La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 1471 à l'article 26.
Je vous rappelle que le vote de l'article 26 fera l'objet d'un scrutin public.
M. Nicolas Sarkozy avait eu une heureuse initiative en tentant d'organiser le culte musulman en France. Il est légitime que l'État, même républicain – ces entreprises datent d'avant la République pour les religions catholique et juive – , cherche des interlocuteurs et aide à la structuration des cultes.
Plus que le projet de loi que nous examinons, l'arme la plus intéressante pour lutter contre le séparatisme est la charte des principes pour l'Islam de France, signée par la plupart des imams. Au passage, ceux qui ne souhaitent pas la signer se désignent comme des personnes qui ne respectent pas les valeurs et les lois de la République.
Si je viens de saluer la création, en 2003, du CFCM – Conseil français du culte musulman – , le problème est que les musulmans de France ne le considèrent pas comme représentatif. Son mode de désignation ne permet pas à chaque musulman de peser sur sa composition et son orientation. Ce système a été retenu à l'époque dans le cadre d'un équilibre global, mais il doit être changé. Comme il n'est pas question de légiférer pour une seule religion – je vous suis sur ce point, monsieur le ministre de l'intérieur – , nous pourrions retenir le principe démocratique selon lequel un homme égale une voix, principe général du droit associatif.
L'amendement vise à ce que les associations religieuses adoptent ce principe car on constate des dérives qui aboutissent, dans le cas du CFCM, à ce que les musulmans ne le jugent pas représentatif. En effet, l'électorat n'est pas constitué de tous les musulmans, mais déterminé pour chaque lieu de culte par sa surface, critère qui est évidemment décorrélé du nombre de fidèles fréquentant le lieu. Il est ainsi possible de gonfler la représentation, grâce à des moyens financiers, provenant de l'étranger ou non, afin d'influer sur la représentation des musulmans.
Vous l'avez dit cet après-midi, de nombreux États mènent une diplomatie d'influence à l'étranger, le mode de désignation du CFCM offrant à certains d'entre eux un levier en la matière. Je suis totalement d'accord avec vous : non seulement l'État français a le droit de connaître la provenance de l'argent venant de l'étranger pour ne pas être déstabilisé par les volontés d'exercer, surtout par le biais d'une religion quelle qu'elle soit, un pouvoir d'influence dans notre territoire, mais il est également nécessaire que nous modifions le mode de désignation du CFCM qui est une porte d'entrée pour ces influences étrangères et qui dépossède les musulmans d'une représentation juste.
Je souhaite que la loi fixe aux associations religieuses le principe d'un homme, une voix ; il restera ensuite aux musulmans à organiser le mode d'élection du CFCM selon leur souhait.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II, pour donner l'avis de la commission.
Si la loi imposait à un culte, quel qu'il soit, son mode d'organisation, cela constituerait une ingérence très forte, pour reprendre les propos employés par des collègues sur d'autres dispositions de l'article 26.
Le mode de désignation des représentants du CFCM est en effet contesté, y compris par les musulmans, mais, pour la raison que je viens d'indiquer, nous ne pouvons que donner un avis défavorable à votre amendement.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Monsieur le rapporteur général, j'observe depuis longtemps votre goût de la casuistique et des jésuitismes, mais vous ne pouvez pas m'expliquer qu'imposer le principe selon lequel un homme égale une voix dans le mode d'élection d'une association cultuelle représenterait une ingérence scandaleuse dans l'organisation des cultes, alors que vous déterminez le nombre de membres de cette association – règle qui n'existe pas pour les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association – et d'organes dirigeants. C'est exactement la même chose, donc votre argument ne tient pas.
Que vous ne souhaitiez pas le faire peut obéir à des raisons politiques que le ministre de l'intérieur aura à coeur d'exposer. Mais selon moi, les musulmans ont droit à une représentation légitime, qui ne peut être acquise que si chacun a voix au chapitre. Quand la parole est captée par une institution désignée sur la base de la superficie des lieux de culte…
Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas affirmer que la disposition proposée constitue une ingérence excessive alors que c'est l'État français, en la personne du ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, qui a fixé les règles de désignation des membres du CFCM avec les représentants du culte musulman.
Ces derniers, me direz-vous, ne seront sans doute pas d'accord pour les modifier…
Je constate seulement que l'amendement est présenté comme un amendement d'appel.
Cela n'empêche pas d'en débattre !
Le groupe UDI et indépendants pense que les musulmans de France ont le droit d'être représentés par eux-mêmes et non par des intermédiaires, parfois d'origine étrangère.
Je ne voudrais pas débuter la séance en vous fâchant, monsieur le président Lagarde, et je ne pense pas non plus que telle était l'intention du rapporteur général, lequel s'est contenté de répondre à ce que vous appelez vous-même, dans votre exposé sommaire, un amendement d'appel. Je vois cependant trois incohérences dans votre propos.
La première est que le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy n'a jamais inscrit les statuts du CFCM dans la loi. La naissance du CFCM résulte d'un gentleman's agreement et non de la loi ; or vous êtes en train d'écrire la loi de la République.
La deuxième, nous en discutions en fin d'après-midi avec M. Alexis Corbière, tient au fait que les cultes s'organisent comme ils l'entendent, même de manière non démocratique. J'espère que je ne fâcherai personne en disant que le fonctionnement de l'Église catholique n'est pas franchement démocratique : les catholiques n'élisent ni leur curé ni leur évêque. Pourtant, nous reconnaissons l'Église catholique comme une association cultuelle au sens de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Ce n'est pas à l'État de déterminer le mode de désignation des évêques. D'autres cultes, comme le culte consistorial, n'observent pas le mode de fonctionnement que vous évoquez alors qu'ils sont régis par la loi de 1905.
La troisième est liée au nombre de personnes inscrites dans une association, sujet que vous avez rapidement évoqué. Certes la loi de 1901 ne détermine pas ce nombre, mais la loi de 1905 le fait depuis sa promulgation. Nous procédons à une simplification : en 1905, le nombre de membres d'une association cultuelle était proportionnel à la population ; l'article 26 du projet de loi met la loi de 1905 au goût du jour et l'adapte à des situations qui ne sont pas propres au culte musulman ; ce faisant, cependant, nous aidons le culte musulman, car, chacun en conviendra, le nombre de fidèles de cette religion a évolué depuis 1905.
Enfin, vous évoquez le manque de légitimité de la représentation du culte musulman : nous ne pouvons que tomber d'accord sur ce point, mais ce n'est pas à nous de dire aux cultes comment ils doivent s'organiser ; ce n'est même pas à nous de dire aux cultes ce qu'est une église schismatique. Nous les prenons comme ils sont, ce que nous pouvons regretter pour des raisons politiques.
Nous sommes d'accord avec vous puisque nous avons travaillé en dehors du cadre de ce projet de loi, afin de maintenir la neutralité de l'État, à l'élaboration d'une action politique – nous ne pouvons pas employer un autre terme que ce joli mot – destinée à exclure du CFCM des fédérations que nous ne voulons plus y voir – c'est le cas de personnes, évoquées par Mme Annie Genevard cet après-midi, qui ont refusé de signer la charte des principes pour l'Islam de France proposée par le CFCM lui-même. Aujourd'hui, 40 % des mosquées ne sont pas représentées dans le CFCM – et je ne parle même pas des croyants ni des membres de ces associations. D'ailleurs, vous savez que les croyants ne sont pas tous membres d'associations : ils peuvent fréquenter un lieu de culte sans être membres de l'association qui le gère ; il y a donc une différence entre les membres de l'association et les croyants qui utilisent le lieu que celle-ci anime.
On peut dresser le même constat pour d'autres cultes : 7 % des synagogues ne font pas partie du Consistoire de Paris. Ces synagogues sont pourtant reconnues !
Le mode de désignation des représentants dans les associations de la loi de 1905 ne correspond pas à ce que vous évoquez. Nous pouvons tous être attachés au principe selon lequel un homme ou une femme égale une voix, mais je rejoins le rapporteur général : il ne serait pas raisonnable que la loi impose aux associations cultuelles de suivre ce principe dans la désignation de leurs organes dirigeants. Encore une fois, si la police du culte s'entend comme le respect du libre exercice du culte dans la limite de l'ordre public, l'État ne doit pas s'immiscer dans l'organisation des cultes. S'il le faisait, il romprait de nombreux équilibres, notamment dans la religion catholique dont aucun dirigeant cultuel n'est élu. Reconnaissez avec moi que l'évêque de votre circonscription n'est pas élu par l'ensemble des croyants : pourtant, c'est la loi de 1905 qui gère le culte catholique.
Le temps m'étant compté, je vais être bref. L'argumentation du ministre, sans être désagréable avec le rapporteur général, est sujette à interprétation et à discussion, mais elle permet le débat, qui doit avoir lieu : c'est pour cela que j'avais qualifié cet amendement d'amendement d'appel.
Il est légitime que l'État cherche à avoir des interlocuteurs et à faire en sorte que ceux-ci soient légitimes. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, n'a en effet pas inscrit les statuts du CFCM dans la loi, mais il les a négociés sur le fondement d'une représentativité, qui n'est plus satisfaisante. Monsieur le ministre chargé des cultes, même si je ne parle pas au nom des croyants, sachez que des musulmans me disent, partout en France, qu'ils ne se sentent pas représentés par le CFCM. Pour avoir des interlocuteurs légitimes, sans doute faut-il discuter avec le CFCM des modalités de désignation de ses membres : tel est l'objet de l'amendement.
J'espère que vous travaillerez, ou l'un de vos successeurs, à la juste représentation de nos compatriotes musulmans. Il s'agit d'un combat politique, au sens noble du terme, car les musulmans ne se sentant pas représentés par le CFCM, ils considèrent que les accords passés entre celui-ci et l'État ne les concernent pas. C'est dommage !
Monsieur le président Lagarde, le débat est intéressant mais vous vous trompez lourdement sur la non-représentativité du CFCM.
Quel est le problème du ministre de l'intérieur et, finalement, de la République ? Prenons les cultes les plus connus dont les représentants ont été auditionnés par M. le président de la commission spéciale. L'interlocuteur du ministre de l'intérieur pour le culte musulman n'est pas religieux. Il est le seul dans ce cas. Le président de la Conférence des évêques de France est, vous me pardonnerez cette tautologie, évêque ; le président de la Fédération protestante de France, François Clavairoly, est également pasteur ; le chef de l'Église orthodoxe de France est ministre du culte ; le représentant du culte bouddhiste conduit la spiritualité bouddhiste même s'il n'y a pas de culte au sens où nous l'entendons ; le responsable temporel qui dirige le Consistoire est accompagné du grand rabbin de France – d'ailleurs, monsieur Lagarde, le règlement des problèmes liés à l'organisation des cultes juif et catholique est dû à Napoléon Bonaparte, donc après la Première République et non avant la République comme vous l'avez dit.
Comprenez que je ne considère pas Bonaparte comme un républicain, monsieur Darmanin !
La République est née avec la Révolution, soyons-en fiers !
Rires sur plusieurs bancs.
Pour le culte juif, les problèmes d'organisation furent résolus sous le Premier Empire et donc après la Première République.
Aucun de mes prédécesseurs – et ce sera sûrement le cas de mes successeurs – n'a eu de religieux comme interlocuteurs représentant le culte musulman. Les ministres de l'intérieur parlent avec des présidents d'associations cultuelles ou des recteurs de mosquées, qui ne sont pas des religieux. Il faut respecter cette différence, même si nous essaierons d'avoir pour interlocuteurs des religieux qui connaissent et enseignent le dogme. Les imams, nous en discutions tout à l'heure avec M. Corbière, ne sont également pas à proprement parler des ministres du culte : ils guident la prière car le culte ne s'entend pas comme les juifs et les chrétiens l'entendent – nous avons généralement une vision très judéo-chrétienne du culte.
Nous ne discutons donc pas toujours avec les gens qui conduisent la prière ; nous ne discutons même quasiment jamais officiellement avec eux. Quand vous rencontrez les responsables des mosquées dans votre circonscription, vous discutez avec le président de l'association cultuelle. Bien souvent, il est difficile de discuter avec l'imam, non pas parce qu'il est inaccessible, mais parce qu'il change, parce qu'il n'est pas le ministre du culte comme on l'entend pour le rabbin, le pasteur ou le curé.
L'illégitimité que vous évoquez n'est donc pas que démocratique, elle est également théologique ; c'est donc à juste titre que votre amendement peut être qualifié d'amendement d'appel et mériterait d'être retiré. Une désignation pleinement démocratique du « président du culte » – au sens associatif – par les croyants ne résoudrait pas le problème de la légitimité, parce que, dans la mesure où le sunnisme est majoritaire sur le sol national, et non le chiisme qui, lui, dispose d'un clergé, nous discutons avec les présidents d'associations cultuelles ou les présidents de fédérations et non avec les représentants du dogme. Ceux-ci pourraient nous aider, comme les catholiques, les protestants, les bouddhistes et les juifs – d'une certaine manière – , à apporter une légitimité dogmatique qui ne concerne pas la République, sauf aux bornes de l'ordre public.
Je trouve un peu dur le procès en illégitimité que vous faites, mais je le comprends parce que je ne vis pas dans un monde éthéré. J'entends bien ce que vous évoquez, parce que c'est ce que pensent certains croyants musulmans. Le fait est que ce n'est pas un sujet démocratique, mais un sujet relatif au dogme. Tant qu'on n'aura pas répondu à cette question, qui concerne le culte musulman lui-même, à savoir la façon d'associer responsables religieux et responsables administratifs, ce procès en illégitimité demeurera.
L'amendement no 1791 n'est pas adopté.
La France est un État laïque ; aux termes de l'article 2 de la loi de 1905, elle ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte. L'objectif de cette neutralité religieuse est clair : assurer l'indépendance de la vie civile et de la vie religieuse. Au nom de cette indépendance, il est nécessaire d'empêcher la vente, à des États ou des personnes étrangères, de biens immobiliers appartenant aux associations assurant un exercice du culte. Dans le cas contraire, ces États ou personnes auraient la possibilité d'exercer une influence non négligeable sur la vie de ces associations, et donc indirectement sur l'exercice du culte.
Un exemple : en septembre dernier, l'association des musulmans d'Angers a décidé de céder au Maroc la mosquée en construction, qui sera la quatrième plus grande du pays. Alors que les articles que nous sommes en train de débattre entendent justement limiter les influences étrangères sur les associations liées à l'exercice du culte, il apparaît nécessaire d'adopter cet amendement.
Cet amendement reprend exactement, y compris dans la façon de désigner les cessionnaires, le contenu de celui que Jacques Maire a coécrit après nos débats sur le sujet en commission spéciale et qui sera présenté après l'article 36. Je suis un peu confus, mais je vais vous demander de retirer votre amendement au profit du sien, auquel je propose de vous associer.
… et je maintiens donc l'amendement puisqu'il précède dans l'ordre des articles celui évoqué par le rapporteur général.
L'amendement no 1185 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 73
Contre 17
L'article 26 est adopté.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour soutenir l'amendement no 2579 .
Il est simplement défendu, compte tenu de l'amendement dont vient de parler le rapporteur général.
L'amendement no 2579 , ayant reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, est retiré.
L'amendement no 1761 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 1950 , 1446 rectifié et 1491 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 1950 de M. Jean-Baptiste Moreau est défendu.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir les amendements nos 1446 rectifié et 1491 , pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
Un mot simplement, car je n'ai plus beaucoup de temps. Monsieur le ministre, je considère – et cela va dans le sens des propos que vous avez tenus hier soir dans un débat télévisé face à Mme Le Pen – que la loi de 1905 doit s'appliquer sur tout le territoire. Je ne comprends donc pas – que mes collègues d'Alsace et de Moselle entendent bien mes propos – que soit maintenue la situation particulière propre au concordat. Celle-ci ne concerne directement que 3 millions de nos concitoyens, mais pas seulement eux, en réalité, dans la mesure où les 62 millions d'euros servant à financer les salaires de 1 300 ministres du culte – environ – sont payés par l'ensemble des Français.
Nous pouvons avoir ce débat tranquillement, plus d'un siècle après le retour, heureux, de nos compatriotes dans la nation. Faute de survivant ayant vécu la présence allemande, il n'y a pas de souvenirs douloureux.
Je veux dire qu'il n'y a pas de gens dont les souvenirs seraient inscrits dans leur chair : aucun d'entre vous n'a vécu l'occupation allemande…
… ou alors il a largement passé l'âge de siéger ici. Prenons garde que les collègues qui évoqueraient trop la mémoire ne fournissent des arguments à des Français qui ont vécu d'autres épisodes douloureux – les 130 ans de présence française en Algérie par exemple.
M. François Cormier-Bouligeon s'exclame vivement.
Ceux-ci pourraient participer au débat et revendiquer des exceptions pour eux-mêmes.
Exclamations sur divers bancs.
Respectons ces différentes mémoires ; soyons donc laïques, vraiment, et pas seulement dans la posture ou les hurlements.
La laïcité partout et pour tous : voilà pourquoi la loi de 1905 doit désormais s'appliquer dans ces trois départements ; voilà pourquoi nous demandons l'abrogation du concordat d'Alsace-Moselle. Celui-ci n'est pas la même chose que le droit bismarckien, qui accorde des droits sociaux à nos compatriotes vivant dans ces trois départements et qui, lui, pourrait être étendu à l'ensemble de la nation – mais c'est un autre sujet.
Monsieur Corbière, vous saviez qu'en déposant cet amendement vous alliez forcément déclencher des réactions, notamment chez les députés élus dans les trois départements concernés.
L'objectif de ce projet de loi n'est pas de remettre en cause l'existence de droits locaux, qui sont anciens et s'inscrivent dans une certaine tradition – même si les contester est votre droit le plus strict ; c'est de lutter contre les séparatismes. Or il n'y a pas de séparatisme dans ces départements, …
… ce n'est pas du tout notre cible politique. Très franchement, je préfère la position du Conseil constitutionnel au sujet de la persistance de ce droit local, qui consiste à dire : tôt ou tard, il faudra que celui-ci rejoigne le droit commun.
Mais c'est l'histoire qui le fera, ou pas – peut-être que cela n'arrivera jamais, monsieur Hetzel. En tout état de cause, ce n'est pas à nous, ce soir, de clore ce débat ancien. Cependant, il arrive que l'on puisse faire converger les droits locaux et le droit commun lorsque nous considérons qu'il y a un intérêt collectif à le faire. C'est ce que nous verrons à l'article 31, qui prévoit d'appliquer aux structures cultuelles de droit local des dispositions qui n'ont rien de scandaleux, puisque ce sont celles de la loi de 1905.
Avis défavorable.
Nous nous opposons évidemment fermement à ces amendements, en rappelant que les valeurs de laïcité sont largement partagées dans tout le pays, y compris en Alsace-Moselle.
Il existe effectivement des particularismes, à La Réunion, en Guyane, mais aussi en Alsace-Moselle avec le régime des cultes catholique, luthérien, réformé et israélite. Dans leur très grande majorité, les Alsaciens et les Mosellans, y compris lorsqu'ils sont originaires d'autres régions, sont très attachés à ce particularisme. Comme ailleurs dans le pays, on y vit une laïcité apaisée. À cet égard, le régime concordataire hérité de notre histoire si singulière donne régulièrement des preuves d'efficacité et est incontestablement un élément fondamental de notre lien social. Il est donc légitime de le préserver ce régime. Son application à l'Islam serait d'ailleurs tout à fait envisageable, en dépit du problème de représentation des musulmans que M. Lagarde a bien exposé. Il suffirait de bien en préciser les conditions – les compétences et les formations doivent ainsi être évaluées, comme cela se fait dans les facultés de Strasbourg ou de Metz, ou l'on peut suivre un parcours de théologie catholique ou de pédagogie religieuse.
Les catholiques, protestants, juifs et musulmans de ces départements se parlent régulièrement et savent se rassembler dans de nombreuses circonstances, parfois exceptionnelles, parfois dramatiques – je pense aux profanations de cimetières ou au dernier attentat de Strasbourg.
Le problème ne réside donc pas dans le régime propre à l'Alsace-Moselle, où le dialogue interreligieux est une réalité quotidienne ; le problème est de combattre l'islamisme radical fondamentaliste politique, qui peut malheureusement provoquer des drames et qui est une menace pour notre société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Votre intervention, monsieur Corbière, n'a rien à voir avec les débats qui nous animent et qui concernent le séparatisme, comme vient de le dire M. Reiss. Ce qui vous gêne, en réalité, c'est que nous puissions considérer que la France est forte et grande de sa diversité.
Je regrette que par idéologie égalitariste, « uniformisatrice » et centralisatrice, vous arriviez à méconnaître le droit français et l'histoire de France. C'est vous qui adoptez des postures d'un autre âge.
Le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions très claires : la première, en août 2011, érige le droit local en principe fondamental reconnu par les lois de la République ; il est donc un droit national républicain et démocratique.
La seconde, en 2013, dit que le concordat fait partie de la tradition républicaine française. Vous méconnaissez l'histoire de l'Alsace, ballottée et victime de guerres internes à l'Europe et fratricides. L'Alsace est le pays de la tolérance, du respect, du dialogue interreligieux pacifié, de la liberté de pensée.
C'est aussi une terre au coeur de l'Europe réconciliée. Vous devriez venir en Alsace pour voir comme la République y est bien. Dans ce domaine comme dans tous les autres, vous voulez faire en permanence table rase du passé et vous attaquer aux traditions. Souffrez que le droit local ne soit pas séparatiste, mais au contraire réconciliateur. La République, c'est aussi le droit local.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR – M. Belkhir Belhaddad applaudit également.
Merci à tous d'avoir argumenté. Ce débat se poursuivra car il n'est pas alsacien ou mosellan : c'est un débat français. Ne vous singularisez pas. Précisément parce que nous sommes tous des citoyens égaux – j'y suis particulièrement attaché – , j'ai le droit de discuter de cette situation particulière, comme vous avez le droit de discuter de ce qui se passe en Seine-Saint-Denis. Ne brandissons pas d'arguments de ce genre, au risque de priver rapidement ce lieu de toute fonction ; c'est ce qui arrivera si chacun somme son voisin de ne pas venir brouter dans son pré ou, à l'inverse, l'invite dans sa circonscription pour se faire une meilleure idée de la situation – comme si je n'avais jamais mis les pieds en Alsace ou en Moselle ! Vous savez bien que cet argument ne tient pas.
Rapporteur, j'apprécie votre style lorsque vous dites que, tôt ou tard, il faudra que l'Alsace-Moselle rejoigne le droit commun, mais la vérité est cette discussion dure depuis 102 ans… Au moins avez-vous le mérite de vouloir doucement avancer en ce sens, ce avec quoi je suis plutôt d'accord, même si je constate que c'est vraiment à tout petits pas. Il est vrai que le délit de blasphème, qui avait été maintenu dans le droit local, a été abrogé en 2017. C'est heureux, et cela prouve que la situation évolue : poursuivons.
Tout à l'heure, j'ai demandé la fin de l'éducation religieuse obligatoire. Nous aurions pu nous entendre sur cette modeste proposition, qui n'aurait d'ailleurs pas représenté un grand changement, mais vous ne l'avez pas voulu. Tôt ou tard, pourtant, on y arrivera, même si je ne serai sans doute pas là dans cent ou deux cents ans pour le voir –
Sourires
d'autant que je serai peut-être parti dans un an.
Mes chers collègues, écoutez-moi, même si mes propos vous heurtent : ce particularisme ouvre la porte à ceux qui veulent disloquer la République. Je suis attaché au caractère indivisible de la nation.
Exclamations.
Nous avons tous une histoire douloureuse : la Bretagne, la Vendée, le sud de la France, le comté de Nice, etc. Ce pays est fait de beaucoup d'histoires complexes, c'est ce qui fait sa grandeur, c'est pourquoi je l'aime. Si on les fait remonter à la surface pour argumenter, il y aura toujours une raison d'alléguer qu'à tel endroit, la loi doit s'appliquer autrement. La grandeur de la République est d'affirmer que nous sommes tous égaux devant la loi, quelle que soit notre histoire : on fait France de tout bois ! Cela implique de ne pas revendiquer une histoire, même douloureuse, pour justifier une loi différente. Si la loi de chacun est différente, on ne vit plus dans le même pays.
J'espère que chacun méditera sur ces arguments. La laïcité ne consiste pas à se contenter d'un dialogue interreligieux fécond, même si je me félicite que ce soit le cas dans les trois départements concernés. J'appelle cependant votre attention sur un aspect que vous avez vous-mêmes évoqué : on y traite différemment un culte pourtant pratiqué par au moins 100 000 personnes, nos concitoyens musulmans, qui devraient pourtant bénéficier de l'égalité des droits.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui, nous en resterons là, mes amendements seront rejetés ; mais demandez-vous s'il est possible que dans trois départements de notre pays, on soit traité différemment selon la religion que l'on pratique. Ce n'est pas sain, et il faudra trouver une solution à ce problème. Je ne propose pas d'ouvrir le régime concordataire au culte musulman, quand bien même cette solution pourrait paraître sympathique. Un collègue ici présent m'a répondu dans L'Obs que le concordat était merveilleux et a proposé, comme une utopie, son élargissement à toute la France.
Ben voyons ! Ce ne serait rien de moins que la fin de la loi de 1905 ! Faisons attention aux arguments que nous avançons : on ne peut pas appeler certains de nos concitoyens, musulmans notamment, à mieux comprendre la laïcité, tout en défendant, au nom de l'histoire, le droit pour son territoire d'échapper, non aux valeurs de la République, mais à la loi, à la laïcité telle qu'elle s'est appliquée.
Voilà ma position ; je reste fidèle à un vieux combat. J'ai compris que je ne gagnerai pas aujourd'hui, que je ne vous ai pas convaincus, mais réfléchissez-y. Quand un édifice est branlant, instable, les moments de tensions, les mouvements qui s'accélèrent ouvrent des brèches qui peuvent devenir des déchirures bien plus menaçantes encore. J'espère que vous m'aurez entendu et que mes propos auront suscité une réflexion dans vos rangs.
Je ne suis pas sûr que toute la soirée sera consacrée à l'Alsace-Moselle. Permettez-moi de rappeler que la laïcité, telle qu'elle est prévue dans la loi de 1905, ne s'applique pas non plus dans certains territoires ultramarins…
En effet, mais n'oublions pas Saint-Pierre-et-Miquelon et les territoires du Pacifique. L'amendement no 1446 rectifié de M. Corbière concerne donc tout le monde.
Le Gouvernement ne veut aucunement changer les équilibres hérités de l'histoire que la France s'est engagée à garantir – plus précisément la République, c'est-à-dire notre régime politique. Lorsque les représentants de nos compatriotes d'Alsace-Moselle, après des dizaines d'années d'occupation, sont revenus pleurant dans l'hémicycle, la République, plus précisément ce gouvernement de la IIIe que vous évoquez souvent, monsieur le député, et singulièrement Georges Clemenceau, président du Conseil, malgré ses certitudes laïques, a décidé que les enfants de la nation, en revenant en son sein, retrouveraient la situation qu'ils avaient connue avant leur départ, quand le concordat s'appliquait au territoire national.
Une promesse faite par la République mérite d'être tenue, génération après génération ; si les mesures héritées de Clemenceau restent applicables, elles le restent pour tout.
Deuxièmement, il n'est pas tout à fait correct d'évoquer le concordat pour désigner les dispositions relatives à la police des cultes. Il faut distinguer le concordat, accord politique et diplomatique avec une puissance étrangère, en l'occurrence le Vatican, et le droit local. Il ne faut pas tout confondre, surtout au moment où le Parlement réclame la différenciation – et c'est un ministre plutôt jacobin qui vous parle, même s'il est très difficile de l'avouer, en particulier dans cette majorité…
Oui, on peut être jacobin, c'est très bien d'être jacobin ! On peut considérer que l'État central est important ! Je le dis d'autant plus facilement que les communes y participent, puisque le maire est un représentant de l'État.
Je crois en l'indivisibilité de la République : il s'agit d'une tradition qui va peut-être du général de Gaulle à M. Corbière – si celui-ci me le permet, je préfère citer le premier : sa carrière est terminée, alors qu'on ignore ce que sera celle du second. Cependant, à un moment où sont valorisés la différenciation et le respect des particularismes locaux, il serait incroyable de mettre fin à une tradition comme celle de l'Alsace-Moselle et de certains territoires ultramarins, où manifestement le droit et la République s'accordent très bien. Distinguons donc le débat qui porte sur le concordat et celui qui concerne le droit local.
Vous affirmez que le culte musulman est moins bien traité que les autres. Cela dépend. Il est mieux traité en Alsace-Moselle que sur le reste du territoire national. En effet, que prévoit le droit local ? Il distingue les cultes reconnus, qui existaient avant 1918 – cultes protestants, luthérien et réformé, culte catholique et culte israélite – , et les autres cultes, dont fait partie le culte musulman, qui, pour simplifier, n'était pas pratiqué en Alsace-Moselle au moment où ces départements sont passés sous domination allemande. Ainsi, les ministres des cultes reconnus sont rémunérés par l'État, et non les autres. Toutefois, les collectivités qui ont subventionné la construction d'un lieu de culte sont tenues de financer tous les cultes sans distinction. Le Conseil d'État a rendu de nombreux arrêts sur ce point : si une collectivité d'Alsace-Moselle finance un lieu de culte catholique, ou protestant, ou juif, elle est tenue de financer un lieu de culte musulman dans les mêmes proportions ; cela ne relève donc pas d'une décision politique.
Vous pouvez dire ce que vous souhaitez, mais c'est le droit. Nous pouvons donc considérer que le culte musulman est moins bien traité au regard de la rémunération de ses ministres – même si, vous l'avez dit vous-même, les ministres du culte n'existent pas au sein de l'islam, mais je n'insiste pas sur ce point de peur d'affaiblir mon argument – ,
Sourires
mais d'un autre côté, il est mieux traité en Alsace-Moselle qu'ailleurs, puisque les collectivités publiques financent les cultes sans discrimination. Je serais d'accord avec vous si une collectivité comme Strasbourg finançait temples et synagogues, mais pas la mosquée actuellement en construction…
Troisièmement, je l'ai déjà dit au président Mélenchon, et je sais que vous lui avez dit que le ministre de l'intérieur avait quelque raison de l'affirmer, même si cela peut paraître surprenant : le non-subventionnement du culte n'est pas un principe fondamental de la République. On peut le regretter. Le principe fondamental est la non-reconnaissance des cultes. Le non-subventionnement est du domaine de la loi : le Parlement pourrait décider de subventionner les cultes.
Le Conseil constitutionnel pourrait certes inférer le non-subventionnement du principe fondamental de non-reconnaissance, mais ce n'est pas le cas. À ce titre, il a par plusieurs jurisprudences affirmé que le système particulier de l'Alsace-Moselle était tout à fait compatible avec le principe de laïcité.
Quatrièmement, le temps s'est arrêté en Alsace-Moselle, si j'ose dire. Il n'y a que quatre cultes reconnus, et on ne peut pas en ajouter de nouveaux. En cela, le rapporteur général a en partie raison : formellement, les choses évolueront.
Je ne reconnais ici que les députés de la nation – vous avez bien raison de le souligner : il paraît d'ailleurs que le président Chaban-Delmas rayait, sur les en-têtes des documents parlementaires, les mentions comme « député du Nord » ou « député des Côtes d'Armor ». Monsieur le rapporteur général, je cite pour vous faire plaisir un député de Gironde, mais…
Sans doute, mais vous-même faites partie du même groupe que Mme Obono !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Reconnaissez que ce qui me sépare, en tant que jacobin, de M. le rapporteur général est moins important que vos divergences avec Mme Obono sur la question de la laïcité…
Tout en ne reconnaissant, disais-je, que les députés de la nation, je m'adresse maintenant à ceux qui ont été élus en Alsace-Moselle pour leur rappeler que les dispositions de droit local issues du concordat n'empêchent pas l'islamisme et le séparatisme de sévir dans leur territoire. Et je leur dis, comme je l'ai dit aux responsables de la ville de Strasbourg, que ce qui se passe notamment avec la communauté turque inquiète le Gouvernement. L'application du droit local ne doit pas conduire à nier les problèmes liés au communautarisme – parfois islamiste – et aux ingérences étrangères.
Je sais que vous le savez, mais l'histoire montre que les croyants ne sont pas toujours les pratiquants. Des élus de tous les bords politiques, mais souvent situés à droite, m'interpellent et me demandent de faire preuve d'une grande fermeté ; mais quand on observe les faits, on constate aussi qu'eux-mêmes ne se montrent pas toujours aussi stricts, peut-être par naïveté ou par manque d'information – pourtant, le Gouvernement n'hésite pas à donne l'alerte quand c'est nécessaire.
Vous l'avez compris, le Gouvernement restera fidèle à la promesse de Clemenceau et ne remettra pas en cause l'accord passé avec ces territoires. Cela ne signifie pas que tout y est complètement rose – ou bleu, ou vert si vous préférez, ce n'est pas une question d'appartenance politique ; ils ne sont pas à l'abri du séparatisme, du communautarisme, de l'islamisme ou des ingérences étrangères, d'autant que certains, dans leurs agissements, tirent profit des dispositions de droit local auquel M. Corbière voudrait mettre fin. Et sa demande serait légitime si les élus ne prenaient pas leurs responsabilités vis-à-vis des subventions qu'ils octroient.
Les amendements nos 1950 , 1446 rectifié et 1491 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1948 .
L'amendement no 1948 est retiré.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1823 .
Cet amendement vise à définir, au niveau législatif – ce qui n'est pas le cas actuellement – ce qu'est une association cultuelle, en reprenant les éléments déterminés par la jurisprudence et en particulier l'arrêt du Conseil d'État du 24 octobre 1997.
Cela est d'autant plus important que le texte que nous examinons donne au préfet, et c'est une bonne chose, le droit de refuser une inscription abusive au titre de la loi de 1905.
Je comprends l'exercice de clarification, ce d'autant que cette jurisprudence est extrêmement bien établie et a fait l'objet d'un très grand nombre d'arrêts du Conseil d'État et des tribunaux administratifs. Je ne vois toutefois pas l'intérêt de l'inscrire dans la loi, et s'il y en avait un, il faudrait plutôt modifier celle de 1905. C'est pourquoi je donne un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous savez que la loi de 1905 ne sera pas réformée d'ici la fin du quinquennat. Je saisis donc le véhicule législatif qui se présente.
Par ailleurs, il est plus sécurisant pour la République que la définition des associations cultuelles figure dans la loi plutôt que dans la jurisprudence. La jurisprudence est instable et susceptible de s'inverser suite à un simple débat des magistrats, tandis que la loi est débattue sous les yeux des Français, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 1823 n'est pas adopté.
Comme l'a évoqué mon collègue Pierre-Yves Bournazel lors de la discussion portant sur l'article 26, le groupe Agir ensemble approuve le dispositif relatif à la constitution et aux modalités de fonctionnement des associations cultuelles, lequel ne nous semble pas trop intrusif.
À cet égard, l'article 27 est plus important qu'il n'y paraît, puisqu'il conditionne beaucoup de choses. Nous sommes très favorables à l'obligation de déclarer préalablement auprès du préfet la qualité cultuelle d'une association. Cette disposition a un grand mérite, celui de la clarté. Désormais, l'autorité préfectorale pourra s'assurer, dès la création de l'association, que celle-ci répond bien à la finalité dont elle se prévaut, ce qui est important car toute une série de conséquences juridiques en découlent : soumission à des règles particulières de constitution et de fonctionnement ; possibilité – si l'Assemblée adopte l'article 28 – de gérer des immeubles de rapport acquis à titre gratuit ; avantages fiscaux, etc.
L'article 27 prévoit, et c'est une bonne chose, que le préfet ne pourra refuser le caractère cultuel à une association qu'à l'issue d'une procédure contradictoire : je pense que c'est une bonne chose. Mais pour que sa décision sur ce sujet sensible soit la mieux fondée possible, nous proposerons, par un amendement de M. Pierre-Yves Bournazel, de lui donner la possibilité de consulter un organisme extérieur.
Les amendements identiques nos 1161 de M. Thibault Bazin et 1885 de M. Sébastien Chenu, tendant à supprimer l'article 27, sont défendus.
L'alinéa 2 de l'article 27 dispose qu'une association souhaitant bénéficier des avantages propres à cette catégorie doit déclarer sa qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département. Mais la Fédération protestante de France nous propose une solution plus simple : que toute association constituée conformément aux dispositions des articles 18 et 19 mentionne sa qualité cultuelle dans ses statuts.
L'amendement no 1008 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 1398 de M. Xavier Breton et 1407 de M. Patrick Hetzel sont défendus.
Les amendements nos 962 de M. François Pupponi et 1027 de M. Julien Ravier, qui peuvent être soumis à une discussion commune, sont défendus.
Les amendements identiques nos 441 de M. Xavier Breton, 559 de M. Patrick Hetzel et 879 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques nos 869 de M. Xavier Breton et 877 de M. Patrick Hetzel sont défendus.
Sur article 27, je suis saisi d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques nos 1399 de M. Xavier Breton et 1408 de M. Patrick Hetzel sont défendus.
L'amendement no 1659 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 2472 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Euzet, pour soutenir l'amendement no 2112 .
C'est celui auquel j'ai fait allusion en m'exprimant sur l'article. Refuser la qualité cultuelle à une association, c'est prendre, sur un sujet sensible et au terme d'une procédure contradictoire, une décision complexe. Nous pensons que le préfet pourrait, comme dans d'autres domaines, être éclairé par un organisme compétent tel que la commission consultative des cultes.
Avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce que nous avons introduit en commission spéciale, sur ma proposition, une procédure contradictoire permettant un échange entre l'association cultuelle – ou du moins qui prétend l'être à ce stade de la procédure – et le représentant de l'État, et parce que la commission consultative des cultes n'est chargée que de la question de l'affiliation au régime de sécurité sociale des ministres du culte et n'est donc, me semble-t-il, pas du tout compétente pour assister le préfet au cours de cette procédure.
L'amendement no 2112 est retiré.
Les amendements identiques nos 881 de M. Marc Le Fur, 2330 de M. Mustapha Laabid et 2423 de M. Aurélien Taché sont défendus.
Les amendements nos 2161 de Mme Laurianne Rossi, 1722 de Mme Nathalie Sarles et 960 de Mme Delphine Bagarry, qui peuvent être soumis à une discussion commune, sont défendus.
Je suis saisi de sept amendements, nos 961 , 891 , 893 , 1009 , 1728 , 1232 et 2284 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 891 , 893 , 1009 et 1728 sont identiques, de même que les amendements nos 1232 et 2284 .
Les amendements nos 961 de Mme Delphine Bagarry, 891 de M. Patrick Hetzel et 893 de M. Xavier Breton sont défendus.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement no 1009 .
Il vise simplement à repousser de cinq ans à huit ans le délai de réexamen de la déclaration des associations cultuelles. Nous considérons en effet que les associations cultuelles font l'objet d'une suspicion un peu exagérée.
Les amendements nos 1728 de Mme Nathalie Sarles, 1232 de Mme Aude Bono-Vandorme et 2284 de M. François Jolivet sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Actuellement, c'est au fil de sa vie, par une procédure de rescrit administratif ou fiscal, qu'une association peut se voir reconnaître la qualité d'activité cultuelle. Nous souhaitons que cette reconnaissance ait lieu a priori, et tenons à ce qu'elle reste valable cinq ans comme c'est le cas aujourd'hui. Avis défavorable.
L'amendement no 961 n'est pas adopté.
Les amendements nos 2530 de M. Rémy Rebeyrotte et 1666 de M. Thomas Rudigoz sont défendus.
Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de m'exprimer, non à titre personnel, mais pour lire un message que m'a adressé mon ami Philippe Naillet, élu de la première circonscription de La Réunion, laquelle comprend une large partie de la préfecture, Saint-Denis : « Nous avons à Saint-Denis, la grande mosquée Noor-E-Islam, inaugurée le 28 novembre 1905, soit onze jours avant l'adoption de la loi de séparation des églises et de l'État. L'histoire du peuplement de La Réunion révèle des origines diverses : la France, l'Inde, Madagascar, les Comores et, plus largement, l'Afrique, la Chine. Ces populations sont évidemment arrivées avec leur religion et tout cela a donné La Réunion, un territoire qui a fait de la diversité une force. »
Notre collègue prend en exemple sa permanence parlementaire, située dans la rue Sainte-Marie à Saint-Denis, à deux pas d'un collège privé catholique, à 200 mètres de l'église Saint-Jacques, à 400 mètres de la grande mosquée, à 200 mètres du grand temple hindou et des temples chinois. Je ne donnerai pas lecture de toute sa lettre, ce qui serait trop long, mais sachez qu'elle est une invitation à la tolérance et nous incite à regarder ce qui se passe dans nos territoires ultramarins, et pas uniquement en métropole.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 89
Contre 14
L'article 27 est adopté.
Sur l'article 28, je suis saisi d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 1960 de M. François Jolivet est défendu.
L'amendement no 1960 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements, nos 40 , 1010 , 1112 , 2321 , 1527 et 2015 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 40 , 1010 , 112 et 2321 sont identiques, ainsi que les amendements nos 1527 et 2015 .
L'amendement no 40 de M. Jean-Louis Touraine est défendu.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement no 1010 .
Il vise à supprimer l'alinéa 5 de l'article 28 qui prévoit la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d'administrer des immeubles acquis à titre gratuit. Une telle modification du régime de la loi de 1905 n'apparaît pas justifiée au regard de l'objet même des associations cultuelles dont la vocation est le culte et non l'immobilier.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 1112 .
Je souhaiterais que les alinéas 5 et 6 de cet article soient supprimés. Ils visent à offrir aux cultes la possibilité de bénéficier du produit de la location d'immeubles de rapport.
Les cultes n'en demandaient pas tant, mais ils ont immédiatement vu l'intérêt que cela comportait. En particulier, les évangéliques et les musulmans ont tout de suite demandé à pouvoir bénéficier du droit d'acquérir à titre onéreux des immeubles de rapport, alors même que le texte ne prévoit que l'acquisition à titre gratuit.
Monsieur le rapporteur général, vous avez proposé en commission spéciale un amendement dont l'exposé des motifs est très intéressant puisqu'il appelle à maîtriser le dispositif afin d'éviter que ne se constituent – je vous cite de mémoire – des empires immobiliers. Certains cultes ont en effet une propension à occuper l'espace, ce qui est aussi une façon d'affirmer leur emprise sur le territoire. Vous avez donc choisi d'encadrer ce dispositif, alors qu'il faudrait l'interdire car il emporte des risques que vous avez vous-même perçus. Certes, la valeur d'un immeuble acquis par l'association ne pourrait dépasser un seuil fixé par décret, mais ce seuil peut toujours évoluer. Le pied est dans la porte et je crois que c'est dangereux.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour soutenir l'amendement no 2321 .
Je suis très heureux pour une fois d'avoir la même position que notre collègue Genevard.
Je veux ici m'opposer à l'administration de biens de rapport par les associations cultuelles parce que notre laïcité publique, pour reprendre le titre d'un ouvrage majeur d'Émile Poulat, ce n'est pas le fruit d'un deal entre les cultes et la République. Je ne suis pas d'accord avec la philosophie de la contrepartie qui imprègne les alinéas 5 et 6 parce que, comme nous tous sur ces bancs, j'ai une haute idée de notre république. Or celle-ci implique l'arrachement unilatéral du peuple français à l'influence religieuse à laquelle pourraient être soumises les décisions publiques et la compétence du législateur et nous interdit d'accorder des contreparties à des sections du peuple français.
L'une des intentions de ce chapitre est de distinguer plus clairement les associations cultuelles des autres associations. Mais l'alinéa 5 de l'article 28 tend au contraire à brouiller cette distinction en permettant à des associations cultuelles de ne pas se consacrer exclusivement à leur objet, à savoir le culte. N'étant pas soumises à l'impôt sur les libéralités, elles seront d'ailleurs considérablement avantagées par rapport à d'autres acteurs de l'immobilier.
Sincèrement, est-ce ce qu'auraient voulu les rédacteurs de la loi de 1905 ? Je ne le crois pas. Le fait de permettre aux associations cultuelles de posséder des immeubles acquis à titre gratuit ou de les administrer pour en retirer des revenus locatifs est contraire, non pas à une disposition mineure de la loi de 1905, mais à sa philosophie générale.
Monsieur le rapporteur général, si vous nous avez fait voter en commission spéciale un amendement visant à plafonner la valeur des immeubles acquis à titre gratuit, c'est parce que vous savez que la disposition comporte un risque important. Alors que votre intention est sans doute d'opérer un rééquilibrage entre différents cultes – ce qui, au passage, n'est pas le rôle de notre État laïc et libéral – , vous allez au contraire creuser un fossé : ceux qui sont aujourd'hui avantagés, pour des raisons historiques ou autres, le seront encore davantage demain avec l'application de cet article.
Comment allez-vous réguler l'action de certains mouvements religieux qui peuvent présenter un caractère sectaire, comme nous le voyons dans d'autres pays du monde, notamment au Brésil ? Les associations cultuelles doivent-elles pouvoir bâtir des empires immobiliers comme certaines le font dans d'autres États, avec les conséquences néfastes que nous connaissons ? Ce n'est pas notre conviction. Que le culte s'occupe du cultuel et que les acteurs de l'immobilier s'occupent de l'immobilier !
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1527 .
Nous nous opposons aussi à la possibilité, pour les associations cultuelles, de posséder et administrer des immeubles. Cette disposition, qui ne figurait pas dans la loi de 1905, aurait pour effet d'affaiblir son objet, à savoir que les associations cultuelles doivent uniquement s'occuper du culte. Il s'agit donc précisément de respecter ce que dit la loi de 1905.
Parmi les arguments qui peuvent être opposés à cette disposition, il en est un auquel le rapporteur général a été souvent sensible : il serait paradoxal que ce projet de loi place les associations cultuelles dans des conditions leur permettant d'être mixtes, en quelque sorte, en exerçant différentes activités, alors que c'est justement ce mélange du culturel et du cultuel que vous voulez démêler. Et d'un certain point de vue, vous avez raison : il faut faire évoluer les associations cultuelles vers le statut de la loi de 1905, abandonnant celui de la loi de 1901.
Mais au moment où l'on veut détacher le culturel du cultuel, pourquoi vouloir mélanger le cultuel et le financier en autorisant des activités qui n'ont rien à voir avec le culte ? Ne touchons pas à la loi de 1905 et prenons garde à ne pas inciter les associations cultuelles à devenir des gestionnaires de biens, ce qui selon moi serait une évolution fâcheuse. Cela pourrait entraîner soit l'apparition de cultes puissants et riches mais sans fidèles, soit le développement d'un business des religions tel qu'il existe en Amérique du Nord, où des empires financiers se constituent, pour lesquels l'argent et les legs deviennent des enjeux importants, et qui, en cherchant le fidèle, ont moins pour but d'amener l'être humain à la spiritualité que de capter ses biens et en faire bénéficier l'association cultuelle.
Ainsi, il y a un danger. Je le répète, ne touchons pas à la loi de 1905.
Nous abordons ici un volet important du projet de loi. Disons-le d'emblée : nous approuvons la volonté du Gouvernement de favoriser au maximum la constitution d'associations loi de 1905, lesquelles sont hélas aujourd'hui, trop peu nombreuses – 5 000 d'après l'étude d'impact – et ce, pour des raisons historiques qui ont été rappelées à plusieurs reprises.
Si nous partageons cet objectif, nous refusons en revanche catégoriquement la nouvelle possibilité octroyée aux associations cultuelles d'administrer des immeubles de rapport, quand bien même la valeur de ceux-ci serait plafonnée.
Nous considérons que ce dispositif est totalement contraire à l'esprit et à la loi de 1905, laquelle confère aux associations cultuelles la seule gestion du culte, ni plus ni moins. Dévier de cette ligne reviendrait à remettre en cause le travail accompli par nos prédécesseurs.
Ensuite, cette mesure nous semble complètement contre-productive. Elle est censée favoriser l'autonomie financière du culte musulman, mais nous savons bien qu'en réalité, elle profiterait avant tout aux cultes les plus anciens en France, dont les fidèles seraient plus à même de transmettre des biens. C'est une réalité sociologique que nous déplorons, mais qui n'en demeure pas moins vraie. Mohammed Moussaoui a d'ailleurs indiqué qu'il n'avait pas réclamé cette disposition.
Nous voyons bien qu'en restreignant la possibilité de bénéficier de flux financiers d'origine étrangère, le Gouvernement cherche un moyen de reprendre d'une main ce qu'il accorde de l'autre. Quoi qu'il en soit, nous ne devons en aucun cas dévier de la ligne fixée par la loi de 1905 ni céder à des logiques nuisibles au principe de la laïcité, trésor de notre République. C'est aux cultes eux-mêmes qu'il revient de s'organiser et de se financer. La puissance publique doit de son côté tenir son rôle et, le cas échéant, faciliter les garanties d'emprunt pour les associations cultuelles, comme cela est permis aujourd'hui. C'est ce que nous avons proposé et nous regrettons que nos amendements aient été déclarés irrecevables car il y avait là matière à aider les cultes les plus récents.
Dans la même veine, nous voulons que les collectivités territoriales aient la possibilité de céder, à l'échéance d'un bail emphytéotique conclu entre les deux parties, un édifice consacré au culte à une association cultuelle. Nous y reviendrons un peu plus tard. Pour l'heure, nous répétons avec force notre opposition à cette nouvelle possibilité offerte par l'alinéa 5 aux associations cultuelles. Il s'agit pour nous d'une grave entorse à la loi de 1905 qui nuit à l'ensemble d'un chapitre dont nous pensons qu'il va plutôt dans le bon sens.
Monsieur Bruneel, nous souhaitons précisément que les associations cultuelles puissent se financer par elles-mêmes autant que faire se peut, sans avoir à rechercher des subventions publiques, sachant que des dérogations au principe de non-subventionnement existent déjà.
La disposition que vous contestez va donc exactement dans le sens de l'autonomisation des cultes que vous appelez de vos voeux.
Avant de rappeler le droit existant et d'expliquer l'évolution proposée, je voudrais souligner quelques contradictions. Ainsi, madame Genevard, vous souhaitez supprimer cette disposition, tandis que plusieurs députés du groupe Les Républicains souhaitent au contraire l'étendre aux cessions à titre onéreux. Certes, il ne m'a pas échappé que François Cormier-Bouligeon, qui est aussi membre du groupe La République en marche, ne partage manifestement pas le point de vue du rapporteur général que je suis.
Quoi qu'il en soit, si la proposition de nos collègues Le Fur, Hetzel et Breton était adoptée, un pas considérable serait franchi, et nous serions me semble-t-il en contradiction avec la loi de 1905.
Monsieur Bruneel, vous proposerez dans quelques instants un amendement permettant la cession des biens des collectivités territoriales affectés à l'usage du culte lorsqu'ils ont fait l'objet d'un bail emphytéotique arrivé à échéance, sans déclassement du domaine communal et sans autre formalité. Mais cela constituerait une entorse sérieuse au principe de non-subventionnement des cultes.
Quel est le dispositif existant ? Que se passe-t-il aujourd'hui si une association cultuelle reçoit une donation à titre gratuit, par exemple d'un bien situé dans la très belle ville de Libourne, dans ma circonscription, et estimé à 150 000 euros ?
Dans les trois années qui suivent, elle aura l'obligation de vendre le bien en question pour récupérer ces 150 000 euros. Ayons bien conscience que cette somme existe, que l'association cultuelle en dispose et qu'elle ne provient pas d'une ressource nouvellement créée.
Une fois le bien vendu, comment l'association utilisera-t-elle les fonds récupérés ? Elle fera un placement, probablement très commun et qu'un particulier aurait pu faire, afin de les faire prospérer. Quelle sera ensuite son obligation ? Utiliser les 150 000 euros pour répondre aux seuls besoins du culte, comme l'impose l'article 19 de la loi de 1905.
Nous proposons donc une modification de ce fonctionnement. En effet, plutôt que d'être contraintes de céder les ressources dont elles disposent déjà, les associations cultuelles doivent pouvoir continuer de les posséder et les administrer dans la durée.
Cette proposition est assortie de garde-fous. Comme qu'aujourd'hui, les ressources locatives issues de l'administration des biens ne pourront être fléchées que vers les besoins du culte, sans exception. De plus, ces ressources seront assujetties à l'impôt sur les sociétés, au taux de 24 %.
Je vous présenterai aussi un amendement visant à mieux encadrer l'autorisation d'administrer des ressources dans la durée. Je vous le confirme, madame Genevard, nous ne souhaitons pas que les associations cultuelles deviennent des associations à but lucratif. Nous souhaitons simplement qu'elles puissent disposer de moyens supplémentaires et puissent faire fructifier d'une manière différente et dans la durée des ressources qu'elles détiennent déjà. Ainsi voulons-nous que leur financement reste majoritairement issu des dispositifs déjà existants. Je vous proposerai donc de limiter à 33 % la part des revenus locatifs qu'elles pourront dorénavant générer dans le total de leurs ressources. Il s'agit d'une disposition un peu différente et plus précise que celle que je vous avais soumise en commission spéciale.
Vous constaterez donc que ce que nous vous proposons est très loin de constituer le travestissement de la loi de 1905 que certains d'entre vous ont évoqué. La ressource dont nous parlons, les associations la possèdent déjà. La seule différence, c'est qu'au lieu de placer ces fonds sur un compte, elles pourront tout simplement l'administrer dans la durée par la location.
Je donne donc un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale.
J'irai dans le même sens que M. le rapporteur général, en apportant certaines précisions. À celles et ceux qui nous regardent, il est possible que ce débat paraisse étrange. En effet, beaucoup de Français doivent penser que les associations cultuelles qui possèdent un patrimoine immobilier sont autorisées à mettre leurs biens en location.
Certaines associations cultuelles disposent d'ailleurs d'un patrimoine immobilier et foncier important. Madame Genevard, vous n'ignorez probablement pas que c'est le cas de l'Église catholique.
Le culte protestant également nous a dit disposer, sur tout le territoire, de bâtiments, dont l'utilisation n'est d'ailleurs souvent plus liée au culte. De nombreux presbytères, par exemples, qui logeaient des prêtres catholiques ou des pasteurs protestants, ne sont plus entièrement occupés. Des ventes ont régulièrement lieu. Les associations diocésaines, par exemple, vendent une partie de leur patrimoine immobilier pour financer l'entretien, la rénovation, voire la construction d'autres édifices cultuels.
Cela étant, je le répète : à mon sens, si l'on interrogeait les Français, la majeure partie d'entre eux affirmerait que la location de biens immobiliers par les associations cultuelles est possible. Or ce n'est pas le cas et je trouve cela un peu étrange.
Lors des auditions que nous avons conduites en commission spéciale, le culte protestant n'a d'ailleurs pas manqué de nous dire que, par le passé, certaines parties de bâtiments, comme des appartements inoccupés dans des presbytères, ont été loués.
Il a fallu un contrôle pour que l'on fasse observer que ce n'était pas légal. Il y a bien eu, en 2014 et 2015, des tentatives pour régler cette question par la loi, mais elles n'ont pas abouti.
Par ailleurs, je pense que mes collègues le savent – même si certains d'entre eux ont pu semer le doute chez celles et ceux qui nous regardent ou qui liront le compte rendu – mais j'insiste sur le fait que nous ne parlons pas ici d'argent public. Les ressources dont il est question, ce n'est l'argent ni de l'État ni des collectivités locales. C'est de l'argent privé qui appartient aux cultes.
C'est un autre débat, mais peut-être certains collègues ne souhaitent-ils pas que les cultes disposent de nouveaux moyens ? On peut vouloir limiter à toute force les ressources des cultes, mais ce n'est pas ce que prévoit la loi de 1905. Celle-ci dispose simplement qu'ils ne peuvent faire l'objet de financements publics.
Enfin, l'évolution des pratiques religieuses des Français n'est tout de même pas une découverte. Espérer que les seuls dons annuels ou récurrents – le denier du culte chez les catholiques par exemple – suffisent à financer les cultes, y compris la construction de bâtiments et d'édifices religieux, ce n'est pas regarder la réalité en face ! C'est pourquoi permettre qu'on tire profit de la possibilité de financement privé me paraît de bon sens.
Cette mesure de portée générale permettra à certains cultes comme l'islam ou le protestantisme de financer des édifices qui leur font actuellement défaut. S'agissant de l'Église catholique, ses représentants nous ont dit en audition qu'elle n'était pas demandeuse de ce dispositif, mais qu'elle s'en saisira s'il est adopté. La mesure est donc, je le répète, de portée générale, mais elle permettra de résoudre des problèmes spécifiques d'un culte ou d'une région, étant donné que la situation n'est pas la même d'un territoire français à l'autre.
Je vous invite donc évidemment à ne pas voter ces amendements visant à supprimer la possibilité pour les cultes d'administrer des biens immobilier.
Il s'agit d'un débat important. D'abord parce qu'il a fait couler beaucoup d'encre et ensuite parce qu'il nous a occupés longtemps en commission spéciale. Je souhaite qu'il n'y ait pas de méprise et je commencerai par formuler quatre remarques sur ce qu'ont dit les orateurs précédents.
Premièrement, vous avez opposé, monsieur Corbière, que les dispositions inscrite à l'article 28 ne figurent pas dans la loi de 1905. Pardonnez-moi, mais c'est un peu court comme argument. La loi de 1905 ne prévoyait pas non plus l'opposabilité aux financements étrangers que nous instaurons. En effet, à l'époque, le législateur n'avait pas imaginé que le Qatar ou l'Arabie saoudite allaient financer un certain nombre de lieux de culte en France. De la même manière, la loi de 1905 ne prévoyait pas le dispositif figurant à l'article 44 du présent projet de loi, que nous adopterons, je l'espère, ce soir ou demain, et qui nous permettra de fermer des lieux de culte radicalisés.
La loi de 1905 est une grande loi, mais il n'empêche qu'elle a été modifiée à dix-sept reprises depuis sa promulgation. Certaines dispositions de ce texte ont d'ailleurs été encore modifiées tout à l'heure. Ce n'est pas parce que des mesures ne figurent pas dans cette loi que nous ne devons pas les prendre pour la mettre au goût du jour.
Deuxièmement, j'entends vos arguments, monsieur Cormier-Bouligeon. Je salue votre cohérence et n'ai aucun doute sur votre foi républicaine.
Permettez-moi de penser que la mienne est équivalente. Je ne puis toutefois vous laisser dire des inexactitudes. Non, il n'y aura pas de régime fiscal différent pour les cultes. Le seul régime fiscal spécifique dont ils bénéficient, déjà prévu en 1905, est l'exonération de la taxe foncière pour les édifices affectés à l'exercice du culte. Les revenus locatifs des associations cultuelles seront évidemment assujetties à l'impôt, comme pour toute organisation qui possède des immeubles. Où avez-vous vu qu'il y aura un régime fiscal différent ? Il n'y en aura pas. Je vous avais répondu sur ce point en commission spéciale et je le fais à nouveau ce soir.
Ma troisième remarque porte sur les empires. M. le rapporteur général l'a dit, son amendement vient supprimer le risque qu'il s'en constitue. Des empires immobiliers ne pourront pas émerger car, par nature, nous les capons. À cet égard, M. le président de la commission spéciale a raison de dire que le risque de constituer des empires est plus important aujourd'hui qu'il ne le sera demain. Avec la disposition que nous soumettra M. le rapporteur général, nous limiterons leur ampleur, y compris celle des empires qui existent déjà.
Quatrième remarque, que j'adresse à M. Corbière, à M. Cormier-Bouligeon, ainsi qu'aux représentants de tous les groupes, à commencer par le groupe communiste, qui affirme être favorable à la constitution d'associations relevant de la loi de 1905 plutôt que de la loi de 1901 : seule cette dernière permet d'être propriétaire d'immeubles de rapport.
Si vous souhaitez des associations loi de 1905, dans la mesure où elles en auront les contraintes, il faut qu'elles puissent avoir au moins cet avantage dont bénéficient les associations loi de 1901. Monsieur Bruneel, on ne peut être à la fois favorable aux associations loi de 1905 et n'autoriser de posséder des immeubles de rapport qu'aux associations loi de 1901.
Si l'on souhaite que les associations cultuelles acceptent de relever de la loi de 1905 – ce qui serait logique – plutôt que de la loi de 1901, il faut les autoriser à posséder des immeubles de rapport. Ou bien il conviendrait, par souci de cohérence, de supprimer ce droit aux associations loi de 1901. Je le répète, une association cultuelle et culturelle loi de 1901 a droit aux revenus locatifs, alors qu'une association cultuelle qui joue le jeu de la République en relevant de la loi de 1905 n'y a pas droit. C'est parfaitement absurde !
Par ailleurs, monsieur Cormier-Bouligeon, cela fait trois fois que je vous entends utiliser les mêmes arguments, d'abord en commission spéciale, puis lors de la discussion générale et maintenant ce soir, laissant accroire que nous aurions passé un deal avec les cultes. Nous vous avons déjà dit que ce n'était pas vrai. Il n'y a pas de deal. Je n'ai passé d'accord avec personne, pas plus que le Président de la République, le Premier ministre, le rapporteur spécial, avec qui je m'entretiens souvent, ou encore le président de la commission spéciale. Nous n'avons dealé avec personne ! Il n'y avait pas d'accord à passer.
La vérité, c'est que nous faisons simplement preuve de cohérence. Oui, il existe une liberté de culte en France ; la Constitution la garantit et personne ici ne la remet en question. Non, nous ne touchons pas aux équilibres de la loi de 1905 et nous ne proposons pas, alors qu'il ne s'agit pas d'un principe constitutionnel, un subventionnement public du culte. Oui, nous prenons des dispositions dans ce texte pour éviter que le financement du culte ne provienne de l'étranger. Mais si le culte ne reçoit ni fonds publics ni fonds étrangers, comment se finance-t-il ? Pensez-vous qu'à l'instar des juifs d'Israël, qui, en se levant le matin, voyaient la manne, pensez-vous que l'argent tombe du ciel et que les cultes ont le privilège de voir apparaître spontanément de l'argent sur leur compte en banque ?
Parlons-en des fidèles, monsieur le député Cormier-Bouligeon ! C'est exactement ce qu'ils font : ils aident leur culte, et ce de deux façons.
La première est le denier du culte et, grâce aux dispositions du projet de loi, les musulmans y auront enfin accès intégralement, à l'instar des catholiques, des protestants, ou des juifs. Ils pourront bénéficier de reçus fiscaux. Notez, monsieur Cormier-Bouligeon, qu'il s'agit d'une forme de subventionnement. Nous n'allons pas prétendre découvrir l'eau chaude devant vous : en vérité, le reçu fiscal constitue une aide publique. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Conseil constitutionnel n'a jamais considéré que le principe de non-subventionnement était contraire à la Constitution. Le bail emphytéotique – premier scoop – et le reçu fiscal – second scoop – constituent, en quelque sorte, des aides publiques.
Si nous suivons votre raisonnement, monsieur le député, il convient d'être cohérents et de supprimer le reçu fiscal et le bail emphytéotique ! Mais, nous le voyons bien, c'est excessif.
Oui, nous avons vu votre amendement. Je ne cherche pas à vous convaincre, monsieur Corbière ; je reste à ma condition de mortel !
Il nous restera toujours assez de discussions républicaines, monsieur le député.
Un subventionnement existe donc déjà. Il n'est pas direct, mais chacun aura compris que le denier du culte, c'est une subvention équivalant à 66 % de chaque don fait aux cultes. Je précise que je ne le remets pas en cause. Personnellement, je trouve que c'est une très bonne chose. Quant aux baux emphytéotiques, imaginons un instant que les communes n'en accordent plus !
Le ministère de l'intérieur, lui aussi, finance les cultes. À l'instar de tous mes prédécesseurs – et certainement comme mes successeurs – , je subventionne ce qui relève de l'accessibilité et de la sécurité des lieux de culte.
Quand on installe des caméras de vidéoprotection, les associations cultuelles sont en droit de me demander de l'argent. Une enveloppe est d'ailleurs prévue, que vous votez chaque année, mesdames et messieurs les députés. Monsieur Cormier-Bouligeon, vous faites du subventionnement de culte sans le savoir !
Je ne cherchais qu'à démontrer l'absurdité de la démonstration.
Mesdames et messieurs les parlementaires, parce que nous sommes conformes à la loi de 1905, nous n'accorderons pas de subventions publiques. Et nous ne sommes pas favorables au financement étranger. Mais, pour que les cultes soient autonomes et ne dépendant ni de l'État, ni des collectivités locales, ni de l'étranger, il faut accepter que les fidèles les financent.
Nous fixons néanmoins des limites, comme l'impossibilité de posséder et d'administrer des immeubles acquis à titre onéreux – malgré les amendements que présenteront certains membres de votre groupe, madame Genevard – ,…
De votre majorité aussi, monsieur le ministre ! Ne jouez pas à ce petit jeu !
… ou comme la limitation de la part des revenus locatifs entrant dans le total des ressources des associations cultuelles.
Nous ne sommes pas non plus favorables à l'idée que les cultes se financent en constituant des empires immobiliers, mais, demain, les fidèles pourront financer leur culte ; et c'est très sain. Cet article est tout à fait conforme à l'esprit de la loi de 1905, et à l'esprit d'indépendance de la République, d'une part, et des cultes, de l'autre. Ceux-ci ne doivent pas être dépendants de l'étranger, mais des fidèles qui sont sur le sol national.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne reviendrai évidemment pas sur les propos de M. le ministre. Il aurait pu aller plus loin : dans la réalité, le financement public des religions n'est pas égalitaire. C'est le résultat de l'Histoire : beaucoup de biens cultuels sont la propriété des communes de ce pays, qui doivent les entretenir et les réparer, et, de fait, nous participons bien plus à la vie des religions plus anciennes et qui disposent de ce patrimoine. Il n'y a pas d'égalité en la matière !
Je ne pense pas qu'il y ait eu un deal, mais on peut chercher à rétablir une forme d'équilibre.
En tout cas, on peut y réfléchir !
Il y a à mon sens une sorte de triangle : autonomie des cultes ; transparence et traçabilité de leurs ressources ; conscience des fidèles. Ce que nous faisons, c'est alimenter ce cercle vertueux en actualisant les règles. Moi aussi, j'ai été biberonné, petit, à ces traditions : pas d'immeuble de rapport ! Mais c'est extrêmement daté. En 1905, il s'agissait de s'assurer qu'une religion dominante ne puisse pas profiter de sa position pour acquérir des empires immobiliers. Mais aujourd'hui, quand on reçoit des dons immobiliers, il faut vendre, alors que si l'on reçoit un don que l'on peut placer, on peut en percevoir le revenu. Or, là aussi, il y a une forme d'inégalité : certaines religions n'aiment pas l'usure. Si jamais nous n'offrons pas simplement la possibilité de valoriser les dons reçus, de diverses façons, nous créons une inégalité. Il faut aussi de la transparence, de la traçabilité, et il faut éviter que d'autres que les fidèles qui sont en France ne financent ces religions – la question du financement par l'étranger est évidemment majeure.
Cette évolution, qui n'est pas gigantesque, mais qui actualise les modalités de financement des cultes, permet de rétablir une forme d'égalité, mais aussi une forme de transparence. L'encadrement demandé par le rapporteur général nous garantit que cette évolution sera mesurée.
Le groupe La République en marche votera donc contre les amendements de suppression de l'article 28.
On peut tous se faire plaisir en prétendant que, depuis 1905, la République ne salarie aucun culte.
Oui, c'est écrit comme ça. Mais dans les faits, on ne salarie aucun culte, sauf les églises et les synagogues qui existaient déjà en 1905 ! J'ai été maire, et quand il a fallu rénover l'église du XIIe siècle, cela a coûté plusieurs millions d'euros, dans une commune pauvre. Après cela, que dire à mes concitoyens de confession musulmane ? « Eux, ils ont le droit, mais vous non » ? « C'est comme ça, c'est l'Histoire » ? Eh oui, ils sont arrivés après, pas de chance.
Les grandes synagogues de Paris appartiennent à la Ville de Paris, puisqu'elles existaient avec 1905…
Comme le temple bouddhiste. Ce sont bien les contribuables parisiens qui les entretiennent. Mais les mosquées, non – à part peut-être la grande mosquée ? Ah, on me dit que non.
Elle a été construite avec de l'argent public.
Donc les églises, oui ; les synagogues, oui ; les mosquées, non. Croit-on que l'on peut continuer comme cela longtemps ? On ne peut pas se contenter de refuser le financement des mosquées depuis l'étranger pour le confier aux fidèles. Dans certains territoires, les fidèles ne peuvent pas financer le culte. Vous dites aux fidèles de la communauté musulmane qu'ils ont le droit de financer une mosquée – mais tant pis pour eux s'ils n'ont pas les moyens. Je ne suis pas sûr que ce raisonnement tienne très longtemps. Les islamistes que nous voulons tous combattre vont aller dire aux autres musulmans : « Voyez ce pays, voyez comment il vous considère : pas de financement étranger, et pas de financement public, sauf pour les autres ! Ce pays ne vous aime pas. » Attention au discours qui pourra être tenu par certains.
Il faut donc, à un moment, ouvrir une parenthèse et aider cette religion arrivée plus tard dans notre pays à se mettre en quelque sorte au niveau. La commission Stasi avait ouvert le sujet.
M. Philippe Vigier applaudit.
On ne pourra pas éternellement refuser ces financements aux Français de confession musulmane.
Je suis donc favorable à cet article. C'est un premier pas, mais bientôt, j'en suis convaincu, nous serons obligés d'en faire un deuxième. Cela peut choquer, mais ce sera peut-être une manière de tendre la main aux Français musulmans, de les assurer que la France n'a pas de problème avec l'islam, mais avec ceux qui, au nom de l'islamisme, attaquent la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM, et LT.
Il y a un paradoxe : on peut donner des millions d'euros en numéraire, mais pour un immeuble, ça bloque ! J'avoue avoir du mal à comprendre. Pourquoi établir cette différence entre recevoir un immeuble – que, par conséquent, je suis obligé de vendre, ne pouvant le conserver – et recevoir beaucoup d'argent, ce qui ne pose pas de difficulté ?
J'approuve donc cet article ; mon amendement no 1273 proposera d'apporter des précisions sur la notion d'administration de biens, en parlant de mise à disposition et de location. Monsieur le rapporteur général, vous l'avez évoqué : des revenus fonciers seront créés, donc soumis à une fiscalité, comme c'est le cas pour n'importe quelle association. Il faut une traçabilité. L'utilisation du bien doit être transparente pour éviter toute discussion.
Je redis que je ne comprends pas ce blocage sur la possession d'immeuble, surtout si l'on destine celui-ci à la location. Mieux vaudrait éviter des ventes précipitées, dans de mauvaises conditions – ce qui ne correspond certainement pas à la volonté du donateur ou du testateur. L'article va donc dans le bon sens, mais, franchement, entre un contrat d'assurance-vie et un immeuble, je ne vois pas de différence dans la mesure où on leur donne une destination précise.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement no 1273 .
Le terme « administrer », employé à l'alinéa 5, est beaucoup trop vague : je propose de le remplacer par les mots « mettre à disposition ou louer ».
Sourires.
L'amendement no 1273 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 346 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 923 de M. Marc Le Fur, 2541 de M. Xavier Breton, 2563 de M. Patrick Hetzel et 2573 de M. Rémy Rebeyrotte sont défendus.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1784 .
Cet amendement est d'une simplicité biblique : il tend à préciser que les immeubles de rapport mentionnée à l'alinéa 5 ne peuvent pas bénéficier d'exonérations fiscales. J'aimerais vous l'entendre dire, monsieur le ministre, avant de retirer mon amendement le cas échéant.
Cet amendement est satisfait : les immeubles générant des ressources locatives ne seront exonérés ni de taxe foncière ni de taxe d'habitation.
Je voulais que ce soit clair pour une éventuelle jurisprudence. Je retire l'amendement.
L'amendement no 1784 est retiré.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1820 .
Si nous estimons parfaitement acceptable que des cultes gèrent des immeubles de rapport, deux conditions nous paraissent nécessaires : l'absence d'avantage fiscal d'une part, et d'autre part l'affectation exclusive au culte des revenus concernés. Leur utilisation pour des actions de charité ou des actions culturelles constituerait un dévoiement de la volonté du législateur.
Vous voyez bien où je veux en venir, monsieur le ministre : plus tard, nous proposerons que les associations assurant l'exercice public d'un culte au sens de la loi de 1907 aient une comptabilité et des comptes bancaires séparés en fonction de leurs activités.
Vous avez parfaitement raison, et c'est l'une des garanties que nous apportons, je le dis à l'adresse de ceux qui nous accusent de contrevenir à la loi de 1905. Les ressources locatives ne pourront être affectées qu'à l'exercice au culte, pour respecter l'article 19 de la loi de 1905, que nous ne réécrivons évidemment pas sur cet aspect fondamental.
Avis défavorable, parce que l'amendement est satisfait.
Une petite question. Vous dites que ces biens ne seront pas exonérés de taxe foncière. Mais qu'en sera-t-il s'ils sont loués pour l'exercice d'un culte ? Ils bénéficieront alors de l'exonération correspondante !
Il ne s'agirait plus d'immeubles de rapport !
Beaucoup d'associations louent des salles pour exercer le culte ! Je ne comprends pas.
Dès lors que l'immeuble est affecté au culte, il y aurait évidemment une exonération correspondant à cette destination.
Je veux rappeler la cohérence de nos amendements. Notre amendement no 1823 visait à éclaircir ce qu'est une association cultuelle – vous nous renvoyez à la jurisprudence quand nous aurions préféré la loi. L'amendement no 1784 tend à supprimer les exonérations fiscales ; dans le débat budgétaire, nous pourrions d'ailleurs débattre du cas soulevé par François Pupponi d'une association cultuelle qui sous-loue volontairement à une autre association cultuelle, une filiale en quelque sorte, pour bénéficier d'une exonération fiscale… Un tel mécanisme serait à mon sens entaché d'abus de droit. Enfin, l'amendement no 1820 vise à garantir que les revenus des immeubles sont exclusivement affectés à l'exercice du culte. Si toutes ces conditions sont remplies, le système nous paraît légitime et sécurisé.
L'amendement no 1820 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 976 de M. Marc Le Fur, 1636 de M. Alexis Corbière, 2326 de M. Mustapha Laabid, 2474 de M. Patrick Hetzel, 2519 de M. Thierry Breton et 2553 de M. Rémy Rebeyrotte sont défendus.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2303 .
Il concerne le dispositif de plafonnement que nous avons évoqué il y a quelques instants : non seulement les ressources des immeubles de rapport reçus par les associations cultuelles à titre gratuit seront affectées au but exclusif du culte, mais nous souhaitons qu'elles le soient dans la proportion de 33 % des ressources annuelles des ces associations. C'est une précaution, car nous considérons que les associations à but cultuel n'ont pas vocation, dans la durée, à poursuivre un objectif lucratif.
L'amendement no 2303 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 2221 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 968 .
Il vise à préciser que les associations mixtes ayant une activité cultuelle ne peuvent, bien entendu, pas être financées pour la partie cultuelle de leur activité. Cela va de soi, mais je préfère ajouter cette précision.
L'amendement no 968 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1526 .
La loi de 1905 a été modifiée plusieurs fois, notamment le 25 décembre 1942 – chacun aura compris que c'était sous le régime de Vichy. La loi avait initialement établi un compromis en classant au titre des monuments historiques tous les bâtiments cultuels datant d'avant 1905, mais le régime de Vichy l'a modifiée pour permettre aux communes et collectivités territoriales de financer les réparations de bâtiments cultuels, qu'ils soient ou non classés. C'est un contournement de la loi de 1905 qui, selon moi, mène de nombreuses communes à ne pas respecter l'esprit de cette grande loi. Nous voulons toiletter la loi pour retrouver sa formule originelle en supprimant une mesure prise par le maréchal Pétain – puisque, bien entendu, aucun d'entre nous ici n'a la volonté de se placer dans la filiation de ce régime honni et fossoyeur de la République.
Le Conseil d'État a interprété la règle de non-subventionnement comme autorisant les collectivités publiques à financer, d'une part, les dépenses d'entretien et de conservation des édifices, et, d'autre part, à allouer des sommes qui permettent la réparation des édifices cultuels. C'est un débat que nous avons eu à plusieurs reprises : vous le contestez, et l'on peut le comprendre, mais c'est une disposition ancienne.
Vous souhaitez restreindre cette possibilité aux seuls monuments historiques. Nous pensons qu'il faut rester dans le cadre de ce que la loi de 1905 est devenue – vous avez rappelé à quelle époque, mais ce régime s'est appliqué de façon indistincte depuis. Il apporte satisfaction car ces édifices appartiennent au patrimoine, quel que soit le culte concerné. Avis défavorable.
L'amendement no 1526 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 88
Contre 9
L'article 28, amendé, est adopté.
L'amendement no 1289 de M. Philippe Benassaya portant article additionnel après l'article 28 est défendu.
L'amendement no 1289 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ces deux amendements, ainsi que les amendements nos 975 et 974 qui seront appelés dans un instant, visent à accorder des avantages fiscaux au financement de la construction de lieux de culte. La communauté musulmane est la principale concernée. Le sujet relève de la loi de finances, mais j'ai déposé ces amendements d'appel pour ouvrir le débat.
Le bail emphytéotique administratif cultuel dont je parlais tout à l'heure, le BEA, est un contrat administratif portant sur le domaine public conclu entre une association cultuelle et une collectivité territoriale pour une durée de dix-huit à quatre-vingt-dix-neuf ans en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice de culte ouvert au public.
Cet outil est efficace, et il a permis la construction de nombreux lieux de culte de toutes confessions. Ainsi en est-il des mosquées de Montreuil et Marseille ou encore de la pagode de Strasbourg, dont l'édification a fait l'objet d'un bail avec la commune pour une durée de cinquante ans. Nous ne sommes pas les seuls à penser que ce dispositif est utile : à plusieurs reprises, le Conseil d'État a indiqué que le BEA était l'outil le plus intelligent pour le financement des lieux de culte ; l'Observatoire de la laïcité, quant à lui, souligne que la mise à disposition d'un terrain par la collectivité territoriale représente un avantage lorsque le coût du foncier est élevé, comme c'est le cas en région parisienne.
Malheureusement, le cadre légal actuel n'est pas complètement satisfaisant, car il prévoit que les collectivités ayant eu recours à ce type de contrat deviennent automatiquement propriétaires du bâtiment à l'échéance du bail, alors même qu'elles ne sont pas toujours en mesure de supporter la charge induite par son intégration dans leur patrimoine. Pour l'association cultuelle, l'inconvénient est pour ainsi dire inversé, car elle voit l'édifice réalisé finir entre les mains de la collectivité.
Pour remédier à ces contraintes et donner au BEA encore plus de pertinence, nous proposons qu'une option d'achat soit prévue pour l'association cultuelle à l'échéance du bail emphytéotique. Les collectivités territoriales y trouveraient leur compte en matière de financements publics ; les associations cultuelles concernées seraient elles aussi gagnantes, puisqu'elles accroîtraient leur possibilité de construire et de posséder des édifices cultuels. Je pense en particulier au culte musulman, qui peine encore aujourd'hui à disposer de lieux de culte, ce qui nuit profondément au développement d'un islam de France.
Cette solution nous paraît bien plus favorable que la nouvelle possibilité octroyée aux associations cultuelles de bénéficier d'immeubles de rapport et qui, nous n'en démordons pas, constitue un dévoiement de l'esprit de la loi de 1905.
Je vois un paradoxe entre les craintes que vous exprimiez il y a quelques instants sur la création d'un dispositif pour les immeubles de rapport, que vous estimiez contraire à la loi de 1905 – sur ce point, je crois avoir donné des éléments qui montrent que nous sommes cohérents avec la loi de 1905, puisque les ressources dégagées seront exclusivement affectées au culte – , et ce que vous proposez maintenant, qui va encore plus loin.
Au fond, vous iriez à rebours de l'esprit de 1905 : d'une part, nous renoncerions à un principe extrêmement important en droit public, celui de l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité du domaine public, et ce sans même que la commune ait à déclasser le bâtiment, condition pourtant essentielle ; d'autre part, nous accorderions une subvention publique très directe, là où le Conseil d'État admet les baux emphytéotiques à la condition du retour à la collectivité publique de l'investissement indirect qu'elle a accordé. Avis défavorable.
L'amendement no 2017 , dont M. Peu est le premier signataire, est intéressant. L'inversion du bail emphytéotique administratif nécessiterait une grande réforme, notamment, comme l'a dit M. le rapporteur général, en raison du problème posé par le principe d'inaliénabilité du domaine public, mais je trouve dommage de balayer aussi rapidement un vecteur juridique astucieux. La proposition mériterait d'être retravaillée en vue d'une discussion ultérieure.
L'amendement no 2017 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 975 .
L'amendement no 975 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 974 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 29, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 2650 de M. Dominique Potier est défendu.
L'amendement no 2650 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 82
Contre 5
L'article 29 est adopté.
Sur l'article 30, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l'amendement no 1461 rectifié .
Comme l'amendement no 1463 , qui sera appelé dans un instant, il vise à imposer que l'activité associative cultuelle s'organise uniquement dans le cadre de la loi de 1905. Je qualifierais ces amendements de « discours de la méthode », car c'est cela que vous auriez dû faire : modifier la Constitution pour que le culte ne se soit plus régi que selon les dispositions de la loi de 1905.
Au lieu de cela, vous avez décidé de rendre celle-ci à la fois plus attractive et plus contraignante, en tout cas de la modifier – alors que c'est une loi séculaire, qui a fondé la séparation de l'Église et de l'État, ainsi que la laïcité – , et cela uniquement pour y soumettre le culte musulman. C'est tout de même paradoxal ! C'est l'une des raisons de mon opposition aux articles du texte réformant les conditions d'exercice du culte. Et malgré cela, monsieur le ministre, vous prétendez ne reconnaître aucune religion !
J'ajoute que vous n'avez aucune certitude quant au résultat. Vous ne pouvez garantir que ces mesures, prises pour attirer les musulmans, pour les faire entrer dans le cadre de la loi de 1905, mieux les structurer et mieux les contrôler, atteindront leur but. C'est très regrettable ; vous faites de la législation prédictive, version Mme Irma.
M. Alain Ramadier applaudit.
Monsieur Ravier, je note que vous voulez faire disparaître de notre système normatif la loi de 1907 concernant l'exercice public des cultes, ce grand compromis passé notamment avec le culte catholique – ce sera inscrit au compte rendu.
Il y a quelques heures, M. Hetzel nous accusait de stigmatiser les religions. Or si nous adoptions cet amendement, non seulement nous porterions gravement atteinte à la liberté d'association – en particulier, à la liberté de choisir entre les statuts associatifs régis par loi de 1905, et ceux régis par la loi de 1901 – , mais en plus nous viserions un culte en particulier, puisque le culte musulman est celui qui recourt le plus fréquemment au dispositif des associations dites mixtes.
Pour préserver la liberté d'association et pour consolider le dispositif de 1905, en attirant vers lui les associations dites mixtes, j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 1461 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je persiste. Vous me reprochez de vouloir gommer la loi de 1907, mais ce n'est qu'un effet de manche ! Vous avez bien compris que ce n'était pas mon projet.
… lorsqu'il est dévoyé et conduit au séparatisme. Puisque ce culte n'est pas suffisamment structuré, il faut l'accompagner.
Parce que, dans ce projet de loi, vous n'avez pas voulu nommer le problème et vous en occuper précisément, parce qu'il aurait fallu – nous le savons tous et nous l'avons bien vu en commission spéciale – réformer la Constitution, vous ratez votre cible. Je ne suis pas sûr que cette législation prédictive conduise réellement à la bonne structuration du culte musulman dans le cadre de la loi de 1905, que nous le voulons tous.
L'amendement no 1463 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 26 du présent projet de loi crée une disposition « anti-putsch » pour les associations cultuelles. Par parallélisme, il serait logique d'étendre cette mesure de bon sens aux associations mixtes ; c'est l'objet de cet amendement.
Monsieur Diard, si j'apprécie beaucoup votre travail, il y a là une contradiction. Plusieurs de vos collègues du groupe Les Républicains viennent de nous accuser d'ingérence dans les associations dites cultuelles, parce que nous imposons des dispositions dites anti-putsch, concernant les organes délibérants. Or vous souhaitez étendre celles-ci aux associations régies par la loi de 1901 ! Même si je comprends votre intention, ce serait une atteinte à la liberté d'association : pour la première fois, la loi déciderait du mode de fonctionnement de toutes les associations.
En réservant ces dispositions dites anti-putsch aux associations régies par la loi de 1905, nous respectons le principe de spécialité, caractéristique du droit des associations cultuelles. Avis défavorable.
Je retire l'amendement. Toutefois, il ne concernait pas toutes les associations, uniquement les associations mixtes.
L'amendement no 1187 est retiré.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1785 .
Les associations cultuelles sont de toute taille, d'importance diverse. Nous souhaitons réserver la certification des comptes prévue à cet article aux seules associations dont le revenu annuel est supérieur à 100 000 euros – c'est la même logique que celle qui prévaut pour les entreprises. Sans cela, nous obligerions les plus petites à supporter une charge inutile, pour des sommes finalement modiques. En somme, il s'agit de s'aligner en la matière sur le monde économique.
L'amendement no 1785 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à limiter les influences étrangères sur les associations mixtes en empêchant ces dernières d'aliéner leurs biens immobiliers, à des États, à des personnes morales étrangères, ainsi qu'à des personnes physiques non-résidentes.
L'amendement no 1186 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 443 de M. Xavier Breton, 561 de M. Patrick Hetzel et 882 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 72
Contre 6
L'article 30 est adopté.
Je rappelle aux groupes qu'ils ne sont pas obligés de déposer des demandes de vote électronique.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 30.
L'amendement no 1285 de M. Philippe Benassaya est défendu.
L'amendement no 1285 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements nos 1837 de M. Julien Aubert et 1284 de M. Philippe Benassaya, pouvant faire l'objet d'une discussion commune, sont défendus.
L'amendement no 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je n'irai sans doute pas aussi vite que vous, monsieur le président.
L'article 31 vise à inclure dans la loi des dispositions fortes en matière de police de culte et d'obligations applicables aux associations inscrites de droit local à objet cultuel d'Alsace et de Moselle.
Il aurait en effet été inconséquent d'adopter des mesures pour tout le territoire, et de laisser s'installer un nomadisme du séparatisme, qui aurait trouvé plus facilement à s'établir à Metz ou à Strasbourg, en raison d'un droit spécifique.
Je salue, monsieur le ministre, la méthode adoptée. Nous avons tellement l'habitude, dans les trois départements concernés, que le droit national s'impose à nous, comme un rouleau compresseur, et détricote les subtils équilibres issus de l'Histoire ! Nous nous félicitons qu'en l'espèce, nos travaux complètent et enrichissent le droit local.
L'idée d'un droit différencié pour certains territoires heurte, sur certains bancs. Mais n'oublions jamais que c'est le fruit d'une histoire complexe, qui unit les hommes et les femmes dans un destin commun, et que nul ne songe à remettre en cause.
Dans les relations complexes entre la République et l'islam, ces spécificités ont pu constituer un terreau d'expérimentation et de dialogue. J'en veux notamment pour preuve les travaux menés par les départements de théologie des universités locales, qui se sont très vite ouverts à la formation des imams.
Ne faisons pas d'amalgames et de raccourcis, la Moselle et l'Alsace ne sont pas des terres hors de la République laïque, mais des terres de compromis et de respect pour toutes les croyances.
Je salue aussi le récent engagement du garde des sceaux, ainsi que le vôtre, monsieur le ministre de l'intérieur, de réinstaller un comité consultatif de droit local. L'annonce a été reçue avec satisfaction et soulagement en Moselle et en Alsace, où je recommande à certains de nos opposants de se rendre. En échangeant avec nos concitoyens qui y résident, ils se rendront facilement compte qu'ils prêchent dans le désert.
Je m'exprime ici au nom des députés d'Alsace et de Moselle du groupe Les Républicains, pour affirmer notre attachement à quatre points importants : la préservation et la sécurisation du droit local des cultes – nous refusons qu'on y introduise la loi de 1905 ; la définition précise des nouvelles associations cultuelles de droit local soumises à un contrôle renforcé ; l'extension aux établissements publics du culte des nouveaux droits ouverts aux associations cultuelles en matière de gestion patrimoniale ; la préservation d'un modèle social alsacien, construit plus qu'ailleurs autour de la vie associative dans les villages.
Nous avons déposé un certain nombre d'amendements en ce sens, que nous défendrons au fil de la discussion. Ils recueillent l'adhésion d'un grand nombre d'élus sur le terrain, et nous espérons qu'ils seront retenus par le ministre.
Nous comptons également sur le Gouvernement pour que la promesse du garde des sceaux et du ministre de l'intérieur de réinstaller la commission du droit local d'Alsace-Moselle soit tenue dans les semaines qui viennent ; sa disparition posait problème.
Si sa réinstallation peut passer dans un premier temps par un décret, nous souhaiterions, dans un second temps, que cette commission soit consolidée par une disposition législative. Ce soir, encore une fois, des débats qui n'ont pas lieu d'être sur la légitimité de ce droit local ont montré que c'était absolument nécessaire, même si sa reconnaissance par la Constitution, rappelée par plusieurs orateurs, n'a pas été remise en cause.
Le présent article prévoit de soumettre les associations inscrites à objet cultuel, situées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à un contrôle renforcé de leur gestion financière et de leurs ressources, notamment lorsque celles-ci proviennent de l'étranger. Il paraît toutefois utile de préciser que ces nouvelles dispositions du code civil ne concernent pas les établissements publics du culte, déjà soumis à de telles mesures de contrôle par le droit régissant leur fonctionnement dans ces départements. Tel est l'objet de cet amendement.
Dès lors que les dispositions concernées ne mentionnent pas les établissements publics cultuels, il n'y a pas lieu de préciser qu'ils ne sont pas concernés. Avis défavorable.
L'amendement no 128 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Yves Hemedinger, pour soutenir l'amendement no 135 .
Nous nous sommes répartis les rôles, en tant que députés français, dans cet hémicycle.
L'amendement vise à exclure les fondations du champ d'application de cet article.
L'amendement no 135 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à préciser la définition légale du culte et ainsi à clarifier le champ des associations concernées, c'est-à-dire les associations cultuelles de droit local. Nous proposons de retenir les actes suivants, en relation directe avec l'exercice public d'un culte : premièrement, la célébration de cérémonies en vue de l'accomplissement de rites ou pratiques par des personnes réunies par une même croyance religieuse ; deuxièmement, l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant à de tels rites ou pratiques ; troisièmement, l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice de ces rites et pratiques. Cela éviterait toute ambiguïté juridique, et donc contribuerait à une bonne sécurisation juridique du dispositif.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l'amendement no 2147 .
Dans un but de lisibilité en conformité avec l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, nous proposons de préciser ce que le législateur inclut dans les actes en relation avec l'exercice public d'un culte, et par voie de conséquence, de clarifier la définition des associations à objet cultuel de droit local. Comme cela a été rappelé, il s'agit de tout ce qui relève de l'acquisition, de la location, de la construction, de l'aménagement et de l'entretien des édifices servant au culte, ainsi que de l'entretien et de la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte.
Je ferai la même réponse que celle que j'ai faite à M. Lagarde il y a quelques instants sur le même dispositif. La jurisprudence étant précise, stable, ancienne et très concrète, je ne vois pas l'intérêt de l'intégrer dans la loi.
L'amendement no 132 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2147 est retiré.
Je veux défendre cet amendement qui a été rédigé par M. Raphaël Schellenberger et l'ensemble des députés d'Alsace du groupe Les Républicains et cosigné par de nombreux autres députés.
L'article 31 du projet de loi crée un nouvel article 167-2 au code pénal local d'Alsace-Moselle interdisant de tenir des réunions politiques dans un local servant habituellement à l'exercice du culte ou – c'est ce qui pose problème – dans les dépendances qui en constituent un accessoire indissociable. Dans de nombreux territoires, ces salles, qui ne sont pas forcément distinctes physiquement de ces lieux de culte, sont régulièrement louées à des organisations pour des réunions publiques, politiques, associatives, parfois familiales sans que cela donne lieu à des incidents menaçant le respect des principes de la République.
Nous avons été très heureux d'accueillir M. le ministre à Colmar où il nous a exposé sa vision sur ce texte de loi. Il est bon que l'esprit de ce texte soit transcrit dans le droit local, parce que les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle n'ont pas vocation à devenir des terres d'accueil pour des associations cultuelles financées par des pouvoirs étrangers qui auraient des visions séparatistes. Le droit doit s'appliquer également dans nos territoires.
Comme l'a souligné M. Reiss, l'amendement est pragmatique. Dans une commune que je connais bien, la mienne, il n'y a pas de salle des fêtes. De ce fait, quand, en raison de la crise du covid-19, nous avons eu besoin, pour tenir la réunion politique de la communauté de communes, d'une salle suffisamment grande pour respecter la distanciation sociale, c'est dans la salle paroissiale que nous nous sommes retrouvés. Il convient donc de corriger des dispositions malhabiles qui posent des problèmes dans les territoires.
Je le répète, je souscris pleinement à l'esprit de la loi et je vous encourage à la faire appliquer dès qu'elle sera votée.
L'article 31 a plutôt pour objectif de rapprocher les dispositions du droit commun et du droit local. Or vous souhaitez un dispositif dérogatoire. Pour cette raison, j'émets un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, nous avons une lecture très différente de la vôtre sur cette question. Vous considérez qu'il faut systématiquement rapprocher le droit local du droit général : nous ne partageons absolument pas cette vision et j'espère que la commission du droit local parviendra à la faire évoluer. Je vous rappelle que, lors de l'adoption du droit local par notre assemblée il y a près d'un siècle, le rapporteur qui n'était autre que Robert Schuman avait insisté sur le fait que la convergence progressive n'était pas nécessaire. Il faut prendre en compte un certain nombre de spécificités. Comme l'ont clairement indiqué les collègues qui se sont exprimés sur ce sujet, cela pose des problèmes opérationnels et concrets. Lorsqu'il n'y a pas d'alternative possible pour organiser une réunion dans un village, je ne vois pas pourquoi celle-ci ne pourrait pas se tenir dans des dépendances qui constituent un accessoire indissociable des lieux de culte. Refuser cela c'est méconnaître le terrain et c'est en total décalage avec ce que nous vivons au quotidien. J'insiste sur le fait qu'il s'agira pour nous d'une régression. Nous tenons à protester très vivement contre une telle approche.
Compte tenu de la vivacité des propos de notre collègue Hetzel, je vais essayer d'apporter un complément d'information. Je confirme que nous souhaitons que les réunions politiques soient interdites partout, sur l'ensemble du territoire national, dans des lieux qui dépendent de cultes, et ce pour tous les cultes. Ce n'est pas une question de droit local…
… de patrimoine juridique historique : c'est une question de principe. Cette mesure est essentielle dans la lutte qui est la nôtre contre les séparatismes.
L'amendement no 2361 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur le rapporteur, la réponse que vous nous avez faite constitue une vraie régression. Vous ne connaissez pas ce que nous vivons régulièrement sur le terrain.
L'amendement no 130 reprend la rédaction retenue par le Gouvernement à l'article 28 du projet de loi pour les associations cultuelles. Nous proposons d'étendre aux établissements publics du culte la faculté de posséder et d'administrer tous immeubles acquis à titre gratuit.
Sur article 31, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. J'ajoute un mot sur l'amendement no 130 – distinct de l'amendement no 38 , qui a été appelé – parce que je ne voudrais pas qu'on dise que le rapporteur général refuse par principe des éléments qui relèvent du droit local.
En réalité, les établissements publics du culte sont très différents des associations cultuelles de droit commun pour la simple raison qu'ils reçoivent des subventions publiques. Autant il est nécessaire d'identifier les ressources autonomes des associations cultuelles ne recevant pas de subventions publiques, autant il ne nous semble pas raisonnable à ce stade que les établissements publics du culte recevant des subventions, les communes ayant par ailleurs par ailleurs l'obligation d'équilibrer les comptes, bénéficient des immeubles de rapport. Avis défavorable.
Là encore, monsieur le rapporteur général, nous ne comprenons pas. Vous passez délibérément sous silence que les dispositions proposées constituent une régression par rapport à ce qui se pratique aujourd'hui en Alsace-Moselle. Il ne nous semble pas équitable que les seuls cultes qui ne peuvent administrer de tels biens de propriété soient les seuls quatre cultes de droit local. Il y a là un véritable paradoxe qui nous étonne.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.
Article 31
Mes chers collègues, nous allons poursuivre nos travaux au moins jusqu'à une heure. Il serait sage à mon avis de ne pas aller au-delà et de repousser à la prochaine séance l'examen d'un texte aussi important, d'autant qu'il reste des articles de conséquence. Je rappelle, pour que tout le monde en prenne la mesure, qu'il y a plus d'amendements à discuter que nous n'en avons examiné depuis 15 heures ! Sans compter que certains groupes ont gardé du temps pour la suite et veulent évidemment l'utiliser, ce qui est tout à fait légitime : chaque groupe gère son temps comme il veut.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 130 et 2166 .
L'amendement no 130 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l'amendement no 2166 .
Toujours dans le même ordre d'idée s'agissant du régime local d'Alsace-Moselle – en l'occurrence c'est la Moselle qui parle – , nous proposons, dans un esprit d'égalité de traitement, que les mêmes droits soient accordés à tout type d'organisme ayant une vocation similaire sur tout le territoire national. Il s'agit d'étendre ce que nous venons de voter aux établissements publics de droit local qui, en vertu du principe de spécialité, ne peuvent posséder des immeubles que s'ils sont affectés à leur mission légale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 91
Contre 8
L'article 31 est adopté.
L'amendement no 1489 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous souhaiterions être sûrs qu'à partir du moment où le texte ne s'y oppose pas explicitement, les dispositions actuelles du droit local continueront à s'appliquer. Nous souhaiterions au moins que cela soit dit explicitement ici, soit par M. le rapporteur, soit par M. le ministre : cela contribuerait à rassurer sérieusement nos spécialistes du droit local.
Le député Hetzel souhaite que je confirme que les dispositions qui ne sont pas modifiées ne sont pas modifiées : je le confirme !
Sourires.
L'amendement no 339 n'est pas adopté.
L'amendement no 1758 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 966 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 347 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 33, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques no 444 de M. Xavier Breton, no 562 de M. Patrick Hetzel et 884 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement no 1733 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement tend à exempter les associations cultuelles dont les recettes ne dépasseraient pas un certain montant des obligations prévues dans cet article, de façon à ce que ces mesures soient proportionnées et qu'on ne pénalise pas par des charges trop lourdes les petites et les moyennes associations cultuelles.
Les amendements nos 563 de M. Patrick Hetzel et 886 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres II et III du titre II et pour les titres II et IV, pour donner l'avis de la commission.
C'est déjà prévu dans la partie réglementaire du code général des impôts. Il faut que cela continue d'être précisé par décret. Défavorable.
L'amendement no 2460 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 83
Contre 3
L'article 33 est adopté.
Les amendements identiques nos 446 de M. Xavier Breton, 564 de M. Patrick Hetzel 889 de M. Marc Le Fur et 2259 de Mme Sonia Krimi sont défendus.
Sur l'article 34, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 1631 de M. Éric Ciotti est défendu.
L'amendement no 1631 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 77
Contre 12
L'article 34 est adopté.
L'amendement no 2687 de Mme Josiane Corneloup, tendant à supprimer l'article 35, est défendu.
L'amendement no 2687 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1632 de M. Éric Ciotti et 76 de Mme Marine Brenier, pouvant être soumis à une discussion commue.
Ces amendements sont défendus.
L'amendement no 1730 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, que j'ai déjà proposé à propos des associations régies par la loi de 1901, vise à soumettre les financements extracommunautaires de plus de 10 000 euros reçus par les associations cultuelles régies par la loi de 1905 à une autorisation préalable de l'autorité administrative, et non pas seulement à un régime de déclaration et de contrôle. Les auditions de Tracfin – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – nous ont en effet montré que cette mesure était tout à fait réalisable, et son application serait positive.
Nous avons déjà eu une discussion à ce propos lors de l'examen, après l'article 12, de l'amendement que mon collègue Éric Poulliat et moi-même avons fait adopter en vue du contrôle des associations régies par la loi de 1901. L'amendement no 1028 vise à renforcer très largement le dispositif de l'article 35 pour l'étendre aux associations régies par la loi de 1905, mais ce serait là prendre un risque inconsidéré. J'ai, du reste, déposé un amendement similaire, mais qui s'en tenait à un régime déclaratif, alors que les amendements de M. Ravier proposent un régime d'autorisation, une option qui a fait l'objet de réserves importantes de la part du Conseil d'État. En outre, monsieur Ravier, vous proposez d'élargir le dispositif. Au vu de ce qui a déjà été fait et des limites que la commission a fixées, je propose le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 1028 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je soutiendrai en même temps mon amendement no 1827 , qui est identique.
Ces amendements tendent à ce que toutes les associations qui organisent l'exercice public d'un culte soient soumises à l'obligation de déclaration des fonds provenant de l'étranger, ce qui permettrait également une meilleure coordination avec l'article 30, qui ne concerne que les associations cultuelles. Le but est d'assurer, même pour les associations relevant de la loi de 1907, une traçabilité des fonds reçus. Répondant à la préoccupation de M. le ministre de l'intérieur qui évoquait tout à l'heure la lutte contre le soft power, cette mesure permettrait de disposer d'une vue d'ensemble des financements étrangers et fournirait à nos services de renseignement des informations sur leurs objectifs ou, à tout le moins, sur leur intensité.
Les amendements nos 1827 de M. Jean-Christophe Lagarde et 1274 de M. François Pupponi sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements sont tous satisfaits par l'alinéa 5 de l'article 30 qui, en visant les associations régies par la loi du 2 janvier 1907, prévoit qu'elles sont notamment soumises aux dispositions de l'article 19-3 de la loi de 1905.
L'amendement no 1274 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements nos 1275 de M. François Pupponi, 1376 de M. Julien Aubert, 77 de Mme Marine Brenier et 348 de M. Max Mathiasin sont défendus.
Le président Le Fur insistait tout à l'heure, pendant la suspension de séance, pour que nous prenions le temps d'examiner les différents problèmes soulevés par un texte sur lequel nous n'aurons probablement pas l'occasion de revenir. Après avoir dit à de multiples reprises tout le bien que j'en pensais, je tiens à dire aussi mon amertume de n'avoir pas pu sensibiliser le Gouvernement à la question des financements réalisés à l'étranger par des associations françaises avec des subventions obtenues à partir de fonds publics, financements dont j'ai eu à plusieurs reprises, au cours de ma carrière, l'occasion de constater qu'ils n'étaient pas toujours utilisés dans un sens favorable à la République – et je pèse mes mots.
Je me réjouis cependant de l'adoption, après l'article 12, d'un amendement visant à soumettre les associations à un contrôle lorsqu'elles obtiennent des fonds provenant de l'étranger, même si je regrette que, contrairement à ce qui avait été annoncé initialement durant les travaux de la commission, je n'aie aucunement été sollicité pour travailler à la nouvelle rédaction de cet article. Cela m'aurait pourtant évité de reprendre la parole ce soir. Certes, les dispositions destinées à contrôler les financements étrangers des associations régies par la loi de 1901 et celles qui relèvent de la loi de 1905 ont le mérite d'exister, mais le seuil choisi de 10 000 euros a l'inconvénient de laisser certains cas passer sous les radars. Il est en effet possible que des associations bénéficient de versements éparpillés que nous ne pourrions pas repérer. Un système de déclaration dès le premier euro eût, selon moi, été préférable.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1786 .
Il concerne le montant au-delà duquel il est nécessaire de déclarer les dons provenant de l'étranger. Ces dons peuvent avoir trois origines : un particulier, une société ou un État. Dans tous les cas de figure, ou du moins lorsque les fonds proviennent d'une société ou d'un État, il est assez aisé de faire passer sans contrôle une somme considérable, grâce par exemple aux régimes consulaires. Il suffit de trouver cent ressortissants dépendants de leur État d'origine et prêts à donner chacun moins de 10 000 euros, pour un total qui, dans cet exemple, représente tout de même déjà 1 million. Nous souhaitons abaisser ce plafond, qui me semble un peu excessif. Je reconnais que le chiffre proposé de 5 000 euros est arbitraire et j'aurais préféré un chiffre encore inférieur, mais nous préférons rester raisonnables. De fait, cet amendement est avant tout destiné à appeler l'attention de notre assemblée sur une question dont, comme vient de le dire M. Euzet, nous n'aurons pas l'occasion de reparler dans le cadre de la navette parlementaire – peut-être le Sénat lira-t-il le compte rendu de nos débats…
L'article 35 porte sur les financements reçus par les associations relevant de la loi de 1905. Or, comme le montrent les chiffres précis issus des recensements, les sommes minimales versées à ces associations représentent 70 000 euros par an, et les sommes moyennes, 750 000 euros. On est donc là bien au-delà du seuil de 10 000 euros fixé dans le projet de loi.
Vous vous préoccupez par ailleurs, et très légitimement, de savoir ce qu'il advient lorsque les financements sont saucissonnés : si les montants s'additionnent, par exemple sous la forme de deux financements de 5 000 euros ou quatre de 2 500, l'association concernée sera, du fait de l'article 46, assujettie aux dispositions de l'article 35, qui prévoit une obligation de déclaration et un contrôle possible avec droit d'opposition de l'administration. Je sais que cette mesure ne couvre pas toutes les sommes reçues et que vous souhaiteriez que ce dispositif soit en vigueur à partir du premier euro, mais nous couvrons néanmoins la quasi-totalité des situations.
Monsieur Lagarde, votre amendement est très largement satisfait. Le seuil retenu de 10 000 euros est en effet un montant cumulatif : il ne s'applique pas à chaque don individuel, mais à l'ensemble des dons reçus de l'étranger. Si donc l'ensemble des dons reçus de l'étranger par une association est supérieur à ce montant, les dispositions proposées à l'article s'appliquent. Il n'est ainsi pas possible que plusieurs personnes donnent chacune 9 999 euros sans que le mécanisme s'enclenche…
L'amendement no 167 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1824 .
Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à contrer un éventuel contournement du dispositif de traçabilité que vous voulez instaurer pour les financements provenant de l'étranger : lorsqu'une société loue ses locaux à une association assurant l'exercice public d'un culte, elle doit en faire la déclaration conformément aux dispositions du présent article. En effet, il est parfaitement possible que, demain, un État ou une société étrangère par le biais d'une de ses filiales françaises donne de l'argent pour l'acquisition de locaux et leur mise à disposition ou leur location à vil prix en vue de la pratique d'un culte. Nous souhaitons que, dans un tel cas, la déclaration prévue à l'article 35 puisse s'appliquer.
Cet amendement ne remet pas en cause les dispositions actuelles, mais il vise ceux qui voudraient tricher ou contourner la loi en aidant à la pratique d'un culte par le biais d'une société ou d'une structure économique sans déclarer des fonds provenant originellement de l'étranger.
L'article 19-3 que le présent article 35 propos d'ajouter à la loi de 1905 prévoit que l'obligation de déclaration s'applique aux « avantages et ressources apportés directement à l'association bénéficiaire ». Par ailleurs, l'avis du Conseil d'État précise que « le principe de la prise en compte de la proximité de l'association avec d'autres organismes est admis par la jurisprudence. » Ces mécanismes embrassent les financements que vous décrivez et qui font l'objet de la déclaration, et donc du droit d'opposition, prévus par l'article 35.
L'amendement no 1824 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 1633 .
Cet amendement de M. Éric Ciotti propose de modifier la formulation de l'alinéa 12, qui prévoit, dans sa rédaction actuelle, que l'autorité administrative peut s'opposer au bénéfice de dons venant de l'étranger lorsque les agissements de l'association bénéficiaire entraînent l'existence d'une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société ». Ce qui préoccupe M. Ciotti est que les conditions de cette opposition apparaissent extrêmement restrictives : il faudra démontrer que la menace est grave et qu'elle peut affecter un intérêt fondamental de la société. En d'autres termes, l'autorité administrative se prive, avec ces conditions, d'une possibilité d'agir que seules pourraient justifier des circonstances exceptionnelles.
Je comprends l'intérêt qu'aurait le retrait des mots « suffisamment grave », mais la formulation retenue dans le projet de loi l'a été pour assurer la conventionnalité des dispositions telle qu'elle ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne réaffirmée en 1977, puis en 2020, et éviter qu'elles ne soient contraires aux traités européens.
J'entends bien la raison que vous m'opposez, monsieur le rapporteur : l'obstacle que représente le droit européen est patent. Quand ce n'est pas le risque de censure du Conseil constitutionnel, c'est le droit européen qui pose problème !
Nous sommes pris dans les Fourches caudines, et nous nous retrouvons muselés, ce qui nous empêche de protéger nos intérêts. Nous devons y réfléchir.
C'est l'un des principes du droit administratif : toute atteinte à une liberté publique fondée sur un motif d'intérêt général comme l'ordre public doit être proportionnée et strictement nécessaire. Cette exigence conduit le juge à préciser les conditions dans lesquelles une telle atteinte est possible, et parfois à les résumer par une formule que nous reprenons ensuite dans nos textes. C'est le cas des mots : « actuelle et suffisamment grave ».
L'amendement no 1633 n'est pas adopté.
Sur l'article 35, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1802 .
L'article 35 fait référence à l'« intérêt fondamental de la société ». Peut-être avons-nous mal cherché, mais nous n'en avons pas trouvé de définition dans le droit français, pas même dans la jurisprudence. Or, faute d'une telle définition, les dispositions de l'article resteront imprécises.
Sachant que les décisions de l'autorité administrative seront évidemment contestées par ceux qui souhaitent nuire à notre société, il nous semble souhaitable de fonder le dispositif sur un objet clairement déterminé par le code pénal et qui ne fait pas débat, à savoir les intérêts fondamentaux de la nation : cela permettrait de le rendre plus efficace.
Défavorable. Nous préférons en rester à la formule utilisée par la Cour de justice de l'Union européenne.
J'aurais apprécié, monsieur le rapporteur, que vous nous précisiez ce que recouvre la notion « d'intérêt fondamental de la société » en droit français – j'imagine que ce point a déjà été examiné par le ministère de l'intérieur et les services de la commission.
En se fondant sur une notion trop floue, je crains que nous ne donnions à nos ennemis des armes pour contester la mesure devant les tribunaux. Le problème existe ; si vous n'êtes pas en mesure de nous préciser la définition et que vous ne voulez pas accepter notre amendement, vous avez intérêt à préparer assez rapidement une solution en vue de l'examen au Sénat, puisqu'il n'y aura pas de nouvelle lecture.
La notion que nous utilisons est établie, puisqu'elle résulte d'une jurisprudence de 1977, laquelle a même été reprise dans un texte directement applicable en France, l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ainsi, pour apporter une restriction à la liberté de circulation, il faut rechercher si elle est justifiée par « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». L'expression figure dans les traités européens.
Je vais compléter les propos du rapporteur. Monsieur Lagarde, cette expression qui vous semble vague découle d'une jurisprudence européenne et est bien connue de la jurisprudence administrative. Celle-ci nous permet notamment, en s'appuyant sur les fondements du droit européen, de faire des choses aussi étonnantes – au sens premier du terme – que d'expulser un étranger originaire d'un pays de l'Union européenne.
Madame Genevard, bien que je ne partage pas votre opinion, je peux comprendre que vous regrettiez de voir l'application des dispositions de l'article 35 limitée par la Constitution – encore qu'il suffirait de la modifier – et le droit européen, qu'il nous faut effectivement respecter. Nous étions tous deux députés lorsque le traité établissant une constitution pour l'Europe a été soumis au référendum et, personnellement, j'ai voté contre, considérant que cela posait certaines questions en matière juridique en France. Cependant, nous ne pouvons pas faire comme si ce traité n'existait pas : si nous décidions de simplement nous faire plaisir dans le droit – ce soir, demain, la semaine prochaine – , voire d'ignorer une possible censure du Conseil constitutionnel, nous ne ferions que fragiliser plus encore les décisions que nous voulons prendre pour lutter contre les ennemis de la République. Je ne pense pas que ce soit votre intention.
En effet, quoi qu'il arrive – à moins de sortir de l'Union européenne, mais j'imagine que ce n'est pas ce que vous proposez – , des recours seront toujours possibles devant la Cour de justice de l'Union européenne. Par conséquent, je ne crois pas qu'ignorer le droit européen soit de bonne politique. La seule solution serait de modifier des traités qui datent des années cinquante, ce qu'aucun gouvernement n'a encore fait, et pour cause : nous avons négocié le traité et, à l'époque, nous avons considéré que ces bornes démocratiques délimitaient un État de droit européen.
Cependant, il ne faut pas juger trop négativement le contenu de l'article 35. Au contraire, c'est une innovation extrêmement positive : pour la première fois, le droit français va permettre de mieux connaître les financements étrangers et le cas échéant de s'y opposer. Cela ne va peut-être pas aussi loin que vous le souhaiteriez, je le comprends, mais cela reste une avancée considérable.
Il n'existe pas encore de jurisprudence, puisqu'il s'agit d'une création juridique, mais le droit évolue tous les jours. Il est donc possible qu'une application très large des dispositions de l'article 35 soit admise par les tribunaux. Il reviendra à la jurisprudence européenne d'encadrer ces dispositions – car nous sommes des Européens et à ce titre nous nous inscrivons depuis 1952 dans l'application des traités communautaires. Mais il ne fait pas de doute qu'en certaines circonstances, leur application sera permise par le droit européen.
Plusieurs autres mesures, comme l'interdiction du port de vêtements religieux à l'école, ont d'ailleurs déjà fait l'objet de tels débats. Or, si la loi du 15 mars 2004 a été contestée jusque devant les tribunaux européens, c'est sur la requête d'une ressortissante turque que la Cour européenne des droits de l'homme a confirmé que cette mesure était conforme au droit européen.
Il faut donc aussi faire confiance aux juges et à la jurisprudence administrative. Et même si nous n'allons pas au bout de la démarche et rejetons l'amendement de M. Ciotti pour des raisons de constitutionnalité et de conventionnalité, il me semble que l'on peut quand même se réjouir de cet article plutôt que d'en déplorer les limites alors même qu'il n'est pas encore entré en application.
Si je comprends bien votre démonstration, monsieur le ministre, elle atteste qu'on peut faire bouger les lignes : …
… c'est une bonne chose. D'ailleurs, nous approuvons les dispositions de l'article 35, que nous voterons.
Néanmoins, permettez que nous nous inquiétions de leur application – car c'est bien de cela que nous parlons. Une disposition ne vaut que si elle est appliquée, et applicable – mais vous avez abordé le sujet. Or ce ne sera pas le cas si les conditions de son application sont trop restrictives. Cette disposition, nous la croyons utile, mais si malgré son caractère innovant, son application est d'emblée entravée en raison de sa nature, cela pose question.
L'amendement no 1802 n'est pas adopté.
L'amendement no 1490 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements nos 760 de M. Robin Reda, 64 de M. Fabien Di Filippo et 1492 de M. Philippe Benassaya, pouvant être soumis à une discussion commune. Tous trois sont défendus.
Les amendements nos 2118 de M. Philippe Bournazel et 65 de M. Fabien Di Filippo sont défendus.
L'amendement no 2155 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1029 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2175 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cela aurait tout à fait pu être une intervention liminaire sur l'article. Je vous annonce d'emblée que nous voterons en faveur de l'article 35, pour des raisons évidentes de transparence et de protection de notre pays contre des ingérences potentielles. Néanmoins, je voudrais soulever deux points.
Tout d'abord, je me pose la question : l'article 35 concernera-t-il aussi le financement étranger des sectes ?
Je vous donne l'exemple très précis que j'ai en tête : comme vous le savez, en 2024, nous accueillerons les Jeux olympiques. Or, il y a un an, nous avons découvert qu'un grand immeuble, situé en face du Stade de France, où vont se dérouler l'essentiel des compétitions, avait été racheté par l'intermédiaire d'un faux nez au bénéfice de l'Église de la scientologie, qui a l'intention d'y installer son siège européen. Visible depuis l'autoroute A1, la plus fréquentée d'Europe, cet immeuble le sera également depuis le stade, pour tous les publics et médias qui filmeront les Jeux olympiques. Il figurera donc sur la première image que vous aurez des abords immédiats du stade et offrira à l'Église de scientologie une véritable vitrine
Avec le préfet de la Seine-Saint-Denis, l'ancien maire et le maire actuel de Saint-Denis, nous sommes démunis pour empêcher l'achat et l'aménagement de cet immeuble par des fonds étrangers, exclusivement américains. L'Église de scientologie est pourtant considérée comme une secte par le droit français. Je répète donc ma question : les sectes sont-elles concernées par l'article 35 ?
Deuxième élément, qui est moins une question qu'un souhait : l'article 35 fait peser un certain nombre de contraintes sur les associations cultuelles et les cultes, ce qui est une bonne chose, et c'est pourquoi, je l'ai dit, nous voterons en sa faveur. Mais pourrait-on mettre notre diplomatie au diapason de notre exigence en la matière ? Je suis toujours étonné de la grande mansuétude dont les gouvernements successifs de notre pays font preuve, depuis de nombreuses années, à l'égard d'un certain nombre d'États dont les liens avec des groupes terroristes ou l'islam politique sont avérés. Je pense en particulier à l'Arabie Saoudite et au Qatar, à qui l'on déroule généralement le tapis rouge. Les fonds qataris ne servent pas uniquement à acheter le Paris-Saint-Germain : on voit des émirs qataris se balader dans mon département de la Seine-Saint-Denis, le chéquier à la main, pour financer des associations qui n'ont rien de cultuel, et je ne crois pas du tout à leur philanthropie. Je souhaiterais donc que notre diplomatie soit plus ferme et exigeante avec certains États.
Mon cher collègue, je ne pourrai pas apporter une réponse complète à la deuxième partie de votre intervention. En outre, je ne voudrais pas empêcher la vente à l'Arabie Saoudite d'un club de foot qui m'est cher !
Exclamations sur plusieurs bancs.
En revanche, je peux apporter une réponse beaucoup plus précise à votre première question. À ma connaissance, la scientologie n'est pas, aujourd'hui, considérée comme une religion. Partant, elle ne tombera pas sous le coup des dispositions de l'article 35.
En revanche, elle sera concernée par les dispositions que nous avons ajoutées après l'article 12, en l'occurrence l'obligation de tenir un compte séparé pour les dons venant de l'étranger et la possibilité pour le préfet, s'il a une suspicion, d'alerter l'organisme Tracfin pour que ce dernier effectue un contrôle. Tracfin aura ainsi l'opportunité de chercher l'origine des fonds, de même que l'identité des donateurs, et la façon dont ils sont utilisés.
Je compléterai les propos de M. le rapporteur en indiquant d'abord que les sectes n'existent pas en droit. Il existe en revanche des dérives sectaires qui sont condamnables pénalement. On peut donc déterminer non qu'une association ou un groupement donnés sont une secte, mais que leurs dérives sont sectaires. C'est ainsi en droit français, monsieur le député.
Sur le financement, vous avez adopté un amendement, indépendamment du très bon argumentaire de M. le rapporteur, qui prévoit notamment que le financement des associations, qu'elles soient mixtes ou simples, fasse l'objet d'une déclaration. C'est l'objet du débat que nous avons eu avec le rapporteur Sacha Houlié en commission spéciale, lorsqu'il a souhaité étendre les dispositions de l'article 35 à l'ensemble du monde associatif. Au-delà de 153 000 euros – somme nécessaire pour l'achat d'un immeuble – , les mêmes dispositions s'appliquent pour les associations loi 1901 et pour les associations loi 1905.
Si l'article 35 ne s'applique donc pas stricto sensu aux associations comme l'Église de scientologie, qui ne sont pas des associations cultuelles mais des associations loi 1901, les dispositions que vous avez votées en amont permettent d'effectuer un suivi et de procéder à des contrôles conformes à l'esprit et à la lettre de l'article 35.
Pour résumer, l'Église de scientologie que vous évoquez est une association loi 1901 et non une association cultuelle. Elle n'est donc pas concernée par l'article 35. Deuxièmement, les sectes n'existent pas en droit, mais les dérives sectaires existent et sont pénalement répréhensibles.
J'en viens enfin aux financements étrangers et au soft power exercé par des associations sur lesquelles pèsent parfois des soupçons importants. Je comprends très bien ce que vous dites au sujet d'un certain nombre de dispositifs. Le maire, la commune ou l'intercommunalité peuvent préempter – vous connaissez ce sujet parfaitement – , même si je ne sous-estime pas les limites de ce dispositif eu égard aux finances des collectivités locales. Le dispositif que vous avez adopté dans ce projet de loi permet qu'à partir de 153 000 euros – un seuil certes plus élevé, mais cohérent avec la problématique d'un achat d'immeuble – les dons entrent dans un cadre de restriction et d'opposabilité.
La parole est à M. François Pupponi. Nous ne sommes plus en train de discuter d'un amendement : ce sont les joies du temps législatif programmé !
Je transpose le cas évoqué par notre collègue Peu : si un étranger investit dans un immeuble en France, en l'achetant ou en le faisant construire, et qu'il le loue à une association cultuelle sans lui offrir aucun avantage – je suis en effet convaincu qu'il n'y a aucun avantage ni ressource – , il n'y a alors aucune déclaration à faire ! Et c'est ainsi que cela va se passer et que certains lieux de culte vont être financés : par le biais d'un contrat de location, sans aucun avantage ni aucune ressource. L'association n'aura pas à le déclarer puisque cela n'est pas visé par le projet de loi. C'est ainsi que les lieux de culte seront financés. On me dit de ne pas m'inquiéter – eh bien si, je m'inquiète.
Avec François Pupponi, nous avons beaucoup discuté de cette question en commission spéciale. Je vais vous donner mon interprétation du texte qui, retranscrite au compte rendu, pourra éclairer ceux qui l'appliqueront. Je crois sincèrement que les avantages et ressources accordés par une SCI – société civile immobilière – ou par un État étranger à un culte, soit directement à l'association, soit à un organisme mais au bénéfice de l'association, sont couverts par cette disposition de l'article 35. Ainsi, l'achat d'un immeuble loué à une association qui en bénéficierait in fine serait couvert par le dispositif déclaratif puis par celui d'opposition, si celle-ci se justifiait.
J'entends bien, mais je peux vous dire que cela ne se passe pas du tout ainsi dans la vraie vie.
Lorsqu'un fonds d'investissement adossé à une grande banque allemande, propriétaire de l'immeuble, le vend à une société texane pour remplacer des bureaux par des bureaux, il n'y a pas de raison de faire une préemption ! C'est une fois l'immeuble acheté que l'on découvre que la société ne va pas louer mais mettre les locaux à disposition de l'Église de scientologie qui, d'ailleurs, est pas organisée non en association mais en société commerciale ! Ce sont des affaires dans lesquelles il y a beaucoup d'argent, et beaucoup de dégâts.
J'entends bien ce que dit le ministre sur le droit français. Je rappelle cependant que, pour faire suite à un rapport parlementaire sur les dérives sectaires, auquel ont collaboré deux anciens députés avec qui j'ai travaillé, Georges Fenech et Jean-Pierre Brard, la Miviludes – mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – a répertorié et qualifié comme telles un certain nombre de sectes, dont l'Église de scientologie.
Les opérations dont je viens de parler passent par des sociétés privées à capitaux américains et ne sont absolument pas couvertes par les dispositions sur lesquelles nous travaillons. J'ai bien conscience que l'exemple que je cite est très particulier, mais on constate que plus elles ont d'argent, plus les associations sont capables de contourner les dispositifs, notamment au travers de sociétés commerciales.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 101
Contre 0
L'article 35, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1787 portant article additionnel après l'article 35.
Je crois réellement, monsieur le rapporteur, que dès lors qu'une société loue un immeuble sans octroyer d'avantage particulier, il n'y a pas de déclaration à faire. C'est ce que souhaitait souligner M. Pupponi. Nous sommes malheureusement quelques-uns à avoir l'habitude des gens qui cherchent à contourner les mesures votées dans la loi, ou tout du moins leur esprit.
Nous venons de voter l'article 35, qui prévoit la déclaration des dons venant de l'étranger et permet ainsi l'observation et la surveillance par l'État, voire son opposition. Avec l'amendement no 1787 , nous proposons que les dons venant de l'étranger transitent par une fondation qui serve d'intermédiaire entre le donneur et le receveur. J'ai du mal à croire que lorsqu'une société, une personne ou un État étranger donne à un culte en France – le plus souvent à un lieu de culte, au travers d'une association – , il ne cherche pas à exercer une influence sur ce qui s'y dit, ce qui s'y déroule ou sur les personnes qui fréquentent le lieu de culte.
La proposition que nous faisons n'est pas une idée originale de l'UDI, même si nous l'avons reprise depuis longtemps : elle émane d'un ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, qui était ministre de l'intérieur lorsqu'il l'a formulée. Il expliquait qu'il était nécessaire soit de créer une ressource propre – vous avez choisi les immeubles de rapport, lui parlait à l'époque de taxe halal – soit, pour être clair, de s'appuyer sur un intermédiaire, un tiers de confiance qui, sans interdire le financement venu de l'étranger, fasse obstacle à l'influence que le donateur pourrait exercer sur un lieu de culte, une association ou un lieu de formation de religieux, par exemple. Cet amendement propose ainsi la création d'un intermédiaire grâce auquel on pourra éviter que le financement des religions soit l'objet de ce que l'on appelle en anglais le soft power, qui est en réalité un instrument de puissance et d'influence à l'encontre de la France.
Nous avons pris beaucoup de précautions en construisant le dispositif de l'article 35 car nous sommes éclairés par un exemple récent, celui de la jurisprudence « Commission européenne contre Hongrie » évoquée tout à l'heure. Il faut veiller à être en conformité avec le droit tant conventionnel que constitutionnel. Or l'obligation de créer un organisme privé pour contrôler les fonds privés me semble excéder très largement les précautions d'usage. Je rappelle, comme cela a été dit tout à l'heure, que l'innovation portée par ces dispositions a peu, voire pas, d'équivalent en droit européen. Cela fait quasiment de la France la pionnière du contrôle du financement à l'étranger des associations. Avis défavorable.
L'amendement no 1787 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 349 de M. Max Mathiasin, qui est rédactionnel, est défendu.
L'amendement no 349 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 36 est adopté.
Nous souhaitons, au travers de cet amendement, qu'il soit mis fin aux déductions fiscales dont bénéficient les cultes, lesquelles constituent de fait une forme de financement public des religions.
Cela rapporterait beaucoup d'argent !
Je ne développerai pas tout l'argumentaire, mais l'interprétation que nous faisons de la loi de 1905 nous conduit à considérer qu'il ne devrait pas y avoir de financement public du culte. Pourtant, ces déductions fiscales élevées en sont un. L'économiste Thomas Piketty estime – je ne sais pas si ce chiffre est exact – que ce sont près de 200 millions d'euros qui échappent ainsi aux recettes de l'État alors qu'ils seraient fort utiles pour financer des services publics universels. Quant au culte, c'est aux fidèles de le financer selon leur bonne volonté.
Nous proposons, à l'inverse de notre collègue Corbière, d'augmenter la déduction fiscale pour la porter à 75 %. C'est l'objet de deux de nos amendements. Un troisième prévoit la création d'un crédit d'impôt pour qu'un fidèle non assujetti à l'impôt puisse bénéficier d'un avantage fiscal lorsqu'il effectue des dons.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune mais fort différents ?
J'ai entendu de la bouche d'un ancien ministre du budget que la suppression des déductions rapporterait beaucoup d'argent au budget de l'État !
Quoi qu'il en soit, on voit bien qu'il existe sur ce sujet deux sensibilités contraires. Nous n'allons pas, en réécrivant une partie de la loi de 1905, traiter la question du financement des associations. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable à l'ensemble des amendements.
Cet amendement porte sur un sujet que nous avons abordé tout à l'heure. Il propose que l'aliénation d'un local servant habituellement à l'exercice public d'un culte, consentie directement ou indirectement à un État étranger, une personne morale étrangère ou une personne physique non résidente en France, soit subordonnée à une déclaration à l'autorité administrative, qui pourrait s'y opposer.
Cet amendement similaire a pour objectif que soient déclarées les cessions de biens appartenant à des associations cultuelles lorsqu'elles sont réalisées au profit d'États étrangers, ce qui permettrait de contrôler ce qu'il advient de ce patrimoine.
Pour des raisons rédactionnelles, je préfère l'amendement présenté par M. Cormier-Bouligeon mais je salue aussi Éric Diard, qui a contribué à l'élaboration de ces dispositions. Celles-ci instaurent une mesure de protection pour éviter la vente d'un lieu de culte à un État étranger ; elles doivent être adoptées. Je suis donc favorable à l'amendement no 2594 .
J'invite M. Ravier à retirer son amendement no 1924 au profit de l'amendement no 2594 de M. Maire, qui propose un dispositif tout à fait novateur sur un point important. En l'état actuel du droit, la France ne peut pas s'opposer à la vente d'un lieu de culte à un État étranger ou à une personne ne résidant pas en France car, en matière d'urbanisme, rien n'impose que la nationalité de l'acheteur soit révélée. Une commission diplomatique intervient, mais l'autorité administrative n'est pas informée et la France n'a donc pas son mot à dire sur le sujet.
Le remarquable travail effectué en commission spéciale sur les amendements déposés par M. Maire et ses collègues a abouti à ce qui me semble constituer un excellent compromis républicain, illustrant le fait que nous avons affaire à une grande loi. Nous connaîtrons désormais la nationalité de l'acheteur d'un lieu de culte et, si besoin est, nous pourrons nous opposer à la cession de ce bien. Avec le vote de cet amendement et de cette loi, vous allez permettre à l'indépendance nationale de faire un grand pas.
L'amendement no 1924 est retiré.
L'amendement no 2594 est adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1788 .
Nous avons beaucoup parlé de financements étrangers. Avec cet amendement, je vise l'ensemble des dons en espèce faits aux associations cultuelles. Si certains de ces dons ont un caractère traditionnel, ils peuvent aussi constituer un apport tout à fait conséquent dans le financement d'une association. C'est justement pour éviter cela qu'en matière de financement des campagnes électorales, outre le fait que chaque don est plafonné, le montant global des dons en espèces faits à un candidat ne peut excéder 20 % du montant des dépenses autorisées.
Pour certaines religions, le volume d'argent liquide en circulation est tel que cela constitue un vrai problème. Vous faisiez tout à l'heure référence à des religions qui ne sont pas forcément dotées d'une structure hiérarchique parfaitement établie : en ce qui concerne ces religions, j'ai moi-même parfois constaté que le contrôle d'un lieu de culte constituait bien davantage un enjeu financier – et même un enjeu financier personnel – qu'un enjeu spirituel. Il y a dix ans, j'ai dû me battre contre M. Sefrioui lorsque celui-ci a essayé de prendre le contrôle de la mosquée de Drancy. Personne ne conaissait alors ce sinistre personnage qui, sous un prétexte à la fois idéologique – la cause palestinienne – et religieux – une interprétation différente de la religion musulmane – cherchait en réalité à prendre le contrôle d'un lieu de culte, essentiellement motivé en cela par des raisons financières.
Certains cultes donnent lieu à d'importants flux d'argent liquide dont la provenance peut être française ou étrangère mais qui, en tout état de cause, ne font l'objet d'aucun contrôle. Avec l'amendement n° 1788 , je propose d'une part que tout don de plus de 150 euros consenti à une association cultuelle soit versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire, d'autre part que l'argent liquide ne puisse représenter plus de 20 % du montant total des recettes de cette association. Ces deux dispositions permettront d'améliorer la visibilité et la traçabilité de cet argent, à la fois pour éviter qu'il soit détourné ou qu'il fasse l'objet de luttes de pouvoir excessive et pour qu'il soit bien utilisé pour l'objet auquel il est normalement destiné.
Je suis favorable à cet amendement, sous réserve qu'on supprime son second volet prévoyant un plafonnement des recettes de l'association cultuelle à hauteur de 20 % de son fonctionnement annuel. En d'autres termes, je suis d'accord pour que les dons de plus de 150 euros consentis à une association cultuelle soient obligatoirement versés par un autre moyen que des espèces, afin de pouvoir en assurer la traçabilité.
J'émets un avis favorable à cet amendement, sous réserve qu'il soit rectifié conformément à ce que vient d'indiquer M. le rapporteur.
Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre. La rectification qu'ils souhaitent apporter à mon amendement, consistant à supprimer son alinéa 3, me convient. La nouvelle rédaction de cet amendement serait donc la suivante : « Après l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé : " Art. 19-1. – Tout don de plus de 150 euros consenti à une association cultuelle doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. ". »
L'amendement no 1788 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1825 .
Cet amendement poursuit un objectif différent du précédent. Dans un rapport extrêmement intéressant sur les moyens de lutter contre le financement du terrorisme islamiste, la sénatrice Nathalie Goulet a montré que, bien souvent, les financements occultes se faisaient grâce à des systèmes de paiement échappant à tout contrôle. Sur la base de ce constat, je proposais qu'au-delà d'un seuil déterminé par décret, les dons en espèce s'effectuent au moyen de cartes électroniques prépayées.
Nous venons d'adopter un autre dispositif, mais je pense qu'il faudrait expertiser le système de la carte prépayée, qui est en train de se démocratiser, pour évaluer sa capacité à améliorer la traçabilité des fonds destinés aux associations cultuelles, donc à éviter les dérives auxquelles nous assistons actuellement. Monsieur le ministre, il serait intéressant que vos services se penchent sur cette question.
Cet amendement étant partiellement satisfait par l'adoption de l'amendement précédent, j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 1825 n'est pas adopté.
L'amendement no 1377 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 37 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 37. L'amendement no 1378 rectifié de M. Julien Aubert est défendu.
L'amendement no 1378 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 126 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La rédaction de l'article 31 de la loi du 9 décembre 1905 est insuffisante, car les sanctions prévues par cet article ne s'appliquent que lorsque les pressions ont eu pour résultat de déterminer une personne à une action ou à une abstention, c'est-à-dire leurs auteurs sont parvenus à leurs fins. Or, il faudrait sanctionner les voies de fait, violences ou menaces en elles-mêmes, indépendamment de leur effet. C'est en ce sens que l'amendement n° 447 vise à modifier l'article 31 de la loi du 9 décembre 1905.
Lors de la réunion de la commission spéciale, j'avais émis un avis favorable à ces amendements et j'ai réussi à convaincre le ministre d'en faire de même…
… car, initialement, il estimait devoir retenir par parallélisme les mêmes conditions de mise en oeuvre que celles du délit d'entrave. Avis favorable, donc.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas le ministre qui avait émis un avis défavorable, c'était l'État profond !
Sourires.
Je suis convaincu par l'argumentation de M. Breton et j'espère que mon avis favorable à son amendement de bon sens lui prouvera que ce projet de loi n'a pas pour objet de nier les cultes, mais de faire obstacle au séparatisme et de protéger la liberté de culte – et, pour ce qui est du parallèle pouvant être établi avec le délit d'entrave, je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler au Sénat.
L'amendement no 802 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 38, amendé, est adopté.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement no 2196 rectifié portant article additionnel après l'article 38.
Cet amendement déposé par ma collègue Cécile Untermaier, auquel elle tient beaucoup, vise à préciser l'application qui est faite du principe de laïcité, principe dont on parle beaucoup mais qui est peu explicité. Il reprend des éléments des articles 1er et 2 de la loi de 1905, ainsi que de la loi du 20 avril 2016 qui les consacre, en tenant compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004.
Notre proposition consiste à insérer, après l'article 38, l'article suivant : « Dans le respect des dispositions de la loi du 9 décembre 1905, le principe de laïcité signifie : d'une part, que la République assure la liberté de pensée, de conscience et de religion en garantissant le droit de manifester son appartenance religieuse comme son absence d'appartenance religieuse, ainsi que, le cas échéant, de changer de religion ; d'autre part, que la République garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis de leurs usagers et réciproquement, qu'elle interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. »
Mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement qui permettrait de clarifier la définition du principe de laïcité.
Je suis défavorable à cet amendement consistant en une redite de dispositions existantes.
L'amendement no 2196 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement no 285 .
Cet amendement, examiné très rapidement par la commission spéciale alors qu'il me paraît revêtir une importance fondamentale, propose que soit établi comme valeur républicaine le droit de quitter une religion ou de changer de religion. La République française s'honore de défendre les libertés, parmi lesquelles la liberté d'expression, la liberté du culte et la liberté de conscience. Selon un principe républicain énoncé en une formule simple et claire, la loi assure aux citoyens « le droit de croire ou de ne pas croire ». Ainsi, à côté de la liberté de culte, c'est-à-dire d'exercice du culte dans le respect de l'ordre public, on trouve la liberté de ne pas appartenir à une religion.
La loi de 1905 conjugue deux protections : d'une part, elle protège la liberté de culte et la liberté d'expression, d'autre part, elle protège le citoyen contre toute pression s'exerçant contre sa libre détermination en conscience : en d'autres termes, elle vise à ce que nul n'adhère à une croyance ou à un mouvement sous l'effet de la contrainte.
La République se doit de garantir la protection de toutes celles et tous ceux qui voudraient quitter une affiliation religieuse ou changer de religion sans être inquiétés ou menacés. Or on sait qu'à l'heure actuelle, certains de nos concitoyens sont menacés lorsqu'ils émettent le souhait d'abandonner une religion ou d'en changer. La liberté de ne pas croire contient aussi le droit de s'affranchir de la tutelle d'instances religieuses.
Même si cela ne semble guère vous préoccuper, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, il revient à notre assemblée de garantir effectivement les droits fondamentaux que je viens d'évoquer et, pour cela, de voter cet amendement.
Si nous sommes évidemment soucieux d'inscrire le délit de déni d'apostasie dans le texte, nous considérons en revanche que les principes que vous évoquez sont déjà protégés par des normes de portée supérieure.
Ainsi, il est dit dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses – ce qui comprend le droit de ne pas en avoir. Ce principe résulte également de l'article 1er de la loi de 1905, ainsi que de l'article 1er de la Constitution, qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Si le délit de déni d'apostasie ne fait pas l'objet d'une disposition le définissant en tant que tel, le droit français garantit bien à chaque citoyen français le droit d'avoir une religion ou de ne pas en avoir – donc, a fortiori, le droit d'y renoncer.
Monsieur le rapporteur, vous m'avez fait la même réponse, quasiment au mot près, en commission spéciale, …
… mais là n'est pas la question – nous présenterons d'ailleurs plus loin un amendement créant un délit de déni d'apostasie, que vous avez également rejeté par la commission spéciale. La question, la voici : en France, un citoyen peut-il quitter une religion sans être menacé ou inquiété ?
Certes, monsieur le rapporteur, vous avez cité des éléments du bloc de constitutionnalité qui semblent déjà apporter une protection. Rappelons toutefois que les trois fédérations musulmanes que j'évoquais il y a peu ont refusé d'adhérer à la charte des principes pour l'islam en France parce que celle-ci ne reconnaissait pas l'apostasie. C'est donc une question d'importance dans le débat qui est le nôtre. Prenons, par parallélisme, le cas de la polygamie : elle est déjà interdite par notre droit ; pourtant, nous avons pris des dispositions complémentaires pour actualiser en quelque sorte le refus de cette pratique. N'y a-t-il pas nécessité, compte tenu de la sensibilité de l'enjeu évoqué par ma collègue, de prendre une disposition dans cette loi, même si c'est sous une forme encore à définir – il y a la lecture au Sénat ?
D'abord, il faut préciser que c'est en vertu du principe de laïcité et non d'une valeur républicaine qu'une personne peut quitter une religion. Les lois de la République sont par nature supérieures aux lois religieuses et aux chartes, qu'elles soient acceptées ou pas. Les éléments du bloc de constitutionnalité que je vous ai cités, qui n'ont pas changé depuis nos débats en commission spéciale, s'imposent et garantissent le droit de renoncer à une religion.
Notre collègue Diard a déposé en commission spéciale un amendement portant article additionnel après l'article 39 proposant de créer un délit de déni d'apostasie qu'il présentera à nouveau tout à l'heure et que nous sommes nombreux à avoir signé. Les arguments mettant en avant le fait qu'une protection est déjà prévue dans notre droit nous inquiètent car ce qui importe ici est de créer un mécanisme opérationnel face aux menaces qui pèsent quotidiennement sur des croyants voulant quitter une religion pour une autre. Que le terme à retenir dans la rédaction soit « principe républicain » et non « valeur républicaine » est secondaire. Il faudra à l'occasion de la discussion des amendements déposés après l'article 39 que nous trouvions une réponse efficace face à ces phénomènes inquiétants qui se développent et qui concernent beaucoup de personnes.
L'amendement no 285 n'est pas adopté.
Là encore, nous abordons un sujet qui n'est pas négligeable. Le Conseil d'État a émis un avis sévère sur l'article 39, observant que les peines prévues par l'article 24 de la loi sur la liberté de la presse sont déjà extrêmement lourdes. Il souligne que « l'aggravation des sanctions ne s'appliquerait pas seulement aux propos tenus à l'intérieur du lieu de culte par un ministre du culte ; elle s'étendrait à ceux tenus par toute personne, y compris à l'extérieur de ce lieu. Or ces personnes ne sont pas, par rapport à certains autres responsables qui s'adressent eux aussi à des auditoires sur lesquels ils exercent une forte influence, dans une situation tellement différente qu'elle justifierait la différence de traitement prévue par le projet. »
Ces arguments indiquent qu'il y a un vrai problème : il convient de supprimer l'article. J'aimerais qu'on nous explique pourquoi il a été maintenu malgré l'avis du Conseil d'État.
L'amendement no 896 de M. Marc Le Fur est également défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Prenant en compte les légères critiques émises par la Conseil d'État, j'ai déposé en commission un amendement visant à réécrire totalement l'article. Vos amendements sont donc pleinement satisfaits et je vous invite, chers collègues, à les retirer.
Monsieur Hetzel, je crois que nous sommes tous d'accord : les éléments qui avaient suscité les reproches du Conseil d'État ont été retranchés de la rédaction actuelle de l'article 39. Le supprimer irait à l'inverse du but que vous recherchez, à moins que vous ne vouliez tous revenir à la version du Gouvernement qui avait été critiquée par cette juridiction. Je vous propose donc de retirer ces amendements. Il y a des moments où il faut savoir battre en retraite, monsieur Hetzel !
Sourires.
Monsieur le président, je vais retirer mon amendement no 566 mais sans doute le ministre aurait-il pu formuler les choses de manière plus élégante.
L'amendement no 566 est retiré.
L'article 39 est adopté.
Cet amendement vise à renforcer l'esprit de l'article 17 en sanctionnant plus lourdement toutes les personnes qui se marient religieusement sans passer devant un officier d'état-civil ainsi que les individus procédant à la cérémonie religieuse sans avoir pris connaissance au préalable de l'acte de mariage, ce qui rend les garanties apportées par ledit article inopérantes.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1790 .
Ces dernières années, le fait de se marier religieusement sans s'être au préalable marié civilement, de pratique minoritaire, est devenu habitude. Autrement dit, nous qui venons d'inscrire dans le texte que la loi de la République est supérieure à la loi religieuse, nous laissons se développer une inversion des normes. C'est mauvais culturellement, c'est mauvais sociétalement mais c'est surtout inacceptable de la part de ministres du culte qui eux connaissent la loi. C'est leur travail, si vous me permettez cette expression triviale, puisque l'une de leurs activités principales est de célébrer des unions.
Pour ces raisons, nous estimons que ceux qui enfreignent la loi sciemment doivent se voir appliquer des sanctions plus lourdes.
Pouvons-nous considérer, monsieur Lagarde, que vous avez également défendu l'amendement no 1826 ?
Oh, monsieur le président, comme vous y allez à cette heure de la nuit ! L'amendement no 1826 vise, quant à lui, à sanctionner ceux qui demandent à être mariés religieusement alors qu'ils ne peuvent pas ignorer qu'ils ne sont pas mariés civilement.
Mon amendement était similaire et j'accepte de le retirer, mais j'aimerais poser une question au rapporteur ou au ministre : un imam est-il ministre du culte ?
Par définition, on ne reconnaît aucun culte…
Sourires.
Ministre des cultes et non du culte !
Nous avons eu M. Corbière et moi un débat en commission spéciale sur ce qui relevait du cultuel, notamment au sujet du régime de déclaration, que quelques-uns d'entre vous ont dénoncé. Ce qui permet de déterminer qu'il y a des activités cultuelles, c'est le fait que soient remplies certaines formalités donnant lieu notamment à un reçu fiscal. Est ministre du culte la personne que chaque culte définit comme ministre du culte ; ce n'est pas à l'État de dire qu'un prêtre, un pasteur ou un imam est un ministre du culte.
C'est pour ces raisons, monsieur Diard, que le rapporteur a donné un avis favorable sur l'amendement no 1790 , ce que je veux bien faire à mon tour, mais pas sur no 1826.
Si j'ai bien compris les amendements de M. Lagarde – nous en avons parlé ensemble – , le premier demande une aggravation des peines lorsqu'un ministre du culte procède à un mariage religieux sans que l'acte de mariage civil lui ait été justifié. À coup sûr, le ministre du culte est celui qui est défini en tant que tel par son culte. Ce n'est pas à l'État de déterminer ce qu'est un ministre du culte, un prêtre ordonné ou pas, jureur ou pas : il n'a pas à rentrer dans ces considérations. Mais si une personne signe un document montrant qu'il y a eu mariage religieux, cela la désigne avec certitude comme la personne qui a célébré l'union. C'est le sens de l'amendement no 1790 dont il faudra peut-être améliorer la rédaction au Sénat, et cela pourra être fait par l'intermédiaire des amis de M. Lagarde ou par le Gouvernement. Pour appliquer les sanctions, il ne faut pas décider a priori qui est ministre du culte mais se demander quelle personne a procédé au mariage religieux. À cet égard, toute personne célébrant un mariage religieux sans qu'il y ait eu au préalable un mariage civil est concernée par les sanctions déjà prévues par la loi de la République que M. Lagarde propose d'aggraver.
J'ajoute que nous avons pris en compte la remarque formulée in petto en commission spéciale par M. Breton qui avait souligné à juste titre que le code civil prévoit des exceptions, notamment pour les veuves qui désirent se marier religieusement sans que cela ait des conséquences aux yeux de la République. Le code civil est clair, il considère qu'il y a en quelque sorte répétition de ses actes de la part du ministre du culte, et le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur l'équilibre de la jurisprudence.
Pour en avoir discuté avec lui, je sais que l'amendement de M. Lagarde vise moins l'aggravation des peines en elle-même que la pédagogie, qu'il importe sans doute de revoir. Nous savons en effet que c'est parfois aussi par ignorance que les gens se marient religieusement sans s'être mariés civilement. Nous pourrions donc utiliser cet amendement pour surligner au feutre rouge le fait que le mariage civil est premier et qu'il est la condition sine qua non du mariage religieux.
Il faut rester prudent sur ces questions. Dans certains cas particuliers, en raison d'une situation sociale défavorisée notamment, on peut vouloir se marier religieusement sans effectuer de mariage civil ; c'est le cas des veufs ou des veuves qui, en se remariant, perdent leurs droits à pension de réversion. Cela peut donc se produire dans l'intérêt des personnes et il faut le respecter.
En revanche, il convient de sanctionner le ministre d'un culte qui prononce, de manière habituelle, des mariages religieux sans disposer au préalable de l'acte de mariage civil. C'est en ce sens que l'aggravation de la peine peut s'entendre.
Je voudrais revenir sur un point. L'un d'entre nous a dit que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu. Si on se place du point de vue de l'ordre civil, en effet. Mais, si on se place du point de vue de la personne, c'est la loi de la conscience qui prime.
C'est la République qui énonce que sa loi est supérieure à celle de Dieu. C'est vrai dans son ordre à elle, mais il ne peut pas y avoir une prétention totalitaire. Tout cela pour dire que, pour certains, la loi de la conscience est supérieure et donne droit, ensuite, à l'objection de conscience.
Le samedi 13 février, à une heure du matin, je ne vais pas me mettre à jouer Antigone, mais je ne suis pas d'accord avec l'idée que les législateurs que nous sommes puissent, à quelque moment que ce soit, ériger la conscience au-dessus de la loi, si ce n'est en cas de résistance à l'oppression, comme le prévoit la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en son article 2.
Pour revenir aux amendements, je peux certifier que le ministre traduit le Lagarde couramment, et je l'en remercie. C'est bien le dispositif de l'amendement no 1790 qui était visé. Celui-ci peut avoir une valeur pédagogique ; le délit est difficile à qualifier et nous devons lancer un signe fort.
Ce signe, je le souhaitais double, monsieur le rapporteur, – je ne serai pas excessivement exigeant, d'autant que vous êtes le seul à avoir pris en considération nos amendements, avec le ministre – , puisque l'amendement no 1826 visait le même objectif pédagogique, avec des peines très allégées à l'encontre non plus du ministre du culte, qui commet l'infraction, mais de celui qui lui demande de la commettre.
Sans doute les peines ne sont-elles pas les bonnes, mais je pense qu'il faudrait en prévoir pour le demandeur, afin de marquer le fait qu'il franchit un interdit. Or c'est un interdit, comme il en existe d'autres dans la loi, qui, à ma connaissance, n'est pas sanctionné.
Je suis très gênée par ce que vous avez dit, monsieur Breton. Je ne voudrais pas que subsiste le moindre doute dans l'esprit de nos concitoyens : les lois de la République sont toujours prééminentes. On ne peut pas laisser dire qu'il y aurait des situations dans lesquelles des lois religieuses seraient supérieures et pourraient, au-dessus de celles de la République, s'imposer à un individu.
On ne va pas refaire les débats sur les certificats de virginité, mais rendez-vous compte de ce qui a été dit
M. Gaël Le Bohec applaudit.
On ne peut pas tenir ces propos en France, encore moins dans cet hémicycle. Nous sommes fermement contre ce type d'idéologies.
Ce n'est pas ce que j'ai dit, madame Dubost. J'ai parlé des lois de la conscience, qui ne sont pas les lois religieuses. Faites bien la différence !
Que, dans l'ordre civil, les lois de la République s'imposent et qu'elles soient supérieures, c'est une chose. Mais l'ordre civil ne règle pas tout dans la société. Et il y a l'ordre personnel, où la loi de la conscience est plus forte.
Prochaine séance à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée,le samedi 13 février 2021, à une heure cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra