La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 18.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 827 .
Cet amendement très simple propose de supprimer les alinéas 1 et 2 de l'article, qui vont trop loin et dont nous ne comprenons pas la légitimité. En effet, nombre de dispositifs pénaux existants protègent aujourd'hui l'intérêt de l'enfant, qui ne nous semble pas exiger l'intervention de la force publique. Ainsi, les sanctions pénales d'ores et déjà prévues en cas de délit de non-présentation ou de non-représentation d'enfant mineur nous paraissent largement suffisantes.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour le procureur de recourir à la force publique afin d'exécuter les décisions du juge aux affaires familiales, JAF. Le texte prévoit que le procureur pourra faire appel à cette solution uniquement à titre exceptionnel, sur demande du JAF ou des parties. Il s'agit d'une ultime possibilité, dernière étape du processus, qu'on pourra mobiliser lorsque toutes les autres ressources auront été épuisées. En amont, on étend le recours à la médiation familiale et on permet au juge de prononcer des mesures d'astreinte et d'infliger une amende civile au parent défaillant. On dispose donc d'autres mécanismes moins poussés et la saisine du procureur aux fins de recourir à la force publique s'appliquera uniquement dans les cas les plus graves. Nous créons ainsi un mécanisme gradué, qui répond à un besoin. En effet, lorsque l'on connaît les difficultés actuelles, on ne saurait rester à droit constant ; je donnerai donc un avis défavorable car il s'agit de protéger les enfants avant tout.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Madame la députée, comme Mme la rapporteure vient de le préciser, nous avons souhaité remédier à des situations très douloureuses. Je suis d'ailleurs souvent sollicitée à ce propos, y compris par certains d'entre vous. Pour y répondre, nous avons décidé de créer un dispositif gradué, dont Mme la rapporteure a détaillé les étapes, qui nous permettra de mobiliser la force publique en ultime recours. Nous pensons que cette mesure aura un effet incitatif, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 827 n'est pas adopté.
L'article 18 est adopté.
L'article 18 bis est adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 800 .
Les greffiers des tribunaux de commerce ne sont pas des fonctionnaires. Alors qu'ils participent à l'élaboration des décisions de ces tribunaux, ils se trouvent exclus, dans la rédaction actuelle de l'article 19, de la protection offerte en matière de sécurité et de vie privée. Cet amendement a pour objectif de leur offrir les mêmes garanties qu'aux fonctionnaires de greffe et aux magistrats.
L'amendement no 800 , accepté par la commission, est adopté.
Cet amendement vise à introduire le principe de transparence dans l'utilisation des algorithmes. En effet, comme l'indique le rapport Cadiet sur l'open data des décisions de justice, remis à la garde des sceaux en janvier 2018, il est essentiel de réguler l'utilisation, par les outils de traitement algorithmique, des décisions de justice mises à la disposition du public à titre gratuit et sous forme électronique afin de permettre la restitution d'informations les plus objectives possible et de qualité. Dans cette optique, l'édiction d'une obligation de transparence des algorithmes permettra l'analyse du fonctionnement des outils concernés et l'identification des éventuelles faiblesses par les autorités compétentes. Il faudra créer un mécanisme de contrôle piloté par la puissance publique, en parallèle d'un mécanisme de certification de qualité assuré par un organisme indépendant, à l'instar des normes ISO.
Je vous donnerai deux éléments de réponse. Le premier n'est pas spécifique à ce texte : le règlement européen sur la protection des données et la loi informatique et libertés de 1978 comportent déjà des dispositions qui encadrent les algorithmes. Aux termes de ces textes de portée générale, les décisions prises par les personnes publiques ou privées sur le fondement d'algorithmes sont soumises à des conditions de forme et de fond, qui interdisent notamment le profilage en matière de décisions de justice. Ils offrent également des garanties de transparence pour tous les traitements algorithmiques qui servent de fondement à des décisions produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne.
Dans le cadre plus spécifique de l'article 19, nous avons adopté en première lecture des dispositions qui interdisent le profilage des magistrats, des fonctionnaires de greffe et désormais également des membres de greffe sur la base de la réutilisation des données issues de la publicité des décisions de justice.
Ces deux dispositifs combinés assurent une véritable sécurité du traitement algorithmique. L'objectif de votre amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.
Madame la rapporteure, je vous remercie pour vos explications, mais le sujet est sensible et justifie une vigilance extrême. Certes, la loi ne doit pas être bavarde, mais y inscrire cette exigence de transparence ne mange pas de pain ! Je comprends que plusieurs dispositifs la garantissent déjà, mais cette précaution supplémentaire ne me paraît pas inutile. N'étant pas la première signataire de l'amendement, je ne le retirerai pas, mais j'ai bien entendu vos explications.
L'amendement no 632 n'est pas adopté.
L'article 19, amendé, est adopté.
La commission a maintenu la suppression de l'article 19 bis.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 80 tendant à le rétablir.
Cet amendement vise à rétablir l'article dans la rédaction proposée par nos collègues sénateurs. L'article 19 bis élargit le collège électoral des tribunaux de commerce aux exploitants agricoles ainsi qu'aux travailleurs indépendants et professionnels libéraux, prolongeant l'extension aux artisans du collège électoral. En outre, pour tenir compte des difficultés de recrutement des juges consulaires, sans remettre en cause la limite d'âge fixée à soixante-quinze ans, l'article permet qu'un juge soit élu pour cinq mandats consécutifs de quatre ans au lieu de quatre seulement, outre le premier mandat dont la durée est limitée à deux ans. Il est donc important de conserver cet article.
Je rappelle que le projet de loi ne comportait pas à l'origine de dispositions relatives aux tribunaux de commerce, qui ont été introduites par le Sénat. Nous les avons toutes retirées en première lecture car le véhicule législatif n'est pas approprié. Cette question doit être traitée de manière plus globale et plus large, dans le cadre d'un texte autonome. Avis défavorable.
Même avis. Les propositions du Sénat s'inscrivent dans une réflexion incluant la création d'un tribunal pour les affaires économiques, qui relève d'une autre conception du tribunal de commerce et implique de repenser l'acte de commerce. Un rapport sur le sujet vient de m'être rendu il y a quelques semaines à peine ; la réflexion est donc loin d'être aboutie et je ne peux, à ce stade, aller dans ce sens.
L'amendement no 80 n'est pas adopté.
Le Sénat a supprimé l'article 19 ter.
L'amendement no 81 de M. Arnaud Viala, tendant à le rétablir, est défendu.
L'amendement no 81 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement propose de supprimer l'article 21 qui vise à assouplir les conditions de recours à des magistrats honoraires dans les juridictions administratives, tout en élargissant les missions susceptibles de leur être confiées. Nous n'y sommes pas opposés par principe ; en revanche, nous refusons que ce recours constitue la réponse au manque chronique de magistrats. Pressentant qu'il s'agit ici de systématiser la pratique pour combler la pénurie, nous nous opposons à cette disposition en raison du contexte.
C'est également un amendement de suppression. Nous pensons qu'il faut limiter le recours aux magistrats honoraires dans la justice administrative car ceux-ci ne peuvent quasiment jamais remplacer les magistrats de plein exercice. Alors que le recours aux magistrats honoraires est aujourd'hui limité à certains contentieux tels que le droit des étrangers en juge unique ou des fonctions non juridictionnelles, le projet de loi prévoit d'ouvrir un champ de recrutement immense : ils pourraient être notamment rapporteurs dans les formations collégiales, juges uniques dans tous les contentieux ou juges des référés. Or les magistrats honoraires ne peuvent par définition pas disposer des mêmes protections statutaires que les magistrats de plein exercice, qui jouissent notamment de l'inamovibilité et de l'indépendance – reflet de celle de la justice.
De notre point de vue, ce que vous proposez découle, comme vient de le dire Mme Faucillon, de votre refus de recruter davantage de magistrats. Pour notre part, nous nous opposons à votre choix en la matière – nous avons déposé plusieurs amendements afin de le contrecarrer. Utiliser des magistrats honoraires pour pallier les effets de votre volonté de ne pas recruter, c'est un pas de plus vers une justice dégradée. Nous demandons la suppression de l'article 21.
Je ne commenterai pas ce qui a été dit sur l'absence de volonté de recruter des magistrats. Nous avons déjà eu ce débat en examinant l'article 1er du projet de loi, et je crois que l'on ne peut absolument pas prétendre qu'il n'y aurait pas de volonté de recruter du côté du ministère de la justice, que ce soit dans le cadre de ce texte ou de manière générale.
Deux remarques pour nous en tenir au fond de l'article 21. D'une part, il vise à élargir les possibilités d'intervention des magistrats honoraires dont le champ de compétence est aujourd'hui limité à certains recours sériels, comme en matière de contentieux des étrangers. Leur intervention pourra désormais également concerner l'aide à la décision, et leur expérience sera précieuse dans un grand nombre de domaines traités par les juridictions administratives.
D'autre part, les dispositions proposées encadrent le statut et la déontologie de l'honorariat. Une limite d'âge est par exemple fixée à 75 ans. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Vous nous indiquez que vous n'êtes pas contre le principe du recours à des magistrats honoraires : il me semble que défendre un amendement de suppression revient pourtant à exprimer une opposition de principe.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression. Nous avons introduit ces dispositions dans le projet de loi parce qu'elles répondent à une demande forte des tribunaux administratifs, et parce que les magistrats honoraires peuvent jouer un rôle important et intéressant en raison de leur expérience et de leur compétence, soit dans des fonctions de rapporteur dans le cadre de formations collégiales ou de formations à juge unique, soit dans des fonctions d'aide à la décision. Nous priver de l'apport de leurs compétences ne serait pas nécessairement une bonne chose. L'article permet de clarifier la situation et de renforcer les règles déontologiques et disciplinaires qui les concernent spécifiquement.
Madame la rapporteure, nous ne nous opposons pas au principe du recours à des magistrats honoraires dont le rôle peut être appréciable, en revanche, nous dénonçons, depuis le début de nos travaux, votre refus de dégager suffisamment de moyens pour recruter les magistrats et les magistrates en réponse aux demandes des tribunaux dont parlait Mme la ministre. Nous nous opposons donc à l'extension du rôle des magistrats honoraires qui n'ont pas le même statut que les magistrats.
Vous n'avez d'ailleurs pas répondu à nos questions relatives aux conditions et aux critères qu'ils devront remplir, en particulier en matière d'impartialité. Il y a bien une différence entre les magistrats honoraires et les magistrats de plein droit. Il nous semble qu'il faut tout simplement des magistrats pour rendre la justice. Vous décidez de ne pas consacrer les moyens nécessaires à leur recrutement parce que vous restez dans une logique budgétaire, et vous vous contentez d'avoir recours à des auxiliaires pour suppléer les magistrats de plein droit.
Ce que vous demandent l'administration de la justice et les tribunaux, c'est plus de personnels pour mieux rendre la justice, mais vous ne répondez pas à leurs appels, comme en témoignent les mobilisations qui se poursuivent depuis des mois. Votre approche, dictée par une gestion sous contrainte budgétaire, dégrade finalement les conditions d'exercice et de rendu de la justice.
L'article 21 est adopté.
L'amendement no 120 de M. Raphaël Schellenberger, qui vise à supprimer l'article, est défendu.
L'amendement no 120 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 22 bis est adopté.
L'article 23 est adopté.
L'article 24 est adopté.
L'article 25 est adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement de suppression no 732.
Nous voulons supprimer l'article 25 parce que nous avons la volonté de faire primer la justice et le droit des justiciables sur le secret des affaires des entreprises. Cet article introduit dans le code de justice administrative des dispositions du code du commerce qui restreignent les droits procéduraux des parties durant une instance et le principe même du contradictoire.
Au nom du secret des affaires, l'article 25 bis A dispose d'ores et déjà que « les exigences de la contradiction [… ] sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires ». En l'espèce, dans le cadre d'une instance administrative, le principe du contradictoire prévoit que les pièces transmises par une partie doivent être transmises à l'autre partie si elles ont un effet sur la résolution du litige. En se reposant sur cette disposition, les entreprises pourront, au nom du secret des affaires, bloquer le contradictoire. Un document qui serait, selon elles, soumis au secret des affaires ne serait pas transmis automatiquement, et, si le juge décide par ordonnance de le transmettre, il faudra attendre l'expiration d'un délai de recours avant que l'autre partie y ait éventuellement accès – l'ordonnance en question peut en effet être contestée devant Conseil d'État.
Il en découle aussi, ce qui est encore plus problématique, que le juge peut se fonder sur des documents et informations dont l'autre partie ne pourra jamais être destinataire, documents et informations qu'elle ne pourra donc jamais contester – évidemment, ces informations ne seront pas davantage publiques a posteriori puisqu'une partie du jugement ne serait pas publique.
Ces dispositions aggravent celles du texte que vous avez fait adopter récemment concernant le secret des affaires.
L'article 25 bis A comporte des dispositions visant à tirer les conséquences, dans le code de justice administrative de l'adoption de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires. Madame Obono, votre groupe politique et vous-mêmes étiez opposés à ce texte, il est donc cohérent que vous défendiez un amendement de suppression. J'y suis évidemment défavorable.
Selon l'article 3 de la loi relative à la protection du secret des affaires, loi que vous avez adoptée au mois de juillet dernier, « les exigences de la contradiction mentionnées à l'article L. 5 sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires… » Cette adaptation nécessaire nous oblige à assurer une traduction des dispositions de la loi dans l'ensemble des hypothèses concernées, ce que fait l'article 25 bis A. Je suis défavorable à l'amendement de suppression.
L'amendement no 732 n'est pas adopté.
L'article 25 bis A est adopté.
L'amendement no 467 de M. Sébastien Jumel, visant à supprimer l'article, est défendu.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement no 467 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La justice restaurative permet un règlement des conflits et une réparation pour les victimes qui ne passent pas par le prononcé d'une décision par une personne tierce. En France, cette justice est conçue comme un complément de la justice pénale. Elle ouvre un espace de dialogue consenti entre les victimes et les accusés ou les coupables.
L'information selon laquelle il est possible de trouver réparation par le biais de mesures restauratives en adjonction d'autres formes de réparations pénales doit être fournie en vertu de l'article 10-2 du code de procédure pénale, mais, dans les faits, peu de personnes sont réellement et pleinement informées.
Notre amendement se propose de remédier à ce problème en automatisant l'information sur les mesures restauratives, et en élargissant le cercle des personnes soumises à cette obligation d'information.
D'une part la conditionnalité de l'obligation d'information concernant les mesures restauratives, induite dans les termes « s'il y a lieu » de l'actuel 1o de l'article 10-2 du code de procédure pénale, ne permet pas de garantir l'information systématique sur ces mesures. La question de l'adéquation des moyens est déjà réglée par la mention « tout autre moyen adapté » dans ce même 1°. Ainsi les termes « s'il y a lieu » ajoutent une conditionnalité superflue à l'obligation d'information en matière de mesures restauratives, ce qui empêche la bonne communication de l'intégralité de leurs droits aux victimes.
D'autre part, élargir l'obligation d'information à un plus grand cercle de professionnels, comme les avocats, les juges, ou les psychologues, permettrait une meilleure circulation de l'information qui garantirait aux victimes un meilleur accès à leurs droits.
L'adoption de cet amendement permettrait de systématiser l'utilisation d'une nouvelle disposition dont les bienfaits pour l'ensemble des parties prenantes ont été démontrés dans les juridictions où elle est déjà appliquée.
Nous avons déjà abordé ce sujet avec Mme Obono. Je ne désespère pas de lui faire comprendre que cet amendement est à mon sens déjà pleinement satisfait, que ce soit grâce aux dispositions de l'article 10-1 du code de procédure pénale ou à une circulaire de la Chancellerie en date du 15 mars 2017. Nous sommes évidemment favorables à la justice restaurative, mais nous sommes défavorables à l'amendement.
Même avis. Nous attachons beaucoup d'importance à la justice restaurative. Je ne sais plus si je l'ai signalé en première lecture : un comité national de la justice restaurative se met actuellement en place, et un guide méthodologique est en cours de finalisation. Ces démarches montrent notre attachement à ce processus qui ne peut toutefois qu'aboutir de façon progressive. En la matière, il n'est pas possible de décréter ce que doit être la réalité ; il faut convaincre et mettre les choses progressivement en place pour qu'elles deviennent une réalité.
L'amendement no 733 n'est pas adopté.
Il ne devrait pas être possible d'adresser les plaintes relatives aux crimes et délits par voie électronique. Il s'agit d'une disposition que je soutiens depuis l'origine, et je vous avoue que votre obstination à la rejeter, alors que son enjeu technique et économique me paraît relativement faible, m'a fait douter. J'ai mis à profit la trêve des confiseurs pour rencontrer le plus grand nombre possible de policiers et de gendarmes spécialisés dans l'accueil de victimes, mais aussi des associations et des enquêteurs afin d'en discuter, et je ne comprends toujours pas votre obstination.
Madame la ministre, je crois que c'est vous qui aviez dit que le fait de pouvoir déposer la plainte par voie électronique libérerait la parole. C'est tout le contraire ! Il est compliqué de faire parler une victime. Il faut lui arracher, mot après mot, la description de ce qu'elle a subi, et cela ne peut se faire que les yeux dans les yeux, grâce au savoir-faire de personnels spécialisés qui savent mener ce type d'audition.
Il s'agit vraiment d'un travail d'humanité, et les fonctionnaires de police et les gendarmes sont formés aussi pour cela. Je ne comprends pas que vous vouliez exclure cette possibilité. Certes, la première des missions de l'État est évidemment de sanctionner les auteurs de crime ou de délit, mais sa mission est également de protéger les victimes. Or on ne les protégera pas et, de plus, on ne permettra pas de procéder aux constatations nécessaires dans les heures suivant les faits. Je trouve que c'est un traitement injuste. Vous me direz, madame la ministre, et je l'ai déjà entendu, que la victime aura toujours la possibilité, si elle le souhaite, d'aller au commissariat. Mais, en l'espèce, il faut faire de cette faculté une obligation. Il faut l'obliger à aller parler avec un professionnel car, formé à cet effet, celui-ci sera à même de lui apporter l'écoute et le soutien dont cette victime aura probablement besoin. Surtout, je le redis, cela permettra de collecter tous les éléments nécessaires à l'apparition de la vérité.
L'amendement no 434 de M. Philippe Gosselin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
La commission ne partage pas votre analyse, monsieur Sauvignat, vous le savez. Car en aucune façon le texte n'est alternatif : ce n'est pas soit la plainte en ligne, soit le dépôt de plainte physique. La commission est évidemment très favorable à ce que l'un comme l'autre soient utilisés, y compris pour les atteintes aux personnes parce que, dans certains cas, les victimes trouveront plus aisé un premier contact avec les services d'enquête par voie électronique. Il est certes plus facile d'expliquer les faits rapidement par ce biais, mais nous avons beaucoup travaillé là-dessus et pris beaucoup de précautions : dès lors que la victime ou l'enquêteur le souhaitera, ou que les faits seront perçus comme suffisamment graves par ce dernier, cela entraînera une rencontre physique. Nous sommes d'accord avec vous sur le fait qu'il serait catastrophique de s'en tenir à une plainte en ligne pour les atteintes aux personnes. Et ce n'est absolument pas ce type d'infraction qui est visé par le texte, vous le savez très bien, j'en ai discuté avec vous à de multiples reprises.
Je peux vous rejoindre sur le fait que dès lors qu'une victime accède à la plateforme numérique qui lui permet de déposer plainte en ligne, il faut qu'elle soit informée de l'ensemble des précautions élémentaires à prendre – par exemple aller voir immédiatement le médecin, je pense notamment aux faits pouvant donner lieu à une interruption temporaire de travail – , et cela fait l'objet des discussions dont les conclusions devraient être incluses dans les circulaires et les décrets d'application. Mais il est de toute façon évident que quand le fonctionnaire de police ou le gendarme aura connaissance de la plainte, son premier réflexe sera de contacter la victime immédiatement et de démarrer son enquête.
Cet article constitue un facteur d'amélioration significatif en facilitant la prise de contact avec les services d'enquête, et en aucun cas un facteur d'empêchement de quelle que façon que ce soit. L'avis est donc défavorable.
Avis défavorable.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante-cinq.
Monsieur le rapporteur, j'ai hésité à déposer de nouveau cet amendement en seconde lecture et, si je n'avais pas été convaincu par l'ensemble des professionnels, je ne l'aurais pas fait.
De plus, certains éléments que vous avancez dans vos explications me gênent. Si la plateforme informatique donne des conseils à la victime en matière, entre autres, de préservation des preuves, en l'incitant à voir un médecin, le médecin généraliste qu'elle consultera ne lui prescrira aucune ITT, contrairement à ce que vous avez dit. Seule l'unité médico-judiciaire a en effet compétence pour faire constater une ITT, et celle-ci ne peut être vue qu'à la demande des services de police.
Par ailleurs, les constatations élémentaires ne seront pas faites durant les premières heures de l'enquête. Je comprends l'intérêt que présente le fait de laisser une double possibilité à la victime, mais il est des atteintes pour lesquelles il serait de beaucoup préférable que la victime soit entendue les yeux dans les yeux par un professionnel : cela me paraît dans son intérêt.
Nous n'allons pas refaire le débat que nous avons eu en première lecture !
M. Savignat, vous nous dites que vous avez vu les professionnels : je vous invite à rencontrer aussi les associations de victimes…
… parce que les associations de victimes, notamment de soutien aux femmes victimes, se montrent particulièrement satisfaites de ce dispositif qui permettra aux femmes, dans certaines situations, de porter plainte depuis chez elles. Ce peut être parce que la situation est délicate et qu'elles ne veulent pas attendre dans un commissariat ou dans une gendarmerie, ou parce qu'elles souhaitent un peu d'intimité pour déposer plainte contre des violences qui, parfois, durent dans leur couple depuis des années.
Le dispositif s'est d'ailleurs affiné au cours des débats, car je me souviens avoir eu des interrogations ou des réserves en première lecture et pendant les travaux de la commission. Des ajustements ont été faits et nous possédons désormais un dispositif qui permettra aux victimes, dans des situations extrêmement délicates, de faire un dépôt de plainte, premier pas pour voir ensuite les commissaires enquêteurs et avancer sur leurs dossiers.
Je tiens à répondre à ce que vient de dire mon collègue, et je défendrai aussi un amendement relatif aux violences faites aux femmes.
Certaines personnes préfèrent en effet déposer plainte sur une plateforme dématérialisée.
Cependant, dans la grande majorité des cas, considérer la plateforme comme un progrès va à contresens, tant pour la victime que pour les preuves, car l'oralité est, dans ce domaine, essentielle en contribuant à la libération de la parole des victimes.
Cher collègue, je n'entends donc pas votre argument.
M. le député Savignat, mon obstination à refuser votre amendement n'a d'égale que votre obstination à le déposer de nouveau !
En ce qui me concerne, parler d'obstination est d'ailleurs inexact : il s'agit de la conviction que le dépôt de plainte en ligne apporte un élément supplémentaire aux victimes qui souhaitent déposer plainte, et ne se substitue en aucun cas à une autre possibilité.
Madame Bareigts, il y a mille manières de parler. Il n'y a pas que l'oralité ! Après la première lecture de ce texte, je suis allée dans les Yvelines, à Guyancourt, voir la plateforme de signalement en ligne des infractions et violences sexuelles. Il s'agit d'un groupe de gendarmes et de policiers spécialement formés qui répondent de manière informatique à des personnes qui les sollicitent également de manière informatique.
Ils chattent et ont appris comment faire parler les personnes qui utilisent cette possibilité de plateforme en ligne. Si vous votez la loi que je vous propose, ce dialogue, ou chat, pourra se transformer en possibilité de déposer plainte en ligne.
Bien entendu, une fois la plainte déposée, un rendez-vous sera donné. D'ailleurs, c'est déjà ce qui a lieu actuellement bien que la plainte ne soit pas prise en ligne, puisqu'un rendez-vous est donné à la fin du « chat » si la victime le souhaite. C'est là un progrès considérable pour lutter contre le fait, dénoncé par les associations de victimes, que seulement une femme sur dix ose déposer plainte.
Pour cette raison, je ne souhaite pas accepter les amendements.
Pour aller dans le sens de madame la garde des sceaux, j'ajouterai qu'au-delà de l'issue juridique, le dépôt de plainte est le moment où, pour la première fois, les faits sont révélés. Cet exercice est très difficile, ainsi que le rapportent les victimes. Pour certaines d'entre elles, notamment les victimes des faits les plus graves comme les viols, les agressions sexuelles ou les violences conjugales, il peut être plus facile de déposer plainte par voie écrite en utilisant internet. C'est ce que propose ce dispositif qui est une porte d'entrée supplémentaire offerte aux victimes.
Après la première révélation des faits qu'est le dépôt de plainte en ligne, une mise en présence va évidemment avoir lieu si les faits sont graves ou s'ils méritent d'être affinés. Elle se fera dans un second temps, avec un rendez-vous auprès d'un officier de police judiciaire puis devant un juge si, par exemple, une information est ouverte. Il s'agit donc d'un outil supplémentaire.
Et pensons aussi au service que va rendre le dépôt de plainte en ligne pour les infractions dites mineures, comme le vol de carte bleue. Il évitera d'aller faire la queue dans un commissariat ou dans une gendarmerie pendant des heures pour des besoins de présentation de récépissé de dépôt de plainte auprès d'une compagnie d'assurance ! Son utilité pour les délits les moins graves est donc évidente.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 253 .
Le dépôt de plainte en ligne est un mécanisme facilitateur, je partage ce sentiment.
Ce n'est pas de ma part de l'obstination, c'est de la conviction – mais la conviction rend facilement obstiné – si je présente de nouveau cet amendement dans une formulation un peu différente qui, je l'espère, vous plaira davantage.
Il me paraît important de rappeler, à un moment où la plainte en ligne va se développer, que le traitement prioritaire ne dépendra pas des modalités de son dépôt, qu'il soit numérique ou oral.
Vous me direz que c'est une évidence, mais la loi n'exclut pas d'écrire des évidences ! À défaut d'accepter cet amendement de sagesse, je souhaite que vous me rassuriez en m'assurant que sa formulation apparaîtra dans la partie réglementaire.
Je ne saurais m'exprimer sur la partie réglementaire mais, chère collègue, vous l'avez dit, le traitement prioritaire ne dépendra pas du mode de dépôt, c'est une évidence. Parce que cet amendement est pleinement satisfait, la commission donne un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur voulait dire qu'il sera satisfait car cette loi sera complétée par un décret et une circulaire, et je m'engage à ce que s'y trouve la réponse à vos préoccupations qui sont aussi les nôtres.
Il est évident que c'est la gravité qui guide l'ordre de traitement des plaintes, non la manière dont elles sont déposées. Je vous ai d'ailleurs dit que, dans le système de plainte en ligne, un rendez-vous sera fixé immédiatement, ce qui évitera tout souci de ce côté.
L'amendement no 253 est retiré.
L'amendement no 734 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 12 .
La plainte en ligne permettra de disposer d'une image plus proche de la réalité de l'état de la criminalité. D'après de nombreuses études, les crimes et délits concernant les personnes sont en effet les événements qui donnent le moins suite à dépôt de plainte, en particulier dans les zones sensibles. Le motif le plus souvent invoqué est la crainte de représailles.
Aussi cet amendement, proposé par mon collègue Jean-Louis Masson, vise-t-il à supprimer les alinéas 10 et 11 de l'article 26.
L'amendement no 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 704 de M. Didier Paris, rapporteur, est de cohérence rédactionnelle.
L'amendement no 704 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement rejoint plusieurs des préoccupations exprimées tout à l'heure par certains de nos collègues sur la question de la plainte en ligne.
Nous proposons en effet que le dépôt d'une plainte par une victime selon les modalités prévues par l'article 26 « [… ] oblige les enquêteurs à procéder à son audition, sauf si la victime le refuse expressément ».
Il s'agit en fait de garantir une prise en charge maximale de la victime.
Nous considérons que la règle doit être, lors d'un dépôt de plainte, celle du maintien d'une prise en charge humaine et non dématérialisée : le dispositif doit placer la victime au premier plan, donc privilégier ce qu'elle souhaite.
En effet, elle peut refuser une telle procédure. Cette disposition nous semble répondre au souci qu'en ce qui nous concerne nous partageons qu'il puisse y avoir une prise en charge et un contact humains.
Il existe mille et une façons de parler, mais – c'est aussi ce qui ressort d'un certain nombre de témoignages, notamment sur les questions de violence – le contact humain reste ce qu'il y a de plus performant en la matière.
Il faut donc compléter les deux : ce n'est pas l'un ou l'autre. Cela peut et doit être les deux : tel est le sens de notre amendement.
Nous avons déjà largement abordé le sujet : l'avis de la commission est défavorable.
Il est également défavorable, parce que l'audition n'est pas forcément nécessaire, par exemple s'il s'agit d'une infraction qui a été, comme un vol de numéro de carte bleue, commise sur internet.
Vous n'avez dans ce cas pas forcément besoin d'être auditionné avant que ne commencent les différentes phases d'enquête : c'est la raison pour laquelle nous avons prévu cette souplesse.
Certes, mais il nous semble, encore une fois, que cette disposition est nécessaire.
S'il existe un certain nombre de degrés et de différenciations, elle répond au constat qui est fait s'agissant notamment de la nécessité de relever et de garantir un meilleur accueil dans le cas de violences.
Cependant, le dispositif destiné à faciliter le dépôt de plainte doit à mon sens avoir pour objectif d'aboutir à la meilleure prise en charge possible de tous les usagers, en particulier dans des cas où, on le sait, il existe un déficit systématique, structurel et de masse de prise en charge d'un certain nombre de victimes.
C'est le cas notamment, en termes d'accueil, afin que les personnes concernées portent plainte : cela a été dit et relevé, et tout le monde s'accorde sur ce constat.
Il nous semble donc que notre amendement garantit, de fait, cela, si la personne qui dépose plainte en ligne pour un fait mineur indique qu'elle n'a pas besoin ou qu'elle ne souhaite pas être auditionnée.
Il ne s'agit donc pas d'une obligation, mais d'une procédure par défaut. Cette personne peut dire : mon audition n'est pas nécessaire car j'ai déjà déposé plainte en ligne.
Nous voulons quoi qu'il en soit qu'elle dispose du maximum d'outils afin de compenser le retard et le manque de prise en charge humaine.
Encore une fois, notre amendement répond justement à la contradiction qui était censée avoir été relevée tout à l'heure en disant : nous faisons les deux, et, si l'audition n'est pas nécessaire pour que la procédure aille plus vite, la personne concernée peut dire qu'elle ne souhaite pas être auditionnée.
Cet amendement vise donc à systématiser cette possibilité pour les cas dans lesquels – encore une fois, c'est de notoriété publique – la prise en charge n'est pas suffisante.
Votre refus est donc assez incompréhensible, puisque cela ne coûte rien. Au contraire, cela pourrait apporter beaucoup.
L'amendement no 735 n'est pas adopté.
À la suite de rencontres avec différentes délégations du barreau de l'Oise, j'ai pris la décision de déposer cet amendement à l'article 26 qui vise, après l'alinéa 13, à insérer un nouvel alinéa.
Il prévoit d'autoriser la présence d'un avocat auprès des victimes d'abus sexuels, d'agressions sexistes, physiques ou morales dans la procédure judiciaire, et cela dès la phase d'audition, c'est-à-dire tout au début, au moment du dépôt de plainte.
En effet, cela n'est pas possible aujourd'hui puisque le code de procédure pénale n'évoque la présence de l'avocat qu' « [… ] au stade de l'enquête [… ] », excluant ainsi de fait la phase d'audition et de dépôt de plainte.
C'est ce dépôt de plainte qui déclenche en réalité la phase d'enquête.
Les avocats du barreau de l'Oise m'ont alerté avec fermeté sur la liberté d'interprétation qui naît de cette phrase du code de procédure pénal, donc sur l'application de la disposition qu'elle prévoit dans les commissariats de police ainsi que dans les gendarmeries.
Je souhaite par cet amendement apporter une réponse immédiate à cette situation, afin que le droit soit appliqué.
Le filtre de l'avocat sera, à ce stade, également bénéfique pour les services de police car il permettra de canaliser la victime. Cette proposition représenterait en outre, pour l'État, un gain de temps et d'argent.
La présence d'un avocat apportant appui juridique et psychologique est donc hautement souhaitable lors de la phase d'audition et de dépôt de plainte.
J'espère pour les victimes que cet amendement recevra un accueil favorable tant de la part des rapporteurs que de Mme la garde des sceaux.
Je crains, chère collègue, de vous décevoir : la commission a déjà donné un avis défavorable à cet amendement.
Cela dit, je voudrais lever toute ambiguïté : il ne s'agit absolument pas, bien au contraire, d'une position hostile à la présence des avocats.
Cette présence, tout au long de la procédure comme de l'enquête, est d'ores et déjà clairement prévue aux articles 10-2 et 10-4 du code de procédure pénale.
Dès lors que l'on dépose une plainte, c'est déjà le début de l'enquête. Par conséquent, il n'y a aucun problème : on peut toujours être accompagné d'un avocat dans un service de police, et une victime peut toujours être accompagnée de son avocat tout au long de l'enquête et de la procédure.
Réellement, je peux comprendre la démarche qui consiste à vouloir le spécifier dans le cas de certaines infractions que vous jugez plus graves que d'autres, mais le code de procédure pénale n'est pas là pour spécifier toutes les situations. Il comporte une disposition générale qui s'applique à tous et à toutes dans les conditions d'enquête et tout au long de la procédure : votre demande est ainsi tout à fait satisfaite.
Pour finir, je peux entendre qu'il puisse exister des situations dans lesquelles la compréhension des dispositions pénales par quelques services d'enquête est incertaine, mais cela relève plutôt d'une circulaire, afin de rappeler simplement aux services d'enquête la réalité des textes ainsi que les obligations qui leur sont faites de toujours accepter, dans ces conditions, la présence d'un avocat.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis au regret, chère collègue, d'émettre un avis défavorable à votre amendement.
Madame la députée, effectivement, ce que vous souhaitez voir ajouter ne me semble pas être totalement utile puisque l'article 10-2 du code de procédure pénale précise déjà que la victime a le droit d'être entendue avec la personne de son choix, y compris, donc, avec un avocat, à tous les stades de la procédure, et non à tous ceux de l'enquête. Cet article s'applique évidemment dès le dépôt de la plainte devant être reçue par un enquêteur.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Puisque Mme la ministre vient de m'indiquer que tous les stades de la procédure sont concernés, et non tous les stades de l'enquête, je suis rassurée et je retire mon amendement.
L'amendement no 670 est retiré.
L'amendement no 808 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 359 est retiré.
L'article 26, amendé, est adopté.
L'article 26 bis B est adopté.
La commission a supprimé l'article 26 bis.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 100 , qui vise à le rétablir.
Cet article vise à permettre l'adoption en France d'un système moderne d'information post-sentencielle des victimes d'agression tel qu'il en existe déjà à l'étranger, en particulier, depuis 25 ans, aux États-Unis où il permet de suivre 90 % de la population carcérale.
Ce système offrirait une meilleure information et une meilleure protection des victimes, une simplification des textes ainsi qu'un allégement des coûts.
Cette solution permet à une victime de connaître le statut carcéral de son agresseur pratiquement en temps réel : s'il est incarcéré, s'il est transféré dans une autre prison, s'il s'est évadé, s'il doit être libéré ou s'il est décédé.
Elle permet également de suivre un agresseur dont la peine a été aménagée et d'informer la victime notamment si celui-ci vient habiter à côté de chez elle, s'il a été arrêté pour une nouvelle infraction ou si son statut légal change.
Elle s'inscrit pleinement dans la démarche de modernisation, de simplification et de rationalisation des coûts voulue par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi de programmation pour la justice.
Elle permettrait enfin de pallier une situation génératrice d'angoisse pour les victimes, qui a été maintes fois dénoncée.
Cet amendement de mon collègue Patrick Hetzel vise donc à rétablir cet article dans la rédaction figurant dans son dispositif.
Il est défavorable. J'ai juste une remarque de nature un peu politique : si j'ai bien compris, chère collègue, vous demandez le rétablissement d'une disposition que votre propre groupe politique avait souhaité, en première lecture, supprimer.
Il est défavorable : il existe dans certains cas un droit d'information de la victime, et il nous semble que c'est suffisant.
L'amendement no 100 n'est pas adopté.
Nous en venons amendements à l'article 27. Je suis saisie de deux amendements identiques de suppression de l'article, nos 468 et 633.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le premier d'entre eux, no 468.
Nous souhaitons effectivement supprimer cet article 27 qui tend à banaliser les possibilités, de recourir, au cours de l'enquête, aux interceptions de communications électroniques et aux techniques de géolocalisation aujourd'hui circonscrites à la grande criminalité et au terrorisme.
Le procureur pourra ainsi demander au juge des libertés et de la détention son accord pour autoriser des écoutes téléphoniques pour tous les délits passibles d'une peine de trois ans ou plus, c'est-à-dire pour la quasi-totalité des délits de droit commun.
Pourtant, le rapport qui avait été rendu à la chancellerie par Jacques Baume et Frank Natali dans le cadre des chantiers de la justice avait estimé qu'il n'était pas souhaitable de retenir un seuil inférieur à cinq ans.
Nous sommes pour notre part fermement opposés à cette généralisation de procédures particulièrement intrusives dans le cadre d'enquêtes préliminaires ou de flagrance.
Il nous semble que ce dispositif n'est aujourd'hui pas équilibré, et qu'il risque donc de porter fortement atteinte aux libertés fondamentales.
Permettez-moi d'ailleurs d'en être d'autant plus inquiète dans une période qui nous laisse à penser que ces libertés peuvent être fortement attaquées.
Les garanties prévues ne nous semblent absolument pas suffisantes pour assurer leur protection, puisqu'elles consistent principalement en l'intervention du juge des libertés et de la détention.
Or le contrôle opéré par le JLD est loin de présenter les mêmes garanties que celui opéré par le juge d'instruction dans le cadre de l'information, notamment parce que celui-ci suit la continuité et la globalité de l'instruction.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l'amendement identique no 633 .
Nous sommes effectivement opposés à l'extension du recours à la géolocalisation, aux perquisitions et aux interceptions des communications électroniques : tout cela est en définitive aujourd'hui étendu aux crimes et aux délits.
Ces moyens existaient dans le cadre de l'état d'urgence. Ils ont été insérés dans la loi antiterroriste, et aujourd'hui nous sommes finalement en train de les prévoir pour les crimes et les délits.
En définitive, on constate bien une certaine dérive de notre société vers quelque chose de plus en plus sécuritaire. Avec la proposition de loi Retailleau qui va arriver en commission la semaine prochaine, on verra bien que l'on veut finalement limiter le droit de manifester.
Je trouve que cette évolution de notre société n'est ni banale ni intéressante.
Je crains fort qu'effectivement le droit à la vie privée soit bafoué et que la proportionnalité et le respect des libertés individuelles soient petit à petit grignotés.
Je m'inquiète de la politique pénale qui consiste à inscrire de telles dispositions dans la loi, je m'inquiète des dérives d'une société de plus en plus sécuritaire, une société qui ne donne plus envie, mais qui réprime. Ce sont des questions que nous devrions nous poser.
« Une société qui ne donne plus envie, mais qui réprime » : les mots sont un peu durs, cher collègue Molac, et me paraissent totalement disproportionnés à la situation que nous connaissons. Les dispositions dont nous discutons ont un double objectif : d'une part, l'harmonisation ; d'autre part, l'équilibre entre les libertés individuelles, auxquelles nous sommes toutes et tous attachés, et l'efficacité des enquêtes, qui exige de mettre fin à certaines situations qui ont actuellement cours. Ainsi, comment justifier que les interceptions soient aujourd'hui possibles pour les seuls faits de délinquance et de criminalité organisées pendant l'enquête, mais beaucoup plus largement autorisées pendant l'instruction ? Il faut surmonter cette dichotomie d'une manière ou d'une autre.
En matière d'interceptions, des garanties équivalentes sont prévues lors de l'enquête et lors de l'instruction. Les écoutes devront être autorisées dans les deux cas par un magistrat du siège – cela fait partie des garanties auxquelles je vous sais très attaché, mon cher collègue – , qu'il s'agisse du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, et leur durée sera plus courte durant l'enquête que pendant l'instruction.
Le dispositif est assez complexe, je le reconnais volontiers, mais infiniment plus simple qu'il ne l'était jusqu'à présent. C'était l'un des grands objectifs du texte, pour qu'au moins les uns et les autres, des avocats aux forces de sécurité, s'y retrouvent plus facilement.
S'agissant de la géolocalisation, les textes en vigueur sont devenus incompréhensibles : vous verrez qu'il vous faudra les relire deux ou trois fois pour savoir à quoi vous en tenir. Ils nécessitent une harmonisation, qui s'accompagne d'une réduction de la durée pendant laquelle la géolocalisation pourra être mise en oeuvre – nous y reviendrons à propos d'autres amendements examinés en première lecture.
Enfin, nous ne sommes pas restés sourds à vos préoccupations, qui se sont également fait entendre sur d'autres bancs. La commission a ainsi encadré le dispositif de garanties supplémentaires pour tenir compte des débats en première lecture, en ajoutant des dispositions générales à l'article préliminaire du code de procédure pénale – vous vous en souvenez certainement – et en précisant les conditions de mise en oeuvre de la procédure d'autorisation en urgence, qui faisait débat.
Au total, nous conservons l'équilibre voulu, nous harmonisons et simplifions, et nous avons opéré quelques modifications afin de supprimer les scories qui suscitaient encore le débat. C'est, il me semble, un texte désormais parfaitement équilibré que je vous demande de bien vouloir voter, mon cher collègue.
Je ne reprendrai pas la démonstration du rapporteur concernant la nécessité de disposer des outils permettant de conduire l'enquête avec efficacité à une époque où la criminalité a évolué dans ses méthodes, notre souci d'harmonisation et, comme pour toutes les dispositions pénales du projet de loi, notre souhait d'inscrire dans le texte la garantie des libertés.
Je rappelle que le projet prévoit expressément que les mesures pouvant porter atteinte à la vie privée devront être prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l'infraction. Tout cela donne au JLD, en sa qualité de gardien des libertés individuelles, l'obligation de motiver les autorisations d'écoutes ou de géolocalisation par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Par ailleurs, dans le cadre de son contrôle, le JLD pourra ordonner la destruction des procès-verbaux s'il apparaît que les écoutes sont illégales. Enfin, une durée maximale est assignée aux opérations : pour la géolocalisation comme pour les écoutes, elle est fixée à un an, et à deux ans en matière de criminalité et de délinquance organisées.
Cette série de garanties nous permet, me semble-t-il, de conjuguer efficacité et protection des droits.
L'amendement no 469 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 254 .
S'il s'agit de disposer des outils qui peuvent servir à l'enquête, nous y sommes évidemment favorables, comme à l'allongement de la durée de l'enquête. En ce qui concerne l'harmonisation, nous sommes également d'accord, mais ce n'est pas un objectif en soi, non plus que la simplification : il faut aussi veiller à préserver les garanties.
Or, si je ne suis pas spécialiste de ces questions, j'écoute et j'entends. J'entends le Défenseur des droits, qui, avec son équipe, fait état dans son rapport de très grandes réserves, considérant que les garanties ne sont pas suffisantes. J'entends les référents, les « sachants » auxquels vous avez fait appel dans le cadre des chantiers de la justice – lesquels ne sont finalement pas une conférence de consensus puisque vous ne reconnaissez pas la pertinence des recommandations qui en sont issues – et qui vous dissuadent d'aller si vite dans l'harmonisation à trois ans, le contradictoire n'étant pas au rendez-vous et la réforme du parquet restant insuffisante pour supporter une telle avancée, même si on pourrait l'envisager ultérieurement.
Nous restons donc défavorables à cette évolution.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 254 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 801 .
Cet amendement montre l'utilité du débat parlementaire, puisqu'il résulte de discussions que nous avons eues en première lecture. Il vise à mieux encadrer la durée pendant laquelle la géolocalisation pourra être mise en oeuvre sur la seule autorisation du parquet.
Je rappelle que le projet que nous avons déposé étend la possibilité d'employer la géolocalisation aux délits contre les biens punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, au lieu de cinq ans actuellement. Vous y avez fait allusion, madame Untermaier. En contrepartie de cette extension, le projet de loi prévoyait, à la demande expresse du Conseil d'État et pour respecter les exigences constitutionnelles, de ramener de quinze à huit jours la durée de la géolocalisation ordonnée par le seul procureur de la République.
En première lecture, votre assemblée a estimé devoir maintenir la durée de quinze jours, à la suite d'un amendement de M. Fauvergue, soucieux de ne pas compliquer la tâche des enquêteurs.
Je crois possible de trouver sur ce point un équilibre satisfaisant, nous assurant que nous ne prenons aucun risque constitutionnel – c'est ce qui me gênait dans votre amendement, monsieur le député Fauvergue – tout en garantissant au mieux l'efficacité des procédures. Je vous propose donc de maintenir l'actuelle durée de quinze jours en matière criminelle et de délinquance organisée, et de la réduire à huit jours dans les autres cas, notamment ceux dans lesquels la géolocalisation, aujourd'hui impossible, sera désormais autorisée.
En effet, les textes sur la géolocalisation issus de la loi du 28 mars 2014 ayant été déclarés conformes à la Constitution dans une décision du Conseil constitutionnel en date du 25 mars 2014, il était inutile de réduire la durée de la procédure dans les cas déjà validés à cette époque. La réduction ne s'impose que dans les cas auxquels la géolocalisation sera désormais étendue.
Cette solution me paraît beaucoup plus satisfaisante que celle du projet de loi initial. Je remercie donc très vivement M. Fauvergue d'avoir conduit le Gouvernement à améliorer sa copie, puis d'avoir été particulièrement constructif – je crois savoir, en effet, que l'équilibre ici proposé recueille son accord, mais peut-être va-t-il le dire lui-même.
La commission souscrit entièrement aux propos de Mme la garde des sceaux. Cet amendement de compromis entre la situation initiale et celle à laquelle nous avait amenés notre excellent collègue Fauvergue nous paraît tout à fait satisfaisant et permet d'assurer la poursuite des infractions concernées. Il s'agit aussi d'un compromis entre les nécessités absolues d'efficacité de l'enquête et d'opérationnalité – auxquelles nous vous savons très sensible, mon cher collègue – et les exigences du Conseil d'État qui, comme l'a rappelé Mme la ministre, étaient expresses.
Je suis en effet pleinement satisfait de ce compromis, et j'en remercie Mme la ministre comme M. le rapporteur.
En l'occurrence, je salue l'avancée ; j'avais d'ailleurs voté l'amendement de notre excellent collègue Fauvergue. Je me contenterai d'une observation amusée : on nous dit ici qu'il faut harmoniser et simplifier, mais il y a des limites à ce discours puisque nous examinerons ensuite un amendement du Gouvernement qui vient compliquer le dispositif…
L'amendement no 801 est adopté.
L'amendement no 597 de M. Didier Paris, rapporteur, vise à corriger une erreur matérielle.
L'amendement no 597 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 27, amendé, est adopté.
Sous couvert de simplification, l'article étend le recours à l'enquête sous pseudonyme, tel qu'il existe en matière de criminalité et de délinquance organisées, aux enquêtes sur tous crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement. La majorité a donc décidé de revenir à la version initiale du texte, alors que le Sénat avait restreint l'utilisation de la technique d'enquête sous pseudonyme aux délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement.
Comme le disait mon collègue Molac, la pente est glissante depuis l'instauration de l'état d'urgence, son renouvellement, puis son inscription dans le droit commun, et la descente se poursuit : de plus en plus de dispositions relevant de l'état d'urgence sont incorporées au droit commun. C'est inquiétant pour les libertés, auxquelles ces mesures portent au bout du compte une atteinte exceptionnelle et grave, bien que vous en minimisiez chaque fois la portée à la faveur du découpage en articles et en amendements : il ne s'agit plus du tout ici de grande délinquance, de crimes ni du terrorisme qui avait motivé l'état d'urgence.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 588 .
L'article 28 généralise la pratique par les cyberpatrouilles de l'enquête sous pseudonyme à l'ensemble des crimes et délits passibles d'une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
Certes, des garanties sont apportées pour encadrer l'exercice de ces prérogatives, mais le contrôle par l'autorité judiciaire reste insuffisant, d'autant qu'une fois encore c'est sous l'autorité du procureur de la République que s'effectueraient de tels actes, et que le risque d'incitation à la commission de l'infraction est patent.
D'autre part, les actes visés par l'article 28 sont trop attentatoires aux libertés individuelles, voire liberticides, pour que leur champ soit aussi largement étendu. À notre sens, celui-ci doit demeurer circonscrit au périmètre défini par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, en matière de traite des êtres humains, de proxénétisme et d'atteintes aux mineurs, à celui de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, pour ce qui concerne le terrorisme, et à celui de la loi du 13 novembre 2014, s'agissant de l'ensemble des infractions relatives à la délinquance et la criminalité organisée, ainsi qu'aux délits d'atteinte aux systèmes de traitement automatisé mis en oeuvre par l'État, toujours commis en bande organisée.
L'extension proposée par le présent article pourrait conduire à faire entrer la lutte contre la contrefaçon dans le champ des infiltrations numériques. Cela nous paraît excessif et dangereux. Les risques de dérive en cas d'extension de telles mesures à l'ensemble des infractions pénales, ou tout au moins à celles punies de trois ans d'emprisonnement, sont évidents.
L'article 28 étend le recours à l'enquête sous pseudonyme. Il ne s'agit pas là d'une simple question technique, qui aurait pour objectif une mise au niveau. D'ailleurs, ce genre d'arguments peut toujours être retourné. Cela fournirait même une bonne matière pour le scénario d'un film. On veut tellement nous protéger que l'on cherche en permanence à savoir où nous sommes ! En ce domaine, la technique a bon dos. Comme on sait, science sans conscience n'est que ruine de l'âme !
On utilise une fois encore des procédés qui étaient normalement réservés à la lutte contre la grande criminalité et qui seront désormais utilisés aussi pour tous les crimes et délits. C'est ce que je dénonçais tout à l'heure : avec tout cela, je crains que l'on ne limite nos libertés individuelles et que le carcan de l'État ne se resserre. Sans doute cela répond-il à la volonté de mieux nous défendre, mais le problème, c'est qu'on ne donne pas la sécurité si en même temps on ne donne pas la liberté.
J'ai bien compris, madame la ministre, qu'un certain nombre de garanties étaient prévues, et je vous remercie pour vos explications très pédagogiques, mais je dois bien reconnaître que je ne suis pas totalement convaincu. Mon passé de professeur d'histoire m'a appris que l'État pouvait aussi commettre des abus de pouvoir et que le principe de la séparation des pouvoirs et les lois devaient d'abord servir à défendre le citoyen.
Mme Jeanine Dubié applaudit.
Tout comme les précédents, cet amendement tend à supprimer l'article 28. Nous souhaitons ainsi empêcher un élargissement de l'enquête sous pseudonyme que le Syndicat de la magistrature qualifie de « considérable ».
En effet, cet article prévoit l'extension de celle-ci à tous les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement, alors que son usage était jusqu'ici strictement restreint. Seule compensation, la mention explicite de l'autorisation préalable du magistrat concerné ne nous semble pas suffire.
Je voudrais souligner que ce débat, nous l'avons depuis le début de la législature. En particulier, lors de l'examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, nous vous avions alertés – et nous n'étions pas les seuls, plusieurs organisations internationales de défense des droits humains l'ayant fait elles aussi – quant aux reculs et atteintes à l'État de droit contenus dans certaines mesures de ce texte. On nous avait répondu que ceux-ci seraient circonscrits et ne toucheraient qu'un certain type d'infractions. Or on voit bien que, comme nous l'avions prévu, ces mesures s'étendent désormais à un ensemble de domaines qui ne devraient pas faire l'objet d'une telle intrusion, d'une telle remise en cause des libertés individuelles. Et ce n'est pas qu'en théorie que cette logique est à l'oeuvre. Ce dont nous discutons, ce ne sont jamais de simples mesures techniques ; il y a toujours un choix politique derrière. Vous avez choisi la voie sécuritaire et liberticide – encore une fois, nous ne sommes pas les seuls à le dire, les plus hautes instances internationales le répètent depuis un an et demi. On observe très concrètement aujourd'hui, avec la répression du mouvement des gilets jaunes, comment s'appliquent ces mesures. C'est précisément ce que nous souhaiterions éviter par l'abrogation du présent article.
La commission est par nature défavorable à des amendements de suppression pure et simple. En l'occurrence, l'enjeu est la nécessaire harmonisation du cadre des enquêtes, compte tenu du développement des réseaux en ligne et de la criminalité ou de la délinquance qui y fleurit. Il est impératif, dans ce contexte, d'autoriser les enquêtes sous pseudonyme, c'est-à-dire la capacité de pénétrer sous pseudonyme dans ces réseaux pour en démonter les rouages et en couper les ficelles.
Bien évidemment, cela ne peut se faire sans conditions et sans les garanties offertes par la procédure pénale et le code pénal. En aucune façon, j'y insiste de nouveau – nous avons déjà largement traité de cette question – , les dispositifs proposés ne porteront atteinte à la vie privée, dans la mesure où ils concernent des contenus qui ont été mis en ligne par les auteurs eux-mêmes. L'objectif est aussi d'encadrer plus strictement la possibilité pour les enquêteurs de réaliser des « coups d'achat ».
Cet article permettra donc à la fois une meilleure pénétration des systèmes et une meilleure garantie procédurale, dans un objectif de protection de nos concitoyens. Il s'agit, comme vous le savez, d'empêcher aussi que l'enquête sous pseudonyme permette la réalisation d'infractions. Le dispositif est parfaitement équilibré : il répond tant à la demande de liberté publique qu'à celle d'une lutte efficace contre une délinquance protéiforme et qui évolue très vite.
Avis défavorable, donc.
J'abonderai dans le sens de M. le rapporteur, en formulant trois observations.
Premièrement, je souhaite le maintien de cet article qui a pour but d'harmoniser le cadre applicable à l'enquête sous pseudonyme, pour ce qui est des faits commis sur l'internet. Il y a en effet eu plusieurs régimes successifs applicables à l'enquête sous pseudonyme. Nous avons choisi d'en étendre le champ à tous les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement.
Contrairement à ce qui a été affirmé, l'enquête sous pseudonyme ne porte pas vraiment atteinte à la vie privée, puisque les contenus concernés sont mis en ligne par les suspects eux-mêmes. D'autre part, l'enquête sous pseudonyme est autorisée par le code de procédure pénale depuis 2007 ; elle n'est donc pas liée à l'état d'urgence – j'ai cru comprendre que c'était ce que vous pensiez, madame Obono.
Enfin, cette enquête, en l'état du droit, n'est pas réservée aux infractions les plus graves commises en bande organisée. Par exemple, elle est déjà prévue pour le délit de consultation d'images pédopornographiques, puni par une peine de deux ans d'emprisonnement, ou celui de commercialisation de médicaments homéopathiques, lui aussi puni de deux ans d'emprisonnement.
Troisième observation : comme l'a indiqué M. le rapporteur à la fin de son intervention, le Gouvernement souhaite renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur ces enquêtes, en exigeant l'autorisation préalable d'un magistrat lorsqu'elles supposent l'acquisition ou la transmission de produits illicites – ce qui est fréquent. On a connu beaucoup de difficultés en la matière ; dorénavant, il faudra cette autorisation préalable.
Il s'agit donc d'une harmonisation, d'un meilleur encadrement et aussi d'une adaptation aux criminalités contemporaines.
Pour clarifier les choses, madame la ministre, quand j'évoquais l'extension du champ des mesures, je ne parlais pas spécifiquement de l'enquête sous pseudonyme. Je soulignais la logique générale qui est la vôtre – car vous en avez une. Non, il ne s'agit pas d'une simple mesure technique ; vous faites le choix d'harmoniser certaines choses, mais pas d'autres. En effet, à d'autres occasions, nous avions formulé des propositions en vue d'une harmonisation par le haut, d'un développement des droits et libertés de la défense, et vous avez choisi de ne pas le faire, rejetant tous nos amendements.
En revanche, vous décidez d'harmoniser un certain nombre de procédures qui sont pourtant strictement encadrées. Or si elles le sont, c'est pour une bonne raison : contrairement à ce que vous dites, elles portent atteinte aux libertés individuelles et aux droits démocratiques. Et si l'on a procédé ainsi, c'est précisément parce qu'elles font problème de ce point de vue.
Monsieur le rapporteur, vous nous expliquez qu'il s'agit d'une nécessité absolue – de même que les mesures visant à inscrire les dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun auraient répondu à la nécessité absolue de la lutte contre les actes de terrorisme et du maintien de la sécurité intérieure. Ce sont toujours les mêmes arguments que vous employez. Nous, nous notons que ces mesures sont systématiquement généralisées, alors qu'on nous avait garanti qu'elles seraient restreintes à un certain type de délits ou d'infractions. C'est à nouveau le cas aujourd'hui – et c'est dénoncé, non seulement par la France insoumise, mais par toutes les organisations de défense des droits humains.
Il n'est donc pas vrai qu'il s'agisse d'un texte équilibré. Assumez que vous êtes sur une pente sécuritaire ; entendez ce que nous vous disons et ne vous cachez pas derrière de prétendus impératifs. Il y a plein de manières de se défendre contre les nouvelles formes de criminalités. Vous en choisissez certaines, qui remettent en cause les libertés individuelles – et c'est ce qui fait problème.
Madame la ministre, j'ai bien entendu votre démonstration. Il est vrai que les enquêtes sous pseudonyme existent déjà, mais elles sont encadrées et réservées à certains types de crimes ou délits. La réalité, c'est que vous favorisez aujourd'hui la généralisation de cette pratique et vous l'étendez à des crimes ou délits qui ne méritent pas un tel traitement. J'ai pris tout à l'heure l'exemple de la contrefaçon. En quoi un trafic de ce type nécessite une enquête sous pseudonyme ? Pourquoi déployer des moyens aussi importants pour lutter contre des délits somme toute mineurs ?
Pour revenir à la comparaison que j'ai faite hier avec la pratique illégale de la médecine, passible de trois ans d'emprisonnement, je vous poserai une question qui vous semblera peut-être impertinente, madame la ministre : la pratique illégale ou illégitime de la justice par des plateformes en ligne non certifiées sera-t-elle passible d'enquêtes sous pseudonyme ? En effet, la pratique illégale de la justice devrait être condamnée au même titre que la pratique illégale de la médecine !
On entend des choses étonnantes dans la bouche de Mme Obono ! Vous connaissez tous mes positions sur les libertés individuelles ; …
… peut-être pourrai-je apporter quelque crédit au dispositif proposé.
Je n'ai entendu aucune association le critiquer. Certaines ont critiqué un certain nombre de choses que nous avons faites, c'est vrai, mais pour ce qui concerne le présent dispositif, ce n'est pas le cas. J'aimerais savoir en quoi l'enquête sous pseudonyme portera atteinte aux libertés individuelles. Donnez-nous un exemple, madame Obono ! Prenons celui cité par M. Nilor : la contrefaçon. Je suis désolé, mais l'enquête sous pseudonyme permettra à un enquêteur de ne pas prendre contact en disant : « Bonjour, je suis policier ! » et d'infiltrer le réseau de contrefaçon actif sur l'internet. On parle là de la liberté d'action de trafiquants.
Où est l'atteinte aux libertés individuelles ? Expliquez-le !
Ce dispositif bénéficiera, j'ai déjà donné cet exemple, à une personne qui s'est fait voler son vélo et qui le voit en vente sur le site leboncoin. fr. À Quimperlé, chez moi, à supposer que les faits s'y soient déroulés, la gendarmerie n'a aucun moyen d'intercepter le voleur et d'empêcher le recel. Grâce au dispositif que nous proposons, le gendarme pourra, sous pseudonyme, se faire passer pour un acheteur potentiel et donner un rendez-vous au voleur – à qui il finira par mettre les pinces. Aujourd'hui, je le répète, ce n'est pas possible. Le texte constitue donc une avancée qui n'attente en rien aux libertés individuelles.
Mme Mireille Clapot applaudit.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 255 .
Avis défavorable également sur ces deux amendements.
Il s'agit d'un amendement de repli qui répond peut-être en partie à l'interpellation de notre collègue Balanant. Nous proposons que soit discuté et adopté le principe d'une doctrine d'emploi pour le recours à l'enquête sous pseudonyme, laquelle n'existe pas.
Vous pourriez trouver des exemples à foison de crimes et délits pour lesquels une enquête sous pseudonyme faciliterait l'arrestation de personnes soupçonnées – qui ne sont donc ni jugées ni condamnées. Une telle méthode permettrait d'aller plus vite, certes, mais si c'est ce qui est recherché, tous les moyens, même les plus problématiques, pourraient être employés afin d'ainsi mettre plus facilement les méchants en prison. L'argument est donc peu convaincant.
Le point sur lequel nous nous concentrons, c'est la réalité. Vous étendez des dispositions qui étaient encadrées pour de bonnes raisons – elles sont en effet attentatoires à certaines libertés individuelles. Or cette généralisation, on le sait, va conduire à des dérives.
On l'a déjà constaté concernant des dispositifs dont on nous disait également qu'ils ne visaient qu'à cibler les méchants ; or ces mesures ont été étendues à des militants, à des personnes engagées dans des mobilisations sociales.
C'est aujourd'hui le cas de mesures attentatoires à la liberté de manifester. Nous savons donc, instruits par les faits, que quand le type de dispositif que vous proposez ici n'est pas strictement encadré, des dérives se produisent…
… et c'est cette pente que vous avez décidé de suivre en votant toutes les lois sécuritaires votées jusqu'à présent.
Pas moi ! Je ne suis pour ma part député que depuis le début de la présente législature…
Nous voulons donc que l'enquête sous pseudonyme soit un minimum encadrée grâce à la définition d'une doctrine d'emploi.
Défavorable également : la mesure proposée relève d'une circulaire d'application et donc du pouvoir réglementaire.
Bien sûr, nous savons que la disposition que nous proposons peut relever du pouvoir réglementaire, mais c'est votre choix. En effet, à l'inverse, il vous arrive de faire voter par le Parlement des mesures qui pourraient ne relever que du règlement. C'est donc un choix politique.
Or si nous demandons que la mesure que nous préconisons soit inscrite dans la loi, c'est précisément pour garantir certains droits, l'expérience montrant que laisser certaines dispositions au bon vouloir de l'exécutif entraîne des dérives.
L'amendement no 737 n'est pas adopté.
L'article 28 est adopté.
Je suis saisie de quatre amendements identiques visant à supprimer l'article 29, nos 471, 591, 635 et 739.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 471 .
Je me permets en préalable de signaler à notre collègue Balanant que sa vision des choses m'inquiète puisqu'elle implique que la fin justifierait tous les moyens, …
… et que celui dont présumons la culpabilité serait d'emblée coupable. C'est une vision très inquiétante.
J'en viens à l'article 29 qui unifie le régime juridique applicable aux techniques spéciales d'enquête. Nous le répétons : nous jugeons les mesures qu'il prévoit attentatoires aux libertés fondamentales et au respect de la vie privée puisque les techniques considérées pourront être autorisées par le procureur de la République sans autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. En outre, cette mesure nous paraît disproportionnée. Elle soulève la question du rôle du parquet dans la procédure pénale et nous désapprouvons l'extension du champ d'application de techniques dérogatoires particulièrement intrusives et attentatoires à la vie privée. Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer l'article.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 591 .
Je souscris aux arguments de notre excellente collègue Faucillon. Je sais d'autre part que les amendements de suppression n'ont aucune chance d'être votés suivant les règles du jeu que vous avez fixées. Ceux qui les présentent ont, de même, très peu de chances d'être écoutés. C'est pourquoi je préfère réserver mon énergie pour d'autres amendements qui éprouveront votre ouverture d'esprit…
Même si l'examen du texte en commission a permis d'apporter des garanties, celles-ci ne sont toujours pas suffisantes. Ainsi, cet article, qui a pour objet d'unifier le régime juridique applicable aux techniques spéciales d'enquête, va en réalité, sous couvert de simplification, étendre aux crimes de droit commun des techniques d'enquête réservées aujourd'hui à la lutte contre la criminalité organisée. Ses dispositions sont en fait attentatoires aux libertés fondamentales.
Vous souhaitez élargir à un ensemble de nouveaux délits le recours aux techniques d'écoute – pose de micros ou de fausses antennes-relais, surveillance vidéo, piratage de données… Voilà qui s'inscrit dans la logique générale à laquelle nous nous opposons. Je connais d'avance la réponse du rapporteur : non seulement ces mesures intrusives vont simplifier le travail des équipes mais elles sont les seules à pouvoir garantir les libertés et les droits des personnes…
C'est révélateur de votre manque d'imagination et de votre manque d'exigence pour répondre aux nouveaux défis, aux nouvelles formes d'infractions. L'emploi de ces méthodes était jusqu'à présent restreint pour de bonnes raisons. L'extension que vous proposez est très grave, si bien que dans les mois ou les années à venir, nous serons à nouveau interpellés sur ce sujet. À nouveau, la France sera condamnée par des instances internationales parce qu'elle aura réduit l'État de droit. Quand on se permet de donner des leçons au reste du monde en qualifiant d'antidémocratique l'usage de telle ou telle technique, il faut pourtant se montrer exemplaire ! Or c'est de moins en moins le cas.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements identiques ?
Je tiens à rassurer notre collègue Nilor : il n'y a pas d'attitude de principe vis-à-vis de tel ou tel type d'amendement. Chaque amendement fait l'objet d'un examen attentif à la suite duquel nous prenons une décision. Elle est en l'occurrence négative en ce qui concerne votre amendement de suppression…
Mme Obono soutient que nous manquons d'imagination mais, en réalité, notre volonté est bel et bien de nous adapter à l'évolution de la délinquance. Comme cela ne semble pas être son cas, on peut se demander de quel côté se trouve vraiment l'absence d'imagination…
Nous tâchons ici d'uniformiser des règles très complexes, produit d'une sédimentation de textes de 2014, 2016… Il fallait en assurer une meilleure compréhension.
Vous savez en outre fort bien que les dispositions prévues à l'article 29 ont été sensiblement améliorées, non seulement par l'Assemblée mais, avant elle, par le Sénat. Nous avons donc considéré qu'elles étaient parfaitement opportunes et qu'il fallait les confirmer. Le texte nous paraît ainsi satisfaisant, équilibré et utile.
Enfin, il paraît de bon aloi d'étendre les procédés en question, jusqu'à présent réservés à la délinquance organisée ou à la criminalité organisée, à une délinquance et une criminalité qui, sans être nécessairement organisées, tendent à se développer.
S'agissant du développement de la criminalité, nous risquons d'être à nouveau en désaccord, sur les chiffres comme sur leur interprétation. En revanche, il est vrai que la délinquance prend des formes nouvelles, et c'est bien pour cela qu'il faut imaginer des moyens nouveaux pour y faire face. Nous ne devons pas nous contenter de leur appliquer des cadres préexistants ! C'est pourquoi il est nécessaire de faire preuve d'imagination : pour inventer de nouveaux outils d'enquête qui garantissent les droits et libertés individuels. En vous reprochant de ne pas avoir cette exigence, je formule une critique politique de votre doctrine. Encore une fois, en effet, au prétexte d'une augmentation de la criminalité, vous ne faites qu'alimenter une logique sécuritaire qui justifie l'extension des pouvoirs de l'exécutif au risque de l'arbitraire. Or il n'y a aucune corrélation entre la logique répressive et l'évolution de la criminalité.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 372 .
Je suis d'accord avec le rapporteur : l'article est le fruit d'un travail destiné à synthétiser des mesures dispersées un peu partout dans nos codes et à améliorer l'usage des mesures spéciales d'enquête et le contrôle de leur application. Dès lors que ces outils sont mis à disposition de fonctionnaires de police en qui, si nous voulons continuer de vivre dans un État de droit, nous ne pouvons qu'avoir confiance, et qu'ils sont maniés sous le contrôle d'un magistrat garant du respect des libertés de chacun, il n'y a pas de risque. Nous pouvons donc légitimement aller plus loin, d'autant qu'un amendement a été voté en première lecture permettant le recours à ces techniques spéciales dans le cas d'enquêtes relatives à certaines infractions économiques.
L'amendement proposé vise donc à permettre aux services de police d'y recourir également, et dans les mêmes conditions, pour les délits passibles d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Ils pourront ainsi oeuvrer avec les moyens de leur temps, ce qui facilitera grandement leur travail, en le rendant à la fois plus efficace et plus rapide.
Compte tenu des moyens mis en oeuvre pour contrôler l'application de ces dispositifs, l'adoption de cet amendement ne présente aucun risque.
Avis défavorable. Je dois admettre, cher collègue, que vos arguments, dont nous avons déjà discuté, sont bien amenés et ont du poids.
Cela étant, contrairement à celles évoquées dans l'article précédent, les mesures dont nous parlons sont lourdes et intrusives…
… même si elles sont rendues nécessaires par la complexité des enquêtes auxquelles elles s'appliquent. La commission a donc estimé qu'il convenait de réserver leur usage aux crimes ou à la délinquance significativement organisée. Il s'agit là de trouver un équilibre correct entre la pertinence des moyens d'enquête et le respect des libertés individuelles.
Avis défavorable. L'extension que vous proposez, monsieur Savignat, pourrait s'opposer au principe de rigueur nécessaire que le Conseil constitutionnel a défini s'agissant de la recherche des auteurs d'infractions. D'ailleurs, l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi que nous avions déposé confirme qu'aller dans votre sens nous ferait courir un risque sur le plan constitutionnel.
Je partage l'avis de M. le rapporteur s'agissant du caractère lourd et intrusif de ces mesures. Cependant, parmi les délits punis d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, certains sont extrêmement graves comme le vol avec violence, qui porte atteinte aux droits fondamentaux que sont la propriété privée et l'intégrité physique.
C'est pourquoi je maintiens l'amendement, même si j'entends vos arguments.
L'amendement no 372 n'est pas adopté.
Cet amendement de repli précise que les autorisations visant les techniques spéciales d'enquête, prévues par le présent article, doivent pouvoir faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction, dans les conditions prévues par l'article 186 du code de procédure pénale.
Avis défavorable. Il est difficile d'aller dans ce sens dans la mesure où ces techniques spéciales d'enquête sont mises en oeuvre à l'insu des personnes soupçonnées.
L'amendement no 636 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 474 .
L'amendement no 474 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le Sénat a modifié l'article 29 en permettant au juge des libertés et de la détention d'ordonner la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements qui auront été effectués au cours de l'enquête.
Cet amendement, qui reprend une proposition du barreau de Paris, vise à préciser qu'un procès-verbal de l'opération de destruction doit être rédigé et adressé aux avocats ou aux parties, s'ils le demandent.
Même avis. Il va de soi que les parties pourront consulter le procès-verbal de destruction dès lors qu'elles auront accès au dossier de la procédure, c'est-à-dire dans le cadre de l'instruction.
L'article 29 est adopté.
Cet article vise à simplifier la procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire, à faciliter leur circulation sur le territoire national, à étendre les compétences des agents de police judiciaire, à revenir sur l'exigence d'une autorisation du procureur pour certaines réquisitions et à supprimer une obligation de prestation de serment.
Alors que, dans le droit en vigueur, la réalisation d'actes d'enquêtes sur l'ensemble du territoire national nécessite une autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, le présent article prévoit de se contenter d'une simple information. Cette disposition est symptomatique du projet de loi, puisqu'elle vise à restreindre le rôle de l'autorité judiciaire, au motif de simplifier l'enquête, alors qu'actuellement, la demande d'autorisation implique que l'officier de police judiciaire rende compte de l'avancée de l'enquête auprès du magistrat.
Par ailleurs, comme l'observe le Syndicat de la magistrature, l'article 18 du code de procédure pénale impose qu'un officier de police judiciaire territorialement compétent soit présent lors des opérations réalisées par les enquêteurs hors de leur ressort, afin de parer à toute situation imprévue. Or le projet de loi rend cette exigence facultative, à la discrétion du magistrat.
Cette remise en cause manifeste de la possibilité de contrôler et de surveiller la police judiciaire nous semble un recul disproportionné et inutile. C'est pour cette raison que nous demandons la suppression de l'article.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 590 .
Dans le souci d'économiser notre énergie, chers collègues, je vous propose de considérer que cet autre amendement de suppression est défendu.
Avis défavorable. Nous avons souhaité introduire dans cet article certaines mesures de simplification demandées par l'ensemble des praticiens.
Il s'agit d'une part de simplifier l'actuelle procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire et d'assermentation des agents de surveillance de la voie publique, afin d'éviter l'exigence très lourde et injustifiée de les renouveler à chaque changement d'affectation.
D'autre part, le projet de loi maintient certains éléments de nature à répondre aux inquiétudes sur un éventuel recul du pouvoir de contrôle de l'autorité judiciaire : pouvoir donné au procureur général de suspendre ou de retirer l'habilitation de l'officier de police judiciaire – qu'il est de surcroît obligé d'évaluer périodiquement – , pouvoir de surveillance et de contrôle des OPJ par la chambre de l'instruction, compétence de l'inspection générale de la justice, etc. Dès lors, je ne vois pas en quoi cet article marquerait un recul du rôle de direction de la police judiciaire par l'autorité judiciaire.
Cet amendement, qui vise à supprimer les alinéas 5 à 20, entend prévenir toute dégradation des droits des administrés ou atteintes à l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Le projet de loi prévoit que les officiers de police judiciaire n'aient plus à renouveler leur habilitation et leur serment en cas de changement d'affectation. Cette mesure, que vous défendez au nom de la simplification et du bon sens, madame la garde des sceaux, n'est pourtant pas sans conséquences : ajoutée à d'autres dispositions, comme la possibilité de créer des officiers de police judiciaire « volants », assistés d'un OPJ territorialement compétent, si le magistrat le décide, elle tend en effet à distendre le lien organique existant entre les OPJ et leur juridiction, tout en resserrant celui établi avec le ministère de la justice et celui de l'intérieur.
De plus, pour les crimes et délits flagrants, et dans le cadre de l'enquête préliminaire, vous prévoyez de donner à des agents de police judiciaire la possibilité d'effectuer, sous le contrôle des OPJ, des actes normalement assurés par ces derniers. Ainsi, à l'instar d'autres textes comme la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ou la loi Asile et immigration, le projet tend à confier à des agents moins formés que les OPJ et disposant de garanties statutaires inférieure la charge d'effectuer certaines tâches.
Parmi les dispositions de l'article sur lesquelles nous souhaitons revenir figure également la possibilité donnée aux OPJ de requérir des informations sur une enquête sans en demander l'autorisation au procureur de la République dès lors que la demande est faite auprès d'un organisme public ou que son exécution donne lieu à des frais de justice d'un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire. Une telle dérogation, qui signifie que l'OPJ pourra accéder à des informations potentiellement sensibles, sans aucune autorisation ni contrôle effectif d'un magistrat, représente une dégradation des droits des administrés.
Ces différentes mesures suivent une logique que nous jugeons inacceptable car elle tend à réduire l'indépendance de la justice et à dégrader les conditions de son exercice.
L'amendement no 740 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 30 est adopté.
Nous vivons un contexte particulier, qui nous oblige à trouver les moyens de lutter contre le terrorisme sans porter atteinte aux libertés publiques. Entre ces deux exigences, il est délicat de trouver un équilibre. Cela étant, l'article 31 pose un problème assez sérieux en rendant facultative la présentation devant le procureur de la République ou le juge d'instruction d'une personne dont la garde à vue est prolongée au-delà de vingt-quatre heures. Une telle disposition porte en effet une atteinte manifeste aux droits de la personne concernée.
Avis défavorable. Cet article important a fait couler beaucoup d'encre, le régime de prolongation de la garde à vue apparaissant à juste titre aux yeux de nos concitoyens comme un élément majeur.
Comme vous le savez, en l'état actuel du droit, le procureur doit se faire présenter la personne concernée avant d'autoriser la prolongation de la garde à vue. Mais en réalité, dans la plupart des cas, cette prolongation se fait par écrit et sans présentation, selon une procédure dérogatoire supposée exceptionnelle. L'article 31 ne vise donc qu'à faire coller la réalité aux faits. Il prévoit que l'autorisation, par principe, est donnée par écrit, sauf si le procureur de la République en décide autrement – et il le fera dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Ce renversement du principe, peu respecté à l'heure actuelle, selon lequel la prolongation de la garde à vue suppose une présentation au procureur, n'entraîne donc aucune réduction des droits.
Il s'agit donc d'une simplification, de nature à renforcer l'efficacité du système judiciaire et qui, je le répète, n'entraînera aucun recul des droits : quelles que soient les circonstances, le procureur aura toujours la possibilité de se faire présenter la personne s'il le juge nécessaire. La commission est donc défavorable à cet amendement, mais j'espère que vous comprendrez le sens de cet avis.
La disposition proposée, qui correspond à la pratique, ne nous semble pas porter atteinte aux garanties offertes en matière de garde à vue, et ce pour deux raisons. D'une part, la personne gardée à vue a évidemment le droit de présenter ses observations au magistrat – ce qui, en pratique, est loin d'être une fiction. D'autre part, le magistrat a l'obligation de justifier la prolongation.
Compte tenu des garanties ainsi apportées et de la conformité de la disposition aux exigences constitutionnelles, j'émets un avis défavorable.
Je comprends votre volonté d'accélérer et de faciliter les procédures. Cependant, cet article concerne la deuxième prolongation d'une garde à vue.
Dans tous les cas, il nous semble utile que la présentation de la personne gardée à vue au procureur de la République soit garantie.
L'amendement no 852 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 791 .
L'article 31 vise à rendre facultative la présentation de la personne gardée à vue au procureur de la République ou au juge d'instruction pour la première prolongation de la garde à vue.
Le rapporteur justifie cette mesure en arguant de ce que le gardé à vue conserve la possibilité de faire des observations – c'est une fiction totale dans l'hypothèse la plus courante, celle dans laquelle celui-ci n'est pas assisté d'un avocat.
Le caractère facultatif de la présentation est préjudiciable pour le gardé à vue qui doit pouvoir présenter des observations à un magistrat dans les premières vingt-quatre heures où il est enfermé et vulnérable. Il convient donc de maintenir la rédaction actuelle du code de procédure pénale et l'obligation de présentation de la personne concernée pour la première prolongation de la garde à vue.
Il y va de l'humanisation de la justice.
Je ne reprends pas les explications précédentes. Toutefois, je rappelle que la personne gradée à vue peut toujours demander à être présentée au procureur de la République. Il n'y a pas de changement en la matière.
On peut s'amuser à parler de manière théorique ou virtuelle, mais dans la réalité, votre argument repose sur l'hypothèse extravagante selon laquelle le gardé à vue est parfaitement au fait de ses droits. Si de surcroît il n'est pas assisté d'un conseil, comment voulez-vous qu'il sache qu'il peut demander à être présenté à un juge ?
On sait que, dans la réalité, les gardés en vue sont dans une position de vulnérabilité et de fragilité. Je rappelle en outre un principe fondamental de notre système judiciaire : le gardé à vue peut être présumé coupable mais il n'est pas coupable.
Je le rappelle, le gardé à vue bénéficie de garanties : ainsi, ses droits lui sont notifiés. Et même si la personne concernée n'a pas été assistée par un avocat lors de sa garde à vue, elle le sera au moment de sa présentation devant un tribunal ou un juge. Cet avocat aura accès à la procédure et pourra vérifier que la notification a bien été effectuée, dans une langue que son client comprend, etc.
Je rejoins les propos du rapporteur : aujourd'hui, la présentation au procureur est très rare. N'oublions pas qu'une personne peut être placée en garde à vue dans une brigade de gendarmerie ou dans un commissariat très éloigné du tribunal de grande instance où se trouve le procureur de la République. L'éloignement empêche la présentation dans de nombreux cas. Il faut garder raison.
L'avocat est très souvent présent lors de la garde à vue, à la demande du gardé à vue ou au titre de la commission d'office – je tiens à saluer l'excellent travail effectué dans ce cadre par les avocats sur l'ensemble de notre territoire. Les droits du gardé à vue sont parfaitement garantis, soit au cours de la garde à vue, soit a posteriori, puisque le juge auquel il sera déféré devra s'assurer de la régularité de la procédure.
L'amendement no 791 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 480 .
L'amendement no 480 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 679 .
Si. Le projet de loi prévoit l'information obligatoire du tuteur, du curateur ou du mandataire spécial en cas de garde à vue d'une personne protégée, afin de satisfaire l'exigence posée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 14 septembre 2018.
Au vu des motifs de cette décision, il est probable que cette exigence s'applique également en cas d'audition libre. Plutôt que d'attendre une nouvelle décision du Conseil constitutionnel, nous préférons inscrire dans la loi l'obligation d'information en cas d'audition libre.
Je ne saurais m'opposer à une disposition qui devance une éventuelle décision du Conseil constitutionnel.
L'amendement no 679 est adopté.
L'article 31, amendé, est adopté.
Je suis saisie de trois amendements identiques de suppression, nos 481, 637 et 744.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 481 .
L'amendement vise à supprimer l'article 32 qui consacre notamment la prolongation de l'enquête de flagrance pour tous les délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement contre cinq actuellement ou l'extension du champ des perquisitions sans le consentement de la personne visée lors d'une enquête préliminaire pour des délits punis de trois ans contre cinq aujourd'hui.
Le Gouvernement a supprimé les dispositions adoptées par le Sénat qui garantissaient la présence d'un avocat lors d'une perquisition réalisée dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance.
Le caractère exceptionnel des pouvoirs confiés aux enquêteurs en cas de crime ou délit flagrant est justifié par la nécessité de veiller « à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité », conformément à l'article 64 du code de procédure pénale. Il n'y a aucune raison de transposer ces pouvoirs dans un autre cadre juridique.
L'amendement vise à supprimer l'article 32 qui, à l'instar des articles 28 et 29, nous semble particulièrement attentatoire aux libertés fondamentales.
Nous souhaitons prévenir la banalisation des mesures dérogatoires telles que celles contenues dans cet article : extension du champ et de la durée des enquêtes de flagrance, perquisition sans assentiment, possibilité de pénétrer dans un domicile de jour dans le cadre d'une enquête préliminaire.
Outre qu'elles ne sont pas justifiées dans l'étude d'impact, ces mesures illustrent le choix sécuritaire et liberticide que le Gouvernement opère systématiquement. Nous sommes opposées à cet article comme à de nombreux autres qui ne permettront pas d'améliorer le travail des enquêteurs mais contribueront encore un peu plus à restreindre les libertés.
Avis également défavorable. Le Gouvernement a cherché à adapter les dispositions à l'exigence d'efficacité des enquêtes.
Le seuil de trois ans d'emprisonnement au lieu de cinq pour les crimes ou délits auxquels peut s'appliquer la prolongation de huit jours de l'enquête de flagrance ou l'autorisation d'une perquisition sans l'assentiment de la personne concernée, atteste de la gravité certaine de l'infraction et présente un intérêt opérationnel. Plusieurs événements peuvent entrer sous ce chef, par exemple les faits de soustraction d'un mineur.
Le fait de porter de huit à seize jours la durée de l'enquête de flagrance en matière de délinquance et de criminalité organisées, sans qu'il soit nécessaire d'en demander l'autorisation au procureur de la République, se justifie par l'urgence à poursuivre certains actes d'investigation, donc à disposer de pouvoirs de contrainte lors d'événements d'une particulière gravité.
Contrairement à ce qu'affirment les exposés sommaires des amendements de suppression, nous avons veillé à ne pas porter une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales : ainsi, la perquisition est autorisée par un juge aux fonctions spécialisées, le juge des libertés et de la détention ; le projet de loi renforce le contrôle opéré par le procureur en l'obligeant à rendre une décision écrite et motivée pour prolonger la flagrance ; enfin, il est reconnu aux personnes qui ne sont pas poursuivies le droit de contester la régularité d'une perquisition.
Le projet de loi comporte à la fois des avancées en matière d'efficacité et des garanties en matière de libertés.
L'article 32 modifie le code de procédure pénale afin d'étendre le pouvoir des enquêteurs et, notamment, les possibilités de perquisition. À l'instar du Sénat, nous souhaitons, dans un souci de préservation des libertés fondamentales, que la personne concernée par une perquisition puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 183 .
Il s'agit, là encore, d'une disposition importante. Néanmoins, la question de la place de l'avocat a suscité, comme d'autres, des débats à l'extérieur de notre hémicycle, on doit le reconnaître.
De quoi parle-t-on ? De perquisitions menées de manière préliminaire, hors cas de flagrance. Faut-il un avocat ? Il en faudrait un s'il s'agissait de mesures attentatoires à la liberté de la personne. Or une perquisition, quelle qu'elle soit, constitue une atteinte non pas aux libertés, mais au droit de propriété, ce qui est tout à fait différent. La personne chez qui la perquisition a lieu est parfaitement libre de ses mouvements ; elle peut appeler qui elle veut et faire intervenir un avocat si elle le souhaite. Elle n'est tenue en rien, si ce n'est par le fait que la perquisition se passe dans son domicile.
Il ne paraît pas judicieux de rendre obligatoire la présence de l'avocat en l'espèce, pour deux raisons : la raison de droit que je viens d'exposer et une raison d'opportunité. En effet, cela supposerait que les policiers préviennent un avocat et attendent son arrivée, alors que nous avons veillé, dans ce projet de loi, à assouplir les contraintes qui s'appliquent à eux. Cela irait tout à fait à l'encontre des nécessités de l'enquête, qui impose parfois de la rapidité.
Tous ces éléments – absence de violation des droits ; pleine liberté des personnes chez qui la perquisition a lieu ; absence d'obligation particulière ; souci de l'efficacité de l'enquête – concourent à ce que nous ne retenions pas votre amendement, monsieur Letchimy.
Votre avis est-il le même sur l'amendement no 183 , monsieur le rapporteur ?
Identique à celui du rapporteur.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 257 .
L'amendement no 257 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à prévoir la présence d'un avocat ou d'une avocate lors de la perquisition, que celle-ci soit effectuée avec ou sans l'assentiment de la personne perquisitionnée.
Si le code de procédure pénale n'interdit pas l'assistance d'un avocat ou d'une avocate pendant une perquisition pénale, il ne la prévoit pas non plus, alors que tel est bien le cas pour les visites domiciliaires. Il s'agit de mettre fin à cette absence de statut et aux incertitudes qui en résultent, notamment au regard de la législation européenne.
Du point de vue pratique, afin de ne pas retarder l'action des forces de police et de gendarmerie, comme vous venez de l'évoquer, monsieur le rapporteur, des conventions locales devront être établies avec chaque bâtonnier afin de permettre la présence d'un avocat dès le début de chaque perquisition. L'objectif est que, avant toute perquisition, avec ou sans consentement, les services mandatés pour une perquisition adressent une demande au service de l'accès au droit, lequel désignera, au nom du bâtonnier, les avocats inscrits à l'aide juridictionnelle qui devront suivre la perquisition sans assentiment ou la perquisition avec assentiment dans le cas où la personne qui a consenti à la perquisition n'a pas choisi son propre avocat.
Cette mesure nous semble nécessaire car il est régulièrement vérifié, dans la pratique, que les personnes faisant l'objet de ce type de procédure n'ont pas toujours connaissance de leurs droits. Leur capacité à contester des pratiques qui pourraient être jugées problématiques s'en trouve amoindrie, alors même qu'ils pourraient avoir accès à un avocat. Il nous semble donc que la présence de l'avocat doit être explicitement prévue. D'où notre proposition.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 258 .
Notre proposition est très en deçà de celle de La France insoumise. Puisque l'on ouvre largement la possibilité d'une perquisition sans assentiment de la personne perquisitionnée, il nous paraîtrait important que celle-ci soit informée, d'une manière ou d'une autre, dans le cadre d'une procédure aussi allégée que possible – pourquoi pas une procédure orale – , qu'elle a la possibilité d'appeler un avocat. Voilà tout ce que nous proposons. Nous vous avons déjà fait cette proposition et vous nous avez déjà dit non ; je m'en tiens donc là.
Même avis, pour les raisons exposées précédemment par M. le rapporteur. D'abord, une personne perquisitionnée peut tout à fait appeler son avocat si elle le souhaite.
Si elle est placée en garde en vue au moment de la perquisition, ses droits, notamment celui de solliciter un avocat, lui ont été notifiés. Donc, elle sait qu'elle peut le faire. Si elle n'est pas placée en garde en vue, rien ne lui interdit de faire appel à un avocat, comme vous en convenez vous-même. Nous divergeons sur la nécessité que cela soit inscrit dans le texte. Il me semble que ce droit est suffisamment connu – même si je ne dirais pas qu'il l'est de tout le monde, parce que je suis réaliste.
Pour en revenir à la question des garanties, soulevée lors de la présentation d'amendements précédents, je rappelle que l'intervention d'un avocat est prévue lorsque la perquisition donne lieu, compte tenu des documents ou objets saisis, à l'ouverture d'une information. À cette étape de la procédure, les choses deviennent différentes.
Bref, j'émets un avis défavorable aux deux amendements.
En réaction à l'intervention de Mme la garde des sceaux, je rappelle à nouveau que, dans la pratique – lorsque nous discutons et tentons d'améliorer la loi, nous nous appuyons sur des expériences réelles et très concrètes – , les personnes concernées ne savent pas qu'elles peuvent faire appel à un avocat. En effet, tout le monde n'est pas juriste ou avocat ; les intéressés ne sont pas toujours à même de connaître l'ensemble de leurs droits et n'ont pas toujours les moyens d'accéder à un avocat.
Il y a, en outre, la question du déroulement de la procédure. De notre point de vue, dans la mesure où un certain nombre de choses peuvent être constatées à cette occasion, la présence de l'avocat doit être plus systématique. Nous proposons donc de rendre explicite, dans la loi, la possibilité d'en solliciter un. À défaut, les personnes concernées bénéficieront d'une assistance moindre, et la capacité de la défense à exercer ses droits sera elle aussi moindre. Pour nous, si cette possibilité était explicite, si l'assistance juridique était ainsi mieux garantie, les choses seraient plus claires, et cela améliorerait aussi le cadre de l'enquête, car cela apaiserait certaines situations qui peuvent se produire au moment des perquisitions.
Si l'on s'en tient aux principes, tout va bien, mais il faut des garde-fous, qui plus est dans un contexte où vous étendez certains pouvoirs d'investigation du parquet et de l'exécutif, d'une manière que nous jugeons particulièrement intrusive et attentatoire aux droits. Tel est le sens de notre proposition.
L'article 32 est adopté.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 184 , tendant à supprimer l'article 32 bis.
Il a été déposé par Pierre Cordier et plusieurs d'entre nous.
La mise en place de la procédure pénale numérique nous laisse assez dubitatifs. Il nous semble que tous les moyens nécessaires, notamment opérationnels, ne sont pas réunis, et que toutes les garanties ne sont pas apportées. Une expérimentation est annoncée dans deux TGI, ceux d'Amiens et de Blois, à compter d'avril prochain. Des crédits ont été votés à cette fin dans le cadre du budget pour 2019. Il nous semblerait sage et sensé d'attendre le bon déroulement et l'évaluation de cette expérimentation avant de généraliser la procédure pénale numérique, ce que prévoit l'article 32 bis. Qui plus est, plusieurs alinéas de cet article nous posent particulièrement problème, notamment l'alinéa 5, qui porte sur la signature électronique, et les alinéas 16 à 18.
Nous pensons que la procédure pénale numérique, autrement dit la dématérialisation de la procédure, ne doit en rien affaiblir les droits. Compte tenu de ces nombreuses réticences et interrogations, mais aussi du fait que nous souhaiterions que l'expérimentation soit d'abord menée à bien, nous proposons tout simplement de supprimer l'article.
Ce n'est pas un scoop : la commission n'est pas de cet avis.
La numérisation des procédures pénales devient une absolue nécessité. Les services d'enquête sont confrontés à des difficultés réelles : ils rédigent des actes de procédure dans des conditions parfois très complexes. Il est impératif que nous leur donnions les moyens de procéder à une numérisation native. Cela aura un autre intérêt : la procédure pénale pourra suivre l'ensemble de la chaîne judiciaire, le cas échéant jusque devant les juridictions de jugement.
Cette évolution est défendue et financée par le Gouvernement. Comme vous le savez, ma chère collègue, 500 millions d'euros sont destinés à favoriser la numérisation des procédures dans le budget pour 2019. C'est une somme colossale, qui n'avait jamais été envisagée auparavant.
Je me suis rendu récemment encore dans une juridiction, aux côtés de Mme la ministre. Nous avons constaté à quel point cette mesure était importante. Elle est attendue non seulement par les services de police, mais aussi par les magistrats. Elle n'est absolument pas attentatoire aux droits de la défense, les avocats étant d'ailleurs, en matière de numérisation, en avance par rapport au reste du monde judiciaire.
Il n'y a donc pas de difficulté de fond à s'engager dans cette direction, naturelle. Lorsqu'elle sera effective, la numérisation donnera beaucoup de souplesse à la procédure.
Il y a ensuite une deuxième question, celle de l'oralisation des procédures. Celle-ci ne se fera qu'à titre expérimental et portera strictement sur une phase très précise : la notification des droits initiaux. C'est une évolution normale, prévue par le texte. Il nous a semblé – c'est un amendement que j'avais moi-même déposé et que je continue à défendre en tant que rapporteur – qu'elle pouvait être opérée uniquement à ce stade. Pour être franc, nous avions pensé initialement à un champ plus large.
Cette mesure est très attendue par les services de police et de gendarmerie. Néanmoins, ceux-ci ne se rendent pas toujours compte qu'une oralisation excessive poserait des difficultés, car on transférerait alors la charge sur les juridictions, qui devraient vérifier le bon déroulement de la procédure à travers des enregistrements plus ou moins complets et faciles d'accès.
Nous verrons comment les choses fonctionnent à l'issue de l'expérimentation. En tout cas, les enregistrements doivent être faciles d'accès pour les avocats, ainsi que le prévoit un amendement ultérieur. Il est hors de question que les avocats ne puissent pas immédiatement et très facilement constater la manière dont les droits ont été notifiés à leur client.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission donne un avis défavorable sur votre amendement, même si j'ai bien compris vos explications.
Même avis. Sans reprendre la démonstration faite par M. le rapporteur, je tiens à répéter ici à quel point la procédure pénale numérique native est un enjeu majeur. Elle est attendue par tous les professionnels du droit, y compris les avocats. Premièrement, elle nous permettra de sécuriser la transmission des documents, grâce à la signature numérique, qui devrait être au point d'ici à quelques mois, voire quelques semaines. Deuxièmement, elle nous permettra d'accorder des droits d'accès différenciés, selon le statut de la partie au procès ou du professionnel du droit concerné. Enfin, elle facilitera considérablement le stockage et l'archivage des dossiers. Il n'y a donc que des avantages à cette numérisation.
Néanmoins, comme vous le savez – je me suis déjà exprimée devant vous à ce sujet – , la procédure pénale numérique est très complexe à mettre en oeuvre. C'est pourquoi une équipe dédiée comprenant des agents des ministères de l'intérieur et de la justice, pilotée par un préfet et un magistrat, travaille sur ce projet.
Nous construirons cette procédure brique par brique. Les premières sont sur le point d'être expérimentées durant l'année 2019 dans deux ressorts, Amiens et Blois ou Angers. La procédure est donc tout à fait à l'oeuvre. Elle se bâtira progressivement avec une livraison finale qui interviendra sans doute en 2021.
L'amendement no 184 n'est pas adopté.
L'amendement no 855 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 499 .
En première lecture, la commission des lois de notre assemblée est revenue sur les dispositions adoptées au Sénat prévoyant d'expérimenter l'oralisation dans la répression de certaines infractions routières. Consciente des faiblesses du dispositif, la majorité propose désormais à cet article la dématérialisation des procédures pénales, conformément aux propositions formulées dans le cadre d'un des cinq chantiers de réforme de la justice.
Si – nous l'admettons – ces mesures peuvent faire sens, le texte consacre par ailleurs l'expérimentation de l'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités relatives à la notification des droits des personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue.
Nous considérons que la dématérialisation ne doit pas servir de prétexte à un amenuisement des droits. C'est pourquoi nous demandons la suppression d'une partie de l'alinéa 17, afin que seule reste la possibilité de consulter l'enregistrement en cas de contestation.
Les auteurs de l'amendement souhaitent en effet que l'expérimentation ne dispense pas les enquêteurs de dresser un procès-verbal, tant celui-ci est indispensable au bon déroulement d'une enquête.
L'amendement no 499 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux ont souligné que l'expérimentation de l'oralisation des procédures – particulièrement de la notification aux personnes entendues, arrêtées ou gardées à vue de leurs droits – est un élément essentiel en ce qui concerne les formalités imposées aux enquêteurs par le code de procédure pénale. Le dossier numérique dispensera ces enquêteurs du constat par procès-verbal, tel que prévu par le code de procédure pénale, du bon respect de ces formalités.
Or le texte indique que la consultation des enregistrements est non de droit – c'est précisément ce point qui me dérange, – mais qu'elle est soumise à une décision de l'autorité judiciaire, sans préciser quelle sera l'autorité compétente.
L'amendement tend à rendre ces enregistrements consultables sur simple demande, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir la décision d'une autorité judiciaire que nous ne connaissons pas encore.
Nous sommes, comme vous le soulignez, dans le cadre de l'expérimentation. Néanmoins, il est nécessaire que celle-ci se déroule dans les conditions les plus satisfaisantes. Le texte initial mentionnait une décision de l'autorité judiciaire, terme générique permettant de considérer qu'il n'y a aucune difficulté d'accès auxdits enregistrements.
Cependant, pour assurer la fluidité du système, à laquelle nous sommes attachés, nul ne doit imaginer qu'il puisse y avoir le moindre doute concernant l'oralisation de la notification aux personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue de leurs droits, ni pour l'accès des intéressés aux enregistrements ni pour le contrôle de la notification opéré par les avocats.
En résumé, monsieur Letchimy, je suis très favorable à l'amendement. Votre proposition assouplira la procédure et lèvera tous les doutes sur les conditions d'accès aux enregistrements. Je vous remercie donc de votre proposition.
L'amendement prévoit qu'en cas de contestation de la notification des droits ayant fait l'objet d'un enregistrement – et non d'un procès-verbal – , l'enregistrement de ces formalités pourra être consulté sur simple demande plutôt que sur décision de l'autorité judiciaire, comme le prévoyait le projet initial. Il tend donc à simplifier le dispositif et à renforcer les droits de la défense.
L'oralisation de la procédure, qui, je le rappelle, ne relève que de l'expérimentation, ne doit cependant pas constituer une charge supplémentaire pour les enquêteurs, puisque l'expérimentation vise globalement à simplifier le travail de la police et de la gendarmerie. Dès lors, en cas de contestation de la procédure, cette consultation devra en pratique être demandée auprès de l'autorité judiciaire et ne pourra intervenir que dans les locaux de la juridiction, non dans ceux des services d'enquête. Cela étant précisé, j'émets un avis favorable à l'amendement.
Je remercie M. Letchimy d'avoir déposé cet amendement, qui me semble de bon aloi. J'en appelle au parallélisme des formes. Aujourd'hui, quelqu'un qui veut accéder au procès-verbal se voit remettre soit le document écrit soit sa copie, où figure la notification des droits. Il serait dommage que le passage au numérique se solde par l'impossibilité d'accéder au dossier en cas de contestation.
Je suivrai l'expérimentation avec beaucoup d'attention, car il y existe un débat pour savoir si elle induira un transfert de charge vers l'autorité judiciaire. Pour l'heure, son périmètre est restreint, puisqu'il se limite à la notification des droits – même si celle-ci joue un rôle très important. Étendre l'expérimentation à d'autres champs ou à l'ensemble de la procédure me semblerait cavalier. Ce serait du moins, pour reprendre la formule du rapporteur, un report de travail vers l'autorité judiciaire, notamment en cas de contestation.
J'ajoute que, si l'amendement est voté, le groupe La France insoumise soutiendra l'article 32 bis. Vous l'aurez compris, nous ne sommes pas opposés à la numérisation en soi. Nous y sommes même favorables quand elle va dans le bon sens et qu'elle est utile. Je me demande d'ailleurs pourquoi, en 2019, elle est si peu développée par ces services, alors qu'elle l'est dans nombre d'administrations.
L'article ainsi amendé va dans le bon sens. J'espère que le logiciel dont l'arrivée est prévue pour 2022 intégrera toutes les dimensions suffisantes pour qu'il soit opérationnel. J'appelle votre attention, madame la garde des sceaux, sur le fait qu'il faudra vérifier plusieurs briques. Je suis corapporteur d'une mission d'évaluation de la lutte contre la délinquance financière, ce qui me permet d'obtenir nombre d'informations. Il serait bon qu'il existe un suivi des saisies et confiscations opérées pendant l'ensemble de toute procédure. On pourrait établir des statistiques si l'on connaissait les scellés ou les biens immeubles saisis puis confisqués dans ce cadre.
Si la procédure est bien ficelée et bien menée, nous disposerons d'un bel outil pour suivre les procédures dans leur intégralité, tant du côté du ministère de l'intérieur que de celui de justice. Actuellement, il est rare que leurs chiffres concordent.
L'amendement no 856 est adopté.
L'article 32 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 500 rectifié .
L'article 33 prévoit la possibilité de dépayser une enquête devant la cour d'appel la plus proche quand elle a trait à une personne en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la cour d'appel.
Il s'agit de prévenir toute suspicion de corruption ou de favoritisme. Si ce dispositif existe déjà au premier degré de juridiction, il doit utilement être étendu au niveau de l'appel. Il est en effet tout à fait possible que l'auteur ou la victime de l'infraction poursuivie n'ait aucune relation avec un magistrat ou un fonctionnaire de la juridiction de première instance, mais qu'il en aille différemment avec les personnes travaillant à la cour d'appel saisie de son affaire.
L'amendement prévoit, en outre, afin d'éviter tout risque d'arbitraire, que le recours à cette disposition ne puisse se faire que par décision écrite et motivée au regard de l'exigence d'impartialité et de bonne administration de la justice.
Ce point est rendu d'autant plus nécessaire par l'extension du dispositif prévue par le projet de loi. En effet, si en l'état du droit, les transmissions sont opérées par le procureur général entre deux procureurs de son ressort, sur lesquels il exerce une autorité et entre lesquels il est en mesure de prononcer un arbitrage, la disposition nouvelle prévoit une transmission entre autorités égales et indépendantes l'une de l'autre sans possibilité d'arbitrage, donc sans solution formalisée en cas de désaccord. L'absence de critère et de motivation de la transmission est de nature à créer des difficultés dans l'application concrète de cette disposition.
Monsieur le député, l'exigence que vous posez apporte une complication inutile. Je rappelle que le dépaysement au profit d'une autre cour d'appel sera possible uniquement si une personne en cause dans la procédure, soit comme suspect, soit comme victime, fait partie de la cour d'appel ou est en lien avec ses membres.
Le texte complète simplement les règles actuellement prévues lorsque la personne fait partie du tribunal de grande instance ou qu'elle est en relation avec ses membres et qu'il faut dépayser dans un autre tribunal situé dans le ressort de la même cour. Le but est d'éviter que l'enquête et la décision de poursuite ou de classement qui suivra ne se fassent sous le contrôle d'un procureur général pouvant être soupçonné de partialité parce qu'il connaît la personne en cause, qui est un collègue, un avocat ou un enquêteur.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 500 rectifié n'est pas adopté.
L'article opère un transfert de ce qui relevait auparavant de la seule compétence des officiers de police judiciaire vers des agents de police judiciaire agissant sous le contrôle de l'officier de police judiciaire. La généralisation de ce mouvement m'inquiète. Jusqu'à présent, s'il existait différentes qualifications judiciaires, avec des rôles bien différents, c'est parce que chacun recevait une formation spécifique offrant des garanties, notamment pour les droits de la défense, en termes de procédure et d'autorité judiciaire. Dans bien des domaines, nous reculons et nous renonçons à ces garanties.
Compte tenu de la crise qui existe au sein de la police nationale concernant la vocation d'officier de police judiciaire, nous sommes obligés, au lieu d'augmenter leur nombre, de confier des missions à des agents de police judiciaire sous contrôle d'un OPJ. Il faut vraiment mener une réflexion complète sur la formation initiale des policiers, afin que demain, tous puissent devenir officiers de police judiciaire. Dans certains pays, 100 % des agents publics sont OPJ. C'est d'ailleurs le cas dans la gendarmerie nationale, où l'on ne rencontre pas les mêmes difficultés.
Encore une fois, face à un problème, il existe toujours plusieurs solutions. Je ne pense pas qu'il faille poursuivre dans la direction que vous avez retenue. Mieux vaudrait maintenir la garantie que les missions évoquées aux alinéas 3 à 14 resteront assurées directement par un OPJ – même si on sait que, dans la réalité, elles le sont souvent par un APJ et qu'à la fin, un OPJ signe le procès-verbal. On sait comment cela se passe sur le terrain, mais je ne souhaite pas que les exceptions constatées dans le monde réel finissent par être inscrites dans la loi.
Avis défavorable. Il s'agit une fois encore de mesures de simplification demandées par les professionnels.
Il ne s'agit pas uniquement de mesures de simplification, à moins que nous ne prétendiez qu'il n'y ait aucune différence entre un OPJ et un APJ. Entre les deux, n'est-ce pas, c'est kif-kif bourricot : chacun des deux reste un être humain qui dresse un acte ! À ce rythme-là, nous dirons bientôt qu'un OPJ est un peu comme un procureur : il fait des actes d'enquête. Dans tous les cas, c'est un peu la même chose…
Non, ce n'est pas la même chose : il existe des conditions de formation, des garanties, à moins de considérer que rien n'a d'utilité. Je vous prie instamment d'entendre ces arguments. Nous n'échapperons pas à une grande réflexion sur la formation des officiers de police judiciaire dans la police nationale. Certes, madame la garde des sceaux, ce sujet concerne avant tout le ministère de l'intérieur, mais les officiers de police judiciaire agissent sous le contrôle de l'autorité judiciaire, pour le compte des magistrats – procureurs ou juges d'instruction. Il y a là quelque chose qui devrait vous faire réfléchir, en tant que ministre de la justice. Ce qui est en jeu, c'est la possibilité offerte à l'autorité judiciaire d'avoir à ses côtés des agents formés a maxima. Voilà ce qu'il faudrait faire, plutôt que d'engager de prétendues simplifications qui, en réalité, n'en sont pas.
L'amendement no 746 n'est pas adopté.
L'article 33 est adopté.
L'article 33 bis est adopté.
Les alinéas 1er à 4 de cet article nous préoccupent à plusieurs égards. Ils permettent en effet au parquet de conduire des actes complémentaires pendant quarante-huit heures à compter du réquisitoire introductif d'information, afin d'assurer une meilleure transition entre les enquêtes placées sous l'autorité du parquet et les informations judiciaires conduites par les magistrats instructeurs. Cette procédure pourra s'appliquer aux crimes et aux délits punis d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement. Or – c'est ce qui nous inquiète – , il ne ressort pas de l'examen du projet de loi organique que l'extension des pouvoirs coercitifs du parquet s'accompagnera d'un renforcement de l'impartialité et de l'indépendance de ce dernier. Le transfert progressif de prérogatives relatives à l'enquête du juge d'instruction vers le procureur s'inscrit dans un mouvement de fond, illustré notamment par les évolutions législatives du droit de la procédure pénale, telle la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Le projet de loi ne soumet pas de façon pleine et entière l'enquête au contrôle effectif d'un juge, au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. Cette absence de contrôle effectif de l'enquête par un juge indépendant n'est pas sans poser des difficultés au regard du droit européen.
Les alinéas 5 à 10, quant à eux, durcissent considérablement – en créant de nouveaux obstacles – les conditions d'exercice de la plainte avec constitution de partie civile dans les dossiers correctionnels et restreignent les possibilités d'ouverture d'une information judiciaire. D'une part, le délai au terme duquel, en l'absence de réponse du procureur de la République, le plaignant pourra valablement saisir le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile est porté de trois à six mois. D'autre part, la possibilité est offerte au juge d'instruction de refuser l'ouverture d'une information lorsque celle-ci apparaît inutile et qu'une citation directe de la victime est possible.
Telles sont quelques-unes des raisons qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement identique no 747 .
Sous couvert de « simplification » – qui est votre maître-mot concernant le volet pénal du texte – , vous renforcez encore les pouvoirs du parquet en érigeant en normes de droit commun des mesures actuellement dérogatoires – je ne parle même pas ici de l'allongement du délai de trois à six mois pour se constituer partie civile, un des éléments qui justifient le rejet de l'article 34.
Je souscris à ce qu'a dit ma collègue Elsa Faucillon. On se demande à quoi servira le juge d'instruction, puisque le procureur de la République disposera de pouvoirs quasiment identiques aux siens, pour ne pas dire plus importants ; en effet, pendant l'enquête préliminaire – c'est le principe même de cette phase de la procédure – les démarches du procureur de la République ne peuvent pas être entravées par des actions de la défense. Or l'enquête préliminaire constitue déjà la norme, puisque seules 4 à 6 % des enquêtes donnent lieu à des informations judiciaires, et ce mouvement va continuer. Vous conférez énormément de responsabilités aux procureurs, alors même qu'ils sont trop peu nombreux et ont à leur disposition trop peu d'enquêteurs – je me réfère ici à la crise que connaissent les officiers de police judiciaire. Vous en venez à accorder des pouvoirs exorbitants à des personnes qui, elles-mêmes, du fait de la pression qu'elles subissent, de leur cadence de travail, ne sont pas toujours à même d'offrir les garanties attachées aux droits de la défense, et d'éviter des mesures par trop attentatoires aux libertés individuelles quand elles ne sont pas nécessaires. On voit qu'aujourd'hui, la perquisition est devenue la norme en matière d'investigation : il n'y a pas d'enquête s'il n'y a pas de perquisition. On a oublié qu'on pouvait aussi auditionner les gens, sans pour autant les perquisitionner. De même, la garde à vue est devenue l'alpha et l'oméga de l'enquête, alors qu'elle n'est pas non plus toujours nécessaire.
On retient souvent les personnes concernées pendant des délais excessifs. Je pourrais citer encore d'autres excès. Ces inquiétudes justifient notre amendement de suppression de l'article.
L'article 34 contient deux dispositions distinctes. La première concerne le « sas » entre l'enquête et l'instruction, c'est-à-dire la possibilité offerte aux officiers et agents de police judiciaire de poursuivre pendant un temps déterminé, durant la phase d'instruction, des investigations ordonnées durant l'enquête. Je vous rappelle qu'initialement, le texte prévoyait que ces actes pouvaient être poursuivis pendant une semaine complète ; à l'issue de nos débats, ce délai a été ramené à quarante-huit heures, ce qui montre l'attention que l'on a portée à ces dispositions. Si elles sont, par nature, dérogatoires, elles n'en demeurent pas moins nécessaires. Il serait inconcevable qu'une mesure d'écoute ordonnée pendant l'enquête soit interrompue brutalement, sans pouvoir être reprise immédiatement par le juge d'instruction. Quarante-huit heures, c'est un délai très court, mais qui doit permettre de confirmer ou non les résultats des premières investigations.
La deuxième disposition de cet article concerne la plainte avec constitution de partie civile, que vous avez évoquée, monsieur Bernalicis, même si, comme souvent, vous vous êtes un peu écarté de votre propos initial. Il est important que le juge d'instruction, au moment où il statue, en sa qualité de doyen, sur une plainte avec constitution de partie civile, soit informé du mieux possible des faits, de la qualification, de la réalité pénale des actes susceptibles de constituer des infractions. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement et la majorité parlementaire ont jugé nécessaire d'allonger le délai de réponse imparti au procureur de la République. Cependant, j'ai entendu les débats à ce sujet, et je précise que Stéphane Mazars, le groupe La République en marche et votre serviteur vous proposeront des amendements pour modifier cette partie de l'article. À ce stade, toutefois, l'avis est défavorable.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 819 .
L'amendement no 819 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vais céder la parole à mon collègue Stéphane Mazars, qui a déposé un amendement identique.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 845 .
Le projet de loi prévoit de porter de trois à six mois le délai au terme duquel une victime peut saisir le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile lorsque la plainte dont a été saisi le procureur ou les services d'enquête est restée sans effet. Il est apparu au cours des débats en première lecture, en commission comme en séance publique, ainsi qu'en nouvelle lecture en commission, qu'un tel allongement pouvait, dans certains cas, être excessif et limiter la possibilité offerte aux victimes de faire valoir leurs droits. Aussi proposons-nous, par ces amendements, de maintenir le délai de trois mois au terme duquel une victime peut saisir le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile et mettre en branle l'action publique, tout en offrant la faculté au procureur de la République de demander au juge d'instruction l'autorisation de disposer de trois mois supplémentaires pour continuer ses investigations dans le cadre d'une enquête préliminaire. Une telle solution me semble constituer un bon compromis.
Avis très favorable, car cet amendement me semble réaliser un parfait équilibre entre les propositions du Gouvernement et les observations des parlementaires. La possibilité qu'il offre me paraît extrêmement intéressante.
Il est certain que cette rédaction est préférable à celle du projet de loi, qui impose un délai incompressible de six mois. Néanmoins, j'aimerais avoir des exemples concrets de cas dans lesquels le procureur pourrait demander trois mois supplémentaires pour accomplir des mesures d'instruction dans le cadre de l'enquête préliminaire. Nous préférons tous, me semble-t-il, l'information judiciaire à l'enquête préliminaire, car elle est beaucoup moins attentatoire aux libertés individuelles et permet à la défense de jouer son rôle. L'égalité des armes au cours de la procédure n'est pas un principe superfétatoire. Je ne voudrais pas que le passage de trois à six mois soit un moyen de retarder l'examen des dossiers par les juges d'instruction, qui sont souvent surchargés ; l'allongement du délai doit répondre aux besoins opérationnels de l'enquête.
L'adoption de ces amendements identiques ferait tomber, me semble-t-il, les amendements suivants.
C'est pourquoi, tout en remerciant nos collègues de l'avancée qu'ils représentent, je tiens à rappeler qu'ils résultent directement des observations que nous n'avons cessé de faire, en particulier en commission des lois. Il est donc légitime que nous puissions nous exprimer à ce sujet.
Il me semble que nous aurions pu aller plus loin dans la définition de ce compromis et revenir au délai de trois mois actuellement applicable. Nous devons en effet respecter une exigence d'efficacité. Vous dites que la réforme est guidée par des objectifs d'efficacité et de simplification, mais vous complexifiez les choses en introduisant deux dispositifs assez illisibles et assez peu transparents pour la victime. Nous regrettons que notre proposition initiale n'ait pas été retenue. Nous vous la proposons à nouveau, car nous estimons que votre dispositif est en contradiction avec la philosophie du projet de loi. En effet, l'allongement du délai à six mois retarde l'action publique, restreint les droits de la victime et va à l'encontre de l'objectif d'efficacité. Vous complexifiez les choses en introduisant un dispositif compréhensible par les seuls initiés. Les prérogatives liées à l'enquête ayant été renforcées, le travail peut être réalisé dans les trois mois. Lutter contre les abus, en matière de constitution de partie civile, ne peut se faire au détriment des droits des victimes. Nous saluons cette avancée et voterons ces amendements, puisqu'il ne nous est pas fait de proposition plus séduisante, mais nous considérons qu'ils ne satisfont pas le principe de cohérence, n'assurent pas le respect des victimes et ne permettent pas d'atteindre les objectifs d'efficacité et de rapidité, qui figuraient pourtant parmi les préoccupations majeures du candidat Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Comme ma collègue Untermaier, je voudrais saluer l'avancée que constituent ces amendements identiques de notre collègue Stéphane Mazars et du rapporteur.
J'ai maintenu mon amendement, car, en relisant à froid les débats de première lecture, j'ai considéré que la réponse que vous m'aviez faite, madame la ministre, ne correspondait pas au cas de figure que je visais. Lorsque la victime dépose plainte, l'intérêt du parquet est que l'enquête soit diligentée et de manière efficace. Cependant, le dépôt de plainte avec constitution de partie civile correspond, dans notre droit, notre procédure et notre ordonnancement, à la contrepartie du principe de l'opportunité des poursuites. La possibilité pour une victime de déposer plainte avec constitution de partie civile a pour objet de lutter contre l'éventuelle inertie du procureur de la République, qui peut d'ailleurs tenir à des considérations légitimes liées à des priorités de politique publique, mais qui peut s'opposer aux intérêts particuliers de la victime ; dans certains cas encore, le procureur peut estimer que l'infraction n'est pas constituée, mais pas la victime. Cette opportunité de classement doit trouver une contrepartie, qui est le dépôt de plainte avec constitution de partie civile. Voilà pourquoi, il me semble que nous avions un dialogue de sourdes, madame la ministre !
Mon amendement vise des cas très légitimes – et non des cas plus politiques liés à la carrière des magistrats du parquet – où le parquet résisterait un peu dans le cadre de l'enquête qu'il effectue. Dans de telles situations, l'allongement du délai me semblait préjudiciable aux droits de la victime.
Nous parvenons à un compromis, même si j'aurais préféré que nous conservions le délai de trois mois, sans possibilité pour le procureur de demander au juge d'instruction de le prolonger de trois mois supplémentaires. Ces amendements sont déjà une avancée, et j'en remercie mes collègues et le Gouvernement.
Nous discutons par anticipation des amendements que vous avez déposés, ce qui est normal puisqu'ils portent sur le même sujet. Il est bien clair dans l'esprit de tous que nous revenons à l'état actuel du droit, qui fixe à trois mois le délai à partir duquel il est possible de déposer plainte avec constitution de partie civile après une plainte initiale du parquet. Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus.
Mais, dans certains cas, les enquêtes ne peuvent pas se réaliser en quelques semaines, même avec la meilleure volonté du monde de la part des procureurs. En outre, le procureur peut avoir lancé des investigations nécessitant une poursuite d'investigation – une audition, une expertise, que sais-je ? – , sans que je puisse dire aujourd'hui quelle est la proportion de ces cas. Nous avons raison de parler de célérité et d'efficacité de la justice, mais il faut aussi parler de sa qualité.
Chère collègue Laurence Vichnievsky, vous avez été magistrate, comme moi. Je parle rarement de mon passé, mais je me souviens, lorsque j'étais doyen des juges d'instruction, du nombre relativement élevé de plaintes avec constitution de partie civile dilatoires ou ne correspondant pas à une infraction pénale tangible. Notre proposition atteint un équilibre parfait entre, d'une part, la nécessité d'assurer les poursuites individuelles et de ne plus avoir à contourner le pouvoir d'opportunité du parquet, celui-ci disparaissant lors du dépôt de plainte avec constitution de partie civile, et, d'autre part, le fait que certaines plaintes méritent d'être regardées avec une attention particulière.
Il s'agit donc d'une vraie évolution, mue par notre désir de trouver un équilibre. Je comprends parfaitement qu'elle puisse ne pas donner satisfaction à ceux d'entre vous qui souhaitaient un retour pur et simple en arrière. Mais elle assurera à la justice la rapidité et la qualité auxquelles nous tenons. Voilà pourquoi nous sommes très heureux d'entendre que vous allez voter cet amendement.
L'article 34, amendé, est adopté.
Il concerne les scellés. Je crains que, sous couvert de simplification, l'on n'en vienne à réduire les droits de la défense à vérifier l'ouverture des scellés. J'ai déjà expliqué ce point en commission et en première lecture.
J'aimerais donner un exemple de scellés ayant visiblement déjà bénéficié d'une procédure simplifiée. Il paraîtrait – la majorité doit être parfaitement au courant – que des scellés contenant des armes traînent au siège du parti La République en marche. Y a-t-il une explication juridique et rationnelle au fait que des armes placées sous scellés soient toujours au siège de ce parti ? Est-ce une mesure de simplification anticipée ou est-ce une erreur de votre responsable national, qui se serait trompé sur l'endroit des scellés – peut-être a-t-il mal regardé ? Il pourrait être opportun d'avoir des explications.
Si je comprends bien, vous êtes défavorables au fait que des scellés traînent au siège de La République en marche !
Cela n'a rien à voir avec le sujet !
Moi aussi, j'y suis défavorable. Il me semblait qu'une procédure judiciaire avait été lancée et qu'il y avait une autorité judiciaire dans ce pays.
Si les scellés sont gérés de la sorte, il est urgent de ne pas simplifier la procédure de leur ouverture. Il serait préférable de mieux organiser cette procédure et de mieux suivre les scellés, en augmentant les contraintes sur l'autorité judiciaire, les services de police et les droits de la défense. Dans le cas que j'ai cité, les droits de la défense sont tellement respectés que la personne peut garder les scellés chez elle, ce qui est assez merveilleux.
L'amendement no 748 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 483 .
L'amendement no 483 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous souhaitons supprimer les alinéas 3 à 16, qui contiennent les dispositions problématiques de l'article 35. Le champ actuel du recours à l'assignation à résidence par surveillance électronique – ARSE – , ou bracelet électronique, qui s'inscrit dans un ensemble de dispositifs alternatifs à la détention provisoire, comme le contrôle judiciaire ou l'assignation à résidence simple, n'a pas à être modifié.
Cet article contient de nombreuses mesures, mais, pour rester sur l'ARSE, il importe de ne pas se passer de l'accord de la personne et d'éviter d'avoir des durées trop longues, qui suppriment les effets du dispositif et soulignent le manque de rapidité de l'instruction. Se passer du consentement de la personne n'est pas anodin et pose réellement problème. Dans une ambiance de plus en plus sécuritaire et technologique, des dispositifs électroniques fleurissent, alors que des mesures comme le contrôle judiciaire existent et fonctionnent. Il conviendrait de renforcer ces dernières plutôt que de tomber dans la facilité de la multiplication des bracelets électroniques pour se rassurer.
Voilà pourquoi cet amendement propose de supprimer les alinéas 3 à 16 de l'article.
Même avis. Monsieur Bernalicis, je ne comprends pas que vous nous proposiez la suppression de ces alinéas. J'avais cru comprendre que vous étiez attentifs à ce que nous ne multipliions pas les hypothèses de détention provisoire ; or les mesures de cet article sur l'ARSE tendent à éviter ces détentions, dans le respect des droits. Je ne comprends pas très bien la logique de votre raisonnement et émets un avis défavorable à votre amendement.
Il n'y a pas que l'ARSE dans la vie ! Le contrôle judiciaire existe et a fait ses preuves. Le problème est que l'on développe l'ARSE non à la place de la détention provisoire, mais au détriment du contrôle judiciaire. Voilà la réalité de l'extension de cette mesure. Vous pouvez me regarder et dire « bah oui ! », mais je ne suis pas favorable à ce que l'on mette des bracelets électroniques à tout-va et à tous crins, car ce n'est pas forcément utile ni nécessaire. J'imagine que des gens sont intéressés par cet élan sécuritaire électronique, mais il n'est pas opportun d'élargir les dispositions actuelles.
Je ne vous propose pas de supprimer l'ARSE, mais de ne pas en étendre le périmètre, car il n'y a pas que l'ARSE dans la vie, il y a aussi le contrôle judiciaire. Nous vous proposons d'étendre le placement sous surveillance électronique mobile – PSEM – pour les violences sexuelles et conjugales : comme vous le voyez, nous pouvons nous entendre sur l'extension d'une mesure, lorsqu'elle répond à un enjeu opérationnel et concret. Mais le périmètre actuel de l'ARSE est satisfaisant.
L'amendement no 749 n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 375 .
L'amendement no 375 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 134 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
En l'état actuel du droit, madame la ministre, il est possible de recourir à la visioconférence, y compris pour décider du maintien en détention provisoire, mais il est toujours possible à la personne détenue de la refuser. Voici ce que le code de procédure pénale prévoit dans ce cas : « Lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu'elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion ».
Dans le projet de loi, le Gouvernement entend supprimer cette condition de consentement en matière de maintien en détention provisoire, et nous proposons, dans cet amendement, de maintenir cette possibilité.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement no 625 .
Vous savez combien le groupe auquel j'appartiens est attaché à la relation directe et physique entre le justiciable et le juge. Pour cette raison, nous maintenons l'amendement que nous avions déposé en première lecture.
Madame la ministre, à mon évocation de l'habeas corpus, vous m'aviez répondu que le vôtre était la Constitution de 1958 et la Convention européenne des droits de l'homme. Celui auquel je faisais allusion était heureusement bien antérieur.
Au soutien du rejet de cet amendement, vous aviez également évoqué le principe de proportionnalité. En matière de droit d'asile, l'appréciation in concreto de la proportionnalité et de la nécessité de la mesure de visioconférence est entendue de manière assez souple. La Cour nationale du droit d'asile prévoit le basculement dans la visioconférence de l'ensemble des requérants demeurant dans le ressort d'une cour administrative d'appel, dans l'immédiat celles de Lyon et de Nancy. Je rappelle cela afin d'illustrer mon propos indiquant que cette réponse ne m'a pas convaincue.
Je sais bien que les règles observées par les États-Unis, le Royaume-Uni ou l'Allemagne ne nous contraignent pas, mais nous défendons un standard d'exigence très élevé en matière de liberté. C'est pourquoi nous insistons. Nous voudrions vous convaincre, madame la ministre, mais je crains de ne pas y parvenir !
Telles sont les dispositions que nous défendons, notamment en matière de prolongation de détention. C'est peut-être à ce moment-là qu'il est absolument nécessaire que l'intéressé comparaisse devant le juge ; je pense donc que son consentement est nécessaire. C'est pourquoi nous défendons l'amendement avec force et conviction.
Il faut reconnaître qu'il s'agit d'une disposition lourde du texte, qui a donné lieu à de nombreux débats. Je ne suis pas entièrement persuadé que nous puissions parvenir à un point d'accord, madame Vichnievsky. Nous avons beaucoup débattu et nos positions respectives, sans être figées, sont assez claires et difficilement évolutives.
Toutefois, depuis la version initiale du projet de loi, qui prévoyait de recourir à la visioconférence à toutes les étapes de la procédure d'incarcération, première comparution comprise, nous en sommes arrivés à ne plus l'envisager que pour la prolongation de détention, lorsque le dossier est déjà connu du juge d'instruction et plus généralement des autorités judiciaires. Cette évolution nous semble acceptable. Elle nous semble constituer un compromis cohérent ne portant préjudice ni aux droits de la défense, ni à ceux de la personne mise en examen, ni à nos règles habituelles de gestion des procédures.
Je comprends parfaitement votre position, madame Vichnievsky. Vous l'avez développée à plusieurs reprises. Je la respecte pleinement. Nous avons un point de désaccord. En tant que rapporteur de la commission, j'émets un avis défavorable, ce qui ne vous surprendra pas.
Nous avons eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec Mme Vichnievsky. J'émets également un avis défavorable. Nous avons pris soin de prévoir quatre éléments qui me conduisent à émettre un tel avis.
Tout d'abord, le juge décide seul de recourir ou non à la visioconférence en matière de prolongation de la détention.
Ensuite, nous voyons à son usage un intérêt pratique : il permet de pallier les distances géographiques dans les territoires où celles-ci sont très importantes. Tel est le cas, pour reprendre l'exemple que j'avais cité lors de la première lecture, de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni qu'une importante distance sépare, qui est gênante pour les extractions judiciaires. Il s'agit donc de pallier un éloignement géographique ou d'éviter de procéder à des extractions judiciaires.
À ce sujet, les difficultés à faire face à la masse des extractions judiciaires empêchent parfois de respecter les délais de comparution, ce qui oblige à remettre en liberté des individus placés en garde à vue. Ces considérations matérielles nous ont amenés à prendre cette décision.
Le troisième élément en faveur du recours à la visioconférence, conformément aux engagements que nous avons pris auprès des avocats et de celles et ceux qui sont intervenus auprès du Gouvernement, est qu'elle est exclue en matière de placement initial en garde en vue. Votre recommandation en faveur d'un dispositif présentiel, madame Vichnievsky, est donc satisfaite, car celui-ci existe, au moins lors de la première comparution. Cette évolution me semble répondre à vos observations.
Enfin, un dispositif similaire – c'est un argument que j'ai déjà également fait valoir – a été prévu dans la loi du 10 septembre 2018 en matière de prolongation de la rétention en zone d'attente.
Ces considérations, me semble-t-il, rendent tout à fait opportune l'usage de la visioconférence dans certaines situations.
Madame Vichnievsky, vous êtes, avec les autres membres de votre groupe, constante à ce sujet. Vous avez adopté la même position dans le cadre de l'examen du projet de loi « Asile et immigration » ainsi qu'en première lecture du texte, dans l'hémicycle comme en commission.
Sourires.
Quel est l'objet du débat sur l'éventualité de la prolongation du mandat de dépôt d'une personne placée en détention provisoire ? Souvent, celle-ci demande à être mise en liberté sous contrôle judiciaire ; souvent, le procureur sollicite le renouvellement du placement sous mandat de dépôt. Le juge des libertés doit alors apprécier la situation, souvent sur la base des garanties de représentation dont justifie la personne placée en détention, qui sollicite sa remise en liberté et son placement sous contrôle judiciaire.
J'ai bâti de nombreux dossiers de ce type et les ai présentés dans le cadre de débats contradictoires. Objectivement, l'appréciation du juge est effectuée sur pièces, notamment des justificatifs que nous, avocats, produisons dans l'intérêt de notre client afin de garantir qu'il dispose, s'il sort de détention, d'un logement, qui plus est éloigné du lieu où l'infraction a été commise, que les victimes peuvent encore habiter et des témoins fréquenter. Tels sont les sujets abordés dans le cadre de ce débat contradictoire. Il s'agit vraiment d'un débat sur pièces : l'avocat a tout loisir de rédiger un mémoire convenablement motivé, d'y joindre les pièces justifiant de ses arguments et de le produire ; le juge, quant à lui, apprécie sur pièces les éléments permettant de motiver une remise en liberté ou un maintien en détention du prévenu.
Il importe de vous rassurer, madame Vichnievsky, et de nous rassurer collectivement : l'usage de la visioconférence dans le cadre du débat contradictoire ne porte pas atteinte aux droits de la défense. Les véritables éléments d'appréciation font l'objet d'un mémoire rédigé par un avocat et transmis au juge pour appréciation.
En fin de compte, nous en revenons au débat initial. À vous entendre, madame la ministre, il s'agit d'un problème de moyens. Si extraire quelqu'un de prison est trop complexe, on recourt à la visioconférence. Voilà le seul problème, et l'unique justification que vous fournissez à l'appui de ce que vous proposez, ce qui est tout de même un peu triste.
Soulignons, tout de même, que nous débattons ici d'une disposition applicable à une mesure privative de liberté – la mesure la plus absolue – , qui vise, de surcroît, un présumé innocent puisqu'elle s'inscrit dans le cadre de la détention provisoire. Il s'agit de ce qui se fait de pire en matière d'atteinte à l'un de nos droits fondamentaux, même si je ne prétends pas que la détention provisoire doit disparaître de notre système judiciaire.
Par ailleurs, la mesure envisagée est applicable à la prolongation de la détention. Monsieur Mazars, je n'ai pas lu dans le texte qu'elle le soit aux demandes de mise en liberté introduites par la personne mise en examen. Il s'agit d'une mesure privative de liberté d'une personne mise en examen du jour au lendemain et placée en détention provisoire.
Vous arguez, madame la ministre – et c'est exact – , que le magistrat l'aura vu lors du premier placement en détention provisoire. Toutefois, il est fréquent qu'un homme entrant en détention provisoire, lorsque vous le retrouvez trois ou quatre mois plus tard, ne soit plus la même personne, car celle-ci casse un homme, surtout s'il n'y est pas préparé.
En pareil cas, l'humanité dont les magistrats doivent faire preuve – et dont ils font preuve dans l'exercice de leurs fonctions – doit leur permettre de palper l'état de la personne qu'ils maintiendront ou non en détention, de sentir dans quelle disposition psychologique elle se trouve. Je pense que la mesure proposée n'est pas la bonne et soutiens l'amendement, d'autant plus qu'il est issu de l'expérience, de Mme Vichnievsky.
Je me joins au soutien des amendements. Très clairement, notre collègue Savignat l'a brièvement suggéré, il est difficile d'admettre qu'on renonce à procéder à une extraction judiciaire en raison de la distance géographique. Au demeurant, cette situation ne se présente pas tous les quatre matins. J'en conviens, s'il faut parcourir une grande distance, l'aller-retour mobilise une équipe toute la journée, ce qui n'est pas toujours évident. Pour autant, la société et les pouvoirs publics doivent à chacun, en contrepartie de son incarcération, le droit à comparaître devant le juge, qui prolongera ou pas la détention, provisoire ou non.
D'ailleurs, on prend des précautions en la matière, par exemple en interdisant le recours à la visioconférence si le prévenu est mineur. Je comprends que les mineurs fassent l'objet d'une protection accrue, mais un détenu reste un détenu et je ne vois pas pourquoi on ferait une distinction sur ce point.
En outre, le problème du placement de l'avocat demeure. De quel côté de la visioconférence se place-t-il ? Celui de son client ou celui du magistrat ?
Ce n'est pas la même chose ! De nombreuses anecdotes d'avocats rapportent que la transmission vidéo peut être interrompue et que l'image n'est pas nette, à tel point que le magistrat n'entend plus le prévenu. Par-delà ces exemples de mauvaise qualité du matériel utilisé, l'avocat a vocation à s'adresser aux deux parties, donc à voir la personne prévenue susceptible d'être maintenue et le magistrat.
Il me semble qu'il s'agit là d'une fausse bonne idée. Il existe sans doute des domaines où l'on peut recourir à la visioconférence, au premier rang desquels nos fonctions actuelles. Je suis certain, cher collègue, que vous communiquez avec vos équipes basées en circonscription par visioconférence. Entre parlementaires, c'est très bien et très utile. S'agissant du maintien en détention, j'en doute.
Il faut raison garder. Si l'argument décisif repose sur le constat qu'on fait parfois venir quelqu'un pour s'entendre dire par le juge au bout de cinq minutes « Nous nous reverrons plus tard », alors il faut anticiper et élaborer des mécanismes permettant d'éviter les déplacements inutiles – pas uniquement s'il est possible de recourir à la visioconférence, mais en toute matière.
Il est très dérangeant et préoccupant de constater que l'on tend à conférer un caractère obligatoire à la visioconférence pour des considérations essentiellement budgétaires. Ce faisant, on altère un principe démocratique en matière de liberté et de droits de la défense, ce qui, dans cet hémicycle, me pose problème, nonobstant les aspects techniques du sujet. Il s'agit d'un véritable problème de fond. C'est pourquoi les membres du groupe Libertés et territoires soutiendront les amendements.
Mme Vichnievsky et moi-même ne nous sommes pas concertées, mais sommes finalement d'accord au sujet de la visioconférence, comme nous l'étions lors de l'examen du projet de loi « Asile et immigration ». Je le dis très sincèrement. Il se trouve que nous avons été choquées par les mêmes choses.
Ce n'est pas rien ce dont nous parlons. Nous parlons de détention provisoire et de prolongation d'une privation de liberté. J'estime que le dispositif en vigueur convient très bien. Au juge de convaincre et de faire en sorte que la visioconférence progresse, afin que les détenus, rassurés par ce dispositif, acceptent volontiers d'y recourir. Mais de grâce ! ne l'imposons pas à quelqu'un qui est en détention provisoire et qui, peut-être, souhaite rencontrer le juge afin de s'expliquer à l'issue d'une période de privation de liberté.
C'est certes un dispositif pratique, intéressant d'un point de vue budgétaire. Je comprends les difficultés d'extraction, les difficultés physiques ou géographiques, mais elles auraient pu être contournées, en inscrivant dans le texte une clause supplémentaire qui empêcherait le détenu de refuser la visioconférence, ce que le dispositif actuel prévoit déjà « en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion ». On aurait pu imaginer des dérogations de façon beaucoup plus humaine. Je regrette que, malgré nos multiples observations, cette piste n'ait pas été explorée.
Sur le sens et l'efficacité de la peine, je trouve que vous avez fait un bon travail. Le souci de l'insertion et de la lutte contre la récidive se manifeste à toutes les étapes de la procédure. Le respect du justiciable qui se trouve en détention provisoire en ne lui imposant pas une visioconférence dont il ne veut pas, mais plutôt en lui suggérant soit la visioconférence, soit la rencontre avec le juge, c'est une première entrée dans une discussion d'insertion.
Aux excellents arguments développés par nombre de mes collègues issus de différents groupes, que je remercie, je voudrais en ajouter un autre – ou plutôt retourner un argument utilisé par mon excellent, lui aussi, collègue Stéphane Mazars.
Vous indiquez que la prolongation de la détention provisoire se fait très largement sur dossier. C'est vrai, mais l'éloignement physique de la personne détenue renforcerait encore le caractère formel de cette mesure, dont le taux, vous le savez certainement tous, est très anormalement élevé dans notre pays par rapport à nos voisins européens. Votre argument, mon cher collègue, me semble donc justement aller dans le sens de l'adoption de cet amendement.
Les considérations budgétaires ne sauraient primer dans ce cas. De plus, il existe déjà des dérogations au refus de l'intéressé, en cas de troubles possibles à l'ordre public.
Enfin, vous avez rappelé, madame la ministre, que les juges des libertés et de la détention, ainsi que les présidents des chambres de l'instruction, auront la possibilité d'apprécier l'opportunité de recourir à cette mesure. Mais, je le sais par expérience, ils subiront une pression forte de leurs collègues du parquet comme de l'administration pénitentiaire.
Pour toutes ces raisons, j'espère que ces amendements seront votés.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 263 .
Dans le cas où la visioconférence était simplement proposée, il s'agissait de prévoir que l'avocat soit avisé, le détenu pouvant ne pas mesurer toutes les conséquences de son usage.
Je retire cet amendement, devenu sans objet dès lors que nous avons considéré que la visioconférence s'imposait au détenu pour lui signifier, le cas échéant, une prolongation de sa détention provisoire.
L'amendement no 263 est retiré.
Elle ne s'impose nullement !
L'article 35, amendé, est adopté.
L'article 35 bis est adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement de suppression no 750.
Nous ne souhaitons pas cette restriction du contradictoire au moment de l'instruction, ni cette dégradation du contrôle par la chambre de l'instruction. Aujourd'hui, l'instruction permet de construire un dossier qui permet de bien juger, notamment parce que la défense a disposé du temps suffisant pour faire son travail.
C'est un recul que propose cet article, et nous le refusons.
L'amendement no 750 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ces amendements visent à permettre à la défense d'exercer pleinement ses droits.
L'amendement no 486 porte de quinze jours à un mois, à partir de l'envoi de la notification par le juge d'instruction, le délai durant lequel la défense peut faire savoir au juge d'instruction qu'elle entend exercer les droits visés aux IV et VI du nouvel article 175.
L'amendement no 486 conserve un délai de quinze jours, mais en le faisant courir à partir de la réception de la notification par le juge d'instruction.
Quant à l'amendement no 873 , qui vient tout de suite après, il propose d'inverser la logique du dispositif du nouvel article 175 du code de procédure pénale : nous proposons de créer une présomption d'exercice de leurs droits par les parties. Celles-ci auraient la possibilité de notifier qu'elles renoncent à exercer ces droits visés aux IV et VI de ce nouvel article.
Avis défavorable.
Sur l'amendement no 486 , le délai était initialement de dix jours, et nous l'avons fixé à quinze jours. C'est la situation actuelle, et cela nous paraît suffisant : le conseil doit simplement dire s'il souhaite faire des observations. Il n'a pas à les déposer. Quinze jours pour dire « oui » ou « non », cela paraît bien assez.
Quant à l'amendement no 485 , c'est l'envoi qui marque le début des délais au cours de l'ensemble de la procédure. Choisir la date de réception entraînerait des difficultés pratiques et des contentieux – je n'ai pas reçu la notification, je l'ai reçue très tard… Non. Restons-en au droit actuel, parfaitement maîtrisé par les professionnels du droit. La justice n'a pas besoin de contentieux supplémentaires.
Avis défavorable également. Nous parvenons là, me semble-t-il, à un mécanisme équilibré, puisque nous sommes passés de dix à quinze jours, à la suite des discussions que nous avons eues en commission des lois, mais aussi après des objections formulées devant moi par les avocats, qui ont beaucoup insisté sur ce point.
Nous avons donc déjà accepté plusieurs améliorations. Aller au-delà comme vous le suggérez risquerait d'allonger les délais, ce que nous ne voulons évidemment pas.
Cet amendement reprend une proposition du Conseil national des barreaux. Je comprends que vous ne souhaitiez pas modifier le délai de quinze jours, ni alourdir la procédure en faisant courir le délai à partir de la date de réception.
En revanche, ne pourrait-on pas considérer que les parties sont présumées ne pas renoncer à exercer leurs droits, mais qu'elles peuvent notifier une telle renonciation dans les quinze jours ? Ce serait une mesure de simplification. Ces décisions sont lourdes de conséquences ; dans ce sens, une erreur serait bien moins grave.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 873 .
Avis défavorable : cela reviendrait à maintenir le droit existant. Nous voulons, au contraire, améliorer la situation.
L'amendement no 672 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 36, amendé, est adopté.
L'article 37 A est adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement de suppression no 501.
C'est un sujet dont nous avons déjà largement débattu en première lecture : cet article vise à étendre le champ d'application de l'amende forfaitaire à de nouveaux délits, dont celui d'usage illicite de stupéfiants.
Rappelons d'abord que la procédure de l'amende forfaitaire a été introduite très récemment en matière délictuelle ; aucune évaluation n'a encore été réalisée. Il nous semble donc prématuré d'en étendre le champ.
Selon le Gouvernement, l'application de cette procédure à ces délits permettrait d'alléger l'activité des juridictions tout en permettant une réponse plus systématique et plus dissuasive. Or aucune étude ne vient l'attester. De plus, cette procédure est une faculté ; elle ne se substitue pas à des poursuites devant le tribunal correctionnel. Dans quel cas de telles poursuites seront-elles engagées ? Quels seront les critères pris en compte ?
Vous n'évoquez pas non plus les effets inégalitaires d'une telle mesure, alors même que le ciblage des jeunes hommes de milieu populaire est une réalité. Pour prendre le métro tous les matins à la station Gabriel-Péri, sur la ligne 13, je peux vous dire que je vois exactement ce qui va se produire. Et, si je ne vais que très rarement au métro Passy, je sais aussi à peu près ce qui ne s'y produira pas.
Je crois savoir que le délit dont nous parlons a lieu autant à Passy qu'à Gennevilliers ou Asnières ; mais je sais d'ores et déjà ce qui arrivera : un renforcement des inégalités dans la répression.
Ces dispositions ne traitent pas un problème pourtant important ; au contraire, elles rompent avec une logique de santé publique, ce qui m'inquiète également beaucoup.
Je commencerai par rappeler ce qu'est l'amende forfaitaire, et la position adoptée par la commission. Tout d'abord, l'amende forfaitaire n'est en rien exclusive des autres dispositions pénales à la main du procureur : c'est une possibilité qu'il peut utiliser, ou pas, en opportunité, en fonction de la politique pénale qu'il souhaite mener.
Par ailleurs, les actes concernés doivent être facilement constatables ; ce sont donc plutôt des infractions de voie publique et des infractions simples.
Enfin, cette mesure permet d'améliorer l'effectivité des poursuites. Trop souvent, nous constatons un laisser-aller des services de police.
Nous souhaitons simplement que les parquets disposent d'un outil supplémentaire afin de traiter dans le champ pénal des situations qui le sont rarement. Certes, il y a eu de nombreuses discussions sur l'extension de l'amende forfaitaire à des délits spécifiques, dont celui d'usage de produits stupéfiants, mais il ne s'agira pas de dispositions exclusives d'autres mesures comme les stages, les rappels à la loi ou, le cas échéant, le classement sans suite.
Aux yeux de la commission, la réponse proposée paraît juste, efficace, opportune et parfaitement conforme à la réalité d'une délinquance qui reste une délinquance. La commission est défavorable à l'amendement
Il est défavorable. La procédure de l'amende forfaitaire introduite par la loi du 18 novembre 2016 semble intéressante appliquées à un certain nombre de délits. Nous commençons à le constater s'agissant de délits routiers pour lesquels le dispositif est entré progressivement en vigueur depuis le mois de novembre dernier. À ce jour, près de 200 infractions relevées ont déjà fait l'objet d'une amende forfaitaire, et le dispositif semble fonctionner correctement.
Le projet de loi prévoit d'étendre le champ d'application de l'amende forfaitaire à trois délits auxquels s'est ajouté, après les débats de la commission des lois, le délit de vente à la sauvette. Pour le délit d'usage illicite de stupéfiants, il s'agit à la fois de respecter des impératifs de santé publique et d'assurer la répression nécessaire en la matière.
Je suis un peu embêté au sujet des stupéfiants, car les amendements destinés à exprimer notre position ont été déclarés irrecevables en application de l'article 45 du règlement. En bref, nous sommes favorables à la légalisation du cannabis et à la dépénalisation des usages d'autres stupéfiants.
Monsieur le rapporteur, vous venez de dire que cette délinquance reste une délinquance. Non ! La délinquance n'est délinquance que parce que le législateur en décide ainsi. C'est lui qui dit ce qu'est un comportement délictuel, et ce qui ne l'est pas – ce que nous sommes en train de faire en votant la loi. Autrement, vous choisissez une posture morale qui consiste à désigner la délinquance comme s'il s'agissait d'une vérité révélée.
Dans les faits, on constate qu'en termes de santé publique, d'ordre public, de prévention ou de fiscalité – vous pouvez le prendre par le bout que vous voudrez – , notre politique répressive en matière de consommation de stupéfiants est une catastrophe si on la compare à celle des pays qui sont passés à des politiques de dépénalisation ambitieuse, comme le Portugal, ou même à des politiques de légalisation comme au Canada.
Nous ferions mieux de nous inspirer de ces exemples, d'autant que votre politique va produire des effets pervers. Aujourd'hui, en ville, en cas d'infraction sur la législation sur les stupéfiants, vous écopez en général, pour usage simple, d'un rappel à la loi ; demain, vous devrez payer 150 euros d'amende. Il y a bien un durcissement de la politique pénale, même si l'activité judiciaire diminue par ailleurs.
De surcroît, on le sait, l'activité policière en la matière ne concerne pas tout le territoire de façon indifférenciée, mais seulement certains quartiers, alors même que la consommation de produits stupéfiants est plutôt également répartie sur le territoire. Vous pouvez toujours essayer de m'expliquer que la police ira dans les beaux quartiers pour mettre une amende à ceux qui font usage de stupéfiants : cela n'arrivera pas ! Nous le savons tous. Dans les faits, vous augmentez une pression sociale et policière sur un public déterminé, ce qui ne constitue pas une bonne politique, en particulier en termes de rapprochement entre police et population.
J'ajoute, et c'est essentiel, qu'avec cette mesure, vous ne luttez pas contre le trafic. Aucun trafiquant ne cessera son activité parce que les consommateurs risquent 150 euros d'amende. Ceux qui se baladent à Marseille avec des kalachnikovs et des cagoules doivent bien rigoler. Vous seriez mieux inspirés de renforcer les services de police judiciaire, d'augmenter les rentrées fiscales et de mener de vraies politiques de santé publique en la matière.
Je rejoins les propos de mon collègue sur les autres pays. Nous ne pouvions évoquer ce sujet qu'en passant par un amendement comme celui que nous défendons.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que d'autres dispositifs que l'amende forfaitaire continueraient à s'appliquer. Vous pourriez avoir l'honnêteté de nous dire qu'ils n'existeront plus vraiment une fois que l'amende sera en vigueur. Vous savez parfaitement que les policiers veulent une effectivité des poursuites – ils demandent en quelque sorte des moyens pour la justice, même si ce n'est pas en ces termes – et qu'ils utiliseront l'amende. Elle permettra d'ailleurs de pénaliser demain ce qui ne l'est pas aujourd'hui. Avouez que c'est bien cela que vous voulez faire !
L'amendement no 501 n'est pas adopté.
L'amendement no 265 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 266 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 502 .
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement de suppression que j'ai soutenu il y a un instant. Il vise à ce qu'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants puisse être effectué en lieu et place du paiement de l'amende forfaitaire minorée.
Une telle disposition maintiendrait un outil de responsabilisation des consommateurs de produits stupéfiants en les sensibilisant aux risques sanitaires et sociaux. Il s'agit de proposer une réponse éducative pour enrayer la consommation, plutôt que le paiement d'une amende – même si je comprends bien qu'elle a l'avantage de faire rentrer de l'argent dans les caisses.
Même avis. Mme Faucillon me faisait tout à l'heure injonction, si je puis dire, d'avouer que l'amende forfaitaire allait détruire tous les autres types de réponse pénale. Je suis en désaccord total avec cette vision des choses. La procédure de l'amende forfaitaire délictuelle viendra seulement s'ajouter aux réponses pénales existantes ; elle ne fera que compléter le panel actuel.
La mise en place de cette nouvelle disposition s'accompagnera d'une instruction de politique pénale que j'adresserai aux procureurs généraux et aux procureurs de la République qui déclineront cette politique pénale dans leur territoire. Il leur reviendra d'expliquer sur le terrain les types de réponses diversifiées qui peuvent être apportés. À ce qui existe déjà, comme le rappel à la loi, l'injonction thérapeutique ou le stage de sensibilisation que vous évoquez dans votre amendement no 502 , nous ajoutons l'amende forfaitaire afin de mieux lutter contre un certain type d'infractions. C'est un ajout, et cela ne constituera pas la seule réponse pénale en la matière.
L'amendement no 502 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 802 .
Il vise à supprimer les alinéas 14 et 15 qui précisent que la procédure de l'amende forfaitaire est applicable aux contraventions du code rural et de la pêche maritime destinées à assurer la protection des animaux.
En premier lieu, ces dispositions sont inapplicables, car l'article auquel elles se rapportent n'est pas relatif aux infractions pénales. Ces dispositions n'auront, par conséquent, aucun effet puisque la procédure de forfaitisation ne peut s'appliquer qu'aux infractions pénales précisément identifiées.
En deuxième lieu, l'application de la procédure d'amende forfaitaire aux contraventions ne relève pas du domaine de la loi mais de celui du règlement, selon l'article R. 48-1 du code de procédure pénale. Cette procédure est déjà applicable à certaines contraventions figurant dans le code rural et de la pêche maritime. C'est en particulier le cas de certaines contraventions relatives à la protection des animaux en cours de transport, ou encore de celles relatives à la protection des animaux au moment de leur abattage.
Le Gouvernement entend les préoccupations relatives à la protection des animaux. Il procédera par décret à l'extension de la procédure de l'amende forfaitaire à d'autres contraventions réprimant la maltraitance animale dès lors que leur constatation relève d'une certaine évidence. Nous ne faisons, en quelque sorte, qu'opérer un basculement du législatif vers le réglementaire.
Cet amendement du Gouvernement fait suite à un amendement voté en première lecture. Il n'y a strictement aucun doute sur le fait que le Gouvernement et notre commission sont très sensibles à la cause animale. L'amendement initial visait les animaux domestiques et apprivoisés, et je remercie Mme la ministre d'en avoir conclu que le Gouvernement examinerait les moyens susceptibles d'assurer une meilleure protection, en particulier en regardant si l'amende forfaitaire contraventionnelle pouvait s'avérer utile.
Nous n'avons donc aucun problème de fond avec des dispositions qui nous posent, en revanche, un problème juridique incontournable au regard des articles 34 et 37 de la Constitution qui définissent, l'un, le domaine de la loi, et l'autre, le domaine réglementaire. Nous avions voulu modifier par la loi une disposition contraventionnelle qui relève du champ de compétence du Gouvernement. L'objectif était le bon, mais le moyen utilisé ne l'était pas. Il ne faut donc pas passer par la loi pour étendre l'amende forfaitaire aux contraventions assurant la protection animale. La commission est favorable à l'amendement.
Il s'agit, d'une certaine façon, d'un amendement de sagesse, notamment sur le plan juridique. Nous sommes réunis pour faire la loi, mais nous ne la votons que dans le respect de la Constitution et de la hiérarchie des règles du droit. Il ne serait pas bon, en particulier en matière pénale, que le Parlement empiète sur le domaine réglementaire.
Il me paraît sage également de reconnaître la cause animale, et c'est d'ailleurs bien pourquoi le code pénal réprime déjà, et heureusement, les mauvais traitements à animaux par des sanctions totalement justifiées. Cela dit, dans le contexte actuel où les opinions ont tendance à se crisper, il est bon de ne pas ajouter un facteur de crispation en envoyant un signal qui, on nous l'a bien fait remonter, serait perçu négativement notamment par la profession agricole. Même si animaux de compagnie et animaux d'élevage ont droit au respect eu égard à leur qualité « d'êtres vivants doués de sensibilité » reconnue par le code civil, si on les confondait, la situation pourrait vite s'envenimer.
Je crois donc que cet amendement du Gouvernement est plein de sagesse à la fois sur le plan juridique et sur le fond par son approche bienveillante. Le groupe les Républicains vous apporte, madame la garde des sceaux, son plein soutien.
L'amendement no 802 est adopté.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 14 .
Cet amendement vise à étendre le champ d'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis d'une peine d'amende. Sauf disposition contraire, le montant de l'amende forfaitaire serait de 300 euros, ou 250 euros en cas de paiement immédiat, et de 600 euros en cas de majoration.
L'amendement no 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 37, amendé, est adopté.
L'amendement no 830 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
C'est un amendement sur la composition pénale que nous avions déjà déposé mais que je n'avais pas pu défendre dans l'hémicycle. Je ne m'étendrai pas, car il me paraîtrait plus pertinent que nous y revenions dans le cadre du travail de réflexion que nous aurons sur la justice des mineurs – sauf si la commission et le Gouvernement acceptaient d'entrée l'amendement… Il serait, en tout cas, sage d'exclure de la problématique de la justice des mineurs le dispositif de la composition pénale.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 488 .
Les mineurs, pour la plupart, n'ont pas la maturité ni l'information suffisantes pour mesurer les conséquences de la composition pénale, une mesure inscrite au casier judiciaire. La composition pénale est inadaptée aux mineurs, qui pourraient bénéficier d'une prise en charge éducative en passant devant le juge des enfants, sachant que l'accès au juge permet de prendre le jeune dans sa globalité et souvent de limiter la récidive.
La composition pénale est une procédure composite : elle n'est pas réellement une alternative aux poursuites puisqu'elle est inscrite au casier judiciaire, mais elle suspend les poursuites. Le mineur se verrait fixer des obligations par un délégué du procureur sans jamais voir un juge spécialisé pour mineur puisqu'une homologation sur dossier est la règle, à moins que le mineur ne sollicite une audition sans qu'on sache quand elle aura lieu ni avec quel avocat. Un tel dispositif est préjudiciable à l'enfant et contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945 qui fait primer l'éducatif sur le répressif, alors même qu'un majeur, lui, passe devant un juge lors de l'homologation de la composition pénale.
Contrairement aux opinions qui viennent d'être développées, je crois aux vertus de la composition pénale, car elle permet une réponse rapide et bien comprise, y compris pour les mineurs. Elle existe déjà pour ces derniers à partir de l'âge de treize ans ; je pense qu'il faut la maintenir en l'état. Je rappelle qu'elle se traduit par des stages, des peines d'intérêt général ou d'autres décisions directement liées aux faits la justifiant. Cela dit, je rejoins Cécile Untermaier sur le fait qu'il faudra sans doute mener dans un autre cadre le débat sur la composition pénale et sur la palette pénale applicable aux mineurs. À ce stade, l'avis est évidemment défavorable.
Même avis. C'est un dossier que nous reprendrons lors du débat sur l'ordonnance de 1945.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 751 .
L'amendement propose de limiter le recours à la composition pénale. Vous avez fait le choix, madame la ministre, de supprimer tout seuil pour le recours à ce mode d'alternative aux poursuites laissé entre les mains d'un procureur et sous la seule homologation d'un juge du siège. Encore une fois, vous faites le choix d'une piètre justice pénale en généralisant une procédure initialement destinée à s'appliquer aux situations les moins graves, ce qui ne sera plus le cas après l'entrée en vigueur de cet article. Cela traduit, pour notre groupe, une justice inégalitaire, réduite à une seule volonté non de justice mais de productivité, et qui maltraite tant les droits de la défense que ceux des victimes.
Je viens d'entendre des qualificatifs appliqués à la justice qui me paraissent totalement disproportionnés, inadaptés, qui n'ont pas cours dans cette enceinte. Au contraire, c'est une justice individuelle, adaptée aux différents cas, qui est visée. Je donne donc un avis de rejet pur et entier sur cet amendement.
L'amendement no 751 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Notre groupe s'interroge vraiment sur l'extension du champ de la composition pénale telle qu'elle découlerait de l'alinéa 6 s'il était voté dans sa rédaction actuelle. En l'état du droit, le recours à cette procédure est réservé à « une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans », ce qui est déjà considérable. La limitation actuelle est saine et garantit une action publique et la saisine de la justice dans les cas les plus graves. La suppression de cette limitation nous semble très problématique.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 487 .
Comme le rappelle très opportunément le Syndicat de la magistrature, la composition pénale est un mode alternatif aux poursuites qui fait du parquet, souvent par l'intermédiaire d'un délégué du procureur, un quasi-juge, sous la validation formelle du juge homologateur, et ce en dehors de tout débat judiciaire. Alors qu'elle était initialement conçue par le législateur de 1999 comme une simplification destinée à répondre aux délits les moins graves – passibles de cinq ans au plus d'emprisonnement – par des mesures acceptées par l'auteur en échange de l'absence de poursuite, le projet de loi supprime toute limite, rendant le dispositif superficiel et dégradé, et applicable à l'ensemble des délits, dans une démarche dont le seul horizon est le rendement et la poursuite d'une politique de majoration de la réponse pénale.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement no 620 .
Mes collègues ont déjà expliqué la motivation de ces amendements et la nécessité de conserver l'état actuel du droit s'agissant du seuil au-delà duquel la composition pénale n'est plus possible. Ce seuil est actuellement de cinq ans d'emprisonnement, ce qui est déjà très conséquent. Les infractions passibles d'une telle peine sont graves. Or le projet de loi propose d'étendre la possibilité de la composition pénale à tous les délits, soit jusqu'à dix ans d'emprisonnement. Je n'envisage pas que l'on ait pu concevoir une application possible aux auteurs de trafic de stupéfiants, d'extorsion de fonds aggravé ou de violences entraînant une infirmité permanente, mais ce serait alors théoriquement possible. Qui plus est, dans le cadre d'une composition pénale, le procureur ne pourra, comme aujourd'hui, proposer qu'une peine d'amende ou une mesure de réparation de type stage de citoyenneté ou autres.
Je veux insister sur trois points. La composition pénale étant une alternative aux poursuites, l'action publique n'est jamais déclenchée. Cela entraîne la disparition de l'audience correctionnelle et, avec elle, la publicité du jugement de l'affaire et même la connaissance de son existence par le public, donc le contrôle citoyen. Je rappelle que les juges statuent publiquement – c'est une des caractéristiques premières de leurs décisions. Enfin, l'intervention du juge serait réduite à une simple fonction de validation, limitée, de surcroît, par le projet de loi aux cas les plus graves.
Pour toutes ces raisons, je maintiens de toutes mes forces cet amendement que notre groupe MODEM a déposé, à l'instar de deux autres groupes.
Cette question de la composition pénale nous a valu beaucoup de débats, tant en commission qu'en séance publique, en première lecture puis en nouvelle lecture. Le texte, dans sa rédaction actuelle, vise à l'extension de la composition pénale à tous les délits. J'ai écouté les trois orateurs des groupes Socialistes et apparentés, GDR et MODEM, et, en tant que rapporteur, je ne peux balayer d'un revers de main la position qu'ils ont défendue. Elle mérite considération en ce qu'elle répond à une problématique d'équilibre qui n'a peut-être pas été résolue dans le texte. À cet égard, je rejoindrai assez facilement ce que dit Laurence Vichnievsky, à savoir que la composition pénale permet un procès qui n'en est pas un, une procédure qui n'en est pas une, puisqu'elle échappe aux règles habituelles en la matière, telles que la publicité.
En outre, il est exact que si la composition pénale fournit des outils au monde judiciaire, ceux-ci sont seulement, quelle que soit leur importance, de premier niveau puisqu'il n'y a pas d'incarcération. On pourrait alors se trouver devant des cas de disproportion entre la gravité de certaines infractions et la réponse apportée, si le plafond était relevé à dix ans.
Je crois fondamentalement que vous avez eu raison, mes chers collègues, d'introduire ce débat. En tant que rapporteur, au vu du réel comme de la synthèse des arguments, j'émets un avis favorable à vos amendements.
Par ces amendements, vous souhaitez revenir sur l'extension que nous avions conférée à la composition pénale. Nous avions choisi cette extension dans un souci de souplesse pour les juridictions, en pensant qu'elle était utile.
Cependant, comme M. le rapporteur, nous entendons vos observations et inquiétudes. Aussi nous a-t-il semblé plus sage de revenir aux dispositions que vous proposez dans vos amendements. Avis favorable.
J'approuve ces amendements parce que faire la loi, c'est certes faire preuve d'audace et d'anticipation, mais c'est aussi ne pas oublier d'où l'on vient et comment fonctionnent nos institutions. Je rejoins Mme Vichnievsky, l'audience est aussi très importante, car elle a une vocation pédagogique et une vocation pour le grand public. Je loue la position de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux. Ces amendements contribueront au respect nos institutions et à donner son sens à la peine prononcée.
Nous nous associons donc chaleureusement et vigoureusement à ces amendements qui portent sur une matière profondément ancrée dans nos institutions.
Je tiens à saluer les propos du rapporteur, mon excellent collègue Didier Paris, et de Mme la ministre, non parce qu'ils satisfont notre demande mais parce qu'ils reconnaissent que l'obligation de la publicité des audiences nous contraint à revenir en arrière.
Je suis très sensible à leur décision, qui est sage, et je les remercie d'avoir su revenir sur leur position, ce qui n'est jamais facile.
Je voudrais également saluer la décision de M. le rapporteur et Mme la ministre. Je les remercie d'avoir été sensibles aux arguments que nous tous avons défendus.
Avec ces amendements, nous préserverons l'équilibre entre les fonctions du procureur de la République, qui poursuit, et du juge, qui juge. Nous revenons ainsi aux règles plus classiques de l'organisation du procès pénal, et je crois que nous le faisons avec raison.
Je prends la parole non pour tresser des lauriers, car ce serait exagéré, mais pour adresser des remerciements à Mme la garde des sceaux et à M. le rapporteur qui, une fois n'est pas coutume, sont à l'écoute.
Il est important que nous nous retrouvions sur ce point. Il est des symboliques fortes, il est des lieux qui ont un statut que nul autre ne possède : le voir est une marque de sagesse.
Je salue, à quelques minutes d'intervalle, les deux éléments de sagesse que sont l'amendement no 802 , adopté précédemment, et la décision que vous venez de prendre. N'hésitez pas à répondre à l'invitation de « jamais deux sans trois », qui vous tend la main !
Sourires.
C'est à mon tour de saluer, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la sagesse du rapporteur et de la ministre. Je mesure d'autant mieux le caractère exceptionnel de leur écoute qu'elle s'est jusqu'ici manifestée à dose homéopathique !
Comme je suis désespérément optimiste, je crois que vous serez encore capables de faire preuve d'ouverture d'esprit avant la fin de la séance.
L'amendement no 833 de Mme Laurence Vichnievsky est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, je donnerai un avis défavorable.
L'amendement no 833 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 489 .
L'amendement no 489 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 490 .
L'amendement étant parfaitement satisfait, il est défavorable, à moins d'un retrait.
Mon collègue Jumel, auteur de l'amendement, étant absent, je ne me permettrai pas d'en décider le retrait.
L'amendement no 490 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 752 .
Il limite aux personnes physiques la possibilité du recours à la composition pénale, à l'exclusion des personnes morales.
Nous craignons que l'ouverture aux personnes morales que prévoit le projet de loi ne conduise à de sérieuses dérives. En effet, ce dispositif permettrait un traitement non public des affaires de délinquance financière touchant, par exemple, des multinationales ou des grosses entreprises. Or les affaires de ce type se multiplient, la presse s'en faisant très régulièrement l'écho.
La composition pénale pour des personnes morales peut amener des entreprises à reconnaître leur culpabilité afin d'éviter des poursuites qui porteraient préjudice à la notoriété de l'entreprise. Les multinationales préfèrent souvent, et même toujours, payer plutôt que de voir leur nom affiché dans la presse pendant des semaines.
Il nous semble donc extrêmement important de limiter cette procédure aux seules personnes physiques.
Même avis. Ce que vous avancez ne saurait « marcher », si je puis m'exprimer ainsi, pour la grande délinquance financière, car seules des infractions de gravité modérée pourraient faire l'objet d'une composition pénale.
L'amendement no 752 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 753 .
Il vise à supprimer la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de la procédure pénale française. Cette procédure, qui tend à se généraliser et à se banaliser, est injuste et inégalitaire. Par ailleurs, elle n'a jamais fait l'objet d'un bilan qualitatif.
L'amendement no 753 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 491 .
L'amendement no 491 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 677 .
C'est un amendement sur la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC – que nous venons d'aborder et qui est, dirais-je, un amendement de souplesse permettant au parquet de jouer sur les peines complémentaires et sur l'inscription, ou non, au B2 et au B3 du casier judiciaire.
L'amendement no 677 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 269 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 492 .
Dans le cadre de la CRPC, afin d'améliorer les chances de succès de la procédure et d'encourager une forme de négociation, le texte indique que le procureur peut, avant de proposer une peine, informer la personne ou son avocat des propositions qu'il envisage de formuler. L'objectif est qu'un dialogue s'installe avant que le procureur propose officiellement une peine, et qu'ainsi un plus grand nombre de CRPC soient acceptées.
Cet amendement propose que le procureur de la République informe systématiquement la personne ou son avocat des propositions de peine qu'il envisage de formuler.
Même avis. Cet amendement crée une rigidification inutile.
L'amendement no 492 n'est pas adopté.
L'amendement no 676 rectifié de M. Didier Paris, rapporteur, est de coordination.
L'amendement no 676 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 38, amendé, est adopté.
L'amendement de suppression no 582 de M. Jean-Philippe Nilor est défendu.
L'amendement no 582 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 361 .
L'amendement no 361 est retiré.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 754 .
Il vise à augmenter le délai de prévenance à trente jours au lieu de dix actuellement afin de renforcer les droits de la défense garantis par la Constitution ainsi que le droit à un procès équitable.
Cet allongement du délai est une garantie minimale donnée aux justiciables afin de permettre aux avocats de préparer leurs défenses. Le délai actuel de dix jours n'est en effet pas suffisant au regard de l'exigence de bonne justice, car il ne permet pas aux personnes prévenues de constituer leur dossier en défense de manière satisfaisante.
Le délai de dix jours est un délai assez fréquent qui « tourne » bien, si je puis parler ainsi. L'avis de la commission est défavorable.
L'amendement no 754 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l'amendement no 435 .
Cet amendement introduit par le Sénat en première lecture augmente de trois à cinq jours ouvrables la durée possible de la détention provisoire du prévenu déféré selon la procédure de comparution immédiate lorsque la réunion du tribunal est impossible le jour même.
Le Gouvernement a souhaité supprimer cette disposition en commission. Il vous est proposé de la réintroduire.
Cher collègue, je vais vous demander de retirer cet amendement, car il réintroduit une disposition que nous avons déjà rétablie dans le texte. Elle ne se trouve pas à cet endroit et l'alinéa n'est pas exactement le même, mais je puis vous garantir qu'elle y figure.
Depuis tout à l'heure, on sent que tout se passe bien et qu'il est possible d'avoir confiance. Cette confiance ne durera peut-être pas mais, dans le cas présent, nous vous l'accordons : nous retirons donc cet amendement.
L'amendement no 435 est retiré.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 755 .
Avec cet amendement, le groupe de La France insoumise vise à supprimer la procédure de comparution immédiate de la procédure pénale française.
Nous faisons le constat que cette procédure ne respecte pas les droits fondamentaux, en particulier les droits de la défense. Elle représente, là encore, une justice dégradée. L'urgence imposée par cette procédure constitue un déni de justice, car elle réduit les droits de la défense, ne permet pas aux victimes de faire valoir leurs droits et aboutit à une piètre qualité du débat judiciaire.
De plus, elle est génératrice d'emprisonnement soit en détention provisoire, soit en peine d'emprisonnement proprement dite. Elle est aussi un échec en matière de gestion de la récidive.
Pire, un travail de recherche de Virginie Gautron comparant des personnes placées dans des situations pénales identiques a montré que la probabilité de faire l'objet d'une comparution immédiate est deux fois plus importante pour les chômeurs et trois fois plus importante pour les personnes nées à l'étranger et les personnes sans domicile fixe.
Nous ne pouvons, par conséquent, accepter cette procédure de comparution immédiate qui s'est banalisée au détriment des droits fondamentaux.
Il est totalement opposé, d'une part, parce qu'il est impératif que le droit français ait des capacités de réaction immédiate à des situations qui, sans mériter de longues enquêtes, sont constatées et que l'on ne peut pas laisser sans réponse.
D'autre part, vous avez tort, les droits de la défense sont parfaitement respectés. Une personne comparaissant en comparution immédiate peut demander des délais pour préparer sa défense, conformément au code de procédure pénale. L'avis de la commission est donc négatif.
L'amendement no 755 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à ce que les dispositions de l'article 39 ne soient pas applicables dans les collectivités d'outre-mer.
La procédure de comparution à délai différé est certes affichée comme une mesure de simplification essentielle du projet de loi. Elle aura cependant pour effet d'augmenter de manière considérable le nombre de personnes qui vont être en contact, pour un temps encore prolongé, avec l'univers carcéral, au sein duquel se développe malheureusement un état d'esprit néfaste à la réinsertion.
La France ne cesse de s'illustrer en matière de surpopulation carcérale : selon les chiffres répertoriés sur le site internet du ministère de la justice, elle comptait, au mois de juillet 2018, plus de 70 710 personnes détenues sur l'ensemble du territoire. Cette tendance ne devrait pas être radicalement inversée, car ce ne seront pas 15 000 mais seulement 7 000 places qui devraient être ouvertes au terme de ce quinquennat.
Cette situation inacceptable, qui se dégrade d'année en année, est particulièrement critique en outre-mer. En Martinique, en maison d'arrêt, l'on compte 498 détenus pour 371 places disponibles. Les individus placés en détention provisoire sont encore plus livrés à eux-mêmes, privés de véritables activités de réinsertion. En conséquence, il est évident que cette mesure de comparution à délai différé sera encore plus pénalisante pour les outre-mer.
J'ajoute qu'en raison de la situation des centres pénitentiaires en outre-mer et sur plainte de personnes y étant incarcérées, l'État est régulièrement condamné pour traitements dégradants à payer entre 1 200 et 15 000 euros. Jusqu'ici, le nombre de plaignants représente une balance encore positive, l'État préférant payer des amendes plutôt que d'améliorer les conditions de vie inhumaines de ces personnes. Cependant, si les plaintes se généralisent, il faudra revoir le raisonnement mathématique qui a jusqu'à présent été privilégié.
Il s'agit quasiment du même amendement, que je vais défendre au moyen d'arguments complémentaires.
Nous ne nous situons pas, bien entendu, en dehors de la problématique de la réforme de la justice, madame la ministre. Nous considérons que nous devons en débattre sur la base du principe de l'égalité. Personnellement, toutefois, je suis également un défenseur d'une différenciation législative.
Quand la surpopulation carcérale atteint 135 %, comme c'est le cas en Martinique, 207 % à maison d'arrêt de Baie-Mahault en Guadeloupe, 165 % à la prison de Basse-Terre ou encore 143 % à la prison Remire-Montjoly, en Guyane, la situation est difficile.
La procédure de comparution différée, que vous présentez comme une mesure de simplification, va, selon nous, à moins que vous ne prouviez le contraire, conduire à une surpopulation carcérale encore plus importante.
Nous proposons donc, au titre de l'article 73 de la Constitution, que cette procédure ne soit pas appliquée outre-mer dans le cadre de l'expérimentation que vous voulez mettre en oeuvre, en attendant de trouver des solutions en matière de population carcérale.
Je vous ferai, d'ailleurs, la même proposition concernant votre expérimentation portant sur les tribunaux de grande instance et sur les tribunaux d'instance. Je considère en effet que la justice de proximité est fondamentale et que les conditions économiques et sociales sont essentielles. On ne peut pas se permettre de ne pas en tenir compte pour démanteler aussi rapidement la justice de proximité.
Je vais tout d'abord m'exprimer avec une certaine humilité, car je suis clairement beaucoup moins connaisseur que vous, chers collègues, de la situation des outre-mer.
Néanmoins, qu'est-ce que la comparution différée ? Simplement le fait pour un tribunal devant lequel une personne comparaît de considérer qu'il n'est pas en situation de juger immédiatement parce qu'il manque un certain nombre d'éléments de procédure ou d'expertises. À partir de là, il peut décider que cette personne puisse recomparaisse devant lui, dans un délai qui ne peut excéder deux mois.
Avant l'expiration de ce délai, ce tribunal a, de manière tout à fait normale, toutes les possibilités d'appréciation de la situation. Il peut, en attendant l'expiration du délai, placer la personne en détention, évidemment de façon provisoire. Il peut également décider d'un contrôle judiciaire ou prendre tout autre type de mesure issue de la palette habituelle. Je vous demande donc juste de ne pas faire un lien direct entre comparution différée et incarcération. Ce lien n'existe pas.
En fait, la comparution différée ne change rien à la situation pénale des personnes qui comparaissent devant un tribunal. Elle constitue juste une technique, parfaitement saine, qui permet à cette juridiction de ne pas prendre de disposition abrupte et de repousser un peu le délai de jugement afin de mieux comprendre le cas auquel elle est confrontée. C'est le premier élément.
Second élément, vous soulignez la situation ultramarine et je comprends parfaitement ce dont vous faites état. Celle-ci, cependant, au regard des chiffres que vous avez vous-même donnés, cher collègue Letchimy, n'est pas, à ma connaissance et à celle de la commission des lois – je parle sous le contrôle de sa présidente, qui connaît mieux que moi ces questions – , singulièrement différente de celle de maisons d'arrêt que nous pouvons rencontrer sur le territoire métropolitain. Je ne vois donc pas bien, partant de là, pour quelle raison nous devrions introduire une rupture d'égalité devant le service public de la justice.
Une disposition qui est bonne vaut à un endroit comme à un autre. Je comprends votre problématique ; je la maîtrise évidemment moins que vous, mais je n'y suis fondamentalement, pour des raisons de principe et aussi d'effectivité concrète, pas favorable.
Il est également défavorable, et d'abord pour un motif tenant au raisonnement. Finalement, cette procédure de comparution différée permet de lutter contre la détention provisoire beaucoup mieux que si une information judiciaire est engagée. Il me semble que, dans ce cadre-là, on a tout intérêt, au contraire, à essayer de mettre en place la procédure de comparution différée.
Vous avez, par ailleurs, évoqué plusieurs territoires ou départements d'outre-mer. C'est bien parce que j'ai connaissance des difficultés, aussi bien au regard des palais de justice que des établissements pénitentiaires, et surtout de ceux-ci, que j'ai fait plusieurs annonces de construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Je suis allée en Guyane où j'ai annoncé la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire, non pas à Remire-Montjoly, mais au contraire à Saint-Laurent-du-Maroni, afin de décharger le centre pénitentiaire de Remire-Montjoly. Je me rendrai dans quelques semaines en Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Martin où je ferai également des annonces dans le même sens, qui sont d'ailleurs déjà connues puisque j'ai publié la carte des implantations pénitentiaires.
Nous sommes, par conséquent, dans une double démarche consistant à la fois à désengorger par des constructions nouvelles et à lutter contre la détention provisoire par le biais d'une procédure pénale. Voilà la raison pour laquelle j'émets, concernant ces deux amendements, un avis défavorable.
Bien entendu, monsieur le rapporteur, lorsque je fais allusion à la différenciation et que vous brandissez l'égalité, il faut avoir à l'esprit que ce qui n'est pas uniforme peut être traité de manière différente. Vous imaginez bien que la situation de la Martinique ne ressemble en aucune manière, tant sur le plan de la culture, de l'organisation sociale que du développement économique, au Languedoc-Roussillon.
Si nous sommes dans la République, soumis au principe d'égalité, nous avons toujours défendu, sans tomber dans le communautarisme, le principe de différenciation. C'est d'ailleurs M. Macron qui a posé, dans les débats qu'il a avec nous, la question de la différenciation. On peut parfaitement, demain, et je le souhaite, sur le territoire hexagonal, prendre des mesures législatives qui soient différentes entre le Nord et le Sud. Cela me semble tout à fait légitime. C'est en comprenant la complexité des choses que l'on peut aller vers l'unité. Si la République est une et indivisible, cela n'interdit pas en soi que la diversité soit également un élément de richesse. Je suis donc totalement opposé à cette vision de l'égalité.
Je respecte votre perspective, mais je pense que la comparution différée risque de gonfler le nombre des incarcérations. Vous brandissez une possibilité de réponse quantitative par la construction de prisons. Je n'ai pas reçu de nouvelle de ce type concernant la Martinique, alors que Mme la ministre l'a annoncée pour la Guyane. Je serai donc très attentif à ce que vous allez dire et maintiens donc mon amendement.
Bien évidemment, je suis – et ce n'est pas toujours le cas – d'accord avec l'analyse de mon collègue Letchimy.
Lorsque vous brandissez, monsieur le rapporteur, le principe d'égalité, vous ignorez quelque part que cette égalité est déjà mise à mal dans les faits. Elle ne concerne pas que des éléments quantitatifs. Il ne faut pas seulement prendre en compte les taux de surpopulation dans nos prisons, mais bien leur état et les conditions de vie indignes qui y règnent.
C'est ce qui justifie que l'État est régulièrement condamné, par des tribunaux administratifs ou par la Cour européenne des droits de l'homme, en raison des conditions de vie inhumaines et dégradantes dans les prisons des outre-mer.
S'il est arrivé que l'État a été ponctuellement condamné en raison de la situation au sein d'établissements installés en France hexagonale, s'agissant de l'outre-mer, je crois qu'il y a 100 % de réussite : à chaque fois qu'un prisonnier porte plainte contre l'État, il touche le pactole !
Pour l'instant, cela ne se sait pas beaucoup, mais, en prison, les informations circulent et les avocats peuvent être très actifs en cette matière. Vous verrez qu'à un moment donné, si tous les prisonniers vivant dans ces conditions inhumaines portent plainte, l'impact financier pour l'État sera tel que vous serez obligés de revoir l'équation financière et de prendre en considération ces conditions de vie.
Sans que l'on sache pourquoi, la sévérité des juges est plus grande chez nous : pour les mêmes faits, l'on condamne davantage dans nos territoires à l'emprisonnement. L'article 39 tel qu'il est proposé aujourd'hui va renforcer l'engorgement et donc détériorer les conditions de vie dans les prisons des outre-mer. La sagesse voudrait donc que, dans un premier temps, nous soyons exclus de l'application de ce dispositif. Ce serait une mesure pragmatique, d'intelligence et de bon sens qui serait adaptée à une situation différente.
L'article 39 est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra