayant le statut d'EHPAD, de la partie de la tarification qui relève des agences régionales de santé ? Si c'est bien ce que vous nous dites, il est vrai que l'amendement no 56 n'a plus d'objet.
Notre reconnaissance est due à tous, qu'il s'agisse des professionnels qui travaillent à l'hôpital, dans les maisons de retraite ou à domicile. En parlant de donner un peu plus aux uns ou aux autres, selon qu'ils travaillent par exemple dans un département ou dans un autre, nous menons un débat qui n'est pas à la hauteur de l'engagement de tous ceux qui sont au front, quel que soit ce front. On ne peut pas traiter différemment les aides-soignants selon qu'ils travaillent dans un EHPAD, dans un hôpital ou dans une clinique privée ! Ils font tous exactement la même chose.
Je déplore que nous ne débattions pas de ce sujet de façon globale et qu'au gré des amendements nous traitions tantôt d'un secteur tantôt d'un autre, tantôt d'une profession, tantôt d'une autre. Ce n'est pas logique.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Monsieur de Courson, en accord avec Mme la secrétaire d'État, je vous précise qu'elle n'évoquait pas la tarification. Je reviendrai sur les primes à l'occasion de l'article qui permet la défiscalisation et la désocialisation de celles que nous prévoyons de verser dans le secteur public.
Nous mettons en place un système de primes dans la fonction publique d'État avec des barèmes que j'ai eu l'occasion d'expliquer par ailleurs. Nous donnons aux collectivités locales et à toutes les administrations publiques locales la possibilité de la verser aux agents dont elles souhaitent reconnaître le surcroît de travail pendant la période de confinement. Cela se fera sur la base du volontariat, comme c'est toujours le cas en application des principes de libre administration des collectivités, avec un plafond fixé au même niveau que pour l'État, c'est-à-dire 1 000 euros.
Madame Pires Beaune, en matière de régime indemnitaire, vous le savez parfaitement, les principes qui s'appliquent sont toujours laissés à la libre appréciation des collectivités, dans le respect des plafonds fixés par l'État au nom du principe d'homologie.
Pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière, nous avons arrêté deux modalités de reconnaissance. La première passe par le paiement des heures supplémentaires – cela mérite d'être précisé car, généralement, celles-ci ne sont pas payées : elles sont soit récupérées difficilement, soit placées dans le compte épargne-temps – , majorées de 50 %. La seconde consiste en deux primes forfaitaires : une prime pour l'ensemble des soignants des départements les plus exposés, à hauteur de 1 500 euros, et une autre de 500 euros pour les soignants des autres départements. Notons que les soignants des 128 établissements relevant de la deuxième catégorie mais qui ont accueilli des malades du Covid-19 en « délestage » – je reconnais que le terme n'est pas approprié – seront logés à la même enseigne que ceux exerçant dans les zones plus exposées.
S'agissant des EHPAD et des établissements du secteur médico-social, s'ils relevaient tous de la fonction publique hospitalière, les choses seraient faciles : ils seraient payés sous ONDAM, en particulier grâce aux 8 milliards d'euros de crédits que nous inscrivons au titre des dépenses sociales. Seulement, certains EHPAD relèvent de collectivités territoriales, notamment des départements, d'autres relèvent du secteur associatif lucratif ou non lucratif, d'autres encore relèvent du secteur mutualiste.
Le ministre de la santé et ses secrétaires d'État mènent actuellement une discussion avec les employeurs du secteur médico-social, notamment des EHPAD, pour déterminer la façon de traiter tous les soignants sur un pied d'égalité, quel que soit leur statut et quelles que soient leurs modalités d'emploi. Quel en serait le financement ? Je ne saurais le dire à l'instant où je vous parle. Mais de manière générale, lorsque l'État impose aux collectivités ou aux acteurs associatifs une dépense nouvelle à laquelle ils ne peuvent déroger, intervient un principe de compensation, à moins d'un accord entre les acteurs concernés et l'État.
Les discussions sont donc ouvertes. Nous publierons très rapidement le décret relatif à la fonction publique de l'État et à la fonction publique territoriale. Pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière, parce que les modalités de financement sont différentes et que la discussion dont je vous parle doit durer quelques jours, le décret sera publié plutôt la semaine prochaine que cette semaine.
L'amendement no 56 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 141 .
Cet amendement, signé par les membres du groupe Les Républicains, vise à soutenir les bailleurs de locaux professionnels.
Nous avons déjà beaucoup débattu de la question des baux immobiliers. Le ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, a lui-même demandé, hier soir, aux grands propriétaires d'annuler trois mois de loyer, et l'une des premières décisions prise par le Gouvernement depuis le début de la crise a consisté à neutraliser la possibilité pour les bailleurs de locaux professionnels de demander des pénalités financières ou des intérêts de retard en cas de défaut de paiement des loyers.
Il est cependant important de soutenir toute la chaîne : les entreprises, mais également les bailleurs de locaux professionnels, lesquels sont parfois de simples commerçants ou artisans complétant leur modeste retraite avec la perception de loyers.
C'est pourquoi nous proposons une réduction d'impôt équivalente aux intérêts qu'auraient pu percevoir les bailleurs du fait du retard de paiement des loyers, fixée en application du droit commun, c'est-à-dire du régime des intérêts moratoires.
Nous avons adopté ce matin un amendement certes différent, mais qui prévoit déjà un avantage fiscal incitant les bailleurs de locaux professionnels à reporter, voire à annuler les loyers. C'est une bonne solution. En conséquence je vous invite à retirer celui-ci. À défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Madame Louwagie, je vous confirme que le ministre de l'économie et des finances s'est emparé du sujet dès le début de la crise, et pas seulement depuis hier soir. Nous échangeons de façon régulière avec les professionnels du secteur ainsi qu'avec les locataires – qu'il s'agisse d'artisans, de commerçants ou d'entreprises de plus grande taille, car les grandes enseignes autres que les commerces de produits alimentaires sont aussi confrontées à des difficultés financières majeures du fait de la fermeture de leurs magasins.
Je peux vous assurer que le ministre cherche le point d'équilibre susceptible de donner aux commerçants et aux artisans l'espérance qu'ils pourront poursuivre leur activité après la crise tout en évitant que les bailleurs commerciaux ne se retrouvent en grande difficulté. L'amendement adopté ce matin constitue à cet égard un premier pas. Pour notre part, nous poursuivons les concertations afin de pouvoir faire des propositions solides. Pour le moment, nous n'y sommes pas encore : le sujet est délicat et nous n'avons pas trouvé le bon point d'équilibre. Comme vous le savez, il y a un peu de tension entre les différents acteurs.
Le sujet est donc sur la table, mais les propositions viendront un peu plus tard, et non dans le cadre de ce PLFR. Les discussions se poursuivent, nous essayons de prendre en compte chaque situation, celle des petits commerçants comme celle des entreprises de taille un peu plus importante. Se pose aussi la question des dates de réouverture des commerces, ce qui permettra le paiement des loyers.
Je commenterai à la fois cet amendement et tous ceux, du même esprit, qui proposent non pas des reports d'impôts ou de ce que vous appelez les charges, mais des annulations pures et simples. Je ne crois pas que ce soit la solution adéquate.
Pour commencer, on aura besoin de ces impôts et cotisations. Il ne faut pas y renoncer, sous peine d'aggraver encore plus le manque de moyens de l'État et de solidarité.
Surtout, avec cette solution, les aides ne sont pas différenciées. Un autre amendement à venir d'Éric Woerth concerne la publicité ; mais de quelles entreprises s'agit-il exactement ? Dans ce secteur comme dans celui des bailleurs professionnels, certains acteurs disposent d'une réserve financière qui les rend capables d'encaisser sans trop de problèmes la crise que nous traversons. Je suis donc plus favorable aux aides publiques ciblées, accordées selon des critères clairs, qui permettent à certains secteurs de surmonter la crise sans passer par des annulations pures et simples d'impôts.
Madame la secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur un problème de communication. Nous avons beaucoup de retours d'artisans et de commerçants en retraite – on parle de centaines de milliers de personnes – , dont l'essentiel des revenus vient de la location de leurs locaux. Ils ont compris – à tort, j'espère – que le Gouvernement avait décidé que pendant trois mois, ils n'auraient pas le droit de percevoir ces loyers. À mon sens, la question peut être soulevée pour les grands bailleurs, notamment les foncières – j'évoquais, ce matin, la Caisse des dépôts et consignations – , dont on conçoit que les locataires fragiles – et non les grandes entreprises – puissent bénéficier de reports de loyers. Mais le Gouvernement doit rassurer les centaines de milliers de retraités, anciens artisans et commerçants, qui sont aujourd'hui très angoissés par l'éventualité de ne plus percevoir de loyers dans les mois qui viennent.
En effet, le discours actuel est contradictoire. D'un côté, le Gouvernement dit aux entreprises : nous allons discuter avec les foncières et les autres acteurs concernés, et vous n'aurez pas à payer vos loyers, pour soulager votre trésorerie. D'un autre côté, les propriétaires disent : nous n'allons plus toucher de loyers ; que ferez-vous pour nous ? C'est un vrai problème auquel il faut apporter une réponse. Ce matin, nous avons adopté un amendement qui allait dans le bon sens puisqu'il permettait aux propriétaires de bénéficier d'une réduction fiscale en cas d'abandon de loyer ; mais certains propriétaires ne peuvent pas se permettre financièrement de se priver de loyers. C'est un sujet important qui exige une réponse urgente.
Nous aurons également l'occasion d'évoquer les locataires de logements sociaux qui, ayant moins de revenus, ne peuvent pas payer leurs loyers. Les bailleurs sociaux doivent eux aussi faire un effort.
Madame la secrétaire d'État, je note que vous comprenez bien le problème et que vous comptez proposer une solution. Mais il faut également prendre en compte les angoisses : il est important de redonner confiance aux Français. Une partie des citoyens, les propriétaires, a l'impression de ne pas être entendue et de ne pas recevoir de soutien. Nous devons ce soir trouver des solutions et apporter des réponses à leurs questions et à leurs inquiétudes.
L'amendement no 141 n'est pas adopté.
La perte de loyers représente une perte de revenus. Les foncières doivent évidemment abandonner une partie des loyers, mais les Français ont l'impression qu'on parle de loyers dans leur ensemble, ce qui soulève évidemment une vague d'inquiétude chez les gens dont c'est quasiment la seule source de revenus, et qui ont construit leur retraite de cette façon.
L'amendement no 258 concerne le secteur de la publicité et propose d'assurer un continuum commercial. Ce secteur assure l'entre-deux entre un client et une offre de vente, et il ne faudrait pas qu'il cesse de fonctionner. Le secteur est assez fragile – je ne parle pas des grandes régies publicitaires, de la télévision ou de la radio, mais de la publicité d'affichage et de proximité, des agences qui travaillent localement. On peut prévoir un plan spécifique, mais comme il ne s'agit pas de grand-chose, je propose une mesure précise : les dépenses de publicité effectuées par les entreprises qui n'en ont pas forcément besoin en ce moment ouvriraient droit à une réduction d'impôt. Cela les inciterait à conserver un petit volant commercial qui serait précieux pour accompagner la reprise lorsqu'elle viendra.
Le sous-amendement no 472 vise à verdir en quelque sorte les publicités en poussant les annonceurs à respecter l'environnement.
Je veux réinsister sur la question du verdissement de la publicité. Cher président Woerth, doit-on concevoir le monde de demain comme celui d'hier : plein de publicité qui continuera, comme elle le fait, à nous faire vendre des 4x4 polluants ? Cela ne me choque pas du tout que les annonceurs soient mis en difficulté s'ils poursuivent ces pratiques. C'est pourquoi, si nous soutenons bien sûr l'aide au secteur de la publicité, nous souhaitons la conditionner au principe de verdissement. Ayons enfin une publicité responsable !
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les trois sous-amendements ?
Même si beaucoup a déjà été fait, je ne doute pas qu'il reste bien des efforts à faire pour réorienter la publicité vers des comportements plus vertueux, notamment respectueux de l'environnement.
Pour ce qui est de l'amendement no 258 , notre collègue Aurore Bergé avait également émis cette piste dans la presse il y a quelque temps. L'idée est plutôt pertinente et devra être creusée au moment de la reprise. En effet, les chutes d'investissement dans la publicité, quels qu'en soient les supports – affichage dans la rue ou dans les journaux, radio ou télévision – sont aujourd'hui vertigineuses. Il faudra donc monter un plan massif de soutien en faveur de ce secteur, qui a perdu des recettes, pour l'aider à se relever ; le ministre de la culture a déjà commencé à annoncer des mesures en ce sens. De mon point de vue, le sujet renvoie à l'après-crise, mais – vous avez raison – à l'après immédiat.
Quoi qu'il en soit, un dispositif de crédit d'impôt ne résoudrait pas les difficultés actuelles des entreprises qui souffrent de pertes de recettes ; il leur faut, je le répète, des aides tout de suite, maintenant, pour renflouer leur trésorerie. C'est exactement ce que nous faisons. Si nous n'envisageons pas de crédits d'impôt, je suis d'accord sur la nécessité de réfléchir aux manières d'aider demain ces secteurs, notamment la culture, à se relever. Avis défavorable.
Comme l'a bien expliqué le rapporteur général, pour une série de secteurs, notamment celui de la publicité ou, indirectement, de la culture, il faudra se poser la question du financement. Pour l'instant, les travaux doivent se poursuivre car nous ne sommes objectivement pas en situation de dire quelle est la meilleure façon d'accompagner ce secteur, ni d'imaginer comment celui-ci va rebondir. Ce qui est certain – je rejoins le propos de Laurent Saint-Martin – , c'est qu'aujourd'hui, il faut aider les entreprises concernées à passer le cap ; ensuite, on verra où l'on atterrit.
Il ne faut pas non plus perdre de vue l'objectif de transition écologique et énergétique. Nous faisons face à une crise sanitaire ; demain, nous pourrions être confrontés à une crise environnementale aux conséquences majeures.
Il faut donc continuer à intégrer cet objectif dans nos politiques, de manière pragmatique, car c'est aussi cela qui permettra de construire un chemin soutenable dans la durée.
Monsieur Woerth, vous voulez réagir ? Vous souhaitiez tout à l'heure avancer rapidement, sauf sur les amendements importants ; le vôtre en fait certainement partie…
Sourires.
On ne peut pas m'accuser d'être bavard ; j'ai connu des présidents de commission qui parlaient davantage ! Vous me cassez d'emblée et me faites perdre du temps.
Sourires.
Je remercie le rapporteur général et la secrétaire d'État pour les ouvertures qu'ils ont faites, mais je pense au contraire que le continuum commercial doit être assuré tout de suite. La réduction d'impôt est bien sûr pour plus tard, mais l'annoncer permettrait aux entreprises de l'intégrer dans leurs comptes. On peut aussi évidemment verdir les annonces, mais le plus important est de préserver ce continuum.
Quand vous dites qu'il faut creuser l'idée, je suis d'accord ; mais quand on dit cela, c'est souvent la tombe de l'idée qu'on creuse, où celle-ci disparaît bien vite. Il faudrait que vous, Gouvernement – car au fond, c'est vous qui décidez – , gardiez cette idée en tête pour permettre au secteur de la publicité de perdurer et de revenir très vite pour contribuer à la reprise.
Je défendrai également l'amendement no 313 .
L'amendement no 312 propose d'exonérer de TVA tous les équipements susceptibles de permettre aux Français de se protéger le mieux possible du Covid-19. En commission et en séance, ce matin, vous avez exprimé la volonté de réduire le taux de TVA pour les masques ; je propose d'élargir la mesure aux blouses, aux gants, au gel hydroalcoolique, aux respirateurs et aux tests de dépistage du Covid-19. Il serait incompréhensible que des équipements indispensables à la protection de la santé des Français soient soumis à un taux normal de TVA de 20 %.
L'amendement no 313 est un amendement de repli qui vise à appliquer à ces équipements le taux super-réduit de 2,10 %.
Notre groupe attache la plus grande importance au sujet du taux de TVA sur les masques. Aujourd'hui, le taux est de 20 % et comme il s'agit pour l'essentiel de produits importés, il faut y ajouter les droits de douane. Tout cela revient à très cher.
C'est vrai, on peut être dispensé du taux de 20 % lorsqu'il s'agit de dons. J'ai la chance d'avoir dans ma circonscription une entreprise, Algae, qui a effectué un don de 100 000 masques en provenance de Chine, et l'administration des douanes nous a exonérés de ce taux – je l'en remercie. Mais la pratique est très réglementée : les dons doivent aller à des hôpitaux ou à des structures sanitaires ou sociales.
Il est indispensable d'appliquer aux masques le plus bas taux possible de TVA, car il s'agit d'un produit indispensable. En effet, le taux de TVA est calé sur la nature du produit : il existe une TVA sur les produits de luxe, au taux élevé ; une TVA sur les produits ordinaires, à 20 % ; une TVA sur l'alimentation, à 5,5 % ; des TVA à 2,10 %, voire à 0 % dans certains cas pour la presse. Nous demandons la TVA zéro. On me dira que ce n'est pas possible au vu de la réglementation européenne : hier, en commission, monsieur le rapporteur général, vous envisagiez un taux de 5,5 %. Mais l'Europe doit évoluer – elle a d'ailleurs commencé à le faire – , y compris sur la fiscalité ; si elle n'évolue pas, elle court de grands risques.
La meilleure formule, c'est le taux de TVA à zéro. J'admets que le taux de 5,5 % constitue un progrès par rapport à la situation actuelle – 20 % – , mais notre groupe défend la nécessité d'arriver à la solution optimale. Il n'y aura de véritable fin du confinement ni de reprise d'activité pour nos jeunes et nos adultes que lorsque l'ensemble des Français pourront se protéger par des masques de différents types.
L'amendement concerne tout le spectre des produits de protection. J'ai évoqué les masques car c'est l'exemple le plus criant, mais il faut aussi à l'évidence appliquer le taux zéro de TVA au gel hydroalcoolique, pour que l'ensemble des produits de protection bénéficient de la solution la plus favorable. C'est un impératif, nous devons parvenir à un accord sur cette question. J'espère que notre assemblée adoptera, à l'unanimité si possible, le taux le plus favorable pour nos concitoyens.
Si vous permettez, monsieur le président, je vais aussi présenter l'amendement no 60 qui concerne aussi les matériels de protection.
Nous sommes prêts à retirer nos amendements au profit de celui qui a été adopté à l'unanimité hier en commission des finances et qui tend à réduire de 20 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux masques, considérés comme des produits essentiels.
Je souligne cependant qu'à l'instar des masques, le gel hydroalcoolique est un produit distribué partout et acheté en grande quantité par les collectivités. C'est pourquoi je regrette que la baisse de TVA ne lui soit pas étendue. Outre l'amendement de la commission des finances, il faudrait donc, dans l'idéal, adopter au moins l'amendement no 175 qui viendra plus tard en examen, et qui propose la même mesure pour le gel hydroalcoolique.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 88 .
Comme l'a dit Marc Le Fur, les députés du groupe Les Républicains sont très attachés à la baisse du taux de TVA sur des articles, les masques et le gel hydroalcoolique, qui sont devenus des produits de première nécessité. Le taux doit être le plus bas possible, et en tout cas ne pas dépasser 5,5 % – c'est ce que propose cet amendement de repli – , même si l'idéal serait d'appliquer un taux zéro pendant une période déterminée, qui pourrait être l'année 2020.
À seize heures trente, M. Marc Le Fur remplace M. Hugues Renson au fauteuil de la présidence.
L'amendement no 60 de Mme Christine Pires Beaune a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
De nombreux amendements concernent le taux de TVA applicable aux masques et au gel hydroalcoolique. Je ferai donc une réponse générale, quitte à être plus concis par la suite.
Rappelons tout d'abord le droit existant en matière de franchise et de déductibilité de TVA et de droits de douane. Quand une entreprise importe des masques depuis un pays extracommunautaire dans l'intention de les donner, elle bénéficie d'une franchise de la TVA et des droits de douane – qui s'élèvent à 6,3 %. Quand une entreprise fabrique des masques à ses frais pour les donner, elle peut aussi déduire la TVA, de même que lorsqu'elle achète, dans le même but, des masques sur le territoire national ou dans un pays de l'Union. Ainsi, en cas de don, la TVA n'est pas appliquée, même si les mécanismes de déductibilité ou de franchise varient selon les situations.
Vous dites, monsieur le président Le Fur, que l'Europe doit évoluer. Je suis d'accord avec vous, et c'est précisément pourquoi l'amendement de la commission prévoit d'appliquer un taux de 5,5 %, celui qui est prévu pour les biens de première nécessité.
Pourquoi ne pas descendre à 2,1 % voire à zéro ? Il faut chercher un compromis : d'un côté, nous voulons tous que le prix final – incluant la marge des vendeurs – soit le plus bas possible ; de l'autre, il faut assurer la sécurité juridique de la mesure, c'est-à-dire tenir compte de ce que peut accepter l'Union européenne à ce stade. Or il serait trop risqué de proposer un taux de TVA nul, qui n'existe pas dans le droit européen. Quant au taux de 2,1 %, il est déjà dérogatoire : il existait avant 1991 et a été maintenu par la directive TVA, mais ne peut s'appliquer qu'aux médicaments remboursés par la sécurité sociale.
C'est pourquoi appliquer un taux de 5,5 % sur les masques jusqu'en 2022 est le meilleur compromis possible. Si nous voulons gagner cette bataille, c'est la proposition qui a les meilleures chances d'aboutir.
J'en viens aux gels hydroalcooliques évoqués par Christine Pires Beaune. Contrairement aux masques, leur prix est bloqué, à un montant fixé toutes taxes comprises. Si nous baissons le taux de TVA qui leur est applicable, les marges des vendeurs augmenteront mais le prix final du gel, lui, ne changera pas.
Quoi qu'il en soit, la mesure proposée pour les masques ne peut être étendue aux gels hydroalcooliques.
Je suis donc défavorable à tous ces amendements. Il convient de leur préférer celui de la commission, le no 238, qui maximise nos chances d'obtenir un taux réduit sur les masques et nous permet d'éviter la difficulté que je viens de souligner concernant le gel. Sur ce dernier point, je laisserai le Gouvernement exprimer ses intentions.
Une baisse de quinze points du taux de TVA applicable aux masques aurait en effet des conséquences directes sur leur prix de vente. L'amendement de la commission présente un autre avantage : il permet au Gouvernement de définir le champ des masques concernés, en y incluant le cas échéant les masques réutilisables dits grand public, même s'ils diffèrent des masques sanitaires proprement dits.
Quant à la proposition concernant le gel hydroalcoolique, elle est intéressante. Nous allons étudier la possibilité de réduire dans les mêmes proportions la TVA et le prix plafond.
Nous allons donc retirer les amendements nos 59 et 60 .
Je remercie Mme la secrétaire d'État pour les informations complémentaires qu'elle vient de donner concernant le gel. Le Gouvernement a bien fait de prendre un arrêté pour plafonner le prix du gel hydroalcoolique, car des abus étaient apparus très vite. Il lui suffit maintenant de le modifier et de baisser le prix TTC à due concurrence du taux de TVA. C'est une mesure toute simple qui peut être prise très rapidement.
Certains patients, qui se voient prescrire des masques par leur médecin, ne parviennent pas à s'en procurer quand ils présentent leur ordonnance : les pharmaciens n'ont pas le droit d'en vendre alors même que l'on peut en acheter dans d'autres magasins. Les pharmaciens peuvent offrir des masques s'ils disposent de stocks issus de dons, mais ils ne peuvent pas en vendre. Il faudrait regarder qui a le droit de vendre les masques. Pour ma part, je préfère que ce soient les pharmaciens plutôt que des marchands dont on ignore où ils se les sont procurés.
Parlons-nous de masques délivrés sur ordonnance ? Si c'est le cas, ils devraient être exonérés de TVA. Un taux réduit à 5,5 % est déjà intéressant, mais voyons s'il n'est pas possible d'aller au-delà. Si des patients sont obligés d'en acheter, il faut qu'ils puissent le faire dans les conditions économiques les plus intéressantes.
Nous sommes parvenus hier à un accord sur le taux de 5,5 % pour les masques mais, comme Mme Pires Beaune, je regrette que l'on n'applique pas la même mesure au gel.
En matière de produits sanitaires, les médicaments sont taxés au taux de 2,1 % alors que les produits paramédicaux le sont à 5,5 % ou à 20 %. Nous avons donc une liberté de choix. Dire que les prix sont bloqués n'est pas un bon argument. Il serait beaucoup plus cohérent d'appliquer au gel comme aux masques le taux prévu pour les produits de première nécessité.
J'en profite, madame la secrétaire d'État, pour vous alerter sur le fait que certains pharmaciens d'officine ont reçu de la part de la direction de la concurrence des courriers comminatoires leur demandant de remplir toutes sortes de formulaires destinés à vérifier les prix des produits ou l'origine des fournisseurs. Dans ma commune, il y a un mois, j'ai vu des pharmaciens se démener pour se procurer du gel hydroalcoolique à un moment où l'on n'en trouvait plus nulle part, afin de le mettre à disposition de leurs clients. Ces mêmes pharmaciens travaillent actuellement entre seize heures et dix-huit heures tous les jours au service de la population. Et on les oblige à compléter, dans un délai de quarante-huit heures, des formulaires quasi inquisitoriaux, ce qui va leur demander des heures.
C'est insupportable, et il faut que vous vous saisissiez de cette affaire. La crise que nous traversons exige un minimum d'humanité, de bienveillance et de compréhension, surtout à l'égard de professionnels de santé qui donnent le meilleur d'eux-mêmes.
J'ai bien entendu, monsieur le rapporteur général, vos arguments tendant à montrer qu'une exonération totale de TVA serait impossible, mais il me semble que nous pourrions examiner plus attentivement la question.
Quant au taux de 2,1 %, vous dites qu'il ne peut concerner que les médicaments remboursés par la sécurité sociale, mais il est aussi appliqué à d'autres produits et notamment à la presse. Il me paraît difficile de dire aux Français que la presse peut bénéficier de ce taux mais pas les masques, les gels ou les gants. La liberté de se soigner me semble aussi essentielle que celle d'informer. Il ne me paraît pas complètement inopportun de faire un parallèle entre ces deux types de produits de première nécessité.
J'en viens à mes amendements. J'ai eu délibérément recours à une formulation générale pour désigner les équipements devant être soumis à un taux de TVA réduit car, outre les masques, les blouses, les gels et les gants, il y a aussi les tests de dépistage. En effet, quand ces derniers sont disponibles, les Français n'y ont pas accès de manière égalitaire. Les tests réalisés à l'hôpital sont financés sur un budget hors nomenclature, prévu pour les actes innovants, et remboursés à 100 %. Pour ceux réalisés dans les laboratoires de ville ou à domicile, l'assurance maladie ne rembourse que 60 %, le solde étant pris en charge par les mutuelles, ce qui pose la question des Français qui n'ont pas ou plus de mutuelle.
Pour remédier à cette situation inégalitaire, j'ai déposé une proposition de loi visant à rendre accessibles à tous les tests de dépistage du Covid-19.
Vous nous proposez un faible taux de TVA sur les équipements de protection sanitaire. Mais le problème majeur que nous rencontrons actuellement est celui de la pénurie de masques, de gel et de gants. D'ailleurs, j'aimerais bien entendre le Gouvernement et les membres de la majorité s'exprimer sur cette situation qui est proche du scandale d'État.
Les commandes n'ont pas été faites à temps. Les enquêtes menées par différents médias ont de quoi affoler : elles montrent que les entreprises qui proposaient leurs services n'ont reçu aucune réponse. En outre, malgré nos demandes réitérées, aucune organisation n'a été anticipée afin de réquisitionner les industries du textile, de procéder à des nationalisations ou de créer des coopératives. Certaines entreprises l'ont pourtant demandé : c'est le cas de Luxfer, Famar et Péters Surgical, auxquelles on ne fait pas appel alors qu'elles sont disponibles. Il s'agit pourtant d'éviter à la sixième puissance économique mondiale de se retrouver dans une situation ahurissante de pénurie de matériel de protection.
Sur la TVA, notre position est connue : nous estimons qu'il s'agit d'un impôt injuste. En l'occurrence, s'agissant d'un matériel vital, il serait de bon aloi de la rendre nulle ; apparemment, l'Union européenne nous en empêche. L'abaisser à 2,1 % n'est pas non plus possible – je crois quant à moi que l'Assemblée nationale pourrait adopter une telle mesure sans bousculer l'Union européenne.
La TVA sur les matériels de protection sera donc de 5,5 % : c'était bien le minimum que nous pouvions faire ! Mais réfléchissons bien : ce matériel sera durablement nécessaire à nos concitoyens, y compris quand nous pourrons envisager sereinement la fin du confinement. La France doit donc produire afin d'éviter les phénomènes de contrebande et de publicité agressive que nous observons aujourd'hui.
Pourquoi, enfin, n'existe-t-il pas d'encadrement des prix pour ces matériels indispensables ? Aujourd'hui, le secteur privé a toute latitude d'organiser la contrebande que je viens d'évoquer et de fixer des prix à géométrie variable. Est-ce bien raisonnable pour des produits de nécessité vitale ?
Le groupe UDI, Agir et indépendants soutient l'amendement adopté hier par la commission des finances en faveur d'un taux de TVA de 5,5 % sur les masques de protection contre le Covid-19. Nous avons exprimé hier le souhait que ce taux de TVA réduit s'applique également au gel hydroalcoolique, d'où notre soutien à la proposition de Mme Pires Beaune. Nous pensons par ailleurs que cette mesure doit également porter sur le savon, recommandé en priorité par les personnels de santé pour procéder à un nettoyage efficace. Si une TVA à taux réduit s'applique au gel hydroalcoolique, alors une TVA à taux réduit doit aussi s'appliquer au savon. Tel est l'objet de l'amendement n° 418 que nous défendrons tout à l'heure.
Le groupe La République en marche se ralliera également à l'amendement du rapporteur général qui propose de ramener à 5,5 % le taux de TVA sur les masques de protection. Nous remercions Mme la secrétaire d'État du geste qu'elle envisage s'agissant du gel hydroalcoolique. Notre discussion en commission sur les amendements de l'opposition a montré hier que des ouvertures étaient possibles sur ce sujet.
S'agissant de la délivrance des masques et de l'organisation des entreprises dans les territoires, évoquées par Mme Autain, je voudrais saluer la capacité des entreprises à se transformer en quelques jours pour adapter leurs lignes de production en fonction des besoins. Je pense en particulier à l'usine CAP – Cosmétique Active Production – de L'Oréal qui a produit des gels hydroalcooliques pour le territoire de l'Allier, mais aussi à d'autres entreprises qui produisent des masques. Nous ne devons pas, dans cet hémicycle, parler uniquement de ce qui ne va pas – même s'il faut bien entendu évoquer les difficultés. Lorsque des entreprises et des salariés se mobilisent et se battent, sans compter leurs efforts, pour que notre territoire soit approvisionné en équipements de protection, il faut le dire !
C'est incroyable ! Il y a aussi les personnels soignants qui se battent !
Pour conclure nos échanges sur ce sujet, je voudrais à mon tour saluer la réponse de Mme la secrétaire d'État sur les gels hydroalcooliques. Je me réjouirais évidemment que leur prix final diminue grâce au hors taxe et à une réduction de la marge.
Madame Ménard, sachez que je suis tout autant que vous convaincu qu'un taux de TVA de 2,1 % serait préférable à un taux de 5,5 %. Je l'ai dit, ma principale préoccupation dans cette affaire est de garantir une baisse effective du taux de TVA. Or je crois sincèrement qu'il serait risqué juridiquement, à ce stade, de descendre au-dessous de 5,5 % pour les biens de première nécessité. L'important, au cours des prochains jours et des prochaines semaines, sera d'obtenir ce taux de 5,5 %, déjà très fortement réduit par rapport à 20 %. Si c'était le cas, nous aurions obtenu une avancée importante en cette période d'état d'urgence sanitaire. Croyez bien que si nous avions des chances, sur le plan juridique, d'obtenir davantage, nous n'hésiterions pas. Ce n'est donc pas une question de conviction mais de réalisme.
Différents points ont été soulevés, certains n'ayant d'ailleurs qu'un lointain rapport avec le projet de loi de finances rectificative.
Les contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – visent à éviter certaines pratiques discutables, telles que la vente de gels hydroalcooliques contenant une dose d'alcool insuffisante et inefficaces contre le virus. Vous avez cependant raison, monsieur Carrez, la manière dont on s'adresse aux professionnels est importante ; je transmettrai le message à la DGCCRF.
Celle-ci doit poursuivre ses contrôles…
… mais privilégier une approche bienveillante et considérer, par principe, que les pharmaciens interrogés respectent les règles. Il est toutefois légitime de les contrôler pour garantir la sécurité des Français. La contrebande a été évoquée ; il est très important que la DGCCRF, au même titre que les douanes et les autres services compétents, se mobilise afin d'éviter les tromperies sur la marchandise et les fraudes que nous constatons malheureusement sur internet comme dans les points de distribution classiques.
La mobilisation de l'industrie a également été abordée. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres et quelques faits. Si Famar continue aujourd'hui de produire, c'est précisément parce que le ministère de l'économie et des finances – Bruno Le Maire et moi-même à titre personnel – s'est mobilisé, à l'automne dernier, pour lui trouver des repreneurs. Si nous n'avions pas été là, cette entreprise n'existerait plus aujourd'hui.
Mais si elle ne trouve pas de repreneur, elle risque de fermer le 30 juin !
Précisons d'ailleurs qu'elle ne produit pas de l'hydroxychloroquine mais de la chloroquine.
Soyons clairs et tâchons de ne pas tout mélanger.
S'agissant de Luxfer, la production de bouteilles d'oxygène médical s'est arrêtée mais nous avons aujourd'hui 200 000 bouteilles en circulation et 20 000 bouteilles en stock. Il n'y a donc pas de tension actuellement sur ce matériel. Cela ne signifie évidemment pas qu'il n'y en aura pas un jour ou que nous ne devons pas travailler à un projet de reprise, mais ne mélangeons pas tout. La reconquête industrielle est au coeur de la stratégie du Gouvernement, qui y travaille.
Ne parlons pas de difficultés qui n'existent pas, a fortiori sur les sujets sanitaires, bien trop graves pour cela.
Quant au gel hydroalcoolique, 550 000 litres sont désormais produits par semaine, contre 48 000 litres auparavant. J'invite tous ceux qui cherchent du gel hydroalcoolique et des masques à se connecter sur la plateforme stopcovid19. fr.
Monsieur Coquerel, c'est sur cette plateforme que les soignants et les établissements hospitaliers passent leurs commandes. Soyez précis dans vos propos !
Enfin, la mobilisation de l'industrie textile permet aujourd'hui la production d'environ 15 millions de masques par semaine – soit le nombre de masques chirurgicaux et FFP2 produits auparavant au mois de janvier – , qui seront livrés à partir de la fin du mois d'avril. L'intensification de la production de masques est indubitable, que ce soit dans les quatre entreprises de l'industrie historique du masque ou dans l'industrie textile. Les besoins sont considérables, mais les entreprises et le Gouvernement sont mobilisés.
Je suis saisi de dix-sept amendements, nos 1 , 121 , 2 , 61 , 64 , 94 , 268 , 7 , 3 , 63 , 65 , 270 , 432 , 58 , 238 , 115 et 454 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1 et 121 sont identiques, de même que les amendements nos 2 , 61 , 64 , 94 et 268 , les amendements nos 3 , 63 , 65 , 270 et 432 et les amendements nos 238 , 115 et 454 .
L'amendement no 1 , dont je suis l'auteur, est défendu.
Sourires.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 121 .
Cet amendement de notre collègue Émilie Bonnivard propose de soumettre à un taux réduit de TVA les masques de protection et les gels hydroalcooliques.
Il s'agit d'un excellent amendement, que le groupe Les Républicains défend avec énergie !
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement no 61 .
Arrêtons de nous raconter des histoires, l'approvisionnement en masques est aujourd'hui une vraie pagaille ! On en vient à se demander s'il n'est pas plus facile pour les entreprises que pour l'État de se procurer des masques, contrairement à tout ce qu'on nous a dit…
Dans le cadre de la mission d'information sur le Covid-19, j'ai demandé au Premier ministre de nous communiquer des bons de commande et des certificats d'engagement des entreprises. Même après que j'ai réitéré cette demande par écrit, il ne m'a pas répondu. Si nous n'obtenons pas de réponses dans le cadre de la mission d'information, nous les obtiendrons dans le cadre de la commission d'enquête ! Les Français ont besoin d'être éclairés sur ce sujet. Pourquoi ne trouve-t-on pas de masques aujourd'hui dans les pharmacies alors qu'on en trouve dans les entreprises ?
Un fournisseur de la région Grand Est m'a indiqué il y a un mois qu'il pouvait importer des masques auprès d'entreprises turques. Je l'ai aussitôt orienté vers l'ARS. Lorsque je l'ai rappelé il y a quelques jours, il m'a affirmé qu'il n'avait jamais été recontacté. Il y a un sacré problème !
Mme Clémentine Autain et M. Éric Coquerel applaudissent.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 64 .
En toute logique, nous allons retirer cet amendement.
Permettez-moi cependant de revenir sur Famar et Luxfer, puisque notre groupe a déposé lui aussi une proposition de loi visant à nationaliser ces deux entreprises. Nous ne vous demandons pas d'y donner suite à court terme, madame la secrétaire d'État ; nous nous inscrivons dans le moyen et le long terme.
Les propos tenus par le Président de la République le 12 mars ont-ils un sens ? Il a déclaré que le champ sanitaire devait être placé en dehors des règles du marché, et j'ai envie de le croire ! Or vous avez, avec cette proposition de loi, une occasion inespérée de nationaliser deux entreprises qui travaillent dans le champ sanitaire et qui nous permettront demain de ne dépendre ni de la Chine, ni de l'Inde, ni de la Turquie pour ce qui est de l'oxygène. C'est aujourd'hui qu'il faut agir !
L'amendement no 64 est retiré.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 94 .
Nous sommes à quelques jours du déconfinement et partout nous entendons ce discours aux entreprises : « Il faut reprendre l'activité, en assurant la sécurité sanitaire des salariés. » Les collectivités, quant à elles, s'apprêtent à distribuer des masques et des protections à leurs administrés. Mais les entreprises comme les collectivités ne peuvent pas consacrer des sommes illimitées à l'achat de masques, de protections, de gants et de blouses. La question de la baisse du taux de TVA est donc essentielle.
Certes, on peut s'interroger sur le passé. Pourquoi n'avons-nous pas été capables d'assurer la production nationale de ces équipements ? Pourquoi n'avons-nous pas été capables de gérer correctement nos stocks ?
Cependant, la question est maintenant de savoir comment nous permettrons aux entreprises et aux collectivités d'assurer à nos compatriotes une véritable sécurité sanitaire dans le cadre du déconfinement. Tel est le sens de cet amendement.
Je profite de cet amendement pour évoquer les problèmes qui se posent sur le terrain. Je ne reviens pas sur le manque, tout à fait malheureux, de masques. Aujourd'hui, les pharmacies disposent de masques, provenant de l'ARS, de la région ou du département, mais ceux-ci sont réservés aux soignants. Certaines personnes, notamment âgées, souffrant d'une affection, peuvent également en bénéficier.
En revanche, alors que la doctrine a changé et que l'on s'achemine vers une obligation de porter un masque dans de nombreux cas, une personne âgée non fragile ne peut en obtenir à la pharmacie. Il faut régler ce problème. Les masques commencent à arriver dans les pharmacies, et il faut que les personnes âgées puissent en avoir, notamment pour faire leurs courses.
Certes, il y a beaucoup de bonne volonté. Dans mon département, le conseil départemental a commandé des masques, comme la plupart des communes, la région Île-de-France et l'État. Néanmoins, il subsiste un problème d'organisation, qu'il faut résoudre pour que les personnes les plus fragiles disposent rapidement de masques.
Il y a trois ou quatre semaines, par des moyens que je ne veux pas évoquer ici, j'ai procuré des masques à des commerçants alimentaires de ma ville, qui en avaient besoin puisqu'ils sont en contact avec le public. C'est aussi un moyen de rendre confiance aux clients de ces commerces.
Une organisation plus systématique de distribution de masques est nécessaire, madame la secrétaire d'État.
Je souhaiterais compléter les propos de Gilles Carrez par un exemple précis : la région Île-de-France a acheté des masques et a demandé aux conseillers régionaux de les distribuer. À Sarcelles, nous en avons fourni 1 000 à chaque pharmacie, libre à elles de les vendre comme elles le souhaitaient. Le lendemain, l'ARS et le préfet leur ont interdit de les vendre aux patients, même s'ils sont revenus sur cette consigne.
Les collectivités locales et les entreprises parviennent maintenant à trouver des masques, même si c'est un peu surréaliste qu'elles doivent se débrouiller seules pour en avoir. Quant aux pharmaciens, ils doivent être libres de décider à qui ils les vendent, mais les textes ne les y autorisent pas. Il est anormal qu'une épicerie puisse vendre des masques lorsqu'elle s'en est procuré. J'aimerais obtenir une réponse à cette question car les gens ne comprennent plus. Il faut mettre de l'ordre, dès lors que la pénurie est moins forte.
Les amendements nos 65 de M. Olivier Faure, 270 de M. Thibault Bazin, 432 de M. Jean-Noël Barrot et 58 de Mme Christine Pires Beaune sont défendus.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 238 . Si j'ai bien compris, il sera rectifié pour intégrer les gels hydroalcooliques, puisque Mme la secrétaire d'État s'y est montrée ouverte…
Non, monsieur le président, l'amendement n'est pas modifié, et nous le maintenons dans sa version votée par la commission des finances. Le blocage des prix des gels hydroalcooliques relève du pouvoir réglementaire, et je laisserai le Gouvernement s'exprimer sur le sujet.
J'avais cru comprendre que Mme la secrétaire d'État s'était montrée ouverte à l'intégration des gels hydroalcooliques dans le champ de l'amendement, afin que le taux de la TVA qui leur est applicable soit, lui aussi, réduit.
L'amendement no 238 ne traite que du taux de TVA applicable aux masques de protection adaptés à la lutte contre la propagation du Covid-19. Il passera de 20 % à 5,5 % jusqu'au 1er janvier 2022.
La réduction du taux de la TVA s'appliquera aux masques de protection respiratoire FFP, que chacun connaît maintenant, aux masques à usage médical, aux masques réservés à un usage non sanitaire mais relevant des deux catégories d'équipements de travail créées récemment par la note interministérielle du 29 mars 2020, ainsi qu'aux masques qui seront spécifiquement développés pour l'usage du grand public, notamment ceux dont le port sera rendu obligatoire. Comme vous le voyez, le spectre est large, du masque chirurgical au masque pour le grand public en passant par le masque FFP.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 115 .
Cet amendement du groupe Les Républicains porte sur la TVA, sujet essentiel que nous avons introduit dans le débat en commission des finances. Nous avons bien compris qu'il n'était pas possible de fixer le taux de TVA sur les masques à 0 %, ni même à 2,1 %, ce taux étant réservé aux médicaments. Nous nous réjouissons néanmoins que le taux soit abaissé de 20 % à 5,5 %, cette réduction n'entrant pas en contradiction avec le droit de l'Union européenne. En revanche, je regrette, madame la secrétaire d'État, que vous ne sous-amendiez pas l'amendement de la commission des finances pour y intégrer les gels hydroalcooliques. Vous avez fait une ouverture, et vous pourriez élargir le champ de cet amendement aux gels hydroalcooliques.
Si nous ne le faisons pas aujourd'hui, les sénateurs le feront dans quelques jours !
Nous sommes nombreux à le souhaiter – Christine Pires Beaune l'a dit dès hier en commission des finances et nous l'avons également affirmé. En effet, la réduction du taux de la TVA sur ces produits de première nécessité enverrait un message très fort. N'attendez pas la discussion du PLFR au Sénat, acceptez que les députés réduisent aujourd'hui ces prix réglementés pour répondre à une demande très forte des citoyens.
L'amendement no 454 de M. Daniel Labaronne est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
Je demande le retrait de l'ensemble des amendements au profit de l'amendement no 238 de la commission des finances. À défaut, j'émettrais un avis défavorable sur tous les amendements, à l'exception bien entendu de celui de la commission.
Je me suis engagée à étudier la question du prix des gels hydroalcooliques : vous me permettrez donc de conduire cette analyse. J'entends et je comprends l'envie et l'attente de l'Assemblée, mais je demande le retrait des amendements nos 1 , 121 , 2 , 61 , 94 , 268 , 7 , 3 , 63 , 65 , 270 , 432 et 58 au profit des amendements identiques nos 238 , 115 et 454 , qui visent à ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux masques, dans une acception étendue.
J'ai bien compris que ce n'était pas le sujet, mais nous finirons par avoir le fin mot de l'histoire sur les commandes de masques. J'ai posé une question écrite le 23 février dernier : quand les masques ont-ils été commandés ? À qui ? À quel prix ? Quelle est la date de livraison ? Je n'ai toujours pas obtenu de réponse, mais peut-être en aurons-nous une en 2022.
J'essaie de m'extraire de l'hémicycle pour me mettre à la place des Français regardant ce débat. Le Président de la République a affirmé que nous étions en guerre. Ce ne sont tout de même pas des termes anodins ! Mais nous nous rendons compte chaque jour que nous n'avons rien. D'abord, nous n'avons ni traitement ni vaccin. Ce n'est de la faute de personne, mais c'est un fait : nous menons une guerre sans traitement ni vaccin. Nous ne disposons même pas des protections élémentaires. Les soignants portent des masques de plongée achetés chez Decathlon.
Mais non !
Les communes demandent des sacs poubelles pour les hôpitaux, afin que les soignants se fabriquent des surblouses. Il n'y a pas de masques ! Il n'y a pas de gants ! Et ce fut la croix et la bannière pour obtenir des gels hydroalcooliques ! Et, dans ce contexte, nous n'oserions pas demander un taux de TVA inférieur à 5,5 % pour les masques, parce que cela poserait un problème juridique à la Commission européenne.
Pour ne pas déplaire à Mme von der Leyen, nous allons retenir un taux de 5,5 %. Sérieusement, que les Français vont-ils penser d'une Union européenne qui nous empêcherait d'avoir le taux de TVA le plus bas possible pour le seul élément de protection pouvant sauver des vies disponible aujourd'hui ? Le seul élément ! L'Union européenne n'a strictement rien fait depuis le début de la crise et a abandonné les pays en rase campagne. Il me semble que le combat juridique sur le taux de TVA mériterait d'être mené.
Madame la secrétaire d'État, vous acceptez d'étudier la possibilité de diminuer le prix TTC, mais l'abaissement du taux de la TVA relève du pouvoir législatif. Il faut donc que le Parlement réduise ce taux afin que vous puissiez baisser le prix plafond. Agissons dans l'ordre !
Je vais retirer mon amendement no 58 au profit de celui de la commission des finances. Mais l'adoption de ce dernier ferait-elle tomber tous les suivants, notamment l'amendement no 175 , qui ne concerne que le taux de TVA sur les gels hydroalcooliques ?
L'amendement no 58 est retiré.
Nous devrions pouvoir examiner l'amendement no 175 , qui ne traite que du gel hydroalcoolique. Il aurait été plus simple de déposer un sous-amendement, mais on veut souvent compliquer les choses…
Sourires.
Le groupe UDI, Agir et indépendants avait déposé un amendement visant à ramener à 5,5 % le taux de TVA sur les masques. Le sénateur Hervé Marseille défend depuis quelques semaines cette idée, dont il est le promoteur.
L'amendement de la commission des finances est plutôt bon, mais la fixation d'une date pour la fin du taux réduit de TVA sur les masques me pose problème. Il serait plus logique de ne pas prévoir de date et de ne remonter le taux de la TVA qu'une fois la pandémie passée et le besoin quotidien de masques dissipé. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour reconnaître que le masque est un produit de première nécessité, mais nous ignorons pour combien de temps il en sera ainsi. Il n'y a aucun intérêt à fixer une date de fin de la mesure.
Notre amendement s'inscrivait dans cette logique, et nous pourrions, comme le suggérait M. le président, sous-amender l'amendement de la commission des finances pour supprimer cette date. Il ne faudrait pas que les Français doivent, en 2022 ou 2023, acheter des masques soumis à un taux de TVA de 20 %.
Madame la secrétaire d'État, vous avez affirmé que le matériel sanitaire pour les hôpitaux et les personnels de santé était maintenant accessible sur le site internet stopcovid19. fr, déployé par le ministère de l'économie et des finances. Ce n'est pas vrai, et c'est justement ce qui suscite la colère des personnels hospitaliers : ces derniers peuvent passer commande, mais ils n'obtiennent pas de réponse et manquent toujours de matériel. Il y a un manque cruel de surblouses, et les personnels utilisent, en effet, des sacs poubelles qu'ils nettoient et recyclent. Nous sommes en France, sixième puissance économique du monde, au vingt et unième siècle ! C'est une honte pour notre pays ! Vous ne pouvez pas répondre qu'il existe un site internet sur lequel il est possible de passer commande, car ce n'est pas vrai.
Nous demandons la nationalisation de certaines entreprises. Devons-nous continuer de dépendre d'autres pays ? Dans le cas des bouteilles d'oxygène, l'entreprise est aujourd'hui fermée ! La rouvrir, la nationaliser, c'est une question de souveraineté en matière d'approvisionnement. En outre, ses salariés sont nos concitoyens. Quant à Famar, installée dans la métropole lyonnaise, elle produit tout médicament d'intérêt thérapeutique majeur – pas seulement de la Nivaquine, pas seulement de l'azythromicine, utilisée aujourd'hui comme antibiotique. Malgré ce que vous avez fait, dont je ne nie pas la réalité, cette entreprise est toujours en procédure de liquidation. Sa fermeture est annoncée pour le 30 juin prochain et si vous n'entrez pas à son capital, elle disparaîtra. Nous vous demandons d'agir : les 20 milliards d'euros inscrits dans ce projet de loi de finances rectificative sont là pour cela.
Je voudrais revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à l'amendement de la commission des finances, qui est important. C'est déjà une belle avancée, puisque nous enlevons presque 15 points de TVA sur les masques – et en plus, nous le faisons tous ensemble ! Nous pouvons être assez contents de ce qu'a voté notre commission.
Monsieur Naegelen, si nous arrivons déjà à obtenir, demain, de l'Union européenne, un accord sur cette période de deux ans, peut-être pourrons-nous pérenniser la mesure. Mais nous n'y sommes pas : pour le moment, nous gérons l'urgence et nous nous apprêtons à adopter un amendement utile.
Il nous faut aujourd'hui, pour nos seuls soignants, 40 millions de masques par semaine. C'est énorme, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour aller les chercher, partout dans le monde, pour les fabriquer… Nos entreprises ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour produire plusieurs millions de masques par an, et Mme la secrétaire d'État y a largement contribué. Je suis très fière de pouvoir citer ici Porcher Industries, qui va être en mesure de produire jusqu'à 30 millions de masques réutilisables, lavables. C'est aussi de cette façon que nous pourrons garantir une bonne sortie du confinement. En effet, certains salariés ont peur d'aller travailler : l'enjeu de la santé au travail sera essentiel, pour réussir le déconfinement, mais aussi pour réussir l'après, car nous ne nous arrêterons pas là et nous irons plus loin pour protéger la santé des salariés.
Il y a partout des initiatives pour produire des gels : ainsi, chez moi, l'entreprise Bigallet a revu toute sa production en ce sens. Ils ne se sont pas posé la question du taux de TVA ! Ils ont fait, et ils ont mis toutes leurs forces au service des hôpitaux, de l'intérêt général, de la France. Voilà ce que nous devons d'abord saluer.
Quant à nous, avançons ensemble ! Un taux de TVA à 5,5 % sur tous les masques, c'est déjà un beau progrès.
Vous ne pouvez pas sous-amender l'amendement de la commission des finances, madame la secrétaire d'État, car vous étendriez son champ et cela reviendrait finalement à recréer l'amendement no 175 . Je comprends donc votre position. En revanche, je ne comprendrais pas que notre assemblée n'adopte pas l'amendement no 175 ou d'autres similaires visant à baisser également la TVA sur les gels hydroalcooliques.
J'entends ce que dit Mme Motin : cet amendement de la commission des finances est évidemment une avancée. Mais, symboliquement, reconnaissez que ce n'est pas grand-chose. Cela a été dit, l'usine de L'Oréal installée dans l'Allier fabrique maintenant des gels, et je pourrais citer d'autres exemples dans ma circonscription. Nous pourrions au moins faire un geste pour les entreprises et les collectivités territoriales qui achètent en nombre les deux protections les plus utilisées, les masques et les gels.
J'avais, lors de questions au Gouvernement, interrogé M. Véran sur le fait que les soignants ne reçoivent que très peu de masques de l'État : ils mêlent débrouille, dotations privées et dotations des collectivités territoriales, mais n'ont pas grand-chose de l'État. M. Véran m'avait répondu, en gros, que je disais n'importe quoi et qu'à part deux ou trois problèmes logistiques, tout allait bien. Le même jour, au même moment, M. Macron a été interpellé par des soignants en Seine-Saint-Denis, qui lui disaient la même chose que moi : il a bien été obligé d'en convenir.
Je ne crois même pas que vous mentiez. C'est pire : vous ne savez pas ce qui se passe dans notre pays. Vous ignorez, par exemple, que les policiers aujourd'hui affectés dans des centres de rétention administrative, au contact de gens dont le risque de contamination est très important, n'ont pas de masques ni de gants. Je cite cet exemple parce que j'ai visité lundi dernier l'un de ces centres, mais on pourrait les multiplier.
Nous pourrions au moins nous mettre d'accord sur ce constat, car ce gouvernement n'est pas le seul responsable du scandale de l'absence de stocks de masques dans notre pays : plusieurs gouvernements successifs le sont aussi. Ce qui est en cause, c'est la politique qui a toujours fait primer les flux sur les stocks, comme pour les lits d'hôpitaux. On a même sacrifié des moyens de production : je pense par exemple à l'usine d'Honeywell à Plaintel qui, en 2018, a fermé alors qu'elle produisait encore 5 000 masques par heure. Admettons au moins cela !
Je ne suis pas rassuré par ce que j'entends de l'État : vous ne savez pas, et vous laissez aux collectivités territoriales, aux entreprises et aux initiatives individuelles le soin de trouver des masques. Ainsi, telle ville, qui a davantage de moyens, aura des masques plus rapidement qu'une autre. Pour l'égalité républicaine, ce n'est pas formidable ! Cette tache devrait revenir à l'État.
Madame la secrétaire d'État, vous héritez de ce problème ; vous l'avez peut-être aggravé, mais cette majorité n'est pas la seule responsable. S'agissant de Famar, nous ne vous demandons pas quel a été votre rôle dans le passé ; nous vous demandons de sauver l'entreprise, parce qu'il faut relocaliser la production.
Et puisque vous avez au moins, cet après-midi, répondu à des questions précises, je vous pose à nouveau une question à laquelle Bruno Le Maire n'a pas répondu ce matin : que dites-vous de l'entreprise Péters Surgical, implantée à Bobigny, qui produit 40 000 sondes de Motin par jour pour les hôpitaux et qui risque d'être, dès le mois de juin, délocalisée en Inde ?
Monsieur Coquerel, en politique comme ailleurs, il est plus grave de mentir que de ne pas toujours savoir – nous sommes en désaccord sur ce principe.
Monsieur Naegelen, la borne temporelle inscrite dans cet amendement le sécurise. Nous démontrons ainsi qu'il y a un besoin immédiat, et je suis sûr que la Commission européenne saura l'entendre. Pardon de ces considérations juridiques, mais elles sont importantes pour que nous puissions aboutir.
Je voulais aussi répondre à Mme Le Pen, mais elle est partie dès la séance de la capsule vidéo terminée – comme souvent, malheureusement. J'aurais voulu lui dire à quoi sert l'Europe pendant cette crise : le sujet n'est pas de se frictionner avec la présidente de la Commission européenne – même si nous nous frictionnons tous beaucoup les mains en ce moment…
Sourires.
Sans l'Europe, nous n'aurions pas les 100 milliards d'euros destinés à accompagner le chômage partiel dans les États membres. Sans l'Europe, la Banque européenne d'investissement n'existerait pas, alors qu'elle a mis sur la table 200 milliards d'euros de garanties pour que nos entreprises puissent continuer à se développer. Sans l'Europe, la Banque centrale européenne ne rachèterait pas des obligations d'entreprises et des obligations souveraines à hauteur de 750 milliards d'euros. Sans l'Europe, nous n'aurions évidemment pas le mécanisme européen de stabilité.
Peut-être que les gens voient moins tout cela… Peut-être qu'une dépêche qui relate ce qui s'est passé à l'Eurogroupe tard dans la nuit fait moins de vues qu'une vidéo de Mme Le Pen dans l'hémicycle… C'est même très probable ! Mais c'est dommage, parce que l'efficacité de l'Europe est à l'opposé de celle de Mme Le Pen. Dans de tels moments, l'Europe nous est extraordinairement utile, et je voulais le rappeler.
Je partage l'idée que les relocalisations industrielles sont indispensables. Elle ne date pas, bien heureusement, de la crise du coronavirus : nous y travaillions déjà, et nous pouvons même nous flatter de quelques succès récents, puisque nous avons fait redémarrer l'emploi industriel en France.
Sur chaque dossier, et vous avez déjà pu le constater sur certains d'entre eux, nous allons vraiment nous battre pour trouver des solutions.
S'agissant de Famar, nous n'avons pas baissé les bras ! Mais nous devons nous garder de penser que tout dossier qui nous arrive dans un moment de réindustrialisation est stratégique. Je vous renvoie au rapport sur les pénuries de médicaments, que nous avions demandé au mois de novembre et qui nous a été rendu à la fin du mois de février. Nous anticipions, et nous nous demandions s'il ne fallait pas réimplanter chez nous des capacités de production de principes actifs. Famar est un façonnier : il a besoin, pour fabriquer, de principes actifs. C'est là le point stratégique : 20 % à 25 % des principes actifs sont produits en Chine, et une part équivalente en Inde. Dès lors, les autres pays, à commencer par l'Europe, sont dépendants. Nous devons donc nous demander comment relancer cette production, en accompagnant notamment la démarche de Sanofi, qui a annoncé en février la création prochaine d'une filiale dévolue à la fabrication de principes actifs.
Luxfer est-elle la clé de notre stratégie, ou nous tournerons-nous vers d'autres entreprises ? Je ne le sais pas. Je ne suis pas sûre que la nationalisation de Luxfer soit la bonne réponse, mais je suis sûre que la bonne réponse passe par la relocalisation et l'accompagnement.
Même si Luxfer et Famar ne sont pas nécessairement des entreprises stratégiques – c'est une question à laquelle je ne peux pas répondre aujourd'hui – , cela n'empêche pas de s'interroger sur d'éventuels projets de reprise. Mais ceux-ci doivent être industriels. Des gens qui se présentent au portillon avec des projets de reprise, mais qui lorgnent en réalité sur l'argent public et n'ont pas l'intention de développer les capacités industrielles de l'entreprise, nous en avons vu – nous avons tous des dossiers en tête.
N'ayez aucun doute sur l'engagement du Gouvernement. Nous avons connu des succès comme des échecs. Mais notre stratégie est claire, notamment dans le secteur de la santé, et cela ne date pas du coronavirus – même si celui-ci nous aidera à susciter un enthousiasme général, en Europe et en France, pour la réimplantation de capacités industrielles.
L'amendement no 7 n'est pas adopté.
Ces amendements, dont vous êtes le premier signataire, monsieur le président, portent tous sur le taux de TVA qui doit être appliqué aux gels hydroalcooliques. Mme la secrétaire d'État s'est montrée ouverte sur ce sujet : elle trouvera ici tous les moyens de répondre à nos demandes.
L'amendement no 5 prévoit une exonération totale de TVA pour tous les gels hydroalcooliques. L'amendement no 6 limite cette exonération aux achats effectués par les entreprises pour leurs salariés, et par les collectivités territoriales pour leurs salariés et leurs administrés. L'amendement no 11 tend à soumettre les gels à un taux de TVA de 2,1 %. L'amendement no 13 reprend ce taux de 2,1 %, mais seulement pour les entreprises lorsqu'elles achètent pour leurs salariés et pour les collectivités territoriales lorsqu'elles achètent pour leurs salariés et leurs administrés. L'amendement no 119 , déposé par tous les membres du groupe Les Républicains, vise à soumettre les gels à un taux de 5,5 % pour les entreprises lorsqu'elles achètent pour leurs salariés et pour les collectivités territoriales lorsqu'elles achètent pour leurs salariés et leurs administrés. Enfin, l'amendement no 87 propose de soumettre tous les achats de gels à un taux de TVA de 5,5 %.
Madame Motin, vous nous demandez de laisser aux entreprises le temps de s'organiser. Notre devoir de parlementaires est aussi de nous organiser pour accomplir la mission qui nous est confiée : légiférer. S'agissant du taux de TVA, nous sommes dans notre rôle en répondant à une forte attente des citoyens.
La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour soutenir l'amendement no 418 .
Il vise à appliquer un taux réduit de TVA aux savons et gels hydroalcooliques.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 175 .
Cet amendement est l'exact pendant, pour les gels hydroalcooliques, de celui sur les masques que nous venons d'adopter. Il prévoit de ramener le taux de TVA de 20 % à 5,5 % pendant une période de référence identique.
Monsieur le rapporteur général, avez-vous bien noté que j'étais revenue ?
Avis défavorable ou demande de retrait. Lors de la discussion précédente, le Gouvernement a pris l'engagement d'étudier le dispositif lors de la navette.
Je ne comprends pas, madame la secrétaire d'État. Ce très modeste amendement fait consensus. Tout le monde l'approuve, vous y compris. Vous avez indiqué qu'il vous faudrait, à sa suite, prendre un arrêté pour abaisser de 14,5 % le prix plafond du gel dans le cadre du contrôle des prix. Pourquoi donnez-vous un avis défavorable ? Voulez-vous encore réfléchir entre l'Assemblée nationale et le Sénat ? Je ne comprends pas pourquoi vous voulez tarder encore. Vous pourriez obtenir le consensus, comme sur la question des masques.
Je ne m'exprime pas au nom de mon groupe. Il est vrai que nous pouvons nous interroger sur la position du rapporteur général et du Gouvernement. Si nous votons une avancée sur la TVA applicable aux masques, pourquoi ne ferions-nous pas de même pour le gel ? D'autant que s'agissant d'un produit dont le prix est plafonné, il n'y a pas de risque d'appropriation de la TVA par le vendeur – celui-ci ne pourrait pas relever le prix hors taxe pour absorber la baisse de la TVA.
La TVA est une solution. L'autre possibilité réside dans l'abaissement du plafond du prix, décision qui relève du Gouvernement. Sur ce choix, une réponse dès aujourd'hui serait bienvenue.
Madame la secrétaire d'État, vous avez émis un avis favorable à la baisse de la TVA sur les gels comme sur les masques, tout en précisant qu'un acte réglementaire serait nécessaire pour éviter une hausse des prix. Pourquoi ne pas le faire maintenant ? L'idée recueille un consensus très large au sein de l'Assemblée nationale. L'adoption de l'amendement serait un signe fort adressé aux personnes qui, à travers le masque ou le gel, cherchent à se protéger.
Le Président de la République a annoncé une date de début d'un déconfinement progressif, ce qui a pour effet de susciter une demande très forte de masques et de gels en quantité suffisante de la part de nos compatriotes. C'est maintenant, sans attendre la discussion au Sénat, qu'il faut adopter l'amendement qui me semble cohérent avec ce que la commission a décidé pour les masques.
Peut-être que le Gouvernement veut éviter d'aggraver encore le déficit ?
Sourires.
Je veux faire part de ma déception. J'ai été pendant dix ans rapporteur général et nous avons souvent connu des situations de ce type – je prends à témoin le président de séance.
Il y a un consensus. Nous avons suivi le rapporteur général dans son raisonnement qui est aussi technique. Pour avoir connu ce sujet, je sais que nos meilleures chances de réussite dans notre initiative reposaient, en effet, sur un taux de 5,5 % et sur le choix d'une date. Hier, j'ai senti que le rapporteur général était plutôt favorable à notre idée, même s'il craignait que l'intégration des gels dans le dispositif risque d'affaiblir notre dossier ; or Mme la secrétaire d'État vient de lever cette inquiétude, que je ne partageais d'ailleurs pas. L'amendement de Mme Pires Beaune est l'exact pendant de celui sur les masques, puisqu'il reprend le taux de TVA de 5,5 % et fixe un terme identique. Je vous adjure, il n'y a absolument aucune raison de ne pas l'adopter. Vous obtiendrez l'unanimité. Il n'y a aucune raison de renvoyer cette question au Sénat.
Hier, en commission, pas un seul amendement de l'opposition n'a été adopté…
… mais les discussions ont été, malgré tout, positives et constructives. Nous avons là une occasion unique de montrer que, sur certains sujets, nous savons dépasser les clivages et réunir l'unanimité.
J'ai connu ces situations pendant dix ans. Le rapporteur général et la secrétaire d'État s'honoreraient en acceptant l'amendement de Mme Pires Beaune.
Mme Patricia Lemoine applaudit.
La discussion est surréaliste et nos concitoyens qui nous regardent doivent se demander où nous vivons. Lorsqu'il manque tant de masques et tant de gels, et que, dans tant de pays, les masques sont offerts aux citoyens pour qu'ils puissent se protéger, nous discutons ici d'une mesure qui est tellement évidente, de bon sens. Comment le Gouvernement peut-il la refuser à l'Assemblée nationale ? Inutile de faire des grands discours sur l'union nationale si vous n'êtes même pas capables d'accepter une baisse de TVA sur les gels !
Je souhaite demander une suspension de séance car nous sommes capables de nous mettre d'accord sur le sujet.
Je suspendrai la séance à moins que votre réponse, madame la secrétaire d'État, ne rende cette suspension inutile. Ce serait l'idéal !
Je souhaite mettre les choses au clair. Aujourd'hui, le prix des gels hydroalcooliques est encadré. Citez-moi d'autres pays dans lesquels il l'est également !
Je trouve choquant d'entendre dire que le Gouvernement n'a rien fait alors qu'il a encadré le prix. D'autant que ce n'est pas simple, car il faut tenir compte du coût des intrants – souvenez-vous des frictions que cette discussion a occasionnées…
S'il vous plaît, évitons de faire des symboles là où nous n'en avons pas besoin !
Comment cela ? L'abaissement de la TVA sur les gels est-il un symbole ?
Le gel hydroalcoolique est disponible ; son prix est encadré.
Parce que nous vous écoutons, nous faisons une ouverture en acceptant d'étudier la question du prix et de la TVA sur les gels hydroalcooliques.
Mais reconnaissez que certains font un tout petit peu de politique, oubliant de s'interroger sur ce qui est préférable pour les Français. Le gel est accessible.
Parce qu'il est encadré, son prix n'atteint pas les sommes payées dans certains pays.
J'appelle la représentation nationale à nous faire confiance : nous allons examiner le dispositif. Vous l'avez très bien dit, le problème n'est pas celui de l'accès au gel hydroalcoolique : les capacités de production existent, elles montent en puissance.
La décision importante sur les masques se justifie par l'impossibilité d'encadrer les prix. En effet, il n'existe pas de produit standard – certains masques peuvent être utilisés dix fois, d'autres vingt, parfois trente… Quant au gel hydroalcoolique, il s'agit d'un produit relativement standard, ce qui a permis de résoudre le problème par l'encadrement des prix.
Je donne la parole à Mme Valérie Rabault, qui l'avait demandée avant que ne soit évoquée la suspension de séance.
Je rejoins M. Carrez. Comme lui, j'ai été rapporteure générale, mais moins longtemps. J'invite notre successeur, Laurent Saint-Martin, à prendre un peu d'indépendance vis-à-vis du Gouvernement.
Ce n'est pas être déloyal qu'être indépendant – ce sont deux notions différentes.
Je note une unanimité, ou presque, dans l'hémicycle. J'entends la remarque de Mme la secrétaire d'État sur l'encadrement des prix décidé par le Gouvernement, mais nous parlons ici d'une baisse de la TVA, donc du prix. Ce n'est pas la même chose d'encadrer le prix ou de réduire la TVA. J'invite donc le rapporteur général à soutenir l'amendement de Mme Pires Beaune. En faisant une règle de trois, il semble que l'impact sur les finances publiques ne soit pas très important. En outre, la Commission européenne ne devrait pas trouver à redire au regard de la directive sur la TVA – cela a été vérifié. Sincèrement, j'espère que nous pourrons dégager une majorité pour voter la baisse de la TVA sur les gels hydroalcooliques.
M. Gilles Carrez applaudit.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.
Nous venons de faire une analyse concentrée et rapide de la situation ; aussi, je vous propose de nous baser sur l'amendement no 238 relatif aux masques que vous venez de voter et de retenir une rédaction en miroir s'agissant du gel hydroalcoolique, laquelle correspond à l'amendement no 175 rédigé par Mme Pires Beaune. Je vous propose de voter cet amendement et de retirer tous les autres de cette discussion commune : le taux de TVA s'appliquant au gel hydroalcoolique serait ainsi abaissé à 5,5 %. Cette réduction entrerait en vigueur lors de la promulgation de la loi – cela nous laissera le temps d'ajuster le décret afin de rendre le prix immédiatement conforme au nouveau taux de TVA.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LT.
Comme vous le savez, il y a deux ministères à Bercy : celui de l'économie et des finances – je sais l'énergie que déploie Agnès Pannier-Runacher pour cette filière – , et celui de l'action et des comptes publics. J'indique donc, avant même que vous ne me posiez la question et pour faire suite à l'avis donné par ma collègue, que nous levons le gage contenu dans l'amendement de Mme Pires Beaune.
Au nom de l'ensemble des collègues ici présents, puisque le sujet fait l'unanimité, je remercie le Gouvernement pour cette avancée. Lorsque nous analyserons tout ce que cette mesure représente pour certaines collectivités et certaines entreprises, nous verrons qu'elle n'était pas neutre.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
L'amendement no 175 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
Il s'agit d'un amendement d'appel visant à baisser le taux de TVA s'appliquant aux produits de première nécessité, étant donné que la question du pouvoir d'achat se pose fortement. Cet amendement vise donc à vous interpeller, madame la secrétaire d'État, concernant le coût du confinement, qui est élevé pour de nombreuses familles. Une aide aux plus démunis figure parmi les propositions que formule le Gouvernement, mais elle ne s'adressera qu'à 4 millions de personnes. Or c'est pour tout le monde que les prix augmentent, que le coût du caddie augmente. Le ministre Bruno Le Maire avait dit qu'il interviendrait si tel était le cas ; c'est ce que nous constatons, c'est ce que constatent les familles. Je souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage de bloquer les prix de certains produits, notamment des denrées alimentaires.
L'amendement no 102 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Jérôme Nury vise à tirer la sonnette d'alarme concernant la filière équine. Celle-ci souffre énormément et fait face à des charges inchangées, parce que les chevaux sont là, qu'il faut continuer à les nourrir et que le personnel est également présent. En revanche, il n'y a plus aucune recette. Ce secteur ne peut donc être comparé à une activité sportive comme les autres. Il pourrait l'être avec la situation évoquée ce matin par le M. le ministre, qui a défendu un amendement du Gouvernement visant à soutenir les zoos, car ceux-ci accueillent des animaux et supportent donc toujours des dépenses d'alimentation et de personnel.
La filière équine fait donc face à une véritable difficulté, madame et monsieur les secrétaires d'État. Il vous est proposé de ramener à 5,5 % le taux de TVA s'appliquant à cette activité, afin de lui faciliter la vie pendant cette période cruciale.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 321 .
Pour aller dans le même sens, je soutiens l'amendement de Mme Leguille-Balloy relatif à la filière équine qui, comme beaucoup d'autres secteurs, souffre fortement. Il s'agit d'une filière relativement importante, laquelle représente plus de 40 000 emplois, notamment dans les activités sportives et de loisir, et plus de 400 000 équidés qu'il faut impérativement entretenir. Il est donc proposé de ramener le taux de TVA à 5,5 % pour l'ensemble des prestations facturées à compter de la reprise de l'activité. Cette mesure serait de nature, à défaut de sauver les plus petites exploitations, à les soutenir dans cette période difficile.
Les amendements nos 350 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier, 264 de M. Thibault Bazin et 182 de M. Paul-André Colombani sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?
Ils reprennent l'objet d'un amendement débattu hier en commission. Je ne peux être totalement insensible à la situation de la filière équine au regard de la directive TVA. Depuis le début de la législature, j'ai moi-même mené ce combat long, complexe, difficile. Je sais aussi bien que les signataires de ces amendements que la filière équine a besoin d'une telle mesure. J'estime toutefois que ce n'est ni le lieu ni le moment de faire adopter ces dispositions qui, de toute façon, font l'objet d'une âpre négociation avec la Commission européenne. Je donnerai donc un avis défavorable à ces amendements, tout en reconnaissant la pertinence et l'intérêt du sujet.
Mon amendement no 335 , dans la lignée des précédents visant à baisser les taux de TVA, tend à soutenir concrètement les entreprises du BTP, qui sont en grande difficulté en raison de la crise du Covid-19. Certains secteurs, comme celui-ci, devront être soutenus et la baisse du taux de TVA sur les rénovations me semble constituer un bon moyen de permettre à la fois la relance du secteur et la contribution des Français à cet effort.
L'amendement no 344 poursuit exactement le même objectif, sauf qu'il s'appliquera au secteur de la restauration et de l'hôtellerie qui, cela a été dit à plusieurs reprises ce matin, sera fortement touché par cette crise dont les conséquences s'étaleront dans le temps.
Derrière toutes les questions sectorielles se trouve la problématique des charges et des impôts, longuement évoquée par le ministre de l'action et des comptes publics dans son propos liminaire. Une proposition de report systématique des charges et des impôts pour toutes les entreprises a été formulée ; pour certains secteurs, dont celui de l'hôtellerie et la restauration, une proposition d'annulation de ces charges et impôts à hauteur de 750 millions d'euros a également été émise. À cet égard, un travail est en cours, avec le ministre chargé du tourisme, pour que ces annulations aillent de pair avec le début d'un plan de relance dédié à ce secteur en particulier. Ce travail n'étant pas achevé, je donnerai un avis défavorable aux deux amendements.
Au demeurant, et de manière générale, j'estime qu'une baisse de TVA n'est pas nécessairement l'option la plus adéquate pour ces secteurs, car lorsqu'on peut travailler, on peut payer de la TVA – c'est justement cette taxe qui accompagne le travail et l'activité, et c'est pour moi la dernière à reporter ou à annuler.
Un gros travail est fait s'agissant du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, dont les besoins sont énormes – sur ce point, je vous rejoins totalement. Ces activités, qui ont été contraintes de s'arrêter, pourront heureusement bénéficier de l'annulation de charges et d'impôts et, je l'espère, d'un plan de relance massif. Nous aurons très certainement l'occasion d'en discuter lors d'un prochain projet de loi de finances rectificative.
Même avis.
Comme le sujet a été abordé, je souhaitais demander à Mme la secrétaire d'État des informations quant à la réunion qui s'est tenue ce matin à Bercy avec les représentants de l'hôtellerie de plein air. Pouvez-vous me dire à quelles conclusions vous êtes parvenus et si, justement, une exonération totale de charges sera possible ?
L'amendement no 429 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 434 .
Il tend à instaurer la même mesure que le précédent, mais avec un champ d'application restreint à la durée de la crise. Cet amendement a été déposé par Mohamed Laqhila, qui avait déjà proposé un dispositif similaire dans le cadre d'un précédent projet de loi de finances. Il s'agit d'instaurer l'autoliquidation de la TVA, c'est-à-dire de ne la faire payer qu'en bout de chaîne, plutôt que de faire avancer son montant par les entreprises, d'amont en aval : cela revient donc à proposer une mesure de trésorerie pour les entreprises.
Je suis en désaccord avec cette proposition, que je considère comme dangereuse car elle pourrait tuer la TVA, qui ne serait plus qu'une taxe sur la consommation finale. Or cette taxe est vertueuse dans son cheminement du producteur au client final, en passant par le fournisseur, selon les mécanismes que vous connaissez. Je pense qu'il ne serait pas bon de supprimer la TVA interentreprises : l'avis est défavorable.
L'amendement no 434 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 226 .
C'est vous-même qui l'avez déposé, monsieur le président. Cet amendement prend en considération les modifications de comportement provoquées par la crise sanitaire et économique. Les entreprises du commerce électronique ont profité de cette situation : leurs ventes ont augmenté, concernant des volumes importants d'articles divers. La taxe GAFA a été créée avec un taux de 3 % ; afin de faire participer les géants du numérique au financement de la crise et de compenser les pertes de commerces et d'entreprises aujourd'hui fermés, l'amendement vise à le rehausser à 4 %, uniquement pour la période allant du 14 mars au 11 mai 2020 et pour les entreprises de livraison de biens.
En modifiant la taxe sur les services numériques – TSN – , je crains que vous ne vous trompiez de cible. Votre objectif me semble juste, mais en la faisant passer de 3 à 4 %, vous ne taxerez pas l'e-commerçant, que vous visez pourtant. Je rappelle que la TSN concerne la publicité en ligne et les « market places » – en bon français, les places de marché. On peut prendre ici l'exemple d'Amazon : en tant que place de marché, il est soumis à la TSN, mais pas en tant qu'e-commerçant, c'est-à-dire lorsqu'il livre ses propres produits, qu'il a en stock, ce qui est le plus souvent le cas. À mon avis, votre proposition rate donc sa cible. Cependant, les domaines du commerce physique et du e-commerce, du grand et du petit commerce en ligne, constituent un sujet de réflexion particulièrement important, qui devra donner lieu à un débat d'envergure, après la crise. Mais sur cet amendement, l'avis est défavorable.
Défavorable également.
Je n'entends pas vos observations. La taxe de 3 % contribue au budget de l'État : l'ensemble des activités du commerce électronique participent à son versement, même si elle n'est pas directement liée au volume des biens échangés, comme vous l'avez précisé. Néanmoins, en portant cette taxe de 3 à 4 %, nous amènerions le commerce électronique à contribuer au financement public, selon les principes que vous avez rappelés. Ce serait, à mon sens, un symbole fort.
Il est évident que cette crise induit des changements de consommation très importants : nos commerçants connaîtront des difficultés considérables, malgré les plans élaborés pour les aider. Dans le même temps, on assiste à l'essor du e-commerce : toute mesure permettant de faire contribuer ces grandes entreprises au budget de l'État serait pertinente, à condition évidemment que l'argent abonde des fonds destinés aux commerces de nos villes, qui se trouveront en très grande difficulté. Au-delà même du débat qui nous occupe, il est urgent d'envisager des moyens de rééquilibrage financier pour la période qui suivra la crise : on ne peut pas laisser perdurer une concurrence à ce point déloyale.
Je voudrais citer quelques données. Tout le monde s'imagine que l'e-commerce connaît un essor farouche, …
… mais les chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance – FEVAD – ne confirment rien de tel : 76 % des e-commerçants sont en recul.
Nous nous organisons précisément pour permettre aux commerçants de faire du chiffre d'affaires en utilisant leur boutique comme stock et en livrant leurs clients par l'intermédiaire de plateformes, notamment françaises – il en existe, et ce sont elles que nous soutenons. Pour aider ces commerçants, il faut comprendre de manière nuancée ce qui se passe sur le terrain. Beaucoup de plateformes leur ont tendu la main en leur proposant des conditions particulièrement favorables, pour qu'ils puissent continuer leur activité et réussissent leur transition numérique : essentielle aujourd'hui, elle sera importante demain. En voulant caricaturer le propos, on rate l'objectif et on risque de mettre en difficulté nos plateformes françaises. Ces dernières ont une empreinte physique et sont en concurrence avec le grand commerce en ligne ; elles doivent trouver leur place.
L'amendement no 226 n'est pas adopté.
Il vise à rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – afin de renforcer les finances publiques. L'examen des amendements à suivre nous donnera l'occasion d'expliquer à quelles urgences pourraient répondre les 3,2 milliards d'euros qui manquent dans les caisses de l'État à cause de la suppression de cet impôt : nous verrons comment ils pourraient être affectés dans les circonstances de l'urgence sanitaire.
Tout le monde se félicite de la solidarité à l'oeuvre, et chacun fait ce qu'il peut pour y participer. Permettez-moi une parenthèse : le mot « solidarité » est dérivé de « solide », or un solide se caractérise par les liaisons entre les atomes qui le composent, sans lesquelles il s'effondrerait. Je vous laisse approfondir la réflexion en vous demandant ce que pourrait désigner la solidarité dans le champ du rapport entre le capital et le travail – mais là n'est pas le sujet.
L'élan de solidarité dont nous sommes témoins nous rappelle, s'il le fallait, que l'homme a autant d'appétence pour la solidarité que pour la concurrence. Surtout, pourquoi préférez-vous la charité, à laquelle votre plateforme de don fait appel, à la restitution d'un impôt justement nommé « de solidarité », assis sur la fortune ? La charité dépend du bon vouloir, mais la recherche médicale ne peut pas dépendre du bon vouloir de telle entreprise ou de tel particulier. À l'échelle d'une nation, la solidarité repose sur la juste fiscalité et la juste redistribution. En outre, contrairement à ce que vous affirmez, la suppression de l'ISF n'a donné lieu à aucune forme de contrepartie, donc de solidarité en matière d'emploi. Ce n'est pas nous qui l'affirmons, c'est l'Institut des politiques publiques.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement identique no 304 .
Il vise à rétablir l'ISF. Votre décision de supprimer cet impôt qui contribuait à redistribuer les richesses a eu pour conséquence un manque à gagner annuel de 3,2 milliards d'euros pour l'État. Très concrètement, sa disparition signifie tout simplement que les 5 % des contribuables les plus riches gagnent 6 500 euros par an. Si on examine le top, le gratin du gratin, les sommes sont astronomiques : 26 363 euros de cadeau offert par le Gouvernement, sans aucune contrepartie d'aucune sorte ! En effet, le ruissellement dont vous nous avez rebattu les oreilles n'est jamais arrivé. La suppression de l'ISF représente donc un manque à gagner pour l'État et le creusement des inégalités sociales.
Pendant ce temps-là, ce sont 400 000 personnes de plus, depuis le début de votre quinquennat, qui vivent sous le seuil de pauvreté ; nous franchirons bientôt la barre des 10 millions de personnes dans ce cas, car la récession économique qui s'annonce prépare malheureusement un carnage social. Il faut l'anticiper, et c'est pourquoi le groupe La France insoumise demande une hausse des minima sociaux : la paupérisation que le confinement et la crise sanitaire engendreront ne pourra être enrayée, mais il faut que l'État empêche l'avènement du pire. Il nous semble impératif d'appliquer cette mesure, que nous réclamons depuis longtemps, en faveur du budget de l'État, de sorte que ces sommes données aux plus riches reviennent en aide à celles et ceux qui vivent avec quelques centaines d'euros par mois.
Dans la discussion commune, la parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l'amendement no 187 . Peut-être est-il défendu, puisque c'est un peu la même chose ?
Non, ce n'est pas tout à fait la même chose : vous avez mal lu, mais je ne vous en veux pas, monsieur le président.
Sourires.
Nous gageons en effet sur le rétablissement de l'ISF des mesures qui nous semblent indispensables. L'amendement qui nous préoccupe vise à indemniser les personnes placées en situation de chômage partiel à 100 % du montant de leur salaire, au lieu des 84 % actuels – à l'exception du SMIC – , pour les salaires inférieurs à 4,5 fois le SMIC. C'est nécessaire parce qu'il n'y a pas de raison que ceux qui sont contraints au chômage partiel perdent une part de leurs revenus d'autant plus importante qu'elle s'ajoute aux primes et heures supplémentaires éventuelles. Il nous semble donc absolument juste de maintenir au moins 100 % du salaire nominal. Le rétablissement d'un impôt juste, l'ISF, rendrait possible une telle mesure et serait donc adéquat.
Je reviens à mon propos initial : l'ISF permet de gager certaines dispositions, mais aussi de rappeler en quoi consiste la solidarité. Je crois qu'il n'était pas inutile de souligner en quoi elle se distingue de la charité.
Cet amendement vise à instaurer un moratoire sur le paiement des loyers pour les foyers en difficulté. Je salue l'initiative prise concernant les loyers des entreprises, notamment les plus fragiles, allant jusqu'à trouver un arrangement avec les bailleurs pour qu'elles en soient exonérées. Nous proposons d'agir de même pour les locataires les plus fragiles, qu'ils occupent un logement social ou un logement privé.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 217 .
Nous avons interverti les amendements nos 216 et 217 , mais je pense que M. le rapporteur général et Mme la secrétaire d'État comprendront de quoi il s'agit.
Nous proposons donc de revenir sur la suppression de l'ISF afin de dégager des milliards d'euros ; dans cet amendement, ils permettraient de financer un plan d'urgence en faveur de l'hôpital. Nous le savons – certains le découvrent de façon cruelle – , des décennies d'austérité budgétaire nous ont rendu extrêmement difficile l'affrontement de la crise du Covid-19. En effet, de nombreux lits ont été supprimés : 4 172 en 2018, 69 000 sur une plus longue durée. Ce qui est complètement fou, c'est d'imaginer que l'hôpital doive être rentable et respecter des normes selon lesquelles toutes les places doivent être remplies et tous les actes optimisés. L'organiser ainsi n'a aucun sens, car la survenue d'une crise exceptionnelle provoque immédiatement la saturation. Non seulement il faut augmenter la rémunération des personnels soignants, qui sont sous-payés dans notre pays, ouvrir des lits et mettre les matériels à un niveau correct, mais il faut également garantir l'égalité entre les territoires, ce qui suppose d'investir dans ceux qui sont moins bien dotés. C'est une élue de la Seine-Saint-Denis qui vous parle. Pour réaliser ce plan d'urgence, il faut que l'État s'engage tout de suite non à donner des queues de cerise à tel ou tel, mais à mettre le paquet pour garantir tant la qualité des soins que notre capacité à affronter d'éventuelles nouvelles crises.
J'ai bien compris que la mode, en ce moment, consistait, à la suite du Président Trump, à critiquer la Chine et l'OMS. Les États-Unis ont même décidé de suspendre le versement de leur contribution à cette dernière. Cependant, quel était le message de l'OMS le 16 mars ? « Testez, testez, testez les gens ! » Le conseil était bon. C'est parce que les Allemands ont pratiqué des tests qu'aujourd'hui, ils estiment avoir surmonté l'épidémie. Nous sommes très loin derrière eux : nous peinons à pratiquer 30 000 tests par jour quand les Allemands en réalisent 100 000.
Selon le président du conseil scientifique Covid-19, que la mission d'information a auditionné, il faudrait, pour déconfiner le pays le 11 mai, être capable de réaliser 100 000 tests PCR par jour. Je le répète : nous en sommes très loin, et je ne perçois, de la part du Gouvernement, aucun élan de planification qui nous permettrait d'atteindre ce chiffre. Si l'on ne peut pas tester non seulement les gens ayant des symptômes – ce qui, semble-t-il, se pratique déjà – , mais également ceux qui s'inquiètent, ceux qui ont croisé des personnes présentant des symptômes, voire, à certains endroits, des populations entières – nous sommes plusieurs à le réclamer pour la Seine-Saint-Denis – , on ne pourra pas déconfiner le pays sans prendre le risque d'une deuxième vague de contaminations. C'est pourquoi nous vous demandons, en gageant cette mesure sur le rétablissement de l'ISF, de consacrer davantage de moyens à une campagne de tests.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 74 .
Anticipant la réponse de M. le rapporteur général, je précise que nous sommes conscients de l'importance de diriger des capitaux vers l'appareil productif. Mais ce qui pose problème, c'est que le cumul de tous les marqueurs de votre politique de l'offre, qu'il s'agisse de la suppression de l'ISF, sur lequel porte cet amendement, ou de la flat tax, sur laquelle portera l'amendement no 54 , a généré de l'austérité budgétaire. Faut-il rappeler quelques exemples ? Je ne citerai que la suppression des contrats aidés, la baisse des APL, ou encore l'augmentation de la CSG pour les retraités. À peine arrivés au pouvoir, vous avez transformé des travailleurs ou retraités modestes en travailleurs ou retraités pauvres. Le constat est pour le moins alarmant. Vous avez même créé une véritable crise sociale : celle des gilets jaunes.
Le contexte que nous connaissons aujourd'hui accentue encore les difficultés sociales. C'est pourquoi nous avons besoin de retrouver des recettes que vous avez supprimées, afin de répondre à une situation d'urgence.
Dans des amendements qui seront appelés ultérieurement, nous vous proposerons d'étendre le bénéfice de la prime exceptionnelle, prévue pour les seuls allocataires des minima sociaux, aux travailleurs et retraités modestes, ainsi qu'aux étudiants, afin de sortir de cette crise sociale.
L'histoire montre qu'il n'y a rien d'anormal, en pareille situation, à solliciter ceux qui se portent le mieux.
Le Président de la République a utilisé une formule que, pour ma part, je n'aime pas : « Nous sommes en guerre. » Mais si tel est le cas, il faut instaurer un impôt de guerre, comme on le fait toujours dans de telles circonstances. La crise que nous affrontons est la plus dure depuis 1945. L'idée de rétablir, pour le Covid-19, un impôt sur les plus grosses fortunes s'impose partout : dans le monde, dans l'Union européenne et dans notre pays.
En France, 358 000 contribuables payaient l'ISF avant que le Gouvernement ne le supprime. Leur patrimoine taxable se monte à 1 028 milliards d'euros. Oui, 1 028 milliards d'euros pour 358 000 familles… Vous rendez-vous compte de ce que cela représente ? Rétablir l'ISF permettrait de prélever 3,5 milliards d'euros sur ce montant. Ce chiffre provient d'un rapport accessible à tous, rédigé par Bercy l'année où l'ISF a été supprimé. Dans le monde, 2 000 milliardaires détiennent autant d'argent que 60 % de la population mondiale.
Je le répète : l'idée d'instaurer une taxe Covid-19 s'impose aussi au sein de l'Union européenne. Cette taxe, qui ferait participer les plus riches, permettrait d'obtenir enfin, dans tous les pays de l'Union, une contribution à même de répondre aux besoins des populations. Nous demandons que la France prenne l'initiative en rétablissant cet impôt de solidarité, car la solidarité, nous en avons vraiment besoin en ce moment.
Chaque projet de loi de finances offre évidemment l'occasion de rouvrir le débat sur le rétablissement de l'ISF, qui a été réformé et transformé en impôt sur la fortune immobilière. Vous connaissez déjà ma position. Je vous ferai d'ailleurs la même réponse sur le prélèvement forfaitaire unique.
Sans doute faudra-t-il mener une réflexion globale sur la fiscalité dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Je suis certain que vous déposerez des amendements à cette fin. Je comprends aussi le caractère symbolique que revêt l'ISF pour certains d'entre vous, mais la mesure proposée ne résoudrait évidemment pas la crise économique que nous vivons depuis quelques jours.
Nous pensons que la réforme que nous avons entreprise, et qui comprenait un paquet fiscal plus complet que la seule réforme de l'ISF, a permis d'augmenter les investissements et de créer de l'emploi. Nous jugeons donc qu'elle a porté ses fruits, en contribuant à diminuer le chômage de 2 points depuis notre arrivée au pouvoir en 2017.
Nous avons eu ce débat hier en commission : s'il est bon de savoir se réinventer, il faut aussi savoir assumer ce qui a bien fonctionné.
Je rejoindrai M. le rapporteur général. Au fond, la réforme de l'ISF a permis de transformer un impôt qui pesait sur le développement de notre économie et sur l'emploi en un impôt concentré sur l'immobilier. On peut en discuter, mais investir dans l'immobilier nous semble moins créateur d'emploi qu'investir dans l'entreprise.
Quand les entreprises sont au bord du gouffre, elles recherchent de la trésorerie. Or, derrière ces entreprises, il y a des salariés, des gens qui, comme vous et moi, reçoivent un salaire et ont besoin d'avoir un emploi pour vivre. La meilleure démarche, si l'on veut aider ces entreprises, n'est certainement pas de les priver d'investissement.
Le débat sur la fiscalité et sur la solidarité aura nécessairement lieu. Cela semble logique, dans la situation actuelle. Mais je ne pense pas qu'il faille le concentrer sur l'ISF, même si cet impôt possède une portée symbolique. Je rappelle qu'il n'a pas été supprimé, mais transformé : il s'agit désormais d'un impôt sur la fortune immobilière. Essayons de concentrer nos efforts pour que les entreprises qui emploient des salariés puissent redémarrer, ce qui permettra de soutenir l'emploi dans notre pays.
Nous vivons une période particulière, pendant laquelle nos concitoyens souffrent. Quand un peuple souffre, il est normal que la représentation nationale demande un effort à tous, notamment aux plus riches. Ceux qui sont au chômage partiel, ce qui constitue une chance relative, voient leurs revenus diminuer de 16 %. D'autres affrontent des difficultés en n'ayant rien. Tous attendent que nous demandions à ceux qui ont plus de consentir un effort au service de la nation.
Nous pourrions très bien rétablir un ISF à une condition près, comme je l'avais proposé lors de la campagne pour l'élection présidentielle : que l'imposition tombe à zéro dès lors que la fortune est investie sur le sol national. Nous savons en effet que la crise actuelle est le produit de la délocalisation. Si nous manquons de masques, de tests et de médicaments, c'est parce que nous avons trop délocalisé. Nous avons donc une belle occasion de demander un geste de solidarité aux plus riches et de les inciter à investir sur le sol national. En exonérant d'ISF ceux dont la fortune s'investit sur notre sol, nous associerons la recherche d'une économie compétitive à un geste de solidarité. Dans une telle période, je regrette que vous ayez le coeur aussi sec !
Le Gouvernement et la majorité ont beau répéter que la suppression de l'ISF a créé de l'emploi et de l'investissement, cela n'en fait pas pour autant une vérité.
L'Institut des politiques publiques ne voit pas de conséquences de la suppression de l'ISF sur l'emploi en France. La plupart des économistes s'accordent sur ce point.
En revanche, cette suppression apporte un gain annuel de 6 500 euros aux 5 % les plus riches, de 86 000 euros au 0,1 % les plus riches et de 1,2 million d'euros aux 100 personnes les plus riches en France. Dans la même période, les déciles les plus pauvres ont souffert en termes de pouvoir d'achat, tandis que celui-ci a stagné pour le reste de la population française.
Votre politique est injuste. J'espère que nous pourrons revoir tout cela, comme le suggère M. le rapporteur général, …
… et que vous parviendrez à vous réinventer, mais j'en doute. Je pense qu'il faudra vous forcer à le faire, peut-être en élisant une nouvelle majorité. En revanche, je suis gêné de vous entendre dire que cela ne peut pas se faire maintenant. Il faut au moins respecter une logique : quand la nation souffre, les plus favorisés doivent contribuer davantage. Considérez-vous vraiment que des mesures de ce type n'ont pas leur place dans un PLFR ? Elles l'ont assurément ! Si vous voulez nous prouver que vous pouvez redessiner le monde d'après, c'est maintenant qu'il faut le faire, dans ce projet de loi. C'est vrai sur la question environnementale, sur la question sociale et sur la question de la justice fiscale.
Monsieur le rapporteur général, nous avons formulé des propositions tendant à réformer l'ISF. Il est dommage que vous ne nous ayez pas répondu sur ce point, pas plus que sur les tests ou sur le taux de rémunération du chômage partiel.
La remarque de M. Dupont-Aignan est pertinente pour une raison très simple, qui devrait d'ailleurs vous plaire, chers collègues de La République en marche, puisque votre questionnement porte sur l'avenir de la capitalisation des entreprises françaises. Ne croyez pas que, le 11 mai, à la fin du confinement, tout reprendra d'un coup comme avant. Nous savons bien que les entreprises rencontreront des difficultés de liquidités et de capitalisation majeures. Un des dangers, que vous avez d'ailleurs envisagé puisque M. Le Maire en a parlé ce matin, est la fragilisation des entreprises françaises, qui risqueront d'être rachetées par des capitaux étrangers. Le Gouvernement sera probablement amené à intervenir pour l'éviter. Rétablir l'ISF serait une mesure de justice, compte tenu de la situation. Quant à exonérer d'ISF les fortunes introduites en capitalisation des entreprises françaises, c'est à mon sens une proposition qui répondrait aux priorités exprimées par l'ensemble de notre hémicycle.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
Pour ma part, je ne suis ni de droite ni de gauche. Je n'ai pas eu de passé politique avant La République en marche. En revanche, je sais ce qui a manqué à nos entreprises après la crise de 2008 et ce qui a provoqué le rebond de la crise en 2012 : le manque d'investissement dans nos entreprises.
Quand nous avons réformé la fiscalité des entreprises et des particuliers en supprimant l'ISF et en mettant en place le PFU, nous avons installé un comité de suivi, sur la proposition du Gouvernement, afin d'observer comment la réforme se déploierait concrètement et quels seraient ses effets, ce qui permettrait, si nécessaire, de revenir à la taxation.
Les chiffres que je vais citer m'ont été indiqués par ma collègue Nadia Hai, qui siège dans ce comité. Selon le rapport qui nous a été transmis en septembre dernier, on constate concrètement une augmentation de l'investissement dans les entreprises françaises : 18 milliards d'euros ont été levés en France. On le voit partout : notre pays est devenu une terre d'investissement international.
C'est une chance pour nous – je pense notamment au plan de relance que nous devrons mettre en place. On constate aussi la fin d'une grande partie de l'évasion fiscale, notamment vers des paradis fiscaux très proches de nous.
Il ne faut donc pas tout jeter. On a le droit de se poser des questions sur notre politique fiscale – le ministre avait d'ailleurs pris des engagements en ce sens, et nous veillerons à ce qu'ils soient tenus – , mais la suppression de l'ISF n'est pas le sujet de notre discussion.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
L'amendement renvoie au même débat que les précédents, sur l'instauration de la flat tax et la suppression de l'ISF, ces marqueurs des politiques de l'offre.
À la suite du rapporteur général, j'espère que nous aurons un vrai débat sur la fiscalité, parce que nous avons besoin de retrouver un équilibre entre politiques de l'offre et de la demande. En effet, je ne prétends pas que les politiques de l'offre sont inefficaces : ce dont nous avons besoin, c'est d'un équilibre.
Les politiques de relance par la consommation sont nécessaires ; elles créent de l'emploi, notamment dans l'économie de proximité, dans les territoires. Il faut un vrai débat, afin de rééquilibrer de manière beaucoup plus globale la fiscalité.
Comme l'ont souligné de nombreux collègues, notre nation souffre ; il n'y a rien d'anormal à faire contribuer les plus fortunés au redressement de notre pays et à la relance.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement identique no 189 .
Par le présent amendement, nous proposons d'instaurer un budget de 2,5 milliards d'euros, afin de verser des primes à ceux – et surtout celles – qui sont en première ligne dans le monde hospitalier, et dans tous les secteurs indispensables qui font vivre aujourd'hui l'économie – les caissières, les livreurs, les éboueurs, les aides à domicile et bien d'autres.
J'en profite pour faire remarquer que les personnels les plus utiles, durant cette période particulière comme en règle générale sont le plus souvent les moins bien rémunérés – on ferait bien de s'interroger sur l'utilité et la hiérarchie des métiers, et sur l'échelle actuelle des revenus. Comparez la feuille de paye d'une caissière à celle d'un trader : vous constaterez qu'ils n'ont pas les mêmes possibilités pour vivre de manière digne et libre. Cet écart est injustifiable si l'on se fonde sur l'utilité sociale. Il en va de même pour le livreur d''Amazon : en comparant sa feuille de paie à celle d'un publicitaire de la même société, vous constaterez que la rémunération est inversement proportionnelle à l'utilité concrète du métier et à sa pénibilité.
Nous voulons changer cela immédiatement et proposons de financer les 2,5 milliards d'euros par la suppression du PFU – prélèvement forfaitaire unique.
Ma réponse sera dans la même veine que celle sur l'ISF. Dans le cas présent, supprimer le PFU, comme vous le proposez, reviendrait à restaurer le système précédent de taxation du capital. Or, si l'on examine le rendement du PFU, on s'aperçoit que pour sa première année pleine, en 2018, il a rapporté davantage que ce système, qui se voulait plus efficace.
Ainsi, non seulement le PFU a permis d'attirer davantage d'investissement dans notre pays, mais encore il a un rendement supérieur à l'impôt qu'il remplace. Son mécanisme fiscal, assez simple, a permis d'élargir l'assiette. L'accroissement du nombre de dividendes concernés a permis d'augmenter les recettes malgré le taux appliqué – ce taux que vous souhaitez relever. C'est donc également bon pour nos finances publiques, et chacun ici sait bien que nous en aurons bien besoin au cours des prochains mois et des prochaines années. Avis défavorable.
Même avis. À la suite du rapporteur général, je veux rappeler que ces trois dernières années ont vu la création d'emplois industriels et la diminution du chômage social ; la France est devenue le premier pays pour les investissements directs étrangers pour les projets de recherche et développement, ainsi que pour les projets industriels – en 2018, elle en a accueilli plus de 300, soit le double de l'Allemagne. Voilà la réalité.
Vous demandez une politique de la demande. Or l'impôt sur le revenu des personnes physiques a été abaissé de 5 milliards d'euros, au profit notamment des classes moyennes ; c'était un enjeu important. Il ne faut pas oublier non plus la suppression de la taxe d'habitation, soit 3 milliards d'euros, puis 8 milliards d'euros cette année ; cette mesure, déjà inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020, permettra d'appuyer la relance.
Je ne vous entends pas non plus parler de toutes les autres mesures que nous avons prises, comme le plan de lutte contre la pauvreté ou la hausse de certains minima sociaux. C'est dommage. Votre présentation ne rend pas compte des mesures prises, qui visent à améliorer le fonctionnement de l'économie française, à créer de l'emploi et à instaurer et renforcer des filets de sécurité pour les plus fragiles.
Je ne partage pas pleinement l'idée d'un retour au système précédent de taxation du capital, mais ces amendements ont au moins le mérite de souligner que les plus modestes de nos concitoyens sont confrontés à des difficultés immenses, contrairement aux plus riches. Si l'on veut gagner la fameuse guerre dont on nous parle, il faut de la cohésion, ce qui est impossible quand on demande toujours aux mêmes de faire des efforts, et pas aux autres.
À ce titre, j'avais proposé – ce qui fera peut-être hurler certains des membres de cette assemblée – que les hauts fonctionnaires, les ministres, le Président de la République et les parlementaires réduisent leurs revenus et indemnités de 16 %, au moins pendant la période de confinement, et que les sommes ainsi dégagées servent à l'achat de masques, qui manquent tant. J'ai proposé que notre indemnité de représentation soit utilisée pour acheter des masques et des tests, et à équiper les commissariats et les hôpitaux. Ce serait déjà une bonne mesure. La déontologue a refusé cette proposition, mais a annoncé qu'elle saisirait les questeurs.
Montrons, dans cet hémicycle et ailleurs, aux Français qui souffrent que nous comprenons leurs difficultés et que chacun assume sa part de l'effort. C'est cela, être solidaire et mener une guerre où tout le monde monte au front.
Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas prétendre que le prélèvement forfaitaire unique est bon pour les finances publiques : …
… il provoque une perte de recettes de 2,5 milliards d'euros.
En outre, en matière économique, cet impôt a réduit la capacité d'auto-investissement des entreprises. En revanche, il a permis d'augmenter le revenu des actionnaires au moyen des dividendes, dont, je le rappelle, le montant a explosé, pour atteindre 60 milliards d'euros. C'est autant de perdu pour l'investissement des entreprises et pour l'emploi.
Mais non ! D'où tenez-vous vos chiffres ? Quel est l'institut de statistique de La France insoumise ?
Comme vous l'avez fait remarquer, la flat tax a rapporté plus que prévu, et plus que l'an dernier, mais ce n'est pas une bonne nouvelle.
Cela montre simplement qu'un transfert s'est opéré des salaires et des investissements vers les dividendes.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement no 77 .
Pour tenter de régler les conséquences de cette crise sanitaire que personne n'avait prévue, nous allons dépenser 50 milliards d'euros supplémentaires en un mois environ. C'est du jamais-vu depuis la seconde guerre mondiale ! Or, nous sommes confrontés à d'autres crises, qui seront beaucoup plus violentes, notamment la crise écologique. Depuis des années, toutes les organisations environnementales indiquent que 3 à 5 milliards d'euros supplémentaires seraient nécessaires chaque année, pour atteindre les objectifs environnementaux de réduction de gaz à effets de serre, notamment en doublant le nombre de logements rénovés et en accélérant le renouvellement du parc automobile et le développement des unités de méthanisation.
Personne ne comprendrait qu'alors que nous dégageons des moyens aussi importants pour régler une crise sanitaire qui n'avait pas été anticipée, nous ne prenions aucune nouvelle mesure afin d'atteindre nos objectifs environnementaux.
Le présent amendement, déposé à l'initiative de notre collègue François-Michel Lambert, vise donc à créer un impôt de solidarité écologique sur la fortune, qui ne creuserait pas le déficit et rapporterait entre 2 et 3 milliards d'euros, permettant de régler une grande partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés, dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle nous défendons cet amendement.
L'amendement no 77 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 461 .
Cet amendement de ma collègue Émilie Cariou, qui nous renvoie à un débat que nous avons eu tout à l'heure, tend à faire prendre aux assureurs toute leur part à l'effort national exceptionnel en instaurant, à titre exceptionnel, une taxe annuelle additionnelle à celle déjà appliquée sur les conventions d'assurance qui couvrent le risque automobile, pour lequel la sinistralité est actuellement réduite.
Avis défavorable. Nous avons déjà évoqué tout à l'heure le contexte actuel dans le domaine des assurances.
L'amendement no 461 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Un plan spécifique devra être instauré, avec des mesures ciblées pour les établissements faisant l'objet de fermetures administratives, notamment dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Avec cet amendement très intéressant, notre collègue Marc Le Fur propose de procéder à un dégrèvement de la contribution à l'audiovisuel public dans ces secteurs, durant la période nécessaire.
Comme vous le savez, des télévisions sont installées dans la plupart des chambres d'hôtel, si bien que, pour ces établissements, y compris les plus petits, ceux qui ne comptent que trente, quarante ou cinquante chambres, la contribution constitue une charge importante et son montant peut atteindre plusieurs milliers d'euros.
L'intérêt de cette proposition est son caractère ciblé : elle concerne directement un secteur auquel nous savons déjà que nous devrons apporter un ensemble d'aides spécifiques. Cette piste mérite être creusée. Dans l'idéal, il faudrait adopter le présent amendement dès maintenant.
Cet amendement pertinent est en voie d'être satisfait par voie réglementaire. En effet, comme l'a rappelé le ministre de l'action et des comptes publics lorsqu'il a été auditionné mercredi par la commission des finances, il faudra instaurer pour l'hôtellerie non seulement un plan d'annulation de charges et d'impôts, mais aussi une stratégie d'accompagnement, afin de permettre la reprise dans ce secteur – ce qui est normal, car c'est l'un des plus fortement touchés. Le ministre a par ailleurs annoncé le 6 avril le report de la redevance.
La convergence de ces deux informations me laisse penser que l'annulation de la redevance audiovisuelle figurera probablement à l'ordre du jour du plan de reconstruction, d'annulation de charges et d'impôts et d'accompagnement du secteur de l'hôtellerie. Je ne peux pas donner un avis favorable, parce que cette question n'est pas d'ordre législatif et que cela ne résoudrait pas le problème. De ce que je comprends des annonces du Gouvernement, que le secrétaire d'État Olivier Dussopt précisera peut-être, l'intersection de ces deux informations répond à votre demande.
Je confirme les propos du rapporteur général. Comme l'a indiqué le Président de la République dans sa dernière intervention, nous mettons en oeuvre des plans sectoriels, concernant notamment l'hôtellerie et la restauration, pour accompagner spécifiquement les secteurs dont l'activité est totalement empêchée et le sera au-delà d'un éventuel déconfinement à compter de la mi-mai. Il y aura des annulations de charges de toutes natures ; cela relève du champ réglementaire. Demande de retrait ou à défaut, avis défavorable.
Je soutiens cet excellent amendement ; j'en ai déposé un très similaire, qui sera examiné un peu plus tard et que je défendrai plus rapidement. M. Carrez l'a très bien dit : pour les hôtels, la charge que représente la contribution à l'audiovisuel public peut vite atteindre des sommes considérables. J'y ajouterais, pour les bars et les restaurants, l'exonération des taxes dues à la SACEM, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, qui peuvent représenter également une contribution très importante, ainsi que celles que perçoit la SCPA, la Société civile des producteurs associés, à laquelle on pense moins, mais qui gère les droits des musiques d'attente des standards téléphoniques, la plupart du temps dans les hôtels.
J'ai entendu votre réponse, monsieur le rapporteur, mais cette série de mesures pourrait venir très à propos au secours du secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
L'amendement no 17 n'est pas adopté.
L'amendement no 66 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 73 .
Durant cette crise, le personnel soignant, qui fait un travail remarquable, doit parfois s'acquitter du paiement des péages autoroutiers pour des déplacements professionnels effectués dans le cadre de ses missions, qui peuvent être qualifiées de missions d'intérêt général. L'amendement de M. Éric Ciotti tend à instaurer la gratuité du réseau autoroutier pour ces déplacements. Cette mesure aurait une portée symbolique, pour remercier les soignants de leur grand dévouement et de leur formidable mobilisation sans faille. Cet amendement fait écho à une disposition, déjà défendue par M. Éric Ciotti, qui avait permis d'obtenir – au bout de quelque temps – la gratuité pour l'ensemble des déplacements des véhicules d'intérêt général prioritaires, notamment ceux des sapeurs-pompiers.
Cette discussion doit se tenir entre le Gouvernement, les sociétés d'autoroute et, éventuellement les collectivités territoriales. Dans la circonscription d'Éric Ciotti, qui défend cet amendement, il y a en effet beaucoup de péages.
Je voudrais également rendre hommage à tous les soignants qui prennent la route parce qu'ils doivent travailler. Il serait intéressant d'instaurer une telle mesure d'accompagnement en matière de pouvoir d'achat, mais nous n'avons pas intérêt à adopter un amendement tel que celui-ci. Je le considère davantage comme un amendement d'appel invitant à une discussion entre l'État, les sociétés d'autoroute et les collectivités. Demande de retrait pour des échanges avec le Gouvernement.
Les sociétés concessionnaires d'autoroutes ont, de leur propre initiative, instauré un dispositif de solidarité destiné aux personnels soignants, qui prévoit le remboursement, sur justificatifs, des frais de péage, et qui est d'ailleurs déjà opérationnel pour certaines sociétés telles qu'Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc.
Un tel dispositif, volontaire de la part des sociétés concessionnaires, ne pose pas de problème contractuel puisqu'elles l'appliquent de leur propre chef et ne demandent pas de compensation de la part de l'État. C'est une réponse intelligente au Covid-19. En effet, si nous devions imposer une telle mesure, l'État devrait apporter une compensation en vertu des contrats.
Si donc l'État veut apporter un appui aux personnels soignants, il a des moyens plus directs. Il peut notamment traiter directement la situation de ceux qui relèvent de la fonction publique hospitalière.
J'ajoute, afin que nous ayons à l'esprit l'ensemble de la question, que les sociétés concessionnaires font aussi face à une chute drastique de leur chiffre d'affaires. Elles ont en effet perdu 85 % de leur chiffre d'affaires pour les véhicules légers et environ la moitié pour l'automobile. Tout le monde est confronté à ces difficultés et je trouve très positif que ces sociétés remboursent les dépenses des soignants.
L'amendement no 73 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 331 .
Cet amendement me tient particulièrement à coeur, parce qu'il concerne les centres-villes et, plus spécifiquement, leurs commerçants. En cette période de confinement, les centres-villes souffrent et certains sont même en train de mourir. La crise sanitaire que nous traversons rendra leur situation encore plus difficile. C'est pourquoi il me semble indispensable de prendre dès maintenant certaines dispositions, afin d'anticiper au maximum la reprise et de permettre aux commerces de centre-ville de se redresser dès que la période de confinement sera levée.
Parmi ces mesures, il en est une qui est très simple, mais qui me semble la plus efficace et la plus facile à appliquer : permettre aux communes de demander la création, en un temps record, de zones franches urbaines en centre-ville. Ces zones, que nous pourrions renommer « reconquête des centres-villes », pour les rendre un peu plus attirantes, pourraient, le cas échéant et pour éviter tout effet d'aubaine, être instaurées en fonction de plusieurs conditions cumulatives détaillées dans l'amendement, comme la présence d'un secteur sauvegardé.
Ces zones franches sont indispensables pour rendre attractifs les centres-villes qui cherchent à se redynamiser, mais elles le seront encore plus, dès demain, pour donner quelques atouts aux commerçants qui auront beaucoup souffert du confinement et de la mise à l'arrêt de leur activité. Elles seraient d'autant plus efficaces si nous les faisons coïncider avec l'ensemble des autres dispositifs déjà en vigueur dans certains centres-villes : l'ANRU, Agence nationale pour la rénovation urbaine, le PNRQAD, Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, et le plan national Action coeur de ville. Pour augmenter leur efficacité, il est nécessaire d'instaurer ces dispositifs dès aujourd'hui, afin d'anticiper et d'accélérer la reprise économique.
S'agissant du zonage, qui fait l'objet de cet amendement et d'autres qui seront examinés ultérieurement, relatifs notamment aux BER, les bassins d'emploi à redynamiser, je donnerai toujours un avis défavorable, non que le principe d'aider certains territoires soit mauvais, mais parce que je tiens à respecter les séquences de la crise. Notre réponse arrose l'ensemble du territoire, avec notamment des aides à la trésorerie – je ne détaillerai pas toutes les mesures en vigueur. Il est important que nous ayons ce bon comportement sur tout le territoire national, avec des mesures qui s'appliquent à tout le monde, y compris dans les outre-mer. Le temps de la territorialisation de l'aide et de l'appui au développement économique doit venir avec la relance.
Je ne dis pas cela pour botter en touche : je pense que ce séquençage est plus sain, parce que les collectivités et l'ensemble des acteurs locaux connaissent mieux les bonnes entreprises et industries à relever et à rebooster au moment où l'horizon s'éclaircit. Actuellement, tout le monde a besoin de trésorerie et a besoin d'être aidé, quoique de manière différenciée en termes d'intensité, de montants ou de ciblage des typologies d'entreprise. Tout le territoire a besoin d'être aidé, puisque le confinement est national, quelle que soit la puissance du virus dans chaque région. Je tiens à ce que l'urgence soit nationale et la relance, territorialisée. Avis défavorable.
Nous avons déjà eu la discussion relative au zonage à propos du plan Action coeur de ville, que vous avez évoqué, madame Ménard. Nous avons également travaillé sur les ZRR, les zones de revitalisation rurale. Plusieurs zonages sont en train d'être revus et cette réflexion nous aidera à rebondir. Le zonage suppose aussi un travail reposant sur des critères précis expliquant l'intérêt général qui le sous-tend. Il faut aussi viser à l'efficacité. Si vous instaurez une zone franche aujourd'hui, l'incidence sur les impôts se fera sentir, pour l'essentiel, en 2021.
Je souscris aux propos du rapporteur général : allons au bout du travail entamé au sujet des zonages, qui est antérieur à la crise du coronavirus ; injectons des moyens pour le commerce en centre-ville – vous avez raison de soulever cette question, que nous avons déjà évoquée à propos du plan Action coeur de ville et sur laquelle il faudra probablement aller plus loin – et définissons des critères permettant de cibler les bonnes zones dans le cadre des politiques territoriales et, potentiellement, de formuler des demandes d'aide d'État au niveau de la Commission européenne.
Il est important de s'appuyer sur un dispositif solide dans le cadre d'un plan de relance. Il ne me semble cependant pas adapté de le faire aujourd'hui pour des commerces qui veulent surtout rouvrir, s'organiser du point de vue sanitaire et avoir de la trésorerie ; mais j'entends votre demande.
Si nous attendons la fin de l'année pour réfléchir à ces zonages, nous perdrons plus de six mois ! C'est tout de suite qu'il faut le faire, pour que cela soit effectif dès cet été ou dès la rentrée. Il serait dommage de perdre les trois quarts d'une année.
M. le rapporteur nous dit qu'il faut attendre un peu, mais on voit dès à présent que ce sont les petits commerces, notamment dans les centres-villes, qui sont les plus défavorisés, car les grandes surfaces sont restées ouvertes, ce qui, du reste, est bien normal. Il faudrait anticiper dès maintenant – saurons-nous un jour le faire ? L'amendement de Mme Ménard est excellent et répond vraiment à la situation des commerces de centre-ville.
Je suis surpris qu'à chaque fois que nous ouvrons une discussion sur un problème majeur touchant nos concitoyens et que nous pourrions anticiper – vous pourriez par exemple reprendre cette idée dans le cadre d'une discussion au Sénat pour faire avancer la question – , nous la reportons. Nos concitoyens ne supportent plus ce sentiment qu'il y a toujours un train de retard et qu'il faut toujours attendre pour que des mesures soient prises. Nous savons que les commerçants vont mordre la poussière et qu'il faut les sauver. Cet amendement est très urgent.
Remettons les choses au clair : les petits commerçants peuvent reporter leurs charges sociales et fiscales.
La question de savoir si l'impôt pèse sur eux est déjà traitée depuis un mois. Vous parlez d'anticipation : soyez rassuré, cela a été fait. Les commerçants peuvent même dégrever leur impôt direct ; ils n'ont pas besoin de zone franche pour ce faire. Il est prévu que le plan évoqué par M. Olivier Dussopt, et sur lequel nous travaillons tous, abordera également ces questions. Il est inutile de parler d'un sujet qui n'existe pas, d'une question déjà traitée : les commerçants ne payent pas ces impôts s'ils n'ont pas de problème de trésorerie.
L'amendement no 331 n'est pas adopté.
Un secteur dont on parle peu est pourtant très affecté par la pandémie : le secteur associatif. En effet, 65 % des associations sont à l'arrêt – et, parmi elles, 100 % des clubs sportifs. Or le financement du sport amateur provient pour l'essentiel de trois taxes : une taxe sur les droits de retransmission à la télévision, une deuxième sur les paris sportifs et une dernière sur les jeux et la loterie. Deux d'entre elles connaissent une forte baisse : en l'absence de compétitions et de grands événements sportifs, les retransmissions ont cessé et les paris sont au ralenti.
En 2019, le plafonnement de ces taxes avait déjà porté un fort coup au mouvement amateur, qui avait perdu 241 millions d'euros. C'est pourquoi cet amendement vise à déplafonner ces taxes afin de garantir au monde sportif amateur les ressources nécessaires pour qu'il relance son activité dès le déconfinement.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 357 .
Mme Buffet a parfaitement défendu cet amendement relatif à trois taxes affectées dont l'une porte même son nom. M. Juanico, qui est également un spécialiste de la question, propose aussi de déplafonner deux de ces taxes affectées afin de pouvoir attribuer 110 millions d'euros au monde sportif. En effet, le mouvement associatif dans son ensemble, y compris les clubs sportifs les plus petits, rencontre des difficultés alors qu'il est un facteur de cohésion sociale et d'animation des territoires. En outre, il peine à trouver des sponsors du fait de la crise économique et des difficultés auxquelles les entreprises font face. Il faut donc le soutenir.
Nombreuses seront les politiques publiques qui seront affectées par la crise actuelle ; nous aurons l'occasion d'adapter les crédits budgétaires en conséquence. Il nous faut y voir plus clair en ce qui concerne le secteur industriel et commercial, mais la réponse apportée en matière de politique publique du sport sera similaire à celle qui concernera les autres politiques publiques. Rappelons que les dispositions adoptées en loi de finances initiale pour 2020 sont naturellement maintenues ; les crédits alloués à l'Agence nationale du sport demeurent donc inchangés. Nous verrons dans le prochain projet de loi de finances s'il est opportun de modifier des crédits et des priorités, mais il est encore trop tôt pour le dire.
Quant à la question particulière des associations, elles peuvent bénéficier de toutes les mesures de soutien à la trésorerie – plusieurs d'entre nous dans la majorité nous sommes battus pour ce faire. C'est tout aussi important dans le secteur sportif que dans le secteur social – nous y reviendrons.
Je suis conscient que le sport associatif – parmi tant d'autres secteurs, hélas – est affecté. Nous avons instauré des aides dont il peut demander à bénéficier. Encore une fois, nous reviendrons sur les crédits budgétaires affectés à la politique du sport lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Même avis.
Êtes-vous certains des effets d'un éventuel déplafonnement ? Si j'en crois les responsables du secteur des paris, la chute des recettes y serait de 80 % environ. Même un déplafonnement ne me semble donc pas suffire pour résoudre le problème ; mieux vaudrait envisager d'autres solutions.
Tout à fait juste !
Ce judicieux amendement vise à reporter au 1er janvier 2022 la hausse de 2 euros par hectolitre du taux de calcul du remboursement partiel de TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – qui aurait dû entrer en vigueur le 1er juillet dans le secteur du transport routier. Compte tenu des difficultés que connaît ce secteur, il s'agit d'un amendement de bon sens consistant à reporter cette hausse de taux, certes votée mais pas encore appliquée, le décompte n'ayant lieu que par semestre.
Cet amendement identique, déposé par Jean-Christophe Lagarde et Sophie Auconie, vise à reporter la hausse de 2 euros par hectolitre du taux de calcul du remboursement partiel de TICPE à 2022, comme l'a très bien expliqué M. Carrez. En effet, le transport routier de marchandises est quasiment à l'arrêt. Les magasins de vente, contraints de fermer, ne peuvent plus vendre. De ce fait, l'activité des entreprises de production est elle aussi interrompue. De facto, les transporteurs qui faisaient le lien entre les unes et les autres sont à leur tour lourdement pénalisés.
La hausse en question a été votée mais elle doit s'appliquer à partir du 1er juillet 2020. Puisque nous examinons l'adoption de différentes aides, voici une occasion inespérée d'éviter d'imposer un boulet à ces entreprises. Nous leur ferions ainsi savoir qu'elles sont entendues, que nous allons les soutenir et que si nous ne leur proposons pas une aide financière en tant que telle, nous leur proposons à l'inverse de supprimer une taxe déjà votée.
À dix-neuf heures cinq, Mme Annie Genevard remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.
J'ai également eu des échanges avec les acteurs de cette filière mais je suis en désaccord avec les auteurs de ces amendements pour deux raisons. Tout d'abord, le transport routier n'est pas à l'arrêt, même s'il rencontre certes des difficultés au quotidien. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille renoncer à l'aider – je n'établis aucun lien de cause à effet entre la poursuite de son activité et le soutien à lui accorder.
D'autre part, jamais depuis vingt ans le cours de pétrole n'a été aussi bas. Le baril de Brent coûte désormais 27 euros environ, soit une baisse de vingt centimes en deux mois. Il n'est pas justifié que cette diminution ait une incidence fiscale. Si au contraire le cours du pétrole flambait, je comprendrais le caractère incitatif de la mesure, mais c'est l'inverse qui se produit : le cours du baril chute fortement et, de ce fait, la mesure proposée ne me semble pas opportune. Avis défavorable.
Même avis.
Le report proposé par cet amendement donnerait un indice de ce que serait la relance telle que l'imaginent les adeptes de la croissance, de la compétitivité et de normes qui s'assoient tout à la fois sur le bien commun et sur la préservation des écosystèmes. La raison d'être des taxes sur le carburant est d'ordre environnemental, même si elles sont insuffisantes, voire symboliques, puisqu'elles ne s'appuient sur aucune réorientation globale de l'outil industriel en direction des énergies renouvelables et de la transition énergétique.
Soyons prudents, néanmoins : les grandes industries qui bénéficieraient du report de cette légère augmentation profitent déjà de nombreuses niches fiscales grâce auxquelles le régime fiscal actuel leur est très favorable. C'est précisément l'un des obstacles que nous rencontrons pour faire de l'écologie non pas un simple terme de communication mais un véritable objectif politique. Il n'est donc, à mon sens, pas raisonnable de surseoir à l'entrée en vigueur de cette modeste augmentation de la taxe sur le carburant.
Cette hausse de remboursement de la TICPE, madame Autain, ne profitera pas qu'à de grands groupes : dans tous les territoires, de petites entreprises transportent des marchandises.
Il est vrai, monsieur le rapporteur général, que le cours du Brent est très bas, mais il l'est à l'instant t ; qu'adviendra-t-il en cas d'accord entre l'Arabie Saoudite et la Russie ? Le cours du baril risque d'augmenter à nouveau. C'est pourquoi nous proposons de reporter la mesure à 2022, car le cours du baril ne se maintiendra pas à ce niveau pendant deux ans. Gouverner, c'est prévoir, dit-on : nous nous efforçons précisément d'anticiper l'augmentation du cours du pétrole, la difficulté de la reprise et les problèmes que rencontreront les entreprises de transport de marchandises. Il ne s'agit donc que de surseoir de quelques mois à l'augmentation d'une taxe.
Tenons compte du caractère exceptionnel de la situation dans laquelle se trouvent les secteurs du transport et de la logistique. Des pans entiers de l'économie sont à l'arrêt et 70 % des entreprises ont cessé tout ou partie de leur activité. Certaines entreprises, même lorsqu'elles ne sont que partiellement à l'arrêt, possèdent même une flotte telle qu'elles finiront par ne plus pouvoir assumer leurs charges, compte tenu de la réduction de leur activité. Il faut donc leur envoyer un signal : voulons-nous soutenir ces secteurs en difficulté ?
Certes, monsieur le rapporteur général, le prix du baril est faible ; c'est un fait. Nous devons néanmoins aider ces entreprises à redémarrer, car seules celles qui disposeront de trésorerie le pourront.
En l'occurrence, il vous est proposé non pas de supprimer, mais de reporter une mesure.
Encore une fois, voulons-nous soutenir des secteurs d'activité en difficulté ? J'y vois un véritable symbole : nous devons donner confiance aux chefs d'entreprise qui sont entreprenants, courageux et déterminés à se relancer. Le moment est venu pour l'État de leur envoyer des signaux résolus.
Je n'ai pas compris le début de votre intervention, madame Autain : êtes-vous défavorable aux amendements ?
L'analyse prospective du cours du pétrole, monsieur Naegelen, annonce au moins une année de cours très bas. Au quatrième trimestre, la production mondiale devrait, selon les estimations, diminuer de quatre millions de barils par jour. Les stocks actuels sont tels que le cours n'est pas près de remonter.
Quoi qu'il en soit, le calendrier législatif nous permet de nous donner rendez-vous à l'automne pour l'examen du PLF en cas de changement de tendance. En l'état, la proposition n'est pas justifiée.
Une diminution de vingt centimes du cours du baril en deux mois, madame Louwagie, est sans précédent. C'est une baisse colossale qui revient mécaniquement à apporter un soutien direct à la trésorerie des entreprises de transport.
Oui mais vous n'êtes pas sûr qu'elle durera jusqu'au 31 décembre 2021 !
Pour mémoire, car il faut assurer le service après vote des dispositions adoptées il y a un mois, les entreprises en question peuvent également bénéficier des reports de charges et d'impôts.
Pour résumer, les entreprises de transport peuvent certes connaître des conditions de travail difficiles, mais elles peuvent bénéficier de reports de charges et d'impôts tout en continuant de travailler, c'est-à-dire en exerçant une activité rentable, et en assumant une charge d'achat de carburant nettement inférieure au niveau d'avant la crise. En clair, ce secteur est en mesure de poursuivre son activité dans les prochains mois sans qu'il soit nécessaire d'ajouter une incitation fiscale aux aides existantes.
Prenons garde à ne pas surmonter cette crise sanitaire en fermant les yeux sur la crise suivante, qui est environnementale. Vous incarnez vraiment le monde d'hier, chers collègues ! Déjà lors du mouvement des gilets jaunes, la taxe carbone a été abandonnée, alors que chacun sait qu'elle permet d'enclencher de bonnes pratiques, et voilà que vous proposez d'alléger la fiscalité du gazole ! C'est incompréhensible. Quel modèle de développement choisissez-vous ? Quel modèle ? Quant à nous, nous choisissons un modèle de développement humain et équilibré en faveur de tous les biens collectifs, notamment les biens environnementaux.
Je suis d'accord avec vous sur l'évolution en cours – et probable au cours des prochains mois – du cours du baril. Le sujet n'est pas technique, il est purement psychologique.
Nous débattons là d'un secteur économique largement sinistré. Toute la politique du Gouvernement, que nous approuvons, consiste à baisser des charges et à reporter ou annuler des taxes, des cotisations sociales et des impôts. Et, dans ce secteur, un seul poste de dépense subirait simultanément une hausse d'impôt et la crise ! Ce serait incompréhensible ! Je préférerais que vous vous placiez du point de vue psychologique. On ne doit pas annoncer à un secteur sinistré une hausse d'impôt, même si elle est tout à fait modeste et s'inscrit dans une évolution économique générale plutôt favorable.
Mesdames, messieurs les députés, j'entends ce que vous dites. Sachez que nous sommes très mobilisés, notamment avec le secrétaire d'État Djebbari, sur l'accompagnement des entreprises de transport, que nous pratiquons au jour le jour, en débloquant des situations pour faire en sorte qu'elles continuent de travailler dans les meilleures conditions possibles. De surcroît, nous observons qu'elles sont absolument indispensables en cette période.
Du point de vue psychologique, l'idée d'aller contre la transition écologique et énergétique me pose problème. Si je dois aider les entreprises de transport, je préférerais ne pas le faire en reportant la hausse d'une taxation émettant un signal prix en la matière.
Je suis certaine que nous pouvons trouver d'autres moyens de procéder. Je suis certaine que nous pouvons poursuivre la transition énergétique et écologique en faisant en sorte que les entreprises de transport profitent des efforts que nous consentons, notamment en matière de recours à l'hydrogène. J'ai pris bonne note de vos arguments, et je suis consciente qu'une hausse de taxe est très parlante, mais évitons de tomber d'un symbole à l'autre, ce qui ferait courir un risque d'illisibilité au présent collectif budgétaire. Ces observations n'enlèvent rien à la pertinence de l'interrogation sur les moyens par lesquels nous pouvons accompagner ce secteur dans la durée, maintenant, demain et après-demain.
Je me permets de reprendre la parole pour partager avec vous une information : je viens de lire un tweet publié sur le compte du ministère de l'économie et des finances, annonçant que M. le ministre de l'action et des comptes publics travaille avec M. le secrétaire d'État chargé des transports à un plan de 390 millions d'euros destiné au secteur du transport routier. Cela démontre que le soutien à la filière par la trésorerie, dont nous débattons, est bel et bien là. Il est actif et passe par des mesures plus utiles que celles prévues par les amendements.
Les propos de M. le rapporteur général m'inspirent la question suivante : le Gouvernement pourrait-il cesser d'annoncer des mesures chaque jour ?
Sourires.
Certes, il s'agit de Twitter, où chacun peut publier ce qu'il veut, mais il en résulte une illisibilité accrue, de sorte qu'on a un peu de mal à suivre. Il en résulte aussi une forme d'incompréhension, car les autres secteurs s'interrogent sur l'air de « Et moi ! Et moi ! ». Je ne dis pas qu'il ne faut pas prendre des mesures. Il faut en prendre, notamment pour les secteurs du tourisme, de l'économie du loisir, de la restauration et de l'hôtellerie. Un plan a été annoncé, il viendra un jour ; s'il pouvait ne pas venir au fur et à mesure, avec l'annonce de temps en temps d'une mesure, décalée chaque jour, avant un troisième projet de loi de finances rectificative, qui lui aussi aura du retard à peine présenté, ce ne serait pas mal ! La crise n'autorise pas tout !
Certaines collectivités locales ont engagé des dépenses pendant la période que nous traversons, par exemple pour acheter des masques et certains biens destinés à la population, et pour tenir compte des demandes du Gouvernement, telle la mise en place de centres Covid. Or toutes les communes de notre territoire ne sont pas au même niveau de richesse, chacun le sait. En vue d'éviter les injustices, la proposition que j'avance vise à augmenter certaines dotations très spécifiques, telles que la dotation de solidarité urbaine – DSU – cible et la dotation de solidarité rurale – DSR – cible, pour permettre aux communes les plus pauvres de faire face.
Par ailleurs, j'aimerais poser une question à Mme la secrétaire d'État. Le Président de la République a annoncé que chaque Français aura un masque le 11 mai. Qui paiera ?
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 166 .
Il s'agit d'un petit amendement de 8 millions d'euros, financé de surcroît par un redéploiement de DGF, la dotation globale de fonctionnement. Il ne coûte donc rien du point de vue du solde budgétaire. Le Président de la République a annoncé au début du mois une majoration de la dotation pour élu local au profit des communes de moins de 500 habitants. Chacun avait compris cela.
Or de nombreuses communes de moins de 500 habitants ont découvert qu'elles ne bénéficieraient d'aucune majoration. En effet, le texte d'application de cette disposition comporte – ce qui n'a jamais été dit par le Président de la République – une condition supplémentaire : pour bénéficier de la majoration annoncée, destinée aux communes de moins de 500 habitants, la commune doit présenter un potentiel financier inférieur à la moyenne de celui des communes de moins de 1 000 habitants. Grâce à cette clause, 3 550 communes ont été exclues du bénéfice de cette mesure !
Je propose donc de supprimer cette condition, afin que toutes les communes de moins de 500 habitants bénéficient de la majoration annoncée, et de financer tout cela par un redéploiement de la DGF, ce qui ne coûte rien du point de vue du déficit public.
Un mot sur l'amendement de M. Pupponi. Comme vous le savez, la DGF a été versée aux collectivités territoriales. Ainsi, nous avons fait la démonstration de l'engagement tenu en matière de stabilité – nous avons tous à l'esprit le vote du dernier projet de loi de finances initiale.
Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Jacqueline Gourault et moi-même suivons attentivement la situation des finances locales. Aujourd'hui, à date, nous n'avons reçu aucun signalement d'une collectivité locale qui rencontrerait des difficultés de paiement ou de trésorerie plus aiguës que celles qu'elle peut rencontrer de façon plus structurelle. Le réseau d'alerte de la Direction générale des finances publiques – DGFIP – me permet de l'affirmer.
Nous savons également que, de façon globale – je n'oublie pas que les chiffres globaux cachent des réalités très différentes au cas par cas – , la trésorerie des collectivités territoriales s'élevait, au 31 mars, à un peu plus de 40 milliards d'euros, ce qui est considérable et permet de faire face. Nous estimons que la part des recettes des collectivités fragilisées par la crise que nous traversons est minoritaire – je ne dis pas qu'elle est marginale.
Nous avons à l'esprit des diminutions de recettes assises sur des redevances, mais nous savons aussi que les redevances, bien souvent – songeons aux cantines scolaires – , servent à financer des services qui représentent en réalité un coût, dès lors que la redevance ne couvre pas le coût du service. Des économies de constatation, que personne ne pouvait ni prévoir ni souhaiter, seront donc réalisées.
Nous savons que la crise a des conséquences sur une partie marginale de la cotisation foncière des entreprises – CFE – , dès lors que le montant exigible tient compte des résultats de l'année précédente, mais aussi du chiffre d'affaires de l'année en cours, à hauteur de 15 % du total. Enfin, elle a des conséquences minoritaires sur une fraction de la TVA versée aux régions, sur lesquelles nous travaillons.
Nous aurons l'occasion, dans le cadre du texte consacré à la relance de l'activité et à son accompagnement, de travailler sur la question des collectivités territoriales. Pour l'heure, il me semble prématuré d'envisager une augmentation des dotations qu'elles perçoivent.
Sur l'amendement de M. de Courson, dont je mesure qu'il ne porte pas sur des sommes importantes, je formulerai une observation identique sur la forme à celle adressée à M. Pupponi. Le présent projet de loi de finances rectificative est un texte d'urgence centré sur la situation économique et sociale du pays. Je ne suis pas certain – je le dis de la façon la plus diplomatique et la plus modérée possible – que, si d'aucuns s'intéressent à nos travaux, ils comprennent, quels que soient la légitimité du débat et le montant évoqué, que nous procédions, par le truchement d'un projet de loi de finances rectificative consacré à la crise sanitaire, à une augmentation des indemnités perçues par les élus locaux.
Je doute qu'une telle mesure soit opportune dans le contexte que nous connaissons. Avis défavorable sur les deux amendements.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Il s'agit en effet d'un amendement d'appel. Toutefois, je répète ma question : qui paiera les 60 millions de masques qui seront attribués aux Français le 11 mai ? Le Président de la République a annoncé que chaque Français en aura un ce jour-là. Nous avons cru comprendre qu'il s'agira d'un masque lavable et récupérable. Qui paiera ?
Sourires.
Monsieur le secrétaire d'État, mon amendement n'a pas pour objet d'augmenter la rémunération des élus ; il a pour objet d'augmenter la dotation attribuée aux élus locaux des communes de moins de 500 habitants, conformément à l'annonce du Président de la République, qui n'a jamais évoqué l'ajout d'une condition de potentiel financier, laquelle a exclu 3 550 communes du dispositif.
L'amendement que je défends reprend une idée de l'Association des maires de France. Elle est frappée au coin du bon sens. La fixation des indemnités est une autre paire de manches – à chaque conseil municipal de prendre ses responsabilités. Il n'existe aucun lien entre la fixation des montants des indemnités et la dotation pour élu local.
Dernier point : monsieur le secrétaire d'État, si nous ne votons pas cet amendement, vous savez que je le déposerai à nouveau dans un mois ou deux, lorsque nous examinerons un nouveau collectif budgétaire, et vous me direz « C'est trop tard, monsieur de Courson ! Dommage, c'est une bonne idée, mais nous avons déjà notifié les dotations ! ». Quant à la dépense induite de 8 millions d'euros, la DGF inclut une réserve financière permettant d'y faire face sans modifier les dotations attribuées aux autres collectivités territoriales.
Je reprends la parole pour donner acte à M. de Courson qu'il s'agit d'une dotation destinée aux élus locaux. Toutefois, chacun sait qu'elle sert aussi à aider les communes de plus petite taille à financer le coût de la démocratie, notamment les indemnités de leurs élus. Certes, on peut faire du juridisme, mais chacun sait que les sommes concernées servent au financement des indemnités. Par ailleurs, les dotations – je réponds ici à votre dernier argument – ont été notifiées.
Mon intervention tombe un peu à plat, car je voulais indiquer à notre collègue que les dotations ont été notifiées. Sur le fond, cependant, je suis en désaccord avec vous, cher collègue. Qu'une commune compte moins de 500 habitants n'implique pas qu'elle soit défavorisée.
J'ai dans ma circonscription des communes de moins de 500 habitants dont la DGF augmente de 10 %, et d'autres dont la DGF diminue de 10 %. Vous le savez comme moi – nous n'allons pas rouvrir le débat sur la DGF ce soir – , …
« Ah non ! » sur divers bancs.
… des communes de même taille peuvent présenter de fortes hétérogénéités.
Nous abordons là un sujet sur lequel notre groupe est très mobilisé. Chacun convient que tout notre tissu économique souffre, mais un secteur est particulièrement victime de la crise : celui formé par les entreprises ayant fait l'objet d'une fermeture administrative par les arrêtés des 14 et 16 mars derniers. Elles les ont appliqués – c'est bien normal – et leur activité est nulle.
L'idée sur laquelle repose l'amendement est la suivante : dès lors que leur activité est nulle depuis cette date et jusqu'à la fin du confinement – plus précisément, jusqu'à la fin du confinement qui les concernera – , aucun impôt, qu'il soit sur le revenu ou les sociétés, ni aucune charge ne peuvent leur être imputés, ce qui est assez logique et assez cohérent. Un tel amendement a le mérite d'être simple. S'il n'est pas adopté, nous aborderons le sujet sous l'angle des charges, impôts et règles divers qui s'appliquent à ces entreprises. Mieux vaut dire les choses simplement.
M. le ministre Le Maire, que nous avons entendu ce matin, m'a semblé aller dans ce sens. Il a indiqué assez explicitement que nous pouvons parfaitement imaginer des mesures spécifiques aux secteurs dont les entreprises ont fait l'objet de fermetures administratives. J'incite le Gouvernement à aller dans ce sens. En cas de contentieux, ces entreprises disposent d'une arme très puissante : c'est de la décision de l'État que résulte leur fermeture. Elles ont plusieurs arguments juridiques pour elles, notamment la responsabilité de l'État du fait des lois, que nous avons évoquée hier en commission. Notre amendement est simple, concret, audible, cohérent et, à tout le moins, en phase, me semble-t-il, avec les propos tenus par M. Le Maire ce matin.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 126 .
ll y a un mois, nous votions le report des charges sociales et fiscales, dans l'hypothèse d'un confinement d'une durée d'un mois et d'une reprise de l'activité très rapide, dans des conditions normales. Aujourd'hui, la situation n'est plus du tout la même. Le Président de la République a lui-même annoncé que, pour de nombreux commerces – je pense aux cafés, aux restaurants – et pour certaines activités du secteur du spectacle, la période d'arrêt sera probablement beaucoup plus longue. Jusqu'à aujourd'hui, ces entreprises ont vécu sur leur trésorerie augmentée du report des charges, mais elle finit tout de même par fondre comme neige au soleil et il est important de leur apporter une réponse. Les entreprises ont besoin d'avoir de la visibilité pour pouvoir rebondir et se préparer. C'est la raison pour laquelle il est très important d'annuler le plus rapidement possible – pourquoi pas aujourd'hui ?– au moins les charges fiscales et sociales des entreprises qui font l'objet d'une fermeture administrative.
Ces amendements correspondent à une approche à laquelle notre groupe tient énormément parce qu'elle est très cohérente : dès lors qu'il y a eu fermeture administrative et, par conséquent, aucune activité, cette question ne peut être traitée seulement en termes de reports et doit l'être en termes d'annulations.
Ce matin, les ministres Le Maire et Darmanin ont fait quelques ouvertures. Il est vrai que se pose la question du risque juridique en termes de rupture d'égalité – ils ont, par ailleurs, évoqué aussi la question des aides d'État. Mais une décision de fermeture complète est susceptible, comme le rappelait à l'instant Charles de Courson, d'être une source de contentieux à l'encontre de l'État. Nous disposons d'éléments juridiques suffisants pour avancer, même s'il ne s'agit pas de transformer un report en annulation – Gérald Darmanin disait ce matin qu'il serait plus simple et juridiquement plus solide d'envisager une exonération qu'une annulation pure et simple. Pourquoi pas ? Cette exonération pourrait prendre effet dès maintenant ou à compter du 1er mai par exemple. En tout cas, la position du groupe Les Républicains est très ferme et très claire : là où il y a eu fermeture d'activité avec aucun chiffre d'affaires, on ne peut pas se satisfaire d'un report : il faut raisonner en termes d'annulation ou d'exonération des charges.
Je vais être très brève parce que j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer tout à l'heure : il tend à exonérer les entreprises, notamment du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, de la taxe audiovisuelle et, puisque mes amendements qui le proposaient ont été rejetés, de celles qui sont perçues par la SACEM et la SCPA.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 80 .
Cet amendement vise à exonérer notamment de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu les entreprises visées par les mesures de fermeture administrative résultant de l'application des arrêtés des 14 et 16 mars 2020 et dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 50 millions d'euros, ce qui place haut la barre.
Les amendements nos 319 et 320 sont des amendements de repli qui proposent le report de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu pour les très petites entreprises visées par une fermeture administrative jusqu'à ce qu'elles génèrent un chiffre d'affaires suffisant. L'amendement no 421 propose la même mesure pour les entreprises du secteur du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration parce que c'est un secteur qui aura particulièrement souffert de la crise.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements en discussion commune ?
Je ne vais pas revenir sur chacun d'entre eux, mais donner la position globale de la commission. Le ministre de l'action et des comptes publics a expliqué exhaustivement ce matin ce qui avait déjà été fait, ce qui était possible et quels étaient les risques à venir en matière d'annulations de charges sociales et d'impôts. Je ne vais donc pas répéter ce qu'il a dit.
Cependant, la temporalité est importante : on a proposé le report massif et généralisé des charges pour tous ceux qui sont concernés et la question de l'annulation ne peut maintenant être traitée que de façon ciblée, car il s'agit de voir qui aura pâti le plus de la crise que nous traversons. Aujourd'hui, les conséquences des fermetures administratives dans l'hôtellerie, la restauration, l'événementiel et le tourisme sont clairement visibles et il n'est nul besoin d'être sortis de la tempête pour comprendre que ces secteurs auront besoin d'annulations de charges et d'impôts, et elles auront lieu. Le ministre a également mentionné les risques juridiques en la matière, et ils ne sont pas neutres. Il faut faire particulièrement attention aux annulations sectorielles et voir ce qui relève du possible. Il faut aussi distinguer les mesures qui devront – ou non – être réexaminées par le Parlement selon qu'elles auront, ou non, un caractère général, ce que nous saurons très rapidement avec les plans prévus par secteur d'activité.
J'émettrai un avis défavorable, ce qui ne signifie pas que la réflexion des auteurs de ces amendements ne serait pas pertinente – bien au contraire, elle l'est tellement que le ministre a pris les devants ce matin en y répondant avec précision.
Le cas, évoqué par Mme Ménard, des taxes perçues par la SACEM et la SCPA est intéressant. C'est, en soi, une bonne idée que d'essayer de les faire entrer dans le champ des annulations, mais il ne faut tout de même pas oublier que la SACEM elle-même aide des professions en difficulté, comme les auteurs ou les artistes, avec les sommes qu'elle récupère. Cet exemple illustre la difficulté d'une annulation générale de charges : quand l'annulation concerne le fisc ou la Direction de la sécurité sociale, on sait que c'est la collectivité qui assume la perte de recettes, mais quand il s'agit d'organismes chargés de redistribuer pour protéger certains secteurs d'activité fragiles, il faut être vigilant afin de ne pas grever leur capacité à aider aussi d'autres secteurs d'activité, au risque de créer des difficultés en chaîne. Je le dis même si l'annulation que vous proposiez, madame la députée, était en soi pertinente dans le cas d'un restaurant ou d'un hôtel qui, étant fermé, ne diffuse, par définition, plus de musique ou de radio.
Tout d'abord, je précise que certains des commerces fermés depuis les 14 et 16 mars continuent à payer leurs cotisations sociales et fiscales parce que ces boutiques sont adossées à des groupes très solides. J'ai noté d'ailleurs que certains de vos amendements prévoyaient des seuils – 50 millions d'euros de chiffre d'affaires maximum pour Mme Rabault, trente ETP, ou équivalents temps plein, pour M. Diard – , mais il convient, au préalable, de définir le périmètre de la mesure pour savoir quels commerces devraient bénéficier de ces dégrèvements.
Deuxième point : comme l'ont indiqué le ministre des comptes publics et le ministre de l'économie et des finances, le Gouvernement est parfaitement conscient qu'il y aura des annulations, parce qu'on ne peut pas reporter éternellement. Même si on prévoyait des plans de longue durée – comme il existe, pour les entreprises en difficulté, des plans de continuation permettant d'étaler le paiement des charges sur dix ans – , il viendrait bien un moment où cela ne passerait plus. Cela se pratique du reste déjà – on décide de dégrèvements au vu de la situation de l'entreprise et de son passif social et fiscal. La situation actuelle suppose une approche cas par cas.
Je répète que les commerces qui ont de grandes difficultés de trésorerie peuvent déjà demander à bénéficier de ces dégrèvements. Le dispositif est assez peu utilisé parce qu'il est méconnu et parce que de nombreux commerçants sont probablement dans une phase de sidération qui les conduit à poursuivre leurs efforts sans passer le coup de fil qui leur permettrait de dire que ce n'est pas sérieux et qu'ils ne pourront pas payer, et donc d'étudier la possibilité d'un dégrèvement. Le Gouvernement va étudier la mise au point de mesures sectorielles – nous avons tous à l'esprit les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l'événementiel. Il faut maintenant prendre des mesures qui soient solides juridiquement et périmétrées en termes de taille d'entreprise et de reprise.
Toutes les autres entreprises pourront, comme toute entreprise en difficulté, discuter avec les CODEFI – les comité départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises – , les CRP – les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises – ou de la délégation interministérielle aux restructurations des entreprises, comme par le passé, d'un plan d'allégement fiscal pour permettre retour à meilleure fortune.
Je rappelle enfin que ce PLFR traite aussi du FDES, le Fonds de développement économique et social, dont la capacité d'intervention va ainsi être augmentée d'un milliard d'euros. Je présenterai en outre un amendement étendant les avances remboursables à hauteur de 500 millions d'euros. Voilà encore d'autres leviers pour faciliter l'accompagnement des entreprises en difficulté.
L'amendement de M. Le Fur est d'une parfaite simplicité. Madame la secrétaire d'État, que vous soyez de bonne volonté, bien évidemment, mais la question centrale est celle de la complexité, du nombre et de la rapidité. Il s'agit d'entreprises qui ont été obligées de fermer, et elles sont en grand nombre. Vous dites qu'il leur suffit d'appeler les services compétents et que ce sera traité au cas par cas… Mais non, il leur est impossible d'appeler, et on ne leur répond pas. L'administration fiscale ne peut d'ailleurs pas tout faire et les circuits sont très complexes. On va créer des usines à gaz, alors que le mérite de cet amendement, c'est sa simplicité.
Dès lors que l'État a fermé des commerces – à juste titre pour des raisons sanitaires – , il ne doit plus s'agir de report mais de suppression. C'est simple et automatique. Que l'administration fiscale, surchargée d'appels et de demandes, et qui fait tout ce qu'elle peut de manière remarquable, se concentre sur le vrai cas par cas, et qu'on ne l'étouffe pas avec des situations ingérables sur le terrain.
Je soutiens donc totalement cet amendement parce qu'il a le mérite de cette simplicité si rare dans notre mode de fonctionnement.
J'en profite pour défendre par avance l'amendement no 412 , qui est de la même veine. Les établissements fermés par l'arrêté du 16 mars dernier n'ayant plus aucune recette, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'ils aient zéro dépense, seul moyen de les préserver. Zéro dépense certes, mais les cotisations sociales et les impôts ne sont que reportés : c'est là que surgit la complexité pour toutes ces entreprises. Les gens, que vous rencontrez comme moi, demandent avant tout de la simplicité et ne cessent de me répéter que, quand c'est complexe, ils n'y ont pas accès.
Toute une série d'établissements, toute une activité ont été arrêtés. On les connaît, ils sont identifiés et c'est donc faire preuve de simplicité et de bon sens que d'annoncer qu'ils n'auront à rembourser ni les cotisations sociales ni les impôts. Cela peut être décidé ici et maintenant.
Nous avançons en outre l'idée que ces établissements doivent s'engager à ce qu'il n'y ait pas de ruptures de contrat de travail à l'initiative de l'employeur depuis le 15 mars. De fait, la simplicité de la mesure et l'annulation des cotisations et des impôts doit, au minimum, être conditionnée au fait qu'il n'y ait pas de pertes d'emploi. Il n'est tout de même pas fréquent que les députés communistes demandent l'annulation de cotisations sociales et d'impôts ! Mais c'est pour toute une série d'établissements qui vont en avoir besoin.
Je rappelle qu'outre le report de charges et d'impôts, il est toujours possible de moduler son acompte d'IS – impôt sur les sociétés – , et que le prélèvement à la source permet, quasiment en temps réel, de moduler son IRPP – impôt sur le revenu des personnes physiques.
Plusieurs armes efficaces existent donc, puisque les entreprises qui s'estimeraient incapables de payer malgré le report de charges ont également la possibilité de moduler leur acompte d'IS. Nous sommes pour l'heure suffisamment armés, en attendant les annulations sectorielles qui pourront éventuellement être décidées. Je confirme donc mon avis défavorable.
Nous comprenons bien que tout cela est extrêmement compliqué : les mesures changent presque tous les jours – ce qui n'est pas étonnant, car il faut s'adapter à l'évolution de la situation. Les sommes en jeu sont considérables, et ce débat est légitime et important.
Je souhaite vous transmettre, monsieur le secrétaire d'État, une question très précise, qui m'est posée par les experts-comptables et les commissaires aux comptes. La situation étant extrêmement compliquée, ces professionnels sont très sollicités. Ils sont d'ailleurs complètement rincés, car ils travaillent jour et nuit. Or, ils me font savoir que, si un report d'échéance au 30 juin a été décidé pour les liasses fiscales, ce report est inutile s'il n'est pas assorti d'un report des soldes d'impôt sur les sociétés, de la déclaration de TVA et de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Pour établir ces trois dernières déclarations, il faut en effet avoir au préalable terminé la liasse fiscale.
Les experts-comptables et les commissaires aux comptes me disent avoir le sentiment de n'être aucunement considérés. Certains annoncent même qu'ils refuseront de participer aux réunions de coordination avec les services de l'État, parce qu'ils n'en peuvent plus. Pouvez-vous – si ce n'est dès maintenant, au moins au cours de la soirée – apporter une réponse sur ce point précis ? Si cette chaîne lâche, plus rien ne fonctionnera.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je veux combattre l'idée selon laquelle les dispositifs seraient compliqués. C'est faux : pour bénéficier du fonds de solidarité pour les entreprises, il suffit de remplir un formulaire sur le site de la DGFIP ; pour demander un report de charges, il suffit de se rendre sur le site de l'URSSAF, voire de téléphoner si l'on ne souhaite pas passer par internet. Je ne vois pas ce qui est compliqué ! Nous avons, au contraire, conçu des dispositifs ultrasimples, parce que nous sommes dans l'urgence et que les chefs d'entreprise doivent avoir accès aux dispositifs que nous créons. La preuve en est que, comme M. le secrétaire d'État le rappellera sûrement, plus de 900 000 entreprises ont déjà fait appel au fonds de solidarité, tandis que plusieurs milliards d'euros de reports de charges ont déjà été décidés. Je ne peux donc pas vous laisser dire, chers collègues, que l'accès aux aides est compliqué.
Monsieur Pancher, vous serez heureux d'apprendre que le ministre Gérald Darmanin a répondu à la demande des experts-comptables, dont vous avez raison de souligner qu'ils font un travail formidable – j'ai coutume de dire qu'ils sont, en quelque sorte, les médecins généralistes des entreprises, car ils sont à leur écoute et traitent leurs problèmes. Je peux d'ailleurs vous assurer que leurs collaborateurs en télétravail font eux aussi un boulot d'enfer. Le ministre a annoncé le report du dépôt des liasses fiscales, ainsi que du solde de l'IS, de la TVA et de la CVAE. Les experts-comptables ont donc été entendus.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qui nous amènent à émettre un avis défavorable aux amendements. Ma collègue Agnès Pannier-Runacher les a parfaitement exprimés et, par construction et par conviction, nous y souscrivons.
M. Dupont-Aignan, tout en saluant le travail de la DGFIP, prétend que celle-ci ne répond pas toujours aux entreprises. Je ne peux pas laisser dire cela. Nous avons organisé le travail pour que les entreprises reçoivent des réponses, que ce soit de la DGFIP ou des URSSAF, sur lesquelles nous exerçons une tutelle partagée avec le ministère des solidarités et de la santé. Le fonds de solidarité, dont nous proposons de porter le montant de 1,5 à 7 milliards d'euros, n'existait tout simplement pas voilà quinze jours. Il a fallu que vous votiez un premier PLFR pour que nous le créions et que la DGFIP conçoive le formulaire très simple qu'évoquait Mme Motin. À l'heure actuelle, près de 950 000 entreprises ont demandé à bénéficier du fonds et plus de 500 000 d'entre elles ont déjà reçu le premier paiement de l'aide accordée par l'État. Pour connaître la complexité de l'administration fiscale et des finances publiques, je peux vous assurer que le fait de créer un tel fonds et d'en garantir les versements en si peu de temps relève de la prouesse. Je veux la saluer, tout comme les agents qui se consacrent à cette tâche.
C'est la même administration qui, dans le même temps, garantit le paiement des traitements des 5,5 millions d'agents publics pour ne pas ajouter une dimension sociale aux difficultés que nous traversons. La même administration qui a réduit de près d'une semaine le délai de paiement aux entreprises de leurs factures et de leurs créances sur le Trésor public, quel que soit l'ordonnateur de la dépense, pour améliorer autant que possible leur trésorerie. La même administration qui a accéléré les délais de paiement des crédits d'impôts auxquels les entreprises peuvent prétendre, car nous considérons que c'est aussi une façon de les aider à traverser la crise actuelle. Je veux donc saluer le travail de tous ses agents et je ne laisserai pas dire que les administrations ne seraient pas suffisamment aux côtés des entreprises.
Enfin, pour compléter le propos de Mme la députée Motin, je vous confirme, monsieur Pancher, que le report au 30 juin des liasses fiscales et des soldes d'IS et de CVAE a été annoncé ce matin, de manière à donner de la visibilité aux experts-comptables et à prendre en considération cette période très particulière pour eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je m'exprimerai tout à l'heure sur les abandons de charges et de fiscalité, mais je souhaite d'abord vous demander une suspension de séance, madame la présidente, afin que nous puissions organiser la fin de nos travaux, si nous ne voulons pas continuer ainsi tout le week-end.
J'avais l'intention de vous le proposer.
Avant de suspendre la séance, je vais toutefois mettre aux voix les amendements que nous venons d'examiner.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinquante-cinq.
La séance est reprise.
En vue de la bonne organisation de notre débat, je précise qu'aucune séance n'est ouverte demain matin.
Mais on peut quand même venir ! Nous ne sortirons que par la force des baïonnettes !
Sourires.
Nous devons donc aller au bout de l'examen du texte ce soir.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 26 .
Il est défendu. Il s'agit de mettre l'accent sur des secteurs parfois oubliés, en particulier le commerce de gros, qui fournit des commerces qui ne fonctionnent plus – la difficulté est là.
L'amendement no 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Chers collègues, il est vingt heures. Je vous propose que nous nous levions et applaudissions pour saluer les soignants, qui le méritent bien.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Je suis saisie de dix amendements, nos 76 , 110 , 158 , 381 , 81 , 75 , 111 , 412 , 309 , 382 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 76 , 110 et 158 sont identiques, ainsi que les amendements nos 75 et 111 .
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 76 .
Monsieur Pupponi, peut-être pourriez-vous, par la même occasion, soutenir également l'amendement no 75 .
Volontiers, madame la présidente. Il est certain que les mesures mises en oeuvre sont importantes et qu'elles satisferont les entreprises à très court terme, mais celles-ci ont cependant besoin de visibilité. Pourront-elles, ou non, reprendre leur activité ? Prenons l'exemple des entreprises saisonnières touristiques. Si la décision d'annuler les charges n'est pas prise tout de suite, elles ne redémarreront pas. Certaines évoquent même l'éventualité de ne pas ouvrir cet été, car l'avenir est incertain. Il est donc urgent de leur envoyer un message clair : l'annulation pure et simple des charges.
La décision d'annuler les charges sera, de toute façon, prise par le Gouvernement. Dès lors que vous avez décidé de les reporter, vous les annulerez tôt ou tard. Le seul problème qui se pose est celui du délai. Il faut agir maintenant par souci de clarté vis-à-vis des secteurs – pas uniquement ceux qui ont subi une fermeture administrative, car on oublierait les secteurs qui, comme l'hôtellerie, n'ont pas été fermés, mais ont fermé par la force des choses, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Je propose, non pas l'annulation générale prévue par l'amendement no 110 , qui est un amendement d'appel, mais, comme le prévoit l'amendement no 111 , une annulation des charges pour les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 50 millions d'euros et qui ont perdu au moins 70 % de leur chiffre d'affaires – une proportion qui pourrait tomber à 50 % – , en respectant donc certains critères très précis. Toutes les entreprises du secteur du tourisme seraient, bien sûr, concernées.
Nous nous situons donc dans la même logique que M. Le Maire lorsqu'il a demandé aux foncières de supprimer les loyers. Il n'y a pas de raison pour que l'État demande de payer deux fois au moment de la sortie de la crise. Aucune entreprise ne pourrait le supporter.
Mon amendement vise également à l'annulation ou, pour reprendre l'expression juridique employée par M. Darmanin, à l'exonération totale de charges, au moins pour les commerces qui ont été fermés. On parle beaucoup de la restauration et de l'hôtellerie, mais il faut penser aussi aux petits commerces, aux TPE telles que les fleuristes, les merceries ou les salons de coiffure. La question se pose en effet de savoir s'ils pourront redémarrer. Je souscris pleinement aux propos que viennent de tenir M. Woerth et M. Pupponi.
Stop à la torture psychologique! Un peu comme pour le confinement, on en remet une couche tous les quinze jours. Ces personnes vivent déjà dans des conditions très difficiles : dites-leur clairement les choses. Arrêtez de leur annoncer que vous procéderez au cas par cas, car cela crée chez eux une angoisse, un désespoir, ils se demandent s'ils entreront ou non dans les cases. Cette crise n'est, à l'évidence, de la faute de personne, mais une décision de fermeture administrative a bel et bien été prise, dont la responsabilité revient à quelqu'un. Il est, dès lors, impossible de continuer de demander à ces personnes de payer des charges et des impôts, même en accordant un report, alors que, dans le même temps, en valeur faciale, ils n'auront perçu aucun revenu d'activité. C'est évidemment intenable. Faisons donc preuve de rapidité, de réactivité et de franchise à leur égard. Rassurons-les : je vous assure qu'ils n'ont pas besoin d'une angoisse supplémentaire.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 381 .
C'est tout simplement, comme ceux de mes collègues, un amendement de justice. Dès lors que les entreprises ont été obligées de fermer en raison d'une décision administrative, donc d'une demande de l'État, il est tout à fait normal d'annuler complètement toutes les cotisations directes. Il faut être cohérent. Dès l'instant où vous obligez les chefs d'entreprise à cesser leur activité, vous les libérez aussi de l'obligation de payer l'impôt. Ce n'est rien d'autre qu'une mesure de justice. J'insiste sur ce terme, car on les tantalise en leur parlant sans cesse de report et ils attendent de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Il faudrait avoir l'honnêteté de leur dire qu'on décide une annulation pure et simple des cotisations. Cela ferait gagner du temps à tout le monde.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 81 .
C'est un amendement de repli par rapport à l'amendement no 80 présenté plus tôt. Il vise à instaurer une annulation des cotisations, plutôt qu'un report, pour des entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas un certain plafond et qui ont subi une perte de ce chiffre d'affaires d'au moins 50 % par rapport à la période correspondante en 2019.
Je veux dire au Gouvernement une chose très simple : vous aboutirez forcément à une exonération pour les cas les plus difficiles. Votez donc cet amendement, qui prévoit une annulation pour les PME dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 50 millions d'euros et qui ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % sur une période de trois mois – mars, avril et mai – par rapport à la période correspondante de l'année précédente. C'est simple et clair. Ce dispositif concerne tous les établissements fermés par voie administrative, mais pas uniquement, tout en se limitant aux PME.
Madame la secrétaire d'État, une disposition législative est nécessaire pour procéder à une exonération. Un tel choix suppose que nous élaborions un nouveau collectif dans un mois ou un mois et demi. Agissons plutôt dès maintenant.
Il est similaire à l'amendement no 381 , à ceci près qu'il cible plus particulièrement les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, qui seront fermés beaucoup plus longtemps.
Je maintiens un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements, ce qui est cohérent avec ce que j'ai dit tout à l'heure concernant tous les amendements visant à une exonération et ou annulation de charges et d'impôts.
Il est également défavorable.
J'ajouterai un argument aux démonstrations de mes collègues. L'annulation est essentielle pour toutes ces petites entreprises parce que leur situation est également examinée par les banques. Or celles-ci ne font pas la même analyse selon qu'il s'agit d'un report des cotisations, qui suppose un chiffre d'affaires permettant ce paiement, ou d'une annulation. La mesure simple qu'on vous demande va de soi. Comme l'ont dit M. de Courson et Mme Le Pen, ce délai supplémentaire prolonge l'angoisse terrible de ces millions de chefs d'entreprise. Pourquoi attendre puisque vous aurez de toute façon l'obligation juridique de procéder à une annulation ? Vous voulez laisser passer un mois, plonger les gens dans l'angoisse et la difficulté, alors que la nécessité de cette mesure est évidente. Puisque le bon sens est partagé sur tous les bancs de l'Assemblée, je ne comprends pas pourquoi vous attendez.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 113 .
Avec cet amendement, le groupe Les Républicains propose d'annuler la redevance audiovisuelle pour toutes les entreprises qui ont subi une diminution de chiffre d'affaires de 70 %. Cela s'applique aux cafés et restaurants, mais aussi aux hôtels, qui ont connu une importante baisse de leur activité même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une fermeture administrative. Nous avons déjà discuté de cette question hier en commission des finances à l'initiative de notre collègue Marc Le Fur. En adoptant cet amendement, vous pourriez donner un signal très fort à ce secteur qui a besoin d'avoir confiance dès maintenant.
Nous avons déjà discuté de cet amendement tout à l'heure. Avis défavorable.
L'amendement no 113 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 86 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 67 .
Il vise à appeler l'attention du Gouvernement sur la filière du BTP, le bâtiment et les travaux publics. Les entreprises reprennent évidemment leur activité mais pas dans les mêmes conditions qu'auparavant, car elles sont obligées de tenir compte des gestes de distanciation, ce qui entraîne des surcoûts. L'amendement vise à réduire le taux de TVA à 10 % pour compenser ces surcoûts.
Je remercie le Gouvernement pour l'ordonnance qui a permis de résoudre le problème en ce qui concerne la commande publique et j'aimerais qu'une solution soit également trouvée pour la commande privée, puisque ce n'est pas encore le cas. La situation est difficile pour les entreprises, qui ne peuvent pas renégocier des contrats en cours, déjà signés.
C'est un amendement d'appel pour le Gouvernement, l'avis est donc défavorable.
L'amendement no 67 est retiré.
Il s'agit d'un amendement de notre collègue M. Ciotti, qui souhaite insister sur la situation particulière des taxis. Certes, leur activité n'est pas interdite, mais ils n'ont évidemment plus de clients en raison du confinement, ce qui les met dans une situation très délicate.
Il s'agit d'une demande d'exonération d'impôt sur les sociétés, or ce problème ne se posera guère cette année. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 71 n'est pas adopté.
Ces amendements visent à obtenir une exonération d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur les revenus dans trois domaines d'activité différents. Le premier est la filière équestre, déjà évoquée tout à l'heure. Il semble en effet que les structures équestres affiliées, clubs et poneys-clubs, ne puissent plus fonctionner normalement, alors qu'elles sont soumises à de lourdes charges puisque ce secteur repose sur du vivant, des animaux dont il faut s'occuper. Il faut toujours entretenir le cheptel aussi bien sur le plan de l'alimentation que de l'entraînement physique, ce qui nécessite une main d'oeuvre qui ne peut être placée sous le régime du chômage partiel. Chez moi, dans le Biterrois, plusieurs centres équestres subissent cette crise de plein fouet.
Si certains peuvent compter sur les revenus liés à l'hébergement des chevaux de propriétaires en pension, l'essentiel de l'activité des centres du département repose sur les cours et, pour la plupart d'entre eux, la perte financière ne leur permettra pas de dégager des revenus suffisants pour assurer leur survie.
L'amendement no 437 concerne, quant à lui, la conchyliculture, secteur où la baisse du chiffre d'affaires atteint 80 %. Sont en cause, évidemment, la chute des exportations et la fermeture des restaurants, de la plupart des marchés alimentaires de plein air et d'un grand nombre de rayons « marée » dans les grandes surfaces. Cette filière est en grande partie composée de petites structures familiales et elle risque d'être décimée par la crise. Ce serait une grande perte pour le savoir-faire unique qui la caractérise. Il s'agit donc d'exonérer ces entreprises d'impôts et de charges.
J'appelle votre attention sur un détail qui n'en est pas un : cette filière souhaite pouvoir bénéficier des aides prévues par la politique commune de la pêche, qui ne sont pas encore utilisées dans le cadre du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche ; elle demande par conséquent que ces aides soient rapidement débloquées.
L'amendement no 448 , enfin, vise à soulager nos agriculteurs et nos viticulteurs. Dans l'Hérault, deux exploitants agricoles sur trois sont viticulteurs, or depuis le début du confinement, la fermeture des lieux de restauration, des salons, des marchés, des foires et des cavistes nuit à la commercialisation des vins en France. Les exportations sont quasiment à l'arrêt, évidemment, vers les pays asiatiques. Elles sont très difficiles vers les États-Unis depuis l'augmentation de 25 % des droits de douane et incertaines avec le Royaume-Uni à l'heure du Brexit. Il faut s'attendre à une chute des ventes de l'ordre de 40 % à 50 %, tous débouchés confondus. Vous avez déjà mis en place des aides pour y remédier, mais d'autres dispositifs sont demandés par cette filière durement touchée. C'est pourquoi je me permets d'insister pour qu'on aide davantage nos viticulteurs.
Ils concernent trois secteurs importants qu'il faudra suivre de près après la crise. Toutefois, en cohérence avec mes positions précédentes, j'émettrai un avis défavorable sur toute proposition d'exonération d'impôts et d'annulation de charges sectorielles.
Avis également défavorable.
Il est des territoires qui connaissaient de grandes difficultés avant la crise actuelle et notre collègue Cordier, député des Ardennes, auteur de cet amendement, pense évidemment à cette zone si singulière et défavorisée en matière d'emplois. Le dispositif des bassins d'emploi à redynamiser – BER – s'applique au département des Ardennes et également, je crois, à celui de l'Ariège. Notre collègue souhaite une prorogation de deux ans de ce dispositif. J'ai cependant bien compris, monsieur le rapporteur général, que vous n'entendez pas qu'on raisonne par zones ; il n'empêche que, j'y insiste, certains territoires souffraient déjà avant la crise. Notre collègue Véronique Louwagie évoquera dans un instant les zones de revitalisation rurales, les ZRR – dispositif essentiel pour le monde rural en général.
Si nous n'adoptions pas le présent amendement, qui est pourtant de bon sens, il nous faudrait réfléchir très vite à la prorogation de ce type de dispositifs, qu'on ne peut pas laisser s'éteindre, même à la fin de 2020, alors que les territoires concernés rencontrent des difficultés considérables.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 271 .
Dans le même esprit, cet amendement concerne les zones de revitalisation rurales, dont les dispositifs fiscaux doivent prendre fin le 31 décembre 2020. La crise actuelle ne justifie pas qu'on y mette fin, aussi vous est-il proposé de les reconduire jusqu'au 31 décembre 2022 afin d'apporter un ferme soutien aux entreprises qui contribuent au maillage et à l'aménagement des territoires, notamment ruraux.
Ces deux amendements, qui concernent les zonages, abordent en effet des questions assez proches. Le dispositif des BER, cher à notre ami et collègue Warsmann, élu dans le département des Ardennes, l'est également aux Ariégeois. Quant aux ZRR, chacun ici les connaît bien. Toujours en cohérence avec ce que j'ai dit tout à l'heure, je ne souhaite pas territorialiser la séquence d'urgence.
À la fin de l'année 2020 doit de toute façon avoir lieu une évaluation fine et précise de l'ensemble de ces dispositifs de zonage, ce qui tombe bien. Ce sera une bonne occasion d'imaginer la relance en fonction des besoins territoriaux, en lien – et ce n'est pas le secrétaire d'État Dussopt qui me contredira – avec les collectivités, afin que nous puissions imbriquer les besoins locaux et les aides et réfléchir à la fiscalité locale.
En effet, l'analyse de ces zonages est en cours, ce qui peut être un excellent levier pour des ajustements de ces dispositifs, qu'il n'était pas question de laisser parvenir à leur terme sans réfléchir à la manière d'adapter les ZRR et autres importants zonages. On peut certes y adjoindre les BER, qui n'étaient pas prévus dans le champ de l'étude, mais des discussions de cet ordre relèvent d'un projet de loi de finances classique. Celui-ci, qui sera présenté en octobre, se fondera sur ce que nous saurons de la crise que nous traversons. Nous serons, à ce moment-là, plus intelligents qu'aujourd'hui, en avril.
L'amendement no 84 de M. Boris Vallaud vise à interdire le versement de dividendes en 2020 aux sociétés ayant bénéficié de la solidarité nationale dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Cette interdiction s'étend à toutes les formes de dividendes, y compris les avances et les intérêts sur premier dividende, qu'ils soient en numéraire ou en actions. L'amendement prévoit en outre que toute délibération des actionnaires qui contreviendrait à ces dispositions serait nulle. Il prévoit une sanction en cas de non-respect de cette interdiction, avec une amende correspondant au montant de la valeur des dividendes ainsi versés, majorée de 5 % du chiffre d'affaires mondial consolidé.
L'amendement no 82 de M. David Habib vise, quant à lui, à instituer une contribution forfaitaire exceptionnelle, unique, acquittée par les assureurs et dont le produit serait affecté au fonds de solidarité créé par l'ordonnance du 25 mars 2020, à hauteur de 500 millions d'euros. Cet amendement fait d'ailleurs écho à la proposition de loi que nous avons déposée le 7 avril.
Sur l'amendement de M. Habib, j'émets, en toute logique, un avis défavorable cohérent avec la position que j'ai exprimée à propos des assureurs.
Je suis également, pour une raison assez simple, défavorable au premier amendement visant à interdire les dividendes. En effet, les dividendes rémunèrent bien souvent des investisseurs en fonds propres, des petits actionnaires dans des petites entreprises, et il ne faut pas empêcher cette capacité de rémunération. Pour ce qui est des grandes entreprises, souvent visées lorsqu'on évoque les dividendes d'un point de vue négatif, je rappelle le dispositif instauré à très juste titre par le ministre de l'économie et des finances et aux termes duquel ce dernier refuse les prêts garantis par l'État – PGE – et les reports de charges et d'impôts si des dividendes ont été distribués. Cela s'applique notamment aux grandes entreprises, pour lesquelles, lorsqu'elles réalisent plus de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires et comptent plus de 5 000 salariés, les critères d'attribution sont soumis à la signature du ministre : si l'entreprise distribue des dividendes, le ministre ne signe pas l'attribution du PGE. C'est une méthode simple, agile et efficace : on n'a pas besoin de passer par la loi pour interdire le versement des dividendes, ce qui permet en outre à de petites entreprises qui en ont besoin d'en distribuer.
Si un PGE est signé et que des dividendes sont versés ensuite, l'entreprise doit procéder à un remboursement assorti d'une majoration de retard de 5 %, plus 0,2 point ensuite. Il s'agit donc d'un dispositif concret, qui figure dans le contrat de prêt et de garantie signé par le ministre. Sur les assurances, nous avons eu cette discussion tout à l'heure. Avis défavorable sur les deux amendements.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Déclamer qu'aucun dividende ne doit être versé dès lors qu'on a reçu des aides peut paraître cohérent, mais on sait bien que de très nombreuses petites entreprises, dont le gérant ne se fait pas forcément beaucoup payer et s'est d'ailleurs parfois endetté pour racheter son entreprise, comptent sur le versement de dividendes. Généraliser l'idée proposée par nos collègues ne tient pas. Je soutiens donc la position du Gouvernement, qui dispose d'une capacité d'intervention lui permettant de réguler la distribution de dividendes pour les grands groupes qui voudraient bénéficier d'un PGE, mais une généralisation de l'interdiction du versement des dividendes ne peut pas marcher.
Je ne développerai pas cette question, que nous avons déjà longuement évoquée tout à l'heure. L'amendement tend à instaurer une taxe additionnelle de 10 % sur les réserves des assurances. Lors de leur audition, les représentants de la Fédération française des assurances nous ont bien confirmé qu'ils disposaient de réserves d'un montant de 19,8 milliards d'euros. Leur appliquer une taxe additionnelle de 10 % leur laisserait tout de même beaucoup d'argent pour la suite, et ce ne serait que justice pour toutes les TPE et les PME qui, aujourd'hui, ne peuvent pas bénéficier de la garantie pertes d'exploitation.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 83 .
Comme je l'ai dit hier en commission des finances, le plan de soutien de 100 milliards d'euros en discussion est financé par la dette. Je n'en fais pas du tout grief au Gouvernement, mais demander un effort exceptionnel aux personnes les plus aisées et aux grandes entreprises serait la moindre des choses. On ne peut pas se contenter de constater l'envol des inégalités – 1 % des Français détenant 20 % des richesses du pays et ces inégalités continuant de se creuser, non pas en raison de l'évolution des revenus du travail, mais bien de celle des revenus du patrimoine. Si l'extrême concentration des richesses dans quelques mains nous paraît – à nous du moins – déjà scandaleuse en temps normal, elle devient vraiment indécente et, pour tout dire, potentiellement explosive en ces temps de crise sanitaire.
Aussi le présent amendement vise-t-il à instaurer une contribution exceptionnelle sur les encours d'assurance-vie. Il a tout de même une limite : ne sont pris en considération que les encours supérieurs à 30 000 euros – montant retenu parce qu'il est précisément celui de l'encours moyen en assurance-vie. En outre, 1 % des assurés détiennent à eux seuls un quart des encours d'assurance-vie, soit 425 milliards d'euros. Une telle mesure pourrait tout de même rapporter quelques milliards à l'État et financer, au titre de la solidarité, une partie du plan de soutien.
Je comprends bien votre idée, mais vouloir imposer le patrimoine sur un type de contrat comme l'assurance-vie ne me paraît pas pertinent à ce stade, même si j'ai bien compris que vous avez borné le dispositif que vous proposez pour éviter qu'il ne touche les classes moyennes. Restons cohérents et n'augmentons les impôts de personne en ces temps de crise. De plus, des contrats d'assurance-vie de 30 000 euros concernent aussi des gens qui ont épargné pendant très longtemps et qui ne roulent pas forcément sur l'or. Une telle taxe additionnelle ne serait donc pas toujours bienvenue.
L'amendement no 83 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra