COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 30 juin 2021
La séance est ouverte à vingt et une heures cinq.
La commission poursuit l'examen du projet de loi relatif à la protection des enfants (n° 4264) (Mmes Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, rapporteures).
Article 5 (suite) : Renforcement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance dans le champ social et médico-social
La commission examine les amendements identiques AS82 de M. Thibault Bazin et AS408 de Mme Perrine Goulet.
Mon amendement, qui reprend une proposition des représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF), que le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés (Dem) a auditionnés, vise à associer les personnels des services et établissements de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à l'élaboration du projet de prévention et de lutte contre la maltraitance dans les établissements. Ainsi, on permettrait à ces personnes de mieux comprendre le projet, le partager et le déployer.
La lutte contre la maltraitance est l'affaire de tous les professionnels. Toutefois, le contenu du projet doit être harmonisé par le pouvoir réglementaire. Il est donc difficile d'associer le personnel propre à chaque établissement si les normes existantes ne confèrent pas de réelles marges de manœuvre, au moins sur le cœur du volet relatif à la maltraitance.
L'élaboration des projets d'établissement ou de service est déjà fondée sur la participation de l'ensemble des parties prenantes : professionnels, usagers ou leurs représentants légaux. C'est du moins une bonne pratique qui figurait dans les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) en 2009. Le projet doit également faire l'objet d'une consultation du conseil de la vie sociale, où les usagers sont représentés. L'amendement, dont l'intérêt est réel, est donc satisfait. Je vous suggère de le retirer. À défaut, j'y serais défavorable.
Je suis un peu perdue : d'un côté, Mme la rapporteure évoque un référentiel descendant que nous n'aurions quasiment pas le droit de modifier et auquel les personnels ne devraient pas être associés ; de l'autre, M. le secrétaire d'État nous dit que ces derniers sont de fait intégrés au projet. S'il s'agit d'un projet, il doit être coconstruit ; dès lors, il serait tout de même intéressant d'associer à son élaboration les personnels qui l'appliqueront.
Nous pourrions adopter l'amendement, quitte à revenir dessus en séance. Peut-être la participation des personnels est-elle déjà prévue, mais cela va parfois mieux en le disant. En tout état de cause, les associer à l'élaboration de ce schéma important pour la lutte contre la maltraitance est une reconnaissance.
Encore une fois, s'il est bien question du projet d'établissement, les différentes parties prenantes, dont les professionnels, sont déjà associées à son élaboration.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques AS498 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, et AS213 de Mme Perrine Goulet.
Il me paraît nécessaire que les enfants puissent avoir un interlocuteur, indépendant de l'association qui gère le foyer ou du département, lorsqu'ils sont victimes de maltraitance ou rencontrent des difficultés dans leur établissement.
Mon amendement vise ainsi à identifier dans le projet d'établissement une autorité tierce, extérieure à la structure et indépendante du département, vers laquelle les enfants pourraient se tourner en cas de difficulté, et à renforcer les modalités d'affichage, pour une meilleure information.
Une telle mission pourrait être confiée aux représentants du Défenseur des droits dans les territoires, autorité indépendante qui aurait une meilleure vision des problèmes qui se posent dans les foyers. Eu égard au dernier rapport de la Défenseure des droits, qui relève la violence extrême qui peut y régner, il serait intéressant que les enfants puissent faire appel à une autorité indépendante de leur entourage pour exprimer leurs difficultés.
Avis très favorable.
C'est une des volontés du Gouvernement d'avoir un référent, tiers indépendant, que les enfants, notamment, pourront saisir. La disposition ne figurait pas dans la rédaction initiale du projet de loi car elle est de nature réglementaire, mais nous acceptons qu'elle soit intégrée dans la loi, qui renverra la désignation de ce tiers au pouvoir réglementaire.
Quant à confier la tâche au Défenseur des droits, qui a effectivement cinq cents correspondants dans les territoires, j'ai eu l'occasion de soumettre l'idée tant à Jacques Toubon qu'à Claire Hédon. Son rôle est bien de faire respecter les droits, ce qui donne lieu à des rapports annuels. Cela pourrait être envisagé, mais il lui revient d'en décider, en tant qu'autorité indépendante.
Par ailleurs – et c'est une seconde piste qui doit être explorée sérieusement –, un tel dispositif existe déjà dans le champ du handicap et concerne a priori l'intégralité des établissements sociaux et médico-sociaux. Le préfet désigne en effet une personnalité qualifiée que les usagers de chaque établissement peuvent saisir. Il n'est pas impossible que ce soit la solution.
Sur le principe, nous sommes favorables à ces amendements.
Je suis très heureuse que les amendements puissent être adoptés. J'ai eu raison de vous faire confiance cet après‑midi et de retirer l'amendement AS181 présenté par le groupe Libertés et Territoires.
La commission adopte les amendements.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS63 de M. Guillaume Chiche et AS415 de Mme Perrine Goulet.
Mon amendement vise à renforcer le contrôle des établissements et services en charge de la protection de l'enfance par le département et les services de l'État. Il prévoit ainsi l'organisation d'un entretien annuel entre un tiers et chaque enfant placé en établissement, afin de faciliter les confidences sur d'éventuels mauvais traitements subis au sein de l'établissement. En effet, la plupart du temps, les enfants n'osent pas se confier aux salariés de l'établissement incriminé.
Mon amendement étant similaire à l'amendement AS213, qui a été adopté, je propose de le retirer. Cependant, l'idée d'un rapport annuel sur la gestion des établissements est intéressante, et mérite d'être présentée ultérieurement.
Je donne un avis défavorable à ces amendements, qui conduiraient à multiplier les interlocuteurs. Les éducateurs et les personnes investies dans la protection de l'enfance insistent sur le fait que les enfants en ont déjà beaucoup. En ajouter un pourrait être contre-productif.
Il ne s'agit pas de multiplier les acteurs mais d'offrir la possibilité aux enfants de s'entretenir avec une tierce personne.
L'amendement AS415 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS63.
Puis elle est saisie de l'amendement AS426 de Mme Annie Vidal.
L'amendement précise que la maltraitance peut être « d'origine individuelle, collective ou institutionnelle, au sens du vocabulaire partagé établi par la Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance ». Il semble utile d'ajouter une telle précision au texte.
Avis défavorable, compte tenu de l'adoption cet après‑midi de l'amendement AS431 de Mme Vidal.
L'amendement est en effet satisfait par l'adoption de l'amendement AS431.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements AS383 de Mme Florence Provendier et AS253 de Mme Isabelle Santiago.
Mon amendement précise que la stratégie de maîtrise des risques de maltraitance comprend l'organisation d'entretiens du jeune placé avec un tiers, à un rythme au moins annuel. Parfois, les jeunes n'ont pas de bonnes relations avec les éducateurs. Il importe donc qu'une tierce personne puisse échanger avec eux. En tout cas, je partage cette idée innovante présentée par l'association Repairs!.
Avis défavorable.
Le schéma d'organisation sociale et médico-sociale est un document-cadre stratégique dans lequel la mesure proposée ne trouve pas vraiment sa place. Par ailleurs, nous avons adopté les amendements AS498 et AS213, relatifs à l'identification d'une autorité tierce extérieure à la structure et indépendante du département, qui offre une possibilité supplémentaire pour les enfants d'avoir un interlocuteur.
Les amendements sont retirés.
La commission en vient à l'amendement AS254 de Mme Isabelle Santiago.
L'amendement, également proposé par l'association Repairs!, prévoit que le président du conseil départemental présente un rapport annuel sur la gestion des établissements, qui recense notamment les événements indésirables graves. Une telle transparence est importante, compte tenu des difficultés rencontrées dans les départements en l'absence d'une politique volontariste. Il s'agit là d'améliorer les politiques publiques pour l'accueil des enfants.
Les établissements et services sociaux et médico-sociaux ont déjà l'obligation de signaler les événements indésirables graves à leur autorité administrative de tutelle, en vertu des articles L. 331-8-1 et R. 331-8 du code de l'action sociale et des familles.
Par ailleurs, j'ai demandé aux préfets de veiller, d'une part, à ce que chaque département soit bien doté d'un plan d'évaluation et de contrôle des établissements et, d'autre part, qu'il existe bien une procédure de remontée des incidents graves et préoccupants.
En 2019, la moitié des préfets ont eu connaissance de la mise en œuvre d'une procédure de signalement par le conseil départemental. Trois cent soixante-huit événements ont été signalés par les départements aux préfets – il existe des disparités entre les départements. Les suites données par les conseils départementaux à ces incidents sont principalement des inspections et des contrôles, notamment des contrôles conjoints des conseils départementaux et des préfets ou de l'agence régionale de santé (ARS), des retraits d'agrément ou des licenciements de personnel, des fermetures provisoires ou définitives des établissements ou des signalements au procureur de la République. Dans 35 % des cas, le préfet a estimé que la réponse n'était pas satisfaisante et a été plus loin que les mesures prises par le conseil départemental. Lorsque les départements disposent de plans de contrôle, ceux‑ci prévoient, dans trois quarts des cas, des visites inopinées dans les établissements.
La demande a été réitérée chaque année. J'attends les remontées des préfets pour l'année 2020, car les préfectures étaient un peu débordées du fait de la crise sanitaire.
Entre ce qui est demandé par l'État et la réalité sur le terrain, l'écart est important. Je ne pense pas au Val‑de‑Marne, où la question ne se pose pas car nous avons tout ce qu'il faut pour travailler correctement. Mais les inégalités entre départements sont telles que l'on se demande s'il ne conviendrait pas de légiférer pour renforcer la colonne vertébrale de la politique de protection de l'enfance au niveau de l'État et pousser ainsi les départements dans leurs retranchements, car les défaillances y sont nombreuses.
L'amendement est retiré.
La commission en vient aux amendements identiques AS352 de M. Paul Christophe et AS420 de Mme Perrine Goulet.
L'amendement vise à faire du non‑respect de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance inscrite dans le projet d'établissement un motif de retrait de l'agrément permettant de recevoir des bénéficiaires de l'ASE.
Les amendements sont satisfaits car l'article L. 313‑9 du code de l'action sociale et des familles permet déjà de retirer son agrément à un établissement dans lequel des événements graves et contraires à ses engagements se seraient déroulés.
Les amendements sont en effet satisfaits. D'ailleurs, certains établissements se sont déjà vu retirer leur agrément. Ce pouvoir appartient au président du conseil départemental ainsi qu'au préfet.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
La commission examine l'amendement AS413 de Mme Perrine Goulet.
On constate au quotidien un manque criant de contrôles dans les établissements chargés de la protection de l'enfance. Avec M. Ramadier, nous l'avons signalé dans notre rapport relatif à l'ASE. Or les choses évoluent peu. Dès lors, il apparaît essentiel que l'État et les départements contrôlent conjointement l'ensemble de ces établissements au moins tous les trois ans – vous venez de dire, monsieur le secrétaire d'État, que l'État exerçait de nouveau son rôle en matière de protection de l'enfance ; il faut qu'il continue dans cette voie. Il me paraît invraisemblable que l'exigence de contrôle ne soit pas aussi élevée pour un foyer de l'enfance que pour un centre de vacances.
La Cour des comptes et la Défenseure des droits préconisent une telle avancée. Cette proposition figure d'ailleurs à la page 21 de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, que vous avez-vous‑même présentée, monsieur le secrétaire d'État. J'espère donc un avis favorable de votre part. Il faut que l'État et les départements réalisent des contrôles conjoints.
Les établissements sont déjà contrôlés tous les cinq ans, lors du renouvellement de leur autorisation. Je crains que les contrôles ne soient pas réalisables si l'on raccourcit ce délai. J'émets donc un avis défavorable.
Sauf erreur, madame Goulet, il n'est pas question, dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, de la périodicité des contrôles réalisés conjointement par l'État et les départements.
Le dispositif que nous bâtissons avec l'article 5, modifié par les amendements identiques que vous avez adoptés, constitue un socle suffisant. Il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi le rythme triennal que vous proposez. Grâce aux différents articles du projet de loi, nous nous doterons d'une véritable stratégie de maîtrise des risques et d'un schéma d'organisation. Il doit y avoir une culture commune, et chacun – l'État, les départements, les établissements – doit prendre ses responsabilités à son niveau et exercer davantage ses fonctions en matière de prévention, de maîtrise des risques et de contrôle. Le ministre de l'intérieur et moi-même avons demandé aux préfets de se réinvestir en la matière.
Je peux comprendre que la périodicité prévue vous ennuie. En revanche, j'aimerais connaître votre avis sur le principe de contrôles conjoints de l'État et du département.
Les services de l'État peuvent effectuer des contrôles dans les centres aérés et les centres de vacances, mais non dans les établissements chargés de la protection de l'enfance, car cela ne relève pas de leur compétence. Il importe de réintroduire l'État dans ces contrôles.
Je regrette que notre amendement AS257 ait été déclaré irrecevable. Il visait à un partage de la responsabilité entre le département et les associations qui gèrent les établissements, en cas de fermeture consécutive à un contrôle.
Les départements contrôlent les établissements, même si peu d'entre eux vérifient aussi leur qualité. Les contrôles sont une bonne chose, mais lorsqu'un département décide la fermeture d'un établissement le temps que des travaux soient réalisés, il doit en assumer seul la responsabilité : il lui revient de tout financer, y compris les éventuels problèmes de gestion du personnel, ce qui représente une lourde charge et implique un budget supplémentaire. Ainsi, la fermeture pour six mois d'un établissement a coûté 1 million d'euros à mon département. Je souhaitais la fermeture définitive de l'établissement, mais les services m'ont fait valoir qu'elle aurait coûté 3 millions d'euros et que le département aurait dû en outre reclasser le personnel.
J'ai beaucoup de respect pour tous les acteurs, mais il est arrivé que de grandes associations gestionnaires, qui reçoivent de l'argent public, ne travaillent pas correctement. Or elles ne sont jamais mises à contribution. On n'a pas trouvé de solution à ce problème ; on tourne en rond. Je me permets de signaler notre proposition, car le Gouvernement peut présenter plus facilement des amendements.
Madame Goulet, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités peuvent déjà effectuer, à la demande du préfet, des contrôles dans les structures, conjointement avec les départements.
Madame Santiago, nous avions évoqué ensemble la question que vous soulevez. J'ignorais que votre amendement avait été déclaré irrecevable. Je suis prêt à en discuter de nouveau avec vous ; je ne suis pas insensible à vos arguments.
L'amendement est retiré.
Article 6 : Référentiel national pour le traitement des situations de danger
La commission examine l'amendement AS398 de Mme Perrine Goulet.
Nous l'avons relevé à plusieurs reprises aujourd'hui, la protection de l'enfance est une politique interministérielle. Il faut donc que l'ensemble des professionnels susceptibles d'être en contact avec les enfants soient formés au recueil des informations préoccupantes. C'est ce que je vous propose par cet amendement, qui prévoit la délivrance de formations ad hoc non seulement aux travailleurs sociaux – il importe que ceux‑ci soient de nouveau formés, puisqu'un nouveau référentiel sera adopté –, mais aussi aux enseignants et aux médecins. Les modalités seraient précisées par arrêté. Nous avons déjà évoqué la nécessité d'une formation ; il me semble indispensable de la réaffirmer.
Sur le fond, je suis tout à fait favorable à votre proposition : en tant qu'enseignante, j'aurais aimé recevoir une formation relative aux informations préoccupantes. Toutefois, votre demande sera partiellement satisfaite par le travail engagé autour du référentiel de la HAS ; un webinaire sera organisé et des modules seront bientôt disponibles. En outre, le droit prévoit déjà une formation des professionnels qui composent les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Certes, le champ de votre amendement est plus large. Enfin, celui-ci laisse planer un doute quant aux responsabilités respectives dans cette formation.
Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
J'émets moi aussi un avis défavorable. La question de la formation ne relève pas nécessairement du domaine de la loi. Par ailleurs, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) incluront dès 2021, dans leurs catalogues de formations respectifs, des actions de formation portant sur la mise en œuvre du référentiel. L'École nationale de la magistrature (ENM), quant à elle, a déjà produit des modules de formation à ce sujet.
L'éducation nationale avance elle aussi, non seulement sur les formations, mais aussi sur la question du recueil des informations préoccupantes. Vous le savez, l'école est un lieu important pour le recueil de ces informations, lesquelles remontent néanmoins de manière quelque peu hétérogène sur le territoire. Le ministre de l'éducation nationale a donc engagé un travail d'harmonisation pour que les remontées se fassent selon une même procédure.
Le groupement d'intérêt public (GIP) prévu à l'article 13 sera responsable de la formation de tous les professionnels de la protection de l'enfance, notamment des travailleurs sociaux. Les formations porteront sur le référentiel de la HAS, qui fait l'objet de l'article 6, mais pourront aussi concerner d'autres sujets, selon la manière dont le GIP souhaitera s'organiser.
Vous venez de le dire, monsieur le secrétaire d'État, chacun – le CNFPT, l'ENPJJ... – aura son propre référentiel. Or il importe désormais de créer des outils communs. Dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, vous aviez vous‑même souligné la nécessité de créer des outils communs pour les CRIP, les centres de ressources autisme, les centres de référence des troubles du langage et des apprentissages et les maisons départementales des personnes handicapées, afin que la situation de l'enfant soit envisagée dans sa globalité. Mon amendement vise précisément à ce que tous les acteurs aient une manière commune de considérer les enfants, d'analyser et de traiter les problèmes et de développer une approche ethnoclinique des personnes qu'ils ont en face d'eux, afin d'éviter les erreurs d'évaluation.
Certes, il y aura le référentiel de la HAS, et le webinaire sera utile, mais une formation permettant un partage des pratiques serait plus intéressante. Je trouve dommage que vous n'en conveniez pas, car nous disposions là d'un levier réel pour faire évoluer les choses, dans l'intérêt des enfants. Je vous avoue que je suis un peu déçue.
Ne soyez pas déçue, madame Goulet. La démarche que vous préconisez est précisément celle qui est engagée, notamment avec le référentiel national d'évaluation des situations de risque.
Celui-ci trouve son origine, je le rappelle, dans le rapport inter-inspections relatif aux morts inattendues de nourrissons. C'est dans ce rapport que figurait cette statistique terrible : tous les cinq jours, un enfant meurt sous les coups de ses parents. Selon ce rapport, la mort de certains nourrissons aurait pu être évitée si les différentes personnes qui les entouraient et avaient repéré des signaux faibles s'étaient parlé et s'étaient coordonnées ; additionnés, ces signaux faibles seraient devenus un signal fort. Le constat est assez sévère.
Le rapport recommandait précisément le développement d'une culture commune et l'élaboration d'un référentiel, travail qu'Agnès Buzyn et moi‑même avons confié à la HAS. Ce référentiel s'adressera à tous : aux professionnels des CRIP, aux acteurs de la petite enfance et des secteurs sanitaire, social et médico-social, à ceux du secteur des loisirs, à la police et à la gendarmerie, à la justice. Tous sont en train de s'en emparer. L'ENM, je l'ai dit, propose déjà des formations à ce sujet.
La question du handicap et celle de l'autisme ont bien été intégrées dans le référentiel. Les CRIP doivent comprendre une personne spécialisée en matière de handicap ou faire appel à des ressources spécialisées lorsque l'enfant ou ses parents souffrent d'un handicap ou d'un trouble du spectre autistique (TSA). Pour quelqu'un qui n'est pas formé, certains symptômes du TSA peuvent s'apparenter à un délaissement parental, ce qui a pu donner lieu à des placements injustifiés, sinon abusifs.
Il est très important que vous inscriviez ce référentiel dans la loi. Toutes les associations compétentes en matière de handicap et d'autisme le saluent. Il s'agira de trois gros livrets et d'une boîte à outils comprenant huit documents. C'est un travail tout à fait sérieux.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS183 de Mme Jean‑Michel Clément.
L'amendement vise à dispenser les départements ayant déjà construit et adopté un référentiel d'utiliser celui de la HAS. Je comprends votre intention d'harmoniser, mais il me paraît un peu excessif d'adopter un référentiel unique, sans tenir compte des outils dont les acteurs se servent déjà sur le terrain.
Le référentiel de la HAS s'inspire de celui du centre régional d'études, d'actions et d'informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui était largement utilisé par les départements. Vous comprendrez que je ne puisse pas donner un avis favorable, puisque nous entendons précisément harmoniser les pratiques à l'échelle nationale.
Ce référentiel était effectivement utilisé par une soixantaine de départements. Le CREAI de la région Auvergne-Rhône-Alpes est en train de cesser son activité et les formations relatives à ce référentiel ne sont plus dispensées, ce qui inquiète certains départements. Le référentiel de la HAS n'est pas du tout contradictoire avec celui du CREAI. La HAS a associé les parties prenantes, notamment de nombreux départements, à son évaluation. La transition vers ce nouveau référentiel se fera sans difficulté.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS301 de Mme Michèle de Vaucouleurs et AS275 de Mme Christine Cloarec‑Le Nabour.
S'il est opportun de faire valider tout référentiel par un avis de la HAS afin de s'assurer de l'existence d'un socle commun et d'un niveau d'exigence élevé, il convient de prévoir la fixation par décret de plusieurs référentiels d'évaluation des situations de risque. Une telle souplesse permettrait d'introduire ultérieurement d'autres référentiels qui démontreraient leur pertinence, qu'ils émanent ou non de la HAS, et sans qu'il soit nécessaire de modifier la loi.
Il ressort des auditions que les médecins ont émis des critiques sur le référentiel de la HAS : ils jugent qu'il n'est pas assez empirique, qu'il ne tient pas suffisamment compte des évolutions du secteur, des remontées du terrain, des bonnes pratiques et des spécificités des territoires. Il convient de s'assurer que les innovations et les spécificités des territoires seront bien prises en considération.
Ces deux amendements tendent à exclure la HAS de la procédure. Je rappelle que celle-ci est saisie pour avis, mais que c'est bien le Gouvernement qui fixe le référentiel par décret. Par ailleurs, il semble particulièrement rassurant qu'une autorité scientifique soit saisie sur cette question, car les pratiques de terrain divergent beaucoup, ainsi que l'ont relevé de nombreux rapports. J'émets un avis défavorable sur ces deux amendements, ainsi que sur les amendements similaires qui suivent.
Je suis moi aussi défavorable à tous les amendements qui visent à exclure la HAS de la procédure. On ne peut pas dire que son référentiel ne part pas des réalités du terrain ! Elle y travaille depuis deux ans, et toutes les parties prenantes sont consultées. Une première version du référentiel a été soumise au débat public ; chacun peut apporter sa contribution. Les procédures suivies par la HAS sont solides.
Certains amendements prévoient la création d'un comité de suivi. Or les procédures de révision et d'actualisation du référentiel de la HAS sont déjà prévues. Évitons des doublons qui risqueraient d'affaiblir la force scientifique de ce référentiel.
J'ai bien compris l'intérêt d'un référentiel unique, mais pourquoi se priver de la possibilité d'en retenir d'autres, que la HAS pourrait être amenée à valider ultérieurement ? Il faut se laisser la souplesse nécessaire pour pouvoir basculer, le cas échéant, d'ici trois ou cinq ans, sur un autre référentiel sans qu'il soit nécessaire de passer par la loi.
Je vais retirer l'amendement, mais je voulais m'assurer que la HAS déterminait le référentiel en fonction des bonnes pratiques des acteurs de la protection de l'enfance.
C'est le cas, madame Cloarec-Le Nabour.
L'ensemble du secteur, notamment le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), réclame un référentiel unique depuis très longtemps. Jusqu'à tout récemment, un enfant n'était pas considéré en danger de la même façon selon qu'il vivait à Lille ou à Marseille. Il est donc important, je l'affirme haut et fort, de disposer d'un tel référentiel. Par ailleurs, celui‑ci sera fixé par décret après avis de la HAS. Mais je ne pense pas que nous devions retenir des référentiels qui concurrenceraient celui que nous avons mis tant de temps à établir.
L'amendement AS275 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS301.
Elle en vient à l'amendement AS351 de M. Paul Christophe.
Je partage l'objectif de fixer un référentiel commun, tant attendu dans nos territoires, mais je reconnais m'être aussi demandé pourquoi la HAS serait la seule entité consultée. Cependant, suite aux explications du secrétaire d'État, je retire l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS214 de Mme Perrine Goulet.
Nous proposons que le référentiel de la HAS, une fois stabilisé, soit transféré, à partir de 2025 par exemple, au GIP pour la protection de l'enfance, l'adoption et l'accès aux origines personnelles. D'ici cette date, le GIP aura en effet renforcé ses compétences et pourra utilement faire évoluer le référentiel.
Avis défavorable. Nous devons laisser au GIP le choix des sujets sur lesquels il souhaite travailler.
Le GIP sera responsable de la formation liée au référentiel. Je ne comprends pas : celui-ci a été élaboré selon les procédures les plus strictes, celles de la HAS. Pourquoi nous priverions-nous de la force scientifique de cette méthode éprouvée ? Le GIP travaillera sans doute sur beaucoup d'autres référentiels ; en l'espèce, préservons la force du label de la HAS.
Il n'est pas question de remettre en cause la portée du référentiel établi par la HAS. Mais si l'on crée un GIP dédié aux politiques de l'enfance, il serait logique de lui confier la gestion de l'ensemble des référentiels. Au demeurant, rien ne l'empêcherait de s'appuyer sur la HAS ; nous aurions tout à gagner à fédérer l'ensemble des acteurs autour de ce référentiel. Que l'on ait besoin de quelques années pour le consolider, soit. Mais à terme, d'autres acteurs pourraient intervenir dans ce domaine, d'autant que la HAS a sans doute une moindre connaissance des besoins des enfants concernés. Ce serait une force de rassembler tout le monde autour de la table. Je ne partage pas vos réticences.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS133 de M. François Ruffin.
L'amendement tend à ce que les personnels soient régulièrement formés au référentiel national d'évaluation des situations à risque pour la protection de l'enfance.
Même si je suis très favorable à la formation, avis défavorable pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure.
L'amendement est satisfait. Le projet d'établissement ou de service comportera un volet formation qui s'appuiera sur le référentiel de la HAS. Je vous invite donc à retirer l'amendement ; sinon, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AS499 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, AS434 de Mme Florence Provendier et AS135 de M. François Ruffin.
J'avais déposé cet amendement d'appel pour insister sur la nécessité de former les professionnels à ce référentiel particulièrement volumineux. Compte tenu de ce qui a été dit à ce sujet, je le retire.
Les lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 ont structuré en profondeur le dispositif de réception et de traitement des informations préoccupantes en imposant notamment qu'une évaluation soit réalisée de manière pluridisciplinaire dans un délai de trois mois à compter de la réception de l'information. Toutefois, ces dispositions sont appliquées de façon hétérogène. Ainsi, si 77 % des départements indiquent réaliser l'évaluation dans le délai de trois mois, de nombreux acteurs soulignent que le délai peut être largement supérieur, notamment pour les cas les plus complexes. Les données relatives aux situations liées à une information préoccupante et évaluées semblent également très lacunaires alors qu'elles représentent l'un des principales sources de connaissance des besoins en prévention et protection de l'enfance.
Le nouveau référentiel de la HAS, qui résulte de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, constitue le premier cadre national de référence pour l'évaluation globale de la situation des enfants en danger ou en risque de danger. Il s'adresse à de nombreux acteurs de la protection de l'enfance, notamment aux professionnels des CRIP et des équipes pluridisciplinaires d'évaluation. L'application de ce référentiel nécessitant une appropriation par ces différents acteurs, l'amendement prévoit que sa prise en compte soit évaluée un an après l'entrée en vigueur de la loi.
Nous souhaitons que le Parlement contrôle le contenu du référentiel dont l'objectif doit être la protection de l'enfance. Il ne doit pas être un outil de contrôle social et répressif. C'est pourquoi nous proposons que, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le contenu de la formation et son appropriation par les équipes pluridisciplinaires de professionnels.
Il est déjà prévu qu'un rapport soit élaboré, dans un délai de six mois, en lien étroit avec le comité de suivi du déploiement du référentiel, piloté par la HAS. Il associera le ministère de la justice, celui des solidarités, l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé, l'ADF et l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE). Les amendements sont donc satisfaits.
Je profite de cette discussion pour évoquer un autre amendement, relatif au référentiel national de la HAS, qui a été déclaré irrecevable. Dans la mesure où ce référentiel n'a jamais été expérimenté, il aurait été souhaitable d'installer un comité de suivi regroupant notamment les associations d'anciens enfants placés ou victimes, afin d'en évaluer l'efficacité au bout d'un an.
Les amendements AS499 et AS434 sont retirés.
La commission rejette l'amendement AS135.
Enfin, elle adopte l'article 6 sans modification.
TITRE III AMÉLIORER LES GARANTIES PROCÉDURALES EN MATIÈRE D'ASSISTANCE ÉDUCATIVE
Article 7 : Recours à la collégialité en matière d'assistance éducative
La commission examine l'amendement AS433 de M. Didier Martin.
L'amendement tend à préciser que le renvoi à la formation collégiale peut se faire à tout moment de la procédure.
Il était prévu de prendre cette disposition par décret ; je m'en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS138 de M. François Ruffin, AS432, AS97 et AS95 de M. Didier Martin, AS216 de Mme Perrine Goulet et AS36 de M. Alain Ramadier.
L'amendement AS138 vise à préserver l'esprit de l'ordonnance de 1945 en son principe de spécialisation de la justice des mineurs. Si le recours à la collégialité est toujours une garantie supplémentaire pour les justiciables, en particulier pour les enfants, la collégialité doit respecter le principe de la spécialisation de la justice des enfants. Aussi le collège devrait-il être composé exclusivement de juges des enfants.
Afin de garantir que la formation collégiale sera composée, dans la mesure du possible, de magistrats spécialisés, l'amendement AS432 tend à indiquer qu'elle sera composée en priorité de juges du tribunal judiciaire exerçant ou ayant exercé précédemment les fonctions de juge des enfants en matière civile et pénale ou de juge aux affaires familiales.
L'amendement AS97 vise à rendre possible le recours à des juges provenant de juridictions limitrophes pour garantir la collégialité lorsque les juges spécialisés sont en nombre insuffisant dans une juridiction ainsi qu'à fixer la composition de la formation collégiale.
Quant à l'amendement AS95, il tend simplement à ce qu'en cas de nombre insuffisant de juges spécialisés au sein de la juridiction, la collégialité soit garantie par le recours à des juges provenant de juridictions limitrophes.
Si une juridiction comporte moins de deux juges des enfants, il est important de pouvoir faire appel aux magistrats des juridictions limitrophes pour former le collège précédemment mentionné.
J'en profite pour signaler que nous avions déposé un amendement visant à rendre obligatoire la présence d'un avocat en cas d'intervention de la formation collégiale, en raison de la complexité supposée de l'affaire. Hélas, il a été déclaré irrecevable.
Mon amendement vise à garantir la présence d'un autre juge des enfants dans la formation collégiale prévue à l'article 7. En effet, le juge des enfants est un magistrat spécialisé et le fait de recourir à d'autres magistrats sans garantie que ceux-ci soient compétents en la matière pourrait nuire à l'intérêt de la mesure.
S'agissant des amendements visant à restreindre la collégialité aux seuls juges des enfants ou aux juges des enfants et aux juges aux affaires familiales, je me suis également posé la question du sort réservé aux petits tribunaux judiciaires, dont vingt‑quatre ne comptent qu'un seul juge des enfants. Les échanges que j'ai eus avec les personnes auditionnées m'ont rassurée. En effet, certains tribunaux, comme celui de Bordeaux, font appel, en cas de besoin, aux juges des enfants ou aux magistrats des tribunaux judiciaires, dont certains ont précédemment exercé la fonction de juge des enfants.
En effet, le code de l'organisation judiciaire laisse à l'appréciation du tribunal, notamment de son président, l'organisation de ces formations collégiales, qui trouvent leur origine dans une recommandation du rapport conjoint des inspections générales sur les morts violentes au sein des familles, remis en avril 2019. Il est évident que les juges des enfants et les juges aux affaires familiales seront mobilisés en priorité.
Certaines juridictions procèdent déjà ainsi pour les dossiers complexes, le plus souvent à la demande des juges eux-mêmes. Ceux-ci peuvent se sentir isolés et avoir besoin d'un regard croisé. Nous proposons d'institutionnaliser cette pratique.
Dans la mesure où vingt-quatre tribunaux judiciaires comptent un seul juge des enfants, il faut laisser la faculté, madame Obono, de recourir à d'autres juges, en priorité ceux aux affaires familiales. Monsieur Martin, madame Goulet, faire appel à des juges de juridictions limitrophes contreviendrait à un principe de l'organisation judiciaire, lequel ne souffre que quelques dérogations, strictement encadrées. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements.
Les amendements AS432, AS97, AS95 et AS216 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements AS138 et AS36.
Enfin, elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La commission examine l'amendement AS217 de Mme Perrine Goulet.
Je propose que, dans le cadre du projet pour l'enfant (PPE), on prenne en compte les relations que celui-ci entretient avec ses parents et que la compétence des parents soit évaluée en fonction d'un référentiel national, fixé par décret.
Il ne s'agit pas là de faire preuve de défiance à l'égard de la capacité des parents, mais de tenir compte de la situation d'enfants qui passent dix-huit ans dans les foyers de l'enfance ou dans les familles d'accueil, sans aucune autre solution et sans perspective de retour chez leurs parents.
La notion de compétence parentale figurait dans le rapport d'information sur l'ASE que nous avons remis, avec Alain Ramadier, il y a deux ans et nous l'avons évoquée lors de l'examen de la proposition de loi de Monique Limon sur la réforme de l'adoption. J'ai bien compris qu'elle ne pouvait servir à déterminer une adoption éventuelle, mais il est important que cette notion figure dans le PPE. Ainsi, si l'on conclut à une capacité parentale, un accompagnement pourra être mis en place auprès des parents pour les faire évoluer et envisager un retour de l'enfant dans sa famille.
Est-ce parce que vous craignez que le nouveau GIP s'ennuie que vous lui confiez la rédaction d'un nouveau référentiel ? Il me semble que votre intention est satisfaite par celui de la HAS. Je vous renvoie à cet égard à la recommandation de bonne pratique qu'elle a publiée le 20 janvier. Le cadre national de référence pour l'évaluation globale de la situation des enfants en danger ou risque de danger comprend notamment un guide d'accompagnement à l'évaluation, destiné aux professionnels chargés d'évaluer la situation d'un enfant ou d'un adolescent à la suite d'une information préoccupante, qui prévoit une analyse globale de la situation partagée avec la famille.
De plus, le PPE comporte déjà des dispositions relatives aux relations avec les parents. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Avis défavorable.
Le projet pour l'enfant tient compte de cette évaluation : il s'agit d'identifier les difficultés mais aussi les leviers qui peuvent exister auprès des parents pour définir les mesures d'accompagnement des titulaires de l'autorité parentale. L'objectif est bien que l'enfant puisse revenir dans sa famille, lorsque c'est possible et dans son intérêt. L'amendement est donc satisfait.
Non, madame la rapporteure, je ne crains pas que le GIP s'ennuie, mais son objet n'est-il pas d'être le garant des référentiels, donc de l'égalité de traitement des enfants sur l'ensemble du territoire ?
Par ailleurs, vous évoquez le référentiel de la HAS mais il s'agit, ici, des enfants déjà placés sous la protection du département et pour lesquels il convient d'établir un projet. Il est important qu'un chapitre de ce PPE soit consacré à l'enfant. On y évalue certes ses relations avec ses parents, mais pas la capacité de ces derniers à élever un enfant.
Monsieur le secrétaire d'État, vous expliquez que l'amendement est satisfait. Pourquoi donc ne pas inscrire la compétence parentale dans le PPE ? Une fois encore, celle-ci serait évaluée selon un référentiel national, garant de l'égalité de traitement des enfants sur le territoire.
La réalité, c'est qu'il existe des enfants qui, pour diverses raisons, notamment liées à la santé mentale d'un parent, ne retourneront jamais dans leur famille. Pourtant, ils doivent repasser chaque année devant le juge et s'entendre dire que le retour auprès de leurs parents est impossible. Il convient de leur donner un cadre sécurisant pour leur permettre de se construire un avenir. C'est l'objet de cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AS410 de Mme Perrine Goulet, AS117 de Mme Danièle Obono ainsi qu'AS142 et AS143 de M. Erwan Balanant.
Nous avons déjà évoqué tout l'intérêt qu'aurait l'attribution d'un avocat aux mineurs concernés par une mesure d'assistance éducative. En effet, il défendrait les intérêts propres de l'enfant, non ceux des parents ou de l'ASE ; il est un tiers stable quand le juge des enfants ou les éducateurs changent de poste ou d'attribution ; il recueille la parole du mineur dans un lieu sûr et est en mesure de distinguer si celui‑ci est victime de crimes ou de délits ; il peut comprendre les mécanismes familiaux et exprimer les souhaits de l'enfant pour son avenir.
En outre, j'en ai discuté avec certains juges, la présence d'un avocat permet de sortir le magistrat de son isolement et d'alléger le poids de la décision. Enfin, généraliser à terme l'attribution d'un conseil aux mineurs entraînerait une spécialisation des avocats : cela ferait émerger une filière, elle-même génératrice de nouveaux droits pour les enfants.
Pour éviter l'irrecevabilité d'une telle proposition, je propose une expérimentation d'une durée de trois ans. Elle se déroulerait dans les juridictions où le taux de placement est supérieur ou égal à 1,5 jeune accueilli pour 100 jeunes de moins de 21 ans, notamment celles dont l'emprise porte sur les départements de la Nièvre, de l'Yonne, du Nord, du Pas-de-Calais ou de la Martinique.
Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) le montrent : le taux de placement peut être quatre fois supérieur d'un département à l'autre ! Comment l'expliquer ? Il est nécessaire qu'un tiers puisse s'interposer entre l'enfant, l'ASE et le juge et vérifier ce qui se passe. Étudier les conséquences d'une telle mesure sur le taux de placement dans ces départements permettrait précisément d'objectiver la généralisation de la présence d'un avocat auprès des mineurs concernés.
Quelle que soit la forme qu'on donne à l'amendement pour permettre sa recevabilité – nous proposons pour notre part un rapport –, il nous semble important d'avancer dans cette voie, l'avocat étant le plus à même de défendre l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette représentation existe, mais elle est soumise, en l'état actuel du droit, à deux conditions : l'enfant doit en faire la demande et être capable de discernement.
À l'instar du Conseil national des barreaux et du CNPE, nous pensons que la présence systématique d'un conseil auprès du mineur entrant dans un parcours d'assistance éducative est nécessaire pour assurer une égalité de traitement, épauler l'enfant dans ses démarches et le soutenir dans l'expression de sa parole et de ses besoins fondamentaux.
Je m'étonne que plusieurs de mes amendements aient été déclarés irrecevables. Je m'explique mal en particulier le sort qui a été réservé à l'un d'eux, qui n'avait rien de réglementaire puisqu'il visait à modifier le code civil – mais sans doute le commissaire aux lois que je suis a‑t‑il du mal à saisir les subtilités de la commission des affaires sociales. Par ces amendements, de repli donc, je propose des rapports.
La présence d'un avocat est très importante puisqu'elle permet à l'enfant placé dans une situation difficile, qui peut craindre de s'exprimer seul face au juge, d'expliquer son vécu et de dire ses préoccupations. Ce tiers, qui aura recueilli la parole du mineur, pourra la restituer lors d'une nouvelle rencontre dans le bureau du juge. Il conservera en quelque sorte l'histoire de l'enfant et sera en mesure de résumer la situation et d'établir plus facilement le lien avec le magistrat.
Les avocats de l'enfant n'existent pas dans notre pays. Comme l'a expliqué Perrine Goulet, la généralisation de la présence d'un conseil auprès des mineurs concernés par une mesure d'assistance éducative entraînera une spécialisation, ce qui est une bonne chose.
Je partage votre préoccupation. La présence d'un avocat doit‑elle être systématique ? La question mérite d'être discutée. Je crois, pour ma part, qu'elle devrait être laissée à l'initiative du juge et non plus demandée par l'enfant, car les mineurs ignorent trop souvent ce droit. Un certain nombre d'amendements allant en ce sens, vous l'avez dit, avaient été déposés, dont l'un par le groupe La République en Marche.
Je souhaiterais donc travailler, d'ici à la séance, avec le secrétaire d'État sur un dispositif national. Dans cette perspective, vos amendements me semblent moins‑disants. Je vous suggère donc de les retirer.
Nous avons déjà eu ce débat. Ici, monsieur Balanant, le rôle du juge est différent de ce qu'il est dans d'autres matières : il est de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, et de le protéger, et non de régler un conflit entre deux parties.
La formation des avocats aux questions liées aux mineurs est un sujet important. Jusqu'à présent, elle était assez aléatoire, liée aux sessions de formation continue proposées aux avocats. Elle est désormais intégrée à la formation initiale. Ainsi, madame Goulet, la filière que vous appelez de vos vœux va pouvoir se développer.
Vous soulevez par ailleurs une question intéressante : quel repère, ou quelle norme, prendre en compte pour déterminer les juridictions où doit être menée l'expérimentation que vous proposez ? Je doute que la proportion plus ou moins élevée de placements dans certains départements soit liée à la présence ou non d'un avocat ou à la manière dont le juge prend en considération l'intérêt de l'enfant. Même si ce n'est pas politiquement correct de le dire, j'estime que, dans certains départements – vous avez cité l'outre‑mer –, des facteurs sociologiques poussent à placer davantage. Dans d'autres départements, les politiques mises en œuvre afin que les familles adhèrent davantage au dispositif, notamment à travers des mesures en milieu ouvert, permettent d'éviter le placement. C'est le cas de la Moselle, qui a réussi à déjudiciariser le système.
J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements, mais nous allons travailler d'ici à la séance et nous en débattrons donc à nouveau.
Vous estimez, madame la rapporteure, qu'une expérimentation serait moins‑disante par rapport à un dispositif qui s'appliquerait sur l'ensemble du territoire. Mais vous avez évoqué à plusieurs reprises un amendement qui permettrait au juge de nommer un avocat. Où est‑il ? Nous n'en disposons pas. Au reste, l'un n'empêche pas l'autre : une telle mesure serait parfaitement compatible avec une expérimentation menée dans les départements qui ont les plus hauts taux de placement.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez raison, pour l'heure, nous ne savons pas si la présence d'un avocat influencerait, ou pas, le taux de placement. Mais, sans expérimentation, nous ne le saurons jamais ! Tous les groupes ont déposé des amendements à ce sujet. C'est donc une préoccupation commune à l'ensemble des courants politiques. On ne peut pas ne pas répondre à cette demande de la société et du Parlement.
Je vous invite à envisager cette expérimentation comme un laboratoire de recherche, afin de déterminer lequel d'entre nous a raison. Un taux élevé de placements est-il dû à un biais dans certaines juridictions ou, comme vous l'affirmez, à la configuration sociopolitique du département ? Ni vous ni moi n'avons la réponse à ce jour, mais si nous menons l'expérimentation, nous saurons, dans trois ans, s'il faut, ou non, généraliser la présence de l'avocat auprès de l'enfant. Réfléchissez à mon amendement : il pourrait être un compromis intéressant.
Comment procédons-nous habituellement quand nous voulons créer un nouveau dispositif judiciaire ou réformer le fonctionnement d'une juridiction ? Nous proposons une expérimentation dans certains départements. C'est ce que nous avons fait pour la cour criminelle départementale et, à la suite du rapport d'évaluation de la mission « flash » de MM. Savignat et Mazars, nous avons jugé judicieux de pérenniser le dispositif car il est efficace. Nous devons y réfléchir tous ensemble d'ici à la séance. Ce qui a emporté ma conviction, c'est le fait qu'un tribunal, celui de Bobigny, a systématisé la présence de l'avocat auprès de l'enfant.
Enfin, l'impact financier d'une telle disposition étant relativement faible, il ne constitue pas un obstacle.
Monsieur le secrétaire d'État, vous semblez étonné. Je vous le confirme : un barreau – il s'agit de celui de Nanterre et non de celui de Bobigny – nous a bien indiqué qu'un avocat était systématiquement désigné, et financé par la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats. Nanterre est un barreau riche, qui peut se le permettre. Il est dommage qu'un tel dispositif soit réservé aux barreaux qui en ont les moyens, d'où notre plaidoyer en faveur de l'expérimentation. Je vous remercie, monsieur Balanant, de m'avoir rappelé cet excellent argument.
Je soutiens l'amendement de notre collègue Goulet. Certes, le débat concernant l'attribution systématique d'un avocat aux enfants a eu lieu un peu plus tôt dans la journée, mais il est loin d'être épuisé. L'enfant est un sujet de droit et, à ce titre, il doit pouvoir être assisté de manière systématique d'un avocat.
De nombreux députés, membres de différents groupes, ont déposé des amendements en ce sens ; ils ont été jugés irrecevables. Restaient deux possibilités : proposer une expérimentation, comme le fait notre collègue, ou intégrer ici et là, dans diverses dispositions, le recours systématique à l'avocat.
Le Gouvernement compte‑t‑il nous proposer un dispositif d'ici à la séance publique afin que le juge ait la possibilité de désigner un avocat ou que le recours à l'avocat soit systématique pour tous les enfants ? Nous souhaitons savoir sur quel pied danser. En tout état de cause, il serait bon d'adopter la proposition d'expérimentation : si, d'ici à la séance publique, le Gouvernement ou la rapporteure nous soumet un dispositif plus pérenne, nous pourrons revenir sur cet amendement.
Vous avez raison, monsieur Chiche, le débat est loin d'être terminé. Le Gouvernement n'est pas fermé à toute mesure en la matière ; il est défavorable à la systématisation, pour les raisons précédemment exposées, que j'exposerai à nouveau en séance. La présence d'un avocat n'est pas pertinente dans toutes les situations.
Je suis effectivement étonné que ce soit systématique à Nanterre, même pour les mesures d'action éducative en milieu ouvert. Je me renseignerai.
Monsieur Balanant, vous estimez qu'il n'y a pas de problème financier, mais il s'agirait tout de même d'un doublement du montant national de l'aide juridictionnelle.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 8 : Renforcement de l'information du juge
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS15 de M. Alain Ramadier et AS397 de Mme Perrine Goulet.
L'article 8 tend à renforcer l'information du juge en cas de modification du lieu de placement de l'enfant afin de mieux sécuriser les procédures. Néanmoins, pour permettre un placement approprié à chaque enfant dépendant de l'ASE, il est nécessaire que cette information soit réalisée dans un délai strict qui n'excède pas un mois et non « dans les meilleurs délais », comme le prévoit le projet de loi. C'est l'objet de notre amendement.
Comme M. Ramadier, j'estime que la rédaction de l'article est trop imprécise mais je souhaite que le délai soit de quarante-huit heures, c'est‑à‑dire beaucoup plus court que celui qu'il propose. En effet, si le juge délègue ses prérogatives de placement à l'ASE, il reste responsable de l'enfant. Il doit donc savoir rapidement où celui‑ci est placé et si le placement est toujours adapté. Il est tout à fait possible de lui adresser un courriel pour lui expliquer que l'enfant a été déplacé dans l'urgence, et lui indiquer où il a été placé. De même, si des frères et sœurs sont séparés alors que le juge avait demandé qu'ils restent ensemble, il est important qu'il en soit informé rapidement et que les services de l'ASE justifient leur choix.
Je propose à M. Ramadier de retirer son amendement, au profit de celui de Mme Goulet, qui va dans le sens d'une meilleure information du juge, y compris en cas d'urgence.
Je suis également favorable à l'amendement de Perrine Goulet. Il est en effet nécessaire que l'ASE motive ses décisions. Je suis en revanche opposé au délai de quarante-huit heures qui est proposé : il faut éviter d'imposer une contrainte trop forte qui pourrait s'avérer inopérante. Je suggère donc que cette précision soit supprimée, mais je ne sais pas si Mme Goulet sera d'accord.
Puisque la rapporteure y est favorable, je propose que nous adoptions l'amendement et que M. le secrétaire d'État dépose un amendement en séance publique pour porter le délai à soixante‑douze ou quatre‑vingt‑seize heures. Je maintiens donc l'amendement.
L'amendement AS15 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS397.
Puis elle en vient à l'amendement AS67 de M. Guillaume Chiche.
Nous proposons que la décision de changement de lieu de placement fasse l'objet d'un arrêté du conseil départemental qui en précise les motivations. Dans le cadre de cette procédure, l'enfant bénéficiera de l'accompagnement d'un avocat. Aucun délai n'étant prévu, monsieur le secrétaire d'État, j'espère que vous serez favorable à cet amendement.
Avis défavorable.
Il faut privilégier l'information du juge, en resserrant les délais, comme nous venons de le faire. Demander aux départements de prendre un arrêté à chaque modification du lieu de placement me semble moins opérationnel.
. La rédaction d'un arrêté me semble contraignante et risque d'alourdir les procédures. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS140 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit d'une proposition de l'association Repairs! visant à permettre l'application du droit administratif, notamment en matière de référé‑suspension ou de référé‑liberté, si la situation de l'enfant l'exige. La modification du lieu de placement de l'enfant peut avoir des conséquences extrêmement lourdes car elle l'arrache au tissu affectif et social qu'il a pu créer. Il est donc nécessaire de prévoir qu'une telle décision peut faire l'objet d'un recours. C'est pourquoi nous souhaitons préciser que toute décision de modification du lieu de placement est réputée prise sous l'autorité du président ou de la présidente du conseil départemental.
Le service départemental d'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département, comme le précise l'article L. 221‑1 du code de l'action sociale et des familles. Il est placé sous l'autorité du président du conseil départemental en vertu de l'article L. 221‑2 du même code, qui engage sa responsabilité au titre de l'article L. 221‑1‑2. Votre amendement me semble donc satisfait ; je vous invite à le retirer. À défaut, j'y serais défavorable.
. Même avis, pour les mêmes raisons. Les modifications de lieu de placement font désormais systématiquement l'objet d'une information du juge des enfants. Cette nouvelle rigidité administrative n'est donc pas utile.
Je soutiens l'amendement. Une collectivité territoriale sait parfaitement prendre des arrêtés et formaliser des actes administratifs : cela n'alourdira pas le travail des services départementaux. En revanche, cela garantira la possibilité d'un recours contre les décisions de déplacement de ces enfants.
Lors des auditions de la mission d'information sur l'ASE, des personnes, placées lorsqu'elles étaient mineures, nous ont expliqué la violence de ces déplacements d'un département à un autre, voire d'une région à une autre. Même lorsqu'il existe des dispositifs d'accompagnement, de telles ruptures sont particulièrement douloureuses. Il est donc normal de disposer d'un recours contre ces décisions mais, pour être contestable, la décision doit être formalisée.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AS19 de M. Alain Ramadier.
La disposition de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant instaurant le PPE est encore trop rarement respectée. Pourtant, ce projet permet de replacer l'enfant au cœur de son parcours. Afin que le juge puisse statuer au mieux sur le placement d'un enfant, l'amendement précise que le PPE lui est transmis de manière automatique et obligatoire.
L'article L. 223‑1‑1 du code de l'action sociale et des familles prévoit la transmission du PPE au juge lorsqu'il est saisi. Dès lors, votre amendement est satisfait et j'en demande donc le retrait. Mais je suis consciente que, malheureusement, la loi n'est pas appliquée dans les départements et que le PPE n'est pas toujours élaboré.
Même avis pour les mêmes raisons, et en faisant le même constat.
Je retire l'amendement, mais il faut absolument que la loi soit appliquée s'agissant du PPE.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 8 modifié.
Après l'article 8
La commission examine l'amendement AS139 de M. François Ruffin.
Nous souhaitons renforcer l'obligation qu'a le président du conseil départemental d'informer le juge des enfants. En effet, faute de moyens, les services départementaux ne communiquent que très rarement ou très tardivement leurs informations au juge. Nous proposons donc que cette communication soit assurée de manière régulière.
Cet amendement pose deux problèmes. Tout d'abord, il part du principe que l'enfant dispose nécessairement d'un conseil, ce qui n'est pas nécessairement le cas, comme nous venons de le voir. Ensuite, les modalités d'information du juge par le conseil départemental sont déjà garanties, notamment par le biais de la communication du PPE lors de sa saisine. En l'état, votre amendement me paraît trop large lorsqu'il prévoit la communication par le conseil départemental de toute information, indépendamment de la pertinence du moment de cette transmission. Cela me paraît difficilement réalisable.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
TITRE IV AMÉLIORER L'EXERCICE DU MÉTIER D'ASSISTANT FAMILIAL
Avant l'article 9
La commission est saisie des amendements identiques AS68 de M. Guillaume Chiche, AS144 de Mme Danièle Obono et AS386 de Mme Florence Provendier.
Cet amendement, qui a été travaillé avec l'association Repairs!, prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la pénurie de familles d'accueil. Vous l'aurez compris, cette rédaction avait pour objectif d'échapper aux fourches caudines de la recevabilité financière. Il s'agit d'inciter le Gouvernement à identifier les solutions pour remédier au problème urgent de la pénurie de familles d'accueil.
À titre d'exemple, il serait souhaitable de favoriser les passerelles entre la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, d'une part, et le métier d'assistant familial, d'autre part. En effet, un éducateur de l'ASE qui souhaiterait devenir famille d'accueil doit soit se mettre en disponibilité, soit démissionner, car il ne peut pas cumuler le statut de fonctionnaire avec celui de contractuel de la fonction publique. Or il peut être intéressant que des personnels déjà formés à la protection de l'enfance puissent s'orienter en cours de carrière vers le métier de famille d'accueil.
Il nous semble nécessaire d'appeler l'attention du Gouvernement sur cette situation de pénurie, dont il a connaissance. Il faut désormais y apporter des solutions. Rappelons que, depuis 2012, le nombre de familles d'accueil est passé de 50 000 à 45 000. Cette situation est d'autant plus problématique que la fin de l'hébergement des enfants seuls dans des hôtels rend encore urgente la nécessité de disposer d'autres structures d'accueil. C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'un rapport au Parlement fasse le point sur la pénurie de familles d'accueil.
Comme vous le savez, en dix ans, le nombre de familles d'accueil est passé de 50 000 à 45 000, alors que, dans le même temps, le nombre d'enfants confiés à l'ASE a augmenté de 50 %. Cela soulève deux questions : comment encourager les familles à accueillir des enfants, malgré les évolutions sociétales ? Comment bien accueillir le nombre croissant des enfants confiés à l'ASE ? Compte tenu de l'importance de ces enjeux, il est extrêmement important de disposer d'un constat clair.
Nous disposons déjà de nombreuses données sur la pénurie de familles d'accueil. Un rapport de la Cour des comptes a été publié en novembre 2020 et, dans le cadre de ses travaux d'analyse sur les professions sociales, la DREES réalise actuellement une grande enquête statistique sur les assistants familiaux, dont les résultats exhaustifs seront publiés en 2022. Nous avons besoin d'assistants familiaux ; il faut donc donner envie à des personnes de s'engager dans cette profession : c'est l'objet de l'article 9 du projet de loi.
Je vais essayer d'être bref et synthétique.
Je vous rassure, monsieur Chiche : le Gouvernement a bien conscience de la pénurie d'assistantes familiales. C'était d'ailleurs le thème d'un des groupes de travail installés dans le cadre de la concertation lancée dès mars 2019, qui a abouti à la stratégie de prévention et de protection de l'enfance. Ce groupe avait conclu qu'il fallait continuer à travailler à la revalorisation de ce métier et à l'amélioration de son attractivité. Tous les départements sont confrontés à ces difficultés, liées à une pyramide des âges défavorable et à un recrutement insuffisant.
Des concertations ont été menées pendant un an avec les associations et les syndicats d'assistantes familiales ainsi qu'avec les employeurs, publics comme privés – comme vous le savez, un certain nombre de départements délèguent à des associations gestionnaires l'embauche et l'emploi de ces assistantes familiales.
Les dispositions des articles 9 à 11 que nous allons examiner sont le fruit de ces concertations. Elles sont importantes et sont, je crois, bien accueillies par les professionnels concernés. D'autres dispositions ne relevant pas de la loi sont aussi prévues pour revaloriser ce métier ; je donnerai davantage de précisions à leur sujet en séance.
Comme la rapporteure l'a indiqué, la DREES a entamé un travail statistique. Je dispose déjà de certains de ses résultats. En 2019, 52 000 agréments d'assistantes familiales sont en cours de validité, dont 1 500 agréments mixtes – on peut en effet être à la fois assistant familial et assistant maternel. En cinq ans, le nombre total d'agréments d'assistantes familiales a diminué de 5 %, et de 3 % si l'on considère les assistantes familiales à titre exclusif. Cette évolution varie selon les départements, mais on constate une baisse dans six collectivités sur dix.
En 2019, les collectivités ont accordé environ 7 600 agréments d'assistant familial, contre 8 100 en 2018 et 8 300 en 2017. Dans 39 % des cas, il s'agit d'un premier agrément et dans 61 % des cas d'un renouvellement. Par ailleurs, plus de 300 agréments ont été retirés et 200 ont été suspendus.
Au 31 décembre 2019, 36 600 assistants familiaux étaient employés directement par les conseils départementaux et 12 % d'entre eux exerçaient dans un département différent de leur département de résidence. Entre 4 000 et 6 000 assistants familiaux sont employés par les services associatifs habilités, donc par un employeur privé.
En 2016, la moyenne d'âge des assistants familiaux était de 53 ans ; dans 91 % des cas, il s'agit de femmes. Les moins de 45 ans ne constituent que 16 % des effectifs, tandis que les plus de 60 ans en représentent 24 %. On observe une tendance au vieillissement mais aussi à la masculinisation, même si les assistantes familiales restent très largement majoritaires.
Dernier point, très important : entre 2007 et 2019, 21 900 assistants familiaux ont été diplômés. Ils passent de plus en plus le diplôme d'État d'assistant familial. Il convient de se réjouir de cette tendance croissante, qui concourt à la professionnalisation du métier.
La commission rejette les amendements.
Article 9 : Améliorer l'exercice du métier d'assistant familial
La commission est saisie de l'amendement AS152 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à prendre davantage en compte et à valoriser le rôle des assistantes familiales, en leur permettant notamment d'accéder à des informations figurant dans le dossier des enfants qui ont été victimes de violences. Ces personnes côtoient ces enfants tous les jours, peuvent parler de leur évolution, de leur récit et de leur rapport aux autres, enfants ou adultes. Or elles ne sont jamais entendues pour évoquer les fragilités ou les progrès des enfants dont elles ont la charge.
Il y a pourtant là une mine d'informations qu'il faudrait utiliser et valoriser. C'est la raison pour laquelle nous proposons par cet amendement que l'assistant familial participe à l'accompagnement de l'enfant mineur et du jeune majeur en s'appuyant sur ses antécédents et qu'il contribue à éclairer le corps médical et l'autorité judiciaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant et du jeune majeur.
La question délicate du secret partagé, qui a été abordée par les représentants des syndicats d'assistants familiaux lors de leur audition, a été longuement évoquée cet après-midi. À qui doit-on transmettre les informations concernant les enfants ? Je vous rappelle que le PPE, tel qu'il est défini par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, doit faire l'objet d'une construction commune par les titulaires de l'autorité parentale, l'enfant et le tiers impliqué dans sa vie. Cela inclut donc les assistants familiaux, le cas échéant. Hélas, je vous l'accorde, le PPE n'est pas souvent mis en place. Par ailleurs, le contrat des assistants familiaux doit stipuler les modalités de transmission des informations concernant l'enfant.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS400 de Mme Perrine Goulet.
Nous convenons tous du fait qu'il existe une pénurie d'assistants familiaux. Je vous propose une solution pour tenter modestement d'y remédier.
En effet, tous les enfants qui sont placés sous protection n'ont pas besoin d'avoir un assistant familial à temps plein à leur côté. Nombre d'entre eux peuvent aller seuls à l'école, à la cantine, voire en garderie, comme n'importe quel autre enfant, même s'il ne s'agit pas de la majorité des cas. Dès lors, nous pourrions, comme nous l'avions proposé avec Alain Ramadier dans le rapport de la mission d'information sur l'ASE, offrir la possibilité de devenir assistant familial à des professionnels qui n'ont pas forcément un emploi à temps plein ou qui disposent de possibilités d'aménagement de leur temps de travail.
Je pense bien entendu aux enseignants, dont les horaires correspondent souvent au rythme de vie des enfants. Or, actuellement, si un enseignant veut être assistant familial, il ne le peut pas car le statut général de la fonction publique interdit le cumul d'activités. Je propose donc qu'il soit possible d'y déroger, de manière que ces fonctionnaires puissent devenir familles d'accueil pour un certain nombre d'enfants qui n'ont pas de difficultés particulières, voire des familles relais ou des familles de répit. Ainsi les assistants familiaux qui accueillent les enfants continuellement chez eux pourraient se reposer sur des personnes susceptibles de prendre le relais pendant le week-end ou les vacances. Compte tenu de la pénurie actuelle, il ne faut pas s'interdire certaines possibilités.
En tant qu'ancienne enseignante, je souscris pleinement à l'esprit de cet amendement. La possibilité de cumuler des activités est, de manière générale, peu utilisée en pratique. Dans la fonction publique, elle se heurte aux textes encadrant ce cumul. C'est pourtant une piste intéressante pour favoriser le recrutement d'assistants familiaux. J'émets donc, malgré tout, un avis favorable.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
Pour les salariés du secteur privé, le cumul est possible, sous réserve de l'accord du premier employeur ; dans la pratique, cela concerne très peu de personnes. Il est intéressant de réfléchir à une utilisation accrue de cette faculté, mais cela soulève beaucoup de questions. Cela reviendrait à créer un statut dans le statut de l'assistant familial, en quelque sorte. Sera‑t‑il possible d'accueillir le même nombre d'enfants ? L'agrément sera-t-il du même type ? Quelles seront les obligations de formation ? La rémunération sera‑t‑elle calculée de la même manière que celle des assistants familiaux dont c'est le métier à titre exclusif ?
Il faut y réfléchir, notamment avec les principaux intéressés. Je dois avouer que cette possibilité faisait partie de mes premières intuitions il y a trois ans, lorsque nous avons commencé à réfléchir à ces sujets. Toutefois, alors que cette piste avait été évoquée au cours de la concertation lancée en 2019, les acteurs ne s'en sont pas emparés.
Pour la fonction publique, la question est plus délicate, car autoriser le cumul d'activités impliquerait de toucher au statut, avec un risque de l'affaiblir, en quelque sorte. En outre, la jurisprudence du Conseil d'État interdit qu'un fonctionnaire puisse être également contractuel de droit public.
Nous n'avons pas pour habitude d'aller à l'encontre de l'avis de la rapporteure, mais les arguments de M. le secrétaire d'État, en particulier ses mises en garde quant au fait que le dispositif ne soit pas entièrement calé, sont convaincants. Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à la proposition. Nous serions même plutôt favorables à l'idée d'encourager l'embauche d'assistants familiaux au vu de la pénurie qui existe déjà et qui va s'aggraver, car beaucoup vont partir à la retraite, mais il vaut mieux s'assurer de rester dans les clous. Il faut aussi éviter de faire croire qu'il suffirait de voter une telle disposition pour régler instantanément le problème.
Ce qui est proposé existe déjà dans certains départements, notamment pour des familles d'accueil relais.
Il reste sûrement des choses à caler, monsieur le secrétaire d'État, mais je propose tout simplement d'inscrire dans le texte le principe selon lequel les fonctionnaires qui le souhaitent peuvent demander un agrément, ce qui est interdit par la loi Le Pors. Le reste relève de toute façon du domaine réglementaire.
L'idée avait déjà été évoquée il y a deux ans. Nous ne l'avions pas sortie de notre chapeau, d'ailleurs : un certain nombre de personnes avaient soulevé le problème. Moi‑même, j'avais été confrontée au cas d'une enseignante dont le mari était assistant familial, qui voulait le devenir elle aussi tout en gardant son métier – qu'elle aimait –, mais cela n'avait pas été possible. Compte tenu de la pénurie d'assistants familiaux et de la désaffection dont souffre ce métier, il ne faut pas s'interdire de telles possibilités.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS457, AS458, AS459, AS460 et AS461 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Elle passe ensuite à l'amendement AS471 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
L'amendement vise à préciser qu'il est possible de déroger à la clause d'exclusivité prévue par l'employeur pour garantir la continuité de la prise en charge d'un enfant accueilli, par exemple si un enfant change de département ou de structure de prise en charge mais pas d'assistant familial.
L'amendement me semble satisfait : j'en demande le retrait.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS230 de Mme Delphine Bagarry.
Il s'agit d'ouvrir la possibilité de cumuler un contrat d'assistant familial avec un emploi. Cela contribuerait à développer l'attractivité de ce métier, de manière à remédier à la pénurie. Par ailleurs, cette proposition répond à la volonté exprimée par les représentants des personnes concernées.
Enfin, conformément à l'objectif d'intégrer les mineurs faisant l'objet d'une mesure de protection judiciaire, ce cumul participerait à la normalisation de leur prise en charge, car ils seraient ainsi placés dans un milieu familial ordinaire.
La commission rejette l'amendement.
Enfin, elle adopte l'article 9 modifié.
Après l'article 9
La commission examine l'amendement AS20 de M. Alain Ramadier.
L'amendement vise à ouvrir la possibilité aux personnes ayant un travail d'accueillir un enfant de l'ASE, selon des conditions très strictes. Cela permettrait de faire face à la pénurie de personnes prêtes à accueillir ces enfants.
L'amendement est satisfait : l'article L. 423‑34 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans le privé, le cumul d'activité peut être autorisé par l'employeur. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS146 de M. François Ruffin.
Nous demandons la remise d'un rapport sur la possibilité d'exercer un emploi tout en accueillant des enfants dont la situation éducative et affective le permet. Nous voudrions également que soient envisagés des dispositifs de défraiement des familles d'accueil, sur la base des frais réellement engagés pour l'enfant qui leur est confié.
Les assistants familiaux sont souvent confrontés à une surcharge, ce qui rend leurs conditions de travail délétères. Cela s'explique par le manque de familles d'accueil, mais aussi par le fait que les revenus de ces familles ne sont pas toujours satisfaisants, ce qui pousse certaines d'entre elles à prendre autant d'enfants que possible – c'est‑à‑dire trop.
Les assistants familiaux demandent de plus en plus à pouvoir travailler en parallèle de l'accueil de l'enfant, comme le font les personnes ayant des enfants. De fait, leur ouvrir cette possibilité rendrait cette activité plus attractive.
C'est toujours le même débat, que nous poursuivrons d'ailleurs en séance. À ce stade, je vous demande de retirer votre amendement.
La DREES mène actuellement une vaste enquête nationale statistique sur le métier d'assistant familial. Elle vise à mieux connaître ces professionnels et devrait répondre à vos interrogations.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS149 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement porte sur la question du handicap, qui est centrale dans l'ASE. Certains troubles du déficit de l'attention, avec ou sans hyperactivité, ainsi que des TSA peuvent être ignorés dans le parcours de l'enfant. À la suite d'une mauvaise appréciation de leur situation, certains enfants peuvent ainsi être placés auprès des services d'aide à l'enfance. De même, les assistants familiaux qui accueillent ces enfants se retrouvent débordés par les conséquences de troubles affectant leur comportement.
Nous proposons d'expérimenter, dans un ressort maximal de deux régions et six départements volontaires, des formations initiales ou ponctuelles destinées aux assistants familiaux pour les aider à prendre en charge ces troubles ainsi que les autres formes de handicap.
Votre proposition me semble très intéressante. Elle reflète d'ailleurs une demande entendue lors des auditions. Toutefois, le contenu de la formation des assistants familiaux ne relève pas du domaine de la loi.
Avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé de la formation des assistants familiaux : pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui est prévu dans ce domaine concernant le handicap ?
Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Effectivement, la formation des assistants familiaux relève du règlement. Je ne développerai ce point que la semaine prochaine en séance, car certains éléments doivent encore être arrêtés, mais je puis d'ores et déjà vous dire que la nouvelle maquette du diplôme inclura des modules relatifs aux troubles du déficit de l'attention, aux TSA et aux autres formes de handicap. Les assistants familiaux accueillent souvent des enfants en situation de handicap : il est nécessaire de les former.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS150 de M. François Ruffin.
L'amendement vise à expérimenter une coordination entre les assistants familiaux d'un même secteur. Il s'agira également de rendre régulièrement visite à ces personnes, d'échanger avec elles sur les problèmes qu'elles rencontrent et d'organiser des groupes de parole réguliers. La question de l'isolement des assistants familiaux est revenue souvent lors des auditions et des rencontres : ces professionnels se retrouvent seuls avec des enfants au parcours difficile, sans relais ni lieux d'échange. Il leur est également très difficile de prendre des congés.
Votre proposition relève de l'organisation interne des départements et non du domaine de la loi : avis défavorable.
L'intégration des assistants familiaux, notamment dans les équipes éducatives, est une vraie question. La crise sanitaire a aggravé le problème dans certains cas, même si elle a parfois été l'occasion de le régler. Les situations sont très disparates : dans certains endroits, tout ce que vous proposez existe déjà, mais dans d'autres des progrès restent à faire. Le Gouvernement formulera des propositions à cet égard en séance.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendement AS147 de M. François Ruffin et AS148 de Mme Danièle Obono.
Nous demandons la remise de rapports afin de créer des passerelles entre le métier d'éducateur spécialisé et celui d'assistant familial. Il faudrait permettre à tous ceux qui travaillent en foyer de devenir assistants familiaux. Actuellement, celles qui font ce choix doivent présenter leur démission ou se mettre en disponibilité. Il convient de faciliter le passage d'un métier à l'autre, car ils sont extrêmement proches, et faciliter la reconversion.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS154 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit, une fois encore, de travailler sur les conditions et la charge de travail des assistants familiaux en foyer. Les objectifs du rapport que nous demandons seraient notamment d'établir le nombre de personnes nécessaires par enfant et les moyens de remédier à un éventuel manque de personnel.
Le nombre d'assistants familiaux diminue chaque année. Selon la Fédération nationale des assistants familiaux (FNAF), en 2019, il y en avait 38 000 pour 110 000 enfants, soit trois enfants par assistant. Ce n'est d'ailleurs qu'une moyenne : le ratio est bien plus mauvais dans certains endroits. De manière générale, toutes les associations considèrent que le nombre d'assistants est insuffisant. Le rapport que nous demandons permettrait d'y voir un peu plus clair sur les manques et les besoins dans chaque département et aiderait à établir un plan d'action et de recrutement pour compenser ces carences.
Même avis : je vous renvoie de nouveau à l'enquête de la DREES.
La commission rejette l'amendement.
Article 10 : Améliorer l'exercice du métier d'assistant familial
La commission est saisie de l'amendement AS145 de M. François Ruffin.
Une enquête devrait être organisée avant le retrait de l'agrément, et il faut qu'elle soit aussi rapide que possible. Certains témoignages que nous avons recueillis montrent qu'il existe des situations difficiles, tant pour les enfants que pour les familles d'accueil. Il convient donc de s'assurer de la nécessité de retirer l'agrément et de mesurer les conséquences de cette décision.
Ce sujet est revenu régulièrement lors des auditions. Toutefois, l'article L. 421‑6 du code de l'action sociale et des familles prévoit déjà que l'agrément ne peut être suspendu qu'en cas d'urgence. Votre amendement est donc satisfait. Il s'agit bien souvent de cas dans lesquels on suspecte des actes de maltraitance ; l'enfant doit alors être retiré avant le déroulement de l'enquête. Comment faire autrement, compte tenu du principe de précaution ? L'article 9 marque une avancée, puisqu'il garantit le maintien de la rémunération de l'assistant familial pendant la suspension de son agrément. Cette garantie financière est essentielle. Je ne peux donc qu'être défavorable à votre proposition.
Avis défavorable. Le conseil départemental et la commission départementale de l'accueil du jeune enfant peuvent s'exprimer dans le cadre des enquêtes menées, qui relèvent parfois de la procédure pénale. L'équilibre entre la protection de l'enfant, qui encourt parfois un danger imminent, et le respect de la présomption d'innocence est un sujet complexe.
Je voudrais insister sur le fait que les articles 9, 10 et 11 entraîneront des avancées majeures pour les assistants familiaux. Ces derniers bénéficieront du SMIC dès le premier enfant accueilli, se verront garantir le versement de 80 % de leur salaire s'ils prennent en charge un nombre d'enfants inférieur à ce que prévoyait l'agrément et leur rémunération sera maintenue pendant quatre mois en cas de suspicion de maltraitance. Nous allons en outre discuter de la possibilité de prolonger leur activité au‑delà de l'âge de la retraite pour éviter les ruptures dans les parcours des enfants.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS155 de M. François Ruffin.
Cet amendement vise à renforcer les contrôles de l'activité des assistantes familiales. Plusieurs d'entre elles nous ont expliqué que les personnes devant être contrôlées étaient prévenues, parfois plusieurs semaines à l'avance. Selon une étude de la FNAF, on recense environ 18 % de familles d'accueil maltraitantes. Il faut agir de manière ferme et déterminée pour faire cesser ces situations. Pour cela, il est nécessaire d'effectuer des contrôles réguliers et inopinés.
Votre amendement me paraît satisfait par l'article L. 221‑1 du code de l'action sociale et des familles, qui dispose que « le service [de l'aide sociale à l'enfance] contrôle les personnes physiques ou morales à qui il a confié des mineurs, en vue de s'assurer des conditions matérielles et morales de leur placement ». Le conseil départemental peut donc tout à fait réaliser des visites de contrôle régulières et inopinées. Il doit par ailleurs effectuer un contrôle au moment du renouvellement de l'agrément.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 10 sans modification.
Article 11 : Améliorer l'exercice du métier d'assistant familial
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS464 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Puis elle est saisie des amendements identiques AS463 de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, et AS446 de M. Didier Martin.
L'article 11 vise à permettre aux assistants familiaux employés par une personne morale de droit public de poursuivre leur activité au-delà de 67 ans afin d'accompagner les enfants qu'ils accueillent. Nous vous proposons, logiquement, de repousser à 21 ans la limite d'âge de prise en charge pour les jeunes.
Avis favorable.
C'est un amendement important. Il n'agit pas de faire travailler les gens plus longtemps et de réaliser une réforme des retraites qui ne dirait pas son nom, mais d'éviter les ruptures dans la prise en charge des enfants. J'évoquais le documentaire Itinéraire d'un enfant placé, où l'on voit le petit Yanie, placé depuis l'âge de 2 ans dans sa famille d'accueil, être contraint de la quitter à 14 ans parce que l'assistant familial prend sa retraite. Le dispositif proposé est encadré ; une visite médicale annuelle est notamment prévue.
Pour avoir été témoin de ces situations sur le terrain, j'approuve les avis favorables qui viennent d'être exprimés.
La commission adopte les amendements.
La commission examine ensuite l'amendement AS156 de M. François Ruffin.
Nous souhaitons compléter l'article pour que l'âge de départ à la retraite des assistantes familiales soit régi par l'article L. 351‑8 du code de la sécurité sociale. Rien ne justifierait, en effet, que les assistantes familiales soient amenées à travailler au-delà de 67 ans. L'article L. 422-7 du code des communes ne devrait pas s'appliquer à ces personnes, qui effectuent un travail difficile, que l'article 11 pourrait les amener à faire plus longtemps. Le report de l'âge de départ à la retraite des assistantes familiales est une mauvaise manière de pallier les insuffisances constatées dans les foyers et les familles d'accueil. Les assistantes familiales doivent pouvoir partir à la retraite comme le reste de la population, à 62 ans – même si l'âge légal devrait être, selon nous, abaissé.
Par ailleurs, nous proposons que les assistantes familiales puissent poursuivre leur activité uniquement pour terminer un contrat déjà entamé, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'enfant ait 18 ans. Ce serait une mesure de bon sens pour l'enfant et qui contribuerait à prévenir les situations de maltraitance.
Les droits à la retraite des assistants familiaux employés par le secteur privé sont les mêmes que ceux des autres salariés du privé. L'article 11, quant à lui, porte sur les assistants familiaux employés par les départements. Il leur offre la possibilité de différer d'un, deux ou trois ans leur départ à la retraite, avec l'accord du médecin de prévention, pour accompagner un jeune jusqu'au bout, ce à quoi je suis personnellement favorable. Introduire l'alinéa que vous proposez équivaudrait à leur demander de revenir sur leur accord.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Après l'article 11
La commission est saisie de l'amendement AS218 de Mme Perrine Goulet.
La loi « travail » de 2016 prévoyait qu'un décret serait pris pour définir les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés dans les lieux de vie et d'accueil, tels que les centres aérés, les colonies de vacances et les foyers de l'enfance. Voilà cinq ans que l'on attend ce décret. J'avais proposé, dans un amendement qui a été frappé d'irrecevabilité, de reprendre la rédaction du CNPE, qui définissait des taux d'encadrement et des critères relatifs à la qualité des encadrants. Par le présent amendement, je suggère que ces éléments soient définis par un décret en Conseil d'État.
Le décret est attendu non seulement par les parlementaires mais aussi par les responsables des lieux de vie, qui souhaitent une clarification, en particulier concernant le calcul des horaires de travail et du temps de travail. Je vous invite à retirer votre amendement, puisqu'on m'a indiqué que le Premier ministre avait signé le décret ce soir.
J'aimerais en avoir connaissance d'ici à la séance. Merci, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir fait en sorte que l'on aboutisse enfin sur ce sujet ! J'aimerais croire que le lobbying mené par plusieurs collègues, dont moi-même, depuis des mois y a contribué.
Le décret a été travaillé avec tous les acteurs, parmi lesquels la Fédération nationale des lieux de vie et d'accueil.
L'amendement est retiré.
TITRE V MIEUX PILOTER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DE L'ENFANCE
Avant l'article 12
La commission examine les amendements identiques AS475 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, et AS447 de Mme Monique Limon.
L'amendement a pour objet de modifier l'intitulé du titre V afin de prendre en considération la protection maternelle et infantile (PMI). Il vise à distinguer la PMI de la gouvernance générale de la protection de l'enfance. Si les services de PMI contribuent directement à cette politique, leur action dépasse ce seul champ pour embrasser, selon le principe d'universalité proportionnée, toutes les actions destinées à soutenir les parents, notamment les plus défavorisés, ou encore à participer au dépistage des troubles précoces du développement.
L'amendement a pour objet de consacrer l'existence de la PMI dans le projet de loi. Bien qu'elle participe amplement à la prévention et à la protection de l'enfance, la PMI exerce de nombreuses autres missions de prévention, de soutien à la parentalité et d'accompagnement des modes de garde.
La commission adopte les amendements.
Article 12 : Gouvernance de la protection maternelle et infantile
Suivant l'avis de de Mme Michèle Peyron, rapporteure, la commission rejette l'amendement AS368 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
Puis elle examine l'amendement AS312 de M. Paul Christophe.
Cet amendement vise à ce que l'élaboration des objectifs socles assignés à la PMI soit le fruit d'un dialogue équilibré entre l'État et les départements.
Je partage cet objectif. Le département exerce pleinement sa compétence en matière de PMI. Parallèlement, la définition de la stratégie nationale de santé dans laquelle s'inscrivent les priorités pluriannuelles définies à l'article 12 est une prérogative du Gouvernement. Elle a pour objet d'assurer une harmonisation à l'échelle nationale. Par ailleurs, l'article L. 2112‑1 du code de la santé publique prévoit la participation de l'État à la définition d'une politique de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile. Cela n'empiète en rien sur les compétences du conseil départemental, définies à l'article L. 2112-2 du même code.
Défavorable.
Le sujet mérite d'être clarifié. Des présidents de département nouvellement élus ou sur le point de l'être m'ont d'ailleurs fait part d'interrogations qui rejoignent les questions soulevées dans l'amendement.
Le texte contient en fait deux dispositions d'inégale portée, qui ont un objet commun, celui de redynamiser la PMI, dans la lignée de ce que nous réalisons dans le cadre de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance.
L'article 12 identifie des priorités pluriannuelles d'action en matière de PMI, sur lesquelles porte votre amendement. Je rappelle sur ce point que la loi confie à l'État la politique de santé, laquelle comprend notamment l'animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile. Les dispositions de l'article s'inscrivent dans le cadre d'une gouvernance nationale rénovée de la PMI, en vue de renforcer la cohérence entre les politiques nationales et les enjeux territoriaux. C'est une démarche qui doit nécessairement se faire en concertation avec les représentants des départements : les choses sont très claires à cet égard.
Cela étant, la détermination des priorités nationales de santé, notamment en matière de protection maternelle et infantile, est de la responsabilité de l'État, en particulier du ministre chargé de la santé, ce qui explique la rédaction de l'alinéa 4. Il s'agira de définir de façon concertée des thématiques de santé publique identifiées comme prioritaires, par exemple la lutte contre l'obésité ou l'action en faveur de la santé mentale, que les départements seront invités à appliquer à un rythme pluriannuel dans le cadre de leurs missions habituelles et de manière adaptée aux caractéristiques de leur territoire. L'objectif est de mieux articuler les priorités de santé publique identifiées à l'échelon national comme étant les principaux déterminants de la santé des enfants avec les activités déployées par les services de la PMI. Un décret précisera la durée d'application de ces priorités, qui devrait être a priori de trois ans, pour que les actions aient le temps de se déployer.
Ces dispositions ne remettent évidemment pas en cause la compétence des départements à l'égard de la PMI, mais visent à inscrire dans le code de la santé publique les normes minimales d'activité et de personnel. Si celles-ci s'imposent en principe aux départements, le rapport de Mme Peyron a souligné qu'elles n'atteignent plus leur objet. Le texte les remplace donc par des objectifs nationaux de santé publique fixés par voie réglementaire et visant à garantir un niveau minimal de réponse aux besoins de la population.
Je citerai, à titre d'exemple, l'action que nous menons dans le cadre des « 1 000 premiers jours », notamment la généralisation de l'entretien prénatal précoce au quatrième mois de grossesse, qui marque l'entrée dans ce parcours. Les PMI jouent un rôle essentiel en la matière. Ces dispositions permettront d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, afin que, dès que possible, l'ensemble des femmes puissent bénéficier de cet entretien prénatal.
Je vous demande de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Les précisions apportées par la rapporteure et le secrétaire d'État, notamment en ce qui concerne la concertation, m'ont convaincu.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS37 de M. Alain Ramadier.
Cet amendement du groupe Les Républicains vise à garantir que les priorités pluriannuelles d'action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile seront identifiées conjointement par le ministre et les départements. En effet, la protection de la santé maternelle et infantile est une compétence des départements. S'il incombe au ministère de la santé de définir la stratégie nationale de santé en général, il est donc normal que la définition des priorités sur ce sujet précis fasse l'objet d'un travail conjoint, et non simplement d'une concertation.
Même argumentaire que pour l'amendement précédent. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS437 de Mme Monique Limon.
Cet amendement d'appel vise à créer au niveau local un dispositif miroir de celui existant au niveau national. En effet, si nous devons lutter contre l'hétérogénéité des pratiques de PMI, qui sont source d'iniquité entre les départements, nous ne devons pas oublier que chaque territoire présente des spécificités, tant démographiques que géographiques, qui peuvent concerner la santé publique. Un territoire peut avoir un fort taux d'obésité infantile quand un autre peut présenter un taux de vaccination infantile plus faible. Ainsi, la réunion annuelle permettrait aux trois acteurs concernés – le directeur général de l'ARS, le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et le président du conseil départemental – d'organiser des actions ciblées afin d'agir précisément sur les problématiques repérées.
Voilà qui illustre les difficultés inhérentes à l'exercice différencié d'une compétence décentralisée en matière de PMI. En témoignent le taux d'enfants bénéficiant d'un bilan de santé en école maternelle, le suivi des femmes enceintes ou encore le nombre de visites à domicile.
Votre amendement conduirait sans doute à trop empiéter sur les compétences des conseils départementaux. Si les explications du Gouvernement, à qui s'adresse cette question sur le besoin d'harmonisation des actions de PMI, vous conviennent, je vous proposerai de le retirer.
La gouvernance renouvelée vise à identifier, dans une logique de partenariat et de dialogue renforcés, des thématiques de santé publique considérées comme prioritaires sur le plan national, et appliquées de façon pluriannuelle avec les départements. La stratégie de prévention et de protection de l'enfance, dans son volet de contractualisation, relève déjà de cette logique. Elle a permis, sur le terrain, une relance du dialogue entre les conseils départementaux, les ARS et les préfets, en particulier dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé maternelle et infantile. Je partage votre souhait de maintenir cette dynamique en lien avec l'assurance maladie, laquelle participe activement à la promotion de la santé maternelle et infantile au moyen de conventions de financement conclues entre les CPAM et les départements.
Cependant, il nous semble peu adapté, voire contre-productif, de figer dans la loi un modèle local unique qui serait le miroir du dispositif national, même si je comprends votre intention. Je pense au contraire qu'il est important que le cadre de ce dialogue soit le plus souple possible afin de préserver le caractère directement opérationnel de la démarche et les spécificités du territoire, tant du point de vue de la situation médicale que des relations entre les différents acteurs.
Les partenaires locaux pourront également, si nécessaire, s'appuyer sur des instances existantes, à savoir les commissions de coordination des politiques publiques de santé. Prévues à l'article L. 1432-1 du code de la santé publique, elles associent les services de l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les organismes de sécurité sociale. Elles ont pour mission d'assurer la cohérence et la complémentarité des actions conduites par leurs membres dans le domaine de la prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail ou encore de la PMI.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS493 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
L'amendement vise à supprimer les examens prénuptiaux effectués par les services de PMI. Le constat à ce sujet est largement partagé par les professionnels du secteur : il s'agit d'une compétence obsolète, qui ne correspond en outre à aucun enjeu de santé publique, contrairement aux examens prénataux et postnataux.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS14 de M. Alain Ramadier.
Il y a deux ans, lors de la première audition de la mission d'information sur l'ASE, nous avons entendu des témoignages forts d'anciens enfants placés, qui nous ont guidés tout au long de nos travaux. J'avais alors été particulièrement surpris de constater que seule une personne, sur l'ensemble ces jeunes, avait bénéficié d'un suivi psychologique ; elle était d'ailleurs la seule dont le témoignage était positif.
Les enfants suivis par l'ASE ont des parcours de vie particulièrement difficiles. Un suivi psychologique leur est absolument indispensable. Or les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) sont surchargés et les délais d'attente vont de trois à dix mois : c'est beaucoup trop. Le présent amendement vise ainsi à permettre le remboursement à 100 % des consultations chez les psychiatres et psychologues libéraux pour les enfants suivis par l'ASE. C'était la proposition n° 5 de la rapporteure de la mission d'information, Perrine Goulet.
Votre amendement est déjà satisfait par le dispositif que nous avons adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Celui-ci permet déjà d'orienter, sur décision du conseil départemental, des jeunes entrant dans l'ASE vers des généralistes ou des pédiatres pour des consultations prises en charge par l'assurance maladie. Une éventuelle précision apportée à ce dispositif relèverait sans doute plutôt de la voie réglementaire. Je souhaite donc le retrait de votre amendement ; à défaut, j'y serais défavorable.
Nous nous efforçons de répondre à cette question de plusieurs façons. Tout d'abord, dans le cadre du Ségur de la santé, nous avons renforcé l'offre de soutien psychologique destinée à la population, notamment juvénile – si cela ne concerne pas uniquement les enfants de l'ASE, cela leur bénéficie évidemment –, grâce au recrutement de cent soixante psychologues supplémentaires dans les CMPP. Par ailleurs, nous avons financé deux cents équivalents temps plein (ETP) pour faciliter l'accès à des consultations de psychologues en ambulatoire dans des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé. Enfin, les assises de la santé mentale, qui se tiendront à l'automne, comporteront un volet substantiel dédié à la pédopsychiatrie, dans le cadre duquel la question des moyens se reposera, notamment s'agissant des CMPP.
Les études en pédopsychiatrie ne constituent pas une filière : c'est une option que les étudiants doivent choisir en fin de deuxième année, ce qui pose la question de la valorisation de ce métier. Il ne reste plus que cinq cent cinquante pédopsychiatres dans notre pays. Nous avons beau avoir créé des postes d'assistant chef de clinique depuis trois ans – dix postes chaque année –, un travail de fond doit encore être accompli. Dans ce cadre, une réflexion spécifique sera menée sur les enfants de l'ASE ; nous travaillons avec un pédopsychiatre du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims sur ce sujet.
Je rappelle que nous avons lancé, le 15 juin dernier, un dispositif de prise en charge à 100 % par l'assurance maladie de dix séances de soutien psychologique pour les enfants et les adolescents. Ce « forfait psy » est destiné à l'ensemble des enfants, dont on sait que la santé mentale s'est dégradée pendant la crise.
Enfin, je rappelle qu'une expérimentation dans le cadre de l'article 51 est en cours s'agissant spécifiquement de la prise en charge des jeunes de l'ASE et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Elle a été lancée en novembre 2019 par le docteur Nathalie Vabres, médecin coordinateur de l'unité d'accueil pédiatrique enfants en danger du CHU de Nantes. Celui-ci est pionnier en la matière et fait référence pour tout ce que nous instaurons dans l'ensemble du territoire. Ce dispositif fait actuellement l'objet d'une évaluation par une équipe de recherche, qui se terminera fin 2022 et vise à étudier la possibilité de le généraliser.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS299 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
La santé ne me paraît pas suffisamment évoquée dans ce projet de loi, si ce n'est à travers la question de la maltraitance. Le présent amendement vise à ce que le PPE, qui est central dans sa construction, soit mis à jour une fois par an, ou tous les six mois pour les enfants les plus jeunes, par une équipe pluridisciplinaire, pour tout enfant accueilli ou faisant l'objet d'une mesure éducative. Le PPE peut comporter un volet santé permettant d'engager des démarches et de garantir que tout est fait pour améliorer la santé de l'enfant.
Pour assurer la construction et le respect du PPE, il est proposé de contraindre les services de la protection de l'enfance à remettre le rapport auquel ils sont normalement tenus, donc de désigner, par décret en Conseil d'État, une autorité chargée de contrôler l'effectivité de la révision annuelle obligatoire du projet pour l'enfant.
Je partage votre inquiétude concernant la bonne mise en œuvre des projets pour l'enfant par les départements. Selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), 74 % des départements reconnaissent ne pas systématiquement en établir un pour chaque enfant bénéficiant d'une mesure de protection.
Cela étant, je ne pense pas que la solution soit la mise sous tutelle des départements pour vérifier qu'ils exercent de manière diligente les compétences dont ils sont dotés, car ce serait une forme de recentralisation rampante. Il convient plutôt de travailler de manière partenariale avec les conseils départementaux, dans le cadre de la gouvernance territoriale, et de vérifier que leurs actions sont compatibles avec la stratégie nationale de santé publique.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Votre amendement est satisfait : vous avez évoqué vous‑même la disposition législative de référence, même si, dans les faits, on constate des difficultés.
Il est satisfait sans l'être puisque cette disposition n'est pas suivie d'effet. Il faudrait trouver le moyen d'y remédier. J'espère que le dialogue portera ses fruits à cet égard. Le PPE est l'un des moyens clés d'accompagner correctement l'enfant et de protéger sa santé ; il faut donc vraiment se donner les moyens de contrôler son application. Je retire l'amendement, mais j'insiste sur le fait qu'il faut absolument avancer sur cette question.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 12 modifié.
Article 12 bis (nouveau) : Dispositions relatives à la rénovation de la protection maternelle et infantile
La commission est saisie de l'amendement AS485 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Je souhaite ancrer dans la loi ce qui correspond déjà à la pratique dans un grand nombre de services départementaux de PMI, à savoir l'interdisciplinarité. L'article L. 2112‑1 du code de la santé publique précise que « ce service est dirigé par un médecin et comprend des personnels qualifiés notamment dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique ». Les services de PMI doivent s'investir fortement dans le champ de la santé mentale. Il convient de préciser que l'action de leurs professionnels s'inscrit dans une démarche profondément pluridisciplinaire, par laquelle se développe une véritable vision globale de la prévention.
Avis favorable à cette précision rédactionnelle qui permet de rappeler le caractère nécessairement pluridisciplinaire des équipes de PMI. Médecins, sages‑femmes, puéricultrices, psychologues, auxiliaires de puériculture sont autant de compétences réunies au sein de la PMI et dont nous saluons l'engagement et l'importance.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS494 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Il s'agit de rebaptiser les centres de planification et d'éducation familiale (CPEF) du nom de « centres de santé sexuelle et reproductive ». En effet, la notion de planification et d'éducation familiale paraît infantilisante, alors que les personnes qui y ont recours sont en pleine possession de leurs moyens et peuvent faire des projets familiaux en étant parfaitement informés. La notion de santé sexuelle et reproductive correspond davantage à l'activité de ces centres. Il s'agit en outre de la dénomination retenue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Si je partage votre avis concernant l'appellation actuelle, un peu datée, cette proposition me paraît prématurée. Elle doit être précédée d'un travail de mise à plat des missions des CPEF et d'une articulation avec les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles, qui se présentent comme des centres de santé sexuelle et reproductive. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour que nous puissions y travailler et le rendre acceptable par tous.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 12
La commission examine l'amendement AS205 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Je fais remarquer que la commission a ouvert depuis un peu plus de dix minutes la session extraordinaire.
L'amendement vise à demander aux conseils départementaux d'établir un rapport annuel d'activité et financier sur leurs services de PMI, ce qui est essentiel et d'ailleurs préconisé par le rapport d'information que j'ai eu la chance de présenter avec Ericka Bareigts. En effet, d'un département à l'autre, les disparités entre les services de PMI peuvent être criantes. Certaines missions qui leur sont pourtant confiées par la loi ne pas forcément menées à bien.
Il est important, dans le respect du principe de libre administration des collectivités, que les départements puissent remettre un tel rapport tous les ans afin de rendre compte de leur activité et des sommes qu'ils y consacrent – il est très difficile de trouver ces chiffres par an et par enfant de moins de 3 ans, qui varient entre 20 euros et 600 euros, soit un rapport de un à trente : pour mon rapport, je suis allé les chercher au ministère de l'intérieur.
J'ajoute, cher collègue, que certains départements n'y consacrent que 1 euro par enfant et par an... Votre proposition est effectivement issue du rapport que vous avez consacré à la PMI. Il est vrai que de trop nombreuses données nous échappent : on ne sait pas, par exemple, si certains objectifs de santé publique sont atteints ou non.
Pour ce qui concerne les données liées à l'activité et au budget consacré à la PMI, je vous renvoie aux rapports financiers et d'activité que publient les conseils départementaux sur toutes les activités des départements, dont les services de la PMI. Une telle publication est une obligation fixée par l'article L. 3313‑1 du code général des collectivités territoriales.
S'agissant de la présentation détaillée des données relatives à la PMI, les dispositions réglementaires applicables prévoient déjà leur transmission au préfet ainsi qu'aux acteurs déconcentrés de l'État. La lecture combinée de ces dispositions me paraît satisfaire votre amendement bien que je comprenne qu'il s'agit, plus largement, d'une demande d'homogénéisation des pratiques des départements en matière de financement de la PMI.
Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j'y serais défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons. Un certain nombre de dispositions, d'instances et de documents, partagés avec les acteurs déconcentrés, les différents acteurs territoriaux de la santé de la mère et de l'enfant et de la prévention, les établissements de santé, les libéraux et les organismes associés, existent. L'inégalité territoriale en termes d'investissement par enfant entre départements avait été objectivée par Mme la rapporteure dans son rapport. Il faut y voir l'une des raisons pour lesquelles nous avions fait de l'investissement dans la PMI une condition de la contractualisation des départements avec l'État.
Je rappelle qu'en trois ans, l'État aura remis 100 millions d'euros dans la PMI, soit l'enveloppe qu'elle avait perdue ces dix dernières années : cela permet aux départements de recruter des personnels et de mettre en place des équipes mobiles pour mieux articuler les différents acteurs de santé sur leur territoire. Cela a un effet de levier très concret, même si les écarts sont parfois, effectivement, assez importants.
Il est assez bizarre qu'au niveau national, on souhaite mener une politique de santé publique sans pouvoir l'évaluer. L'État fixe des objectifs et confie des missions, mais ensuite il n'y a pas de retour. Je pense qu'il faut consolider l'effort qui est fait : sans ces bilans et sans ces chiffres, comment voulez-vous définir, contrôler et évaluer une politique nationale ? Tant pour la lisibilité que pour la mise en valeur des départements qui remplissent un tel rôle défini dans un cadre national, cela me paraît essentiel. Je maintiens donc l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Article 12 bis (nouveau) : Dispositions relatives à la rénovation de la protection maternelle et infantile
La commission en vient à l'amendement AS489 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Il s'agit de permettre aux sages‑femmes d'être responsables de centres de santé sexuelle et reproductive. L'amendement fait suite à une des recommandations de mon rapport rendu en juin 2019.
Les sages‑femmes sont les professionnels de santé dédiés au corps et à la santé de la femme qui accomplissent désormais la majorité des actes gynécologiques. Aussi, au vu de toutes leurs compétences, il me semble cohérent de leur permettre de diriger des centres de santé sexuelle et reproductive, ce qui est aujourd'hui uniquement réservé aux médecins.
Si je suis favorable à ce que les sages‑femmes puissent diriger ce qui s'appelle encore – la loi n'étant pas promulguée – des CPEF, je ne suis pas favorable à ce que l'on aille au‑delà car le ministre des solidarités et de la santé est engagé dans des négociations avec elles et un rapport sur leur métier est attendu. J'émets donc un avis favorable, sans aller au‑delà afin de ne pas interférer avec celles-ci.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS490 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
L'amendement va dans le sens du développement de la protection de la santé maternelle et infantile et tient compte des avantages sanitaires qui s'attachent à l'allaitement maternel. Ce sujet avait déjà été discuté lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation territoriale de notre système de santé : il faut permettre aux infirmières puéricultrices d'exercer les compétences pour lesquelles elles ont été formées.
Dans son avis du 15 janvier 2019, la HAS a indiqué qu'une extension de la prescription des tire‑lait aux infirmières puéricultrices pouvait être envisagée du fait de leur participation à l'accompagnement à l'allaitement. Alors que celles-ci disposent de compétences reconnues par le code de la santé publique en matière d'alimentation du nourrisson, seules les sages‑femmes peuvent les prescrire. L'amendement vise donc à étendre cette faculté de prescription aux infirmières puéricultrices.
En plus d'avoir marqué notre entrée dans la session extraordinaire, les douze coups de minuit ont également sonné le doublement de la durée du congé de paternité.
L'allaitement est un sujet de santé publique à la fois sensible et complexe, dont nous nous avons beaucoup discuté autour des 1 000 premiers jours de l'enfant, projet qui nous a également permis de travailler avec Santé publique France à certains messages de santé publique – dans la lignée de la commission présidée par Boris Cyrulnik – qui porteront notamment sur celui-ci.
L'allaitement n'est pas un sujet facile pour toutes les femmes : il faut être très vigilant à ne pas verser dans l'injonction et dans la culpabilisation. Sur le fond, l'évolution des missions proposée à travers l'amendement relève plus d'un arrêté ministériel que de la loi et a vocation à s'inscrire dans un chantier plus vaste de refonte globale du socle des compétences des infirmiers. Des négociations vont débuter à la rentrée prochaine sur ce sujet, au cours desquelles sera traitée la question des modalités du cadre de la prescription par les infirmiers. Elles concerneront l'ensemble de la profession, pas uniquement les infirmiers puériculteurs et les infirmières puéricultrices.
Il nous semble donc quelque peu prématuré d'ouvrir par le truchement de l'amendement une prescription de manière isolée. Je propose donc qu'il soit retiré dans l'attente desdites négociations. À défaut, j'y serais défavorable.
Sur le fond, l'amendement ne vise pas à imposer l'allaitement, mais bien au contraire à laisser le libre choix aux mamans d'allaiter ou pas. Malgré votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, et malgré les discussions en cours, je maintiens l'amendement.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 12
La commission est saisie de l'amendement AS486 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Cet amendement est fidèle à l'esprit d'interdisciplinarité dans lequel fonctionnent aujourd'hui les services de PMI. Il ne s'agit bien évidemment pas de remettre en cause leur direction par des médecins, qui relève à la fois des dispositions législatives actuelles et d'une nécessité afin de coordonner l'action de l'ensemble des professionnels de santé agissant en leur sein.
Cependant, ainsi que je le précise dans mon rapport, il serait vain de nier que la démographie des médecins de PMI est en chute rapide, de 8 % entre 2010 et 2015. Leur pyramide des âges est par ailleurs très défavorable. C'est pourquoi je propose que les conseils départementaux puissent, uniquement sur la base du volontariat, expérimenter la direction de services de PMI par des sages‑femmes ou par des puéricultrices.
Une telle expérimentation permettrait de faire fonctionner des services actuellement privés de direction et d'établir la pertinence d'une telle direction en cas de besoin impérieux.
Dans le département de l'Isère, j'avais obtenu l'autorisation de l'ordre des médecins de faire diriger un service de PMI territorial par une sage‑femme et un service de PMI d'une direction centrale par une personne possédant des diplômes de niveau élevé en santé publique mais qui n'était pas soignante. Après des discussions quelque peu houleuses et l'accord de l'ordre, cela avait été acté : elle est toujours en poste et cela se passe très bien.
Je vous ai bien entendu dire, monsieur le secrétaire d'État, que c'était plutôt à Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, qu'il fallait s'adresser pour faire diriger un service de PMI par une sage‑femme.
Il faudra néanmoins, à mon avis, arriver à ouvrir et à permettre à d'autres personnes que des médecins, ou même que des sages‑femmes, de diriger des services de PMI.
Il ne s'agit pas de savoir s'il faut s'adresser au ministre ou à son secrétaire d'État : des négociations conventionnelles sont en cours avec les différentes professions – et plus précisément entre le ministère de la santé et les organisations syndicales –, et des interactions existent entre les uns et les autres. Or nous sommes en train d'interférer avec celles-ci en prenant des décisions. Je vous l'ai déjà dit en donnant mon avis sur l'amendement précédent, mais vous ne m'avez pas écouté.
Cependant, toutes les organisations syndicales des professions concernées sont au courant de cet amendement.
Suspendue à minuit trente, la réunion est reprise à minuit trente-cinq.
Je retire l'amendement. Monsieur le secrétaire d'État, vous pourrez compléter en séance publique les propos que vous avez tenus avant la suspension de la réunion. Je me réserve la possibilité de déposer à nouveau l'amendement, en fonction du travail que nous réaliserons ensemble.
Madame la rapporteure, vous pourrez déposer l'amendement en vue de l'examen du texte en séance publique, et je vous fournirai des indications complétant les propos que j'ai tenus tout à l'heure. D'ici là, nous en reparlerons.
L'amendement est retiré.
Article 12 ter (nouveau) : Rapport relatif à mise en œuvre de négociations conventionnelles en vue du remboursement des actes des infirmières puéricultrices
La commission examine l'amendement AS491 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Je l'ai dit à de nombreuses reprises, notamment dans mon propos liminaire, il me semble incohérent de prévoir le remboursement des actes de PMI aux départements s'ils sont pratiqués par des sages‑femmes ou des médecins, et pas s'ils le sont par des puéricultrices, qui en pratiquent parfois la plupart. Je demande à nouveau que le Gouvernement remette au Parlement un rapport à ce sujet.
Il faut avancer vers le remboursement des soins prodigués par les puéricultrices, par le biais de l'inscription des actes concernés dans la nomenclature générale des actes professionnels. À l'heure actuelle, la moitié des actes de PMI ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie. Pourtant, l'importance des actes réalisés par les puéricultrices, notamment dans le cadre de la stratégie des 1 000 premiers jours, a été démontrée.
Madame la rapporteure, ma réponse s'inscrira dans la continuité des propos que j'ai tenus sur vos précédents amendements.
Vous souhaitez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices, dans les services départementaux de PMI ou en libéral, parmi les actes pris en charge par l'assurance maladie. Les infirmiers puériculteurs ont suivi une formation supplémentaire de deux ans, qui leur permet de dispenser en priorité les soins destinés aux enfants, de la naissance à l'adolescence. À ce jour, la nomenclature des actes réalisés par les infirmiers libéraux ne les distingue pas en fonction de la formation de ces derniers, car la plupart des spécialités infirmières sont pratiquées dans un cadre hospitalier. Les actes concernés peuvent être réalisés par les infirmiers libéraux ; partant, certains actes propres aux infirmiers puériculteurs réalisés par les services de PMI ne peuvent pas faire l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie, dès lors qu'ils ne sont pas facturés par les infirmiers libéraux.
La cotation des soins en libéral et la définition des règles afférentes résultent de négociations menées – ainsi fonctionne notre système de santé – entre l'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives de la profession infirmière. La création d'actes spécifiques à la puériculture relève donc du champ conventionnel, après avis de la HAS, et ne nécessite aucune modification législative.
Des travaux sont en cours sur ce sujet. Nous avons tous deux eu l'occasion de l'aborder devant l'Association nationale des puéricultrices diplômées d'État. Des travaux sont également menés sur la profession de sage‑femme, qui évolue, et dont l'importance n'est pas moindre dans les politiques que nous souhaitons mener, notamment celle prévue par la stratégie des 1 000 premiers jours. Au demeurant, il y a des relations et des interactions entre ces deux professions. De mémoire, certains de ces travaux ont la rentrée pour échéance. Sans préjuger des décisions que nous prendrons, je puis d'ores et déjà affirmer que vous obtiendrez alors des réponses à vos préoccupations, que je partage sur le fond, et dont je reconnais la légitimité.
Il est rare qu'une demande de rapport recueille un avis favorable. Toutefois, si vous considérez que le rapport prévu par l'amendement peut vous éclairer sur les négociations conventionnelles en cours, je ne m'y oppose pas, tout en estimant que vous aurez obtenu les éclaircissements souhaités avant sa remise.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 12
La commission est saisie de l'amendement AS237 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
L'amendement prévoit la remise par le Gouvernement, au plus tard le 1er janvier 2023, d'un rapport dressant le bilan de son action dans le cadre de la politique dite des « 1 000 premiers jours ». Quelles sont les réalisations concrètes ? Où en sommes-nous des actions prévues ? Quels sont les financements, notamment des actes de prévention ?
Ces financements ont plusieurs origines. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé tout à l'heure l'effort consenti par l'État en faveur des services de PMI. Les ARS financent, par le biais des fonds d'intervention régionaux (FIR), les actions de prévention menées par les associations. Madame la rapporteure a rappelé que certains financements proviennent de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), par le biais des remboursements d'actes réalisés par les professionnels de santé de la PMI. Disposer, d'ici dix‑huit mois, d'un rapport sur ces politiques permettrait d'en avoir une vision claire.
Cher collègue, je pense comme vous qu'il faut renforcer notre information sur les politiques publiques menées dans le cadre de la stratégie des 1 000 premiers jours. Les auteurs du rapport de la commission des 1 000 premiers jours y sont favorables. Ils souhaitent développer, sous la responsabilité de l'Agence nationale de la recherche, la recherche‑action, qui associe chercheurs et professionnels de la périnatalité ainsi que de la PMI.
À un rapport à ce sujet, dont au demeurant nous pouvons parfaitement nous charger, je préfère la mise en application des préconisations de la commission des 1 000 premiers jours, ainsi que leur suivi, par le biais des instruments qui sont à notre disposition, pour évaluer l'effort du Gouvernement, comme nous le faisons dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale grâce aux programmes de qualité et d'efficience annexés.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Monsieur Isaac‑Sibille, je pourrais faire un point d'étape, d'autant qu'un comité de pilotage élargi de la commission des 1 000 premiers jours se réunit très régulièrement. Il réunit les membres de la commission et les acteurs concernés, notamment les administrations et les opérateurs mobilisés dans le cadre du déploiement de la stratégie des 1 000 premiers jours, qui ne se réduit pas, tant s'en faut, à l'allongement du congé depaternité. Toutefois, cela pourrait nous mener au petit matin, tant nos réalisations sont nombreuses, et tant le sujet me passionne. Je vous épargnerai cela.
Comme rien ne garantit que je conserverai mes fonctions jusqu'au 1er janvier 2023, je vous propose, ainsi qu'à Mme la présidente, de présenter devant la commission des affaires sociales la politique des 1 000 premiers jours. Nous fêterons bientôt le premier anniversaire de la remise du rapport de la commission Cyrulnik. Je suis tout disposé à vous dire quel est, un an après son lancement, l'état d'avancement de cette politique, dont je suis assez fier.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette proposition. Nous vous recevrons avec plaisir.
Le problème, auquel nous nous sommes heurtés lors de l'examen de mon précédent amendement, ce sont les chiffres. Vous pourriez parler de la politique des 1 000 premiers jours pendant des heures, dites-vous. Deux chiffres nous suffiront. Connaissez-vous le montant consolidé que les ARS consacrent, par le biais des FIR, à la politique périnatale ? Si oui, nous sommes preneurs, et cela ne nous mènera pas à 2 heures du matin. De même, connaissez-vous le montant des remboursements effectués par la CNAM au titre de la PMI ? Ces chiffres sont très difficiles à obtenir. Un rapport à ce sujet présente donc un intérêt, sauf si vous pouvez les donner ce soir, tout comme votre audition sur la politique très ambitieuse que vous menez, et que nous soutenons.
Je n'ai pas sous les yeux les chiffres consolidés que vous me demandez, mais je suis en mesure de vous les donner.
L'engagement de M. le secrétaire d'État de nous présenter ces chiffres et la politique des 1 000 premiers jours m'incite à retirer mon amendement. Monsieur le secrétaire d'État, nous vous attendons de pied ferme !
L'amendement est retiré.
Avant l'article 13
La commission examine les amendements identiques AS476 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, et AS438 de Mme Monique Limon.
Ces amendements tirent les conséquences de la création d'un nouveau titre, où figure le seul article 13. Il inséré un nouveau titre, intitulé « Mieux piloter la politique de protection de l'enfance », numéroté V bis et consacré à la gouvernance de la protection de l'enfance.
La commission adopte les amendements.
Article 13 : Substituer aux principales structures nationales spécialisées dans la protection de l'enfance un groupement d'intérêt public national compétent pour l'ensemble du secteur, cofinancé à parité par l'État et les départements
La commission est saisie de l'amendement AS16 de M. Alain Ramadier.
L'amendement vise à insérer, à la première phrase de l'alinéa 4, après le mot « éducation », les mots «, de justice ». L'accès à la justice, au même titre que l'accès à l'éducation, doit être garanti aux enfants relevant de l'ASE.
L'amendement introduit une précision utile. Il n'est pas nécessaire de rappeler ici le rôle fondamental joué par la direction de la PJJ et par le juge des enfants dans la protection de l'enfance. Rappeler le rôle de la justice au sein de cet article principiel est un symbole fort.
Avis favorable.
Avis favorable. La justice est un service de l'État qui concourt à la protection de l'enfance.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS220 de Mme Perrine Goulet.
L'amendement vise à compléter l'alinéa 4 par les mots «, notamment par l'intermédiaire des représentants de l'État dans le département ». Je souhaite que la coordination entre l'État et collectivités territoriales, en matière de défense de l'intérêt supérieur de l'enfant, soit claire et efficace. La précision permettra de rétablir le préfet dans son obligation de coordonner les politiques d'État dans les départements au service de la protection de l'enfance, en relation directe avec le président du conseil départemental, auquel il peut apporter les soutiens nécessaires en la matière.
Le choix du préfet s'explique par plusieurs raisons. En tant que représentant de l'État dans les territoires, il est seul capable d'y assurer la coordination des services de l'État. Il peut notamment coordonner les politiques interministérielles et les divers acteurs concernés : les services sociaux, qui sont le premier pilier de la protection de l'enfance ; la justice, garante de l'intérêt supérieur de l'enfant ; les services de santé, nécessaires à la détection de la maltraitance ; l'éducation nationale, qui est au cœur du développement et de l'émancipation de l'enfant. Par ailleurs, du point de vue du protocole, il est pertinent que le président du conseil départemental ait un interlocuteur de rang équivalent.
Chère collègue, nos intentions concordent, comme le démontrera l'examen de l'amendement AS492 relatif au rôle des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) dans la gouvernance territoriale de la protection de l'enfance. Il convient de s'assurer de l'animation territoriale des politiques publiques de l'État.
Il me semble que votre amendement est satisfait : il est implicite que la coopération avec les organismes concernés par cette politique a lieu à l'échelle déconcentrée, par le biais du préfet, compte tenu du caractère décentralisé de la compétence. Je suggère donc le retrait de votre amendement au profit du mien, et émets à défaut un avis défavorable.
J'aimerais rappeler le cadre général de cet article important, qui vise à renforcer la gouvernance de la protection de l'enfance, notamment à l'échelle nationale. Il s'agit d'une réforme de sens et non d'économie, visant à pallier l'émiettement des organismes chargés de cette politique, afin d'en renforcer la cohérence et l'efficacité. L'idée est de bâtir un GIP réunissant les acteurs de la protection de l'enfance que sont, outre les départements, l'État, qui souhaite la réinvestir, les associations et les enfants protégés.
Il en résultera le rapprochement de plusieurs organismes, au premier rang desquels les deux principaux GIP que sont Enfance en danger (GIPED), qui gère le 119, ainsi que l'ONPE, et l'Agence française de l'adoption (AFA). Le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) est également concerné par ce rapprochement. Comme je l'indiquais tout à l'heure à Raphaël Gérard, ses compétences en matière d'adoption auprès des départements seront renforcées, grâce à la généralisation de l'expérimentation menée dans vingt‑cinq départements, sans incidence sur les actions réalisées à l'échelle internationale.
Le deuxième volet de la réforme vise à renforcer la connaissance de la protection de l'enfance à l'échelon national. Cette politique souffre du manque de données consolidées, que vous cherchez souvent à obtenir. Pour faire bref, les remontées de terrain ne sont pas satisfaisantes. Même si l'ONPE réalise un travail de qualité, notamment grâce au dispositif d'observation longitudinale individuelle et nationale en protection de l'enfance (OLINPE), permettant aux départements de communiquer leurs données en la matière, il demeure difficile d'obtenir des données consolidées sur les parcours longitudinaux et la vie des enfants relevant de l'ASE. Le renforcement de notre connaissance de la protection de l'enfance consistera aussi à associer plus étroitement la DREES à l'ONPE, qui bénéficiera ainsi de ses compétences. À terme, la DREES gérera le dispositif OLINPE. Elle a l'habitude de travailler avec les départements, notamment dans le champ de la dépendance et de la perte d'autonomie.
La réforme est également l'occasion de donner – certains diront que cette mesure est d'ordre symbolique – davantage d'indépendance au CNPE, que je préside, alors même qu'il est censé me conseiller et formuler des avis sur les mesures prises par le Gouvernement. Nous mettons un terme à cette petite incongruité. Dorénavant, la présidence du CNPE, dont le rôle demeure inchangé, ne sera plus assurée par un membre du Gouvernement, mais par une personnalité qualifiée.
Telles sont les mesures prévues en matière de gouvernance nationale de la protection de l'enfance, étant entendu que plusieurs dispositions fondamentales ne figurent pas dans le projet de loi parce qu'elles ne relèvent pas de la loi.
Dans l'esprit qui a présidé à sa conception, le nouveau GIP est le lieu de la co‑élaboration de cette politique publique par les diverses parties prenantes, un peu sur le modèle – j'ai souvent fait cette comparaison, non sans en indiquer les limites – de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie dans le champ du handicap.
La répartition de la représentation des parties prenantes, notamment l'État et les départements, au sein du conseil d'administration du GIP, est une question qui n'est pas sans conséquences. Les départements, vous l'imaginez bien, y sont très attentifs, à raison. M. Bazin avait déposé un amendement, déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 40 de la Constitution, prévoyant un financement à parité par l'État et les régions, semblable à celui du GIPED.
Plusieurs dispositions importantes figurent dans la convention constitutive. Je m'étais engagé auprès de vous, à l'occasion d'auditions diverses et variées, ainsi qu'auprès des différents organismes et des départements, à présenter, lors de l'examen du présent projet de loi, l'état de l'art de sa rédaction, ainsi que les décisions prises au sujet des aspects que j'évoquais à l'instant et sur d'autres. Je serai en mesure de le faire lors de l'examen du texte en séance publique. Sachez que, depuis un an, un petit groupe de travail, composé des directrices générales des quatre organismes concernés – CNPE, AFA, GIPED ET CNAOP – et du directeur général de l'ADF travaille à la rédaction de cette convention constitutive. Nous sommes parvenus à un texte que je vous présenterai la semaine prochaine, en séance publique, afin de préciser certains points.
À ce stade, ce texte ne comprend pas d'éléments sur la gouvernance territoriale, que votre amendement aborde en partie.
La gouvernance territoriale porte sur deux aspects. Tout d'abord, elle organise la façon dont le département et les différents acteurs s'organisent dans le territoire. Il me semble que l'ODPE doit être le lieu où s'élabore la stratégie de protection de l'enfance à l'échelle du territoire et où est menée de façon opérationnelle la politique de protection de l'enfance. C'est déjà le cas dans certains départements, comme dans les Côtes-d'Armor où j'étais il y a un mois.
La gouvernance territoriale implique également l'État, comme le souligne Mme Goulet. Les élections départementales se sont déroulées il y a deux jours, les nouveaux exécutifs vont être mis en place dans quelques heures, un nouveau bureau de l'ADF va être désigné à la fin du mois de juillet. Nous n'avons pas voulu avancer trop vite dans le texte qui vous est présenté pour que vous et les sénateurs, qui représentent les collectivités territoriales, puissiez enrichir le texte au cours au sujet de la gouvernance territoriale, dont nous reconnaissons l'importance cruciale.
Nous partageons la nécessité de désigner un chef de file pour la protection de l'enfance qui représenterait l'État dans les départements, puisque cette politique implique le préfet, mais aussi l'académie, les ARS et la justice. Mais la désignation d'un responsable de la protection de l'enfance au sein d'une préfecture ne relève pas de la loi, ni même d'un décret ou d'un arrêté, mais d'une instruction, car il s'agit de l'organisation des services de l'État. C'est pourquoi nous sommes défavorables à ce que cette disposition figure dans la loi, mais nous nous engageons à ce que l'instruction ministérielle crée dans les préfectures un référent sur la protection de l'enfance pour jouer le rôle de chef de file et d'interlocuteur des acteurs territoriaux qui se plaignent parfois de ne pas avoir d'interlocuteur identifié sur cette politique.
Madame la rapporteure, votre réponse fait référence à votre amendement AS492, qui prévoit d'organiser une nouvelle mission pour l'ODPE, en coordination avec le préfet.
Ma proposition est plus vaste. Mon amendement porte sur l'article en préambule de la section consacrée au GIP et concerne la gouvernance au niveau national. Je ne propose pas de placer cette disposition au même endroit, il serait préférable que le préfet ne soit pas mentionné que dans les dispositions qui concernent l'ODPE.
Dans l'amendement AS492, le préfet, l'ARS, le rectorat et l'autorité judiciaire sont placés au même niveau. Par conséquent, le président du département n'a pas d'interlocuteur unique. Or l'ADF et les représentants des départements de France souhaitent un tel interlocuteur, chargé de piloter les différentes politiques interministérielles.
Je ne suis pas convaincue par la proposition du secrétaire d'État de créer un référent au sein des services de l'État. Je ne dévalue pas le travail que pourrait faire cette personne, mais un président de conseil départemental doit avoir pour interlocuteur le représentant de l'État dans le département, pas une personne d'un niveau hiérarchique inférieur au sous‑préfet.
C'est pourquoi je pense que mon amendement sur le rôle du préfet est bien placé dans le texte, il est en lien avec les conclusions de la mission d'information que nous avions menée il y a deux ans. Il faut réaffirmer la place de l'État aux côtés des départements pour les aider : qui de mieux pour le faire que le préfet ?
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de précision AS482 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS157 et AS160 de Mme Danièle Obono.
Ces deux amendements portent sur la composition du CNPE. Nous souhaitons renforcer son indépendance et la place des avocats en son sein, qui n'est pas institutionnellement garantie. Les avocats représentent la défense des droits de l'enfant.
Les enfants doivent également être représentés au sein de cette institution censée défendre leurs intérêts ; c'est l'objet de l'amendement AS160.
Ces amendements ouvrent la liste de ceux qui proposent d'ajouter des membres au CNPE, dont chacun se fait une idée assez précise de la composition.
Votre proposition me semble potentiellement satisfaite par les précisions qu'apportera le pouvoir réglementaire sur la composition du futur CNPE. Vous avez raison de souligner que des avocats spécialisés dans la protection des enfants étaient déjà membres de l'actuel CNPE : votre souhait sera donc couvert par la bonne pratique que ne manquera pas de suivre à nouveau le Gouvernement.
Je proposerai par la suite la création d'un collège permettant de renforcer la représentation des enfants. L'amendement AS160 sera donc satisfait ; je vous propose de le retirer.
Ces mesures relèvent du pouvoir réglementaire : la composition du CNPE sera fixée par décret. Mais je peux vous confirmer que d'anciens enfants protégés en sont actuellement membres, ainsi que des avocats, notamment Dominique Attias, dont je vous garantis la présence et l'implication.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS483 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Elle examine ensuite l'amendement AS399 de Mme Perrine Goulet.
Je souhaite associer les enfants actuellement placés à l'ASE à la gouvernance. Nous pourrions en profiter pour développer l'apprentissage de la vie démocratique. Il existe des conseils de vie sociale dans les établissements, et nous avons vu dans d'autres organismes qu'il était simple de mettre en place une forme d'élection pour que des représentants issus de ces conseils de vie sociale interviennent auprès du CNPE.
Je propose de nommer les représentants au CNPE parmi les membres des conseils de vie sociale des établissements. Ces instances seront valorisées, et cette élection constituera un apprentissage de la démocratie pour ces enfants.
Il faut laisser une certaine marge de manœuvre au pouvoir réglementaire et ne pas prévoir dans la loi un niveau de détail qui risquerait de nous faire oublier des acteurs. Il reviendra au Gouvernement de déterminer par voie réglementaire la façon de représenter les enfants accueillis de la meilleure des manières au sein du CNPE.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS405 de Mme Perrine Goulet.
La composition du CNPE est fixée par une liste qui comprend les magistrats, les représentants des conseils départementaux et les représentants des associations. Il me semble que deux catégories de membres manquent : les représentants des avocats et les représentants du Défenseur des droits. Il serait très intéressant qu'ils participent à cette institution.
Vous poursuivez la liste des catégories de membres du CNPE. Votre proposition sera satisfaite par les dispositions réglementaires et la pratique du Gouvernement.
Même avis : le Défenseur des droits est déjà représenté au sein du CNPE.
Le texte prévoit une liste, mais si nous ne pouvons pas la compléter quand nous estimons qu'il y a des manques, tournons les choses autrement. La liste comprend déjà des représentants des services de l'État, des magistrats, des représentants des conseils départementaux, des représentants des professionnels, des représentants des associations gestionnaires d'établissements ou de services de l'ASE et d'associations œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants. Pourquoi mentionner les magistrats mais pas les avocats ? Pourquoi certaines catégories de membres seraient‑elles prévues dans la loi tandis que d'autres relèveraient du pouvoir réglementaire ?
La commission rejette l'amendement.
La commission est saisie des amendements identiques AS477 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, AS357 de M. Paul Christophe, AS389 de Mme Florence Provendier et AS439 de Mme Monique Limon.
L'amendement vise à créer un collège des enfants au sein du CNPE, comme le prévoyait le pré‑projet de loi. La création de ce collège permettrait de garantir la représentation des bénéficiaires de l'ASE dans les instances de gouvernance du CNPE.
Les modalités de fonctionnement et d'organisation, les moyens et l'indépendance du collège devront être traités dans le décret prévu à l'alinéa 18.
La convention internationale des droits de l'enfant consacre le droit à la participation des enfants et des jeunes aux décisions qui les concernent. Il est fondamental que dans les instances de gouvernance de l'ASE – le CNPE –, le collège des enfants et des jeunes protégés trouve sa place afin que les enfants puissent donner leur avis sur les décisions qui les concernent.
Nous proposons de remédier à un manque dans la composition actuelle du CNPE. Alors que la mission de préfiguration de l'IGAS conseillait l'intégration de représentants des premières personnes concernées, à savoir les enfants, le présent projet de loi ne prévoit pas leur représentation.
Cet amendement vise à remédier à cette situation en suivant l'exemple donné par le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), qui a installé un collège des enfants rattaché à sa commission « enfance et adolescence ».
Cette précision ne figure pas dans le texte car elle est plutôt de nature réglementaire, mais au regard de l'importance majeure que doit prendre la parole de l'enfant, je suis favorable à ces amendements.
Vous citez le collège des enfants institué par le HCFEA : il faudra réfléchir à son articulation avec le CNPE.
Les amendements sont adoptés.
La commission examine l'amendement AS69 de M. Guillaume Chiche.
Nous proposons que la présidence du CNPE soit assurée par un membre du collège des personnalités qualifiées.
Votre amendement relève du pouvoir réglementaire, puisque le CNPE a vocation à éclairer le Gouvernement. Les modalités de détermination de sa présidence relèvent donc plutôt du décret.
Avis défavorable.
La composition, le mode de fonctionnement et la désignation du président du CNPE relèvent du domaine réglementaire. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement, tout en réitèrant l'engagement que le CNPE ne sera plus présidé par le ministre, mais par une personnalité qualifiée.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS411 de Mme Perrine Goulet.
Je propose de préciser que le CNPE formule également des recommandations quant à la prévention en matière de protection de l'enfance. Il est primordial de ne pas perdre de vue la prévention et de ne pas nous cantonner aux aspects curatifs et à la protection.
Je suis favorable à votre précision ; la protection de l'enfance comprend une dimension de prévention qu'il convient de ne pas laisser de côté.
La stratégie que je défends repose sur la prévention et la protection de l'enfance, et j'ai toujours soutenu la nécessité de mieux articuler les deux. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS451 de Mme Danièle Obono.
Nous souhaitons que la présidence du CNPE soit indépendante et objective à l'égard des départements, compte tenu de la place prise par les collectivités dans ce domaine.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'mendement AS106 de M. Raphaël Gérard.
Il s'agit de préciser que la composition du CNPE concourt, dans la mesure du possible, à la parité entre les femmes et les hommes.
À l'heure actuelle, chaque collège est composé de telle sorte que l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes ne soit pas supérieur à un. Il me semble approprié de conserver ce principe et de l'inscrire dans la loi, comme nous avons pu le faire s'agissant de la composition du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou de l'Office français de la biodiversité. C'est une manière de manifester notre attachement constant à la parité.
Je ne pense pas qu'il faille demander aux associations de veiller à ce que la représentation dans les collèges soit équilibrée ; il suffira de reprendre les modalités de fonctionnement déterminées aujourd'hui par la voie réglementaire.
Elles prévoient déjà que « chaque collège est composé de telle sorte que l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes ne soit pas supérieur à un » et que « chaque autorité amenée à désigner un nombre pair de membres désigne autant de femmes que d'hommes », en application de l'article D. 148‑2 du code de l'action sociale et des familles.
Je propose donc le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Merci, monsieur le député, de réaffirmer notre attachement aux règles de parité et à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Cet amendement est satisfait puisque les dispositions relatives à la parité au sein des instances consultatives, issues de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, s'appliquent au CNPE.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS356 de M. Paul Christophe.
L'amendement vise à soulever la question de la neutralité et de l'indépendance de la présidence du GIP.
Comme le proposent un certain nombre de vos collègues, je privilégie pour des raisons symboliques et pratiques la possibilité d'une présidence par un représentant des élus des conseils départementaux. Avis défavorable.
Demande de retrait, de tels principes relevant de la convention constitutive et du règlement intérieur du GIP plus que de la loi. De plus, ils s'imposent à tous les membres du GIP et non à son seul président.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS38 de M. Alain Ramadier.
Il convient de nommer auprès de chaque préfet un référent « protection de l'enfance » afin d'assurer l'animation, la coordination et de la cohérence des pratiques sur le plan local.
Je ne crois pas que la place des préfets soit au sein du GIP. Leur rôle consiste plutôt implicitement à animer l'action des administrations déconcentrées de l'État à l'article L. 121-10 du code de l'action sociale et des familles.
Avis défavorable.
Je ne suis pas certain, en effet, que cette coordination entre le GIP et les préfectures soit la bonne façon de procéder. Pour autant, nous souhaitons désigner des référents de l'État mais cela relève plus de l'instruction ministérielle que de la loi.
Avis défavorable.
S'il s'agit bien de nommer un référent auprès des préfets sur le modèle des délégués départementaux aux droits des femmes afin de veiller aux différentes coordinations, alors, je voterai en faveur de cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS203 de M. Raphaël Gérard.
Je défendrai également l'amendement AS204, qui sera appelé un peu plus tard, les deux étant liés.
Il est regrettable que l'éclatement des dispositions législatives relatives à la gouvernance nationale de la protection de l'enfance et de l'adoption nuisent à la lisibilité de cette réforme ambitieuse.
L'amendement AS204 propose de transposer les dispositions relatives à la création d'une base nationale recensant les demandes d'agréments en vue d'adoption que nous avions adoptées, faute de véhicule législatif adapté, dans le cadre de la proposition de loi de Mme Limon réformant l'adoption.
L'amendement de repli AS203 dispose qu'une coordination juridique est nécessaire en précisant que le futur organisme aura pour mission de créer cette base nationale, notamment afin de promouvoir une plus grande interdépartementalité au sein des politiques nationales de l'adoption et d'identifier les familles adoptantes susceptibles de répondre aux besoins spécifiques de l'enfant lorsqu'une famille du département ne semble pas convenir.
Outre le décalage des deux calendriers, la proposition de loi de Mme Limon n'est à ma connaissance toujours pas inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Faute d'adopter l'un de ces amendements, nous serons confrontés à un problème de coordination.
Je comprends que votre amendement AS203 se réfère à l'article L. 225‑7 du code de l'action sociale et des familles tel qu'il sera sans doute modifié par la proposition de loi de Mme Limon. Néanmoins, à ce stade, la base légale n'existant pas, son inscription parmi les missions du GIP – opérationnel en 2022 – est prématurée.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Pour la même raison, même avis sur l'amendement AS204.
Vous avez raison à propos du décalage et des deux véhicules législatifs concernant deux sujets très proches. Pour ma part, j'ai d'ailleurs toujours considéré que l'adoption faisait partie intégrante de la protection de l'enfance. Nous avons fait notre possible pour faire avancer ces dossiers importants aux moments opportuns.
Le Gouvernement, à travers le garde des sceaux, s'est engagé à ce que la proposition de loi de Mme Limon soit inscrite à l'ordre du jour du Sénat au mois de septembre. Je vous propose donc d'en rester au cadre actuel. Nous sommes très vigilants, tout comme l'AFA, pour qu'il n'y ait pas d'incohérences. Je n'envisage pas que la discussion du texte de Mme Limon n'aille pas à son terme mais, même dans ce cas-là, nous ferions en sorte d'inclure la disposition relative aux demandes d'agréments dans ce projet.
J'entends les engagements renouvelés du secrétaire d'État et je retire l'amendement AS203. D'ici l'examen du texte en séance publique, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement pourra s'assurer de l'ordre du jour du Sénat ! Il n'en reste pas moins qu'il convient de remédier aux incohérences entre la proposition de loi de Mme Limon, la loi de bioéthique et ce texte.
L'amendement AS203 est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS224 de Mme Laurence Vanceunebrock.
Il convient d'inclure les associations qui représentent la diversité des familles pour l'élaboration des ressources, outils et référentiels du centre national de ressources constitué par le GIP. Ces associations sont des acteurs de terrain essentiels, qui disposent d'une connaissance approfondie, d'un savoir‑faire et d'une expertise sur les modèles familiaux de notre pays. Elles pourront ainsi mettre leurs compétences à la disposition du centre national de ressources. Il est indispensable de les intégrer afin de garantir l'intérêt supérieur de tous les enfants dans l'application de ces politiques publiques.
Nous aurons l'occasion de revenir sur la question des personnes morales de droit public ou privé membres de droit du GIP et, donc, des associations. Votre amendement ne figure pas au bon endroit puisqu'il donnerait aux associations représentant la diversité des familles une forme de monopole sur la constitution du centre de ressources alors qu'il a plutôt vocation à collecter des données issues de l'ensemble des acteurs et des institutions de la protection de l'enfance. Je vous invite à le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Les modalités de travail du centre de ressources relèvent plutôt de l'organisation interne du GIP. La présence d'associations au sein des instances dirigeantes permettra de veiller à la mobilisation de l'ensemble des acteurs institutionnels et associatifs concernés dans les travaux menés par ce nouveau groupement d'intérêt public.
Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS478 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, qui fait l'objet du sous-amendement AS504 de M. Raphaël Gérard.
Mon sous‑amendement, qui vise à contourner l'article 45, concerne l'accès aux origines personnelles des enfants issus de l'adoption internationale, obligation prévue par l'article 30 de la convention de La Haye sur la coopération et la protection des enfants en matière d'adoption internationale, que la France a ratifiée mais qui n'est pas pour autant respectée par notre pays.
Le CNAOP s'occupe en effet exclusivement de l'accompagnement des demandes des personnes nées sous le secret en France – ou à l'étranger, le cas échéant – en s'appuyant sur des informations recueillies par la Mission de l'adoption internationale (MAI). L'AFA, quant à elle, propose seulement un accompagnement aux enfants adoptés par son intermédiaire en facilitant l'accès à leur dossier, ce qui implique une inégalité entre les enfants concernant l'effectivité de leur droit d'accès aux origines en fonction de leur mode d'entrée dans les familles.
Compte tenu de la composition du futur GIP, nous aurions pu penser que cette question serait traitée dans le cadre de ce projet. Je sais qu'elle fait l'objet de discussions entre les différents acteurs – MAI, AFA, CNAOP – mais il me paraît nécessaire de préciser que le GIP, en tant que centre national de ressources, doit concourir à la promotion des expériences probantes, au développement de la connaissance et favoriser le développement des outils permettant d'accéder aux origines quels que soient les modes d'adoption, nationale et internationale.
J'entends votre préoccupation mais je souhaite aussi entendre le point de vue du Gouvernement.
Le champ d'intervention de ce nouveau GIP doit être en effet assez large. L'AFA, qui aura des compétences internationales, en fera partie. À ce stade, je n'ai donc pas d'opposition de principe à votre sous‑amendement.
Par ailleurs, il faut laisser à l'AFA et au CNAOP le temps de s'organiser sur ces questions complexes, sur lesquelles ils ont prévu de travailler.
Avis favorable à l'amendement.
La commission adopte le sous-amendement, puis l'amendement sous-amendé.
Elle en vient à l'amendement AS355 de M. Paul Christophe.
Il convient de confier au GIP la mission de suivi et d'évaluation du référentiel national d'évaluation des situations de risque pour la protection de l'enfance introduit par l'article 6.
Je crains que votre amendement ne contredise ce qui a été voté à l'article 6, notamment la gestion commune par la HAS et le Gouvernement du nouveau référentiel. Je vous propose de le retirer afin de laisser le référentiel entrer pleinement en vigueur, avant une éventuelle modification de sa gouvernance.
Avis défavorable.
Un comité de suivi est prévu, auquel l'ONPE sera étroitement associé. Le GIP sera donc associé au suivi du référentiel.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe ensuite à l'amendement AS388 de Mme Florence Provendier.
L'amendement vise à intégrer dans les missions du GIP la promotion et le suivi de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance. À ce titre, il encourage l'organisation de partenariats avec des associations œuvrant dans le champ de la lutte contre les violences faites aux enfants, comme c'est le cas de l'association Les Papillons.
Je comprends votre intention mais je crains que les compétences du Gouvernement ne soient ainsi préemptées alors que c'est à lui d'assurer le suivi de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance.
Il reviendra en revanche au GIP de reprendre les missions du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger en matière de prévention et de transmission des informations préoccupantes.
Je confirme que cela doit demeurer de la compétence du Gouvernement.
Je retire mon amendement mais j'appelle votre attention : il ne faut jamais laisser de côté les associations, qui peuvent être des partenaires de choix.
Elles seront représentées au conseil d'administration du GIP.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS225 de Mme Laurence Vanceunebrock.
Cet amendement d'appel vise à s'assurer que les associations représentant la diversité des familles soient incluses parmi les membres de droit du GIP. Il est en effet impératif que ce dernier tienne compte de l'évolution des modèles familiaux et des réalités vécues par toutes les familles, sans exception.
Depuis la promulgation de la loi de 2013 autorisant les couples homosexuels à adopter des enfants et compte tenu de l'adoption prochaine de la proposition de loi de Mme Limon mettant fin à l'obligation matrimoniale pour adopter, il est nécessaire de tenir compte de l'évolution du modèle familial, de s'assurer que toutes les familles soient traitées également et que le GIP ne soit en rien discriminant.
Ce n'est pas à la loi d'inventorier les associations qui seront membres de droit du GIP mais à la convention constitutive, qui interviendra peu après le vote de cette loi. Aujourd'hui, dix‑huit associations représentant l'ensemble des modèles familiaux interviennent dans les instances qui seront regroupées dans le GIP.
Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS390 de Mme Florence Provendier, qui fait l'objet du sous-amendement AS503 de M. Raphaël Gérard.
Dans la même veine que l'amendement AS389, l'amendement AS390 vise à souligner la place des enfants protégés dans la gouvernance du GIP.
Comme je viens de l'expliquer à M. Gérard, je ne pense pas que la loi doive comporter un inventaire des associations membres de droit du GIP. Cette liste relève plutôt de la convention constitutive, qui sera élaborée peu après le vote de la loi.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement et le sous-amendement sont retirés.
La commission en vient aux amendements identiques AS192 de M. Jean‑Michel Clément et AS406 de Mme Perrine Goulet.
Par l'amendement AS192, nous proposons de confier la présidence du nouveau GIP à un représentant élu des conseils départementaux.
Je comprends votre intention. Il me paraît également pertinent que la présidence du GIP soit exercée par un représentant des conseils départementaux, et ce pour deux raisons. D'un point de vue symbolique, nous réaffirmerions ainsi notre attachement à ce que la protection de l'enfance demeure une compétence décentralisée. D'un point de vue pratique, nul ne me semble mieux placé pour exercer la présidence du GIP qu'un représentant des conseils départementaux, qui a été confronté à la question de la coordination locale de l'action de la protection de l'enfance avec les missions de la justice et des administrations déconcentrées de l'État. Il jouerait, en quelque sorte, un rôle de vigie en s'assurant de la cohérence des actions menées par les différentes instances du groupement. Je pense cependant que la composition et les modalités de fonctionnement du GIP devront plutôt être définies dans sa convention constitutive, comme le laisse entendre le projet de loi. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.
Cette question relève effectivement de la convention constitutive : c'est pourquoi je demande le retrait des amendements. Je préciserai les choses mardi en séance, comme je vous l'ai promis tout à l'heure, mais je peux d'ores et déjà vous annoncer que la présidence du GIP sera confiée à un président de département.
Je suis quelque peu abasourdi. Depuis tout à l'heure, on nous explique que la composition du GIP ne relève pas du domaine de la loi et qu'elle sera déterminée par décret. Mme la rapporteure vient de déclarer qu'elle était plutôt favorable à ce que la présidence du GIP soit assurée par un président de conseil départemental, comme elle l'avait déjà laissé entendre tout à l'heure, et M. le secrétaire d'État a confirmé la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens. Même si la demande de l'ADF peut sembler légitime, j'y suis, pour ma part, formellement opposé. Une telle décision ne me paraît pas cohérente avec notre volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance. C'est la raison pour laquelle j'ai défendu tout à l'heure un amendement AS69 visant à confier la présidence du GIP à un membre du collège des personnalités qualifiées. La présidence devrait même revenir à un membre d'association de personnes anciennement accompagnées par l'ASE.
Pouvez-vous m'apporter quelques éclaircissements, tant sur le véhicule employé – voie réglementaire ou voie législative – que sur les différents avis exprimés ? L'avis donné par Mme la rapporteure sur ces deux amendements identiques dénote par rapport aux avis exprimés sur les amendements précédents.
Nous sommes tout à fait cohérents : j'ai demandé à Mme Wonner et à Mme Goulet de retirer leurs amendements. Cette question ne relève même pas du domaine réglementaire : elle sera tranchée dans le cadre de la convention constitutive du futur GIP. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, la présidence de l'actuel GIPED est déjà assurée par un président de département.
Les amendements sont retirés.
Compte tenu de l'avis défavorable de Mme Michèle Peyron, rapporteure, l'amendement AS204 de M. Raphaël Gérard est retiré.
La commission examine l'amendement AS492 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
Je propose d'ajouter aux missions des ODPE celle « d'organiser une gouvernance territoriale renforcée, en coordination avec les services de l'État, dont le représentant de l'État dans le département, l'agence régionale de santé, le rectorat, et l'autorité judiciaire dont le procureur de la République du ressort et le président du tribunal judiciaire du même ressort ».
Je ne comprends pas pourquoi le département n'est pas mentionné dans cet amendement. La gouvernance territoriale de la protection de l'enfance concernerait-elle uniquement les services de l'État ?
Votre amendement ne me paraît pas très lisible. Pouvez‑vous m'expliquer en quoi il modifiera la gouvernance de la protection de l'enfance ? Les différents acteurs que vous citez viennent‑ils s'ajouter à ce qui existe déjà ?
L'amendement de la rapporteure vise à insérer un 6° à l'article L. 226‑3‑1 du code de l'action sociale et des familles, qui définit les missions de l'ODPE. C'est bien dans le cadre de l'ODPE, donc du département, que la gouvernance territoriale sera renforcée, « en coordination » avec les autres acteurs.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte successivement l'amendement de coordination AS479 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, ainsi que les amendements rédactionnels AS480 et AS481 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.
La commission est ensuite saisie de l'amendement AS279 de M. Raphaël Gérard.
Cet amendement d'appel vise à souligner le fait que l'article 13 ne répond pas complètement aux inquiétudes des familles candidates à une adoption à l'étranger via l'AFA.
Pour mener ses activités, l'AFA est accréditée par les autorités des États signataires de la convention de La Haye. Afin de rassurer les familles, l'article 13 prévoit une période transitoire de vingt‑quatre mois, pendant laquelle l'AFA pourra continuer d'agir, le temps que le nouvel opérateur unique obtienne les accréditations nécessaires. Cela étant, nous avons déjà identifié certains pays qui, en raison de lenteurs administratives ou de pressions diplomatiques, pourraient tarder à délivrer au futur GIP l'agrément dont il a besoin. Que deviendront les dossiers d'adoption au terme de cette période de vingt‑quatre mois ? Leur gestion sera‑t‑elle transférée à l'autorité centrale, c'est-à-dire à la MAI, dont le métier est pourtant différent de celui de l'AFA ? Sera-t-elle transférée d'autorité vers des organismes autorisés pour l'adoption, ce qui aurait fatalement des conséquences pour les familles concernées, le passage d'un opérateur public à un opérateur privé ayant forcément un coût ? Tout cela n'est pas très clair.
Il existe des solutions simples qui, de mon point de vue, ne passeraient pas par la loi. Nous pourrions par exemple acter le fait que le GIP ou l'AFA mettront à disposition de la MAI des ressources permettant à cette dernière de traiter les dossiers non clos. Derrière ces dossiers se trouvent des familles, qui se sont souvent engagées dans des processus très longs. Pour elles, un arrêt brutal du parcours d'adoption au motif que l'opérateur auquel elles ont fait appel a perdu son agrément ne serait pas sans conséquences.
Votre amendement me semble satisfait. Je préfère cependant laisser M. le secrétaire d'État vous apporter toutes les précisions utiles.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Gérard, ainsi que les associations de parents avec lesquelles nous sommes en contact. Avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nous veillons à garantir une continuité de service, si je puis dire – c'est en tout cas l'engagement que je prends aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet sensible, sur lequel nous nous devions d'être prudents : c'est pourquoi nous avons prévu la période de transition de vingt‑quatre mois que vous avez évoquée. Tout sera mis en œuvre pour que les agréments soient renouvelés dans ce délai. Nous ferons en sorte que les dossiers continuent d'être traités et que les familles engagées dans des parcours d'adoption internationale ne rencontrent pas le moindre souci.
Je retire mon amendement. Nous devons anticiper ces difficultés dès maintenant car vingt‑quatre mois, dans un temps administratif et diplomatique, c'est très court ! Nous ne savons pas aujourd'hui combien de dossiers l'AFA gérera dans deux ans : l'agence pourrait enregistrer un grand nombre de demandes dans cet intervalle, notamment parce que certains opérateurs privés cessent leur activité du fait de la crise sanitaire.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS159 de M. Ugo Bernalicis.
Nous voulons nous assurer que des moyens suffisants seront accordés aux instances dont nous parlons, qui ne doivent pas être des coquilles vides. Aussi demandons-nous au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport précis « sur le budget dédié au Conseil national de la protection de l'enfance, ainsi qu'au groupement d'intérêt public pour la protection de l'enfance, l'adoption et l'accès aux origines personnelles ». Ce rapport devra détailler « le nombre d'équivalents temps plein (ETP) de fonctionnaires ainsi que le budget de fonctionnement précis confié à ces institutions pour qu'elles puissent remplir leurs missions ».
Sur la forme, la promulgation de la loi ne fera pas tout : avant que le GIP ne commence à travailler, il faudra que sa convention constitutive soit signée par l'ensemble des parties prenantes. Sur le fond, je comprends vos inquiétudes, mais – je parle sous le contrôle du Gouvernement – il est prévu de reprendre l'ensemble des ETP dont disposent actuellement les instances qui seront regroupées. Certes, le GIP va assurer des missions supplémentaires. Cela suppose au minimum le maintien du personnel existant et sa formation à de nouveaux enjeux, et si possible des recrutements au fur et à mesure de la montée en charge des nouvelles missions. Je ne peux donc donner un avis favorable à votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Enfin, elle adopte l'article 13 modifié.
Après l'article 13
La commission est saisie, en présentation commune, des amendements AS294 et AS293 de M. Bertrand Pancher.
L'amendement AS294 vise à compléter l'article L. 222‑5‑1 du code de l'action sociale et des familles en précisant que les mineurs suivis par l'ASE sont informés, lors de leur entretien de préparation à l'autonomie, des actions menées par les associations départementales d'entraide des pupilles et anciens pupilles de l'État mentionnées à l'article L. 224‑11 du même code. Ces associations, dont la plupart des jeunes ignorent jusqu'à l'existence, effectuent en effet un travail considérable à destination des anciens de l'ASE.
L'amendement AS293 vise à rendre ces mêmes associations plus visibles et mieux identifiées par les départements et l'État, grâce à la création d'un référentiel, régulièrement mis à jour, indiquant leurs besoins en ressources.
L'amendement AS294 me semble satisfait tant par le droit existant, puisque l'article L. 222‑5‑1 du code de l'action sociale et des familles prévoit déjà que le président du conseil départemental associe à l'entretien organisé avec le mineur un an avant sa majorité « les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources », que par la pratique. Je vous demande donc de le retirer.
L'amendement AS293 me semble également en partie satisfait, puisque le protocole mentionné à l'article L. 222‑5‑2 du code de l'action sociale et des familles prévoit déjà un « partenariat entre les acteurs afin d'offrir aux jeunes de 16 à 21 ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources ». Ces acteurs comprennent bien les associations que vous visez. En revanche, je ne vois pas l'intérêt de mentionner dans un tel protocole les besoins en financement de ces associations.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle passe ensuite à l'amendement AS315 de Mme Sandrine Mörch.
Cet amendement ne vise pas à priver les présidents de conseils départementaux de leur autorité sur les ODPE, mais plutôt à les mettre face à leurs responsabilités en leur faisant partager la tutelle sur ces institutions avec les préfets. Ces derniers pourront ainsi créer un ODPE lorsque le département en est dépourvu ou, le cas échéant, animer cet observatoire lorsqu'il ne l'est pas.
Le bilan des ODPE est loin d'être satisfaisant. Nous ne disposons pas d'éléments chiffrés, fiables et complets relatifs aux politiques de protection de l'enfance. Si la loi de 2016 a marqué un progrès en étendant le périmètre d'observation des ODPE à l'enfance délinquante et aux jeunes majeurs de moins de 21 ans, ces institutions peinent à centraliser les données utiles et ne remplissent qu'imparfaitement leurs missions. Dans certains départements, les observatoires n'ont pas été mis en place. Il est parfois impossible d'obtenir des ODPE les chiffres qui permettraient de réaliser une estimation budgétaire des dépenses ou un suivi plus fin des cohortes de jeunes. Ainsi, il n'existe pas d'estimation du nombre de jeunes faisant l'objet d'une double voire d'une triple prise en charge au titre de l'ASE, de la PJJ et du secteur médico-social. Le nombre de jeunes sortis de l'ASE en situation de handicap n'est pas non plus connu : il ne fait l'objet que d'une estimation réalisée par la DREES. Ce chiffre permettrait pourtant de mettre en œuvre un accompagnement renforcé et de préorienter les jeunes vers un établissement et service d'aide par le travail, le cas échéant dès l'âge de 16 ans. Enfin, les données nécessaires à la mise en place d'un pilotage fin sont, dans l'ensemble, parcellaires et ne font l'objet d'une collecte globale ponctuelle qu'à l'occasion d'enquêtes statistiques, d'études de recherche ou de missions d'inspection.
Je ne pense pas qu'il faille placer les ODPE sous la double tutelle des départements et de l'État. Dans la mesure où la protection de l'enfance est principalement une compétence des départements, il me semble logique que ces observatoires départementaux, qui comprennent évidemment des représentants de l'ensemble des administrations déconcentrées de l'État, demeurent présidés par les seuls exécutifs départementaux.
Votre amendement pose un problème juridique : l'ODPE étant un organe départemental, vous ne pouvez pas le placer sous l'autorité du préfet.
Pour autant, l'ODPE me paraît le bon lieu pour mener les activités que vous évoquez, et même aller un peu plus loin. C'est, me semble-t-il, le sens de l'amendement AS492 que la commission a adopté tout à l'heure. Plus que de simples observatoires chargés de faire remonter des chiffres, ces institutions pourraient être de véritables lieux d'élaboration et de pilotage de la politique de la protection de l'enfance. Nous redébattrons de ce sujet dans les jours à venir.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS221 de Mme Perrine Goulet.
Alors que les ODPE doivent jouer un rôle majeur dans la protection de l'enfance à l'échelon territorial, ils sont très peu présents dans ce projet de loi. Il paraît nécessaire de consacrer leur existence au niveau législatif, afin de s'assurer de leur efficacité. Je propose aussi, pour renforcer leur rôle, de les réorganiser.
Je vous propose, premièrement, d'intégrer effectivement les enfants accueillis et les anciens enfants placés au sein de la gouvernance des ODPE, afin d'améliorer leur représentativité. Cela contribuera à l'apprentissage de la démocratie. L'abstention des jeunes lors des dernières élections régionales et départementales a montré, une fois de plus, combien il est crucial de faire comprendre aux plus jeunes l'importance du vote. Je propose que siègent également dans les ODPE les représentants des assistants familiaux et des éducateurs, ainsi que le directeur de la cohésion sociale du territoire.
Il convient par ailleurs de rendre les ODPE plus opérationnels et efficaces, en instaurant un rythme de rencontre imposé de type biannuel, afin d'être sûrs qu'ils se réunissent de manière régulière.
Pour garantir un traitement équitable partout et dans tous les cas particuliers, l'introduction d'une formation restreinte est envisagée. Son modus operandi doit permettre une montée en puissance des ODPE.
Enfin, je souhaite réaffirmer l'importance des ODPE en consacrant leur existence dans la loi et en les faisant ainsi passer du statut réglementaire au statut législatif.
Vous proposez de rehausser dans la loi la composition des ODPE tout en modifiant à la marge leur composition pour y intégrer les enfants de l'ASE. Il me semble toutefois que l'amendement que je vous ai proposé et que nous avons adopté à l'article 13 satisfait votre ambition d'une coordination territoriale rénovée autour de l'ODPE. Je vous suggérerai donc le retrait de votre amendement.
J'émettrai un avis défavorable à ce stade, même si je partage en partie votre analyse. Ces questions relèvent effectivement du domaine réglementaire, même si l'ODPE est déjà mentionné dans la loi – vous en avez d'ailleurs renforcé les missions. Cela dit, je ne suis pas sûr qu'il faille entrer dans ce niveau de détail ici. Je suis d'accord avec vous au sujet de la régularité des rencontres : il faudrait qu'elles soient plus régulières, si nous voulons que les ODPE soient un vrai outil de pilotage.
Mon objectif est effectivement de faire passer l'ODPE du niveau réglementaire au niveau législatif, comme nous le ferons à l'article 15 pour le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM).
Mon amendement ne se limite pas à faire entrer les enfants au sein de la gouvernance de l'ODPE : je propose aussi d'y faire entrer les assistants familiaux et les éducateurs, qui en sont absents. Si nous voulons faire des ODPE de vrais outils de pilotage, en lien avec le GIP, il importe vraiment de réorganiser leur gouvernance.
Je retire mon amendement mais c'est pour mieux le représenter en séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie, en présentation commune, des amendements AS120 de M. François Ruffin et AS127 de Mme Danièle Obono.
Ces deux amendements concernent un enjeu important, à savoir la nécessaire nationalisation de l'ASE et de la protection de l'enfance.
Le premier propose que soit expérimentée, dans les départements et régions volontaires, pour un ressort maximal de deux régions et de six départements, la nationalisation de la compétence de l'ASE.
Le second demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport concernant le transfert du pilotage de la protection sociale de l'enfance à l'État et ses effets en matière d'homogénéisation des pratiques dans l'intérêt supérieur des enfants. Cette demande est formulée par plusieurs acteurs et actrices du champ de l'aide sociale. Le rapport de notre collègue Perrine Goulet posait déjà la question de la pertinence d'avoir fait de l'aide sociale une politique décentralisée. Je rappelle également que, d'après la convention internationale des droits de l'enfant, c'est à l'État que revient la responsabilité de cette protection.
Le CESE, dans son avis intitulé « Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l'enfance », explique que la complexité du système actuel peut nuire à l'efficacité de la protection de l'enfance. Il indique encore : « Elle ne doit pas occasionner de différences de traitement, selon les départements, en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux des parents et des enfants. » Or on constate une très forte hétérogénéité dans un certain nombre de domaines. Prenons l'exemple des contrats jeune majeur : selon les départements, le nombre de bénéficiaires peut varier de 20 % à 60 %. L'investissement, quant à lui, peut varier du simple au triple selon les endroits. Dernier exemple : si le prix moyen d'une journée en famille d'accueil est de 100 euros en France, il est de 48 euros dans les Alpes‑Maritimes. Tout cela nous semble nécessiter la remise en cause du système actuel de départementalisation de l'ASE. Il est temps que l'État assume enfin pleinement sa mission et ses engagements.
Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, je reconnais qu'il importe d'harmoniser les pratiques entre les départements, mais une expérimentation de renationalisation dans une région n'aurait pas grand sens.
S'agissant de votre demande de rapport, sur le fond, les articles 12 et 13, que nous avons adoptés, me semblent aller dans le sens que vous souhaitez, celui d'une plus grande cohérence de la gouvernance.
Avis défavorable à ces deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements AS120 et AS127.
Puis elle examine l'amendement AS295 de M. Bertrand Pancher.
Nous proposons par l'amendement AS295 que des départements volontaires expérimentent, pour une durée de trois ans, un financement des actions de protection de l'enfance à partir de contrats d'objectifs et de moyens, à la place de l'actuelle tarification à la journée.
L'expérimentation que vous proposez ne me paraît pas pertinente, puisque l'article L. 313‑11‑1 du code de l'action sociale et des familles permet déjà la mise en œuvre de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) entre les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les départements. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Votre amendement est effectivement satisfait mais il me donne l'occasion de dire que je suis très favorable à l'outil que constituent les CPOM. Il ne faut évidemment pas qu'ils soient une occasion, pour les départements, de négocier à la baisse les prestations délivrées par les associations, comme on a pu le voir parfois dans le domaine médico-social, mais je crois que le passage d'une tarification à la journée à une logique pluriannuelle, avec des objectifs, des moyens, et une évaluation régulière, est vraiment une bonne façon de faire. Cela permettrait en outre d'aligner le médico-social et le social, ce qui serait plus simple pour tout le monde. Certains départements sont déjà engagés dans cette voie : je pense notamment à la Moselle.
J'étais au courant pour la Moselle, mais je ne savais pas ce qu'il en était au plan national. Je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS440 de Mme Monique Limon.
Mon amendement est un peu décalé par rapport à ceux que nous venons de voter. Il vise à impulser et à consolider les dynamiques territoriales permettant de renforcer la gouvernance partenariale de la protection de l'enfance, afin notamment d'améliorer la prévention et le repérage des situations de danger ou de risques de danger ainsi que la qualité et la continuité des parcours des enfants protégés. Ainsi, il autorise le président du conseil départemental à expérimenter la mise en place d'instances locales de coordination, qui peuvent notamment prendre la forme d'un renforcement de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance.
Là encore, je pense que votre amendement est largement satisfait par celui que nous avons adopté à l'article 13. Je vous invite donc à le retirer.
Votre amendement étant satisfait, je vous invite également à le retirer.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS119 de M. François Ruffin.
Cet amendement de repli vise, une fois encore, à pallier le manque d'homogénéité de la politique d'ASE au niveau national. Ce problème structurel nuit à son bon fonctionnement. Peut-être aurons‑nous, lors du débat en séance, davantage d'explications de la part du ministre ?
Il est révoltant que les enfants ne soient pas protégés de la même manière selon le département où ils vivent. Les propositions que vous faites dans ce texte pour homogénéiser les choses ne sont pas suffisantes. C'est à l'État de prendre en charge cette politique : elle a un coût, c'est vrai, mais il est dérisoire, par rapport aux dégâts que causent ces disparités territoriales. Il faut vraiment réfléchir à une renationalisation de l'aide sociale : ce sera un enjeu majeur dans les années à venir.
Je vous ferai la même réponse qu'à propos de votre précédente demande de rapport. Sur le fond, les articles 12 et 13 que nous avons adoptés me semblent aller dans le sens que vous souhaitez.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
TITRE VI MIEUX PROTÉGER LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS
Article 14 : Modifier la clé de répartition entre départements des mineurs non accompagnés
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS472 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS194 de M. Jean‑Michel Clément et AS326 de Mme Sandrine Mörch.
L'amendement AS194 propose d'ajouter un autre critère de répartition des mineurs non accompagnés (MNA) au sein des départements.
En plus des critères démographiques et d'éloignement géographique, l'article 14 tient compte de critères socio‑économiques. Nous proposons de tenir compte également des capacités d'accueil des départements, afin de garantir un hébergement digne et adapté à ces enfants.
Il s'agit de clarifier les critères de répartition des MNA entre départements en prenant en compte l'investissement des collectivités dans l'accompagnement effectif des MNA qui deviennent jeunes majeurs.
Se limiter au critère « socio‑économique » reviendrait à ne prendre en compte que la richesse du département. Le critère du nombre de MNA devenus majeurs pourrait par ailleurs inciter les départements aisés à multiplier les accompagnements précaires de courte durée et donc être contre‑productif dans le processus d'intégration du jeune. Il faut donc encourager les départements à privilégier la qualité de l'accompagnement dont bénéficie le jeune majeur étranger au-delà de ses 18 ans.
Madame Wonner, cette clé de répartition est calculée en fonction de critères démographiques et en fonction du nombre de MNA déjà pris en charge par l'ASE dans chaque département. Nous souhaitons y ajouter deux critères : un critère socio‑économique, d'abord, et le nombre d'ex‑MNA devenus jeunes majeurs et pris en charge par l'ASE. Ajouter la capacité d'accueil de chaque département me semble très déresponsabilisant et pourrait avoir des effets pervers : il suffira à un département de ne pas améliorer ses capacités d'accueil pour ne pas prendre sa part. Je suis donc défavorable à votre amendement.
Madame Mörch, votre amendement est satisfait.
J'émettrai un avis défavorable ou formulerai une demande de retrait sur tous les amendements portant sur cet article, dont je vais vous rappeler brièvement la genèse.
Lorsque j'ai été nommé secrétaire d'État, j'ai tout de suite été alerté par M. Stéphane Troussel, président du conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis, sur le caractère inéquitable de la clé de répartition. Dans la loi, elle était fondée sur un critère seulement démographique et, du point de vue réglementaire, on prenait en compte le nombre de jeunes présents dans chaque département. Il m'a expliqué qu'en Seine‑Saint‑Denis, il avait déjà beaucoup de jeunes et qu'il en recevait encore plus. J'avais pris l'engagement devant lui de remédier à cette situation qui me semblait effectivement inéquitable. Nous avons pu le faire tout de suite sur le plan réglementaire, en passant du critère de la population jeune à la population générale, ce qui a permis de rééquilibrer un peu les choses.
Pour aller plus loin, il fallait passer par la loi : c'est ce que vous allez faire en votant cet article. Nous intégrons des critères socio‑économiques pour prendre en considération la richesse des départements. C'est par la voie réglementaire que nous déciderons s'il faut retenir le taux de pauvreté, le potentiel fiscal, ou un autre critère.
J'avais également été saisi par un autre président de conseil départemental, M. Jean‑Luc Gleyze, en Gironde, qui m'avait dit qu'il accompagnait de nombreux MNA après 18 ans, via des contrats jeune majeur et qu'ils n'étaient pas pris en compte dans le calcul de la clé de répartition : cela ne lui semblait pas juste. Je m'étais également engagé auprès de lui à remédier à cette injustice. C'est ce que nous faisons avec cet article 14, qui me semble équilibré en l'état : il part des besoins du terrain et va dans le sens d'une plus grande équité.
L'amendement AS326 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS194.
La commission en vient à l'amendement AS43 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 14 modifié.
Article 14 bis (nouveau) : Interdiction de réexamen de la situation d'un mineur non accompagné
La commission est saisie, en discussion commune, de l'amendement AS373 de Mme Sandrine Mörch ainsi que des amendements identiques AS473 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, et AS391 de Mme Florence Provendier.
Dans son rapport de novembre 2020 intitulé « La protection de l'enfance : une politique inadaptée au temps de l'enfant », la Cour des comptes a noté que « de nombreux départements émettent de fortes réserves sur la manière dont sont conduites les évaluations dans d'autres territoires et donc sur la minorité réelle des jeunes qui leur sont adressés par la mission MNA. Ils procèdent alors à leur réévaluation de manière quasi systématique [...] . Cette situation a un coût, non seulement pour les départements, mais également pour l'État, qui contribue à hauteur de 500 euros par évaluation. Pour autant, aucune donnée, ni sur le nombre de réévaluations ni sur les résultats obtenus, n'a été produite par ces départements. »
Ce phénomène concourt à la multiplication des évaluations et constitue une charge importante pour le budget de l'État et ceux des départements, comme l'ont souligné non seulement la Cour des comptes mais aussi la Défenseure des droits et le groupe de travail pluri‑partenarial constitué par les ministères de la justice, de l'intérieur, des solidarités et de la santé ainsi que de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Les jeunes sont soumis à de multiples évaluations, ce qui leur porte préjudice et porte atteinte à leurs droits fondamentaux. Il est primordial de lutter contre ces pratiques en inscrivant dans la loi l'interdiction de conduire une réévaluation de la minorité et de l'isolement d'un MNA qui a été orienté par le ministère de la justice dans le cadre de la répartition nationale.
Mon amendement, sur lequel j'ai travaillé avec l'association France Terre d'Asile, vise également à inscrire dans la loi l'interdiction de conduire une réévaluation de la minorité et de l'isolement d'un MNA qui a été orienté par le ministère de la justice dans le cadre de la répartition nationale.
Je vous propose, madame Mörch, de retirer votre amendement au profit du mien et de celui de Mme Provendier, dont la rédaction est quasiment identique.
Je suis très favorable à ces amendements, étant entendu que je préfère ceux de la rapporteure et de Mme Provendier, pour des questions de rédaction.
J'ai souvent eu l'occasion de dire que le fichier AEM était aussi un outil de protection pour les enfants évalués mineurs. Il n'est pas normal que des réévaluations soient pratiquées dans certains départements : une fois qu'on est inscrit dans le fichier et qu'on a fait l'objet d'une évaluation, on ne doit pas être réévalué. Il est bon de réaffirmer ce principe.
Elsa Faucillon, qui est l'auteure d'une proposition de loi sur ce sujet et qui copréside le groupe d'études sur les MNA, avec Agnès Firmin Le Bodo, avait également déposé un amendement. Je salue son travail.
L'amendement AS373 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques AS473 et AS391.
Article 15 : Recours obligatoire au traitement automatisé d'appui à l'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se déclarant non accompagnées
La commission est saisie des amendements de suppression AS79 de M. Guillaume Chiche et AS161 de M. François Ruffin.
Je ne comprends pas bien la présence dans ce texte de l'article 15, qui concerne spécifiquement les MNA. Il est impensable de porter atteinte aux principes d'universalité et de non‑discrimination posés par la convention internationale des droits de l'enfant en organisant une différence entre ceux dits MNA et les autres.
Cet article traite des flux migratoires et en rien de la protection des MNA. Il vise à inscrire des mineurs dans le fichier AEM, ce qui les relègue à leur statut de réfugiés ou de migrants, au lieu de reconnaître leur statut d'enfants. Par ailleurs, l'obligation pour le département d'organiser la présentation de ces jeunes aux services de l'État pour assurer la communication de toutes les informations et de tous les renseignements utiles supprime la possibilité pour le jeune de refuser ce processus et fait des travailleurs sociaux relevant des services du département des supplétifs des forces de l'ordre. Ils devront trouver les moyens, y compris en conventionnant avec ces dernières, d'organiser la présentation des enfants aux services de l'État.
La collaboration obligatoire entre le préfet et le président du conseil départemental contraindra les travailleurs sociaux à rompre le secret professionnel les liant aux jeunes. On leur demandera de divulguer toute information ou tout renseignement utile pour l'appréciation de l'âge. Il n'y aura donc plus aucun lien de confiance : c'est une dénaturation du métier de travailleur social.
J'ai le sentiment, monsieur le secrétaire d'État, que cet article correspond à une volonté du ministère de l'intérieur plutôt que de celui des solidarités et de la santé – il relève encore moins du portefeuille qui est le vôtre. Je ne comprends pas pourquoi nous traitons de la régulation des flux migratoires dans ce texte en organisant une division entre les enfants que vous êtes chargé de protéger.
Par l'amendement AS161, nous demandons également la suppression de cet article qui va à l'encontre du titre et de l'objet du projet de loi, relatif à la protection des enfants. Ce que vous proposez ne les protégera pas, alors qu'il existe d'immenses marges de progrès en ce qui concerne la protection et l'accueil des MNA : vous allez les fragiliser, les vulnérabiliser, les précariser encore davantage.
Le recours systématique au fichier AEM fera du passage en préfecture un préalable à toute mesure de protection. Or depuis 2019, l'utilisation de ce fichier est très problématique dans de nombreux départements : des mineurs sont laissés à la rue dans l'attente de leur passage en préfecture, on observe des refus de mise à l'abri et d'évaluation à l'issue de la consultation des données, et des mesures d'éloignement sont prononcées contre celles et ceux qui ont été déclarés majeurs, ce qui les prive de leur droit de saisir un juge, alors que des recours ont abouti. Tous ces obstacles placent les mineurs et les jeunes majeurs dans des situations de plus grande vulnérabilité.
L'article 15 aura un impact dans l'ensemble du champ concerné, y compris sur les personnels engagés dans la protection de l'enfance. Ils seront mis dans une situation très problématique, et la confiance que les jeunes devraient avoir en eux sera sapée. Vous allez annihiler la protection que notre droit est censé apporter. C'est pourquoi nous devons supprimer cet article.
Le fichier AEM permet d'alléger la charge de travail des départements pour ce qui est de l'évaluation des personnes demandant à être reconnues comme MNA. Son utilisation évite que certains jeunes évalués majeurs dans un département se rendent dans un autre territoire pour tenter d'obtenir une reconnaissance de minorité, phénomène dont nous savons désormais qu'il est courant. Le recours au fichier permet aussi de raccourcir les délais. Enfin, l'amendement que nous avons adopté évitera une deuxième évaluation dans un autre département, ce qui est une source de stress et une perte de temps pour les jeunes.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Le fichier AEM n'est pas nouveau, puisque sa création date du 30 janvier 2019. Son objet est d'aider à évaluer la situation de jeunes qui se présentent comme mineurs mais aussi de lutter contre ce qu'on appelle – le terme n'est pas très joli – le « nomadisme administratif ». Il y a bien un rapport avec la protection de l'enfance, car cela permet d'offrir une protection à ceux qui, en tant que mineurs, y ont effectivement droit et de faire en sorte que le bon fonctionnement du système ne soit pas compromis par des majeurs prétendant être mineurs.
Le présent article vise à rendre le recours au fichier obligatoire. Il est actuellement utilisé par quatre‑vingts départements : une quinzaine d'entre eux ne l'emploient donc pas à ce stade – le fichier ne concerne pas les outre-mer. Il doit être un outil, un faisceau d'indices, parmi d'autres – il y a aussi un entretien d'évaluation sociale, souvent mené par les travailleurs sociaux ou par les associations – même s'il faut reconnaître que ce n'est pas toujours le cas dans la pratique. Sauf erreur de ma part, le groupe Libertés et Territoires défendra un amendement tendant à réaffirmer ce principe, auquel j'émettrai un avis favorable. Je suis, en revanche, défavorable aux amendements de suppression de l'article 15.
Il ne s'agit pas uniquement de l'existence et du caractère opérationnel d'un fichier auquel je suis par ailleurs opposé. Nous sommes en train d'examiner un projet de loi relatif à la protection des enfants. Cet article organise une procédure de régulation des flux migratoires, ce qui n'a absolument rien à voir avec l'ambition affichée par le texte.
Par ailleurs, c'est toute l'organisation des services des départements chargés de la protection de l'enfance qui sera mise à mal car leur mission principale, s'agissant des MNA, sera dorénavant de concourir directement à l'inscription des personnes dans le fichier pour servir un objectif de gestion des flux. On est très loin de la protection des enfants.
La commission rejette les amendements.
Puis elle en vient aux amendements AS234 de Mme Delphine Bagarry ainsi qu'AS31 et AS32 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
Suivant l'avis de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS465 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de amendements AS195 de M. Jean‑Michel Clément et AS39 de M. Alain Ramadier.
L'amendement AS195 prévoit que la présentation des MNA aux services de la préfecture et le recours au fichier AEM n'ont lieu qu'en cas de doute et non plus sauf lorsque la minorité est manifeste. La rédaction actuelle est imprécise et contrevient au principe du bénéfice du doute.
Je suis défavorable à l'amendement AS39.
Quant à l'amendement AS195, qui me paraît avant tout sémantique mais me conviendrait mieux, sagesse.
Avis défavorable aux deux. L'amendement défendu par Mme Wonner n'est pas simplement sémantique. Il pourrait même être moins protecteur pour les enfants que la rédaction actuelle.
Celle-ci vise à éviter que soient enrôlés dans le fichier AEM des personnes dont la minorité est manifeste ou qui sont trop jeunes pour que leurs empreintes digitales soient fiables. Je rappelle qu'en raison du risque de mutation de leurs empreintes digitales jusqu'à leur majorité, les enfants âgés de moins de 12 ans ne sont pas soumis à l'obligation de les faire relever à l'occasion de l'établissement de leur passeport, de par un règlement européen.
La rédaction que vous proposez aboutirait en cas de doute à ce que toute personne se déclarant MNA voie ses empreintes digitales enrôlées dans l'AEM à la discrétion du président du conseil départemental. La rédaction de l'article 15 est préférable car elle permet au préfet de refuser d'enrôler un enfant dans l'AEM lorsque sa minorité est manifeste. Il ne sera ainsi pas soumis à des opérations comme la prise d'empreintes et de photographies ni à des questions sur son état civil, sa filiation, ses coordonnées ou sa date d'entrée en France par exemple – questions qui, si elles poursuivent une finalité légitime, peuvent être impressionnantes pour un jeune enfant, a fortiori non accompagné par ses parents.
L'amendement AS195 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS39.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS466 de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS336 de Mme Sandrine Mörch.
La plus haute juridiction française et gardienne des libertés individuelles réaffirme constamment qu'un juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui sont contradictoirement discutées devant lui par les parties. Il est impensable dans notre code de procédure civile qu'une expertise puisse fonder une décision sans avoir été communiquée par la partie adverse et avoir fait l'objet d'un débat contradictoire. Ce principe est un impératif de notre vie démocratique. Et pourtant nous devrions accepter qu'un adolescent puisse se voir refuser l'accès au dispositif de protection de l'enfance sans avoir pu prendre connaissance des informations recueillies et formulé ses observations ! Comment pourrait-il le faire s'il n'a pas accès dans les délais impartis aux informations recueillies par le représentant de l'État ? Enfin, la présence d'un tiers de confiance est essentielle pour l'accompagner auprès des services de l'État. C'est le sens de mes amendements qui garantissent la protection des droits du mineur dans cette procédure d'évaluation de la minorité.
Sur un point, votre amendement est satisfait : le droit prévoit déjà que lorsque la personne n'est pas reconnue comme MNA, le président du conseil départemental lui notifie une décision motivée de refus de prise en charge mentionnant les voies et délais de recours applicables.
En revanche, la notion de tiers de confiance qu'il utilise me paraît floue. Par qui ce tiers serait-il nommé ? À quel moment ? Il me semble qu'une confusion est possible avec le tiers de confiance que peut désigner le juge après qu'un mineur est désigné comme MNA.
Il faudrait préciser votre idée mais à ce stade, je donne un avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS456 de Mme Sandrine Mörch
Dans le cadre du recours à l'appui du préfet et au fichier AEM, le projet de loi précise que le représentant de l'État communique au président du conseil départemental les informations permettant d'aider à déterminer l'identité ou la situation de la personne. Il me semble opportun de préciser qu'il ne peut pas trier les informations à communiquer et doit transmettre l'ensemble de celles qu'il a recueillies, y compris celles dont on pourrait douter de la véracité ou de l'authenticité. Ce n'est pas une lapalissade : il est bon d'être clair sur ce point.
Le texte prévoit que le préfet « communique au président du conseil départemental les informations permettant d'aider à la détermination de l'identité et de la situation de la personne ». Vous souhaitez remplacer « les informations » par « l'ensemble des informations recueillies ». Je ne suis pas sûre de bien comprendre.
Avis défavorable.
C'est déjà ce que prévoit le projet de loi. Avis défavorable.
Il s'agit juste d'une précision, sachant qu'on peut se trouver face à de nombreuses informations semblant douteuses. Toutes doivent être transmises. Si l'amendement est satisfait, je le retire. Au besoin je le retravaillerai.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS48 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
Suivant l'avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS300 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Si les examens prévus à l'article 388 du code civil ne donnent pas une certitude absolue sur la minorité de l'enfant, ils permettent en l'absence de documents authentiques de réduire l'arbitraire en matière d'évaluation de la minorité, la marge d'erreur devant par ailleurs bénéficier à l'enfant. La sollicitation obligatoire de l'autorité judiciaire en cas d'absence de documents authentiques est de nature à renforcer la protection des enfants et elle doit concourir à une décision la plus étayée possible.
L'amendement vise à faire en sorte que la demande de mise en œuvre de ces examens, faite par le président du conseil départemental à l'autorité judiciaire, ne soit pas une faculté mais une obligation en l'absence de documents authentiques.
Vous souhaitez rendre systématique la demande au juge de recourir aux tests osseux, dont l'encadrement est prévu par l'article 43 de la loi de 2016 et inscrit à l'article 388 du code civil, qui définit l'âge de la majorité. Les tests osseux ne peuvent être utilisés aux fins de détermination de l'âge d'un individu qu'en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable. Ils ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens doivent préciser la marge d'erreur et ne peuvent permettre à elles seules de déterminer si un individu est mineur. Enfin, le doute doit profiter à l'intéressé.
Il ne s'agit donc que d'un outil parmi d'autres. Ces tests doivent rester très encadrés et utilisés uniquement en dernier recours. Je ne suis pas favorable à ce que cette méthode soit rendue plus systématique.
Je n'ai pas bien compris. Si vous voulez systématiser la saisine de l'autorité judiciaire, elle l'est déjà : le test osseux n'est possible que sur décision judiciaire. Si vous souhaitez systématiser le recours au test osseux, j'y suis défavorable, car il ne doit être utilisé qu'en dernier ressort. C'est un acte très encadré par le Conseil constitutionnel et par la loi, et l'état du droit me semble convenir.
Avis défavorable.
Madame la rapporteure, je n'enlève pas un mot à vos propos. Je propose simplement un moyen supplémentaire pour le jeune de faire établir sa minorité lorsqu'il ne dispose pas de documents authentiques, qui vient abonder le dossier et réduire l'arbitraire. Ma rédaction est peut‑être perfectible, mais je vois cet amendement comme une chance supplémentaire pour asseoir la protection de l'enfant et je le maintiens.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS467 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
La commission en vient ensuite à l'amendement AS47 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
Suivant l'avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l'amendement.
La commission est saisie de l'amendement AS46 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS338 de Mme Sandrine Mörch
Dans la même ligne que les précédents, il vise à garantir les droits du mineur dans la procédure d'évaluation, en encadrant le recueil d'informations cette fois‑ci par le président du conseil départemental. La personne doit se voir communiquer l'ensemble des informations recueillies, pouvoir formuler ses observations et être accompagnée d'un tiers de confiance.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS102 de M. Didier Martin.
Il arrive que certains départements d'accueil soumettent le mineur à nouvelle évaluation de la minorité alors même qu'un autre conseil départemental et un parquet avaient reconnu ce statut de mineur. Cet amendement vise à y mettre fin.
J'y suis si favorable que j'avais déposé un amendement en ce sens après l'article 14, qui a été adopté. Demande de retrait.
Effectivement, cet amendement aurait dû être placé plus haut.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS448 de Mme Sandrine Mörch et AS196 de M. Jean‑Michel Clément.
Mon amendement vise à inscrire dans la loi la réserve du Conseil constitutionnel s'agissant des conclusions tirées par les conseils départementaux de la procédure en préfecture et de ses résultats. Dans une décision du 26 juillet 2019, le Conseil a en effet expressément rappelé que la majorité d'une personne se présentant comme MNA ne saurait être déduite ni de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu'elle est déjà enregistrée dans les fichiers AEM, VISABIO ou AGDREF 2.
Comme le rappelle l'étude d'impact du projet de loi, l'évaluation de minorité résulte d'un faisceau d'indices qui reposent sur les entretiens d'évaluation et d'autres informations recueillies au cours du processus, dont le traitement AEM, qui ne peut à lui seul fonder une décision d'évaluation comme majeur.
L'amendement AS196 est quasiment identique. On ne doit pas déduire du refus de la personne que l'on recueille ses empreintes qu'elle est présumée majeure.
Cette préoccupation est satisfaite par la décision du Conseil constitutionnel, mais il me semble bon de le rappeler expressément dans la loi. Nous préférons la rédaction du second amendement, madame Mörch, mais le fond y est.
Même avis.
La différence est à la fin : l'amendement AS196 ne liste pas les fichiers, mais fait référence au « traitement automatisé mentionné au présent II ». Je vous demande de retirer le vôtre, madame Mörch, à son profit. Cette disposition remettra le fichier à sa juste place, c'est‑à‑dire un outil d'aide à l'évaluation parmi tous ceux qui sont à la disposition du président du conseil départemental.
L'amendement AS448 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS196.
La commission en vient ensuite aux amendements AS44, AS45 et AS49 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
Suivant l'avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS222 de Mme Perrine Goulet.
Il tend à renforcer en l'inscrivant dans la loi l'arrêté du 20 novembre 2019 que vous avez signé, monsieur le secrétaire d'État, s'agissant de la continuité des parcours des MNA. Certaines préfectures, sur votre instruction donc, ont commencé à tenir des rendez‑vous avec les MNA lorsqu'ils atteignent l'âge de 17 ans, pour faire un point et s'assurer qu'ils pourront poursuivre leur parcours et leur scolarité à leur majorité sans drame et sans encombre. Cela permet d'évaluer leur situation et de préparer leur régularisation ou leurs papiers en fonction de leurs droits.
Il me semble que votre amendement ne fait pas référence au bon texte. Ce qu'il propose, c'est qu'un an avant sa majorité, le MNA soit réévalué, ce qui pourrait remettre en cause son statut de mineur, son isolement ou son identité alors qu'il aura déjà été évalué et admis à l'ASE. Je n'ai pas l'impression que cela corresponde à votre souhait, et en tout cas pas à votre exposé des motifs. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
Je pense en effet que vous vous êtes trompée de texte de référence : il s'agit d'une instruction du 21 septembre 2020 du ministre de l'intérieur aux préfets, qui leur recommande de commencer à faire le point sur la situation du jeune un an avant sa majorité. En l'occurrence, votre amendement remet en cause l'évaluation faite.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS42 de Mme Cathy Racon-Bouzon.
Suivant l'avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS468 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
La contribution forfaitaire versée aux départements doit servir non seulement à l'évaluation de la situation des personnes se déclarant MNA, mais également à leur mise à l'abri. Cet aspect ne doit pas être oublié.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte successivement l'amendement rédactionnel AS469 et l'amendement de cohérence AS470 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Elle aborde ensuite l'amendement AS443 de M. Didier Martin.
Nous souhaitons que dans un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi, il soit fait un bilan de la généralisation du fichier AEM.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : les cellules MNA devraient être capables de fournir les données relatives à l'utilisation du fichier AEM.
La commission adopte l'amendement.
Enfin, elle adopte l'article 15 modifié.
Après l'article 15
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS80 de M. Guillaume Chiche et AS162 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de supprimer la possibilité d'effectuer des tests osseux pour déterminer si une personne est mineure ou majeure. Cette démarche ne repose sur aucun fondement scientifique. Rappelons que les tests osseux ont été créés non pas pour déterminer l'âge d'une personne, mais pour suivre la croissance des enfants en se référant à des planches comparatives établies en 1930. La cheffe du service de radiologie pédiatrique de l'hôpital Bicêtre indique en outre que ces tests sont peu fiables, et qu'ils le sont encore moins s'agissant d'adolescents proches de la majorité.
Mettons‑nous à la place de ces jeunes en situation de grande vulnérabilité. On les soumet déjà à une procédure d'évaluation extrêmement éprouvante. Les obliger à se présenter en sus dans un centre de radiologie afin d'observer la constitution et le développement de leur ossature est indigne. Bannissons de notre pays cette pratique dégradante.
La pratique des tests osseux va en effet à l'encontre de l'impératif de protection des enfants. Répétons‑le : elle vise en réalité, sur le fondement d'un outil non scientifique et qui pose de multiples problèmes, à dénier le statut de mineur à un certain nombre d'enfants afin qu'ils ne bénéficient pas de la protection à laquelle ils devraient avoir droit.
Dans son rapport de 2014, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) indiquait que la maturation d'un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique ou géographique, son état nutritionnel ou son statut économique et soulignait qu'il n'est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer ou interpréter un test qui n'est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n'est pas mis en œuvre dans l'intérêt thérapeutique de la personne. La Commission nationale consultative des droits de l'homme notait en 2013 que l'Académie nationale de médecine, le HCSP et la communauté médicale avaient relevé que le test osseux comportait des possibilités d'erreur et ne permettait pas de poser une distinction nette entre 16 et 18 ans. En 2014, elle recommandait qu'il soit mis fin à la pratique consistant à ordonner des expertises médico‑légales de détermination de l'âge reposant sur des examens physiques du jeune isolé étranger, l'évaluation de l'âge à partir d'un examen osseux, des parties génitales, du système pileux ou de la dentition devant être interdite.
Nous appuyant sur ces différents éléments, nous demandons la fin de cette pratique, qui tend à la gestion, à la régulation et à la répression des flux migratoires, plutôt qu'à la protection des enfants concernés.
Avis défavorable.
J'ai déjà indiqué le cadre juridique dans lequel ces tests sont pratiqués. On ne les utilise qu'en dernier recours et de manière strictement encadrée par la loi, à savoir sur la réquisition de l'autorité judiciaire et à l'intérieur d'un faisceau d'indices.
En complément, je dirai que dans sa décision de 2019, le Conseil constitutionnel a estimé que cette pratique n'était pas attentatoire à la dignité humaine et a rappelé les conditions encadrant son usage. Il s'agit d'une méthode d'évaluation parmi d'autres.
Les tests osseux sont pour l'heure considérés comme une aide à la décision et je les vois aussi comme une ressource pour l'enfant qui souhaiterait faire lever les doutes sur sa minorité. Tout ce qui peut contribuer à établir celle‑ci doit pouvoir être mis en œuvre. N'étant pas médecin, je ne puis juger de la fiabilité des tests mais il me semble que dès lors qu'il y a un doute, il doit profiter à l'enfant. C'est en tout cas à creuser.
Ces atlas ont été établis en Amérique du Nord au début du XXe siècle. Ils portaient sur une population plutôt blanche et leur objectif était davantage de détecter un retard de maturation osseuse, notamment à des fins de dépistage du rachitisme par carence vitaminique, plutôt que d'évaluer l'âge de l'individu. Appliqués à un autre objet et concernant une population très différente – les MNA proviennent surtout d'Afrique de l'Ouest – ces tests n'ont pas une très grande valeur scientifique. Je souscris aux propos de la cheffe de service de l'hôpital Bicêtre : même en dernier recours, leur usage ne devrait pas pouvoir apporter une certitude au juge. Je voterai pour les amendements.
Il ne s'agit aucunement d'apporter une certitude, monsieur Martin : ce n'est qu'un indice parmi d'autres, à considérer comme tel.
La commission rejette successivement les amendements.
TITRE VII DISPOSITIONS OUTRE‑MER
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS474 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.
Article 16 : Habilitation relative à l'application outre-mer
La commission adopte l'article 16 sans modification.
Enfin, elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance s'achève à trois heures quinze.