COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE
Mercredi 20 janvier 2021
La séance est ouverte à quinze heures cinq.
La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen des amendements à l'article 4.
Nous avons examiné ce matin 36 amendements, à un rythme de 12 amendements par heure. Dans la mesure où il en reste 1 470, il serait raisonnable de faire un petit effort de concision. Je serai donc un peu plus strict quant à l'application des règles : deux minutes pour présenter un amendement, deux réponses maximum d'une minute chacune après les avis du rapporteur et du ministre.
Article 4 (suite)
La commission examine l'amendement CS1132 de M. Boris Vallaud.
La Défenseure des droits demandait ce qu'apportera le dispositif de l'article 4 à l'enchevêtrement des dispositions existantes. On peut, en effet, s'interroger sur sa pertinence, notamment sur l'intérêt d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français.
Notre proposition vise à supprimer les mots : « ou de commettre tout autre acte d'intimidation ». Au regard du principe de légalité, le terme d'« intimidation » apparaît très subjectif et ouvrir des perspectives quasi infinies d'interprétation.
La notion d'« acte d'intimidation » est connue en droit pénal et est parfaitement définie par la jurisprudence, qui en retient une acception large. Avis défavorable.
Même avis : la jurisprudence a défini très clairement cette notion.
Je prendrai connaissance avec intérêt de cette jurisprudence. Je note qu'elle est à la fois très claire et très large, ce qui me paraît un peu contradictoire.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure et du Gouvernement, elle rejette l'amendement CS796 de Mme Catherine Osson.
La commission examine l'amendement CS1198 de M. Jean-Christophe Lagarde.
Il s'agit de préciser que tous les élus, y compris les conseillers municipaux et les adjoints au maire, sont concernés par les agissements définis à l'article 4.
Une telle précision ne me paraît pas utile dans la mesure où les élus d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public entrent dans le champ de l'infraction créée en tant que personne participant à l'exécution d'une mission de service public, comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis. Avis défavorable.
La question est précisément de savoir si un conseiller municipal, qui ne détient pas de délégation du maire, peut être considéré comme une personne participant à l'exécution d'une mission de service public. Il participe certes à la décision d'exécuter un service public, mais il n'est pas exécutant en tant que tel. Là réside la fragilité de la rédaction.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1540 de M. François Cormier-Bouligeon.
Dans un arrêt du 13 janvier 2017, le Conseil d'État a étendu le champ de la protection fonctionnelle aux collaborateurs occasionnels du service public. En vertu d'un principe général du droit, toute personne qui apporte son concours à l'administration, même de façon ponctuelle, peut bénéficier de la même protection que les agents publics. L'amendement CS1540, comme le CS1542 à venir, tend à appliquer ce principe en permettant aux collaborateurs occasionnels du service public de jouir du cadre protecteur de l'article 4.
Votre amendement est satisfait. Les collaborateurs occasionnels du service public, qu'ils soient rémunérés ou non, entrent dans le champ du nouveau délit en tant que « toute personne participant à l'exécution d'une mission de service public ». Cette analyse a été validée par le Conseil d'État.
La même argumentation vaut pour l'amendement CS1542.
Je retiens que Mme la rapporteure a indiqué que le même régime s'applique aux agents et aux collaborateurs occasionnels du service public, et souhaite que l'on s'en souvienne quand nous débattrons de l'obligation de neutralité en séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1823 de la rapporteure et CS433 de Mme Isabelle Florennes.
Cet amendement politiquement fort répond à une demande insistante des agents publics, des personnes agissant dans le cadre d'une délégation de service public et de l'opinion publique, à la suite des événements récents. Il a pour objet de permettre à l'administration ou au délégataire de service public de porter plainte pour des actes commis à l'encontre de ses agents ou préposés, malgré la règle procédurale selon laquelle « nul ne plaide par procureur ». Les victimes menacées ou intimidées sont parfois dissuadées de porter plainte elles-mêmes, par crainte des représailles.
Le dépôt de plainte se ferait auprès du procureur de la République ou des services de police ou de gendarmerie, bien que l'administration ou le délégataire de service public ne soit pas la victime directe des actes en cause. Pour ne pas s'écarter des principes de base de notre procédure pénale, il n'est pas prévu que l'administration ou le délégataire puisse mettre en mouvement l'action publique en se constituant partie civile devant le juge d'instruction ou en citant directement les auteurs du délit devant le tribunal correctionnel.
Le dépôt de plainte n'en manifeste pas moins un engagement fort de la structure en charge du service public aux côtés de son agent, à la différence du signalement prévu par l'article 40 du code de procédure pénale, qui oblige seulement l'administration à informer l'autorité judiciaire d'une infraction dont elle a connaissance. Une telle implication du service public est aujourd'hui réclamée tant par les personnels concernés, qui, souvent, ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie, que par l'opinion publique.
La question s'est posée de savoir s'il fallait donner au dépôt de plainte un caractère obligatoire. Selon certains, si l'on oblige l'administration délégataire à porter plainte, la protection de l'agent s'en trouvera renforcée. À cela, j'opposerai deux arguments. D'un point de vue juridique, il n'existe pas, à ma connaissance, de domaine dans lequel on peut obliger une personne à déposer plainte. D'un point de vue circonstanciel, la victime ne souhaite pas toujours que l'on dépose plainte pour son compte. C'est pourquoi il nous a semblé préférable de ne pas retenir l'obligation.
Il ne s'agit pas d'un principe général. Nous proposons de circonscrire le dispositif à l'incrimination nouvelle, car celle-ci vise à obtenir une application différenciée de la règle du service public exercé directement ou indirectement. On pourrait en concevoir l'élargissement à tout type d'infraction – je n'y serais pas opposée –, mais une étude d'impact serait nécessaire.
Par l'amendement CS433, nous souhaitons aller plus loin, en posant l'obligation de déposer plainte. Lorsque les agents menacés, intimidés, sont dissuadés de porter plainte, craignant des représailles, il nous semble important que l'autorité puisse se substituer. Selon nous, la rédaction ne garantit pas la protection de l'agent en cas de menace.
L'amendement CS433 comporte une imperfection rédactionnelle concernant les modalités du dépôt de plainte, qui semblent exclure le procureur de la République.
J'ai développé les raisons qui, à mon sens, s'opposent à ce que l'on retienne ce caractère obligatoire. Dans notre droit, le seul cas d'obligation est l'obligation qui pèse sur tout un chacun de dénoncer un crime dont il a connaissance, et, encore, sous certaines conditions. De surcroît, elle ne concerne pas un dépôt de plainte. Je ne vois pas comment on peut contraindre une personne, publique ou privée, à déposer plainte. Je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.
L'objectif poursuivi est louable : il s'agit d'aider la victime, qui peut avoir peur. On entend parfaitement que l'administration soutienne son agent. Madame la rapporteure, je donnerai un avis de sagesse sur votre amendement. Nous souhaitons poursuivre la réflexion avec vous pour trouver la meilleure rédaction possible d'ici à la séance publique. En revanche, nous sommes défavorables à l'amendement CS433, car la systématisation de la plainte serait trop rigide. Mieux vaut encadrer cette nouvelle faculté que le législateur entend donner à l'administration.
La commission adopte l'amendement CS1823.
En conséquence, l'amendement CS433 tombe.
L'amendement CS1542 de M. François Cormier-Bouligeon est retiré.
La commission examine l'amendement CS565 de M. Éric Ciotti.
La peine complémentaire d'interdiction du territoire français introduite par l'article 4 va dans la bonne direction, à cela près que son prononcé est une faculté. Je propose d'en faire une obligation, tout en offrant à la juridiction la possibilité de ne pas l'ordonner, par une décision spécialement motivée.
Votre amendement entre en contradiction avec plusieurs articles du code pénal, en vertu desquels le prononcé de cette peine complémentaire est, selon les hypothèses, prohibé ou soumis à une décision spécialement motivée, au regard de la gravité de l'infraction et de la situation familiale et personnelle de l'intéressé. En conséquence, j'émets un avis défavorable.
Je n'ai ni la mémoire ni la culture politique du ministre de l'intérieur, mais il me semble que c'est M. Sarkozy qui avait limité la double peine.
Vos propositions contredisent les articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal, qui encadrent le prononcé d'une telle peine complémentaire et laissent – ce qui est heureux – une grande liberté d'appréciation au juge. C'est une décision qui doit être spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction, d'une part, et de la situation personnelle et familiale de la personne, d'autre part. La systématisation est, en la matière, une bien mauvaise solution. Défavorable.
La mesure que nous proposons est tout à la fois très dure et très juste. Du reste, la faculté offerte au juge est indépendante de la sanction administrative. Le juge judiciaire a la possibilité de prononcer une interdiction de rester sur le territoire national et d'ordonner la reconduite à la frontière. Parallèlement, l'autorité administrative peut prendre une sanction. Depuis le 29 septembre dernier, selon mes instructions, une personne étrangère en situation régulière – si elle est en situation irrégulière, cela va de soi – condamnée pour trouble à l'ordre public se voit délivrer, au terme de sa peine, une obligation de quitter le territoire français (OQTF), sa carte de résident n'étant pas renouvelée. Je demanderai au corps préfectoral de prononcer cette mesure en cas de condamnation au titre du nouveau délit institué à l'article 4.
Monsieur le garde des Sceaux, il ne s'agit pas ici de la double peine, qui désigne le prononcé automatique d'une sanction administrative à la suite d'une décision judiciaire. Rassurez-vous, je défendrai un peu plus loin un amendement qui vise au rétablissement de celle-ci, ce que j'assume. J'ai toujours été cohérent. Le sarkozysme est un bloc ; avec M. le ministre de l'intérieur, nous en assumons l'héritage, si je puis dire. J'ai toujours été opposé à la décision de limiter la double peine – mais je n'étais, alors, pas député.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1325 de M. Éric Diard.
Selon les termes de l'article 131-30 du code pénal, une interdiction du territoire français (ITF) entraîne de plein droit la reconduite d'un condamné à la frontière, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement et de réclusion. Il me paraît nécessaire de compléter cet article en conférant au préfet la possibilité de prononcer une obligation de quitter le territoire français, l'OQTF étant la traduction administrative de l'ITF. À des fins d'efficacité, et parce qu'il est intolérable que la moindre pression soit exercée sur une personne participant à l'exécution d'une mission de service public, l'amendement vise à inscrire à l'article 4 que les personnes condamnées à une ITF feront automatiquement l'objet d'une OQTF.
Du point de vue administratif, pour prononcer une OQTF il faut disposer de l'interdiction de retour sur le territoire national, ce qui n'est pas toujours le cas. J'ai demandé que les préfectures puissent systématiquement joindre à une OQTF l'acte judiciaire d'ITF correspondant, dans le cadre de la simplification des arrêtés préfectoraux. C'est désormais automatique.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Après l'article 4
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS5 de M. Pierre Cordier et CS1403 de M. Éric Diard.
Dans l'ensemble du territoire, quotidiennement, des enseignants voient leur autorité contestée, parfois violemment, par des élèves et des parents qui se croient tout permis. Dimanche dernier encore, un père de famille a été écroué à Nîmes pour avoir menacé un directeur d'école de « lui faire comme à Samuel Paty ». Il est urgent de mettre un terme à cette évolution délétère. La République le doit d'abord à Samuel Paty. La loi doit poser clairement le principe de respect, sans condition, du professeur.
Il convient de rétablir l'ordre dans les notions. Les professeurs ont été recrutés sur concours ; leur compétence a donc été vérifiée. Ils connaissent les programmes. Ils ont été titularisés à la suite d'une inspection et sont évalués tout au long de leur parcours professionnel. Cela leur donne autorité pour accomplir leur travail ; la respecter c'est leur permettre de le faire dans les meilleures conditions. Le respect dû aux professeurs et à tout le personnel éducatif, tant par les élèves que par leur famille, est la base du lien de confiance qui doit unir les membres de la communauté éducative ; il n'en résulte pas. L'amendement CS5 vise à modifier en ce sens l'article L. 111-3-1 du code de l'éducation.
Il s'agit de répondre à une forte demande des enseignants, à la suite de la tragique affaire Samuel Paty. L'amendement CS1403 présente un caractère certes déclaratif, mais il est bon, parfois, de rappeler que les élèves et leurs parents doivent le respect aux enseignants.
Je comprends la motivation, mais ces amendements ne sont pas de nature législative et n'ont aucune portée normative. Les dispositions du code de l'éducation, dans la rédaction issue de la loi pour une école de la confiance de 2019, ont permis de trouver un équilibre satisfaisant. Je ne crois pas que la disposition que vous proposez aurait pu, d'une quelconque manière, éviter l'acte terrible commis contre Samuel Paty. Du reste, vous avez reconnu son caractère déclaratif. Avis défavorable.
Le Conseil supérieur de l'éducation a eu à connaître de votre amendement. Contrairement à ce que vous avez dit un peu hâtivement, seuls trois enseignants sur soixante et onze y étaient favorables. En outre, la suppression de l'article L. 111-3-1 de la référence à l'engagement et à l'exemplarité des personnels de l'éducation enverrait un bien curieux signal, au lendemain du Grenelle de l'éducation, qui a marqué le lancement d'un travail ambitieux de revalorisation du métier d'enseignant. Je comprends vos motivations, mais il faut éviter des amalgames un peu douteux entre le respect que l'on doit aux enseignants et leur engagement, qui est reconnu par la loi, et qu'il ne faut pas modifier. Défavorable.
Monsieur le garde des Sceaux, il me semble que vous ne vous adressez pas toujours aux députés de manière très convenable – M. Ciotti a reçu un de vos coups de griffe. Je ne suis pas le dernier à apprécier l'ironie et la controverse, mais j'ai le sentiment que vous en abusez. Cela dit, vous avez votre liberté de parole et je ne suis pas encore ministre de la justice – ce qui est peut-être une bonne chose pour certains…
L'enseignant que je suis en dehors de mon mandat de député est sensible aux propos d'Éric Diard, mais il faut éviter la surenchère verbale dépourvue d'effet. Si, demain, des pompiers, des policiers, d'autres fonctionnaires étaient agressés, faudrait-il insérer dans la loi une disposition similaire ? Je crains que cela n'apporte rien aux enseignants. La sobriété est parfois plus efficace pour assurer le respect envers les représentants de l'État.
Il ne faut pas réduire le point de vue des enseignants aux positions du Conseil supérieur de l'éducation, qui ne représente qu'une infime partie d'entre eux. Par ailleurs, je souhaiterais qu'après la dramatique affaire Paty, on n'utilise pas les termes « amalgames douteux ». Cela me paraît pour le moins déplacé.
Sans vouloir polémiquer, j'aime, monsieur Corbière, quand vous devenez l'arbitre des élégances, avec cette mesure qui vous caractérise si bien et tient lieu de fil rouge à la manière dont vous vous exprimez. Éric Ciotti sera ravi de vous avoir pour avocat. Il est tellement timide, Éric Ciotti, que s'il avait été heurté par mon propos, il n'aurait jamais osé me le dire. Grâce à vous, c'est chose faite et l'injustice est réparée.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine, en discussion commune les amendements CS23 de Mme Annie Genevard et CS396 de M. Jean-Baptiste Moreau.
Contrairement à M. Corbière, je pense que depuis l'assassinat de Samuel Paty, il est nécessaire de distinguer dans notre code les actes perpétrés contre un enseignant. Au moment de sa mort, tout le pays a été saisi car le fait de s'en prendre à un enseignant est un symbole d'une particulière gravité.
Le code pénal qualifie de délit le fait d'entraver l'exercice de la liberté d'expression, de travail, d'association, de réunion ou de manifestation, mais l'entrave à l'exercice du métier d'enseignant n'est pas expressément visée. Nous proposons d'y remédier en ajoutant un alinéa à l'article 431-1 du code pénal.
J'ai bien compris que les mesures du projet de loi englobaient aussi les menaces graves proférées contre les enseignants mais, sans aller jusque-là, des pressions peuvent s'exercer sous d'autres formes et conduire des enseignants à renoncer à transmettre certains enseignements, de peur d'en affronter les conséquences, de la part de leurs élèves ou des parents. Dans cette zone grise, on retrouve les intimidations, les insultes, qui ne relèvent pas de ce projet de loi. C'est pourquoi je vous propose l'amendement CS23, afin de compléter le code pénal et protéger la liberté d'enseigner.
Pierre Cordier l'a dit, après la mort de Samuel Paty, on aurait pu penser que les intimidations, les pressions, les menaces, les insultes cesseraient, compte tenu des circonstances tragiques qui ont conduit à l'assassinat de ce malheureux enseignant. Pas du tout ! Le 7 janvier, un professeur a été agressé après un cours, et c'est lui qui a été obligé de quitter son établissement !
L'amendement CS396 vise à créer une nouvelle infraction pénale dite de délit d'entrave à l'enseignement. Il s'agit de protéger l'enseignant dans l'exercice de sa liberté pédagogique. Elle ne vise pas uniquement la liberté pédagogique qui est un aspect de la liberté de l'enseignant, dans la limite du respect des programmes et des instructions. Elle ne vise pas non plus uniquement le harcèlement ou les menaces de commettre un crime ou un délit, déjà couverts par le code pénal. Il s'agit de créer une infraction qui englobe l'ensemble de ces actes et d'incriminer le fait de menacer ou de tenter de menacer un professeur pour ce qui l'enseigne, par ceux à qui il enseigne.
Je comprends très bien l'objectif que vous poursuivez, mes chers collègues, mais il n'est pas nécessaire de créer cette nouvelle incrimination, car les faits que vous visez sont déjà réprimés dans le code pénal par des incriminations générales. Lorsque l'on cherche à préciser la qualité des victimes ou des auteurs, en incluant certaines personnes ou en en excluant d'autres, on réduit la portée de ces incriminations générales, car on oublie souvent quelqu'un ou bien on mentionne des personnes déjà visées. Laissons leur portée aux incriminations générales.
Qui plus est, la création de ce nouveau délit d'entrave à l'enseignement aurait pour effet paradoxal d'atténuer la répression de ces actes car les sanctions dont vous l'assortiriez sont inférieures à celles prévues pour réprimer les incriminations générales. Pour toutes ces raisons, je n'y suis pas favorable.
Pour revenir au terrible assassinat de Samuel Paty, les mesures prévues à l'article 18 du projet de loi devraient permettre de protéger plus efficacement l'ensemble de nos concitoyens, en particulier les enseignants.
Nous comprenons tous le sens de ces amendements mais je ferai trois remarques. Tout d'abord, le texte a vocation à protéger tous les serviteurs de la République. Ensuite, l'actualité crue a posé un éclairage particulier sur la profession d'enseignant. C'est l'affaire du professeur Paty. Or d'autres professions sont également menacées et on ne peut pas les distinguer. Enfin, paradoxalement, alors que vous souhaitez mieux protéger les professeurs, les sanctions que vous proposez seraient moins sévères que celles de ce projet de loi.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à ces amendements, même si j'en comprends la signification.
Je soutiens ces amendements. Ces faits sont une réalité. Quelques semaines après l'hommage rendu à Samuel Paty dans nos établissements, un professeur d'histoire d'un collège de ma circonscription s'est fait agresser et menacer par un parent d'élève qui n'avait pas du tout apprécié une de ses leçons. Le professeur n'a pas été menacé de mort mais on lui a fait comprendre qu'il n'avait pas à aborder certains sujets, par des pressions morales, voire physiques. Ce professeur, qui ne s'est pas senti soutenu par sa hiérarchie, a été arrêté par son médecin, avant de demander à l'inspecteur d'académie à être muté dans un autre établissement. Ses collègues ont manifesté leur colère, que l'on peut comprendre.
Alors que l'article 18 prévoit de créer un nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui, celui évoqué par nos collègues vise des faits moins graves comme l'exercice de pressions morales ou physiques, les menaces ou les insultes, mais qui doivent tout de même être sanctionnés.
Il y a des moments symboliques qui nécessitent de laisser de côté tout cynisme, toute polémique, tout effet de manche. Depuis la décapitation de Samuel Paty, la principale demande des personnels de l'éducation nationale, en particulier des enseignants, est d'être assurés de la protection et de l'accompagnement de la puissance publique.
Je partage les arguments juridiques de Mme la rapporteure et le point de vue du garde des Sceaux, mais il est des moments où la loi, sans être bavarde, pourrait distinguer les personnels de l'éducation nationale qui se retrouvent en première ligne, ne serait-ce que symboliquement. À titre personnel, je voterai ces deux amendements.
Au deuxième alinéa de l'article 431-1 du code pénal, il est question du délit d'entrave de l'exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique. La loi distingue déjà des activités auxquelles elle attache une importance particulière. L'argument ne me semble donc pas pertinent.
Cela étant, je veux bien convenir que la rédaction de mon amendement recoupe celle du projet de loi, notamment pour les termes de « menace » et d'« intimidation », tout en prévoyant des peines plus faibles. Je vous propose par conséquent de rectifier cet amendement en enlevant les termes « menace » et « intimidation » pour n'y laisser que les pressions et les insultes.
Qu'est-il arrivé, à ce professeur de la région lyonnaise, dont j'ai cité le cas tout à l'heure ? Le père d'un de ses élèves s'est présenté à lui en tant que musulman et lui aurait interdit de parler, en cours, de politique et de l'assassinat du professeur Samuel Paty. Ce fait n'est pas visé par l'article que vous proposez, car il se situe dans cette fameuse zone grise. Je vous propose par conséquent, monsieur le président, de mettre aux voix cet amendement tel que je viens de le rectifier.
Je suis sensible aux propos de Mme Genevard. Nous sommes nombreux à avoir enseigné et l'émotion est telle qu'il semble légitime d'envoyer des signes forts. Pour autant, je ne voudrais pas que l'on croie que rien n'était prévu dans la loi jusqu'à présent. D'ailleurs, les enseignants ne le pensent pas ; ils reprochent plutôt la non-application de la loi. Ils se plaignent bien souvent, lorsqu'ils s'ouvrent de leurs difficultés à leur chef d'établissement, de ne pas être accompagnés. Ne donnons pas l'impression que tous les problèmes seront réglés du jour au lendemain parce que nous aurions comblé les lacunes de la loi. Nous devrions plutôt réfléchir aux moyens de la faire appliquer.
Prenons garde, par ailleurs, à ne pas judiciariser la moindre tension qui naît au sein d'un établissement scolaire. Tel que l'article est rédigé, les élèves eux-mêmes pourraient être concernés. J'ai enseigné pendant vingt-cinq ans dans un lycée professionnel. Les élèves passaient la plus grande partie de mes cours à les contester, par indiscipline ou par conviction politique ou religieuse. Ces comportements appellent des sanctions pédagogiques mais toute la difficulté est de les faire appliquer. Faute de surveillants, l'enseignant ne sait que faire. S'il exclut l'élève de son cours, il sait que celui-ci se retrouvera dans la rue, ce qui n'est pas une solution. Alors il s'autocensure. C'est un exemple des nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants, par manque de surveillants, de médecins scolaires ou encore de psychologues scolaires. Sanctionner pénalement la moindre contestation des élèves serait une erreur complète.
Cela étant, les menaces sont intolérables et doivent être condamnées mais, entre un élève qui élève le ton et se montre irrespectueux, voire grossier, et un parent qui menace, il faut savoir faire la différence.
Notre groupe votera contre ces amendements qui prévoient une infraction dont la portée est moins forte et les sanctions moins sévères que celles prévues par l'article 18 du projet de loi.
Je comprends le sens de l'amendement et j'apprécie le soutien ainsi apporté aux enseignants, mais je m'interroge sur l'application concrète de cette disposition relative à la liberté pédagogique. Par exemple, si un enfant refuse de lire un livre prescrit par un enseignant, ne sommes-nous pas dans le cas de l'application différenciée des règles d'un service ?
Cet amendement me semble très pertinent, surtout après sa rectification. Nous ferions œuvre utile et nous enverrions un message très fort en l'adoptant. Je ne peux comprendre que vous y soyez si réticents tout simplement parce qu'il est issu de l'opposition. Nous devons être unis pour faire face à ces entraves qui sont de plus en plus fréquentes et ne cesseront, malheureusement, de s'accroître. Nous devons y mettre fin en faisant preuve de courage – je maintiens ce mot contesté. Il faut soutenir nos enseignants qui se trouvent très souvent isolés. J'ai eu le cas, dans ma circonscription, d'une enseignante d'un collège de Nice qui a été prise à partie et menacée. J'ai dû remonter jusqu'au ministre de l'éducation nationale pour qu'elle soit soutenue parce que, finalement, c'était elle qui se retrouvait lâchée.
Je comprends l'intention des auteurs de ces amendements ainsi que de M. Chouat qui a rappelé l'importance des symboles. En l'espèce, nos concitoyens, en particulier les enseignants, attendent surtout de nous que nous agissions en votant des textes qui permettent d'améliorer la situation. Or, en droit pénal, plus nous voterons des textes qui se superposent, plus nous risquerons de paralyser la procédure judiciaire, ce dont ne manqueront pas de s'émouvoir nos concitoyens. Restons extrêmement vigilants.
Madame Genevard, en rectifiant votre amendement, vous ne l'améliorez pas, bien au contraire. Vous reconnaissez qu'en visant les menaces et les intimidations, vous créez de la confusion avec d'autres articles de droit pénal, actuels ou à venir, mais comment distinguerons-nous les pressions des intimidations ? N'avez-vous pas l'impression de compliquer encore davantage l'application du droit ?
Je comprends les interventions des uns et des autres. Il me semblait que l'article 4, tel qu'il est rédigé, suffisait à couvrir la notion d'intimidation. Par ailleurs, les sanctions que vous prévoyez sont moins fortes que celles du texte et le risque de confusion avec d'autres mesures est réel. Je vous propose que nous y travaillions en toute transparence d'ici à la séance publique. Il est important que nous consolidions le dispositif que nous avons voté ce matin.
Je comprends que vous vouliez donner une portée hautement symbolique à ce texte, mais la loi a une portée générale. En vertu de sa vocation erga omnes, elle s'applique à tous. Votre émotion est légitime mais si l'on fait un texte pour les enseignants, il faut aussi en faire un pour toutes les autres catégories de serviteurs de la République. La victime fut un enseignant ; elle aurait tout aussi bien pu être un magistrat, un autre fonctionnaire, une personne chargée d'une mission de service public. L'éclairage, en l'espèce, fut porté sur la profession d'enseignant et nous avons tous entendu le chagrin et les doléances de ce corps essentiel dans la République, puisqu'il forme les citoyens de demain.
Cependant, votre amendement pose des problèmes d'ordre légistique. Certains pensent que nous sommes contre parce qu'il serait issu de l'opposition. Pas du tout ! Il n'y a pas de place pour des discussions politiciennes et nous sommes face à un sujet qui transcende les clivages. Je vous redis ma réserve. On ne peut pas présenter les choses de manière manichéenne. Il n'y a pas, d'un côté, les pro-enseignants et, de l'autre, les anti-enseignants. La loi est la même pour tout le monde. D'ailleurs, je suis parti, avec le ministre de l'intérieur, du cas de Samuel Paty pour essayer de combler certains manques. Nous nous sommes notamment demandé comment nous aurions pu judiciariser plus tôt.
Je vous propose donc, madame Genevard, de travailler avec la Chancellerie pour regarder comment se rapprocher de l'entrave que vous appelez de vos vœux. Il faudra veiller à ce que les dispositions ne soient pas superfétatoires, notamment au regard de l'article 18, et que la situation des enseignants soit traitée de manière suffisamment générale pour que les autres soldats de la République ne soient pas délaissés – les hospitaliers, les pompiers et tant d'autres.
J'accepte bien volontiers votre proposition, mais je tiens à ce que l'on préserve une disposition pour les enseignants. Je ne suis pas certaine, après votre réponse, que ce souhait soit satisfait, aussi vais-je maintenir mon amendement. Son adoption n'empêcherait pas d'y réfléchir ensemble.
L'amendement CS396 est retiré.
La commission adopte l'amendement CS23 rectifié.
Elle examine l'amendement CS1326 de M. Éric Diard.
L'article 4 représente une avancée dans la protection des personnes chargées d'exécuter un service public, je le reconnais. Cependant, il pourrait se heurter au « mur du silence » dans certaines administrations, notamment de la part de supérieurs hiérarchiques. Souvenez-vous du mouvement « Pas de vague », par lequel les enseignants ont dénoncé, sur les réseaux sociaux, l'inertie de leur hiérarchie, qui laissait filer la mouvance séparatiste chez certains parents d'élèves et jusqu'au sein de leurs établissements, pour ne pas attirer l'attention des médias ou des autorités. Je vous propose d'inscrire dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que le fait de ne pas signaler ou de faire taire des agissements constitutifs d'une infraction à la loi ou manifestement contraire aux principes républicains, est une faute grave.
Il me semble plus efficace, plutôt que de prévoir une sanction à l'égard du représentant de l'administration, de lui donner la possibilité de porter plainte, comme nous l'avons fait en adoptant mon amendement à l'article 4. Avis défavorable.
Cet ajout ne présente pas d'intérêt juridique. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques CS24 de Mme Annie Genevard et CS1498 de M. Julien Ravier.
Il s'agit d'introduire dans le projet de loi un principe républicain simple, clair, intelligible : « Nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune ».
Bien évidemment, nous aurions préféré que ce principe devienne constitutionnel mais il n'est pas rare qu'une disposition non retenue pour figurer dans la Constitution trouve sa place dans la loi.
Cet amendement est devenu identique à celui de Mme Genevard après une intervention rédactionnelle des services. J'avais prévu d'en faire le premier article du chapitre Ier, de manière à faire commencer le texte sur une disposition autant symbolique que fondamentale. J'avais également proposé de modifier l'intitulé du chapitre Ier en affirmant la prééminence des lois de la République, ce qui n'a pas été retenu. Il est dommage de commencer par des dispositions relatives au service public.
Nous avons débattu de cette question, madame Genevard, lorsque vous avez soutenu la proposition de loi constitutionnelle relative à la prééminence des lois de la République. Il ne me semble pas utile d'insérer une telle disposition. En tant qu'héritiers de l'universalisme des Lumières et de la Révolution française, nous sommes tous, d'abord, des républicains, quelles que soient nos origines et nos croyances personnelles. Avis défavorable.
Cet amendement a au moins le mérite de souligner une certaine constance. Vous avez essayé d'entrer par la grande porte de la Constitution. En dépit d'efforts louables, vous n'y êtes pas parvenue, aussi tentez-vous votre chance par la porte plus étroite de la loi. En réalité, la loi est une disposition normative qui pose une règle juridique d'application obligatoire. Elle doit être respectée et connue de tous. Nul n'est censé l'ignorer. Tout ce qui s'ajoute à cela serait redondant. Avis défavorable.
Je ne le nie pas, c'est le prolongement de la proposition de loi constitutionnelle. Cette mesure est importante, car la situation est préoccupante. Je suppose que vous avez été attentifs aux récents sondages : trois jeunes musulmans sur quatre considèrent que les lois de la République doivent s'effacer devant celles de la religion. Il arrive à présent que l'on conteste à un professeur d'université la légitimité d'évoquer certains auteurs au motif qu'il n'en aurait pas la couleur de peau. On pourrait multiplier les exemples de personnes qui s'exonèrent de la règle commune en raison de leur origine ou de leur religion. Puisque le projet de loi traite des principes, pourquoi ne pas insérer celui-ci qui est beau et garant d'une vie harmonieuse en société ? Comment pouvons-nous vivre ensemble si l'on n'accepte pas la règle commune ?
Ne confondons pas. D'un côté, nous pouvons tous souscrire à la légitimité des préoccupations sur le fond. De l'autre, nous devons respecter la hiérarchie des normes. Or il ne revient pas au législateur de préciser que la loi a autorité sur la population. C'est le rôle de la Constitution.
La commission rejette les amendements.
Article 5 (art. 6 quater A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Extension aux atteintes à l'intégrité physique et aux menaces du champ des signalements pour les actes dont un agent public est victime
La commission examine l'amendement CS25 de Mme Annie Genevard.
C'est à l'agent public ou aux témoins des faits de les signaler et non à la famille de l'agent. Avis défavorable.
Il est satisfait puisque l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que la protection fonctionnelle peut-être accordée aux ayants droit de l'agent public, s'ils sont concernés.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS603 de Mme Florence Granjus.
Il s'agit de prendre en compte les atteintes à l'intégrité psychique, et pas uniquement physique. En effet, 51 % des salariés du secteur public se disent exposés aux incivilités, insultes et menaces. Plus d'un tiers d'entre eux disent en être personnellement affectés et en souffrir.
Le code du travail confère une obligation de résultat à l'employeur pour protéger la santé physique, mentale et psychique de ses salariés. Le texte doit répondre à cette obligation et reprendre la notion d'atteinte psychique, d'autant que les pressions et insultes sur les personnes qui participent à une mission de service public sont en forte augmentation.
C'est une question très intéressante, sur laquelle l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale nous a donné l'occasion, à Mme la rapporteure et à moi, d'exprimer nos divergences de vues : qu'est-ce que le psychique et comment le caractériser ?
Dans le cas présent, si ce qui est visé est la prévention psychique à apporter aux personnels, ce n'est pas l'objet du texte. Le statut de la fonction publique comporte déjà des dispositions relatives à la prévention des risques professionnels, y compris psychiques. S'il s'agit de viser les conséquences psychiques des pressions, des menaces ou des intimidations, la loi les reconnaît en tant que blessures même si elles sont difficiles à caractériser.
Ma fiche indique « demande de retrait ». Si vous proposiez, en vue de la séance, une rédaction visant clairement les conséquences et caractérisant les torts psychiques, vous n'obtiendriez sans doute pas l'accord de Mme la rapporteure et n'emporteriez peut-être pas l'adhésion majoritaire de la majorité, mais vous recueilleriez mon avis de sagesse.
J'ai travaillé trente ans dans le service public et j'ai été confrontée à une forte explosion des incivilités. J'ai voté tout à l'heure l'amendement de Mme Genevard parce que, parmi les dix professions les plus maltraitées par le public, les enseignants arrivent en premier, subissant dix fois plus d'incivilités que les autres personnels exerçant une mission de service public, les agents du service public de l'emploi, au sein duquel j'ai travaillé, arrivant en troisième position. À cela, aucune réponse n'est apportée.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1825 de la rapporteure et CS126 de M. Jacques Marilossian.
Il s'agit d'étendre le champ de la procédure de signalement à tout acte d'intimidation, par cohérence avec l'article 4 du projet de loi.
Par ailleurs, avis défavorable à l'amendement CS126.
L'amendement CS126 étend les dispositions de cet article aux propos portant atteinte à la dignité humaine.
La commission adopte l'amendement CS1825.
En conséquence, l'amendement CS126 tombe.
La commission l'amendement CS1135 de Mme Cécile Untermaier.
Il s'agit de renforcer la protection des agents publics, en informant dans les meilleurs délais le procureur de la République afin qu'il diligente rapidement une enquête. Pour être effective, la plainte d'un agent public qui a subi une menace ou une violence doit être traitée avec diligence. Nous avons malheureusement pu constater combien cela aurait été nécessaire dans le cas de Samuel Paty.
Votre amendement est satisfait par l'article 40 du code de procédure pénale ainsi que par le dispositif que nous avons adopté à l'article 4. Veiller à ce que la justice soit diligente est un autre sujet.
Je comprends l'intention de M. Vallaud, mais je ne peux que souscrire aux propos de Mme la rapporteure.
Il a été dit, lorsque M. Paty a été victime de la barbarie terroriste, que le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice n'étaient pas intervenus pour le protéger, alors qu'il existait une note des renseignements territoriaux évoquant l'exercice d'une pression communautaire séparatiste de la part du père de la jeune fille et d'un accompagnant de la même religion, sur la principale du collège, et donc sur le service public de l'éducation. C'est vrai, nous en avions eu connaissance par l'intermédiaire de la préfecture des Yvelines. Mais le fait n'était pas judiciarisable et le groupe d'évaluation départemental (GED), dans le cadre duquel échangent l'autorité préfectorale, les renseignements territoriaux et le procureur de la République, n'a pu faire ressortir aucun délit qui aurait pu être judiciarisé pour protéger contre cette pression communautaire et séparatiste.
Avec l'article 4 et l'article 5 qui le complète, nous avons fait en sorte que, sur saisine d'un membre du personnel directement, de son administration ou du procureur de la République, on puisse considérer qu'il s'agit d'un délit et rendu possible d'intervenir. Dans ce drame, le préfet aurait pu effectuer un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale ou aurait déposé plainte, la principale du collège aussi, et le procureur de la République, qui a connaissance des informations transmises par la préfecture et les renseignements territoriaux, aurait découvert le délit et ouvert une enquête.
Monsieur Vallaud, votre amendement est donc largement satisfait, et risque même de nuire à la simplicité que nous avons voulu conférer au dispositif. Quant à votre souhait que la justice ait rapidement connaissance des faits et soit diligente, Mme Vichnievsky a raison, cela dépend de son organisation.
Bien sûr, les nouvelles qualifications pénales offrent de nouvelles possibilités. Mais on ne peut pas demander à ce que des atteintes à la neutralité du service public soient réglées en quarante-huit heures et que des menaces à l'endroit de ses serviteurs ne soient pas traitées avec la même diligence. La promptitude de la réponse judiciaire est absolument déterminante et il conviendrait de trouver un moyen de l'affirmer dans la loi.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements CS886 de M. Jean-Luc Mélenchon et CS891 de M. Alexis Corbière.
Ces amendements ont pour objet de faciliter les procédures de signalement et la protection fonctionnelle, afin que le droit devienne réalité. Les organisations syndicales et beaucoup de représentants des personnels ont souligné que les agents connaissent rarement l'existence de cette protection et pensent qu'ils doivent eux-mêmes porter plainte.
L'amendement CS886 vise à mettre fin à ce que la presse appelle parfois, à tort, une omerta dans les entreprises. Souvent, des agents qui sont dans une situation difficile, même lorsqu'ils l'ont signalée à leur hiérarchie, souffrent en silence, car ce n'est pas un sujet de discussion dans les instances de représentation du personnel. Il s'agirait ici d'informer les représentants du personnel de l'activation du dispositif de signalement, sans pour autant remettre en cause la confidentialité. Cette information permettrait aux représentants de mesurer le nombre de signalements, d'engager une concertation en vue d'une meilleure prévention et d'accompagner au mieux les agents.
L'amendement CS891 tend à remédier au défaut d'information des personnels sur la protection fonctionnelle. Une information décrivant le dispositif de signalement et son fonctionnement serait communiquée tous les ans à chaque agent, par exemple par voie d'affichage dans la salle réservée au personnel.
Je vais présenter également l'amendement CS894, qui sera appelé un peu plus tard. Il a pour objet de ramener le délai de réponse de l'autorité à une semaine après le signalement – quarante-huit heures lorsque les circonstances et l'urgence le justifient. Bien souvent, des agents signalent et rien ne se passe, la souffrance s'accentue, jusqu'à avoir parfois une issue dramatique. Un délai de réponse encadré, c'est ce qui est nécessaire pour que les problèmes prennent fin au plus vite.
Je comprends les objectifs que vos amendements poursuivent. Les représentants des organisations syndicales ont d'ailleurs soulevé ces points. Toutefois, ces dispositions relèvent du pouvoir réglementaire.
En outre, l'amendement CS886 ne garantit pas que l'anonymat soit préservé – on sait bien comment fonctionnent les entreprises ou les administrations. L'agent lui-même peut ne pas souhaiter que les organisations syndicales soient informées. Avis défavorable.
Le Gouvernement partage votre objectif d'information. C'est d'ailleurs le sens des deux amendements que nous avons présentés hier concernant la nomination des référents laïcité dans les services publics et la formation de tous les agents publics, afin qu'ils puissent disposer de cette information.
Mais, comme l'a souligné la rapporteure, ces dispositions sont du domaine réglementaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Les interventions de MM. Diard, Vallaud et Corbière disent la même chose : nous avons tous un doute quant à l'effectivité de ces dispositions, à cause de l'omerta et de la crainte de mesures de rétorsion. Nous avons bien conscience que le problème n'est pas du domaine de la loi, mais prenez-le comme un appel au Gouvernement pour que le pouvoir réglementaire fasse comprendre à son administration que c'est une faute grave que de taire des dysfonctionnements, des menaces, des insultes, des intimidations.
Il n'y a rien de pire que la discussion autour de la machine à café, car elle n'est pas institutionnalisée. Tout le monde sait qu'il se passe quelque chose mais personne ne voit la puissance administrative réagir. Le sens de tous ces amendements, c'est que le Gouvernement s'engage, en séance publique, à ce qu'une circulaire appelle, dans tous les ministères, à une vigilance particulière.
Lorsqu'un maire saisit la justice, il en informe immédiatement le conseil municipal. L'information est anonyme, mais si un élu demande des précisions, le maire doit les lui transmettre. En l'espèce, il faudrait trouver une solution similaire. Il est important que l'agent – et les syndicats s'il les a saisis – sache que l'administration a réagi. Il faut vraiment répondre à la demande de ceux qui, légitimement, se sentent parfois abandonnés.
Madame la rapporteure, pourquoi votre amendement CS1824 ne vise-t-il que les collectivités publiques, alors que l'article 6 quater A évoque les administrations, collectivités et établissements publics ?
Il ne fait aucun doute que les mesures proposées à travers ces amendements relèvent du domaine réglementaire. Nous n'allons pas légiférer pour indiquer qu'il faut afficher tel ou tel document dans une salle du personnel.
Toutefois, le travail que nous avons effectué ici, avec d'autres collègues, sur la situation de la direction du renseignement de la préfecture de police, a montré que les agents – spécialistes du renseignement, donc – étaient informés autour de la machine à café de certains signaux faibles, voire très faibles, liés au comportement de Mickaël Harpon. Or ils n'avaient aucune culture de la transmission de l'information propre à cette direction. Il est donc indispensable de développer une telle culture du signalement. Je ne peux qu'encourager le Gouvernement et les administrations à la favoriser, ainsi que les protections qui l'accompagnent, car c'est fondamental pour protéger les agents concernés.
Vous renvoyez mes amendements au domaine réglementaire ; pourtant, sur d'autres points, vous vous êtes autorisés à inscrire dans la loi des dispositions tout aussi discutables à cet égard.
On doit pouvoir discuter dans les entreprises, dans les administrations, dans les établissements scolaires, de la souffrance des collègues. Il faut organiser la discussion de la même façon qu'on le fait pour un problème sanitaire, et en préservant l'anonymat, peut-être au sein du comité social et économique. Sans cela, on ajoute des problèmes au problème. C'est important notamment dans l'éducation nationale, car les professeurs ont parfois le sentiment qu'ils n'ont pas eu la bonne attitude pédagogique et n'osent pas en parler. Il faut vraiment avancer concrètement sur ce sujet.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine l'amendement CS1106 de M. Matthieu Orphelin.
Il vise à permettre à tout agent public qui se sentirait menacé de faire appel à un conseil juridique en urgence et d'être remboursé de ses frais par l'État. Pour des questions de recevabilité financière, il se présente sous la forme d'un crédit d'impôt, mais son objectif est bien de rendre effective la nouvelle procédure de signalement et de faire en sorte que les agents publics puissent réellement bénéficier de leurs droits. La soutenabilité financière de l'assistance juridique est importante, notamment pour un professeur. Bien évidemment, nous préférerions que l'éducation nationale, ou les autres administrations concernées, prenne ce dispositif en charge par avance de frais.
Votre amendement est satisfait par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui prévoit une prise en charge de tout ou partie des frais et honoraires d'avocats sous forme d'une avance de frais ou d'un remboursement a posteriori. Avis défavorable.
Même avis. Soit immédiatement, soit sur justificatifs, l'agent se fait rembourser l'intégralité de ses frais. Compte tenu de ses revenus, on peut parfois regretter le retard avec lequel il est accompagné, mais le crédit d'impôt n'y pourvoira pas puisqu'il s'applique avec un décalage d'un an. On pourrait en envisager la contemporéanisation avec le prélèvement à la source, mais, compte tenu de l'état des finances publiques, cela ne sera pas possible avant longtemps.
Il serait préférable d'obliger la fonction publique à prendre en charge les protections fonctionnelles dès le début de la procédure, plutôt que de créer une machine fiscale. J'ai d'ailleurs toujours donné cette consigne à mes secrétaires généraux, quand j'étais maire et maintenant en tant que ministre de l'intérieur, pour les protections fonctionnelles comme pour les frais médicaux.
Même si, je le découvre, une loi couvre déjà cet aspect financier, je soutiens cet amendement, car il met en lumière la même notion d'urgence que j'ai soulevée dans les miens. Dans l'affaire Paty, tout a dérapé en une semaine alors, qu'en l'état actuel des procédures, les délais sont d'environ deux mois. On peut comprendre, si l'agent n'a pas de réponse concernant le déclenchement de sa protection fonctionnelle dans les quarante-huit heures, et s'il sent que les choses dérapent, qu'il veuille voir un avocat.
Monsieur le ministre, j'ai expliqué que nous avons utilisé le crédit d'impôt pour des problèmes de recevabilité financière. C'est un appel au Gouvernement pour intégrer ces avances de frais directement dans la loi.
Madame la rapporteure, vous nous apprenez que la loi de 1983 prévoit déjà cette participation aux frais. Très bien, mais les personnes que nous avons auditionnées n'en ont pas connaissance – elle n'est pas forcément appliquée ni proposée. D'où l'importance d'impliquer les représentants syndicaux, car c'est le rôle du collectif d'informer et de protéger l'agent. Nous appelons donc le Gouvernement à rappeler dans le projet de loi les dispositions de la loi de 1983 et à faire en sorte qu'elles soient systématiquement appliquées.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1824 de la rapporteure et CS894 de M. Alexis Corbière.
J'entends que la loi est méconnue et que le déclenchement de la procédure de protection fonctionnelle est trop long. L'amendement CS1824 tend à l'accélérer, sans présager de la décision formelle de protection fonctionnelle, subordonnée à la réunion des conditions de l'article 11 précité. Il s'agit de lever les obstacles, notamment administratifs, qui pourraient gêner la mise en œuvre immédiate de toute mesure utile de protection et de soutien prévue par les administrations. L'amendement consacre l'engagement de mesures d'urgence, dans les cas les plus graves d'un risque manifeste à l'intégrité physique de la personne, même en l'absence de demande formelle de l'agent.
Monsieur Vallaud, l'amendement vise bien l'ensemble de la fonction publique. Il mentionne la « collectivité publique » dans la mesure où il complète le IV de l'article 11 qui commence par ces termes.
La commission adopte l'amendement CS1824.
En conséquence, l'amendement CS894 tombe.
Elle est saisie de l'amendement CS1134 de Mme Cécile Untermaier.
Il s'agit de renforcer le régime de protection accordé aux fonctionnaires et de prévoir que les administrations et les collectivités soutiennent et assistent par tout moyen, y compris le recours à une aide psychologique, les agents publics déposant plainte lorsqu'ils ont été victimes d'un fait commis alors qu'ils exerçaient leur mission.
L'amendement est satisfait par l'article 6 qui prévoit que les administrations, collectivités et établissements publics mettent en place un dispositif ayant pour objet de recueillir les signalements des agents et de les orienter vers les autorités compétentes en matière d'accompagnement, de soutien, de protection des victimes et de traitement des faits signalés.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1133 de M. Boris Vallaud.
Je sais que vous n'aimez pas cela, mais il s'agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, un rapport établissant les moyens effectivement consacrés à la protection des agents publics, notamment en termes de prévention des attaques ou des menaces dont ils peuvent faire l'objet.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
La commission examine l'amendement CS1437 de Mme Anne-Laure Blin.
Le phénomène de radicalisation n'épargne aucun milieu social ou professionnel. Ainsi, la fonction publique française subit de plein fouet le développement de l'entrisme et des manifestations de séparatisme religieux. En mars 2020, le ministre de l'intérieur Christophe Castaner annonçait que plus de 287 signalements de radicalisation islamiste d'agents publics étaient parvenus à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis le 3 octobre, date de l'attentat à la préfecture de police de Paris.
Reprenant une proposition de M. Diard et M. Poulliat, l'amendement vise à interdire l'accès à la fonction publique aux individus qui présenteraient des signes de radicalisation.
Je comprends votre souci, mais les personnes radicalisées ne constituent pas une catégorie juridique et la radicalisation n'est pas une infraction pénale.
Je vous rassure, toutefois, le code de la sécurité intérieure prévoit déjà un système de criblage – une vérification de fichiers – avant l'embauche à certaines fonctions. Les collectivités publiques peuvent également saisir le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) du ministère de l'intérieur pour réaliser une enquête préalablement à une embauche, une habilitation, une autorisation, un agrément ou une titularisation . Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel. Avis défavorable.
Tout dépend de qui vous visez, madame la députée. S'il s'agit d'un individu recensé au FIJAIT, il ne pourra pas être recruté ; s'il est déjà en poste, il perdra sans doute son emploi ; s'il s'agit d'un individu « signalé », nous avons un problème d'automaticité, car le fait de figurer dans un fichier de signalement n'est pas toujours synonyme de radicalisation. Certes, il ne faut pas laisser les signes faibles prospérer ; comme l'a dit la rapporteure, avec le SNEAS et la commission mise en place par la loi SILT la fonction publique a des outils pour se séparer de ces fonctionnaires.
Certes, la catégorie n'existe pas en droit et le signalement n'est pas un gage de radicalisation, donc de dangerosité. Mais pour protéger les usagers des services publics et rendre la fonction publique la plus étanche possible, il ne faut pas s'en tenir au seul FIJAIT mais couvrir tous les domaines.
Plusieurs amendements du groupe LR, visant à élargir les possibilités de criblage par le SNEAS des candidats à divers emplois dans les secteurs publics – ils s'inspiraient des préconisations de l'excellent rapport Diard-Poulliat –, ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45. J'espère que nous pourrons y retravailler d'ici à la séance et, bravant une nouvelle irrecevabilité, proposer des dispositions législatives utiles et opérationnelles.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1233 de Mme Cécile Untermaier.
Nous proposons, dans un délai plus long cette fois, que le Gouvernement remette un rapport sur l'effectivité de la protection fonctionnelle. Je connais votre position sur ce type d'amendement, madame la rapporteure, mais les rapports sont une modalité de contrôle de l'action gouvernementale. Il serait bon que le Gouvernement se demande si tout est bien mis en œuvre dans ce domaine.
Je regrette de terminer sur un avis défavorable… Il nous appartient, bien sûr, d'évaluer la politique du Gouvernement ; nous pouvons le faire dans un autre cadre que la demande de rapports, même s'il est vrai que les moyens mis à notre disposition sont parfois insuffisants.
J'estime que le printemps de l'évaluation ne répond pas suffisamment aux préoccupations qui devraient être les nôtres.
La commission rejette l'amendement.
Chapitre II Dispositions relatives aux associations
Avant l'article 6
La commission examine l'amendement CS1234 de Mme Cécile Untermaier.
Nous proposons de préciser que « Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement, est nulle et de nul effet. »
Vous souhaitez indiquer que l'article 3 de la loi 1901 s'applique aux associations cultuelles de la loi de 1905 et de la loi de 1907. Votre amendement est satisfait : les associations cultuelles ont pour objet exclusif l'exercice du culte et ne peuvent donc se donner un objet illicite, contraire aux lois ou aux bonnes mœurs. Par ailleurs, la police des cultes les soumet au respect de l'ordre public. Avis défavorable.
Il ne semble pas que le rappel des dispositions de l'article 3 de la loi de 1901 constitue ici un apport fondamental.
La commission rejette l'amendement.
Les travaux, suspendus à dix-sept heures dix, reprennent à dix-sept heures vingt.
Article 6 (art. 10–1 [nouveau] de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Signature d'un contrat d'engagement républicain pour les associations sollicitant ou bénéficiant d'une subvention au titre de l'intérêt général
La commission examine les amendements de suppression CS785 de M. Charles de Courson, CS897 de M. Jean-Luc Mélenchon et CS1136 de M. Boris Vallaud.
S'assurer que les associations sollicitant l'octroi d'une subvention respectent les principes républicains est un objectif louable, auquel nous ne pouvons que souscrire. Mais nous craignons que cet article soit inefficace, voire contre-productif, d'où notre proposition de le supprimer.
D'abord, on pourrait l'interpréter a contrario et estimer que les associations ne souscrivant pas au « contrat » ne sont pas tenues de respecter les principes républicains, ce qui est paradoxal. Ensuite, on ne peut proprement parler de « contrat » – le ministre de l'intérieur l'a reconnu lors de son audition –, puisqu'il ne s'agit pas d'une négociation mais d'un acte unilatéral. En outre, les principes ne sont pas explicités et sont renvoyés à un décret en Conseil d'État. Or le caractère parfois incertain de principes comme la fraternité ou la sauvegarde de l'ordre public peut donner lieu à des interprétations différentes. Enfin, cette disposition paraît difficilement applicable puisqu'elle implique que chaque autorité ou organisme sollicité – y compris les petites communes – vérifie le respect par l'association de ces principes.
Madame la ministre, vous nous avez expliqué que ce n'était pas aux parlementaires de rédiger le contrat, mais vous nous avez promis que nous aurions connaissance de son contenu à l'ouverture de nos travaux. Ce n'est pas le cas : en tant que législateur, jamais je ne voterais une disposition qui conditionne une subvention au respect d'un contrat dont je ne connais pas le contenu.
J'imagine que la discussion pourrait en rester là, mais allons au fond. Soit ce contrat d'engagement républicain réaffirme la loi et il est inutile, puisque les associations sont tenues de respecter la loi ; soit il va au-delà de la loi et il est illégal, puisqu'on ne peut demander aux associations de respecter autre chose que la loi.
Je crains que tout cela n'aboutisse à une ligne supplémentaire sur un formulaire CERFA, comme c'est le cas depuis 2014. Nous aurons beaucoup parlé, mais peu avancé, pour déboucher sur quelque chose de très général que toutes les associations signeront, même celles animées de mauvaises intentions. Nous serons revenus à la case départ, contraints de contrôler par les moyens du renseignement les associations qui utilisent à tort l'argent public. Et ce ne sera pas le contrat d'engagement républicain, un des grands totems de ce texte, qui réglera quoi que ce soit !
Pour commencer, je n'ai pas l'impression, lorsque je lis l'avis du Haut Conseil à la vie associative ou que j'entends le mouvement associatif, qu'il y a eu concertation et qu'ils ont été entendus.
Ensuite, tout au long de son histoire mouvementée, la liberté d'association s'est exercée grâce au mécanisme déclaratif ; cela s'accommode mal de la notion de contrat, surtout lorsqu'il n'est pas synallagmatique. Le terme de « contrat » n'est donc pas fondé et le ministre de l'intérieur, lors de sa première audition, l'a reconnu. La République n'est pas un contrat qu'il serait loisible de dénoncer pour faire sécession, c'est un système de partage des valeurs, une éthique, une morale.
En outre, vous renvoyez le détail à un décret, ce qui est contraire aux recommandations du Conseil d'État, qui a estimé préférable que l'énumération de ces principes dans la loi ait un caractère limitatif.
Ce contrat est perçu comme un acte de défiance par les acteurs associatifs qui ont besoin d'être soutenus – Le Mouvement associatif a fait paraître une tribune titrée « Associations présumées coupables ? ». De plus, son utilité semble douteuse puisque la charte d'engagement réciproque, qui avait fait l'objet d'une large concertation, existe depuis 2014 et que toute association qui sollicite une subvention doit la signer.
Le contrat renferme un venin potentiel : la notion de sauvegarde de l'ordre public. Cette notion est floue, sa qualification aléatoire. De nombreux acteurs associatifs ont souligné le risque de voir requalifiées comme délits un certain nombre d'activités militantes dans le domaine de l'exclusion ou de l'accueil d'étrangers.
La disposition pose, par ailleurs, un problème de proportionnalité – qui s'agit-il de combattre ? Enfin, pourquoi ne s'applique-t-elle qu'aux associations, et pas aux fondations ou aux sociétés civiles et commerciales ?
Je tiens à préciser que ce sont les modalités d'application qui sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. Le Gouvernement s'est déjà entendu avec le Conseil d'État sur les principes à retenir ; il a fait des concessions.
Par ailleurs, les principes fondamentaux de la République sont définis – une question prioritaire de constitutionnalité de 2018 a porté sur la fraternité et l'a notamment définie comme principe à valeur constitutionnelle– et ne sont pas aussi flous qu'on pourrait le penser. J'entends que la sauvegarde de l'ordre public soulève des questions, nous en parlerons ultérieurement.
Rayer d'un trait le contrat d'engagement républicain, ce serait en rester au statu quo. Or, face aux problèmes qui se posent, nous devons réagir et poser des actes. Si nous votons ce texte, les associations qui ne respectent pas les principes républicains pourront voir leurs subventions retirées. C'est un engagement fort : plus un euro d'argent public ne servira à mener des actions contre la République.
Enfin, le contrat d'engagement républicain n'altère en rien le principe de la liberté d'association. Avis défavorable.
Même avis. Le contrat d'engagement, fruit de plusieurs années de travail et de réflexion, s'inspire notamment de la charte que j'ai mise en place dans mes précédentes fonctions, qui a été très bien acceptée et ratifiée sans aucun problème par l'ensemble des associations financées par l'État dans le champ de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je vous avais indiqué que je vous transmettrai le texte du contrat, mais pas avant l'examen en séance publique. Je poursuis, avec ma collègue Sarah El Haïry, les consultations ; la concertation est en cours !
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur le monde associatif ; non seulement il est, dans son immense majorité, respectueux des principes républicains mais il est souvent très engagé dans leur défense et leur promotion. Il s'agit de répondre à une demande des élus locaux, comme la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, dont la charte de la laïcité a été contestée en justice, ou le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, qui a été menacé d'une action en justice pour avoir tenté d'élaborer une telle charte. Pour soutenir les élus locaux qui combattent avec courage le séparatisme et font la promotion des principes de la République, il faut qu'un tel document entre dans la loi, devienne inattaquable dans sa mise en œuvre et fasse consensus. La rédaction de ce contrat est en cours ; les propositions des parlementaires sont évidemment les bienvenues.
J'ajoute qu'il semble singulier de demander la suppression de cet article tout en proposant d'en appliquer les dispositions aux fondations. Enfin, alors que tout le monde nous assurait que le contrat d'engagement serait retoqué par le Conseil d'État, je note que la rédaction de cet article a été validée.
Que nous examinions un texte faisant encore l'objet de consultations est ennuyeux et prouve que vous n'êtes pas tout à fait prêts. Par ailleurs, la charte des engagements réciproques existe déjà ; elle a été négociée et fait consensus. Nous pourrions nous appuyer sur ce texte, ainsi que le proposent Le Mouvement associatif et le Haut Conseil à la vie associative – qui a été consulté préalablement.
Sur le terme de « contrat », je vous invite à consulter le compte rendu de l'audition du ministre de l'intérieur : M. Darmanin a reconnu qu'il était « sans doute impropre ». Par ailleurs, toujours lors de son audition, le ministre a expliqué que le Conseil d'État avait évoqué de façon générale les principes républicains et que le décret les arrêterait dans le détail, éclairé par les débats parlementaires. On comprend bien que le décret arrêtera le détail des principes républicains. Il est fondamental de savoir ce qui sera dans la loi et ce qui figurera dans le contrat.
On emploie le terme de « contrat », mais il est clair que l'on n'ira pas devant le tribunal de commerce pour ce type de litige ! Il ne s'agit pas d'un engagement unilatéral, mais bien d'un engagement de deux parties – l'une subventionne, l'autre qui respecte ce qui est écrit. J'ai aussi entendu qu'un tel contrat était inutile puisque le respect de la loi s'imposait à tous. Certes, mais en l'état du droit, aucun texte ne prévoit la restitution des subventions publiques lorsqu'une association n'a pas respecté ces principes.
Nous voterons contre ces amendements car nous sommes attachés à cet article, que nous entendons renforcer. Nous proposerons par amendement de former les cadres associatifs au principe de laïcité et à la lutte contre les discriminations.
Les associations sont essentielles dans notre société. Elles assument un rôle de cohésion sociale, d'émancipation individuelle dans le soutien scolaire dans la culture, le sport et dans bien d'autres domaines. Si, dans leur immense majorité, elles respectent les principes de la République, de nombreuses enquêtes journalistiques et études universitaires ont montré que certaines associations – et souvent leurs gérants – les violent. On ne peut pas faire semblant et se satisfaire de la liberté d'association, même lorsqu'elle concourt à discriminer des citoyens. Il faut affirmer haut et fort que le contrat d'engagement républicain consolidera le respect des principes de la République. L'adhésion aux principes de la République n'est pas une option !
Il faut poser un acte pour remédier au problème des associations qui ne respectent pas les lois de la République. Depuis le début, j'alerte sur une difficulté qui ne manquera pas de se poser s'agissant des financements obtenus dans le cadre de la politique de la ville, car ils sont souvent croisés. Il risque donc d'y avoir jusqu'à cinq contrats sur une même association et des financeurs qui demanderont le remboursement, tandis que d'autres considéreront que l'association respecte bien les valeurs républicaines. Qui décidera alors ? Il vaut mieux anticiper et trouver une solution d'ici à la lecture en séance.
Qui dit « contrat », dit « réciprocité ». Le terme suggère que, dès lors qu'une association respecte les principes républicains, elle a droit à des subventions. Par ailleurs, qu'en est-il des associations qui ne sollicitent pas de subventions, et qui ne respectent pas les principes républicains ?
Qu'une association soit ou non subventionnée, elle doit respecter les principes républicains ; cela ne souffre pas de discussion. Nous avons recherché ce qui nous paraissait être un équilibre acceptable et nous défendrons des amendements en ce sens. La charte de 2014, qui a été négociée, vise bien le respect des principes et des valeurs républicaines.
Olivier Falorni à l'instant, Charles de Courson lors des auditions, ont dit que la République n'était pas un contrat, mais plutôt une adhésion. Je pense, au contraire, que chacun d'entre nous, en tant que citoyen, passe un contrat avec la République, un contrat fait de droits et de devoirs. C'est le sens même de la citoyenneté – ce qui la distingue, d'ailleurs, de la communauté. Lorsque l'appartenance religieuse devient un élément de la citoyenneté, justifiant des droits spécifiques, alors il y a rupture de contrat avec la République.
À l'attention de Boris Vallaud, je rappellerai que le contrat comportera très clairement les principes d'égalité, de liberté, de fraternité, ceux qui appartiennent au bloc de constitutionnalité. L'apport fondamental de l'article 6 ne réside pas dans la définition des principes qui figureront dans le contrat d'engagement républicain, mais dans l'obligation faite à l'autorité publique de retirer ou de refuser des subventions à une association qui violerait ces principes. Supprimer l'article 6 serait une grave erreur, car les dispositions qu'il contient visent précisément à consolider ce qui nous lie à ces principes, et que nous partageons tous ici.
Madame Genevard, le contrat d'engagement républicain ne serait pas le seul outil qui nous permette de contrôler les associations, et dans le cas d'espèce, celles qui ne demanderaient pas de subventions. Les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR) examinent, autour du préfet, du procureur, des services de l'État – éducation, sports, etc. –, les dossiers problématiques. C'est leur travail de terrain qui a conduit à la fermeture de lieux où l'islamisme prospérait.
Monsieur Vallaud, vous avez fait référence à plusieurs reprises à la charte de 2014. Celle-ci n'a ni valeur juridique ni valeur réglementaire et elle ne pourrait servir de fondement à un arrêt de la subvention, encore moins à son remboursement. Nous devons nous réjouir de voir entrer dans la loi le contrat d'engagement, qui donne davantage de pouvoirs. Je ne suis pas particulièrement attachée au terme de « contrat », mais il comporte bien l'idée d'engagement réciproque : chacun fait un pas vers l'autre.
Le ministre de l'intérieur est aussi le ministre des libertés publiques. La liberté d'association étant une liberté fondamentale, nous avons dû nous poser la question de la constitutionnalité des articles 6 et 7, avant même leur rédaction. Fort heureusement, le Conseil d'État a considéré qu'il n'y avait pas de droit automatique à la subvention et que le fait de refuser ou de retirer une subvention ne constituait pas une atteinte à la liberté d'association.
Cela ne signifie pas qu'une association non subventionnée doive répondre aux mêmes critères qu'une association subventionnée. La démocratie a cela de supérieur à la dictature qu'elle n'interdit pas de créer une association dont le but serait de lutter contre les valeurs de la République – c'est le cas de l'Action française ou du parti royaliste – ou même de changer le modèle d'organisation de la société. S'il est heureusement possible de contester la création d'associations dont les buts seraient séditieux, il faut accepter que des associations militent pour un autre modèle que celui que nous défendons – s'il n'y avait pas d'alternative, la République deviendrait le but de l'histoire.
Si je devais résumer notre logique, je dirais que la subversion ne peut pas vivre de subventions. Le parti pris de l'article 6, c'est d'exiger le respect des principes républicains – le Conseil d'État nous a fait retirer les valeurs –, en contrepartie de l'argent public. Nous devons aussi respecter la liberté d'association et accepter qu'il existe des associations qui militent pour un autre modèle : c'est ce qui fait le supplément d'âme de la démocratie. Toutes les associations doivent respecter la loi, mais respecter la loi ne signifie pas que l'on ne puisse pas militer pour en changer – c'est le propre des partis politiques, et ce n'est pas à Alexis Corbière que je l'apprendrai.
La commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement CS906 de M. Alexis Corbière.
Selon la Défenseure des droits, ce projet « opère un retournement en mettant les associations dans une position où il ne leur est plus simplement demandé de ne pas commettre d'infraction, mais aussi de s'engager positivement et explicitement, dans leurs finalités », notamment en respectant le principe de « sauvegarde de l'ordre public », ce qui est délicat : autant les associations doivent respecter la loi, autant on peut se demander si tel est leur rôle. En ont-elles seulement les moyens ?
Votre amendement ne mentionne pas la question de l'ordre public, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Vous proposez, en fait, de remplacer le contrat d'engagement républicain par une convention d'objectifs, mais il y en a déjà beaucoup. Non seulement cet amendement ne modifierait en rien la situation existante, mais vous interdiriez toute possibilité de retrait de subventions. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1139 de Mme Cécile Untermaier, CS1137 de Mme Marietta Karamanli, CS1138 de M. David Habib et CS1454 de M. Boris Vallaud.
L'amendement CS1139, inspiré par les propositions de la Fédération protestante de France, vise à réécrire cet article 6 en supprimant la notion de contrat d'engagement républicain, ce qui n'affaiblirait ni le sens ni la portée de votre proposition. Je reviendrai le cas échéant sur les autres amendements du groupe Socialistes et apparentés.
Avis défavorable. Nous avons déjà évoqué la suppression d'un échelon de contrat et nous parlerons bientôt de la question de l'ordre public.
Même avis. Ces amendements ne formulent aucune contre-proposition claire et n'ont aucune portée juridique ou pratique.
La relation entre une autorité administrative et une association est bien de nature contractuelle. Elle me semble particulièrement pertinente vis-à-vis des adhérents, qui doivent prendre conscience des engagements pris par l'association bénéficiaire de la subvention : l'effet pédagogique est majeur.
Je précise que nos amendements prévoient également une extension du contrat à toutes les personnes morales qui reçoivent des subventions publiques.
S'agissant de l'amendement CS1137, la suppression de la mention de l'ordre public serait une erreur, de même que le remplacement de la notion de contrat par celle de charte, qui n'a aucune portée juridique et n'est pas opposable.
C'est un peu court. Pourquoi d'autres personnes morales sont-elles dispensées de signer ce contrat ? Les chartes, quant à elles, n'ont en effet pas de valeur juridique tant qu'elles ne sont pas intégrées dans l'ordre positif mais, lorsque c'est le cas, elles sont opposables. La charte négociée en 2014 semble faire consensus. L'ensemble du mouvement associatif continue de se poser de telles questions, que je relaie.
L'élargissement du champ des signataires ne nous semble pas opportun. Les sociétés commerciales, les fondations obéissent déjà à des dispositions assez contraignantes dès lors que de l'argent public est engagé.
Nous proposons un tel contrat parce que les élus locaux l'appellent de leurs vœux et qu'ils s'en réjouissent, soit parce qu'il leur est difficile, politiquement ou juridiquement, d'assumer la rédaction d'une charte ou d'un contrat, soit parce que celle-ci est continuellement l'objet d'actions en justice. Or il relève de la responsabilité du Gouvernement de protéger les élus qui se démènent pour faire respecter la laïcité et les principes de la République en donnant valeur de loi à ce contrat.
Je m'étonne, de plus, d'une application à géométrie variable du terme de négociation : les principes républicains ne sont pas négociables et la charte de 2014 a toutes les vertus parce qu'elle a été négociée. Nous ne sommes pas en train de négocier mais de concerter. Certaines associations ont considéré que les consultations n'ont pas été assez loin mais elles ne sont pas terminées – nous avons eu besoin des premiers retours du Conseil d'État afin de pouvoir poursuivre nos échanges sur la base d'un texte de loi. Les concertations se poursuivent avec le monde associatif mais aussi avec les élus locaux. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons reçu à plusieurs reprises les représentants de l'Association des maires de France (AMF) et, avec ma collègue Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, nous poursuivrons d'autres cycles de consultations avec les élus, notamment, les maires, afin de travailler au déploiement de ce contrat, qui pourra être joint au CERFA.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1277 et CS1278 de M. Yves Blein.
Il convient de distinguer, parmi le 1,5 million d'associations que compte notre pays, celles auxquelles l'État reconnaît, par un agrément, une qualité particulière. Celles-ci ne doivent pas être tenues de signer un contrat supplémentaire. En cas de manquement, il revient à l'État de retirer l'agrément et, ainsi, de retirer les moyens publics dont l'association bénéficiait.
Par ailleurs, les fédérations sportives pouvant déléguer leur agrément aux associations qui en sont membres doivent bénéficier de la même disposition.
Je partage une telle logique, car nous sommes animés par une volonté de simplification, mais je suis défavorable à ces amendements pour des raisons pratiques. Leur adoption entraînerait un risque juridique : en dispensant les associations agréées de s'engager à respecter les principes du contrat, on perdrait la possibilité de leur retirer une subvention. Je vous propose de les retirer et de réfléchir à une rédaction différente.
Je les retire donc, dans l'attente d'une proposition d'amendement permettant d'aller en ce sens et d'identifier l'ensemble des associations agréées.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement CS1279 de M. Yves Blein.
Avis défavorable, car la signature du contrat d'engagement, pour des raisons symboliques et pratiques, doit rester la norme pour toute association qui demande une subvention publique. Il importe de pouvoir retirer une subvention.
La procédure de reconnaissance d'utilité publique prend en compte plusieurs critères, dont l'objet d'intérêt général, la gestion désintéressée, le fonctionnement démocratique. Or ces critères ne comprennent pas les principes du contrat d'engagement républicain.
Je retire l'amendement, même si la question des critères, sur laquelle nous reviendrons à l'article 7, est importante.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS438 de M. François Pupponi.
Les fondations doivent également signer le contrat d'engagement républicain. Même si je n'ai pas osé aller jusque-là, les fonds de dotation qui demandent une salle publique pour se réunir devraient également le faire.
Le régime juridique des fondations diffère de celui des associations, mais elles peuvent percevoir des subventions de l'État, des collectivités, ou des avantages matériels. Il me semble donc légitime de les inclure parmi les organismes signataires. Avis favorable.
Cela ne nous semble pas nécessaire, les fondations étant déjà soumises à un certain nombre de contrôles. Néanmoins, avis de sagesse.
Nous évoquons une relation contractuelle entre l'autorité administrative et l'association, avec des clauses précises, non un engagement abstrait. Une telle extension me semble donc opportune.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CS893 de M. François Pupponi.
Je propose que les associations loi 1901 qui relèvent d'une activité cultuelle ne soient pas soumises à la signature du contrat lorsqu'elles demandent une subvention pour cette activité.
De nombreuses communes prêtent des salles municipales à des associations qui exercent un culte à l'occasion de grandes fêtes religieuses. Un fait religieux se déroule donc dans un lieu public. Les femmes peuvent y être séparées des hommes, par exemple, par un drap, et pas uniquement dans le culte musulman. Le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes n'y est donc pas particulièrement respecté. Considère-t-on pour autant que ces associations le respectent si elles ont signé le contrat ? Un maire risque de refuser le prêt d'une salle sur ce motif, même si la jurisprudence du Conseil d'État reconnaît qu'une municipalité a le droit de prêter un équipement public pour l'exercice d'un fait religieux dans des conditions très particulières.
La rédaction de cet amendement et sa présentation ne concordant guère, je me tourne vers le Gouvernement.
L'argumentation de M. Pupponi est très convaincante. Il n'est pas anormal que la collectivité publique prête des lieux publics, par exemple des gymnases ou des stades, pour que, ponctuellement, s'y déroulent des offices religieux. Je trouve choquant non pas qu'une salle soit prêtée, mais que les femmes et les hommes y soient séparés, même si certains cultes l'imposent.
Les collectivités locales procèdent-elles ainsi suite à un « arrangement » qui ne passe par le contrôle de légalité ? Le préfet a-t-il, dès lors, son mot à dire ? Inscrire une telle disposition dans la loi entraînerait-elle une interdiction générale ?
Je me vois mal émettre un avis défavorable à votre amendement même s'il me paraît plus sage d'en retravailler la rédaction et de le réexaminer en séance publique. Il serait assez étonnant de refuser le subventionnement pour des raisons liées au contrat d'engagement républicain tout en acceptant de prêter des salles, ce qui constitue une forme de subvention, alors que les femmes et les hommes sont séparés pour des raisons cultuelles qui ne regardent pas la République. À titre personnel, je suis favorable au principe de cet amendement.
C'est un sujet sensible. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas convaincu que le prêt d'une salle équivaut à un subventionnement. Il est possible de prêter un gymnase à ses opposants politiques pour qu'ils s'y réunissent sans pour autant considérer qu'on les subventionne.
Le libre exercice du culte peut supposer que, par exception, tel ou tel local soit mis à disposition des fidèles. Dès lors, le déroulement du culte lui-même ne dépend pas des lois de la République. Moi aussi, je considère qu'il est choquant de séparer les femmes et les hommes, mais des religieux peuvent aussi fort bien juger que l'avortement est intolérable. Nous ne devons pas nous mêler du déroulement des cultes, sauf si, bien sûr, il est prétexte à des appels à la haine.
Notre collègue Pupponi met le doigt sur une grande hypocrisie de la République. Il est évident que le prêt d'une salle relève du subventionnement. La République est censée ne subventionner aucun culte mais elle le fait depuis longtemps ! Nous nous sortirions de cette difficulté en considérant que de tels prêts ne sont plus possibles – c'est d'ailleurs ce que j'ai toujours fait comme maire –, sauf ceux consentis à titre onéreux. Dans ce cas-là, ne soyons pas faux-culs en jugeant que les principes de la République doivent être contractualisés ! À titre gratuit, le prêt enfreint les lois sur la laïcité. Le caractère exceptionnel a bon dos pour des fêtes qui peuvent durer jusqu'à quarante jours ! Il n'y a pas à soumettre les élus à des pressions qu'il est possible d'éviter.
La laïcité ne constitutionnalise pas le non-subventionnement. Selon le Conseil constitutionnel, c'est le principe de non-reconnaissance des cultes et la reconnaissance de leur pluralité qui sont constitutionnels. Seul le législateur peut revenir sur le principe de subventionnement des cultes. Les articles 1er et 2 de la loi de 1905 n'ont pas la même force juridique.
Pour les 92 % d'associations du culte musulman qui relèvent de la loi de 1901, il est logique de pouvoir procéder à des prêts de salle – ce qui, selon le code général de la propriété des personnes publiques, relève du subventionnement – et ce n'est pas contradictoire avec le principe de laïcité, la loi pouvant modifier les exceptions qu'elle a prévues à la règle générale.
Les maires peuvent également mettre à disposition des salles à titre gratuit, monsieur Lagarde, si les délibérations du conseil municipal le prévoient pour tout le monde, cultes religieux ou partis politiques.
Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Corbière : nous devons nous intéresser à ce qui se fait dans l'exercice d'un fait religieux. Nous avons le droit de poser un certain nombre d'exigences qui, si elles sont jugées disproportionnées, peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif.
Il n'est pas question d'instaurer une police de la pensée mais d'observer ce qui se fait. Je ne pense pas que M. Pupponi veuille absolument que les femmes et les hommes ne soient pas séparés et que la police municipale vienne vérifier si tel est bien le cas. La question est de savoir si la présence d'un marqueur physique de séparation est ou non acceptable. Je suis d'accord avec lui pour considérer que le texte n'intègre pas ce genre de disposition.
L'amendement de M. Pupponi est très clair : il doit être possible de continuer à mettre à disposition des salles municipales, gratuitement ou pour des sommes modiques, à des associations qui les utiliseront pour l'exercice d'un culte qui ne contrevient pas à l'engagement républicain. Le drap fait en l'occurrence partie de l'exercice du culte !
La présentation de M. Pupponi ne concordait pas avec la lettre de son amendement.
Selon la jurisprudence, la pratique d'un culte n'est pas un obstacle à la mise à disposition d'une salle, mais cela ne constitue pas pour autant un blanc-seing. La République n'a pas à fermer les yeux sur ce qui s'y passe, au contraire ; c'est même tout l'objet de ce projet de loi. La liberté d'expression n'a jamais été absolue : les propos antisémites ou l'appel à la haine des femmes sont prohibés.
Certes, mais vous avez dit tout à l'heure que la République n'avait pas à se mêler du déroulement d'un culte…
…et je ne suis pas d'accord avec vous. Des élus locaux ont prêté leurs salles à des organismes qui proposaient des « thérapies de conversion » à destination de jeunes LGBT+, voire des exorcismes, et ils souhaitent que cela ne soit plus possible.
Mon amendement me semble correctement rédigé : une association n'est pas obligée de signer le contrat d'engagement républicain dans le cadre de son activité cultuelle. L'exercice d'un culte peut imposer la séparation entre les femmes et les hommes, y compris par un marqueur physique, et cela relève de la liberté de culte. Dès lors que l'on prête un lieu public pour l'exercice d'un culte, il faut accepter les règles du culte.
Le responsable du séminaire de ma ville m'a demandé de lui prêter un local pour que les séminaristes viennent suivre leurs cours, pendant quinze jours, dans un quartier difficile. Que devais-je faire ?
Ce n'est certes pas tout à fait pareil.
Je vous invite à rédiger l'amendement afin que, lors de la signature du contrat, ces associations mixtes soient tout de même invitées à s'engager, quitte à adapter ledit contrat. Il est possible d'être républicain et séminariste.
Cet amendement excède la question de la location de salles et revient, sinon à supprimer l'article 6, du moins à l'affaiblir considérablement. Si le contrat ne s'applique pas aux associations cultuelles, à quoi sert-il ? Je suis totalement opposé à cet amendement, en tout cas tel qu'il est rédigé.
Il me semble que nous dérivons bien loin de l'article 6. Cet article porte sur les associations recevant des subventions publiques, ce qui exclut les associations cultuelles relevant de la loi de 1905. Cela n'empêche pas les baux emphytéotiques ni le prêt de salles. Monsieur Lagarde, aujourd'hui, un maire qui refuserait un tel prêt pour l'exercice d'un culte pour ce seul motif n'en aurait pas le droit, et le juge administratif casserait une telle décision.
Un certain nombre de pratiques dans l'ordre des cultes ne sont en effet pas conformes à l'esprit de l'égalité entre les hommes et les femmes. Ainsi certains d'entre eux réservent-ils leur ministère à des hommes. À l'évidence, nous n'allons pas le leur interdire ; en revanche, nous veillerons à ce que des propos incitant à la discrimination entre les hommes et les femmes le soient.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS895 de M. François Pupponi.
Avec cet amendement d'appel, je propose de soumettre au principe de neutralité les associations encadrant des mineurs qui obtiennent des financements publics. Il serait paradoxal que les enfants évoluent à l'école dans un cadre de neutralité, mais plus à partir de 16 h 30, une fois récupérés par celles qui organisent leurs activités périscolaires. Je pense, en particulier, à celles qui le font dans le cadre du Programme de réussite éducative (PRE), qui est financé par l'État.
La République doit être cohérente. On sait très bien que les réseaux que cette loi cherche à combattre investissent tout le champ éducatif et du soutien scolaire pour être présentes dans un certain nombre de territoires. D'où la proposition que les associations agréées pour l'accueil des mineurs s'engagent à respecter le principe de neutralité.
Si je comprends la préoccupation relative au temps périscolaire des mineurs, imposer la neutralité aux associations concernées se heurte à un obstacle majeur. Soit elles interviennent dans le cadre d'une délégation de service public et exercent une mission de service public, auquel cas la neutralité concernera ce dont nous avons débattu aux articles précédents ; soit ce n'est pas le cas, et la neutralité serait imposée à une partie du champ associatif, ce qui me semble attentatoire à la liberté d'association. Avis défavorable.
Il faut distinguer la délégation de service public, auquel cas la neutralité religieuse des encadrants s'imposerait, et les associations, comme les scouts, qui organisent des activités et des colonies de vacances. Il n'est pas ici question d'en interdire le soutien, or c'est l'effet de bord que pourrait avoir cet amendement s'il était adopté. D'où notre demande de retrait, sinon, de rejet.
Pour autant, un travail de contrôle est accompli localement par les CLIR, notamment auprès des associations d'aide aux devoirs, à l'issue duquel plusieurs ont été dissoutes.
Des associations liées à l'islam radical, proches des Frères musulmans et faisant du soutien scolaire dans les quartiers, sont parfois financées par l'État. J'en avais saisi la direction départementale de la jeunesse et des sports (DDJS), mais personne n'est jamais venu vérifier.
Il y a bien trop d'associations à contrôler pour que les municipalités puissent espérer mettre un terme à cette situation par ce biais. Essayons de trouver une solution autre que le contrôle.
Nous partageons tous votre préoccupation, mais elle ne relève pas de l'article 6 : il faut juste dissoudre ces associations le cas échéant. Une novation du texte permettra même de les suspendre, de façon à éviter la lourdeur de la dissolution prononcée en Conseil des ministres.
Vous risquez d'exposer à un effet de bord des associations qui ne posent pas de problème à la République, même si les statuts des scouts ne sont par exemple pas très laïques, alors que vous visez des situations qui relèvent de la suspension de la vie associative. Si vous avez des associations à nous signaler, n'hésitez pas le faire ; nous menons en ce moment un très gros travail de dissolution.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques CS492 de M. Saïd Ahamada et CS1577 de Mme Florence Granjus.
Il s'agit d'élargir le champ d'application de l'engagement républicain aux associations qui ne sollicitent pas de subventions publiques, pour ne pas laisser penser que celles-ci n'auraient pas à respecter les principes républicains. D'ailleurs, celles qui sont susceptibles de prôner le séparatisme évitent de demander des subventions publiques. En ne visant que celles qui en demandent, on risque de taper à côté.
La liberté d'association, principe de valeur constitutionnelle, n'est soumise ni à une autorisation ni à un contrôle a priori de l'autorité administrative. Votre proposition ajouterait, au moment de la création, des formalités autres que la simple déclaration aujourd'hui requise. C'est déjà un obstacle assez important.
Ensuite, l'efficacité du dispositif repose sur la subvention en échange de laquelle l'association s'engage à respecter le contrat.
Par ailleurs, l'article 3 de la du 1er juillet 1901 prévoit que « Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet. »
En outre, l'article 8 du projet de loi a pour objet d'améliorer la procédure de dissolution des associations.
L'objectif du contrat d'engagement est avant tout de permettre à l'État et aux collectivités de mettre fin à des subventions, voire d'en exiger le remboursement. Quel serait l'intérêt de l'étendre aux associations non subventionnées ?
Par ailleurs, la plupart du 1,5 million d'associations actives en France sont autonomes, ne demandent jamais de subventions et sont si petites qu'elles ne seraient pas en mesure de solliciter un tel contrat. L'amendement créerait beaucoup de paperasserie qu'elles auraient du mal à gérer, et la disposition serait, par conséquent, inopérante. L'intention est louable, mais le Gouvernement est défavorable.
C'est une très bonne question qui est posée là. Autant je suis favorable à demander aux associations, subventionnées ou non, de respecter les principes républicains, autant je suis gênée lorsque l'on présente ce respect comme la contrepartie d'une subvention. La République se respecte parce que l'on remplit une mission d'intérêt général dans le cadre de l'action publique.
Si une association monarchiste a droit de cité dans notre pays, lui demander d'adhérer à la République irait à l'encontre de son objet.
D'une certaine façon, l'article 6 est une arme mise dans les mains des élus en cas de dérapage.
Par ailleurs, l'État n'a pas toujours été exemplaire. Il lui est arrivé de subventionner des associations discutables en termes de respect des lois républicaines, certaines intervenant, de surcroît, alternativement dans le champ public et dans le champ privé. L'État doit également faire le ménage de ce point de vue.
Nul dans cette salle ne connaît le contenu du contrat d'engagement républicain. Cela donne à notre discussion un aspect complètement lunaire.
Le principe de libre association n'implique pas de respecter et d'aimer la République. On a le droit d'être monarchiste, mais aussi anarchiste ; on a le droit, comme les motards en colère ou les opposants au droit à l'avortement, de s'organiser pour défaire une loi. Ne remettons donc pas en cause l'esprit même de la loi de 1901 : la libre association !
Le contrat d'engagement républicain est défini à l'alinéa 2 – c'est la devise républicaine, qui recouvre les autres principes ; ses modalités d'application feront l'objet d'un décret. Le plus important n'est pas tant la définition que l'obligation qui en résulte pour l'autorité publique concernée de refuser ou de retirer une subvention parce que les principes de la République ne seraient pas respectés. C'est cela la cible !
S'agissant des impératifs, l'article 3 de la loi de 1901 définit déjà considérablement ceux qui s'imposent à toute association. Par ailleurs, nous pouvons assumer que les financements publics aient des contreparties : cela ne me paraît pas totalement hallucinant.
La commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement CS383 de M. Jean-Baptiste Moreau.
Il vise à élargir l'obligation de signer le contrat d'engagement républicain aux associations bénéficiant d'un crédit d'impôt. Il en est qui n'ont pas de lien avec une quelconque religion, qui sont reconnues d'utilité publique mais qui ne respectent pas toujours les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité ni l'ordre public.
Certaines, parmi ces associations, sont subventionnées : elles seront donc automatiquement soumises au principe du contrat d'engagement républicain. Pour les autres, il y a la procédure du rescrit fiscal, mais elles ne la suivent pas toutes. En réalité, l'administration n'a pas les moyens de savoir combien de reçus sont délivrés – les moyens de contrôle seront abordés à la fin du chapitre. Pour les obliger à s'engager à respecter les principes du contrat d'engagement, il faudrait revoir profondément le système de réduction d'impôt.
L'amendement nécessite d'être rédigé de façon plus précise : en l'état, j'y suis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS567 de M. Éric Ciotti et CS238 de Mme Olga Givernet.
Cette proposition de l'amendement CS567 est soutenue par l'Association des maires de France. Il s'agit d'étendre la notion de subvention à toutes les formes d'aide en nature, notamment aux prêts de salle ou de matériels.
M me Olga Givernet. En cas de rupture de contrat, une commune devrait pouvoir retirer une autorisation accordée pour un événement sur la voie publique. Tel est l'objet de l'amendement CS238.
L'amendement d'Éric Ciotti me semble satisfait par l'article 9-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite DCRA, que tend à modifier l'article 6 : toute aide en nature est considérée comme une subvention.
Selon la même logique, l'accès à la voie publique constitue une aide en nature. Je suis donc également défavorable à l'amendement d'Olga Givernet.
Ces amendements nous semblent également satisfaits. Dans la mesure où les subventions sont définies, à l'article 9-1 de la loi DCRA, comme « les contributions facultatives de toute nature », la mise à disposition de salles en fait partie. Très souvent, d'ailleurs, les municipalités y attribuent un équivalent tarifaire. Demande de retrait.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement CS666 de M. Charles de Courson.
Il s'agit de restreindre le champ d'application de la mesure aux seules autorités administratives attribuant les subventions. Y inclure les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial (SPIC) fait courir un risque de contrevenir aux principes de la liberté d'entreprendre et de la liberté d'association.
Avis défavorable. Ces organismes sont inclus dans la loi du 12 avril 2000, que l'article 6 propose de modifier.
Que faites-vous d'un établissement public industriel et commercial comme la SNCF, dont les services sont à 5 % publics et à 95 % non publics ? Est-ce à dire qu'elle ne pourra plus subventionner sans signer de contrats d'engagement républicain ? Pour éviter l'énorme problème que posent les structures mixtes, je propose de les exclure.
Le cas de la SNCF est clair. Elle-même subventionnée, elle accorde des subventions : il ne serait pas aberrant que lui soit appliqué le contrat d'engagement républicain.
Dans les collectivités locales, un très grand nombre de sociétés d'économie mixte, notamment dans le secteur des transports, sont subventionnées pour leurs activités de service public et sont elles-mêmes amenées à subventionner des associations. Il est logique que le contrat d'engagement républicain leur soit applicable.
Peu importe la part de l'activité, si une entité accorde une subvention, elle entre dans le champ de l'article et le contrat d'engagement républicain doit être la règle.
Pouvez-vous me citer tous les organismes entrant dans ce champ ? Et qui va contrôler tout cela ?
Pour reprendre une formule célèbre, ici personne n'est le maître et personne n'est l'élève.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS274 de M. Julien Ravier, CS1281 et CS1275 de M. Yves Blein, CS298 de M. Xavier Breton, CS668 de M. Charles de Courson, CS902 de M. Alexis Corbière, les amendements identiques CS279 de M. Julien Ravier et CS1178 de M. Jean-Christophe Lagarde, ainsi que l'amendement CS151 de M. Jean‑François Eliaou.
Je suis très favorable à la conditionnalité des subventions publiques au respect des principes républicains par les associations, ainsi qu'à la capacité de l'autorité administrative de retirer ou demander la restitution d'une subvention. De mon point de vue, cela n'entraîne pas d'obligation de réciprocité de la part de celle-ci. C'est pourquoi l'amendement CS274 vise à écarter la notion de contrat, qui a été largement contestée lors de nos auditions, au profit de celle, plus appropriée, d'engagement républicain.
La discussion ayant déjà eu lieu, je retire l'amendement CS1281.
L'amendement CS1275 traite, lui, d'une difficulté auquel le monde associatif est confronté, avec la multiplicité des supports nécessaires à la sollicitation d'une subvention. L'État a fait des progrès avec un formulaire unique, mais les collectivités font souvent assaut d'imagination en la matière. En un seul formulaire, les associations pourraient à la fois faire leur demande de subvention et s'engager à respecter les fondements de la République.
Le contrat d'engagement républicain est un faux concept, car la République n'est pas un contrat. Il faut le remplacer, aux alinéas 3 et 4, par un renvoi aux principes mentionnés au premier alinéa de l'article. C'est le sens de l'amendement CS668.
Suivant une préconisation de la Défenseure des droits, et opposés à la notion de contrat d'engagement républicain, nous proposons, par l'amendement CS902, de supprimer le mot : « contrat » pour ne conserver que ceux « d'engagement républicain ». Cela nous paraît plus conforme au type de relation que nous devons avoir avec le monde associatif.
L'amendement CS1178 est identique. Nous sommes également plutôt opposés à ce contrat, qui donne le sentiment d'un échange. Au regard du symbole, le choix sémantique compte.
Le Gouvernement s'est engagé à nous soumettre les termes du contrat avant le débat dans l'hémicycle, mais celui-ci n'aura qu'une valeur réglementaire. Une charte votée par le Parlement serait bien plus symbolique et plus efficace. Je proposerai, d'ailleurs, en séance publique, que celle-ci soit votée par le Parlement sous forme de résolution.
L'amendement CS151 vise à remplacer le mot « contrat » par le mot « pacte », dont l'étymologie se rapporte à la « paix ». Les principes républicains n'ont pas à être contractualisés – il ne s'agit pas du contrat social qui nous lie comme citoyens.
Je suis convaincu que le contrat est un outil juridique, et qu'il ne faut pas y substituer un engagement dont on ne sait pas véritablement sur quoi il repose. Je laisserai le Gouvernement expliquer plus en détail sa vision.
Je suis tout à fait favorable au formulaire CERFA unique, mais il figure déjà dans la loi. Seulement, au lieu de l'utiliser, les collectivités en transposent le contenu obligatoire dans leurs propres formulaires de demande de subvention. Ce sont elles qu'il faudrait convaincre d'utiliser le formulaire unique.
Je sais tout le travail mené par Le Mouvement associatif sur la charte des engagements réciproques, à laquelle il est particulièrement attaché. Or celle-ci n'est pas opposable et n'a pas de portée juridique, contrairement au contrat d'engagement républicain qui permet d'exiger la restitution de la subvention.
Je suis donc défavorable à l'ensemble des amendements.
À l'évidence, les principes de la République ne se discutent pas. D'ailleurs, ils ne constituent pas l'objet de la signature du contrat ; c'est la demande de subvention, dont l'octroi est conditionné à l'engagement vis-à-vis de ceux-ci.
Oui, le formulaire CERFA unique existe et figure dans la loi.
Quant aux termes de « contrat » et de « pacte », ils sont très similaires. Il n'y a qu'à regarder dans le dictionnaire : ils renvoient à une convention, entre personnes ou entre entités, qui engage à quelque chose. J'aime le mot de pacte ; je l'ai choisi pour le pacte transparence crèches, par exemple, mais, en l'occurrence, le terme de contrat nous paraît à la fois plus pédagogique et plus clair. On comprend bien que cela engage deux parties, la personne qui délivre la subvention – État, collectivité – et la personne qui la reçoit, en l'espèce l'association. D'ailleurs, certains doutaient de la solidité du terme « charte », mais dès que nous avons commencé à parler de contrat, chacun a compris que la ratification de ce contrat conditionnait l'octroi de la subvention et mettait en jeu son remboursement éventuel. Avis défavorable.
J'apprécie l'explication exhaustive de la ministre sur mon amendement, moins l'absence de commentaires du rapporteur.
Historiquement, la charte a une logique descendante : par elle, les seigneurs allaient vers le peuple. L'avantage du contrat est qu'il engage les deux parties. Le contrat d'engagement républicain n'est pas un contrat administratif en tant que tel, il y a des éléments requis en contrepartie de l'attribution de la subvention ; il engage les deux parties selon un fonctionnement clair et simple. Le terme de contrat a beaucoup plus de poids aujourd'hui, et s'articulera parfaitement avec la charte de 2014. Tout le monde ici veut la même chose, mais puisqu'on chipote sur les mots, le terme de contrat est le plus approprié.
Le formulaire CERFA est un imprimé administratif qui n'a pas la force d'un véritable contrat. Le contrat d'engagement républicain peut être un élément du contrat global, qui contiendra aussi les autres mesures. Il peut être une mention obligatoire, du même type que celles auxquelles les contrats de droit privé doivent faire référence pour être valides. Mais cocher une case sur un imprimé CERFA rend l'engagement un peu dérisoire. Il me semble important qu'un engagement soit pris par écrit dans un contrat, même si ce contrat aborde également d'autres points.
Puisqu'on parle étymologie, pacte vient de paciscor, « faire la paix », mais contrat vient de contrahere, « resserrer les liens ». Je préfère le mot contrat à tout autre, parce qu'il s'agit de resserrer les liens entre l'association et l'État.
Je ne voudrais pas laisser M. Eliaou sur une frustration. Je l'invite à réécouter le début de mon intervention : j'ai bien dit que j'étais attaché à la portée juridique du contrat et que je laissais le Gouvernement expliquer plus en détail sa vision.
Le nombre d'amendement montre tout de même que la question se pose. Je ne suis pas contre le choix du contrat, mais alors il faut le nourrir. Nous allons demander à des dirigeants d'association de signer un contrat sur les principes républicains, que d'ailleurs on connaît mais qui vont être précisés par décret en Conseil d'État, et il n'y a même pas de formation obligatoire ! Je proposerai par amendement d'en imposer une. Pour qu'il y ait un contrat, il faut un certain nombre d'obligations réciproques, que je ne vois pas pour l'instant. En fait, je ne vois pas pourquoi les autorités devraient contractualiser les termes du versement de leurs subventions.
L'amendement CS1281 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS753 de M. Jean-Paul Mattei et CS437 de Mme Isabelle Florennes.
On ne parle pas beaucoup de l'article 1er de la Constitution, qui pose les principes républicains. On peut pourtant y lire que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » ou que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ». Tout cela est sous-entendu dans tout ce que nous disons sur l'engagement républicain, mais je pense qu'une référence explicite à cet article de la Constitution aurait un rôle pédagogique. Tel est le sens de l'amendement CS753.
L'amendement CS437 du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés tend à ce que les associations qui demandent une subvention publique s'engagent non seulement à respecter, mais également à promouvoir les principes républicains. J'attends vos avis, mais l'amendement de M. Mattei me paraît plus fort.
Faire référence à l'article 1er de la Constitution dans son ensemble ne me paraît pas nécessaire et va à l'encontre de l'avis du Conseil d'État, qui recommande de s'en tenir dans cet article 6 à des principes clairs, sans le surcharger. Exiger la promotion des principes républicains en contrepartie du maintien de la subvention, car c'est de cela que nous parlons, me paraît également excessif. On peut entendre que la promotion soit une affaire importante, mais en faire une obligation pour maintenir une subvention va trop loin. Avis défavorable sur ces deux amendements.
Au nom de mon groupe, je voudrais tout de même faire quelques remarques. D'abord, le terme de « contrat » ne nous convient pas, et je vois que beaucoup ici ne sont pas convaincus. Le Conseil d'État lui-même d'ailleurs estime qu'il n'est pas besoin d'un contrat pour rendre opérant un dispositif et pour être en capacité de retirer une subvention. Ensuite, nonobstant toute la qualité que je trouve au travail de mes collègues du groupe Modem, je pense que la promotion des principes républicains doit plutôt être l'objet même d'une association.
Enfin, il faut tout de même rester dans la réalité. Pensez à ce que sont les associations dans nos territoires ! Plutôt que de leur demander une liste d'engagements, nous pourrions commencer par les remercier du travail qu'elles font, et dire à quel point elles sont utiles alors qu'elles mènent, malgré le manque de crédits dont elles souffrent, des actions qui nous aident à faire société et à vivre ensemble. Je ne voudrais pas que cet article 6, en ajoutant contrainte sur contrainte, devienne un repoussoir pour ceux dont nous avons pourtant bien besoin pour nous aider à régler des questions que ni l'État, ni les collectivités ne peuvent résoudre. Je pense en particulier au domaine de la culture, qui souffre beaucoup. Il me semble que cet article 6 ne devrait pas être vécu comme une course d'obstacles, mais devrait au contraire accueillir et remercier des associations qui, certes, sollicitent une subvention, mais dans l'intérêt général, et qui fonctionnent d'une manière bénévole. Ce n'est pas suffisamment exprimé dans cet article.
Ce débat est vraiment lunaire. On décide de règles très générales, qui touchent absolument tout le monde, pour essayer d'atteindre une ultra minorité qui ne respecte pas les lois de la République et qui prône l'islamisme et le séparatisme. Et on se retrouve à demander à l'association des horticulteurs du quartier de Bougival, à celle des éleveurs de bengals ou à l'association Jumeaux et plus de faire la promotion des principes de la République. C'est absurde ! Sans compter qu'elles sont censées signer un engagement dont on ne sait toujours pas ce qu'il contient, ce qui me pose un problème. Si on s'était attaqué directement à l'islamisme, on n'en serait pas à discuter de choses qui apparaissent déconnectées à la majorité des Français.
Madame Untermaier, nous souscrivons tous à vos propos sur le tissu associatif. Il est important, et particulièrement dans la période que nous traversons, de remercier ceux qui s'engagent, surtout bénévolement, auprès de toutes les associations, y compris Jumeaux et plus, les associations d'horticulteurs ou celles qui délivrent des colis aux plus précaires d'entre nous. Cet engagement doit être salué et c'est aussi ce que nous rappelons à travers l'article 6.
Par ailleurs, toutes les associations ne sont pas bénévoles : certaines ont besoin de salariés pour fonctionner, et reçoivent des subventions, des fonds européens, parfois des fonds privés. Les subventions de l'État aux associations sont considérables. Pour 2019, elles ont atteint 6,5 milliards d'euros, sachant que très souvent elles sont complétées par les collectivités. J'entends qu'il y ait des associations dans la difficulté. Elles sont soutenues, soit par l'augmentation des subventions, notamment avec le plan de relance, soit au travers des dispositions qui visent leurs salariés, et grâce aussi aux mesures de chômage partiel, qui ont évité à certaines associations de licencier dans la période que nous avons traversée. C'est l'honneur de l'État que de soutenir les associations, mais je crois qu'il faut rappeler que les montants concernés sont très importants.
Nos nombreuses auditions ont montré que l'article 6 avait pu susciter, c'est vrai, les interrogations ou les inquiétudes du monde associatif, ou de certains qui voulaient s'exprimer en son nom, ce qui est un peu différent. Mais les exemples qui viennent d'être cités montrent bien que les associations n'auront aucun problème à signer un engagement républicain, qu'il n'y aura pas besoin d'un temps de formation important. Les Français comprennent très bien ce que c'est que respecter les principes de liberté, d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l'ordre public.
Une association qui souhaite développer l'alimentation végétarienne et qui trouve une collectivité prête à la subventionner signera le contrat républicain sans aucun problème. Et si la collectivité se rend compte qu'au lieu de subventionner la promotion du véganisme, elle finance des actions visant à vandaliser des élevages et à faire échapper les animaux, elle sera en droit de dire que l'association n'a pas respecté le contrat d'engagement républicain, qu'elle a troublé l'ordre public et qu'elle doit rembourser la subvention. Madame Le Pen, il n'est pas question d'adopter une loi pour retirer des subventions à une association dont on aura découvert, un peu tard, qu'elle est islamiste : on fait une loi pour fixer les critères selon lesquels on respecte ou non les principes républicains.
J'entends beaucoup de choses antagoniques : d'un côté, ces dispositions ne serviraient à rien, on n'en aurait pas besoin pour être efficace, et, de l'autre, elles seraient très graves, elles remettraient en cause la vie associative. La vérité est que cet article 6 a une portée très large, en effet. Il ne s'agit pas que de régler le cas des associations qui feraient du prosélytisme religieux. D'ailleurs, vous aurez remarqué qu'il n'est pas fait mention des religions, dans cet article. Ce champ très large permettra aux ordonnateurs des subventions, s'ils s'en saisissent, de reprendre la main par rapport aux associations qui sollicitent une subvention pour un motif tout à fait acceptable mais dont on se rend compte que dans leurs actions, même une petite partie de l'ensemble de leurs activités, il y a des choses qui contreviennent aux principes républicains. Cela ira bien au-delà de la seule question de l'intégrisme religieux, qui peut exister évidemment dans certaines actions associatives. Voilà l'enjeu de cet article 6. Pour le reste, il n'y a pas de raisons de se compliquer la vie : les critères qui sont évoqués dès les premières lignes de l'article sont très clairs et ont une large portée générale.
La commission rejette successivement les amendements.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République
Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 15 heures
Présents. – Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Yves Blein, Mme Anne‑Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, M. Francis Chouat, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, M. Olivier Falorni, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Mattei, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. Thomas Rudigoz, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet
Excusé. – M. Yves Hemedinger
Assistaient également à la réunion. – Mme Émilie Bonnivard, Mme Émilie Cariou, M. Pierre Cordier, Mme Elsa Faucillon, Mme Olga Givernet, M. Grégory Labille, Mme Laurence Vanceunebrock